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Satyros Phil Brucato, Brian Campbell, John Snead et Rachelle Sabrina Udell
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Crédits
Directeur créatif : Richard Thomas Développement « 20e anniversaire » : Satyros Phil Brucato, avec Bill Bridges Auteurs : Satyros Phil Brucato (texte initial), Brian Campbell (Union technocratique), John Snead (Appendix I) et R.S. Udell (alliés disparates) Textes additionnels : Bill Bridges (Société de l’Éther), Jackie Cassada et Nicky Rea (nouvelles d’introduction des Chapitres Quatre, Six et Neuf), Jesse Heinig (Adeptes du Virtuel), Deena McKinney (Sœurs d’Hippolyte) et Allen Varney (Akashayana, Chœur Céleste, Ordre d’Hermès) Éditeur : Lindsay Woodcock Direction artistique : Richard Thomas et Mike Chaney Conception graphique : Michael Chaney Logo de Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire : Craig Grant Le puissant cartel des cerveaux de Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire : Sean Michael Argo, Ryan Todd Baker, Sherry Lynn Baker, Hope Basoco, Raven Bond, Bill Bridges, Allison Brown, Sandra Damiana Buskirk, Raven Nichole Silva-Barton Danger, Tristan Erickson, Antonios Rave-N Galatis, Valentine Graves, Inky Grrl, Jesse Heinig, James High, Mark Jackson, Jennifer Kellam, Thaynah Leal, Travis Legge, Emili Lemanski, Ryan Loyd, Ben Lyons, Rafael Mastromauro, Lisa « Sid » McClaugherty, Eva Morrissey, Haris Odinsson, Michael Shean, Rhea Shemayazi, Malcolm Sheppard, Bryan Syme, Dan « Khan » Treichel, Rachelle Udell, Amy Veeres, Coyote Ashley Ward, Ian A.A. Watson, Travis L. Williams et Lindsay Woodcock Feuille de personnage : Chris Leland et Mike Chaney Illustrations intérieures : Aaron Acevedo, Andrew Bates, Dan Brereton, Echo Chernik, John Cobb, Guy Davis, Darryl Elliott, Steve Ellis, Langdon Foss, Michael Gaydos, Anthony Hightower, Jeff Holt, Mark Jackson, Leif Jones, Michael William Kaluta, Matthew Korteling, Andrew Kudelka, Jeff Laubenstein, Brian LeBlanc, David Leri, Vince Locke, Larry MacDougall, Robert MacNeil, Matt Milberger, Matt Mitchell, Steve Prescott, Alex Sheikman, Christopher Shy, Dan Smith, Larry Snelly, Richard Thomas, Joshua Gabriel Timbrook, John Van Fleet Basé sur le travail de : Justin Achilli, Bryan Armor, Leonard Balsera, Emrey Barnes, Rachel Barth, Bruce Baugh, Aldyth Beltane, Kraig Blackwelder, David Bolack, Deir’drei Brooks, Bill Bridges, Steven Brown, Satyros Phil Brucato, Zach Bush, Brian Campbell, Jackie Cassada, Mark Cenczyk, John Chambers, Scott Cohen, Lillian CohenMoore, Sam Chupp, Jeff Cisneros, Ken Cliffe, Jennifer Cloduis, Jim Comer, Richard Dansky, Lynn Davis, Stephen Michael DePisa, Ian Dunteman, Chris Early, Jaymi Elford,
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
James Estes, Shanti Fader, Beth Fischi, Roger Gaudreau, Leonard Gentile, Gary Glass, Owl oingback, Andrew Greenberg, Daniel Greenberg, Christine Gregory, Eric Griffin, Heather Grove, Marty Hackleman, Robert Hatch, Harry Heckel, Heather Heckel, Jesse Heinig, David A. Hill Jr, Chris Hind, Kenneth Hite, Conrad Hubbard, Sam Inabinet, Mark Jackson, Tina Jens, Steve Kenson, Ellen Kiley, Nancy Kilpatrick, Sian Kingstone, Adam Koebel, Mur Lafferty, Jason Langlois, Steve Long, Ryan Macklin, Bill Maxwell, Angel Leigh McCoy, Tadd McDivitt, Matt McFarland, Darren McKeeman, Deena McKinney, Judith McLaughlin, James A. Moore, Kevin Andrew Murphy, Clayton Oliver, Derek Pearcy, Wade Racine, Andrew Ragland, Nicky Rea, Mark Rein·Hagen, Josh Roby, John R. Robey, S. John Ross, Rich Ruane, Kathleen Ryan, Malcolm Sheppard, Ethan Skemp, John Snead, Lucian Soulban, Eric P. Taylor II, Scott Taylor, Aron Tarbuck, Richard Thomas, Robert Weinberg, Jeremy Tidwell, Rachelle Sabrina Udell, Allen Varney, Will van Meter, Ian A.A. Watson, David Weinstein, David Wendt, Stephen Wieck, Stewart Wieck, Alex Williams, Travis L. Williams, J. Porter Wiseman, Lindsay Woodcock et Teeuwynn Woodruff Créateurs de Mage : l’Ascension : Stewart Wieck et Satyros Phil Brucato, avec Bill Bridges, Brian Campbell, Sam Chupp, Chris Early, Andrew Greenberg, Robert Hatch, Jesse Heinig, Mark Rein·Hagen, Kathleen Ryan, Stephen Wieck et Travis L. Williams
Remerciements spéciaux :
Sandra « Damiana Silverwitch » Buskirk, pour la vie, l’amour, l’art et la magye. Coyote « All The Things!!! » Ashley Ward, pour la lumière étincelante et les ombres. Bryan « Master of Games » Syme, pour avoir réÉveillé l’esprit. Raven « Strong » Bond, pour les réponses métaphysiques. James « Kin-Speaker » High, pour avoir cheminé le long de la voie. Antonios « Heart-Brother » Rave-N Galatis, Maria « Paint & Paper » Archimandriti, Nina « Wolf-Witch » Galatis, Haris « Blood-Brother » Odinsson, Ioanna « Flame-Knight » Vagianou et tout le gang grec pour la magye au cœur d’Hellas. Richard « Oathkeeper » Thomas, Rose « Taskmaster » Bailey et Ian « Kickstarted » A.A. Watson pour avoir pavé la Voie. Hope « Book Biter » Basoco, Andrew « Facep0lluti0n » McMenemy, Paul de Senquisse, Oracle de la Psyché, Max D. Hammersmith … et Vous Tous, pour avoir gardé la foi.
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Pour Stewart Wieck
Cet ouvrage est dédié à Stewart Wieck, créateur original de Mage : l’Ascension, cofondateur de White Wolf Game Studio, cocréateur du Monde des Ténèbres et celui qui a inspiré tous ceux qui le connaissaient, l’aimaient ou qui ont tout simplement apprécié son travail. De nombreux esprits ont forgé l’univers de Mage, mais tout a commencé avec la vision d’un homme, avec le courage et l’intelligence qu’il a consacrés à cette idée radicale. Le concept de Mage, dans l’esprit de Stewart, est né de toutes les représentations de la magie et de la sorcellerie au travers des différents médias rôlistiques. Plus d’un quart de siècle après qu’il a commencé à travailler sur Mage, sa vision a défié les lecteurs, les créateurs et bien souvent la réalité elle-même. « Toute création nie, en elle-même, le monde du maître et de l’esclave » – Albert Camus, L’Homme révolté Ces mots embrassent non seulement la vision que Stewart avait de Mage, mais également l’effet que l’homme avait sur tous ceux qui le connaissaient. Nous ne pouvons toujours pas croire qu’il a quitté ce monde. Son héritage, cependant, vivra éternellement. Merci, Stew, de nous avoir Éveillés.
Version française
Une publication ARkhane Asylum Publishing
Directeur de publication : Mathieu Saintout Secrétaire d’édition : Fabien Marteau Traduction : Sabine Abbonato, Caroline Hammer, Julie Plagès, Antoine Prono, Natalie Ritzdorf Relecture : Sabine Abbonato et Olivier Larue Maquette : Stéphanie Lairet Version française © Arkhane Asylum Publishing 2019. Tous droits réservés. Sous licence Onyx Path Publishing, Inc. © 2019 White Wolf Publishing AB.
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© 2019 White Wolf Publishing AB. Tous droits réservés. Toute reproduction, même partielle, est formellement interdite sans autorisation écrite préalable, à l’exception d’extraits utilisés à des fins informatives et la reproduction de la feuille de personnage qui est autorisée pour un usage privé uniquement. White Wolf, Vampire, Monde des Ténèbres, Vampire : La Mascarade, Vampire : L’Âge des Ténèbres, Loup-Garou : L’Apocalypse, Mage : L’Ascension et le système du Conteur sont des marques déposées de White Wolf Publishing AB. Tous droits réservés. Tous les personnages, noms, lieux et les textes de cet ouvrage sont des marques déposées de White Wolf Publishing AB.
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Table des Matières Prelude : Il n’est nulle crainte pour celui qui vit éveillé
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Introduction : Orgueil, Pouvoir, Paradoxe 18 L’Art du Changement Épique et intimiste Qu’est-ce qu’un mage ?
18 18 19
Horreur et espoir dans un monde de ténèbres 20 Les différentes éditions de Mage 21 Destins à venir 22 Comment utiliser ce livre 22 Glossaires 23 Terminologie commune 23 Terminologie des Traditions 28 Terminologie de la Technocratie 30
LIVRE I : ÉVEIL Chapitre I : La Voie du mage Des hommes et des dieux
37 38
Le Dormeur doit se réveiller 40 Le mot en « M » avec ce drôle de « y » 41 L’Ascension et sa Guerre 42 L’Avatar 43 Vouloir, c’est pouvoir 46 Conscience, conflit et résolution 46 La conscience 46 Le conflit 46 Résolution 49 La Vérité, avec une majuscule 53
Chapitre II : La Magye, ou l’Art de la Réalité
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Votre Art, votre Science 56 Les bases 56 L’effet du Paradoxe 56 L’orgueil 58 Le pouvoir 59 Qui nous sommes, ce que nous faisons 59 Une fine pellicule de glace 61 Consensus et Croyance 62 La magye coïncidentale 63
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
La magye vulgaire Les Neuf sphères et le langage de la Réalité Jongler avec les sphères Les sphères et leurs capacités Fais-le, ou ne le fais pas
Chapitre III : Le monde d’ombre
64 64 66 67 71
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Une promenade dans le parc
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Un monde de cauchemars Une utopie toxique Pouvoir et Sanctuaire Le fluide vital de la Réalité Quintessence et Tass Les Mondes au-delà Le Goulet Aller au-delà
74 75 76 78 79 80 82 83
Chapitre IV : Les mondes au-delà
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Par-delà les murs
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La Penumbra : la peau du royaume L’infini auquel on a donné corps Le Royaume des Ombres : les trois Umbrae
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L’Umbra astrale, Royaume des idées
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L’Umbra moyenne, reflet de la vie
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L’Umbra profonde, Royaume souterrain de la Mort Les zones Maya, la Zone Onirique Le Royaume du Centre et le Tronc des Anciens La Zone Miroir Les Royaumes du Paradoxe La Terre Creuse La Toile numérique D’où ça vient ? Accès interne
99 101 101 101 102 102 103 103 104 105
Toile vierge, formatée et corrompue 107 Secteurs : Hantises, Contraintes et Réseaux 108 L’Horizon 109 Les Royaumes de l’Horizon 111 R.O. : les Royaumes de l’Ombre 112 Le Second Horizon et l’Éther 112 Les Royaumes du Fragment : éclats de la Genèse 113 L’espace : l’univers lointain 114 Retour sur l’expérience intérieure
114
LIVRE II : CROYANCE Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
119
Ennemis intimes
120
Partie I : Une histoire des Éveillés L’Ère de l’Éveil L’Ère classique Les hauts Âges mythiques La Croisade des Sorciers Une ère de conquête Canons, chaînes et églises Le triomphe de la vapeur et de l’acier Rêver l’impossible Partie II : le Conseil des Neuf Traditions mystiques Un héritage de défi Un fier héritage Buts et idéaux communs Organisation et lois Le certámen : le duel des sorciers Un futur animé ? Descriptions des Traditions Les Adeptes du Virtuel
121 121 121 123 126 127 128 131 134 136 136 136 137 140 143 143 147 148
Le Chœur Céleste
150
Le Culte de l’Extase
152
Les Euthanatos
154
Les Fils de l’Éther
156
La Fraternité Akashite
158
L’Ordre d’Hermès
160
Les Parlesonges
162
Les Verbenae
164
Partie III : l’Union Technocratique Le potentiel Éclairé Buts et idéaux : les Préceptes de Damian Organisation et rangs Les agents non-conventionnels Mutualité et indépendance Les Ingénieurs du Vide
166 166 168 173 180 181 186
L’Itération X
188
Le NOM, Le Nouvel Ordre Mondial
190
Les Progéniteurs
192
Le Syndicat
194
Partie IV : les Disparates
196
L’art de la subtilité 197 Une alliance silencieuse 197 Organisation 199 Les Ahl-i-Batin 202 Les Bata’a
204
Les Enfants du Savoir
206
Les Excavés
208
Les Kopa Loei
210
Les Ngoma
212
Les Orphelins
214
Les Sœurs d’Hippolyte
216
Les Taftâni
218
Les Templiers
220
Les Wu Lung
222
Partie V : les Déchus Préludes à la peste Les ombres prédatrices La trinité diabolique Les sectes déchues Les tactiques des Nephandi Les Arts sombres Partie ?*! : les Fous Principes incertains Au royaume des Fous, tous les hommes sont sains d’esprit Fusions, cabales, confluents et folie solitaire Les tactiques des Fous La magye et les Fous La Folle Mascarade ?
224 224 224 227 228 231 232 234 234 235 237 238 242 243
Chapitre VI : Création de personnage
245
Le côté humain du Pouvoir Avant de commencer… Les traits Point de départ Traits et termes relatifs aux personnages Étapes de la création de personnage
246 246 246 247 248 250
Partie I : créer votre personnage Étape I : concept et identité Étape II : attributs Étape III : capacités Étape IV : avantages Étape V : touches finales
254 254 255 255 256 256
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L’étincelle de vie Exemple de création de personnage
257 260
Le prélude
262
Partie II : les traits des personnages
266
Essences des Avatars
266
Archétypes de personnalité : nature et attitude
267
Attributs 273 Les attributs physiques 273 Les attributs sociaux 273 Les Attributs mentaux 274 Les capacités 275 Talents 275 Les compétences 279 Les connaissances 282 Les capacités secondaires 289 Les talents secondaires 289 Les compétences secondaires 295 Les connaissances secondaires 298 Les historiques 301 Mettre des historiques en commun 301 Les privilèges du groupe : les historiques technocratiques 302 Les historiques 304 Arété/Illumination 328 Effets de l’Arété en jeu 329 Volonté 330 Effets de la Volonté en jeu 330 Quintessence et Paradoxe 331 Effets de la Quintessence en jeu 332 Effets du Paradoxe en jeu 333 Santé 334 Partie III : progression des personnages
335
Points d’expérience 335 Améliorer et acquérir des traits 336 Apprentissage 337 Avatar et Génie 338 Changer de focus et d’allégeance 339 Nature et attitude 339 Résolution 339
Chapitre VII : L’art du conte
341
Les champs du monde comme cours de récré 342 L’important, c’est de jouer 342 Préparer le lieu 345 Créer le mystère 349 Étayer votre concept 349 Terrain d’entente 349 Assembler les pièces du puzzle 353 Conter son histoire 354 Structure du récit 354 Éléments de la narration 355 Personnages 354 Cadre 356 Conflit 358 Résolution 361 De la profondeur 362 Les éléments fondamentaux de Mage 365 La Voie 365 Gérer la magye 370 Paradoxe : le marteau de la Réalité 372 Les types de chroniques 374 La chronique des Traditions 375 La chronique technocratique 376 La chronique disparate 377 La chronique des Orphelins 378 La chronique mixte 379
LIVRE III : ASCENSION Chapitre VIII : Le Livre des règless Le réconfort des règles La règle d’or Tours, scènes et scénarios Lancer les dés Groupements de dés et valeurs des traits Les difficultés
383 384 384 384 385 385 386
Les différents types d’actions 388 Actions multiples 388 Le travail d’équipe 391 Échouer 392 Essayer à nouveau 392 L’échec critique et la règle du 1 393 Réussir 394
Chapitre IX : systèmes dramatiques Vendre du rêve
397 398
Partie I : initiative et déplacement 399 Tours d’action 399 Déplacement 400
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
Partie II : actions dramatiques 401 Actions physiques 401 Art et science 401 Actions sociales et intrigues 402 Partie III : santé et blessures 406 Types de dégâts 406 Traumatismes psychiques 408 Soigner les dégâts 409 Partie IV : combat 410 Prêt pour la baston 410 Initiative 410 Phase I : attaque 410 Phase II : défense 411 Phase III : dégâts 412 Magye et violence 413 Tactiques et circonstances de combat 416 Attaques à distance 419 Corps-à-corps 421 Les arts martiaux 424 Le Do 426 Duels magyques 430
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L’ancien certámen 432 Dangers environnementaux 434 Météo et environnements rigoureux 434 La faim et la soif 435 Le feu 435 Explosions 436 Électrocution 438 Chutes et impact 439 Drogues, poisons et maladie 441 Partie V : le monde technologique 458 Véhicules 458 Inventer, modifier et améliorer les technologies 463 Partie VI : la Toile numérique 465 Règles de la Toile numérique 466 La magye dans la Toile 469 La Toile numérique et la Tempête d’Avatar 473 Partie VII : les Mondes mystiques 474 Moyens d’accès 474 Voyager entre les strates 481 S’orienter 481 La magye dans les Mondes mystiques 483 Partie VIII : entités spirituelles Umbrassées 486 Types d’esprits 486 Traits des esprits 488 Actions des esprits 489 Charmes 490 Interpréter les esprits 495 Pouvoirs d’ambiance 495
Chapitre X : le livre de la magye Une extension de soi Partie I : canaliser la magye La méthode Tableaux de référence de la magye
497 498 500 500 502
Partie II : les sphères 511 Verrouiller un effet 511 Correspondance 512 Entropie 514 Esprit 515 Forces 516 Matière 518 Prime 519 Psyché 520 Temps 521 Vie 522 Données (Correspondance) 524 Science dimensionnelle (Esprit) 525 Utilité primale (Prime) 527 Règle optionnelle : talent brut 528 Partie III : canaliser la magye, pas-à-pas 529 Étape 1 : effet 529 Étape 2 : capacités 530
Étape 3 : jet Étape 4 : résultat Partie IV : l’effet de Paradoxe Sources de Paradoxe Le contrecoup de Paradoxe Les diverses formes du Paradoxe Partie V : la Quiétude Les effets de la Quiétude Types de Quiétude Manifestations de la Quiétude De la sagesse à la démence Partie VI : exemples en jeu
535 543 548 548 549 550 555 556 558 559 561 563
Partie VII : le focus et les Arts Pratique, instruments… Savoir s’en passer La croyance : le coeur du focus Paradigmes courants Pratique : la concrétisation du focus Instruments : les outils du focus Instruments courants Partie VIII : Ajustements, Procédures et routines Ajustements Éclairés Procédures technocratiques Règle optionnelle : Conditionnement social et Reprogrammation sociale Sorts mystiques et routines traditionnelles Partie IX : les zones de réalité Les zones de réalité en jeu Glissement de zone Changer le jeu et changer le monde
566 567 569 569 573 587 589 603 605 603
Appendice I : Alliés et Adversaires
607 609 613 613 618 619
620
Les seconds rôles 620 Bestiaire 620 Parmi les Masses 622 Agents et créations extraordinaires de la Technocratie 625 C.H.A.S.S.E.U.R. 627 Nos frères Éveillés 629 Ennemis Éveillés 631 Les esprits 634
Appendice II : Fins étranges
646
Atouts et handicaps 646 Atouts 646 Handicaps 650 Handicaps génétiques 652 Le coffre à jouets 655 Règles des Prodiges 655 Exemples de Prodiges 657 Prodiges mystiques 657 L’attirail technocratique 659 La biotechnologie 661 Science étrange 665
Postface 668
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Il n’est nulle Crainte pour celui Qui vit éveillé Si nous parlons ou agissons avec un esprit impur, Alors suit la souffrance Aussi sûrement que la roue suit le sabot du bœuf. — Le Dhammapada, Chapitre I : Les Paires, Verset 1
Johnny Il y a ce garçon sur un bateau, voguant dans un ciel violet où l’air étincelle comme un dragon de fin des temps. Il y a cet homme avec son bandeau sur l’œil qui pose une main ferme sur l’épaule du garçon et lui dit : « C’est ici que meurt le monde, fils ». … bien sûr, cela ne s’est pas du tout passé ainsi… Depuis le bastingage, je scrute l’Abysse. J’aime à croire qu’il me scrute en retour, mais je ne perçois que trop bien sa vertigineuse indifférence. Et voici que je touche du doigt la mythique vérité : tout ce que j’ai su un jour n’est que mensonge. « Johnny ! » me crie l’Homme au bandeau, bottes noires toute scintillantes des éclats de notre Armageddon. Je ne veux pas lui répondre. Si c’est bien ici que tout s’achève, ou que tout commence, je veux être seul lorsque cela se produira. Mais l’Homme au bandeau me saisit par le bras, si fort que je sens des choses rompre à l’intérieur. Son visage familier ondule dans la lumière pourpre, jusqu’à n’être plus que ce miroir de cire où se meurent les étoiles filantes. Il me secoue. Mon bras, comme caramel, s’étire au ralenti et soudain se détache. Quelques orbes d’un sang écarlate flottent dans son sillage. Je hurle des papillons cependant que ma mâchoire s’ouvre jusqu’aux confins de la nuée. Le vaisseau vire brusquement de bord, tangue d’une façon cruelle, nous précipite dans ces cieux violacés d’étincelles. « Par ici », me dit-on en me tendant la main ; c’est une fille au regard plus antique encore que le temps. D’un horizon à l’autre, le ciel s’obscurcit, se referme comme l’œil de Dieu. L’Homme au bandeau vocifère tandis qu’il disparaît dans les ténèbres. « Tu es toujours à moi, Johnny ! » Il est mon père.
Ekstatikos Putain, ce que j’ai mal au crâne. Non, attends, j’ai mal partout en fait. Lee Ann, très chère, peut-être qu’après tout tu deviens trop vieille pour ces conneries. Foutaises ! L’âge, c’est dans la tête, à ce qu’on dit, et j’ai eu plus que le temps de réaliser à quel point c’était vrai. Si on se fie au calendrier, je suis bien moins jeune que je n’en ai l’air. Et si je me sens aussi beaucoup plus vieille que je ne le suis, c’est que j’ai arrêté
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de vieillir il y a un bail. Le défilé des jours sur les éphémérides humaines n’est rien de plus qu’une illusion – la première illusion que j’ai appris à retourner. C’est une tortue échouée, le Temps ; il a beau remuer les pattes dans tous les sens, il ne va nulle part tant que je ne le remets pas dans sa position initiale pour lui laisser poursuivre son bonhomme de chemin. Pourtant, il arrive de temps à autre que cette maudite tortue se venge et te flanque par terre pour te piétiner et t’aplatir. C’est à peu près ce que je ressens ce matin, d’ailleurs. Pourquoi ? Aucune idée. Ce n’est pas la danse, ça, je gère. Ni la rando, – il n’y a rien que j’aime autant, si ce n’est la danse peut-être. Ce n’est pas non plus le sexe, même si, les dieux m’en soient témoins, c’était carrément passionné. La tempête est dans mes os. Jadis, aujourd’hui et à jamais. Ouais, bon. Ça pourrait expliquer des choses. Des éclairs crépitent sous ma peau – aiguilles, langues, doigts, poings, ou flot d’étoiles faites novas pour effacer les violences de mon père – or tous ces éternels Maintenant n’ont rien à voir avec la personne que je suis aujourd’hui. Nous muons tels des serpents, renouvelant l’intégralité de nos cellules tous les sept ans, jusqu’à ce que seuls les souvenirs retiennent l’énergie qui nous constitue en une entité unique que j’appelle Moi. Je peux choisir dans quel Maintenant je vis, et même si j’éprouve une grande compassion pour ces petits Moi que j’ai été, je ne suis plus cette personne. Moi maintenant – ce Maintenant, ce Moi, c’est tout que je veux être. Cela dit, je me passerais bien de la migraine…
IV
L’Empereur
Qu’à cela ne tienne. Un haussement d’épaules intérieur, la voilà partie. Oups… Et si elle avait été là pour une raison précise ? Le meilleur moyen d’en avoir le cœur net est encore d’aller jeter un œil. Je ferme les yeux, laisse la douleur revenir dans mon crâne. J’étends mes sens au-delà de sa pulsation, au-delà de ma peau, du corps endormi de Ryk, de notre tente. J’étends mes sens vers la terre, les arbres, le pouvoir enfoui de la forêt et des montagnes. Dans l’essence de la brise, dans chaque gouttelette d’eau qui danse dans la brume. Oh. Lui. Qu’est-ce qu’IL fait ici ? Je suppose que je vais devoir le découvrir. Je m’extirpe du corps de Ryk, savoure la caresse de sa peau contre la mienne, les petits poils sur ses bras et sa poitrine, la bouffée de chimie vivante dans l’haleine matinale de cet étranger. La tente sent encore notre nuit, elle sent encore nous, cette odeur est si puissante que l’espace d’un éternel instant, je retombe dans la pure sensation, revis les griffures et coups de reins rituels des heures passées. Il serait agréable de se perdre à tout jamais dans ce moment, mais de toute évidence, il y a des trucs à faire dehors. Je plonge Ryk un peu plus loin dans les royaumes de la Maya, sous une once de rêve. S’il dort, autant le laisser dormir. En cas de besoin, ne pourrai-je pas le réveiller de loin et sans un bruit ? Pour l’instant, cette visite ne concerne que moi, non ?
XVII
L’Étoile
Courage C’est une Éveillée. Une misérable épave camée jusqu’aux yeux, mais une Éveillée. C’est l’évidence. Ce qu’il reste de son professeur, étalé sur les murs, atteste de l’efficacité de ses méthodes d’enseignement… et de leurs résultats. J’avais prévu de me débarrasser de lui moimême, mais puisque le boulot est fait… Cela n’empêchera pas la paperasse d’être un enfer de toute façon. Les scans DVSA initiaux révèlent des entrelacs de sorts mineurs liés au sang (du genre minable en plus), des rats, quelques chats de gouttière. Aucun signe des enfants disparus mentionnés dans nos rapports. Comme d’habitude, l’hystérie collective a exagéré les faits, mais nos sources sont quand même censées être plus précises. Je me note dans un coin de la tête qu’il faudra insister sur la fiabilité des informations lors de nos
Il n’est nulle crainte pour celui qui vit éveillé
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IX
Rien. Tous les risques significatifs de Déviance sont morts en même temps que la peinture murale organique. L’agent Briggs me regarde à son tour, son visage reste indéchiffrable pour des yeux inexercés. Ce que ne sont pas les miens. Que faisons-nous d’elle ? demande-t-il sans proférer le moindre son. Ce que ce « elle » désigne est évident. Saisie par notre silence, la fille se tait aussi. J’active d’un clignement d’yeux un scanner de probabilités temporelles. Des nombres minuscules clignotent au coin de mon œil gauche. Un quadrillage vert pâle analyse la fille tremblante. Le flux de données DVSA s’affiche :
NOM : LAURIE ANN MILLER-CHASE DDN : 06/05/1974 AG : 17,127 T : 158,242 P : 42,63768278 DISPARUE – SUSPICION DE FUGUE Le flux de données défile : faits, chiffres, estimations, probabilités, pronostics mécanisés pour une fille paumée et terrifiée. Finalement, l’information que j’attendais : prochains briefings. Tout cela aurait facilement pu virer au cauchemar. La fille tremble. Je ne suis pas surpris. Porter un short usé et un t-shirt déchiré des Ramones à New York en décembre, ce n’est pas franchement l’idée du siècle. La seule chaleur dans ce taudis émane de bouteilles ou de sachets. L’héroïne devrait la rendre apathique, mais elle ne l’est clairement pas. En dépit des innombrables traces de piqûre sur ses bras (début d’abcès au pli du coude gauche), ses yeux sont parfaitement lucides – ni drogués, ni même en état de choc, emplis au contraire de la clarté qu’apporte l’Illumination. Le tremblement est émotionnel. Étant donné que son ami décore actuellement les murs tagués de ce trou à rats, on comprend pourquoi. Après tout, c’est elle qui l’a tué. Ohputainohputainohputainohputain… La succession de syllabes qui s’échappe d’elle devient un seul et unique mot, au ton plaintif, dénué de toute autre substance que la peur. Je jette un coup d’œil à l’agent Briggs (exemplaire nouvelle génération de la lignée Parkinson, peau foncée, cheveux rasés, et cette carrure décidément très féminine qui n’aurait pas eu sa place en nos rangs lors de mon Traitement initial), et je scanne ce merdier occulte en quête de signes des enfants ou d’authentiques objets paranormaux.
X
Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
% DR : 96,045763946352 Hmmmm. Il n’y a pas si longtemps, je l’aurais abattue à vue. Combien ai-je démonté de ses semblables, synapse par synapse, sous la lumière crue des néons ? Combien en ai-je éclaté à coups de poing méthodiques, à coups de projectiles brûlants dans les organes et les os ? Ce n’était pas simplement une histoire de devoir (même si ça l’était), ou de droit (ça l’était aussi, bien souvent), ce n’était pas même le dernier choix sur une liste d’options moins attractives. Je dois le confesser, ne serait-ce qu’à mon jury intérieur, j’aimais ça. Mais les choses ont changé. J’informe l’agent Briggs de mes intentions d’un simple mouvement du menton. Son hochement de tête, presque infime, doute de ma décision. Je fronce imperceptiblement les sourcils, lui rappelant par là qui de nous détient l’autorité. Silence dans la pièce, hormis le sifflement de la cire d’une bougie et l’égouttement sordide du chef-d’œuvre autrefois humain. La fille se décide à parler. Sa voix est à peine plus forte qu’un murmure : « Vous êtes pas des flics, hein ? »
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Je résiste à l’envie de citer un film célèbre. Je me contente de lui dire non.
0
Présence Glisser hors de la chaude protection de la tente me fait l’impression d’un sacrifice. La clairière est enveloppée d’un froid manteau de brume matutinale, scintillant dans la lumière d’un lointain soleil. Le tonnerre gronde entre aube et nuit, roulement grincheux d’éléments dans leur lit. Je m’étire, chassant la raideur matinale, remonte la fermeture éclair de la tente, plante les pieds dans le sol, ferme les yeux et tends les bras vers un ciel couvert. Il est là, sur le côté, à demi masqué par la brume. Une présence dense, plus imposante que les collines. Sans me tourner vers lui, je lance des vrilles de perception à travers l’espace qui nous sépare. Il est seul, comme d’habitude. Je souris en pensant à la boue sur ses chaussures. Mes propres pieds, couverts de celle des sentiers de randonnée, avancent à pas feutrés sur le sol gorgé de pluie. Sous eux, je sens la terre accueillir l’aube. Je suis dans mon élément ici. Il ne l’est pas. Néanmoins, il n’est jamais malin de tourner le dos à un congénère. Évidemment, c’est ce que je fais. Lorsque les gens pensent à la « magie », ils s’imaginent des baguettes, des pentacles et tout le tralala. Ils n’ont pas tout à fait tort – pas tout le temps. Mais pour moi, la magye, c’est le pouls de la vie. La pluie sur la peau, la terre sous les pieds, la Nature s’exprimant dans la tempête. Or ce n’est pas son genre de magie. Son monde à lui ne possède pas de magie… jusqu’à ce qu’il y en ait… et alors là, il lui faut impérativement un autre nom. Déviance. Ouais, on m’a certainement déjà accusé de cela. Mes muscles quand je m’étire me rappellent que je suis mortelle. Pourtant, la brise glacée et la rosée jouant sur ma peau, le pouls de la terre, le clapotis des possibilités concentrées dans chaque molécule de brume, tout cela m’aide à dépasser le cadre restreint de mon humanité. Je suis le sol. Je suis la brume. Je suis l’eau du ruisseau qui coule non loin. Je suis les arbres. Je suis même lui. Il occupe l’espace comme un bloc vierge de néant, mais nous sommes quand même liés dans l’unité du Tout. « Arrêtez de prétendre que vous ne me voyez pas, dit-il de cette voix morne et monocorde qui le caractérise. Vous nous insultez tous les deux. – Arrêtez de surgir ainsi, John. Ce n’est pas poli. » Dans l’obscurité de mes paupières closes, je le sens qui me jette un regard noir. « Je vois que vous avez adopté une tenue de circonstance. – N’est-ce pas que ça me va bien ? dis-je, ouvrant finalement les yeux. Vous êtes habillé pour nous deux. » Il n’est plus derrière moi à présent. Il me fait face, sans avoir parcouru la distance qui nous sépare. La rosée lustre son pardessus, la boue macule ses chaussures. « Qu’est-ce qui vous fait sourire, Lee Ann ? – Moi ? Je suis contente de revoir un vieil ami, c’est tout. » Dans ses lunettes de soleil se reflètent deux Moi. Il ne sourit plus. « Épargnez-moi vos sarcasmes. – Je savais que vos chaussures seraient couvertes de boue là dehors. Je trouve ça amusant. – Pourquoi ?
Le Fou – Ça ne colle pas à votre image. » Je ne vais pas mentir, il me fait toujours peur. Cette noirceur solide et compacte, la présence écrasante d’une montagne, la grâce et la rapidité d’un tigre… Si John Courage avait voulu ma mort, toutefois, je n’aurais jamais quitté ce loft, il y a plus de vingt ans. Et depuis cette époque, nous avons tous deux eu des raisons de nous en réjouir. « Ai-je une “image”, Ms. Milner ? » Je tends le bras et presse la paume de ma main contre sa poitrine. C’est comme si je touchais de la glace recouverte de cuir. Il ne bouge pas. Je ne perçois rien émanant de lui. Soupir. Typique. « Vous vous cachez derrière tant d’images, John, que je ne suis pas certaine que vous sachiez vous-même qui vous êtes réellement », lui dis-je.
Encaisser « Lève-toi, Johnny ! » Il n’y a pas de bandeau sur les yeux de mon père. Quelles que soient ses cicatrices, elles sont intérieures. Je dois deviner son humeur par de petits détails. La dilatation d’une pupille. La crispation de ses doigts. La combustion chimique de son haleine. Ils m’apprennent l’importance des détails et le prix de l’inattention. « LÈVE-toi, petite merde. Sors de ce lit. »
Il n’est nulle crainte pour celui qui vit éveillé
XI
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Je me sens au chaud et en sécurité sous la lourde couverture. Dehors, il fait si froid qu’il neige. Je me rappelle avoir regardé les flocons tomber devant ma fenêtre cette nuit, éclairés par la lumière du porche et le lampadaire devant chez nous. « Sors de ce lit. Maintenant. » Je me glisse hors des couvertures, mes pieds atterrissent durement sur le tapis vert et rugueux. La silhouette de mon père se découpe dans la lumière vive du couloir, devient un bloc de pierre noire. La brusque clarté me fait plisser les yeux. « Ouvre les yeux et regarde-moi. » J’obéis. De là où je suis, il a l’air d’une tour immense. Son regard tombe sur moi, son visage s’assombrit, se mue en un nuage d’orage rougeâtre. « Efface-moi ce petit sourire, bonhomme. » … ça ne s’est pas passé comme ça non plus… C’est alors que la foudre me frappe, me renvoie contre le lit. J’en vois trente-six chandelles. J’ai l’impression que ma tête enfle, comme un ballon plein de sang. « Je vais t’apprendre moi, à filer au lit en douce alors que tu n’as pas fini tes corvées », grogne-t-il. J’essaie de parler, mais ma bouche me trahit. « Et en plus, tu me réponds, bonhomme ? » Il me soulève par les cheveux et me tient à bout de bras ; je ne résiste pas. Ses doigts s’enfoncent dans ma
tête. Mon propre poids me tire vers le bas, mais son poing serré sur mes cheveux courts ne faiblit pas. Je sens s’étirer la peau de mon crâne minuscule. Je me dis que ses mains sont assez grandes pour le broyer. Assez grandes pour me chiffonner comme une boulette de papier. Je reste pendu là, tentant désespérément de ne pas me débattre, de ne pas pleurer. Ses doigts semblent s’épaissir et m’envelopper, puis couler de chaque côté de mon crâne, rentrer dans ma bouche, dans mes oreilles, mon nez, mes yeux. Ses grosses mains calleuses et moites m’engloutissent complètement. Je disparais dans sa voix. … Je ne crois pas que ça se soit passé comme ça, John… Ça, j’en suis certain. Mais si c’est le cas, alors comment ça s’est PASSÉ ?
Évaluation « Je suis désolé pour Charlie, dit-il. – C’est un peu tard, vous ne trouvez pas ? » Lee Ann, l’amertume faite femme ? « Très tard » admet-il. Dans sa voix point la tristesse. « Et j’aurais dû venir vous parler plus tôt. J’ai fait ce que j’ai pu dès que j’ai su, mais… – Parlons d’autre chose. » Je ressens une vive douleur dans la poitrine. Je laisse ma paume sur son torse. Il ne la retire pas. Il pourrait s’il le souhaitait. Je finis par lui répondre. « C’est de l’histoire ancienne. Ce n’est pas la raison de votre venue. – Non, en effet. » Cette sensation de tristesse se renforce et devient autre chose, avant de disparaître abruptement. Il se protège de moi, et pas qu’un peu. « Alors pourquoi êtes-vous ici, John ? » Ma voix révèle la nervosité que son apparente tranquillité m’inspire. Elle est déconcertante et il le sait. Cela fait partie de son sac à malices sans fond. Je recule d’un pas et fais craquer ma hanche. « Il faut qu’on parle. – Oui, de toute évidence. Les grands espaces, ce n’est pas votre truc. » Mon genou droit claque avec force dans le calme de l’aube. À l’autre bout de la clairière, je sens Ryk s’agiter dans son sommeil. « Vous n’êtes pas seule ici, remarque John. Est-il… ? – L’un d’entre nous ? Non, c’est juste un type que j’ai rencontré sur le Sentier1. » Je sens sa désapprobation. « Oh, par pitié. Vous êtes un Costume noir, pas un puritain. – Je me méfie des éléments aléatoires.
XIX
As de Motivalisme XII
Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
Luna
1. NDT : le Sentier des Appalaches (Appalachian Trail, en anglais), un sentier de randonnée long de 3 510 km.
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– La magie du Sentier n’est pas toujours aléatoire. – C’est exactement ce qui m’inquiète. » Je n’ai rien à répondre à cela. La paranoïa, dans son camp en particulier, fait partie intégrante du jeu. Je ferme les yeux, mon esprit retourne brièvement dans la tente. Ryk est toujours endormi, dans tous les sens du terme. Je rouvre les yeux. « Il ne nous dérangera pas, dis-je. – Vous semblez bien sûre de vous. (Une petite touche de sarcasme.) – Je le suis. – Bien. – Et donc… Pourquoi êtes-vous venu me voir ? – À votre avis ? – Ce n’est pas une réponse. » Il n’en donne pas d’autre. Derrière les verres de ses lunettes, il ne cille pas. Ses lunettes… je regarde de plus près, par-delà les verres miroir… J’en étais sûre. « Vous avez éteint le flux de données. – Vous avez l’œil, Ms. Milner. – Vous n’éteignez jamais le flux de données. » Ses lèvres s’étirent en un sourire sinistre, le genre de sourire qu’aurait taillé dans le granit une main malhabile. « Oh, jamais, vraiment ? En êtes-vous certaine ? – Fort bien. (Je me tourne à demi.) Restez évasif si ça vous chante. J’ai là-bas quelqu’un d’agréable compagnie dont la conversation me distraira un peu plus que la vôtre. – Lee Ann. » Sa voix m’arrête net. Ce n’est pas un ordre. C’est… Oh. Oh, putain. Mentalement, j’endors Ryk encore un peu plus profondément. Désormais, il ne se réveillera que si je le souhaite. Au travers du lien que nous partageons, je lui envoie des rêves agréables pour l’occuper. « Okay, John. » Je me retourne pour faire face à l’agent Courage. Il me dépasse d’une bonne tête, mais je le regarde d’égal à égal. « Fini de jouer. Mettez-moi au jus ou tirez-vous. »
Se
rompre
Une chaise froide dans une pièce blanche. Un homme attaché à cette chaise. Deux autres hommes, et une femme, debout près de la chaise. La lumière s’éteint. La douleur commence. Bon sang, John. Mais que t’ont-ils FAIT ? Et combien de fois ? … ça ne s’est pas passé comme ça… Tu es sûr ? … pas tout à fait, non. Dans ce loft, en 1991, j’ai examiné les probabilités et pris une décision. Ce déchet humain allait devenir une Déviante – elle en était déjà une, selon tous les critères dont je disposais.
XII
Le Pendu Il était de mon devoir de l’emmener pour qu’on lui administre le Traitement. Et je ne l’ai pas fait. Lee Ann Milner, quel que soit son nom, ne serait jamais l’une des nôtres. Nous pourrions aisément la briser, mais elle ne nous appartiendrait jamais. Sans intervention de notre part, elle deviendrait un danger. Sans personne pour la guider, elle deviendrait un monstre. Mais notre voie n’était pas la sienne. Notre voie la détruirait et gâcherait ce qu’il restait encore à sauver. Si nous avions tenté de la Traiter, Laurie Anne Miller-Chase aurait rejoint le centre de transcription. Un nouveau rouage, le regard vide, le visage inexpressif, héritage de la ruine des Masses. J’ai préféré changer ce destin. Je l’ai emmenée chez Charlie. Un allié. Un Déviant. Comme elle. Ce n’était pas une décision prise à la légère, et elle n’a pas été dénuée de conséquences. Mais après toutes ces années, je ne l’ai jamais regrettée. Est-ce que je le referais aujourd’hui ? Mes propres analyses sont peu probantes. Les données sont corrompues. Trop de facteurs aléatoires, trop d’informations erronées faussent les résultats de probabilités prudentes.
Il n’est nulle crainte pour celui qui vit éveillé
XIII
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Les conclusions auxquelles j’aboutis, cependant, sont… impensables. Et des conclusions impensables appellent des solutions inimaginables. Pour combattre la folie, allie-toi à elle. « Dépasse-toi », dit le proverbe. Trouve la clé des probabilités dans une femme nue en pleine nature. Pour contourner les obstacles, choisis un autre chemin. Ou bien quitte le chemin, totalement, trouve de nouvelles données, reconfigure les estimations, puis construis une nouvelle route, ex histanai : déplacée, au-delà des frontières. Dérangée.
La folie comme alliée contre la folie.
Se
lier
« Mettez-moi au parfum, John. » Imiter sa posture. Se tenir comme lui, respirer à son rythme. Tisser des liens invisibles entre nous dans une réalité physique commune. Se servir de l’art sans utiliser les Arts. « Vous êtes loin des caméras, loin de la foule, des machines et de tout ce que vous êtes en mesure de contrôler. » J’enfonce mes orteils dans la terre pour appuyer mon propos. « Vos Richelieu parfaitement cirés et vous n’avez pas affronté la boue pour me rendre une simple visite de courtoisie. – Vous n’avez pas tort. » Je tente de déchiffrer John Courage, mais mes sens glissent sur lui comme la pluie sur son pardessus noir. Il paraît déplacé au milieu de ces bois, comme si quelqu’un avait parachuté un lit à baldaquin au sommet de l’Everest. Il se protège de moi, c’est évident… et pourtant… Il est trop immobile. Bien plus que d’habitude. Rigide. Je scrute les deux Moi qui me dévisagent, dans le reflet des lunettes miroir posées sur le nez de John Courage. Je regarde au-delà, je regarde l’expression dure de son visage marmoréen. Respire. La brume qui nous entoure s’épaissit en une coquille nacrée, nous protégeant du monde extérieur. Nous nous en éloignons plus que d’habitude et lorsqu’il sent mon sort tisser la brume, l’air se refroidit. « Vous fabriquez un mur, dit-il. – Nous avons besoin d’intimité. » Il se raidit, sans bouger un seul muscle. Puis ces traits de granit se plissent en un froncement de sourcils. Sa présence s’intensifie, jusqu’à atteindre la densité d’un trou noir. « Tout va bien, le rassuré-je. Vous auriez pu me tuer il y a bien des années. Je m’en souviens, John. Je vous fais confiance. » Je lui fais face, les bras le long du corps, pas de secret, pas de geste brusque. Continue d’utiliser son prénom afin de renforcer le lien. « Vous n’êtes pas comme les autres, c’est la raison pour laquelle je peux me fier à vous. » La tension redescend d’un iota. « Votre évaluation est juste, Laurie Ann. Je pense la même chose à votre sujet. » Je souris. Pas lui.
XIV
Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
« Vous aviez aussi foi en Charlie. Assez pour me confier à ses soins. Je vous en suis reconnaissante, John, et je jure que je ne trahirai pas cette confiance. – Jusqu’à quel point vos murs sont-ils solides ? – C’est de l’eau, John. Ils sont aussi solides que nécessaire. – Vous pouvez cesser d’utiliser mon prénom, Lee Ann, je connais le truc. – Et si nous arrêtions tous les deux d’utiliser des trucs ? Si vous décidez de m’accorder votre confiance, accordez-moi votre putain de confiance. » Il acquiesce. Retire ses lunettes miroir. Abaisse ses boucliers psychiques. Respire. « Jusqu’à quel point me faites-vous confiance ? – Plus que je ne le devrais », répond-il. Respire. Respire. Putain de merde. Il a peur. IL A peur. Et ça me terrifie.
Inexorable Ce n’est pas de la neige qui tombe, mais des cendres humaines, de la peau carbonisée par les flammes. Dans l’épaisse fumée, les éclairs s’achèvent en hurlements tandis que des explosions d’énergie se connectent. Un immense tentacule s’élève vers le ciel, et même si les nuées dissimulent sa sinistre origine, la taille de l’appendice ne laisse planer aucun doute sur sa nature.
III
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guerrier, le bras figé dans son mouvement, se dresse à une trentaine de centimètres de l’orbe en lévitation, son vol interrompu par le temps suspendu. Une voix masculine énonce platement : « Maintenant. » Des trombes de flammes engloutissent les guerriers. Un déluge de balles blindées jaillit dans le claquement des armes. La bulle de temps suspendu atteint le barrage, le ralentit jusqu’à une quasi-immobilité… … puis explose en un coup de tonnerre qui projette la fille en arrière, à travers les décombres. Les quatre guerriers disparaissent dans une tempête où les lois physiques s’affolent. Au loin, un éclair de lumière vive, suivi d’une violente secousse. Le tentacule sombre s’abandonne à la gravité, fait trembler le sol dans sa chute. De longues minutes s’écoulent cependant que le temps reprend son cours inexorable. On corrige les instruments selon les relevés. On rassure les blessés, on dresse une liste des morts. Le faisceau des rapports traverse des horizons virtuels. Un homme de grande taille en pardessus noir veille sur une forme pâle et tremblante.
P agete de Val of D Dyn yna misismm am e L’atmosphère s’épaissit tel un cri sous-marin, oppressé par la densité, perdu dans les ténèbres. Piétinant pesamment au travers d’un labyrinthe d’os calcinés, quatre guerriers de la démence soupèsent leurs instruments. Une armure épineuse se fond dans leur peau convulsée. Le vert maladif des terminaux LED luit dans la pénombre des retombées radioactives. L’un des guerriers asperge de plasma incandescent un groupe de gamins recroquevillés. Un autre pousse un mugissement de triomphe, sa voix aiguë résonne comme le cri d’un bébé sur un barbecue. Le troisième n’est que fumée et vapeur dans son armure, et sa silhouette caparaçonnée demeure incertaine dans la brume. Le quatrième décroche un orbe noir et brillant d’une sangle à sa ceinture, le brandit, s’apprête à le lancer. « Y’a. Pas. Moyen. Putain. » La colère fait bondir la fillette aux longs cheveux blonds. Le sang coule en épais rubans sur son visage. S’y trempant les doigts, elle dessine de féroces symboles sur sa peau, lèche ce qu’il reste de sève carmine sur ses mains et se met à psalmodier. Son incantation devient un mantra perçant, une puissante lamentation. Sa peau s’assombrit alors qu’elle commence à danser. Ses pieds nus piétinent débris, cendres et ossements. Une brume sanglante l’enveloppe de constellations écarlates, et leurs orbites ralentissent jusqu’à une clarté infinitésimale. La roue du temps s’enraye. Se calme. S’arrête. Les quatre guerriers s’immobilisent. L’air qui les entoure pulse de possibilités suspendues. Le quatrième
Au bout d’un moment, le tremblement devient frisson sporadique. La fille bouge – elle fait de nouveau son âge, la trentaine. « Aïe, dit-elle en fronçant les sourcils. Je déteste quand ça arrive. – Je commençais à me demander quand vous alliez vous réveiller », répond l’homme. Lee Ann le fusille du regard. « Je commençais à me demander où j’allais me réveiller. » John Courage ne bouge pas. « Suis-je en état d’arrestation, officier ? – Pas en ce qui me concerne. » Toute trace de Kali a disparu du visage de Lee Ann Milner. Le sang s’arrête de couler. Elle ouvre les yeux. Sous les paupières, son regard scintille de taches argentées sur fond de vide bleu nuit. Elle plisse les yeux. Les ouvre grand à nouveau. Soupire. Des larmes d’argent obscurcissent le bleu, débordent, coulent sur ses joues sales. « Putain que ça fait mal, » lâche-t-elle. Son humeur est mise à rude épreuve par la douleur physique, émotionnelle et existentielle. « Avez-vous besoin d’un médecin ? » demande-t-il enfin. Elle secoue la tête. « Pas l’un des vôtres. – Bien. – Combien de morts ? – Beaucoup. Nous synthétisons les rapports. » Elle se lève, tremblante, s’étire. Il ne bouge jamais, mais scanne le paysage derrière ses lunettes de soleil. Lee Ann ressent le crépitement de fantômes électroniques dansant autour de la densité de trou noir qu’est son allié occasionnel. « Vous étiez en train de veiller sur moi, dit-elle.
Il n’est nulle crainte pour celui qui vit éveillé
XV
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– Vous êtes une ressource précieuse, Ms. Milner, ainsi que vous venez de le démontrer. » Elle ouvre la bouche pour dire quelque chose. S’arrête. Esquisse un sourire. S’arrête encore. Ferme ses yeux argentés. Murmure : « Des ressources. Des ressources humaines. – Ce n’est pas un terme que j’affectionne. – Ce n’est pas ce que je voulais dire. » Elle désigne le cratère du menton, là où les équipes de nettoyage cherchent les restes des quatre guerriers. « Eux, étaient des ressources. » John Courage ne dit rien. Il ne bouge pas. Une petite brise effleure son pardessus, le ride de vagues d’un noir pur. Son regard argenté rencontre son regard miroir. Aucun des deux ne cille. « Ils étaient des vôtres, finit-elle par dire. À l’origine, ils viennent de vous. – Non, répond-il. Pas de moi. Pas des miens. Jamais de nous. »
Aube
la confiance. Donner un point à John Courage.) Dans ce cas, vous savez ce que je m’apprête à faire. » John acquiesce à nouveau. « Vous bâtissez des ponts. – Exactement. » L’âge ne vous rend pas plus sage, c’est un mensonge. Il vous offre des perspectives différentes. C’est comme voir par-dessus le sommet des montagnes. Avec l’âge, vous regardez au-delà des arbres et des forêts, vous allez dans des lieux où les horizons franchissent le ciel. Au-dessus de nous, au-delà de mes murs de brume, le ciel s’illumine des promesses de l’aube. Je place ma main droite au centre de son torse – sur Anahata, « l’Intouché », le triangle d’or du centre, brillant comme dix millions d’éclairs. Dans ses ténèbres, un halo de lumière jaune – invisible pour les yeux, visible pour l’esprit. Respire. Ma main gauche prend la sienne et la place sur son cœur, par-dessus ma main droite. Puis je prends sa main droite, et la place doucement au centre de ma poitrine. Sur Anahata, le chakra du cœur. Ma main gauche la recouvre. Respire. Celui-là, Éveillé, ne connaît pas la crainte... Respire. Et ouvre…
Un flot de tortures. Une confusion de douleurs. Des Je tends à nouveau la main vers lui. Ma main gauche reste posée mondes séparés. Des mondes reconstruits. Un garçon sur ma poitrine. Mes yeux restent plantés dans les siens. Je soutiens son regard. Respire. « Jusqu’à quel point me faites-vous confiance ? – Assez pour être ici. » J’acquiesce lentement. C’est une confiance suffisante. J’avance vers lui sur le sol boueux. Lentement, encore. J’efface le vide qui nous sépare. « Je peux ? » lui demandé-je, ma main à un souffle de sa poitrine. Un long silence. Presque imperceptiblement, il tolère. Il est immobile. Je tremble. Il pourrait me briser rien qu’en inspirant un peu fort. Respire. « Il n’est nulle crainte, murmure-t-il en plongeant dans mon regard, pour celui qui vit éveillé / Conserve son esprit pur / Et sa pensée intacte / Laisse derrière lui le bien comme le mal. » Je cligne des yeux. « Le Dhammapada ? De la part d’un Technocrate ? – Le savoir est savoir, Ms. Milner. Et la technologie ne se résume pas à de simples Ca machines. As de Primordialisme valier de Dynamisme – Vous marquez un point. (C’est aussi un bon moyen de créer de
Valet de Dynamisme
XVI
Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
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affamé arraché d’un lit hurlant. Une fille en larmes clouée au sien. Un ciel illuminé d’un flamboiement blanc et éclatant. Une obscurité qui avale le monde. Des formes dans le ciel. Des nuages d’orage vivants. Un arbre de sang au centre du monde. Des foules écrasées par une inexorable obscurité. Deux enfants jouant dans la poussière avec un crâne, leur peau brûlée jusqu’à la chair par une folie incandescente. La lumière de l’aube traversant la brume. Des yeux argentés pleurant des larmes de sang. Une toux bruyante arrachée au cœur de la terre. … ce tonnerre, c’est pas un souvenir, hein, John ?… … non… … Ryk en flammes, la peau noircie, sa bouche fondue l’empêchant de hurler… « Merde ! » Ils se séparent – une « jeune fille » dans la quarantaine et un Homme en noir. Les murs de brume brûlent d’une lumière plus puissante que celle de l’aube. Au-delà, des flammes. Des flammes et des cendres. « Oh merde. » Des larmes qui ne coulent pas brûlent dans des yeux Extatiques. Les verres miroir reprennent leur place, dissimulant les prunelles froides de l’homme. Tous deux regardent autour et au-dessus d’eux, cernés par les flammes au-delà de la brume. « Ils nous ont trouvés, dit-il, et plus vite que ce que je pensais. » Le corps de Ryk se consume, enveloppé dans les vestiges fondus d’une tente. Le pli sur la bouche de Lee Ann se durcit en une expression de mortelle détermination. « Okay, John. De combien d’armes aurons-nous besoin ? – Toutes, Lee Ann, répond-il. Il nous les faudra toutes. »
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Introduction : Orgueil, Pouvoir, Paradoxe Quelque dieu, sans doute, aura lâché ses fauves, Qui se rit de les entendre rugir au loin. — Charles Leland, Aradia : l’Évangile des sorcières
L’Art du Changement La Magye existe. L’Art du Changement n’a jamais disparu. Les sorciers ont peut-être sombré dans les limbes de la mythologie, mais la magye joue un rôle bien réel, elle vibre au sein du monde que nous connaissons. Sceptique ? Regardez un peu autour de vous. Nous survolons les océans et regardons par-delà le temps. La distance entre Tokyo et Dallas tient dans un mouchoir de poche. Vous pourriez créer des mondes entiers faits de chiffres sur un écran ou visiter l’Afrique sans avoir à quitter votre fauteuil. Si ça, ce n’est pas de la magye, alors qu’est-ce que c’est ? La magye, ce ne sont pas des sorcières juchées sur des balais, ou des démons invoqués dans la nuit. Ça peut l’être, mais ce n’est pas que ça. La magye, c’est la puissance de la possibilité… et aujourd’hui, peut-être plus que jamais, il semble que tout est possible. Pourtant, on nous répète que l’ère des miracles est révolue. Que nous vivons la Fin des Temps, routine sans odeur dont il ne faut rien espérer de plus excitant que l’apparition d’une nouvelle fenêtre pop-up. On nous a montés les uns contre les autres dans une sorte de chat perché géant, inepte et puéril. Le rêve, l’accomplissement ultime, à ce qu’on nous dit, c’est une belle baraque, un lit bien chaud et un gros paquet de fric à la banque. En gros : « Pose ton cul, ferme ta gueule et estime-toi heureux d’avoir un Big Mac et la téloche. »
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
Conneries. Réveillez-vous. Votre futur est sur la table. C’est la guerre tout autour de vous et c’est la Réalité qui est en jeu. Dans l’ombre grignotée de néons de ce monde techno-maniaque, des agents du changement se battent pour vous assurer un futur. Certains ont l’air tout droit sortis de Poudlard, d’autres d’une fabrique de T1000. Certains invoquent le feu quand d’autres domptent les tempêtes. Mais la plupart n’ont pas l’air si différents de vous et moi. Appelez-les mystiques. Mages. Technocrates, fous pourquoi pas. Mais ne supposez pas qu’ils n’existent pas. Parce qu’il y a une guerre. Et vous êtes en plein dedans. Bienvenue dans le monde de Mage. Où l’Avant et l’Après sont Ici et Maintenant.
Épique et intimiste Il y a vingt ans paraissait un jeu qui a changé la donne. De fait, il était énorme, épique et déroutant. Il osait demander aux gens de sortir des sentiers battus – de ne pas se contenter de lancer des boules de feu, mais de réfléchir à comment et pourquoi nous faisons les choses. Souvent considéré comme « le jeu des joueurs qui réfléchissent », Mage : l’Ascension a tout chamboulé (y compris lui-même) et a mis les gens au défi de changer les choses dans leur monde.
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Aujourd’hui, ce défi est plus que jamais d’actualité. Sur fond épique de Guerre de l’Ascension, Mage présente des architectes de la réalité pris dans une bataille dont l’issue décidera du futur qui prévaudra. Mais au cœur de ces questions parfois cosmiques, Mage pose une question personnelle. Si vous aviez le pouvoir d’un dieu, qu’en feriez-vous… surtout, qu’est-ce que CE POUVOIR ferait de VOUS ? Que vous soyez ou non un vieux joueur de Mage, cette question est l’essence du jeu. Chaque mage – sorcier Verbena ou Homme en Noir – est un agent du changement, un héros dynamique au cœur d’un monde devenu fou. Et même si ce monde déborde d’horreurs
sidérales et résonne du claquement des fusillades en pleine rue, c’est bien le désespoir votre plus grand ennemi. Être un mage, c’est avoir des options. L’espoir n’est jamais tout à fait mort. Si vous êtes assez malin, courageux et imaginatif pour modifier les circonstances, alors vous pouvez changer la donne. Le prix à payer est élevé, mais au bout du compte, le pouvoir qu’il donne vaut largement ce prix. Mage vous invite à jouer aux dés avec le cosmos. À façonner les Forces, la Vie et le Temps. Et désormais, avec cette édition anniversaire, vous avez plus d’options que jamais. Aujourd’hui comme avant, dans Mage, la magye compte… et vous aussi.
Qu’est-ce qu’un mage ?
P
our faire simple, un mage est un individu qui a le pouvoir de modeler la réalité par la seule force de sa volonté. Éveillées à leur potentiel, ces personnes croient tellement en ce qu’elles font qu’elles peuvent littéralement changer la face de leur monde. Toutefois, ce pouvoir s’accompagne d’un orgueil démesuré, du fanatisme, de la corruption. Il dresse souvent les mages les uns contre les autres, contre leur environnement, et aussi contre eux-mêmes. Leur puissance de création devient puissance de destruction. Dans l’idéal, les mages s’efforcent d’atteindre un objectif noble : l’Ascension. Le problème, c’est qu’ils n’ont pas le même avis sur sa nature. Est-ce la transcendance personnelle ou la paix universelle ? Ressemble-t-elle au paradis, s’agit-il du combat contre l’enfer ? La magye est-elle le don d’un dieu quelconque, ou vient-elle du plus profond de l’individu ? Qu’est ce qui rendra le monde meilleur ? La magie, la foi ou la science ? Nous avons tous nos réponses, mais personne ne connaît la vérité. Ainsi, à l’instar des factions religieuses ou politiques, les mages se battent pour leurs idéaux. Leurs intentions sont bonnes, pourtant ils entraînent le monde vers l’abysse. Qui sont les méchants ? Qui sont les gentils ? Les « Chapeaux noirs et lunettes miroir » ? Ce surnom dont on affuble la Technocratie – gigantesque faction de technomanciens sans merci – lui colle à la peau. Et pourtant, tous les mages sont des monstres héroïques. Certains ont plus de sang sur les mains que d’autres, mais tous, jusqu’au dernier, portent en eux les graines de la corruption. Par leur Guerre de l’Ascension, ils ont imposé leur volonté aux autres pendant un bon millier d’années… et le monde en a fatalement souffert. Tel est le prix de l’orgueil et du pouvoir : ce paradoxe – de terribles actions pour une noble cause.
Une Guerre de l’Ascension ?
Le thème central de Mage est un amer conflit. La Guerre de l’Ascension était le cadre des précédentes éditions. Quatre factions – les Traditions, la Technocratie, les Maraudeurs et les Nephandi – ravageaient le monde au nom de leurs idéaux. Dans ce conflit, la Technocratie semblait avoir pris l’avantage et même l’avoir emporté, si l’on en croit la troisième édition de Mage. La Guerre de l’Ascension est pourtant loin d’être terminée. Elle n’a pas lieu pour savoir si la magye se résume aux sorciers ou à la télé. Elle est l’œuvre de factions de visionnaires si dévouées à la cause de leur Vérité, qu’elles
sont prêtes à tout risquer pour parvenir à l’imposer… et elles ont au passage semé un bordel monstre. Quelles sont ces factions, d’ailleurs ? • Les Traditions, dont la dévotion aux merveilles mystiques oscille entre bizarrerie scientifique et rituels sanglants. • La Technocratie, qui se focalise sur un monde bien ordonné sous sa direction. • Les Nephandi, pour qui la lumière et l’espoir sont le summum de l’hypocrisie. • Et les Maraudeurs, qui considèrent le chaos comme l’ultime Vérité. En dehors de ces factions, des mages créent leurs propres voies. Les Disparates refusent de choisir un camp et préfèrent œuvrer pour leur pouvoir personnel, ou le bien de leurs élus. Tous les mages combattent-ils dans cette Guerre de l’Ascension ? Non… mais ils sont nombreux à le faire, et même ceux qui restent à l’écart en subissent les conséquences. Ce conflit façonne le monde tel que les mages le connaissent. La réalité elle-même est à la fois le trophée et le champ de bataille. En tant que mage, votre défi est de prétendre à un destin dans ce monde. Cyborg, sorcier, chamane des rues ou scientifique steampunk, vous choisissez votre rôle. L’important, c’est de savoir ce que vous en faites… et, encore une fois, de savoir ce qu’il fait de vous. Même si les grandes factions se livrent une guerre dont l’enjeu est la réalité, un mage est, par nature, une force de changement. L’ultime champ de bataille est intérieur.
Votre monde, votre choix
L’intrigue générale de Mage : l’Ascension est épique et gigantesque, et des changements majeurs sont intervenus dans ses versions successives. L’édition 20e anniversaire présente des éléments de toutes ces éditions, et plus encore. Devez-vous vous en tenir à cette fameuse intrigue ? Non. Un mage n’est jamais obligé de livrer la Guerre de l’Ascension. Il n’est pas tenu de visiter les mondes mystiques. Il peut tout à fait ne jamais entendre le mot « Technocratie ». Contrairement à ce que l’on croit souvent, le monde de Mage ne se réduit pas à combattre
Introduction : Orgueil, Pouvoir, Paradoxe
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l’Itération X dans les ruines de Doissetep. Dans Mage, vous sauvez votre monde, quelle que soit l’apparence qu’il a pour vous.
Tout comme les autres jeux du Monde des Ténèbres, Mage est dominé par des thèmes et des ambiances :
Horreur et espoir dans un monde de ténèbres
Thème : espoir et transformation
Une chronique de Mage : l’Ascension est faite d’exploits héroïques et d’atrocités. Dans ce Monde des Ténèbres, l’espoir est une denrée rare. Les nuits semblent plus sombres et plus sinistres que les nôtres. Les cris et les coups de feu résonnent dans les rues. Les cathédrales gothiques côtoient des tours de Babylone, toutes de verre et d’acier. Les boîtes de nuit tremblent sous le tonnerre de la techno, et les âmes tourmentées cherchent le réconfort ou l’oubli. Barons de la drogue et fanatiques religieux répandent le sang avec une terrifiante régularité. Les monstres des légendes traquent leurs proies, même quand ces choses sont censées être « impossibles ». Les gens s’avachissent devant leur télévision ou leur ordinateur, regardent des événements se dérouler à une distance anesthésiante. Dans les églises, des congrégations de fanatiques prient pour que le ciel les délivre, mais une telle délivrance semble bien lointaine. Dans ce monde, tout paraît possible, mais il est surtout possible que tout ne soit que des conneries. Cet univers se situe quelque part entre la décadence d’une fin de siècle, les années 90, et la fureur désespérée d’un nouveau millénaire. Il est aussi moderne ou archaïque que vous le souhaitez. Ses hôtes peuvent posséder des iPhone ou fumer du crack dans une banlieue délabrée. Ils font d’ailleurs probablement les deux. Ce Monde des Ténèbres est à la fois immédiat et intemporel – une sombre satire de notre propre époque.
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
Mage, c’est avant tout en avoir quelque chose à foutre. Là où certains n’ont plus d’espoir ou se contentent des miettes qu’on leur laisse, les mages eux changent la donne. Ils ergotent, souvent violemment, sur l’apparence des cartes dans cette donne, mais l’apathie n’est pas dans leur nature. L’Éveil ne les laissera pas rester assis, sans rien faire, et accepter le monde tel qu’il est. Les mages sont le pouvoir incarné. Ce qu’ils veulent, sera. Ce pouvoir leur monte parfois à la tête, les corrompt, détruit tout ce qui leur est cher… mais il est là. De ce fait, le thème majeur de Mage, c’est l’espoir. Les choses peuvent mal tourner, et même tourner au tragique, mais l’éventualité du changement ne disparaît jamais. Cet élément de la transformation est le second thème de Mage. Rien n’est gravé dans le marbre. Tout évolue. Sous la contrainte, de prétendues traditions mystiques deviennent de nouvelles incarnations d’elles-mêmes. Dans Mage, la Stase est un ennemi ; même cette Technocratie, si ostensiblement statique, est beaucoup plus dynamique qu’elle n’en a l’air. Tout, dans Mage, tourne autour du changement, en particulier au XXIe siècle. Après tout, ceux qui ne peuvent affronter le futur sont voués à disparaître.
Ambiance : résistance et reflet
Votre vie craint… alors CHANGEZ-la ! Cette résistance est une autre facette des grandes ambiances de Mage. Que vous jouiez un gamin des rues désespéré, un PDG Éveillé, un champion de kung-fu ou un élégant enchanteur, votre monde paraît avoir la ferme intention de vous la faire à l’envers. Cultes rivaux, esprits affamés, gangs des rues
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Les zones de réalité Dans notre monde de fast-food et de télé, il est facile de penser que tout le monde croit en une chose donnée. Et pourtant, rien n’est moins vrai. Le monde est vaste et celui qui veut contrôler un système de croyances global doit le prendre en considération dans sa totalité. Dans les première et troisième éditions de Mage, on a beaucoup évoqué le contrôle exercé par la Technocratie sur la Réalité globale, parce que personne ne croit en la magie et que tout le monde croit en la science. Cette idée très cosmopolite n’est toutefois pas très réaliste. Au-delà des innombrables personnes vivant dans des zones sans réseau fiable d’électricité, de téléphone et d’eau potable (sans même parler de la télévision ou d’Internet), se pose la question de la religion. Le Moyen-Orient, par exemple, est encore aujourd’hui une poudrière pour l’humanité ; les gens qui y habitent suivent pour la plupart les principes de trois religions différentes, et pensent que leur dieu leur a donné cette terre… et ils sont prêts à éradiquer toute forme de vie sur la planète pour le prouver. Des régions entières du monde sont gouvernées par ce que l’on pourrait appeler des cultures magiques, où le mysticisme est un des fondements de la vie quotidienne. Même dans le monde prétendument industrialisé, des fondamentalistes religieux s’attaquent aux financements culturels et scientifiques. Des métaphysiciens New-Age, des conspirationnistes, des adeptes des spiritualités basées sur les lois de la nature (et qui appartiennent souvent aussi à ces autres groupes), considèrent la science et la technologie comme des ennemis, et non comme la vérité. Peut-on envisager cela comme une victoire des Technocrates ? Même pas en rêve. L’idée d’un paradigme unique, d’un seul système de croyances global est très éloignée de la réalité telle que nous la connaissons. Dans le Monde des Ténèbres, où le pouvoir de la foi et le surnaturel sont puissants, ce concept est encore plus éloigné de la réalité que dans notre univers. La Technocratie s’est peut-être déclarée vainqueur, les mystiques du monde industriel peuvent même y croire. En vérité, la Réalité avec une majuscule est encore à conquérir. M20 continue donc sur la lancée de la 2e édition et de Sorcerers Crusade, et de l’idée d’une géographie et d’une influence magyques. Dans certaines zones, la technologie est le pouvoir dominant et dans d’autres, la religion et les traditions tiennent le haut du pavé. De cette façon, Mage reste donc un monde en mouvement – et de ce point de vue, il ressemble beaucoup au nôtre. Les conteurs qui préfèrent l’intrigue générale dans laquelle la Technocratie gagne sont tout à fait libres de n’en tenir aucun compte et de considérer que la Terre entière accepte un unique Consensus. Reportez-vous au Chapitre Dix pour plus de détails sur les zones de réalité.
et changements climatiques menacent tous vos idéaux. Dans Mage, vous avez le pouvoir de riposter. Cela dit, restez prudent. En ripostant, vous pourriez devenir une partie du problème que vous tentez de résoudre. Le pouvoir est sournois : plus vous en avez, plus il a de chance de vous corrompre. De ce fait, Mage est souvent un palais des glaces symbolique ; les gens et les choses s’y reflètent, et les images qu’il renvoie sont souvent déformées et exagérées. Ce reflet imprègne son ambiance : les Technocrates reflètent les Traditions, les Nephandi reflètent leurs rivaux. La folie singe la sagesse et lui renvoie à la face cette image inversée ; les mages
dupliquent le monde qui les entoure – et ce monde, à son tour, reflète leurs actions. Les mages, bien qu’humains, sont aussi des monstres… et dans les racines latines du mot « monstre », il y a avertissement, enseignement et présage. Au-delà de la résistance évidente face aux ennemis extérieurs, Mage met aussi l’accent sur le combat intérieur entre le pouvoir et son abus. Il y a une différence entre se battre contre le système et en faire partie. Êtes-vous condamné à devenir le nouveau patron, le même que l’ancien, ou pouvez-vous façonner un meilleur lendemain avec les ruines d’aujourd’hui ?
Les différentes éditions de Mage Depuis sa sortie en 1993, Mage : l’Ascension a subi de multiples transformations : • Mage 1re édition (le livre à couverture souple de 1993) est un club sandwich à quatre étages. Des factions cosmiques s’affrontent dans un monde de bizarrerie métaphysique. Si l’on finit par y développer une trame historique et des objectifs personnels, les débuts de Mage se concentrent sur les superpouvoirs magiques. La Technocratie est une entité maléfique et sans âme qui ne cherche qu’à plier toute la Création
à sa volonté, et les Traditions, courageuses mais désorganisées, sont coincées entre Dynamisme, Stase et Entropie. • Mage 2e édition (le livre à couverture rigide de 1995) invite les joueurs à « rejoindre la bataille pour la réalité ! ». La dimension épique du jeu prend un tour plus intimiste et cette édition alterne entre récits de survie urbaine et intrigues mystiques. Toutes les factions ont désormais un point de vue valable et la Technocratie devient pour les factions mystiques un adversaire impitoyable mais sincère.
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• Mage : The Sorcerers Crusade (1998) place le début de la Guerre de l’Ascension au XVe siècle. Il présente les Traditions et la faction proto-technocratique de l’Ordre de la Raison comme deux options valables et privilégie la fantasy épique et les intrigues de cour.
• Ces événements pourraient ne jamais avoir lieu : rien n’est joué d’avance. Vous décidez seul. Les personnages ou les événements dans ces encadrés pourraient jouer un rôle significatif, ou bien très différent, voire ne jamais arriver. Utilisez-les, changez-les ou ignorez-les à votre guise.
• Mage : édition révisée (troisième édition) (1999) se pare de mélancolie teintée d’un sentiment de survie. La Technocratie a triomphé, les mystiques ont été massacrés et les mages des Traditions qui ont échappé à la purge évoluent dans un monde implacable, où l’on préfère l’apathie à l’imagination.
• Et les Maraudeurs, qui considèrent le chaos comme l’ultime Vérité.
• Mage, l’Âge des Ténèbres (2002) se déroule dans Europe du Moyen Âge, bien avant le début de la Guerre de l’Ascension. Si l’improvisation propre à la magie demeure, la réalité du monde est fermement ancrée dans les croyances européennes de cette époque. • Ars Magica (1989) et Mage : The Awakening sont certes des cousins éloignés de Mage : l’Ascension, mais ils sont surtout des jeux à part entière. Si certains éléments du monde d’Ars Magica avaient été intégrés à Mage : l’Ascension, ces liens ont très vite été rompus. • Mage, édition 20e anniversaire couvre les cinq gammes classiques de l’Ascension, et préfère une ambiance inclusive à un parti pris pour telle ou telle édition. Les groupes de joueurs sont libres d’utiliser leurs éléments favoris et d’écarter ceux qu’ils n’apprécient pas – le concept de bac à sable est fidèle à l’idéal de Mage : la Réalité est ce que vous en faites.
Destins à venir Vous trouverez au fil de ce livre des références à des lieux, des personnages et des événements ayant eu une grande influence sur la trame de fond de Mage, en particulier au cours des années 90 et au début du nouveau millénaire. La plupart de ces éléments sont regroupés dans des encadrés intitulés Destins à venir. Qu’est-ce que cela signifie ? Eh bien que vous avez trois options, en fonction de votre chronique : • Ces événements auront lieu : les dieux ont parlé. L’Histoire est en marche. Concernant le cadre de jeu officiel, ce qui figure dans ces encadrés s’est déjà produit, ou va se produire tel que décrit. • Ces événements pourraient avoir lieu : vous prenez ce que vous voulez, vous pouvez même changer l’histoire. Le conteur décide de ce qui s’est déjà passé, de ce qui ne s’est pas encore passé et de ce qui n’arrivera peut-être jamais. Les événements décrits ont un impact sur le monde, mais c’est à vous de décider du moment où ils se produisent, et de l’importance de cet éventuel impact.
Les Destins à venir laissent des événements tels que la Tempête d’Avatars ou la Guerre de l’Horizon à l’appréciation des différents conteurs. Ainsi, votre troupe n’est pas enchaînée à une chronologie officielle. La magye du Temps pourrait vous permettre de ressentir les futurs possibles, puis de changer le cours de l’histoire ; rencontrer des personnages importants ou guider des événements sur une autre voie ; ou tout simplement ignorer l’intrigue générale dans sa globalité et mener votre chronique comme vous l’entendez. Les joueurs ne connaissent peut-être pas les intentions du conteur, mais ce dernier a ce choix. En somme, la vérité reste à écrire… ce qui devrait toujours être ainsi dans Mage.
Comment utiliser ce livre Pour plus de clarté et d’ergonomie, cet énorme pavé a été divisé en trois grandes sections :
Livre I : Éveil
La section d’ouverture offre une vue d’ensemble sur l’univers de Mage et contient les… • Chapitre Un : La Voie du mage, dans lequel les Arcanes majeures guident le périple d’un mage, de l’Éveil à la résolution. • Chapitre Deux : La Magye, ou l’Art de la Réalité, explore les formes, les configurations et les outils de la magye. • Chapitre Trois : Le monde d’ombre, révèle le monde du mage lambda. • Chapitre Quatre : Les mondes au-delà, propose une visite guidée des mondes mystiques métaphysiques.
Livre II : Croyance
Entrant un peu plus dans le vif du sujet, la deuxième section présente les… • Chapitre Cinq : Les Guerriers de l’Ascension, qui décrit les différentes factions et intrigues de la Guerre de l’Ascension. • Chapitre Six : Création de personnage, où sont abordés les différentes étapes et les traits propres à la création d’un personnage. • Chapitre Sept : L’art du conte, dans lequel les conteurs recevront des conseils pratiques pour mettre en place leurs propres chroniques.
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
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• Chapitre Quatre : Les mondes au-delà, propose une visite guidée des mondes mystiques métaphysiques.
• Et pour terminer, la Postface de ce livre. Oui, ce monde est vaste… mais il ne sera jamais plus vaste que votre imagination.
Livre III : Ascension
Les règles du jeu sont dans la section finale, divisée entre les… • Chapitre Huit : Le Livre des règles, qui présente les règles essentielles du système du conteur. • Chapitre Neuf : Systèmes dramatiques, où l’on explore les règles s’appliquant aux circonstances particulières. • Chapitre Dix : Le livre de la Magye, dans lequel on décrit en détail l’Art du Changement. • Appendice I : Alliés et Adversaires, présente une sélection de profils et de personnages. • Appendice II : Fins étranges, énumère les atouts et les handicaps, les avantages, les dérangements, et quelques Prodiges pour agrémenter votre chronique de Mage.
Un bac à sable de potentialités
Le livre entre vos mains est vraiment énorme. Avez-vous besoin de le connaître par cœur, de la première à la dernière page ? Non. Considérez M20 comme une boîte à outils remplies de possibilités pour les parties que vous allez mener. Ces parties, ou chroniques, sont vos créations personnelles. Vous voulez défier la Réalité dans une partie d’échecs interdimensionnelle ? Allez-y. Vous préférez vous concentrer sur les enchevêtrements complexes d’une romance dysfonctionnelle ? Pas de problème. Vos héros pourraient mener une nouvelle Guerre de l’Ascension ou s’occuper de leurs petites affaires dans un monde devenu fou. Ce livre est une boîte à outils (ré)créative couvrant l’intégralité des vingt-deux années de Mage : l’Ascension. Rien ne vous oblige à utiliser toutes les options qui y sont… mais elles y sont, si vous les voulez ou quand vous les voudrez. C’est à votre Volonté de s’exprimer dans vos chroniques. Ce livre vous montrera comment y parvenir.
Glossaires
L
es mages sont plutôt du genre verbeux, et leur univers se prête parfaitement aux descriptions complexes et aux images poétiques. Les factions utilisant des terminologies spécifiques, nous avons découpé ce lexique en plusieurs sections correspondantes. Des termes utilisés chez les uns (par exemple la Terminologie des Traditions) pourront également se retrouver chez d’autres (la Terminologie technocratique). Consultez les encadrés tout au long du Chapitre Cinq pour les rangs et les titres spécifiques à des groupes. Les noms des strates et des concepts des mondes mystiques figurent au Chapitre Quatre. Et non, vous n’êtes pas obligé de savoir tout ça par cœur pour jouer à Mage. Bien que cela puisse aider.
Terminologie commune Beaucoup de termes recoupent des concepts communs à tous les Éveillés ; si la plupart de ces termes trouvent leur origine dans une pratique mystique, les Technocrates les utilisent souvent aussi, ne serait-ce que pour se faire comprendre sans équivoque. agent de la Volonté : personne utilisant sa volonté sur la Création… c’est-à-dire un mage. Alliance des Disparates : alliance secrète récemment formée de Corporations de Disparates, et qui compte actuellement tous les Ahl-i-Batin, les Bata’a, les Enfants du Savoir, les Excavés, les Kopa Loei, les Ngoma, les Sœurs d’Hyppolyte, les Taftani, les Templiers, les Wu Lung, ainsi que divers Orphelins sans allégeance.
anéantissement : effet boomerang du Paradoxe au sein de la Toile numérique. Le Grand Anéantissement fait référence à un crash de grande envergure qui a eu lieu le 10 novembre 1997 et qui a significativement modifié les réseaux Internet. (Voir aussi Guerrier de l’Ascension, Doissetep, Porthos.) Appareil : avec une majuscule, gadget hypertechnologique utilisant des Procédures Illuminées indépendantes ; en termes mystiques, un objet magique basé sur un élément technologique. (Voir aussi Fétiche, Talisman.) apprenti, Apprenti : mage aspirant ou nouvellement Éveillé au début de sa formation. Avec une majuscule, titre du Conseil donné à un mage des Traditions de faible rang. Arcane : avec une majuscule, voile ou effet mystérieux dissimulant l’existence et l’identité d’une personne, d’un lieu ou d’un objet. Arété : prononcer a-rê-TÉ ou AIR-ê-té. Il s’agit de l’excellence et de la Volonté Illuminée permettant à un mage de modifier la réalité en utilisant ses Arts. (Voir aussi Éveil, gnose, magye). Art, les Arts : appellation commune de la magye ; également synonyme de sphère (par exemple, l’Art des Forces). Ascension : transcendance vers un niveau d’existence supérieur. Tout autant considéré comme un but personnel (au cours duquel le mage effectue son Ascension) qu’un objectif global (dans lequel le mage élève l’humanité dans son ensemble et lui permet de faire sa propre Ascension). Toutefois, rares sont les mages qui s’accordent sur l’aspect ou la définition de ce niveau supérieur d’existence, l’Ascension étant plus un idéal qu’un accomplissement. assemblage : personne artificiellement conçue. astral : relatif à la conscience mystique, en général en projetant cette conscience hors du corps physique, au façonnage des mondes par le biais de la conscience, ou aux deux. (Voir aussi Trois Mondes.)
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Avatar : « dieu intérieur » guidant un mage ; un Avatar Éveillé lui permet de modifier la réalité. (Voir aussi Génie, Quête.) bodhisattva : personne ayant atteint un haut degré d’Illumination – pas toujours un mage – et qui a décidé de s’arrêter au seuil de son Ascension personnelle pour aider les autres. (Voir aussi Oracle.) Brûlure, la : une explosion des énergies du Paradoxe. cabale : petit groupe de mages travaillant souvent de concert ; une famille ou un clan d’agents de la volonté associés. cairn : un node gardé par des tribus de loups-garous. chamane : mystique qui communique avec des esprits et intercède auprès d’eux ; désignant à l’origine une catégorie précise de guérisseurs et devins sibériens, le terme s’applique désormais plus généralement à des « voyants » ayant des visions liées aux esprits, et traversant des expériences (symboliques ou réelles) de mort et de renaissance. (Voir aussi totem.) chi : énergie vitale générée et canalisée par le biais de diverses pratiques mystiques ; peut aussi s’orthographier ch’i. (Voir aussi Quintessence.) Chute : avec une majuscule, le côté sombre de l’Ascension ; un idéal de décomposition, de corruption et de néant plutôt que de transcendance. conscience : sensibilité aux forces surnaturelles/paranormales, souvent ressentie comme une exacerbation inhabituelle des perceptions et des sentiments sur des choses invisibles au commun des mortels. (À ne pas confondre avec le trait éponyme dans Vampire.) Conseil des Neuf Traditions mystiques, le Conseil : titre complet des Neuf Traditions, unies en une seule entité ; fait également référence à l’organe dirigeant de ce groupe. Consensus, le : désigne communément la réalité telle qu’elle est acceptée par la plupart des gens. Pour la Technocratie, c’est l’état le plus idéal et le plus sûr pour l’humanité, bien que d’autres mages utilisent aussi ce terme. (Voir aussi réalité consensuelle, les Masses, paradigme, Dormeur.) consort : terme ancien désignant un allié puissant, mais non-Éveillé. Il trouve son origine dans l’Ordre d’Hermès et est depuis passé dans le langage courant. Canevas : Base technocratique ou Royaume de l’Horizon. contraire : rôle de la folle sagesse, qui inverse les codes vestimentaires et les comportements attendus (souvent, mais pas toujours, par le biais du travestissement, de l’androgynie, de la confusion délibérée, du discours inversé, en disant le contraire de ce que l’on pense, etc.) afin de bouleverser le rapport à la réalité. Parfois utilisé en tant qu’instrument dans le cadre d’un focus mystique. (Voir aussi chamane.) contremagye : esquive métaphysique dans laquelle un mage tente d’annuler l’effet du sort d’un autre mage, et ce avant que la magye de ce dernier ne produise ses effets. (Ce mot est plutôt un terme de jeu : les joueurs pourront l’utiliser, mais leurs personnages rarement, voire jamais.) Convention : avec une majuscule, ce terme désigne une ou plusieurs des cinq divisions formant l’Union Technocratique. conviction : la force spirituelle qui permet à un mage de modifier la réalité. Même après l’Éveil, un mage doit croire de toutes ses forces en quelque chose. (Voir aussi focus, paradigme, pratique.) (À ne pas confondre avec le trait éponyme dans Vampire.) Corporation : avec une majuscule, important groupe de mages alliés refusant de rejoindre les Traditions, la Technocratie, les Maraudeurs ou les Nephandi. (Voir aussi Disparates.)
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
Création : avec une majuscule, ce terme fait référence à tout ce qui existe – comme dans « la Création ». (Voir aussi Tellurie.) culture de la norme : société normale, courante, au sein du monde technologique et industriel. Les Masses et les idées qui les incarnent. Terme généralement considéré comme péjoratif. Déchus, les : les Nephandi, ou tout autre mage en quête de la Chute et non de l’Ascension. Déconnexion : éloignement progressif d’une personne de son existence terrestre ; touche ceux qui passent trop de temps dans les mondes mystiques. démon : un esprit malveillant et/ou infernal. Désincarnation : déconnexion extrême, dans laquelle le voyageur a perdu sa forme physique et n’existe plus que sous la forme d’une évanescence. Déviant de la Réalité, DR, Déviance : termes technocratiques désignant des entités, des actions et des créatures (dont les mages) qui s’écartent de la forme idéale de la réalité telle que l’Union la conçoit. Utilisés à l’origine uniquement par la Technocratie, désignent plus largement des ennemis surnaturels. Disparates, les : importante secte de mages non-alignés ; à l’origine insultant, mais les mages en question se le sont fièrement réapproprié. (Voir aussi Convent, Orphelin.) Dixième sphère, la : principe unificateur théorique derrière les neuf sphères ; largement débattu, mais pour l’heure sans réel fondement. Dormeur : une personne qui ne s’est pas encore Éveillée à toute l’étendue de la réalité. (Voir aussi les Masses, culture de la norme.) Dynamisme : avec une majuscule, la force du changement métaphysique au sein de la Trinité métaphysique. Également appelé Kaos. (Voir Entropie, Stase.) effet Rashômon, syndrome de Rashômon : prise de conscience que tout le monde possède une perception différente de la réalité, et qu’il n’en existe pas de forme définitive. Vocable tiré du film japonais et de la pièce de théâtre éponyme. Entropie : avec une majuscule, la force métaphysique de la décomposition par laquelle toute chose passe avant de retourner dans le cycle du Dynamisme ; la sphère qui traite de telles forces. Épiphanie : le moment de l’Éveil ; une expérience du type « Eurêka ! » qui ouvre les yeux du mage sur un nouveau potentiel. esprit du Paradoxe, entité du Paradoxe : manifestation bizarre du Paradoxe incarné qui sanctionne un mage déclenchant l’effet de Paradoxe ; cette manifestation est censée être formée par l’inconscient… ou le cauchemar collectif de l’humanité. Esprit, esprit : avec une majuscule, la sphère en charge de telles énergies et entités. Sans majuscule, une entité ou une force en dehors de la réalité matérielle ; parfois considéré comme le cinquième élément, l’essence d’une âme, ou l’énergie immatérielle nourrissant la passion et l’émotion. Essence : la personnalité d’un Avatar, dynamique, motivale, questive ou primordiale ; appelée Eidolon par les Technocrates. étisie : lieu ou moment où le Goulet se rétrécit temporairement, facilitant le passage entre la Terre et les mondes mystiques. Éveil : le fait de s’éveiller au pouvoir de remodeler la réalité et de pratiquer la vraie magye. Éveillés, les : les mages en général ; également utilisé pour le Peuple de la Nuit, qui possède lui aussi des aptitudes paranormales. (Voir aussi Illumination, non-Éveillé.) familier : esprit ayant pris une forme physique pour devenir le compagnon d’un mage.
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Fétiche, fétiche : avec une majuscule, objet imprégné d’une signification rituelle et/ou de pouvoirs spirituels. Sans majuscule, dans un contexte sexuel, pratique ou situation d’obsession intense et de focus potentiellement magyque. folle sagesse : dépasser les limites par des comportements et des actions apparemment (et/ou dangereusement) irrationnels. En bousculant le bon sens et les tabous sociaux, l’adepte de la folle sagesse dépasse les limites de l’anxiété personnelle et la culture de la norme. (Voir aussi contraire, voie de la Main gauche.) focus : combinaison de la conviction, de la pratique et des instruments au travers de laquelle un mage concentre sa magye. (Voir aussi paradigme.) (À l’instar de la contremagye, il s’agit plus d’un terme de jeu.) Fondation : lieu où les mages s’établissent ; une forteresse mystique. (Voir aussi Canevas.) Fous ; les : les Maraudeurs. Génie, le : avec une majuscule, terme technocratique désignant l’Avatar. gnose : connaissance intuitive et/ou initiée, et conscience de la vraie nature de la réalité. (À ne pas confondre avec le trait spirituel éponyme dans Loup-Garou : l’Apocalypse.) gnosticisme : l’une des nombreuses croyances d’une Création imparfaite qu’il est possible de transcender par la connaissance Illuminée/la conscience (gnose) d’une condition humaine supérieure. Goulet, le : barrière métaphysique entre la réalité terrestre et la Penumbra. Guerre de l’Ascension, la : conflit opposant depuis plusieurs siècles différentes factions d’Éveillés afin de déterminer la forme ultime de la réalité sur Terre. Réputée gagnée ou perdue à plusieurs reprises, c’est un but qui – comme pour l’Ascension elle-même – tient plus du concept nébuleux que d’un objectif mesurable. haute magye rituelle : pratique mystique formalisée et élaborée, basée sur la discipline, l’accomplissement, l’étude et le contrôle ; ce que le commun des mortels considère comme de la mag(i/y)e ou de la sorcellerie. (Voir aussi mage, chamane, Technomancien, sorcière.) héros : « Qui mérite que l’on chante ses louanges. » Une personne qui franchit les limites et devient une légende. Horizon, l’ : forme plus épaisse du Goulet, entourant l’atmosphère terrestre et incluant les nombreux mondes mystiques autour de la Terre. Si l’on en croit la théorie, il y aurait également un autre Horizon au-delà de la Lune. hubris : orgueil démesuré conduisant à l’excès et à la ruine. hypertechnologie : pour paraphraser Arthur C. Clarke, technologie suffisamment avancée pour être impossible à distinguer de la magie. En d’autres termes, de la technomagye. (Voir aussi Science Éclairée, Science Inspirée.) Illumination, Illuminé : avec une majuscule, synonyme de l’Éveil – communément, mais pas exclusivement, utilisé par la Technocratie (dont certains membres préfèrent se dire Éclairés plutôt qu’Illuminés). Sans majuscule, l’illumination désigne simplement un état de compréhension profonde. Immaculés, les : créatures légendaires décrites comme des anges, des fragments de dieux, ou d’autres entités mystiques. (Voir aussi Avatar, le Wyck.) Incarna : entité spirituelle aux pouvoirs quasi divins. (Voir aussi esprit, totem, rejetons de l’Umbra.)
Infernal, infernal : issu de l’Outremonde ; avec une majuscule, désigne des forces ou entités métaphysiques maléfiques et corruptrices. (Voir aussi démon.) infernaliste : quelqu’un (pas toujours un mage) qui conclut des pactes avec les puissances infernales. initiation : présentation d’une personne, par une épreuve et une cérémonie, à une société occulte. Initié/initié : qui a été introduit aux niveaux plus élevés de la réalité et aux cultures mystiques/technocratiques associées. Avec une majuscule, désigne un mage de rang inférieur. instrument : en matière de magye, les outils et les activités utilisés dans un focus : la conviction inspire la pratique, qui elle-même utilise des instruments pour permettre la concentration (focus). La Technocratie appelle ses instruments des dispositifs, et de nombreux autres technomanciens utilisent également le terme. Jhor : résonance entropique ; la souillure de la mort affectant les mages en contact étroit avec l’Outremonde et la réalité entropique. mage, magus : pour les Éveillés, celui qui sait comment manipuler la réalité par sa seule Volonté Illuminée ; synonyme de vrai mage. Mot dérivé du grec et du perse antique désignant un prêtre zoroastrien. magicien commun, sorcier commun : terme péjoratif désignant des personnes utilisant une forme de magye limitée, par opposition aux Arts basés sur les sphères. (Voir aussi Somnambule, magie statique, vraie magye.) magie : effets d’illusion ou d’altération impressionnants, mais limités, qui s’adaptent à la réalité statique même s’ils ont l’air surnaturel. (Voir aussi magicien commun, magie statique, Stase.) magye coïncidentale : effet magyque pouvant passer inaperçu ou être interprété comme une pure coïncidence par quelqu’un qui ne comprend pas ou ne croit pas en la magye. Magye s’inscrivant dans le paradigme dominant. (Voir aussi magye vulgaire.) magie (ou magye) du chaos : pratique mystique éclectique, peu orthodoxe et bien souvent improvisée. Contrairement à de nombreuses idées reçues, il ne s’agit PAS d’une magye basée sur les forces maléfiques ou de mauvaises intentions. magye : l’Art et la Science de modifier la réalité par la seule force de la Volonté Éveillée/Illuminée. Également appelée vraie magye. Parfois orthographiée avec un « i » à la place du « y », ce qui tend à confondre mag(i/y)e statique et dynamique. magye vulgaire : modification drastique et évidente de la réalité ; l’opposée de la magye coïncidentale. Maraudeur, les Maraudeurs : schizophrènes métaphysiques dont la perception de la réalité est tellement déconnectée du Consensus qu’elle existe dans ses propres puits de réalité. (Voir aussi Quiétude.) Masses, les : la plus grande partie de l’humanité ; les non-Illuminés, c’est-à-dire les Dormeurs. Terme à l’origine technocratique, il est aujourd’hui utilisé par d’autres groupes. (Voir aussi ordinaire, culture de la norme.) meme : idée, concept, croyance ou message doté d’une vie propre et qui se diffuse à travers les pensées et les cultures. microcosme et macrocosme : selon ce paradigme, les petites choses sont le reflet de grandes choses, et elles sont toutes liées d’une manière ou d’une autre. Cette croyance s’illustre parfaitement dans l’axiome d’Hermès Trismégiste : ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. mondes mystiques, les : les différents mondes situés au-delà du Goulet. (Voir aussi Trois Mondes, Umbra.)
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Motif : forme métaphysique d’un objet, d’un corps ou d’une énergie. (Voir aussi Quintessence.) mystique : en référence à un mage, agent de la Volonté ayant une approche magyque – par opposition à technologique – de la réalité et des Arts. néotribalisme, néotribaliste : philosophie et adepte de cette philosophie, prônant la vie en dehors de la culture de la norme, généralement en tribus partageant les mêmes valeurs ; adopte généralement des activités et des sous-cultures post-modernistes ou modernes-primitives (modifications corporelles, festivals des arts alternatifs, modes de vie nomades, mode et rituels techno-tribaux, etc.). Nephandus, Nephandi : mages du « côté obscur » suivant la voie de la Chute ; tristement célèbres pour la corruption, la tentation, la tromperie et la duperie dont ils font preuve. node (ou nœud) : nexus d’énergie primitive, source de la Quintessence et du Tass. Les nodes apparaissent généralement dans des lieux d’immenses décharges émotionnelles et/ou d’harmonie ou de corruption naturelle. non-Éveillé, non-Illuminé : avec une majuscule, une personne qui n’est pas encore totalement Éveillée. Oracle : mage légendaire ayant accompli l’Ascension, ou qui est resté au seuil de celle-ci pour aider (ou entraver) la vie sur Terre. Souvent considéré comme un mythe. (Voir aussi bodhisattva.) Ordinaire(s) : en général un Dormeur, ou les Masses. Ordre de la Raison, l’ : forme originelle de l’Union Technocratique, active entre 1325 et 1897. Orphelin, orphelin : mage qui s’est Éveillé seul et/ou n’est affilié à aucun ordre, qui a des pratiques personnelles et des buts qui lui sont propres. Considéré par les Traditions et les Technocrates comme un dangereux électron libre. Ces deux factions orthographient ce terme avec une majuscule, mais de nombreux autres mages l’utilisent avec une minuscule, car ils le trouvent insultant. Outremonde, l’ : avec une majuscule, l’Umbra profonde, royaume de la mort et de l’Entropie. Outrepassés, les : créatures qu’on dit mythiques, que l’on voit rarement sur Terre et qui sont pourtant très présentes dans les légendes humaines (dragons, chimères, licornes, etc.). paradigme dominant : quand les Dormeurs disent « c’est comme ça ». Les mages modifient, transforment et transcendent les paradigmes dominants par leur simple existence, bien que certains autres travaillent à les renforcer. (Voir aussi magye coïncidentale, Technocratie.) paradigme : modèle de réalité reflétant un système de convictions. (Voir aussi focus, pratique, instrument.) Paradoxe : la force des réalités conflictuelles, créée quand un mage exécute un sort de piètre façon, ou bien qu’il outrepasse les limites du Consensus. Également appelé l’effet de Paradoxe. paranormal : les « forces mystérieuses », qualifiées ainsi par ceux qui (comme les Technocrates) n’aiment pas employer des mots du style « magie » ou « surnaturel ». Penumbra, la : reflet spirituel de la réalité matérielle terrestre, située juste de l’autre côté du Goulet ; perçue et expérimentée différemment selon les gens. (Voir aussi Vidare.) Peuple de la Nuit, le : les vampires, loups-garous, fantômes et les autres créatures surnaturelles/paranormales qui peuplent le plan terrestre. (Voir aussi Déviant de la Réalité.) Pogrom, le : purge violente et systématique des Déviants de la Réalité menée par la Technocratie. Du Russe « foudroyer ».
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
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Portail : une Porte permanente, en général protégée par des énigmes, des glyphes, des créatures et/ou d’autres précautions. Porte : pont magyque temporaire reliant différents lieux entre eux. (Voir aussi Portail.) post-humain, post-humanisme : état au-delà de l’humanité naturelle ; philosophie prônant la transcendance de l’humanité, souvent par le biais de prouesses technologiques. pratique : pour les mages et la magye, la pratique désigne les actions et les rituels mis en place par un mage pour concentrer ses convictions ; aussi appelé de style magyque. (Voir aussi conviction, focus, instrument, paradigme.) Prime, Force primale : l’énergie essentielle de la Création ; nom de la sphère qui utilise ces énergies. (Voir aussi Quintessence.) Procédure : avec une majuscule, focus technocratique nécessaire à un sort technomagyque. Quête : le voyage intérieur d’un mage, guidé par son Avatar, pour atteindre un degré supérieur d’Illumination. Quiétude : état de déconnexion et de folie métaphysiques, souvent causé par un usage abusif de la magye. Les Maraudeurs vivent dans un état de Quiétude permanent. Quintessence : l’essence brute et concentrée de la Création – sa Cinquième Essence ; également appelée Force primale, la Quintessence se manifeste dans les Motifs par l’interaction entre le Dynamisme et la Stase. (L’Entropie détruit ces Motifs.) Réalité : avec une majuscule, forme de réalité incarnée, voire consciente : la réalité en tant qu’être, et non en tant qu’état. réalité consensuelle : la réalité telle que la plupart des humains la conçoivent, l’acceptent et la perçoivent. Également appelée réalité terrestre. (Voir aussi paradigme dominant.) réalité dynamique : la réalité en mouvement ; l’état statique de la réalité soumise à un déplacement ou à une modification radical – en d’autres termes, de la magye. (Voir aussi réalité entropique, réalité statique, Trinité métaphysique, et les termes associés.) réalité entropique : réalité corrompue et en décomposition, souvent perçue et/ou créée par des magyes entropiques ou d’autres forces de l’Outremonde. (Voir aussi Jhor.) réalité statique : l’élan de la réalité, guidé par les croyances de l’humanité et déterminant ce qui est possible sous la forme de ce qui existe. La magye authentique, par définition, modifie la réalité statique et la remodèle selon les souhaits du mage. rejetons de l’Umbra : habitant ou natif non-humain de l’Umbra ; considérée comme une insulte par les chamanes et les esprits, mais souvent utilisée par les Hermétiques et les technomanciens. On utilise parfois le terme Umbrassé, moins péjoratif. Résonance : effet Larsen métaphysique ; traces des actions passées et des sorts magyques. Communément appelée (souvent de façon erronée) karma, Triple Retour et « Bien fait pour ta gueule ». rituel : une série d’actions préétablies qui a un but supérieur. Certains rituels sont simples (toucher du bois), et d’autres incroyablement complexes et réservés à certaines personnes (une Grande Messe). routine : sort immémorial qu’un mage connaît sur le bout des doigts. Royaume de l’Horizon : royaume mystique, généralement créé à l’aide d’une puissante magye. Les Royaumes technocratiques sont appelés Canevas de l’Horizon. Royaume du Paradoxe : petit Royaume créé par les forces du Paradoxe afin d’y enfermer un mage qui a enfreint les règles de la réalité consensuelle.
Royaume : avec une majuscule, fait référence à un lieu situé dans les mondes mystiques et possédant une identité et une forme cohérentes. sanctum, Sanctum : un rituel particulièrement sûr et bien préparé, ou un laboratoire ; avec une majuscule, désigne un lieu magyquement préparé. Science Éclairée : altération des modèles apparents de la réalité par l’application et la compréhension de principes scientifiques avancés ; en d’autres termes, la technomagye. (Voir aussi hypertechnologie, Science Inspirée, physique de la réalité.) Scientifique : avec une majuscule, un technomancien Illuminé de haut rang, plus particulièrement au sein de la Société de l’Éther et de la Technocratie. Solificati, les : secte d’alchimistes dont l’histoire et l’identité sont extrêmement confuses ; actuellement liés à une Corporation de Disparates et à l’Ordre d’Hermès. Somnambule : personne douée de conscience, mais qui ne s’est pas encore tout à fait Éveillée ; Dormeur visionnaire possédant peut-être des talents inhabituels, mais aucune magye basée sur les sphères. (Voir aussi bodhisattva, consort, magicien commun.) sorcier, sorcière : mystique primitif employant un mélange d’instinct et d’Anciennes coutumes issues de la sorcellerie commune, par opposition à la haute magye rituelle. Parmi les Dormeurs, ce terme désigne communément les pratiquants peu recommandables (qui ne sont pas toujours des femmes) des Arts. sphères, les : les neuf éléments de la réalité (ou les aires de compréhension qui y sont liées) grâce auxquels les mages pratiquent leurs Arts et qui sont la Correspondance, l’Entropie, l’Esprit, les Forces, la Matière, le Prime, la Psyché, le Temps et la Vie ; la Technocratie les désigne sous d’autres noms. (Voir aussi Art, dixième sphère.) Stase : principe métaphysique de la forme, mise en mouvement par le Dynamisme et détruite par l’Entropie. (Voir aussi Trinité métaphysique.) talent brut : expression réflexe, inconsciente, imprévisible et généralement chaotique de talents mystiques n’ayant pas été correctement formés ; l’une des principales sources de crainte envers les Orphelins et les Maraudeurs. (Voir aussi Volonté.) Talisman : objet magyque contenant son propre pouvoir mystique. (Voir aussi Appareil, Fétiche.) Tapisserie, la : métaphore désignant la réalité. Tass : forme physique de la Quintessence, fusionnant souvent autour de nodes ou dans des créatures surnaturelles, et adoptant des formes correspondant à la source en question (champignons vénéneux dans un bois, eau dans une fontaine, sang dans les veines d’une créature, etc.) technocrate, Technocrate : sans majuscule, fervent défenseur des solutions scientifiques/technologiques dans le gouvernement et la société. Avec une majuscule, membre de l’Union Technocratique. Technocratie : sans majuscule, gouvernement ou philosophie s’appuyant sur la science et l’industrie. Avec une majuscule, abréviation désignant l’Union Technocratique. technomagye : altération de la réalité (c’est-à-dire magye) par un focus scientifique/technologique. technomancien : mage utilisant la technomagye ; du grec « visualiser par la connaissance/un travail compétent ». Tellurie, la : la réalité dans son ensemble ; toute la Création. Terre, terrestre : avec une majuscule, la planète ; sans majuscule, la réalité dominée par l’être humain.
Introduction : Orgueil, Pouvoir, Paradoxe
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Toile numérique : l’aspect métaphysique de l’Internet, considéré en général comme un être vivant. Également appelé netspace et espace Web. tonton Al : Aleister Crowley, occultiste (tristement) célèbre, sarcastiquement appelé « ce bon vieux tonton Al » par de nombreux mages. totem : entité spirituelle s’intéressant de près à une personne ou à un groupe, et lui conférant souvent des faveurs. Généralement, mais pas toujours, lié à un animal ou une puissance naturelle. (Voir aussi chamane.) Traditions, les : un ou plusieurs membres du Conseil des Neuf Traditions mystiques. Ces Conseils sont actuellement : les Adeptes du Virtuel (les AV), le Chœur Céleste (les Chanteurs ou les Choristes), le Culte de l’Extase (les Sahajiya), les Euthanatoï (les Chakravanti), les Fils/la Société de l’Éther (les Étherites), la Fraternité Akashite (les Akashayana), l’Ordre d’Hermès (les Hermétiques), les Parlesonges (les Kha’vadi), et la Verbena (les Verbanae). Trame mythique : éléments légendaires, folkloriques et mythologiques qui résonnent fortement dans l’inconscient collectif, et qui ont donc des liens puissants avec la réalité malgré leur aspect magique. Les cartes de tarot, l’astrologie, les vampires et les possessions démoniaques contiennent tous des éléments de la Trame mythique. (Voir aussi hypernarration.) transhumanisme, transhumaniste : philosophie, adepte de cette philosophie prônant l’élévation de l’humanité au-delà de ses limitations physiques et sociales par la technologie. Trinité métaphysique, la : nom donné à l’interaction entre les forces du changement (Dynamisme), de la forme (Stase) et de la décomposition (Entropie). Connue par certains mages primitifs sous le nom de Trinité du Kaos, de la Tisseuse et du Ver. Trois Mondes, les : les trois degrés des mondes mystiques des Umbrae, sièges de la conscience (l’Astral, ou Umbra supérieure), de la nature (l’Umbra moyenne) et de la mort (l’Umbra profonde ou sombre). Liés à la Trinité métaphysique (Umbra supérieure = Dynamisme, Umbra moyenne = Stase, Umbra profonde = Entropie), les Trois Mondes sont toutefois chacun composés des trois principes. (Voir aussi Umbra, Outremonde.) Umbra profonde : l’aspect métaphysique du cosmos. (Voir aussi Horizon, Vide.) Umbra, Umbrae : un ou plusieurs des Trois Mondes ; du latin « ombre ». Union Technocratique, l’ : puissante faction de technomanciens Illuminés dédiée à la domination bienveillante de l’humanité. Divisée en cinq Conventions – l’Itération X, le Nouvel Ordre Mondial, les Progéniteurs, le Syndicat et les Ingénieurs du Vide. Cette faction utilise l’invention, la subversion et la force pour atteindre son objectif de contrôle global. Vidare : perspective à travers laquelle on voit la Penumbra ; affecte également la destination d’un voyageur dans les mondes mystiques. Vide, le : avec une majuscule, désigne les plus lointains confins de l’espace, le principe du Néant ultime, l’absence absolue de possibilité ; chaos primordial et cœur de l’Outremonde – toutes étant, par essence, une seule et même chose. Parfois appelé l’Absolu, en particulier par les Nephandi. voie de la Main droite (VMD) : recherche de l’Illumination et de la magye par l’ascétisme et les actions vertueuses en accord avec les lois mortelles, divines ou morales. Ce terme désignait à l’origine l’une des deux approches des Arts tantriques, aujourd’hui appli-
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quée aux formes recommandables de magye (par opposition à la prétendue peu recommandable voie de la Main gauche). voie de la Main gauche (VMG) : pratiques mystiques impliquant des éléments peu conventionnels et interdits (sexe, drogues, violence, intoxication, briser les tabous, etc.) pour parvenir à l’illumination ; quête de la rébellion et des sensations par opposition au conformisme et à l’ascétisme. (Voir aussi voie de la Main droite.) Voie, la : terme poétique désignant le périple d’un mage, de l’Éveil à l’Ascension. (À ne pas confondre avec le trait éponyme dans le Monde des Ténèbres.) Volonté : parfois avec une majuscule, force de détermination et de compréhension permettant à un mage de choisir consciemment de modifier la réalité, par opposition au talent brut. (À ne pas confondre avec le trait éponyme dans le Monde des Ténèbres.) Wyck, les : nom légendaire des premiers mages, descendants des Immaculés. Parfois traduit par « les Sages ».
Terminologie des Traditions Référez-vous au Chapitre Cinq (page 141) pour les rangs et les titres spécifiques aux Conseils. Les termes suivis de l’annotation (intrigue générale) décrivent des personnages ou des événements optionnels de l’histoire officielle de Mage. Libre au conteur de les inclure ou non dans sa propre chronique. agent Smith : technocrate générique, en particulier un Costume noir ou un MiB. arcanopathe : individu en quête de pouvoir magyque ou de savoir, et peu soucieux d’éthique, de moralité, ou des éventuelles conséquences de ses actes. (Voir aussi Faust.) bani : titre honorifique du Conseil signifiant « de la maison… » ; par exemple : spider Chase, bani Verbena. Blues Brothers : voir Costume noir. certámen : duel magique ritualisé, utilisé pour s’entraîner ou résoudre des querelles. Chapeaux noirs & Lunettes miroir : terme péjoratif pour les Technocrates et la Technocratie. Colonie, la : (intrigue générale) forteresse secrète du Conseil du Nouvel Horizon. Conseil des Dévoyés, le : (intrigue générale) entité ou groupe mystérieux qui a commencé à envoyer des messages et des indices à des mages, apparemment choisis au hasard, vers 2002 ; également appelé (ou affilié au) le Sphinx. Conseil du Nouvel Horizon, le : (intrigue générale) tentative de reconstitution du Conseil des Traditions. cray : ancien nom des nodes. cybergeek : mage informaticien de la vieille école. Dante-moi ça : « Danter quelque chose », faire quelque chose de la manière la plus cool qui soit. décaler, se : se glisser mystiquement à travers le Goulet et pénétrer dans la Penumbra. Dévoyé : avec une majuscule, mage qui a quitté sa secte, renoncé à sa place au sein des Traditions, tourné le dos à ses anciens alliés ou embrassé une carrière de mercenaire. Disneysiens : surnom sarcastique donné à une personne (Éveillée ou non) obsédée par la magye et la fantaisie de la pop culture ; également appelée Princesse ou Prince Charmant (indépendamment du genre de la personne en question).
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djembé : diminutif de « joueur de djembé » – un hippie, un chamane ou un néotribaliste, et plus particulièrement ceux issus des Traditions du Culte de l’Extase ou des Parlesonges ; péjoratif. Doissetep : (intrigue générale) forteresse hermétique légendaire ; la plus ancienne et la plus puissante de son genre, seule la forteresse d’Horizon lui est supérieure en termes de taille et d’échelle. La forteresse s’autodétruisit lorsque le Guerrier de l’Ascension poussa les querelles internes à leur paroxysme. Doissetep a été associée à la lame du tarot de la Tour, et est considérée comme l’incarnation de l’hubris dans toute sa splendeur. doxé : pourri par le Paradoxe ; endoxé, également utilisé pour qualifier en particulier la Résonance ou les effets de Paradoxe persistants. Dram : une dose de Tass. Élite : avec une majuscule, un mage des Traditions Éveillé depuis les années 90 et ayant survécu à la Semaine des Cauchemars et à ses conséquences ; désigne les Adeptes du Virtuel respectés. exploser : éclater quelqu’un à l’aide d’une vulgaire magye destructive. Extatique : avec une majuscule, un membre du Culte de l’Extase. Faust : mage orgueilleux et/ou imprudent, qui traite avec les puissances infernales ou conclut des pactes à son désavantage ; terme péjoratif désignant un mage de l’Ordre d’Hermès. Frigo à viande, le : ancienne expression des Adeptes du Virtuel désignant le monde physique ; ridiculement vieillotte pour de nombreux mages du XXIe siècle. Également un bon vieux frigo à viande. Gandalfien : mage hermétique ; insulte généralement faite à un hermétique imbu de lui-même (c’est-à-dire, la majorité d’entre eux) ; également Dumbledore. Gilgul : destruction de l’Avatar d’un mage, en général en guise de punition ; de l’hébreu « métamorphose ». Grand Félon, le : (intrigue générale) Heylel Teomim Thoabath (« L’Abomination »), représentant solificati de la Première Cabale ; trahit celle-ci, soi-disant pour mettre en lumière la vulnérabilité innée du Conseil à la corruption. Le Guerrier de l’Ascension prétendit être la réincarnation de Heylel ; on ignore encore aujourd’hui la vérité à ce sujet. Grande Convocation, la : réunion de mages venus du monde entier ayant eu lieu entre 1457 et 1466 ; fondation du Conseil des Neuf. Gros Jouet : baguette, bâton ou appareil utilisé pour lancer des sorts spectaculairement vulgaires. guerre des sorcières : dispute ou rivalité interne entre factions mystiques alliées (des Traditions ou non.) Guerrier de l’Ascension, le : (intrigue générale) personnage mystérieux qui prétendait être la réincarnation d’un membre de la Première Cabale – son Grand Félon. Survivant du Gilgul, le Guerrier déclara une vendetta sur les Traditions et la Technocratie, mena des attaques sur plusieurs Royaumes et Canevas de l’Horizon, et sur l’Horizon lui-même. Il s’avéra finalement être un imposteur, mais ses actes coûtèrent particulièrement cher aux Traditions dans leur ensemble. (Voir aussi Doissetep, Voie Fragile, Horizon, Porthos.) guerriers hippies nomades : néotribalistes. Terme péjoratif utilisé par des étrangers, souvent à propos des Extatiques, des Parlesonges ou des Verbenae. Horizon : (intrigue générale) le quartier général original du Conseil ; immense forteresse au sein des mondes mystiques. Symbole de l’unité des Traditions, elle fut attaquée et détruite à deux reprises à la fin des années 90, et on la pense aujourd’hui perdue. Jus : terme d’argot synonyme de la Quintessence.
Merlin : argot désignant un mage de la vieille école puissant et/ou imbu de lui-même ; plus respectueux que Gandalfien ou Dumbledore. MiB : « Man in Black », Homme en Noir. netoyen : habitant Éveillé régulier de la Toile Numérique. Parleur : avec une majuscule, désigne un Parlesonge, et plus particulièrement un activiste politique ou un chamane rebelle. Porthos : (intrigue générale) l’archimaître Porthos Fitz-Empress était un mage hermétique et l’on suppose qu’il a été le plus puissant de tous les temps. Porthos était cinglé, et pas qu’un peu, et même s’il n’est jamais devenu un Maraudeur, cette folie lui pesait grandement. Malgré cela, il prit le parti des jeunes mages des Traditions et fut pour eux une immense source d’inspiration. On pense qu’il est mort le 10 novembre 1997 lors de la destruction de Doissetep, et qu’il aurait réussi à contenir son explosion par son sacrifice altruiste. (Voir aussi Guerrier de l’Ascension, Voie Fragile.) Potter, Potteriser : déprécier quelque chose de magyque et/ou de merveilleux ; utiliser des outils ou des rituels de la pop culture ; placer la magye au même niveau que cette sacrée Mary Poppins. Terme évidemment (et injustement) péjoratif. Première Cabale, la : groupe de neuf représentants triés sur le volet du premier Conseil des Traditions ; trahie par l’un des siens et à moitié massacrée, ses survivants se sont par la suite dispersés. Considérée à l’époque comme un mauvais augure par le Conseil naissant, mais comme une inspiration par les mages qui lui ont succédé. Protocoles, les : code de conduite suivi en théorie par tous les mages des Traditions. QFP ? : « Que Ferait Porthos ? ». Question à demi ironique face à un défi de taille ou une énigme particulièrement difficile ; sa signification profonde est « Il faudrait être cinglé pour le comprendre. » A tendance à agacer un brin les mages plus âgés, surtout les Hermétiques qui pourraient avoir connu l’archimaître Porthos et le vénérer, le mépriser, ou les deux à la fois. Semaine des Cauchemars, la : (intrigue générale) la première semaine de juin 1999 ; des visions et des cauchemars collectifs ont accompagné l’émergence d’une entité mystérieuse, terrifiante et quasi-divine. L’entité a ravagé l’Inde et le Bangladesh avant que la Technocratie ne l’explose ; sa destruction a déclenché la Tempête d’Avatars et provoqué la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes. Sphinx, le : (intrigue générale) entité insaisissable qui a encouragé/ encourage encore l’unité et l’Ascension parmi les mages des Traditions désabusés ; a envoyé des messages frappés d’un sphinx évanescent dont l’origine n’a jamais pu être retracée, et qui délivraient des énigmes à résoudre. (Voir Conseil des Dévoyés.) Tempête d’Avatars, la : (intrigue générale) tempête métaphysique qui a rendu/rend difficile et dangereux le voyage au-delà du Goulet. Terre natale : royaume de l’Horizon accueillant pour les mages des Traditions et leurs pratiques. Tribunal : terme général désignant trois types d’assemblées du Conseil des mages, qui se réunissent la plupart du temps pour régler des problèmes légaux et/ou juger des crimes et décider des peines appropriées. Twist : argot pour désigner la Résonance. Voie des Épines, la : ancien nom de la Voie Fragile, désignant le périple personnel d’un mage entre l’Éveil et l’Ascension. Voie Fragile, la : métaphore désignant le périple d’un mage vers l’Ascension, et l’idéal derrière les Traditions dans leur ensemble ; extraite du livre éponyme écrit par feu l’archimaître Porthos Fitz-Empress. (Voir aussi Grand Félon, Première Cabale, Porthos, QFP ?)
Introduction : Orgueil, Pouvoir, Paradoxe
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Terminologie de la Technocratie Référez-vous au Chapitre V (page 172) pour les rangs et les titres spécifiques à la Technocratie. Même s’ils sont identiques à ceux utilisés par les Traditions, certains termes ont une signification différente pour les Technocrates, ou ont été répétés ici pour plus de clarté. Adam : technocrate indépendant éprouvant un sentiment de supériorité face au personnel non-conventionnel du fait de son apparence normale. (Voir aussi biomod, clone, cyborg, naturel, peau d’acier, etc.) Adaptation au Vide : terme technocratique désignant la Désincarnation. Agent : avec une majuscule, agent Illuminé du NOM spécialisé dans l’espionnage ; Sans majuscule, membre Illuminé de rang intermédiaire au sein de l’Union. On utilise également les termes « Op » ou « Opérateur ». Ajustement : terme du Syndicat désignant une Procédure Inspirée subtile (c’est-à-dire, de la magye coïncidentale). amalgame : groupe d’agents technocratiques ; cabale de Technocrates. amélioration : améliorations artificielles d’une structure biologique existante. (Voir aussi biomod, cyborg.) Amis de Courage, les : groupe clandestin, mais (tristement) célèbre de dissidents technocratiques idéalistes souhaitant éradiquer la corruption au sein de l’Union ; tire leur nom du légendaire agent secret rebelle, John Courage. (Voir Projet Invictus.) Annulation : avec une majuscule, condamnation à mort. Anomalie dimensionnelle : nom technocratique de la Tempête d’Avatar. Assainir : nettoyer la Résonance paranormale d’un node ou les tendances Déviantes d’une personne (voir aussi Conditionnement social) ; supprimer toutes les données, les preuves et les êtres vivants d’un lieu qui fait l’objet d’une descente. (Voir aussi nettoyage intégral.) Assemblage : Agent ou organisme créé artificiellement ou amélioré. (Voir aussi biomod, clone, cyborg, etc.) Avalon : symbole de l’idéal technocratique ; dans le mythe arthurien, Avalon est l’île où le roi Arthur attend le jour où l’Angleterre sera en grand danger. biomod : bio-modification, c’est-à-dire une amélioration biologique. Canevas : avec une majuscule, forteresse technocratique (l’équivalent d’une Fondation). Capacitation : prise de conscience du pouvoir d’un esprit Illuminé et de la Science Inspirée ; en termes mystiques : l’Éveil ; terme que l’on préfère pour ce que les Déviants de la Réalité appellent l’Ascension. Centre de tri : couverture ordinaire masquant une opération technocratique, occasionnellement désigné sous l’appellation de refuge. Cénacle : le plus haut niveau de commandement et de contrôle technocratique, auquel sont subordonnés tous les autres niveaux de la Technocratie. (Voir aussi Tour d’Ivoire.) Chambre 101 : également appelée Chambre blanche, Chambre noire ou Chambre rouge ; nom générique désignant une pièce sous haute sécurité utilisée pour le Conditionnement social, l’intimidation, les interrogatoires musclés et les sanctions ; votre pire cauchemar. Charge primitive : la jonction psychologique hypermathématique entre le désir humain et la physique de la réalité ; la version du Syndicat de la sphère Prime.
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
C.H.A.S.S.E.U.R. : une série de robots tueurs cybernétiques ; en techno-argot, machine tueuse implacable et cruellement dénuée de subtilité. C.H.A.S.S.E.U.R. signifie « Cyborg Humanoïde Armé et Savant Spécialisé dans l’Effacement Ultime des Réfractaires ». (Voir aussi HIT Mark.) citoyen extraordinaire : agent (ou opérateur) technocratique de valeur, mais non-Illuminé ; une personne à même de comprendre et/ou d’assister à une manifestation de Science Inspirée sans devoir être Illuminée ou Traitée au préalable. citoyen : employé apprécié de la Technocratie, mais peu gradé et non-Illuminé. Il ignore généralement au service de qui et de quoi il travaille ; le rang le plus bas, à l’exception des fantoches. (Voir aussi citoyens extraordinaires.) clone : organisme artificiel, cultivé en laboratoire, généralement humain ou animal, et créé à partir d’échantillons de cellules afin de reproduire fidèlement les caractéristiques biologiques d’un sujet non-artificiel. Péjorativement surnommé carbone, ou copie carbone, en référence à une technologie de reproduction papier obsolète. (Voir aussi assemblage, Victor.) Colonie : un Canevas de l’Horizon en orbite extraterrestre. Conditionnement social : méthode d’influence basée sur l’Esprit, utilisée pour assurer la loyauté et la compréhension ; système mental d’impulsions et de suggestions visant à éliminer toute individualité perturbatrice, à assurer la conformité et à initier un nouveau membre au paradigme de la Technocratie ; punition appliquée pour modifier le comportement d’un Déviant de la Réalité ou d’un Technocrate indépendant, et le consacrer entièrement à la cause technocratique. (Voir aussi Traitement, Reprogrammer.) Contrôle : l’idéal technocratique ; incarnation de l’idéal technocratique ; nom d’un personnage/d’un groupe énigmatique, qui incarne et fait respecter les idéaux de la Technocratie. Convention de la Tour Blanche : fondation de l’Ordre de la Raison, le 1er mars 1325 ; la Déclaration de la Tour Blanche, ratifiée le 25 mars 1325, acte officiellement la naissance de ce qui deviendra un jour l’Union Technocratique. Convention : l’un des cinq départements au sein de l’Union Technocratique. correction de marché : terme du Syndicat pour désigner les effets du Paradoxe, basé sur l’idée que la réalité est une zone de libreéchange d’idées. Costume noir : nom préféré des agents de terrain des deux sexes du NOM. Parfois surnommés « Blues Brothers » par les mages des Traditions. (Voir aussi Chapeaux noirs & Lunettes miroir, Garçons en Noir, MiB.) cramer : assainir une personne, un lieu ou un objet. crâne d’acier : terme insultant désignant un cyborg évident ; un Technocrate obstiné ou fanatique. crime de réalité : violer les lois du Consensus établi par des phénomènes métaphysiques ou paranormaux ; en d’autres termes, utiliser la magye ou des pouvoirs surnaturels. (Voir aussi Déviance, Déviant de la Réalité.) cyborg : agent biologique amélioré mécaniquement, en général humain, mais parfois animal. Dédalien : ancien terme désignant un Technocrate appartenant à l’Ordre de la Raison ; de Dédale, le légendaire architecte grec. Degré absolu : annihilation et effacement des rangs de l’Union ; synonyme de Degré 7 ou septième degré. (Voir aussi Annulation, forfait, Chambre 101.) Déviant : diminutif pour un Déviant de la Réalité ; aussi DR.
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Dispositif : instrument technocratique. Donnée : avec une majuscule, version technocratique de la sphère de Correspondance. Le Principe (ou la sphère) des Données se sert de l’information comme d’un pont entre les individus, les lieux et les événements. EED : entité extra-dimensionnelle ; un extraterrestre ; un esprit. Eidolon : le concept technocratique de l’Essence d’un Avatar. élévation : processus par lequel un groupe supérieur élève un autre groupe au-delà de ses précédentes limitations physiques ou mentales, et lui permet d’accéder à un nouveau stade de l’évolution. EPV : entité post-vie ; un fantôme. exo : techno-argot désignant un cyborg flagrant. Synonyme : exoMusclor. Fantoche : avec une majuscule, ouvrier quasi décérébré de l’Itération X ; en général serviteur non-Illuminé en charge des basses besognes. flux de données, le : un flux ininterrompu de données importantes, qui défile lentement sur les lunettes de soleil, les visières ou les écrans d’un agent, en périphérie de son champ de vision ; officiellement appelé Données Visuelles & Spectre d’Analyse (DVSA, surnommé « Dèv-ssa »). Force primale : l’énergie au cœur de toute chose ; en termes Déviants, la Quintessence. forfait : euphémisme employé par le Syndicat pour désigner un assassinat (être forfait). Frankenstein, frankensteinien : techno-argot désignant un scientifique (en général un Progéniteur ou un Ingénieur du Vide) dont les théories et/ou les pratiques sont extrêmes et dérangeantes – même pour la Technocratie ; parfois utilisé comme adjectif : « j’ai trouvé ton comportement très frankensteinien, tout à l’heure… » Synonymes : mangeur d’étoiles, Savant fou ou Docteur Moreau. Front : base d’opérations technocratique au sein des Masses, sous couvert d’une entreprise, d’un domicile ou d’un lieu ordinaire. (Voir aussi Centre de tri.) Garçons en Noir, les : terme péjoratif désignant les agents du Nouvel Ordre Mondial. Génie, le : terme technocratique désignant l’Avatar. glacière : un tueur froid et sans merci, en général au service du NOM. Grands Fonds, les : argot désignant l’Univers Profond. HIT Mark : voir C.H.A.S.S.E.U.R. plus haut. magicien : surnom ironique donné à un agent du Syndicat qui a réussi. Hypermath, hympermathématiques : principes de mathématiques ésotériques, souvent incompréhensibles pour des esprits non-Illuminés. (Voir aussi hypertechnologie, Science Inspirée, Charge primitive, physique de la réalité.) hypernarration : figures archétypales, tropes ou autres éléments récurrents dans le folklore ou les médias humains ; éléments profondément ancrés dans l’inconscient collectif, pouvant servir à convaincre ou à séduire une personne ou une société. Également, forme d’interaction avec l’hypernarration, permettant à une personne de vivre l’histoire. (Voir aussi Trame mythique.) indépendant : qui ne remercie pas la générosité de l’Union ; déloyal ; ingrat ; perturbant le moral ou l’efficacité optimale ; personne ou assemblage représentant une menace au sein de l’Union. influence : manipulation d’un ou de plusieurs des neuf principes essentiels de la réalité, c’est-à-dire les sphères ; forme de manipulation sociale (par exemple, influence au sein du FBI).
Influence subtile, Procédure subtile : science Inspirée ou hypertechnologie employées de manière à ne pas sembler trop futuristes aux Masses. (En termes de jeu, technomagye coïncidentale.) InGènierie : ingénierie génétique avancée, souvent utilisée pour biomodifier des agents, des assemblages ou d’autres organismes ; spécialité des Progéniteurs. Itérateur : diminutif désignant un membre de l’Itération X. IU : identification Universelle, composée de deux lettres suivies d’une série de chiffres (par exemple KD61643), ou d’un code binaire (1001010110), voire d’un fragment de code génétique. Cette IU se retrouve sur les insignes, tatouée sur la peau, inscrite sur les effets personnels des agents ou le matériel qui leur est assigné. En d’autres termes, l’identité officielle d’un Technocrate. Kamarade : avec une majuscule, citoyen socialement conditionné de l’Itération X ; Sans majuscule, un citoyen de rang inférieur dans toutes les Conventions. Lignes de Front, la : réalité terrestre, ainsi nommée à cause de son infestation de DR. Masselangue : exprimer les choses de manière à ce que les Masses puissent les comprendre – en utilisant des slogans et le langage courant, et non le jargon technocratique. Médiation : terme technocratique désignant la Quête, pendant laquelle un Technocrate se confronte à diverses énigmes mentales pour parvenir à une compréhension plus profonde de son subconscient. (Ça, c’est la version officielle de ce qui se passe…) Menace Zéro : (intrigue générale) probablement la plus grande menace que le monde ait connue… et pourtant, seule une poignée d’Ingénieurs du Vide connaissent son existence. (Voir la section Union Technocratique du Chapitre Cinq pour de plus amples informations.) Méthodologie : un département au sein d’une Convention technocratique. mutuel : coopératif et réciproque ; agir dans le respect des autres Technocrates et la Technocratie en général. (Voir aussi indépendant.) narco-enseignant : Appareil utilisé pour télécharger des informations dans l’esprit d’un agent endormi. naturel : un humain qui n’est pas amélioré (par opposition à un assemblage), né et élevé dans le monde ordinaire avant de rejoindre la Technocratie. (Voir aussi Adam.) nettoyage à sec : régler un problème sans recourir à la violence. nettoyage intégral : intervention extrêmement violente d’une équipe d’opérateurs, pendant laquelle ils s’introduisent dans un lieu, tuent les personnes présentes, confisquent l’intégralité du matériel et des données, puis remplacent tout et tout le monde par des données erronées et des clones. Ce qui revient à assainir le lieu. novexistence : la vie d’un Technocrate après être devenu un membre initié de l’Union Technocratique, qui débute lorsqu’il reçoit une nouvelle identité et que son existence de non-Illuminé s’achève. « On se reverra » : rappel sarcastique qu’il faut toujours rester loyal à la Technocratie, sinon… Op : diminutif pour « agent » ou « opérateur ». Panopticon, le : (intrigue générale) force d’élite composée d’agents de toutes les Conventions, assignée à la traque et à l’éradication du Sphinx et de ses alliés, et utilisant souvent une violence extrême. peau d’acier : terme méprisant désignant un cyborg évident. personnel non-conventionnel : agents améliorés, biomodifiés ou créés artificiellement. (Voir aussi assemblage, clone, cyborg, UMREV, etc.)
Introduction : Orgueil, Pouvoir, Paradoxe
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PGF : Putain de Gros Flingue ; arme de poing capable de déchaîner à distance une puissance de feu considérable. physique de la réalité : lois ésotériques de cause et de conséquence ; les principes essentiels de la physique élémentaire ; métaphysique appliquée scientifiquement ; en d’autres termes, la technomagye. (Voir aussi Science Éclairée, Science Inspirée, hypermath, hypertechnologie.) Pogrom, le : comme indiqué plus haut, la suppression et le retrait violents de factions de Déviants de la Réalité. (Dans certaines options de l’intrigue générale, le Pogrom a été suspendu ou a pris fin, dans d’autres, il est toujours actif, et bien actif.) polissage : procédures mentales subconscientes, souvent utilisées pour Traiter quelqu’un sans qu’il en ait conscience. Préceptes de Damian, les : code moral et opérationnel fondamental de l’Union dans son ensemble. préexistence : l’identité et la vie d’un Technocrate avant de rejoindre les rangs de l’Union ; en règle générale, ces éléments sont complètement écartés lorsqu’il est intégré et commence sa novexistence. primium : alliage secret créé pour fabriquer des Appareils hypertechnologiques ; également utilisé pour défaire les effets des variations métaphysiques occasionnées par les Déviants de la Réalité. (En termes de jeu, il s’agit donc d’un métal possédant des propriétés innées de contremagye.) Principe Anthropique Illuminé, le : théorie technocratique selon laquelle l’humanité crée les conditions d’une réalité centrée sur elle, à travers un accord conscient et subconscient ; en d’autres termes, la croyance selon laquelle les gens – en particulier les
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
Illuminés – créent et entretiennent la réalité telle que nous la connaissons. Projet Invictus : groupe secret de Technocrates idéalistes ayant pour but de purger l’Union de l’infection nephandique et de l’hubris. (Voir aussi les Amis de Courage.) prolo : techno-argot méprisant pour désigner un citoyen de second-rang. rat de labo : techno-argot désignant un Technocrate qui passe le plus clair de son temps dans un laboratoire ou un Canevas de l’Horizon, loin des réalités et de la Lignes de Front. Reprogrammer : utiliser un Conditionnement social extrême afin de purger un comportement déloyal et indépendant ; en d’autres termes, lavage de cerveau technocratique. Résultat net, le : le paradigme du Syndicat pour la réalité, souvent défini en tant que « bénéfice maximum pour un risque minimum ». SCAC, « Scaque » : Spécialistes des Corrections d’Anomalies Computationnelles, un département inter-Conventions dédié à la neutralisation des risques informatiques au sein des Masses. Science dimensionnelle : version technocratique de la sphère de l’Esprit, dont le but est d’explorer et de contrôler les dimensions alternatives et les énergies qui y sont associées. Science Inspirée : théories et pratiques des Procédures de réalité avancée – la technomagye. (Voir aussi Science Éclairée.) Six Degrés de Séparation : échelle de confiance et de loyauté au sein de la Technocratie. Le Degré 1 représente la confiance maximum,
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tandis que le Degré 6 est la dernière étape avant le licenciement. (Voir aussi Degré absolu.) superstitieux : insulte évidente désignant les mages mystiques et leurs fidèles. Superviseur : avec une majuscule, Technocrate de haut rang, spécifiquement assigné à la direction et à l’encadrement d’équipes de subordonnés. Symposium : assemblée de Technocrates de haut rang, dont le rôle est de diriger une région ou une installation, et d’y mener les opérations. techno-argot : argot et/ou insultes technocratiques ; souvent considéré comme légèrement (et parfois sérieusement) indépendant. Tour d’Ivoire, la : les prédécesseurs du NOM ; forteresse du Cénacle… et par extension, du siège du pouvoir Technocratique. Traitement, Traité : conditionnement social utilisé pour renforcer et assurer la loyauté d’un sujet à l’Union Technocratique ; avoir été Conditionné de la sorte. Traiter : application courante de la Science Inspirée (c’est-à-dire, un sort de technomagye) ; également le fait de faire subir le Traitement à quelqu’un.
UMREV : Unité Modulatrice de la Réalité des Entités Vivantes ; agent des Ingénieurs du Vide créé par inGènierie afin d’agir plus efficacement dans l’Univers profond. Considérés comme étant à l’origine des légendes des Dormeurs sur les petits gris extraterrestres. Union, l’ : diminutif désignant l’Union Technocratique. Univers profond : nom donné par les Technocrates à l’Umbra profonde ; l’espace lointain. Victor : assemblage d’InGènierie créé afin d’améliorer le corps humain original ; remarquable pour sa grande beauté, ses immenses capacités physiques, et de malheureuses excentricités dans sa personnalité et sa stabilité mentale. (Voir aussi assemblage, clone, personnel non-conventionnel.) Vide : avec une majuscule, ancien nom de l’Univers profond, des frontières inexplorées et des régions inconnues ; techno-argot pour les Ingénieurs du Vide, qui seraient dénués de personnalité et éviteraient les autres Technocrates et leurs problèmes.
Introduction : Orgueil, Pouvoir, Paradoxe
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LIVRE I : ÉVEIL Le changement sans contrôle n’est que pure folie. — Porthos Fitz-Empress, La Voie Fragile
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Chapitre I La Voie du mage Car la Nature, unie à l’Homme, a engendré une merveille parmi les merveilles. — Le Corpus Hermeticum, Livre I
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Le Soleil Associations : la clarté ; l’illumination ; la réussite ; la joie ; l’énergie ; la libération ; l’impression de pouvoir tout réussir… « Maman, de quoi j’ai l’air ? » Elle a l’air magnifique. Par les dieux, comment a-t-elle pu grandir si vite ? Dressée sur la pointe des pieds, ma fille tournoie pour me montrer la robe bordeaux qu’elle porte sous sa toge de remise des diplômes. Près d’elle, un grand vase en cristal déborde de fleurs, éclatantes de rouge, de bleu et de jaune au bout de leurs longues tiges vertes. « Félicitations, Loreena ! » déclarent les nombreuses cartes qui s’éparpillent sur la table, tels les pétales de ces fleurs qui ne tarderont pas à faner. Je me détourne de cette table et de ses fleurs fantomatiques. Je refuse de voir l’avenir. C’est une habitude que j’ai durement acquise. Pendant dix-huit ans, il a fallu que ce soit ainsi. Trop de prophéties ou de prospectives peuvent détruire le miracle du Présent. Loreena est belle. Je pourrais le dire même si ce n’était pas moi, « maman ». Pour un instant fugace, je laisse le temps suspendre son vol : le soleil, prisonnier de cette seconde éternelle, dans ses cheveux qui flottent doucement avant de retomber. Le sourire si naturel qui se dessine sur ses lèvres. La lueur d’espièglerie dans ses yeux gris-bleu. Une merveille, déjà forte et brillante. Je l’ai mise au monde, mais c’est aussi, jusqu’à la dernière de ses cellules, une femme à part entière.
Le Soleil Chapitre I : La Voie du mage
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L’espace d’un éclair, j’ai de nouveau son âge ; ma propre vie défile devant moi, pleine de promesses et de menaces. J’ai appris trop vite à la redouter, je l’ai laissé me soumettre avant de me libérer de ses rigueurs. Je me souviens du visage fermé de ma propre mère alors, de son expression rageuse et mélancolique à la fois. Était-ce là ce qu’elle voyait en moi en cet instant – la femme qu’elle avait été, prête à se lancer dans la vie ? Ressentait-elle ce que je ressens maintenant ou ses blessures étaient-elles trop profondes pour qu’elle nourrisse autre chose que de la jalousie ? En cette seconde de souvenirs fugaces, le Moi que j’étais et le Moi que je suis maintenant ne font plus qu’un. Des impressions floues m’assaillent – des genoux écorchés, de longues nuits, des douleurs si fortes que je pensais qu’elles ne passeraient jamais. Des cris, des gifles, des baisers, des rêves. Des larmes – bien trop de larmes. Et
la lumière du soleil. Je choisis de me rappeler de ça. C’est le soleil qui donne toute leur valeur aux choses. Et puis, je laisse l’instant s’en aller. Les cheveux de Loreena retombent en cascade sur ses épaules. Ses lèvres s’étirent dans le demi-sourire qu’elle arbore si souvent. La lueur d’espièglerie dans ses yeux, elle, est toujours là. Elle a tant à espérer. Et moi aussi. « Tu es superbe », dis-je à ma fille. La fille que j’ai élevée et celle que je suis au fond de moi. « Absolument magnifique. » Elle plisse les yeux, un peu taquine. « Tu dis ça pour me faire plaisir. » Je secoue la tête. « Non, c’est vrai. Tu as réussi. Je suis fière de toi. » C’est vrai. Je suis fière d’elle. Elle le sait et sourit à nouveau. Ça va être une belle journée.
Des hommes et des dieux
L
e plus gros problème avec les hommes et les dieux, c’est que trop d’hommes se considèrent comme des dieux et que trop de dieux partagent l’orgueil des hommes. C’est particulièrement vrai pour les Éveillés – des hommes et des femmes bénis par une puissance quasi divine et maudits par les faiblesses humaines. Si vous rejoignez leurs rangs, vous devriez être conscient de ce que cela signifie. Le pouvoir de cette Voie est certain, mais
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Le Fou 38
Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
il est tout aussi certain qu’il est capable de vous détruire, vous et tout ce qui vous est cher. L’archimage Porthos Fitz-Empress, de l’honorable Ordre d’Hermès, en a pris conscience lorsqu’il a inventé l’expression « Voie Fragile » pour évoquer la route tortueuse qu’empruntent tous les Éveillés. La folie hurlante des Maraudeurs, la démence, plus douce, des mages des Traditions, l’implacable certitude de la Technocratie, l’ombre infernale des Nephandi, les quêtes vagabondes des Orphelins et des Disparates, les doutes que chaque mage éprouve au fond de son cœur – telles sont les ombres de l’Ascension. Quand le pouvoir, l’orgueil et le paradoxe de buts nobles entre des mains trop humaines se déchaînent en vous, leur équilibre peut en effet sembler fragile. Vous voulez être un mage ? Une prêtresse ou un prêtre sacré par les mystères cosmiques ? Alors écoutez-moi attentivement. J’ai passé de nombreuses années sur cette Voie Fragile et je la connais comme peu sur cette terre la connaissent. Dans les arcanes majeurs d’un Tarot tristement célèbre, il est question d’un périple vers l’illumination et des dangers présents dans chacune de ses lames. Certains y voient un reflet de la condition humaine ; j’y vois le voyage du mage. Peut-être que le Tarot lui-même a été créé par des mains Éveillées, afin qu’il guide le reste d’entre nous ; en ce qui me concerne, j’aime à penser que ces frimeurs de Rider et Waite ont simplement été le véhicule du message de la seule véritable Éveillée en leur compagnie : la si injustement oubliée Pamela Colman Smith, qui est le véritable auteur de toutes ces illustrations familières. Le Tarot est beaucoup plus ancien bien sûr et remonte à une époque appelée « croisade des sorciers ». Rider, Waite et Smith ont popularisé ses mystères et nous ont laissé une vision de ce que nous pouvons devenir – pour le meilleur et pour le pire. C’est une affaire de diables et de fous, de jugement et de transcendance. Exactement comme nos vies d’Éveillés. Nous jouons à nos petits jeux sur fond de malheur. Le monde donne si souvent l’impression d’échapper à tout contrôle que lorsque nous parvenons à établir une certaine illusion de contrôle, nous avons tendance à en faire trop. Nous nous heurtons si violemment à nos amis au sujet du monde et de ce qu’il devrait être, que nous perdons fréquemment de vue ce qu’il pourrait devenir si nous faisions fi nos petites guerres. Et c’est là que nous, les Éveillés, nous retrouvons bien trop souvent en guerre les uns contre les autres, parce que nos visions de la réalité sont différentes.
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Le gnosticisme Le gnosticisme est plus un système de pensée qu’une pratique précise. Selon lui, la Création que nous percevons comme étant la réalité est en fait l’œuvre d’une force corrompue ou maléfique. Pour échapper à la prison de cette réalité déchue, un gnostique cherche la sagesse et la connaissance (la gnose) qui le conduiront à la transcendance finale. Ce concept d’une Création inférieure dirigée par des « forces extraterrestres » ou un « seigneur de ce monde » se retrouve partout, de Matrix aux théories du complot reptilien de David Icke, en passant par de nombreuses sectes chrétiennes ou les courants païens plus sombres qui les ont précédées. Certaines approches du bouddhisme ou de l’hindouisme pourraient être considérées comme gnostiques, même si l’on se réfère rarement à elles sous ce terme. Le transhumanisme est certainement gnostique dans ses idéaux d’existence post-humaine à travers la technologie. Certains credo athéistes ont des nuances gnostiques ; la fixation d’Ayn Rand sur les masses parasites et l’obsession de Nietzsche pour le Surhomme jettent une ombre gnostique sur des philosophies dans lesquelles le divin est essentiellement absent. À bien des égards, Mage incarne une cosmologie essentiellement gnostique, dans laquelle les « Dormeurs » s’Éveillent, transcendent leur humanité par la connaissance, et effectuent leur Ascension vers un état de conscience supérieur. Beaucoup de mages ne sont cependant pas gnostiques parce qu’ils ne considèrent pas leur monde comme intrinsèquement corrompu ou parce qu’ils refusent de croire en des puissances supérieures comme inférieures, ou encore parce qu’ils pensent que tout est miraculeux pour peu que l’on ouvre suffisamment les yeux pour s’en rendre compte. Mage présente certains éléments gnostiques, mais ses fondations tiennent plus de l’existentiel – dans le sens où il faut trouver un sens à l’existence dans un cosmos potentiellement hostile qui est lui dénué de sens. Pourtant, et en dépit de la présence de ces deux philosophies, l’élément central de Mage est l’espoir. Car malgré ce cosmos hostile, ces forces maléfiques et les terribles conséquences de l’échec, il est toujours possible de surmonter tous ces obstacles et d’apporter l’espoir dans un Monde de Ténèbres. Pour plus de détails sur les paradigmes gnostiques et leurs enfants illégitimes de l’ère postmoderne, référez-vous à la partie intitulée Technognose et transhumanisme au Chapitre Quatre (page 105) et à celle intitulée Paradigmes courants des mages au Chapitre Dix (pages 569-573).
Vous entendrez beaucoup parler de « guerres », de « croisades » et de choses similaires le long de cette Voie. Cela fait partie du paradoxe que j’ai mentionné plus tôt. Nous prétendons aspirer à des buts plus nobles et pourtant, nous le faisons en répandant le sang du premier à croiser notre route. Vous entendrez aussi dire que tel ou tel camp est la seule vraie Voie, le seul vrai Chemin, le seul guide fiable sur cette Voie Fragile. Et moi, je vous dis : Ils racontent TOUS des conneries. Nous avons tous tort ET raison. Il n’existe pas de vérité universelle, et c’est bien la seule Vérité universelle. La réalité est ce que nous en faisons.
Certains mages sont de meilleures personnes que d’autres. Et certaines factions se préoccupent davantage de la morale et du monde en général que leurs rivales. Toutes sont cependant victimes de leur orgueil. Toutes mentent pour se donner le beau rôle. Et c’est compréhensible. Après tout, quand la réalité peut vraiment devenir ta pute, difficile de regarder par-delà ta propre vérité et de voir une vérité supérieure. Notre monde déborde de stéréotypes pompeux sur ce que nous les mages sommes, et sur ce que nous faisons. Certains sont même justes. Passées ces prétentions poétiques, nous ne sommes que des êtres humains doués de pouvoirs divins et en tant que tels, nos passions, nos vices, nos excès et nos failles sont profondé-
Mystiques, technomanciens et technocrates – oh là là ! Vous trouverez deux catégories majeures dans Mage : les mystiques qui acceptent ouvertement ce qu’ils font comme étant de la magye ou l’œuvre de la foi, et les technomanciens qui définissent leurs actions comme des arcanes ou des sciences avancées. En termes de jeu, ils font la même chose, mais en termes d’histoire, leurs croyances sont complètement différentes et souvent antagonistes. Le mot mystique est issu de la racine grecque mustēs, qui signifie « initié » ; le terme technomancien est un mot composé que l’on peut grossièrement traduire par « voir par la connaissance de l’Art ». Ces étymologies révèlent les différences essentielles qui séparent mystiques et technomanciens. Les premiers se considèrent comme les membres d’une élite, un groupe d’initié, alors que les seconds se voient comme des personnes utilisant des compétences et des machines pour accomplir de grandes choses. Les nuances sont pourtant nombreuses. Un Wicca technomancien peut tout à fait penser qu’il est un mystique se servant de la technologie, et un scientifique catholique qu’il est la crème des serviteurs de Dieu qui accomplit des miracles par le truchement de la technologie humaine. Avec une majuscule, le mot Technocrate fait aussi référence à une institution : l’Union Technocratique, qui a très certainement des degrés d’initiation bien à elle. Tous les technomanciens ne sont pas pour autant des Technocrates. Cette distinction peut sembler mineure, mais pour des gens comme les Adeptes du Virtuel, elle est sacrément importante.
Chapitre I : La Voie du mage
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ment humains. Les plus puissantes tempêtes que nous invoquons se déchaînent dans nos cœurs. Nous pleurons, nous rions, nous nous emportons et nous combattons. Nous nous lovons, nous caressons et nous retournons infatigablement dans nos lits. Nous restons humains même en chevauchant des forces cosmiques. N’oubliez jamais que nous sommes les Fous sacrés de ce monde. Il faut avoir l’esprit joueur pour que l’esprit reste sain.
Alors, quand je vous dirai tout ce que je m’apprête à vous dire, souvenez-vous que moi aussi, je mens. Il s’agit seulement de ma vérité. Pas forcément de la vôtre. Nous sommes peut-être à bord du même bateau, mais votre voyage n’est pas le mien.
Le Dormeur doit se réveiller
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a première lame du Tarot, le Fou, représente un beau garçon ou une jolie fille sur le point de se jeter du haut d’une falaise. Et oui, le Fou est androgyne, comme nombre de personnages du Tarot de Colman. J’aime à penser qu’elle l’a fait à dessein, afin que ceux, homme ou femme, capables de faire fi de leurs idées préconçues puissent se projeter dans ce périple. Notre Fou porte ses affaires dans un baluchon sur son épaule, et un petit chien jappe juste au bord du précipice. Pendant ce temps, inconscient du danger, le Fou fixe le ciel au-dessus de lui, suspendu entre désastre et envol. C’est nous. Nous, stupides humains, arrivons dans ce monde les yeux grands ouverts. Puis nous prenons notre première inspiration, commençons à refermer ces yeux et poussons un cri. La plupart des gens ne les rouvrent jamais… ou quand ils le font, ils ne voient que ce qu’ils veulent voir. Ce qu’on leur dit de voir. Maman et papa nous tiennent contre eux, ou les médecins nous claquent le cul pour nous entendre hurler, et c’est là que la plupart des gens s’arrêtent. Nous autres Éveillés appelons ces gens des Dormeurs. Ils sont en vie et ils rêvent, mais leurs yeux sont clos pour le monde qui les entoure. Et puis, il y a ceux qui errent, stupéfaits. Ils ressentent les formes, les sons, et contrôlent plus ou moins leurs mouvements, mais tout se passe comme s’ils étaient encore endormis. Quelques-uns d’entre nous les appellent Somnambules, mais ils ont aussi d’autres noms : sorciers, génies, poètes fous, rêveurs et saints. Certains d’entre eux se réveillent à mi-chemin, coincés dans des cauchemars où ils s’imaginent être tout à la fois puissants et impuissants. Nous les appelons le Peuple de la Nuit : vampires, changelins, les diverses races de Change-formes qui ravagent un domaine à la frontière entre l’humain, l’animal et le divin. Il y a des chasseurs, des proies et des âmes perdues de toutes sortes. Aucun cependant ne connaît les secrets dont nous autres sommes détenteurs. Ils sont puissants à leur façon, et mortellement dangereux. Mais ils ne sont pas nous et ils ne pourront jamais être comme nous. Car il existe des gens qui prennent cette première bouffée d’air, et puis s’Éveillent. Au début, il nous arrive de nous sentir encore un peu ensommeillés, mais il y a toujours un moment où le rêve ne nous suffit plus. Cela s’appelle l’Éveil. Ce qui fait de nous ce que nous sommes. Cet Éveil nous frappe comme la foudre. C’est une Épiphanie au cours de laquelle le monde endormi vole en éclats et ne laisse qu’un but clair et précis. Cette vérité dont nous étions certains n’était en fait que mensonge. La personne que nous contemplions jusqu’alors se dresse dans le miroir devant nous, étranger et familier à la fois.
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Dans cet éclair de lucidité, nous réalisons à quel point nous sommes intrinsèquement et véritablement puissants. Certains décrivent l’Épiphanie comme les quatre facettes d’une même étreinte : un niveau de compréhension qui relève tout à la fois de la perception, du physique, de l’intellect et du spirituel. Un Éveillé voit, sent, saisit et finit par devenir la magye. Que l’on prétende ou non faire de la « magye » est hors de propos. La magye n’est pas ce que nous utilisons. Une fois que nous nous sommes Éveillés, elle est ce que nous sommes. Et laissez-moi vous dire cette vérité, tout impopulaire qu’elle soit : nous sommes tous des mages, nous les Éveillés. Magiciens des Traditions, Technocrates, Fous, Déchus, et tous « les autres » qui refusent de choisir un camp dans notre petite guerre de cinglés. Nous sommes TOUS des putain de mages. Beaucoup refusent ce titre, ou le refusent à d’autres, mais c’est pourtant ce que nous sommes : des prêtres-rois détenteurs des clés de la réalité. Le mot mage vient du perse magus, du grec mágos, et du latin magus. On présume qu’il s’agissait de prêtres pré-zoroastriens, chargés de
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Le Mage
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Destins futurs : la Guerre de l’Ascension La Guerre de l’Ascension est un conflit séculaire pour le futur de la réalité dans le royaume humain. Il a divisé les mages en plusieurs factions opposées, chacune d’entre elles cherchant à façonner la réalité afin qu’elle épouse ses propres idéaux. À la fin des années 90, la Guerre semble être terminée. Les Traditions souffrent énormément des querelles intestines comme des assauts extérieurs. Le Goulet entre les mondes s’est épaissi et la plupart des archimages sont morts. La nature envahissante de la technologie semble avoir donné naissance à une croyance universelle, selon laquelle la magie et les miracles sont impossibles. Certaines autorités ont donc déclaré avoir gagné. Les autorités en question ne comprennent ni la Guerre de l’Ascension, ni l’esprit humain. Tandis que la Technocratie jubile et que les Traditions se désespèrent, on assiste à une flambée du fondamentalisme religieux et des croyances ésotériques. La technologie n’a pas détruit la magye, elle a facilité son essor. Une ferveur apocalyptique dans le monde supposé endormi menace simultanément de détruire ce même monde au nom de Dieu. Le divertissement populaire et le fondamentalisme religieux remettent la magye au goût du jour, tout ça dans le dos de la Technocratie. Et pendant ce temps, une faction que tout le monde pensait morte et enterrée joue une fin de partie dévastatrice… Au tournant du nouveau millénaire, la Guerre de l’Ascension fait rage – moins voyante qu’avant, mais non moins intense. Depuis sa fin apparente, le conflit est en fait encore plus intense. Aujourd’hui, les mages ne se battent pas pour des buts abstraits. Ils se battent tous pour survivre. Pour plus de détails sur ces Destins futurs, référez-vous à Une histoire des Éveillés au Chapitre Cinq.
Les factions de l’Ascension Les mages qui choisissent un camp dans la Guerre de l’Ascension appartiennent à plusieurs factions distinctes : • L e Conseil des Neuf Traditions mystiques : cette alliance de magiciens, de sorcières, de mystiques et de savants fous, regroupe les mages les plus manifestes. Suivant à l’origine une approche traditionnelle de la magye, le groupe s’est formé entre 1457 et 1466 en réponse à la création de l’Ordre de la Raison – une faction qui allait finir par devenir… • L ’Union Technocratique : Apparue au Moyen Âge dans la lumière de la science et de la philosophie, la Technocratie était une confédération d’artisans, de prêtres, de banquiers et d’explorateurs, dotée d’un groupe secret d’assassins chargé de maintenir l’ordre. Elle s’est ensuite fait appeler Ordre de la Raison et a plié, lentement mais sûrement, le monde mystique à sa volonté. Son caractère impitoyable et sa technologie ont fini par pousser les Traditions et d’autres groupes dans leurs derniers retranchements. À la fin du XXe siècle, cette faction règne sans partage. • L es Maraudeurs : à l’opposé de l’échiquier de la rationalité, les Maraudeurs incarnent les pulsions magyques les plus sauvages. Ces métaphysiciens schizophrènes vivent dans leur propre monde intérieur, souvent insensibles aux autres réalités. Contrairement aux deux premiers, ils sont désorganisés au possible. Même si certaines petites cellules coopèrent au sein de sphères de démence commune, les Fous vivent littéralement dans leur monde. Ils percutent de temps en temps la vie d’autres gens… et provoquent souvent des résultats dévastateurs. • L es Nephandi : les Déchus conspirent dans le dos des autres. Ces mages tirent leur nom de l’essence des ombres et choisissent volontairement d’incarner l’opposition, la corruption et la décomposition. Le néant est selon eux le destin ultime de toute chose. Les Nephandi tirent leurs pouvoirs du vide que tous les autres mages, y compris les Fous, redoutent… et qu’ils ont de très bonnes raisons de redouter, en particulier ces derniers temps. • L es Orphelins et les Corporations de Disparates : ils refusent de choisir un camp et se mêlent de ce qui les regarde. Certains se rassemblent au sein de conventions culturellement liées, d’autres tissent leur destin dans les rues ou des lieux discrets dans lesquels ils se sentent protégés – du moins pendant un moment – de la Guerre entre ces factions rivales. Tous les mages ne choisissent pas de camp. Certains changent d’allégeance en cours de route, d’autres s’en tiennent aussi loin que possible. La Guerre de l’Ascension n’est pas un combat universel. Toutefois, presque chaque mage vivant a déjà entendu son grondement. Qu’on choisisse ou non de mener cette Guerre, elle façonne – et parfois secoue – le monde Éveillé.
guider leurs ouailles à travers les périls d’une guerre divine. Le nom et les devoirs de la charge ont ensuite été associés à des gens disposant de grands pouvoirs, mais au potentiel dangereux – des mortels bénis des dieux. Et même si le mot avait autrefois des connotations spécifiques, c’est une représentation assez juste de ce que nous faisons tous. Ne laissez personne vous dire le contraire : c’est ce que nous faisons tous. Même les Nephandi, à leur manière, sont des bergers sur une voie sacrée ; ils conduisent peut-être leurs troupeaux au bord de l’abîme, mais ce sont les moutons qui décident de faire le grand saut. Nous, par contre, ne tombons pas quand nous faisons ce grand saut. Même pas ceux qu’on appelle les Déchus. Non, quand nous les mages ouvrons les yeux et franchissons ce pas, nous prenons notre envol.
Le mot en « M » avec ce drôle de « y » Avant d’aller plus loin sur les mages, je veux dire un mot sur la magye – ce truc marrant à propos duquel on fait tout ce foin. Certains l’écrivent magie, d’autres magye, et presque tout le monde a une idée différente sur sa signification. Personnellement, je préfère magye, car cela renvoie à l’observation d’Aleister Crowley, pour qui elle est « la science et l’art de provoquer des changements en conformité avec la volonté ». Beaucoup trouvent le mot prétentieux… mais quand on joue avec la réalité, une certaine prétention est inévitable. En ce qui
Chapitre I : La Voie du mage
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me concerne, cela n’en est que si vous n’avez pas les moyens de votre politique. Et comme la magye est quand même l’essence de cette politique, l’orthographe me paraît appropriée. Faites preuve de bon sens. Votre Volonté sera de toute façon faite. Et oui, j’ai bien dit Volonté avec un grand V, et tout aussi prétentieusement que Crowley qui, béni soit son petit crâne d’œuf, avait compris ce que nous faisions. Notre Volonté, à nous autres mages, s’exerce dans un sens bien spécifique. Nous utilisons son pouvoir pour que les choses arrivent. Si nous ne le voulons pas, il n’y a aucun « moyen » de faire appel à la magye. C’est pourquoi nous, et nous seuls, avons tant de volonté : il nous en faut pour faire ce que nous faisons. C’est aussi pourquoi certaines âmes nous appellent agents de la volonté, avec ou sans V majuscule. Nous faisons usage de notre volonté pour que la magye opère. Et au sujet de la magye justement, vous aurez probablement droit à des discussions interminables sur sa définition. Certains la voient comme la grâce de leur dieu, d’autres comme le feu de Prométhée. Vous pourriez la considérer comme le clavier de la Réalité, le piano à queue de Beethoven sur lequel on tape, on travaille et on joue. Vous pourriez voir en elle l’état naturel de l’humanité avant une chute, ou la grande destinée à laquelle nous aspirons tous. Il fut un temps, paraît-il, où tout un chacun pouvait faire de la magye ; je ne suis pas certain d’y croire, mais des gens en sont persuadés. La magye (l’Art, comme on dit souvent) est une composante essentielle de ce que nombre de mages appellent l’Ascension : une transcendance personnelle ou universelle des limites humaines. Mais ceci est un autre sujet, sur lequel je me pencherai en temps voulu. Pour l’instant, retenez simplement ceci : la magye, c’est ce que vous faites lorsque vous êtes suffisamment Éveillé pour refaçonner le monde à votre image.
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Le Diable 42
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L’Ascension et sa Guerre Ce type de pouvoir effraie les gens… et à juste titre. Il est effrayant de réaliser ce que vous pouvez faire si vous focalisez véritablement votre esprit, et encore plus terrifiant de savoir que d’autres personnes peuvent aussi le faire, et ce que vous le vouliez ou non. Cette peur est l’essence de ce que nous appellerons la Guerre de l’Ascension – une lutte pour le destin de la réalité telle que nous la connaissons. Sur la carte du grand périple du Tarot, c’est dans cette Guerre que nous trouvons nos Diables et nos Chariots, nos Roues et nos Tours, et peut-être aussi notre Jugement. C’est là que nombre d’entre nous trouvent la Force et le Désir, et sont confrontés aux épreuves des Coupes et des Bâtons, des Pentacles et des Épées. Cette guerre a été menée sous bien des formes depuis l’aube de l’humanité, et sous sa forme actuelle depuis que la Renaissance a été témoin de la « croisade des sorciers ». Cette Guerre (oui, encore une majuscule ; on en a plein d’autres) oppose les forces de la magye, de la foi, de la science et de la damnation. L’histoire derrière elle n’a maintenant plus d’importance ; disons simplement qu’une vieille rancune a poussé les factions qui s’affrontent dans les ombres de la réalité à former leurs rangs, mais qu’elles sont réellement, et au plus profond d’elles-mêmes, motivées par la peur d’une vérité magyque différente. Nous autres, irascibles singes mystiques, ne sommes presque jamais d’accord. Chaque être humain, Éveillé ou non, a une interprétation différente de la « réalité ». Bien sûr, nous sommes d’accord sur certaines choses : l’eau mouille, les choses tombent quand on les lâche et sauf coup du sort, nous avons tous deux bras, deux jambes et deux yeux. Le truc, c’est que si vous êtes l’un d’entre nous, vous savez que vous pouvez rafler la mise si vous vous donnez la peine de vous baisser. Nous pourrions respirer sous l’eau, voler dans les airs ou
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Le Chariot
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La Roue de la Fortune
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changer la forme avec laquelle nous sommes nés. Le pouvoir d’accomplir de telles choses est magyque. L’orgueil qu’il engendre nous pousse vers l’Ascension… et nous en éloigne paradoxalement tout autant. L’Ascension est un grand idéal. Pour certains mages, c’est la capacité d’un individu à transcender sa condition de mortel pour atteindre le paradis, le Nirvana ou ce qui nous attend juste derrière. L’archétype de l’Ascension figure sur la carte du Monde – la dernière étape du voyage entrepris avec le Tarot ; c’est là où une âme nue danse entre les éléments, à demi drapée dans un glorieux abandon. Elle représente à la fois la reddition et le contrôle, la joie enfantine et la maturité de l’adulte. C’est l’un des nombreux paradoxes de notre Voie : plus vous essayez de l’expliquer ou de la saisir, moins vous y parvenez. À cause de ce paradoxe si particulier, beaucoup de mages se tournent plutôt vers un objectif plus simple : ils veulent que le monde fasse son Ascension. Et ils vous diront que c’est la bienveillance ultime. Et ils mentiront, car ce n’est pas le cas. Vous pouvez ne pas être d’accord et c’est d’ailleurs le cas de bien des mages, mais dans mon esprit, une Ascension aussi universelle est la forme la plus absolue d’esclavage. Elle remplacerait la révélation individuelle par une unité collective et éveillerait tous les Dormeurs selon notre conception des choses. C’est une utopie qui souffre du défaut commun à toutes les autres : la certitude que tout le monde se conforme aux idéaux de quelqu’un d’autre. La Technocratie a beau sembler le coupable le plus évident, beaucoup d’autres mages le sont également. Et donc, nous faisons la guerre.
L’hubris, cet orgueil qui nous perdra
Nous menons notre Guerre de l’Ascension pour le destin de notre monde. Nous la menons pour notre propre survie. Nous la menons poussés par notre hubris, l’orgueil qui conduit à la mort et à la destruction. C’est l’ornière la plus profonde sur notre Voie Fragile : il prétend que parce que nous pouvons faire une chose, alors nous devrions la faire… parce qu’après tout, c’est notre droit. La réalité est entre nos mains, il est donc de notre devoir de faire de notre monde un monde meilleur – meilleur, bien entendu, tel que nous le définissons. Et c’est là que les fissures apparaissent. Cela commence souvent avec des gens soignant les malades, apportant le feu et faisant des choses qui demandent désespérément à être faites. Et c’est bien. Mais lorsque vous êtes persuadé que vous êtes le seul à savoir ce qui est bien ou mal, le feu que vous apportez provoque un holocauste. Les robots se mettent en marche, les sorcières maudissent et la foudre s’abat dans la rue. Et nous, les Éveillés, faisons ce genre de conneries depuis des siècles. Au nom du grand idéal de l’Ascension, nous transformons tous ceux qui se mettent en travers de notre route en esclaves ou en cadavres. C’est la Technocratie qu’on accuse, mais n’importe quel Guerrier de l’Ascension est coupable. Nous avons peur, et souvent à raison, et donc nous nous battons. Et tuons. Et mourons. De temps à autre, nous faisons notre Ascension. Et bien trop souvent, nous brûlons. La magye est notre don, notre responsabilité et notre malédiction. Nous pouvons nous en servir pour allumer des lampes ou embraser le monde. Nous pouvons faire les deux, et bien plus encore. Et c’est pourquoi, dans le grand ordre des choses, nous sommes tous ces Fous qui dansent sur le fil, entre transcendance et néant.
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La Grande Prêtresse
L’Avatar
Vous voyez le chien au pied du Fou ? C’est le gardien, et il avertit autant qu’il incite. Si le Fou ne l’écoute pas, il tombera de cette falaise. Mais si le Fou écoute, ces aboiements et ces pirouettes l’enjoindront à la vigilance. Le chien fait savoir au Fou dans quelle direction porter ses prochains pas. Et voici l’Avatar – cette parcelle de divinité qui nous guide à travers l’Éveil. « Avatar » est encore un mot d’emprunt qui définit qui et ce que nous sommes. Dans la cosmologie hindoue, un avatar est l’aspect incarné d’un dieu. Et d’une certaine manière, c’est aussi ce qu’est l’Avatar d’un mage : l’incarnation du dieu qui l’habite. Maintenant, chaque mage a son interprétation. Le Chœur Céleste et d’autres mages monothéistes vous diront que tout est un fragment ou une création du Vrai et Seul Dieu, et que les Avatars sont plus proches de ce Dieu que la chair mortelle. Les mystiques païens prétendent souvent que nous sommes tous de petits fragments de divinité, et que nous attendons simplement de nous en rendre compte. Les mages athées voient dans l’Avatar un reflet du Génie intrinsèque à chacun d’entre nous, et pour d’autres encore, il s’agit d’un bodhisattva, d’une vie passée, d’un ange gardien ou de la manifestation d’une compréhension plus profonde. Comme je disais, nous autres mages sommes très différents les uns des autres. Nous manions des pouvoirs similaires, mais les décrivons de manière très diverse. Un Avatar peut ressembler à ce que vous voulez. Vous cherchez un bel étranger ? Le voici. Une charmante dame ? Elle est là, juste en vous, même si vous êtes un homme. Si vous cherchez un ange, vous le trouverez sur votre épaule ; si vous craignez les démons, l’Avatar peut jouer ce rôle. Ce guide spirituel peut être affreusement turbulent
Chapitre I : La Voie du mage
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ou tranquille comme Baptiste. Il peut même vous ressembler – ce Vous que vous avez toujours rêvé d’être, ou celui que vous avez peur d’apercevoir dans le miroir. J’ai connu des mages qui voyaient leurs Avatars comme des nuages de fumée, des serviteurs androïdes ou des voix désincarnées. Et oui, ils peuvent même avoir l’air d’un chien. Peu importe la forme. La fonction, par contre, importe. Un Avatar guide son mage à travers le processus, souvent bien douloureux, de l’Éveil. Parfois, il traînera ce mage qui hurle et se débat à travers des rues cauchemardesques. On dit qu’un Avatar peut être un professeur, un parent, une brute ou un amant. C’est à la fois un maître et un esclave, et il est tout à la fois cruel et gentil. Mais il ne sera jamais indifférent. Quel que soit son rôle dans votre vie, vous êtes important pour lui et il est important pour vous. Qu’il ait ou non le pouvoir de vous Éveiller ou qu’il vous montre le chemin pour y parvenir, il détient la clé de la compréhension mystique. Plus il est fort pour vous, et plus vous comprendrez de choses. Un Avatar se révèle la toute première fois à un mage au moment de l’Épiphanie, cet instant où les illusions mortelles disparaissent. Cela arrive parfois progressivement – des petites choses bizarres qui finissent par tenir la route, au fur et à mesure que la compréhension grandit. Le plus souvent, du moins à notre époque, l’Éveil projette le mage dans une prise de conscience soudaine et douloureuse. Peutêtre ces petites choses s’additionnent-elles d’un coup pour former une vérité littéralement terrifiante. À moins que des idées préconçues et solidement ancrées ne volent en éclats, sans crier gare, révélant les vérités qu’elles dissimulaient jusque-là. Quoi qu’il lui arrive – et quel que soit l’âge auquel cela lui arrive, l’Éveil pouvant survenir dès l’enfance et jusqu’à un âge avancé, mais se produisant le plus souvent à l’âge adulte, l’Avatar secoue le mage, et ce mage se réveille.
Les Quêtes
Après cet Éveil, l’Avatar reste dans les parages pour aiguiller son protégé. Par un savant mélange de ruses, de cadeaux, de récompenses et de menaces, ce dieu intérieur guide les pas du mage le long de la Voie. Au cours de ce que nous appelons des Quêtes, l’Avatar le met au défi et le pousse à aller plus loin, à dévoiler des mystères, à réussir des épreuves, à résister aux tentations, à affronter ses peurs et à révéler son véritable potentiel. À l’instar un professeur, il place des obstacles que l’Éveillé doit surmonter, pose des problèmes qu’il doit résoudre. S’il y parvient, l’Avatar lui confère une plus grande compréhension des dons de la magye. S’il échoue, il reste coincé là où il est, jusqu’à ce qu’il soit prêt à réussir l’épreuve. Les Quêtes se déroulent en général au sein d’un royaume profondément symbolique, dans l’imagination du mage. L’Avatar emportet-il sa conscience dans un autre monde, ou bien est-ce que tout se passe « dans sa tête », au cours d’une transe ? Personne n’en est vraiment sûr. Comme bien des choses le long de notre Voie, il n’y a pas de faits, juste des suppositions. Les mages ne disparaissent pas pendant une Quête : leurs amis les trouvent endormis ou en train de méditer, et ils ne se réveilleront que quand ils l’auront achevée. Il arrive parfois qu’un mage disparaisse vraiment… et certains ne reviennent jamais. D’autres meurent de causes mystérieuses, ou reviennent fous à lier. Les Maraudeurs commencent ainsi, après que leur Éveil ou leur Quête s’est déroulé dans des lieux qui font perdre la raison, même selon des critères magyques. Le plus souvent cependant, un mage revient de sa Quête avec une compréhension plus profonde de son potentiel, ou bien avec un air déçu et la promesse qu’il fera mieux la prochaine fois. Dans le monde des Éveillés, une Quête est l’épreuve que vous devez réussir pour avancer… et tant que vous ne réussirez pas, vous n’avancerez pas.
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
L’Arété
La principale mesure de la Volonté et de la compréhension magyques est souvent appelée Arété. Ce mot grec peut grossièrement se traduire comme une forme spirituelle de courage et d’excellence, et reflète le mélange du savoir, de la volonté, de l’imagination et de l’intégrité que la vraie magye exige. Sans l’Arété, un mage ne peut pas manipuler librement ses pouvoirs ; sans l’augmenter, il reste coincé là où il est. Quel que soit son nom (et là encore, il change selon les individus), elle est son essence. Lors d’une Quête, les épreuves préparées par l’Avatar offrent à l’Éveillé les clés vers l’Arété. Avant d’atteindre les niveaux supérieurs de l’excellence, il doit s’en montrer digne. En ouvrant les portes de l’ignorance, de l’orgueil, de la peur et de l’immobilisme, un véritable agent de la Volonté affrontera ces épreuves et reviendra dans son monde… si tant est qu’il revienne… en ayant appris des secrets fondamentaux sur son Art, et d’autres dissimulés au fond de son âme. S’il n’apprend rien ou s’il s’écarte de l’épreuve, alors ses Arts resteront limités. Il a le pouvoir, mais pas le contrôle.
Qui commande ici ?
Si vous regardez votre Avatar bien en face, vous vous demandez, comme pas mal de monde, qui est le chef. Après tout, cet esprit semble être tout à la fois un professeur, un sergent-instructeur et votre pire cauchemar, surtout au beau milieu d’une Quête. Pour certains mages, notamment ceux de la Technocratie, tout ce blabla sur un « avatar », c’est du pipeau… voire carrément une manipulation de forces extérieures trop atroces à regarder. Des Éveillés se tournent vers la Technocratie pour échapper à leur Avatar, et engloutissent ces spectres si indélicats sous les routines d’une science propre et efficace. L’Union sait comment débarrasser l’esprit de ses superstitions et si l’on juge leur apparent succès dans cette Guerre de l’Ascension, ses méthodes sont pour le moins efficaces. Mais quel que soit le camp que vous choisissez, quelle que soit la forme adoptée par votre Avatar, souvenez-vous de ceci : l’Avatar vous sert, non l’inverse.
L’Essence et la Trinité métaphysique
On l’a dit, chaque Avatar possède une Essence, une sorte de personnalité métaphysique. La nature de cette personnalité est, comme bien d’autres choses, sujette à débat. Est-ce le reflet du subconscient du mage ? Est-ce le pouvoir d’attraction des ancêtres ? Un fragment de force céleste ou démoniaque incrusté dans son âme ? Un ver tisseur sauvage conjuré à partir des entités en guerre ? Ou est-ce simplement les inclinaisons, spirituelles ou même génétiques, du mage lui-même ? Les Éveillés ne cessent de débattre de ces questions. Ce qui est sûr cependant, c’est que l’Essence guide la forme et le comportement de votre Avatar. Ses penchants tendent à devenir, ou à refléter, les vôtres. Le Conseil des Traditions reconnaît quatre Essences indubitables, et si une cinquième a été théorisée, elle n’est pas encore officiellement acceptée. Trois de ces quatre Essences forment ce que le Conseil baptise la Trinité métaphysique, la quatrième se situe au centre de ces extrêmes, et la Cinquième Essence est supposée englober le tout. Également appelée Triple Voie, elle incarne : Le Dynamisme, la force de la possibilité débridée ; La Stase, les formes et les motifs qu’une telle possibilité adopte, et… L’Entropie, l’inévitable attrait de la destruction qui brise la Stase et retourne au Dynamisme. Entre elles, une quête de l’Équilibre évite les extrêmes, mais reste fidèle au cycle.
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Terminologie technocratique On a beau largement considérer les Technocrates comme des lunettes de soleil dépourvus d’âme, cela ne les empêche pas de vivre des expériences similaires. Elles ont simplement des noms différents : • I llumination : l’Éveil – ce n’est pas une expérience mystique, mais l’épanouissement total d’un potentiel humain que seuls quelques élus atteignent. Également un terme technocratique courant pour l’Arété, qui est considéré comme le reflet de ce potentiel accompli. • Procédures Éclairées : la magye. • Les Masses : les Dormeurs. • Génie : l’Avatar tel que la Technocratie le comprend. •E idolon : l’Essence de l’Avatar, comprise en général selon les mêmes concepts dynamique, statique, questive et primordiale. •M édiation : le processus de la Quête, habituellement considérée comme un reflet subconscient de l’entraînement et de l’expérience du monde réel.
Enfin, au-delà de cet ensemble, on dit qu’il y a l’Infini, Ce-Qui-EstLe-Tout. Le En Sof. L’Absolu. Parfois appelée le Vide, cette « matière noire » cosmique n’existe que parce que la théorie dit qu’elle devrait exister. Pour les Nephandi et quelques autres mages, ce Vide est la véritable nature de la réalité, un néant infini dans laquelle nous imposons les autres formes avant qu’elles ne deviennent poussière métaphysique. Ce n’est certes pas le concept le plus riant, mais il est néanmoins puissant. Vous pourriez aussi envisager la Guerre de l’Ascension dans les mêmes termes que cette Trinité : les Maraudeurs seraient le Dynamisme, la Technocratie la Stase et les Nephandi l’Entropie, Traditions et Disparates équilibrant l’ensemble. Je pense que c’est une vision simpliste. Ces forces ont des Avatars et des tendances
IV
L’Empereur
dans tous ces groupes. Toutefois, il ne s’agit que d’une façon de voir la Guerre de l’Ascension : un conflit entre des forces cosmiques, dans lequel les mages ne sont que des pions qui se prennent pour des rois.
La poésie et l’Art
Les quatre Essences de l’Avatar retenues par le Conseil sont appelées dynamique, motivale, questive et primordiale. La première reflète le potentiel créatif naturel, la deuxième est une tendance à concrétiser les choses, la troisième cherche de nouveaux horizons et la quatrième glisse sous la surface du reste, mystérieuse et en définitive incompréhensible. Les magiciens comparaient autrefois ces Essences au feu (Dynamisme), aux forteresses (Motivalisme), aux vents (Questivisme) et à
III
L’Impératrice
V
L’Hiérophante
Chapitre I : La Voie du mage
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la mer (Primordialisme). Certains textes mystiques les désignent comme des entités – la Reine du Feu, le Laboureur, le Seigneur des Vents et la Dame des Profondeurs. Ces entités se séduisent et s’opposent, et leurs actions se reflètent dans les mages de notre monde. Certaines autorités en la matière considèrent la Trinité comme les Pères ou les Mères, les Fils ou les Vierges, les Esprits ou les Sorcières. Les Technocrates ont beau trouver tout cela absurde, ils ont quand même des mots pour désigner ces entités. Vraiment, c’est inévitable. Il est plus facile de traiter avec les forces cosmiques quand on leur donne un visage. Nous autres mages sommes des poètes. La métaphore et le symbolisme sont notre pain quotidien, si l’on peut dire. Nous ne parlons pas tous dans un style aussi ampoulé, mais pour ce genre de sujets cosmiques, la poésie semble appropriée. Tout comme la magye, le langage nous aide à reformuler des concepts sublimes en idées compréhensibles. On ne peut pas parler de magye sans métaphores. Ce n’est pas pour rien que la magye est souvent appelée « l’Art ».
Vouloir, c’est pouvoir
pératrice, L’Empereur, et l’Hiérophante) est immense. Le premier pas représente l’émerveillement, le danger et le potentiel ; les suivants reflètent le contrôle. C’est là où l’Éveil devient la Voie. L’acceptation incrédule devient la Volonté de Pouvoir. Une main tendue vers le ciel, l’autre dirigée vers la terre, le Magicien – oh, et puis appelons-le par son vrai nom, Le Mage – incarne la concentration, l’engagement et une certaine conscience de soi. Là où le Fou explore, le Mage et ses compagnons décident. Cette confiance leur confère autorité, grandeur et responsabilité. Et c’est là, bien sûr, que les choses deviennent intéressantes. Parmi les mystiques, on emploie souvent l’expression Fais ce que tu veux. Les gens pensent à tort qu’ils s’arrogent ainsi le droit de faire tout et n’importe quoi. Rien n’est plus faux. Cette expression signifie dans ses nombreuses variantes : Manifeste ta Volonté dans le monde en ayant pleinement conscience de ce que tu fais. En d’autres termes, pèse tes actions avant d’agir, engage-toi sans réserve et sois prêt à en assumer les conséquences. Il n’y a pas grand-chose de sûr dans la vie, mais le mage qui suit ce conseil vit plus longtemps et sème moins de pagaille que celui qui n’en tient pas compte.
Le pas à franchir pour passer du royaume du Fou à celui du Magicien (et des cartes qui lui sont associées, à savoir la Grande Prêtresse, l’Im-
Conscience, conflit et résolution
I
l y a trois étapes sur la Voie Fragile : la conscience, le conflit et la résolution. Chaque mage les suit à sa façon. Certains vivent pendant des siècles, d’autres éclatent en un millier de morceaux dans la semaine qui suit leur Éveil. Quoi qu’il en soit, le chemin qu’emprunte ce Fou une fois qu’il a sauté de sa falaise va dans les directions suivantes.
La conscience Une fois Éveillé, vous êtes conscient. Votre monde est plus grand, les possibilités qui s’offrent à vous sont plus nombreuses. Les sensations se font plus vives. L’Avatar devient une présence dans votre vie. Les choses ne semblent plus se produire au hasard, mais s’inscrivent dans un dessein plus vaste. La Conscience montre la place qui est la vôtre dans ce dessein… et vous indique comment composer avec elle.
Enseignement et tutorat
Les oisillons n’apprennent pas à voler seuls. C’est aussi notre cas. L’instruction est essentielle pour les mages. Sans elle, nous devenons des dangers, pour nous-mêmes et ceux qui nous entourent. Je soupçonne que les Maraudeurs sont nés ainsi : leurs talents innés se détraquent dans le monde. Ils cherchent pourtant souvent des mentors. Ils suivent peut-être une idée folle, mais elle a un certain sens, au moins pour eux. L’enseignement peut prendre de nombreuses formes : un mage plus âgé, un guide spirituel, la consultation de livres, un groupe, une communauté, ou un programme d’endoctrinement. Les jeunes mystiques étaient autrefois envoyés en apprentissage, donnés à des cloîtres ou des couvents, ou initiés dans des sociétés secrètes. Là-bas, des mages expérimentés et des mentors non-Éveillés leur donnaient formation et expertise. C’est encore le cas aujourd’hui, surtout dans les sociétés qui reconnaissent l’existence de la magye (ne serait-ce que
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dans des contextes religieux) et suivent les voies ancestrales. Vous voyez l’école de sorciers dans Harry Potter ? De tels endroits existent bel et bien en marge du monde. Lorsqu’un mage devient conscient, ces formateurs viennent souvent le chercher. L’instruction magyque n’est pas toujours évidente. La Technocratie, d’ailleurs, refuse de qualifier son enseignement de « magyque ». Leur initié reçoit une invitation (ou sera emmené de force) pour participer à un « programme de développement personnel », qui l’endoctrine à la manière technocrate. D’autres groupes suivent des traditions culturelles, faites de quêtes, de visions, d’épreuves, d’ordres sacrés, et j’en passe. Peu importe la forme. Seuls comptent le conseil et l’enseignement. Les mentors deviennent les Impératrices, les Empereurs et les Hiérophantes de notre monde. Ils deviennent aussi parfois nos Amoureux. Ces aînés sont responsables des gens sous leur férule. Ils partagent leur expérience et attendent en échange une certaine loyauté. Quelques-uns exigent qu’on prête des serments vieux comme le monde, d’autres ne demandent que le soutien de leurs apprentis – et sont très irrités si ce respect ne leur est pas accordé. L’étape suivante de la Voie est inévitable. Le conflit commence souvent avec la relation mentor-élève. Personne n’aime se voir dicter sa conduite, surtout de nos jours. Si les ordres vont à l’encontre de notre nature, on se rebelle. Dans l’idéal cependant, un mentor enseigne au nouveau mage comment utiliser correctement ses pouvoirs. Il transmet les outils, les croyances et les secrets de son art, et même si son élève finira par partir, cet entraînement mystique donne des garde-fous au potentiel inné du nouveau mage. Grâce à eux, le talent devient compétence et la conscience devient Art.
Le conflit La paix ne dure jamais. Nous sommes des créatures de conflit, et les conflits sont donc inévitables. Beaucoup seront émotionnels ou intellectuels, quelques-uns sont philosophiques. Très souvent, ils
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deviennent aussi physiques. Cette vive étincelle de conscience finit par devenir une flamme… et alors, comme je l’ai dit plus tôt, nous brûlons.
XIII
Les mages rivaux
Ces conflits éclatent parfois tout de suite. Un Éveil traumatisant, et c’est le monde du mage qui explose, béant. Cela arrive littéralement bien plus souvent qu’on ne le pense ; un mage nouveau-né immole ses parents, fait sauter une école ou part en vrille jusqu’à ce qu’on l’abatte. Les autorités trouvent tout un tas d’excuses sur des poltergeists, des enlèvements ou des fusillades, mais les Éveillés savent ce qui se passe en réalité. Si un Éveil (ou un Éveil potentiel) se déroule ainsi, les factions des mages envoient des agents récupérer la nouvelle recrue – en général pour l’entraîner, parfois pour l’éliminer. Si des équipes rivales se croisent, elles s’affrontent souvent. Des guerres de territoire bizarres peuvent éclater pour un seul mage, surtout s’il semble inhabituellement doué. Disparitions, fusillades, guerres et meurtres rituels sont monnaie courante dans le monde Éveillé. Comme je le disais plus haut, la Guerre de l’Ascension est très réelle. Des factions rivales pourront (et ne se gêneront pas pour) capturer, convertir ou détruire un mage nouvellement Éveillé, et tous ceux qui l’entourent, si cela peut empêcher une faction rivale de lui mettre la main dessus avant. Rejoindre un groupe ne met pas fin à ces conflits, bien au contraire. En plus des affrontements manifestes entre grandes factions (et de leurs manœuvres moins manifestes, mais beaucoup plus dangereuses), il existe des rivalités au sein même de ces groupes. Les Hermétiques se prennent le bec avec les chamanes Parlesonges. Les Costumes noirs enlèvent des savants fous pour les interroger et les redresser, deux sabbats de sorcières Verbena se livrent une guerre
VI
La Mort sans merci pour de petites divergences d’opinions. Nous avons beau prétendre être Illuminés, nous trouvons toujours des sujets de discorde.
Le Peuple de la Nuit
C’est de la nuit que surgissent les menaces les plus mortelles. Vampires, loups-garous, fantômes furieux et fées sournoises sont très dangereux pour nos semblables. Leurs formes de « magie » ont beau être moins évoluées que la nôtre, ces créatures sont souvent plus grandes, plus fortes et plus résistantes que nous. Un mage qui se met en travers du chemin d’un loup-garou ressemblera à un tas de vieux spaghetti après son départ. Et celui qui danse avec les vampires risque de perdre toute la magye qui est en lui. Le peuple de la Nuit peut également se révéler étrangement séduisant. Leurs dons sont de véritables aphrodisiaques pour nous. Nous chérissons les mystères et gravitons autour du pouvoir, aussi est-il naturel de chercher Amoureux et Diables parmi eux. Et de telles alliances sont assurément possibles. Mages et créatures de la nuit travaillent tout le temps de concert. Rappelez-vous simplement d’apporter la Force et la Tempérance quand vous vous tournez vers eux. Le baiser d’un vampire est pour un mage synonyme d’un destin pire que la Mort.
Les agences mortelles
Les Amoureux
Les mages faisaient autrefois tout ce qui leur passait par la tête. Si l’un d’entre eux voulait devenir roi, il invoquait quelques démons et renversait les seigneurs du coin. Si une sorcière se foutait en rogne, on n’avait pas fini de le payer. Certaines factions aimeraient bien revenir à la bonne époque, mais il y a un hic. Si les mages rivaux
Chapitre I : La Voie du mage
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océan et vous comprendrez alors ce que je veux dire par inertie de la Réalité. C’est la résistance que nous expérimentons si nous allons à contre-courant. Qui crée cet océan ? Ce débat dure depuis des lustres. Pour autant que nous le sachions, la masse de notre réalité terrestre vient de ces supposés Dormeurs et de la force combinée de leurs croyances. Tout était autrefois plus fluide, car il n’y avait pas des milliards de gens qui croyaient en la même chose ; plus l’humanité s’est répandue, plus elle a communiqué et plus le poids de cette croyance de masse s’est accru. Certains mages appellent ce poids la réalité consensuelle, ou le Consensus. C’est l’océan dans lequel nous devons nager. Vous devez parfois avancer tant bien que mal à travers ces vagues et éclabousser un peu partout pour faire ce que vous avez à faire, mais plus vous éclaboussez, plus vous vous fatiguez. Pendant que vous pataugez, les gens autour de vous se rendent compte que vous avez provoqué des remous et, comme les baigneurs arrosés par un grossier personnage, ils ont tendance à s’en exaspérer. Vous réaliserez plus tard à quel point leur rancune peut être tenace. Pour le moment, disons simplement que cette inertie de la réalité n’est pas votre amie, sauf si vous êtes vous-même l’ami du Consensus. Par bien des aspects, c’est là l’essence de la Guerre de l’Ascension : guider la marée pour nager plus facilement avec le courant.
Aliénation et sanctuaires
La Tour ne débarquent pas pour descendre eux-mêmes un éventuel roi-sorcier, les autorités mortelles s’en chargeront à leur place. Des rois, des prêtres et des églises en colère ont déchaîné ce que nous appelons le Temps des Bûchers, une période de persécutions qui a enterré nos monstres. Aujourd’hui, dans un monde truffé de téléphones portables équipés de caméras, d’équipes du SWAT et de chars d’assaut, les apprentis dieux n’ont aucune chance. Les Dormeurs ne sont certainement pas sans défense. Les gouvernements mortels ont des agences secrètes qui luttent contre les menaces paranormales. Flics, prêtres, agents spéciaux, journalistes, avocats, chasseurs de sorcières, et un ou deux assassins si besoin, sont envoyés sur le terrain quand un mage utilise trop ostensiblement son Art. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous faisons attention à ce que nous faisons. Oui, le pouvoir de la magye est immense et terrible ; mais comparés aux forces de la religion et de la loi, les sorciers les plus puissants ne sont que des cafards dans un mixeur.
Inertie de la Réalité, Consensus et humanité
Le poids et l’inertie de la Réalité elle-même sont les armes les plus puissantes du monde mortel contre nous, et c’est peut-être aussi le plus grand défi envers chaque mage. Car la magye, si puissante soitelle, doit couler dans le sens de ce courant ou bien le repousser… ce qui a souvent des conséquences douloureuses pour le mage. Imaginez que vous êtes à la plage. Si vous nagez dans le sens du courant, vous irez plus loin, vous ferez moins d’éclaboussures et vous vous fatiguerez moins. Pensez que la Réalité est comme cet
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
Plus un mage plonge dans le domaine de la magye, plus il lui est difficile de rester humain. Nous sommes toujours des gens, mais l’écart se creuse entre les illusions des Dormeurs et les choses que nous comprenons. Cela pèse sur nos relations familiales, amicales, professionnelles, amoureuses. Lorsque vous pouvez lire les pensées de quelqu’un ou contrôler le tirage supposé aléatoire des cartes, vous finissez par éprouver une certaine impatience vis-à-vis du reste du monde. Évoluer dans le monde des Dormeurs, c’est parfois comme essayer de voler alors que vos voisins vous ont rogné les ailes. La magye fonctionne mal quand on est incapable d’accepter toutes ses possibilités. Le poids écrasant du scepticisme mutile ce que nous avons de meilleur. Les mages s’irritent souvent des limitations mortelles et des Dormeurs qui semblent nous retenir. Pour des raisons évidentes, nos relations avec les non-Éveillées en pâtissent. Il est difficile d’aimer – ou même de tolérer – les gens qui ne pourront jamais comprendre notre réalité. Le poids du secret et de la peur affaiblit aussi ces liens. En conséquence, la plupart des mages finissent par ressentir le besoin de devenir l’Ermite ; il leur faut se débarrasser de leur vie d’avant et passer du temps seul ou avec leurs semblables. Cette période peut être temporaire ou durer le reste d’une très longue vie. Monastères, laboratoires, camps, châteaux, refuges, îles secrètes, pics cachés, et même des lieux mystiques taillés dans la réalité elle-même – comme les légendaires Royaumes de l’Horizon – offrent un asile aux mages qui ont besoin de temps et d’espace pour mettre de l’ordre dans leurs foutues idées. Dans ce genre d’endroit, il est très facile de devenir trop étranger au monde et d’oublier qui et ce que vous êtes (un problème courant, surtout parmi les Éveillés très âgés). Mais presque tous les mages ont besoin de s’isoler quelque temps du monde qu’ils connaissent, ne serait-ce que pour un peu d’introspection. Comme l’Ermite du Tarot, la solitude qu’il expérimente permet à l’Éveillé d’approfondir sa compréhension et ses Arts. La méditation, les expériences, les recherches et les Quêtes l’aident à apprendre
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ce qu’il ne pourrait pas ou ce qu’il aurait du mal à explorer dans le monde des Dormeurs. Dans l’idéal pourtant, cet Ermite garde tout de même un œil sur le village endormi en bas. Pour la plupart d’entre nous, l’Éveil est une charge sacrée – un devoir que nous avons envers la Création dans son ensemble. La lumière de notre conscience nous guide à travers des ténèbres que la plupart des gens sont incapables de percer.
XII
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La stagnation
Il est facile de rester bloqué dans de tels conflits, surtout quand on les évite. Nous devenons alors le Pendu, accroché à sa corde tandis que les choses « viennent dans nos têtes ». Les mages stagnent quand ils ont soif de pouvoir, dans la solitude, la décadence, la haine ou le désespoir. Nous sommes si préoccupés par nos conflits ou notre désir de les éviter que nous cessons de progresser. Cela arrive bien plus souvent qu’on ne le pense. Il existe des lieux, au-delà du monde mortel, dans lesquels les mages disparaissent purement et simplement. Les complots et les coups bas sont au menu. Les rancunes s’enveniment pendant des décennies ou des siècles, et explosent de temps en temps en duels destructeurs. La légendaire forteresse de Doissetep est un bon exemple de ce qui arrive aux mages prisonniers de leurs habitudes. La stagnation devient entropie, et l’entropie ouvre la voie au néant. Les mages solitaires stagnent eux aussi. Emmitouflés dans leurs petits problèmes, enfermés dans la peur, la cupidité ou la folie, ils finissent par se prendre dans les filets de la stagnation. Certains deviennent fous (comme les Maraudeurs, encore une fois) et d’autres restent simplement bloqués. Ils ont l’air puissant et ils sont pourtant comme le vieux Scrooge avant la visite des fantômes, pourrissant majestueusement dans un gâchis désespéré. Mais le Pendu, c’est aussi la transition. Il peut se débloquer en brisant ses vieilles habitudes. Les mages peuvent se sortir de là avec une pincée d’anticonformisme – en changeant de métier, de faction, d’identité et même de sexe. Le vieux mage poussiéreux peut devenir une adolescente, une Extatique nymphomane rentrer dans les ordres. Des conversations touchant à l’extrémisme peuvent couper la corde du Pendu. Il existe même une pratique, la coutume antinomienne, dans laquelle l’Éveillé brise les tabous simplement pour apprendre ce qu’il y a de l’autre côté. C’est une solution dangereuse, mais acceptable – et qui parvient en général à vaincre la décomposition.
Le Pendu
L’Ermite
Résolution Donc après avoir affronté tous les obstacles sur notre Voie, où nous conduit-elle ? Vers la résolution, le bout de la route. Quelle que soit sa forme, nous finissons tous par l’atteindre. Tel un héros mythique, un mage peut espérer un apogée vibrant à son histoire. Apprenti ou archimage, aucun de nous n’est épargné.
Corruption
Quand vous croiserez le Diable dans les bois – et cela arrivera, parce qu’il est quelque part là-bas, attention à sa corruption. Je ne parle pas du Diable des chrétiens, même si beaucoup de mages croient en lui. Je parle du Diable du Tarot, le symbole de l’orgueil, de la stagnation, de la tentation et de l’illusion. Si l’on considère les pouvoirs et les capacités inhabituels que nous possédons, et les gens bizarres que nous fréquentons, nous autres mages rencontrons beaucoup de Diables, au propre comme au figuré. Nombreux sont ceux qui finissent corrompus par leur propre pouvoir, complètement isolés, ou bien les deux à la fois. Les Nephandi choisissent de devenir des Diables, incarnant toute la majesté séduisante de cette icône. Ils sont si compétents dans ce domaine qu’il existe même un terme pour désigner les membres des autres factions qui se convertissent à la Voie des Nephandi : les barabbi. Ils ne sont cependant pas les seuls corrupteurs là dehors. Vampires, démons et autres esprits malins excellent à transformer les mages en simples pions. Certains ennemis enjôleurs peuvent nous rallier à leur point de vue. Même des Dormeurs peuvent corrompre des Éveillés par le biais de l’argent, du sexe, du pouvoir politique, de l’extase religieuse ou en utilisant l’une de leurs faiblesses. Et bien
Chapitre I : La Voie du mage
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Destins futurs : Doissetep C’est à Doissetep que se trouve le plus puissant rassemblement de magiciens de toute la Création. Dans le vaste et orageux Royaume d’Horizon où la forteresse est bâtie, les tempêtes internes et externes ne cessent jamais. Des dizaines de mages des Traditions et des centaines, voire des milliers de leurs compagnons, s’y livrent une éternelle partie d’échecs dans laquelle tous les coups sont permis. Dans l’intrigue générale « officielle » de Mage, la forteresse hermétique de Doissetep finit par se détruire le 10 novembre 1997, après qu’un soi-disant « Guerrier de l’Ascension » a mis un gros coup de pied dans le tas de dominos mystiques. Ce Grand Félon – qui aurait été la réincarnation du plus grand échec des Traditions – infiltre la forteresse et bouleverse le délicat équilibre du pouvoir qui y régnait. En quelques minutes, Doissetep implose, victime d’une guerre intestine qui dégénère. L’archimage hermétique Porthos Fitz-Empress sacrifie son pouvoir et sa vie pour contenir les dégâts. Même ainsi, les échos de ce désastre se propagent à travers différents mondes, tuant et blessant des centaines de personnes qui n’avaient même jamais entendu parler des mages. Par la suite, une « guerre dans les ruines » éclate alors que plusieurs groupes s’affrontent sur fond de pillage. Cette spirale infernale provoque des dévastations plus grandes encore, jusqu’à ce que la Tempête d’Avatar isole le conflit et ses combattants du royaume terrestre. L’anéantissement littéral et symbolique de Doissetep est un événement clé dans l’histoire de Mage. Il reste toutefois une option que vous pouvez aborder sous trois angles différents : • C’est de l’histoire ancienne : c’est arrivé. L’endroit est un tas de poussière. •D oissetep a survécu : malgré les dégâts considérables qu’elle a subis, la forteresse a survécu. Peut-être a-t-elle été rebâtie sur un nouveau modèle, plus égalitaire ; à moins que ce ne soit toujours une retraite pour des magiciens cinglés, qui préfèrent intriguer dans les mondes mystiques que de rentrer sur Terre et d’affronter la réalité. Si la Tempête d’Avatar a eu lieu, l’endroit est peut-être devenu un royaume fantôme de l’Umbra, hanté par les esprits désincarnés de ses nombreux résidents. • L a chute n’a jamais eu lieu : Doissetep est toujours un refuge des mages des Traditions gangrené par les complots. Il n’y a pas eu de Guerrier de l’Ascension, pas d’explosion, pas de Guerre dans les Ruines. L’endroit est plus ou moins ce qu’il était dans le Livre des Fondations de 1993. Ce vieil excentrique de Porthos est peut-être même encore en vie, et il continue de guider les jeunes mages dans une quête toujours plus grande de l’Ascension personnelle et globale. Pour plus de détails sur Doissetep et sa destruction, référez-vous aux suppléments de Mage Tales of Magick : Dark Adventures, (1re édition), Le Livre des Fondations et The Book of Mirrors (2e édition), ainsi qu’à la trilogie de romans sur le Guerrier de l’Ascension.
Destins futurs : le Grand Félon Le Grand Félon est le plus infâme criminel de toute l’histoire des Traditions. Heylel Teomin était un alchimiste hermaphrodite qui avait réussi l’exploit de combiner deux âmes dans le même corps. Responsable de la destruction de la Première Cabale, il serait mort pendant le rituel du Gilgul auquel il avait été condamné. Plus de cinq siècles plus tard, Heylel revient sous les traits de celui qui se fait appeler le Guerrier de l’Ascension. Prétendant être sa réincarnation, il détruit Doissetep, fracasse d’autres royaumes et mène une guerre contre le Conseil des Neuf, avant d’être apparemment trucidé une seconde fois. Le Guerrier de l’Ascension est-il vraiment Heylel ? Nul ne le sait avec certitude. Il y a des raisons de le croire, et d’autres d’en douter. L’événement pénalise cependant sérieusement les Traditions, semble laisser le champ libre pour une victoire de la Technocratie. Quelle que soit la vérité, les affirmations du Guerrier de l’Ascension font douter de la permanence du Gilgul. Qui était ce mystérieux personnage dans votre chronique ? • Il a mis un bordel héroïque : quelle qu’ait été sa véritable nature, le Guerrier de l’Ascension a laissé une empreinte titanesque sur les Traditions – et elles ne s’en sont peut-être toujours pas remises. • Il n’était pas ce qu’ils prétendent : il y a bien eu un cinglé qui disait être le Grand Félon et qui s’est échappé il y a quelques années, mais la marque que Heylel a laissée est bien moins profonde que le carnage que l’on décrit dans l’intrigue générale. • Quel Guerrier de l’Ascension ? Ce truc n’est jamais arrivé, ou alors d’une manière très différente. Peut-être que le Guerrier est encore là dehors, quelque part… Pour plus de détails sur le Grand Félon, référez-vous aux suppléments en anglais The Fragile Paths et Mage : The Sorceres Crusade, ainsi qu’à la trilogie de romans sur le Guerrier de l’Ascension.
sûr, une faction ou une cabale peut corrompre ses membres ou être corrompue de l’intérieur. Personne ne voudra l’admettre et pourtant cela arrive beaucoup plus souvent qu’on ne le pense. Mais la plus grande forme de corruption sur notre Voie est le Diable que nous avons en nous. L’hubris et la magye font un
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horrible mélange. Ivres de notre propre pouvoir, nous devenons souvent des monstres. Jodi Blake, la Matriarche, le mage de la Mort Voormas… leurs noms sont tristement célèbres parmi nous, car ils se considèrent comme l’autorité suprême sur la vie et la mort. Et ceci, croyez-moi, est une corruption que nous affrontons tous.
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Chaque mage regarde un Diable dans son miroir. Ce que nous sommes capables de faire nous rend vulnérables à ses tentations. Heureusement, nous pouvons aussi choisir un autre aspect de cette image – l’intelligence créative du Diable – pour échapper à ce destin. En brisant nos vieux motifs et en renversant cet orgueil, nous devenons l’Étoile, une âme inspirée et régénérée.
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Emprisonnement
Vous pourriez penser que la prison qui retiendra une personne avec nos pouvoirs n’est pas encore construite… et vous auriez bien tort. L’emprisonnement, quelle que soit sa forme, est un destin terriblement courant – la Tour dans notre Tarot. Je ne parle pas des prisons mortelles, même si elles peuvent être étonnamment efficaces. Je parle de l’emprisonnement mystique, des pièges mentaux, et de la terrible geôle du Soi. Les mages, et d’autres entités avec eux, ont moyen de lutter contre leurs ennemis. Certains créent des cages à partir de matériaux impossibles, d’autres peuvent vous sceller dans une bulle et vous envoyer dans l’espace. Les êtres spirituels ont aussi leurs propres prisons : enfers, cages d’âmes, bassins dont personne ne peut s’échapper. Les esprits du Paradoxe – des « flics de la réalité » avec un méchant sens de la justice – sont capables de nous enfermer dans les effets de nos propres sorts. Les pires prisons sont pourtant celles que l’on crée en nous-mêmes.
La Quiétude
De temps en temps, nous pétons un câble. Et quand cela se produit, nous entrons dans un état de démence métaphysique qu’on appelle la Quiétude. Voyez cela comme une surcharge de réalité. La Volonté du mage part en vrille et le piège à l’intérieur de son propre corps. Au début, cette Quiétude provoque d’étranges illusions, les hobgobelins des esprits magyques. Certaines de ses formes déclenchent également de terribles obsessions, un déni puissant ou une affinité maladive avec la mort. Une Quiétude profonde peut enfermer le magicien dans une cellule qu’il s’est lui-même fabriquée. Son corps tombe alors en catatonie et sa conscience s’échappe. Pour aller où ? Personne ne le sait vraiment. Comme pour de nombreux aspects de la Voie magyque, il n’existe pas de définition certaine de la destination d’une Quiétude. Certains pensent qu’il s’agit d’une Quête monumentale, d’autres la voient comme une punition infligée par l’Avatar. Cela pourrait aussi être une sorte d’énorme défonce mystique, où rien n’est vraiment réel et où pourtant tout semble plus vrai que la réalité elle-même. C’est une énigme. Il y a quand même une chose que nous savons : certains mages reviennent vite, d’autres prennent leur temps et d’autres encore ne reviennent jamais. En termes de Tarot, voyez la Quiétude comme la Lune : un état d’illusion et d’instabilité. Le mage se retrouve embourbé dans des émotions et des perceptions contradictoires et aucune ne semble cohérente avec les autres. Il erre dans un dédale mental de miroirs, espérant trouver quelqu’un qui le renverra chez lui. Un tel mage ne reviendra sur sa Voie qu’après avoir affronté cette confusion. On dit que les Maraudeurs existent dans un état de Quiétude ambulante, de petites bulles de démence mobiles. Tels des schizophrènes projetés, ils partagent cette folie avec tous ceux qui les entourent. De temps en temps, ils deviennent tellement cinglés que la Réalité elle-même s’ouvre et les engloutit. Personne ne sait où ils vont ensuite et je préfère ne jamais le découvrir.
Luna L’esclavage
Des captifs sont enchaînés au pied du trône du Diable, en sa présence. Voilà l’esclavage, qui transforme les maîtres de la réalité en simples serviteurs. Les pactes, les marchés, les obligations et le lien de sang vampirique peuvent faire de nous des esclaves. Une honte pour la Voie mystique, mais un destin hélas courant. Faust, le saint patron des mauvaises idées, est le symbole parfait de ce genre de piège. Il a littéralement conclu un pacte avec le diable, mais il ne s’est même pas donné la peine de lire les petits caractères. Vous seriez surpris du nombre de mages qui agissent de la même façon. Des Hermétiques signent des pactes infernaux, des Extatiques s’envoient un énorme shoot, des Technocrates se persuadent que la fin justifie les moyens… leur nom est Légion et leur destin servitude. Les mages réduits en esclavage ne s’en rendent parfois même pas compte. Ils traînent leurs guêtres en se prenant pour les rois du monde pendant que leurs maîtres tirent les ficelles de la marionnette qu’ils sont devenus. Les idéologies peuvent aussi asservir les gens ; la Technocratie en est le meilleur exemple, mais certains mages des Traditions ne valent pas mieux. Nous nous gargarisons en pensant que puisque que nous le pouvons, nous le devrions – et c’est un piège. Lorsque vous faites sauter la moitié du quartier pour ce que vous pensez être une bonne cause, vous êtes esclave de cette cause, et ce même si vous n’en voyez pas les chaînes. Doissetep est devenue une maison d’esclaves. La Technocratie également. Le bouddhisme prétend que nous sommes tous esclaves – serviteurs des illusions, des sensations et de la cupidité. En somme, le pouvoir constitue l’asservissement ultime. Quand vous l’avez, la liberté semble perdue.
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La mort
La mort est l’évidente fin et elle attend chaque mage. Vous pouvez tricher avec elle pendant des siècles – nombre d’entre nous l’ont fait. Mais à la fin, pourtant, nous sommes mortels. La Faucheuse vient à l’heure dite pour nous tous, et peu importe que nous croisions son chemin sous un déluge de balles ou vieux et décati au fond d’un lit douillet. Dans le Tarot, la Mort n’est pas une simple fin. C’est une transition d’un état à un autre. Coincé dans ses vieilles habitudes, un mage peut se libérer par une mort symbolique ou même littérale. Avec la magye, après tout, la chair et l’esprit sont nos jouets. Nous pouvons les étirer, les raccourcir, leur donner une autre forme. Les mages spécialisés dans la sphère de Vie savent à quel point vie et mort sont des notions versatiles. Et puis il y a la réincarnation – un fait de la vie dans notre monde. Malgré la présence des paradis et des enfers, un cycle existe et on ne peut le nier. Certains mages, comme les Akashites ou les Chakravantis, entrent et sortent de ce cycle et divisent leurs vies en incarnations, non en années. Les Verbenae le savent : la vie, la mort et la renaissance font partie intégrante de notre monde. Ainsi, pour tout inévitable qu’elle soit, la mort n’est pas toujours la fin de la Voie. Pour certains d’entre nous, c’est un changement certes majeur, mais temporaire.
Le Gilgul
De temps en temps pourtant, ce cycle s’arrête. C’est le Gilgul, la destruction redoutée de l’âme, qui met un terme définitif à la magye. Le mot signifie « métamorphose » et on suppose que comme l’Avatar est réduit en lambeaux, le mage redevient un Dormeur. Les Traditions et la Technocratie utilisent le Gilgul comme punition, mais ils ne sont pas les seuls à pouvoir mettre un terme à la Voie. L’étreinte d’un vampire, par exemple, est une forme de Gilgul : le mage devient un vampire, puissant à sa manière, mais il n’est plus un vrai mage. Certains esprits sont, dit-on, capables de supprimer l’Éveil. On sait que des Quiétudes sévères peuvent rendre un mage totalement impuissant et une théorie – que personne n’a heureusement vérifiée – affirme que la victoire finale dans la Guerre de l’Ascension transformera les mages rivaux en Dormeurs pour l’éternité. Le Gilgul n’est pas une mort physique… mais il pourrait aussi l’être. Une fois qu’on vous a arraché votre magye, la vie vous semble plus ou moins sans
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Le Soleil
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intérêt. Dans la justice des Traditions, ce châtiment précède en général une exécution physique, mais on sait que les Technocrates et les Nephandi asservissent ensuite parfois l’ancien mage. Le Gilgul est une sorte d’excommunication qui ôte à un agent de la Volonté le pouvoir d’utiliser sa Volonté mystique. Mais est-il vraiment permanent ? On pense que c’est le cas, mais il pourrait bien y avoir une ou deux exceptions…
La richesse
Mais toutes les fins ne sont pas terribles. L’apogée de certaines Voies est la richesse. Certains mages amassent beaucoup d’argent et de puissance sans pour autant devenir des monstres. Ils parviennent au-delà de la Lune, trouvent le Soleil et utilisent leur Art pour devenir un phare dans un monde de ténèbres. Dans le Tarot, le Soleil est la clarté, la réussite et la libération, une joyeuse promenade dans le jardin de l’abondance. Sa lumière apporte joie et bonheur. Les mages pour qui l’argent est important peuvent devenir assez florissants ; ceux qui chérissent l’influence peuvent refaire leur petit coin de monde. La prospérité peut être égoïste, mais idéalement, une personne prospère fait profiter la communauté au sens large de sa bonne fortune. Des mages arrêtent des famines ou des guerres, d’autres apportent à leurs peuples de nouvelles technologies ou de nouvelles croyances grâce à leur magye. On disait autrefois que ces saints répandaient la bienveillance de Dieu dans le monde. Pourquoi devrait-il en être autrement aujourd’hui ? Rendons justice à la Technocratie : la prospérité a été son plus grand cadeau. Ils ont vraiment aidé l’humanité au sens large. L’électricité, les machines, les médicaments, et même les droits civiques d’après certains, sont l’œuvre de la Technocratie. Et donc,
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Le Jugement
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si d’autres factions veulent rallier les cœurs et les esprits à leur cause, elles devraient en retour offrir la prospérité. Attendre des gens qu’ils soient les serviteurs de votre château magyque n’est pas la clé du succès. Si vous voulez être un dieu dans votre monde, il vous faut aussi être la meilleure sorte de dieu possible.
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Le sacrifice
Les meilleurs mages se sacrifient dans l’intérêt général. À l’instar des Rois de Chêne et des Consacrés, ils descendent de leurs trônes mystiques si la situation l’exige. L’archimage Porthos, l’un des plus puissants mages qui ait jamais vécu, a sacrifié sa vie et sa magye pour contenir l’onde de choc provoquée par la destruction de Doissetep. D’autres ont subi les tourments des enfers ou la torture et littéralement donné leur sang pour laisser le monde meilleur qu’il ne l’était auparavant. Même s’il ne provoque pas la mort, le sacrifice est une technique mystique traditionnelle. Les Verbenae en sont sans doute l’exemple le plus célèbre, mais d’autres groupes utilisent aussi les sacrifices de sang. Après tout, qu’est-ce que l’Eucharistie, sinon un sacrifice symbolique partagé ? Tout comme Odin s’est arraché l’œil et pendu à Yggdrasil, l’Arbre-Monde, certains mages renoncent à des choses précieuses, parfois même à leur vie, pour atteindre un objectif supérieur.
La transformation
Au-delà du Soleil, nous trouvons le Jugement. Aussi appelé Éon, cette carte symbolise la transformation. Comme une Mort supérieure, elle indique une renaissance. Par certains côtés, cette étape sur la Voie ressemble à l’Éveil d’un mage. À partir de là, il n’est plus la personne qu’il était avant. Dans le Tarot de Smith, Le Jugement sonne une trompette pour appeler les âmes nues. De la même façon, un mage entend l’appel de son esprit. Pour les Éveillés qui ont la foi, comme les Choristes, cette étape signifie la réunion avec Celui de qui viennent toutes les choses. D’autres mages, comme les dévots technocrates, considèrent la transformation comme un processus de fusion dans lequel les individus imparfaits rejoignent un tout parfait. Vous pourriez voir cela comme un état de bodhisattva, où l’individu est au seuil du Nirvana, mais reste dans le monde pour conduire d’autres âmes vers la béatitude, ou encore un retour aux éléments ou aux animaux dont nous oublions la perfection dans notre quête d’humanité. Il s’agit vraiment de la même chose, même si aucune faction ne le reconnaîtra jamais. Quel que soit le vocable, cet apogée sur la Voie d’un mage le fait entrer dans un nouvel état. Qu’il soit devenu un ange, un cyborg, un animal ou un saint, c’est une renaissance.
La transcendance
La transcendance, peut-être le but le plus noble d’un mage, nous emmène au-delà des préoccupations ou des limites terrestres. En dansant avec le Monde, nous planons hors de la vie et de la mort. C’est, dit-on, le royaume des Oracles, des figures mystiques censées avoir été des mages, mais qui comprennent à présent le Tout. Peutêtre est-ce le paradis, le Nirvana, ou un retour au Vide cosmique. Ou alors rien de tout cela, ou bien encore tout cela à la fois. Si vous devez essayer de la comprendre, c’est que vous ne l’avez pas encore atteinte. Elle peut également être considérée comme une Ascension personnelle. À ce stade, le mage se débarrasse de tout ce qui le retient à notre plan mortel. Le pouvoir, le besoin de pouvoir, dispa-
Gaïa raissent ; l’orgueil se dissipe comme la brume au soleil. Le paradoxe qui tente d’unir l’humain et divin se révèle être un kōan zen, des applaudissements sans mains qui applaudissent. En étant ce qu’il est, ce stade transcende la définition. Il EST, simplement. C’est tout.
La Vérité, avec une majuscule Et voici donc une Vérité pour nous tous. Une Vérité avec une grande et belle majuscule. La Vérité est une illusion. La « réalité » ne peut exister qu’entre guillemets. Nous tous, mages et mortels, créons le monde que nous partageons. Que nous le voulions ou non, pour le meilleur et pour le pire, il est le reflet de ce que nous y apportons. Certains d’entre nous ont plus de pouvoir sur lui que d’autres, mais aucun d’entre nous n’est impuissant. Votre volonté redessine triplement la réalité. Ce que vous voulez sera. Le paradis et l’enfer sont tous deux entre vos mains. Donc si vous voulez un monde meilleur, sortez d’ici et bâtissez-le. Pas avec des jouets, des guerres ou des boules de feu lancées dans la rue, mais le cœur ouvert, l’esprit libre et le courage de regarder au-delà de votre propre reflet, même quand vous êtes devant le miroir et que vous vous demandez quelle sera la prochaine étape.
Chapitre I : La Voie du mage
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Chapitre II La Magye, ou l’Art de la Réalité Les lois de la Magye sont les lois de la Nature. — Aleister Crowley, La magye, en théorie et en pratique
Le Fou Associations : l’impulsion ; le voyage ; l’ici-et-maintenant ; l’enthousiasme naïf ; l’imprudence ; la fantaisie ; la désinhibition ; l’ouverture aux expériences… « BRÛLEZ-LE ! » Le cri résonne depuis la scène, une pixie sournoise y hurle en défiant la foule. Cette foule répond, reprend ce cri et le bruit est plus fort encore que celui des amplis. Des silhouettes tourbillonnantes dessinent des cercles tout colorés de membres et d’étoffe, quelques-unes traînent des cerceaux ou des boules de feu et tracent des motifs mathématiques hypnotiques. La nuit craque de passions sacrées. Lee Ann Milner sent le cri monter des tréfonds de sa poitrine. Alors que les mots quittent ses lèvres, elle se souvient du souffle qui les a fait naître et voit les prochains pas que ses pieds vont faire, où ils vont se poser. Le temps devient flou dans le liquide d’un instant, retenu, fondu dans le passéprésentfuturmaintenant. La pixie et son groupe gambadent comme des déments. Leurs prières fouettent la foule d’une écume polychrome. La sueur scintille crûment dans un éclat électronique éblouissant. Au-delà du trou bouillonnant de bras et de jambes, une galaxie chamarrée illumine la nuit. Les enfants courent, libres de toute entrave ; les anciens se rapprochent les uns des autres, tels les pages d’un livre écrit par les esprits et la peau. « BRÛLEZ-LE ! » hurlent-ils d’une seule voix – ils n’appellent pas la violence, mais la transcendance. Brûler le passé. Brûler la crainte. Brûler les limites du potentiel. Brûler le feu glacé de la liberté. Brûler la stase. Les os de Lee Ann frémissent sous la pression de l’union. À travers ses paupières closes, elle voit la foule. Nous sommes Shangri-La, hurle-t-elle, nous sommes tous unis à un tout unique. Aucune division ici – aucun bloc, aucun prédateur. L’instant s’attarde et le saint espace se déploie. Et longtemps après sa fin, son souvenir façonnera les feux des os brûlant pour l’éternité.
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Le Fou
Chapitre II : La Magye, ou l’Art de la Réalité
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Votre Art, votre Science
S
elon l’estimée Damiana Silverwitch, « la magye est l’art subtil de vous bouger le cul et de faire quelque chose ». Cette poésie brutale révèle une vérité simple : la magye est un verbe. Elle est active, c’est un moyen d’accomplir une fin. Car malgré tout le jargon métaphysique pompeux entourant ses concepts, l’essence de la magye peut se résumer en un seul mot : action. Un autre mot peut également lui être accolé et cette apparente hérésie n’en reste pas moins vraie : technologie. Vous voyez, elle signifie à la racine « connaissance compétente de l’Art ». Bien que le terme logos signifie aussi « mot » et « discours », cette racine grecque suggère une connexion et une révélation spirituelles profondes – une façon de dire que « L’Art, la Connaissance et moi ne faisons qu’Un ». Comme le disait Crowley, la magye est un art et une science. Elle exprime la vérité intérieure à travers la compréhension raffinée. Quand vous chercherez à saisir la complexité des concepts inhérents à la magye, gardez simplement ceci à l’esprit : la magye est la science artistique de faire des choses. Quel genre de choses ? Et comment peut-on les faire ? Penchonsnous un peu sur le sujet…
Les bases La magie est-elle à la portée de tous ? En un sens, oui. Chaque personne consciente – et par « personne », je n’entends pas seulement les êtres humains – est un agent du changement. Pour reprendre Descartes à ma sauce : vous pensez, donc vous faites. En décidant vous-mêmes ce que vous voulez, puis en décidant comment vous y parviendrez, vous effectuez des actions qui font avancer votre monde. Lorsque vous faites un choix, vous altérez votre monde. Ainsi donc, chaque entité pensante fait de la magye. Mais personne ne la fait comme nous.
Des miracles à portée de main
Comme je l’ai déjà dit, les mages sont des agents du changement. Nos décisions refaçonnent la réalité à grande échelle. Et parce que nous nous sommes Éveillés à cette possibilité, notre connaissance est plus profonde et nous apportons des changements plus importants que ceux des non-Éveillés. Mais il y a un « mais » : nos choix ont aussi des conséquences plus importantes. Une fois que nous sommes conscients de nos capacités et que nous avons rassemblé assez de Volonté Illuminée pour l’accomplir, nous tissons de véritables miracles. Les mages Éveillés invoquent la foudre, percent les méandres du temps, manipulent les éléments. À l’apogée de notre Art, nous sommes capables de transmuter des objets, de projeter notre conscience, d’être présents à différents endroits en même temps, ou de franchir l’immensité du temps et de l’espace. Nous pouvons même créer la vie. En ce sens, nous sommes donc comme des dieux. Et si vous vous y connaissez un peu en mythologie, vous venez juste de réaliser la quantité de problèmes que les dieux peuvent provoquer.
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Pas de tour gratuit
Ce que vous faites n’est pas anodin. Tout ce que vous accomplissez vous reviendra. Lorsque votre Volonté effectue un changement majeur, vous modifiez d’autres éléments que vous ne contrôlez pas. Une grande partie de la magye consiste donc à savoir quoi changer, comment le changer, quand le changer et ne pas le changer, et comment se préparer aux conséquences d’un tel changement. Car il y aura toujours des conséquences. Les tours gratuits, ça n’existe pas sur le manège de la magye. Et parfois, ces conséquences se révèlent aussi être de sombres miracles. Nous pouvons devenir fous, disparaître, altérer le monde qui nous entoure par notre simple présence. Nous sommes susceptibles d’attirer l’attention d’entités étranges, d’emmerder les gens du coin ou d’exploser. Plus les changements apportés sont importants, plus le risque est élevé. Parier gros, c’est prendre le risque de perdre gros. Un mage qui voudrait survivre à sa divinisation doit utiliser sa magye en minimisant les risques et en maximisant les gains. Lorsque vous apprenez à vous servir de votre don, vous plongez au plus profond de votre être et de votre environnement. Vous apprenez à faire des choix – et à ne pas en faire. Vous apprenez à altérer la réalité selon vos besoins. Et vous apprenez que, ce faisant, vous pouvez vous retrouver dans cette situation paradoxale de vivre dans deux réalités à la fois… et l’une des deux devra finalement disparaître.
L’effet du Paradoxe Voyez la magye comme le Dôme du Tonnerre : deux réalités entrent, une seule en sort. Idéalement, celle qui gagne, c’est celle que vous créez. Si ce n’est pas le cas, alors vous avez un problème. Nous appelons en général ce problème l’effet du Paradoxe, ou le Paradoxe tout court… Oui, nous y mettons une majuscule pour montrer à quel point c’est gros et important. Parce que ce genre de Paradoxe-là peut vous botter le cul. Il y a un million d’explications métaphysiques sur ce que c’est, pourquoi ça existe et ce que nous pouvons faire pour l’éviter, mais la plus simple reste encore celle-ci : le Paradoxe, c’est ce qui arrive quand deux visions de la réalité existent au même endroit et au même moment, jusqu’à ce que l’une d’entre elle abandonne. Et si c’est votre réalité qui abandonne, vous allez dérouiller.
Les visages du Paradoxe
C’est à ce moment-là que les conséquences dont je parlais plus tôt montrent le bout de leur vilain nez. Pour une raison quelconque (et je le dis sincèrement, les mages peuvent trouver tout un tas de raisons à ça), la Réalité n’est pas contente et le Paradoxe donne une sale tête à ce mécontentement. C’est parfois au sens littéral : les esprits du Paradoxe se pointent comme des flics et vous embarquent, direction la prison de la réalité. C’est parfois le visage que vous lui donnez, comme les hobgobelins qui ne sont pas aussi stupides qu’on le croit et qui transforment vos pires craintes ou vos peurs les plus secrètes en manifestations spirituelles destinées à vous châtier. Le Paradoxe peut vous infliger de terribles coups de fouet métaphysiques, faire de vos perceptions un labyrinthe de folie ou une boucle sans fin appelée la Quiétude, ou plus simplement vous faire gonfler et éclater
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Magie statique, magye dynamique et technomagye Dans le Monde des Ténèbres, les créatures capables d’utiliser la magie sont légion. En termes de jeu, l’opposition entre magye statique et magye dynamique est ce qui différencie les capacités mystiques des loups-garous, des vampires, des sorciers et d’autres entités, des pouvoirs d’altération de la réalité d’un mage. Et si elle n’est pas toujours flagrante pour les personnages eux-mêmes, elle est très importante en termes d’effets en jeu. • L a magie statique obéit à des contraintes rigides. Les effets de la discipline d’Occultation, par exemple, dissimulent ou déguisent un vampire ; cependant, ils ont des résultats spécifiques qui ne s’appliquent qu’à un petit nombre de pouvoirs basés sur des niveaux. Il en est de même pour les dons des Garous, les tours des changelins et ainsi de suite. Certains humains utilisent la magie et y ont aussi accès : exterminateurs, psychiques, sorciers, etc. Dans tous les cas cependant, ces pouvoirs ne s’exercent que dans le cadre de paramètres restreints et précisent ce que l’on peut faire ou ne pas faire avec eux. Pour magiques qu’ils soient, leurs effets – aussi bien dans le cadre que dans les règles du jeu – sont statiques. Ils restent constants, libres de tout Paradoxe et il en va ainsi pour leurs limitations. Peut-être est-ce parce que les caïnites et les Garous ont éveillé leurs esprits sur une voie prédéterminée ou bien parce que des siècles de folklore ont intégré ces pouvoirs à la réalité. À moins que ce ne soit un peu des deux. • L a magye dynamique est illimitée. Elle implique souvent des outils et des rituels, mais ses effets – ou plus justement, ses Effets, avec une majuscule – sont incroyablement versatiles. Dans les différentes éditions de Mage, le « y » signalant ce type de magye est parfois utilisé, et parfois non. Quoi qu’il en soit, les systèmes de jeu impliqués sont identiques. Le personnage dispose d’un large panel de possibilités en fonction de son degré de connaissance et de sa Volonté Éveillée ; ainsi, le joueur définit librement la manière dont son mage utilise les Arts et n’est pas limité à une poignée de sorts gravés dans le marbre. Le prix à payer pour ces options se nomme Paradoxe. Lorsque vous modifiez l’essence de la réalité, vous risquez de vous faire vertement tancer pour votre impertinence. • L a technomagye (avec ou sans y) définit la magye dynamique qui nécessite des instruments et des procédures technologiques. Équipement cybernétique, fusils énergétiques, calculs à grande vitesse et tout autre équipement ou activité basé sur la science ou la pseudoscience, concentrent les intentions d’un technomancien. Celui-ci se repose alors presque exclusivement sur son équipement pour accomplir ses actions. Même ainsi, les Effets de sa magye restent dynamiques. Il a certes besoin de son ordinateur pour faire les choses, mais avec lui, ses possibilités sont similaires à celles d’un mage Éveillé. Certaines personnes appellent les Technocrates ou les autres technomanciens « mages statiques », mais ce n’est pas vraiment le cas en termes de jeu. Nous l’avons déjà dit, tous les mages utilisent la magye dynamique et ce même s’ils ne définissent pas leurs pouvoirs ainsi. Les personnages ne comprendront sans doute jamais la différence avec les sorts d’un sorcier, mais les joueurs la saisiront. Par certains côtés, les membres du Peuple de la Nuit sont avantagés quand ils utilisent leurs pouvoirs contre un mage, mais ils n’en ont que quelques-uns. Ce dernier, en revanche, a accès à une kyrielle de possibilités. Un vampire est peut-être capable de dominer l’esprit d’une personne sans risquer un effet du Paradoxe, mais le mage peut lui manipuler la sphère de Psyché et accomplir des exploits inaccessibles au caïnite.
comme un ballon rempli de suffisance. Un gars appelé Zerox l’a dit un jour. Le Paradoxe, c’est Jiminy Cricket avec une tronçonneuse. Plus vous lui donnez de bois à couper, plus la tronçonneuse sera grosse et terrifiante.
Résonance, karma et Synergie
De manière plus subtile, mais plus envahissante, les échos de votre magye peuvent se manifester sous la forme d’une Résonance. Représentez-vous une action magyque comme une baguette frappant une cymbale ; la Résonance est cette vibration évanescente que vous continuez d’entendre alors que la percussion initiale a disparu. Elle est en permanence dans son sillage, résonne dans ses actions magyques… et se fait aussi bien souvent l’écho des intentions et des émotions derrière cette magye. À un autre niveau de paradoxe (avec une minuscule cette fois), les effets de la Résonance provoquent souvent une étrange perturbation de la réalité qui leur est propre. Une sorcière de feu, par exemple, peut avoir la peau désagréablement chaude, une légère odeur de fumée et – dans les cas les plus extrêmes – une fâcheuse tendance à déclencher de petits incendies quand elle touche quelque chose. On considère souvent que la Résonance est la manifestation mineure d’un effet du Paradoxe… et pourtant, ses propres effets peuvent déjà en eux-mêmes être remarquablement bizarres. Il semble étrange qu’une ondulation
de la Réalité soit plus évidente que les actions magyques qui sont la cause de cette altération. Mais voilà, ça arrive. Heureusement, la simple étrangeté des manifestations de la Résonance ne provoque apparemment pas plus d’effets du Paradoxe. Elles peuvent toutefois compliquer la tâche d’un mage quand il aimerait bien ne pas se faire remarquer et que les échos de sa Résonance foutent la merde autour de lui. On dit parfois que c’est le karma, mais cette assertion se base sur une incompréhension de la véritable signification du karma. Dans la métaphysique hindoue et bouddhiste, le karma est la force et l’élan de toutes les vies passées dans lesquelles les actions qui ont été faites façonnent les circonstances présentes et à venir. Même si les principes de karma et de Résonance sont liés, le premier dépend de l’idée de réincarnation, alors que le second se base sur ce que vous faites dans cette vie. Malgré cela, beaucoup de mages continuent de prétendre que « le Karma est une vraie garce » quand ils parlent de la Résonance. Il peut exister un autre type d’effet de la Résonance, que l’on appelle parfois Synergie. Avec la Synergie, l’écho provient d’une source externe – une maison hantée, par exemple – puis rebondit sur le mage et devient partie intégrante de ses vibrations métaphysiques. Certains considèrent que Résonance et Synergie sont des concepts identiques, tandis qu’elles sont pour d’autres des énergies
Chapitre II : La Magye, ou l’Art de la Réalité
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Qu’est-ce que la Synergie ? La Synergie et la Résonance sont les deux faces opposées d’une unique pièce. La seconde n’est pas définie de la même façon dans tous les livres de Mage. Elle est tantôt l’écho des actions d’un mage et tantôt le reflet de son lien avec les forces de l’univers. Pour harmoniser ces différentes définitions, cette édition de Mage M20 présente la Synergie comme un concept optionnel. Référez-vous aux sections sur la Résonance aux Chapitres Six et Dix.
différentes, et que d’autres encore nient l’existence de l’une ou des deux énergies. Pour faire simple, retenez ceci ; vous changez le monde et le monde vous change également.
L’orgueil Un autre paradoxe sans majuscule vient de cette vérité propre aux mages : qui ne tente rien n’a rien. Ce n’est qu’en jouant au plus fort avec le Paradoxe que vous pourrez libérer votre véritable potentiel. Si vous vous montrez trop prudent, vous n’obtiendrez rien. Un mage doit oser pour faire ce qu’il veut. Et cette audace exige qu’on fasse preuve d’orgueil.
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
« Ne devenez pas trop orgueilleux » vous conseillera-t-on. On dit que c’est le péché qui précède la chute. Les Nephandi, qui portent fièrement leur étiquette de « Déchus », vous rétorqueront que cet orgueil est la source ultime de toute réussite. Et en vérité, ils ont raison. Si vous n’avez pas au moins le sentiment d’être meilleur que le citoyen lambda, que vos actions devraient avoir de l’importance, alors vous ne pourrez pas faire de magye et créer du changement. Vous devez être orgueilleux pour être un mage. La racine latine de ce mot signifie « avantageux ». En étant Éveillé, vous avez un avantage. Pour l’utiliser, vous devez le vouloir. Vous devez vous considérer assez malin, assez courageux, assez instruit et sage, en un mot assez bon pour être digne de ce que la vie vous a donné… et des avantages que vous obtenez dans la vie. La magye est la clé de votre univers ; lorsque vous penserez en être digne, votre orgueil vous ouvrira des portes que la plupart des gens ne voient même pas. Rappelez-vous que ce que vous voulez sera.
La Volonté
Ce mot, la Volonté, est au cœur même de l’orgueil et de la magye. Il signifie intention, bonté, excellence. Avec une majuscule, elle symbolise votre détermination à faire les choses comme vous l’entendez. Et si Crowley n’est sans doute pas la référence absolue en matière de magye, il avait parfaitement raison sur ce point. Nous autres mages sommes les enfoirés les plus déterminés de la planète. Nous devons l’être pour faire ce que nous faisons.
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Bien sûr, des tas de gens ne seront pas d’accord. Ils diront que la magye vient des esprits, des dieux, ou encore de la technologie. D’autres prétendront que c’est un don et ils auront raison – c’en est bien un. Mais jusqu’à ce que – et à moins que – nous n’ayons la Volonté de l’utiliser, ce cadeau restera dans sa boîte, bien emballé, inutilisé, et personne n’en profitera. Or quel est l’intérêt d’être un mage si vous ne voulez pas ouvrir cette boîte et vous servir de ce qu’on vous a donné ?
L’hubris
Avez-vous déjà cassé un jouet en l’utilisant trop brutalement ? N’avezvous jamais provoqué un bordel monstre parce que vous aviez exercé l’un de vos talents ou l’une de vos compétences sans faire attention à votre façon de l’utiliser ? C’est ce qui se passe, parfois à bien plus grande échelle, quand vous vous montrez imprudent dans l’exercice de cette Volonté, de cet orgueil et de la magye : vous cassez des trucs. J’appelle cette négligence l’hubris : un orgueil démesuré et destructeur. D’après les Grecs qui ont inventé ce terme, l’hubris est le côté sombre de l’excellence. C’est le moment où un Hé, je suis beau gosse… devient… donc je peux faire tout ce qui me chante. Si vous avez déjà rencontré un de ces trous du cul prétentieux (et ça nous est tous arrivé) qui utilise son apparence, ses charmes, son argent ou quoi que ce soit d’autre pour se sentir mieux à vos dépens, vous comprenez que l’hubris, ça craint. Dans la mythologie grecque, il peut entraîner quelqu’un dans une spirale autodestructrice et embarquer au passage tout ce qui l’entoure. Les mages merdent comme ça tous les jours. Pas seulement les Technocrates ou les Nephandi, mais nous tous. La Guerre de l’Ascension, c’est ce qui arrive quand une bande d’agents de la Volonté orgueilleux prennent un tel melon qu’ils décident de refaire le monde à leur image. Les cyborgs finissent par hanter la nuit. Les savants fous créent des monstruosités. Les sorcières maudissent leurs ennemis jusqu’à ce que la chair se détache de leurs os. Les Extatiques essaient de montrer les jolies couleurs qu’ils voient, tout ça se transforme en mauvais délire et les gens deviennent cinglés. Le Paradoxe, c’est un peu la Réalité qui dérouille un mage et lui dit « Arrête tes conneries ! ». Nous dansons sur la lame du rasoir et cette lame est bien mince entre l’orgueil et l’hubris, entre la Volonté de pouvoir et le pouvoir de détruire. Le paradoxe, lui, veut, peut et détruit pour des raisons qui nous paraissent tout à fait légitimes.
Le pouvoir Et pourtant, le pouvoir c’est marrant. Ça devrait l’être. Je l’ai déjà dit, vous avez un don. Profitez-en. Nous vivons dans un monde qui nous dit de ne pas être puissant. Laissez ça aux experts, disent-ils… évidemment les « experts », ce sont eux. Renonce à ton pouvoir. Sois un bon petit chien. Laisse les grandes personnes s’occuper des choses difficiles pour toi. Va. Chier. Si vous êtes un mage, alors vous êtes l’une de ces grandes personnes. La magye en est la preuve. Quand vous tissez vos Arts, vous faites bouger les choses. Et c’est ÉNORME. C’est ça, le pouvoir. Et ce pouvoir effraie le quidam. Jadis, on érigeait des bûchers pour les gens comme nous. Peu importait de savoir si nous étions des sorcières, des hérétiques, des scientifiques menaçant un petit monde plat, ou simplement des gens trop cool, trop beaux, trop sacrément doués dans ce qu’ils faisaient. Aujourd’hui, ces bûchers ressemblent plus à ces guerres d’insultes sur Internet… sauf si, bien sûr, vous attirez l’attention des gens qui voudront littéralement vous cramer le cul jusqu’à la mort parce que vous menacez leur réalité. Et dans ce monde pourri, ces gens sont partout. Bien souvent même, nous sommes ces gens. Si vous êtes un mage mystique, les Technocrates viendront vous descendre. Si vous êtes un Technocrate, ces foutus Déviants de la Réalité entortillent votre monde comme un bretzel. Les Fous veulent qu’on termine tous avec eux au fond du terrier du lapin blanc et les Déchus souhaitent nous faire danser lors de la damnation finale de ce monde. Y compris dans nos propres rangs, les gens que nous considérons comme des amis ou des alliés peuvent nous mettre une raclée parce que nous sommes trop libres, trop restrictifs, trop intuitifs, trop scolastiques, que nous passons trop de temps en ligne ou que nous courons tout nu dans les bois… Le pouvoir menace le pouvoir. L’orgueil déteste avoir tort. Le paradoxe de l’orgueil et du pouvoir nous exalte et nous détruit tout à la fois. Ce n’est pas facile d’être un mage. Mais vous savez quoi ? Ça vaut le coup. Mieux vaut brûler d’un feu ardent et illuminer ce monde plutôt que de se consumer dans les ténèbres en se demandant ce qu’on aurait pu devenir.
Qui nous sommes, ce que nous faisons Alors, comment faisons-nous ? Comment ça marche ? Tel est le mystère, royaume de mythe et de poésie, riche de théories, mais pauvre en réponses vraies. Chaque faction, chaque philosophe a sa genèse préférée. En fin de compte, voici ce que nous savons : nous faisons ce que nous faisons parce que nous comprenons que nous pouvons le faire, pas seulement au niveau intellectuel, mais également au niveau cosmique.
De Tous à Nombreux, à Nous
Selon une croyance populaire, nous étions Tous un être Unique. Cet Unique s’est divisé en Nombreux, qui sont ensuite devenus nous. Maintenant, il y a débat sur ce que ce « nous » signifie : hommes des cavernes, anges, demi-dieux ou héros ? Les mythes parlent des Wyck, des mages primordiaux dont les exploits ont inspiré les légendes des Olympiens, des Aryens, des Tuatha de Dannan, des Nephilim, et ainsi de suite. Apparemment, ces « purs » (je sais, je sais, ce n’est pas moi qui ai choisi le nom) disposaient de pouvoirs capables de faire danser la Création. Jusqu’à quel point ces mythes sont-ils réels ou fantasmés ? Certains prétendent qu’ils y étaient, mais comme c’est
Chapitre II : La Magye, ou l’Art de la Réalité
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souvent le cas dans le monde des mages, la vérité est une affaire de perception. Avec le temps, ces entités ont affiné leurs pouvoirs pour en faire les Arts que nous appelons aujourd’hui magye. Certains ont tiré les leurs du plus profond de leur être, d’autres supplié leurs dieux de leur accorder leur grâce. D’autres encore ont développé des technologies – le langage, les mathématiques, l’art et les machines – qui ont donné à ce qu’ils faisaient une certaine fiabilité. Et puis les légendes disent qu’ils ont appris aux autres à faire ces choses à leur tour. Les religions, les rituels, les technologies et le commerce ont permis à l’animal humain de sortir de sa condition et d’inventer ce que nous avons fini par appeler civilisation. Grâce à la magye, l’humanité a prospéré.
Conflit et changement
Mais nous autres humains sommes hargneux. Même à notre plus haut niveau, nous sommes des anges enfermés dans un corps de singe. La guerre pour le paradis fait rage dans chaque cœur humain. Que cette guerre soit née d’un serpent tentateur lové autour des Arbres de la Vie et de la Connaissance, des caprices des dieux, de rebelles infernaux ou de nos propres gènes égoïstes, les conflits ne changent pas. Nous nous battons. Nous tuons. Nous mourons. Nous désespérons. On nous a donné le paradis et nous glissons vers l’enfer. Est-ce une blague cosmique, le péché originel, une illusion grotesque ou simplement ces pulsions de vie, de mort et de renaissance qui nous animent ? Cela dépend de votre interlocuteur. Pour une raison inconnue, un fossé s’est creusé entre les Dormeurs et les Éveillés… et bien souvent entre les Éveillés eux-mêmes. Certains pensent que ces divisions sont nées de l’usage abusif de la magye. D’après le canon technocratique, l’humanité était l’esclave de sorciers fous jusqu’à ce que de courageux héros utilisent leurs Art et de leur Science pour les abattre. Les mages mystiques prétendront que les premiers Technocrates ont aligné des empires pour écraser leurs voisins et unir les masses sous le joug technologique. L’histoire et la religion montrent des nations rivales se dressant les unes contre les autres et se conquérant au nom de tel dieu ou de telle dynastie. La magye était l’apanage de tous les camps dans ces guerres et les haines qu’elles ont fait naître ne se sont jamais apaisées. L’histoire de la magye est l’histoire du conflit. Peut-être est-ce la voie de notre monde : grandir, dévorer, vivre aux dépens d’autres vies jusqu’à ce que la mort nous transforme en nourriture pour les générations suivantes. C’est ainsi que la Nature fonctionne, avec ou sans notre aide. La magye nous donne la parole sur l’orientation de nos vies, mais elle doit pourtant changer cette habitude. À dire
vrai, la magye et les mages dépendent souvent du bouleversement. Après tout, les conflits nous forcent à apprendre, à grandir, à innover et à changer. Est-il donc si surprenant que les mages, les agents du Changement, passent autant de temps à guerroyer ?
L’illumination Éveillée
Au fil de toutes ces transformations, il est apparu évident que certains d’entre nous étaient capables de faire ce dont la plupart des individus étaient incapables. Conscients de notre pouvoir, nous avons appris à l’utiliser. Certains mages appellent cela l’Éveil, d’autres l’Illumination, d’autres encore refusent de lui donner un nom. Quel que soit celui dont on l’affuble, cette conscience nous permet de faire des choses que beaucoup ne pourront jamais réaliser. Le débat dégénère en disputes interminables quand il s’agit de savoir si autrefois, tout le monde était ou non capable de pratiquer la magye ou si tout le monde devrait la pratiquer. Cela n’a aujourd’hui aucune espèce d’importance. Il faut par contre absolument retenir ceci : ici et maintenant, et d’aussi loin qu’on s’en souvienne en toute honnêteté, nous autres, Éveillés ou Illuminés, accomplissons des choses qui transcendent les capacités humaines normales. Ça au moins, c’est un fait. Et cela ne vient pas facilement. Peut-être qu’il y a bien longtemps, les nouveaux Éveillés avaient naturellement conscience de leurs capacités. Ça ne marche plus comme ça. De nos jours, l’Éveil implique en général qu’on vous fasse rentrer à grands coups de marteau dans la tronche une grosse dose de bon sens. Après cette raclée métaphysique, le monde ne ressemble plus à ce qu’il était auparavant. Cela peut être terrifiant ; je me répète, mais le pouvoir est effrayant. Les mentors et les compagnons peuvent aider à franchir plus facilement ce cap, mais la plupart des mages, de nos jours en tout cas, se réveillent un matin en pleine crise de panique métaphysique et se mettent à tabasser tout ce qui bouge autour d’eux. Le monde est complètement bouleversé par ces talents non maîtrisés, et la fin du Sommeil produit des monstres.
Le Génie et l’Avatar
Heureusement, les mages sont livrés avec un système de guidage intégré, cet « ange gardien » dont je parlais tout à l’heure : l’Avatar. Ce Génie inné donne l’inspiration nécessaire à tout nouvel Éveillé. En fonction de votre interlocuteur, ce copilote divin peut être une incarnation antérieure, un esprit serviable, une réflexion du Moi supérieur, voire une illusion créée par un esprit cherchant à rationaliser les pouvoirs qu’il vient de se découvrir. Quel que soit le nom que vous lui donnerez, ce fragment divin détient la feuille de route
Histoire des mages et de la magye Pour plus de détails sur la saga compliquée des mages, leurs sociétés et leurs effets sur le monde, reportez-vous à Une histoire des Éveillés au début du Chapitre Cinq.
Le talent brut Un mage qui n’a pas appris à travailler ou à affiner sa magye possède ce qu’on appelle un talent brut. Ses pouvoirs d’Éveillé fonctionnent, mais il n’a que peu ou pas de contrôle dessus. Cela le rend souvent dangereux pour lui-même et pour tous ceux qui l’approchent. Les différentes disciplines magyques, jusqu’aux sorcelleries les plus noires, livrent des méthodes pour canaliser le pouvoir brut du mage à des fins moins destructrices. Sans elles, comme on le verra dans le Chapitre Cinq, un mage qui n’est pas correctement formé risque de devenir un Maraudeur. Les règles de jeu qui se rapportent au talent brut figurent au Chapitre Dix (pages 527-528).
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
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dont vous aurez besoin pour suivre la Voie de la magye. Grâce à lui, nous commençons à sentir les niveaux plus profonds de la réalité… et aussi à les manipuler.
Quintessence, énergie, Motifs et portes
L’Avatar vous aide à percer les illusions de la forme, de la substance et à réaliser que toute chose est composée d’une énergie appelée Quintessence. Cette énergie se rassemble en Motifs que nous percevons comme des formes solides. Lorsque vous détectez l’énergie, que vous voyez les Motifs et que vous reconnaissez d’instinct, bien que consciemment, que vous pouvez les modifier, vous sentez ces clés de la réalité cliqueter entre vos mains. Les sphères, que je décrirai brièvement, sont les métaphores des différents types de Motifs énergétiques que vous pouvez déverrouiller… les portes de la Création elle-même, en quelque sorte.
Une fine pellicule de glace Tout ceci semble évident, mais en réalité, c’est comme le patin à glace : beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît. On vous a répété toute votre vie que ce brouillard n’était pas un rocher, n’était pas un oiseau, n’était pas un avion. Les façons dont ces Motifs interagissent, dont la Quintessence coule et plane sur eux sont diablement compliquées. Un mage passe des années, voire des siècles, à apprendre comment les faire danser au rythme de sa musique. Comme un patineur sur glace, un mage va s’entraîner à couler et à ployer comme l’énergie, à en maîtriser tous les caprices et les changements qui lui permettent de planer au lieu de s’écraser. Il faut de l’entraînement, de la concentration et d’innombrables heures de pratique avant de pouvoir jongler avec les sphères. Votre raison saisit peut-être le concept et votre esprit veut peut-être tourner les clés, mais avant d’atteindre le point où tous vos muscles seront parfaitement coordonnés, vous patinerez plus ou moins sur une fine pellicule de glace avec un parpaing à chaque pied.
Focus, Paradigme, Pratique, Instruments et Arété
Il faut des lames sous les patins pour pouvoir glisser efficacement. Et pour que ses intentions soient efficaces, un mage doit trouver un focus qui fonctionne pour lui. Tiré de son paradigme, ce système de pensée qui reflète sa perception du monde, le focus donne leur forme aux outils que le mage utilise, aux rituels qu’il accomplit, aux choses qu’il peut faire lorsqu’il commence à patiner sur la glace de la Création. Cela déterminera probablement ses amitiés, influencera sans aucun doute son style et déterminera bien souvent les ennemis qui se mettront en travers de sa Voie. C’est la foi qui tourne les clés et huile les serrures pour nous. À l’instar des non-Éveillés, nos croyances sont chose sérieuse. Elles définissent tout ce que nous sommes, ce que nous faisons, les outils que nous utilisons. Ces outils – une autre forme de focus –
en deviennent des reflets symboliques. Nous utilisons des infusions pour distiller nos plans en actions, des graphiques pour évaluer nos chances de réussite, des prières pour demander les faveurs de nos dieux, des épées pour trancher l’air et frayer un chemin à notre Volonté. Un mage se sert d’instruments et de rituels, d’appareils et de technologies pour façonner, diriger et tracer sa Voie. Sans eux, il restera bêtement planté sur la glace.
Trame mythique et hypernarrations
Certaines pratiques et instruments s’appuient sur la Trame mythique, des symboles d’une grande importance métaphysique au sein du Consensus. Cartes du Tarot, poupées vaudoues, pleine lune, brouillard… ces symboles imposent le respect grâce aux liens profonds qu’ils entretiennent avec l’Inconscient Collectif. Cependant, la Trame en question doit pour être efficace correspondre à un focus spécifique au mage. Un cyborg qui tente d’utiliser les cartes du Tarot va pour ainsi dire à l’encontre de sa programmation et elles ne seront pas aussi efficaces qu’entre les mains d’une vraie diseuse de bonne aventure. Les mages de l’Âge de l’Information ont leur propre Trame mythique : les hypernarrations, constituées de tropes communs aux médias. Se lancer dans des courses-poursuites, faire exploser des réservoirs d’essence, fendre l’air en tirant dans tous les sens, ces images ont marqué au fer rouge la méta-histoire collective. Fondamentalement, un trope d’hypernarration fait de vous le héros d’un récit dans la mythologie de l’ère médiatique. En pratique donc, une hypernarration est une Trame mythique propre à notre ère. La différence entre ces deux concepts réside dans l’opposition entre archétypes des traditions et conscience médiatique, à quelques reformulations et quelques générations près, c’est la même chose.
Dépasser le focus
Bien entendu, disent les Maîtres, les outils comme la glace ne sont qu’illusions. Lorsque vous parviendrez à l’excellence que vous recherchez dans vos études, ce degré sublime de l’Arété, vous vous rendrez compte que vous pouvez glisser sans ces foutus patins et que la glace n’est là que parce que vous pensez qu’elle y est. C’est l’Éveil ultime, le stade auquel vous commencez à transcender les illusions de notre monde. Les mages qui y parviennent sont parmi les plus puissants d’entre nous… mais pas forcément les plus sages. La foi tourne aussi trop aisément au fanatisme. Bien trop souvent, l’homme qui sait sans aucun doute qu’il détient la vérité insiste pour que les autres y croient à leur tour. Vous n’avez pas besoin d’être un djihadiste islamique ou un taré d’évangéliste pour exiger que votre réalité soit l’unique réalité. Il faut parfois simplement être un mage qui a laissé sa magye lui monter à la tête. En conséquence, des maîtres deviennent des tyrans et nous imposent à tous leur Volonté. Voilà un autre type de paradoxe magyque : transcender la compréhension engendre fréquemment la stagnation… et devient chaos, avec une effrayante facilité.
Chapitre II : La Magye, ou l’Art de la Réalité
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Consensus et Croyance
A
lors pourquoi ne pouvons-nous pas, nous autres Éveillés, faire tout ce que nous voulons ? Si la magye est un pouvoir quasi divin, pourquoi n’allons-nous pas tout simplement faire une petite partie de pétanque avec des boules de feu au beau milieu du centre-ville ? Parce que la Réalité elle-même ne nous laissera pas faire. Imaginez-la comme un immense océan. Vous pouvez y patauger, y nager, y naviguer ou vous y noyer. Mais, qu’importe que vous le désiriez très fort, vous ne pouvez pas la transformer en confettis, car cette eau était là bien avant vous et sera encore là bien après vous. Telle est la réalité derrière la Réalité avec une majuscule. Elle dépasse n’importe quel mage, n’importe quelle faction. Nous pouvons travailler avec elle, mais elle n’est pas et ne sera jamais notre esclave. La Réalité a des règles et ces règles sont décidées par le Consensus : la puissance collective de la foi dans le monde. C’était un terme technocratique à la mode, mais beaucoup d’autres mages se sont mis à l’utiliser. La réalité consensuelle est la réalité de base établie pour notre Terre. Elle dispose d’une certaine flexibilité, mais nombre de ses lois sont immuables. Ce qui monte doit redescendre. Un objet en mouvement reste en mouvement. Un objet inanimé reste inanimé. Ce genre de choses. Les gens ne se transforment pas en pétunias à moins qu’une force supérieure ne se charge de les transformer… et si tel est le cas, ça ne sera pas facile pour la force supérieure en question. Défier la réalité consensuelle, c’est inviter le Paradoxe à venir vous botter le cul.
Qu’est-ce qui détermine ce Consensus ? Bonne question. L’origine de ses lois est un sujet de discussion de plus parmi les mages. Voici ce qu’on en sait : les croyances humaines jouent un rôle important dans la forme du Consensus, même si nous Éveillés croyons pouvoir transformer cette « eau », les Dormeurs sont des millions de fois plus nombreux que nous. Au bout du compte, il y a pour ainsi dire plus d’eau dans leur croyance que dans la nôtre. On dit qu’il y a bien longtemps, le Consensus était beaucoup plus fluide qu’aujourd’hui. La plupart des gens n’avaient guère de contact avec les cultures et les communautés en dehors des leurs. Par conséquent, les croyances locales façonnaient un Consensus local. Cependant, avec l’essor de la technologie, du commerce et des conquêtes, les cultures ont essaimé sur tous les continents et nombre de croyances sont devenues la norme sur la majeure partie (sinon la totalité) du globe. Depuis l’Âge de la Conquête à la fin de la Renaissance, la magye est bien plus difficile à pratiquer et ses effets sont amoindris par le poids du Consensus. La Technocratie en est-elle responsable ou est-ce la conséquence incontrôlable des empires des Dormeurs ? Encore une fois, la question fait débat et le débat est houleux. Une chose est cependant certaine : les mages de différentes factions ont effectivement passé des siècles, voire des millénaires, à manipuler le Consensus… et cette manipulation reste un objectif majeur pour toutes les factions Éveillées du monde. Comme disait le baron Harkonnen dans Dune, « celui qui contrôle l’épice contrôle l’univers ». Remplacez « épice » par « Consensus » et vous obtenez la vérité sur le sujet. La Technocratie (et son prédécesseur, l’Ordre de la Raison) contrôle le Consensus depuis l’Âge de la Conquête. D’autres factions sont de temps en temps parvenues à garder ce contrôle dans certaines régions du monde… et elles l’ont
Focus et Croyance La croyance de votre mage guide sa pratique des Arts, ainsi que les instruments qu’il utilise comme éléments de cette pratique. En termes de jeu, il s’agit de son focus. Dans les anciennes éditions de Mage, le terme désignait les outils avec lesquels le personnage provoquait des Effets magyques. Dorénavant, le focus combine les croyances du mage sur la magye, sa pratique et les instruments qui lui permettent de diriger cette croyance vers des résultats magyques. Les trois éléments sont réunis en une seule unité : paradigme + pratique + instruments = focus. Ce dernier dépend des croyances des personnes impliquées et des pratiques qu’elles suivent en tant qu’extensions de ces croyances. Disons que vous avez trois mages : un magicien hermétique, un spécialiste des arts martiaux et un cadre d’entreprise Illuminé. Le magicien croit que la pratique de sa haute magye rituelle lui donne les clés de l’univers. Le spécialiste des arts martiaux croit qu’il canalise sa force vitale en pratiquant une discipline physique et mentale. Le cadre croit qu’il est un expert dans l’Art du Désir et que sa pratique l’aide à manipuler les autres de façon remarquable. En termes de jeu, les personnages font la même chose, mais ils n’ont pas les mêmes systèmes de pensée et leurs pratiques sont différentes. Dans les anciennes versions de Mage, ces pratiques étaient appelées « styles ». Dans M20, la croyance détermine le style, qui à son tour détermine les instruments. Ces instruments canalisent cette croyance et cette pratique en action. Notre sorcier prépare des rituels élaborés avec force parchemins, sceaux, incantations et autres outils mystiques classiques (baguettes, amulettes et tout le tintouin). Le spécialiste des arts martiaux exécute des katas complexes, se livre à d’impressionnants exercices, se plonge dans de profondes méditations et déploie des techniques de combat dévastatrices. Enfin, le cadre supérieur enfile son super costume, s’asperge de son eau de Cologne spéciale, étale son vocabulaire à la mode, ses voitures badass et charme ou écrase tous ceux qu’il rencontre par la seule force de sa personnalité. Trois approches différentes, toutes efficaces et basées sur les croyances du mage qui les utilise. Chacune d’entre elles a des outils différents pour façonner les intentions du mage, puis les orienter vers le but désiré. Pour plus de détails sur les paradigmes, les pratiques et les outils, référez-vous aux Chapitres Six (pages 256 et 259) et Dix (pages 530 et 567-602).
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
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Destins futurs : le paradigme technocratique D’après la troisième édition de Mage, le système de pensée de la Technocratie remporte la Guerre de l’Ascension à la fin du XXe siècle. Les Dormeurs acceptent un Consensus dans lequel la science définit la réalité. Comme nous l’avons dit plus haut, cette conclusion ignore plusieurs éléments vitaux de la croyance globale, de l’époque et surtout de maintenant. Cela confère néanmoins un sentiment d’urgence dramatique aux chroniques de Mage. En fonction des desiderata de votre troupe, vous pouvez supposer que… • L a Technocratie a gagné : bien sûr, plein de gens sont persuadés que le surnaturel existe. La croyance dominante dans la technologie écrase cependant les points de vue mystiques. Tout ce qui ressemble à de la magye est donc vulgaire, partout sur Terre. • L a croyance technocratique domine certaines parties du monde : les paradigmes technocratiques règnent sur la majeure partie du monde industrialisé, mais il existe bien plus de souplesse que les gens ne le pensent. La magye est vulgaire ou coïncidentale en fonction des zones de réalité, décrites dans le Chapitre Dix (pages 613-619). • L a Réalité est en mouvement : il semble que la Technocratie ait gagné, mais cette perception n’est pas exacte. Les zones de réalité déterminent les frontières des magyes coïncidentale et vulgaire – et la Terre pourrait même être en train de glisser vers un autre Âge mythique – dans lequel un paradigme différent dominera le monde. Cette option élargit considérablement le champ des possibles dans une chronique de Mage ; certaines formes évidentes de magye deviendraient coïncidentales (fortuites dans l’ancienne forme), tandis que certaines approches de la technologie deviendraient vulgaires. Une chronique aussi riche en magie aurait une réalité bien différente de celle présentée dans le Monde des Ténèbres, mais elle conviendrait à une saga de fin des temps dans laquelle on aurait rejeté les promesses de la science et préféré le chaos mystique.
parfois toujours. C’est pourtant bien la Technocratie qui a en main le Consensus global depuis ces 150 dernières années. Mais contrôler ne signifie pas commander. La Technocratie a parfois dû lâcher prise, elle a même failli perdre toute son influence pendant les deux guerres mondiales, alors que la technologie fauchait des millions de vies avec une précision toute mécanique. Dans ces temps troublés, quand les machines semblaient monstrueuses, la confiance des gens dans ses bienfaits a vacillé. Aujourd’hui, certains disent que le Consensus échappe de nouveau à la Technocratie. Le temps nous le dira, je suppose… Pour le moment en tout cas, c’est le système de pensée scientifique qui semble s’imposer dans le Consensus. En conséquence, utiliser la magye classique de nos jours ne vous mènera qu’au désastre, à moins de vous montrer malin, astucieux et subtil.
La magye coïncidentale Le meilleur moyen, si ce n’est le plus simple, d’éviter le Paradoxe est d’intégrer naturellement votre magye dans le paysage. Une telle magye coïncidentale s’inscrit parfaitement dans le système de pensée local. Vous n’avez pas vraiment fait apparaître cette pomme, par exemple, mais vous l’avez sortie de votre sac à dos… et s’il n’y avait pas de pomme dans votre sac, qui le savait à part vous ? La règle de base de la magye coïncidentale est la suivante : si un témoin vous voyait en train de faire de la magye et acceptait pourtant cette action comme faisant partie intégrante de son environnement, ce n’est donc qu’une coïncidence si les choses tournent à votre avantage.
L’Âge Mythique
On appelait autrefois cela la magye fortuite : elle avait une cause claire, crédible et demeurait donc acceptable par les diverses croyances. À l’époque cependant, crédible signifiait en accord avec la vision de la réalité prédominante dans cette région. Si le folklore disait que les sorcières volaient sur des balais, eh bien une sorcière juchée sur son balai était tout à fait crédible. Un prêtre pouvait prier et invoquer les flammes, un sorcier maudire ses ennemis et les regarder mourir.
Aujourd’hui, ces choses ne seraient en rien coïncidentales, mais elles faisaient partie des systèmes de pensée de l’époque. Comme ces derniers acceptaient pour la plupart l’existence des phénomènes magyques, les mages modernes se réfèrent souvent à cette période en parlant de haut Âge Mythique. Et à l’instar de tant d’autres âges d’or, s’il est l’objet d’une certaine vénération, la lumière de son auréole se heurte quelque peu à la sordide réalité de cette ère. De nos jours, certains mages mystiques veulent revenir à l’Âge Mythique ou en créer un nouveau qui favorise leurs croyances. Un tel changement aurait de graves conséquences sur le monde entier, mais ils ne semblent pas tellement s’en soucier. Après tout, si vous pouviez à nouveau fendre l’air sur votre balai, qu’est-ce que ça peut bien faire si ces pauvres Dormeurs confus restent cloués au sol ? Tel est l’hubris principale de ces mages mystiques : le monde se portera mieux quand nous serons de nouveau les chefs et que nous pourrons faire tout ce que nous voulons. Même si les Technocrates ont plus ou moins l’air, et à tout point de vue, de monumentaux rabat-joie, il est assez facile de comprendre pourquoi ce genre de choses va à l’encontre de leur programme. Cette réalité mythique est certainement très cool pour certains mages mystiques, mais c’est un véritable enfer pour le reste du monde. D’après le canon officiel (qui, comme tant d’autres choses dans le monde d’un mage, n’est peut-être pas si vrai que ça), l’Ordre de la Raison a mis un terme à l’Âge Mythique en imposant un ordre mondial basé sur la science et non sur la magye ou sur la religion. Si c’est vrai, ils ont vraiment fait n’importe quoi. Il existe au moins trois religions qui semblent penser que Dieu leur a accordé des dispenses spéciales et au moins deux d’entre elles assurent que la science est leur ennemie, sauf si elle leur permet de faire plus de fric et de tuer plus de gens. De telles failles dans le paradigme technocratique laissent bien plus de place qu’il n’y paraît à ce style de magye mythique. Cependant, la magye coïncidentale reste la voie la plus sûre et la plus fiable pour éviter l’effet du Paradoxe. Si vos Arts se manifestent de telle sorte qu’ils n’ont pas l’air magyque, les manifestations du Paradoxe, elles, ne vous jetteront pas dans la Prison de la Réalité.
Chapitre II : La Magye, ou l’Art de la Réalité
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L’avantage du Technomancien
Pour des raisons évidentes, les technomanciens ont un avantage considérable dans le jeu arbitré par le Paradoxe. La plupart des gens à peu près partout dans le monde moderne acceptent que la technologie avancée occupe une place essentielle dans leur réalité ; encore une fois, ce n’est pas vrai partout, mais c’est l’une des bases du monde industrialisé. Étant donné que la croyance humaine dominante favorise la technologie, vous avez de bonnes chances qu’un gadget de science-fiction soit considéré comme coïncidental. Un sorcier qui balance des éclairs ne colle pas vraiment à la réalité du Consensus, mais donnez à ce même sorcier un bel uniforme, un fusil énergétique et d’un coup (merci les décennies de films de science-fiction) ses tirs d’énergie paraissent relativement crédibles. Qu’il soit ou non Technocrate, le technomancien a un autre avantage inhérent au système de pensée : sa technologie ne se contente pas de correspondre à la vision du monde du Consensus, elle correspond aussi à sa propre vision. Il ne trompe personne avec sa technologie. Il est lui-même convaincu de son pouvoir. Comme je l’ai déjà dit, la croyance est chose puissante… et si la vôtre s’insère dans le Consensus, elle est plus puissante que si vous contrariez systématiquement le monde qui vous entoure. Je le dirai ainsi : si on vous a répété toute votre vie que les gens ne peuvent pas voler, vous allez à l’encontre de vos croyances les plus profondes pour penser que vous le pouvez. Mais si votre système de pensée intègre les jetpacks comme une réalité scientifique plausible, alors votre propre croyance vous aidera à voler avec un jetpack. Ainsi, bien que de nombreux mystiques prétendent que les technomanciens déguisent leur magye avec de la technologie, cette perception n’est pas exacte. Ce n’est pas un déguisement. Le technomancien croit vraiment en ce qu’il fait.
La magye vulgaire Et puis, il y a la magye qui gifle la réalité, tous ces trucs qui défient de façon éhontée les lois apparentes de l’univers : invoquer des démons, faire des carrosses avec des citrouilles, transformer un vampire en chaise de jardin… des trucs dans ce goût-là. Un mage puissant peut accomplir ce genre d’exploit, mais ce n’est pas très malin. Une magye aussi flagrante est considérée comme grossière. Vaniteuse. Vulgaire. À l’origine, l’adjectif signifiait ce qui est commun et se référait aux gens qui n’étaient pas raffinés. Par extension, son sens a évolué vers détestable et c’est l’image que renvoie la magye vulgaire. Lorsqu’un mage invoque de la magye vulgaire, autant dire qu’il pisse sur un sol
consacré. En arriver là, c’est aller à l’encontre de tout ce qu’on nous a appris à croire.
La vanité et le Fléau
L’expression « magye vulgaire » a probablement vu le jour parce que certains magiciens… ou plus probablement des Technocrates… ont eu l’impression que voler dans les airs ou lancer des boules de feu, c’était bon pour la valetaille, les mages ordinaires, indignes des gens respectables qu’ils étaient. Au fil du temps cependant, l’expression a fusionné avec une autre, plus ancienne : la magye vaine. Une magye qui en faisait des caisses et se la pétait grave à la face de Dieu. On considérait qu’un mage vain plaçait sa puissance au-dessus de l’Ordre Divin… et qu’il devait donc être puni. À l’époque, la réalité a répliqué contre la magye vaine par le biais de quelque chose qu’on a appelé le Fléau. Comme le Paradoxe, ce fouet mystique sanctionnait le mage parce qu’il osait se prétendre meilleur que tout le monde ; mais de temps en temps, le Fléau récompensait l’orgueil. Un peu comme si Le Pouvoir en Place disait « Hé, gamin, beau boulot ! Tu n’aurais pas dû faire ça, mais j’aime les mages qui en ont ». Le Fléau pouvait vous blesser, mais aussi vous aider, et vous ne saviez jamais vraiment comment les choses allaient tourner jusqu’à ce que ça vous tombe dessus. De nos jours, la punition est infligée par le Paradoxe et elle est indubitablement sévère. L’utilisation de la magye vulgaire provoque immanquablement un effet du Paradoxe et, peu importe que la sanction ne tombe pas tout de suite, le responsable paiera tôt ou tard. Est-elle infligée par un jugement moral, là-haut dans le ciel, ou vient-elle simplement des larmes dans le Motif énergétique du mage luttant contre la réalité ? Comme d’habitude, cela dépend de votre interlocuteur. Quoi qu’il en soit, le résultat est le même. La magye vulgaire provoquera tôt ou tard des blessures… la plupart des mages évitent donc d’y avoir recours, sauf en cas d’absolue nécessité. Ce qui nous amène à un autre paradoxe : pour être ce que nous sommes, nous devons parfois aller à contre-courant. Un mage existe pour oser. Défier le Paradoxe, c’est ce que nous faisons ; si nous ne le faisons jamais, nous refusons notre potentiel de changement. Ainsi donc, utiliser la magye est un risque calculé. La magye coïncidentale exige de l’intelligence et du talent, tandis que la magye vulgaire exige du sang-froid et la volonté de faire face aux conséquences de vos actions. Les deux approches sont essentielles pour faire ce que nous faisons et être ce que nous sommes. Personne n’a jamais dit qu’il était facile d’être un mage. Mais si personne n’est prêt à tout risquer, on ne fait jamais rien qui en vaille la peine.
Les Neuf sphères et le langage de la Réalité
O
k. Alors, comment on fait ce truc magyque ? En apprenant à utiliser les sphères, ces champs de connaissances qui se concentrent sur neuf éléments de la réalité, en essayant de jongler avec elles. Voyez chaque sphère comme une langue. Si vous comprenez la Correspondance, alors vous pouvez « parler » aux différents principes de connexion. Si vous connaissez la Vie, alors vous
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pouvez « avoir une conversation » avec les Motifs et les énergies qui forment la vie organique. Un mage qui maîtrise plusieurs « langues » peut faire plein de choses. Le potentiel de chaque sphère se combine avec celui d’une autre ; plus vous comprendrez de sphères, mieux vous les comprendrez, plus votre potentiel sera grand.
Les sphères mystiques
Les sphères sont des globes et de fait : elles « englobent » certains éléments de la réalité. Ce faisant, elles présentent aussi un modèle de
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base pour les centaines, sinon les milliers, de pratiques magyques qui existent sur terre. Vous pourriez discuter avec un chamane sibérien, un alchimiste égyptien, un kahuna polynésien ou un prêtre catholique brésilien, vous auriez quatre explications différentes sur leur manière de faire ce qu’ils font. Ils ne parleront certainement pas de « sphères » et ils ne comprendront certainement pas ce terme si vous l’utilisez. Mais à la fin, vous retrouverez les neuf principes de base qu’ils utilisent tous d’une manière ou d’une autre : • La Correspondance – l’élément qui relie des choses apparemment séparées. • L’Entropie – le principe de la chance, du destin et de la mortalité. • L’Esprit – la compréhension des forces et des habitants des mondes mystiques. • Les Forces – la compréhension des énergies élémentaires. • La Matière – les principes qui se cachent derrière les objets supposément inanimés. • Le Prime – la compréhension de l’Énergie Primordiale qui est en toute chose. • La Psyché – l’exploration des potentiels de la conscience. • Le Temps – les rouages étranges des forces et des perceptions chronologiques. • La Vie – la clé des mystères de la vie et de la mort.
Les sphères technocratiques
On l’a vu, les mages technocratiques ne pensent pas pratiquer la magye. Pour les membres de l’Union – et même pour ceux des Traditions qui affirment que la magye est simplement une science que le commun des mortels ne comprend pas encore – les sphères ne sont pas des concepts mystiques. Ce sont les paradigmes définis de la Science Éclairée. À l’instar des mystiques que je viens d’évoquer, les différents techniciens et scientifiques qui pratiquent à ce niveau avancé de compréhension ont tendance à définir leur compréhension avec des tas de mots grecs et latins, des acronymes et des formules. Pourtant, si vous résumez tout ça, vous vous retrouvez encore avec neuf sphères d’influence (sans majuscule d’ailleurs) qui reflètent des champs de connaissances spécialisées. • Le Contrôle d’État entropique – la manipulation des probabilités tendant vers des résultats entropiques. • La Paraphysique basée sur la Force – l’étude avancée de la physique élémentaire. • La Paraphysique de la Science dimensionnelle – les applications pratiques des fréquences de vibration quantique.
• Les Principes de Correspondance – la physique de l’espace à point unique. • La Psychodynamique – l’analyse et la manipulation de la conscience intelligente. • Les Sciences de la Matière – l’étude unifiée des états inertes de la matière. • Les Sciences de la Vie – les aspects qui gouvernent les formes de vie biologiques. • La Science temporelle – la recherche et l’application des motifs du champ chronologique. • La Théorie de l’Utilité primale – l’exploration et l’application des champs d’énergie unifiés et du lien qui les relie aux humains. • Certains technomanciens de l’Âge de l’Information évoquent aussi la Sphère de Données : le principe de connexion par l’information quantifiée. Son éventuelle inclusion dans les Principes de Correspondance dépend entièrement de votre interlocuteur. Il faut cependant noter que ces Principes de la Sphère de Données sont également utilisés par certains technomanciens qui ne sont pas membres de la Technocratie. D’après les Adeptes du Virtuel, une faction appartenant aux Neuf Traditions, ce sont eux qui ont inventé le concept de Sphère de Données et c’est la Technocratie qui l’a adopté. De nombreux groupes ne parlent jamais de sphères quand ils parlent de magye. Ils diront qu’ils tirent leurs pouvoirs de leur lien avec les dieux, les esprits, la terre ou encore de leur force intérieure, et non de principes généralisés de la Vie ou du Temps. Mais quel que soit le nom qu’ils emploient, tous les mages utilisent des principes similaires quand ils manipulent la réalité. Les noms ne sont pas aussi importants que les effets.
Une dixième sphère ?
Selon certaines autorités en la matière, il existe une Dixième sphère. L’idée se tient, après tout. Et à l’instar de la matière noire en physique quantique, on pense qu’elle existe simplement parce qu’il y a une place pour elle entre les autres éléments. Quelques-uns ont baptisé cette théorie Unité, Équilibre, Théorie des Champs Unifiée, ou même Ascension. D’après eux, la comprendre permettrait de transcender les limites des neuf autres sphères et d’accéder à la Réalité Ultime. Jusqu’à présent cependant, si quelqu’un a vraiment découvert et maîtrisé cette Dixième sphère, il ne partage ses réflexions sur le sujet, ou alors il est parvenu à transcender son existence terrestre et a emporté son secret avec lui. Aujourd’hui et pour autant que je sache, la Dixième sphère, tout comme l’Ascension ellemême, est un objectif d’accomplissement abstrait et les gens qui l’ont atteint ne restent pas dans le coin pour en parler.
La sphère d’affinité
Quelle que soit votre définition de ce que vous faites, une sphère est inévitablement plus importante pour vous que les autres : c’est votre sphère d’affinité, votre champ d’études initial et votre première connexion. C’est un peu votre « premier baiser » dans le monde
Chapitre II : La Magye, ou l’Art de la Réalité
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des possibles. Peut-être étiez-vous enfant obsédé par les mystères de la biologie ; votre sphère d’affinité serait la Vie, car la vie était votre premier lien avec une réalité supérieure. Peut-être étiez-vous un joueur invétéré ou comptiez-vous sur votre bonne fortune ; votre sphère d’affinité serait alors l’Entropie, votre « premier amour » parmi les principes mystiques. Un mage qui a commencé par étudier les formes dans la flamme des bougies ou les nuages se tournera vers les Forces et celui qui sentira instinctivement que « le temps ne cesse de filer » préférera le Temps. L’affinité se manifeste souvent au cours de l’Éveil et parfois par la démonstration d’un talent brut lié à cette sphère. Une fille dont l’Avatar s’éveille au cours de l’incendie de sa maison (qu’elle-même a peut-être provoqué) se retrouvera très probablement liée aux Forces, tandis qu’une autre sauvée de la noyade par l’Éveil se sentira plus proche des principes de la sphère de Vie. Il n’y a pas de règle universelle à ce sujet, mais comme dit le proverbe, « Qui se ressemble s’assemble ». Une personne partageant un lien puissant avec l’un des aspects de la Création trouvera et entretiendra souvent une sphère d’affinité. L’idée est vraie pour les individus comme pour les groupes. Différentes factions mystiques et technocratiques suivent certains principes basés sur leur affinité pour une sphère précise, et s’ils n’exigent pas toujours de leurs initiés de partager ce lien, chaque groupe valorise des idéaux et des enseignements qui s’appuient sur leurs principes moraux favoris. Les Verbenae par exemple explorent les aspects charnels des Arts de la Vie, tandis que le Nouvel Ordre Mondial se plonge dans les possibilités de la Psyché. Les Extatiques sont peut-être les seuls mages suffisamment déconnectés pour véritablement comprendre le Temps et les Templiers maîtrisent les Forces au service de leur Dieu. Pour saisir l’essence d’un groupe, intéressez-vous aux magyes qu’il préfère. En étudiant la sphère d’affinité de quelqu’un, vous aurez une bonne idée de ce qu’il vénère et de ce qu’il respecte.
Jongler avec les sphères Chacune des sphères présente en elle-même une multitude de possibilités, mais la vraie magye apparaît quand vous commencez à les combiner entre elles. En assemblant des éléments de la réalité de
manière créative et souvent imprévisible, un mage provoque des effets remarquables. Avec une pincée de Prime, un soupçon de Matière et une bonne dose de Vie, vous pouvez poser des implants cybernétiques et les faire fonctionner. Avec un mélange de Forces et de Prime, vous conjurez le feu, le vent et la lumière. Avec la Correspondance seule, un mage suffisamment doué va d’un endroit à un autre sans franchir l’espace qui les sépare. Ajoutez-y le Temps, et il verra aussi des événements passés dans un lieu lointain. Avec les Forces par-dessus, il projettera les images qu’il voit sur un mur. S’il utilise la Matière en plus de la Correspondance, il ouvrira une porte dans un endroit, une autre porte dans un autre endroit et franchira des seuils qui n’existaient pas – et qui n’auraient pas pu exister – jusqu’à cet instant précis. Voilà le véritable pouvoir des sphères. Avec une compréhension nuancée de leurs principes et une appréhension complète de leur fonctionnement, vous ferez pratiquement tout ce que la réalité vous laissera faire. Une telle connaissance est évidemment bien plus facile à atteindre en théorie qu’en pratique. Il faut des années, souvent des décennies, parfois des siècles pour maîtriser la diversité des sphères, tester toutes leurs possibilités et apprendre à utiliser leur véritable potentiel sans vous disperser en milliards d’atomes au passage. Rares sont les mages, quelle que soit leur faction, à parvenir à un tel degré d’expertise. Un agent de la Volonté se trouve plus souvent quelques domaines de prédilection, concentre ses études et son expérience sur eux et finit par maîtriser un panel limité, bien qu’impressionnant, de magyes. Un seul d’entre nous pourrait passer une ou deux vies à apprendre ce qu’un aspect de la réalité est capable de faire tant est grand le potentiel de chacune des sphères.
Le cycle de l’Effet : conception, forme, perception et décomposition
Toutes les sphères sont bien sûr liées entre elles. Leurs propriétés suivent un cercle de connexions qui unissent leurs principes, tout en conservant chacune d’entre elles en tant qu’unité d’étude et d’effets. Plus simplement, une chose conduit à une autre, et toutes jouent un rôle dans le grand schéma. Ce cycle crée les choses à partir d’un néant apparent. De la conception initiale d’une idée, à sa forme, puis à la perception de sa forme, puis à la décomposition de cette forme afin que cette idée, sa matière et
Les sphères technocratiques en jeu Lorsque vous décrivez le système de jeu des Effets pour un personnage technocratique, les neuf sphères habituelles sont tout à fait indiquées. Il n’y a pas assez de place sur une feuille de personnage pour y inscrire des noms tels que Théorie de l’Utilité primale. De plus, utiliser ces termes au cours du jeu risque de provoquer la confusion. Les personnages technocratiques ne parleront pourtant jamais de « magye de la Psyché ». Ce concept est en désaccord total avec leur système de pensée. Ils pratiquent les disciplines scientifiques de la Psychodynamique, et ne vous avisez pas de l’oublier ! Lorsque vous interprétez ces personnages, utilisez un jargon pseudo-scientifique qui sonne bien – un peu comme celui que vous utiliseriez pour un Éthérite ou un Adepte du Virtuel. La note vibrante que vous insufflerez collera tout à fait au thème et à l’ambiance du jeu. Dans Mage, tout le monde fait la même chose, mais presque personne ne voudra le reconnaître ; c’est l’un des aspects satiriques du monde. Le fait que tous les mages utilisent une variation du même thème (les neuf sphères) est l’un des reflets volontaires de cette satire. Ne vous prenez donc pas trop la tête sur ce qui différencie la Science dimensionnelle de la sphère de l’Esprit. C’est sans doute fondamental pour les personnages qui les utilisent, mais en termes de systèmes de jeu, cela ne change absolument rien à leurs capacités – en dehors des choix d’interprétation et des limitations basées sur les foci. Pour plus de détails sur les sphères technocratiques, référez-vous aux règles optionnelles concernant Les Données, la Science dimensionnelle, et les sphères d’Utilité primale au Chapitre Dix. Pour plus d’informations sur l’utilisation des explications technologiques données aux Effets magyques, voyez l’encart SCIENCE !!! dans le Chapitre Six (page 290).
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Esprit
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Correspondance Temps
son essence puissent revenir au début et recommencent un nouveau cycle, dans un état différent. Chaque étape de ce cycle implique une série de sphères. À partir de la conception originale dans le champ d’énergie du Prime, un effet est concentré à travers la conscience dans la Psyché et atteint sa substance à travers l’Esprit. Elle prend forme dans les Motifs des Forces, de la Vie ou de la Matière puis interagit avec d’autres Motifs à travers la Correspondance et le Temps. Enfin, elle se décompose à travers l’Entropie et ses éléments dispersés reviennent dans le Prime pour commencer un nouveau cycle. S’il existe une Dixième sphère, elle régit probablement tout ce processus, comme un cercle englobant ce cycle, lui conservant sa cohérence et lui permettant de fonctionner. Vous n’avez heureusement pas besoin de toutes les sphères pour faire naître quelque chose. Généralement, il suffit du Prime, associé aux Forces, à la Matière ou à la Vie, avec peut-être un soupçon de Psyché. La Correspondance, le Temps et l’Entropie se suffisent à elles-mêmes, à moins qu’un mage ne fasse avancer à toute vitesse son processus de création ou n’altère leur cours naturel. La sphère d’Esprit – qui pour certains mages n’existe tout simplement pas – semble être également un processus naturel. Ses maîtres affirment cependant que l’âme d’un être ou d’une chose, c’est-àdire son essence spirituelle, dépend en grande partie de l’énergie qui y est investie. Si vous croyez réellement en quelque chose ou en quelqu’un, il aura grâce à cela tendance à acquérir un certain degré d’énergie spirituelle. C’est ce qui fait apparaître la fée Clochette quand les enfants frappent des mains et crient « Moi, je crois vraiment aux fées ! ». On dit que leurs actions génèrent des énergies spiri-
tuelles qui donnent vie à la fée en question. Bien sûr, ce n’est pas aussi simple dans la vie réelle sinon, nous serions envahis de fées, de chevaux, de poissons, et nous aurions de l’argent à ne plus savoir qu’en faire. Mais on suppose que le principe est vrai, même si ses effets sont un peu exagérés. Cela signifie, encore une fois, que la croyance est une chose très puissante, bien plus qu’on ne le pense en général. En tant que mage, vous aurez à faire face aux résultats des croyances d’autres gens, ou même des vôtres, plus souvent que vous ne le voudrez… et ce n’est pas toujours drôle.
Les sphères et leurs capacités Alors que sont ces sphères et que peuvent-elles faire ? Voilà une autre de ces choses sur lesquelles les mages ne tarissent pas de métaphores poétiques. Les principes de base peuvent cependant se résumer plus ou moins comme suit.
La Correspondance : le Principe du Lien
Tout est lié, d’une manière ou d’une autre. Malgré des siècles de ce qu’on a appelé perception discrète des phénomènes, c’est-à-dire l’idée que nous sommes tous des objets et des entités séparés dont les routes se croisent parfois, la physique et la métaphysique nous rappellent que toutes les choses de ce monde sont reliées
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Niveaux de progression dans les sphères et expertise Lorsqu’un mage commence à étudier une sphère précise, sa compétence dans l’usage qu’il en fait suit une certaine progression. Plus il la comprend, plus il peut faire de choses avec elle. Les niveaux d’expertise d’une sphère sont au nombre de cinq. •P erception (en termes de jeu, niveau 1 dans la sphère) : le personnage saisit les principes essentiels de la sphère et commence à entrevoir comment elle se comporte. L’initié de la Correspondance apprend à repérer les connexions et à évaluer les distances. Celui des Forces remarque les phénomènes élémentaires. Celui du Temps perçoit à un degré remarquable les fluctuations du temps. Le mage ne peut encore rien altérer, mais il peut faire bon usage de ce qu’il observe. •M anipulation (niveau 2 dans la sphère) : le mage est capable d’altérer légèrement sa réalité locale. L’apprenti de la Correspondance peut voir à très grande distance ou faire apparaître des objets de nulle part. Celui des Forces peut allumer ou souffler la flamme d’une bougie. Celui du Temps acquiert des dons de prémonition ou de post-cognition limités. Le personnage n’est pas encore capable de produire des Effets dramatiques, mais il possède un certain contrôle sur les principes de la sphère… et cela suffit amplement pour bien des choses. •C ontrôle (niveau 3 dans la sphère) : le mage atteint un niveau de maîtrise supérieur et peut effectuer des changements notables dans les éléments liés à la sphère. Le disciple de la Correspondance peut se déplacer dans l’espace. Celui des Forces peut conjurer les vents ou diriger le feu. Celui du Temps peut accélérer ou ralentir le temps autour de lui. Le personnage peut accomplir de grands exploits et se rapproche du domaine de la véritable magie. •C ommandement (niveau 4 dans la sphère) : le mage fait montre d’un contrôle impressionnant sur sa sphère, il peut ainsi accomplir des exploits phénoménaux. L’adepte de la Correspondance peut apparaître en plusieurs endroits à la fois, celui des Forces invoquer des tempêtes et celui du Temps littéralement arrêter le cours du temps autour de lui. Même lorsque ses Effets ne sont pas visiblement magyques, le personnage exerce une influence considérable sur les principes associés à la sphère. •M aîtrise (niveau 5 dans la sphère) : des prouesses remarquables sont à présent à la portée du personnage. Le maître de la Correspondance peut superposer plusieurs lieux dans un même endroit, celui des Forces dirige de vastes phénomènes : tempêtes de flammes, blizzards, voire explosions nucléaires. Celui du Temps peut se libérer du poids des ans et atteindre une immortalité limitée ou encore voyager dans le passé et le futur. Le maître d’une sphère accomplit des miracles quasi divins et la Réalité se plie littéralement à sa volonté. Des rumeurs prétendent qu’il existerait des archimages pour chaque sphère et qu’un tel niveau de puissance confère des pouvoirs abstraits, que même les dieux pourraient envier. En termes de jeu, il s’agirait des niveaux 6 à 10 dans chaque sphère, et ils sont EXTRÊMEMENT optionnels. De tels pouvoirs se situent bien au-delà des capacités de presque tous les mages vivants, il faut des siècles pour les atteindre et ils transforment n’importe quelle chronique en vaste champ de ruines. Pour les groupes qui souhaitent néanmoins utiliser de telles capacités en jeu, elles sont décrites dans le supplément Masters of the Art. Nous ne pouvons cependant qu’insister lourdement sur le potentiel destructeur de ces niveaux de sphère OPTIONNELS. S’ils sont bien conformes aux règles du jeu, ils doivent toutefois être réservés aux chroniques les plus fantastiques de Mage. Référez-vous au Chapitre Dix (pages 511-528) pour plus de détails sur les sphères de magye et leurs pouvoirs.
entre elles. Vos actions m’affectent, mes actions affectent le chien du voisin, un papillon bat des ailes et déclenche l’ouragan proverbial… cette idée de base. Ces liens ne sautent pas tout de suite aux yeux, évidemment. Si nous étions capables de voir tous les fils qui nous relient, nous deviendrions sans doute fous. On ne s’étonnera donc pas si les maîtres de la Correspondance (anciennement appelée Lien) ont souvent l’air assez bizarres. Ils perçoivent l’unité là où nous ne voyons que la division. La Correspondance est l’antithèse du principe d’Ayn Rand. Lorsque vous comprenez cette sphère, vous commencez par voir les liens entre les lieux, les gens, les choses, et finissez par comprendre que ce concept mêlé de « lieux, gens et choses » n’est qu’une illusion. Un maître de cette sphère peut faire fi des distances, se rendre à un endroit et prendre un objet ailleurs, voir dans des lieux qui semblent lointains à moins de comprendre que tous ces lieux ne forment en fait qu’un seul et même endroit. Comme Papa Legba ou le roublard Hermès, un mage qui possède une profonde compréhension de la Correspondance transcende l’idée de séparation. Il voit des portes là où personne ne les remarque, apprend à les ouvrir et finit par devenir ces portes.
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L’Entropie : destin, chance et décomposition
Le changement est une loi naturelle de l’univers. Si les choses arrêtaient de changer, tout serait figé dans une stase éternelle. Mais cette stase aussi est une illusion ; tôt ou tard, ce qui est gelé commence à pourrir. Cette sphère étudie donc les forces du changement et de la décomposition, accélérant ou ralentissant les effets de la mortalité. L’Entropie ouvre grand la boîte dans laquelle est enfermé le chat de Schrödinger. Ses principes guident la probabilité, l’inéluctabilité et ce qui résulte des deux. Les maîtres de l’Entropie, qui ont souvent l’air morbide, fataliste ou terriblement enjoué, peuvent forcer la main de Dame Fortune. Les gens ont plus ou moins de chance, les substances se dégradent, les pensées sont détruites. Les mages entropiques ont tendance à suivre l’ordre ou le chaos ; les adeptes de l’ordre examinent des motifs et cherchent à les renforcer. Les disciples du chaos cherchent à briser lesdits motifs et à guider leurs énergies vers un recommencement. À l’instar des Parques souvent associées à la sphère, les mages de l’Entropie filent, tissent et coupent les fils de la Création.
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L’Esprit : l’accord entre essence spirituelle et émanations
Malgré des partis pris matérialistes, n’importe quel mage ou Technocrate, comprend que la Matière n’est qu’une partie de la Tapisserie de la Création. Au-delà de la masse physique de la Matière, de la conscience de la Psyché et des énergies des Forces et du Prime, il existe la qualité éphémère de l’Esprit : un élément raffiné à partir de tous ces composants, à moins qu’il n’en soit la source primordiale. Pour certaines écoles de pensée occultes, l’Esprit est le cinquième élément, la matière spirituelle raffinée de l’univers au sens large. Pour d’autres courants, l’Esprit est le cœur de chaque chose vivante, la Résonance de la vie, ou les dimensions alternatives du plan terrestre. Toutes ces perspectives s’accordent au moins à dire que l’Esprit transcende les éléments physiques, mais dispose d’une conscience propre. La sphère de l’Esprit a été étudiée parmi les premières et elle englobe les mondes mystiques, les entités umbrales et les principes de l’âme humaine. Comme la Psyché, elle est impossible à quantifier précisément. Le mot esprit vient du latin spiritus qui signifie souffle ; certains mages appellent-ils donc cet art « Le Souffle du Monde ». C’est l’Art primitif du chamane et du prêtre, le pont entre ce que nous sentons avec nos mains et ce que nous sentons avec nos âmes. (Les spécialistes de la Science dimensionnelle ont une approche plus scientifique de cette sphère étrange. Et même ainsi, ils sont souvent forcés d’admettre que bien des choses restent hors de portée de la science… pour le moment, en tout cas). Les mages spirituels ont quelque chose d’éthéré ; parfois rêveurs, souvent sereins, fréquemment capricieux et quelquefois cruels. Ils ont tendance à vite s’agacer de l’importance des choses matérielles aux yeux des gens. La magye de l’Esprit résonne dans le hurlement du coyote et le rire guttural du Baron Samedi : une caricature du monde soi-disant réel et de son refus de l’infini.
Les Forces : les principes de la puissance élémentaire
La Terre. L’Air. L’Eau. Le Feu. Bien avant l’apparition de la table périodique des éléments, les mages avaient compris que les éléments naturels disposaient d’un pouvoir intrinsèque. Comment aurait-il pu en être autrement ? Nous vivons aujourd’hui dans des maisons stables et nous en contrôlons toutes les données climatiques. C’est même la première fois dans l’histoire de l’humanité (et d’ailleurs, vous pouvez remercier la Technocratie). Pourtant, la puissance d’un ouragan ou d’un incendie peut transformer cette sécurité en tas de ruines. Et bien sûr, lorsque nos ancêtres ont tourné leurs efforts et leurs pouvoirs vers le contrôle, leur première source d’inspiration a probablement été les éléments. Les Forces sont la sphère des énergies élémentaires. Alors que la Matière s’intéresse principalement à la Terre et à l’Eau, et que l’Esprit et le Prime traitent de la Cinquième Essence (l’Esprit ou la Quintessence, selon votre interlocuteur), les Forces permettent au mage de comprendre, d’influencer et de finalement commander aux pouvoirs de l’Air et du Feu. Au-delà de ça, cette sphère confère aussi la maîtrise sur les Forces invisibles qui mettent en mouvement tous les éléments terrestres : la gravité, l’élan, la lumière, les ténèbres, jusqu’au pouvoir titanesque de l’atome (à ses plus hauts niveaux). C’est la raison pour laquelle les maîtres de cette sphère commandent aux énergies les plus dévastatrices de la Terre. « Forces » est un nom parfait pour elle. Ses maîtres et ses manifestations sont sacrément vigoureux. Étant donné les pouvoirs immenses à leur portée, rien de surprenant à ce que les mages hermétiques, les
tisseurs Taftâni et les soldats de la Technocratie semblent à la fois arrogants et confiants. Dans le royaume de Zeus, on vit et on meurt par le pouvoir de son Foudre. Pour maîtriser cette sphère, vous devez être assez fier pour jouer les gros bras, assez discipliné pour savoir quand le faire et surtout ne pas le faire.
La Matière : la maîtrise des substances inertes
Contrairement aux Forces qui traitent des éléments éphémères, la Matière a trait aux choses qui tiennent dans la main. Les principes élémentaires de la Terre, de l’Eau et du Métal, selon l’approche asiatique du terme, sont le domaine de cette sphère et de ses adeptes. Les choses qui plient, cassent, tiennent bon ou cèdent ont des Motifs solides (ou du moins donnent une illusion de solidité) dans le royaume terrestre. Cet Art les brise, les renforce ou les transmute en quelque chose d’autre. (Note importante : certaines substances, comme le bois ou le coton, sont régies par la sphère de Vie lorsqu’elles sont vivantes et par celle de la Matière quand la vie les a quittées. Les os, la chair, la fourrure, ainsi de suite, passent de la Vie à la Matière quand les énergies qui les animent s’en vont. Par conséquent, certaines matières qui sont à la fois vivantes et mortes – comme les vampires pour ne citer qu’eux – sont régies par les deux sphères. La Vie et la Matière ne peuvent les affecter seules, car elles appartiennent à leurs deux royaumes en même temps.) À bien des égards, la Matière est un Art associatif. Les mages l’utilisent souvent en conjonction à d’autres sphères pour obtenir des effets plus conséquents. Associée au Prime, elle tisse des objets à partir du néant. Associée au Temps, elle retire les choses du cours normal du temps. Associée à l’Entropie, elle provoque l’érosion des choses. L’Esprit et la Matière transforment ces choses en évanescence spirituelle. Elle est certes puissante, mais elle devient redoutable quand ses propriétés s’intègrent à celles d’autres sphères. Les spécialistes de la Matière se montrent souvent habiles : ils travaillent de leurs mains, évaluent, bricolent ou décortiquent des objets pour le plaisir, et pour le plaisir d’apprendre. La plupart, sinon tous, maîtrisent des artisanats tels que la menuiserie ou la maçonnerie et ils pourraient vous parler pendant des heures des propriétés du métal ou des différentes essences de bois. Comme Dédale, l’architecte de qui les premiers Technocrates ont tiré leur nom, la Matière est ingénieuse, on peut pourtant compter sur elle. Sous des dehors inflexibles, les mages de cette sphère vous surprendront souvent, car les experts de ce domaine savent bien à quel point il est possible d’altérer ces matériaux que l’on dit solides.
Le Prime : l’exploration des énergies de la Quintessence
Au risque de me répéter, une Essence Primitive bat en toute chose. Qu’elle soit emprisonnée dans des Motifs ou qu’elle s’écoule dans les concepts et le potentiel, cette Quintessence forme l’assise de notre monde. Les mages qui explorent les mystères du Prime comprennent les fluctuations de cette sublime essence : le « Sang du Dragon », la semence des dieux. Les Arts du Prime étudient les énergies et les formes, repèrent les traces de Quintessence dans ou entre chaque Motif, puis les canalisent pour atteindre l’objectif du mage. Les maîtres de cette sphère sont capables de suivre les flux de la Quintessence, de goûter la Résonance de certaines énergies, d’insuffler ou d’ôter ces énergies des Motifs, et donc de créer les choses ou d’effacer leur existence. La plupart des agents de la Volonté connaissent les bases de cette
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sphère, mais très peu parviennent à la maîtriser. Le Prime est un Art délicat que l’ésotérisme rend facilement confus. Les étudiants de la Théorie de l’Utilité primale vous le diront, les énergies du Prime ont tendance à fluctuer autour des êtres vivants… particulièrement autour des gens. Quand des êtres humains s’investissent, émotionnellement et intellectuellement, dans quelque chose, ce quelque chose a tendance à rassembler les énergies du Prime. Votre t-shirt favori contient donc plus de Prime qu’un t-shirt pris au hasard dans un magasin, parce que vous vous êtes davantage investi dans ce Motif et dans ses énergies. De ce fait, certains étudiants des principes du Prime voient leur magye comme des mathématiques étranges et de l’hyper-économie ; ils calculent les énergies sublimes investies dans les transactions entre les choses inertes et les êtres vivants. En remontant ces liens, vous pouvez également selon eux manipuler ces énergies. Tout comme l’énergie dont elle tire son nom, la sphère du Prime est sublime et transcende les analyses solides ou les définitions concrètes. Ses adeptes manient les énigmes et les métaphores, et ils rayonnent souvent de charisme et de santé. Mais cet allant cache une personnalité imprévisible. Le Prime est le lait de Kuan Yin, la salive de Jésus, le sang de Tiamat, une essence à la fois précieuse et vulgaire dont les propriétés dynamisent toute chose.
La Psyché : l’exploration de la conscience
« Tout est dans la tête ». Combien de fois avez-vous entendu cette rengaine ? Pourtant, tout bon adepte de la Psyché vous le dira, tout
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
dans l’existence est « dans la tête ». Chaque pensée, chaque sensation, chaque réalisation émotionnelle, chaque perception abstraite se manifeste par des impulsions électriques dans notre cerveau qui sont traitées par la conscience. Cette conscience est le terrain de jeu de la sphère de la Psyché et ses experts sont capables de bouleverser tout ce que vous pensiez savoir de la réalité. Certains de ces mages voient la conscience comme une abstraction invulnérable. Pour d’autres, le cerveau est un ordinateur complexe qu’on programme et qu’on télécharge à volonté. Les deux écoles de pensée semblent chacune détenir une partie de la vérité. La conscience va clairement au-delà de la simple réalité physique et elle est pourtant enchaînée – du moins pour la plupart des gens – à notre forme physique. Un maître de la Psyché apprend au fil du temps à séparer son processus mental de son état physique, puis à projeter son esprit dans le voyage astral. Et même ainsi, un coup violent sur la tête peut brouiller son cerveau et balancer sa maîtrise de la Psyché par la fenêtre la plus proche. La Psyché est l’une des sphères les plus vagues ; c’est plus un art qu’une science. Là où la Matière, la Vie ou les Forces ont trait à des choses que vous pouvez toucher ou mesurer, la Psyché relève de l’abstrait. Les pensées, les sentiments, les impressions, l’identité sont les outils et les jouets des mages de la Psyché. Ainsi, s’ils ont parfois l’air un peu… exaltés, ils ont de bonnes raisons de l’être. À l’image d’Odin le Borgne, le devin charlatan, ces mages scrutent l’horizon et envoient Pensée et Mémoire explorer le monde.
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Le Temps : la perception du flux chronologique
C’est la sphère la plus déroutante. Elle longe l’étrange domaine de Chronos, le légendaire titan de l’éternité. Le Culte de l’Extase portait auparavant son nom, et rares sont les mages qui comprennent aussi bien que les Extatiques les principes du Temps. Plus abstrait que la Psyché, plus éphémère que l’Esprit, le Temps étourdit quiconque essaie de le comprendre. Ceux qui parviennent à en percer les mystères peuvent voir le passé et l’avenir, ralentir ou accélérer la course du temps, voire extraire de son cours des minutes, des heures ou des années de vie entières. Comme la Correspondance, le Temps contrecarre toute analyse rationnelle. Ses principes vont à l’encontre de tout ce qu’on vous a contraint à croire. L’esprit humain a peut-être besoin de drogue pour comprendre de tels niveaux de dissociation temporelle. Nous avons tous eu un jour ces impressions étranges. « C’est déjà arrivé », ou bien « Mais ça n’en finira jamais… ». Or il n’y a qu’un mage du Temps pour appréhender véritablement la fluidité de son écoulement et tourner cette nature à son avantage. Comme l’eau qui coule, le temps a des courants, des marées et des contre-courants. Suivre son cours est beaucoup plus facile que de le contrarier. Les mages qui utilisent le temps savent qu’il est incroyablement difficile de revenir en arrière, y compris pour les maîtres de cette sphère. Considérez le temps comme une grande marée : sa force est incommensurable quand elle vous résiste, elle vous éclabousse quand vous tentez de la repousser. Vous comprendrez alors pourquoi certains exploits, comme le voyage dans le temps, sont plus que vulgaires d’après le Consensus. Les maîtres du Temps sont des rêveurs distraits ou des fanatiques de la précision. Ils peuvent être ponctuels à la fraction de seconde près, répondre à des questions que vous n’avez pas encore posées et parler exclusivement au présent. Pour eux, le passé, le présent et le futur n’existent pas. Janis Joplin chantait : « C’est toujours la même
putain de journée, mec », or cette journée, les maîtres du Temps peuvent l’étirer ou la condenser à l’infini.
La Vie : comprendre la forme vivante
La sphère de Vie, terriblement intime, n’est pas faite pour les estomacs délicats ou les âmes sensibles. Cette discipline viscérale célèbre les splendeurs bordéliques de la vie organique. Sous notre peau, notre fourrure ou nos écailles, nous ne sommes qu’une masse de chair, d’os et de fluides ignobles. Le mage qui comprend la Vie accepte ses faiblesses et apprend à les soigner, à les exploiter et à les tordre en formes intéressantes. Pour y parvenir, vous ne devez pas avoir peur de vous salir les mains. De beaucoup vous salir les mains. C’est l’Art le plus brut, le plus charnel et il demande autant de passion que de compassion. Ses maîtres sont à la fois les plus aimants et les plus impitoyables qui soient. Ils peuvent changer de forme, soigner les blessures, guérir les maladies, faire repousser des membres, transformer quelqu’un en crapaud, faire pousser des arbres d’un simple regard et transformer leurs ennemis en protoplasme frétillant. C’est la sphère de Kali, la Sombre Mère qui danse pour célébrer le sexe et le carnage, ou d’Aphrodite, dont les faveurs possèdent la beauté cruelle de la vie elle-même. Que vous considériez les sphères avec le respect d’un mage des Tradition, l’esprit d’analyse d’un Technocrate ou un autre point de vue culturel, ces neuf principes seront votre boîte à outils métaphysique. Associées à la conscience Éveillée, à une foi inébranlable et à une volonté dévouée, les sphères tournent les clés dans la serrure des portes de la Réalité et vous invitent à regarder le monde qui vous entoure. Pour ceux d’entre nous qui comprennent leurs voies, il n’y a pas de forme de magye plus véritable. Les sorciers inférieurs et le Peuple de la Nuit ont leurs pouvoirs, c’est vrai. Mais aucun n’est capable de faire ce que nous faisons.
Fais-le, ou ne le fais pas
C
e qui me ramène à mon introduction. La magye est un verbe. Vous la faites, vous la voulez, vous la réalisez. Au diable les vieux clichés. Nous n’avons rien de mystiques décatis, gâteux et farfelus, nous sommes les forces dynamiques de notre monde. Quels que soient ses outils, ses croyances, son but et les forces qu’il commande, un mage FAIT des choses. Nos Arts sont nos actions et peu importe le rôle que nous jouons.
Ainsi, lorsque vous parvenez à dépasser l’ésotérisme, le cœur de la magye est simple : Apprenez. Sachez. Voulez. Et faites. Soyez fier, mais pas téméraire. Soyez créatif, mais pas indiscipliné. Comprenez que les actions ont des conséquences et soyez prêt à tout risquer pour un but que vous savez supérieur. Quoi que vous fassiez, mettez-y tant d’orgueil et de talent que même les dieux chanteront vos louanges à la fin de la partie. « Bouge ton cul, telle devrait être l’essence de la Loi. »
Chapitre II : La Magye, ou l’Art de la Réalité
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Chapitre III Le monde d’ombre Pendant ce temps, derrière la façade de cette librairie d’apparence innocente… – Série télévisée Batman, « La Grande Zelda »
La Tour Associations : les défenses brisées ; le fracassement ; les perturbations ; l’éclair de génie ; se libérer de l’ignorance ; l’impuissance face à la nature ; les tâches ménagères… Et allez, ils remettent ça. Il est 3 h 14 du matin et nos voisins du dessus ont décidé d’entamer une autre partie de Bagarre en Famille, un jeu très marrant dont profite l’immeuble entier… ou du moins ceux qui sont assez poissards pour vivre juste sous leur chambre. Pendant quelques heures, malgré le vacarme d’un concert de boum-boum qui a violemment résonné à travers le plafond, j’ai au moins réussi à dormir un peu. Mais là… entre les cris, les insultes, les meubles brisés… Personne doté de conscience ou simplement d’une paire de conduits auditifs en état de marche ne pourrait fermer l’œil. Alors, après quelques minutes de « PUTAIN ! » et autres « FAIT CHIER ! » étouffés à travers ce qui reste de mon plafond, j’inspire profondément, je m’assois et je passe en revue mes options. Les flics n’arriveront pas avant une éternité, si jamais ils viennent. Je vais devoir supporter ce bordel pendant au moins une heure. Encore. Et moi, je dois aller bosser demain matin, même si ce n’est le cas de personne dans ce foutu immeuble. Je pourrais rouler du papier toilette, m’en faire des bouchons d’oreille, me les enfoncer jusqu’aux tympans et tenir le coup en attendant que j’arrive à me rendormir. Mais ça pourrait prendre un bon moment. Ou alors, je pourrais monter à l’étage, affronter ces trous du cul, leur rappeler qu’il y a des gens dans l’immeuble qui n’ont pas envie de se braquer leurs engueulades de couple et espérer qu’ils ne sont ni assez bourrés, ni assez en rogne pour avoir envie de m’inclure dans leurs distractions nocturnes. Je pourrais aussi prendre des mesures… radicales. Mon autel brille dans la semiclarté qui perce des volets. Mon haut-de-forme usé et ma béquille tordue accrochent mon
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La Tour Chapitre III : Le monde d’ombre
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regard. Ils demandent « Tu vas faire quoi ? » Et moi, j’ai beau réfléchir, je n’ai pas de bonne réponse. Wow. Toutes ces options, ça craint. Et puis, je vois la tache. C’est d’abord une ombre dans la fissure du plafond. Et puis ça s’étale. Et puis une goutte en tombe. Atterrit sur mes draps plus ou moins propres. Pas besoin de voir la couleur pour savoir ce que c’est.
Une deuxième goutte tombe. Puis une troisième. Un autre profond soupir. Je prends mon haut-de-forme. Attrape ma canne. Tant pis pour le boulot. Demain, je vais encore devoir déménager…
Une promenade dans le parc
A
llons nous promener. On n’ira pas loin, juste l’infini de long en large. S’il y a bien une chose qu’on a du mal à comprendre dans notre monde de cinglés, c’est son immensité. Dans le confort de votre salon ordinaire, vous n’avez pas vraiment idée de la bizarrerie qui règne au-delà de vos fenêtres. Alors allons nous promener dans le parc, là où la familiarité rencontre le potentiel et s’évade dans des directions que vous n’aviez jamais envisagées auparavant. Certaines parties de ce voyage sembleront étranges, d’autres curieusement familières. Je ne vais pas vous rabâcher la fameuse citation de Shakespeare, mais permettons à nos philosophies de rêver en un peu plus grand que d’habitude. Rappelez-vous de ça pendant notre promenade : ce que vous voyez n’est pas forcément ce que je vois et aucun de nous ne voit ce que les autres voient. Certaines choses sont plus stables et fiables, mais voici une expression à retenir : réalité subjective. Cela signifie que nous vivons tous différemment la réalité. Beaucoup d’éléments restent constants néanmoins les détails changent d’une personne à l’autre… ce qui donne parfois des résultats radicalement différents.
L’effet Rashômon
Comment cela peut-il se produire ? J’appelle ça l’effet Rashômon, comme le célèbre film japonais et la pièce de théâtre éponymes.
Rashômon raconte un crime que le public voit sous différents angles. Toutes les histoires semblent aussi vraies les unes que les autres… et c’est là toute la question. Les faits sont différents pour tous les témoins qui racontent ce qu’ils ont vu. Et c’est ainsi que la réalité fonctionne. Vous et moi marchons ensemble dans le parc, mais ce que nous vivons dépend beaucoup de ce que nous pensons voir pendant cette promenade. Quelle que soit sa faction, un mage finit toujours par réaliser à quel point ce que les gens normaux appellent la « réalité » est versatile. Quelques constantes demeurent, mais laissent une grande marge de manœuvre. C’est dans cette marge de manœuvre que nous passons la majeure partie de notre vie après l’Éveil… plus nous devenons Illuminés et puissants, plus notre monde se révèle flexible. Un nouvel Éveillé réalise qu’il peut voir la structure d’une pierre. Un mage entraîné et expérimenté apprend à percevoir et à altérer les énergies dans cette pierre. Le maître peut transformer cette pierre en brume. Et un archimage sait que la pierre et la brume ne sont que des illusions qu’il peut transformer ou ignorer à volonté. Par conséquent, oui, la promenade que nous allons faire offrira des noms, des sensations et des niveaux de réalité différents. Pour le moment, nous nous concentrerons sur les bases, mais vous réaliserez avec le temps que tout n’est qu’illusion (si vous vivez assez longtemps pour ça). C’est ce qu’on appelle souvent la maya, le rêve terrestre dont la plupart des gens ne s’Éveillent jamais.
Un monde de cauchemars
P
our bien des gens dans notre sinistre monde, ce rêve est un cauchemar. Les rats se multiplient pendant que des enfants meurent de faim. Les riches sont plus riches que Dieu, les pauvres prient pour avoir de quoi manger et un toit sur la tête un jour de plus. Beaucoup n’en ont pas même autant. Les lois cruelles et l’indifférence sociale ont rempli les rues d’âmes perdues et sans abri. La philosophie de la prospérité parasite d’Ayn Rand a empoisonné le monde entier. Experts et politiciens n’hésitent pas à détruire les nations s’ils peuvent en tirer un avantage pécuniaire. Bien sûr, nous avons nos saints et nos pécheurs, mais ils deviennent trop souvent martyrs, monstres ou les deux à la fois. Le gentil prêtre tripote des garçons dans le silence d’un presbytère, des filles vendent leur virginité sur Internet et disparaissent dans la nuit quand les prédateurs prennent leur dû. Il y a tout de même du merveilleux dans ce bas monde, mais
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il est du genre ténébreux, comme le scintillement des gouttes d’eau sur une toile d’araignée. Voici notre parc : un carré d’herbe et d’arbres coincé entre des tours de verre et d’acier dont les lumières masquent la lueur des étoiles. Des gargouilles et des statues de héros morts se dressent çà et là, profanées par les graffitis des gangs et la merde d’oiseau. Des silhouettes furtives surgissent entre les ombres, en quête de drogues et de rencontres interdites. L’herbe brille de l’éclat des aiguilles de seringue abandonnées et du verre brisé. Des tags recouvrent de vieux murs de pierre. Des symboles occultes indiquent parfois des choses plus sinistres. Des noms brillent sur des troncs, gravés dans l’écorce des arbres. Des cigarettes rougeoient dans le noir. Des formes maladroites s’éparpillent sur la pelouse. Simples dormeurs ou cadavres ? Probablement les deux. La pleine lune brille à travers des nuages de fumée. Les étoiles peinent à percer. La lumière la plus proche tombe des innombrables fenêtres et des phares des voitures trouant les ténèbres. Des coins d’ombre naissent des réverbères cassés.
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D’étranges silhouettes traînent à la limite du champ de vision. Quelqu’un pleure dans cette allée, mais mieux vaut ne pas savoir pourquoi. Chaque matin, les équipes de nettoyage de la ville font le tri entre les morts et les vivants. En marge de ces villes s’étend la banlieue. Pimentée de centres commerciaux, de clubs de strip-tease, de grandes maisons prétentieuses, de dizaines de McDo et autres chaînes de fast-food, de multiplexes équipés des tout petits écrans, de quartiers résidentiels, de communautés enfermées derrière leurs hauts murs. Et plus encore d’armureries, de prêteurs sur gage et de sex-shops que dans vos rêves les plus fous. Cette friche de planches alignées est aussi mielleuse et pourrie que le rêve américain. Sous les projecteurs de la téléréalité, les parents frappent leurs enfants, trompent leurs conjoints, se saoulent et se droguent, apathiques. Les gangs rôdent dans les rues la nuit, transforment en mauvaise blague chaque parc, chaque terrain de jeu. Des écoles trop vieilles tombent en ruines faute de financements. Les panneaux devant les églises égrènent de pieux slogans à destination d’un interminable défilé de voitures et des impasses désertes. Et c’est comme ça partout dans le monde. Des villes trop grandes, ou trop vieilles, ou les deux. Des banlieues qui promettent tout et n’offrent rien. Des étendues sauvages où la prétendue civilisation s’effondre et où d’anciens secrets défient la domination humaine. Des villes fantômes désertes. Des usines qui font travailler des enfants. Des zones de guerre et des étendues polluées. Et on se demande encore pourquoi les gens passent plus de temps devant leur télé que dans le monde qui les entoure ? Quand vous sortez de votre zone de confort, ce monde-là est assez terrifiant.
Une utopie toxique L’apocalypse prédite n’a pas encore daigné se montrer. Ce n’est pourtant pas faute d’essayer de la faire venir. Ces dix dernières années ont été le théâtre d’innovations permanentes, mais aussi de constants soulèvements et de perpétuelles révoltes. Cette tendance n’a fait que croître au cours de cette deuxième décennie et nous semblons plus prêts que jamais à nous balancer dans un précipice que nous avons nous-mêmes créé. Il n’y a encore pas si longtemps, les gens attendaient la révélation divine, des dieux qui s’éveilleraient, des pluies de feu, etc. Aujourd’hui toutefois, il semble que la révélation s’offre dans les miroirs que nous tenons devant nos visages… or si ce reflet est fascinant, il est également atroce au-delà de toute expression. Le géant américain a pris une gifle le 11 septembre 2001 et il est devenu un monstre de Frankenstein. Nous avons déchaîné l’Armageddon sur les coupables comme les innocents. Chevauchant une vague de terreur nationaliste, nous avons accepté des choses que nous n’aurions jamais dû tolérer. Ouvert des camps de torture. Brûlé des livres saints. Au nom de vieilles Écritures, nos dirigeants ont mis en branle la plus formidable machine militaire de toute l’histoire, l’ont fait marcher sur nos ennemis… et puis nous avons été tétanisés par nos propres prétentions culturelles. Des promesses de prospérité ont été mises en pièces par les réalités cachées. Une quinzaine d’années plus tard, notre économie stagne. Quelques-uns mangent de la brioche, mais le reste grappille surtout des miettes. Les fanatiques d’en face, en revanche, ont retourné les jouets de l’industrie contre nous, créant un réseau mondial qui s’est affranchi des frontières géographiques. On a fait sauter des bombes dans la foule au nom d’Allah, et Internet, fier outil libre d’Hermès, est devenu un palais des glaces où chacun montre un visage différent.
Sur quatre continents, une génération a grandi dans l’ombre de l’effroi. Grâce aux outils fabriqués pour nous protéger, plus personne n’est vraiment en sécurité. Cherchez l’erreur… Sur la planète, prospérité et pauvreté se mordent mutuellement la queue. Des enfants esclaves fabriquent des jouets pour une élite privilégiée. Des gouvernements hypothèquent leurs propres terres pour que leurs riches restent gras. Le mot « Révolution » est sur toutes les lèvres. Les rues bouillonnent de manifestations interminables. Une police militarisée, souvent corrompue, fait la guerre dans nos villes. Des prophètes en larmes prédisent des rivières de sang dans chaque caniveau. La soi-disant Terre Sainte brûle d’un zèle dément et avec trois religions fermement décidées à amener leur apocalypse, nous pourrions bien assister à une représentation vivante de ce livre délirant à l’échelle mondiale. Puissent alors tous les dieux nous venir en aide… mais je ne compterais pas trop sur eux pour nous délivrer du mal. Il y a plus de dix ans, la Technocratie se déclarait victorieuse. Et ça, c’était une bonne blague ! L’ironie dans tout ça, c’est que des choses merveilleuses sont bel et bien arrivées. Cet Internet par exemple, un jouet pour l’élite il y a vingt ans, est maintenant une partie intrinsèque du monde tel que nous le connaissons. Les disciples de la Correspondance avaient raison : il est possible de rassembler tous les lieux en un seul, du moins au sens virtuel. Réseaux sociaux, smartphones, haut débit sans fil et vidéos instantanées sont littéralement au bout des doigts des gens dans le monde. Vous pouvez regarder les rues d’Istanbul depuis un ordinateur portable à Tokyo, appeler un ami à Sao Paulo depuis le Sentier des Appalaches grâce au téléphone dans votre poche. Nous pouvons nous parler, nous voir, nous soucier les uns des autres avec des moyens qui paraissaient impensables il y a vingt ans. Ça devrait être l’Utopie. Au lieu de ça, c’est… eh bien, ça ne l’est pas. Pourquoi s’encombrer de dieux anthropophages quand on a l’être humain ? Lorsque nous avons peur ou que nous nous ennuyons, nous nous entre-dévorons. Les réseaux sociaux et l’écrasante machine des médias de masse nous ont transformés en un gigantesque panier de crabes enragés, prêts à bouffer le voisin dès qu’on pense avoir repéré une infraction. La terreur est rentable et nos médias entretiennent cette terreur. Chaque chaîne nous balance des « ÉDITION SPÉCIALE ! » et des « Cela pourrait VOUS arriver ! » dans une orgie continue de peur orchestrée. Nous assistons à chaque enlèvement, à tous les meurtres, aux holocaustes quotidiens que nous infligeons à notre prochain. Dans notre utopie toxique, nous transformons les miracles en malheurs. Chaque voisin est un monstre qui vit trop près de nous. Nos dieux doivent bien rire entre leurs larmes. Tenez, c’est cadeau. Une vérité impopulaire : nous avons créé ce monde. C’est la réalité que nous avons construite, nous tous. Dormeurs, Éveillés, et tous les autres… nous sommes tous responsables de cela. Les mages mystiques blâment la Technocratie, les Technocrates blâment les mages mystiques, et les deux camps ont raison. D’autres vous diront que les vampires ont fait ce monde, qu’il est corrompu par quelque Ver cosmique, tombé entre des mains démoniaques ou tremblant dans l’ombre de la colère divine. Toutes ces théories pourraient être vraies. Mais le fait est que nous avons permis que cela arrive. Ce monde est ce que nous en faisons. S’il est sombre, c’est sans doute que les Ténèbres nous attirent. Heureusement, il n’est pas complètement sombre.
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Espoir et peur
Au-delà des boîtes de nuit où les gens dansent pour exorciser leurs peurs, des églises et des camps dressés en signe de protestation, vous trouverez de l’amour dans des lieux étranges et de l’espoir dans la nuit. Magasins éclairés à la bougie, appartements-terrasse rayonnants, soupes populaires, sanctuaires sacrés, tous attirent les gens qui refusent d’avoir peur. Ces capharnaüms de réseaux sociaux aident aussi à retrouver des enfants perdus, à lancer des appels à l’aide, à chercher les vérités que nos dirigeants choisissent de cacher et à montrer que « l’autre » qu’on nous invite à redouter nous ressemble finalement beaucoup. Le développement global de la technologie nous a aussi donné autre chose : l’essor de citoyens extraordinaires dont la vision dynamique du monde accepte les paradigmes larges et inclusifs. Les Technocrates aiment bien prétendre qu’ils sont de chez eux, mais le fait est que l’ouverture d’esprit donne plus de liberté. C’est sûr, vous pouvez passer vos journées à vérifier votre compte Tweeter, mais ces tweets pourraient vous donner tout un tas d’idées subversives. La liberté d’information sape la tyrannie. La source de ces informations ne vous dicte pas ce que vous devez en faire. Alors oui, notre monde est effrayant. Oui, ça n’est pas très réjouissant. Mais l’essentiel à retenir – et c’est valable pour les mages comme pour les Masses – c’est que l’espoir dépasse la peur lorsque vous osez faire en sorte qu’il en soit ainsi. Les outils des maîtres ont donné une voix aux esclaves. La magye est aussi réelle que l’est ce « support de lecture favori » que vous tenez entre les mains. Toute vie, humaine ou non, peut faire pencher la balance vers de meilleurs lendemains. À nous d’encourager ce potentiel, de nous opposer au poids de la peur. Aujourd’hui plus que jamais, nous avons ce pouvoir si nous choisissons d’en faire bon usage.
Pouvoir et Sanctuaire Même dans ce monde, il y a des endroits où nous nous sentons en sécurité. Pour les non-Éveillés, ces sanctuaires se trouvent peut-être dans des clairières silencieuses, au sommet de lointaines montagnes, dans des lieux profondément pieux, dans des hospices ou des hôpitaux dans lesquels la douceur éloigne la douleur. La compassion n’est pas toujours facile à trouver, mais elle est là si vous savez où chercher et comment la reconnaître.
Les Sanctums
Un studio pas très loin d’ici propose des sessions de danse libre un soir sur deux. Les gens viennent de toute la ville et passent un peu de temps à tournoyer sur le parquet, en compagnie d’autres personnes en lesquels ils peuvent avoir confiance. Une mission voisine offre trois repas par jour, donnés par des entreprises locales et des individus dont les cœurs et les porte-monnaie ne sont pas avares de charité. Un groupe païen se retrouve le mercredi soir à la librairie en bas de la rue et son ambition ne se limite pas à choquer les honnêtes citoyens. Une millionnaire de la région, héritière de chantiers navals, dépense des fortunes chaque année pour soutenir de nobles causes et changer des vies. Car malgré l’égoïsme et la cupidité qui sévissent dans ce monde, il y a encore des gens qui brandissent des bougies rebelles face aux ténèbres. Ces gens bâtissent souvent des refuges, pour eux comme pour leurs amis. Ces lieux sont protégés par des pouvoirs mystiques, spirituels, ou bien par des technologies bizarrement scientifiques et ils offrent des Sanctums à ceux qui ont besoin de protection et d’un peu
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
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Destins futurs : le nouveau millénaire Le monde a beaucoup changé depuis l’édition originale de Mage : l’Ascension qui se déroulait entre 1993 et 2003. Des événements et des technologies importantes ont modifié le paysage politique et social. Au-delà d’une certaine escapade ayant impliqué des avions et des immeubles et de toute la folie qui en a résulté, le monde a, à ce jour, connu une période de nouvelles révolutions ; une crise financière mondiale qui n’est pas encore résorbée ; des changements climatiques massifs et une explosion du nombre de catastrophes naturelles ; l’avènement des réseaux sociaux ; une confluence énorme de technologie sans-fil, de téléphones portables, de smartphones, de vidéos en ligne, d’imagerie numérique, de gilets pare-balles, de drones armés, de l’Internet haut débit, et tout un tas d’autres technologies révolutionnaires ; des controverses mondiales sur l’identité ethnique et de genre ainsi que sur les droits qui y sont associés ; et une extension, un renforcement des médias de masse et de la surveillance gouvernementale, qui font passer 1984 pour un banal business plan. Ces événements, et bien d’autres encore, ont fait de notre nouveau millénaire un univers très différent de celui du Mage d’origine, pour le meilleur et pour le pire. Dans la même veine, les événements qui avaient façonné le monde originel de Mage (les guerres de gangs pour le crack, la musique grunge/punk/gothique, l’implosion de l’Union soviétique, la première guerre du Golfe, la naissance des ordinateurs personnels, entre autres) appartiennent au passé. Vous qui lisez ces lignes, peut-être n’étiez-vous même pas nés à la sortie de la première édition. Sans nul doute, d’autres voudront que Mage ne change pas d’un iota par rapport à la version à laquelle ils jouaient au temps de la splendeur de Bill Clinton. En conséquence, et suite aux nombreux changements que notre monde a connus depuis 1993, un conteur de Mage dispose de plusieurs options : •Ç a a merdé : les attentats du 11 Septembre, l’ouragan Katrina, la guerre en Irak et en Afghanistan, tout cela s’est bel et bien produit et le monde est en plein réchauffement climatique. Fox News, la crise économique en Grèce, tout le bordel et les miracles qui définissent notre monde actuel battent leur plein. Mage M20 en tient compte, mais vous n’y êtes pas obligé. •Ç a a peut-être merdé : les attentats du 11 Septembre ont peut-être eu lieu, mais pas le Printemps arabe, à moins que ce ne soit l’inverse. YouTube met peut-être le monde entier en ligne, mais certaines choses ne se sont jamais produites. Dans ce monde, certains événements de la vie réelle se sont déroulés et d’autres manquent. Toutefois, si vous changez quelque chose, n’oubliez pas de modifier ce qui en a découlé ; difficile de faire tourner YouTube avec une connexion en 56k. •Ç a a merdé à ma façon : Peut-être y avait-il vraiment des armes de destruction massive en Irak. Peut-être que le Jugement Dernier décrit dans la seconde édition de Mage est toujours en cours et que la terre est plongée dans un chaos total. Peut-être que le président Maverick a remporté les élections en 2008 ou que le monde regarde encore les Animaniacs et kiffe Pearl Jam et 2 Live Crew. Il a pu se passer n’importe quoi entre 2003 et 2013, à vous d’ajouter les détails. Comme dit le proverbe, il n’y a qu’à se baisser pour ramasser la réalité. Définissez votre période de Mage comme vous l’entendez.
de répit. On en trouve des dizaines dans chaque ville de ce monde, quelle que soit leur taille : le jardin de simples d’une sorcière, le garage d’un savant fou, le dojo d’un pratiquant d’arts martiaux, l’atelier d’un artiste. Ces endroits n’ont pas grand-chose de magyque, ce sont simplement de réconfortants lieux de travail ou de culte, créés pour apporter du soutien aux gens qui les utilisent. Cependant, il arrive parfois que les choses qui s’y produisent soient par définition magyques : des événements, des rites et des expériences dont les effets devraient être impossibles, mais qui clairement ne le sont pas.
Fondations, Canevas, Labyrinthes et plus si affinité
Et puis, il existe des endroits où la réalité dominante a été bannie, où la « magye » est plus qu’un simple nom. Si vous connaissez les bons mots de passe et que vous vous faites les bons amis, ils vous emmèneront peut-être dans cette maison du coin de la rue, bien plus vaste à l’intérieur qu’il n’y paraît de l’extérieur. Chaque pièce dispose d’une cheminée qui ne manque jamais de bois. Certaines portes ne s’ouvrent pas sur ce que vous escomptiez : celle de derrière, par exemple, donne dans un champ quelque part en Irlande ; un placard au quatrième étage (qui ne devrait pas exister, mais qui existe) s’ouvre sur une luxueuse salle de méditation éclairée par des cierges qui ne s’éteignent jamais. Les trois chiens qui y vivent sont extrêmement intelligents ; vous jureriez que l’un d’eux serait capable de répondre si vous lui posiez une question sérieuse… et vous auriez aussi raison de le penser. Cette maison, et d’autres comme elle, est
une Fondation : une maison où la magye et ceux qui l’utilisent sont à peu près en sécurité. Le terme Fondation est un vocable ancien utilisé par les mages hermétiques pour nommer une forteresse mystique. L’expression est ensuite passée dans le langage courant des Neuf Traditions. D’autres groupes utilisent des expressions différentes. Les agents de la Technocratie ont des Canevas où règne la toute-puissance de la science Éclairée. Les Nephandi parlent de Labyrinthes où l’on se perd dans la gloire du Vide. D’autres groupes emploient des expressions traditionnelles : temples, jardins, cercles, ainsi de suite, dont les mages des Traditions se servent aussi largement. L’apparence, l’atmosphère et le but d’une Fondation dépendent du groupe qui y réside. Un Labyrinthe peut tout à fait être un club fétichiste où aucun mot d’alerte n’est suivi ou permis. Une librairie occulte peut posséder un catalogue impressionnant, mais il ne sera visible que pour certaines personnes. Ce peut être le cabinet juridique d’une entreprise impitoyable ou un hôtel particulier loué pour un usage des plus impies. Un Canevas technocratique pourrait être un laboratoire génétique au sein duquel les protocoles de recherche sont beaucoup plus poussés qu’ailleurs ou un arsenal rempli de gadgets qui ferait passer Batman pour un réfractaire au progrès ou bien une suite de bureaux installés dans un luxueux appartement-terrasse, ou encore une banque qui gère des comptes « très spéciaux ». Dans de tels endroits, la forme dépend de la fonction. Si les propriétaires ont besoin d’un musée de cire, d’un stand de tir ou d’une salle des dangers holographique, alors la Fondation possèdera ces installations essentielles.
Chapitre III : Le monde d’ombre
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La taille et les objectifs figurent parmi les principales différences entre un Sanctum et une Fondation. Le premier est modeste, relativement petit et pas nécessairement magyque – une pièce ou deux, pas plus. Vous sentirez sans doute sa présence, mais pas de tête de pierre qui lévite et parle quand quelqu’un entre. Les Fondations, en revanche, ont tendance à sortir de la réalité du Consensus ; lesdites têtes de pierre seront probablement le truc le moins bizarre que vous croiserez. Temples remplis de petits dragons et de chats parlants, laboratoires tout droit sortis des rêves érotiques du Dr Frankenstein, petits studios qui s’ouvrent sur des champs infinis… Quoi que puisse désirer un groupe de mages, vous le trouverez dans ce genre d’endroit. Cela dit, la taille, les objectifs et les équipements d’une Fondation sont proportionnels à la puissance des mages qui l’occupent. Une petite tribu d’enfants des rues Éveillés choisira un squat avec quelques glyphes de protection et un chien parlant. Le bosquet ancestral d’une lignée de sorcières débordera sans doute d’animaux et de plantes qui seront autant de sentinelles. Il comptera sans doute aussi un accès, spécialement conçu pour elles, vers une région des Terres de l’été. Le Canevas d’une équipe de Costumes noirs comportera des étages supplémentaires, des soubassements qui ne figurent sur aucun plan et une piscine à vagues que James Bond leur envierait. Quant aux vieilles demeures des plus puissants mages… et bien, disons simplement que Poudlard n’est pas tout à fait le fruit de l’imagination ! Vous pouvez en apprendre beaucoup sur les occupants d’une Fondation simplement en observant le lieu où ils se réunissent… en supposant bien sûr que vous ayez réussi à passer la porte d’entrée.
Le fluide vital de la Réalité Fondation et Sanctums s’établissent à chaque fois que cela leur est possible dans ou autour des lieux de pouvoir : autels antiques, étendues sauvages et isolées, pics légendaires qu’aucun idiot en quête de frisson (le genre à avoir une carte de fidélité chez Décathlon) n’a encore escaladés. Dans ce genre d’endroit, vous pourriez dire que le fluide vital de la Création s’écoule, se rassemble et coagule parfois.
Les nodes
En fait, il y a un endroit comme ça dans le parc où nous sommes – une fontaine aux eaux toujours fraîches et pures, quel que soit le nombre de clodos qui s’y trempent ou y dégueulent. Il y a 150 ans de cela, un bienfaiteur, que les archives de la ville ne connaissent que sous la mention « Anonyme », a commandé cette fontaine au vieux sculpteur Carlito Castrovinci. Aucun oiseau ne chie jamais dessus, la peinture en bombe n’y adhère pas et tous ceux qui ont tenté d’en casser un morceau ou d’y graver leur nom ont été très déçus. Son eau ne gèle jamais, et la surface de la pierre brille comme au premier jour. Les gens l’appellent Le Refuge de la Dame Blanche. Vous pouvez l’appeler un node : un nexus mystique dans un monde autrement banal. Malgré un nom somme toute très clinique, les nodes apportent un sens du merveilleux rafraîchissant. Même pour les gens qui ne croient pas aux miracles, un node a l’air spécial, plus vrai que nature. Les sens s’aiguisent ; les perceptions s’affinent ; la brise vous caresse tandis que l’énergie pulse sous votre peau. Ces lieux sacrés ont une présence bien à eux. Et pour les gens qui savent ce qu’ils sont réellement, les nodes sont précieux au-delà de toute expression. Mais cela ne veut pas dire que tous les nodes sont plaisants. Nombre d’entre eux sont tout sauf réconfortants. Il y a des nodes à Auschwitz, d’autres en Normandie, d’autres encore marquent le lieu de massacres. On pense que les meurtres de la famille Manson ont été des sacrifices de sang pour la création ou la célébration d’un node et que la maison de Jeffrey Dahmer en était un avant d’être rasée. Quand je dis que les nodes récoltent le fluide vital du monde, celui-ci peut être versé au sens littéral du terme. Les arbres des bosquets verbenae se nourrissent du sang qu’on leur donne volontairement… ou pas. On prétend que les nodes sont rares. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Les nodes apparaissent là où de profondes passions où d’énormes quantités de force vitale façonnent le tissu de la réalité. Maisons hantées, champs de bataille, églises célèbres et charniers peuvent tous contenir ou donner naissance à des nodes. Les phénomènes naturels en forment également dans des lieux rarement foulés par les humains. Moines et ermites ont de bonnes raisons de cher-
Destins futurs : Fondations et Royaumes de l’Horizon Les objectifs et les capacités des Fondations, ainsi que leurs liens avec les Royaumes de l’Horizon, changent considérablement entre les deux premières éditions de Mage et la troisième. À l’origine, les Fondations peuvent être assez puissantes et leurs manifestations terrestres sont liées à des Royaumes de l’Horizon encore plus puissants. Dans la Troisième édition, les carnages perpétrés par le Guerrier de l’Ascension, la Tempête d’Avatar, le Jugement et le triomphe apparent de la Technocratie ont coupé la plupart des Fondations des Royaumes d’Horizon, exilé leurs résidents, et réduit leur potentiel magyque. En fonction de ce que souhaite le conteur… • L a puissance des Fondations et des Royaumes d’Horizon a été considérablement réduite, et ils sont coupés des mondes mystiques : comme dans la troisième édition de Mage, les Fondations ne sont guère plus que de petites maisons fortifiées qui n’ont que peu de liens vers les Royaumes mystiques plus importants. Les Canevas technocratiques sont extrêmement puissants, remplis de gadgets et d’hypertechnologie, mais toujours coupés des Royaumes extérieurs dirigés par le Cercle intérieur. • L a puissance des Fondations et des Royaumes est réduite, mais des installations puissantes sont encore intactes : l’équilibre des pouvoirs a changé et la magye est plus rare et plus difficile à utiliser qu’avant. Néanmoins, Fondations et Canevas sont restés des endroits fabuleux. •R ien n’a changé : Fondations et Royaumes d’Horizon sont aussi puissants et magyques qu’auparavant… plus subtilement peut-être que dans leur légendaire passé, mais toujours miraculeux comparés aux installations ordinaires. Référez-vous au Chapitre Quatre pour plus de détails.
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cher des sanctuaires reculés : il y a dans ces chutes d’eau et ces pics solitaires des nœuds mystiques que personne d’autre n’a trouvés. Les nodes semblent rares, mais je soupçonne qu’il s’agit plus d’une affaire de perception que de rareté. La plupart des gens, même des mages, ne les voient pas avant de marcher en plein dedans. Les plus visibles ont déjà été annexés et les groupes ont tendance à les couronner de temples… ou de laboratoires et de galeries marchandes si la Technocratie arrive avant tout le monde. Les plus célèbres deviennent des pommes de discorde ou l’enjeu d’une guerre, et ce ne sont pas les habitants de Jérusalem qui me contrediront ! Lourdes, La Mecque, Little Big Horn, la forêt de Sherwood… ce ne sont pas de simples endroits, ce sont des identités. Les gens s’affrontent pour leur contrôle, les protègent, les conquièrent au nom de leurs dieux et de leurs héros. Regardez cette controverse sur le parc national de Little Big Horn ; il y a encore des gens qui se battent pour savoir quel doit être son nom. Donner un nom à un tel endroit, c’est revendiquer son pouvoir.
Les Sources
Certains nodes sont temporaires. L’énergie remonte à un endroit précis pendant une brève période, puis se dissipe dans le vaste monde. Ces Sources apparaissent au cours de fortes périodes d’excitation ou de stress et sont générées par la force vitale des entités qui se rassemblent ici. À propos, ces entités ne sont pas toujours humaines. Comme me l’a dit un jour mon ami Painted Horse, la Source de la charge d’un troupeau de bisons est comme le tonnerre sous la terre… un tonnerre que vous pouvez chevaucher si vous savez comment faire. Des Sources importantes peuvent aussi devenir des nodes. Le désert de Black Rock, la place Tian’anmen, les bourses de New York et de Tokyo, étaient tous au début d’immenses Sources d’espoir et de peur pour l’homme. Mais ce sont aujourd’hui des nodes à part entière et leur énergie pulse même s’il n’y a personne pour la générer. La plupart du temps cependant, une Source existe jusqu’à ce qu’un événement précis se termine : un concert, une bataille, une manifestation… une fois que l’origine de cette énergie s’en va, celle-ci imprègne le lieu ou s’évacue comme la pluie après un orage.
Quintessence et Tass Les mages ne chérissent pas les nodes simplement pour leur valeur métaphysique, mais aussi pour leurs propriétés régénératives. Vous voyez, leurs Avatars absorbent la Quintessence que j’ai déjà évoquée – la « Cinquième Essence » de la métaphysique des arcanes. Cette essence alimente la toile de la Création, régénérant la sublime énergie qui nous anime. Voyez ça comme une sorte de bouillon de poulet pour l’âme Éveillée. La Quintessence se concentre le long de ces nœuds et ces sources de la réalité. Elle se manifeste parfois sous des formes matérielles appelées Tass. C’est un peu la glace que formerait la Quintessence liquide : elle passe de l’état liquide à l’état solide. Le Tass est l’incarnation de notre bouillon de poulet métaphysique et la Quintessence forme les nutriments de ce bouillon. Il peut prendre une multitude de formes (eau, roses, sang, nourriture) qui peuvent être tenues, transportées et décomposées dans l’énergie brute de la Quintessence qui alimente notre Art et nos vies. Contrairement à ce que je vous ai jusqu’à présent montré, la Quintessence n’est pas physique tant qu’elle ne se manifeste pas en tant que Tass… et même ainsi, ce n’est qu’à moitié vrai. Les mages étudiant la sphère du Prime sont capables de comprendre ces forces
plus intimement que la plupart des gens et pourtant la Quintessence échappe au domaine du concret pour se faufiler dans celui de la réalité sérieusement subjective. C’est un terrain glissant, perçu par le truchement de ce qu’on s’attend à vivre. La nature d’un node façonne souvent l’énergie (le sentiment ou la saveur de la Quintessence), mais les voies par lesquelles la Quintessence se manifeste (si jamais elle se manifeste) varient grandement. Dans cette fontaine là-bas, le Tass est une eau pure et fraîche. Un node situé à Auschwitz ou Wounded Knee pourrait cependant produire du sang, des cendres ou des cauchemars. La Quintessence est liminaire. Cela signifie qu’elle existe au seuil de ce que les gens appellent réalité. Elle est comme un flot d’eau spirituelle, mais même cette description ne parvient pas à capturer ce qu’elle est réellement. Vous entendrez nombre de définitions ou de descriptions différentes à propos de la Quintessence, car chacune d’entre elles est en deçà de la réalité. Cet éclat liquide de Dieu existe dans le royaume de la poésie et de la métaphore. En dehors des éléments physiques sur la table périodique, cette énergie est essentiellement la force vitale du monde. C’est une des choses que les gens peuvent sentir, mais pas quantifier, sauf si leurs méthodes dépassent la science matérialiste. Elle est aussi réelle que l’essence, mais ses propriétés transcendent l’entendement. La Quintessence est aussi vraie que ce que vous croyez qu’elle l’est, et chacun la ressent d’une manière différente.
Science et réalité
C’est une ligne de fracture importante entre ce que nous appelons la science et ce que nous expérimentons comme étant la réalité. La science mesure et définit des phénomènes quantifiables que l’on peut prouver et répéter. La réalité est notre perception du monde dans lequel nous vivons. Les points communs sont nombreux, mais tout le monde (scientifiques compris) vit des choses qu’il est impossible de mesurer, de répéter et de quantifier. Les émotions, par exemple. Elles ne peuvent pas être cartographiées. Les souvenirs ne peuvent être représentés avec fiabilité par un graphique. Quelqu’un sentira le parfum des roses et se souviendra avec émotion de son premier rendez-vous. Un autre percevra leur parfum capiteux qui lui rappellera sa mère abusive. Je vous l’ai déjà dit, « tout est dans la tête » et c’est vrai, au sens littéral. Tout ce que nous vivons est filtré par notre conscience et elle ne se mesure pas dans un laboratoire. Les impulsions électriques qui correspondent à l’amour, la colère ou la mémoire peuvent certes apparaître sur un scanner cérébral, il n’empêche qu’aucun processus ne pourra définir ce que ces impulsions signifient pour nous. D’une manière très réelle, chacun d’entre nous vit donc sa propre réalité – c’est d’ailleurs vital. Certains partagent simplement leurs impressions à une plus grande échelle. La science, et même l’hypertechnologie technocratique, mesure et définit des résultats. La conscience, en revanche, implique des impressions. Si les résultats découlent souvent des impressions, ce n’est pas toujours vrai. Je peux me sentir en colère parce que votre parfum me rappelle celui d’une ex particulièrement chiante, mais, à moins que je n’agisse sur cette colère, vous ne pourrez pas prouver mes impressions en laboratoire. Vous aurez beau mesurer ma fréquence cardiaque, scanner mon cerveau ou prendre des notes sur ce que je raconte, ma réalité ne sera pas quantifiable d’un point de vue scientifique. Nous sommes tous un codex alchimique que nous ne savons pas totalement déchiffrer, un codex que personne d’autre cependant ne peut comprendre comme nous le comprenons.
Chapitre III : Le monde d’ombre
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La résonance, d’une édition à l’autre Dans la troisième édition de Mage, la Résonance est un trait du système de jeu. Dans les éditions précédentes, c’était un élément de l’art du conte ou d’interprétation, sauf en ce qui concerne le Jhor (la Résonance de la Mort qui infecte les mages utilisant les énergies de l’Outremonde) et le handicap Échos. M20 laisse le choix aux troupes. Pour plus de détails, référezvous aux Chapitres Deux (pages 57-58), Six (page 333) et Dix (pages 503, 561-562).
Je ne dis pas que la science n’est pas réelle, je dis qu’elle ne conçoit qu’une partie du tableau. C’est aussi vrai pour la religion : les sentiments qui inspirent la foi ne peuvent se quantifier dans des livres ou des rituels. À un moment donné, la science et la religion manquent d’expérience… et c’est là que la magye prend le relais. Ainsi, lorsque vous abordez les éléments les plus troubles de notre monde, Éveillé ou non, souvenez-vous que les mots, les tableaux et les définitions sont limités. Tout ce qui est réel l’est d’une manière différente, c’est valable aussi lorsqu’on parle de choses communes. Tout ceci vous paraît nébuleux ? C’est précisément pour cela que les mages utilisent des descriptions aussi fleuries. L’art est le langage des réalités que la science n’arrive pas à appréhender.
L’énergie de la Résonance et le monde au sens large
Si la Quintessence est l’eau et le Tass la glace, alors la Résonance est la saveur des deux. C’est là que la part « subjective » de la réalité subjective devient un élément clairement reconnaissable. Comme je l’ai dit tantôt lorsque nous discutions des principes de la magye, la Résonance renvoie les intentions et les émotions qui se trouvent derrière chaque action liée à cette magye. L’eau pure de la fontaine de la Dame blanche est un bon exemple de Résonance. Dans ce cas, Carlito Castrovinci a laissé un peu de lui dans ce chefd’œuvre. Celui-ci avait tant d’importance à ses yeux, Castrovinci avait mis tant d’amour et de soin dans son exécution, que son œuvre a adopté une Résonance de confort et de pureté. Son art a investi cette œuvre d’un minuscule éclat de son âme. La Résonance, comme les nodes, est parfois extrêmement désagréable. Ce frisson flippant que vous éprouvez en entrant dans la cave d’un violeur d’enfant, c’est la Résonance. Elle peut même être perceptible sur le type en question… ou sur ses victimes. Des traumatismes s’attardent sous la forme d’une Résonance, souillent les
champs de bataille de la haine qui les a créés. Elle n’est pas non plus limitée à l’activité humaine. Les premiers hominidés savaient parfois que quelque chose clochait, à cause de la Résonance autour de ces lieux. Souvenez-vous que nous ne sommes pas les seuls capables de façonner la réalité. Ce que nous appelons esprits, animaux, extraterrestres, dieux. Tous ont des pouvoirs aussi grands, et souvent bien plus grands, que les nôtres. Lorsque je vous ai dit que nous vivions dans le monde que nous avons créé, je vous parlais de la Résonance. Même le dernier des imbéciles parmi les Dormeurs participe à l’atmosphère globale. On pourrait même dire que nous autres, mages, manipulons la Résonance avec notre magye lorsque nous façonnons la réalité comme nous l’entendons. Le proverbe païen actuel qui dit « Tout ce que tu fais, par trois fois te reviendra » est une illustration de l’effet de Résonance. C’est un élément de l’Art controversé, mais auquel on ne peut pas échapper et qui laisse sa marque sur tous les actes magyques. Dans les cas les plus extrêmes, c’est même la signature de l’Éveillé. À certains endroits et dans certaines circonstances, la Résonance s’attache à un mage et reflète les effets de ses actions. Les chandelles s’allument quand il passe, le lait tourne, l’herbe pousse, s’agite ou meurt. Les signes classiques de la sorcellerie pourraient être vus comme des manifestations de la Résonance qui peuvent se révéler extrêmement dangereuses lorsqu’un mage souhaite rester discret. Technocrates et autres chasseurs ouvrent un œil attentif quand il s’agit de débusquer ces signes. Un mage avisé prendra donc bien garde aux méthodes et aux intentions de sa magye. Pour conclure, quand vous recherchez les effets de nos activités, gardez à l’esprit ce « retour en triple ». Vos actions, magyques ou non, changent notre monde… et plus vous êtes puissant, plus elles le transformeront, pour le meilleur et pour le pire.
Les Mondes au-delà
C
’est maintenant que ça devient intéressant. Le monde mortel en lui-même semble infini. Ne le sous-estimez jamais, ne le prenez jamais pour acquis non plus. Un coucher de soleil au Tennessee ou le vaste désert du Sahara sont aussi merveilleux que n’importe quel Royaume des mondes mystiques. Des miracles se produisent juste sous notre nez, partout dans notre monde. Il suffit d’avoir des yeux pour les voir. Nous sommes tellement persuadés que tout nous est acquis que nous recherchons la stimulation permanente, bien souvent à partir de sources fausses et banales. Aujourd’hui, les gens préfèrent passer leur journée sur Internet à parler de rien avec des gens qu’ils ne rencontreront jamais au lieu
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d’aller faire un tour dehors et de s’ouvrir à des sensations auxquelles ils se ferment généralement. Vous pourriez voir et entendre de nouvelles choses, simplement en observant attentivement cette rue. Toutes ne seraient certes pas agréables… mais les miracles le sont rarement. La vie est un cadeau à la fois magnifique et terrible, enveloppé d’amour et de souffrance. Ceux qui n’en cherchent qu’un seul ne sauront jamais en reconnaître aucun pour ce qu’il est réellement. Car notre monde renferme bien plus qu’il n’y paraît…
La Périphérie : la Conscience qu’il y a plus
Il arrive à tout le monde d’avoir des flashs de la Périphérie, cette impression du « truc au coin de l’œil » qui vous donne un bref aperçu, une indication de ce qui se cache au-delà du monde maté-
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riel. Ces signes ne sont pas forcément visuels. Une personne peut tout à fait sentir une odeur de soufre ou de rose alors qu’il n’y a rien de tel autour, ou le goût de la pizza sans en avoir mangé une seule de l’année. Les rêves, les sensations de déjà-vu, cette impression irritante que quelqu’un « marche sur votre tombe », c’est ça, la Périphérie. Le point où la réalité que vous expérimentez s’écarte de la preuve scientifique. Vous ne pouvez pas le mesurer, mais vous savez que c’est réel. Certaines personnes sont plus sensibles à ce niveau de réalité que d’autres. Nous appelons cette perception supérieure la Conscience, avec une majuscule. Une personne douée de Conscience sent des choses que les autres ne voient pas. Elle peut voir des auras, remarquer des odeurs absentes ou se sentir particulièrement attirée ou repoussée par des gens empreints d’une Résonance marquée. On peut considérer une personne Consciente comme un Somnambule : trop perceptive pour être vraiment endormie, mais pas tout à fait Éveillée non plus. Une telle Conscience est souvent le signe d’un Éveil imminent… souvent, mais pas toujours. Beaucoup de gens passent toute leur vie sans jamais dépasser ce niveau de perception. « Mamie sentait les choses » vous diront-ils. Cette vieille dame n’a peut-être jamais franchi le seuil, mais elle savait néanmoins que la vie ne se limitait pas simplement à ce qu’elle avait sous le nez.
Le Vidare : comment vous percevez les frontières de notre monde
Si les mondes mystiques étaient un oignon, alors la Périphérie en serait l’odeur. Et comme nous le savons, certaines personnes adorent les oignons et d’autres les détestent. Étendez cette préférence aux
mondes mystiques et vous obtiendrez ce que les mages hermétiques appellent le Vidare, c’est-à-dire la manière dont une personne perçoit ces mondes. Je disais il y a peu que nos attentes façonnaient la réalité que nous expérimentons. Le Vidare en est un parfait exemple. Une personne qui raisonne en termes complexes et abstraits percevra les mondes mystiques comme un entrelacs scintillant à la géométrie complexe, débordant de concepts archétypaux et brillant d’énergie. Nombre d’entre nous appellent cela le Vidare Astral, une perspective grisante à la clarté frappante. C’est en général ainsi que les Scientifiques, les intellectuels, les ascètes spirituels et les psychonautes connectés voient les mondes mystiques. Une personne qui vit sa vie avec une passion élémentaire expérimente quant à elle un banquet sensuel d’impressions intenses. Ce Vidare Spiritus reflète une perspective brute et vibrante, une vie vécue avec le cœur et les tripes. Les chamanes, les sorcières et les Extatiques voient leur monde de cette façon, avec une pureté animale naturellement crue, même si ce n’est pas toujours confortable. Les âmes mélancoliques pour lesquelles la vie est l’antichambre de la mort perçoivent les choses littéralement depuis la tombe et expérimentent le Vidare Mortem. C’est la « vitre sale » proverbiale, un monde sinistre contemplé depuis la terre sous nos pieds. Là où l’Astral voit des couleurs vives, il n’y a que des ombres pour le Mortem ; quand pour le Spiritus, la vie est riche de crocs et de griffes, l’œil de la mort regarde les os blanchis et la chair en décomposition. Comment trois visions différentes peuvent-elles affecter une seule expérience ? Penchons-nous sur ce chêne là-bas. Du point de vue de l’Astral, le tronc et les feuilles brillent d’une énergie pure tissée dans
Chapitre III : Le monde d’ombre
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Destin à venir : Le Jugement, le Goulet, la Tempête d’Avatar Dans la troisième édition de Mage, les événements de l’intrigue générale du Jugement transforment le passage par le Goulet en épreuve potentiellement mortelle. La Tempête d’Avatar fouette les Avatars Éveillés infligeant de sérieux dégâts à l’âme et au corps du mage. De plus, les mages qui quittent le royaume matériel de la terre pendant plus de trois mois deviennent des Désincarnés ; leur corps matériel disparaît et ne laisse que leur esprit derrière eux. Les habitants de nombreux Royaumes mystiques sont donc devenus des fantômes d’eux-mêmes et leurs Royaumes ne sont plus que les échos des lieux qu’ils étaient autrefois. Selon cette intrigue générale, les maîtres mages et les bêtes mythiques sont des entités spirituelles qui n’existent plus que dans ces limbes tourmentés. Les mages liés à la Terre ne peuvent plus communiquer avec les maîtres liés aux Royaumes et doivent donc se créer de nouvelles Voies. On dit que cette catastrophe marque la Fin des Temps et reflète la défaite de la magye dans la Guerre de l’Ascension. Si vous souhaitez saisir l’atmosphère d’une « époque classique » de Mage, l’intrigue du Jugement est facultative dans M20. En fonction du ton et de la nature de vos chroniques, vous pouvez choisir de considérer la Tempête d’Avatar selon l’une des options suivantes : • L a Tempête d’Avatar fait toujours rage : les Rafales d’Avatar cinglantes déchiquettent les mages qui osent traverser le Goulet. Rares sont donc ceux qui s’y risquent. Passer dans les mondes mystiques est un voyage inhabituel et périlleux, que l’on n’entreprend que dans des situations désespérées. Les voyageurs qui franchissent quand même les barrières s’exposent à la transformation, la mort et la Désincarnation éternelle. Se rendre dans les mondes mystiques reste une entreprise incertaine et désespérée. • L a Tempête d’Avatar était temporaire : après une terrible période de violence spirituelle, elle n’est plus qu’un mauvais souvenir. Des Royaumes hantés grouillant d’esprits continuent de dériver à travers les trois Umbrae, mais les pires effets de la Tempête sont passés. • L a Tempête d’Avatar n’a jamais eu lieu : traverser le Goulet est toujours éprouvant, mais ce n’est pas un supplice. Ignorez tout ce qui se rapporte à la Tempête, au Jugement et à la Désincarnation. Référez-vous au Chapitre Neuf (pages 479-480) pour les règles sur la Tempête d’Avatar et les effets qui lui sont associés en jeu.
des formes géométriques d’une précision étourdissante. Le Spiritus sent l’odeur de la sève, savoure la rudesse de l’écorce, perçoit la force vitale qui coule jusqu’aux racines et aux feuilles. Le Mortem voit une colonne de pourriture, rongée d’insectes transportant de la matière morte ou mourante entre des branches nues et des racines fouissant le sol. Les trois visions sont vraies ; le chêne est la somme de toutes ces choses et il est bien plus que cela. Nos expériences personnelles influencent la manière dont nous percevons une réalité supérieure. C’est vrai n’importe où, mais c’est particulièrement vrai lorsque nous nous aventurons au-delà des frontières du royaume mortel.
Le Goulet Parlons maintenant de la peau de l’oignon. L’analogie est inversée. Les strates des mondes mystiques entourent notre monde qui serait alors le cœur de l’oignon, mais il est utile de considérer ce qu’on appelle le Goulet comme la peau à travers laquelle vous devez croquer pour atteindre les autres strates. Le Goulet est plus mince dans la nature que dans les régions habitées et il semble s’adapter au niveau de civilisation qui l’entoure. Dans les zones de forte concentration de technologie industrielle, les Goulets sont très épais. Dans des zones reculées ou hantées, ils sont au contraire très minces. L’inertie de la réalité que j’ai précédemment évoquée est directement liée à la densité d’un Goulet. Il sera beaucoup plus facile de franchir cette barrière disons à Goa, qu’en plein centre de Manhattan. Dans les endroits profondément scientifiques, il est presque impossible de traverser le Goulet à moins de disposer d’un appareil permettant de voyager entre les dimensions. En cette époque de victoire technocratique apparente, il est donc assez difficile de le franchir.
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Les gens ont tout un tas de théories à son sujet. Dans certaines légendes, les mondes étaient autrefois un seul et même royaume, peut-être une partie de ce Tout cosmique qui a éclaté en Infini. Dans les premiers Jours, esprits et êtres vivants étaient une seule chose et aucune barrière ne les divisait. Au fur et à mesure, les forces de la peur et du dogme ont pourtant séparé leurs royaumes et bloqué le passage entre les deux par le biais du Goulet. D’autres théories, moins romantiques, soutiennent que les royaumes devaient se séparer afin de protéger les vivants des morts ou pour empêcher les démons d’envahir le monde de l’humanité. Certaines théories en rejettent la faute sur la Technocratie, mais c’est une absurdité : le Goulet existait bien avant elle et même si elle a certainement contribué à son épaississement, elle n’en est pas l’instigatrice. D’autres philosophies disent que le Goulet a toujours été là, comme la peau de notre monde qui nous protégerait et maintiendrait notre cohésion. Quels que soient son origine et son âge, le Goulet existe. Pour parvenir à aller au-delà de ce monde, il faut le traverser… et ce n’est pas facile. Si ça l’était, tout le monde le ferait !
La tempête d’Avatar
Pendant une courte, mais terrifiante, période, les voyageurs Éveillés ne pouvaient pratiquement plus du tout franchir le Goulet. Un cataclysme métaphysique quelconque (encore une fois, la faute de la Technocratie) avait détruit certaines parties des mondes mystiques et rempli les passages d’éclats. Des vents cosmiques horribles tourbillonnaient aux alentours, déchirant les corps et les âmes de ceux qui osaient s’y aventurer. Cette Tempête d’Avatar infligea d’effroyables revers aux mages mystiques… et en particulier à ceux qui considéraient les mondes mystiques comme un second foyer. Les vents astraux finirent heureusement par se calmer et il fut de nouveau
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possible de franchir un Goulet certes plus épais, mais nettement moins dangereux.
Aller au-delà Avant de continuer cette promenade au-delà du parc vers les mondes mystiques, je voudrais signaler une chose importante : la plupart des gens ne vont pas plus loin. Je ne parle pas seulement des Dormeurs, mais aussi des Éveillés. Voyager dans les mondes mystiques est une discipline risquée et complexe, surtout de nos jours. Même si certains agents de la Volonté dépendent des Mondes Au-delà pour leurs pratiques spirituelles ou technologiques, la majorité d’entre nous ne quittent jamais le royaume des mortels. Il y a aussi de bonnes raisons à cela. Il est facile de se perdre là-bas et de ne jamais parvenir à rentrer. Et quand les cartographes d’antan écrivaient « Ici vivent les dragons », ils n’avaient qu’une toute petite idée de ce qui s’y trouve en réalité. Les mages qui passent quand même ces barrières finissent par bien connaître les hordes d’entités surnaturelles qui vivent au-delà de notre royaume. Et si, sachant cela, vous voulez tout de même sauter le pas… eh bien, on peut s’arranger…
Chapitre III : Le monde d’ombre
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Chapitre IV Les mondes au-delà Mais les Éternels contemplaient ses vastes forêts. Siècle après siècle, il reste là, prisonnier, ignoré de tous, Ruminant, enfermé dans les profondeurs ; tous évitent L’abominable chaos qui tétanise… – William Blake, Le Livre d’Urizen
III
Trois d’Épées Associations : le chagrin ; la douleur ; la révolte ; la séparation ; la nostalgie ; le désordre… J’examine les ruines mangées d’ombre à la recherche de cette fissure par laquelle elle a quitté le monde. Tout est arrivé en un instant, une nanoseconde, le choc s’est à peine fait ressentir avant d’écraser la ville. Il y a eu cette noire pulsation rouge, un déchirement, le hurlement du métal vrillé et du verre brisé, la terre suppliciée, gémissant cependant qu’elle s’éventrait. Et les abysses l’ont engloutie. J’ai tendu la main vers elle, conscient que je ne pourrais l’atteindre à temps. Quelqu’un m’a plaqué au sol alors que j’allais la suivre. Je suis resté étendu dans la rue ravagée, ébranlé par les secousses qui ont suivi. « La volonté de Dieu », m’a-t-on dit, « une terrible tragédie ». Personne n’a bougé le petit doigt pour tenter de la sauver. Elle est là-dessous qui m’appelle. Je l’entends murmurer mon nom. Je suis prêt désormais. Mais j’ai dû concentrer tout mon désir de la secourir pour revenir sur le site de sa tombe improvisée. Les rues sont noires et tranquilles, l’endroit toujours auréolé de jaune, un bulldozer rôde silencieusement, il aura tôt fait d’effacer les décombres du bâtiment, de la rue et des vies brisées. Je rassemble mon pouvoir. Et je frappe. Le ciel rugit sous la foudre bleue de mon tonnerre. Des rafales de vent balaient les briques et les pierres éparpillées. La puanteur soufrée des entrailles du monde me submerge tandis que je l’en extirpe. Je ris alors que la ville se tord et retombe. La terre torturée s’enfuit en un fol enchevêtrement de fissures et se précipite vers la partie de la ville qui a échappé à la première éventration. Les sirènes mugissent et les
Chapitre IV : Les mondes au-delà
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chiens hurlent à la mort. Des vagues de terre se dressent et se fraient un chemin vers l’extérieur, la mer se soumet sous leur choc épouvantable. À des centaines de kilomètres d’ici, cette eau salée inondera une autre terre, la noiera sous mes larmes et ma douleur, obligera les autres à voir qu’ils auraient dû m’aider quand je les suppliais de le faire. Elle est là. Elle est revenue là où elle devait être, sauve, comme si elle n’était jamais tombée. Je revois son rire que je chérissais, son sourire complice, sa grâce et son élégance quand elle levait les mains en se demandant si elle
me reverrait. Je voudrais bondir dans le ciel et l’emporter loin de la peine, de la misère et de la mort. Elle serait avec moi à jamais, car je ne la laisserais plus jamais partir. Elle est silencieuse à présent, vaincue par les os brisés et la corruption rougie de sang sous sa peau livide. Poupée désarticulée entre mes bras, ses yeux sont clos, sa bouche délicate s’ouvre… pleine de terre. J’ai observé un jour un fabricant de jouets réparer une poupée cassée. Ça ne doit pas être si difficile de faire la même chose.
Par-delà les murs
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a frontière entre courage et stupidité est mince. Les mages jouent avec elle, passant du poêlon au creuset avec l'audace d'une bande d'adolescents ivres équipés de planches à roulettes, de feux d’artifice, d'appareils photo et de comptes YouTube. C'est ce qui frappe le plus quand on considère les Mondes mystiques : cet étrange mélange d'espaces spirituels et de dimensions alternatives s’entrecroisant au sein de ce que nous appelons ridiculement la réalité. J'ai un peu plus tôt comparé cette cosmologie démente à un oignon, mais il ne s'agit pas tant d'un oignon que d'une boule à neige remplie d'existences parallèles tourbillonnant toutes en même temps. Il faut être un petit peu cinglé pour entrer dans cette boule à neige… et les mages sont souvent assez cinglés pour le faire. Ce n'était pas très compliqué par le passé. Vous trouviez un portail, un node, une magye des esprits ou une anomalie dans le temps ou dans l'espace ; zou, vous étiez paré au départ. Et puis la Tempête d'Avatar a fait du goulet une râpe à fromage céleste et ce passage est devenu… un peu plus problématique, dirons-nous. Ces derniers temps, c'est comme jouer à pile ou face ; ça peut être aussi facile qu'avant ou ça peut transformer votre Avatar en purée. Je pense que ça dépend en grande partie de ce à quoi vous vous attendez. Quoi qu'il en soit, ça n'est ni sûr, ni facile. En même temps, si ça l'était, tout le monde le ferait ! Alors que faites-vous si un seul monde ne vous suffit pas ? Comment atteindre ces Mondes mystiques légendaires ? Qu'y trouverez-vous si vous y parvenez ? Les réponses à ces questions ne sont pas simples, mais si vous voulez explorer les possibilités, il nous suffit de trouver un terrier de lapin et de l’emprunter. Mais n'allez pas dire ensuite que je ne vous avais pas prévenu…
Des portails vers ailleurs
Trouver un portail vers un autre monde, l'ouvrir et le traverser pour se rendre de l'autre côté reste encore la façon la plus simple de quitter le royaume terrestre. Cela consiste de temps en temps à ouvrir la bonne (ou la mauvaise…) porte, à moins qu'il ne faille mettre en place des rituels complexes et demander la permission avant de pouvoir entrer. Les portails vers les Mondes mystiques sont parfois évidents (d'immenses portes d'airain gravées d'une calligraphie soignée ; des cercles de pierres ciselées de runes, des vortex scintillants crépitant d'énergie), parfois subtils, comme des portes dissimulées pivotant dans un mur qui vous semblait plein et qui vous emmènent ailleurs. La fondation dont j'ai parlé tout à l'heure, avec ses pièces et ses planchers qui ne devraient pas exister, est un lieu plein de portails – à moins qu'elle ne soit elle-même un grand portail. Le seuil interdi-
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mensionnel d'un laboratoire éthériste ou une issue de secours technocratique ? Un portail. Le cercle de danse d'une communauté de sorcières dans lequel les participants sont téléportés vers les Terres de l'Été ? Un portail également. Vous êtes transporté de ce monde vers un autre lieu sans avoir besoin de vous décaler ou d'utiliser une autre discipline. Créés par de puissantes magyes, ces passages permettent de se rendre de manière relativement aisée dans des endroits lointains, « hors de ce monde ».
Les étisies
C'est sans doute la forme d'accès la moins répandue et si les légendes la mentionnent souvent, une étisie est incroyablement rare dans le monde d'aujourd'hui. À cet endroit, le Goulet disparaît presque entièrement et l'on peut s'aventurer dans les Mondes mystiques en empruntant tout bonnement la bonne, ou la mauvaise, direction. À quelques rares exceptions près, les étisies se cachent dans des régions sauvages et reculées, là où ni la Technocratie, ni la banalité humaine ne sont parvenues à sceller la brèche. Ce sont en général des fluctuations qui apparaissent et disparaissent dans l'obscurité comme autant de mouches métaphysiques. La présence de lucioles marque souvent le point de passage, à l'instar des brouillards épais, des tempêtes de poussière, des orages ou des volcans. Il semble que la nature sculpte ces seuils au sein de phénomènes spectaculaires. Certaines époques de l'année indiquent aussi un affaiblissement de la barrière entre les mondes ; c'est pourquoi Noël, Halloween, Pâques et le solstice d'été sont célèbres pour les mystérieux événements qui s'y produisent. Les nuits de pleine lune, les matins brumeux, les douze coups de minuit sont des moments, tous bien connus, au cours desquels une étisie peut s'ouvrir. Il est peu probable que, marchant par une nuit de brouillard, vous vous retrouviez par hasard dans les Mondes mystiques, mais c'est le genre de chose qui se produit vraiment, et plus souvent que vous ne le pensez.
Les Anciens chemins, les voies du Wyck et la Zone Zéro
Les légendes évoquent les Anciens chemins, les Voies du Wyck tracées à travers la Création brute à l'aube de l'humanité. On dit que seuls les tout premiers voyageurs (les sorcières et les chamanes) sont capables de trouver ces chemins et que plus rares encore sont ceux qui les empruntent. Selon la tradition, ces voies peuvent conduire n'importe où : dans les ruelles de Tokyo, les crevasses du Grand Canyon, les monts sur la Lune, n’importe où. Glaciales, brumeuses et terrifiantes, ces légendes tiennent plus du mythe que de la réalité. Si quelques mages prétendent avoir franchi les Brumes éternelles, les Anciens chemins restent le domaine exclusif de ceux qui oseront volontairement défier la Création dans sa forme la plus élémentaire.
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Balancer l’Umbra à la poubelle ? Selon l’intrigue générale du Jugement dernier, les Mondes mystiques ont été sérieusement chamboulés pendant la Tempête d’Avatar. Par la suite, nombre de paysages et de royaumes familiers ont été dissimulés, éparpillés ou détruits. C’est à vous, conteur, de décider si l’Umbra de votre chronique a été ou non affectée de la même manière. Gardez simplement à l’esprit que le guide de voyage fourni dans ce chapitre peut légèrement différer de celui que vos personnages utiliseront. Référez-vous au supplément L’Infinie Tapisserie pour plus de détails sur l’Umbra au cours de la période du Jugement.
Ces derniers temps, des voyageurs ont remarqué une Zone Nulle, un réseau de couloirs et de petites pièces vides qui semble relier les autres régions entre elles. Parfois surnommé « les coulisses de l'Univers », il semble imprégner chaque strate de l'existence. Apparemment, et bien que personne n'en ait encore jamais ni trouvé ni dressé une carte, n'importe qui peut emprunter ces couloirs. Certains prétendent qu'ils vous emmènent jusque sur la Lune, voire au-delà si vous avez assez de temps, de volonté et de vivres pour parcourir de telles distances. On suppose que la Zone Nulle est la forme adoptée par les Anciens chemins dans le monde moderne. Si cela s'avère exact, nos perceptions industrielles ont transformé une merveille en labyrinthe stérile. Dans notre intérêt, et dans celui de toute la Réalité, j'espère que ce n'est pas le cas…
Le voyage astral
L'ancienne discipline, plus répandue et familière, du voyage astral permet de se rendre dans les Mondes mystiques. Pendant qu'il médite (de préférence dans un endroit très sûr !) le voyageur projette sa conscience hors de son enveloppe physique, puis s'envole vers les Royaumes supérieurs du concept et de l'idéal. Cette méthode de déplacement traditionnelle parmi les moines, les saints, les magiciens et, plus récemment, les pyschonautes transhumanistes, relie pendant son périple la conscience au corps vivant par une corde d'argent. Au cours du voyage astral, seul l'esprit se déplace. En général, il accède à ce qu'on appelle souvent l'Umbra supérieure (nous l’aborderons brièvement). Un explorateur expérimenté peut également projeter sa conscience vers d'autres royaumes, mais il se rendra par défaut dans l'Umbra supérieure, ou l'Astral. Tout comme l'Astral vidare, c'est le domaine des concepts abstraits et élevés, le royaume de l'intellect. Il est donc normal que votre « moi pensant » vous indique le chemin le plus aisé pour s'y rendre. (Une méthode similaire vous propulse dans la Toile numérique, le côté magyque d'Internet. Il s'agit cependant d'un tout autre sujet que j'aborderai sous peu.) Le voyage astral a deux inconvénients fondamentaux. Le premier, c'est que votre corps reste en arrière quand vous vagabondez et que la corde d'argent reliant les deux parties de votre être peut se révéler assez vulnérable. Le second, c'est qu'à moins que vous ne soyez très, très bon à ce jeu, vous voyagerez tout nu ; emporter des objets est extraordinairement difficile. La projection astrale mobilise aussi vos
Chapitre IV : Les mondes au-delà
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facultés mentales, non vos talents physiques… ce qui est merveilleux si vous êtes extrêmement intelligent, beaucoup moins si vous ne l'êtes pas plus que ça. En substance, un voyageur astral projette son esprit désincarné et si vous utilisez cette manière de vous déplacer, vous êtes le reflet argenté de votre image idéale. Heureusement pour vous, il faut beaucoup de confiance en soi et de compréhension de soi pour maîtriser cette discipline. Un voyageur astral risque donc d'avoir l'air beaucoup plus impressionnant qu'il ne l'est dans le monde matériel.
Se décaler
C'est ainsi qu'on appelle souvent la façon la plus répandue d'atteindre les Mondes mystiques. En utilisant la sphère de l'Esprit, un mage peut convertir sa personne, peut-être aussi quelques objets qui lui appartiennent, en évanescence, c'est-à-dire la matière spirituelle élémentaire constituant ce plan exceptionnel. Ainsi, le voyageur se déplace physiquement, transformé en essence plus ou moins solide en fonction de la manière dont ce royaume entend la solidité. Les individus qui choisissent de se décaler entrent dans l'Umbra moyenne, le royaume spirituel primaire incarnant la Nature élémentaire. Ce lieu, intensément réel et pourtant fugitivement irréel, est un étrange reflet du monde que nous connaissons dans notre vie quotidienne. J'en parlerai en détail bientôt, mais pour l'instant, souvenez-vous simplement que c'est sans doute la forme la plus familière de voyage au-delà du Goulet. (Il existe un très vieux débat métaphysique à propos des étisies, des chemins de traverse empruntés lorsqu'on se décale et de la forme qu'adopte un voyageur quand il passe à travers le Goulet. Celui qui emprunte une étisie apparaît en général dans l'Umbra moyenne, et il a la même consistance que dans le monde réel. En franchissant cette frontière, devient-il évanescent ou reste-t-il matériel ? D'après ce que je sais, personne n'a jamais été capable de répondre une fois pour toutes à cette question. Pour des raisons pratiques, partons du principe que notre voyageur est solide, même si sa forme est par nature spirituelle. Cette hypothèse a au moins le mérite de ne donner de migraine à personne quand on envisage le périple.) Se décaler demande une profonde compréhension des Arts spirituels (ou de sa variante technomagyque, la Science dimensionnelle), ou bien un compagnon de voyage qui possède cette connaissance, ou encore un mystique ou un artefact de l'hypertechnologie qui exécute pour vous les fonctions nécessaires. Tout comme le voyage astral, c'est un exploit difficile à accomplir, en particulier à notre époque. La Technocratie a clairement le dessus, du moins à cet égard. Peutêtre était-ce autrefois tout à fait naturel de passer dans le royaume des esprits, mais ce n'est certainement plus le cas aujourd'hui.
Mourir pour traverser
Et puis il y a le voyage le plus dangereux de tous : celui que nous faisons quand nous mourons. Je ne vous recommanderais pas le périple vers l'Umbra profonde, le royaume de la mort. Certains agents de la Volonté – en particulier les Euthanatoï, les mages de la mort, certains chamanes Parlesonges et quelques autres mystiques, intrépides, mais potentiellement corrompus, ont le talent et l'audace de traverser la réalité, d'entrer dans ce royaume et d'en revenir. Cela dit, c'est un voyage difficile, l'un de ceux qui ramènent avec vous une parcelle de mort, à condition, bien sûr, d’en revenir en un seul morceau. Supposons qu'une âme fraîchement décédée entre dans ce royaume au moment de son trépas. Dans la plupart des cas, elle passe dans l'Au-delà qui l'attend : paradis, enfer, vie après la mort ou
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cycle métaphysique vers une nouvelle incarnation. Il arrive parfois que les âmes y restent prisonnières et deviennent des fantômes, coincées dans l'amer Outremonde de notre réalité. Les voyageurs vivants qui souhaitent entreprendre ce périple doivent subir un rituel de mort au cours duquel l'âme reste liée au corps grâce à une magie complexe. Certaines drogues psychoactives peuvent également, au moins en théorie, amener une personne aux portes de la mort, mais disons que ce n'est pas fait pour les petites natures. De même que pour les chemins de traverse, si ces méthodes permettent d'entrer dans le royaume de la mort, les chances de franchir le seuil dans l'autre sens sont néanmoins beaucoup plus minces. Pour certaines tâches, la mort sera la seule solution. S'il reste incroyablement risqué, ce passage, ou périple de l’agama, correspond pourtant à plusieurs pratiques spirituelles. Ce voyage a pendant un certain temps été impossible, sauf pour les morts. Une grande tempête fantomatique balayait tous les aspects familiers de l'Outremonde et sa frontière était infranchissable. De nos jours, il est à nouveau possible de faire un périple de l'agama. Je serais tenté de vous le déconseiller. Les effets « temporaires » de la mort ont tendance, aujourd'hui plus que jamais, à devenir assez permanents. En plus des dangers relatifs aux créatures spectrales qui hantent ce royaume, un voyageur dans l'Outremonde hérite d'un peu du Johr, la Résonance de la Mort. Pour résumer, la mort devient une partie de celui qui entre dans son royaume, et même si cette Résonance s'atténue avec le temps, on m'a dit qu'elle ne s'effaçait jamais tout à fait.
Désincarnation et adaptation au vide
Les cinq méthodes utilisées pour voyager vers les Mondes mystiques ont chacune leurs risques. Comme je l'évoquais plus tôt, il vaut mieux laisser ce genre de chose aux experts. Et même lesdits experts redoutent la Désincarnation : l'état dans lequel un voyageur vivant va trop loin ou part trop longtemps. Après trois cycles lunaires, ou environ trois mois terrestres, son corps vivant commence à se transformer en essence spirituelle brute. L'esprit est toujours conscient, mais le corps s'étiole. Je parlerai plus tard des Royaumes fantomatiques, ces lieux ou les habitants vivants sont devenus des esprits après que leur demeure a été séparée du plan matériel. Ces étranges régions nous rappellent les risques que nous prenons quand nous nous écartons des sentiers battus et que nous partons vers les royaumes surnaturels. La Technocratie a un nom pour ce phénomène : l'Adaptation au vide. Selon cette théorie, les composants mentaux et physiques d'un être terrestre commencent à se séparer quand ils passent dans une autre dimension. La conscience et le corps physique finissent par entrer dans un état quantique de complète dissociation. Dit plus simplement, la probabilité qui les lie s'est dissolue et le tout constituant la personne ne peut plus jamais revenir à l'état physique qui était auparavant le sien. Elle devient une EED : une entité extra-dimensionnelle dont l'existence menace le monde tel que nous le connaissons. Malgré ces risques, les aventures se déroulant au-delà de ces barrières sont des éléments traditionnels de la Voie magyque. Même la Technocratie, dont les idéaux minimisent les contacts avec des royaumes aussi imprévisibles, envoie certains de ses membres explorer ces dimensions alternatives, ne serait-ce que pour les isoler du fragile monde des humains. Respirez à fond et tenez-moi la main. Cette sensation bizarre au creux de l'estomac ne va durer que quelques instants. Un voyageur malchanceux ou inexpérimenté peut se retrouver coincé dans le
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Goulet, mais je fais ce genre de chose depuis des dizaines d'années et vous ne risquez rien avec moi. Bien sûr, il y a le Goulet et d'autres dangers encore, ce périple n'est pas une sinécure (et au cas où vous vous le demandiez, oui, il arrive que des amateurs de substances
stupéfiantes traversent la frontière – c'est chose commune pour les Extatiques, les chamanes et les Adeptes du Virtuel), mais les découvertes et les aventures potentielles en valent la peine.
La Penumbra : la peau du royaume
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n franchissant le mur de la réalité qu'est le Goulet, nous sortons… ou nous entrons… dans ce que vous pouvez appeler la peau du monde : la Penumbra, reflet imparfait d'une vérité plus profonde.
Le spectateur crée le spectacle
C'est ici que ces Vidare dont je parlais plus tôt entrent en jeu. La Penumbra a toujours l'air irréel, mais l'impression dominante que vous aurez dépendra beaucoup de votre point de vue. Le voyageur grisé voit les motifs scintillants du Vidare astral, l'élémentaire sent la nature brute du Vidare Spiritus, le mélancolique adepte de la tombe perçoit le royaume en décomposition du Vidare Mortem. En conséquence, il est possible, c’est assez courant, que les membres d'un groupe d'explorateurs perçoivent chacun un monde très différent en arrivant dans la Penumbra. Plus encore que les différentes composantes du monde d'un mage, voyager dans la Penumbra est rien moins que subjectif. Ce niveau de réalité reflète certes le monde de l'autre côté du Goulet, mais c'est également un écho des perceptions de chaque individu. L'interaction qui existe ici démontre dans toute sa splendeur le principe d'incertitude d'Heisenberg. Le témoin affecte véritablement la situation. Pour le visiteur ordinaire – si tant est qu'on puisse dire que visiter le royaume des esprits est une chose ordinaire – la Penumbra est un reflet indistinct, plongé dans la brume, de la zone qui se trouve du côté terrestre du Goulet. Les sensations sont paradoxalement assourdies, et néanmoins encore plus précises… si vous pouvez comprendre ça, c'est que vous êtes prêt à partir en exploration.
Les domaines : les vaux et les ruines
Regardez notre parc maintenant. La fontaine de la Dame lumineuse luit d'un blanc immaculé dans le crépuscule. L'eau qui en jaillit carillonne comme un instrument sublime. L'endroit tout entier rayonne doucement d'un éclat qui illumine les alentours. C'est cet éclat qui le désigne comme un domaine : un lieu de pouvoir exceptionnel qui brille à travers les trois niveaux de la Penumbra. Les domaines comme cette fontaine irradient la tranquillité. On les appelle souvent des vaux, la Quintessence s'en écoule ou y converge dans une pureté rafraîchissante. D'autres domaines ne sont toutefois pas aussi séduisants et reflètent des lieux de profonde corruption. Les ruines bouillonnent d'une énergie nocive. Il y en a sans doute une ou deux dans la décharge voisine et le lieu du sextuple meurtre en bas de la rue résonne encore aujourd'hui d'atroces échos. Le drame ne date pourtant pas d’hier. Un node forme toujours un domaine dans ses alentours et projette ses énergies dans la Penumbra environnante. Les petits nodes constituent de minuscules domaines, les plus grands sont capables d'avoir une influence sur plusieurs mètres dans toutes les
directions. Ils éclairent la zone comme une lampe et la lumière qu'ils dégagent correspond à leur nature… ce qui, dans le cas des ruines, est une sorte d'anti-lumière engloutissant tout ce qu'elle touche.
Les impressions de notre ombre
Passé les frontières du domaine de cette fontaine, le sol se couvre d'ombres épaisses. Les arbres s'élancent haut dans la nuit brumeuse… en fait, plus haut que dans le royaume terrestre. Lavés de leurs graffitis, les murs de pierre sont lourds et vieux, et rares sont les gens de leur côté du Goulet qui les reconnaîtraient. Ici, ils ont un air majestueux, comme s'ils appartenaient à un magnifique château. L'herbe est plus haute et plus épaisse, débarrassée des tessons de verre et des merdes de chien qui l'enlaidissent tant dans le monde mortel. La brise aussi est plus pure, malgré quelques relents de pourriture, bien sûr, mais sans les odeurs de pot d'échappement qui imprègnent la ville de l'autre côté. Cela dit, vous entrevoyez toujours cette cité : de sombres entrelacs de fils scintillants, parcourus d'araignées mathématiques. Ces araignées du Motif tissent une toile de stase technologique. Vous verrez ces saloperies rampantes partout dans l'Umbra, en particulier si vous êtes un adepte des Arts technomagyques. Les chamanes les détestent et ils ont de bonnes raisons pour ça. Elles sont une représentation métaphysique de la stagnation ; si elles parvenaient à tisser leur toile sur le monde, la possibilité, la magye ou l'imagination n'existerait plus. La ville aujourd'hui ressemble à une toile d'araignée hantée, luisant de lumière artificielle. Si vous regardez de plus près, vous apercevrez l'un des multiples aspects qui rendent ces voyages si dangereux : des esprits, fendant les ombres, apparaissant et disparaissant sans cesse – en l’occurrence les minuscules avatars de misère et de corruption qui subsistent sur le trafic de drogue et le sexe à la sauvette, les braves esprits gardiens de la fontaine, les esprits animaux urbains qui viennent boire à la limite du domaine, l'incarnation de la fontaine enfin : la Dame Blanche en personne. C'est pour cette raison que cette fille là-bas a l'air aussi tangible que nous – ce n'est pas une humaine, c'est un esprit. On ne peut pas voir les humains normaux de ce côté du Goulet, sauf peut-être comme de vagues traces de présence spirituelle dans l'air… et seulement s'ils sont exceptionnellement forts ou particulièrement corrompus.
Dans les brumes
La Penumbra est baignée dans un clair de lune éternel et s'accroche au paysage telle une brume épaisse qui dérive légèrement tout en stagnant plus ou moins. Trouver son chemin vers d'autres royaumes (ce nom est souvent écrit avec une majuscule quand il fait référence à un lieu ou un type de Royaumes précis) est assez simple : vous vous enfoncez dans ce brouillard et vous croisez les doigts pour aller dans la bonne direction. Comment savoir que c’est la bonne ? C'est là que l'expérience se révèle utile : le voyageur doué en cosmologie, détenteur des secrets des loups-garous pour qui ces contrées sont un second foyer, celui
Chapitre IV : Les mondes au-delà
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qui a été initié par une sorcière ou un chamane digne de ce nom (par opposition à ces rigolos New Age qui ne reconnaîtraient pas une expérience de mort imminente si elle leur filait une crise cardiaque) sachant lire les signes. Pourtant, même ainsi, se diriger dans la Penumbra et dans un Royaume est une vraie gageure. La navigation dans les Mondes mystiques est plus affaire d'instinct et d'intention que d'orientation… c'est d’ailleurs l'une des nombreuses choses à leur sujet qui vous rendront nerveux. Se déplacer à partir de ce point n'est pas une science, c'est un art. Vous suivez votre instinct, aidé de votre expérience, de votre talent et d'une bonne dose de chance. Les mages qui comptent des loups-garous parmi leurs amis parlent de sentiers et de chemins de Lune, mais ces choses-là ne fonctionnent pas très souvent avec nous, à moins qu'une autre créature ne joue les médiateurs pour nous. Et c'est là que vous seriez bien inspiré d'écouter votre Avatar ; nos esprits Éveillés comprennent ce monde souvent bien mieux que nos esprits conscients. Les Mondes mystiques sont aussi fréquemment contre-académiques. L'apprentissage humain, du moins à notre époque, semble se mettre au milieu quand vous essayez de les comprendre. J'ai entendu dire que l’on comprenait autrefois ces choses bien mieux qu’aujourd'hui. Mais à moins d'avoir été éduqué au sein d'une culture chamanique, se déplacer après avoir franchi le Goulet est apparemment l'une des choses pour lesquelles vous devez désapprendre tout ce que vous avez appris. Cela dit, les technomanciens qui étudient la Science dimensionnelle semblent trouver leurs repères plus facilement que les mages dans le monde spirituel. Je suppose qu'il s'agit d'un autre exemple des attentes modelant la réalité. Si vous croyez savoir ce que vous faites, alors vous aurez sans doute de bonnes chances de parvenir à le faire.
L’infini auquel on a donné corps En parlant d'attentes, je dois vous expliquer deux termes avant d'aller plus loin : Tellurie et Tapisserie. Ce sont essentiellement des métaphores pour des choses qui transcendent les mondes. Quand vous vous frottez à des concepts cosmiques, la poésie est en général plus efficace que les chiffres.
La Tellurie
Dans l'absolu, ce mot signifie tout. C'est la Réalité, avec un R majuscule – tout ce qui a été imaginé peut être, ou doit encore être imaginé. Ce terme transcende les noms… un nom ineffable de Dieu, si vous voulez.
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
Pourquoi les noms de Dieu ou de l'Infini seraient-ils imprononçables ? La raison pour laquelle nombre de religions interdisent qu'on le fasse est simple : elles considèrent que la divinité se situe au-delà d'une quelconque définition ; la nommer, c'est la limiter… et donc l'insulter. Donner un nom à la divinité revient littéralement à la profaner – « te placer avant le temple » ou te placer au-dessus de la divinité. Ainsi, si vous pensez en termes d'Infini ou de Divinité, le terme Tellurie, ou « petite terre », offre une métaphore affectueuse au lieu d'un nom imprononçable. Académiquement parlant, une tellurie est un modèle qui démontre la manière dont le monde fonctionne ; d'après l'antique principe macrocosme et microcosme, ou « Ce qui suit a précédé », elle révèle le fonctionnement du monde par le biais d'une « petite » démonstration. Et bien que de nombreux mages de notre époque soient agnostiques ou athées, ceux qui ont formulé la métaphore cosmique de la Tellurie étaient des femmes et des hommes de foi, ce qui la rendait importante… surtout quand ils tentaient de relier les croyances sans insulter les idées des autres sur Dieu. La Tellurie est une autre manière de dire Infini, Dieu ou Possibilité. C'est un potentiel que l'on ne peut comprendre, sauf par la métaphore. Aussi quand vous dites « la Tellurie », vous dites littéralement « Tout ».
La Tapisserie
L'Infini est une idée trop vaste pour que votre esprit puisse l'accepter. Tout comme Dieu, il lui faut un visage. La Tapisserie est ce visage – une métaphore pour ce qui existe. Là où la Tellurie est potentiel, la Tapisserie est forme. Tissés au sein d'un rideau artistique, les fils entremêlés de l'existence créent un ensemble scintillant. Au-delà de l'évident jeu de mots sur les nœuds qui relient tout, la métaphore de la Tapisserie rend un subtil hommage à un antique principe magique : l'idée de l'imbrication. Parfois appelé contagion, il stipule que vous pouvez affecter une chose (disons le propriétaire de votre appartement) en utilisant quelque chose qui lui est lié… dans ce cas, peut-être votre bail. Et si cette idée vous paraît désuète, cherchez du côté de la physique quantique et de la théorie des supercordes… une idée qui trouve également écho dans la métaphore de la Tapisserie. Comme je le disais, les mages parlent un langage poétique. Même les Technocrates s'en remettent aux acronymes et aux titres ronflants Ô-Combien-Impressionnants. Si vous voulez vraiment comprendre les royaumes magyques (c’est un peu moins vrai pour les Mondes mystiques) vous y parviendrez mieux en vous fiant aux symboles qui recèlent une vérité plus profonde.
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Le Royaume des Ombres : les trois Umbrae
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ous entendrez souvent les voyageurs de l'Umbra parler des Trois Mondes. En résumé, il s'agit de…
• L’Umbra supérieure, le royaume astral des idées ; • L’Umbra moyenne, le royaume élémentaire de la Nature ; et… • L’Umbra profonde, le funeste royaume de la mort. Je les ai déjà tous évoqués un peu plus tôt, or c'est ici que les différences deviennent importantes. Vous voyez, quand vous vous déplacez dans la Penumbra, vous vous dirigez vers l'une de ces trois destinations… sauf bien sûr, si vous êtes en train de vous y balader ou si vous avez choisi de passer par là pour atteindre une autre destination terrestre. De nombreuses créatures, en particulier les loups-garous, se servent de la Penumbra comme d'une sorte de porte secrète qui leur permet de se déplacer dans le monde mortel. Les mages peuvent également le faire, simplement en cherchant à rester près du monde humain. Lorsque vous voulez aller plus loin, vous devrez employer d'autres méthodes, en fonction de votre destination.
Le périple umbral : en haut, sur les côtés, en bas
C'est là que ce concept de Vidare est à nouveau utile. Un voyageur qui veut se rendre dans un niveau particulier de l'Umbra le fera plus facilement s'il voit déjà le monde ainsi. • S'il considère les choses à travers le Vidare astral, il remarquera rapidement dans l'Umbra supérieure les portes, les miroirs, les surfaces réfléchissantes et d'autres issues basées sur les idées. • S'il a un Vidare Spiritus passionné, il sera attiré par les chemins dans la brume, les bosquets accueillants, les chemins de Lune illuminés et d'autres caractéristiques du paysage qui semblent appeler le voyageur. C'est bien entendu le moment idéal pour faire preuve de discrétion et chercher les pièges. • Si son tempérament mélancolique favorise le lugubre Vidare Mortem, il percevra l’Outremonde en décomposition. Il entendra au loin les vents éternellement mugissant de la Tempête, une tourmente sans fin surnommée « la Voix de l’Oubli ». Les austères réincarnationnistes prétendent que la Tempête est le tourbillon de l’Entropie elle-même, le mélangeur karmique à travers lequel les choses mourantes sont recyclées avant leur prochaine renaissance. On raconte que c’est d’elle qu’est née la Tempête d’Avatar, après qu’une bombe spirituelle a été lâchée sur une cité des trépassés. Comme beaucoup de choses dans notre monde, le débat est ouvert. L’idée a cependant un certain sens.
Quelle que soit votre perspective habituelle, vous pouvez vous projeter dans une autre direction si vous connaissez les magyes vous permettant d'atteindre les trois mondes. En pensant vers le haut, vous irez vers l'Umbra supérieure. En écoutant vos tripes, vous irez dans l'Umbra moyenne et en déprimant, vous traînerez sur la frontière avec l'Outremonde… même s’il vous faudra des tours de magye très particuliers pour arriver jusqu'au Royaume de la Mort – sauf, bien entendu, si vous mourez d'abord. Un portail, ou une créature des Mondes mystiques dotée des bons pouvoirs, peut vous emmener à peu près partout. Un voyageur franchissant une porte, utilisant un objet approprié ou se faufilant derrière un esprit n'a besoin d'aucune connaissance magique précise pour parvenir dans les Mondes mystiques. Si toutefois vous ne vous déplacez pas par vous-même, vous êtes à la merci des forces qui vous auraient emmené jusqu'ici. Je ne vous conseille pas cette méthode, pour des raisons évidentes. Depuis la fin des années 90, ce genre d'excursion est devenu plus difficile, en tout cas dans le monde de plus en plus industrialisé. Quelle qu'en soit la raison – et il y en a sans doute un bon paquet – le Goulet s'est rétréci, le périple vers l'autre côté est devenu bien plus dangereux qu'avant. Pourtant, on ne peut accomplir certains aspects de la Voie d'un mage (mystique et autre) sans ce genre d'aventure. Que vous ayez ou non fait le voyage, je pense qu'il est important que vous sachiez au moins ce que vous trouverez dans les Royaumes Au-delà…
Les résidents étrangers
Les entités que vous rencontrerez dans le royaume des esprits ne seront pour la plupart que ça : des esprits. Ils nous ressemblent parfois, mais ils ne sont pas tout à fait comme nous. Ils incarnent des concepts et la conscience – littéralement les esprits et les âmes de notre monde. Les technomanciens les considèrent comme des étrangers extra-dimensionnels, ce qui est aussi une évaluation somme toute correcte. Selon les critères de notre monde mortel, ces entités sont irréductiblement étrangères. Tenter de les décrire en détail serait une perte de temps. Les ouvrages hermétiques et la démonologie énumèrent les noms et les rangs de milliers de ces entités et n'importe quel chamane digne de ce nom pourrait vous en sortir encore quelques-uns qui ne figureraient dans aucun de ces livres. Ce sont les esprits des idées et des animaux, les incarnations des archétypes et des créatures qui ne semblent être liées à aucune idée humaine. L'étrange vocable rejetons de l’Umbra est souvent utilisé pour les décrire, mais il est tellement inapproprié que nombre d'entre eux trouvent ce terme insultant. On prétend que Dieu aurait dit « Je suis comme je suis » ; c'est une manière comme une autre d'envisager ces entités. Elles sont ce qu'elles sont – des sortes de Popeye des Mondes mystiques qui doivent être honorés selon leurs propres termes. Souvenez-vous bien de ce mot, car il est important : HONORER. Les entités spirituelles exigent le respect et elles ont souvent le pouvoir de vous l'arracher. Les titres, les formules de politesse, les offrandes et les remerciements sont des attentions vitales quand vous échangez avec le monde spirituel. Dans l'Umbra, une petite chose tout à fait adorable grosse comme un lapin peut se transformer
Chapitre IV : Les mondes au-delà
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Petit guide des Mondes mystiques Mage met en scène un nombre déconcertant de Mondes mystiques. En voici un guide relativement simple, plus ou moins organisé selon l’ordre dans lequel vous les visiterez. • L a Tapisserie : métaphore de la structure de l’univers – un potentiel infini à qui on a donné une forme finie. • L a Tellurie : nom donné à l’ensemble infini de la Réalité, unissant les mondes matériel et spirituel ; également appelée Création, avec un C majuscule. • L ’Umbra proche : tout ce qui se situe entre la Terre creuse et l’Horizon. • L ’Umbra profonde : tout ce qui se trouve au-delà de l’Horizon. Accès •A nciennes routes / Voies du Wyck : les sentiers primordiaux à travers l’univers. •D omaine : une zone d’influence spirituelle profonde. •É tisie : un trou naturel dans le Goulet. • L a Périphérie : la conscience spirituelle de base. • L e Goulet : la barrière entre l’Umbra proche et le royaume mortel. • L e royaume mortel / la réalité consensuelle : Le monde tel que la plupart des gens le vivent. • L e Vidare : le point de vue d’une personne sur le monde spirituel. •N ode : un lieu de pouvoir. •P ériple de l’Agama : la seule manière de pénétrer dans l’Umbra profonde sans mourir ou y être emmené. •P ortail : Un accès vers un autre monde ou un Royaume. •S cience dimensionnelle : La sphère spirituelle telle qu’elle est définie par les mages qui préfèrent croire dans la technologie et la science. D’après elle, les Mondes mystiques ne sont que des dimensions alternatives. •S e décaler : transformer un corps en matière spirituelle. •V oyage astral : projeter sa conscience dans les Mondes mystiques. Les mondes au-delà •C hemin de Lune : route spirituelle traversant l’Umbra moyenne, conduisant aux Royaumes et dont la localisation exacte change souvent. • L a Toile numérique : reflet / essence métaphysique de l’Internet. • L a Zone Miroir : espace perdu et mystérieux où l’ordre normal des choses telles qu’elles apparaissent à un observateur semble inversé. • L a Zone Zéro : des couloirs infinis entre le monde terrestre et les royaumes de l’Umbra ; elle pourrait bien être la forme actuelle et/ou l’apparence des Anciennes routes, telles que les perçoivent les voyageurs tombés sur elles par hasard. • L e Tronc des Anciens / l’Arbre Monde : à l’instar du Mont Qaf, ce centre spirituel de la Création est situé dans un endroit secret, au-delà du royaume physique de la Terre. • L es Mondes mystiques : avec une majuscule, les différents mondes et les Royaumes situés au-delà du Goulet.
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• Les Royaumes oniriques / mayas : source et/ou reflets des rêves, peut-être liés au Songe féerique perdu. Ils comptent un nombre stupéfiant de strates, et il se pourrait que chacune d’entre elles ne soit une réalité que pour celui qui l’expérimente. • Les Trois Mondes : terme collectif pour les Umbrae supérieure, moyenne et profonde. • Mont Qaf : centre supposé de la Création, il existe en dehors du monde matériel dans une réalité qui lui appartient en propre. • Penumbra : la couche la plus proche du monde mortel, et qui reflète la plupart de ses caractéristiques. • Péricarpe : le Goulet à la frontière d’un Royaume. • Royaume : avec une majuscule, un certain lieu ou type de lieu dans les Mondes mystiques. • Toiles du Motif : toiles d’araignée métaphysiques liant les Trois Mondes ensemble. • Umbra moyenne / Contrées Sauvages : royaume de la Nature, avec un grand N. Elle est divisée en divers Royaumes, et reliée à l’Umbra supérieure et à l’Umbra profonde par les toiles du Motif. Également appelée l’Ombre de velours. • Umbra profonde / Outremonde : royaume de la mort, de l’entropie et de la pourriture, bordé par les Terres d’Ombre (la Penumbra de la mort) et hanté par la Tempête. On dit que plusieurs Royaumes des Morts existent au sein de cette dernière, mais le conteur seul décide de la véracité de cette rumeur, étant donné que le Jugement a éradiqué nombre d’entre eux. • Umbra supérieure / Royaumes astraux : royaume de la pensée abstraite et des concepts complexes. Il est divisé entre le Vulgate (région des concepts courants), les Pinacles (montagnes conceptuelles d’abstraction naissantes, incluant les Cours et culminant aux Épiphanies), les Cours (qui abritent les rejetons de l’Umbra et différents Au-delà) et les Épiphamies (concepts abstraits sublimes). • Zones : régions éphémères flottant à travers les Umbrae en un bloc unique, qui existent de façon indépendante et, dans le même temps, dépendent les unes des autres au sein des Trois Mondes. Il s’agit de la Toile numérique, du Royaume onirique maya, de la Zone Miroir, de la Zone Zéro, des Vistas et sans doute encore d’autre chose. L’Horizon et au-delà • Ancrage : un demi-portail vers les Royaumes au-delà de l’Horizon. • Éther / Umbra profonde : les confins infinis de l’espace dans lesquels on suppose que les royaumes spirituel et matériel ne font plus qu’un. •H orizon : L’énorme barrière métaphysique de la Terre, ou coquille externe. Également appelée Coquille onirique. • L es Confins éthérés : La strate interne de l’Horizon, qu’on perçoit de l’intérieur comme le sommet des montagnes et l’immensité du ciel. Les Confins éthérés situés au plus bas sont souvent appelés Néant, et c’est là que la Création se recycle.
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Petit guide des Mondes mystiques (suite) •R oyaume de l’Horizon : royaume magyque / technomagyque sculpté dans l’espace conceptuel de l’Horizon. •R oyaumes de l’Ombre : ombres spirituelles projetées par les Royaumes du Fragment sur l’Horizon. •R oyaume du Fragment : incarnations / reflets métaphysiques des planètes et des principes mystiques qui leur sont associés. •R oyaume du Paradoxe : lieu de punition ou d’isolement créé par une bulle de magye mal utilisée. •R oyaume fantôme : royaume éphémère où les lieux et ses habitants ont été séparés de la Terre et sont depuis devenus des esprits désincarnés. (L’édition révisée de Mage présente un second Horizon aux frontières de la Ceinture d’astéroïdes ; on se réfère à l’espace entre ces deux Horizons sous l’ancien nom d’Éther, et l’Umbra
profonde correspond quant à elle aux confins situés au-delà de ce deuxième Horizon. Pour plus d’informations sur le sujet, référez-vous aux chapitres Un et Cinq du supplément L’Infinie Tapisserie, et au chapitre Trois du Livre des Conventions : Les Ingénieurs du Vide.) Référez-vous aux sections intitulées Les Mondes mystiques (pages 474-485) et La Toile numérique (pages 465-473) au Chapitre Neuf pour les systèmes de jeu relatifs aux royaumes et aux façons d’y accéder. Si vous souhaitez explorer plus en détail ces Mondes mystiques, référez-vous aux suppléments de la gamme Mage Au-delà des frontières : Le Livre des Mondes, L’Infinie Tapisserie et les différentes éditions de La Toile numérique, ainsi qu’aux ouvrages de la gamme Loup-garou : l’Apocalypse et ses suppléments Umbra : L’ombre de velours, et les différentes éditions du Livre du Ver. Consultez la gamme Wraith : The Oblivion pour toute information sur l’Umbra profonde.
La cosmologie tychoidienne, le Principe Anthropique Éclairé et la Science dimensionnelle Le point de vue de la Technocratie sur les Mondes mystiques est en grande partie le fruit de la cosmologie tychoidienne : la vision d’un cosmos informatique basé sur le théorème de Tychoides. Ce dernier énonce que la description parfaite d’un objet est l’objet lui-même, relégué à l’ordre des choses par la divine providence. Cela signifie dans l’absolu que l’univers fait de la place pour les choses qui semblent s’adapter à lui. Si un concept est assez malléable pour se conformer aux lois existantes, il sera intégré à l’univers existant lorsque cet univers décidera de l’accepter. Idée complémentaire, le Principe Anthropique Éclairé suppose que les êtres intelligents décident ce que l’univers accepte et ce qu’il refuse. Pour les Masses, ce choix est inconscient ; les Éveillés / Éclairés peuvent cependant changer consciemment ces lois, jusqu’à un certain point. Tous les mages s’accordent sur ce concept précis et s’y réfèrent sous un nom ou un autre ; les technomanciens l’intègrent comme une loi scientifique. Ainsi, selon la Science dimensionnelle de la Technocratie, l’univers a été divisé en différents niveaux de réalité par le Consensus de l’humanité Éclairée et non-Éclairée. Pour résumer, les trucs bizarres existent parce qu’ils peuvent exister… Certains de ces trucs ont simplement plus de chances d’exister, et l’Illumination vous aide à influer sur cette probabilité existentielle. Sous l’égide de la Science dimensionnelle – fusion hypermathématique de L’horloge cosmique, Tout est Donnée, La Raison du plus fort et La technologie est la réponse à tout (voir Les Paradigmes au Chapitre Dix, pages 569-573), la différence entre les modèles de la réalité est essentiellement affaire de probabilité. Quand ils comprennent le code, les Éclairés peuvent tenter de reprogrammer la réalité ou de passer d’un niveau de réalité à un autre. Selon la cosmologie tychoidienne, l’univers suit la répartition ci-dessous, et ces
niveaux de réalité sont tous accessibles si l’on possède une compréhension suffisante de la Science dimensionnelle. • L ’Espace conventionnel : le plan ordinaire de la réalité, où les lois de la nature obéissent aux attentes des Masses ; c’est-à-dire la réalité existante la plus probable. Cet espace s’étend de la Terre jusqu’à la Ceinture d’astéroïdes, entre Mars et Jupiter. • L e Goulet : la membrane paraphysique entre l’Espace conventionnel terrestre et le Sous-espace. •S ous-espace : les Umbrae, des ombres des probabilités qui ne sont pas suffisamment adaptées pour faire partie de l’Espace conventionnel. Figurent parmi elles… • L ’Espace bio-sphérique : les ombres servant de modèle à la réalité, façonnées par la pensée non-intelligente et les réponses instinctives humaines ; l’Umbra moyenne. • L ’Espace d’ensemble : les modèles de réalité des concepts abstraits et intellectuels ; l’Umbra supérieure. • L ’Espace entropique : les modèles de réalité générés par la conscience en décomposition : l’Umbra profonde. • L a Toile numérique : un modèle de réalité fait de structures artificielles de données denses et que l’on peut pourtant programmer. • L es Volumes d’Everett : les passages sur des lignes de temps alternatives, où d’autres réalités existent parce qu’elles avaient une probabilité mathématique d’exister ; la Zone Miroir et/ou les uchronies. • L es Horizons : deux strates marquant les limites de l’influence et du pouvoir informatique issus de la vie intelligente terrestre. Il s’agit de…
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La cosmologie tychoidienne, le Principe Anthropique Éclairé et la Science dimensionnelle (suite) • L ’Horizon bio-sphérique : les couches supérieures de l’atmosphère terrestre et la limite d’influence des formes de vie non-intelligentes. Pourrait être considéré comme l’ancien Horizon des loups-garous et des mages primaires. • L ’Horizon spatial/anthropique : la limite de l’influence humaine terrestre. Atteint plus ou moins la Ceinture d’astéroïdes et marque la fin de l’Espace conventionnel. • L ’Univers profond : la région où l’influence humaine sur la réalité s’arrête ; l’espace intersidéral. S’étend en gros depuis Jupiter jusqu’aux confins du système solaire terrestre. • L e Vide interstellaire : le Vide de la réalité telle que les humains le conçoivent.
en ouragan ; soyez donc toujours – TOUJOURS – sur vos gardes et de la plus exquise des politesses. Si les sorciers et les loups-garous semblent capables de les contenir, ne prenez pas cette habitude, elle est mauvaise pour votre santé. Sauf, bien entendu, si votre arrogance peut s'appuyer sur une certaine puissance personnelle. Les Trois Mondes regroupent en général des types d'entités semblables : • L’Umbra supérieure est le domaine des anges et des démons, des archétypes et des divinités, des idées incarnées et des formes géométriques dotées d'une volonté propre. Vous y verrez des voyageurs astraux nus retenus par leurs vitales cordes d'argent, de magnifiques fractales au milieu de nuages scintillants, et des créatures sorties tout droit des cauchemars, des mythologies et des rêves, qui arboreront pour la plupart un nombre étourdissant de visages et de formes.
Si tout cela vous semble ésotérique, c’est parce que ça l›est. La plupart des Technocrates n’en appréhendent même pas le début, et rares sont les gens en dehors de la Technocratie à réaliser que cela existe. Quelques Éthéristes, Adeptes du Virtuel, techno-Hermétiques et d’autres mages basés sur la technologie ont entendu parler de ces principes et de leur terminologie, mais seuls les Ingénieurs du Vide sont capables d’en saisir toutes les subtilités. Pour plus de détails sur le sujet, consultez Le Livre des Conventions : les Ingénieurs du Vide. Concernant la Sphère de la Science dimensionnelle, consultez le Chapitre Dix (pages 525-526).
• L’Umbra moyenne abrite les esprits de la Nature, des idéaux et de la corruption – loups-garous, esprits totems, animaux majestueux et flaques de matière spirituelle malveillante. Plus que n'importe quel autre, ce monde est aussi celui des humains mortels… certains, vieux de plusieurs siècles, sont arrivés ici il y a déjà longtemps et sont entrés dans un éternel état de grâce. • L’Umbra profonde est le royaume des fantômes – les Morts tourmentés aux vies prématurément brisées. Ces entités peuvent prendre la forme de vidéos pathétiques de gens figés dans un moment précis, d'esprits doués de volonté avec des projets bien à eux, ou bien les spectres horribles nés des pires travers d'une personne, et les monstres étranges qui hantent cette ombre du monde des vivants.
Dans tous les cas, rappelez-vous ceci : dans l'Umbra, ils sont chez eux et vous êtes en visite. Là-bas, comportez-vous en invité respectueux, non en odieuse petite peste ; vous irez plus loin et vivrez plus longtemps.
L’Umbra astrale, Royaume des idées
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our le meilleur et pour le pire, nous autres mages avons tendance à passer beaucoup de temps dans nos têtes. Et puis il est naturel que l'Umbra supérieure – également appelée les Confins de l'Astral – soit notre premier arrêt. Quoi qu'il en soit, nous utilisons la projection astrale ou nous décalons pour aller jusque-là. Les voyageurs éveillés gravitent souvent autour de ce royaume des idées.
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En regardant à travers le Vidare astral, vous percevrez les fils de la Création tissés en de sublimes motifs d'énergie. Un sens de clarté magnifique domine : des sensations aiguës, des perceptions nettes, un sentiment d'épiphanie permanente. Un de mes amis appelle cela « le facteur “Bien sûr” » C'est comme si l'on chaussait une nouvelle paire de lunettes ou que l'ampoule au-dessus de votre tête était remplacée par un halogène. Et même si vous finissez par vous habituer à cette plus grande clarté, cette impression ne disparaît jamais tout à fait quand vous êtes là-bas… et une fois qu'elle s'en est allée, le reste du monde vous semble soudain plus insipide, comme si ces toute nouvelles lunettes avaient été remplacées par des verres sales et
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rayés. En fait, c'est un problème courant parmi les visiteurs astraux : quand ils retournent dans le royaume mortel, ce monde réel ne leur semble plus aussi réel que ça.
La Penumbra astrale
Je vais encore me répéter, mais la strate la plus proche du royaume mortel se nomme la Penumbra. Pour les voyageurs qui se projettent astralement ou qui se décalent dans leur Vidare astral, cette Penumbra est le reflet scintillant et parfaitement clair du monde mortel. Des éléments symboliques du paysage deviennent assez (et très ouvertement) évidents. Une école peut par exemple avoir une allure industrielle : carrée, directe, peut-être avec des enclos à bétail, des lignes d'assemblage ou même un hachoir à viande géant tout droit sorti de The Wall des Pink Floyd. À ce niveau de la Penumbra, l'idée des choses domine les alentours. En y pénétrant, nous parcourons littéralement le paysage de l'esprit. Une chose importante dont il faut se souvenir : les Penumbrae supérieure, moyenne et inférieure sont un seul et même lieu. Leurs différences ne reflètent pas la Penumbra, mais les voyageurs qui s'y rendent. Une fois la Penumbra franchie cependant, c'est une tout autre affaire…
Les portes astrales
Depuis cet endroit, un voyageur astral est capable de parcourir l'épiderme du royaume mortel, et c'est ainsi qu'il peut par exemple projeter sa conscience depuis un monastère au Tibet jusqu'à une classe dans une école à la Nouvelle Orléans. Sa forme argentée, grossière et idéalisée, existe dans la même Penumbra que celle du chamane qui se décale, et du sinistre Goth qui perçoit ce monde comme un désordre magnifiquement pourrissant. S'ils veulent franchir le reflet du royaume mortel et atteindre les niveaux supérieurs des Confins astraux, les aventuriers doivent trouver une porte astrale : une mare brillante, une fenêtre lumineuse, un miroir, ou encore une porte au sens littéral du terme, qui permet de passer dans l'un des Royaumes de l'Umbra supérieure. En empruntant l'une d'entre elles, ils sortent du reflet du royaume mortel. Et c'est à ce moment-là que les vrais problèmes commencent.
Le Vulgate
En général, les portes astrales s'ouvrent simplement devant la personne qui les trouve ; vous aurez parfois besoin d'un mot de passe ou d'une sorte de clé. Une fois le seuil franchi, vous vous retrouverez dans le Vulgate ; la portion de l'Umbra astrale dédiée aux concepts ordinaires et aux idées facilement compréhensibles. Ici, les aspects vraiment bizarres de l'Umbra supérieure commencent à se manifester : globes oculaires volants, temples en quatre dimensions, paysages eschériens, neige géométrique… ce genre de chose. Dans le Vulgate, vous pouvez vous retrouver dans des couloirs infinis où s'alignent les portes ; face à des fleuves parlant le langage des humains ; dans des forêts d'arbres de verre dans lesquelles chaque feuille est un souvenir ; dans des endroits où la réalité des lieux, vivement colorée, aux allures de vieille bande dessinée caricaturée, déconcerte… avec ses bulles de mots et de pensées. On y trouve des bibliothèques dont les livres n'ont jamais été écrits, des paradis philosophiques dans lesquels les théories abstraites, comme le communisme et l'anarchie, s'appliquent vraiment telles que leurs auteurs les ont pensées… Si vous prenez l'analogie de la caverne de Platon (qui existe pour de bon, d'ailleurs), où les gens voient les ombres projetées sur les parois et pensent qu'il s'agit de la réalité, le
Vulgate est l'endroit où les spectateurs commencent à se détourner du mur et à voir les choses projetant ces ombres. Et non, cette vision n'est pas aussi délirante qu'elle en a l'air. Comme toutes les autres régions des Mondes mystiques, le Vulgate peut se révéler diablement terrifiant… et oui, vous trouverez aussi de vrais enfers dans l'Umbra supérieure, créés par les choses que les gens craignent dans le concept d'enfer. En plus des trucs vraiment flippants qui font partie intégrante de cet endroit, il peut y régner une impression effrayante de déconnexion. Nous autres humains sommes accoutumés au monde tel que nous le connaissons ; quand on le prend et qu'on commence à le fractionner dans ses composantes conceptuelles – c'est-à-dire quand les œillères que nous portons tombent, que nous le voulions ou non, l'expérience est parfois troublante, déprimante, voire bouleversante. Il existe un désert où les sables vous renvoient l'image que les autres ont de vous, débarrassée de toutes vos illusions personnelles, ainsi qu’un royaume qui dévoile l'hallucination collective qu’est l'argent dans des monceaux de trésors fantasmatiques. Un voyageur aura l'impression que ses sens se dissocient les uns des autres, fragmentant ses perceptions en autant d'éclats d'un miroir brisé en lieu et place du tout cohérent qu'il connaît… ou pire, il peut se voir de l'extérieur et contempler sa peau partir en lambeaux ou fondre, révélant les muscles, les os et la matière gluante et visqueuse sous l'illusion de son corps physique. C'est le terrain des mauvais délires tout autant que des idéaux, et des idéaux qui se montrent dans toute leur laideur potentielle… une laideur encore accentuée par la pureté de sa vérité.
Les péricarpes
Comme beaucoup d'autres dans l'Umbra, les Royaumes du Vulgate semblent en général infinis quand vous vous y trouvez. La notion d'espace n'a pas réellement de signification. S'il y a bien des barrières autour d'eux (de petits Goulets que l'on appelle Péricarpes), celles-ci sont souvent invisibles aux yeux des gens qui se trouvent à l'intérieur du Royaume qu'elles entourent. Il y a comme d'habitude des exceptions, des lieux où vous pouvez vraiment atteindre le Bout du Monde. Mais la plupart du temps toutefois, un voyageur doit chercher ce Bout du Monde pour avoir une chance de le trouver. Le plus souvent, les Royaumes astraux possèdent des portes qui s'ouvrent sur d'autres Royaumes, avec lesquels ils partagent un lien conceptuel. Vous pourriez par exemple trouver un chemin vers le paradis et devoir traverser l'enfer pour y arriver. Encore une fois néanmoins, le voyageur doit garder sa destination à l'esprit s'il veut l'atteindre. Il est effrayant de constater à quel point il est facile de se laisser distraire dans les Mondes mystiques… et, étant distrait, de se perdre horriblement, voire fatalement. Pour ceux qui n'empruntent pas l'astral, le Vulgate s'étend aussi loin que vous pouvez aller sans aide. Une entité pourrait ouvrir un portail vers un Royaume supérieur, mais nous autres pauvres mages sommes condamnés à errer dans les tréfonds de l'Umbra supérieure, et ce jusqu'à ce que nous ayons appris à libérer notre conscience et à la projeter vers les cimes. Le langage est une chose si limitée qu'il est difficile de parler des Royaumes supérieurs sans user de citations aériennes et de métaphores fournies. Pour aller au-delà du Vulgate, vous devez aussi aller au-delà des idées ordinaires, vers le royaume de la pensée abstraite…
Les Au-delà
Vous êtes-vous jamais interrogé sur la réalité du paradis et de l'enfer ? Hé bien, ils existent vraiment – et il y en a DES TAS. Il y a un Au-delà
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pour chaque vision de ces deux mondes qui existe, et dans laquelle ce concept devient réel. Les plus célèbres, comme l'Enfer de Dante ou les Portes du paradis, sont vastes, peut-être même infinis, nourris de l'importance qu'ils occupent dans l'imaginaire populaire. D'autres, comme le fameux enfer personnel ou le petit coin de paradis, peuvent tout juste abriter un ou deux individus, ceux-là même qui les ont conçus. Les âmes vont-elles en ces lieux pour l'éternité ? Je suppose que ça dépend d'elles. Les Au-delà restent l'un des grands mystères de l'univers. Existent-ils parce que nous les créons, ou étaient-ils là avant que nous les concevions ? Ces royaumes ont-ils été façonnés par des esprits divins pour des âmes humaines ? Ou bien, comme Alan Moore l'a dit autrefois, « ces salles furent taillées par des hommes quand ils respiraient » ? Il n'existe aucune bonne réponse à ces questions. La nature de la réalité subjective implique que même l'autorité la moins impliquée dans le sujet voit ce qu'elle s'attend à voir. Voici ma théorie : les gens qui s'attendent à aller au paradis ou en enfer vont là où ils s'attendent à aller. Au moment de la mort, une conscience humaine se projette là où elle pense en toute sincérité mériter d'aller. Certaines restent coincées dans les Terres d'Ombre et deviennent des fantômes, d'autres disparaissent pour se réincarner sur-le-champ, mais la majorité d'entre elles atterrissent dans l'Au-delà où elles s'attendent à aller après leur mort. Le verbe « s'attendre à » est un tantinet épineux. Je suppose que nombre de ceux qui se considèrent pieux et craignent profondément l'enfer (souvent ceux qui pensent secrètement qu'ils méritent d'y aller), finissent par se retrouver dans l'enfer qu'ils redoutent et non dans ce paradis qu’ils n’osent espérer. Combien de temps y restent-ils ? Qui sait ? Peut-être aussi longtemps que ce qu'ils s'attendent à y rester… ce
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qui pourrait signifier très longtemps. Sont-ils envoyés là par Dieu/ Déesse/les Dieux/Peu importe, ou s'y envoient-ils eux-mêmes ? Les discussions sur le sujet durent depuis des siècles, si ce n'est des millénaires. Une chose n'est cependant jamais contestée : ces endroits existent, et on peut y aller. Parfois même avant de mourir. Les mages courageux, désespérés, dévots ou assez cinglés pour tenter le coup peuvent se rendre dans les Au-delà. Le passage est difficile, frustrant et souvent mortel, mais comme les mythes et les histoires le suggèrent, il est possible. Nous n'allons pas aborder tout de suite le sujet, mais vous en avez le potentiel si vous êtes prêt à sacrifier tout ce que vous pensez savoir de vous et de votre monde. Ce n'est pas pour rien qu’on appelle ces recherches les « périples des limbes » et les « sombres nuits de l'âme ». C'est un voyage dangereux quelle que soit votre obédience… et, encore une fois, vous y trouvez souvent, plus ou moins, ce que vous attendez. Les dieux, les anges et les démons existent-ils ? Oui. Pas seulement parce que nous croyons à leur existence. C'est encore un de ces dilemmes de l’œuf et de la poule, dans lequel les poules – c'est-à-dire nous – ont une idée assez précise de « l’œuf ». Pour l'instant, rappelez-vous simplement ceci : si vous cherchez le paradis ou l'enfer, n'oubliez pas que les dieux, les anges et les démons ont la sale habitude de botter des culs de mortels… et plus le mortel est arrogant, plus la punition est sévère.
Les Cours de l’Umbra
Cela m'amène aux Cours – un autre genre de région que nous ne visiterons pas tout de suite ; gardez cette expression dans un coin de votre tête. Les dieux, les anges, les démons, et d'autres entités encore, habitent dans l'Umbra astrale. Ces cours sont tout ce que ses occu-
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pants veulent qu'elles soient : temples de lumière, royaumes mécaniques, déserts d'ombre, trônes de feu et de sang… elles sont toutes là-bas, quelque part. Ces Cours occupent peu ou prou la même strate conceptuelle que les Au-delà et sont façonnées, non pas par les attentes humaines, mais par les plans et les désirs des entités qui les forgent. (Les entités elles-mêmes peuvent être le fruit des croyances humaines, mais… hé bien, Poule, je te présente œuf, et vous êtes priés de vous débrouiller tous les deux.) Les entités de l'Umbra font de leurs cours ce qu'elles ont envie ; vous pourriez boire le thé avec un ou deux Chapeliers Fous dans un Pays des merveilles (il y en a plusieurs…), jeter un coup d’œil dans une prison du Roi-Singe sous une montagne, frapper à la porte du paradis pour discuter le bout de gras avec une entité appelée Saint-Pierre, ou encore visiter la fabrique des jouets du Père Noël dans l'un des Pôles Nord parmi les douzaines qui flottent dans les Confins de l'astral… en espérant tomber sur le Père Noël que vous cherchiez ! Cette région des Mondes mystiques est peut-être la plus fréquentée. Il y a tant de créatures de l'Umbra, et tant de concepts sur les enfers, les paradis et leurs habitants saints ou impies, qu'on pourrait comparer l'Umbra astrale à un verre de soda géant avec à son sommet, les bulles de gaz et au fond, une couche de sédiments. Pourtant, contrairement à ce verre de soda, les Mondes mystiques n'occupent pas d'espace physique. Ils semblent être tangibles quand vous vous y trouvez, mais en théorie, un nombre infini de Royaumes peuvent coexister sans même se bousculer.
Les Pinacles
Poussant de ci, de là à travers les Cours, ancrées dans le Vulgate, mais tendant vers l'infini, voici les Pinacles : des reflets de l'idée d'une conscience infinie. Sur le modèle de nombre d'autres choses dans les Mondes mystiques, ils donnent à des concepts abstraits des formes concrètes. Certains deviennent des tours, des minarets, ou des montagnes qui feraient passer l'Everest pour un dos-d'âne. Beaucoup ressemblent à des cathédrales de verre dont les flèches s'élancent haut dans le ciel et y disparaissent. J'ai vu des tiges de haricot grimpant dans les nuages pour devenir littéralement un escalier vers le paradis. Ce sont tous des Pinacles. Alors si vous avez envie de vous retrouver la tête dans les nuages, vous devrez souvent escalader ces choses. Et ça, mon ami, ça n'est pas facile ! Escalader un Pinacle, ce n'est pas tant un effort physique qu'une ascension métaphysique. Ce ne sont pas vos mains et vos pieds qui vous hissent, c'est votre esprit. Les pentes sont peut-être glissantes, traîtresses, et il est impossible de s'y tenir. Pour parvenir à grimper, vous devez enrouler votre esprit autour de concepts ardus et dériver au-delà de l'influence de la pensée ordinaire. Rares sont les voyageurs à pouvoir entreprendre ce périple… et seule une infime partie d'entre eux est capable d'atteindre le sommet.
Les Épiphamies
Tourbillonnant autour des confins les plus lointains de la conscience, les Royaumes situés dans les Épiphamies n'ont de royaume que le nom. Ces régions sont trop abstraites et éphémères pour se comporter comme nos constructions grossières de réalité. Composées de symboles et de concepts supraluminiques, elles dérivent et vont et viennent, plus ou moins à portée. Pour le voyageur astral, les Royaumes de l'Épiphamie restent tangibles pendant quelques fugaces instants. Ces mystères sont trop transcendants pour qu'un esprit mortel les comprenne très longtemps. Le voyage astral est la seule manière d'atteindre ces lieux. Les mortels endormis ou inspirés arrivent parfois à s'y projeter pendant quelques brèves secondes, mais en disparaissent rapidement et s'ils ont de la chance, ils gardent des souvenirs de leur visite qui les guideront dans leurs vies imparfaites. Même les voyageurs astraux ne sont capables d'y rester que pendant une courte période de temps. C'est un lieu où le sol glisse littéralement sous vos pieds… à ceci près qu'il n'y a en fait pas de sol ou de pieds là-dedans ! Imaginez l'enfant naturel de Salvador Dali et du Dr Seuss. Maintenant, imaginez cet enfant comme un monde. Et maintenant, imaginez qu'il existe parce que vous l'avez imaginé. C'est la nature des Épiphamies. Les concepts fugaces récupèrent des mondes plus petits, et les concepts durables, soutenus par des millions d'esprits pendant des centaines d'années, décrochent eux d'immenses régions dans lesquelles s'épanouit ce qui ressemble à une nature stable. À l'intérieur, vous trouverez peut-être une Forteresse du gouvernement, incarnation de la puissance et de la futilité symboliques de ce concept ; une Rivière du langage qui coule en chantant les sons de tous les dialectes jamais parlés sur Terre ; une pendule titanesque accompagnée de mille mains, chacune d'entre elles marquant une mesure du Temps ; le royaume des Idéaux platoniciens qui n'existe peut-être que parce que Platon imaginait son existence. Ce sont les couloirs torturés de l'Art et les paysages intellectuels si étranges qu'ils auraient pu stupéfier Dali lui-même. Vous croiserez des royaumes qui s'appuient non seulement sur notre imagerie populaire des vacances (oui, elles existent aussi), mais aussi des idées précises que ces vacances représentent. En bref, les Épiphamies sont aussi infinies que la conscience imaginée en personne. On raconte qu'il existe au sein de ce domaine des Royaumes où les mortels ne peuvent pas du tout aller – des régions trop transcendantales pour la capacité de compréhension de la conscience humaine. S'agit-il des rêves des dieux ? Des secrets de l'univers ? Qui peut le dire ? Nous ne pouvons pas aller jusqu'à un lieu que nous ne pouvons pas imaginer… pas encore. Comme l'histoire humaine l'a montré, nous autres frêles mortels sommes capables d'étendre notre imagination jusqu'à des degrés apparemment illimités. Là encore, qui peut le dire ? Un jour peut-être, visiterez-vous un Royaume de l'Épiphamie qui n'avait aucune existence, jusqu'à ce que vous en ayez vous-même eu l'idée.
L’Umbra moyenne, reflet de la vie
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e la tête aux entrailles, voyager dans les Mondes mystiques devient une affaire plus simple. Les Pinacles étourdissants cèdent la place au cœur et aux tripes de la Nature en personne, rouge de crocs, de griffes, de rose et d'aurore. C'est le domaine des bêtes, des hommes et des hommes-
bêtes. Loin des énigmes abstraites des Épiphamies, sa réalité est aussi vraie qu'elle en a l'air. Selon certains mages primitifs, tout était ainsi avant. L'Umbra moyenne reflète la Terre telle qu'elle était, et de nouveaux Royaumes naissent des faits marquants que nous avons accomplis avec et sur notre monde. Je ne sais pas si je suis d'accord avec ça… mais c'est alors
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une énigme qui, comme d'habitude, n'a pas qu'une seule réponse. Toutefois, contrairement à la subjectivité fugace des Confins astraux, ces Contrées sauvages sont bien plus sûres. Cela ne veut pas dire qu'elles sont sûres ou belles. Quiconque a passé un tant soit peu de temps dans la nature – du temps réel dans la VRAIE nature, pas un après-midi au parc – sait à quel point elle peut être laide. Nous avions des raisons, nous autres insectes fragiles, de construire nos maisons, nos fermes, nos usines et tout le reste : la nature est effrayante quand vous n'avez aucune technologie à disposition. Les voyageurs peuvent tout à fait se décaler en emportant certains objets, mais la technologie mortelle prend un malin plaisir à tomber en panne au fin fond des Contrées sauvages. La seule source fiable de la région étant la connaissance intime des magyes primitives, les chamanes et les sorcières se débrouillent beaucoup mieux que les magiciens entêtés ou les mystico-geeks amateurs de gadgets.
La Penumbra spirituelle
Vue à travers le Vidare Spiritus, la Penumbra est une étendue de brouillard lumineux. Le jour, la faible lueur du soleil embrase cette brume ; la nuit, le clair de lune illumine les ombres scintillantes. Des structures humaines peuvent disparaître quand vous passez de notre monde à celui-ci. Vous vous rappelez de ce site en construction ? Regardez : il a disparu. À sa place, le fantôme de la boutique du glacier restée là pendant 40 ans. Et ce n'est que l'un des tours que cette Ombre de velours vous joue : la Penumbra montre les souvenirs des lieux, leurs esprits, plutôt que leur « réalité » de béton qui se dresse dans le royaume mortel. Encore une fois, le mot « réalité » appartient aux citations. Se cramponner à des notions préconçues sur ce qu'on suppose être vrai dans ce monde est une bonne façon de se perdre.
Airets et chemins de Lune
S'égarer dans les Contrées sauvages est chose aisée. Les repères géographiques trompeurs et la brume qui y flotte en permanence rendent toute orientation difficile. Nous pourrions errer dans ce reflet crépusculaire pendant des années… en supposant, bien sûr, que rien ne vienne nous bouffer avant. Regardez autour de vous ; nous n'avons pas vraiment bougé, mais jusqu'à quel point reconnaissez-vous le paysage ? Évidemment, vous pourriez « suivre votre cœur », mais sans panneau pour vous guider, seriez-vous capable de déterminer où il vous conduirait ? Fort heureusement, de tels panneaux existent, si vous savez où et comment les chercher. Contrairement à l'Umbra supérieure qui vous permet d'emprunter une porte ou un portail, l'Umbra moyenne émet des signaux plus subtils. Les chamanes, les prêtres et les sorcières sont formés à repérer les présages, il y a une bonne raison à cela. On ne peut voir les sentiers de l'Umbra moyenne, qu'on appelle parfois airets, que dans ces signes : une poignée de brindilles cassées, un motif important dans la poussière, le cri d'un corbeau perché là où il n'y avait rien l'instant d'avant. S'il les suit, un voyageur attentif se rendra où il le souhaite. Plus faciles à remarquer que les airets, souvent annoncés par des entités brillantes appelées Lunaires, les chemins de Lune esquissent dans la brume une route scintillante que l'on peut suivre à travers le paysage de l'Umbra. Là encore, un voyageur qui sait emprunter ces sentiers peut se rendre où il l’entend, si tant est qu'il connaisse aussi les rituels adéquats. Comme je l'ai déjà évoqué, les Lunaires sont des esprits ; ils veulent être reconnus et honorés en tant que puissances spirituelles. Certains sont aussi trompeurs, comme les légendaires feux follets qui vous conduisent dans un marais ou vous font
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tomber du haut des falaises. Sans oublier les loups-garous qui eux aussi empruntent les chemins de Lune… et qui apprécient rarement de croiser des mages sur leurs voies sacrées ! Même si elle facilite le déplacement, cette route est souvent des plus dangereuses.
Les toiles du Motif
Des toiles d'araignée spirituelles sont tendues par ci, par là, à travers le Rideau de velours. Les légendes disent qu'elles sont créées pour l'éternité par une immense entité cosmique, le Tisseur – un dieu-araignée à la progéniture infinie. Ces créatures assurent la cohésion de l'Univers et les fils dont elles se servent dans cette tâche sont plus visibles dans l'Umbra moyenne. Ce n'est sans doute qu'un mythe de plus, mais les toiles du Motif sont bien réelles. Tout comme les esprits araignées qui les tissent. Libre aux courageux ou aux fous de les suivre ou de les emprunter pour passer d'un Royaume à un autre. Mais je vous le déconseille, à moins que vous n’ayez envie de hurler « Au secouuuuuuurs ! » pendant qu'un dieu-araignée quelconque vous grignote les viscères.
Les Royaumes de l’Umbra
À l'image de l'Umbra supérieure, l'Umbra moyenne abrite une multitude de Royaumes : royaumes forestiers, royaumes industriels, terres désolées et ravagées, cités antiques, mondes où les dinosaures règnent toujours sur la Terre. De puissantes légendes créent des Royaumes mythiques, comme l'Île de Brasil, les dystopies, l'Olympe et Kunlun. Les au-delà terrestres, comme les champs de bataille du Walhalla et les mythes culturels comme l’Amérique du Sud avant la Guerre de Sécession, existent dans les plans presque infinis de l'Umbra moyenne. Vous pourriez trouver des lieux qui correspondent aux paradis et aux enfers primitifs – non pas leurs incarnations conceptuelles, mais les peurs et les espoirs primordiaux qui les fondent. Différentes entités se sont aussi bâti de petits domaines là-bas et si elles tiennent plus de la contrée sauvage et virginale que du temple, il n'en reste pas moins qu'elles ont beaucoup de choses en commun avec les Cours de l'Umbra astrale. Partout dans ces Royaumes, à l'exception des régions les plus ravagées, la Nature domine. Des pics monumentaux, des forêts à perte de vue, des déserts sans fins, des côtes titanesques : la Terre, telle qu'elle était avant que l'humanité ne foute tout en l'air. Littéralement « dans l'esprit » de cette destruction, vous pouvez également trouver des cauchemars industriels qui feraient passer Gary, dans l'Indiana, pour le Sentier des Appalaches. Face à une telle dévastation, la rage des loups-garous devient tout de suite plus compréhensible. L'Umbra moyenne est l'écho de nos origines et de nos péchés, le reflet de l'âme immortelle de notre monde.
Les Confins éthérés et les ancrages
Des montagnes gigantesques, semblables à celles que l'on trouve dans l'Umbra astrale, s'élancent vers le ciel. Mais contrairement aux Pinacles supraluminiques, il vous faut les gravir à la force du mollet et du poignet, sauf bien entendu si vous disposez d'une paire d'ailes ou d’un quelconque pouvoir de vol. Au-dessus de ces pics s'étend un ciel immense piqueté d'étoiles étincelantes où s'accrochent des arcs-en-ciel. C'est le Royaume de l'Oiseau-Tonnerre, les Confins éthérés baptisés « le visage de l'âme éternelle ». À travers ce ciel infini, flottent des royaumes de nuage et des planètes. Il paraît que si vous êtes assez intrépide et fou pour vous lancer à la conquête de telles hauteurs, vous serez capable d'atteindre les Cours du Soleil et de la Lune. Le voyageur en question ne doit cependant se fier qu'à sa capacité de voler. La technologie n'est
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d'aucun secours dans les Confins éthérés. Les propulseurs dorsaux, les avions, et même les armes à feu ou les tissus synthétiques refusent de fonctionner, quand ils ne tombent pas en morceaux avant de disparaître. Haut dans le ciel, des vortex tourbillonnants apparaissent et s'évanouissent dans les airs. Ces ancrages relient les Confins éthérés aux
mondes situés au-delà de l'Horizon – les Royaumes de l'Ombre, les Royaumes du Fragment et l'Umbra profonde elle-même. Un voyageur volant pourrait, s'il minute correctement son périple, passer à travers un ancrage et arriver dans ces lieux mystérieux. Mais comme on dit : beaucoup d'appelés, peu d'élus. Personne ne sait ce qu'il advient de ceux qui ont mal minuté ce voyage-là.
L’Umbra profonde, Royaume souterrain de la Mort E
nsuite, bien sûr, il y a la mort. Nous sommes tous mortels. La magye nous donne les moyens de retarder ce destin, voire d'annuler ses effets pendant une courte période. Toute chose finit néanmoins par mourir : les dieux, les vampires, y compris les idées. Et c'est dans l'Umbra profonde que vont les choses mortes quand elles quittent le plan terrestre. Comme je l'ai déjà dit, un mage vivant peut entrer dans ces Terres d'Ombre ; la magye nous en donne la puissance nécessaire, mais le prix à payer est élevé. Au-delà de ce point d'entrée, l'Umbra profonde demeure un mystère, les histoires à son sujet sont nombreuses et les conclusions rares, en dehors de celle stipulant qu'il s'agit de la fin ultime de la vie elle-même.
Les Terres d’Ombre de la Penumbra et le Linceul
Le Vidare Mortem nous laisse entrevoir les royaumes des morts – un sinistre reflet de la mortalité terrestre. Même pour le voyageur vivant, cette image du monde semble décatie. Les feuilles mortes et mourantes s'accrochent dans les branches d'arbres grêles, aux troncs craquelés par une maladie en phase terminale. Les surfaces vitrées sont souillées ou brisées. La terre grouille de vers d'un blanc pâle. Les bâtiments ont tous cette allure monotone d'immeuble d'habitation aux portes et aux fenêtres irrationnellement branlantes dans leur encadrement. Il n'y a ni jour, ni nuit dans les Terres d'Ombre, seulement l'Obscurité et l'Obscurité profonde. Les rares visages
que l’on croise en ces lieux sont cadavériques et portent tous trop souvent les stigmates de leur mort. Une personne vivante est capable de voir dans les Terres d'Ombre – même si elle n’est pas véritablement morte ou qu’elle ne dispose pas de la magye adéquate – mais elle ne pourra pas y entrer. Je soupçonne les gens morbides, mages et Dormeurs confondus, de vivre plus souvent dans ce Vidare Mortem qu'ils ne le voudraient. Si l'on veut vraiment passer par là tout en restant en vie – c'est-à-dire percer ce qu'on appelle le Linceul, le propre Goulet de la Mort, une magye appropriée est nécessaire et le prix à payer reste lourd. J'ai déjà parlé du périple de l'agama ; si d'autres factions, y compris la Technocratie, l'appellent différemment, l'essence de cet Art est la même : une combinaison d'Entropie, de Vie et d'Esprit qu'il est rare de maîtriser. Le Linceul est également plus fin dans les lieux hantés et une âme en vie peut le traverser de manière temporaire si elle est assez désespérée ou malchanceuse pour cela. J'ai même entendu parler de véhicules qui se retrouvaient parfois dans cette dimension – des avions perdus, des bateaux fantômes et des trains infernaux. Si cela est vrai, les effets sur leur équipage et leurs passagers ont dû être atroces. Il y a comme toujours cette brume penumbrale, comme si un technicien avait pété les plombs et s’était lâché sur les fumigènes. Elle a pourtant l'air plus épaisse que dans les Terres d'Ombre… et terriblement vivante. Ce brouillard perpétuel semble aussi étrangement organique, comme de la chair vaporisée. Et les sons que vous entendrez, si vous prenez le temps d'écouter, seront sans doute le plus perturbant. Pourquoi quelqu'un viendrait-il ici ? Comment peut-on seulement en avoir envie ? La raison se trouve certainement dans cette
Destins futurs : la bombe nucléaire spirituelle Dans la méta-intrigue du Jugement dernier, un ingénieur du Vide du nom de Xerxès Jones a conduit en 1999 un vaisseau de l’Umbra spécialement conçu jusque dans les Terres d’Ombres. Son voyage a coïncidé avec une guerre dans l’Outremonde qui impliquait apparemment les reflets spirituels des bombes nucléaires terrestres. Quand Xerxès a lâché sa bombe expérimentale dans la Tempête, la détonation conjointe a levé un maelström titanesque qui a détruit une grande partie de l’Outremonde. Cette action a en retour provoqué la Tempête d’Avatar. Personne ne sait ce qu’il est advenu de ce vaisseau et de son équipage. En fonction des souhaits du conteur : • L e Maelström est toujours là : L’Outremonde et les Sombres Royaumes n’ont pas été oblitérés. L’Umbra profonde est une immense tempête qui annihilera le voyageur imprudent s’entêtant à vouloir la traverser. • L ’Outremonde et les Sombres Cités ont été rebâtis : Les années ont passé et la tempête s’est calmée, ce qui a permis à de nouveaux fantômes de bâtir l’Outremonde sur leurs propres passions et les souvenirs des événements récents. Par exemple, Ground Zero à New-York peut être une Cité des morts particulièrement effroyable, condamnée à brûler et à exploser dans un spectacle d’horreur sans fin. • L ’incident n’a jamais eu lieu : L’Outremonde, la Stygie et les Sombres empires sont tels qu’ils sont présentés dans la gamme Wraith : Le Néant. Jetez un œil à son édition 20e Anniversaire pour actualiser les possibilités qui s’offrent à vous.
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vérité bien connue des nôtres : tout ce qui vit se meurt déjà. Visiter ce royaume, c'est garder cette vérité à l’esprit et se débarrasser de nos rassurantes illusions. Les mages de la mort que j'ai connus embrassent cette vérité. Elle fait partie de leur Chemin éveillé. On m'a dit qu'accepter personnellement la mortalité est étrangement libérateur. À l'instar de la vieille école des chamanes, des ascètes mystiques ou des mages de l'Extase suivant la Voie de la Main gauche, qui « meurent à eux-mêmes » afin de renaître, leur compréhension de la mort est plus grande quand ils affrontent l'existence terrestre la plus horrible. La douleur est inévitable, mais la souffrance est un choix. En faisant face en personne à l'Outremonde, un mage choisit la souffrance afin de comprendre – et de transcender – l'inévitable douleur de la vie. Et si ça vous paraît flippant… eh bien, sachez que l'Umbra profonde est la flippe personnifiée.
La Tempête
Un orage monumental secoue un espace parallèle au sein de l'Outremonde : la Tempête. Il s'agit pour l'essentiel de l'incarnation de la passion, du souvenir et de la mortalité. Il tourbillonne à travers le sous-sol de notre cosmos terrestre. On m'a dit qu'il s'agissait de l'Entropie elle-même – un vortex éternel qui finit par tout attirer à lui. La Tempête ravage parfois l'Outremonde et se manifeste dans des orages moins violents, appelés maelströms, capables d'emporter une âme vers une autre destination ou, plus probablement, de la réduire en lambeaux.
De sombres mystères
Comme les Umbrae supérieure et moyenne, la Tempête abrite une multitude de Royaumes : de Sombres Royaumes, des trous infernaux,
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les domaines d'entités puissantes et les refuges des âmes considérées comme chanceuses selon les critères locaux. De ce qu'en savent les mages de la mort, les fantômes construisent des nécropoles sur des îles à l'intérieur de la Tempête. Au-delà de ces Sombres Royaumes (façonnés d'après ce qu'on m'a dit avec des âmes), un gigantesque Labyrinthe a été arraché au Maelström lui-même par des monstres qui pourraient bien avoir été autrefois humains. En son centre, les légendes racontent qu'il y a un Vide… LE Vide, appelé par certains Le Grand Destructeur. Cette porte vers le Néant est la chute de notre blague cosmique. Tout ce qui est, était ou aspira jamais à être finit là-dedans et redevient néant. De manière assez surprenante, c'est un réconfort pour certains mystiques. Si tout finit dans un Vide, alors tout doit aussi venir de lui. L'Univers ne peut pas être un cours d'eau infini s'écoulant dans le gouffre ; toute la matière, toute l'énergie, tout le potentiel doit retourner dans un cycle. Tout comme les corps retournent à la terre, les nouvelles vies jaillissent nourries par cette terre. Ainsi, par ce raisonnement, le Vide est notre programme de recyclage métaphysique duquel naît toute chose. Il n'y a qu'un seul souci si l’on suit cette logique : peut-être l'Univers n’est-il pas infini. Peut-être existe-t-il une quantité finie d'énergie, de matière et de potentiel… peut-être est-il littéralement en train de filer. Que vous appeliez ce genre de spéculations « la mort thermique de l'Univers » ou que vous lui donniez un nom plus mystique, il existe des théories selon lesquelles nous sommes vraiment en train de couler au fond du gouffre. Des théories pour lesquelles cette vie, qui est tout, devient ensuite néant. À jamais. Et c'est peut-être de là que les Nephandi tirent leur inspiration. Non pas de l'Ascension, mais du Néant. Réconfortant, n'est-ce pas ?
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Les zones
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essons de ruminer aussi sombrement. Je veux parler des rêves. Des rêves au sens propre, à partir desquels les Royaumes sont faits. Les zones sont des pièces flottantes de notre vaste puzzle cosmique et dérivent à travers les trois Mondes sans appartenir à aucun d'entre eux. Tout comme la Tempête, ces régions existent dans une sorte d'hyperespace – elles sont indépendantes, mais on peut les rejoindre. Qu'elles soient Éveillées ou non, il arrive que ces zones débordent pour occuper un aspect de la réalité. J'ai mentionné un peu plus tôt la Zone Zéro ; les autres, telles qu'on les définit communément, ont été réparties de la manière suivante :
Maya, la Zone Onirique Il existe des choses dont les rêves sont faits, et leur réalité est façonnée par notre sommeil. Comme d'habitude, les mages débattent : la Maya – « l'illusion de la vie » – précède-t-elle l'humanité, et donc nous façonne-t-elle, ou bien a-t-elle été créée par les songes des esprits de nos ancêtres ? D’aucuns prétendent même que notre réalité terrestre est la véritable Maya (ce rêve/cauchemar partagé façon Matrix qui ne semble réel que pour nous) et que c'est dans la Zone onirique que se trouve en fait la Réalité. Vous vous souvenez de la vieille blague zen sur l'homme rêvant qu'il est un papillon, et qui pourrait en fait être un papillon qui rêve qu’il est un homme ? Ben, c’est pareil. Encore une fois, Poule, je te présente œuf – et maintenant, essayez de ne pas vous arracher les cheveux pour savoir qui est arrivé le premier ! Comme toutes les Zones, la Maya existe indépendamment des trois Mondes, du plan mortel et des autres Zones. Il arrive que de petits bouts s'en échappent parfois brièvement, mais l'endroit en lui-même existe selon ses propres termes. Il est tentant de le considérer comme une excroissance de l'Umbra supérieure ou moyenne, c'est d’ailleurs l'opinion de certaines autorités en la matière. Les cosmologistes considèrent toutefois plus souvent qu'il s'agit d'une région obéissant à ses propres lois métaphysiques. Or si l'on dit que les rêves puissants s'étendent dans les Royaumes mythiques de l'Umbra moyenne, ou dans les Au-delà et les Cours de l'Umbra supérieure, ils n'existent pour la plupart que dans la trame éphémère de leur Zone particulière.
Voyage, fées et contrôle
Contrairement à la plupart des Mondes mystiques, vous ne pourrez pas vous décaler pour entrer dans la Maya. Certaines traditions chamaniques, en majorité chez les Aborigènes d'Australie, enseignent à leurs membres la bonne façon de faire, mais cela reste un art assez mystérieux. Les voyageurs astraux compétents peuvent aussi se projeter dans la Zone onirique… et souvent dans les rêves des autres ; encore une fois pourtant, c'est un tour très spécialisé. On suppose que le peuple-fée est lié à cette dimension, à laquelle il se réfère sous le nom de Songe. Le royaume de la magie changelin, leur vision de ce Songe, est constitué du Songe proche – la Penumbra du Rêve pour l'essentiel – et du Songe lointain, une sorte d'obscure version de l'Umbra moyenne… qui pourrait bien en faire partie. Néanmoins, nous entrons pour la plupart dans la Maya presque à
chaque fois que nous dormons. Voyez-vous, la Zone onirique est le lieu dans lequel les rêves prennent corps, existent pendant une courte période, puis éclatent comme des bulles quand le rêveur se réveille. Un Royaume onirique contrôle normalement votre réalité ; vous êtes comme une marionnette, à la merci de ses caprices. Si vous voulez prendre le contrôle de votre expérience, vous devez employer une technique appelée Rêve éveillé – ce que vous faites quand vous vous rendez compte que vous êtes dans un rêve et que vous décidez de le façonner à votre avantage. Dans un sens, cela ressemble beaucoup à de la magie ; vous vous éveillez à l'idée que vous pouvez altérer la réalité et l'adapter à vos désirs. Étrangement, beaucoup de mages ne comprennent jamais cet élément du voyage dans la Zone onirique ; c'est comme si leur esprit conscient était si habitué à modifier la réalité qu'il se créait un lieu où il peut lâcher prise. Qui plus est, tous les rêveurs savent que le plus agréable des songes peut soudain, sans crier gare, virer au cauchemar. Et si vous vous retrouvez en train de tenter d'échapper aux griffes de Freddy Krueger, rassurez-vous, vous serez capable de lui reprendre le contrôle si vous vous montrez assez malin et courageux.
Les Forteresses mentales : votre royaume onirique personnel
Quelques rares rêveurs parviennent à se tailler des territoires dans les Royaumes du Rêve, des lieux où ils peuvent retourner quand ils le souhaitent et sur lesquels ils ont un certain contrôle. Parfois appelé Apanage (un manoir ou une propriété), ce monde onirique s'inspire des peurs et des désirs inconscients de son créateur. S'il réalise qu'il peut retourner dans « son petit coin de paradis » à chaque fois qu'il dort, celui-ci devient une sorte de refuge. Qui pourrait bien se transformer en prison s'il n'y prend pas garde, s'il tombe dans le coma ou dans une Quiétude très profonde.
Royaumes permanents et dieux rêveurs
On suppose qu'il existe également plus de Royaumes permanents dans la Zone onirique : les paysages des rêves de la mémoire culturelle, comme Hollywood, le Pays de Nod et le redoutable Théâtre des Morts, ou encore les Onerae primordiales, où les fous et les comateux passent toute leur vie. Les Oneira, entités divines du Rêve, habitent ces régions et façonnent la matière onirique pour en faire de puissantes Forteresses mentales. Étant donné la relation qui existe entre les Onerae et la folie, il est légitime de supposer que les Maraudeurs dérangés partagent un lien cosmique avec ces dieux. Quand les Fous disparaissent dans les tourbillons de leur propre démence, qui peut dire qu'ils ne deviennent pas eux-mêmes des Seigneurs du Songe dans les Onerae ? Pour eux, c'est peut-être cela, l'Ascension… auquel cas, certains Maraudeurs accèdent tout bonnement à un statut divin.
Le Royaume du Centre et le Tronc des Anciens On dit qu'au centre de toutes choses se trouve un Royaume qui est tous les Royaumes à la fois et pourtant ne fait partie d'aucun d'entre
Chapitre IV : Les mondes au-delà
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eux. Cette étendue sauvage, primitive et vierge, s'étire aux frontières des Mondes supérieurs, moyens et inférieurs. Elle étend ses branches dans les rêves, s'enroule autour des Voies du Wyck et glisse ses vrilles jusque dans les confins les plus éloignés de la Toile numérique. Voici la Forêt d’Ur, dont on dit qu'elle est à l'origine de toutes les forêts qui existent. Les légendes la nomment Eden, Paradis, Royaume du Centre, la Racine de la Création. En son milieu pousse le plus grand arbre de l'univers : le Tronc des Anciens, un arbre-monde reflétant la majesté de la vie elle-même. L'endroit est ceint d'un mur d'arcs-en-ciel que la plupart des voyageurs – et aucune technologie – sont incapables de percer et on y trouve quatre fleuves éternels. Chacun d'entre eux prend sa source au pied de l'arbre-monde, puis s'écoule dans le lointain en suivant presque exactement l'un des quatre points cardinaux. Entre ces fleuves, différents biomes – forêts, clairières, zones humides, prairies, plaines, et même des déserts et des étendues de glace – occupent sa surface et représentent tous les environnements terrestres existants. L'Arbre lui-même, un pilier titanesque qui s'élance bien au-delà des nuages, a eu de nombreux noms : l'Arbre de vie, l'Arbre de la connaissance du bien et du mal, ou l'incarnation du otz-chaim, porteur des dix Sephiroth, qui permettrait d'accéder à la Couronne divine de la Matière terrestre et d'en revenir. Dans les branches de l'Arbre, un Faucon protéiforme veille sur les secrets de son fruit immortel ; sous ses racines, à travers les infinis terriers creusés sous la surface du Royaume du Milieu, rampe le serpent-dragon Typhon qui mesurerait, dit-on, onze kilomètres de long. Une Salle des Maintes rencontres, taillée dans le bois vivant, accueille les visiteurs qui sont là pour une bonne raison ; le titan Prévision est suspendu à une branche dans un bosquet de chênes et de pins tandis que son sang nourrit la terre sous son corps. Certains voient Prévision comme la représentation d'Odin, d'autres comme celle du Christ. Quel que soit son nom, il incarne le Pendu, accroché entre les plans d'existence et se sacrifiant au nom de la sagesse. Certains ont tenté d'escalader l'Arbre-monde. Ce n'est pas chose aisée. Rares sont les voyageurs capables ne serait-ce que de trouver le Royaume du Centre, et encore plus rares ceux qui pourraient y entrer. Si différents mythes évoquent des périples entrepris jusqu'à son sommet, je n'ai encore rencontré personne à même de prouver qu'il a bel et bien accompli cet exploit.
Le Mont Qaf
Des légendes prétendent que le Centre de Toute Chose est une montagne et non un arbre. On l'appelle Olympe, Qaf ou Meru et si l'on superposait toutes les montagnes de la Terre, l'ensemble aurait l'air d'une colline à côté d'elle. Là encore, une immense étendue sauvage se déroule depuis le pied de la montagne, parfois désert, parfois forêt, parfois encore plaine de roche ou de glace. Dans cette représentation métaphysique fuyante des Mondes de l'Au-delà, c'est fondamentalement le même lieu que le Royaume du Milieu ou le Tronc des Anciens. Est-ce l'imagination humaine qui modifie ces paysages, ou bien des principes supérieurs à la conscience humaine sont-ils à l’œuvre ici ? Je crains fort qu'il n'y ait aucune réponse simple à cette question. C'est l'un des nombreux et ineffables mystères du monde Éveillé.
La Zone Miroir Avez-vous déjà expérimenté des moments dans votre vie où tout prend soudain une tournure inattendue ? Je suis sûr que oui. Des gens que vous considériez comme des amis ont fait des choses qui
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
semblaient complètement dingues. Ce qui était sûr est devenu dangereux. Des « jumeaux maléfiques » ont remplacé des personnes à qui vous faisiez confiance… peut-être même vous. Bienvenue dans la Zone Miroir, dans laquelle les choses que vous croyez connaître par cœur changent inexplicablement du tout au tout. On ne se rend pas dans la Zone Miroir, c'est elle qui vient à nous (en général, mais pas toujours), dans les Mondes mystiques. Ce n'est pas vraiment un monde parallèle, ce serait plutôt un monde composé d'hallucinations de courte durée tout droit sorties de votre esprit. Certains prétendent qu'il ne s'agit pas du tout d'une Zone, mais d'une compilation de manifestations astrales qui se produisent parce que nous avons des problèmes à régler. Dit simplement, ces miroirs apparaissent tout à coup parce que nous avons besoin de mettre un bon coup de balai dans nos vies. Un voyage dans une Zone Miroir commence quand vous remarquez des choses incongrues ; quelqu'un que vous pensiez mort est vivant, de vieux ennemis s'envoient en l'air juste sous votre nez, vous voyez le genre ? Peut-être que d’autres personnes ont remarqué un truc étrange sur vous, vous ont félicité ou reproché quelque chose que vous étiez sûr ne pas avoir fait. Vous finissez par vous rendre compte que ces incidents sont liés à des soucis que vous n'aviez pas réglés. La visite se termine lorsque vous affrontez ces problèmes. La Zone Miroir se manifeste le plus souvent dans les Umbrae supérieure et moyenne, probablement à cause des liens cosmiques qu'elles entretiennent avec l'imagination. On dit que les fantômes peuvent aussi affronter ce genre d'événements – des face-à-face éprouvants avec le côté sombre de leur personnalité. Et comme je viens de le dire, vous pouvez aussi tomber sur la Zone Miroir dans la réalité mortelle. Lorsque votre monde est soudain bouleversé, il se pourrait bien que vous ayez quelques problèmes à y résoudre.
Les Royaumes du Paradoxe Vous vous souvenez de ce que je disais plus tôt à propos du Paradoxe et du Dôme du tonnerre ? Deux réalités entrent, une seule en ressort. Si un mage dépasse ses limites, la Réalité le rattrape parfois, l'avale et le colle dans une « prison de réalité ». Voici ce que sont les Royaumes du Paradoxe : des bulles cosmiques créées par des hoquets métaphysiques. Le mage est arraché à son environnement et enfermé dans une bulle jusqu'à ce qu'il ait purgé sa peine ou qu'il soit parvenu à s'évader. Comme les rêves, les Royaumes du Paradoxe sont personnels. Aucun n'est identique à un autre. Ces prisons cosmiques sont forgées, non par la Nature ou les dieux, mais par des actions magyques qui les conjurent. Elles apparaissent près d'un mage transgressant la loi, puis le bouclent dans un endroit où son paradoxe provoque une crise moins forte que celle qu'il a déjà causée. Junior écope d'une expulsion temporaire pendant que le reste du monde continue sa course. Il ne reprendra le cours normal de sa vie que s'il cherche à savoir où il a merdé. Les gens qui pensent que la Réalité est neutre – ou qu'elle n'a pas le sens de l'humour – n'ont encore jamais visité un Royaume du Paradoxe.
Y entrer et en sortir
Partons du principe que vous êtes le mage en question. Entrer, c'est facile. Sortir, c'est plus tendu. En général, cela implique une sérieuse remise en question et une forme de pénitence, et il suffit parfois d'un simple et sincère « Je suis désolé » adressé à l'Univers au sens large.
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Entrer dans un Royaume du Paradoxe quand vous n'en êtes pas responsable est beaucoup plus compliqué. Avant toute chose, il faut trouver le bon… ce qui est assez difficile, si vous cherchez celui d'un copain. Ces lieux peuvent ressembler à des bulles de savon, des décorations de Noël éparpillées à la surface de l'Horizon, ou flottant loin dans les Confins éthérés ou les Épiphamies. Quand vous avez localisé le bon Royaume (toujours en partant du principe que vous le pouvez), il y a cette énigme pour ouvrir la porte. Évidemment, il n'y en a pas qu’une… et comme chaque Royaume du Paradoxe est différent, il en va de même pour les moyens d'y entrer et d'en sortir. Il vous faudra peut-être chanter des berceuses à l'envers, embrasser un cochon ailé ou prononcer un sort familier dans une langue différente avant que la porte ne s'ouvre. Une chose est constante, cependant : chaque Royaume, sans exception, se base sur la magye qui l'a créé. Si vous parvenez à déterminer pourquoi il existe, alors vous aurez la clé pour libérer ses prisonniers. Il est important de pouvoir se libérer d'un Royaume du Paradoxe. La Réalité finit par se lasser des choses qui l'entourent… et comme des bulles à l'intérieur d'un verre, il s'en va flotter ailleurs. Oui, mais où ? Dans l'Umbra profonde. Et quand ça arrive, vous n'avez plus aucune chance de vous échapper seul. À moins que quelqu'un ne vienne vous sortir de là, vous êtes coincé avec le résultat de votre propre Paradoxe… peut-être pour toujours.
La Terre Creuse Les Royaumes du Paradoxe ne sont pas les seuls endroits où le temps s'arrête. Vous vous souvenez du coup des dinosaures ? Oui, ils se baladent toujours dans un endroit appelé la Terre Creuse, une Umbra intérieure étrange qui se trouve paraît-il à l›intérieur de la Terre.
Cette région porte toutes sortes de noms, mais on en parle depuis des milliers d'années. C'est la Terre au-delà du bout du monde, la Terre intérieure, l'Hyperborée, Annwyn, Valdemar. Si la plupart des cosmologistes placent les Umbrae en dehors du monde mortel, les légendes disent que la Terre Creuse est située sous la croûte terrestre ou les océans de notre monde. Des tunnels, des tourbillons, des grottes et des terriers de lapin y conduisent, paraît-il sans emprunter de Goulet ; dans ce cas, ce goulet est la frontière du monde quotidien. Pour des raisons évidentes, il est sacrément compliqué de localiser les passages conduisant à la Terre Creuse. Ces « bouts du monde » sont, en particulier à notre époque de caméras satellite et de localisation GPS, difficiles à trouver… pour y parvenir, vous devez d'abord être sacrément paumé.
Éthéristes et Ingénieurs
Deux groupes se sont plus précisément intéressés à sa découverte : la Société de l'Éther et les Ingénieurs du Vide de l'Union Technocratique. Les premiers veulent l'explorer, les autres la fermer à jamais. Pour des raisons évidentes, c'est un lieu dangereux, non seulement parce qu'il est trop hasardeux pour un monde ordonné, mais aussi parce que des connaissances secrètes, souvent interdites, ont tendance à y atterrir. Avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, l'ordre de Thulé (Thule Gesellschaft en allemand) tenta de soutenir les forces nazies en utilisant les secrets arrachés à la Terre Creuse. On suppose qu'un effort conjoint des Ingénieurs du Vide et des Fils de l'Éther est parvenu à contrer cette tentative, mais le prix payé par toutes les parties impliquées dans cette lutte a été très lourd. La nature de ces secrets reste… eh bien, secrète. On dit que parmi les archives des deux factions se trouvent des récits de races perdues, d'aventures extraordinaires et de choses qu'il vaut mieux laisser hors de portée des mortels.
La Toile numérique
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t puis il y a la Zone qui était jusqu'à une époque récente un secret ésotérique, mais qui est devenue depuis un point d'appui pour le monde mortel : la Toile numérique, le reflet métaphysique d'internet. En théorie, cette région est tout aussi illimitée que l'imagination humaine et ce n'était au début qu’un secteur flou et non formaté apparaissant çà et là dans la réalité. Au cours des dernières décennies cela dit, elle s'est dilatée au point que même les voyageurs les plus dévoués ne savent pas où elle se termine… si jamais elle se termine.
Y penser, c’est le créer
Physiquement parlant, la Toile numérique est un espace virtuel : un niveau de réalité strictement défini par la conscience. C'est le là-bas, quand « là-bas » est un état qui n'est pas lié à la proximité physique. Avant, les gens pensaient que la réalité se limitait à ce que vous pouviez voir, entendre et sentir – un état défini par la présence physique. Les téléphones et internet ont fait voler cette idée en éclats. Aujourd'hui, vous pouvez partager des expériences très « réelles » – une amitié, une relation amoureuse, une dispute – avec des gens qui n’ont jamais partagé et qui ne partageront jamais votre espace physique. C'est un état de la réalité qui affecte votre vie
par des biais tout à fait indépendants de l'existence physique. Et si vous en êtes à vous demander si la réalité virtuelle est vraiment réelle, essayez de compter les lingots d'or sur votre compte bancaire, puis reposez-vous la question. (L'argent est lui-même une forme de réalité virtuelle, mais je ne vais pas vous embrouiller en allant là-bas maintenant…) La réalité virtuelle est définie par la seule conscience – la capacité d'un esprit pensant à percevoir, traiter, tirer des conclusions et adapter des croyances sur les seules activités mentales. Je pourrais partir dans des délires ésotériques et vous sortir que toute réalité est virtuelle, mais je préfère garder cette leçon pour une prochaine fois. Sur la Toile numérique, plusieurs formes de projection astrale permettent à la conscience du voyageur de se rendre dans cette réalité virtuelle, en général en laissant à la maison le corps physique, ou « viande ». Tous les éléments de la réalité dans cet espace sont donc des produits de la conscience du voyageur. C'est pour cette raison, entre autres, que la Toile numérique (qui n'est ni une toile, ni numérique) existe dans un état indépendant des autres Mondes mystiques, mais qu'elle empiète de fait sur presque tous. Plus encore que les autres formes de réalité, elle est tout entière dans l'esprit. Ce n'est pas vraiment l'Umbra supérieure ; la nature et la mort en font également partie intégrante. À beaucoup d'autres niveaux, elle est le domaine magyque ultime… un fait que ses pionniers ont tenté, sans succès, de garder pour eux.
Chapitre IV : Les mondes au-delà
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D’où ça vient ? Au commencement était le Mont, et le Mont était Qaf. Et même s'il était censé occuper le centre de toute existence (je l'ai déjà dit), personne ou presque ne savait qu'il était là. Vous ne pouviez atteindre ce lieu que par l'esprit. Une poignée de mystiques, qui formeraient plus tard la Tradition appelée Ahl-i-Batin, reconnaissaient son importance et préservaient son secret des hommes ordinaires. Les millénaires s'écoulèrent et un monde grandit à la lisière du Mont Qaf. Toutefois, presque tous ignoraient son importance – la montagne qui se dressait au centre de tout et qui n'existait pourtant nulle part. On raconte que les premières expériences dans la réalité virtuelle – télépathie, prophétie, magye de vision à distance comme les boules de cristal et les bassins divinatoires – ont toutes affecté la trame de cette Toile. Certains philosophes sont allés jusqu’à supposer que les livres constitueraient une forme de réalité virtuelle. Néanmoins, il a fallu l'invention du téléphone pour passer à travers l'espace virtuel dominé par le Mont Qaf et ses environs. Quand les gens se sont rendu compte que les paroles d'une personne située dans un autre endroit physique franchissaient l'espace pour être entendues par quelqu'un d'autre, il leur a fallu se rendre à l'évidence : les participants à la conversation se rencontraient quelque part entre eux. Et de là, la vraie rigolade a commencé…
Les plaines
Contrairement aux énigmes primordiales constituant les Trois Mondes, la Toile numérique telle que nous la connaissons a une histoire vérifiable ; plusieurs pionniers de la Zone sont toujours en vie aujourd'hui. Le principal fondateur est cependant mort pour le plan terrestre, sinon pour l'existence, au cours de l'ouverture de cette
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grande boîte de vers. Le génial informaticien Alan Turing, vénéré comme un Archimaître par les Adeptes du Virtuel dominant la Toile, est le créateur des calculs ésotériques qui lui ont permis d'accéder à cet espace. Turing a paraît-il été assassiné (un soi-disant « suicide » dans l'histoire mortelle) au milieu d'une grande expérience, et il a selon les versions ouvert, créé ou été aspiré à l'intérieur de la Toile numérique en 1954. Quoi qu'il se soit réellement passé ce jour-là, la frontière virtuelle s'est littéralement matérialisée avec fracas. On dit qu'au tout début, elle était faite de texte et de brouillard. Des mots typographiés dérivaient ou fusaient à travers un vide sombre rempli d'une brume luminescente qui, selon certains de ses historiens, avait même été constituée à partir d'un code – des cordes scintillantes de chiffres et de symboles tirés de toutes les langues de la terre, liées entre elles par l'étrange alchimie de la pensée humaine. Des figures géométriques rigides, peut-être le reflet des solides de Platon arrangés en une nouvelle configuration, suivirent bientôt la découverte de cet espace. Des couleurs franches et des formes angulaires remplacèrent l'environnement originel. Au cours de sa transition d'un état primitif de brouillards-code et de vive géométrie à son état actuel de Zone, la Toile numérique est passée par une phase digne du magazine Heavy Metal. Des secteurs étranges, une physique de bande dessinée, des couleurs vives, et une perversité suintant la testostérone trop grande pour un seul espace ; voilà ce qui s'est épanoui de la fin des années 70 au milieu des années 90. Un échange circulaire entre la réalité numérique et la science-fiction populaire a façonné les deux visions. À la fin des années 90 toutefois, l'association entre traitement informatique de l'image, accroissement du trafic internet et imaginations combinées des Dormeurs et des Éveillés avait transformé le cyberespace tout droit sorti de Tron en un monde électronique luxuriant.
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Aujourd'hui, quand vous allez faire un tour dans la Toile numérique, vous vous retrouvez dans un multivers hyperréaliste, aux perspectives riches et aux couleurs surprenantes. Il est certes plus vif et plus bruyant que le royaume mortel, mais il est en outre doté d'une sophistication sensuelle inexistante, voire impossible, dans l'ancienne Toile. De la même manière que les Trois Mondes, elle vibre de sensations fortes, pour autant une sorte de platitude plane sur elle, en particulier quand on la compare aux impressions primitives qu'offrent ces derniers. Quand on est dans la Toile, on a l'impression de se trouver dans un bazar de feu et de mouvement et pourtant, malgré tout ce bruit, cette fureur et cette culture polymorphe, il manque quelque chose. C'est l’odorat. La Toile numérique ne sent rien. Le goût aussi manque étrangement – au sens esthétique, mais aussi sensoriel, du terme. Les images, les sons et même les impressions tactiles ont beau être vivaces, il manque à l'endroit ce petit quelque chose qui satisfait l'animal humain que nous sommes. Cela dit, considérant le degré de puanteur de certains de ses habitants, cette absence n'est pas tout à fait une mauvaise chose.
Techgnose et transhumanisme
La Toile échappe aux contraintes physiques, à ce titre, elle a alimenté un mouvement croissant vers le transhumanisme : une idéologie dans laquelle la conscience humaine transcende nos limites animales. Comme dans d'autres philosophies, il existe à l'intérieur de cette pensée de nombreux courants : ceux qui se foutent des limites de genre et les nomades identitaires qui s'écartent des normes sociales conventionnelles, les chevaucheurs de chair post-humanistes cherchant à atteindre le stade suivant de l'évolution humaine, et les « Touche Échappe » qui croient que nous serions meilleurs une fois téléchargés dans Réalité 2.0. Et ce n'est qu'un petit aperçu. Un fort courant de gnosticisme (l'ancienne croyance stipulant que nous existons dans un monde corrompu, mais que nous pouvons le transcender par le savoir magique) est présent parmi ses membres. Adeptes du Virtuel techno-mystiques ou Technocrates purs et durs de l'Itération X, nombre de groupes dans la Toile numérique la considèrent comme la petite porte conduisant hors de la réalité physique… une Extase qui s'exécute pour ainsi dire automatiquement et laisse le monde mortel derrière. Comme à leur habitude, les gens finissent par se battre à propos de doctrine et de territoire. Et, de manière assez prévisible, l'ouverture de l'espace virtuel a provoqué une course à la réalité comparable à la Guerre de l'Ascension. Ainsi, si mystiques mortels et Technocrates se disputent pour décider du sort du Frigo à viande, leurs alter ego téléchargés se sont tabassés sur la Toile numérique, avec souvent plus de civilité et de respect mutuel, mais avec la même volonté de gagner le futur pour le compte de leur faction. Au cours des cinquante, plus précisément au cours des vingt, dernières années, la grande course à la conquête de l'espace virtuel s'est accélérée. Comme toutes les guerres – car c'est ce qu'elle a été à bien des égards, elle a donné naissance à de nouvelles technologies. À présent, n'importe quel mage vous dira que c'est sa faction de prédilection qui a inventé les ordinateurs personnels, ARPANET, les icônes graphiques des interfaces utilisateur, ou encore Facebook. On s'en fout. La seule vérité indéniable, c'est que la Toile numérique a grandi depuis le début des années 90 et qu'elle est passée du statut de terrain de jeu d'une élite à celui de pilier du monde humain. Et comme toute poussée de croissance, elle s'est accompagnée de son lot de souffrances.
Le Voile blanc
Le spectre du Voile blanc reste la plus grande douleur dans ce monde virtuel. C'est pour résumer un accident de la réalité qui a lieu lorsqu'un imprudent tord ou rompt sans le faire exprès les fils de la Toile. De même que les surtensions, les virus qui endommagent ou détruisent les systèmes informatiques, un Voile blanc perturbe l'Espace numérique limité. Fin 1997, l'un d'entre eux a littéralement planté toute la Toile, tué des dizaines, voire des centaines, de voyageurs et blessé un nombre encore plus grand d'entre eux. Ce Voile blanc colossal, lié à la destruction de Doissetep, a été jusqu'à présent le pire de son genre. On a redouté un événement similaire fin 1999, qui n'a, tous les dieux en soient remerciés, pas eu lieu. Pourtant, les netoyens de longue date continuent de surveiller leurs arrières. Après tout, Internet a subi d'énormes changements dans le monde physique ; personne n'écarte jamais tout à fait la perspective de voir les événements de ce monde affecter Réalité 2.0. Ces derniers temps, la Toile numérique n'est plus ni l'Ouest sauvage qu'elle était autrefois, ni cette Réalité 2.0 que les idéalistes espéraient qu'elle serait. Le langage informatique qui la définissait auparavant a laissé place (encore une fois, grâce en soit rendue à tous les dieux qui existent) à un mélange littéraire hautement visuel basé sur du texte, des images, des liens, des vidéos et des points de référence communs. Mais encore maintenant, il y a un gouffre entre les utilisateurs d'internet et les gens qui vivent vraiment dans une réalité virtuelle. Vous faites sans doute quotidiennement partie de la première catégorie, mais vous ne ferez peut-être jamais partie de la seconde.
Accès interne Toute entité consciente est capable de rêver ; rares sont cependant celles qui peuvent pénétrer de leur propre chef dans la Zone onirique, puis la parcourir à leur guise. La Toile numérique fonctionne de la même façon. Des milliards de gens ont accès tous les jours à l'espace virtuel, via les téléphones et les claviers, mais ils n'entrent pas dans la Toile, ils surfent à sa frontière en effleurent ses fils comme les ailes des insectes déplacent l'air. À la manière des Rêveurs dans le royaume de la magye, les gens affectent pour la plupart la nature de la Réalité dans son ensemble, toutefois ils le font rarement de manière volontaire. Ils se contentent de passer brièvement à travers le monde virtuel, clignotant çà et là tels des lucioles. Si vous voulez vous incarner dans cette région, vous devez vous y envoyer en utilisant l'une des méthodes suivantes : • La visite sensorielle projette une version améliorée de votre conscience dans l'espace virtuel. L'équipement RV vous confère une sorte de présence un peu gauche dans la Toile. C'est sans danger, mais vraiment bizarre. Malgré l'amélioration de cet équipement au cours des dernières décennies, cette méthode revient un peu à jouer au ping-pong avec une combinaison de protection. • L'immersion astrale envoie votre conscience sur la Toile et trompe vos sens par le biais d'une illusion d'espace virtuel. Elle utilise pour l'essentiel une vérité scientifique : tout ce que vous expérimentez est une série d’impulsions électriques envoyées par le biais de vos organes sensoriels jusqu’à votre cerveau et ce dernier les perçoit comme étant la réalité. Grâce à elle, on peut voir la réalité astrale (au moins dans la Toile) sans maîtriser
Chapitre IV : Les mondes au-delà
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Destins futurs : téléphones portables et internet Quand Mage est sorti en 1993, l’internet venait à peine de naître. Son existence n’était connue que d’une petite poignée d’initiés, plus rares encore étaient ceux capables d’y accéder. Il est depuis devenu l’une des pierres angulaires du monde tel que nous le connaissons. Dans ce nouveau millénaire, cet internet connecte le monde des humains d’une façon qui semblait impossible à cette date. En 2013, grâce aux téléphones portables et au réseau sans fil (qui n’existaient ni l’un ni l’autre à l’époque), l’accès au net tient dans la poche, il est devenu nomade. À de rares exceptions près, n’importe qui dans le monde industrialisé peut surfer quand il en a envie. Cela fait une énorme différence pour certains éléments de Mage : l’Ascension. Pour commencer, un monde connecté est plus instruit et il peut accéder à une somme d’informations en théorie infinie ; cette somme d’informations est beaucoup plus importante, juste et précise que dans les années 90… souvent plus amusante aussi. Entre les téléphones portables et les réseaux sociaux en ligne, il y a plus de relations et moins de solitude. Les gens sont capables de comparer leurs notes dans le monde entier, d’organiser des flash mobs, de dénoncer la brutalité policière, de préparer des manifestations et de diffuser l’information, que ce soit sur la corruption politique ou à propos de chats grincheux. Difficile de cacher quoi que ce soit dans ce monde, d’autant que la majorité des gens semblent ne pas le vouloir. Dans une certaine mesure, le rêve des Adeptes du Virtuel est devenu réalité. Cela dit, téléphones portables et internet vulgarisent les choses. Quand tout est accessible, rien n’est plus spécial. En 2014, nombreux sont ceux qui subissent une surcharge d’informations, une trop grande familiarité et une obsession répétitive pour les divertissements en ligne. Ces nouvelles technologies détruisent également les interactions sociales. Vous pouvez avoir des amis en Grèce sans jamais avoir rencontré votre voisin de palier. Si vous habitez dans la partie industrialisée du monde, pas besoin d’être un troll de donjon pour passer la majeure partie de votre vie en ligne. Une impression paradoxale d’isolement connecté transparaît dans beaucoup de couples et les gens se disputent avec de parfaits étrangers tout en ignorant la personne avec laquelle ils vivent. L’indignation personnelle prend le dessus dans les échanges. Le sexisme, le racisme et toutes sortes de caricatures sociales inondent les réseaux sociaux, des formes bizarres de sociopathie intime se manifestent dans la brutalité du monde réel et les « canulars » terroristes. Le monde est au bout du clavier or il semble en même temps vous glisser entre les touches. À qui appartient donc ce monde idéal ? Il est trop imprévisible pour la Technocratie, trop brutal pour les Adeptes du Virtuel, trop insignifiant pour les Fils de l’Éther et trop banal pour la plupart des Éveillés. Il n’en est pas moins magyque à tout point de vue, en tout cas concernant les points de vue qui ont de l’importance. Qui se cache derrière tout ça ? Et est-ce que vous voulez seulement laisser cette merde polluer votre monde de Mage : l’Ascension ? En tant que conteur, vous avez plusieurs options : •V otre histoire se déroule au XXIe siècle, avec internet et la technologie des téléphones mobiles : En adaptant l’influence et les pouvoirs des Adeptes du Virtuel et des autres factions, vous menez votre chronique dans le décor familier du monde toujours connecté. •V otre histoire a pour cadre les années 90, avant que les choses ne prennent leur tournure actuelle : Votre chronique rétro utilise l’internet limité et les technologies de l’ère de « Mage classique ». En fonction de votre chronologie, les choses peuvent ou non devenir ce qu’elles sont aujourd’hui. •V otre histoire se déroule dans un présent alternatif : Comme un film de Tarantino, votre chronique a pour toile de fond un décor mélangeant à votre guise styles et décennies. Le rétro se mêle aux technologies actuelles : les Crips et les Bloods (NDT : deux des gangs les plus importants d’Amérique) ont des pages sur Facebook ; les Nine Inch Nails sont toujours dans le vent question musique, et les gens utilisent des expressions comme « dans le vent » sans se sentir mal. Vous utilisez votre téléphone pour vous envoyer sur la Toile numérique, mais le format de cette Toile est toujours libre. C’est votre chronique. Ajoutez-y internet, les téléphones portables et leur double influence comme vous l’entendez, et de la manière qui vous conviendra le mieux, à vous et votre troupe. Vous trouverez au Chapitre Neuf une large section consacrée à la Toile numérique. Pour plus de détails sur l’internet de la fin des années 90, reportez-vous à la partie intitulée La Toile numérique 2.0.
la projection astrale… ce qui s’avère utile pour les gens qui n’ont ni le temps, ni l’entraînement nécessaire pour parvenir à cette expertise. L’immersion astrale est plus dangereuse que la visite sensorielle, car elle est plus réelle. Toutefois, elle est moins risquée que…
Pour les audacieux, c’est le genre le plus dangereux, car si la visite sensorielle ou l’immersion astrale implique de laisser la viande à la maison, l’immersion holistique emmène le tout, corps et esprit, sur la Toile. Ce qui vous arrive ici vous arrive à tous les niveaux de la Réalité.
• L'immersion holistique, dans laquelle un voyageur se télécharge dans le royaume virtuel sous la forme d'une information vivante. C'est plus facile que ça ne l'a été, mais cela reste une action puissante en termes de technologie magyque.
• L'escalade numérique, un périple laborieux, reste un art que peu de mages apprennent. En grimpant sur la Toile du Motif tissée entre les Mondes mystiques, un voyageur peut entrer physiquement dans la Toile numérique, comme s'il utilisait
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l’immersion holistique, mais sans l’aide d’aucune technologie. Pourtant, et malgré ce confort apparent, c’est une option difficile. Pour commencer, vous devez trouver les Toiles du Motif qui vont vous conduire à la Toile numérique… puis vous devrez pouvoir y grimper. On m’a dit que des loups-garous sont capables de le faire ; or les mages ne sont pas des loups-garous. De courageux chamanes pourraient peut-être accomplir cet exploit, mais il en faudrait un sacrément cinglé et en forme pour oser tenter le coup. Un faux pas, une hésitation, et qui sait où vous pourriez atterrir… ?
Intellects, icônes et avatars
Quand il utilise les modes sensoriel et astral, un visiteur sur la Toile se sert de son esprit, non de son corps, pour obtenir des résultats ; la forme qu'il adopte pour son périple est entièrement faite de conscience, non de matière, la chair ne signifie rien ici. Vous pouvez parfaitement être un troll de donjon ordinaire dans le Frigo à viande et ressembler dans cet espace à la petite sœur encore plus craquante de Milla Jovovich. Dans la Toile, le voyageur adopte le plus souvent l'apparence qu'il désire. Les personnages se rendent physiquement dans l'espace virtuel quand ils se servent de l'immersion holistique et de l'escalade numérique, mais ils utiliseront pour la plupart leur imagination pour modifier leur apparence. En vérité, quiconque se trouve dans l'espace virtuel peut faire la même chose – ici, les corps de chair et de sang aussi sont constitués d'informations qui peuvent être rectifiées. Dans l'absolu, vous êtes capable de modifier complètement votre apparence quand vous êtes sur la Toile. Tout ce dont vous avez besoin, c'est d'un peu d'imagination et – sauf dans le cas de l'escalade numérique – d'un peu de talent en informatique. Les netoyens choisissent des avatars (avec un « a » minuscule), les icônes, et prennent ainsi la forme et le visage qu'ils veulent arborer. Vous pourriez être une version idéalisée de vous-même, un personnage de dessin animé, un nuage de fumée violette, tout ce qui vous plaira. Ça ressemble beaucoup à ces jeux vidéo qui vous permettent de personnaliser votre avatar en fonction de vos goûts… et comme nombre de netoyens de la génération actuelle ont grandi avec, l'immense diversité d'anciennes icônes a, la plupart du temps, cédé la place à une série d'images humanoïdes standardisées semblant tout droit sorties de World of Woecraft, Rock Hero, or Grand Steal Auto. Le graphisme est meilleur aujourd'hui, mais l'imagination a dégringolé au niveau de la cave. Grâce aux immenses plates-formes multijoueurs de jeux en ligne, les gens sont habitués au concept de l'icône. Même les Dormeurs acceptent l'idée de se créer une nouvelle identité et de se faire appeler Elfe sanglant, Tauren ou Panda de guerre qui tue. La puissance de l'identification entre son corps de chair et sa persona virtuelle a permis aux joueurs en ligne de projeter des parties de leur conscience sur la Toile. Grâce à ces médias populaires, il leur est aussi facile de s'imaginer en personnages au sein d'une grande matrice de réalité virtuelle. Par un coup du sort pervers, les jouets technocratiques ont ouvert des portes vers un potentiel magique. Les ordinateurs et l'internet sont devenus des éléments indispensables de la techno-culture, mais cette culture vibre d'idées magiques – et magyques. Je le répète, la Toile numérique est un royaume de pure conscience. L'esprit est l'arme absolue du voyageur. Un tas de muscles sans cervelle est ici un mort en sursis, pour ainsi dire, alors que le souffre-douleur ringard dans son Frigo à viande peut devenir
un Terminator virtuel. Sur la Toile numérique, ce sont l'astuce et l'imagination, non l'agilité et la force, qui font de vous ce que vous êtes. Rien d'étonnant à ce qu'elle soit devenue le monde mystique de prédilection des mages geeks de ces vingt-cinq dernières années !
Toile vierge, formatée et corrompue La Zone Toile numérique est, comme les Trois Mondes, fondamentalement infinie. Tenter de cartographier cette étendue toujours changeante reviendrait à essayer de reporter les motifs laissés par le givre sur une fenêtre au cours d'un hiver – certains restent, d'autres disparaissent et beaucoup se chevauchent pour en former de nouveaux. Cette comparaison fractale est une bonne façon de la décrire ; la Toile est un filet divin cosmique – une sorte de filet d'Indra scintillant où chaque fil reflète les autres, plus qu'une représentation géographique mortelle. Cela dit, le paysage qui s'y déploie adopte trois formes très distinctes : • La Toile vierge n'a pas encore pris forme. Ces zones ressemblent à un amas étrange et fantomatique de spaghettis frétillants ou à une nappe de brouillard codé ; elles reflètent le potentiel de l'espace numérique. Peu importe sa capacité d'expansion, il semble qu'il y ait toujours un territoire vierge à ses frontières. Selon la théorie, de nouveaux utilisateurs créent de nouvelles zones de Toile vierge, car en leur qualité de derniers arrivants, ils n'ont pas encore perçu les possibilités qu'elle offre. Toujours selon cette théorie, la Toile vierge continuera son expansion pour accueillir tous ceux qui se joindront à l'expérience Internet/Toile numérique. Si toutes les personnes vivantes se trouvaient un jour en ligne (un événement extrêmement improbable), la Toile vierge disparaîtrait sans doute. • La Toile formatée jaillit lorsque quelqu'un s'attribue la Toile vierge. Elle tisse son potentiel et lui donne forme, puis se transforme en secteurs (des sites internet, pour l'essentiel) et en conduits – des couloirs et des points de téléportation reliant ces secteurs entre eux. Ces derniers sont libres (on y accède sans restriction) ou interdits (leur accès est fermé, sauf à certains protocoles), et ils sont aussi différents que les gens qui les utilisent. • La Toile corrompue a été dévastée par un désastre ou des abus. De la même manière qu'un disque dur, ces régions ne peuvent pas être reformatées ou utilisées – on ne peut que les éviter, et c'est d'ailleurs aussi une bonne idée. Ce sont des lieux particulièrement dérangeants. Le paysage se déforme ou vacille, ses contours dénaturés formant un cauchemar surréaliste. Les pièces deviennent des labyrinthes tranchants, les conduits des spaghettis de néon. Rien n'est permanent, sûr ou fiable, et si ça peut sembler rigolo de traîner un petit peu là-bas, un secteur corrompu est synonyme de bestioles vicieuses et d'une sérieuse menace de dé-résolution… autrement dit, de mort digitale.
Chapitre IV : Les mondes au-delà
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La mort digitale : la Dé-Res
D'ailleurs, cette mort a tendance à être aussi permanente que votre méthode de voyage. Si vous subissez une Dé-Res pendant une visite sensorielle, vous vous en sortirez avec un mal de crâne et des perceptions perturbées, rien de plus grave. Un visiteur astral subit ces effets, souvent doublés de dommages cérébraux mineurs, de brûlures physiques, ou des deux. Celui qui a opté pour une immersion holistique meurt pour de bon. Plus vous allez loin, plus vous risquez gros. Ainsi, si la Toile numérique vous offre l'occasion de mourir un autre jour, cette mort peut aussi devenir permanente.
Secteurs : Hantises, Contraintes et Réseaux Lorsque des régions formatées ou corrompues deviennent des secteurs (les Royaumes de la Toile numérique), ces derniers prennent différentes formes :
La Toile hantée
Les secteurs les plus redoutables attirent de vrais fantômes dans la machine. Vous trouvez ces spectres dans les lieux corrompus par des Voiles blancs ou des programmes malveillants, là où la Toile chevauche l'Umbra profonde, ou bien à l'endroit d'une mort digitale particulièrement sale… pire, vous pourriez en devenir un vousmême ! Les hantises sont évidentes ; comme les maisons hantées du Frigo à viande, elles produisent des phénomènes fantomatiques, souvent mimés sur un arrière-plan de ruines noyées dans la brume. Ces lieux jouent des tours cruels à votre esprit… et comme la conscience est tout sur la Toile numérique, ces tours peuvent avoir de graves conséquences. Plus effrayants encore, les secteurs suspendus sont des lieux où les bégaiements métaphysiques de données peuvent piéger les voyageurs imprudents et les garder prisonniers, gelés ou vacillants, au cœur de boucles potentiellement infinies. Et puis il y a le Courant, de grandes vagues fractales qui emporteraient les netoyens dans le secteur Poubelle, un enfer virtuel légendaire où règne un chaos de données perdues et de codes cassés. Certains pensent que le Courant et le secteur Poubelle sont une représentation de la damnation d'Alan Turing – le rocher sur lequel le Prométhée de l'espace virtuel est condamné à être dévoré pour l'éternité pour avoir eu l'audace de nous l'ouvrir. D'autres supposent que c'est là que les données vont mourir… et comme tout est information, c'est le sort de toute chose. Et selon une théorie encore plus réjouissante, le secteur Poubelle est le côté dément de la réalité virtuelle, la coquille brisée de sa conscience divine. Ah, ouais, je ne vous ai pas dit ? Selon certaines autres théories, la Toile numérique est vivante… elle se nourrit de nos énergies vitales quand on y passe du temps – ce qui, quand on y réfléchit, expliquerait beaucoup de choses sur l'ère de l'Internet.
Les Secteurs-R
Afin de protéger ce que les netoyens créent dans cette Zone, les Secteurs formatés sont en général restreints – c'est-à-dire ordonnés selon certains protocoles limitant les possibilités à l'intérieur de ce secteur. Ce processus était une pratique répugnante aux yeux de nombreux Adeptes du Virtuel qui prétendaient que les informations nécessaires devaient rester accessibles, en particulier au sein d'un espace de réalité virtuelle. Cette idée a hélas disparu sous les coups du conflit, de la division et des incursions amenés par tous ces foutus
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Dormeurs qui ne pouvaient pas, et ne voulaient pas, suivre le plan. Même les Adeptes les plus idéalistes se sont vite mis à restreindre l'accès des royaumes privés, où seule la crème de leurs membres était admise. Comme d'habitude, je vous présente le nouveau chef, qui est la copie conforme de l'ancien. Pendant un certain temps, les secteurs formatés selon certains protocoles ont été appelés Royaumes restreints : des régions où les visiteurs et leurs activités devaient obéir à une certaine thématique. Ceux qui renâclaient à utiliser le terme « restreints » lui préféraient celui de configuration. Cette expression maladroite a finalement été raccourcie en Secteurs-R, dont la définition correspond désormais à « une zone configurée pour correspondre à une idée donnée ». Et comme presque toutes les zones formatées sont configurées pour correspondre à une idée donnée (et donc, par extension, pour exclure les idées qui ne correspondent pas aux plans de leurs créateurs), le Secteur-R désigne à présent une zone dédiée à un usage précis. N'importe quel type de secteur délibérément formaté par les netoyens est dans l'absolu un Secteur-R. Sous ce gigantesque parapluie, vous avez les SRVRZ, les forteresses hautement restreintes de la Technocratie ; le Libre-espace, ironiquement restreint pour exclure tout le monde, à l'exception des transhumanistes les plus idéalistes ; une multitude de Sauvegardes privées, où les netoyens se rassemblent en groupes exclusifs et construisent de petites pièces de réalité répondant à leurs besoins et à leurs envies ; les Coms (ou Terrains Com), à l'instar du légendaire Trépas de l'Espion, où se mêlent les membres de différentes factions dans une relative sécurité ; et les énormes Secteurs Réseau, où se déroule l'essentiel de l'action, Éveillée ou autre…
Les réseaux
Connus également sous le sobriquet dédaigneux de « parcs à moutons », les Secteurs Réseau sont formatés pour empêcher la majeure partie du trafic internet des Dormeurs de congestionner la Toile numérique en général. À l'origine, ces régions se présentaient souvent sous la forme de quadrillages et de polices de caractères scintillants (d'où l'expression « réseau »), elles ont depuis adopté la texture onirique d'une illustration IPC. Bien qu'un nombre non négligeable d'entre elles – en particulier celles désignant des environnements bureautiques, des informations industrielles, et ainsi de suite – garde cette apparence de quadrillage quand on les voit depuis un espace virtuel, d'autres (en particulier les zones de jeu, les réseaux sociaux et les communautés artistiques) adoptent des décors pour lesquels Hollywood tuerait. Selon la théorie, les gens s'investissent dans la Toile… et donc, les groupes – Dormeurs compris – qui y consacrent beaucoup de temps et d'énergie sont récompensés avec des royaumes encore plus impressionnants. Même aujourd'hui, la plus grande partie des sites web sur l'internet du Frigo à viande sont des secteurs Réseau. Ils peuvent grandir vite, mais leur réalité demeure assez Restreinte. C'est intentionnel. Leurs protocoles d'Interdiction empêchent la majorité des moutons (parfois appelés bêlants) d'aller se balader et de chier partout dans l'espace Web. Les voyageurs Éveillés peuvent eux aller et venir assez facilement, mais seul un Dormeur dévoué à sa tâche (ou chanceux) sera capable de sauter par-dessus la barrière et d'aller faire un tour. En gros, les gens ne savent même pas qu'ils peuvent aller ailleurs ; ils sautent de Réseau en Réseau sans jamais se rendre compte que l'Internet ne se limite pas, loin s'en faut, à la diagonale de leur écran. Malgré l'intention première qui a guidé leur création, les Réseaux constituent la majorité de l'espace partagé sur la Toile numérique. Dormeurs et Éveillés vivent ensemble dans ces régions, et seuls ces
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derniers savent ce qui se passe vraiment. Pour les bêlants du Frigo à viande, ces Réseaux combinent textes et images pour créer une interface informatique. Les visiteurs Éveillés sont eux capables de traverser ces espaces, d'interagir avec les icônes des gens comme s'ils étaient avec eux au même endroit dans la réalité. Les mortels communiquent par l'intermédiaire de claviers et de casques ; pour les mages sur le Web, c'est une Réalité dans tous les sens du terme. Comme je l'ai déjà dit, on peut modifier la géographie virtuelle – aujourd'hui plus que jamais. La plus grande partie des secteurs Réseau inclut cependant différentes sortes de zones, parmi elles : les Zones de guerre, des zones de jeu figurant parmi les communautés les plus larges et les plus élaborées sur la Toile ; le FaceSpace, les Réseaux des différents réseaux sociaux, qui ressemblent à des zones pavillonnaires faites de photographies ; les Wharchives, des bibliothèques colossales dont le contenu change en permanence ; les Chalutiers, de petits bateaux virtuels de téléportation écumant le Web à la recherche d'informations ; les InfoSpaces, où les blogs et les fils d'actualités ressemblent à des prospectus couverts de textes et d'illustrations changeant d'un instant à l'autre, soulevés ici et là par des vents virtuels, agrafés à des messages, ou encore accrochés à l'aide d'une colle « visqueuse » dans d'autres Réseaux ; les Salons et les Galeries Interdites, où des artistes et des blogueurs se rencontrent et partagent en privé leurs travaux ; les Théâtres oniriques, dans lesquels on interprète des souvenirs virtuels à l'attention de publics enthousiastes (et souvent odieux) ; les Chambres d’écho, où les gens prêchent juchés sur des boîtes à savon virtuelles et sont balayés par de grandes vagues d'hystérie ; les Zones de plaisir, royaumes de la ringardise sexuelle dans lesquels il y en a vraiment pour tous les goûts ; et bien d'autres choses encore. Tous ces Réseaux étincellent d'espaces publicitaires, des flammes de la guerre et de la lueur vacillante de l'égoïsme mortel, le tout à une échelle tout aussi démesurée que déconnectée.
Icon-orgasme
Les visiteurs « endormis » peuvent fort bien passer les meilleures années de leur vie sur les Réseaux. Incarnés en icônes fantomatiques à la voix synthétique, ils y dérivent et agissent telles les ombres chinoises de l'expérience humaine. Le discours est en général haché, laborieux ou outrageusement éloquent, selon la vitesse de frappe et les talents d'écrivain de la personne qui se cache derrière. Ils sont
assez souvent un rappel irritant et égocentrique de notre éloignement de l'Utopie globale. Il y a des années de cela, nombre d'Adeptes du Virtuel prétendaient que Réalité 2.0 élèverait l'animal humain. Si les Réseaux viennent parfois appuyer cette théorie, il est assez difficile d'en trouver confirmation. Vous serez bien sûr témoins d'actes de gentillesse et d'affection, mais la STUPIDITÉ VOCIFÉRANTE TOUT EN MAJUSCULES d'un bon paquet de moutons vous fera vite déchanter. Et pourtant, tout comme dans le royaume mortel, il y a toujours de l'espoir. Pour chaque connard raciste et homophobe dans les Chambres d'écho, il existe une association caritative et d'entraide, des icônes pour faire des câlins et de vieux amis réunis par la magie du Web. Vous verrez la rédemption, l'illumination, des gens qui nouent des relations, sexuelles ou autres, parce qu'ils partagent des intérêts ou des idées. Les Secteurs Réseau sont la preuve cacophonique que les humains oscillent entre anges, singes et trous du cul. On est sans doute bien loin de la perfection, mais il est encore trop tôt pour baisser les bras. Les visiteurs Éveillés possèdent des icônes saisissantes, aux voix et aux comportements presque humains. Grâce à l'immersion astrale, vous vivrez l'expérience la plus versatile, alors que l'immersion holistique et l'escalade numérique vous confèrent les icônes les plus palpables. La visite sensorielle crée une icône vaporeuse et, malgré tout, plus tangible que celle d'un Dormeur sur le Réseau. Il leur faut parfois quelques instants, mais les Éveillés parviennent souvent à reconnaître la nature, à défaut de l'identité, de leurs semblables sur la Toile. L'identité est d'ailleurs un concept compliqué dans cet espace. On l’a vu, les gens projettent ici des aspects de leur soi terrestre qui peuvent néanmoins se révéler trompeurs. Une icône peut ne rien avoir en commun avec l'aspect physique de cette personne. Les netoyens doués adoptent la forme qu'ils souhaitent et ce quelle qu'elle soit. Vous pouvez la plupart du temps deviner beaucoup de choses sur quelqu'un dans le Frigo à viande, simplement à la manière dont il se comporte. Après tout, les apparences ne sont pas tout. Sur la Toile numérique toutefois, l'identité est une chose fluide et souvent imprévisible. Cette Zone inflige de cuisantes leçons sur la nature trompeuse de la réalité, et ce tout autant aux bêlants qu'aux netoyens Éveillés.
L’Horizon
I
l existe une ligne de démarcation entre ce que nous savons être la réalité et la Réalité plus vaste au-delà de notre monde. Cette ligne est souvent appelée l’Horizon. Cette membrane métaphysique entoure les nombreuses couches de notre Terre et présente un second Goulet, plus étroit, séparant notre monde de l'espace lointain… elle protège aussi probablement l'espace contre nous. Contrairement au Goulet terrestre, et à moins d'être assez doué et puissant pour essayer, il vous est impossible de traverser ce mur. Les maîtres astraux sont capables de projeter leur conscience au-delà de cette ligne, et les voyageurs chanceux peuvent la franchir en volant grâce aux ancrages. Les amateurs de technologie sautent dans les fusées qui jaillissent de l'atmosphère de la planète, et les autres chanceux
(ou malchanceux) utilisent les portails pour atteindre l'Horizon et aller au-delà. Du point de vue métaphysique, l'Horizon est un mur titanesque entourant les Mondes mystiques – une ombre de la frontière de l'atmosphère matérielle de la Terre. Plus l'air se raréfie, plus la barrière spirituelle s’épaissit. Il apparaît dans l'Umbra moyenne sous la forme d'un arc-en-ciel solaire ou lunaire, et dans l'Umbra supérieure, il prend l'apparence des nuages au sommet des Pinacles. Appelé la Coquille onirique, il entoure les rêves de l'humanité et nous protège peut-être des songes du Vide. Parce que, voyez-vous, le Vide rêve. Par « Vide », je n'entends pas le Vide intérieur de l'Outremonde, là où les âmes sont recyclées (même si ça rêve probablement aussi), je me réfère au Grand Vide de l'espace lointain, à ces confins insondables qui chamboulent toute compréhension. Tout au long de l'histoire humaine, il a été le lieu où nous ne pouvions aller – la Voûte des Cieux, le Firmament. Ces
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Destins futurs : les guerres de l’Horizon, Doissetep et la Tempête Comme nous l’avons déjà dit, la méta-intrigue de Mage présente plusieurs événements cataclysmiques. À la fin des années 90, la croisade du Guerrier de l’Ascension a réuni la destruction de Doissetep, la dévastation de plusieurs autres Royaumes et une attaque massive sur la forteresse de la Tradition appelée Horizon. Le désastre technocratique dans l’Outremonde s’en est suivi, il en a peut-être été le point culminant. Après la Tempête d’Avatar qui en a résulté, la majeure partie des Royaumes de l’Horizon étaient soit totalement détruits, soit séparés de la Terre et condamnés à dériver pour toujours dans l’espace lointain. En fonction de vos desiderata et de ceux de votre troupe : • L es Royaumes de l’Horizon appartiennent au passé : il en existe encore quelques-uns, mais la majorité d’entre eux a disparu. Des Royaumes fantomatiques flottent dans l’Éther et ne sont plus que des extensions éphémères de leurs formes originelles. Même la Technocratie a été coupée de ses constructions extraterrestres, cette déconnexion a d’ailleurs provoqué de profonds changements au sein de l’Union. Pour plus de détails, référez-vous au Chapitre Cinq, à sa partie intitulée L’Union technocratique, ainsi qu’aux Livres des Conventions de Mage 3e édition traitant des cinq groupes de la Technocratie. • L es Royaumes mystiques ont été attaqués, mais s’en sont remis : en dépit de quelques méchantes batailles, la plupart d’entre eux ont survécu et prospéré, d’autres sont apparus. Les mages ont peut-être fui le Consensus terrestre (comme cela a été décrit dans Mage 1re édition) et se sont installés dans une multitude de Royaumes, loin des persécutions de la Technocratie. •N e tenez pas compte de la méta-intrigue : quel Guerrier de l’Ascension ? Une tempête de quoi ? Vous pouvez mettre autant de Royaumes que vous le voulez dans l’Horizon, ce sans vous soucier de la méta-intrigue. Si ça se trouve, Doissetep est encore bien là et l’Horizon est toujours un abri sûr pour les mages des Traditions, où qu’ils soient. Le destin de ces mondes est celui que vous voulez leur donner. Pour plus de détails, certes relativement datés, sur les Royaumes de l’Horizon, référez-vous aux ouvrages suivants : Le Livre des Fondations, Horizon : Stronghold of Hope, Beyond the Barriers : The Book of Worlds (chapitre quatre), The Infinite Tapestry et le supplément de contexte Castles and Convenants de la gamme Mage : The Sorcerers Crusade.
dernières années cela dit, les êtres humains n'ont pas simplement observé ou théorisé les mystères de l'espace – nous les avons percés. Et dans nos songes comme dans nos cauchemars, cet espace vient aussi nous rendre visite.
Ce traître de Copernic ?
D'où vient l'Horizon ? A-t-il toujours été là ou nos rêves l'ont-ils incarné ? C'est, comme de nombreuses énigmes, sujet à débat. Certains mythes prétendent que toutes les choses ne faisaient qu'un, mais qu'elles ont été éparpillées par quelque monumental péché. D'autres religions insistent sur le fait que le cosmos est arrivé en un seul claquement de tonnerre divin – une explosion de Dieu devenu Multitude et répandant les fragments de Sa Majestueuse Présence. Nous avons des Big Bang scientifiques et théologiques. Ce que nous n’avons pas, ce sont des réponses définitives… si tant est que de telles réponses soient possibles dans un cosmos subjectif. Il existe une vieille croyance parmi certains mages mystiques, selon laquelle la Terre était autrefois le centre de l'Univers. En ce temps, dit-on, l'Horizon était faible ou n'existait pas. Les différentes planètes n'étaient que des ombres dans le ciel – des Royaumes du Fragment et des Royaumes de l’Ombre abandonnés dans le sillage d'un cataclysme cosmique. Ce mythe résonne toujours dans les noms que les mages des Traditions utilisent pour décrire le paradis. Selon la légende, les mages pouvaient passer de la Terre à l'espace lointain sur des Voiliers célestes, se faire pousser des ailes pour voler vers Mars ou ailleurs. Ce que nous appelons espace était limité, entourait la Terre comme une couverture ou une coquille. Et puis, à la Renaissance, les astronomes comme Copernic – dont on dit qu'il aurait été mage – ont prétendu que cette impression était arriérée. Nous n'étions
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qu'une chiure de mouche dans un Vide infini, un point de lumière fragile dans une mer de ténèbres éternelles. On dit que c'est cette affirmation qui a provoqué l'apparition de l'Horizon. En ce qui me concerne, je pense que ça n'a aucun sens. Pour commencer, Copernic et ses pairs n'ont pas changé les croyances humaines d'un trait de plume. Il a fallu des siècles à ce que nous appelons « la vision scientifique du monde » pour essaimer à travers l'humanité… et il y a encore des coins où elle n'est toujours pas la plus répandue. Ensuite, le concept de la Terre dans l'espace existe depuis des milliers d'années. Les Mayas, les Babyloniens, les Grecs de l'Antiquité, d'autres cultures encore, ont émis des hypothèses sur les confins infinis de l'espace, et ce bien avant que Copernic n'énonce ses théories. L'astronomie a globalement toujours été tournée vers l’extérieur, non vers l’intérieur, de la gravité terrestre. Néanmoins, quelque chose a radicalement changé au cours de la Renaissance. La voix plus forte de la science a au moins renversé l'équilibre des croyances. Selon les légendes de cette époque, les mages naviguaient dans le Vide et y respiraient presque aussi aisément que sur Terre. Bien sûr, on suppose aujourd'hui que c'est impossible. Les Ingénieurs du Vide de la Technocratie – qui tirent leur nom de cet espace infini – revêtent des combinaisons et des armures épaisses. Et à côté de ça, on aperçoit parfois des Maraudeurs et des troupes de choc de Nephandi sans rien de plus sur le corps qu’un peu de peinture, et sur la figure une grimace démente. Est-ce leur folie qui les protège… ou est-ce que les soldats de l'espace sont tous cinglés ? Je n'y suis pas encore allé, je ne suis donc sûr de rien. Là encore, notre Horizon est un point de départ. Une fois qu'on l'a franchi, les vieilles règles ne s'appliquent plus.
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Les Royaumes de l’Horizon Au cœur de l'Horizon, taillés dans sa coquille métaphysique, voici les légendaires Royaumes de l’Horizon. Créés par de puissantes magyes (ou une technologie avancée, c'est vous qui voyez), ces mondes de poche existent pour répondre à des désirs précis, tout comme les Secteurs-R. Leurs créateurs retissent la Tapisserie de manière fondamentale, modifiant ce qui est possible et ce qui ne l'est pas jusqu'à ce que la réalité concorde avec leurs souhaits. Je serais incapable de vous dire quand ou comment le premier Royaume de l'Horizon a été créé. Personne ne le sait vraiment. J'ai entendu des théories selon lesquelles les grottes de Lascaux s'étendraient dans les Mondes mystiques et auraient façonné le Royaume humain originel. J'ai aussi entendu dire que les Pyramides, les Jardins suspendus de Babylone, la Tour de Babel, le temple de Salomon et la Cour de l'Empereur Jaune seraient construits dans des Royaumes de l'Horizon, ou bien s'étendraient jusqu'à eux. Les catacombes européennes les atteignent certainement ; le Vatican est aussi lié à au moins l'une d'entre elles, tout comme le Taj Mahal, la Cité interdite, la Tour de Londres et – du moins c'est ce qu'on m'a raconté – la gare de Grand Central Station de New-York. On dit que cela avait aussi été le cas pour le World Trade Center, ce qui
expliquerait les étranges motifs de son effondrement. Ces Royaumes peuvent même être liés à des ancres mobiles sur Terre. J'ai entendu parler de fourgons, de trains et d'un ou deux bus magiques qui s'ouvraient dans des Royaumes de poche, créés selon les indications de leurs propriétaires.
Nodes, portails et aspects terrestres
Chaque Royaume – ou, d'après le vocable technocratique, Canevas de l'Horizon – doit être créé avec de puissants effets magyques, alimenté par de la Quintessence, lié à une Node et connecté au plan mortel par des portails pan-dimensionnels et des ancres terrestres, ou aspects. Ces aspects donnent des indices sur le Royaume auquel ils sont reliés – murs de pierre, sceaux mystiques, laboratoires stériles, ce genre de choses – et l'enracinent littéralement. Sans ces éléments, il se replie rapidement sur lui-même ou finit par se détacher de la Terre pour aller dériver dans l'espace lointain… un destin terrible qui a paraît-il été celui de nombreux Royaumes au tournant du millénaire. Ils étaient des dizaines, peut-être des centaines. La Guerre de l'Ascension, l'opinion générale et le simple besoin d'avoir un espace sûr dans un monde en expansion permanente, ont poussé des mages de toutes origines à créer des domaines qui répondaient à leurs besoins. Ils ne tardèrent pas à découvrir pourtant que c'étaient des endroits dangereux. Plus vous vous isolez, moins vous prévoyez de portes pour entrer et sortir de chez vous, plus il est facile de vous détacher. C'est exactement ce qui s'est produit pour certains Royaumes de l'Horizon.
Chapitre IV : Les mondes au-delà
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Les Royaumes fantômes
Pendant les bastons qui ont eu lieu il y a quelques années, nombre de portails se sont violemment refermés. Les nodes ont été conquis ou détruits, les liens terrestres des Royaumes de l'Horizon tranchés. Cela s'est révélé catastrophique pour leurs habitants. Les plus chanceux sont parvenus à s'échapper et ont rapporté des histoires cauchemardesques de lieux qui se sont effondrés, ont englouti tout et tout le monde et ont expédié l'ensemble vers un destin inconnu, mais clairement douloureux. Certains sont devenus ces Royaumes fantômes dont je parlais plus tôt, des reflets spectraux remplis d'esprits Désincarnés qui pensent au fond être toujours en vie. Je suppose que les plus malchanceux ont péri ou atterri dans une dimension que nous devons encore découvrir. Les résultats de cette catastrophe ont changé la donne dans la Guerre de l'Ascension… et, chose plus essentielle, nous ont montré le prix réel de nos actions. Être un Éveillé, c'est tout risquer pour entrapercevoir les miracles que l'on peut accomplir soi-même. Parfois, sans l'avoir voulu, ou si peu, nous sommes engloutis par des forces que nous ne pouvons contrôler.
R.O. : les Royaumes de l’Ombre Les Royaumes de l’Ombre, autrefois appelés Vadas, sont projetés sur l'Horizon par la lumière physique et métaphysique du soleil. On y devine d'étranges vortex d'énergie qui, d'après les rumeurs, contiendraient l'essence des neuf Sphères magyques. Ils se situent dans ce qu'on pourrait considérer comme les Umbrae des différentes planètes – et qui, par quelque étrangeté céleste, se manifestent en général sur l'Horizon de notre propre monde. On désigne souvent ces Royaumes par l'abréviation R.O., suivie de la Sphère qui leur est associée. Selon la cosmologie des Traditions, les planètes de notre système solaire sont associées à des dieux, des énergies, des phénomènes terrestres et des Sphères magyques. La science essaie bien sûr de faire disparaître ces associations et de les remplacer par des mesures spatiales, froides et mortes. Or même ainsi, il est impossible de ne pas ressentir de l'émerveillement face à cette stupéfiante démonstration de puissance planétaire. Les scientifiques auront beau effacer Pluton de la liste des corps célestes, l'extraordinaire essence du R.O. de l'Entropie se drapera toujours dans sa cape d'ombre… ou du moins, c'est ce que disent les gens. Les Euthanatoï ont scellé l'accès à ce Royaume il y a déjà longtemps, et l'on raconte que leur Tradition contrôle toujours les rares portails qui permettent d'y entrer… ce qui, bien sûr, pourrait expliquer pourquoi ces scientifiques veulent rayer Pluton de la liste ! Tout comme pour les Royaumes de l'Horizon, on ne peut se rendre dans ces régions qu'en empruntant des portails directs ou en passant par l'Umbra. Plusieurs d'entre eux, comme le R.O. de la Correspondance, ne sont pas accessibles du tout par la Terre, mais un voyageur têtu pourra toujours se rendre dans des Royaumes mineurs – leurs lunes, pour l'essentiel. Les Royaumes d'Ombre se manifestent sous la forme de passages naturels à la limite de l'Horizon, bouillonnant des énergies qui leur sont associées. Certains (plus précisément les R.O. de la Vie et des Forces) sont depuis longtemps des champs de bataille de prédilection dans la Guerre de l'Ascension. L'incendie de Doissetep a déclenché une guerre dans ses ruines et amené des mages de toutes origines dans le domaine agité du R.O. des Forces. De tels conflits exigent néanmoins de chaque partie des ressources
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
Royaume du Fragment / Planète
Royaume d’ombre (R.O.)
Sol
Infini
Mercure
Correspondance
Vénus
Vie
Terre & Luna
Prime
Mars
Forces
Jupiter
Matière
Saturne
Temps
Uranus
Esprit (également considéré à l'origine comme le Royaume de la Psyché)
Neptune
Psyché
Pluton
Entropie
Pour plus de détails sur chacun de ces lieux, référezvous aux suppléments intitulés Beyond the Barriers : The Book of Worlds (chapitre 5) et The Infinite Tapestry (chapitre 4).
conséquentes ; ils ne durent donc pas très longtemps. Les quelques mages qui se lancent dans ce genre d'aventures sont courageux, puissants, et souvent complètement cinglés. Les rancœurs, l'envie, la curiosité et l'ennui aiguillonnent ces risque-tout, aussi, rares sont ceux qui rentrent sur Terre en un seul morceau. S'ils rentrent tout court. Les Royaumes d'Ombre sont comme ceux de l'Horizon, ils flamboient et frémissent des énergies qui leur sont associées. Le R.O. des Forces est une immense tempête éternelle, dans laquelle sont éparpillés quelques minuscules îlots de calme temporaire ; le R.O. de la Vie abrite un écosystème primaire qui ferait passer la Terre Creuse pour un potager ; il y a sur le R.O. de la Correspondance plus de dimensions et de perspectives que Picasso n'en aurait vu s'il avait été sous acide. Le R.O. du Temps est extrêmement dangereux, puisqu'un simple déplacement déclenche distorsion temporelle et voyage incontrôlé dans le temps. Dans le R.O. de la Psyché, les expériences vécues par un voyageur dépendent entièrement de ce qu'il s'attend à voir, tandis que le R.O. de l'Esprit ôte aux illusions la division mortel/spirituel et permet au mage de parler face à face avec son Avatar. On pense que le R.O. de la Matière est la Terre Creuse elle-même (ou peut-être une série de Terres Creuses reliées entre elles), et que le R.O. de l'Entropie montre les grands desseins de la mortalité, et remonte peut-être directement jusqu'à l'Outremonde. La nature répétitive de ces régions, et celle particulièrement subjective de leurs environnements, démontrent toutes deux qu'il est stupide de penser trop littéralement en termes de paysages ou de géographie quand on parle des Mondes mystiques !
Le Second Horizon et l’Éther Certains cosmologues insistent sur l'existence d'un second Horizon – un Véritable Horizon – situé au-delà de la lune et de Mars, dans la Ceinture d'astéroïdes de ce système solaire. Une Umbra cosmique
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souvent appelée Éther, située entre ces deux Horizons, s'étendrait vers les étoiles. Dans ce lieu, un voyageur pourrait passer du vide pur et dur de l'espace scientifique à l'étrange étendue de l'espace spirituel, où les lois de la légende prévalent encore. Au-delà de notre Horizon, la réalité telle que nous la connaissons est bien plus fluide qu'elle ne l'a jamais été sur Terre. Les principes de la magye, de la foi et de la science sont perpétuellement en mouvement. Bon d'accord, nous avons le vide sans oxygène de l'espace, mais comme je l'ai déjà dit, certains mages survivent très bien sans équipement. On raconte qu'autrefois, des vaisseaux volants se livraient à d'étranges guerres et voguaient jusqu'à de lointaines planètes dans ce qu'on appelait le Vide du paradis. À l'époque de la vapeur, les Éthéristes maîtrisant le voyage stellaire sont allés dans l'Éther. Ils ont établi des colonies sur Mars et Luna, et découvert les civilisations d'autres êtres qui auraient tout aussi bien pu être le fruit de leur propre imagination. (Il y a après tout différents types de Martiens – monstres aux yeux insectoïdes, horreurs tentaculaires, beautés nues à la peau rouge, et ainsi de suite – et qui va aller vérifier que ces entités existent pour ce qu'elles sont, ou qu'elles sont là parce que quelqu'un s’attendait à ce qu'elles soient là… ?) Plus récemment, les Ingénieurs du Vides, les Éthéristes et certains explorateurs occasionnels se sont à l'occasion livrés à des batailles bizarres dans cet espace changeant. Le vide entre les étoiles grouillait de navires éthérés et de vaisseaux-fusées, tout droit sortis de romans de science-fiction. Encore une fois cependant, cette folle époque a pris fin quand les Rafales d'Avatar ont commencé à souffler et que le périple au-delà de notre Goulet est devenu plus dangereux. Étant donné la distance qui séparait les différentes destinations et le risque de Désincarnation, rares sont les voyageurs à avoir osé se lancer à nouveau dans cette course. On suppose que des bateaux fantômes fendent toujours l'Éther, rejouant les batailles cosmiques qui les ont opposés ou voguant entre les colonies peuplées de spectres. Si ces rumeurs se confirment, l'idée de fantôme spatial prend soudain un tout autre sens, étrange et inquiétant… Pour franchir ce second Horizon, vous aurez besoin de trouver des ancrages éthérés, des tourbillons d'énergie magiques qui flamboient et s'estompent de ci, de là aux confins de l'Éther. Tout comme les ancrages mineurs de l'Horizon terrestre, ces nuages agités peuvent emporter un voyageur de l'autre côté de la barrière. Mais dans ce cas précis, tous les ancrages connus sont gardés par de puissantes entités qui défient, et souvent détruisent, les intrus mortels. Ce sont des créatures très territoriales, que l'on se doit d'embobiner, d'apaiser ou de vaincre d'une manière ou d'une autre avant de pouvoir s'aventurer dans l'espace lointain. On dit qu'elles étaient auparavant des Maîtres mages, voire les légendaires Oracles, et que leurs pouvoirs et leurs connaissances étaient devenus trop phénoménaux pour que la Terre puisse les contenir. Aujourd'hui toutefois, ils apparaissent souvent comme des dieux déments qui, tels des Cerbères cosmiques, protègent leurs ancrages et mordent les audacieux s'aventurant sur leurs domaines. Si telle est leur origine, alors l'Ascension n'est peutêtre qu'une plaisanterie ésotérique. Il n'y a absolument rien d'illuminé dans ces monstres !
Oh, et en parlant de blagues, en voilà une sur la Technocratie : la théorie de l'Éther a prétendument été réfutée par le consensus scientifique de la fin du siècle dernier, c'est la raison pour laquelle les Éthéristes ont quitté l'Ordre de la Raison. Or aujourd'hui, une nouvelle théorie avance que l'univers est constitué d'un superfluide dont la viscosité serait proche de zéro. Et bien que personne ne l'appelle encore officiellement Éther, le pétard de la Technocratie pourrait bien lui exploser à la figure. La Création a vraiment de drôles de façons de faire.
Les Royaumes du Fragment : éclats de la Genèse Les récits, autant profanes que sacrés, de la Genèse évoquent un Big Bang qui a engendré l'univers. Selon certaines cosmologies, les Royaumes du Fragment – qui pour nous sont les planètes de notre système solaire – étaient des débris de matière métaphysique particulièrement significatifs. Collant aux principes mystiques, ces Fragmenti étaient considérés comme les royaumes des anciens dieux : Jupiter, Mars, Mercure et ainsi de suite. Nous pouvons voir leur influence dans les énigmes quotidiennes de l'astrologie et du zodiaque, par lesquelles nous sommes les « enfants de Mars », ou « nés sous Mercure ». Pour les voyageurs des Mondes mystiques, les planètes sont des énigmes de la révolution scientifique. D'après les archives des explorateurs éthéristes, elles étaient, jusqu'à une époque récente, des mondes à part entière, pourvues d'une atmosphère respirable et d'une vie indigène. Mais à présent, la froide poigne de la sagesse technocrate les a réduites à l'état de chaudrons protoplasmiques et de pierres glacées tournant sur elles-mêmes. Certains Éthéristes suggèrent que les mages qui refusent de laisser de telles choses se produire sont les seuls à se dresser entre les merveilles de la Terre et un destin similaire. J'ignore jusqu'à quel point cette assertion est vraie, mais l'idée vaut la peine d'être examinée. Peu importe que les aventures légendaires sur Mercure et Mars se soient vraiment déroulées sur les planètes éponymes ou dans le Royaume du Fragment de l'Umbra qui en est le reflet. Il est vrai que les mages modernes voyagent parfois plus loin que ce que les scientifiques terriens voudraient nous faire croire. À l'heure actuelle, les Fragments sont plus ou moins « morts » d'après les estimations humaines ; si le grand dieu Mars habite toujours sur cette boule de pierre rouge, il se cache bien. Pourtant, les Éthéristes et les Ingénieurs du Vide envoient des vaisseaux spatiaux vers les différentes planètes et leurs lunes. Ils découvrent de temps en temps à leur surface voiliers célestes et autres mystères. Même si les phénomènes magyques les plus évidents semblent se cantonner aux Royaumes du Fragment… du moins pour l'instant… il y a clairement plus d'histoire mystique à travers notre système solaire que ce qu'on pourrait imaginer.
Chapitre IV : Les mondes au-delà
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L’espace : l’univers lointain
A
u-delà de la ceinture d'astéroïdes et de son véritable Horizon, l'Umbra profonde (ou Univers lointain) est le terrain de jeu des plus puissants Maraudeurs et Nephandi – des mages trop instables pour les limites terrestres. On raconte que les Traditions et la Technocratie ont joint leurs forces pendant et après la Seconde guerre mondiale afin de chasser ces créatures démentes au-delà de l'Horizon. Les récits disent ensuite que ces factions ont épaissi l'un des Horizons, ou les deux, afin de garder les Fous, les Déchus et leurs diverses horreurs cosmiques loin de l'autre côté de la barrière. Si c’est exact, l'Horizon terrestre est une bien mauvaise protection – un sorcier puissant peut la contourner sans mal. De plus, cette histoire présente dans sa logique un autre défaut majeur : si l'Horizon est supposé confiner ces sinistres titans dans l'espace lointain, pourquoi tant de Technocrates et d'Éthéristes veulent-ils quitter la Terre et s'aventurer dans ces ténèbres ? Parce que, en effet, il y a des entités démoniaques là-bas, dans le Vide des Cieux. Leur nombre reste encore à déterminer. Il y a dans les mers les plus profondes plus de créatures que ne pourrait en supporter la terre ferme, et c'est pareil pour l'Umbra profonde : certains de ses habitants grignoteraient Godzilla pour leur quatreheures. Le Corps pan-dimensionnel des Ingénieurs du Vide se charge de ce genre de menace, mais leurs archives sont au mieux incomplètes. La terreur ancestrale d'une invasion extraterrestre est apparemment fondée, et même si Éthéristes et Ingénieurs du Vide sont toujours autant rivaux dans l'espace, il leur arrive de s'épauler et de coopérer face à des menaces communes. Alors pour commencer, pourquoi s'obstiner à aller là-bas ? Parce que le Paradoxe, le fléau de la magye sur Terre, n'existe pas du tout dans l'espace. Un mage assez puissant pour voler à poil dans le vide
spatial en pétant des boules de feu peut le faire sans que la Réalité lui colle une raclée la semaine suivante. La différence entre « espace réel » et « espace umbral » devient plus ténue au-delà de l'Horizon. Science et magye semblent tout autant possibles dans le Vide. Cette ambiguïté métaphysique fait de l'Umbra profonde le terrain de jeu naturel des Fous, qui sont assez cinglés pour créer leurs propres bulles d'espace. Les mages puissants sont capables de construire de majestueuses forteresses sur des astéroïdes et des planètes reculés, et ils le font. Ils utilisent des sources cosmiques de Quintessence extraterrestre pour accomplir des exploits impossibles sur Terre. On dit qu'il existe des forteresses nephandi aux dimensions cyclopéennes sur des lunes et des systèmes solaires lointains. Pour des raisons évidentes, l'Umbra profonde semble être une destination tentante pour les mages qui voudraient refaçonner la Réalité à leur image. Une chose est sûre : la plupart des mages ne peuvent pas survivre dans cet environnement. Balancez n'importe quel Technocrate – et, dans ce cas précis, presque n'importe qui – par un sas dans l'espace, et il est mort. Au moins, sa propre foi le tuera. Les voyageurs moins endoctrinés par la vision scientifique de l'espace ont plus de chances de survivre dans cette situation, mais même les agents de la Volonté les plus primitifs doivent toujours manger et boire… et on ne trouve pas vraiment ce genre de ressources n'importe où dans le Vide. Sans un vaisseau spatial ou un portail, il faudrait des siècles à un aventurier pour aller d'un endroit à un autre. La simple uniformité le rendrait probablement fou. Considérez l'espace comme un désert infini, où s'étirerait un néant épique, et dont la monotonie abrutissante serait parfois rompue par une oasis solitaire. Quand vous aurez réalisé à quel point cette Umbra profonde est véritablement vaste, vous comprendrez pourquoi il est étonnant que quelqu'un en revienne tout court.
Retour sur l’expérience intérieure
L
'espace lointain est censé revenir vers le royaume terrestre. J'ai entendu dire que des voyageurs dans l'Umbra ont parfois atterri dans les coins les plus sombres de nos océans, que les explorateurs des abysses ont découvert des portails menant dans l'espace. Encore une fois, des anomalies répétitives dans l'univers relient « là-bas » à « là-dedans ». Tous les lieux sont peut-être vraiment un seul et même endroit, comme le prétendent les Maîtres de la Correspondance. La distance qui les sépare n'est qu'une simple illusion que nous pouvons transcender quand nous apprenons à oublier tout ce que nous pensions connaître. Songez simplement à cela : en ce moment, vous pourriez être dans un parc ou assis dans une pièce, tandis que votre esprit vagabonderait dans l'univers. Mes paroles pourraient vous parvenir à travers l'immensité de l'espace et du temps… et pourtant, pendant au moins un instant, nous occuperions un espace et un temps identiques. Quand nous partageons nos visions de ce que la magye, notre
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
monde, le potentiel humain, pourraient être, et quand nous nous projetons au-delà de ce que nous pensons connaître, nous pouvons passer l'éternité sans faire un seul pas. Et ça, ami voyageur, c'est la plus grande magye qui soit.
Microcosme, macrocosme
Dans ce vieux concept, les petites choses symbolisent les grandes choses et vice versa. Le corps humain est un reflet de l'univers ; on trouve l'univers dans les cellules de l'extrémité d'un doigt. Selon la Kabbale du mysticisme juif, la Présence divine s'est fragmentée à l'infini en un éclair titanesque qui a engendré l'univers. Si vous voulez appeler cette Présence Dieu, ça vous regarde ; il paraît qu'il y a de nombreux dieux, un seul dieu, et pas de dieu du tout. Peu importe le credo que vous choisissez, il dit que l'existence reste liée à cette source cosmique originelle… ainsi, dans ce sens, il n’y a toujours qu'une seule et même chose. Selon la théorie scientifique, nous sommes le résultat d'un Big Bang – une explosion cosmique qui rappelle fondamentalement cet éclair de la Kabbale. D'après cette explication, nous sommes tous
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poussière d'étoiles, comme dit la chanson. L'espace lointain est alors aussi l'espace intérieur. Le Vide devient l'Océan, qui devient les molécules dont nous sommes faits. Dans l'espace, le périple d'un millier d'années peut se dérouler en un instant sans que nous n’ayons à bouger un cil. Dans cette vie, il est aisé de se perdre – de s'aventurer dans les ombres à la recherche de la Vérité. Et plus vous êtes Éveillé, plus il vous est facile de vous perdre. Bien sûr, c'est dangereux… mais comme souvent, ce danger est aussi magnifique. Et si vous vous souvenez du microcosme et du macrocosme, vous n'oublierez pas de garder la carte de vos voyages enfouie au plus profond de vous. Je ne peux pas vous garantir un passage sûr ou une fin heureuse – merde,
tout le monde meurt à la fin – mais je peux vous promettre une chose : si vous le voulez, les miracles et les aventures sont à portée de la main… aussi proches que les cellules de peau qui se trouvent sur la vôtre. Vraiment. Alors quand vous franchirez la porte menant à ce monde étrange qu’est le nôtre, gardez les yeux ouverts et l'esprit vif. Souvenez-vous des liens qui vous unissent au monde autour de vous. Comme le disait Walt Whitman, vous êtes infini. Vous contenez des multitudes. Regarder dans le miroir, c'est plonger dans l'infini ; voir vos semblables, dans tout leur vaste potentiel, c'est contempler le visage vivant de Dieu.
Chapitre IV : Les mondes au-delà
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LIVRE II : CROYANCE Plus nous en voyons, plus nous pensons en savoir. — Porthos Fitz-Empress, La Voie Fragile
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Chapitre V Les Guerriers de l’Ascension Alors qu’il pénétrait dans la caverne, ils entendirent une voix émanant de l’intérieur : « Voici l’homme qui ébranla la terre et fit trembler les royaumes ! » – Daniel C. Matt, « The Wedding Celebration » [La cérémonie de mariage] in The Essential Kabbalah [L’essentiel de la Kabbale]
Dix d’Épées Associations : la libération ; le sacrifice ; la paralysie ; la résolution d’un problème ; récompense et punition ; les fins et les débuts ; le lâcher prise… Bon, ÇA, ça craint. Le DR avec qui je me colletais n’est plus qu’une tache de graisse par terre. Mais il m’a collé plusieurs beaux uppercuts griffus et les renforts sont apparemment coincés dans les embouteillages. Il y a des jours comme ça où je bénis l’adrénaline. L’effet du choc ne s’est pas encore fait ressentir, mais quand ce sera le cas, il y a toutes les chances pour que je me retrouve au tapis. Quelques côtes cassées, c’est certain. J’en vois même une pointer à travers ma chemise. Je pisse le sang comme c’est pas permis. Pas étonnant qu’on soit toujours en noir. Le sang se voit beaucoup moins sur le noir. Mon bras droit ne fonctionne plus qu’à 26 %. Le reste de mon équipe est à terre. Sous forme de flaques, plutôt. Débiles, ces loups-garous. Pas foutus de se battre discrètement, et celui-là était bien prêt à nous recevoir. Où sont les renforts, bordel ? Bon. Analyser la situation. Plusieurs hématomes. Commotion probable. Je dénombre quatre lésions traumatiques pénétrantes. Côtes cassées, bras droit peut-être cassé aussi. Vision floue. Hémorragie conséquente. Et ce bourdonnement dans mes oreilles n’est pas bon signe. Hmmm. Je me demande si la brûlure dans mes veines vient du shoot d’adrénaline, ou bien de l’activation automatique des mesures anti-identification et anti-détection. Maintenant que les agents Royce, Faber, Campbell et Chiacuna ont été totalement activés, je peux juger des effets de manière plus que strictement théorique. Non. Je dois me préserver. Quelqu’un doit faire un rapport. Je murmure dans mon communicateur : « Ici Passel. Nous sommes hors service. Où sont les renforts ? » « Situation sous contrôle ? » La voix de l’agent du centre de tri est posée et monocorde. « Affirmatif. Sous contrôle. » « Patientez, agent Passel », me répond-elle. « Les renforts sont en route. » Tandis que la brûlure dans mes veines s’intensifie, je me demande si elle dit la vérité ou si je serai la prochaine flaque sur le trottoir…
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Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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Ennemis intimes
L
’histoire des mages est une chronique de mensonges. Chaque groupe, secte, faction, culte, Tradition, et tous les autres avec, ont leur propre version de quoi-a-eu-lieu-quand et de qui-afait-quoi-à-qui. Ces récits impliquent des tonnes de légendes et tout autant de vœux pieux, de myopie culturelle et de mensonges purs et simples. Un mage vous donnera rarement des réponses directes si vous l’interrogez sur l’histoire de son groupe. Et dans un souci de clarté, nous serons donc aussi francs et directs que possible dans cette partie de Mage, 20e anniversaire. Contrairement à ses éditions précédentes (à l’exception de Sorcerers Crusade), M20 n’adopte pas par défaut le point de vue des Traditions. Nous présentons à la place un large éventail de personnages possibles pour Mage, afin d’élargir une perspective précédemment tronquée de l’expérience Éveillée. Ce chapitre propose une vision aussi objective que possible d’un monde où la réalité est tout sauf certaine. Est-ce à dire qu’on va tous s’embrasser et se donner de grandes claques dans le dos ? Même pas en rêve. D’une certaine manière, savoir que tout le monde a, à la fois, raison et tort donne à la Guerre de l’Ascension (ou, plus exactement, aux guerres de l’Ascension) plus de relief. Il y a dans chaque faction autant de sagesse que de corruption. Les Traditions se livrent un bon vieux combat romantique, tout en ignorant les horreurs potentielles de leur victoire. La Technocratie opprime tout le monde au nom de l’ordre sacro-saint et, ce faisant, écrase souvent ses propres partisans. Les groupes isolés qu’on appelle Disparates ou Corporations s’occupent de leurs oignons, mais ils n’ont ni la puissance, ni la cohésion des organisations plus importantes. Maraudeurs et Nephandi célèbrent des objectifs cauchemardesques de folie et de damnation à grande échelle. Pour ceux qu’on surnomme les « orphelins », la vie est une lutte constante pour la survie dans le sillage de forces plus puissantes. Et tous les mages, qu’ils appartiennent ou non à une faction, se retrouvent confrontés à des vampires, des métamorphes, des chasseurs, des esprits, des démons, des changelins, des rivaux humains, et à la Réalité ellemême. Quel que soit le bord que vous affectionnez (et surtout si vous n’en affectionnez aucun), la Voie d’un mage sera au mieux périlleuse… et son plus grand ennemi sera sans doute intérieur. Nous l’avons déjà dit dans les chapitres précédents : un mage doit être orgueilleux pour faire ce qu’il fait. Et avec le temps, cet orgueil mène à l’hubris, à l’égoïsme et à l’aveuglement. L’histoire des Éveillés est donc un long récit rempli de gens et de groupes si imbus d’euxmêmes que la réalité tremble à leur contact. Même avec les meilleures intentions du monde, ces groupes et ces gens sèment des cadavres partout où ils passent… et plus ils sont fidèles à leurs idéaux,
plus ces cadavres sont nombreux. Pourtant, le principal dégât collatéral est l’illusion de la certitude : il n’existe jamais de Vérité unique et objective, et on apprend bien vite cette leçon. Mage n’est pas une histoire de bons, de méchants ou de réalités flagrantes. Il s’agit de décider ce qui pour vous est vrai ou faux. En conséquence, dans cette partie consacrée à l’histoire des Éveillés aussi, l’Effet Rashômon s’applique à tout ce que vous lisez. Prenez le tout avec des pincettes et rappelez-vous que cette vérité, quoi qu’elle puisse être, se cache quelque part entre les lignes, pas dans le point de vue d’une seule faction.
Qui, quoi, où et pourquoi
Pour plus de clarté, le chapitre suivant est divisé en plusieurs sections. Chacune d’entre elles traite d’un groupe ou d’un sujet en particulier : • Partie I : une histoire des Éveillés (pages 121-135) se rapporte à l’évolution de la société des mages, de ses débuts mythiques à l’époque actuelle. • Partie II : le Conseil des Neuf Traditions mystiques (pages 136-165) aborde cette fière alliance de survivants qui s’évertue à vouloir apporter un âge de miracles. • Partie III : l’Union Technocratique (pages 166-195) présente la force dirigeante de la Science Éclairée et de l’implacable Contrôle. • Partie IV : les Disparates (pages 196-223) étudie certaines sectes parmi les plus importantes, qui refusent de rejoindre le Conseil ou la Technocratie. • Partie V : les Déchus (pages 224-233) lève le voile sur les Nephandi, dont la vision du Déclin est plus puissante qu’on ne le pense. • Partie ?*! : les Fous (pages 234-243) offre une vision troublante de ce qui se passe lorsque les Maraudeurs gobent tout rond la raison et vous font vous étrangler avec les restes.
Rien de tout cela ?
Concernant l’intrigue générale monumentale traitée dans ce chapitre, rappelez-vous simplement ceci : Vous n’êtes pas du tout OBLIGÉ de livrer la Guerre de l’Ascension. Ce chapitre est facultatif à plusieurs titres. Vos mages peuvent n’appartenir à aucun des groupes décrits ici. Il vous suffit alors
Et les sorciers ? D’après la troisième édition du supplément World of Darkness : Sorcerer, les Traditions comptent dorénavant dans leurs rangs magiciens ordinaires non-Éveillés et mages Éveillés. Étant donné les difficultés et les complications inhérentes aux systèmes de jeu traitant de la magie ordinaire, cette fusion a été ignorée dans Mage M20. Si votre groupe de joueurs souhaite aligner quelques sorciers parmi leurs mages, n’hésitez pas. Les chapitres et les règles suivants n’abordent pas le sujet, car il n’y a tout simplement pas assez de place pour faire honneur à cette idée.
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simplement de consulter la partie sur les Orphelins (pages 214-215), puis de faire jouer des mages non alignés ou qui se sont Éveillés seuls. Les intrigues générales ci-dessous pourraient adopter diverses options présentées dans les Destins futurs, voire ne pas exister du
tout dans votre chronique. Le corpus des règles de Mage est parfois très dense et complexe ; votre chronique, elle, n’a pas besoin de l’être. Les mages évoluent dans un vaste monde qui peut, pourtant, devenir aussi épique ou intimiste que vous le souhaitez.
Partie I : Une histoire des Éveillés Quand est-ce que tout a commencé ? C’est toujours la question, n’est-ce pas ? Surtout si vous parlez à des Éveillés à propos des Éveillés et il n’y a aucune garantie de pouvoir y répondre avec certitude. La vérité, si tant est qu’il en existe une, se mêle inextricablement aux mythologies. Or, nous savons au moins ceci : Tout commence par une explosion. Selon de nombreux mythes, un Son cosmique (une phrase, une chanson, un éclair) claque à travers le Vide désolé et le remplit de possibilités. L’Unique, ou le Néant, devient le Tout. Est-ce un Big Bang, un Om titanesque, la tête d’un dieu se brisant pour produire l’infini… Ne s’agit-il pas en fait de manières différentes de regarder la même chose ? Quelle que soit la raison, le Vide se brise et la Création en jaillit. Des infinités passent. Des étoiles brûlent. Des boules de pierres tournoyantes refroidissent et deviennent des mondes. On raconte qu’au cours de ces tout premiers jours, des mains divines passent sur l’eau et mettent chaque chose à sa place. Des guerres divines se déchaînent et leur carnage modèle l’univers. Les dieux jettent leurs serviteurs dans un Abysse et ce Divin se déchire en deux moitiés : la lumière et les ténèbres, les coquilles brisées de ce qui était et les sphères scintillantes de ce qui est. Peut-être est-ce simplement la mythification du jeu des forces naturelles… ou peut-être y a-t-il quelque chose de plus. Comme très souvent, la vérité s’égare dans les méandres du temps et de l’espace.
L’Ère de l’Éveil Ces forces modèlent la Terre que nous connaissons, joyau de la couronne des Cieux ou simple rocher tournoyant parmi tant d’autres. Quoi qu’il en soit, cette planète a toujours été notre foyer. Les légendes prétendent qu’au cours des Premiers Jours, les dieux, des géants dans notre monde, foulaient notre terre. Ils l’ont façonnée, revendiquée, ils ont fixé sa forme et choisi leurs élus. Certains affirment que des Purs, fragments vivants de l’Unique divisé, se sont incarnés dans la chair humaine ; d’autres récits prétendent que nous avons dépassé la bestialité pour nous emparer de ce monde, ou que nous étions les serviteurs d’une autre race supérieure à présent oubliée. Des légendes racontent qu’animaux et humains étaient autrefois une seule et même famille, un seul Peuple aux nombreuses peaux ; des mythes parlent quant à eux d’un Dieu unique et de son Jardin, Jardin dont nous avons été chassés parce que nous Lui avons désobéi. Nous nous serions rassemblés il y a longtemps au Mont Meru, le centre du monde, ou autour d’une grande Tour qui a tremblé avant de tomber en ruines. Ce sont les Âges primordial et édénique, au cours desquels les origines humaines sont nées des mythes. Ce qui est certain, c’est que la magye et l’humanité sont apparues ensemble au cours de cette vaste période de temps. Avant d’être des chasseurs, nous autres humains étions des proies. Une Grande Chute nous aurait chassés de l’Éden et aurait
rompu l’harmonie céleste de notre monde. Des monstres nous ont poursuivis jusque dans nos cavernes, se sont enfoncés à coups de griffes dans nos souvenirs les plus profonds. Tombés d’un piédestal divin, nous sommes devenus les jouets des démons et des diables. C’est au cours de cet Âge prédateur que nous avons couru à travers les ombres comme des souris terrifiées. Cependant, avec le temps, le feu et la pierre, la magye et la foi ont repoussé les monstres. Nous avons formé des tribus, des croyances, des technologies, qui en retour nous ont différenciés des bêtes. Des royaumes sont sans doute nés, des empires qui ne sont plus pour nous que des légendes : Atlantis, Mu, l’Hyperborée, Nod. À moins que nous ne nous soyons contentés de tâtonner dans la poussière pendant des millénaires, accrochés à nos outils et nous arrachant à nos origines bestiales. Mais des cataclysmes ont eu lieu, nous en sommes sûrs : des incendies, des déluges, des ères glaciaires et des chutes de météorites. Ces royaumes légendaires (s’ils ont existé) se sont effondrés. Lors de cet Âge des Cataclysmes, l’humanité a évolué, a été mise à genoux, puis s’est à nouveau élevée. Notre hubris, ce fatal orgueil, a peut-être provoqué ce Temps brisé. Mais si cela est vrai, c’est aussi cet orgueil qui nous a arrachés aux ruines. Alors, magye et technologie ont ouvert la marche.
L’Ère légendaire
Lors d’un interminable Âge tribal, ce qui reste de l’humanité entame la lutte pour s’élever. Des tribus se rassemblent à nouveau lentement en villages, en bourgades et en villes. Tout au long de cet âge, les chefs Éveillés ouvrent la voie, affrontant des monstres et partageant leurs Arts. Le travail du métal, la poterie, la sorcellerie, les langues, les mathématiques et la mythologie aboutissent tous à de grandes choses. Des mages deviennent pourtant des tyrans, réduisent leurs rivaux en esclavage, anéantissent des villages. Pendant l’Aube des Empires, les grandes cités sont les carrefours de la sagesse, du commerce et de la guerre. L’Inde, la Chine, la Mésopotamie et l’Afrique sont le théâtre de ces premiers soubresauts de civilisation encore présents dans nos mémoires. Elles engendrent l’Âge héroïque dont on se souvient dans les mythes et les textes sacrés racontant comment les dieux, les hommes et les monstres se sont affrontés partout dans le monde.
L’Ère classique Épées et sortilèges se sont taillé un chemin jusqu’à l’Ère classique, au cours de laquelle les fondations de notre âge moderne ont été posées : Israël, Troie, Babylone, Qin, Méroé, les Olmèques, Perses, Nubiens, Mycéniens et autres Aryens. De vastes empires ont forgé de grandes civilisations, apporté le commerce et la guerre partout où ils se sont rendus. Des réseaux très étendus de voyage et de conquête ont traversé l’Afrique, l’Asie et l’Europe, permis d’échanger les magyes, les marchandises, les technologies et les croyances. Une exaltante alchimie d’exploits a donné naissance à des sectes qui existent encore aujourd’hui. On a rédigé des textes sacrés, couché
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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La coupe et le roseau Selon la légende hermétique, les racines des Neuf Traditions et de l’Ordre Technocratique remontent à l’Égypte ancienne. Deux pharaons. Hatchepsout1 et Thoutmosis III, son beau-fils et neveu, auraient vers 1480 av. J.-C réuni une assemblée de sages, de clercs, d’artisans et de devins en provenance de tout le monde connu, et fondé deux ordres avec ces individus aux origines si différentes : les Porteurs de la coupe d’Isis et le Roseau de Thoutmosis. Ces souverains parviennent brièvement à unir des factions en conflit et à créer un terrain d’entente pour de futures alliances. On prétendra des années plus tard, si tant est qu’on s’en souvienne, que cette assemblée n’est qu’une légende. Mais les Hermétiques affirment avec insistance qu’ils en ont la preuve dans leurs archives… ou du moins, que cette preuve existait avant la chute de Doissetep. Quoi qu’il en soit, ces ordres, ou loges, sont le socle d’une meilleure compréhension de la magye, de la foi et de la science. À partir de là, les trois Arts se développeront, progresseront et prospéreront… souvent en s’alliant ou en se faisant la guerre. Hatchepsout est la seule reine d’Égypte à s’être fait couronner pharaon et à avoir reçu la titulature royale.
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des doctrines sur le papier. Et même si les continents lointains que nous appelons maintenant Australie et Amériques resteront à l’écart de ces interactions pendant encore plus de deux mille ans, ils n’en ont pas moins développé leurs propres Arts et leurs propres cultures. Des mages se regroupent malgré tout à travers le monde en communautés, ou bien s’opposent en factions rivales. Thanatoïques, Extatiques, Akashites et magiciens de cour combattent ou rejoignent les sorcières, chamanes, sages, prêtres et autres devins. Philosophes et artisans cultivent les Arts et les Sciences ; les prophètes lancent tout autant d’imprécations qu’ils accomplissent de miracles. Les ébauches de ce qui deviendra plus tard les sectes de mages modernes entament leur danse tumultueuse, et donnent naissance à des discordes et des alliances qui sont toujours d’actualité. Magye, foi et science empruntent des routes différentes, et ces divergences conduisent à des affrontements sur la source de la vérité et de l’hérésie. Ces rivaux discutent parfois dans un respect mutuel ou transforment parfois des cités en cendres et en poussière. Le langage écrit, apparu à peu près à cette période, préserve les noms, les événements et les empires : Imhotep, Abraham, Soliman, Huangdi et Lao Tseu, Thot et Seshat1, Moïse, Dédale et bien d’autres encore. Les frontières entre héros, dieux, légendes et mages d’alors restent floues encore aujourd’hui. De grandes choses ont lieu ; nous nous rappelons de certaines d’entre elles et nous en avons oubliées beaucoup d’autres. Dans ce début brumeux de l’histoire, la vérité est au mieux discutable.
Les Guerres himalayennes
L’un de ces conflits, les Guerres himalayennes, revêt une signification particulière : Vers 900 av. J.-C., une profonde incompréhension entre différents groupes de Thanatoïques indiens et d’Akashites asiatiques engendre une guerre qui fait rage pendant des siècles. Les factions rivales en garderont une méfiance permanente qui est toujours d’actuaDéesse de l’écriture, de l’astronomie, de l’astrologie, de l’architecture et des mathématiques. Considérée comme la compagne et l’assistante, parfois aussi comme la fille, de Thot, le dieu de la sagesse.
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lité. Les deux camps croyant en la réincarnation, les mages tués tout au long de ce conflit continuent de renaître afin de poursuivre le combat. On racontera des années plus tard que cette querelle était intentionnelle et que c’était un feu que les deux groupes devaient traverser afin de construire leurs prochaines incarnations. Quoi qu’il en soit, la situation est assez épouvantable pour toutes les parties impliquées. Les Akashayana, apparus quelque part dans ce qui est le Tibet actuel, migrent plus loin vers l’orient et l’occident tandis que leurs rivaux s’enfoncent au cœur du sous-continent indien. Les pires éléments du conflit mystique apparaissent par intermittence un peu partout en Asie du Sud-Est et en Afrique du Nord pendant plus de 600 ans. La guerre marque toute cette période : les Celtes rayonnent en Europe ; les Grecs, Perses, Assyriens, Nubiens, Chinois, Coréens, Aryens, Égyptiens, Hébreux, et d’autres cultures encore, enfoncent leurs fondations dans le sang et la chair de leurs ennemis. C’est aussi le temps des grandes découvertes et des chefs-d’œuvre, mais le monde entier semble plongé dans la guerre. La gloire d’un groupe signifie souvent qu’il a enterré les autres. Il n’y a semble-t-il de place que pour une seule vérité à la fois.
Modeler la Réalité selon votre Volonté
À cette époque, les mages découvrent un étrange principe : la réalité n’est pas immuable, ses paramètres évoluent et changent en fonction des croyances dominantes. Si vous régnez sur un pays et commandez ses habitants, vous commencez aussi à commander sa
Le Kitab al-Alacir Un certain nombre de constatations faites par les Grecs et basées sur les découvertes de l’époque ont finalement été compilées par les érudits arabes dans le Kitab al-Alacir, ou « Livre de l’Éther ». Ce texte paradoxal présente de la mythologie, des énigmes, des dialogues, des philosophies et des réflexions sur des vérités qui demeurent impossibles à codifier. Ce vénérable ouvrage ne se contente pas de donner des faits au sens où l’entendent les mortels ; il inspire l’Éveil chez ceux qui parviennent à saisir ses insinuations ambiguës. Des siècles après sa rédaction, le Kitab reste un manuel essentiel pour, ironie du sort… les scientifiques éthéristes qui considèrent ses complexités métaphysiques comme la base de la compréhension. En utilisant l’analogie dans laquelle Troie est le cosmos et la guerre de Troie une métaphore de la conscience humaine, le Kitab pose comme principe que la compréhension implique un conflit perpétuel entre ce qui peut être accepté et ce qui doit être possible. Chacun doit donc devenir un « héros de Troie » et rechercher la gloire en luttant pour la vérité ultime. Comme seules les âmes les plus vaillantes et les plus dévouées font montre de la volonté nécessaire pour devenir de tels héros, la plupart des gens resteront de simples soldats, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur des murailles de cette Troie métaphysique. Dans ce conflit (et les commentaires labyrinthiques à son sujet au fil du Kitab), chaque lecteur doit trouver ses propres réponses. Le cœur de l’ouvrage semble cependant résider dans le principe suivant : tout est RÉEL, mais tout n’est pas VRAI. Lorsque nous prenons ce qui est réel et le rendons vrai, nous créons des miracles de l’Art et de la Science ; lorsque nous fabriquons des vérités pour nier la réalité d’une chose, nous provoquons des désastres.
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réalité. Certaines formes de magye ou de technologie prospèrent dans certains lieux et ne fonctionnent tout bonnement pas dans d’autres. Cette constatation pousse les mages à s’opposer pour le contrôle du territoire, entamant un impérialisme métaphysique qui modèlera le monde que nous connaissons aujourd’hui. Certains mages deviennent des conquérants ou des monarques. La plupart préfèrent cependant soutenir le pouvoir en place par leur puissance ou parler au nom des dieux apparemment mécontents du roi ou de l’envahisseur. Bon nombre d’entre eux se contentent simplement de se tailler un domaine et de le défendre contre des rivaux. Le mot « mage » apparaît à peu près à cette même époque, pour définir un ordre de prêtres dédié à certains dieux perses… en fait, un type particulier de mage. La dévotion sacrée et mystique associée au terme qualifie par la suite les élus capables de plier la Réalité par la force de leur Volonté. L’Artisanat, l’Art de la Technologie Éclairée, atteint de nouveaux sommets en Grèce et en Chine. De grands philosophes, scientifiques et artisans redéfinissent la notion de possibilité. Ces hommes et ces femmes, main dans la main avec les mystiques, forgent les plus grandes civilisations depuis le légendaire Âge hyperboréen. Des machines miraculeuses et des exploits architecturaux titanesques dominent le monde classique. En contrepoint des Arts sanglants des prophètes, des devins et des sorcières, ces prouesses donnent aux autres artisanats une connotation résolument… barbare. Cette tension (les Maîtres de l’Ordre civilisés face aux hordes sauvages du Chaos) devient un élément déterminant de la culture humaine. Dans l’ombre de ces exploits, d’autres sectes sabotent la civilisation. Certains mages et certains cultes se consacrent à la corruption et à l’orgueil tandis que d’autres perdent la raison et détruisent tout ce qu’ils touchent. Les noms Maraudeurs et Nephandi appartiennent encore à un futur lointain, mais on peut ressentir leurs effets tout au long de l’Âge légendaire et de l’Ère classique. D’autres régions parfont elles aussi leurs Arts Illuminés. Sur chaque continent, des cultures humaines, avec leurs mystiques et leurs artisans, prospèrent. Même si la Chine, la Perse, la Grèce, et bientôt Rome, sont les principaux acteurs de l’histoire de cette ère, on retrouve les mages partout dans le monde : métamorphes, hommes-médecine, sorcières, prêtres, philosophes, guérisseurs, artisans et devins. Certains mages œuvrent dans l’intérêt commun, d’autres pourtant invoquent des monstres et règnent par la terreur. L’humanité s’étend ; le Goulet entre le royaume des humains et celui des esprits s’épaissit. La religion et la culture modèlent l’humanité… et l’humanité remodèle à son tour notre monde. Encore une fois.
L’émergence des factions mystiques modernes
Plusieurs groupes se forment au cours de l’Ère classique. Nombre d’entre eux ne portent pas – et ne porteront pas avant longtemps – leur nom actuel, mais ils définiront les batailles pour la réalité de l’époque moderne : • Les Ordres hermétiques, qui apparaissent en Égypte, en Grèce, en Nubie et à Rome. • Les Dalou-laoshi, artisans-technologues vénérés en Chine. • Les Pythagoriciens, dont les applications de la magye et de la technologie engendrent à la fois des sectes mystiques et technocratiques.
• Le Collegium Praecepti, l’académie suprême de l’Artisanat Illuminé. • Les Akashayana, une Fraternité Akashite dont la Voie mystique inclut à la fois l’harmonie et la violence. • Les Chakravanti, des mystiques thanatoïques qui s’unissent pour se protéger des guerriers akashites. • Les Ahl-i-Batin, nés des Guerres himalayennes en tant que faction de l’équilibre et de l’unité. • Les Éleuséeens, dont les mystères sur l’extase, la mort et la renaissance influencent l’initiation et la pratique de milliers de sectes religieuses et de sociétés secrètes, Éveillées ou non. • Les Temples de la Grande Mère, formant un réseau dans tout le monde classique sous de nombreuses appellations différentes. • Les Mithraïques, prêtres guerriers d’un dieu héroïque. • Les Druides, des clercs de la nature réunis au sein de confédérations aux liens informels guidant les terres celtiques. • Les Ngo-Ami, des magiciens artisans nubiens d’Afrique du Nord. • Les Uzoma, des chamanes parlant aux esprits d’Afrique du Nord et d’Afrique centrale, dont les coutumes seront dispersées, mais pas oubliées. • Les Wu Lung, des sorciers de cour de la Chine impériale. • Les Voix messianiques, qui naissent dans le sillage des prêches de Jésus. • Les Taftâni, des « tisseurs » d’Arts sacrés persans et arabes, inspirés par Soliman le Sage. • Les Sages bouddhistes, qui transforment en profondeur les croyances religieuses séculaires de l’Asie. • … et les Prophètes abrahamiques, dont les discours enflammés inspirent le judaïsme, le christianisme et l’islam. Au vibrant confluent de l’Asie du Sud, de l’Afrique du Nord et du sud de l’Europe, ces groupes, et d’autres encore, créent un Âge d’or des Empires, de la Magie, de la Technologie et de la Foi. Il durera des siècles… mais rien ne subsiste jamais éternellement.
Les hauts Âges mythiques Les premières fissures apparaissent lorsque les « barbares » oppressés par les empires commencent à grignoter ces derniers, les infiltrent et les détruisent peu à peu. La naissance du Christ annonce la chute des anciens dieux. Les religions s’affrontent tandis que les cultures tribales deviennent des hordes. L’hubris de l’Égypte, de la Grèce, de Carthage,
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d’Israël, de Rome, de la Perse et d’autres empires encore, les conduit à leur apogée, mais également à leur chute, et les fait tomber dans d’autres mains. Vandales, Wisigoths et Huns rasent des cités entières. L’Empire chinois, chancelant entre guerres intestines et invasions étrangères, finit par éclater en trois royaumes ennemis. Vers l’an 600, les empires classiques ont presque tous disparu… et avec eux, leur emprise sur la réalité de masse. Dans ce flux et ce reflux d’empires et de sectes, de grands actes de magye, de foi et de science dominent l’époque. On appellera plus tard la période succédant à la chute de Rome l’Âge des Ténèbres, mais cette idée est fausse en vérité. La majeure partie de la culture gréco-romaine eut beau se perdre dans les failles de l’histoire européenne, la Chine blessée et divisée reste encore puissante. L’Asie du Sud-Est profite de l’Âge d’or de l’Inde. La Corée et le Tibet s’imposent en puissances énergiques et expansionnistes, tout comme les Mayas en Amérique du Sud et la civilisation d’Aksoum en Afrique du Nord. Un Âge d’or de la Magye païenne domine l’Europe alors que les mages celtes, pictes, germains, slaves, scandinaves et gréco-romains affûtent leurs Arts. Les mystiques chrétiens commencent à bâtir un empire interculturel à travers l’Europe et les Maures berbères d’Afrique conquièrent la péninsule ibérique. Pendant ce temps, les armées du Prophète répandent le nouveau credo de l’islam en Afrique, au Moyen-Orient et dans certaines parties de l’Asie et d’Europe. Les Ngo-Ami et leur peuple migrent au cœur de l’Afrique pour échapper à l’expansion des Mahométans, fondant cités et sectes en chemin. Ce mélange de culture et de liberté alimente l’Âge d’or de la Sorcellerie. Sans l’influence centralisée et les technologies de Rome et avec l’aide du paradigme païen, la majeure partie de l’Europe devient un « territoire libre » qu’un mage assez puissant peut conquérir. Les Trois Royaumes en guerre donnent une liberté similaire dans toute la Chine, tandis que les cultures indiennes, nord-africaines et arabo-persiques (tout aussi ravagées par les invasions) embrassent la haute magye comme une partie intégrante de leurs réalités. Le monde considère en majorité la magye parfaitement réelle et les mages dont les pratiques correspondent aux cultures régionales (ce qui était le cas de presque toutes les pratiques mystiques) bénéficient d’un immense pouvoir. Les importants échanges culturels de l’Ère classique, associés aux libertés mystiques déchaînées par les conquêtes barbares, portent les Arts mystiques à un niveau sans précédent. Avec le nouvel Art de l’alchimie, amené par des mages grecs et arabes, ils permettent une immense diversité de recherches mystiques. Lorsque les sorciers modernes parlent de « l’Âge mythique », ils se réfèrent en général à cette époque.
Le sang, la passion et les éléments
Si on écoute les mages des Traditions, le Moyen Âge européen est une époque de merveilles et de magnificence débridées. C’est en fait un âge dur, brutal et rempli de souffrance. Les fiefs oscillent entre guerre et famine, et l’influence grandissante d’une Église de plus en plus corrompue offre peu de réconfort dans la tempête. Les monstres règnent la nuit, le labeur épuise le jour. Les forêts abattues autrefois pour laisser place aux routes et aux cités romaines repoussent, épaisses et périlleuses. Les routes disparaissent et les ruines finissent de s’écrouler. Des rois et des seigneurs de guerre tentent de préserver les lois et le gouvernement romains, et les artisans sauvegardent des technologies perdues de l’Âge classique. Les moines chrétiens deviennent les gardiens du droit, de la science et de la littérature ; leurs bibliothèques sont les rares lieux entre Cordoue et Byzance où ce savoir est conservé. De fiers païens plongent dans les Anciennes coutumes du sang, de la passion et des éléments, et donnent au mot « sorcière » des connotations de jalousie, d’horreur et d’admiration.
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
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Les idéaux d’Avalon Même parmi les Éveillés, le temps et le romantisme rendent les détails avérés sur l’Ère arthurienne confus ; les représentations ultérieures de Camelot, par exemple, montrent des concepts et des technologies qui n’existeront pas avant au moins 500 ans. Pourtant, l’idéal de Camelot et de ses héros continue d’inspirer mystiques comme Technocrates. Fondé à l’origine par des Britanniques romanisés, le royaume qui sera plus tard connu sous le nom de Camelot apparaît vers l’an 600. Mêlant les pratiques mystiques celtes et pictes aux Arts rituels de Rome, les fondateurs de Camelot conçoivent un mélange sophistiqué d’Artisanat classique, de religion chrétienne et d’Arts élémentaires païens. Forgeant des armes et des armures très avancées, ces visionnaires concluent également des pactes avec les habitants féeriques de la Grande-Bretagne et les loups-garous appelés Fianna. Bastion de tolérance et de protection mutuelle, le royaume prospère. La dynastie des Pendragon est unie par des liens sacrés au clan de Morrigan, une lignée de prêtresses sorcières naturellement associée à la terre ; elle conserve pourtant les Arts technologiques de Rome. En communiant avec les fées, les esprits et les dieux, Camelot s’élève et attire le meilleur de chaque camp. Au cours du règne d’Uther, le père d’Arthur, le sorcier Merlin (aussi appelé Merlinius) offre son aide ; lorsqu’Arthur devient adulte, ils sont tous deux le visage masculin du royaume à son apogée, la magye et la majesté travaillant main dans la main. Et pendant un temps, elles travaillent bien. Est-ce l’influence de la lascive Gwenhwyfar (Guenièvre) qui détruit Camelot ? Ou bien le traître christianisé Lancelot ? Ou encore la sorcière païenne Morgane ? Un pacte magique passé entre le roi et la terre a-t-il été brisé, à moins que les dirigeants n’aient perdu la faveur des dieux pour avoir mélangé les religions ? Chaque légende raconte une histoire différente, et il est possible que plusieurs de ces histoires soient vraies… tout comme il est possible qu’aucune d’entre elles ne le soit. Peu importe, en vérité. Camelot est tombé au cours d’une énorme bataille qui a tué presque tous les belligérants. Les forces ennemies ont brûlé le royaume et le château a fini par tomber en ruines. Arthur mourant est emmené en Avalon où il est supposé attendre l’heure fatidique où l’Angleterre aura désespérément besoin de son aide. (Cela dit, étant donné qu’il n’est réapparu ni pendant la Seconde Guerre mondiale, ni au cours du gouvernement de Margaret Thatcher, il s’agit peut-être d’un vœu pieux…) Alors qui était Arthur ? En fin de compte, c’est un symbole. Verbenae, Hermétiques, Choristes, Templiers, Gabriélites, et même l’Itération X, finiront par prétendre qu’il était l’un des leurs, mais le véritable Arthur est un mythe plus vaste que n’importe quelle personne ou faction réelle. Dans les idéaux de Camelot et d’Avalon, ce symbole inspire profondément presque tous ceux qui s’identifient à lui. L’honneur, le courage, la sagesse, l’âme d’un chef. Rares sont les mages, y compris parmi les Nephandi, qui ne voudraient pas se voir associer à ces vertus. Et ainsi, le mythe d’Avalon est devenu, au-delà de sa réalité historique, un vibrant parangon pour les mages du monde entier.
Il existe une certaine liberté dans cet âge… Celle d’être tué par des bandits, saigné à blanc ou de voir son cadavre emporté dans une charrette avec d’autres pestiférés. Les mages païens et leurs homologues chrétiens livrent de mystérieuses batailles sur tout le continent ; les musulmans se pressent aux portes de la chrétienté, profitant d’une prospérité que peu d’Européens peuvent imaginer. Il y a des lueurs d’espoir dans cet âge désespéré, des endroits que les guerres, les épidémies et les invasions ne ravagent jamais. Et c’est une époque dynamique, pleine de questionnements, d’expériences et de beaucoup, beaucoup de magye. C’est également une époque sombre pour le commun des mortels en Europe. Nombre d’entre eux embrassent les Arts mystiques, ne serait-ce que pour échapper à la misère noire, la famine, les travaux des champs et la guerre.
La Toile de Foi
Pour l’islam, c’est un Âge d’or durant lequel la science, la foi et la magye deviennent quasi impossibles à distinguer. Les Mokteshaf Al-Hour, les « Collecteurs de Lumière », symbolisent cette fusion, combinant le credo d’Allah à une sagesse ancienne pour forger de nouvelles technologies mystiques. Les Taftâni, qui n’étaient jusque-là qu’un groupe de nomades aux liens informels, constituent une seule et unique faction et prennent ce nom en 650 ; les Ahl-i-Batin créent une Toile de Foi en 724 ; et en 756, une alliance de tous ces mages met enfin un terme à cet infernal Âge du Roi-Démon qui a régné sur le Moyen-Orient pendant six siècles. Les érudits musulmans et juifs rassemblent les vestiges épars de l’apogée classique pour repartir de ces bases. La Kabbale, une tradition mystique hébraïque complexe, naît de cette confluence d’idées et de prospérité.
L’islam s’étend à travers l’Europe méditerranéenne et l’Afrique du Nord, rassemblant diverses traditions païennes et classiques de Nubie, d’Égypte, de Perse et d’Arabie sous la bannière du Prophète. Des royaumes prospèrent au cœur de l’Afrique, où les Ngo-Ami pratiquent une discipline africaine de haute magye rituelle qui mêle des éléments égyptiens, grecs, musulmans, zoroastriens et des éléments du paganisme africain. D’autres groupes apparaissent également, mais les Ngo-Ami, les Uzoma, les Batini, les Taftâni, les Mokteshafi et les sohanci (« sorciers ») non alignés, règnent sur la région tout au long de ce soi-disant « Moyen-Âge ». En Europe, les Berbères d’Afrique du Nord et les Arabes occupent la majeure partie de la péninsule ibérique (l’Espagne et le Portugal de nos jours), alors appelée Al-Andalus, un joyau de la civilisation européenne médiévale. Divisée, comme la plupart du continent, en royaumes souvent belliqueux, Al-Andalus devient un centre de l’érudition, de l’art et de la magye où nombre de secrets « perdus » de Rome, de Grèce et d’Égypte continuent de prospérer. Même si les générations suivantes n’auront que du mépris pour ce qu’elles appelleront « la conquête maure », le royaume a tenu bon plus de sept cents ans et encouragé les cultures musulmane, juive et chrétienne dans une paix et une prospérité relatives. Cette paix s’achèvera dans l’ascension sanglante de deux nations, qui écraseront des civilisations et annonceront un âge de conquête, d’esclavage et de guerre sur cinq continents.
Sorciers et sorcières, clercs et chevaliers
Après des siècles d’escarmouches entre factions rivales, l’Ordre d’Hermès naît la nuit du solstice d’hiver de 767. Dame Trianoma, une
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prophétesse gnostique, a une vision de la chute imminente des traditions hermétiques, et rassemble donc des alliés afin de fonder une alliance mystique. Répartis en douze maisons, ces sorciers pratiquent une forme synergique de haute magye rituelle. L’Ordre connaît peu après ce qui est peut-être sa plus grande victoire : il défait un nécromancien turc et prend l’énorme forteresse de Doissetep. À peu près à la même époque, un ordre de magi-guerriers chrétiens jure fidélité à l’empereur Charlemagne, répétant une légende plus ancienne : celle du roi Arthur et de ses chevaliers de Camelot. Ces Chevaliers palatins empruntent des éléments du savoir classique, de la chrétienté romaine et de la « chevalerie » naissante. Reconnaissant une menace potentielle, les mystiques païens s’unissent en confédérations à la structure informelle parfois appelées Ceux qui parlent aux Esprits, Valdaermen et dévots de l’Ancienne Foi. D’autres groupes existent ; leurs Arts et l’Artisanat briseront bientôt ce monde…
L’empereur dragon
En Asie, c’est une Chine divisée qui plonge dans le chaos pendant la majeure partie de cette période, déchirée par la guerre, les intrigues, la mésentente et les invasions récurrentes des Mongols et des Turcs. Les hauts Artisans de différents clans s’occupent en inventant armes, fortifications et autres technologies guerrières. Comme la Chine elle-même, les Wu Lung se divisent en factions, alliées pour certaines aux Akashites, ennemies pour d’autres. Les Akashayana, pour leur part, affinent des Arts d’autodéfense dévastateurs, mais se consacrent peu à peu à une vie monastique plus paisible. Malgré les schismes internes opposant différents groupes chinois, tibétains et indiens, les anciens « poings de la guerre » s’efforcent de rester unis sur la Voie akashite… et pour la plupart, ils y parviennent. Grâce à l’aide apportée par un puissant guerrier-devin appelé Barbe bouclée, un chevaucheur de dragon du nom de Li Tsing et par Chang, la concubine guerrière akashayana capable de changer de sexe, le mage héroïque Li Shihmin unifie à nouveau la Chine vers 618 et devient Tai Tsung, l’empereur dragon des T’ang, en 627. En quelques années, il écrase les Mongols, son fils conquiert la Corée et la dynastie T’ang absorbe ses deux rivaux au sein d’un Empire chinois en plein essor. Le retour de la gloire chinoise revitalise Wu Lung et Dalou-laoshi, souvent appelés les Cinq Dragons du Métal (ou élémentaires). Les Akashayana sont hélas moins chanceux. Accablés par des générations de mécontentement impérial (exacerbé par les Wu Lung), ils subissent attaques et persécutions pendant toute cette période. Durant presque trois cents ans, la Chine domine la région, car elle est la seule force unifiée. Mais comme par le passé, intrigues, invasions et trahisons fissurent l’Empire. Cependant, au moment où cet effondrement se produit, les Wu Lung, les Dragons du Métal et la Fraternité Akashite ont chacun achevé leur organisation et adopté une structure qui déterminera leur destin. Dans ce qui deviendra les deux Amériques, diverses sectes naissent et prospèrent. Malheureusement, la lointaine tempête à l’est effacera presque toute trace de leurs prouesses.
La Croisade des Sorciers Les révolutions commencent avec des visionnaires. Wolfgang von Reismann en était un. Courroucé de voir ces sorciers toujours en conflit et ces mages se comporter en tyrans, il organise à Francfort au cours de l’été 997 l’Assemblée de la Grand-Place. Elle réunit un certain nombre de hauts Artisans, de riches marchands, d’artisans inquiets,
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de membres zélés du clergé et de guerriers sacrés, et se conclut par une alliance entre les Chevaliers gabriélites, les Maçons Éclairés et la Cabale de la Pensée pure… une alliance qui mettra bientôt un terme violent aux hauts Âges mythiques. Pendant ce temps, l’Ordre Hermétique se déchire dans des guerres intestines. Les maisons Tremere et Flambeau exterminent les druides de la maison Diedne entre 1003 et 1012. Le Primus de la maison Tremere devient secrètement un vampire et transforme sa maison en un clan de monstruosités mortes-vivantes. Alors que le christianisme gagne en puissance, les adeptes païens ouvrent les Voies des Wyck et conduisent les bêtes magiques dans les Mondes mystiques. Les croisades opposent chrétiens et musulmans, qu’ils soient mortels ou mages, pendant plus de deux cents ans, créant dans leur sillage de nouvelles sectes, dont les puissants Chevaliers Templiers et les hermétiques de la maison Golo, premiers balbutiements des futurs Fils de l’Éther. Les alliances entre les sectes africaines et européennes se fracturent et l’Ordre Hermétique continue à faire de même. La maison Golo fait défection et participe à la fondation de la Guilde des Philosophes de la nature, la maison Tremere devenue vampirique déclenche une guerre sans merci en 1201. Quand l’islam commence à se répandre en Inde, des groupes extatiques et thanatoïques forment l’Ananda Diksham afin de protéger leurs traditions contre les puristes musulmans. Un visionnaire anglais, Stephen Trevanus, défend les pauvres au nom de Sa Majesté le roi Richard Cœur de Lion ; il entre dans les légendes sous le nom de « Robin des Bois » et utilise la récompense offerte par le souverain pour fonder la Ligue hanséatique : une alliance de marchands, d’artisans et d’artificiers qui érigent les piliers d’un Ordre bien plus puissant. Et puis les canons se mettent à rugir. La chute du haut Âge mythique commence en 1210. La Convention maçonnique jette les bases de l’arrivée imminente de l’Ordre de la Raison. Ses nouveaux canons et ses vieilles traîtrises détruisent cet automne-là le Rassemblement hermétique de la Crête des Brumes. Accompagnés de leurs propres chamans de guerre, les envahisseurs huns embrasent l’Europe, l’Asie et le Moyen-Orient. Vingt ans plus tard, l’Église catholique déclare officiellement une Inquisition afin de débarrasser l’Europe des hérétiques, des sorcières, des juifs, des musulmans et des magiciens. Un Schisme de la Merci brise les Voix messianiques, tandis que des Artisans, des alchimistes, des guildes de marchands et des Bâtisseurs se combattent, mettent de côté leurs différends et forment en 1250 l’Alliance de la Guilde dorée. La Guerre de l’Ascension commence. En Asie, le souverain mongol Gengis Khan absorbe la Chine au sein de son empire aux alentours de 1280, et adopte un armement et un gouvernement technologiques. La Guerre du Vent divin entre la Chine et le Japon offre de nouveaux alliés à la Fraternité Akashite : des mystiques shintoïstes dont les pratiques chamaniques se marient bien avec les éléments taoïstes de leur Voie. Même là-bas, l’affrontement entre Science Éclairée et magye Éveillée renverse le courant… ou, dans ce cas précis, fait tourner les vents et le temps. En 1300, l’évolution des choses est clairement prévisible. Pendant le siècle suivant, la tempête devient un raz-de-marée. Des sectes s’unissent et se séparent. Les Templiers sont trahis et apparemment détruits par le roi français Philippe dit « le Bel ». Un devin chakravanti rassemble des mystiques d’Inde, d’Europe, d’Asie et du Moyen-Orient. Les Artisans musulmans et européens rompent toute relation, et ce même si l’empereur Mansu Musa, de l’Empire africain du Mali, envoie des émissaires d’Europe participer à…
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La Convention de la Tour Blanche
L’Ordre de la Raison est fondé entre le 1er et le 25 mars 1325. Réunis dans une tour autrefois propriété d’un maître hermétique assassiné, des délégués d’Europe, de Chine, du Moyen-Orient, d’Inde et du Mali signent l’alliance qui deviendra plus tard l’Union Technocratique. Dirigées par un conseil du Cénacle, huit Conventions voient le jour : les Gabriélites, la Haute Guilde, le Cercle cosien, les Chercheurs du Vide, les Maîtres célestes, les Maçons, les Artificiers et les Solificati. C’est en conséquence le début de plus d’un siècle de guerre, tout autant ouverte que secrète. Quittant l’Ordre en 1335, les Solificati sont pour un temps détruits et vite remplacés par des hommes de main inquiétants, les Ksirafai. Peu après, la Purge du Fantôme hurlant oppose Wu Lung et Dalou-laoshi aux Akashites et à leurs alliés chamaniques ; de nouvelles Technologies Éclairées repoussent la Fraternité dans des refuges de montagne reculés partout en Mongolie, au Tibet et au Japon. Les poings de la guerre subissent de lourdes pertes et leur influence passée disparaît presque entièrement. Pendant ce temps, en Afrique centrale, la Guerre de la Sorcière de Poussière dévaste en grande partie la région ; les Ngo-Ami moribonds se reforment sous le nom de Ngoma et rejoignent une nouvelle secte, les Madzimbabwe, afin de vaincre les Sorcières de poussière qui pillent les villages. Un siècle et demi d’épidémies, de purges, de chasses aux sorcières, de guerres de loges, d’assassinats, d’intrigues et de conflits sans merci ouvre l’ère de la Croisade des Sorciers. Les aéronefs s’élèvent dans les cieux, mais l’enfer descend sur Terre. D’autres épidémies, d’autres chasses aux sorcières et d’autres guerres plus vastes éclatent partout en Europe, en Asie et en Afrique. L’Année des grandes Maladies brise en 1420 l’alliance entre les Ngoma et les Madzimbabwe. La Guilde du Loup des Gabriélites dévaste les villages germaniques roms et païens. Alchimistes, Maçons et Hermétiques livrent de sanglantes Guerres de Loges un peu partout dans les citésétats d’Italie du nord. Appa Hache-sanglante conclut des pactes avec des démons et crée sa propre horde infernale… qui passe rapidement sous le commandement de son fils, Tezghul le Fou. Le général Wyndgarde de la Vraie Croix entame une purge impitoyable dans les Îles britanniques… à laquelle Belladone, seule survivante d’un de ses massacres et co-fondatrice de la Tradition Verbena, met un terme. Ces Neuf Traditions connaissent un début lent, mais brillant, à peu près à cette même époque, quand l’Extatique originaire du Moyen-Orient Sh’zar le Devin commence à rassembler des alliés mystiques. En 1440, Belladone, Sh’zar, le Chanteur messianique Valoran et le maître hermétique Baldric La Salle se rencontrent dans les ruines de la Crête des Brumes. Ils y discutent d’une nouvelle alliance mystique afin de combattre l’Ordre de la Raison. En Afrique, un immense fantôme blanc est aperçu à plusieurs reprises et annonce des années de guerre et d’épidémie, tandis qu’en Asie, le conflit entre Akashites et hindous de la Voie de la Main gauche reprend de plus belle. La Décennie de la Chasse frappe la GrandeBretagne et les Verbenae s’imposent en force terrifiante. Et en 1448, les armées dédaliennes de l’Ordre de la Raison assiègent Doissetep ; la manifestation sur Terre de la forteresse est détruite et passe, grâce à l’intervention des sorciers, dans un Monde mystique lointain. L’année suivante, des dragons et des dirigeables s’affrontent quand des troupes dédaliennes attaquent le Second Rassemblement de la Crête des Brumes. Les vampires s’unissent et la horde de Tezghul entame son invasion. Les Dédaliens prêtent le Serment du Feu et jurent d’exterminer la magye partout dans le monde. Mais pour les mystiques, la coupe est plus que pleine. Cela a pris du temps. Il a fallu faire preuve de diplomatie. Il a fallu traverser des épreuves, avoir des visions, mener des batailles,
entreprendre des voyages et emprunter les Voies des Wyck dans tout le monde connu. Cela a coûté la participation des Disparates : des groupes mystiques, comme les Ngoma et les Taftâni, qui refusent de suivre les plans du Conseil. Mais entre 1457 et 1466, le Conseil des Neuf Traditions mystiques voit le jour : les Ahl-i-Batin, la Fraternité Akashite, les Chakravanti, le Chœur Céleste, les Parle-songes, l’Ordre d’Hermès, les Sahajiya, les Solificati et les Verbenae s’unissent… ne serait-ce que brièvement.
Grandeur et décadence du Conseil
Tout avait pourtant si bien commencé… Lors de la Marche des Neuf, une Première Cabale de neuf représentants triés sur le volet (un par Tradition) quitte le Royaume de l’Horizon siège du Conseil. Elle est chargée de conclure des alliances et de faire la guerre. Pendant trois ans, ses membres nouent des amitiés et annihilent des ennemis, et d’autres groupes, appartenant tout autant aux Traditions qu’à l’Ordre de la Raison, s’inspirent de leur exemple. Mais au printemps 1470, le représentant des Solificati, Heylel Teomin, conduit la Première cabale dans un piège des Dédaliens et elle est détruite dans la grande bataille qui s’ensuit. La majorité de ses membres meurt, les autres sont capturés. Le devin Akrites parvient néanmoins à s’échapper et prend la tête d’une mission de sauvetage. Heylel, surnommé depuis Thoabath (« abomination »), le Grand Félon, est emmené à Horizon, jugé, condamné au Gilgul et tué. Au cours du procès, le Primus des Solificati est assassiné et ce groupe se disperse pour la deuxième fois. Suite à cette défaite, ce qui reste des Traditions se cloître dans la forteresse. Tezghul sème la mort en Europe et en Asie, mais finit par être vaincu par l’Ordre de la Raison à la Bataille d’Harz. Ce dernier, triomphant, attaque Horizon pendant la Guerre de la Concorde, qui dure toute l’année 1475, et même si l’assaut est dévastateur, le Conseil parvient à briser le siège des Dédaliens. Peu après, l’assassinat d’un maître gabriélite déclenche les représailles de l’Ordre, qui culminent lors du tristement célèbre Temps des Bûchers. Au cours de cette période de persécutions quasi permanentes, des mages, des innocents et tous ceux assez malchanceux pour se trouver dans leur entourage, sont condamnés à une mort atroce et douloureuse. En conséquence, les Neuf Traditions entrent dans la clandestinité… et y restent pendant environ 300 ans, rebâtissant leur puissance pendant que l’Ordre de la Raison consolide la réalité dans le monde entier.
Une ère de conquête Dans le même temps, quelque chose comme une apocalypse globale s’abat sur le monde. Dans les années 1350, une confédération de bandits de grand chemin, les Turbans rouges, commence à saper la puissance de la Chine mongole. En 1356, un ancien moine (qui aurait été un maître akashite) du nom de Chu Yuan-Chang prend leur commandement et en fait une force militaire disciplinée dotée d’un pouvoir mystique important. Les Turbans rouges s’installent dans la région et créent un réseau de sociétés secrètes, souvent magyques. La vertu dont il fait preuve lui gagne le soutien des gens ordinaires et il étend l’influence de son organisation jusqu’en Corée. Après des années de guerre atroce, Chu Yuan-Chang s’autoproclame empereur sous le nom de Hung-Wu et donne naissance en 1368 à la dynastie Ming. La Chine des Ming devient un nid de sociétés secrètes, certaines créées par des factions au sein des Akashayana, des Wu Lung et des Dragons du Métal, d’autres complètement indépendantes. Autrefois bienveillant, Hung-Wu se transforme en tyran paranoïaque. L’empire étend son influence dans de nouvelles régions et la Chine accumule
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richesses et connaissances malgré les révoltes qui la secouent et les invasions qui la ravagent. Les successeurs de Hung-Wu perdent le contrôle qu’ils exerçaient sur des sociétés secrètes de plus en plus nombreuses. Au moment où les explorateurs européens (pour beaucoup Dédaliens) étendent leur influence en Chine tout au long du XVIe siècle, la dynastie Ming est sur le point de s’effondrer. Dans ce qu’on appellera bientôt Amérique Centrale, l’empire aztèque amène des formes brutales d’illumination dans toute la partie nord du continent. Malgré ses prouesses culturelles, certaines comptant parmi les plus avancées du monde mortel, ses dieux ont une implacable soif de sang. Tous les empires sont violents, mais les Aztèques développent une forme horrible de sacrifice religieux de masse… dont les principales victimes sont les prisonniers capturés au sein d’autres cultures, plus faibles. Il ne faudra que quelques décennies à ce devoir sacré pour annihiler leur civilisation. Au milieu du XVe siècle, deux monarques guerriers ibériques, le roi Ferdinand d’Aragon et son épouse, la reine Isabelle de Castille, consolident leur pouvoir, obtiennent l’appui de l’Église catholique et de l’Ordre de la Raison, renversent les derniers rois musulmans d’Al-Andalus et unifient une nouvelle nation : l’Espagne. Ils ne manquent ni d’argent, ni de puissance, ni d’hubris et débarrassent le pays des juifs, des musulmans des non-catholiques et des mystiques rivaux. Isabelle, qui est en 1490 l’un des membres les plus importants de la Cabale de la Pensée pure, nomme son « confesseur », Tomás de Torquemada, fléau personnel du trône. Profitant d’une série de victoires et en grande partie libéré de l’ingérence des Neuf Traditions, l’Ordre de la Raison entame un programme d’explorations, de réalisations et de conquêtes depuis l’Espagne et le Portugal, programme qui provoque trois des plus sanglantes atrocités de l’histoire humaine : la conquête des Amériques, l’Inquisition espagnole et le
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commerce triangulaire. La rivalité « aimable » de son voisin le Portugal permet à l’Espagne d’étendre la Guerre de l’Ascension à l’Afrique et à ce que l’on appellera plus tard les Amériques.
Canons, chaînes et églises Les siècles suivants sont impossibles à expliquer simplement. Partout sur le globe, c’est une période de domination technocratique. L’Europe entame sa Renaissance vers la fin du XIVe siècle, fait disparaître dans les flammes toute trace de l’ancien paganisme et pousse ses derniers représentants à se réfugier dans des contrées reculées. La science sous toutes ses formes s’épanouit, des confins de l’Asie aux rivages de l’Amérique. Elle n’a pourtant rien de la science laïque moderne ; c’est plutôt un mélange bouillant de questionnement et de piété, dans lequel on peut un jour louer un scientifique comme un homme de Dieu et le brûler comme hérétique le lendemain. Privé de ses deux plus grands ennemis, l’Ordre de la Raison entreprend de dévorer sa propre progéniture. La Haute Guilde, plus riche encore que dans ses rêves les plus fous, se métamorphose peu à peu, devient le Syndicat corrompu que nous connaissons aujourd’hui. L’esclavage, la conquête, l’opium et l’or sont les piliers de son pouvoir… et de sa damnation finale. En ces temps de naissance de vastes nations, l’or traverse toutes les frontières et finance toutes les entreprises. Les Maîtres célestes, Gabriélites et Explorateurs qui dominent la Convention des Chercheurs du Vide dépendent tous de la bonne volonté de la Haute Guilde qu’ils remboursent en déversant leur or au sein du réseau de compagnies de commerce qu’elle développe à l’échelle internationale. Les Maçons, qui parlent au nom des gens ordinaires, sont écartés « au nom du progrès ». Menaces discrètes, coups de poignard silencieux
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et exécutions grotesques sont monnaie courante au sein de l’Ordre de la Raison. Des machines, auparavant considérées comme des crimes envers la réalité, deviennent vite les outils quotidiens des rois mortels. Partout dans le monde, les cultures tombent face aux armes à feu, aux chaînes et aux perfidies de la domination européenne. Un rival de la Technocratie étend pendant un certain temps son influence sur le monde musulman. La Mübarek Maharet Meclisi (ou Cour des Sciences sacrées) rassemble des éléments des Mokteshaf-AlHour et des disciplines plus récentes apportées par les Turcs ottomans. Attaquant à la fois l’Europe chrétienne et la Perse musulmane, les vigoureux Turcs conçoivent des technologies que même les Dédaliens leur envient. Tout comme les différents royaumes d’Europe plongent le continent dans un état de guerre permanent, l’islam respecte le schisme entre sunnites séculiers et chiites orthodoxes au sein de ses divers empires : les Ottomans, les Iraniens (Perses), les Songhaïs et les Moghols, qui vont jusqu’en Inde et en Asie pendant tout le XVIe siècle. Pendant des siècles, les technocraties rivales échangent coups de canon, épidémies, innovations stratégiques et alliances commerciales et technologiques occasionnelles. Seuls les clivages de l’orthodoxie religieuse empêchent ces différents groupes de dominer totalement la planète… un facteur éliminé par l’Union Technocratique quelques siècles plus tard.
L’ordre du « Nouveau Monde »
Aux Amériques, les envahisseurs européens éradiquent les cultures aztèque, maya et inca, et brûlent presque tout ce qui peut brûler. L’Espagne et le Portugal envoient des bateaux entiers d’esclaves africains travailler dans leurs « possessions » d’Amérique du Sud et déclenchent la même course parmi leurs voisins d’Europe du Nord. En quelques décennies, l’Angleterre, la France, la Hollande et les États germaniques lancent leurs propres programmes de colonisation en Amérique du Nord. Les maladies, la technologie et les divisions stratégiques opposant des ennemis ancestraux dévastent les cultures natives ; des tribus et des nations présentes depuis des milliers d’années sont affaiblies ou détruites. Isolées des échanges interculturels entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie, les civilisations d’Océanie et des Amériques résistent, mais finissent par céder devant l’expansion européenne et musulmane asiatique. La Chine, qui avait exploré jusqu’aux côtes de l’Amérique du Nord, se referme et le Japon unifié, en partie dirigé par les mystiques bouddhistes et shintoïstes dont les credo spirituels acceptent la technologie, apparaît comme une nouvelle puissance régionale. La « science zen » affûte des techniques dévastatrices de technologie civile, mystique et militaire en dehors de toute influence de l’Ordre de la Raison. Encore une fois, la jeune Technocratie trouve un rival dont elle envie les créations. Enrichi par les ressources monumentales générées par la conquête européenne, l’Ordre de la Raison pousse jusqu’en Chine, au Japon, dans le Siam et en Corée par l’Orient. Au tournant de la deuxième moitié du XVIIe siècle, il est présent dans le monde entier. Mais il est très loin de présenter un front uni. Rivalités nationales entre puissances européennes, schismes sanglants entre courants catholiques et protestants, plongent l’Europe dans un état de guerre perpétuel. Le conflit permanent qui l’oppose aux Artisans musulmans et chinois est un terreau fertile sur lequel se développent les innovations au sein des trois factions technocratiques… et, au fil du temps, les pousse à raisonner un peu plus en termes de « vision globale ». « Est-ce qu’il ne serait pas plus logique de réunir tous ces merveilleux penseurs en une seule et magnifique Union ? » s’interroge la Haute Guilde. Jouant tour à tour sur la force, la tentation,
la corruption et la diplomatie, l’Ordre européen progresse vers le rassemblement, la réforme et le contrôle global. Il n’est d’ailleurs pas très surprenant qu’une Union créée sur l’or volé, l’esclavage, le génocide et la conquête ait été si facilement corrompue…
Le Temps des Bûchers
Les sectes mystiques subissent une longue série d’épreuves et d’atrocités durant laquelle les mots « sorcière » et « hérétique » peuvent expédier n’importe qui sur le bûcher. Léchant les plaies de la Grande Trahison et des schismes qui en ont résulté, le Conseil ne compte plus que huit Traditions, toutes divisées par des événements temporels. Alors que les Européens progressent dans le Nouveau Monde, les membres amérindiens des Parlesonges exigent l’intervention de leurs homologues européens… qui leur est souvent refusée. Le commerce des esclaves se développe et divise les membres africains des Traditions entre les prêtres-sorciers africains « civilisés » d’Afrique du Nord et de Côte d’Ivoire, et leurs voisins « tribaux » originaires des cultures exploitées. Les mages européens sont aux prises avec des divisions similaires, en particulier entre les Choristes catholiques et ceux de leurs frères qui considèrent que le protestantisme est une foi plus pure. Les maisons d’Hermès profitent quant à elles d’une immense richesse. La plupart des dirigeants de cette période sont mages (comme Isabelle) ou ont des mages à leur service (comme la reine Elizabeth Ire). Ainsi naît un Âge des Sociétés secrètes, qui multiplie les loges, les sectes, les temples et les ordres alignant les mages et leurs acolytes Dormeurs. Mais en dépit de l’influence Éveillée (ou peut-être à cause d’elle), les guerres opposant les différentes nations obligent ces mages « d’État » à s’affronter en permanence dans le monde Éveillé et dans celui des Dormeurs. Dans le même temps, le fossé entre Batini musulmans et chrétiens des autres sectes ne cesse de se creuser. Les conquêtes musulmanes en Inde, en Grèce et en Europe de l’est attisent également les tensions entre Chakravanti et Batini. Les chasses aux sorcières qui ont lieu dans toute Europe poussent les Verbenae à livrer bataille contre presque tout le monde. Un schisme étrange frappe aussi le Conseil. Les mages plus traditionnels des cultures oppressées se rapprochent alors que les sorciers et le clergé « civilisés » méprisent dans un bel ensemble ces barbares. Une confédération improvisée de Parlesonges (le tiret tombe en désuétude au cours du XVIIe siècle), de Verbenae et de Chakravanti-Euthanatoï prend position contre les Hermétiques et les Choristes qui tirent pour beaucoup grand avantage de l’Âge de la Conquête. Dans cette atmosphère de tension, les Sahajiya (qui à cette époque préfèrent le nom de Devins de Chronos ou simplement de Devins) tiennent souvent le rôle de médiateur entre les deux groupes. Akashayana et Batini restent autant que faire se peut loin du conflit, ces deux Traditions privilégiant en théorie le principe d’unité. Les guerres qui opposent la chrétienté, l’islam et les nations divisées d’Asie rendent cet idéal hautement improbable. En résumé, le Conseil est un énorme sac de nœuds. La présence d’Hermétiques propriétaires d’esclaves manque de détruire le Conseil des Traditions, car même si l’esclavage existe depuis la nuit des temps, le commerce triangulaire industrialise l’extinction culturelle. Les tensions ethniques, toujours fortes au sein des Traditions, atteignent un nouveau paroxysme lorsque le concept de « race blanche », supérieure de par sa couleur de peau, commence à s’imposer. Hermétiques et Choristes, qui pour beaucoup embrassent avec enthousiasme le concept de supériorité individuelle et culturelle, profitent d’une fortune personnelle et d’une grande influence politique pendant toute cette période. Les
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« bâtards » Verbena (dont le pluriel latin -ae disparaît pour un simple -a invariable), les « peu recommandables » Devins et Thanatoïques, et surtout les Parlesonges, Batini et Akashites « racialement inférieurs », s’éloignent tous encore davantage de leurs cousins aristocratiques. Plus d’un tiers des Parlesonges quitte le Conseil et, ce faisant, marginalise davantage encore leur Tradition. Les chamanes qui restent se rapprochent des Extatiques et des Verbena… non sans éprouver d’énormes réticences et des doutes de plus en plus forts. D’une certaine façon, ces divisions créent un âge vibrant de la magye des Mondes mystiques. Chaque faction modèle des Royaumes de l’Horizon à ses propres fins et parmi ces derniers, certains contribuent à préserver des cultures sur le point de disparaître. Il faudra cependant pour cela se résoudre temporairement à la stagnation et la dissension au sein du Conseil des Huit. Et dans ce vide, un âge de Raison et de Folie grandit…
Chaos et transgression
Tout comme l’esclavage, la corruption et la folie ne sont pas des nouveautés. Après tout, avant l’Ordre et la Lumière, régnaient le Vide infini et le Chaos. Les Nephandi (qui tirent leur nom du latin nefas, « transgression ») et l’ancienne secte mésopotamienne appelée Nif’ur’en’Daah (« mangeurs de morts ») existent depuis des millénaires au moment de l’Âge de la Conquête. C’est ce dernier qui va pourtant leur donner une emprise considérable sur le pouvoir. L’orgueil engendre l’hubris, la richesse l’iniquité. Réduire en esclavage ou exterminer les peuples de continents entiers est source d’insensibilité et fournit un terrain fertile à l’influence des Nephandi. Quand les autorités mortelles réalisent l’importance du danger représenté par ces cultes et de ces messes noires, il est déjà bien trop tard. La folie elle aussi prospère dans les fissures de la civilisation. Les Maraudeurs (dont le nom vient de « maraud », un chat de gouttière audacieux en vieux français) ont toujours existé en marge de la société, mais c’est à cette époque qu’ils ont commencé à se faire davantage connaître. Autrefois solitaires, ces enchanteurs déments se regroupent à présent en fonction de leurs délires. Ces entités semblent étrangement bien se prêter à la folie de l’époque ; après tout, quelle meilleure mascotte pour des nations qui, pour se distraire, brûlent vif leur prochain tout en prétendant représenter la fine fleur de la civilisation ? Sur les mers et dans les forêts du Nouveau Monde, c’est à qui parviendra à mieux se placer pour réussir. Pirates et corsaires sillonnent en nombre les océans ; éclaireurs et hors-la-loi s’enfoncent dans la nature. Les cultures amérindiennes résistent et combattent de toutes leurs forces au nom de leurs terres qui disparaissaient ; le raz-de-marée de fusils, de bactéries et d’acier les a pourtant pratiquement exterminées. Les forêts autrefois sacrées pour les druides sont abattues et transformées en navires. Une nouvelle lignée magique, souvent appelée Bata’a, naît de la fusion entre captifs africains, maîtres européens et hommes-médecine amérindiens. Des groupes plus anciens, comme les Ngoma, semblent disparaître, broyés par la roue impitoyable de l’histoire ; ils ont été assimilés par d’autres sectes, comme les Madzimbabwe ou se sont évanouis dans la course folle vers un monde plus civilisé.
Sorciers, bohémiens et hérétiques
Pendant ce temps, les siècles de guerres et de persécutions religieuses finissent enfin par marquer le pas. Un tel carnage était évidemment déraisonnable aux yeux des hommes éclairés (et Éclairés). La science, la philosophie et les arts ont davantage à offrir que des bûchers hebdomadaires en place publique, affirment-ils avec force. Au fil des
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innovations telles que l’imprimerie, l’alphabétisation progresse en Europe et dans ses colonies, et l’Ordre de la Raison entreprend de se translater, avec son influence, de la ferveur sacrée à la logique matérielle. La fougueuse Renaissance devient un siècle des Lumières (de l’Illumination)… tout du moins tant que vous êtes un homme blanc et européen. Les bûchers s’éteignent sur le continent et les sociétés secrètes fleurissent : Rose-Croix, Francs-maçons, société Poro, et bien d’autres encore. La plupart d’entre elles restent l’apanage des Dormeurs, mais quelques-unes comptent des mages Éveillés et des artisans Éclairés. Dans l’ombre d’un Âge de la Raison naissant, la fascination pour l’occulte s’épanouit. Chaque cour semble avoir son lot de sorciers, de bohémiens et d’hérétiques. Ces sociétés offrent un refuge parfait aux Corporations, des sectes disparates refusant d’être assimilées par les Traditions ou l’Ordre de la Raison. Ces groupes ne comptent parfois qu’une poignée de membres (comme pour les Sœurs d’Hippolyte qui préservent les coutumes de l’ancienne déesse), et en alignent parfois des centaines, disséminés dans des réseaux aux liens peu étroits (comme les Enfants du Savoir, qui profitent d’une discrète prospérité). Les puissants Wu Lung seront par la suite considérés comme une Corporation, mais, à cette époque, ils jouissent de la faveur impériale et d’un mandat apparent des Fils du Ciel. Leur puissance décline pourtant en raison de l’interminable conflit les opposant aux Dragons du Métal. Ces derniers les remplaceront bientôt à la droite de l’empereur. Un peu partout dans le monde musulman, les Ottomans et leur Cour des Sciences sacrées l’emportent sur leurs rivaux iraniens et moghols. À l’instar des empires chrétiens en pleine expansion, les Ottomans utilisent un savant mélange de technologie, de religion, de philosophie et de force brute pour assimiler ou conquérir tous ceux qui se trouvent sur leur route. Les richesses pillées dans les Amériques (et les navires construits avec les arbres des forêts du continent) donnent néanmoins l’avantage aux nations chrétiennes. Le XVIIe siècle s’efface devant son successeur ; l’Angleterre, la France, l’Espagne, le Portugal, la Belgique, la Hollande et les puissances montantes de la Russie et de l’Allemagne plantent leurs drapeaux partout dans le monde. Bien évidemment, ils rencontrent de la résistance : Zoulous, Cherokees, la Confédération iroquoise (en partie inspirée par le Parlesonges de la Première Cabale, Faucon-qui-Marche), l’empire marathe hindou qui a remplacé les dynasties mogholes indiennes… Ces cultures et d’autres donnent du fil à retordre aux plus grands empires. La Chine décline, mais le Japon prospère et devient assez puissant pour s’isoler du « grand jeu » qui engloutit le reste du monde. Plus tard, ces cultures alimenteront les aventures pour jeunes garçons dans lesquels des hommes blancs prétendument très braves soumettent des étrangers prétendument barbares. Mais entre le début du XVIIIe et du XXe siècle, des forces puissantes ralentissent, voire stoppent la marée furieuse des empires. Entre-temps, la Guilde, les Artificiers, les Cosiens et les Explorateurs dominent l’Ordre de la Raison. Les gens ont apparemment partout besoin de leur or, de leurs épées, de leurs navires, de leurs médicaments et de leurs fusils. Pour des méthodes plus subtiles, on exige les paroles apaisantes et les poignards aiguisés des membres de la Guilde et des Ksirafai. Grandes aventures et trahison sont le maître étalon de cette époque. Les Maçons et la Cabale de la Pensée pure gardent une certaine influence, mais leur puissance commence à décliner. Les Maîtres célestes ont démontré combien notre monde était vaste or les idéaux médiévaux des Gabriélites et des Maçons semblent quelque peu surannés… et voués à l’obsolescence.
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La Révolution américaine (indubitable étalage de la force des Maçons soutenue par la ferveur des Gabriélites) est supposée envoyer un message à l’Ordre de la Raison dans son ensemble. Si tel était le cas, ses suites en Haïti et en France quelques années plus tard donnent une excuse à l’Ordre pour entamer une rénovation drastique. Au tournant du XIXè siècle, l’Ordre institue un Agenda de progrès et d’innovation. La domination du monde semble non seulement désirable, mais possible. Les noms médiévaux cèdent la place aux titres industriels : les Artificiers deviennent les Mécaniciens, la Haute Guilde une série de maisons de Contremaîtres constituées en sociétés, une fraternité éclectique d’inventeurs et de théoriciens prend le nom de Voltairiens et une Tour d’Ivoire commence à se former au sein de l’Ordre… avec des résultats sinistres pour plusieurs factions dédaliennes. Pendant tout ce temps, le Conseil reste empêtré dans ses difficultés, créant d’impressionnants Royaumes de l’Horizon, mais perdant du terrain sur Terre. Certains Batini frustrés déclarent que le Conseil est un obstacle à l’unité. Des Parlesonges font défection pour rejoindre des groupes tels que la Communauté du Serment des Cherokees, les Maîtres des Lions des Zoulous et les Bata’a en plein développement. La Fraternité Akashite, très diminuée après des siècles de persécution, semble trop détachée des affaires pratiques et les Verbena germaniques quittent le Conseil pour profiter du pouvoir grandissant de leur culture nationale. Les Devins, à présent souvent rabaissés au rang de simples Cultistes de l’Extase, prospèrent dans le milieu occulte clandestin européen, mais rejoignent aussi leurs frères hindous dans des groupes tels que la Société du Grand Tigre, les Kalika Rajas et les effrayants Aghoris. Autrefois modérateurs, ils acquièrent un degré d’avancement militaire choquant… égalé par leurs alliés écœurés du Conseil parmi les Chakravanti, qui préfèrent à présent employer leur nom grec d’Euthanatos (ou Euthanatoï au pluriel) et une approche sanglante de la magye provocatrice. Des Hermétiques perplexes et des Choristes effrayés rabaissent leurs frères des autres Traditions au rang d’amateurs au sang trop chaud. Le décor est planté pour une catastrophe.
Le triomphe de la vapeur et de l’acier La purge commence par une révolution industrielle ; elle s’accélère avec les révoltes en Amérique, en Haïti, en France et ailleurs. Elle traverse les conquêtes de Napoléon (un Technocrate par la méthode, si ce n’est par l’Illumination, qui perfectionne des technologies militaires et gouvernementales) et monte sur le trône en la personne de Victoria, une autre Technocrate dont l’influence va définir une époque entière. Les Traditions et la Technocratie considèrent Victoria comme un maître dédalien. L’histoire mortelle la présente comme une moraliste mélancolique, dotée de la perspicacité d’une huître en matière de société civile. Sous son règne, l’Angleterre devient la nation la plus puissante du monde, rarement égalée sur le champ de bataille et inspirant le respect dans toutes les sphères de réussite humaine. L’Angleterre de Victoria s’étend sur toute la planète, alimente des usines, des armées et des sociétés internationales que les autres nations imitent. Ce n’est évidemment pas l’apogée de la civilisation : c’est un pays sale et pollué, où règnent une abjecte pauvreté et une impitoyable oppression. Mais l’âge de Victoria est celui d’une nouvelle prospérité : un triomphe de la vapeur et de l’acier.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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La croisade du Czar Vargo Ça a presque marché. Ça aurait peut-être pu marcher. Si l’idéaliste éthériste appelé Czar Vargo n’avait pas tant osé de choses et été trop loin pour empêcher la Première Guerre mondiale, le XXe siècle aurait pu être très différent. Mais lorsque sa flotte de dirigeables a obscurci les cieux du monde entier en 1914, équipée d’appareils en théorie capables de désactiver toutes les armes modernes sur Terre, il a dépassé les bornes de la réalité… et disparu au-delà d’elles par la même occasion. Dans un énorme flash, l’armada entière s’est évanouie. Les hommes, les femmes et les appareils ont été envoyés ailleurs. Czar Vargo, ses adeptes et toutes les technologies qu’ils avaient prévu d’employer ont cessé d’exister. La plupart des archives et des souvenirs de cet événement ont également disparu ; les quelques traces qui subsistent sont douteuses, contradictoires et souvent absurdes. C’est comme si la journée entière s’était rembobinée, laissant de vagues fantômes des événements qui se sont déroulés, mais oblitérant les parties effectivement impliquées. La Société de l’Éther maintient qu’il a été détruit par la Technocratie et que tous les récits de ses aventures ont été effacés par le Nouvel Ordre Mondial. Mais une annihilation aussi radicale semble au-delà des moyens d’une simple Convention technocratique, fût-elle la plus puissante au monde. Il est plus probable que la Réalité elle-même a englouti Czar Vargo. Et si cela s’avère exact, il est possible que tout Ie siècle qui s’est écoulé soit le plus grand contrecoup de Paradoxe de l’histoire. Comme quoi, l’enfer est pavé de bonnes intentions…
Génie et trahison
Trois nouvelles sectes technocratiques incarnent cette époque. Les Voltairiens donnent naissance aux Ingénieurs Électrodynamiques, un hybride déchaîné mélangeant mystères hermétiques, érudition musulmane, inventivité européenne et hubris provocateur. Une association discrète et pourtant visionnaire de mathématiciens mécontents engendre les Ingénieurs Différentiels. Une meute d’aristocrates bruyants parcourt le globe en se faisant appeler les PassePartout et rejoint la faction naissante de la Tour d’Ivoire. À elles trois, ces communautés incarnent l’inventivité illimitée, l’anticipation calculée et le coup de poing vertueux. Comparés à eux, les Gabriélites grincheux et les Maçons indignés ont tout d’embarrassantes régressions vers une époque moins Éclairée. Alors même qu’il pousse ses rivaux mystiques vers un abîme d’insignifiance, l’Ordre de la Raison se fait vieux. Les maîtres en poste règnent depuis des siècles et se sont transformés en aberrations pour leur propre sens de la logique. Les zélotes religieux ont lassé et le sang qu’ils ont versé au cours des six ou sept derniers siècles a l’air, au mieux, contre-productif pour la cause de la Raison. L’argent et le commerce semblent les véritables indicateurs de la réalité dans ce monde en pleine expansion : plus vrais que les dieux, plus efficaces que les dogmes, capables de bâtir des empires à l’image de l’Homme sur les cadavres de cultures soi-disant plus primitives. L’Ordre de la Raison en a eu assez des superstitions désuètes et des absurdités religieuses encourageant la division. Il avait eu son lot d’empires et de technologies rivaux. Les quelques siècles qui viennent de s’écouler ont démontré que l’unité peut s’imposer par la force… et ainsi, derrière l’influence de Victoria, l’Ordre de la Raison devient l’Union Technocratique. Une série de rencontres et d’alliances réunissent l’Ordre européen, les Dragons chinois et les sectes technocratiques naissantes dans les États-Unis nouvellement formés. Les Ottomans ont également été invités à la table des négociations, mais un schisme entre Technocrates musulmans séculiers et hauts artisans musulmans religieux a fracturé la Cour des Sciences sacrées… ce qui, évidemment, était exactement ce que cherchait la Guilde européenne. Lorsque l’effort d’unification a été lancé, la Coalition des maisons de Contremaîtres a pris la tête de la révolution. Maniant une forme puissante de l’Art du Désir, ces hommes d’affaires ont conclu des accords secrets pour le futur de l’Ordre : la richesse mondiale, l’influence mondiale, le pouvoir mondial… et un point final à l’exis-
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tence de ces agaçants zélotes religieux qui étaient depuis si longtemps un frein au progrès. Tous les comptes rendus des réunions ont été « perdus » ou « révisés ». Toutes les parties impliquées sont vite mortes ou se sont tout aussi vite extrêmement bien cachées. Dans une série d’actions rapides, les Maçons, Gabriélites et autres « superstitieux » ont toutefois été déposés. Les historiens extérieurs à la Technocratie appellent ces événements la Purge éclair : une guerre rapide et brutale entre factions technocratiques. Au tournant du XXe siècle, elle a illuminé un Nouvel Ordre Mondial. La science, et non la foi, déterminerait à présent son chemin. En lieu et place des anciennes Conventions dédaliennes, d’autres groupes reprennent le flambeau technocratique : l’Itération X, une amélioration informatisée des Mécaniciens ; les Progéniteurs, qui fusionnent les expériences cosiennes sur la vie biologique à la possibilité d’une évolution avancée ; les Ingénieurs du Vide, fusion des Explorateurs et des Maîtres célestes d’autrefois en une seule entité pionnière ; le Nouvel Ordre Mondial, qui a apparemment consolidé la direction sous le patronage de la Raison et du Contrôle ; les Ingénieurs Électrodynamiques et Différentiels ; et le Syndicat (à savoir les syndics, les représentants, de ces nouveaux intérêts technocratiques) qui, derrière un paravent d’argent et de complaisance, incarne la véritable force dirigeante du nouvel Ordre. La Tour d’Ivoire a remplacé les sinistres Ksirafai, démodés. Ce dernier groupe a disparu, son but déclaré apparemment rempli. Comment tout cela a-t-il eu lieu aussi vite ? Comment les Maçons et les Gabriélites ont-ils été pratiquement exterminés ? Quand donc la Cabale de la Pensée pure, un groupe qui se consacrait à l’orthodoxie religieuse, a-t-elle réussi à pousser Dieu hors de la Machine ? Et, cerise sur le gâteau, comment un groupe d’arrivistes européens athées a-t-il réussi l’exploit de rallier à sa cause les maîtres musulmans, taoïstes et confucéens ? Des changements aussi radicaux pourraient presque être considérés comme… magiques.
La fin d’un âge
En réaction aux empires industriels broyant les gens dans leurs engrenages, les lueurs vacillantes de la rébellion ont fait naître une nouvelle fascination pour les activités occultes. Les ordres mystiques semblent soudain partout. Est-ce le résultat d’une manœuvre de l’Ordre d’Hermès sur le long terme à travers les diverses sociétés
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secrètes ? Ses membres n’hésitent pas à prétendre que tel est le cas, histoire de faire un peu mousser leur Tradition. En Europe, les artistes extatiques dansent dans les bacchanales bohèmes de cette fin de siècle ou combattent le long des frontières américaines sous le nom de Los Sabios Locos (« les sages fous »). La pollution répugnante et le désespoir écrasant de cette victoire industrielle alimentent la ferveur des Thanatoïques… surtout depuis que la Grande Guerre et l’épidémie de grippe espagnole ont lancé, et affolé d’entrée, le compteur macabre du siècle naissant. Les Akashayana trouvent une nouvelle raison d’être dans la révolte des Boxeurs qui leur rappelle les victoires engrangées aux côtés des Turbans rouges. Le Chœur Céleste recrute de nouveaux dévots en Amérique du Nord et du Sud. Les Verbena, eux aussi, s’épanouissent dans le renouveau occulte et les rébellions artistiques de l’époque. Le terme néo-païen, d’abord insultant, devient une marque de fierté. Atterrés par la destruction des cultures africaines et amérindiennes, les Parlesonges adoptent une posture d’opposition calme et évangéliste ; nombreux sont ceux, y compris parmi leurs alliés, qui ont pris cette attitude comme une forme de sérénité du « noble sauvage », mais personne n’a compris la Volonté puissante et subversive qu’elle dissimule. Seuls les Batini semblent abandonner tout espoir ; écœurée par la stagnation et les divisions du Conseil, cette Tradition l’a quitté peu après le début du XXe siècle. Toutefois, à cette époque, un autre groupe rejoint ses rangs. Les Ingénieurs Électrodynamiques ont joué un rôle essentiel dans la Purge éclair, car leurs machines ont écrasé la résistance des Gabriélites et les Arts des Maçons. Cependant, peu après, le Cénacle de la Technocratie a tenté de contrôler plus étroitement ces fiers inventeurs. En annonçant que l’éther, un élément fondamental de la haute Science de l’Électrodynamisme, n’existe pas réellement, le Cénacle utilise les nouvelles technologies de communication de masse pour remettre les Éthéristes à leur place. En conséquence, les Ingénieurs quittent la nouvelle Union Technocratique en 1904 et rejoignent les Traditions sous leur ancien surnom, les Fils de l’Éther. Dire que ça ne s’est pas très bien passé est un doux euphémisme.
Pendant des décennies, les puissances industrielles et les Technocrates qui leur sont associés ont testé leurs inventions les plus mortelles sur des gens qu’ils traitaient de sauvages primitifs et de culs-terreux rebelles. De temps à autre, une armée balançait une nouvelle innovation sur les troupes rivales, histoire de voir le résultat. Mais personne n’avait prévu ce que pouvaient donner deux superpuissances, soutenues par la Technocratie, utilisant leurs plus gros joujoux. Cela commence quand le Japon nouvellement industrialisé s’accroche à la Russie tsariste, dans ce prélude russo-japonaise du film d’horreur à venir. Quelques années plus tard, le château de cartes de Victoria s’écroule dans le tumulte de la Première Guerre mondiale. Lorsqu’elle se termine enfin, et que l’épidémie de grippe espagnole a inscrit 20 millions de morts supplémentaires au tableau, la véritable étendue des atrocités technocratiques est révélée. La Croisade des Sorciers avait été féroce et la Purge éclair stupéfiante. Les épidémies, les guerres, les effondrements d’empires et les guerres civiles diverses et variées ont apporté leur lot de malheur. Mais personne n’avait jamais vu quoi que ce soit qui ressemble au génocide mécanisé entourant la Grande Guerre : des tanks, des avions, du gaz toxique, des mitrailleuses, des canons qui pouvaient pilonner une cité depuis un autre canton, et une génération d’hommes et de femmes aux corps et aux esprits brisés même lorsqu’ils n’étaient pas tout à fait morts. Une magie épique et affreuse semble avoir pris le contrôle de l’humanité. Et le pire est encore à venir…
Rugissement
Dans le sillage de la guerre et de la maladie à l’échelle du globe, celle qu’on a appelée la génération perdue plonge dans une renaissance de l’occulte. Spiritualisme, ordres secrets, mouvements artistiques radicaux, réhabilitation des païens et athéisme militant fournissent tous des initiés consentants aux cultes, Éveillés ou non. La Technocratie se secoue et fait le tri parmi les débris du carnage, souvent sans remarquer la montée en puissance de ses ennemis Hermétiques, Choristes, Extatiques, Thanatoïques et même Akashites. Après tout, les distractions sont légion pendant ce « rugissement » historique, les
L’essor du citoyen extraordinaire Les mages, de tout bord, qui s’attendaient à jouer les Panurge et à conduire une humanité bêlante sur la pâture qu’ils avaient choisie, ont eu un choc devant ce que le Nouvel Ordre Mondial appelle l’essor du citoyen extraordinaire : une révolution en termes d’aptitudes, de conviction et de croyance parmi les Masses. Alors que l’indifférence en vogue dans les années 90 suggérait une stagnation du potentiel humain, les événements littéralement explosifs du nouveau millénaire ont soudain montré l’idée totalement opposée. Si au sein de la société consumériste, certains ingurgitent jusqu’à l’écœurement Happy Meals et autres malbouffes culturelles, l’agitation politique, le savoir-faire technologique, le romantisme mystique et les convictions religieuses se mélangent joyeusement et provoquent des bouleversements à l’échelle mondiale. Partout sur le globe, un nombre sans précédent de personnes utilise la technologie et croit pourtant à l’existence de la magie. Cet apparent paradoxe (avec une minuscule) a inversé la tendance de la Guerre de l’Ascension. Au même moment, ces mystiques de longue date intègrent la technologie informatique dans leurs vies et dans leurs rituels et des Technocrates idéalistes brûlent de s’épanouir sur le plan spirituel. En parallèle, ceux qu’on qualifie de Dormeurs se sont révélés être des agents actifs des deux camps, capables d’utiliser la technologie accessible à tous pour fabriquer des visions magiques. Des écoles de sorciers aux vampires romantiques, en passant par les sagas apocalyptiques et les super-héros en images de synthèse, le ragoût pop culture de cette fusion du millénaire est une acceptation de tous les adversaires dans le conflit de l’Ascension. En résumé, personne ne gagne, mais tous les mages, y compris les Maraudeurs, ont une chance de faire main basse sur un Consensus mondial. Les citoyens extraordinaires du nouveau millénaire ne sont ni les paysans tremblants des légendes médiévales, ni les Masses obéissantes des idéaux technocratiques. Au lieu de cela, ils (enfin, NOUS, pour être plus précis) plongent dans une ère dynamique où la technologie, la foi et l’imagination coexistent. Celle-ci a pourtant un côté sombre : son potentiel de folie mondiale et d’auto-annihilation. Ce choix ne sera pas celui d’une quelconque faction Éveillée ; il sera fait par les citoyens extraordinaires du XXIe siècle.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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plus évidentes étant la Révolution russe, l’effondrement de la Chine impériale, la rapide ascension du Japon et le contrecoup anti-germanique en Europe… un contrecoup qui va inspirer les horreurs à venir. Alors que des expériences technocratiques se mettent en place en Italie, aux États-Unis et en Russie, un nombre grandissant d’Excavés vient grossir les rangs des Éveillés. Abandonnant toute forme de sagesse ancestrale, ces gens passent à travers les mailles du filet des Traditions comme de la Technocratie. Même si plus tard, on les considérera comme des adolescents gothiques en proie à l’ennui, les orphelins Excavés sont une véritable tradition mystique du XXe siècle. C’est un fait que le Conseil ignorera plus tard ; il paiera cher cette erreur. Dédaignés par les mystiques hautains qui les verront comme une « populace d’Éveillés sans maître », les Excavés sont traités comme des recrues de seconde classe et de la chair à canon. Cela leur restera en travers de la gorge. Tout au long des années 20 rugissantes, les mages de tous les camps consolident leur influence. Les nouvelles technologies des médias de masse aident les plus astucieux à propager les croyances et à modeler les réalités. Les Éthéristes ont sans doute été les plus ingénieux dans l’utilisation du cinéma, des magazines, des journaux, des enregistrements audio et de la radio, mais ils n’ont pas le monopole. Même la Grande Bête, Aleister Crowley, a mené des expériences sur les rituels enregistrés. Il a d’ailleurs réussi le tour de force d’être considéré comme un membre de presque tous les groupes mystiques, tout en n’apparaissant jamais de manière certaine dans une unique Tradition Éveillée. Les répercussions hideuses de la guerre et celles, pires encore, de la Grande Dépression mondiale ont tout autant divisé le Conseil que l’Union. La désintégration de l’Empire ottoman en 1923 et la soif de technologie d’une douzaine de puissances impériales, s’ajoutent aux bouleversements sociaux et à la segmentation de l’Afrique et de l’Asie en « propriétés » européennes. Les tensions ne cessent de monter dans cette période d’instabilité. Le Dust Bowl (NDT : une région à cheval sur l’Oklahoma, le Kansas et le Texas frappée par une série de tempêtes de poussière dans les années 30, période qu’on a surnommée les Dirty Thirties) est-elle le résultat d’une guerre magyque ? Des factions Éveillées ont-elles déclenché les nombreuses grèves et émeutes de l’époque ? Qui dirige réellement les familles du crime organisé qui ont envahi les États-Unis… et qu’en est-il vraiment de ces rumeurs sur la chasse organisée par le Ku Klux Klan sur les Parlesonges et les Bata’a ? Où sont passés les Ahl-i-Batin ? Le monde se dirige-t-il vers un autre Âge du Fer affreux ? Alors que les années 20 et 30 dérivent vers une autre guerre mondiale, les mystères se multiplient. Rétrospectivement, une chose saute aux yeux : les Déchus jouent aux échecs avec notre monde.
Le creuset
D’après les actualités, tout est merveilleux : l’Allemagne, l’Italie et le Japon, nouvellement arrivé sur le devant de la scène, semblent tous déborder de vie et d’espoir. Leurs machines figurent parmi les plus modernes, leurs populations sont bien nourries et disciplinées. Des chefs d’État éloquents inspirent une grandiose dévotion. On dirait un rêve technocratique devenu réalité, le visage rayonnant de Demain. Nous savons tous ce qui se passe ensuite. La Seconde Guerre mondiale divise les Traditions et la Technocratie ; des mages des deux camps rejoignent l’Axe ou les Alliés. Quelques mystiques ont bien pris la tangente et plongé dans un anonymat protecteur, mais la plupart des gens saisissent parfaitement l’importance des enjeux. Quand on découvre les atrocités
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commises, quand les fiers dirigeants supposément Éclairés de l’Axe se révèlent être des monstres, impossible de nier la vérité : les Nephandi ont visé le gros lot, ils l’ont même peut-être décroché. C’est un âge de Paradoxe, un Armageddon cosmique aux proportions mythiques. La magye et les machines s’affrontent d’un bout à l’autre de la Terre. Il n’y a que l’Amérique du Sud qui est réellement épargnée. Les mystiques allemands de l’Ordre de Thulé combattent le Trio formidable de Doc Éon. Les Japonais du Pilier sanglant et de la Brigade du Vent ardent affrontent les Tigres fantômes, une secte de Thanatoïques, de Parlesonges et d’Extatiques, et les Poings feutrés akashites. Les Ingénieurs Différentiels, devenus les Adeptes du Virtuel, quittent les rangs technocratiques et aident le haut commandement britannique à décrypter les codes secrets mystiques allemands. Les Parlevents américains utilisent un autre genre de code et leur nom est un indice clair de leurs liens avec les Parlesonges. La division la plus dure a sans doute été la guerre intestine qui a déchiré les Verbena ; pour une Tradition fondée par une sorcière britannique et un druide germain, cette déchirure était une véritable tragédie grecque. Pendant un certain temps, les dirigeants de la Technocratie soutiennent la machine de guerre de l’Axe. Mais lorsque l’étendue et la nature des horreurs commises deviennent impossibles à ignorer, le Cénacle se range aux côtés des petits agents technocratiques qui s’y étaient opposés. L’habileté technique derrière les puissances Alliées, en particulier la Russie et les États-Unis, fait basculer l’équilibre des forces. Les gadgets des armées d’Hitler tombent en panne, la fière machine allemande s’enraye et ses innovations technologiques piétinent ou explosent dans des éclairs aveuglants du Paradoxe. Pour la première fois de toute leur histoire, des Technocrates de haut rang rencontrent les maîtres du Conseil des Traditions fin 1943, et les deux factions à présent alliées écrasent l’Ordre de Thulé, les Loups de Minuit (vestige de la Guilde du Loup dédalienne) et la Société du Soleil éclipsé, le cœur nephandi de la puissance nazie. Des Technocrates et des mages des Traditions sont certes restés aux côtés de l’Axe jusqu’à la fin, mais cette fin est quasiment certaine. Rétrospectivement, les explosions à Hiroshima et Nagasaki sont peut-être de titanesques contrecoups de Paradoxe. À moins qu’elles ne soient le coup d’envoi d’un dénouement terrifiant…
Rêver l’impossible Tout comme l’alliance entre l’Union soviétique et l’Occident anglo-américain prend fin, la trêve entre Technocrates et Traditions tourne vite au face-à-face féroce. La Seconde Guerre mondiale a offert aux deux camps tout un tas de nouveaux jouets et autant de raisons de les utiliser. Stimulées pour la première fois depuis des siècles, les Traditions étendent leur influence dans le vide de l’après-guerre. La Technocratie récupère à son profit l’Âge de l’Atome et y voit une chance d’exporter ses idéaux partout dans le monde. La défection des Adeptes du Virtuel en 1961 ramène le Conseil à son effectif originel de neuf. Les Adeptes apportent également un élan bienvenu d’inspiration futuriste. Associée aux Fils de l’Éther, la nouvelle Tradition plonge définitivement le Conseil dans ce bouillant XXe siècle. Quand le mouvement de la contre-culture explose dans les années 60, les Traditions s’imposent dans la culture populaire. Les Dormeurs, fatigués par la guerre, ont soif de rébellion, de spiritualité et de merveilleux. Les Traditions sont ravies de les leur offrir. Des peuples et des cultures opprimés depuis longtemps brisent leurs chaînes coloniales, ramènent des Arts perdus sur le devant de la scène mondiale. Et ainsi, malgré le Pogrom de plus en plus intense mené par l’Union Technocratique, les mages mystiques coulent les
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Destins futurs : le Jugement et le Sixième Âge La fin des années 90 est désastreuse pour les Traditions. Dans l’intrigue générale entre la deuxième et la troisième édition de Mage : • Les rivalités entre Hermétiques détruisent Doissetep ; contre toute attente, le maître thanatoïque Voormas se rebelle ; le Guerrier de l’Ascension mène une armée de jeunes mages en colère jusqu’à la forteresse d’Horizon et la rase presque en totalité pendant la Guerre de l’Horizon. • Lors d’une Seconde Guerre Massasa, l’Ordre d’Hermès affronte les vampires dans un conflit qui coûte très cher à toutes les parties concernées. • Au cours de la Semaine des Cauchemars du début du mois de juin 1999, une sorte de monstre divin apparaît au Bangladesh ; la Technocratie atomise le sous-continent indien, ce qui provoque la Tempête d’Avatar (voir le Chapitre quatre) et d’autres désastres métaphysiques. • Peu après, une force technocratique balaie les vestiges de la forteresse d’Horizon, tuant la majorité des anciens encore en vie et oblitérant le foyer du Conseil. Les Primi disparaissent, laissant les Traditions sans direction. L’accumulation de catastrophes ébranle les Neuf Traditions. La Technocratie intensifie son Pogrom et à l’aube du nouveau millénaire, proclame la fin de la Guerre de l’Ascension. Les Corporations disparates sont traquées, en théorie détruites et leurs rares survivants fuient ou rejoignent ce qui reste des Traditions. La Technocratie est également plongée dans le chaos lorsque l’Anomalie dimensionnelle de la Tempête d’Avatar coupe les Technocrates terrestres de leurs Canevas dans l’Univers profond. Elle se retrouve à la tête d’une humanité apparemment apathique. • À la suite des cataclysmes du 11 septembre, l’humanité semble devenir folle. Des fanatiques religieux déclenchent des guerres sur tous les continents. Des mages des Traditions entrés en résistance découvrent bientôt un mystérieux Conseil des Dévoyés, mais ne peuvent ni le déchiffrer, ni lui faire confiance. Le Jugement a lieu et un sixième Âge final commence. Étant donné que cette intrigue générale change vraiment tout le contexte du jeu, un conteur de Mage a trois options : • Les choses sont telles qu’elles sont décrites dans la troisième édition de Mage : la Technocratie domine le monde. Les Dormeurs veulent juste leurs Big Macs et leurs séries TV. Les Disparates se sont évaporés et les Traditions restent une petite force de résistance. La Tempête d’Avatar, toujours active, limite la plupart des activités à la Terre. Le Sixième Âge continue de faire pleuvoir le sang et le malheur, et la magye mystique génère par défaut du Paradoxe. • La Technocratie a crié victoire trop tôt : certes, l’Union a l’avantage, mais Traditions et Disparates ont survécu à bien pire. L’hubris pousse la plupart des Technocrates à considérer que le combat est plus ou moins terminé… et à ne pas voir que les dirigeants nephandi contrôlent à présent le moindre de leurs mouvements. Les Masses surprennent tout le monde par leur mélange de nombrilisme, de fanatisme et d’espoir dans des lendemains qui chantent. Les Traditions se reforment une fois encore, et les Disparates s’unissent pour récupérer leur monde. Découvrant la corruption du Cénacle, des Technocrates loyaux organisent une guerre de l’ombre au sein de l’Union, peut-être en s’alliant à des sectes des Traditions et des Disparates, dans une tentative pour sauver les idéaux de la science de l’infiltration des Nephandi. Mais pour l’instant, les Déchus sont les grands vainqueurs de ce qui reste de la Guerre de l’Ascension. C’est la Seconde Guerre mondiale qui recommence, mais les enjeux sont encore plus importants. • Rien de tout cela n’est jamais arrivé : comme au milieu des années 90, la Technocratie et les Traditions sont plus ou moins à égalité, les Nephandi en majorité bannis de la Terre et les Maraudeurs trop dispersés pour représenter une véritable menace. Les Disparates ont leur propre territoire, mais les cataclysmes qui ont poussé l’Ascension au bord du gouffre n’ont pas eu lieu et ne se produiront probablement jamais. M20 utilise le deuxième scénario, mais c’est à vous que revient le choix définitif. Qui sait ? Peut-être que le sixième Âge a effectivement eu lieu, que le vieux monde a vraiment pris fin et que le monde actuel n’est qu’une réalité alternative parmi tant d’autres. La réalité est une chose étrange, surtout dans le monde de Mage, et elle n’est que rarement ce que vous attendiez…
fondations de leur pouvoir dans la pop culture, le mouvement pour les droits civiques, une technologie imaginative et différents courants religieux et spirituels. Au cours des décennies suivantes, les Traditions et la Technocratie s’affrontent dans des luttes sanglantes pour la suprématie, chaque camp poussé par sa volonté d’accomplir son Ascension, et trop fier pour voir sa propre damnation. La folie et l’orgueil ont modelé un Monde des Ténèbres. Au lieu de faire leur Ascension, les gens souffrent. Malgré de formidables prouesses, l’animal humain est une bête enfermée en guerre contre lui-même. Les monstres qui rôdent la nuit ne sont que les reflets du cœur humain et alors qu’un Jugement dernier approche, les vrais gagnants de cette Guerre de l’Ascension sont évidents pour tout le monde, sauf pour les mages qui la livrent. Les années 90 prédisent une apocalypse, un Jugement du péché, de la destinée et des punitions. Des forces se rassemblent et
convergent dans de monumentales confrontations. Des forteresses tombent. Des maîtres périssent. Des agents de la Technocratie repèrent une corruption profondément enracinée dans leurs rangs, un poison nephandique qui intoxique le Cénacle lui-même. Des guerres détruisent les Royaumes de l’Horizon et leurs échos ébranlent la situation sur Terre. Des fanatiques et des fous violent le monde par le feu. N’allez pas chercher la magie plus loin que la connexion Internet la plus proche ; ses miracles semblent pourtant mesquins, petits et vils. Et ainsi, tandis que le World Trade Center brûle et s’effondre, un Âge des Ténèbres lumineux commence, un pays des merveilles débordant de choses impossibles et bien déterminé à s’autodétruire. Mais les mages ont toujours été les spécialistes de l’« impossible n’est pas magyque ». L’Ascension peut être retardée, mais on ne peut l’empêcher. Si des Horizons brûlent, si des Corporations volent en
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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Partie II : le Conseil des Neuf Traditions mystiques Oh, Porthos… Espèce de vieil idiot magnifique. Les fragments de Doissetep reposent sur un carré de soie brodée d’or, au centre d’un pentacle dont la complexité tirerait des larmes de confusion à Salomon en personne. J’ai la gorge en feu d’avoir chanté six heures dans trois langues différentes : l’hébreu, le nubien ancien et, bien sûr, l’enochéen, fausse langue morte fabriquée de toutes pièces à la Renaissance et néanmoins réceptacle d’un pouvoir que son escroc de créateur n’a jamais remarqué. J’ai les cheveux détachés façon chamanes du temps jadis et mes dreadlocks font autour de mon visage comme un lourd rideau noir. Ses traits, d’abord figés par l’indécision, se détendent pour prendre cette expression rêveuse des martyrs. Voici, là devant moi, le moment de son choix. Le moment qui nous a tous sauvés. Au centre de mon pentacle, le spectre de cet instant perdu depuis longtemps vacille, libéré des contraintes du temps et de l’espace. Des volutes ectoplasmiques recréent la scène. Aucune caméra n’a enregistré cette avant-dernière décision, pourtant mes Arts l’ont libérée du vide. Les fragments de la forteresse, inestimables, restituent leurs souvenirs. Je le sais, je ne vois que ce que je m’attends à voir, cependant cette vision recèle une vérité. Les esprits me l’ont dit et ils savent qu’ils n’ont pas intérêt à me mentir. Je suis lasse bien que fascinée. Tant de choses dépendaient de la résolution d’un seul homme, et ces implications sont affreuses. Lui aussi semble épuisé. J’espère ne jamais vivre assez longtemps pour douter de ma propre santé mentale, comme il l’a si souvent vécu. L’archimaître Porthos des Mille Titres Honorifiques, ceux que nous devions mémoriser au cours de notre formation, hésite pendant un moment, prophète fou dressé face au destin. Il passe sa langue sur ses lèvres un court instant (geste tellement humain !) avant que le masque du commandement ne glisse sur ses traits. Sa peau prend la solennité de la pierre, telle une idole sans âge de grandeur passée. Puis il ouvre la bouche pour laisser éclater les mots de majesté, scellant les portails, laissant Doissetep imploser. Le temps d’un soupir éternel, je me tais. Je laisse la scène figée flotter dans les airs, s’imprégner dans mes os. C’est peut-être mon imagination, mais je jurerais voir le visage du fantôme d’Hermès lui-même sur celui de Porthos. L’homme, le dieu et le magus deviennent trois en un seul, une unique entité trois fois grandiose au carré. Puis l’image brille jusqu’à devenir un soleil aveuglant, enfin le moment disparaît dans les flammes. Si quelqu’un me le demandait, je dirais que c’est cet éclair qui fait couler mes larmes, mais je mentirais. Ce fut le moment de notre possible renaissance, l’éclair illuminant les nuées du Paradis et régénérant notre univers entier.
Un héritage de défi Ah, s’ils pouvaient retrouver l’Âge de la Magye ! Une époque merveilleuse où les miracles étaient à la portée de tous ! Grâce à ses Arts, un mage astucieux et ambitieux accomplissait de grandes choses : appeler des tempêtes, conjurer des esprits, dresser des châteaux depuis la pierre du sol et briser les armées ennemies d’un simple geste de sa puissante main ! Voilà l’idéal des mages des Neuf Traditions… ou du
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
moins de certains d’entre eux : un retour au passé, lorsque la magye était une force de changement élémentaire et qu’un mage pouvait manipuler des Arts qui faisaient hurler de terreur et figeaient sur place les hommes les plus courageux. C’est un rêve merveilleux, un rêve qui a porté les Neuf Traditions pendant plus de cinq cents ans. Les mages qui lui appartiennent sont fiers de leur vision personnelle et de leurs Arts ancestraux, et c’est cette fierté qui leur insuffle l’énergie nécessaire pour résister bien plus longtemps qu’une âme inférieure. À de nombreux égards, ils sont les protecteurs du merveilleux, ils s’accrochent aux meilleurs aspects de leur histoire pour donner une chance à l’avenir. Leur vision est pourtant également égoïste, tellement étouffée par sa propre gloire que ses gardiens ignorent souvent le prix que les autres doivent payer pour ce rêve. Alors les membres des Traditions sont-ils les courageux sauveurs d’un âge des merveilles révolu… ou bien une expérience mal préparée, conduite par des passéistes aux objectifs égocentriques et totalement irréfléchis ? En toute honnêteté, les deux sont vrais. Il est exact de dire que le combat des mages des Traditions contre l’impérialisme étouffant de la Technocratie est une juste cause. Il est tout aussi vrai de les décrire comme des fous téméraires qui préfèrent la lueur des chandelles à la lumière crue des lampes halogènes. Les mystiques des Neuf Traditions ont effectivement subi d’horribles répressions de la part des chasseurs de sorcières mortels et de l’Union Technocratique… toutefois, ils ont eux-mêmes provoqué deux des plus grands désastres de leur histoire : la trahison de la Première Cabale et la chute de Doissetep. Les Explorateurs technocratiques ont peut-être pillé les Amériques et la Haute Guilde géré le commerce d’esclaves, mais ce sont les maîtres hermétiques qui ont marginalisé les Parlesonges, qui se sont moqués des sages akashites, qui ont conclu une alliance vieille de plusieurs siècles avec les Ahl-iBatin en voulant imposer la « suprématie de l’homme blanc » en Afrique et en Inde. Les Traditions ont fait beaucoup d’erreurs, commis leur lot d’atrocités. Leur vision de l’Ascension ferait hurler de terreur la majeure partie de l’humanité. Alors sont-elles le camp des gentils ? Dans le monde perfide des Éveillés, aucun mage n’est vraiment innocent, aucune faction réellement bonne. Au mieux, les mages peuvent vivre leurs vies selon de grands idéaux et utiliser leurs pouvoirs pour faire progresser l’humanité dans son ensemble, sans écraser une partie d’entre elle au passage. Voici donc le défi d’un membre des Traditions : rester fidèle au meilleur de sa faction et faire que demain soit plus beau qu’hier.
Un fier héritage Malgré leurs nombreuses erreurs, les Traditions peuvent s’enorgueillir de beaucoup de choses. Pendant plus de cinq siècles, le Conseil a défendu la diversité, la coopération et le respect mutuel par-delà les divisions culturelles. Cela peut sembler bien maigre aujourd’hui, surtout comparé aux nombreuses erreurs du Conseil notamment sur les Parlesonges. Malgré tout, tous ceux qui ont reçu le titre de maître parmi les Traditions n’en ont jamais été honorés en vertu de leur race ou leurs croyances religieuses ; leur talent seul a compté. Quand les sorciers étaient davantage du petit bois pour bûchers que des compa-
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gnons, quand les catholiques brûlaient les protestants et que tous brûlaient les Juifs, quand les gouvernements blancs considéraient toutes les autres couleurs de peau comme rien (et les femmes comme moins que rien), le Conseil jugeait tout le monde à cette même aune : soyez bon dans ce que vous faites, et faites-le bien.
La terre et le feu
Le Conseil comptait à l’origine neuf Traditions, un nombre propice ; or, il a passé la majeure partie de son existence à huit. Étant donné que le nombre 8 représente le monde ordinaire (par opposition à la perfection d’esprit et d’âme incarnée par le 9), il est compréhensible que les Traditions aient si souvent frôlé la perfection sans jamais l’atteindre. Malgré tout, le 8 a également une importance cosmique. Il y a huit voies vers l’épanouissement spirituel, huit rayons sur la roue bouddhiste et huit pétales à la fleur de lotus. Perfection dans sa triple itération, 2 x 2 x 2 symbolise l’élément de la terre. Le Conseil avait sans doute besoin d’être fermement enraciné avant de revenir à la signification brillante du 9, dont la triple itération, 3 + 3 + 3, symbolise l’élément du feu. Indéniablement, le Conseil incarne le feu depuis que les Adeptes du Virtuel l’ont rejoint en 1961. Les enfers de la Première et de la Seconde Guerre mondiale ont arraché les Traditions à leur quasi-stagnation et les feux de la rébellion ont alimenté leur révolution contre-culturelle. La fin explosive de Doissetep, la ruine d’Horizon et les brasiers de la purge technocratique ont tous débarrassé les Neuf Traditions de leur graisse superflue. Les mages hermétiques associent la lame du tarot de la Tour à l’oblitération d’Horizon et l’autodestruction de Doissetep, car l’arcane comme les événements symbolisent l’effondrement d’institutions stables, bien qu’étouffantes. À leur entrée dans le nouveau millénaire, les Neuf Traditions sont épurées, concentrées et prêtes à exceller. Même si elles ont préservé un peu de l’ancienne solennité de leurs racines de la Renaissance, les Traditions préfèrent vivre dans le présent. Leurs rituels et leurs outils peuvent parfois sembler archaïques. Cela étant, elles affichent des sensibilités bien plus modernes qu’on ne le pense. Malgré une réputation de passéistes grincheux (un reproche plus légitime lorsqu’il s’adresse aux anciens maîtres plutôt qu’aux
membres actuels), les mages qui leur appartiennent sont plus dynamiques que leurs rivaux technocratiques. Leur approche est aussi plus classique et plus romantique. Pour le meilleur et pour le pire, on associe la plupart du temps « mage » et Traditions.
Buts et idéaux communs Certains principes ont porté les mages des Traditions à travers des siècles de conflit. Un Hermétique peut grogner contre un Extatique, s’ennuyer pendant les méditations d’un Akashite, lever les yeux au ciel quand un Choriste attaque un sermon et se demander ce qu’un Adepte du Virtuel peut bien trouver à son stupide ordinateur, mais tous les cinq partagent probablement les idéaux qui suivent.
L’excellence
Ce n’est pas pour rien que le Conseil a choisi le mot arété pour représenter la qualité la plus puissante d’un mage. Il signifie « excellence » et c’est bien ce que le Conseil apprécie par-dessus tout. N’importe qui peut être le maître d’une Tradition s’il, elle ou éventuellement ielle (pour les personnes de genre neutre ou non-binaire) travaille dur, s’efforce de perfectionner ses Arts et respecte ses serments, ses promesses et son honneur. Oui, les mages des Traditions mentent, complotent et ne sont pas toujours à la hauteur de leurs nobles buts ; mais pour le Conseil, l’objectif d’excellence est la plus haute aspiration mortelle. Les membres des Traditions recherchent donc la connaissance et endurent des épreuves afin de devenir plus dignes du titre de mage.
La diversité
Depuis sa création, le Conseil des Traditions a accepté en son sein quiconque répondait à ces critères d’excellence. Ni le sexe, ni les croyances religieuses, ni l’ethnie n’ont empêché les Traditions d’accueillir les adeptes qui en étaient dignes. Cela ne veut pas dire qu’elles n’ont pas été… disons-le honnêtement, racistes. Elles l’ont été, et par certains côtés le sont encore, surtout en ce qui concerne les Parlesonges. Mais pour un groupe créé dans l’Europe médiévale, il reste cependant d’une surprenante diversité.
Destins futurs : les Traditions Entre la deuxième et la troisième édition de Mage, le Conseil, entité jusque-là puissante à la tête de forteresses dans les mondes mystiques et comptant dans ses rangs des maîtres aux pouvoirs quasi-divins, devient un groupe disparate luttant pour sa survie après avoir perdu ses plus grandes ressources. En conséquence, le statut des personnages des Traditions et de leurs groupes dépendra énormément de l’option que vous choisissez d’utiliser : • Les survivants résistent : la Technocratie a gagné, Horizon est perdu et les quelques mages des Traditions qui s’en sont sortis font profil bas et se cachent parmi les Dormeurs. Toutefois, le Conseil des Dévoyés du Sphinx (voir ci-dessous) a contreattaqué face à la Technocratie. Leur puissance de feu a beau être ridicule comparée à celle du monolithe technocrate, elle n’empêche pas ces survivants de continuer à résister et à mener leur guérilla de rebelles. • Le Conseil évolue : dans une chronique du nouveau millénaire, le Conseil des Dévoyés existe depuis environ dix ans, et permet aux Traditions de faire un retour en force. Horizon et Doissetep ne sont plus que des souvenirs, mais de nouvelles forteresses les ont remplacés. Le Conseil des Dévoyés a inspiré (et peut-être même créé) le Conseil du Nouvel Horizon (là aussi, voir plus loin) et plusieurs Traditions, notamment les Akashites, les Parlesonges, les Extatiques, les Éthéristes et les Thanatoïques, ont adopté de nouvelles identités qui reflètent leur nouvelle raison d’être. M20 utilise cette option dans les paragraphes suivants. • Intrigue générale ? Quelle intrigue générale ? : rien de tout cela ne se produit, Horizon et Doissetep conservent leur importance centrale et les Traditions peuvent faire jeu égal avec la Technocratie, peut-être même gagner. La chronique suit les ouvrages de Mage publiés entre 1993 et 1998, avec une atmosphère correspondant plus ou moins à l’univers « par défaut » de la deuxième édition. Alternativement, la chronique se contente d’ignorer toute l’intrigue générale, et les Traditions restent les puissances flottantes de la première édition de Mage. Elles n’ont pas changé et ne changeront probablement pas.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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Contrairement à la monolithique Union Technocratique, les Traditions puisent leur force dans la flexibilité. Elles sont le roseau, non le chêne. Une approche distincte de la vie et de la magye a permis aux Traditions de garder leur capacité d’adaptation… ce qui explique peut-être que ce groupe a résisté aux nombreuses épreuves qu’il a traversées. Lorsqu’un mage ou une Tradition vacille, les autres l’aident à supporter la pression ; lorsque l’un prospère, les autres en partagent souvent les bénéfices. Cette approche hétérodoxe de la magye a également
permis au Conseil de s’épanouir à l’ère moderne. Là où beaucoup de Corporations disparates ont stagné, le Conseil a pu suivre les évolutions dans l’air du temps, surfant sur la vague du XXe siècle afin de rester au sommet de son Art. Ce sommet a beau être précaire, il n’en reste pas moins puissant. De nos jours, les Traditions sont plus diverses que jamais. L’héritage colonial des mages plus âgés s’efface au fil de leur disparition. Pendant ce temps, d’autres refusent de continuer à accepter les caprices de phallocrates blancs, vieux jeu et décatis, et n’hésitent plus à mettre leurs problèmes sur le tapis (ou dans le cercle de certámen) lorsque c’est nécessaire. Bien sûr, il reste encore des problèmes. C’est inévitable. Mais malgré cela, le principe Valemus ex pluribus, « Notre force est dans la multitude », est une tradition de longue date du Conseil.
Le respect
Partager le pouvoir exige un respect mutuel… surtout lorsque le pouvoir en question peut littéralement retourner les gens comme on le ferait avec une chemise. La solennité des échanges au sein du Conseil (voir l’encadré Rangs et titres ci-dessous) reflète le respect que chaque membre a gagné. Contrairement aux rangs héréditaires ou achetés si courants dans le monde mortel, ces titres sont attribués à l’aune des réalisations de chacun. Un mage d’une Tradition doit réussir certaines épreuves et maîtriser certains Arts avant de recevoir un titre officiel. Même maintenant, alors que tant de vieilles institutions ont été abandonnées au nom du progrès ou de la nécessité, ces titres doivent être gagnés ; ils ne sont jamais usurpés. Cependant, la loi du Conseil stipule qu’un certain respect est dû même aux membres les moins importants. Certes, un maître arrogant traitera ses compagnons comme des fientes, et d’un certain point de vue, il a gagné le droit de le faire. Cela dit, même le magicien le plus condescendant a tendance à accorder davantage de respect aux autres mages ou à ses loyaux acolytes qu’aux simples mortels. L’étiquette « Dormeurs » distingue un membre d’une Tradition de la masse de l’humanité non-Éveillée et si ce terme paraît dédaigneux, il reflète également le principe du respect au sein du Conseil lui-même.
Les Dormeurs
L’Illumination est un phénomène étrange : elle peut vous rendre sourd aux petits détails tels que la souffrance humaine, tout comme elle peut vous ouvrir les yeux et le cœur si grand que la moindre parcelle de tourment devient un affront à la vie elle-même. Il y a donc parmi les mages du Conseil des individus incroyablement compatissants qui risqueront tout pour apaiser la douleur d’un étranger, mais il existe aussi des machines de guerre qui n’hésiteront pas à raser un quartier entier parce que de toute façon, les habitants se réincarneront. Lorsqu’il a été créé, l’idéal du Conseil était de protéger les gens ordinaires des rivalités entre sorciers. Celui-ci implique dans une certaine mesure plus de marketing que de réalité. Le protocole assène
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
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Les Traditions déchues ? Même si les Traditions ne cèdent pas sur leur apparente intégrité, une rumeur persistante s’est mise à circuler au sein du groupe dans son ensemble. On la propage parfois tard le soir, lorsque les inhibitions s’effacent et que les langues se délient : les maîtres du Conseil étaient des Nephandi… et ils le SONT peut-être encore aujourd’hui. Est-ce vrai ? Probablement pas, mais impossible d’en avoir le cœur net. Cela expliquerait indubitablement certaines choses : • L’implosion de Doissetep, qui pour certains mages (hermétiques ou autres) a été déclenchée lorsque maître Porthos a découvert la preuve de l’infestation des Déchus et qui a donc détruit la Fondation tout entière. À moins que Porthos n’ait été corrompu et que quelqu’un d’AUTRE ne l’ait éliminé. Les archives relatant cet événement sont confuses, elles laissent beaucoup trop de questions en suspens et donnent trop peu de réponses. • Le Guerrier de l’Ascension, souvent considéré comme un Nephandus, qui pourrait en réalité avoir repéré l’infiltration d’Horizon et de son Conseil par les Déchus, et mené une armée contre eux. • La trahison d’Horizon, qui aurait été ou non l’œuvre d’un ambassadeur des Excavés (voir l’encadré Une trahison des Excavés ? dans la partie IV, page 201). Cet ambassadeur savait peut-être quelque chose que les Traditions refusaient d’admettre. Cette « invasion technocratique » était peut-être une purge. On a déjà vu événements plus étranges… • L’affaire Helekar, pour des raisons évidentes. Bien sûr, les Chakravanti prétendent que Voormas était simplement corrompu, et non un Déchu, mais pourquoi leur faire confiance ? • La Tempête d’Avatar, parce que cela expliquerait tellement de choses si une bande d’archimages avait décidé d’effacer ses traces en provoquant le plus grand cataclysme métaphysique depuis le Déluge. • La Seconde Guerre Massasa, parce que bon sang, c’était quand même très commode. Et même si seule une partie (ou aucun) de ces événements a lieu dans votre chronique, les divers abus pour lesquels les maîtres des Traditions sont tristement célèbres pourraient tout à fait indiquer un certain degré de corruption dans les hautes sphères du Conseil. En parlant de ça, n’est-il pas étrange qu’une meute de demi-dieux assoiffés de grandeur gaspillent vies et puissance dans une croisade futile visant à ramener l’Âge des Ténèbres ? D’ailleurs, les échelons inférieurs ne sont pas le moins du monde épargnés. Les nouveaux membres des Traditions sont peut-être rongés par la corruption. Après tout, si quelqu’un prenait tout ce en quoi vous avez jamais cru pour le passer à la broyeuse et vous disait de passer à autre chose et d’arrêter de PLEURNICHER, ne rechercheriez-vous pas aide et réconfort partout où vous pourriez en trouver ? À situation désespérée, mesures désespérées et le Diable n’a pas l’air si méchant lorsqu’il vous tend la main pour vous sortir de la tourbe. Il se peut qu’au sein de votre chronique, les Nephandi aient tellement bien travaillé que les Neuf Traditions sont pourries jusqu’au trognon. Une chronique centrée sur la Technocratie ou les Disparates pourrait tout à fait partir de ce principe. Autre suggestion, plus intrigante : un partenariat entre mages des Traditions, de la Technocratie et des Disparates, conclu afin d’identifier et d’éliminer les seigneurs nephandi au sein du Conseil des Neuf. Mais quelle preuve pourrait faciliter une telle alliance, et jusqu’à quel point serait-elle fiable ? Cette rumeur de gangrène peut tout à fait être une tactique des Déchus, prévue pour inciter les Traditions à s’entre-déchirer. Tant de possibilités et si peu de réponses claires… Le thème de la corruption nephandique au sein des Neuf Traditions renverse totalement les attentes d’une partie classique. Même si les rumeurs sont fausses, l’idée même pourrait avoir des implications énormes. Comme le révèle la partie V de ce chapitre, ces machinations sont tout à fait dans la manière des Déchus. Mage a beau partir du principe que les Traditions sont du côté des gentils, depuis quand vous encourage-t-on à prendre ce qu’on vous raconte pour argent comptant ?
« Protégez les Dormeurs » et la plupart des mages des Traditions se plieront à cette règle. Au-delà de cela, ils se sentent souvent plus responsables envers le monde non-Éveillé, ne serait-ce que parce que le Conseil sait à quel point la magye dépend des gens et de leur foi en elle. Généralement, le Conseil n’aime pas non plus la coercition. Les Dormeurs devraient pouvoir conserver leur libre arbitre et emprunter seuls la voie vers l’épanouissement spirituel. Par le passé, des maîtres de Tradition ont effectivement utilisé leurs pouvoirs pour forcer la foi ou sanctionner la désobéissance… et ce passé fait honte à tout le Conseil. Ce principe du libre arbitre est inébranlable, en particulier pour les mages issus de cultures opprimées et réduites en esclavage, ce même s’il implique que les Traditions se retrouvent du mauvais côté de la barrière. Car selon ce raisonnement, « Si nous obligions les Dormeurs à nous suivre, ou bien si nous les droguions jusqu’à ce qu’ils nous obéissent aveuglément, nous ne vaudrions pas mieux que les Technocrates. »
La magye
Certains technomanciens n’aiment pas ce terme, pourtant l’idée de la magye forme l’un des principes fondateurs du Conseil. Pour la plupart des Traditionalistes, elle est l’Art et la Science de transformer la réalité par la Volonté et la compréhension. Même s’ils sont souvent en désaccord sur les méthodes spécifiques (en termes de jeu, le focus ; voir les sections concernant les Traditions plus loin, ainsi que le Chapitre Six [pages 256-259] et le Chapitre Dix [pages 567-602]), les mages des Traditions partagent une croyance commune : vous modifiez la réalité parce que vous savez que vous le POUVEZ. Faute d’un meilleur terme, ils s’entendent pour appeler cela « magye ». Cette croyance a soutenu le Conseil à travers toutes les épreuves et toutes les divisions qu’il a endurées. Même maintenant, alors que la technologie avancée domine le monde, les mages des Traditions gardent foi en la magye. Certes, ils utilisent des termes contradictoires pour la définir… et dans le cas des Éthéristes et des Adeptes du Virtuel, lèvent les yeux au ciel devant un terme aussi ridicule.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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Cependant, c’est bien là le cœur du Conseil, la foi qui l’unit en dépit de toutes les catastrophes.
L’Ascension
Tous ces éléments mènent aux Fondations sur lesquelles les Traditions sont bâties : l’idéal de l’Ascension. Les membres du Conseil ont certes tous une vision différente des détails pratiques, mais ils s’accordent pour dire que l’aspiration la plus noble d’un mage se trouve à l’intersection entre la transcendance personnelle et le développement de l’humanité. Les gens méritent mieux qu’un ignoble Monde des Ténèbres, mieux que l’abrutissement ou le néant. Selon le Conseil, cette coquille brisée de la Création ne peut pas être notre plus grand accomplissement. Ainsi, même lorsque cet idéal semble plus éloigné que jamais, les Traditions recherchent la perfection personnelle et l’amélioration de l’homme.
Organisation et lois La magye a des lois, il en va de même pour les Traditions. Une brassée de demi-dieux en puissance ne peut pas travailler de concert pendant cinq siècles sans une organisation en béton armé. Et si beaucoup d’anciennes coutumes ont été abandonnées (parce que tombées en désuétude, supprimées par nécessité ou devenues obsolètes), le Conseil continue d’appliquer un code de respect, de coopération et, si nécessaire, de sanctions. Pendant des siècles, le Conseil a fonctionné verticalement : • Neuf primi, les représentants personnels des Traditions, se réunissaient à Horizon, leur forteresse, et étaient le gouvernement officiel du Conseil dans son ensemble. • Les Fondations et les Royaumes de l’Horizon abritaient les différents mages et acolytes des Traditions. Certains, comme Doissetep, étaient anciens et puissants, d’autres, comme le Trépas de l’Espion, apportaient du sang neuf. Chaque Fondation était dirigée par au moins une cabale ou un conseil et certaines des plus importantes se déchiraient en rivalités féroces pour la position de chef. La plupart des Fondations avaient une connexion au moins tangentielle à des nodes et des Royaumes, et si beaucoup privilégiaient un environnement, un groupe ou un point de vue précis, l’immense majorité offrait un espace commun aux membres des diverses Traditions. • Des cabales se formaient au sein de ces Fondations, unies par des liens d’amitié, des serments ou une cause commune. Chaque cabale devenait une cellule autonome, mais rendait en général des comptes aux dirigeants de sa Fondation, aux Traditions de ses membres et au Conseil de l’Horizon qui les gouvernait tous. Quand (et si…) Horizon et les puissantes Fondations sont tombées, les Fondations mineures et les cabales ont pour la plupart dû se débrouiller toutes seules. Pour le meilleur et pour le pire, chacune a dû se prendre en charge. Étant donné que pour tous, la seule loi en vigueur était la sienne, les vieilles hiérarchies se sont retrouvées vidées de leur sens. Seuls les idéaux et, oui, les traditions, ont permis de conserver l’intégrité de ce concept.
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Ce n’est une surprise pour personne : les abus étaient légion au sein de ces chaînes de commandement. Les magiciens puissants pouvaient commettre un meurtre et s’en tirer à bon compte, alors que leurs collègues plus jeunes ou moins forts subissaient le plus gros des sanctions. Cependant, les idéaux démocratiques du XIXe et du XXe siècle (et les abus qui les ont engendrés) sapent en grande partie les hiérarchies originelles, et les revers subis par le Conseil au tournant du millénaire ont emporté le reste. Au début des années 2000, les Traditions fonctionnaient dans un état de quasi-anarchie et ne suivaient les anciens protocoles que si des mages ou des cabales spécifiques pouvaient les faire appliquer. Après une période de conflits fratricides, les mages encore en vie ont rapidement remonté une structure qui, en théorie, combine les meilleurs éléments de l’ancien Conseil aux réformes nécessaires ainsi qu’à une vision tournée vers l’avenir plutôt que sur les vieux fardeaux du passé.
Les titres honorifiques
C’est une règle tacite, mais comprise par tous les mages des Traditions : montre à tes semblables le respect qu’ils ont gagné. Elle était particulièrement importante au tout début, quand des étrangers venus des quatre coins du monde s’alliaient en dépit des différences de sexe, de culture, de croyance et de langue. De nos jours, rares sont les mages qui se préoccupent de ces formalités, exception faite des Hermétiques, Choristes, Akashites et de leurs partenaires. Brillante est pourtant l’idée de comprendre un minimum l’ordre hiérarchique établi, surtout lorsqu’une tradition fait partie intégrante de votre identité. Pendant la Grande Convocation du XVe siècle, les Traditions ont défini un certain nombre de rangs et de titres communs. Comme des adversaires en négociation, les fondateurs se sont accordé des titres honorifiques, puis ont respecté ces titres et les personnes qui les avaient gagnés. Un homme pouvait parler une langue étrange, avoir une couleur de peau différente et vénérer des dieux qui ressemblaient à des diables, il restait maître X, bani Y. Une culture pouvait considérer les femmes comme des inférieures, mais si l’une d’entre elles était adepte ou maîtresse dans sa Tradition, elle avait gagné le droit d’être votre égale, voire votre supérieure. Au temps de l’oppression coloniale, ces titres et les honneurs qui y étaient rattachés ont permis aux mages de travailler ensemble sans s’entre-tuer… du moins la plupart du temps. En conséquence, et bien qu’ils soient un peu tombés en désuétude ces derniers temps, les membres des Traditions continuent de les utiliser au cours d’occasions formelles ou lorsqu’ils règlent des différends. La démocratie a beau être de mise aujourd’hui, il y a des raisons pratiques à ritualiser le respect.
Les protocoles et la Règle de l’Ombre
Magye sans conscience n’est que ruine de l’âme. Afin d’éviter les pires excès des magiciens tyrans (et de les punir lorsque c’est nécessaire), la Convocation a rédigé les Protocoles des Traditions qui s’appliquent à tous les membres de manière égale. Comme pour tout ensemble de lois, « de manière égale » s’est révélé être au fil du temps un concept assez souple. Toutefois, les règles ci-dessous ont perduré pendant plus de cinq siècles. Les jeunes mages ricanent peut-être devant ce verbiage archaïque, mais les principes derrière ces lois sont suffisamment clairs. Les mages des Traditions qui enfreignent des Protocoles mineurs sont généralement punis par les anciens de leur groupe. Des infractions sérieuses peuvent cependant être portées devant un Tribunal officiel. En l’absence d’une organisation forte et de maîtres mages, ces Tribunaux sont assez rares ; les sorciers ayant commis des crimes
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Rangs et titres Beaucoup de mages, et même certaines Traditions, les considèrent comme des formalités facultatives. Cependant, les titres honorifiques ci-dessous fournissent une mesure essentielle de statut et de respect au sein du groupe dans son ensemble. • Oracle : ce mage mythique a transcendé l’existence terrestre et oscille à présent entre l’Ascension pleine et entière et l’imparfaite mortalité. En substance, un Oracle est un bodhisattva ou un saint : plus qu’une personne, mais moins qu’une divinité. • Primus : « Premier » ; désigne à la fois les fondateurs d’origine des Neuf Traditions et les représentants vivants de ces groupes à l’heure actuelle. • Archimaître : un puissant magus dont la maîtrise des sphères est le résultat de plusieurs vies d’étude et de pratique. Ils ont toujours été rares et sont aujourd’hui presque des légendes. Les Éthéristes lui préfèrent le terme de Maître scientifique. • Maître : un magus expérimenté dont la compétence, les Arts et la persévérance lui ont valu un grand respect parmi ses pairs. En fonction de votre intrigue générale, les maîtres peuvent être très rares à notre époque. Les Éthéristes lui préfèrent le terme de Docteur. • Adepte : un mage qui a démontré un talent notable dans le domaine des Arts mystiques. Les Éthéristes lui préfèrent le terme de Professeur. • Disciple : un membre reconnu d’une Tradition qui a prouvé sa compétence en matière de magye. Les Éthéristes lui préfèrent le terme de Scientifique. • Initié : un membre d’une Tradition venant tout juste de la rejoindre et n’ayant pas encore fait ses preuves. Les Éthéristes lui préfèrent le terme d’Étudiant. • Apprenti : un aspirant mage n’ayant pas encore été accepté dans une Tradition. • consort : un allié non-Éveillé particulièrement compétent ou puissant. • acolyte : un mortel loyal et apprécié ; aussi appelé allié par les mages qui n’aiment pas la connotation religieuse du titre officiel. Noms traditionnels Les titres suivants ne rentrent pas dans la hiérarchie officielle, mais décrivent le statut (ou l’absence de statut) d’un mage au sein des Traditions. La plupart de ces termes étant archaïques, méprisants, voire les deux, beaucoup de mages ne les utilisent pas du tout. • Le Conseil, Conseil des Neuf Traditions mystiques : désigne les neuf membres qui représentent chaque Tradition, et le nom collectif de la faction elle-même. (Le nom « Conseil des Neuf » a apparemment aussi été adopté par des satanistes mortels, ce qui a à la fois amusé et agacé les véritables membres des Traditions.) • cabale : un petit Conseil, c’est-à-dire un petit groupe de mages qui travaillent ensemble. • bani : un préfixe formel signifiant « de la maison de ». Par exemple, Painted Horse, bani Parlesonges. • Diacre : l’initiateur d’une Fondation. Seuls les Choristes et les Hermétiques emploient ce titre, car son origine chrétienne le rend particulièrement inapproprié pour des Traditions comme les Verbenae et les Parlesonges. • Compagnon : un membre à part entière d’une Fondation. Ce titre est rarement utilisé en dehors des déclarations officielles. • Sentinelle : un mage allié qui travaille avec une Fondation à laquelle il n’appartient pas officiellement et qui participe à sa protection. • errant : un mage traumatisé en quête de vengeance. Ce terme est aussi utilisé pour désigner les mages d’une Tradition quittant le Conseil par rancune. • rebelle : un ancien membre des Traditions ou de la Technocratie devenu mercenaire. • Disparate : un mage appartenant à une secte mystique qui refuse de se joindre aux Traditions. Même si ce terme était à l’origine une insulte (il signifiait « partie moindre et isolée »), beaucoup de Disparates se sont réapproprié le nom et en ont fait une marque honorifique provocatrice. • Orphelin : quelqu’un qui semble s’être Éveillé seul, ou bien qui a refusé de rejoindre une secte établie, ou les deux. Souvent utilisé avec une majuscule par les membres du Conseil, ce terme est considéré comme assez insultant autant par les Traditions que par les orphelins… surtout si l’orphelin en question est en fait un Disparate (pages 214-215).
graves peuvent tout simplement être exécutés par les membres de leur cabale s’ils sont allés trop loin. Respecte ceux qui détiennent un plus grand savoir Considéré comme une règle de bon sens, ce Protocole se base sur l’idée que la connaissance vaut à la fois valeur et pouvoir.
Paie toujours ta dette envers un précepteur Dans la Tradition hermétique, les professeurs s’attendent à être payés régulièrement en échange de leur temps et de leur expertise. Si les manières de procéder diffèrent selon les groupes, tous les étudiants sont tenus de payer leurs dettes. Un élève ou un apprenti qui n’honore pas cet accord est exclu de sa formation. S’il s’enfuit sans payer pour ce qu’il a appris et se fait prendre, son Avatar est Marqué. À partir de là, aucun mage des Traditions respectable n’enseignera quoi que ce soit à l’ancien élève.
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La parole d’un mage est son honneur : ne brise pas un serment solennel Certes, les magiciens mentent, mais briser un serment officiel n’est jamais une chose prise à la légère. Sans un Protocole strict ordonnant l’application de ces accords, les Traditions se seraient depuis longtemps effondrées. Plus important encore, un serment est considéré comme un acte de magye en soi ; le rompre revient à insulter les Arts. Ceux qui mentent sont en général mis à l’écart quand ils se font prendre. Les parjures sont souvent Marqués, y compris à l’époque plus permissive de ce nouveau millénaire. Obéis toujours à la Volonté d’un Oracle Mais bien sûr. En dehors du fait que rares sont les mages modernes à penser que les Oracles existent, ce Protocole pose presque toujours une question simple : et si l’Oracle est un connard ? Les archives hermétiques stipulent clairement que les ordres d’un Oracle doivent être suivis, mais cette loi semble obsolète, voire dangereuse, à l’époque actuelle. Si le manque de loyauté est officiellement sanctionné par un Blâme, cela fait plus d’un siècle, d’après les archives, que la dernière punition de ce genre a été appliquée. Ne trahis ni ta cabale, ni ta Fondation C’est peut-être le péché le plus impardonnable pour le Conseil. Un mage qui trahit ses compagnons est Marqué, Ostracisé et très souvent tué. Ne conspire pas avec les ennemis de l’Ascension C’est sans doute la deuxième offense la plus grave, bien que « conspirer » et « ennemi » soient des termes sujets à interprétation.
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En temps de crise, les associations sont souvent étranges, surtout lorsque les Fils de l’Éther et les Adeptes du Virtuel doivent leur appartenance au Conseil à des conspirations de ce genre. Malgré tout, un mage qui met consciemment ses compagnons en danger en traitant avec l’ennemi peut être Blâmé, Marqué et même Ostracisé. Si l’ennemi en question est un Nephandus, la peine peut être le Gilgul, la mort, parfois même les deux. Protège les Dormeurs, ils ne savent pas ce qu’ils font Voilà selon nombre de membres des Traditions l’objectif essentiel de leur organisation. Si tous les magiciens peuvent exploiter sans crainte les Dormeurs, alors les idéaux du Conseil ne sont qu’une imposture. La plupart des mages qui lui appartiennent protègent les innocents ; ceux qui ne le font pas ou, pire, qui les mettent sciemment en danger, sont généralement méprisés au sein du groupe, Blâmés, et parfois plus sévèrement châtiés. Sois subtil dans tes Arts ou les autres sauront ce que tu es Cette Règle de l’Ombre n’est pas l’un des Protocoles originaux, mais depuis le Temps des Bûchers, elle relève du bon sens. Certains la respectent plus que d’autres, mais au vu de la prévalence des technologies de surveillance, des caméras, des téléphones portables et des très redoutées vidéos YouTube, un magicien trop flamboyant ne fait que signer son arrêt de mort.
Crimes et châtiments
Pendant des siècles, le Conseil a hiérarchisé la gravité des crimes et des châtiments. Les Crimes mineurs incluent les transgressions
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sociales peu importantes (lâcheté, tromperie, paresse, luxure, impertinence et être une nullité sur la Toile), ainsi que le vol, les coups et blessures ou les dommages aux biens. Les Crimes majeurs sont les infractions sérieuses à l’égard des Dormeurs, du Conseil ou des deux : le meurtre, les crimes sexuels, la trahison, le parjure, l’Infernalisme et les cas sérieux de cruauté, de vol ou de destruction de biens. Les crimes mineurs sont en général punis par les membres de la cabale, de la Fondation ou de la Tradition du coupable, généralement par une compensation (amendes ou faveurs), un Marquage mystique mineur, un Blâme (une sévère réprimande officielle), la mise à l’écart sociale, une ordalie, parfois une simple, mais mémorable, bastonnade donnée par d’autres magiciens - voir Le certámen ci-dessous. Les crimes majeurs justifient la comparution devant des Tribunaux officiels, des procédures judiciaires sérieuses et des punitions sévères comme le Servage (la servitude forcée), l’Ostracisme (l’exil), des Marquages durables, la mort, le Gilgul (la destruction de l’Avatar) et dans les pires des cas une combinaison de plusieurs de ces punitions. Les nombreux échelons de la justice des Traditions s’étendent bien au-delà de cet ouvrage, surtout si l’on considère l’étendue croissante du cadre légal dans le nouveau millénaire. Le supplément Le Livre des Secrets présente plus en détail les crimes et les châtiments selon la loi du Conseil.
Le certámen : le duel des sorciers Les Traditions se réfèrent au certámen pour régler les différends entre mages du Conseil. Ce duel mystique officiel est un combat ritualisé qui permet aux mages en conflit de régler leurs litiges. La coutume remonte aux traditions hermétiques du Moyen-Âge et reste une méthode honorable de régler les problèmes avec un minimum de dégâts. Malheureusement, l’ancienne forme du certámen (décrite dans le Chapitre Neuf) est devenue plus ou moins impossible à pratiquer au tournant du millénaire. La perte des Royaumes de l’Horizon et la disparition ou la mort des vieux maîtres l’ont obligé à évoluer. Le certámen (dont le nom vient du mot latin signifiant « duel ») reste une méthode acceptée pour résoudre l’équivalent d’un procès civil au sein des Traditions. Mais dans le monde mortel, l’ancien style de combat rituel riche en magye a été remplacé par des défis d’énigmes, des affrontements physiques non mortels, des concours de connaissances occultes, des épreuves de force, d’endurance ou de concentration, et d’autres formes de compétition qui évitent à la fois les blessures corporelles sérieuses et la pyrotechnie magyque. Les luttes mystiques subtiles, comme allumer une chandelle ou appuyer sur une sonnette par la seule force de sa concentration et non par la technologie, restent également populaires. Les duels de magiciens à l’ancienne sont tout simplement trop vulgaires pour être livrés sur Terre. À la grande époque du Conseil, le certámen était tout autant un sport qu’une procédure judiciaire. Selon les événements de l’intrigue générale que vous avez choisis, ces concours vulgaires seront en pratique impossibles à l’époque moderne. Toute intrigue mise à part, les duels de certámen du nouveau millénaire ont tendance à être plus subtils, et plus dangereux, que les spectacles vulgaires d’antan. Dans l’idéal, un certámen résout les différends en évitant toute blessure physique, maladie mentale ou dommage collatéral. Les deux parties en conflit entrent dans l’espace rituel après avoir parié de l’argent ou accordé des concessions sur le résultat. Dans la plupart
des cas impliquant un défi judiciaire (et non un match livré pour le sport ou pour s’entraîner), le perdant fait des excuses officielles au gagnant, lui paie des dommages-intérêts ou lui rend un service convenu d’un commun accord. Dans les cas extrêmes, le perdant peut être chassé de sa Fondation, mais cette punition ne s’applique que pour les conflits les plus graves. L’étiquette veut que le vainqueur conserve la Quintessence éventuellement absorbée lors du duel. Bien évidemment, le vaincu perd toute la Quintessence qu’il aurait misée sur le résultat. Pour les litiges sérieux, un certámen peut être livré « jusqu’à la souffrance » (arrêté quand la douleur empêche un participant de continuer), voire, dans de rares cas, jusqu’à la mort. Lors de ces duels, les parties conviennent que le gagnant ne sera pas poursuivi pour coups et blessures, actes de cruauté ou meurtre, tant que ces crimes sont commis dans le cadre du seul duel. Un tricheur peut toutefois être poursuivi pour trahison, en particulier s’il provoque une blessure ou la mort. Les certámen aussi intenses sont rares, surtout à l’époque actuelle. Des duels à mort avaient autrefois souvent lieu à Doissetep, mais ces excès sont à présent considérés comme un symptôme supplémentaire de la corruption de la Fondation. Diverses Traditions possèdent aussi leurs propres formes de certámen : les concours de prière ou de chant pour le Chœur Céleste, les guerres de commentaires sur Internet pour les Adeptes du Virtuel, les ordalies pour les chamanes et les sorcières, les tournois d’arts martiaux pour les Akashites et les mages combattants, les épreuves de scolastique et d’érudition pour les mages plus académiques etc. Certains Extatiques sont même connus pour disputer des parties d’Action ou Vérité qui poussent vraiment les participants dans leurs derniers retranchements. La plupart de ces méthodes sont moins spectaculaires qu’un vrai certámen, mais elles ont aussi beaucoup moins de chances d’attirer le Paradoxe, les Technocrates ou d’autres genres de flics. (Pour connaître les systèmes de jeu utilisés dans les duels de magiciens et les anciennes formes de certámen, reportez-vous à la section Duels magyques du Chapitre Neuf, pages 430-434.)
Un futur animé ? Malgré leur nom, les Traditions savent s’adapter aux circonstances. Après les années 90, le Conseil a de nouveau été obligé de s’adapter.
Le Sphinx
Peu après la destruction d’Horizon (là encore, en partant du principe qu’elle a bien eu lieu), les Traditions plongent dans le chaos. La plupart des maîtres ont disparu ou fui pour s’isoler, les jeunes mages se retrouvent abandonnés, sans chef ni guide. Dans ce contexte, l’Ascension ressemble donc à une plaisanterie cruelle et les mages des Traditions encore présents ne trouvent pas ça drôle. C’est alors que les messages commencent à arriver. L’énigme vous conduit là où le dogme ne peut vous conduire. Nous ne créons pas la Voie vers l’Ascension, nous l’explorons. Cette formule commence à apparaître dans un flot de communications, en général en lien avec des indices mystérieux sur des affaires secrètes. Ces transmissions prennent diverses formes (graffitis, enregistrements audio, lettres, e-mails, affiches, murmures venant de nulle part, publicités télévisées, journaux d’informations et parfois même des messages publicitaires que seul le destinataire peut voir) et se diffusent autour de 2002. L’immense majorité d’entre elles incluent l’image d’un sphinx, la créature hybride, maîtresse des énigmes, de la mythologie grecque et de la statuaire égyptienne. Peu
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Destins futurs : le Sphinx Comme décrit dans le supplément Transmissions from the Rogue Council, le Sphinx et ses origines sont des mystères intentionnels, destinés à ne pas être résolus. Dans cet esprit, M20 ne donne aucune réponse officielle à l’énigme. Un conteur de Mage peut donc choisir parmi les options suivantes : • Le Sphinx demeure : il est toujours là, quelque part, et continue d’envoyer des messages dans l’anonymat le plus total. Vos joueurs en recevront peut-être, mais la véritable nature de leur auteur reste un mystère, malgré la bonne volonté évidente dont il fait preuve. Comme dans les éditions précédentes, le Sphinx est ce que vous voulez qu’il soit. • Le Sphinx a été découvert : la ou les parties à l’origine des transmissions a été découverte ou s’est révélée. Cela pouvait être l’ancien Conseil, une entité umbrale ou tout ce que vous voulez. À moins que les transmissions ne se soient simplement arrêtées et que l’énigme n’ait jamais été résolue. Dans les deux cas, le Sphinx et ses messages appartiennent en 2014 au passé, même s’ils ont peut-être œuvré pour le nouveau Conseil des Neuf Traditions. • Quel Sphinx ? : que ce soit parce qu’Horizon n’est jamais tombé ou parce que les transmissions ne sont jamais apparues, l’intrigue générale du Sphinx n’a jamais eu lieu. Peut-être surgira-t-elle lors de futures aventures, ou bien restera-t-elle une simple rumeur dans certains recoins du monde Éveillé. Quoi qu’il en soit, les éléments altérant l’univers du jeu, à savoir les messages et leur source, n’ont aucun effet sur votre chronique. Le Conseil du Nouvel Horizon de M20 suppose que vous choisissiez la première ou la deuxième option. Même si le Sphinx lui-même reste un mystère, son influence a encouragé la formation d’un nouveau Conseil afin de remplacer l’ancien, qui conserve en théorie ses forces et évite les défauts passés. Dans la troisième option évidemment, le Conseil des Dévoyés ne s’est jamais formé ; les Traditions pourraient conserver leur ancienne organisation dirigée depuis Horizon, rester divisées et assiégées, ou bien avoir réussi à évoluer grâce à d’autres événements qui les ont guidées. Quoi qu’il en soit, sous une forme ou sous une autre, les Traditions perdurent.
après chaque transmission, l’image disparaît progressivement. Les messages sont quant à eux vierges de toute empreinte, impossibles à remonter par des moyens technologiques ou magyques. Chacun d’entre eux semble fait pour son seul destinataire, apparaît truffé d’énigmes et d’indices, et inclut le même propos universel sur l’énigme, le dogme et l’exploration de l’Ascension. L’expéditeur de ces transmissions est rapidement surnommé le Sphinx à cause de l’illustration qu’elles comportent et du caractère énigmatique de leurs contenus. Qui est, ou était, le Sphinx ? Plus d’une décennie après la première apparition des transmissions, personne ne le sait vraiment. Ces messages privilégiant les Neuf Traditions, leurs destinataires supposent souvent que le Sphinx est un archimaître d’une des Traditions, un groupe de Maîtres, un ou plusieurs Oracles, le Conseil de l’Horizon perdu, ou bien une autre entité favorable aux Traditions dans leur ensemble. Or, tous les destinataires n’appartiennent pas aux Traditions. Certains sont des Technocrates, des orphelins ou des Disparates, quelques-uns sont même parvenus à des Dormeurs. Les messages contiennent tous un certain nombre d’informations plus ou moins utiles, mais ils suggèrent des actions fréquemment dangereuses, radicales, destructrices, voire suicidaires.
Le Conseil des Dévoyés et le Panopticon
L’anonymat du Sphinx et ses motivations nébuleuses poussent certains mages à se méfier de son influence. D’autres, ragaillardis par l’espoir qu’il génère, l’accueillent avec une dévotion quasi-fanatique. Les mages des Traditions adoptent en majorité une approche d’optimisme sceptique : ils suivent les conseils du Sphinx, mais guettent les pièges et les objectifs cachés. Le terme Conseil des Dévoyés commence à circuler, peut-être inspiré par l’idée qu’une cabale de vieux Maîtres ou un nouveau groupe reprend la tête des Traditions. Au vu des excès et de la stagnation du Conseil précédent, certaines parties ne sont pas particulièrement transportées par l’idée d’un conseil clandestin revenant aux anciennes pratiques. Un groupe tech-
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nocratique appelé le Panopticon se forme afin de traquer et d’écraser le Sphinx et ses adeptes. Au sein des Traditions, trois groupes émergent pour soutenir le Conseil des Dévoyés, s’y opposer ou privilégier l’attentisme en l’absence d’informations plus probantes : • Les Émissaires rédigent un Manifeste du Conseil des Dévoyés ; il réaffirme les idéaux du vieux Conseil tout en laissant plus de place à la liberté, à une plus grande diversité et à l’acceptation de la technologie comme un outil valable dans la quête de l’Ascension. Rassemblant les participants les plus militants de la Guerre de l’Ascension, ces Émissaires suivent les instructions du Sphinx et commencent à attaquer des bastions de la Technocratie, à saboter des complots de Nephandi et à unir des cabales de mages des Traditions sous la bannière du Conseil du Nouvel Horizon. Dix ans environ après la publication du Manifeste, le nouveau Conseil est en place et ses objectifs sont influencés par le Sphinx et ses messages, mais ils n’en sont pas dépendants pour autant. • Les Gardiens restent sceptiques, voire hostiles, face au Sphinx et à ses objectifs secrets. Protégeant le peu qui leur reste, dévoués à leurs priorités individuelles, ils se méfient des Émissaires et de leur Manifeste. Certains ont perdu des amis suite à certaines machinations du Sphinx, d’autres voient un mystère de mauvais augure derrière le subterfuge. Ces agents de la Volonté refusent de rejoindre le Conseil du Nouvel Horizon, guidés par leur loyauté envers le « vrai Horizon » ou par pure suspicion envers les buts du Conseil des Dévoyés. • Les Médiateurs se situent entre les deux extrêmes. Ils guettent les éventuels pièges, mais reconnaissent la nature serviable du Sphinx. Ils sont tentés de rejoindre le Nouvel Horizon, mais restent prudents quant à la véritable source de son inspiration.
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• Pendant ce temps, le Panopticon continue de pourchasser le Sphinx et ses adeptes, sans remporter de victoires nettes ou décisives. Utilisant les tactiques traditionnelles de la Guerre de l’Ascension, il se consacre à éradiquer ces Déviances de la Réalité résiduelles et de dégager la voie pour un nouvel avenir, plus efficace. (Pour plus de détails, reportez-vous à la section sur l’Union Technocratique plus loin dans ce chapitre.) Le Sphinx est-il un vestige de la Guerre de l’Ascension ? Se pourrait-il qu’il montre la voie vers une nouvelle approche de l’Ascension, débarrassée de la pagaille associée au passé ? Est-ce un piège destiné aux Traditions, ou bien le Conseil de l’Horizon perdu a-t-il trouvé un moyen de défier l’entropie dans sa quête pour créer un nouvel âge dynamique pour l’Ascension ? Comme son nom l’indique, l’affaire du Sphinx est une énigme dont on n’est pas près de connaître la réponse…
Le Conseil du Nouvel Horizon ?
Les Traditions originelles étaient un conglomérat eurocentré d’identités imposées et de compromis maladroits. Après l’effondrement d’Horizon, forteresse de l’ancien Conseil (si cet effondrement s’est bel et bien produit), elles se sont dispersées, puis à nouveau réunies et ont organisé une « Convocation du Nouvel Horizon » à Los Angeles vers la fin de l’année 2001. Il s’agissait en fait d’un piège afin de capturer et de massacrer leurs opposants. (Pour plus de détails, reportez-vous aux ouvrages Le Livre de la Folie, Le Guide
du Conteur et Ascension de la troisième édition de Mage.) Après cet événement, les Traditions régénérées ont élu de nouveaux chefs et ont commencé à mettre en place de nouveaux Protocoles, histoire de repartir sur de bonnes bases. Alors que le Conseil attaque sa deuxième décennie dans le nouveau millénaire, ses Traditions adoptent la dynamique de leur époque et créent peut-être sur leur lancée un Conseil du Nouvel Horizon, reflet de l’ère actuelle. Certains changements sont déjà en place, d’autres dépendent du travail accompli et des circonstances. En définitive, ce Conseil du Nouvel Horizon est une évolution facultative de l’intrigue générale. Certains changements ont déjà été intégrés dans les parties de M20 sur les Traditions et d’autres sont des projets toujours en cours. Si vous choisissez de faire jouer une chronique de « style classique », vous êtes libre d’ignorer les éléments concernant le Nouvel Horizon, de les utiliser, de les modifier ou de les écarter au cas par cas selon vos besoins. Cependant, si vous voulez amener Mage dans le nouveau millénaire, les changements présentés ci-dessous correspondent aux modifications opérées par le Conseil pendant cet âge dynamique et imprévisible. • Les Akashayana : renonçant au chauvinisme inhérent à son nom occidentalisé, la Fraternité Akashite adopte officiellement comme nom d’usage par défaut celui que lui donnent ses membres. Toutes les références aux « frères » sont effacées et remplacées par le nom Akashayana, qui reconnaît aussi l’origine panasiatique du groupe et s’écarte de sa précédente image centrée sur la Chine.
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• Le Chœur Céleste : dans ce nouveau millénaire, le Chœur se concentre sur les actions vertueuses plutôt que sur l’adhésion à une foi. Se libérant des institutions religieuses corrompues, les Choristes adoptent le rôle plus nomade de pèlerins compatissants, à la manière de Jésus et de ses disciples. Mais malgré cette influence chrétienne, le Chœur accueille les monothéistes de tous les horizons spirituels… y compris certains néopaïens priant une divinité unique. • Les Chakravanti : supprimant toute notion de mort de son nom, cette Tradition revitalisée revient à ses racines sanskrites. Elle se définit à nouveau par le Grand Cycle ou la Roue, c’està-dire non pas par la mortalité, mais par le renouveau. En lieu et place de leur ancienne morbidité, beaucoup de Chakravanti privilégient les couleurs vives combinant des teintures indiennes aux décorations mexicaines du Dia de los Muertos, équilibrant l’acceptation de la mort par la vitalité de la vie. • L’Élite mercurielle : le concept dépassé de la « virtualité » cède la place au techno-mysticisme changeant des Mercuriels. Adoptant un nom qui implique le caprice, la mutabilité et la reconnaissance de Mercure/Hermès comme le dieu de tout l’espace, le mouvement abandonne le cyberpunk vieux jeu et préfère se retrouver partout à la fois, sans pourtant s’attarder nulle part. • Les Kha’vadi : abandonnant son « nom d’esclave », la Tradition des Parlesonges adopte son ancien « titre spirituel » comme titre honorifique officiel du groupe. Les Kha’vadi ne « songent » plus, ils « parlent » : ils se font la voix collective
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des cultures opprimées et des esprits oubliés, apportant de nouvelles visions à un monde pollué. • L’Ordre d’Hermès : confiants dans la stabilité de leurs Arts vénérables, les Hermétiques conservent l’importance que cette Tradition accorde à la discipline, au mérite et à l’excellence. Toutefois, les nouveaux maîtres évitent l’hubris suffocante de la génération précédente, préférant Hermès le sage roublard à Hermès le maître révéré. • Les Sahajiya : réalisant qu’un « Culte de l’Extase » n’est pas pris au sérieux, la Tradition des Extatiques revient à son ancien nom, dont la traduction approximative, « Les Naturels », reflète leur acceptation des passions humaines, des cycles naturels, du néotribalisme postmoderne, et leur rejet du processus de civilisation de la Technocratie. • La Société de l’Éther : enfin ! Avec la disparition de nombre de ses anciens Maîtres, la Tradition éthériste abandonne son nom sexiste et se lance dans la quête d’un futurisme romantique ouvert à tous. • Les Verbenae : les sorciers et sorcières restent sans doute la Tradition la plus militante, mélangeant primitivisme romantique et techno-paganisme citadin. Revitalisé par la popularité de la fantasy et les sous-cultures néotribales, le groupe resserre un peu plus ses liens avec les Kha’vadi et les Sahajiya, et tisse un réseau mondial de « tribus » activistes sapant l’emprise de la Technocratie.
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La Colonie
Ce Conseil du Nouvel Horizon est en train de bâtir une forteresse dans la région sauvage des Alpes du Sud, en Nouvelle-Zélande. Celle-ci est suffisamment proche de la civilisation pour être accessible aux mages en provenance du monde entier, mais assez isolée pour ne pas être repérée par la Technocratie. Officiellement un studio de cinéma appelé Cinécolonie, ce « nouvel Horizon » est construit petit à petit en mélangeant matériaux naturels, technologies de pointe et Quintessence tirée d’une série de nodes naturels jusqu’alors largement inexploités. Toutefois, la Colonie (comme on l’appelle souvent) est encore en cours de réalisation. Matériaux et main-d’œuvre sont amenés prudemment et au compte-gouttes, afin de ne pas éveiller l’attention de la Technocratie. Reliée à d’autres Fondations un peu partout dans le monde, la Colonie possède des portails vers plusieurs lieux sur Terre et dans les mondes mystiques, ainsi qu’une porte dérobée informatique s’ouvrant sur la Toile numérique. Ce projet reste cependant bien moins colossal qu’Horizon ou Doissetep. Le Conseil du Nouvel Horizon a retenu la leçon. Lorsque les Traditions retrouveront leur grandeur passée, il a la ferme intention d’utiliser cette puissance bien plus sagement qu’autrefois. Neuf sièges ont été réservés pour de nouveaux Primi et attendent que tout soit prêt. Mais en 2014, ces sièges restent inoccupés. Les élections du nouveau gouvernement du Conseil n’ont pas encore été planifiées. Mais alors, qui représente le Conseil du Nouvel Horizon ? Comme pour beaucoup d’éléments de M20, c’est à vous de le décider…
Descriptions des Traditions Les doubles pages suivantes présentent les Traditions et sont conçues pour en faciliter la lecture. Les sections consacrées à la Technocratie et aux Disparates utilisent le même format, à quelques différences évidentes près. • Présentation générale : une vue d’ensemble du groupe, de son histoire et du genre de personnes éprouvant des affinités avec lui.
• Organisation : un bref aperçu de l’organisation générale de la secte. • Initiation : un résumé des épreuves qu’un nouveau membre doit passer pour rejoindre les rangs de la Tradition qu’il a choisie. • Sphères d’affinité : la sphère la plus fréquemment associée à la formation et à la spécialisation du groupe. À l’époque de l’ancien Conseil, le siège de chacune des Traditions était lié à cette sphère. Mais au vu des événements récents, il se peut que ce ne soit plus le cas. La formation au XXIe siècle étant plus éclectique et plus personnalisée qu’avant, les sphères secondaires sont donc également éligibles comme sphères d’affinité. Quoi qu’il en soit, un nouveau personnage ne peut choisir qu’une seule de ces sphères comme sphère d’affinité. (Pour plus de détails sur la création de personnage, reportez-vous au Chapitre Six.) • Focus : l’approche globale du groupe sur les croyances, les pratiques et les outils magyques. Attention, les paradigmes et les pratiques qui lui sont associés ne sont PAS exclusifs. Beaucoup de mages affiliés utilisent un syncrétisme de dogmes, de pratiques et d’outils différents qui correspond à leurs croyances personnelles. Pour plus de détails à ce sujet, reportez-vous à la section Le focus et les Arts dans le Chapitre Dix (pages 567-602). • Stéréotypes : chaque groupe pense détenir les clés de la Seule Véritable Voie. Cette section détaille le discours qu’un membre tiendrait sur d’autres sectes Éveillées. Partez du principe que toutes les factions partagent une haine et une peur instinctives des Déchus et des Fous. Cela ne signifie pas pour autant que n’importe quel mage affilié à un groupe fuira ou attaquera les Nephandi ou les Maraudeurs dès qu’il en apercevra un. Certains les trouvent même assez séduisants ou éprouvent au minimum de la compassion pour eux. Cependant, la règle officielle en vigueur à leur sujet est simple : évite-les autant que possible et tue-les si nécessaire.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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TOUT EST DANS LE CODE : VOUS, MOI, LE MONDE. TOUT. Qu’est-ce que la réalité exactement ? Quand vous voyez, touchez, connaissez une chose, est-elle réelle ou bien n’est-ce qu’une série de signaux, de fragments d’information, de morceaux de données qui s’assemblent dans votre esprit et vous font penser : « Ceci est la réalité » ? Pour les Adeptes du Virtuel, tout (bâtiments, outils, plantes, animaux, personnes) peut être représenté sous forme d’informations. Décryptez le code sous-jacent d’une chose et vous comprendrez comment la manipuler, la modifier, l’améliorer ou la supprimer. Du moins c’est ce qu’ils prétendent. L’information étant abstraite, pas besoin de toucher ce que vous voulez modifier. Si vous connaissez cette chose, vous pouvez l’altérer simplement en modifiant le code. Et vous pouvez modifier le code depuis n’importe où. La plus jeune des Traditions était au départ une Convention technocratique, que ses anciens alliés ont fini par rejeter. Trop radicaux pour leurs pairs, les Ingénieurs Différentiels posaient trop de questions et voyaient trop grand. On a donc sanctionné leur arrogance ; Alan Turing, mathématicien et cryptographe de génie, a été discrédité et détruit. Sa mort a fait de lui un martyr et son martyre, ajouté à d’autres persécutions, a entraîné la défection des Ingénieurs et leur renaissance en tant qu’Adeptes du Virtuel. Ce passé technocratique est un stigmate que beaucoup de mages refusent d’ignorer. De leur côté, la plupart des Adeptes méprisent les méthodes primitives des autres Traditions. Selon eux, l’humanité ne devrait pas être soumise à des philosophies limitatives comme
la religion, le gouvernement ou la nature. Les Adeptes préfèrent tendre vers une singularité technologique, dans laquelle les hommes se débarrassent des oripeaux de leur condition et se recréent en quelque chose de meilleur, de plus brillant et de post-humain. Après tout, pourquoi s’obstiner à revenir à la nature ou à prier des dieux absents quand vous êtes vous-même capable de changer le monde afin de ne plus avoir besoin de la nature, afin de devenir un dieu ? Comme leur nom l’indique, les Adeptes du Virtuel passent beaucoup de temps dans un monde virtuel. Si vous pouvez interagir avec d’autres personnes ou contrôler des objets du monde réel depuis votre télé-présence en ligne, pourquoi s’encombrer de la sordide réalité d’un immeuble sale et d’un corps de chair mortelle et contingentée ? Cependant, même dans le banal Frigo à viande, les Adeptes du Virtuel s’entourent d’ordinateurs, d’écrans, de blocsnotes électroniques, de smartphones et du dernier cri en matière de jouets technologiques. Les plus puissants d’entre eux ont pourtant appris à manipuler la réalité sans l’aide de la technologie… un exploit qui met en évidence la maîtrise du Code divin inhérent à la Création par le groupe. Car malgré toute la perspicacité futuriste qui est la leur, les Adeptes se considèrent encore comme des mages au sens classique du terme. Leurs Arts refaçonnent la réalité par leur vision des choses, leur technique et leur Volonté. Un Adepte moderne n’appelle peutêtre pas ce qu’il fait de la magye (bien que beaucoup le fassent), mais il se voit comme un enfant de Mercure, l’Imposteur et le Messager dans la Machine. Comme les Adeptes, Mercure est omniprésent et l’audace de ses Arts sape les idées préconçues. Surtout de nos jours,
Stéréotypes Les autres Traditions : des fantômes dans la machine ; bruyants, grincheux, vieux comme Mathusalem, et malgré tout ensorcelants. Ils ont tant à enseigner, et plus encore à apprendre. La Technocratie : nous sommes en guerre pour le cœur de ce monde… et du prochain. Respectez vos alliés, mais ne faites pas de prisonniers. Les Disparates : *chantonne* Moi, je sais des chooooses…
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quand la technologie est tout autant un chemin vers la liberté qu’un instrument d’oppression, le monde a besoin d’audacieux imposteurs. En conséquence, les Adeptes du XXIe siècle deviennent bien moins virtuels et beaucoup plus réels. Organisation : les Adeptes sont des anarchistes qui ne respectent que le mérite. Ils évitent les organisations classiques et détestent les hiérarchies conventionnelles. Dans les années 90, ils basaient ce respect sur l’appartenance à l’élite, qui est somme toute une forme de reconnaissance par ses pairs gagnée par un certain comportement et le fruit de sa réussite. La Tradition a bien sûr mûri et s’est depuis diversifiée, mais les accomplissements personnels d’un Adepte (non ses titres ou son ancienneté) sont les seules choses qui importent aux yeux de ce groupe. L’intelligence, l’astuce, la créativité technologique, et une certaine ingéniosité pour la réforme sociologique, ont plus de valeur qu’un pseudonyme accrocheur ou qu’un avatar stylé. Les Adeptes qui abattent les structures sociales oppressives bénéficient d’un certain respect… ceux qui soutiennent ces structures dans le Frigo à viande ou le monde virtuel sont sévèrement critiqués. Initiation : leur processus d’initiation est socialement brutal. Les privations physiques, les défis d’un maître à son apprenti ou les quêtes spirituelles méditatives leur semblent absurdes. Les Adeptes préfèrent donner à leurs aspirants et à leurs initiés de mystérieuses missions visant à saboter des structures autoritaires, voler des données confidentielles et créer des canulars amusants capables de saper le pouvoir de salopards corrompus et d’exposer au grand jour les mystificateurs pompeux. À un moment critique, l’initié est livré à lui-même ; s’il parvient à résoudre le problème avec assez d’à-propos (et si possible de style), il obtient les félicitations de ses pairs et une place parmi les Adeptes. En résumé, la plupart des Adeptes rejoignent donc le groupe grâce à cette grande tradition d’internet qu’est l’art du troll. Sphères d’affinité : Correspondance/Données ; Forces. Focus : Tout est Données. Dans cette Horloge cosmique, chaque outil ou pratique employé par un Adepte se focalise donc à modeler, altérer, manipuler, collecter, stocker, comparer, biaiser ou détruire des informations. On compte parmi ces outils du matériel informatique évident (avec plusieurs générations d’avance sur la technologie ordinaire disponible), des espaces de stockage en ligne, des hologrammes, des implants, de la nanotechnologie, des boissons énergétiques et des stimuli altérant les perceptions, tout autant que le chic discret des sweats à capuche noirs, des coupes de cheveux style manga, de l’androgynie à la mode et des masques provocateurs. Cependant, les Adeptes veillent tous au caractère pratique de leurs instruments et de leur technomagye. Pour nombre d’entre eux, les ordinateurs sont plus révélateurs de leur identité que leurs vêtements ou leurs accessoires, et leurs gadgets personnels presque toujours les éléments les plus personnalisés et les plus stylisés de leur tenue. Les membres de l’Élite mercurielle sont peut-être les meilleurs pirates de la réalité au monde. Ils utilisent également la cybernétique, l’hypertechnologie, la science étrange, les arts martiaux, la magye du chaos, la magye de rue et parfois le chamanisme, le vaudou, la folle sagesse ou la sorcellerie sous différentes formes, avec une touche d’élégance technologique.
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LA DISSONANCE N’EST PAS L’ABSENCE D’HARMONIE. C’EST SIMPLEMENT UNE HARMONIE QUI DOIT ÊTRE ACCORDÉE JUSQU’À CE QUE LE CHANT SONNE JUSTE. Composé d’hérétiques et d’idéalistes de toutes les fois monothéistes du monde, le Chœur Céleste assiégé écoute la voix du Divin. Tous les êtres vivants conjurés et animés par l’Unique (et ce quel que soit son nom) peuvent rejoindre le Chant et modeler la Création. Défiant leurs différentes orthodoxies, les Choristes enseignent que le Chant possède de nombreuses harmonies. Une personne qui a la foi peut l’entendre et approcher l’Unique par des croyances diverses. Et au nom de leur tolérance, l’histoire des Chanteurs baigne dans le sang des martyrs. Leurs liturgies parlent d’unité et de division, de triomphe et de déchirement. Les plus anciens plains-chants racontent l’histoire du Premier Âge, de l’Éclatement (le moment où l’unité pure de l’Unique fut brisée) et des Premiers Chanteurs, des héros mortels à la foi infinie qui affrontaient et soumettaient les esprits brisés d’entités imparfaites. On a retrouvé des chants pentatoniques de la XVIIIe dynastie égyptienne évoquant le prêtre aveugle Mentouhotep, qui a converti le pharaon Amenhotep IV au culte du dieu du soleil, Aton. La cité du pharaon, Akhetaton ; son nouveau nom, Akhenaton ; ses coreligionnaires, la Congrégation sacrée, venus de diverses contrées, mais vivant pourtant en harmonie ; le Chœur chante toutes ces légendes et bien d’autres encore. Puis, l’hymne devient requiem : des prêtres jaloux de l’ancienne foi détruisent la cité d’Akhenaton et tentent d’effacer son nom de l’histoire. La Congrégation se disperse alors dans tout le Moyen-Orient.
Alors, s’élève une mélodie, son contrepoint grave et sombre : pendant seize siècles, diverses Congrégations souvent antagonistes deviennent de plus en plus puissantes. D’abord les Mithraïques, fidèles d’un culte des mystères et protégés par les boucliers romains ; plus tard, après l’Ascension du Christ, la secte des Voix messianiques. Pour chasser la corruption de l’Église romaine naissante, le mage messianique Claudius Dediticius fonde l’ordre des Chevaliers de l’Archange Gabriel, Messager de Dieu. Il était loin d’imaginer que de ses Gabriélites naîtrait la Cabale de la Pensée pure, précurseur du Nouvel Ordre Mondial de la Technocratie. Des notes discordantes annoncent le Chant de Guerre : la Cabale utilise la simonie, les indulgences et la cruauté, fait et défait les rois, accumule le pouvoir temporel. Ses principes rigides et ses abus effrénés, comme la sauvagerie de la croisade contre les albigeois, chassent les magi « hérétiques ». Pendant le Grand Schisme d’Occident, ces Antinomiens alimentent de nouveaux mouvements : les Vaudois, les Hussites et l’hérésie du Libre-Esprit. Ils tendent la main à ceux qui partagent leurs valeurs au sein de l’islam ismaélien et du bektashisme, aux Rois majestueux des zoroastriens et même aux nationalistes hindouistes avec les érudits guerriers de la Vishnudharadhara (l’« Épée de Vishnou »). Un tel œcuménisme est hérétique, mais les Antinomiens ne se soumettent à aucune autorité terrestre, qu’elle émane de l’Église ou de l’État. C’est la raison pour laquelle ils ont été pourchassés. Les flammes de l’Inquisition ont brûlé d’un feu ardent. Pendant ce temps, épuisées par les guerres intestines de rhétorique et les affrontements magyques face aux
Stéréotypes Les autres Traditions : « Il y a de nombreuses chambres dans la maison de mon Père. » Même si je ne les comprends pas tous… même si, et Dieu me pardonne, j’en hais quelques-uns… je choisis de me rappeler que nous sommes tous guidés par la Grâce divine. La Technocratie : des traîtres à la Grâce qui emprisonnent le monde dans une cacophonie mécanique. Les Disparates : tant de brebis égarées…
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Hermétiques et aux Verbenae, les Congrégations faiblissent… et si leur dévotion n’a jamais vacillé, leur immobilisme a empêché tout progrès. Une nouvelle harmonie : Valoran, un évêque français qui se cachait pour échapper à l’Inquisition, réunifie les Voix messianiques et fait la paix avec les païens. En 1461, les Congrégations de toutes les fois monothéistes présentent un front uni au Conseil des Neuf sous le nom de Chœur Céleste [NDT : en français dans le texte]. De lents accords decrescendo : l’Ordre de la Raison monte en puissance et le nouveau Chœur ploie sous les persécutions, les massacres et l’intolérance. Divisant pour mieux régner, la Cabale (et plus tard, le NOM et le Syndicat) alimente des siècles de guerre culturelle dans les fois occidentales. Et si le fondamentalisme renforce le paradigme du Chœur (beaucoup de Dormeurs croient encore aux miracles), il détruit dans le même temps le message d’unité divine. Malgré cela, les Choristes continuent de le prêcher. Et surtout, ils le vivent. Le Chœur est sans doute la Tradition la plus compatissante… et certainement celle qui se fait le plus entendre, dans son ensemble, pour le bien-être des Masses. Il y a bien quelques fanatiques parmi eux, mais même les Chanteurs primitivistes ne sont pas des fondamentalistes religieux au sens où l’entendent les Dormeurs. Pour entendre au-delà des premières notes du Chant et pour survivre au sein du Conseil, un Choriste doit transcender le dogme et embrasser la foi. Les Choristes modernes évitent délibérément de donner une position officielle sur les nuances théologiques les plus délicates (le sexe de la Divinité, les limites de la tolérance, les rôles du Christ et du Prophète dans le plan divin, etc.). En conséquence, les tensions qui règnent parmi eux sont légion, mais au moins, elles n’allument plus aucun bûcher. Évidemment, tout n’est pas que paix et amour. Les vieilles rancœurs entre le Chœur et les autres sont tenaces. Par nécessité autant que par conviction, cette alliance complexe fait polémique, et l’on débat encore pour déterminer à quel moment des limites s’imposent face aux « amis » pratiquant des Arts répugnants. Malgré tout, les visionnaires de cette Tradition présentent au Conseil la preuve des bienfaits de la tolérance unifiée. « Nous Chantons à l’unisson, affirment-ils sans cesse. Nous devrions tous faire de même. » Organisation : doté d’une hiérarchie depuis la République romaine, le Chœur est dirigé par sa Curie, un synode de 17 membres composé de Chanceliers et des responsables financiers qui leur sont associés, de tribuns, de clercs et de délégués liturgiques. Le Chancelier le plus respecté (ou celui qui a le plus d’entregent) occupe la fonction rituelle de Pontifex maximus. Chaque Chancelier dirige une équipe territoriale d’Exarques, parfois appelés évêques. Les Exarques supervisent les chefs locaux portant le titre d’Anciens (prêtres ou aînés), qui sont la face publique de la Tradition. Initiation : les Anciens recrutent à travers les programmes d’aide sociale des organisations ecclésiastiques. Certains fidèles s’Éveillent spontanément en vivant des expériences religieuses fortes, en particulier lorsqu’elles impliquent de la musique. Chaque nouvel apprenti, ou Catéchumène, reçoit une instruction rigoureuse sous la férule d’un mage expérimenté, le Précepteur. Comme de nombreuses formes d’éducation religieuse, cette instruction comprend un enseignement relatif à la doctrine, à la discipline personnelle et (sans surprise) beaucoup de leçons de chant. Sphères d’affinité : Prime ; Esprit ou Forces. Focus : les Arts découlent non pas de la réussite ou de la volonté personnelle, mais de la foi, de l’unité et de l’harmonie avec la Volonté divine. Le chant (surtout lorsque de nombreuses voix chantent en harmonie) est l’instrument le plus ancien et le plus important de cette Tradition. La magye des Choristes a tendance à se manifester dans la lumière, le feu, la chaleur, les vibrations harmoniques et la musique sublime. La foi et les hauts rituels sont au centre des pratiques du Chœur Céleste. En conséquence, La Création est divine et vivante, Ordre divin, Chaos terrestre et bien sûr Tout va bien, garde la foi, figurent parmi les paradigmes les plus courants.
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La vie est un cadeau, mais la plupart de ces pauvres cons n’enlèvent jamais le papier qui l’enveloppe. La conscience est à la fois une cour de récréation et un piège. Infini dans ses possibilités, et pourtant limité par nécessité, l’esprit est le siège de la réalité entière… du moins pour les êtres humains. La Tradition des Extatiques étend donc la réalité en étendant la conscience. Selon eux, si vous réorganisez vos perceptions, vous réorganisez également votre potentiel. Pour les membres de ce « culte », la magye découle des états de conscience altérés. Un esprit libéré de ses entraves l’est également de ses limites, et il est donc capable de tout. Mais puisque la conscience a besoin de limites pour fonctionner, un mage doit pouvoir entrer et sortir librement d’une ouverture totale d’esprit. Les Extatiques ont un regard de dément et des manières excentriques qui fascinent autant qu’ils effraient. Malgré leur image de hippies échangistes flower power, ils deviennent parfois les mages les plus terrifiants qui soient. Ils ont tout d’abord une nature intense et imprévisible. Beaucoup supportent mal les limites (doux euphémisme) et ont tendance à dire et à faire des choses déplacées, comme embrasser des ennemis ou rire devant la souffrance. Ils sont dangereux pour toute personne normalement constituée et se lancent dans des cascades auxquelles les non-Éveillés ne survivraient pas. La passion est un sacrement auquel ils s’adonnent à l’extrême et cet extrême est aussi souvent excitant que douloureux. « Excitant » demeure d’ailleurs un adjectif qui les résume plutôt bien. Par définition, ils sont ex, c’est-à-dire, en dehors, au-delà, qui n’appartient plus à ce qui vient avant ou après.
Souvent associée aux années 60 (sans doute l’apogée de leur influence), l’extase figure parmi les plus anciennes Voies sur Terre. Selon les légendes du Culte, les premiers humains ont mangé des champignons hallucinogènes créant ainsi la confluence entre esprit, animal et homo sapiens. Aujourd’hui encore, les Extatiques se considèrent comme des portails vivants entre la chair, l’esprit et l’imagination, liés aux trois et les transcendant tous. En l’honneur de leurs ancêtres, beaucoup utilisent des enthéogènes, des drogues « libérant le dieu intérieur », non pas comme un vice, mais comme un outil d’illumination sacrée. Depuis leur création, les mages extatiques vivent au-delà des frontières de la respectabilité, adeptes d’une Voie de la Main gauche qui embrasse le sexe, les drogues, la musique, la danse, la souffrance, le plaisir, le risque et même la mort au nom de la folie divine. Ces mages sont des devins et des chamanes, des hédonistes et des prophètes, et ils vivent parmi les Dormeurs qui n’ont pas peur de franchir les limites. Pourtant, les Extatiques du Conseil ont une éthique très forte, grâce en particulier à la dépendance qu’ils éprouvent pour les extrêmes. Le Code de l’Ananda (les commandements du Culte) interdit à ces mages de forcer des partenaires non consentants à suivre leur Voie, déclarant que : « Les passions sont le siège du Moi, et si elles saignent, l’âme saigne aussi. » Les Extatiques apprécient la compagnie des non-Éveillés davantage que leurs frères mages. Mettant les Dormeurs au défi de briser ce sommeil, ils utilisent l’art, la musique et les sous-cultures bohèmes et néo-tribales, des environnements où ils peuvent récompenser le courage et inspirer la créativité. Pendant un temps, en particulier
Stéréotypes Les autres Traditions : une bande d’universitaires coincés qui ont souvent peur de dépasser les limites évidentes de leurs disciplines et d’accueillir tout ce qu’ils pourraient être au-delà de ces attentes. La Technocratie : des abominations de la condition humaine et la source de presque tout ce qui cloche de nos jours. Les Disparates : je ne les blâme pas de vouloir être libre. Dommage que ça leur ait coûté presque tout le reste…
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
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au cours de son âge d’or psychédélique, cette Tradition était fière de son surnom de « Culte ». Mais récemment, nombre d’Extatiques ont commencé à se sentir à l’étroit avec l’usage de ce terme désinvolte. Dans l’imaginaire populaire, les cultes évoquent la tromperie et les sinistres machinations. Ils s’efforcent depuis le début du nouveau millénaire de privilégier leur ancien titre, les Sahajiya (ou « les Naturels »). Organisation : la structure informelle et nomade de cette Tradition reflète l’importance qu’elle accorde à la transcendance individuelle. Elle inclut plusieurs sous-sectes, mais peu de chefs stricto sensu. Les Extatiques préfèrent se réunir à l’occasion de festivals, de raves, de concerts ou lors de rassemblements tribaux, et se mêlent aux « somnambules » évoluant à la frontière entre la culture des Dormeurs et l’Éveil complet. Pour l’essentiel, ce groupe privilégie l’influence plutôt que l’organisation. Chacun est encouragé à suivre sa propre Voie, tant que cette Voie ne va pas à l’encontre de la nature sacrée des autres. Le seul élément rigide de la Voie des Sahajiya est le Code de l’Ananda et l’importance qu’il accorde au respect bienveillant. Tout le reste est négociable. Initiation : L’Extase pour les nuls, en cinq étapes : 1. Abandonnez vos peurs. 2. Concentrez-vous sur vos intentions. 3. Ouvrez votre esprit. 4. Mettez-vous en harmonie. 5. Répétez l’étape 1. Pour aider un jeune Extatique à franchir l’étape 1, son mentor le défie de sauter par-dessus ses peurs puis d’utiliser son intention pour voler au lieu de tomber. Le Diksham (la convention liant le mentor et le disciple) garantit un espace sûr permettant à l’initié d’apprendre la magye et le contrôle. Souvent, le mentor et son élève deviennent amants, créant ainsi un canal d’intimité et de confiance qui dépasse la simple activité sexuelle. Mais ce n’est pas une règle gravée dans le marbre et la contrainte est aux yeux de ses semblables le pire péché qu’un Extatique puisse commettre. Après l’initiation et la formation de départ, le mentor s’éloigne souvent de son disciple et le laisse en toute confiance trouver son propre chemin. Il lui donnera à l’occasion des conseils ou un coup de main, mais refusera de devenir une béquille. S’il veut progresser sur cette Voie, un mage doit créer ses propres triomphes et ses propres erreurs. Sphères d’affinité : Temps ; Psyché ou Vie. Focus : « Cessez de vous mettre vous-même des bâtons dans les roues ». Cette phrase résume bien le paradigme extatique. Pour toucher la Lakashim (« pulsation divine »), la personne doit enfoncer les portes de l’inhibition et de la peur. La magye est la communion entre un esprit concentré et la Lakashim, une danse de possibles guidée par un mélange de sagesse et de folie. Pour la pratiquer, un Extatique utilise des intentions conscientes, mais malléables, afin de guider l’énergie de l’Ojas (la force vitale). Dans l’idéal, le mage évolue dans un état de fluctuation où ni le temps ni les inhibitions ne font obstacle à la force vitale, conscient de ce qu’il fait, mais suffisamment ouvert pour faire n’importe quoi. Les substances et les stimuli associés au Culte servent en principe à abattre les barrières mentales et à faire exploser les obstacles jalonnant le chemin de l’Illumination. Ça, c’est la théorie. En pratique, ces outils deviennent parfois eux-mêmes des obstacles. Les Extatiques intelligents changent donc constamment d’outils pour éviter le piège de la stagnation et d’une éventuelle dépendance à « cette même connerie ». La folle sagesse est au centre des nombreuses pratiques de ce groupe qui vont de la magye de rue, au yoga et aux arts martiaux, en passant par l’hypertechnologie cybernétique. En conséquence, La Création est divine et vivante, Ordre divin, Chaos terrestre et très souvent Tout n’est qu’illusion, figurent parmi les paradigmes les plus courants.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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LA MORT N’EST PAS QU’UN MOT POUR MOI. ELLE EST LA GENÈSE. La mort n’est pas une fin, elle fait simplement partie d’un cycle plus vaste. La vie reprend le cycle là où la mort l’a laissé ; la mort finit ce que la vie commence et la ramène à un nouveau départ. Parfois, une vie empoisonne tout autour d’elle. La mort devient à ce moment-là une bénédiction… que la Tradition Euthanatos est toute prête à accorder. Les Euthanatos (ou, plus précisément, les Euthanatoi) se considèrent comme les gardiens de la Roue. C’est une tâche difficile dont la peur et la corruption sont les éternelles compagnes. Le désir de vivre est fort or les mages de la « bonne mort » endossent souvent le rôle du meurtrier. Même les plus bienveillants d’entre eux, ceux qui deviennent médecins, prêtres, psychologues spécialisés dans le deuil etc., passent la plupart de leur temps avec la mort et les passions complexes qu’elle provoque. Chacun de ses membres a lui-même vécu le trépas et la renaissance. Les Euthanatoi transportent littéralement un fragment de mort partout avec eux. Le nom de cette Tradition a lui-même posé problème. D’une part, le mot grec est mal accordé dans la forme commune du nom. D’autre part, ce titre de « bonne mort » lui fait porter le stigmate du meurtre. Beaucoup de Thanatoïques préfèrent leur ancien nom, les Chakravanti ou « peuple de la Roue ». Alors que le Conseil se dirige peu à peu vers sa nouvelle incarnation, les pressions exercées en faveur de ce nom (ou d’un autre, comme les Niyamavanti, le « peuple de notre Règle », qui n’a pas le passif des deux autres) s’accentuent.
Après tout, si les individus peuvent se réincarner, pourquoi une Tradition basée sur ce principe ne ferait-elle pas de même ? La réincarnation est une partie essentielle des Euthanatoi. Ces mages ne se contentent pas d’y croire. Leur propre expérience leur a montré que la réincarnation existe. Ancré dans des croyances religieuses venues d’Inde, de Grèce, d’Afrique, du Tibet et d’ailleurs, le groupe continue de faire tourner la Grande Roue. Cette tâche était autrefois plus facile. Les gens vivaient, mouraient, rejoignaient la Roue et revenaient vivre de nouvelles vies. Mais entre l’expansion des religions où une seule vie est permise, l’athéisme matérialiste, les techniques de réanimation, les guerres titanesques et le nombre affolant de personnes qui vivent et meurent, le Grand Cycle s’est bloqué. Des abominations telles que les vampires et d’autres choses mort-vivantes se sont multipliées. Les royaumes matériel et spirituel se sont peuplés de fantômes de toutes sortes et si la Tempête d’Avatar s’est chargée de faire le grand ménage, la Roue a eu besoin de formes… disons plus directes d’entretien. En conséquence, les partisans de la réincarnation ont trop souvent été obligés de devenir des tueurs. Malgré tout, c’est la vie, et non la mort, qui est véritablement au cœur de cette Tradition. La Roue doit avant tout tourner. Organisation : comme leurs alliés Verbenae et Extatiques, les Chakravanti suivent une Voie parfois sinistre que les autres mages craignent souvent et comprennent rarement. Pourtant, ils constituent peut-être le groupe le plus éthique de toutes les Traditions. L’épouvantable responsabilité qu’ils endossent n’en exige pas moins. Leur code strict, le Dharmachakra ou « Roue à huit rayons de la Loi », met l’accent sur le Cycle (Samsara) ; l’unité de toutes les choses (Advaita) ; l’acceptation de la mortalité
Stéréotypes Les autres Traditions : la plus fascinante parade de visionnaires, de marginaux, de salopards et de héros ayant jamais foulé la Terre, et si longtemps survécu à l’expérience. La Technocratie : des monstres de vanité doucereux qui défèquent leur métal sur la Grande Roue. Les Disparates : tout le monde dit qu’ils sont morts… mais les choses mortes trouvent toujours le moyen de revenir.
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
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(Kala) ; la garde responsable (Pravitra) ; la maîtrise de soi (Dama) ; la compassion (Daya) ; l’évitement de la tentation (Tapas) et l’expérience personnelle de la mort et de la renaissance (Punarjanman). Même s’il n’y a en son sein aucune hiérarchie rigide, tous les membres de cette Tradition doivent connaître et suivre ce code, sous peine de mort ultime et d’expulsion de la Roue. Ce code sévère requiert des liens forts entre mentors et initiés. En conséquence, même si la Tradition de la mort comprend de nombreuses sectes différentes, la relation entre un professeur (acarya) et son élève (chatra) est essentielle. Le chatra prête un vrata (« serment sur la vie ») envers son mentor et la Tradition dans son ensemble. Rompre ce serment disgracie non seulement l’étudiant, mais aussi le professeur… et oblige l’acarya à traquer son étudiant pour le punir. Initiation : chaque mage thanatoïque subit la Diksha, une mort physique rituelle. Une fois revenu des Terres d’Ombre, il suit un long apprentissage incluant la mémorisation de la Niyama et l’enseignement des nombreux arts de la guérison, du destin et du meurtre. Ces formations peuvent durer des années et comprennent en général des quêtes, des épreuves et des défis au cours desquels le disciple se confronte aux terribles implications de sa Voie. Car sans cette conscience, un « mage de la mort » est exactement ce qu’on pense qu’il est : un monstre qui incarne tout ce que les Euthanatoi ont juré de détruire. Sphères d’affinité : Entropie ; Esprit ou Vie. Focus : en tant que maîtres de la vie, de la mort, du destin et de la chance, les Euthanatoi considèrent la magye comme un prolongement du Cycle. En faisant tourner la Roue, ces mages contrôlent autant les probabilités que les forces de la mortalité. Cette rotation se concentre sur la nature cyclique de l’existence et un Chakravat utilise des pratiques et des instruments tels que la folle sagesse, la foi, les hauts rituels, la médecine, le piratage de la réalité, les arts martiaux, le chamanisme et parfois le vaudou, pour diriger ces énergies vers le but qu’il souhaite atteindre. Le yoga occupe une place essentielle dans les Arts de cette Tradition. Ordre divin, Chaos terrestre est sans doute le paradigme le plus répandu dans le groupe. On compte parmi les autres Tout n’est qu’illusion, La Création est divine et vivante et, croyez-le ou non, Tout va bien, garde la foi.
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En avant ! Pour tous ou pour personne ! La seule chose qui empêche l’humanité de réaliser son utopie si ardemment désirée, c’est la petitesse de son imagination. Tant que les individus laisseront la société et ses dirigeants dicter la taille et la grandeur de leurs rêves, l’ennui de l’ordinaire et toutes les souffrances qui l’accompagnent subsisteront. Le pouvoir en place par le passé (celui des chamanes, des pharaons ou des prêtres) a même réussi à entraver l’imagination magyque de la majeure partie des Neuf Traditions. Seul l’avenir est libre de ces chaînes, pas encore figé, pas encore rêvé. Il n’y a que les véritables audacieux qui rendent le futur réel dans le présent et les Éthéristes sont l’incarnation de l’audace ! Les Fils de l’Éther étaient à l’origine une société de rêveurs technomantiques radicaux, incapables de s’adapter au paradigme confiné et suffocant de la Technocratie. Même s’ils ont adopté leur nom actuel au début du XXe siècle, ces scientifiques illuminés sont autant les fils que les filles de leur théorie de ralliement : l’Éther, la subtile substance qui se dissimule derrière tous les phénomènes de l’univers. Du fait de leurs coutumes victoriennes, ils ont longtemps été taxés de club de gamins, mais sont parvenus au fil des ans à évoluer. Les partisans de la ligne dure continuent certes d’insister sur la prééminence, le terme Société de l’Éther a pourtant quasiment remplacé la masculinité éculée du nom originel. Les Éthéristes retracent leur lignage jusqu’à l’ancienne Troie, mais rares sont ceux en dehors de la Tradition à accepter cette affirmation. La base de leur philosophie naturelle aurait été établie par les penseurs présocratiques de la Grèce et du bassin méditerranéen, et consignée dans un livre intitulé (dans sa version arabe) le Kitab-
al-Alacir, ou « Livre de l’Éther ». Première tentative Inspirée (c’est-àdire Éveillée) de création d’une philosophie naturelle systémique, le Kitab est révéré par les Éthéristes qui se sont pour beaucoup Éveillés en le lisant. D’une tradition intellectuelle informelle rassemblant des individus disparates, le groupe a enfin fini par gagner un socle sociétal à la naissance de la maison Golo hermétique dans l’Italie médiévale. Cette maison est ensuite devenue la Guilde des Philosophes naturels, puis les Ingénieurs Électrodynamiques à l’ère victorienne. La fascination de ces derniers pour la nouvelle puissance de la fée Électricité promettait de libérer l’homme des ténèbres physiques et métaphysiques. Cet idéalisme est encore aujourd’hui le cœur de cette Tradition. La Technocratie n’a pas réussi à l’écraser. Les guerres mondiales ne sont pas parvenues à le chasser. Ni le scepticisme, ni l’échec, ni les rumeurs prétendant que les Éthéristes sont tous fous et imprudents n’empêcheront ces hommes des Lumières d’apporter leur Science magnifique au monde. Bien sûr, la grande majorité des gens (y compris ces fous qui les accompagnent) pensent que la grande majorité des Éthéristes sont des excentriques. Bizarres. Peut-être même déments. Mais cette folie est le flamboiement d’une nova enchâssée dans une coquille hélas bien trop humaine. Dans un monde déterminé à rester petit, la Société de l’Éther donne naissance à des héros. Si ces héros démolissent de temps à autre des laboratoires, des compagnons et même… hum, des villes, ainsi soit-il, car tel est le prix de la véritable Illumination. Et par conséquent, le monde s’améliore. L’âge actuel n’en est-il pas la preuve ? Des machines volantes ! Des technologies d’enregistrement ! Des populations qui ne sont plus décimées par les épidémies ou les
Stéréotypes Les autres Traditions : des alliés fascinants, je suppose… mais c’est nous qu’ils traitent de fous ? La Technocratie : des obscénités à la face de la Science, pervertissant le merveilleux pour le contrôler. Les Disparates : des récalcitrants, mais des récalcitrants mystérieux. Ils méritent sans aucun doute une étude plus approfondie…
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famines ! (Enfin, sauf peut-être dans les pays qui possèdent peu de Science… quel gâchis.) En conséquence, et malgré les coûts et les obstacles qu’elle implique, les Fils et les Filles de l’Éther restent dévoués à l’avancement de la fabuleuse Science ! C’est au XXIe siècle que cette Tradition a réellement pris son essor. L’influence de la science-fiction (et surtout de sa progéniture éthériste, le steampunk) dans la culture populaire lui permet de se dresser fièrement à l’avant-garde des entreprises humaines. De toutes les Traditions, seuls les Adeptes du Virtuel (et parfois les Akashayana) jouissent de la même liberté que les Éthéristes à l’égard du Paradoxe. La réalité moderne favorise leur science étrange et même si leur ambition lâche de temps en temps à leurs trousses un effet de Paradoxe, la Société de l’Éther réussit très régulièrement à… « jouer avec le feu » – quelle vilaine expression, disons plutôt resplendir. Pour la plupart des autres mages, les Éthéristes semblent égoïstes, car ils soutiennent des paradigmes par lesquels des individus isolés peuvent certes exceller, mais à condition d’abandonner les Masses derrière eux. Ces derniers (enfin, de leur propre point de vue) veulent offrir les bienfaits de la Science Éveillée à tout le monde. « Pour tous ou pour personne ! » tel est leur credo. En conséquence, ils s’efforcent d’être reconnus non seulement par leurs pairs Éclairés, mais avant tout par les Masses. Ils savent que cette acceptation reflète l’ambition de l’esprit humain, un esprit qui regarde vers demain et les nombreuses et merveilleuses choses à venir. Organisation : malgré leurs déclarations grandiloquentes sur la société, les Éthéristes sont souvent indisciplinés et dotés d’un fort esprit de compétition. La communauté est une plate-forme qui ne sert qu’à récolter des louanges ; les critiques ne font que vous inciter à retourner dans votre laboratoire et à faire mieux la prochaine fois. Même si beaucoup se jettent à corps perdu dans leurs recherches et s’isolent pendant des semaines, ils finissent toujours par rechercher la compagnie de leurs pairs, quelle que soit l’obsession dont ils font preuve dans leur tâche. Initiation : les Éthéristes potentiels sont souvent sélectionnés par des scientifiques Éclairés sur un signe ou une preuve de génie latent. Les candidats passent une épreuve conçue pour les obliger à se confronter aux implications de leurs idées. Le plus souvent, on laisse l’apprenti Éthériste avec une copie du Kitab-al-Alacir, et ses concepts servent souvent à Éveiller l’étincelle des réussites futures, plus grandes et plus brillantes. Sphères d’affinité : Matière ; Forces ou Prime. Focus : la Science ! Ou plus précisément, une conception imaginative des principes naturels canalisée par le biais de technologies physiques et énergétiques établies. Plus terre à terre que leurs collègues Adeptes du Virtuel, les technomanciens éthéristes préfèrent employer une Science que même un idiot peut voir, toucher, démontrer et confirmer. C’est pourquoi la leur est tape-à-l’œil, romantique et gracieusement futuriste, même si ce futur ressemble davantage à de la science-fiction classique qu’à une réalité scientifique ordinaire. Un Éthériste peut utiliser tout ce qui a l’air de marcher comme pratique. La plupart des scientifiques Éclairés préfèrent cependant des variations glorieusement ésotériques sur l’alchimie, l’artisanat, la cybernétique, l’hypertechnologie, le piratage de la réalité, et évidemment la science étrange. Leurs paradigmes se concentrent principalement autour de concepts tels que L’Horloge cosmique, Tout est Données, La Raison du plus fort et Tout n’est qu’illusion, mais ils peuvent généralement se résumer dans La Technologie est la réponse à tout.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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Nos corps s’efforcent de se souvenir de l’harmonie de nos âmes avant notre naissance. L’harmonie réside dans le flux de Ce Qui Est. Se mettre à l’unisson de ce flux est tellement simple qu’il faut parfois plusieurs vies pour y parvenir. Le destin de l’homme est peutêtre d’aller contre ce flux ; le monde moderne déborde indubitablement de distractions qui le détournent de ces objectifs. C’est pour cela que les Akashayana, communément appelés Fraternité Akashite, recherchent l’harmonie dans un monde en proie au chaos. Les disciples de l’Akashayana Sangha (« Ordre du Véhicule de l’Akasha ») sont les grands incompris du Conseil, qui les considère comme de « paisibles guerriers ». Ils fortifient leurs corps pour cultiver leurs psychés (et par extension la sphère de Psyché) et atteindre l’harmonie. Celle-ci exige pourtant souvent le conflit. Tout comme les cordes d’un instrument doivent être pincées pour vibrer harmonieusement, la Fraternité a enduré des millénaires de guerre. Ce faisant, les Akashayana ont parfait le Do (« la voie »), l’art martial primordial ancêtre de tous les autres. Mais le Do n’est pas qu’un simple ensemble de techniques guerrières. Il englobe une série de pratiques spirituelles, de la cérémonie du thé à l’union tantrique, et focalise l’essence, la forme et les intentions d’une personne. En pratiquant sans cesse, l’étudiant (ou Akashi) développe la concentration dont il a besoin pour percevoir la nature foncièrement insatisfaisante du Samsara, le cycle perpétuel ou le flux de l’existence. Un Frère harmonieux (titre honorifique utilisé quel que soit le sexe du mage) s’efforce d’aider tous les êtres à atteindre la samadhi (l’illumination, l’Ascension) et de libérer tous les Bodhicitta (Avatars) du cycle des réincarnations. Malgré ce que l’on croit souvent, les premiers Akashayana ne venaient pas de Chine. Il fut un Temps avant le Temps, où le monde de l’humanité n’était qu’un unique Mont Meru ; le peuple des Meru’ai y vivait dans l’harmonie. Les légendes racontent que les Célestes Dragon, Tigre et Phénix ont enseigné aux Meru’ai les disciplines qui deviendraient le Do. Mais les imperfections de notre monde ont fini par couper le Mont Meru de ses Fondations célestes, et éparpillé les Meru’ai dans une région montagneuse qu’on appellera plus tard le Tibet. De là, ils auraient apporté leur langue et
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leurs traditions en Inde, au Népal, en Chine et plus loin à l’est. Ces origines ont suivi les Akashayana partout où ils sont présents. Au fil des millénaires, d’innombrables professeurs (notamment Gautama Bouddha, « l’Éveillé ») ont intégré des éléments du Do dans le bouddhisme, le taoïsme, le shintoïsme, le hatha-yoga et la médecine traditionnelle. Les Akashi ont participé à la construction des temples de Shaolin et d’Angkor ; ils ont renversé des tyrans et leurs monastères ont essaimé dans toute l’Asie, du Népal aux îles Ryukyu. À l’époque moderne, leurs enseignements résonnent dans le monde entier. Aujourd’hui, n’importe quel Frère conscient peut revivre toute cette histoire pour mieux comprendre le cycle de la réincarnation perpétuelle. Le shunyata (vide originel) qui sous-tend toute chose conserve les traces karmiques de toutes les pensées et de toutes les actions passées. Cette empreinte porte plusieurs noms : Merumandala, Akashakarma, la Conscience universelle, mémoire collective, et bien d’autres encore ; mais les Frères modernes l’appellent le Grand Livre akashite. Un esprit en paix, libéré de l’ego, peut percevoir le Grand Livre, dans lequel toutes les consciences se rejoignent en un unique fleuve. Une fois qu’il s’est mis en quête des réponses à ses questions et qu’il est parvenu à s’immerger dans cet espace psychique, l’Akashite utilise son intuition pour décrypter les souvenirs collectifs de ses frères et sœurs au fil de l’histoire. Cette histoire inclut des époques atroces : les Guerres himalayennes contre les premiers Chakravanti ; les conquêtes et les révolutions ; les rivalités meurtrières entre la secte et les Wu Lung, les Dalou-laoshi et les groupes akashites adverses ; la révolte des Boxeurs et sa conséquence, les prémices du commerce d’opium ; les invasions mongoles et les Guerres du Vent Divin ; la Purge du Fantôme hurlant et le Grand Bond en avant de Mao. Les Akashites ont entraîné des samouraïs et se sont éventrés pour l’honneur ; ils ont levé leurs katars avec le Rajput, attaqué la Cité interdite, la faim les a fauchés dans les champs de la mort de Pol Pot et ils sont devenus cendres à Hiroshima. Le calme apparent d’un Akashite dissimule les souffrances et des passions profondes dont il a hérité de chaque ère et de chaque conflit, et l’épouvantable karma de ces périodes persiste aujourd’hui encore.
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Quelle que soit leur culture, plusieurs caractéristiques communes lient tous les Akashi : la discipline, exigée par l’étude du Do ; l’empathie, nourrie par leur relation au Grand Livre ; la forme physique, aiguisée par la pratique du Do ; le respect, cultivé par des apprentissages intenses ; et la concentration, sans laquelle il est impossible de comprendre le Do, même superficiellement. Partout dans le monde, les Akashites partagent une terminologie similaire tout en appartenant à des groupes différents. La popularité des arts martiaux a conduit de nombreux initiés sur la Voie akashite. Les multiples distractions du monde moderne rendent hélas cette Voie ardue, sauf pour les adeptes les plus dévoués. De nos jours, les Akashayana doivent affronter un étrange problème : leurs ennemis ancestraux, les Wu Lung, semblent avoir choisi la Voie akashite. Si la Fraternité reste circonspecte quant à cette alliance, ses principes de compassion l’encouragent à donner une chance à ses vieux rivaux. Certains disent pourtant que pour s’accommoder de cette décision, les Akashites modernes auront besoin d’une chose que leur Tradition a rarement apprécié, et encore moins cultivée : l’imagination. Organisation : la Fraternité est principalement dirigée par les Kannagara, des moines ascètes appartenant à la secte de la Robe du Phénix. De nos jours, c’est pourtant la Shi-Ren (« aristocratie bienveillante »), une faction de traditionalistes actifs en politique et qui souhaitent associer plus étroitement les Akashites aux affaires temporelles, qui jouit d’une grande influence. En Occident, les mages des Traditions ont le plus souvent à faire aux guerriers du Vajrapani (dédaigneusement appelés les « Poings de la Guerre ») et les iconoclastes éclectiques du Li-Hai qui recherchent l’illumination à travers l’expérience héroïque. Initiation : dans des temples, des ashrams et des dojos partout dans le monde, des sifu (maîtres) et des sihing (adeptes) acceptent les disciples qui font preuve d’ouverture d’esprit et de détermination. En général, un professeur ne dispense son enseignement qu’à un seul élève à la fois. La doctrine akashite soutient que chaque personne doit trouver sa propre voie vers l’illumination ; en conséquence, les Akashayana reçoivent très peu de conseils et d’encouragements. Beaucoup d’élèves frustrés abandonnent, mais ceux qui persévèrent développent un esprit, un cœur et un corps parfaits. Sphères d’affinité : Psyché ou Vie. Focus : la « magye » est en fait la perfection de soi et l’harmonie cosmique. Pour maîtriser les Arts en suivant la bonne Voie (le
Do), une personne doit étendre sa conscience dans toutes les choses, clarifier ses pensées, équilibrer son corps et vaincre la confusion que les émotions provoquent. L’alchimie asiatique, l’artisanat, la foi, le yoga, la domination sociale et l’entraînement aux arts martiaux permettent à un Frère de canaliser son énergie vitale (le chi) pour accomplir des prouesses physiques, mentales et énergétiques stupéfiantes. En conséquence, Retour à l’âge d’or, Tout n’est qu’illusion, Tout va bien et parfois La Raison du plus fort figurent parmi les paradigmes les plus courants.
Stéréotypes Les autres Traditions : les illusions séduisantes qu’ils bâtissent les détournent de la transcendance qu’ils s’efforcent d’atteindre. La Technocratie : des dragons du Métal dans une cage étouffante. Les Disparates : des enfants perdus et des liens brisés… ils sont pourtant plus puissants qu’ils n’en ont l’air.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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Je ne « manifeste » pas le changement. Je deviens le changement. Salomon a plié les esprits à sa volonté, Merlin a fait un roi d’un garçon d’écurie, John Dee a appelé le royaume d’Elisabeth un empire et l’a ancré dans le temps et dans l’espace à Greenwich. Les maisons d’Hermès font elles aussi tourner les rouages secrets du monde. Leurs Arts sont les plus raffinés, leurs connaissances les plus exhaustives, leurs Volontés les plus dévouées à l’excellence. Beaucoup pensent (surtout parmi les Hermétiques) que l’Ordre d’Hermès est la quintessence du mot mage. C’est la Tradition la plus nombreuse et la mieux organisée, elle a en tant que telle influencé (ses membres diraient « défini ») l’expérience occidentale de la magye. Les Hermétiques ont à leur disposition un éventail considérable de secrets et de glyphes. Leur richesse est immense, leurs Prodiges puissants, leurs bibliothèques époustouflantes. L’Ordre s’enorgueillit de compter le plus grand nombre de Fondations, de maîtres et d’archimages. Parmi ses exploits figurent la première codification d’étude magyque, la formulation des sphères, et tout bonnement la formation des Traditions elles-mêmes. L’Ordre a tout de même subi quelques revers et catastrophes : la perte à la fois de sa plus grande Fondation, Doissetep, et de son maître le plus important, Porthos Fitz-Empress ; l’extermination (certains disent « l’autodestruction ») de ses plus puissantes sommités ; le saccage d’archives inestimables. Et pourtant, les autres Traditions ont semble-t-il poussé un soupir collectif de soulagement. Pourquoi ? Parce que les magiciens hermétiques sont tous autant qu’ils sont (et aussi jusqu’au trognon) méticuleux, pédants, majestueux et hautains. La préface du vénérable Traité d’apprentissage (un épais
volume offert à chaque nouvel apprenti) saisit cette attitude en un paragraphe : « Quel mage d’une autre Tradition, nonobstant son talent, peut se vanter de posséder les vastes connaissances de notre plus mauvais adepte ? Quel autre sorcier peut avancer une once de théorie en soutien de sa magye ? Avec ses tambours et sa crécelle, le chamane aborigène abandonne son corps à un esprit dont il ne sait rien. Avec son cantique, le clerc supplie ses dieux comme un enfant pour obtenir leur faveur. Avec ses vices, l’Extatique brûle comme un météore avant de s’évanouir et la sorcière avec ses rites sanglants n’aspire qu’à procréer. Même l’Akashite, avec sa méditation et ses exercices physiques, recherche une satisfaction passive dans une fausse croyance. Pendant ce temps, l’Hermétique à la Volonté inébranlable ordonne “Que la lumière soit !” Et la lumière est. » Cette déclaration grandiloquente est symptomatique de l’odieuse confiance que l’Ordre étale ; l’Hermétique lambda a aussi les moyens de cette politique. Parmi les Traditions, seuls les Verbenae et les Parlesonges ont une histoire aussi violente que les Hermétiques avec la Technocratie honnie. Ce n’est pas un hasard si les Maçons (eux-mêmes créés à partir d’une secte hermétique renégate) ont choisi d’ouvrir les hostilités en pulvérisant une citadelle hermétique et en organisant la Convention de la Tour Blanche dans une seconde. Ce n’est pas non plus une coïncidence si maître Baldric La Salle a réuni le Tribunal de la Crête des Brumes (première étape de l’organisation de la Grande Convocation) dans les ruines du premier affrontement. Certes, c’est un Extatique qui a lancé l’idée et les Verbenae qui ont recruté de nouveaux alliés, mais c’est l’Ordre d’Hermès qui a érigé les fondations sur laquelle les Traditions ont été bâties.
Stéréotypes Les autres Traditions : malgré leurs vénérables pratiques et leurs occasionnels coups de génie, nos alliés n’ont pas la discipline nécessaire pour acquérir une puissance ou un contrôle durables. Toutefois, ils nous ont soutenus depuis des siècles, ce qui fait d’eux des compagnons méritants. La Technocratie : à la fin, il ne pourra en rester qu’un. Les Disparates : de talentueux amateurs, mais leur isolement volontaire les a perdus.
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Même les Traditions rivales reconnaissent que l’histoire de l’Ordre est longue et spectaculaire. Dans l’Égypte ancienne, deux nobles précurseurs ont inventé l’alphabet. L’archimagus Salomon a lié de nombreux esprits, qui sont encore à ce jour au service de l’Ordre. Pythagore a fondé le culte d’Hermès en Grèce. Le Corpus Hermeticum, attribué à Hermès Trismégiste (« Hermès trois fois grandiose ») forme la base de la Tradition moderne. Même les Dormeurs se rappellent de quelques Hermétiques marquants du passé : Merlin, Paracelse, Saint Germain, Cagliostro… De Gandalf à Aleister Crowley en passant par Harry Potter, la définition populaire de la magye découle des archétypes hermétiques. Dans ce nouveau millénaire, le groupe bénéficie d’une popularité plus élevée que jamais auprès du grand public. Certes, les Masses ne pratiquent pas les Arts hermétiques, mais elles reconnaissent inconsciemment que les coutumes de l’Ordre sont le visage de la sorcellerie occidentale. En conséquence, et même si leurs divers échecs leur ont coûté très cher, les mages hermétiques accueillent l’âge moderne avec une nouvelle vitalité. La perte des archimages, la destruction de Doissetep, la guerre contre les vampires, la purge de la maison Janissaire corrompue… tous ces événements sont semblables à la Tour du tarot qui s’effondre : briser les chaînes qui entravent le changement. Les Hermétiques d’aujourd’hui mettent la main à la pâte et reconstruisent l’Ordre sur les fondations solides qu’il possédait déjà et qui ont été conservées en l’état : la confiance, la connaissance, l’excellence et la Volonté. Guidés par une vision de la Cité de Pymandre (l’idéal de l’Ascension mondiale gouvernée par la Volonté mystique), les Hermétiques continuent de viser la perfection. Au vu de la grandeur de leur but, c’est le moins qu’ils puissent accepter. Organisation : l’Ordre possède une hiérarchie, une discipline et des règles rigides. Le Code d’Hermès et ses Rectificatifs secondaires dictent l’étiquette, le protocole, les lois régissant les duels de certámen et les inscriptions qu’il faut graver au fronton des Fondations. Les treize maisons qui existent encore se déchirent dans des luttes intestines brutales et permanentes. Certaines d’entre elles précèdent la conquête normande (Bonisagus, Flambeau, Quaesitor, Tytalus, Verditius et Ex Miscellanea, la maison fourre-tout). D’autres sont moins anciennes, voire assez récentes (Fortunae, Hong Lei, Ngoma, Shaea, Skopos, Solificati et Xaos). Initiation : les étudiants sont recrutés dans le milieu universitaire, les ordres religieux ésotériques, le milieu scientifique ou l’armée. Un élève doit survivre à un apprentissage difficile et éprouvant sous la férule d’un mentor impitoyable (une mater ou un pater). L’Ordre distingue neuf degrés de progression mystique : néophyte, zelator, practicus, initié, initié exemptus, adepte, adepte major, magister scholae et magister mundi. La formation a pour but de provoquer, à la fin du troisième degré, un Éveil graduel qui tient plus du processus que d’un unique électrochoc. Sphères d’affinité : les Forces sont au cœur de la formation hermétique. Certaines maisons privilégient les sphères de la Vie, de la Matière, de la Psyché ou de l’Esprit comme champ d’étude secondaire, mais les Forces sont toujours essentielles. Focus : un mage hermétique détient rien moins que les clés de l’univers. En conséquence, c’est par un travail permanent d’étude acharnée et par un entraînement intensif que ces érudits accomplis parviennent à maîtriser des rituels anciens et magiques. Exploitant les courants élémentaires grâce à des incantations, des signes, des sceaux, des objets symboliques et des langages secrets, les Hermétiques sont, par la force des choses, secrets et méfiants. Après tout, ils commandent un pouvoir immense et leurs ennemis sont partout. L’alchimie, la domination et les hauts rituels sont les pratiques centrales dans les rangs de l’Ordre. Tous les mages hermétiques sont entraînés à ces formes de magye. Certains ajoutent la magye du chaos, l’Art du Désir, l’hypertechnologie, l’artisanat, la science étrange, le yoga et quelques maléfices à cette base. Ils suivent donc des paradigmes tels que L’Horloge cosmique, Ordre divin, Chaos terrestre, La Loi du plus fort, La Technologie est la réponse à tout, et naturellement Retour de l’âge d’or.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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Je parle à la fin du silence. Entendez-vous à présent le tonnerre ? La Terre parle, mais rares sont ceux qui perçoivent encore sa voix. Il y a longtemps, tous les humains écoutaient ce battement de la Vie et le chant de l’Esprit. Mais l’orgueil a séparé notre monde du royaume des esprits. S’accrocher à ce lien primordial, malgré toutes les distractions de la vie moderne, exige de la force… et plus encore lorsque ce monde moderne a fait tout ce qui était en son pouvoir pour vous briser. Malgré tout, cette Tradition et ses adeptes refusent de se laisser faire. Résistance est peut-être le mot qui résume le mieux la Société des Rêves. Sa vision et ses membres ont résisté. La Tradition elle-même a résisté à l’ignorance, à l’esclavage, à la division, à l’oppression, à la trahison, à la marginalisation, aux stéréotypes. Jusqu’à l’idée simpliste que se faisaient les non-membres et qui a elle aussi résisté bien au-delà de toute attente raisonnable. En dehors de ses farouches alliés, les Verbenae et le Culte de l’Extase (souvent eux-mêmes inclus dans le lot), le Conseil a continué à considérer les Rêveurs avec paternalisme et condescendance pendant plus de cinq siècles. Et pourtant, ils résistent. Cette Tradition n’a pas un seul fondateur, mais deux, et cette étrangeté lui correspond bien. Naioba et Star-of-Eagles ont tous deux entendu l’appel de leurs esprits dans des terres très différentes, et ils ont dans l’amour transcendé leurs différences. Le mariage sacré entre cet homme et cette femme a inspiré à des visionnaires africains, amérindiens et asiatiques la création d’une confédération placée sous le signe de la diversité. Le mariage était certes un rituel, mais les sentiments qu’il incarnait existaient bel et bien. La belle histoire a connu une fin tragique et Naioba est morte sous les coups
d’un Profanateur de la Vision. Pourtant, cet amour et ses nombreux liens symboliques sont le ciment de la Tradition. À de rares exceptions près, les Kha’vadi (« ceux dont la vision façonne le monde ») sont issus de cultures indigènes ou de leurs descendants adeptes de la technologie. Certains acceptent les modes et les technologies modernes, d’autres préfèrent leurs traditions ancestrales. La faction inclut bien une poignée de chamanes européens, océaniques et asiatiques, mais elle est dans son immense majorité originaire d’Afrique ou des Amériques. Si on leur donne souvent le titre sibérien de chamane, le terme le plus approprié à leur sujet est peuple-médecine : des gens utilisant des dons de guérison naturels, et non une magye égoïste. Les Kha’vadi ne plient pas la réalité à leur volonté, ils œuvrent de concert avec elle… non pas la réalité, corrompue, du monde technocratique, mais celle, plus profonde, de l’Esprit du Monde sous ses nombreuses formes. C’est en partie à cause de sa nature de guérisseuse que cette Tradition est considérée comme une bande d’arriérés battant furieusement leurs tambours. Pure absurdité. Les Kha’vadi sont des guerriers spirituels combattant pour sauver un monde malade de lui-même. Au cours de ces dernières années en particulier, les Rêveurs sont devenus plus militants qu’ils ne l’étaient depuis des siècles. Des factions telles que la Lance rouge et la Société de la Roue fantôme se dressent contre cette image d’« impassible sauvage ». Un groupe encore plus récent, les Akinkanju (« Insoumis »), fait même pression pour abandonner le « nom d’esclave » que le Conseil leur a donné et pour le remplacer par un titre choisi par leur Tradition. Après tout, cet âge est un « cauchemar de l’homme blanc » et les Parleurs en ont assez. Certaines plaies doivent être purifiées par le feu.
Stéréotypes Les autres Traditions : leurs qualités sont nombreuses et admirables, mais je ne fais confiance qu’à ceux qui en sont dignes, rares sont ceux que je considère comme mes amis, et je surveille mon dos, histoire de voir arriver le prochain échec inévitable. La Technocratie : l’essence même du cauchemar de l’homme blanc. Les Disparates : je sens un piège, et je crois que ça me plaît…
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
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De nos jours, un horizon inédit offre un nouvel espoir : l’internet, un réseau de communication mondial doté de sa propre dimension spirituelle. Les Kha’vadi doués en informatique savent que la Toile numérique possède une conscience… et par extension une âme. Les outils pratiques des réseaux sociaux permettent aux Parlesonges du monde entier de se rencontrer et de reconstruire leurs racines. La facette spirituelle de la Toile numérique alimente de plus un mouvement de techno-chamanes en pleine expansion ; ses possibilités et ses répercussions sont plus vastes que quiconque, même les Parleurs, ne l’imagine… Organisation : la Voie chamanique a tendance à être solitaire, néanmoins le peuple-médecine est assez sociable. En conséquence, cette Tradition associe le respect de l’autonomie au réseau de soutien d’une tribu. Pendant des siècles, nombre de Parlesonges ont préféré parcourir leurs propres routes ; ces derniers temps, ils sont cependant revenus au communautarisme régissant la plupart des cultures qui existaient avant les grands empires. La séparation était après tout un handicap. En resserrant leurs liens, ses membres se font entendre et leur voix porte bien plus loin. Les Parlesonges se réunissaient auparavant dans des lieux reculés du monde des esprits. Ils créaient même des Royaumes où les Anciennes traditions étaient totalement préservées. Mais ces dernières années, le Peuple indompté s’est tourné vers le monde matériel ; il se réunit dans des environnements ruraux et urbains, souvent à l’occasion de pow-wows, de spectacles de hip-hop, de fêtes de quartier et de festivals néo-tribaux. Les groupes sur les réseaux sociaux offrent eux aussi des lieux de rassemblement à la nouvelle génération de Parlesonges. Dans tous les cas, leur ancienne solitude s’est muée en une démarche plus sociale. Les Kha’vadi restent toutefois très informels. Les anciens sont respectés par leurs pairs moins âgés, mais la vigueur de la jeunesse fait le lit de l’avenir et mérite elle aussi le respect. Les titres à rallonge appréciés par le « Conseil des blancs » semblent ineptes pour le Parleur lambda. Les actes et la sagesse sont bien plus parlants que les lois. Initiation : suivant l’exemple de sa Tradition, un Parlesonges survit à une mort apparente. Une partie de son initiation inclut un trépas rituel (et parfois littéral) ; ce décès amène le chamane dans le royaume des esprits, où il est confronté à des épreuves et à des obstacles. S’il survit à cette expérience, le kaimi (« initié ») devient un so-cha (« disciple ») et retourne dans le monde des mortels avec une nouvelle perception et une vision plus vaste des choses. Sphères d’affinité : Esprit ; Forces, Matière ou Vie. Focus : la médecine, et non la magye, est l’essence des Arts des Parlesonges. Un Avatar est Howahkan, cette voix mystérieuse qui parle à ceux qui sont prêts à l’entendre. La sorcellerie est une Voie égoïste, et au bout du compte destructrice, qui éloigne les mages de la Bonne Route, celle de l’harmonie avec l’Esprit du Monde. Pour dépasser les illusions de la vie mortelle, il faut écouter le battement du cœur de la Création, affronter la mort et rester ouvert à la voix de la vie tout entière. En termes de pratiques, les Parleurs privilégient la médecine, l’artisanat, le chamanisme, la folle sagesse et la foi. Quelques-uns utilisent la cybernétique, le yoga, le vaudou et la sorcellerie, mais ils sont souvent ostracisés par leurs frères. Un Monde peuplé de dieux et de monstres, La Création est divine et vivante, Retour à l’âge d’or, et parfois La Loi du plus fort, figurent parmi les paradigmes les plus courants.
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Tout est intimement lie. Comprendre vos larmes, c’est comprendre le ciel. La vie, c’est de la pisse, de la merde et du sang. La souffrance et le plaisir sont des droits aussi naturels qu’inévitables. Notre esprit n’est pas une chose transcendante et indépendante de notre corps, il est la vitalité brute de la Vie elle-même. La Tradition des Verbenae compte parmi les plus anciennes visions mystiques du monde, et elle considère la vie comme un cycle merveilleux et implacable, une danse des éléments menée par le mage, mais à laquelle il ne peut lui-même résister. Ce point de vue terrifie au plus haut point la plupart des gens, et beaucoup de Verbenae en sont tout à fait satisfaits. Selon eux, si vous ne pouvez supporter la vérité, vous n’avez qu’à dégager du milieu ! Comme la plante dont ils tirent leur nom, les Verbenae excellent dans les arts de la guérison, de la divination et de la purification. Aucune autre Tradition ne comprend aussi bien qu’eux les petits miracles magyques de la Vie. Maîtres de la métamorphose, des affinités animales, de l’artisanat utilisant des plantes et du contrôle du climat, les Verbenae restent proches de la nature dans ses formes les plus authentiques… et certaines d’entre elles peuvent être extrêmement sanglantes. Les sacrifices d’animaux et d’humains sont rares, mais ne leur sont pas inconnus. Il leur arrive plus souvent de se graver des runes sur la peau, de subir d’horribles épreuves, d’endurer volontairement des privations douloureuses et d’accepter des actes sacrificiels sur leur personne pour ne blesser aucune autre créature. Chaque bosquet verbena possède un Arbre-Monde, symbole vivant de l’ensemble de la Création. Ces arbres sont rouges des rituels qui sont exécutés là ; plus la couleur est sombre, plus le bosquet est puissant.
La Tradition elle-même ne s’est formée qu’au XVe siècle, mais ses racines sont pourtant bien plus profondes. Comme beaucoup de sociétés mystiques, ces mages font remonter leurs origines au tout début de l’humanité primitive… et dans leur cas, ils ont probablement raison. Ils affirment que les Wyck primordiaux incarnaient les premières fusions de l’âme, de l’esprit et de la chair. Leurs ancêtres étaient pour ainsi dire des dieux, et ils ont rapidement guidé les premiers humains sur le chemin de la sagesse et de la magye. Les Verbenae traditionalistes soutiennent que les Anciennes traditions sont l’héritage laissé par ces entités et que les Verbenae (ainsi que peut-être les Parlesonges) sont ses héritiers les plus directs. Pour la plupart des gens, ces Anciennes traditions sont rudes. Le sang, le sexe, la passion sous ses formes les plus brutes sont les outils que la majorité des Verbenae préfèrent. Le fer froid, le bois sculpté, les feux attisés à la main, les vêtements en matériaux naturels, les aliments biologiques… plus c’est simple, plus les effets sont puissants. Même si certains font quelques concessions au monde moderne (les voitures, les armes à feu et peut-être une émission télé ou deux), les Verbenae restent globalement et obstinément archaïque. S’ils peuvent à leur manière faire preuve de compassion, ils n’ont ni le temps, ni la patience pour la faiblesse. Pour eux, le confort d’un monde technologique engendre la maladie et la paresse. « Tant que tu n’as pas passé un mois en pleine nature sans rien d’autre que les vêtements que tu as sur le dos (ou encore mieux sans eux), tu n’as aucune putain d’idée de ce qu’est vraiment la réalité » disent-ils. Organisation : le cercle est la base de la secte, et il compte souvent treize, neuf, sept ou trois membres. Il y a bien quelques Verbenae solitaires, mais la plupart d’entre eux préfèrent travailler en
Stéréotypes Les autres Traditions : nous sommes des frères et sœurs de sang ; on se chamaille, on a nos problèmes, on se déteste souvent viscéralement… mais gare à celui qui viendra nous chercher des poux dans la tête. Un pour tous, pour le meilleur et pour le pire. La Technocratie : c’est une maladie, et c’est aussi simple que ça. Les Disparates : j’ai bien peur qu’ils aient tous été consumés dans ce nouveau Temps des Bûchers.
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groupe. Les femmes sont probablement plus nombreuses que les hommes, et elles sont davantage respectées qu’ailleurs. Beaucoup sont donc attirées par cette Tradition précisément pour cette raison. Deux chefs (qui tiennent les rôles de prêtre et de prêtresse même si les deux peuvent être homme, femme, transgenre ou n’importe quelle combinaison des trois) sont à la tête des cercles les plus importants, et un seul sorcier est responsable des groupes de trois personnes. Les cercles ayant tendance à privilégier leurs membres les plus âgés au détriment des plus jeunes, les cercles traditionalistes peuvent se montrer assez autocratiques. Les désaccords sont souvent résolus par des votes, mais ces derniers peuvent prévoir des ordalies, des épreuves ou des combats. Cette Tradition respecte la force du sang. Lorsque cela est possible, les cercles de Verbenae suivent les lignages familiaux. Chaque cercle possède un bosquet (qui peut parfaitement être un jardin dans l’arrière-cour du chef). Les grands rassemblements ont lieu huit fois par an, pendant les deux équinoxes, les deux solstices et pour Imbolc (le 2 février), Beltane (le 1er mai), Lammas (le 1er août) et Samhain (le 31 octobre). Beaucoup de Verbenae se rassemblent aussi pour Noël (le 25 décembre) et le 1er juillet, surtout parce que les changements climatiques et culturels effacent les différences entre les cycles saisonniers de la nature. Initiation : les nouveaux membres subissent une mort et une renaissance rituelles. Une période intense d’étude, de mise à l’épreuve et de méditation s’achève en apothéose par une ordalie douloureuse, parfois illusoire, souvent réelle. Quand les membres du cercle s’estiment satisfaits de la fiabilité et de la détermination de l’initié, ils invoquent les éléments et les prennent à témoin. Comme au Temps des Bûchers, la plupart des Verbenae restent loyaux jusqu’à la mort. Sphères d’affinité : Vie ; Forces. Focus : les Arts verbenae se focalisent sur l’accomplissement d’un grand nombre de choses avec très peu de moyens. Leurs outils ont une fonction pratique autant que symbolique et certaines de leurs utilisations remontent à l’Antiquité. « Païennes » dans tous les sens du terme, ces magyes sont profondément liées à la Nature. Métamorphose, transformation, guérison et blessure, divination, purification, croissance et flétrissure, cycles naturels ainsi que les voies tortueuses du Destin sont les spécialités de cette Tradition. Pour tous les Verbenae, La Création est divine et vivante. Et comme la Création, la vie et la divinité ne sont pas particulièrement gentilles, Un Monde peuplé de dieux et de monstres, La Loi du plus fort, Retour à l’âge d’or, et Tout est Chaos figurent parmi les paradigmes les plus courants. La sorcellerie est la pratique centrale du groupe, même si certains individus préfèrent le vaudou, la domination, la science étrange, la magye du chaos, le yoga, les arts martiaux, la haute magye rituelle, la cybernétique, l’Art du Désir, l’artisanat, la médecine et même l’hypertechnologie organique.
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Partie III : l’Union Technocratique « Encore ? » DV4631, alias Daniel, acquiesce. À l’extérieur de sa voiture de flic, les lumières rouges et bleues du gyrophare repeignent mon quartier endormi. Il est 3 h 21 du matin et ce n’est franchement pas l’heure pour ce genre de conneries. « Pourquoi t’as mis le gyro ? T’avais pas plus voyant ? – Je joue mon rôle, répond-il en me faisant signe de monter. Tes voisins savent que t’es flic, ils se poseront moins de questions en te voyant monter dans une voiture avec un mec louche si c’est une voiture de flic en intervention. – Sauf que je suis un foutu gratte-papier, moi. » En plissant les yeux pour ne pas être aveuglé, j’ouvre la portière et me glisse sur le siège passager. « Ça, ils n’en savent rien. – Il est tard. Qu’est-ce qu’on risque ? – Le monde a beaucoup trop d’yeux. – Mouais… Et pour le coup, c’est pas à moi que tu vas l’apprendre. – Sympa ton quartier », dit-il. Et tandis que je boucle ma ceinture, la voiture de Daniel démarre à toute allure dans la rue déserte. Aux chiottes, la limitation de vitesse en zone résidentielle. Je commence à mieux comprendre le gyrophare. « Hé ben, ricané-je alors que son compteur passe allègrement les 80 et que ses pneus crissent dans le virage, on fait encore la course contre l’Apocalypse ? – On fait toujours la course contre l’Apocalypse, non ? – C’est pas faux. » Les rues familières défilent dans cette lumière floue d’avant l’aube. Je m’autorise un sourire, le sourire Colgate qui fait que j’obtiens tout ce que je veux. Daniel se permet une sorte de rictus courtois, mais crispé sur ses traits figés. Derrière sa rétine, les petits trous d’épingle brillent d’une lueur verte. Vision nocturne. Logique, même avec phares et gyro ; il verra plus loin qu’un conducteur lambda et ses réflexes esquiveront sans problème les éventuels obstacles de la route, même à cette heure tardive. « Ça me fait plaisir de te revoir, Kevin, dit-il sans me regarder. – Pareil », concédé-je. Le moteur rugit alors, un peu plus fort et nous emporte en direction d’une nouvelle Apocalypse, que nous empêcherons encore, comme à chaque fois.
ATTENTION, CITOYEN !
Les données ci-dessous sont ultra-confidentielles, leur accès est réservé aux membres de l’Union Technocratique. Très peu d’entre elles sont connues à l’extérieur de l’Union et ce qui a filtré hors des murs de cette auguste institution est inévitablement mal compris par les personnes qui n’ont pas les niveaux d’accréditation et de formation requis. Utiliser ces 166
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données sans la formation adéquate est extrêmement indépendant. Cela pourrait compromettre les principes d’un paradigme de réalité précédemment en vigueur, engendrer une divergence de sympathies et altérer de futures transmissions. En clair, cette section révèle des choses rarement divulguées en dehors de l’Union. À moins que vous n’incarniez un Technocrate, ou que vous souhaitiez en tant que conteur inclure l’Union dans votre chronique, vous n’avez rien à faire ici. Les secrets qu’elle contient ne devraient jamais être révélés. Ah, et si vous vous attendiez à des méchants anonymes, vous risquez d’être très surpris. La Technocratie est une entité complexe, aussi héroïque et imparfaite que les Traditions elles-mêmes.
Le potentiel Éclairé Le futur est là, que nous le voulions ou non. La technologie éprouve et redéfinit en permanence les limites de l’humanité. Elle recrée notre culture au nom du progrès. Les Masses se débattent sans cesse avec les deux mêmes questions. La technologie change-t-elle pour créer le monde que nous voulons ? Ou notre monde change-t-il comme nous ne le voulons pas au nom de la technologie ? En d’autres termes, contrôlonsnous la technologie ou est-ce la technologie qui nous contrôle ? Ce problème de contrôle pourrait bien définir l’avenir de la race humaine. Malgré l’accélération du progrès dans le monde entier, la disparité entre puissants et misérables est toujours un sérieux problème. On trouve peut-être les téléphones portables et les ordinateurs dans les pays dits en voie de développement, mais ces cultures deviennent peu à peu les décharges à ciel ouvert et les réservoirs de maind’œuvre surexploitée pour un salaire misérable de l’élite technologique. En conséquence, les « insurgés » et les « terroristes » opposés à cette élite livrent une guerre asymétrique, retournant contre elle ses propres armes. Les pouvoirs en place répondent à la menace par une campagne de surveillance sans précédent, redéfinissant la légalité pour surveiller les Masses par caméras interposées, intercepter les e-mails et écouter les conversations téléphoniques. Avant la fin de la première décennie du XXIe siècle, les frappes de drones deviennent une alternative aux interventions militaires en territoire ennemi. Au nom de mots « sûreté » et « sécurité », les autorités policières adoptent de nouvelles normes de perquisition et de saisie, les voyageurs empruntant les lignes aériennes font la queue en attendant d’être scannés de la tête aux pieds. Si l’on peut débattre de la nécessité ou du bien-fondé de ces mesures, il faut toutefois considérer ceci : ces innovations se font toutes sans la moindre intervention surnaturelle. Maintenant, imaginez ce qui est possible lorsque les moyens matériels sont presque illimités. Dissimulée aux yeux des Masses, une société secrète a développé une technologie bien supérieure à celle du commun des mortels. Cette élite indépendante utilise des Procédures Éclairées impliquant des outils technologiques ; entre les mains de ces Agents, la technologie expérimentale est en avance de plusieurs décennies sur son temps ; ce n’est plus une théorie, c’est une pratique. Le destin de leur monde ne dépend pas uniquement des actions de mages anachroniques accrochés aux Traditions du passé. Il dépend aussi d’une caste de puissants technocrates qui œuvrent à redéfinir, restreindre et quantifier les limites de la réalité. Ils ont, il y
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a bien longtemps de cela, conclu une alliance afin de multiplier leur avantage technologique et de faire progresser la puissance humaine face aux menaces cauchemardesques de prédateurs monstrueux. Unifiant des conventions d’hypertechnologie (souvent ensanglantée) aussi nombreuses que différentes, ces technocrates font avancer leurs projets au sein d’une organisation mondiale appelée Technocratie.
Une question de contrôle
L’Union Technocratique est le nom d’un collectif hypertechnologique promouvant la technologie comme une alternative aux traditions anachroniques de la magye. Les pratiquants des Traditions considèrent cette Technocratie comme une société restrictive qui élimine tous ceux qui refusent de se conformer à ses pratiques… et elles ont raison. Les Neuf Traditions sont certes en conflit permanent les unes avec les autres, mais elles le sont avant tout avec la Technocratie. Dans ce qu’elle a de pire, cette opposition engendre une guerre de l’ombre appelée Guerre de l’Ascension dont le vainqueur est, comme dans toutes les guerres, tout à fait incertain. Les Neuf Traditions sont le symbole de la diversité, non de l’unité. N’importe qui peut s’Éveiller aux possibilités illimitées de la magye, or sa pratique immodérée peut avoir des conséquences imprévisibles. La Technocratie se bat pour limiter ces possibilités et refaçonne le monde à son image en s’opposant à toutes les autres alternatives. Bien sûr, ses méthodes peuvent sembler extrêmes. Mais réfléchissez aux horreurs d’un monde sans véritables frontières. Imaginez, si vous le pouvez, une autoroute sans limitation de vitesse : un chaos explosif de métal et de mouvement. N’aimeriez-vous pas qu’un policier arrête ce cinglé qui fonce à contresens, zigzague entre les voitures et se dirige probablement droit sur vous ? Que se passerait-il si l’on n’avait plus besoin de permis de conduire ? Ou d’assurance ? Ou d’une vague connaissance du code de la route ? Même lorsqu’elle est strictement encadrée, la vitesse tue et les humains passent leur temps à se plaindre des actions des autres. Après tout, telle est leur nature. Mais cette nature exige une autorité, autant pour soulager sa souffrance que pour contrôler ses abus. Et c’est particulièrement vrai quand on aborde le sujet la magye. Regardez simplement les dégâts causés par les voitures, les armes à feu ou les paroles irréfléchies. Multipliez-les maintenant par le pouvoir d’invoquer des tempêtes ou de déplacer des montagnes. Si chaque humain était capable de sculpter la réalité, celle-ci serait un enfer pour la Terre entière. En dehors des passions et de la stupidité, inhérentes à la condition humaine, la réalité elle-même a grand besoin de structure. Les lois physiques canalisent et limitent les forces de la nature ; les lois métaphysiques doivent elles aussi canaliser et limiter les forces de la réalité. Sans un ensemble standardisé de règles et de principes, les variations infinies de la pratique magyque se transforment en une série de désastres en puissance. Quelqu’un doit essayer de maintenir l’ordre dans cette réalité. La Technocratie relève ce défi depuis plus d’un siècle et elle n’est pas prête de s’arrêter. On a beau penser le contraire, ce sont eux les gentils dans un monde devenu fou. Oh, on ne peut nier qu’ils ont parfois engendré des monstres. Lorsque l’Union part en guerre, il lui arrive de sortir des cyborgs, des C.H.A.S.S.E.U.R., des guerriers clones et des chihuahuas équipés d’ailes de chauve-souris. Mais d’un autre côté, la guerre n’est jamais propre ; tous les vétérans ont fait des choses qui donneraient des cauchemars à leur famille restée au pays. Tel est le fardeau du gardien : faire ce que la plupart des gens sont incapables de faire. Sa gloire est de les accomplir avec honneur et compétence. En conséquence, l’Union Technocratique est loin d’être le monolithe
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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sans âme décrit par la propagande des Traditions ; elle devient le mal nécessaire dans un Monde de Ténèbres. Car sans ses agents, les Déviants de la Réalité (vampires, hommes-bêtes, forces démoniaques et sorciers aux mains couvertes de sang) se déchaîneraient comme ils l’ont fait jadis. La paix, le confort et la stabilité seraient encore de simples rêves. Le contrôle est le prix à payer pour protéger le rêve humain. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Technocratie ordonne un Pogrom contre l’influence des DR. Ce Pogrom, du mot russe signifiant « par le tonnerre », est supposé exterminer les derniers vestiges occultes du nazisme, du fascisme et du Japon impérial. Étant donné le nombre conséquent de mages des Traditions et de Technocrates qui se sont rangés aux côtés de l’Axe, il n’est pas surprenant que la purge commence par les dissidents de toutes les factions. Évidemment, les Traditions s’y opposent par la force. Ce nettoyage ne tarde pas à cibler, non seulement les nazis et les fascistes, mais aussi les Déviants de la Réalité qui ont le malheur d’attirer l’attention. En fin de compte, « Pogrom » devient le terme officiel pour les opérations visant les dangereux superstitieux, les Technocrates renégats et les autres ennemis de l’Union. Et comme dans toute croisade, les questions sur la moralité et la brutalité ont fini étouffées au nom de l’intérêt général. Après tout, pour faire le sale boulot, il faut bien se salir les mains. Il est si facile de dire que ces actions sont purement et simplement mauvaises. Mais quel prix seriez-vous prêt à payer pour sauver l’humanité des menaces qui pèsent sur elles et que vous savez réelles… surtout si c’est à quelqu’un d’autre de régler l’addition ? Pour protéger ce petit monde, la Technocratie paie chaque jour le prix du sang, de la sueur, du labeur et des larmes. Et oui, ils pleurent… et saignent… et suent certainement. Contrairement aux automates qu’ils utilisent parfois, les Technocrates Éclairés sont avant tout des êtres humains, des « mages », si vous devez utiliser ce terme dans son sens classique, même si aucun d’entre eux n’emploiera jamais cette expression. Enlevez-lui son costume noir et ses lunettes de soleil, vous aurez devant vous un humain douloureusement et magnifiquement conscient, dévoué à la cause supérieure du contrôle ordonné. Et si cela implique d’enfoncer le visage d’un hippie adepte du vaudou dans le sol ou de lui laver le cerveau… eh bien, le prix à payer est bien modeste en comparaison de l’intérêt général. Quand on n’arrive pas à respecter les règles, on en subit les conséquences. Si un Technocrate doit abandonner ses aspirations pour supporter ce fardeau, il le fera avec le sourire.
L’idéal de l’élévation
Au-delà du besoin de protéger l’humanité des nombreuses horreurs de ce monde, la Technocratie a un but plus grand : nous élever vers une condition supérieure, en nous débarrassant des failles animales qui nous enchaînent à un monde de haine, de peur et d’ignorance. Telle est la véritable raison d’être de l’idéal technocratique que ses rivaux refusent souvent de voir. Le Technocrate moyen ne se considère pas comme une monstruosité fasciste, mais comme un sauveur travaillant dans l’intérêt général. Les avantages indéniables de l’élévation technologique (l’eau courante, les antibiotiques, un approvisionnement fiable en nourriture et en produits de première nécessité, une plus grande égalité, et bien d’autres choses encore) prouvent que leur cause est juste. La Technocratie existe non pas pour opprimer l’humanité, mais pour l’élever. Certes, ce processus peut être épuisant. Il exige des méthodes déplaisantes. Il nécessite des sacrifices, tout autant de la part de l’Union que de ses ennemis. Mais l’idéal d’un monde meil-
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leur, plus radieux, plus éclairé, n’en reste pas moins SA grande motivation. Derrière les mécanismes de commandement et de contrôle, il y a des êtres humains dévoués à la cause de l’esprit humain (et même, osons le dire, compatissants envers lui) et du potentiel illimité qu’il démontre.
Buts et idéaux : les Préceptes de Damian Même si la Technocratie fait remonter ses origines à l’Ordre de la Raison au XIVe siècle (et si ses érudits sont dans le vrai, à l’aube de la civilisation humaine), sa fondation officielle remonte au XIXe siècle. Selon l’histoire de l’Union, un certain Pr. Damian s’est assis dans le salon de la reine Victoria et a méticuleusement détaillé les idéaux de sa société secrète. Ce diplomate représentait une mystérieuse cabale de maîtres anciens, des érudits Illuminés qui avaient débattu et choisi ces idéaux après s’être cloîtrés dans leur propre Royaume de l’Horizon (ou, pour employer le vocable technocrate, une Colonie ou un Canevas de l’Horizon), coupé du reste du monde. Cette organisation s’est baptisée Cénacle ; son plan pour la nouvelle Technocratie a été appelé le Programme et la liste de ses six idéaux collectifs, les Préceptes de Damian, sont les piliers de l’éthique technocratique. Comme c’est le cas pour beaucoup d’organisations statiques, ces règles ont très peu changé depuis leur mise en place. Chaque agent de la Technocratie a mémorisé les Préceptes et peut ainsi réciter sans erreur la ligne du parti… même s’il souhaite parfois débattre de certains détails en privé. Le lieu et le moment de ces discussions (et les personnes qui les entendent) déterminent parfois la carrière de l’agent ; après tout, même dans les organisations les plus idéalistes, les individus ont chacun leurs doutes.
Ordre, Stase et Consensus
Apportez la Stase et l’ordre à l’Univers. La prévisibilité apporte la sécurité. Lorsque tout sera découvert et connu, nous aurons atteint l’Unité. Par sa nature même, la magye est imprévisible et capricieuse. L’élite des Technocrates travaille avec une technologie expérimentale et aléatoire, mais son but ultime est de la standardiser. Ses innovations futuristes sont testées et essayées jusqu’à ce qu’elles deviennent des outils sûrs et prévisibles, capables de profiter à l’humanité. Vous pouvez voir les Technocrates comme la quintessence des alpha testeurs, les précurseurs des premiers utilisateurs d’une invention. À la place des « sorts », des « talismans » et des « rituels », les Technocrates développent des Procédures, des Ajustements, des Appareils et des Traitements, et entraînent leurs Agents à minimiser les risques inhérents à la Science Éclairée. Si l’expression de la Volonté vulgaire (les Procédures flagrantes) est toujours possible, elle est activement découragée. L’expression de la Volonté coïncidentale (les Procédures subtiles) est bien plus stable, en grande partie parce qu’elle ressemble presque toujours à de la technologie ou à des applications scientifiques avancées. De cette manière, l’impossible devient ordinaire et prévisible. En lieu et place d’un lieu rempli d’horreur surnaturelle et d’infini mystère, l’Union dompte un monde dans lequel tout peut être défini, classifié, quantifié et, en fin de compte, contrôlé. Grâce à la Théorie du Champ Anthropique (une explication technocratique des effets des croyances humaines sur la réalité), la conscience humaine dirige le flux des phénomènes terrestres. Les Technocrates ne programment pas vraiment ce flux, ils l’orientent vers les résul-
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Destins futurs : l’Anomalie dimensionnelle et une « Technocratie plus bienveillante » Selon de nombreuses sources, la Technocratie s’est soulevée à la fin du millénaire, elle a atomisé le monde des esprits, lancé un grand ménage et obligé toutes les factions mystiques à planquer leurs fesses tremblantes dans de minuscules trous de souris. Tout à son triomphe, l’Union s’est dressée en conquérant sur la Terre, enfonçant fermement le talon ferré de sa botte sur la trachée de l’humanité. Enfin, pas tout à fait. La fin du XXe siècle voit bien se dérouler un certain nombre de bouleversements, dont la sévérité et les effets dépendent des choix que vous faites parmi les éléments de l’intrigue générale. Mais ces bouleversements pourraient également avoir endommagé des segments de la chaîne de commandement tant vantée de la Technocratie. La Tempête d’Avatar (l’Anomalie dimensionnelle pour les Technocrates) déstabilise l’accès aux Canevas de l’Horizon et aux Colonies, empêche toute communication entre la Ligne de Front et le Cénacle, décime les rangs des Ingénieurs du Vide et oblige beaucoup de Technocrates sur Terre à regarder en face les faiblesses de leurs propres pratiques. Après un Pogrom brièvement intensifié, l’Union affronte ses excès et se recentre par principe sur le perfectionnement de la science et de la technologie. Ce changement de cap alimente, en bien comme en mal, le côté humain de la Technocratie (surtout dans les rangs mécanisés de l’Itération X). Certains « machinocrates » finissent par assouplir leurs positions, or les défauts mortels que sont la cupidité, l’égoïsme et la distraction commencent aussi à saper la stabilité technocratique… et peuvent accélérer, ou au contraire empêcher, une infiltration des Nephandi (voir l’encadré Et en secret, cette infection…). Des preuves de l’aboutissement du complot nephandus sont visibles dans la dégradation des relations entre les cinq Conventions, tandis qu’un schisme de plus en plus grand apparaît au sein de l’Union au tournant du nouveau millénaire. Un événement en particulier, l’Incident Greylocke en 2006, entraîne un désaccord majeur entre l’Itération X et le NOM. Bien entendu, les versions relatant cet incident diffèrent, mais voici un résumé des faits. Un combat entre les troupes de choc de l’Itération X et les mages hermétiques de la Fondation de Greylocke se termine par une explosion monumentale. Les morts et les blessés se comptent par centaines dans les rangs des Technocrates et c’est le NOM qui subit la majorité des pertes. Ajouté à la crise financière de 2008 et aux rébellions de plus en plus nombreuses parmi les Masses, cet événement pousse la Convention à adopter une position défensive. Le Syndicat et les Progéniteurs se rapprochent ; l’Itération X est en difficulté ; les Ingénieurs du Vide (qui ont subi les pertes les plus lourdes au moment de l’Anomalie dimensionnelle) resserrent les rangs, se dotent d’un organe de commandement militaire appelé le Directoire des Menaces existentielles (ou DME), et mènent une campagne déterminée, tant sur le plan militaire que pour sauver ce qui peut l’être. En 2012, l’Union fait face à une possible division entre le NOM d’un côté et le Syndicat de l’autre. Les trois autres Conventions devront choisir leur camp lorsque la guerre civile éclatera. Est-ce là le reflet d’une machine supposée infaillible ? À moins que des forces à l’intérieur de l’Union ne montent délibérément ses membres les uns contre les autres ? Comme c’est souvent le cas avec la Technocratie, le mystère demeure. L’Union est-elle encore ce despotisme éclairé, et pourtant implacable, dans votre chronique ? Ou bien l’Anomalie dimensionnelle a-t-elle élagué les branches inutiles et permis à un nouveau genre de Technocrates de questionner le bien-fondé de l’ordre ancien et de mener des réformes… avec des résultats plus ou moins satisfaisants ? Cela dépend. Peut-être que… • L’Union reste bloquée sur Terre : la Tempête dimensionnelle continue de faire rage ; la plupart des Canevas extraterrestres ont été détruits. Les Ingénieurs du Vide ont durci le ton. Le NOM a littéralement perdu Contrôle. Coupée d’Autocthonie, l’Itération X est en conséquence devenue plus humaine et moins mécanique. Les HIT Marks ont presque tous été retirés de la circulation, remplacés par des combinaisons tactiques énergétiques et des améliorations physiques individuelles. En dehors des efforts du Panopticon, le Pogrom est pratiquement suspendu, sauf menace évidente pour la Terre dans son ensemble. La Technocratie affronte à présent une rébellion religieuse chez les humains, des schismes internes, la possibilité d’une corruption nephandique et la sinistre Menace Zéro (voir ci-dessous). • La Tempête s’est dissipée, mais elle a laissé des traces : la brève catastrophe a effectivement modifié les tactiques, les priorités et les ressources de l’Union, mais moins radicalement que dans la première option. Beaucoup de Canevas sont opérationnels, les Colonies ont souffert mais se reconstruisent, et la menace d’un cancer au sein de l’Union est peut-être plus forte qu’auparavant… mais malgré tout, l’Union est devenue plus humaine et envisage des réformes sur le long terme. Cependant, si les Nephandi sont aux commandes, ce n’est pas bon signe… • Rien n’a changé : comme dans le Mage des années 90, la Technocratie domine à la fois la Terre et les colonies extraterrestres. Le Cénacle n’a jamais cessé de donner des ordres, la Machine dirige toujours Autocthonie, et les Technocrates idéalistes sont toujours la proie du dilemme qui les ronge, tiraillés entre contrôle compatissant et obéissance absolue. Comme pour beaucoup d’autres éléments des Destins futurs, et en particulier ceux concernant la Technocratie, ces décisions et leurs implications doivent rester classées Confidentielles. Les joueurs ne découvriront la vérité qu’au fil de l’intrigue.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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tats les plus souhaitables pour l’humanité dans son ensemble. Ainsi, même si une élite technologique dirige la Technocratie, beaucoup d’agents sont persuadés que leur Union se bat pour un monde dans lequel la réalité est modelée par le peuple, les Masses, et non une alliance anachronique de mages. Le monde qu’ils créent est celui que veut l’humanité : le fameux Consensus selon la terminologie technocratique, à savoir la manifestation ultime de la Théorie du Champ Anthropique. Les Masses finiront par partager la même technologie avancée que la Technocratie. Lorsque le pouvoir de l’Union sera entièrement investi et intégré dans le discours humain et dans
son Consensus, ces mesures radicales ne seront plus expérimentales. Elles deviendront prévisibles. Elles seront contrôlées. En résumé, elles seront l’opposé même de la magye.
Technologie et entraînement
Convainquez les Masses de la bienveillance de la science, du commerce et de la politique, ainsi que du pouvoir de la Rationalité. Le conflit et la souffrance seront éliminés dans notre Utopie. À quelques exceptions près, comme une perception accrue et des aptitudes psychiques, un technomancien doit utiliser des instruments
Destins futurs : Et en secret, cette infection... Comme le révèlent divers suppléments, et plus particulièrement le Guide to the Technocracy, Technocracy : Syndicate et Technocracy : Void Engineers, l’Union est également infestée par les Nephandi et par la source cosmique de corruption que les loups-garous appellent le Ver. La gamme Sorcerers Crusade (en particulier Infernalism : The Path of Screams) suggère même que cette corruption la ronge depuis des siècles. Malgré la présence de nombreux Technocrates sincères et dévoués à leur cause, le Cénacle a transformé l’Union en un instrument de malveillance mondiale. Cette intrigue générale est sous-entendue depuis les tout premiers ouvrages de Mage ; après tout, comment des endroits comme Non-B, MECHA, ou la Plantation de recherche n° 4 pourraient-ils ne pas être corrompus… ? Toutefois, vous et vos joueurs pourriez vouloir accorder le bénéfice du doute à la Technocratie. Donc, lorsque le conteur cherche à déterminer la vérité cachée derrière sa façon d’être, il a le choix entre les trois options suivantes : • La Technocratie est tombée : dans cette option, le Cénacle est, en somme, une cour de récré pour Nephandi. La plupart des Technocrates de haut rang sont des barabbi, ou bien ils n’ont jamais été de vrais Technocrates. L’Union n’a fait qu’exterminer ses rivaux, écraser la dissension et pousser l’humanité à l’autodestruction. Certains de ses membres sont véritablement bien intentionnés et combattent la corruption, mais leurs efforts sont plus ou moins voués à l’échec. La Technocratie est pourrie de l’intérieur, et ce depuis des siècles. • L’Union a des problèmes, mais n’est pas métaphysiquement corrompue : malgré quelques brebis galeuses et une approche impitoyable de l’Ascension, l’Union Technocratique n’est pas infestée par les Nephandi. La corruption existe bien, mais il s’agit d’une extension de l’hubris et non d’une infiltration des Déchus. En résumé, si l’Union a de bonnes intentions, elle a la main lourde quand elle gère ses affaires. • La corruption existe, mais on s’en occupe : certes, des Nephandi ont déformé la raison d’être de l’Union. Et oui, la Technocratie est brutale. Malgré tout, l’Union peut être sauvée. Des Technocrates dévoués (inspirés et parfois menés par l’Agent John Courage) livrent depuis l’intérieur une guerre secrète. Les pertes sont lourdes et les obstacles semblent parfois insurmontables, mais on peut encore espérer sa rédemption.
La Menace Zéro Plus récemment, l’ouvrage Convention Book Revised : Void Engineers parlait d’une infection similaire : la Menace Zéro, reflet des excès de la Technocratie dans les mondes mystiques. Selon ce livre (qui s’appuie largement sur l’intrigue générale de l’Anomalie dimensionnelle), il existe au-delà du Goulet une version profondément corrompue de la Technocratie, peut-être créée par des membres perdus de l’Union elle-même. La Menace Zéro regroupe pour l’essentiel des parodies cruelles de l’Itération X, du NOM, des Progéniteurs et du Syndicat, poussés à leur paroxysme. Existe-t-il aussi un pendant des Ingénieurs du Vide ? Bonne question. Eux, en tout cas, ne veulent pas regarder trop intensément dans ce miroir, car les réponses pourraient les détruire. Mis à part quelques vagues murmures, les Ingénieurs du Vide font en sorte que les informations sur la Menace Zéro restent très Confidentielles vis-à-vis des autres Conventions. Craignant (et non sans raison !) que leur Union instable ne vole en éclats si l’existence de la Menace Zéro vient à être dévoilée, ils tentent de la contenir et de la neutraliser en secret. Paradoxalement, ce secret pourrait faire encore plus de dégâts s’il parvenait aux oreilles de la Technocratie… ou pire, s’il filtrait en dehors de la Technocratie ! Les agents de l’ennemi sournois se hissent à des postes clés un peu partout au sein de l’Union, et on ignore souvent qui ils sont jusqu’à ce qu’une catastrophe révèle leur présence. Alors, la Menace Zéro est-elle un plan des Nephandi ? Est-ce un phénomène indépendant engendré par une bizarrerie métaphysique ? Pourrait-elle être les deux, ou bien une simple rumeur sans fondement ? C’est à votre conteur de le déterminer, et à vous de le découvrir… peut-être. En tout cas, la Menace Zéro est INCONNUE de l’immense majorité des gens, et les Ingénieurs du Vide travaillent d’arrache-pied à ce qu’elle le reste. Pour plus de détails sur la Menace Zéro, reportez-vous au supplément Convention Book Revised : Void Engineers, pages 65-69. N.B. : conteur, une fois que vous aurez déterminé l’option que vous retenez, NE LA RÉVÉLEZ PAS À VOS JOUEURS. Laissez-les découvrir la vérité au fil de la chronique, et non à travers le postulat automatique d’une corruption technocratique. L’histoire est bien plus dramatique si l’étendue et la nature de cette corruption restent un mystère.
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technologiques (ou plus précisément des Dispositifs) pour exécuter une Procédure donnée. Ses outils sont ceux de la science. Quand la Technocratie agit, elle le fait en secret, mais lorsque les Masses voient les résultats obtenus, sa réussite est le triomphe de la science. Les anarchistes et les terroristes (DR ou non) sont capturés ou détruits par une surveillance et une puissance de feu à la pointe du progrès. La souffrance et la maladie sont éliminées grâce à la médecine des Progéniteurs et aux prothèses de l’Itération X. Les entreprises créent de la richesse et des opportunités grâce au financement du Syndicat. Là où la Technocratie triomphe, les Masses sont témoins des bienfaits de l’innovation scientifique, du développement commercial, du contrôle politique et du consentement raisonnable. Faire avancer ces sciences rapproche l’humanité de l’Utopie.
sur tout. Une connaissance absolue favorise une sécurité absolue. Dans un Monde de Ténèbres, l’intimité est une dangereuse illusion. Bien sûr, les Masses ne profitent pas de la connaissance Éclairée (ni d’aptitudes magyques). Elles ne sont donc pas préparées aux prédations du monde surnaturel et ne peuvent souvent pas s’en prémunir. Si l’humanité comprenait la véritable étendue de la Déviance paranormale, ce serait le chaos. Par conséquent, la Technocratie enquête sur les activités magyques et mystiques et rassemble les connaissances secrètes qui existent à leur sujet. Contrairement à ce que l’on croit, ses agents ne détruisent pas nécessairement tout ce que la science ne peut pas expliquer… mais ils doivent enquêter et recueillir assez de données afin de prévoir, et de gérer, les phénomènes paranormaux et les entités mystiques.
Sûreté et sécurité
Progrès et Pogrom
Protégez le Goulet et l’Horizon. Les individus chaotiques qui ouvrent des portails en toute impunité menacent la stabilité de notre monde. Les portails incontrôlés permettent aussi à des forces extérieures, comme les Nephandi, d’accéder à notre monde. Cela ne doit jamais se produire. L’univers est déjà un endroit sombre et dangereux, soumis à des degrés périlleux d’influence paranormale. Des dangers encore plus grands rôdent dans les différentes dimensions au-delà de la nôtre. Aucune autre organisation sur Terre ne possède le talent, la formation, les ressources et la logistique nécessaires pour s’opposer à ces menaces. Les Ingénieurs du Vide patrouillent et entretiennent le Goulet entre notre monde et ses innombrables copies alternatives. Les systèmes de surveillance du Nouvel Ordre Mondial scannent la planète à la recherche d’éventuelles incursions extra-dimensionnelles ; ses équipes de nettoyage effacent toute trace de leur existence et collaborent avec d’autres équipes spécialisées dans l’extermination des entités extra-dimensionnelles (EED). L’Union ne se contente pourtant pas de veiller sur le monde de ce côté de la Membrane dimensionnelle. Elle doit faire de même avec ses propres citoyens, afin de débusquer les signes de la corruption nephandique, de la folie des Maraudeurs et, bien évidemment, de toute collaboration déloyale avec des rivaux des Traditions. L’Union doit rester unie. Si elle ne le fait pas, les patrouilles dans le Goulet et dans les Horizons pourraient perdre en efficacité, et toute l’humanité en souffrirait. À noter que les plus hauts échelons de la Technocratie sont parfaitement conscients de la menace que représentent les Maraudeurs et les Nephandi. Le degré de contamination de l’élite Éclairée par la folie et la corruption reste sujet à spéculation. Cette incertitude entraîne elle-même plus de vigilance, de suspicion et parfois de paranoïa. Le pouvoir peut corrompre n’importe qui, et même parmi les membres les plus respectés du Cénacle, on se surveille mutuellement, on guette le moindre signe de déviance. Évidemment, cette vigilance peut vite devenir rivalité, surtout si un petit malin bien placé tente de s’allier temporairement avec un Maraudeur ou un Nephandus (ou même un mage d’une Tradition !) et de conspirer contre ses pairs.
Savoir et surveillance
Définissez la nature de l’univers. Le savoir doit être absolu, ou le chaos engloutira tout. Les forces élémentaires de l’univers ne doivent pas être laissées aux caprices de l’inconnu. L’Union veut analyser et évaluer toutes les menaces possibles qui pèsent sur l’humanité, et plus particulièrement les menaces paranormales. Comme elle ne peut s’opposer à ce qu’elle ne comprend pas, la Technocratie rassemble donc autant d’informations que possible
Détruisez les Déviants de la Réalité. Leur inconscience menace notre sécurité et notre évolution vers l’Unité. Ce Précepte est le plus débattu ; la Technocratie ne peut pas éliminer toutes les alternatives possibles à sa société, elle doit donc attribuer un degré de priorité aux menaces évidentes pour la sécurité des Masses. En théorie, quiconque n’est pas entraîné et commandé par la Technocratie dévie des procédures et des protocoles qu’elle a établis. En pratique, l’Union ne dispose pas de ressources illimitées pour combattre tout ce qu’elle ne comprend pas. Elle doit alors choisir quand la réalité a besoin qu’elle parte en campagne ou en croisade. À certains moments de son histoire, surtout à la fin du XXe siècle, n’importe quel mage allié aux Neuf Traditions ou au fatras des Corporations était considéré comme un Déviant de la Réalité, et on ajoutait son nom à la longue liste de ceux qui devaient être surveillés, endoctrinés ou assassinés. Ces périodes étaient les « points chauds » de la Guerre de l’Ascension. Cependant, nous ne sommes pas en état de guerre permanent. La Technocratie et ses rivaux se livrent plus souvent une guerre froide ; chaque camp se surveille, mène de petites escarmouches, mais ne tire pas ses plus gros canons. Le Nouvel Ordre Mondial est particulièrement doué pour la subtilité de l’endoctrinement, du recrutement et du Conditionnement social (que ses détracteurs appelleraient « lavage de cerveau »), et pour convertir ses rivaux dotés d’un fort potentiel. De son côté, l’Itération X développe une formation d’avant-garde en matière d’alternative à la conversion, à savoir l’oblitération de tout ce que ses soldats ont dans leur ligne de mire.
L’Illumination et l’élite Investie
Guidez les Masses ; protégez-les d’elles-mêmes et des autres. Ce Précepte est lui aussi controversé, mais lorsque des agents en débattent, ils ne le font jamais ouvertement. La contestation pourrait être assimilée à de la déloyauté… ou pire, être considérée comme une trahison. Il faut évaluer les menaces que l’humanité ne peut ni détecter, ni combattre. Il faut inventer des technologies expérimentales, puis en tirer une forme relativement sûre. Il faut évaluer et former les agents et les alliés afin qu’ils utilisent leurs pouvoirs de manière responsable. C’est la raison pour laquelle la Technocratie a progressivement adopté la structure pyramidale qui est aujourd’hui la sienne : les agents Éclairés les plus âgés et les plus puissants supervisent les agents plus jeunes et moins expérimentés. Dans l’ensemble, l’humanité est guidée par une élite technologique secrète, et les radicaux incapables de s’adapter ou d’obéir à ses ordres sont reprogrammés, réaffectés ou éliminés. Ce précepte est l’une des raisons pour lesquelles l’Union met autant d’ardeur à débusquer les Déviants de la Réalité. Les pires
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Rangs et titres technocratiques Au sein de l’Union, chaque Convention a sa propre hiérarchie, décomposée en cinq grades qui ont tous un niveau d’accréditation équivalent, quelle que soit la branche à laquelle ils appartiennent. Le commandement suprême est dévolu à Contrôle, également appelé la Tour d’Ivoire, qui réunit les cinq Conventions en une seule unité au sommet de la hiérarchie. Dans l’intrigue générale de l’Anomalie dimensionnelle, la Tempête d’Avatar a coupé le contact entre cet échelon et la Technocratie sur Terre. Les rangs inférieurs se sont réorganisés en adoptant une hiérarchie à cinq échelons ; à son sommet, les Directeurs préfèrent ce titre à celui de Maîtres. Rang
Poste
1
Personnel auxiliaire non-Éclairé
2
Citoyens extraordinaires/agents initiés
3
Agents/opérateurs
4
Superviseurs
5
Directeurs/Maîtres
6
Contrôle/La Tour d’Ivoire
Chaque Convention utilise également ses propres Méthodologies, des groupes spécialisés affectés à un travail précis au sein de l’Union. Contrairement aux sous-sectes individuelles désorganisées qui sont l’apanage des diverses Traditions, ces Méthodologies ont toutes des tâches et des fonctions précises au sein de leur Convention. ITÉRATION X Méthodologies : BioMécaniciens, Macrotechniciens, Statisticiens, Directeurs Temps-Mouvement (DTM).
Rang
Titre
1
Techniciens/Assistants de recherche
2
Agents de terrain et Recruteurs
3
Étudiants
4
Associés de recherche et Chercheurs en chef
5
Directeurs de recherche/Conseillers
SYNDICAT Méthodologies : Frais et Débours, Exécutants, Finances, Contrôle des Médias, Division des Projets Spéciaux (DPS). Rang
Titre
1
Fournisseurs (alias Stagiaires ou Nos amis)
2
Associés (alias Magiciens) Responsables (alias Sorciers)
Rang
Titre
3
1
Travailleurs (alias Kamarades ou « prolos »)
4
Administrateur (alias Visionnaire)
2
Fantoches
5
Vice-présidents des opérations (VPO)
3
Armatures
4
Spécialistes en armatures (anciennement Programmeurs)
5
Contrôleurs
NOM Méthodologies : le Flux, la Tour d’Ivoire, les Opérateurs, Division Q, les Vigiles. Rang
Titre
1
Sympathisants
2
Costumes noirs/Citoyens extraordinaires
3
Opérateurs, Rapporteurs et Costumes gris
4
Analystes du renseignement
5
Gardiens et Costumes blancs
d’entre eux utilisent ouvertement la magye vulgaire et lorsque les Masses sont témoins de ces excès, les frontières de la réalité sont mises à l’épreuve. Des choses impossibles le semblent soudain beaucoup moins. Évidemment, le Paradoxe sanctionne ceux qui s’en écartent trop, et les Traditions ont leurs méthodes quand il s’agit de châtier les contrevenants. La Technocratie se charge des Déviants qui brisent sans arrêt les lois de la réalité. De cette manière, elle
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PROGÉNITEURS Méthodologies : Sciences appliquées, Contrôle des Dégâts, Ingénieurs FAÇADE, InGènieurs, Pharmaciens.
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INGÉNIEURS DU VIDE Méthodologies : Division des Gardes-frontières (DGF), Division de la Frontière terrestre (DFT), Bataillon des Spécialistes de la Neutralisation (BSN), Bataillon pan-dimensionnel (BP), Recherche & Exécution (REE). Rang
Titre
1
Techniciens et Marines
2
Étudiants
3
Investigateurs, Agents de sécurité et Scientifiques
4
Investigateurs, Agents de sécurité et Scientifiques (pas de changement par rapport au rang 3)
5
Comité d’Évaluation, de Gestion et de Formation aux Sciences dimensionnelles (CEGFSD) ou Directoire des Menaces existentielles (DME), selon l’intrigue générale.
veille sur les Masses, car l’humanité est sans défense contre des loups tels que les prédateurs magyques et les Déviants. Si un mage utilise de manière répétée la magye vulgaire, la Technocratie le traquera ; si le délinquant ne peut être converti, alors il doit être détruit. L’humanité est incapable de se protéger de ces menaces. Là encore, la Technocratie relève courageusement ce défi.
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Une remarque concernant l’Ascension
N’importe lequel de ces Préceptes pourrait être considéré comme un objectif pour l’Ascension d’un agent. Bien sûr, ils doivent tous être respectés, mais un Technocrate est toujours plus perspicace et talentueux lorsqu’il choisit de faire progresser l’un d’entre eux. Avec le temps, ce dévouement peut le conduire à un état de conscience supérieur. Même si le mot « ascension » est considéré comme un vestige régressif et superstitieux, il est sans le moindre doute une ambition admirable. Pour la Technocratie, cette ascension implique généralement une vision Investie du monde idéal. Toutefois, chacun de ses membres peut jouer son rôle au sein de ce monde et trouver l’inspiration pour accomplir de grandes choses. Une conscience plus avancée servira d’autant mieux l’Union et ses buts. Bien que l’objectif idéal d’un Technocrate Éclairé soit collectif et non personnel, cet idéal ultime laisse néanmoins une place à la transcendance et à la perfection individuelles (voir la section Illumination et Investissement : le collectif et l’individu ci-dessous).
Organisation et rangs Depuis les origines de l’Union en tant qu’Ordre de la Raison, le rang d’un Technocrate au sein de sa société secrète a toujours dépendu de son degré d’Illumination. Chaque Convention a ses propres méthodes de recrutement, d’évaluation et de progression de son personnel, mais grosso modo, on compte six degrés d’Illumination, et donc six rangs, dans à peu près toute la Technocratie. (En termes de jeu, l’Illumination est ce que les mages appellent l’Arété. Pourtant, et à l’instar des Traditions, augmenter le trait d’Illumination ne fait pas automatiquement évoluer le rang.) Malgré l’image de monolithe véhiculée par la propagande, l’Union n’est pas un bloc de pierre lisse. Et même si elle appelle son organe de direction la Tour d’Ivoire (ou Tour Blanche), en référence à la Convention de la Tour Blanche pendant laquelle l’Ordre de la Raison a été fondé, un organigramme de la Technocratie ressemble davantage à une pyramide. Dans cette pyramide, les citoyens au bas de l’échelle constituent la base large de l’édifice. Mais au fur et à mesure qu’un citoyen Éclairé grimpe les échelons, il a de moins en moins de pairs et de rivaux. Depuis le sommet, un œil omniscient scrute cette société secrète et surveille pour le compte du Cénacle de Contrôle. Au milieu, divers niveaux d’agents, d’employés, de spécialistes, de scientifiques, de chercheurs, de directeurs et de cadres effectuent les tâches nécessaires pour que le Programme soit rigoureusement respecté. Chaque niveau soutient les autres d’une manière prédéterminée, permettant ainsi un commandement clair et ordonné.
Les Méthodologies
Chaque Convention compte un certain nombre de Méthodologies : des services qui occupent des fonctions spécialisées dans le domaine de compétence de cette Convention. Par exemple, sous la coordination du NOM, la Tour d’Ivoire est responsable de l’histoire, du commandement et du monde universitaire ; les Opérateurs se chargent du travail sur le terrain ; et les Vigiles agissent dans les domaines de la surveillance, du renseignement et des médias de masse. Une nouvelle Méthodologie, le Flux, travaille sur Internet en général et les réseaux sociaux en particulier, et la Division Q (même si elle n’est pas une Méthodologie à part entière) fabrique l’équipement avancé sur lequel comptent d’autres agents. Chaque Convention compte un certain nombre de Méthodologies, et
Les impératifs inter-Conventions Les situations exigeant l’expertise de plusieurs Conventions différentes sont nombreuses. Ces impératifs interConventions permettent aux agents et aux superviseurs de coordonner leurs efforts au sein d’équipes créées pour apporter des solutions efficaces en temps de crise. Bien que des amalgames déjà opérationnels se chargent de la plupart des tâches, certaines situations en cours, comme l’évolution des technologies de l’information parmi les Masses et (s’il existe) le Conseil des Dévoyés, nécessitent des initiatives stratégiques afin de traiter les problèmes.
chacune d’entre elles contient des sous-départements en charge de tâches, de recherches et d’innovations spécifiques. (Pour plus de détails sur chaque Méthodologie, reportez-vous au supplément Le Livre des Secrets.)
Les amalgames
Lorsque des agents travaillent ensemble dans une équipe d’intervention, l’amalgame qui en résulte combine expertise personnelle et management vertical. En résumé, un superviseur affecte des agents de rang inférieur dans une équipe, donne des ordres à cet amalgame et fournit aux agents le matériel, les données, les autorisations, le soutien et les différentes ressources dont ils ont besoin (voir l’encadré DVSA : le flux de données page 182). En retour, les agents de l’équipe exécutent les instructions et envoient à leur superviseur des rapports réguliers sur l’avancée de la mission. Chaque amalgame a un but précis. Les équipes de terrain s’occupent de la recherche, du renseignement, du sale travail et d’autres tâches parmi les Masses. Les amalgames de recherche mènent les projets qui leur sont assignés et fournissent des données qui seront utiles aux autres équipes. Les équipes de construction, techniques, de réparation et d’innovation accomplissent le travail peu glorieux, mais essentiel, qui permet à l’Union Technocratique de continuer à fonctionner. Les équipes de spécialistes s’occupent de tâches spécifiques (infiltration, extraction, nettoyage, interrogatoires etc.) qui exigent l’attention particulière d’un personnel compétent. Peu importe la situation, l’Union lui affectera un amalgame. Les agents qui en font partie doivent coopérer entre eux. Un comportement déloyal met en péril l’équipe, son objectif, son superviseur et les personnes affectées par un éventuel échec de cette mission. Par exemple, une équipe de nettoyage fait courir des risques à des agents et des innocents si son intégrité est compromise par un comportement inefficace. Les équipes qui réussissent sont récompensées, celles qui se relâchent sont réprimandées et celles qui échouent régulièrement sont dissoutes et réaffectées aux dépens de ses agents et du superviseur qui les coordonnait. Suite à l’Anomalie dimensionnelle en particulier, l’Union Technocratique ne tolère aucun fiasco. Quels que soient les rivalités ou les échecs subis par une faction ou un individu, un amalgame doit réussir, sinon il ne dure pas.
Les citoyens non-Éclairés/ Le personnel de soutien
L’Union a de grandes ambitions et une logistique très complexe, et le nombre de sujets volontaires, loyaux et intelligents dont elle a besoin dépasse très largement le personnel Éclairé dont elle dispose. Sans
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surprise, beaucoup de postes et de rôles ne nécessitent aucunement l’usage de la Science Éclairée. En conséquence, le personnel ordinaire occupe un grand nombre d’emplois courants, que ce soit en tant que techniciens, vigiles, soldats, bureaucrates, concierges etc. Les citoyens tout en bas de l’échelle ne sont pas du tout Éclairés (en termes de jeu, ils ne possèdent pas le trait Arété ou Illumination). Toutes les Conventions ont des grades qui leur sont propres pour différencier ces personnes, comme les sympathisants pour le Nouvel Ordre Mondial ou les prolos pour l’Itération X. Mais en général, l’Union les appelle citoyens. Comme l’ingénierie génétique et le clonage sont deux des ressources les plus utiles de la Technocratie, plusieurs Conventions utilisent des citoyens fabriqués, améliorés ou artificiels pour occuper les postes subalternes (voir la section Les agents non-conventionnels ci-dessous). Certains de ces citoyens semblent assez impersonnels, impossibles à distinguer les uns des autres et apparemment dépourvus de personnalité. Par exemple, un assemblage de l’Itération X déploie parfois une légion de troufions chauves identiques avec un code-barres tatoué sur le cou, tandis qu’une équipe d’investigation du NOM enverra sur le terrain des clones anonyme vêtus de costumes noirs chargés d’accompagner de vrais Costumes noirs Éclairés. D’autres citoyens artificiels ont été créés sur mesure afin d’avoir une apparence très précise. Les Progéniteurs emploient des Ingénieurs FAÇADE, spécialisés dans la fabrication de clones spécifiques, en particulier quand il s’agit d’enlever un Dormeur qui ne se doute de rien et de le remplacer par un clone de la Technocratie. Pendant des décennies, des rumeurs persistantes ont évoqué de rares assemblages robotiques artificiels travaillant aux côtés des Ingénieurs du Vide ; malheureusement, l’immense majorité de ces citoyens s’est révélée bien moins compétente que des humains ordinaires. Malgré
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les nombreuses avancées de la Technocratie dans ce domaine, tous les citoyens artificiels ont des défauts, ils provoquent en règle générale un Effet de Paradoxe, et se dissolvent ou se dégradent toujours au fil du temps. Les enjeux de la bataille pour la réalité sont élevés. La pratique n’est plus vraiment en odeur de sainteté, mais la Technocratie autorise parfois ses agents à enlever et à recruter des gens ordinaires… de manière temporaire ou permanente. Le Nouvel Ordre Mondial excelle dans l’art de reprogrammer les citoyens non-Éclairés par le biais de Procédures pudiquement appelées Conditionnement social. Grâce à ces sciences, un Opérateur peut effacer ou remplacer des souvenirs, instiller la loyauté et reconstruire l’identité. Des narco-enseignants mettent en place une formation et un endoctrinement rudimentaires, et le contenu de l’esprit d’un citoyen peut être téléchargé sur un ordinateur pour être analysé et utilisé ultérieurement. Ces procédures fonctionnent mieux sur les personnes dotées d’une volonté ou d’une résistance faible. La reprogrammation ne dure pourtant pas longtemps, sauf si elle a été constamment renforcée par des motivations et des récompenses subtiles. Quand elle échoue, il est parfois nécessaire de modifier ou d’effacer la mémoire et la personnalité d’un citoyen kidnappé, ce de façon permanente. Cette procédure risquée détruit souvent les qualités les plus précieuses d’une recrue. Dans les cas extrêmes, l’Union peut être forcée d’annuler la recrue elle-même… et des actions aussi radicales donnent des migraines même à la Technocratie. (La paperasse à elle seule est un vrai pensum.) Lorsque c’est possible, l’Union préfère des citoyens volontaires et loyaux à des otages décérébrés ou contraints sous la menace. Heureusement, ces mesures extrêmes sont rarement nécessaires. Partout dans le monde industrialisé, des citoyens volontaires cherchent du travail au sein de l’Union Technocratique. Bien sûr,
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très peu de ces personnes savent ce que l’Union est ou fait réellement, mais la promesse d’un bon salaire, d’un travail stable et d’opportunités fabuleuses est un appât auquel peu de gens doués dans le domaine de la technologie peuvent ou veulent résister, surtout lorsque l’économie est en crise et le chômage endémique.
Les citoyens extraordinaires et les Agents initiés
Le mot initié est une survivance de l’époque de l’Ordre de la Raison, il est rarement, voire jamais, utilisé dans la terminologie officielle. Chaque Convention utilise à la place un nom qui lui est propre pour qualifier les citoyens du deuxième échelon technocratique. Ce personnel a été incorporé à l’Union elle-même. Ils savent ce qu’elle est, ce qu’elle fait et la place qu’ils y occupent. Contrairement aux citoyens de rang inférieur, ils reconnaissent que la Technocratie est une entité distincte et comprennent leurs devoirs et leur potentiel au sein de cette entité. Et en ce sens, ils ont été initiés au mystère supérieur qu’ils servent.
Les initiés de la Technocratie de faible rang se divisent en deux catégories : • Les citoyens extraordinaires : ils utilisent des Appareils avancés, reçoivent une formation spéciale et bénéficient parfois d’améliorations (des implants cybernétiques et des biomods qui dépassent, et de loin, ce que la technologie des Dormeurs peut offrir [voir l’historique Amélioration au Chapitre Six, pages 305-306]). Dans certaines situations, en particulier chez les Ingénieurs du Vide, ces citoyens peuvent atteindre un rang élevé et jouir d’un immense respect. • Les agents Éclairés : ils bénéficient des mêmes avantages, de la même formation, et se sont également Éveillés au sens où Mage l’entend. Contrairement aux citoyens extraordinaires, ils sont capables d’utiliser des Procédures Éclairées (en d’autres termes, de la technomagye). Nombre de ces Procédures initiatiques favorisent la perception et l’analyse.
Le SCAC L’expansion mondiale de la culture informatique a ouvert une nouvelle boîte de Pandore : les incursions extra-dimensionnelles, favorisées par une utilisation imprudente des ordinateurs. Les rites magyques nécessitent souvent des mathématiques et une géométrie complexes. Avant l’ère de l’informatique, des calculs aussi sophistiqués étaient à la seule portée des plus brillants sorciers. De nos jours cependant, n’importe quel idiot équipé d’un ordinateur est capable d’ouvrir un portail vers certains royaumes extra-dimensionnels depuis son PC, et il ne s’en rendrait même pas compte. C’est rare, mais ça arrive. Et c’est pourquoi un nouveau corps de techniciens inter-Conventions, les Spécialistes de la Correction des Anomalies Computationnelles (SCAC), surveille les utilisations informatiques potentiellement dangereuses, surtout parmi les Masses. Considérant les milliards de gens possèdent un ordinateur à notre époque, les « Scacs » ne chôment jamais. Aucun groupe ne peut espérer couvrir toute l’étendue du secteur. Mais en dépit de cela, les agents du SCAC (principalement sélectionnés parmi les jeunes membres de l’Itération X, des Ingénieurs du Vide et du NOM) font tourner des programmes d’analyse et trient des données mondiales à la recherche d’opérations et de mots-clés particulièrement dangereux. Sur le plan non-magyque, ces Technocrates détectent les cyberterroristes, puis envoient des équipes d’intervention éradiquer leurs activités. Lorsque des anomalies computationnelles indiquent la présence de portails inter-dimensionnels, des rituels d’invocation de démons ou d’autres dangers informatiques paranormaux, le SCAC fait appel à ses agents en immersion holistique pour contrer ces opérations, envoie d’autres agents en chair et en os pour déconnecter l’ordinateur et l’utilisateur en cause, ou (très souvent) mène les deux procédures en parallèle. Pendant qu’une équipe de la Sécurité Intérieure débarque en force et se charge de confisquer ou de détruire un ordinateur effectuant une opération potentiellement dangereuse, des Spécialistes se connectent au réseau et s’attaquent au problème directement dans la Toile numérique. La plupart des Adeptes du Virtuel savent comment éviter de déclencher le traçage SCAC. C’est la base de la formation dans cette Tradition. Les Dormeurs risquent eux de se retrouver avec des agents lourdement armés devant leur porte, un ordinateur qui s’éteint après des alertes soudaines d’infection virale, ou la fameuse sanction Écran bleu de la Mort après avoir attrapé des virus bizarres ou subi une panne inattendue. En conséquence, si vous êtes confronté à un problème technique imprévu ou à une attaque par déni de service, ce n’est peut-être pas plus mal. La vigilance des agents du SCAC vous a sans doute empêché d’ouvrir un portail vers une horreur cosmique, ou bien bloqué une incursion en provenance d’une dimension hypermathématique que vous n’auriez même jamais pu imaginer…
Panopticon Également appelé le Panopticon, cette organisation a été fondée début 2002, après l’apparition du Conseil des Dévoyés et l’augmentation de la violence anti-Technocratie un peu partout dans le monde. Ses buts principaux sont la sécurité, l’espionnage, l’infiltration, la consolidation des données, l’antiterrorisme et parfois les actes de veng… pardon, de sanction. Son existence est optionnelle dans une chronique de Mage. Contrairement à la plupart des impératifs, Panopticon est doté d’une structure hiérarchique interne qui lui est propre et qui prime sur la structure habituelle Conventions/Méthodologies. Le groupe utilise de redoutables machines à tuer cybernétiques, les C.H.A.S.S.E.U.R. (voir l’annexe I), largement tombés en désuétude au sein de l’Union du XXIe siècle, et fait souvent montre d’un mépris impatient envers des considérations technocratiques plus officielles. En bref, Panopticon est une Méthodologie à part entière qui ne rend compte qu’à une cellule de commandement, et qui reste classé Confidentiel même par rapport aux normes habituelles de secret de la Technocratie. Et si les autres Technocrates semblent s’orienter vers une attitude moins militante, les agents de Panopticon sont eux des Guerriers de l’Ascension purs et durs.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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Ces Agents peuvent voir le surnaturel ; ils sont cependant tout juste en mesure d’influer sur lui, et uniquement grâce à l’entraînement qu’ils ont suivi et la technologie ordinaire dont ils disposent. (En termes de jeu, ces Agents possèdent le trait Illumination à 1 ou 2.) Leur statut est souvent légèrement plus élevé que les plus respectés des citoyens extraordinaires. Après tout, l’Illumination est le trait qui définit l’excellence. Voilà des siècles, ces visionnaires étaient considérés au sein de l’Ordre de la Raison comme des membres du Second Cercle de leur société secrète. Beaucoup d’entre eux ne pensaient pas du tout pratiquer la Science Éclairée, et l’idée d’accomplir ce qu’un mage aurait appelé de la « magye vulgaire » leur semblait totalement impossible. Ils se pensaient juste incroyablement talentueux en obtenant grâce à la technologie des résultats bien supérieurs à ceux des gens ordinaires. Mais dans la Technocratie actuelle, les initiés savent qu’ils utilisent la Science Éclairée. Ils peuvent aussi en théorie se servir de Procédures flagrantes, mais on le leur déconseille fortement. Comme leurs prédécesseurs, ces initiés sont dans leur immense majorité plus doués pour utiliser la technologie que le citoyen lambda des Masses, mais pas encore assez doués pour plier grâce à elle les lois de la réalité.
Préexistence et novexistence
Quand un Technocrate dépasse les fonctions dévolues au personnel de soutien et atteint un niveau de compréhension et de responsabilité supérieur, la Technocratie divise la vie de cet agent en deux phases distinctes : • La préexistence, un état de bienheureuse ignorance dans lequel il évolue parmi les Masses, avant d’être initié à la réalité plus vaste de la Technocratie et de ses affaires, et… • La novexistence, le stade d’initié où le Technocrate apprend quelle est sa place dans cette réalité supérieure.
Traditionnellement, un agent abandonne sa préexistence lorsqu’il franchit le cap de l’initiation. Du fait des risques et des responsabilités inhérents à la mission technocratique, sa préexistence devient un fardeau gênant. À quelques exceptions près (en général au sein du Syndicat, où ces vieux liens facilitent souvent l’aspect social de ses missions), un Technocrate initié disparaît de sa préexistence ; on lui donne une nouvelle identité, un nouveau domicile, de nouvelles ressources et une nouvelle communauté au sein de l’Union Technocratique. À partir de ce moment, il cesse d’être la personne qu’il était autrefois et participe à un plan plus vaste. Comme un camp d’entraînement, les premières étapes de la novexistence sont souvent rudes, spartiates et déshumanisantes. On expédie le petit nouveau en garnison dans un Canevas, très loin de son ancien foyer, il partage un dortoir avec d’autres initiés et suit un programme d’entraînement, d’étude et d’endoctrinement strictement encadré. Au fil du temps, il gagne des devoirs et des droits au sein des baraquements ; s’il se comporte mal ou s’il ne fait pas ses corvées, il perd ses avantages de manière temporaire ou définitive. Peu à peu, un Technocrate accompli achève cette formation et passe à une vie moins étriquée, plus individuelle. Bien sûr, certains Technocrates préfèrent le réconfort de cette existence simple et choisissent de rester dans leurs quartiers de garnison. D’autres, trop imprévisibles ou incompétents pour progresser à la vitesse prévue, restent en caserne pendant un moment, mais finissent par devenir un fardeau s’ils s’éternisent. À moins de choisir volontairement cette vie de grouillot, un agent qui semble coincé dans cette première étape de la novexistence est envoyé sur des missions suicide, relégué à des tâches simples, reprogrammé pour n’être plus qu’une coquille vide, ou tout simplement descendu. Lorsqu’il se montre digne d’une promotion, l’Agent reçoit les bénéfices de cette novexistence étendue : de l’argent, un statut, de plus grandes responsabilités et davantage de liberté d’expression. Dans certains cas (surtout au NOM, chez les Progéniteurs et dans le Syndicat), il peut avoir un nouveau domicile, une nouvelle identité et un nouveau réseau social en dehors de la Technocratie elle-
Les dissidents technocratiques Les méthodes très dures parfois utilisées et la corruption potentielle qui la gangrène ont fait naître au sein de l’Union plusieurs groupes dissidents. Ces réseaux d’idéalistes, petits mais déterminés, livrent une guerre de l’ombre secrète et extrêmement dangereuse pour sauver la Technocratie d’elle-même. Malgré un taux de mortalité terriblement élevé et des sanctions cauchemardesques, même selon les critères de la Chambre 101 (voir son encadré page 182), s’ils sont découverts, ces agents dévoués n’ont pas encore abandonné la Technocratie à son triste sort. • Le Complexe Cassandre : ce réseau d’information préfère se faire appeler l’Unité de Pronostics stratégiques et de Dissémination de Données. Il compile des données et des observations utiles, puis diffuse ces informations parmi les autres groupes clandestins. • Les Hérauts d’Avalon : autrefois un petit groupe dédié aux idéaux de Camelot, ses effectifs se sont au fil du temps étoffés et il compte aujourd’hui un nombre de membres non négligeable, malgré le sort atroce infligé à tous ses membres fondateurs, sauf un. Les Hérauts pratiquement sur le point de quitter la Technocratie et de se reformer sous un nouveau nom : Navalon. (Pour plus de détails, reportez-vous à la section Les recrues potentielles dans la partie sur L’Alliance des Disparates, page 199). • Les Amis de Courage : les Amis de Courage portent le nom du renégat héros de nombreux Technocrates idéalistes et ils restent aussi secrets qu’il y a presque vingt ans, lorsque l’Agent John Courage a pour la première fois remarqué la corruption au sein du Cénacle. Contrairement à leur flamboyant modèle, ces agents agissent avec prudence. Nombre de ses membres ont été convertis ou annulés au fil des années et pourtant les Amis restent une force de dissension interne puissante. • Le Projet Invictus : la secte secrète la plus connue au sein de la Technocratie, Invictus livre une croisade d’une précision chirurgicale depuis plus de dix ans. Contrairement aux autres groupes, elle est à la fois assez militante pour frapper directement ses cibles, et encore assez dévouée pour rester dans les rangs la Technocratie jusqu’à la fin, aussi sombre soit-elle. (Pour plus de détails concernant ces groupes, reportez-vous au supplément Le Livre des Secrets.)
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même. Il reste (pour des raisons évidentes) sous la surveillance de ses supérieurs, mais peut commencer à se construire un semblant de vie normale. À la moindre erreur pourtant, cette novexistence et ses avantages risquent d’être suspendus, confisqués, voire détruits dans des cas extrêmes. Ce système de bâton et de carotte est redoutablement efficace quand il s’agit de motiver la loyauté et la réussite. Sers l’Union et tu prospéreras, nuis-lui et tu en paieras le prix.
Les Agents ou Opérateurs
Les termes généraux d’agent et d’opérateur sont en général interchangeables et décrivent le type de Technocrate le plus polyvalent, à savoir un soldat, un scientifique, un explorateur, un assistant ou un visionnaire de l’Union. Là aussi, chaque Convention a son propre langage pour décrire ces individus ; les Progéniteurs par exemple se reposent largement sur des Étudiants qui travaillent dans ses laboratoires, assistent à des cours, collaborent avec les Agents des autres Conventions et finissent par soutenir une thèse avant de pouvoir être promus. (En termes de jeu, le trait d’Illumination d’un agent technocrate est compris entre 3 et 5). Après la période de casernement au début de leur novexistence, les Agents passent pour la plupart la majorité de leur temps dans ce que nous appellerions le monde réel. Le royaume de la Terre étant infesté d’activité paranormale, l’espace terrestre a été appelé la Ligne de Front. Au plus fort de la Guerre de l’Ascension, la Terre est un gigantesque champ de bataille où des équipes d’Agents travaillent de concert et enquêtent, recrutent, enlèvent ou éliminent les mages rivaux et les autres Déviants de la Réalité. Les agents terrestres utilisent également des Procédures et des Appareils qui leur permettent de générer des revenus, de créer des innovations, de modifier des technologies, d’ajuster les probabilités, de détruire leurs ennemis et de transformer la réalité (telle que les Masses la comprennent). Chaque équipe d’agents est affectée à un ou plusieurs fronts : des bases qui ont l’air tout à fait ordinaires et que la Technocratie utilise comme usines, forteresses, ateliers, entreprises commerciales et autres centres d’opérations. Les fronts les plus utiles (et donc les mieux défendus) ont les nodes qui servent de sources de Quintessence. Les agents efficaces sont autorisés à utiliser les ressources de ces fronts et les équipes expérimentées ont accès à des laboratoires et installations de recherches spécialement aménagés (où les chances de déclencher un Effet de Paradoxe sont moindres), à du matériel de surveillance, à de l’équipement de Conditionnement social et, bien sûr, à l’appui d’initiés et de citoyens. Les Technocrates réussissant beaucoup de missions reçoivent l’une des récompenses les plus précieuses qu’on peut accorder à un agent : du temps libre et une vie en dehors de l’Union. Cette motivation puissante leur donne un sérieux coup de fouet au moral et à la volonté.
Superviseurs et amalgames
Quelqu’un doit coordonner les agents, et c’est précisément le boulot des Superviseurs. Chaque équipe rend compte au Superviseur (ou dans certains cas à plusieurs) qu’on lui a désigné. Celui-ci assigne des missions et fournit du soutien logistique, puis évalue le degré d’échec ou de réussite du groupe. (En termes de jeu, le trait d’Illumination d’un Superviseur est compris entre 4 et 6). Si un amalgame compte des agents de plusieurs Conventions, il devra peut-être effectuer différents types de missions pour différents Superviseurs. Les missions les plus dangereuses consistent à déployer des hommes afin d’enquêter sur un Superviseur, un front, un Canevas ou un amalgame différent. Après tout, il est vital de s’as-
surer du respect des règles et de l’efficacité des autres groupes ; par conséquent, la paranoïa, les rivalités et la politique affectent toujours la carrière d’un Superviseur. Les Superviseurs de rang inférieur rendent des comptes à leurs propres chefs. Au XXe siècle, ces derniers surveillaient le déroulement de la Guerre de l’Ascension depuis l’Horizon, et évaluaient la réussite ou l’échec des missions technocratiques sur de vastes zones géographiques. Mais au XXIe siècle, cette supervision est presque exclusivement terrestre. (Pour plus de détails, reportez-vous à l’encadré Les Canevas de l’Horizon.) Cela dit, même sur Terre, les Superviseurs de haut rang travaillent loin de la Ligne de Front, souvent à l’intérieur de quartiers généraux luxueux dans les villes, sous les océans, en pleine nature ou loin sous terre. Ils peuvent facilement et en permanence communiquer avec leurs équipes, et leurs visites occasionnelles les obligent à ne jamais se relâcher.
Le Schisme
En général, cette approche à plusieurs niveaux aboutit à une chaîne de commandement bien huilée entre le haut et le bas de la hiérarchie des Superviseurs. Elle est toutefois également génératrice de difficultés. Au cours des cinquante dernières années, l’Union a rencontré un certain nombre de problèmes internes ; l’un des plus sérieux réside dans le gouffre séparant les théories idéalistes des Superviseurs déconnectés des réalités du terrain, et les besoins pratiques des agents et de leurs coordinateurs sur la Ligne de Front. Cette disparité (parfois appelée le Schisme) est la cause de nombreux dilemmes moraux et éthiques auxquels ces derniers doivent faire face. Pour résumer, c’est la différence entre théories abstraites et réalités chaotiques qui engendre ce Schisme. Un Superviseur sur la Ligne de Front est conscient qu’il faut parfois faire des compromis (en s’alliant par exemple à l’occasion à une coterie de vampires influents), alors que pour le perfectionniste lointain, de telles entorses seront anathème. L’opposition entre ces perspectives alimente donc les rivalités, les complots et parfois les affrontements. Quand vous vivez dans une tour d’ivoire, artificielle et parfaite, il est très facile de perdre les nuances de gris éthiques et d’exiger de vos subalternes en place des choses qui ne peuvent pas (ou ne devraient pas) être faites. Pire encore, cette déconnexion entre la Ligne de Front et les Canevas de l’Horizon a engendré des secrets… qui ont à leur tour favorisé la corruption morale et métaphysique de la Technocratie. Tout comme les Traditions se sont retrouvées prises entre le marteau de leurs nobles idéaux et l’enclume des vieilles rancœurs de leurs maîtres, la Technocratie se retrouve embourbée dans un Schisme entre idéaux abstraits et réalités humaines.
Les Symposiums
Plusieurs Superviseurs parmi les plus efficaces constituent un conseil dans une ville (ou une grande zone géographique) donnée ; leur tâche est de surveiller leurs opérations à grande échelle. L’Union appelle cette alliance un Symposium, au sein duquel chaque Convention a au moins un représentant. Cet organe logistique déplace les équipes et les ressources sur son territoire à la manière de pièces sur un échiquier. Certains Superviseurs se déplacent en personne pour coordonner leurs équipes sur la Ligne de Front ; d’autres restent en retrait et utilisent des moyens de surveillance à distance ; d’autres encore délèguent leur autorité à des subordonnés, eux-mêmes Superviseurs, ou à des agents de haut rang. Les réunions d’un Symposium, très formelles, sont accompagnées de débats animés, d’une sécurité renforcée et de rapports de situation complexes. Dans les grands moments de triomphe, de crise, de
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Les constructions de l’Horizon Les Technocrates de haut rang ont passé la majeure partie des deux derniers siècles à vivre au sein de Canevas de l’Horizon : des bases de l’Union en orbite géostationnaire, de l’autre côté de la frontière entre l’Horizon et la Terre. En substance, ces colonies sont des stations spatiales qui constituent des bulles de réalité autonomes, loin des risques et des contaminations d’un monde imparfait. Lourdement défendues et technologiquement supérieures à tout ce qu’on peut trouver sur Terre, les Canevas de l’Horizon fournissent des casernes sécurisées aux initiés débutants, des espaces de travail sûrs pour les agents de plus haut rang et des bureaux ad hoc pour les Superviseurs des échelons supérieurs, les Directeurs et le Cénacle. Tous les rangs de la Technocratie ont une place au sein d’un Canevas de l’Horizon. Les citoyens extraordinaires s’occupent des tâches secondaires, le personnel fraîchement recruté commence sa novexistence loin de l’environnement distrayant et souvent dangereux du monde matériel. Les bons agents se rendent là-bas afin d’utiliser les installations de recherche dans des environnements libres de tout effet de Paradoxe, et les mauvais agents vont y faire un tour pour y être sanctionnés, reprogrammés, endoctrinés ou réaffectés. Superviseurs et Directeurs préfèrent l’atmosphère propice à la concentration et l’isolement de la vie dans une Colonie ; certaines créatures alliées et des agents améliorés, incapables d’exister longtemps dans l’espace terrestre, doivent donc vivre dans des Canevas de l’Horizon jusqu’au jour où l’Union réussira à dominer totalement la réalité terrestre. Dans l’intrigue générale de la Tempête d’Avatar, la plupart des Canevas de l’Horizon sont endommagés, détruits ou mystérieusement perdus. Si les Ingénieurs du Vide subissent les pertes les plus lourdes, les Conventions sont pourtant toutes touchées. Les Convention Books de la troisième édition racontent l’histoire de cette Technocratie post-apocalyptique, qui peut ou non exister dans votre chronique (voir l’encadré Destins futurs : l’Anomalie dimensionnelle et une « Technocratie plus bienveillante »). Si les Canevas demeurent opérationnels, les technologies de la Science dimensionnelle confèrent un accès relativement sûr et fiable aux Colonies. Les grosses cargaisons et les groupes importants doivent emprunter des navettes spatiales de l’Union pour y aller et en repartir ; ces missions décollent depuis des pistes secrètes un peu partout dans le monde et sont à l’origine des rumeurs sur les ovnis et les autres méthodes confidentielles de déplacement. Comme les stations spatiales ont été intégrées à la réalité consensuelle il y a une cinquantaine d’années, les Canevas de l’Horizon sont coïncidentaux en termes de magye. Étant donné que très peu de Dormeurs s’approchent de ces endroits (les astronautes étant après tout des citoyens extraordinaires), la réalité de la Technocratie est donc la seule en vigueur dans un Canevas.
tragédie ou d’échec, agents et amalgames sont convoqués pour faire un rapport de leurs activités à un Symposium… et recevoir les éventuelles récompenses, réaffectations ou punitions appropriées. Les Symposiums sont pour la plupart localisés sur Terre. La logistique et les dangers relatifs aux réunions qui ont lieu dans un Canevas de l’Horizon les confinent à bureaux sécurisés et des bases militaires, à moins qu’une menace extraordinaire ne contraigne les responsables à transférer cette rencontre dans un lieu plus sûr.
Maîtres, Directeurs et Royaumes extra-dimensionnels
En dehors de ses Canevas de l’Horizon, la Technocratie est le maître absolu de royaumes plus exotiques, des domaines où la réalité a été totalement reformée à l’image des idéaux des maîtres qui la contrôlent. Ces royaumes extra-dimensionnels sont, selon leurs objectifs, infâmes ou légendaires. Les adeptes de l’Itération X parlent avec révérence d’Autocthonie, un Royaume totalement transformé en idéal de perfection mécanique. Les Ingénieurs du Vide connaissent de nombreuses destinations extra-dimensionnelles, dont la Base lunaire de la Face cachée (située, comme son nom l’indique, sur la face cachée de la Lune), la magnifique Station de recherche Copernic, et d’autres forteresses encore, pour surveiller et observer les races et les entités extra-dimensionnelles. Dans ces paysages étranges et les Canevas de l’Horizon qui y sont bâtis, les Directeurs technocratiques appliquent un niveau de contrôle qu’on ne retrouve pas dans la réalité, plus ordinaire et limitée, de la Terre. Si nombre d’agents atteignent le rang de maître (en termes de jeu, leur trait d’Illumination est compris entre 5 et 8), les maîtres reconnus de l’Union Technocratique préfèrent en général échapper aux imperfections matérielles et se rendre sur des royaumes correspondant mieux à leurs idéaux.
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Une Convention fait cependant exception à la règle : le Syndicat. Quand les grands maîtres de l’Itération X, des Progéniteurs et du Nouvel Ordre Mondial s’évadent dès qu’ils le peuvent des limites agaçantes de la Terre et que les Ingénieurs du Vide évitent par principe lesdites limites, le Syndicat préfère un type de réalité plus terre à terre : les somptueux privilèges des milliardaires. D’accord, les grands domaines, les appartements-terrasse et les îles privées dont ils profitent n’ont presque rien en commun avec le quotidien des humains dans leur vaste majorité. Ces territoires sont toutefois une partie indéniable du plan terrestre. Bien sûr, on imagine à peine leur prix. Certes, ils sont protégés par des technologies avancées. Et pourtant, ils appartiennent toujours au monde matériel. Les Responsables du Syndicat aiment à dire que leur lien avec la Terre protège leur Convention des effets de distanciation du Schisme ; les autres Technocrates soupçonnent (en leur for très intérieur) que ces maîtres sont tout aussi, et voire plus, coupés de la condition humaine que leurs homologues partis en quête d’idéaux extra-planétaires. Déconnectés ou non, certains Directeurs ont très concrètement et au quotidien les mains dans le cambouis. Par exemple, un Directeur des Ingénieurs du Vide sur une Base lunaire umbrale préférera être le capitaine d’un vaisseau spatial de science-fiction et pourchasser des horreurs extra-dimensionnelles, plutôt que de jouer les planqués dans une salle de contrôle fortifiée. Un autre se rendra dans un Canevas de l’Horizon en compagnie d’un Superviseur et d’une ou plusieurs équipes d’agents afin d’encadrer personnellement les techniciens spécialisés dans le matériel très avancé. D’autres maîtres technocratiques utilisent la technologie holographique et la télé-présence virtuelle (en termes de jeu, des Procédures de Correspondance et de Psyché) pour visiter des lieux lointains et surveiller leurs agents à bonne distance, mais d’un œil averti. Certains Directeurs choisissent de rester sur Terre ou d’y revenir pour des missions extrêmement importantes. Le mystérieux Agent
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secret John Courage est en général assimilé à un maître et on le trouve pourtant partout où il y a du danger. Quand plusieurs Technocrates de haut rang travaillent ensemble au sein d’un même amalgame (comme la célèbre Équipe d’intervention spéciale Alpha), ils interviennent en personne dans certaines des crises les plus dangereuses sur Terre. Ces mesures extrêmes restent cependant rares. L’expertise d’un maître permet à la Science Illuminée d’accomplir de plus grands exploits… qui impliquent eux-mêmes de plus grand risques de déclencher un effet de Paradoxe. L’intervention d’un Directeur est susceptible de provoquer plus de mal que de bien, et des problèmes pires que ceux que l’équipe était chargée de résoudre… et si ces missions ont lieu de temps en temps, on ne s’y engage pas à la légère.
Les Vénérables Maîtres : le Cénacle des grands anciens
Les entités au sommet de la pyramide technocratique sont les légendaires Vénérables Maîtres : des humains si éloignés de la réalité terrestre qu’ils contemplent les plus grands mystères de l’Illumination. L’Ordre de la Raison les appelait Honori, et comme les techniques d’allongement de la durée de vie sont plus simples à mettre en place au-delà de l’Horizon, certains Vénérables sont âgés de plusieurs siècles. Dans les échelons de l’élite, ils débattent de concepts tels que le Programme, les énigmes cosmiques et le rôle ultime des Déviants de la Réalité dans le grand ordre des choses. Nullement dérangés par le Paradoxe, ces « grands anciens » (tous des hommes, sauf une) observent les innovations des Illuminés moins puissants et rêvent à la manière dont le Cénacle pourrait remodeler le futur de la race humaine. Rongés par leurs limites humaines, ils poursuivent aussi des buts qui leur sont propres, tels que l’immortalité, l’omniprésence dans des royaumes inférieurs, la création de nouveaux Royaumes de l’Horizon et le tutorat de la prochaine génération de Vénérables Maîtres. Les simples agents ne parlent jamais directement avec les membres du saint des saints Éclairé ; les Vénérables Maîtres préfèrent nommer ou créer des factotums et des représentants chargés de s’occuper de ces considérations bassement matérielles. Ces entités (des intelligences artificielles, des personnalités holographiques, des groupes d’hommes de l’ombre ou des agents aux aptitudes inhumaines) parlent et agissent en leur nom. Pour le Technocrate lambda, ce sont des légendes : on en parle souvent, on les voit rarement et on les craint presque inévitablement. (Évidemment la continuité de l’influence des Vénérables Maîtres n’existe que dans un monde où l’Anomalie dimensionnelle n’a jamais eu lieu. Dans l’intrigue générale du Jugement dernier, ces augustes Technocrates ont apparemment perdu tout contact avec la Terre, et l’Union s’est réorganisée sans eux au cours des premières années du nouveau millénaire. Les Vieux Maîtres envoient peut-être de temps en temps des messages, ou expriment d’une manière ou d’une autre leur volonté sur Terre. Mais la Ligne de Front est plus ou moins la seule ligne dans un univers post-Anomalie. Les chefs actuels de la Technocratie sont sans doute un peu déconnectés de la réalité de la Ligne de Front ; les nouveaux responsables sont eux beaucoup plus conscients des réalités terrestres que leurs prédécesseurs, qui vivaient loin de ce monde depuis des décennies, voire des siècles.)
Contrôle
Le représentant le plus légendaire de la Technocratie est une entité flexible appelée Contrôle : un être dont l’identité et la puissance peuvent instantanément être vérifiées par un Illuminé suffisamment
aguerri pour le voir tel qu’il est. Contrôle intervient rarement. Il ne se limite pas à une seule apparence, même s’il se manifeste en général sous la forme d’un homme vêtu de blanc. Il apparaît parfois dans plusieurs corps à la fois plutôt que dans un seul et il se réfère presque toujours à lui en utilisant le nous collectif, au lieu du je individuel. Contrôle n’a nul besoin de combattre, d’ordonner ou d’interagir avec des rivaux ; il a des agents pour accomplir ce genre de tâches. Et même s’il semble avoir une forme physique, il serait d’après les rumeurs la projection distante d’une conscience lointaine. À de nombreux niveaux, Contrôle est pour les Technocrates ce qui se rapproche le plus d’un dieu : une manifestation collective et active de la volonté des Vénérables Maîtres. Même s’il s’agit clairement d’un produit de la technologie (une autre option serait trop ridicule pour être envisagée), la science qui lui permet d’exister transcende tout ce qui est actuellement connu, même par les Agents les plus expérimentés. Quelle est en réalité la nature de Contrôle ? Cette entité est-elle une manifestation du concept de domination technocratique ? Un hologramme hyperpuissant ? Une entité psychique forgée par les volontés Illuminées du Cénacle ? Peut-être est-il le Maître Oracle technocratique, la personnification de l’Œil omniscient et la sagesse ultime de la cause de l’Union. Certaines rumeurs prétendent même qu’il est le fantôme de tous les Vénérables Maîtres décédés, liés par leur philosophie en une entité unique… mais cette idée est évidemment absurde. Contrôle est Contrôle, tout simplement. Une analyse plus approfondie est réservée aux plus hauts échelons de la Technocratie. Pour la plupart des agents de l’Union, l’existence de ces rangs est purement théorique. Il est déjà assez difficile de survivre au jour le jour et d’exécuter les ordres de son coordinateur direct sans en plus se prendre la tête avec l’œil tout en haut de la pyramide. Rencontrer un maître ou Contrôle est extrêmement rare quand on n’est pas un Superviseur. Rencontrer un membre du Cénacle est presque impossible. Le Schisme empêche la majorité des Technocrates terrestres d’interagir avec leurs homologues dans l’Horizon, sauf en cas d’absolue nécessité, et il empêche aussi la prétendue Union de s’unir réellement comme elle l’aurait fait dans un autre cas de figure. Si ces rumeurs sur la corruption nephandique se révèlent exactes, ces Vénérables Maîtres distants et secrets pourraient bien être la clé de la cage qui emprisonne les plus belles promesses de la Technocratie. À moins qu’ils ne gardent quelque chose de pire encore sous contrôle… pour le moment. (Les Convention Books de la troisième édition déclarent que Contrôle a été coupé de la Technocratie terrestre. Le conteur décide seul de la véracité de cette assertion dans sa chronique. Bien sûr, si Contrôle apparaît malgré tout, il peut être un peu n’importe quoi : une manifestation du véritable Contrôle, un imposteur, un Envoi [voir l’annexe I, page 644], un agent de la Menace Zéro [voir ci-dessus], un stratagème des Nephandi ou une action de n’importe quel autre agent de l’ordre ou du chaos, en fonction des besoins du conteur.) Contrairement aux esprits libres des Traditions, la Technocratie s’appuie largement sur cette chaîne de commandement prédéfinie. La précision et la fiabilité sont essentielles pour la survie et la prospérité de l’Union. Même dans l’atmosphère plus individualiste du XXIe siècle, c’est une société collective dont l’existence exige obéissance et coopération. Certains degrés d’excentricité et d’initiative personnelle ont certes été intégrés au système (voir le paragraphe Les Six Degrés ci-dessous), mais elle ne peut tolérer l’imprudence, la négligence et l’insubordination constantes. Les pièces défectueuses dans le système doivent être corrigées (via le Traitement) ou remplacées. À tous les égards, et quand cela importe, l’Union prime sur l’individu. Le futur de l’humanité ne mérite pas moins.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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Les agents non-conventionnels
(Pour plus de détails, reportez-vous à l’historique Amélioration du Chapitre Six, à la section Agents extraordinaires et créations de la Technocratie de l’annexe I et à la section Le coffre à jouet de l’annexe II.) Beaucoup de Déviants de la Réalité et de critiques de la Technocratie l’ont déjà fait remarquer : l’Union emploie du personnel non-humain. Les effectifs de ces agents non-conventionnels ont sans doute été largement exagérés par leurs détracteurs (du moins selon le Cénacle…), mais qui a vu le vrai visage de l’Union sait qu’il est parfois quelque peu mécanique. Malgré une hystérie xénophobe, tous les Technocrates loyaux reconnaissent que l’utilisation de cyborgs, de clones et d’organismes biomodifiés est tout simplement une bonne politique. Quoi qu’on en dise, l’organisme humain reste soumis à toutes sortes de pannes embarrassantes et fatales. La technologie améliore la nature et le personnel de la Technocratie ne fait pas exception à cette règle. Certes, les différends entre agents améliorés et agents « naturels » sont parfois violents et cause de conflits ouverts ou de discrets sabotages. De tels comportements ne sont pas dans l’intérêt de l’Union ; la hiérarchie a donc tendance à avoir la main très lourde lorsqu’elle intervient dans ces rivalités. Si les membres masculins et européens de l’Ordre de la Raison ont pu apprendre à s’accommoder de la présence de femmes visionnaires et d’autres cultures, il n’y a aucune raison pour que les agents naturels autoproclamés et les soi-disant assemblages ne puissent pas paisiblement cohabiter. Techniquement, la discrimination dans les rangs est un non-problème : elle ne peut pas exister, donc elle n’existe pas. Toutefois, les divisions entre Adamites et homo superior restent une douloureuse épine dans l’armure technocratique - elle ne l’empêche peut-être pas de fonctionner, mais c’est une source permanente d’irritation et de limitation du plein potentiel de l’Union. Les parties les plus évidentes de ce conflit sont…
Les Adamites
Aux yeux de certains homo sapiens, nés d’une femme et sans amélioration artificielle, les différents assemblages et le personnel modifié sont utiles mais, en définitive, inférieurs. Ces Technocrates préfèrent se faire appeler « Adamites », « naturels » ou « humanis primus », et se méfient de leurs congénères non naturels. Comme d’autres sous-groupes au sein de l’Union (voir l’encadré Les dissidents technocratiques), les Adamites ne proclament pas haut et fort leurs objectifs. Ils préfèrent utiliser un code de signaux discrets qui leur permet de se reconnaître entre eux et des formes subtiles de dissuasion et de surenchère afin de garder ces phénomènes de foire à leur place. Les agents non-conventionnels sont rarement harcelés (ce type de comportement est souvent une invitation à sanction ou réprimande, ou à un petit tabassage en règle en pleine nuit par un ou deux cyborgs agacés). Non, les phénomènes en question ont plutôt droit à des missions nulles ou des blagues subtiles, et n’ont plus accès à des services et de l’équipement essentiels dès qu’un Adamite a l’occasion de leur pourrir la vie. Dans le même temps, les naturels ont droit à un traitement de faveur, ont des amis qui partagent les mêmes idées et prennent du galon plus vite et plus facilement qu’un camarade cybernétique. Les Adamites se vantent parfois de leur appartenance en mangeant ostensiblement des pommes ou en plaçant des corbeilles de fruits (toujours avec des pommes) à portée de main. La plupart du temps cependant, ils
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gardent soigneusement pour eux leurs préjugés et semblent parfaitement tolérer la présence des « autres » parmi eux.
Victors, clones et autres biomusclors
À l’autre bout du spectre de la biomasse technocratique, les organismes avancés ont tendance à se voir à l’un ou l’autre des extrêmes : comme des jouets monstrueux concoctés dans le chaudron maléfique d’un laboratoire des Progéniteurs, ou bien comme des homo superior (et ils prennent un plaisir non dissimulé de le rappeler très souvent à leurs camarades humains imparfaits). Grâce à la Convention des Progéniteurs, la Technocratie aligne un effectif biologiquement amélioré conséquent. La plupart de ces personnes ont l’air plus ou moins humaines, même si elles ont tendance à afficher un niveau inhumain de perfection physique. Étant donné le glamour retouché de la publicité moderne (n’évoquons même pas les miracles de la chirurgie esthétique), cette perfection n’est plus aussi évidente qu’avant. De nos jours, un Victor homo superior semble tout droit sorti d’une couverture de magazine, sans plus… probablement d’un magazine de culturisme, mais sans pour autant dépasser les limites de l’acceptable. Il n’y a pas si longtemps, il était facile de distinguer un assemblage des Progéniteurs d’un agent non amélioré. À présent, sauf incident de procédure, l’inGènierie et les biomods sautent bien moins aux yeux. D’accord, les clones, les Victors et les biomusclors sont souvent beaucoup plus costauds que les gens normaux, et aussi un petit peu plus instables. Les perfectionnements évidents apportés à la machine humaine sont pourtant trop précieux pour être abandonnés ; les divers agents bioaméliorés gardent donc une place privilégiée au sein de l’Union. Les assemblages organiques les plus voyants font partie des tristement célèbres agences de Costumes noirs. S’ils restent d’un rang inférieur à celui des Agents pleinement Éclairés, le NOM augmente significativement la puissance de son personnel de terrain en alignant quelques clones uniques, dotés de la formation et des aptitudes d’un Costume noir classique. Les rumeurs prétendent qu’ils auraient été créés à partir d’une poignée d’agents exceptionnels, et ils font montre de facultés paranormales entièrement tournées vers l’ordre et le contrôle. Et même s’ils sont parfois un peu trop enthousiastes dans l’accomplissement de leur devoir, certains excès sont compréhensibles au vu des tâches périlleuses, et non moins nécessaires, dont ils sont chargés. En général, les bioassemblages et les employés biomodifiés cachent leur nature d’agents améliorés avec plus de soin. Quelques-uns manifestent de regrettables défauts génétiques ou organiques, mais tel est le prix du progrès. La plupart de ces malheureuses victimes de l’imperfection biologique restent enfermées dans des Canevas et des laboratoires isolés, cantonnées à des tâches en interne jusqu’à ce qu’on doive déployer leurs compétences spéciales sur le terrain. La propagande a beau affirmer le contraire, le mythique chihuahua avec ses ailes de chauve-souris n’est pas la norme. Les jeunes Progéniteurs font bien quelques blagues, mais la majorité du personnel bioassemblé et biomodifié est parfaitement conçue, à défaut d’être entièrement naturelle.
Les exos et les peaux d’acier
Les améliorations cybernétiques sont des outils courants dans les rangs de la Technocratie. Beaucoup sont soigneusement dissimulées et ne se voient que lorsqu’elles sont utilisées. D’autres sont plus… remarquables. Les termes peu flatteurs d’exos et de peaux d’acier sont employés pour désigner les agents améliorés grâce à la cybernétique
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dont les modifications suscitent le trouble, voire la jalousie, parmi leurs camarades technocrates. Les cyborgs du XXIe siècle sont souvent beaucoup moins voyants que leurs prédécesseurs. Le modèle classique C.H.A.S.S.E.U.R. semble tout à fait dépassé, malgré un facteur d’intimidation non négligeable. La nanotechnologie remplace aujourd’hui l’acier encombrant, surtout sur les dernières générations de cyborgs et de C.H.A.S.S.E.U.R. Cependant, les implants cybernétiques bien visibles sont toujours cool, même s’ils sont rétro, et il est parfois nécessaire d’envoyer un gars à moitié métallique traverse des murs de briques. Pour les gars (et les dames) en question, ce rôle est quelquefois une expérience très mitigée. De tout le personnel de l’Union, les cyborgs sont l’archétype de la puissance technocratique (dépassant d’une courte tête les Hommes en Noir). Fantoches non-Éclairés ou Agents Éclairés, ils incarnent la fusion de la chair, de l’esprit et de la machine. L’Itération X est la Convention la plus (tristement) célèbre pour son personnel cybernétique ; ses membres sont pour la plupart plus ou moins modifiés, ne serait-ce qu’en raison de l’idéal de transcendance des limitations de la chair qu’elle soutient. Mais toutes les Conventions ont des agents cybernétiques dans leurs rangs. Ils sont pour la plupart simplement moins voyants ou extrêmes que ceux de l’Itération X. Les Progéniteurs, l’Itération X et les Ingénieurs du Vide emploient également des animaux et des clones améliorés grâce à la cybernétique, en général pour des actions de terrain très dures, et très loin de l’attention des Masses. Ce sont des créatures tout ce qu’il a de plus vulgaire aux yeux du Consensus, mais à situation désespérée, mesures désespérées. Les bêtes cybernétiques (comme le bien connu tigre à dents de cyber) sont envoyées sur les zones de conflit extra-dimensionnelles, où l’Effet de Paradoxe a très peu d’influence et où la nature étrange du terrain et de ses habitants nécessite des agents aussi résistants et efficaces qu’eux.
Les robots
La technologie robotique autonome n’est pas aussi courante dans la Technocratie que les films de science-fiction voudraient nous le faire croie. Cependant, il y a de nombreux agents et assistants robotiques, et même androïdes, dans ses rangs. La plupart sont des modèles de combat, des appareils d’exploration ou des unités d’assistance en laboratoire, dotés de facultés intellectuelles limitées qui leur permettent d’effectuer des tâches subalternes sans être un fardeau pour leurs compagnons organiques. La majorité d’entre eux reste confinée aux Canevas et aux installations extra-dimensionnelles. Même dans un monde qui a grandi avec Star Wars, la complexité d’un robot est limitée par le Consensus. S’il devenait trop complexe, des pannes chroniques entraveraient rapidement son efficacité. Cela dit, les robots simples (drones, unités de laboratoire, véhicules intelligents etc.) fonctionnent parfaitement bien parmi les Masses. Le succès des drones de traque et d’élimination déployés par l’armée et la police les a totalement intégrés à la réalité du Consensus. Pour des raisons évidentes, les Masses contemplent ce type de technologie avec une admiration mêlée de crainte ; elle est impressionnante autant qu’inquiétante. Il existe une grosse différence entre regarder un film d’action de science-fiction et se retrouver face à l’une de ces machines. S’ils sont beaucoup plus évolués qu’il n’y paraît, ces agents robotiques se font passer pour des machines stupides aux yeux des Masses, agissant davantage comme de gentils toutous mécaniques que comme de sérieux rivaux de l’humanité. Après tout, quand un ennemi vous sous-estime, il vous laisse le choix des armes.
Peu importe leurs rivalités ; chaque agent de la Technocratie est censé faire équipe avec les autres. Officiellement, l’Union n’accepte ni intolérance, ni favoritisme toutefois, les gens étant ce qu’ils sont (et ce même s’ils n’ont pas trop l’air ordinaire), certains préjugés ont la dent dure. Il n’en demeure pas moins, en particulier au XXIe siècle où l’on recrute des agents de toutes les origines ethniques et de toutes les identités sexuelles, que le principe central de mutualité est vital à la survie de ce groupe.
Mutualité et indépendance Ce principe est si essentiel au sein des opérations de la Technocratie que les vocables mutuel et indépendant ont une très forte connotation pour son personnel. Tiré du latin signifiant « partager » (et apparenté au mot muter, qui signifie « changer »), la mutualité suggère un investissement et un échange entre différentes parties. Tu me donnes quelque chose, je te donne autre chose et nous partageons ; si je te donne quelque chose et que tu me prends quelque chose, tu es indépendant. La justice de l’Union, officielle ou non, se base sur le principe qu’elle donne beaucoup à ses agents et attend beaucoup d’eux en retour. L’égoïsme, la déloyauté, la rébellion sont des comportements indépendants. Puisque les cadeaux offerts par la Technocratie sont tellement magnifiques et qu’elle dépend tellement de leur loyauté, le jugement est prompt et la punition sévère quand un agent ou une équipe agit de manière indépendante. Quand il part d’une bonne intention, un échec est acceptable. Cracher délibérément au visage de l’Union ne l’est pas.
Les Six Degrés
Tous les Technocrates le savent, ce depuis le début de leur endoctrinement : l’Union utilise une échelle de six degrés de loyauté acceptable. D’un côté, l’agent est d’une loyauté irréprochable ; de l’autre, il est sur la liste des annulations. Les sanctions le font descendre sur cette échelle, des services loyaux et efficaces le font remonter. • Degré 1 – Loyauté absolue : l’agent est considéré comme un parangon de l’honneur technocratique, on lui témoigne beaucoup de respect et il reçoit un niveau de liberté enviable. Tant que l’agent n’en abuse pas, il a toute la confiance de l’Union. • Degré 2 – Loyauté assurée : l’agent remplit admirablement bien ses fonctions et ses supérieurs n’ont aucune raison valable de douter de son dévouement à la cause. Il est bien sûr surveillé et évalué, mais tant qu’il n’a aucun comportement discutable, il jouit d’une relative indépendance dans les limites imposées par la Technocratie. • Degré 3 – Loyauté supposée : l’agent n’a encore donné aucune raison à ses supérieurs de mettre en doute sa loyauté. Bien sûr, il est surveillé et évalué, mais à ce niveau de confiance par défaut, on suppose qu’il est fiable jusqu’à preuve du contraire. • Degré 4 – Loyauté discutable : l’agent a montré un comportement, des opinions et/ou des activités qui ont éveillé chez ses supérieurs des doutes quant à son engagement. Il sera plus étroitement surveillé et soumis à des restrictions plus sévères tant que son comportement ne s’améliorera pas.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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• Degré 5 – Loyauté douteuse : un mauvais jugement et un comportement discutable ont mis l’agent sur « liste rouge ». Il est surveillé de très près et on lui a signifié qu’il est sur une pente très glissante. Le Conditionnement social peut être envisagé, et les libertés que l’agent avait ont été réduites. • Degré 6 – Déloyauté : l’agent est considéré comme un échec. En résumé, s’il dérape encore une fois, il ira faire un petit séjour dans la Chambre 101, se retrouvera sur une étagère dans la réserve de pièces détachées, sera envoyé en mission suicide ou tout simplement au fond d’un trou. • Degré 7 : il n’y a pas de Degré 7. C’est un euphémisme pour annulation.
Les manquements au règlement
Malgré sa réputation impitoyable, la Technocratie ne transforme pas ses agents en pâtée pour chien à la première infraction supposée, ne serait-ce que parce qu’une telle mesure est un énorme gaspillage de formation, d’investissement et de potentiel. Malgré tout, les règles sont faites pour être respectées et lorsqu’on les enfreint (ce qui finit inévitablement par arriver), les sanctions tombent et leur sévérité va crescendo. Pour des infractions mineures, on applique les mesures suivantes : une Réprimande (un savon de son supérieur), un Rapport (une plainte officielle contre l’agent), une Restriction (la perte d’un certain nombre de libertés et de privilèges) et une Surveillance (l’observation des activités de cet agent). Les infractions sérieuses ou les séries de petites infractions sont sanctionnées par une Surveillance plus diligente, une Confiscation (la suppression de matériel, d’avantages ou de plus encore), une Rétrogradation (une perte de rang et de statut), une Modification sociétale (un changement dans la vie personnelle de l’agent, décidée par ses superviseurs), une Réaffectation (un transfert), une Réaffectation extra-dimensionnelle (un transfert à un nouveau poste extra-dimensionnel très risqué), une Reprogrammation/un Conditionnement social (un lavage de cerveau intensif, reportez-vous
La Chambre 101 Ce nom générique est employé pour le quartier le plus redouté de tout bastion technocratique. La Chambre 101 (alias la Chambre blanche, la Chambre noire ou, plus sinistrement, la Chambre rouge) est une pièce sécurisée qu’on utilise pour les interrogatoires, les Procédures de Conditionnement social, voire la torture pure et simple. Complètement insonorisée et protégée contre la plupart des formes de magye et de transmission, une Chambre 101 est équipée de très solides entraves, d’appareils de surveillance et d’enregistrement, et de quelques agents spécialement formés très efficaces. Ces derniers savent comment obtenir les résultats escomptés, ils peuvent briser presque n’importe qui par un savant mélange de souffrance physique, de manipulation psychologique, de Procédures Éclairées et de sévices corporels atroces. Pour plus de détails sur les procédures de Conditionnement social et Reprogrammation, reportez-vous à la section idoine dans le Chapitre Dix (pages 607-609).
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Les récompenses du service Si vous jetez un œil à la section Historiques du Chapitre Six, vous aurez une petite idée des récompenses accordée par la Technocratie pour un service exemplaire. Certains historiques ne sont disponibles que pour les membres ayant une bonne réputation et confèrent des avantages tels que l’assistance extérieure et la réquisition de matériel. Certaines capacités font elles aussi partie des programmes de formation technocratiques et l’Union dispose également de toute une panoplie de jouets vraiment très sympas. Pour les agents dévoués, être membre de cette organisation confère tout un tas d’avantages potentiels. Mais n’oubliez pas : ce qui peut être donné peut être repris si le récipiendaire semble ingrat…
Le DVSA : le flux de données Officiellement appelé Données Visuelles & Spectre d’Analyse (DVSA ; prononcer Dèv-SA), le « flux de données » partage des informations vitales avec les agents de terrain de la Technocratie. Grâce à lui, un agent disposant du matériel ou des implants cybernétiques appropriés peut avoir accès à des renseignements sur ses compagnons ou son environnement. Un flux de données pertinentes (ciblage, positionnement, statistiques vitales des personnes, des substances ou des créatures etc.) défile sur commande en limite de vision périphérique, le plus souvent au bord de ses lunettes ou de son écran de visionnage. Une commande subvocale (ou une impulsion mentale pour les implants cybernétiques) peut envoyer une demande d’informations sur un sujet précis ; sinon, le DVSA scanne ce qui se trouve dans le champ de vision de l’agent. Ce flux de données peut distraire ou fournir des informations compromettantes, l’agent l’allume ou l’éteint en clignant des paupières d’une manière précise ou, pour un implant cybernétique, en l’écartant mentalement. Les renseignements fournis par le flux de données proviennent de la technologie de surveillance de la Technocratie. Si les bases de données de l’Union n’ont aucune information sur un sujet donné, alors le DVSA ne peut pas en fournir. Mais au XXIe siècle, beaucoup d’habitants des zones industrialisées ont entré leurs statistiques vitales (taille, poids, date de naissance etc.) dans des bases de données rapidement accessibles… et par extension, à portée de la Technocratie. Les données du DVSA sont affichées en unités métriques pour une efficacité maximale. On peut voir cet appareil en action dans le Prélude de cet ouvrage, lorsque John Courage scanne Lee Ann Milner. Bien entendu, le DVSA enregistre les informations scannées, l’agent qui les scanne et les sujets situés dans son champ de vision au cours de ce scannage. Un agent qui veut garder ses secrets doit donc être très prudent sur le lieu, le moment et la fréquence de son utilisation du flux de données. Pour le fonctionnement en jeu du DVSA, reportez-vous à la section Le coffre à jouet de l’annexe II.
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au Prélude de cet ouvrage pour en connaître les effets résiduels), une Duplication (le remplacement de cet agent par un clone fonctionnel), et enfin le Degré Absolu (c’est-à-dire l’Annulation). Encore une fois, les punitions sévères ne sont pas appliquées à la légère. Chaque Superviseur est responsable de la conduite et du statut des agents sous sa responsabilité ; s’il sanctionne trop souvent, ou au contraire s’il n’est pas assez strict, il aura certainement de gros problèmes.
Risques et récompenses
La désobéissance est punie, la loyauté récompensée. Chaque agent a du potentiel et s’il parvient à tirer son épingle du jeu, son avenir est assuré. La Technocratie n’est pas qu’une simple entreprise qui donne un salaire et une mutuelle à ses employés. C’est la société secrète qui possède cette entreprise et tous ses concurrents, ainsi que le maître qui les met en concurrence. L’élite de l’humanité peut à jamais changer votre vie. Vous voulez de l’argent ? Vous n’aurez plus jamais à y penser, votre compte bancaire sera impeccable. Du sexe ? Si la morale ne vous étouffe pas, les Progéniteurs peuvent vous cloner le partenaire idéal qui réalisera le moindre de vos désirs. Du pouvoir ? Vous devrez vous battre pour le garder, mais vous serez tout de même au-dessus de 99 % du reste de l’humanité. De la cybernétique ? Des biomods ? Des gadgets à faire pâlir James Bond de jalousie ? Des flingues énormes ? Une armée privée ? La Technocratie possède tout cela. Dans l’Union, la loyauté se paie rubis sur l’ongle et les Technocrates les plus estimés sont les joyaux sur la couronne du monde Éveillé. Néanmoins… si la carotte ne suffit pas, il reste toujours le bâton. Peu importe que vous pensiez vous être planté en beauté ; si vous vous plantez au service de la Technocratie, les conséquences de cet échec dépasseront largement votre pire cauchemar. Être un citoyen de l’Union n’est pas un simple boulot. On ne vous reconduira pas jusqu’à votre voiture, vous ne partirez pas avec le fameux petit carton et vos affaires personnelles. Si vos Superviseurs décident de résilier votre contrat, vous ne sortirez jamais du bâtiment. Vous pouvez fuir, mais ils vous retrouveront. Et quand ils vous auront remis la main dessus, ils vous attacheront sur une table d’examen et ils vous tritureront le cerveau jusqu’à ce que vous n’ayez plus le choix. Ils peuvent vous cloner et fabriquer un petit agent conditionné bien obéissant… qui ne sera pas tout à fait vous, mais qui sera encore vivant, lui. Et même si vous vous échappez, les Traditions n’ont aucune raison de faire confiance à un renégat en fuite. Alors si vous avez deux sous de jugeote, vous réaliserez tous vos rêves et peut-être, garderez-vous aussi votre libre arbitre. En revanche, si vous jouez les fortes têtes, ce sera une autre histoire ; elle racontera comment un idéaliste s’est retrouvé traqué par la plus vaste société secrète du monde. Ironie du sort, vous vous retrouverez de l’autre côté du miroir, et c’est une existence à laquelle les plus grands ennemis de la Technocratie ont du mal à survivre.
Illumination et Investissement : le collectif et l’individu
Chaque individu au sein de l’Union doit choisir entre conformité ou rébellion. Une crise de loyauté peut survenir au cours d’une seule mission, le dévouement du Technocrate peut être éprouvé au fil d’une longue croisade pour la réalité. Un Agent doit servir les besoins de son collectif, mais il doit également suivre son propre chemin vers l’Investissement, ou Ascension pour les DR. Aux yeux des agents vraiment loyaux, ces deux buts ne font qu’un. N’importe lequel des Préceptes de Damian peut permettre l’Investissement, même s’il s’agit d’un idéal impossible à atteindre en une seule vie. Pour les
esprits brillants, le Génie Éclairé est une extension de l’identité et de l’individualité, il offre de nouvelles frontières, de nouveaux risques et de nouvelles récompenses. Les agents Éclairés de la Technocratie n’utiliseront, ni n’accepteront jamais ce terme, mais ce sont des mages. Poussés par les mêmes désirs et la même conscience que leurs rivaux, ils ont une perception des enjeux qui dépasse celle des Masses. Leurs actions modifient la réalité, certes conformément à un plan plus vaste, mais avec le sentiment d’un Dynamisme cosmique que le commun des mortels n’a tout simplement pas. Leur Union emploie une terminologie différente et insiste sur une division ferme entre magie et raison, pourtant les Traditions et leurs ennemis de toujours ont encore bien de choses en commun. Les agents technocratiques méditent entre les missions. Qu’importe le nombre de séances d’endoctrinement ou d’examens officiels qu’on peut bien lui faire subir ; chaque Agent doit suivre seul la Voie vers l’Investissement, de l’innocence à l’omniscience. Les mystiques apprennent la magye dès leur Éveil sous la férule d’un Avatar. Un Agent suit une Voie similaire et s’éveille aux possibilités de la Science Éclairée dès son Épiphanie, guidé par son Génie. Les concepts d’Épiphanie et de Génie sont essentiels pour un agent qui veut conserver son individualité. (Et en termes de jeu, les ellipses entre les missions sont de bonnes opportunités d’explorer ces questions d’individualité.)
L’Épiphanie
À l’instar des autres mages, un Technocrate Éclairé prend pour la première fois conscience de son pouvoir lors d’une Épiphanie, à travers le prisme de la science et de la raison. C’est un éclair de Génie, une révélation brillante dans laquelle l’impossible devient soudain possible. Des agents sont témoins de certaines Épiphanies, avant le recrutement d’un Technocrate précis ; d’autres restent des événements honteux sur lesquels l’agent ne s’étend pas, et qu’il dissimule à ses supérieurs. Les Épiphanies incluent notamment : • Une découverte scientifique capitale dans un laboratoire ou un autre environnement contrôlé, au cours de laquelle la personne Éclairée accomplit un exploit qu’elle n’avait jamais réussi auparavant. • Un rêve saisissant ou la vision d’un avenir dans lequel des choses technologiquement improbables deviennent possibles et dont les résultats conduisent à l’Utopie ou la Dystopie. • La découverte d’un phénomène que le scientifique Éclairé considérait jusqu’alors comme strictement théorique. • Le futur Ingénieur du Vide traverse une frontière entre deux mondes ou rencontre quelque chose en provenance d’une autre dimension. • Un futur Progéniteur donne vie à quelque chose qui ne pourrait normalement pas se développer, guérit une blessure irréversible ou une maladie incurable, modifie son corps d’une manière qui défie la biologie conventionnelle.
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• Un membre potentiel de l’Itération X crée un avatar mécanique ou virtuel doté d’une intelligence artificielle mesurable. • Un futur citoyen du Nouvel Ordre Mondial accomplit un exploit intellectuel impossible, a une soudaine révélation ou expérimente un pic d’activité psychique. • Une recrue prometteuse pour le Syndicat manipule, contraint, remodèle, exploite ou domine l’intelligence ou le jugement d’un autre être humain, ce qui entraîne un avantage inattendu. • Un enquêteur est pour la première fois directement confronté à une entité paranormale, et utilise son intelligence et son ingéniosité pour la vaincre.
Le Génie
Les mages ont des Avatars et les Technocrates suivent les conseils de leur Génie. Contrairement aux connotations divines et magiques inhérentes au mot « avatar », le mot génie (dont la racine signifie « né » et « origine ») donne une impression de rationalité, d’intellect, de talent et d’accomplissement. (Il signifiait aussi autrefois « esprit gardien » et est lié aux génies, mais personne dans la Technocratie n’y fait allusion…) En bref, le Génie est le meilleur aspect d’un Technocrate Éclairé, l’excellence essentielle qui fait de lui ce qu’il est. Même s’ils considèrent que la conformité est une donnée cruciale pour la survie, l’apparence du Génie varie d’un agent à l’autre. Quand il adopte une manifestation mystique étrange, on se contente de ne rien dire. Le Génie étant, tout comme l’Avatar, un sujet intime et personnel, il est donc facile de mentir sur son apparence ou sa personnalité. La plupart des Génies technocratiques apparaissent toutefois sous la forme d’incarnations de la technologie, de la science, de la rationalité ou de la protection… et quand ce n’est pas le cas, le Technocrate en question perçoit malgré tout ainsi le sien. Oui, un Homme en Noir peut voir son Génie sous la forme d’un dragon ; pour lui, ce dragon est un symbole de puissance et de majesté, peut-être le gardien d’un trésor (le monde), mais pas une force mythique du chaos. Les Génies technocratiques incluent en général : • Un associé virtuel qui ne communique que par le biais de SMS, de coups de fil, d’e-mails ou d’avatars en ligne. • Un mentor imaginaire qui visite le Technocrate quand il rêve ou rêvasse, et qui peut être un personnage historique, un idéal platonicien ou un reflet (ou une image idéalisée) du Technocrate lui-même. • Un gardien qui attend au seuil d’une autre dimension, que l’on ne peut atteindre que par la Science dimensionnelle. • Un agent mystérieux et anonyme qui rend visite au Technocrate quand il est seul. • Une icône religieuse (un ange, un prophète, un avatar ou un saint patron) qui apparaît à l’agent dans des rêves et des visions, et ce même s’il ne pratique pas ouvertement sa religion.
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Dans la plupart des cas, le Génie se matérialise dans les moments de solitude, de méditation ou d’introspection. Les Superviseurs peu scrupuleux peuvent tenter d’infiltrer ou de construire des représentations artificielles de ces instants particuliers, mais ces mesures intrusives et trompeuses, au taux de réussite incroyablement bas, ne sont pas approuvées officiellement et sont considérées comme extrêmement indépendantes.
La foi technocratique
Officiellement, la Technocratie ne reconnaît qu’un seul dieu : la science rationnelle. Ce qui ne veut pas dire que tous ses membres sont athées. Pour l’Union, la religion est une affaire privée, sauf si elle devient un élément perturbateur. L’Ordre de la Raison originel était après tout profondément enraciné dans l’inspiration sacrée, et même si la religion a officiellement été éliminée de la Technocratie lors de sa réinvention au XIXe siècle, cet héritage n’a jamais été tout à fait rejeté. Contrairement aux idées reçues, beaucoup de scientifiques sont des hommes de foi, et beaucoup de credo religieux respectent la science. En général, on considère la foi comme la voie que l’on emprunte quand la science ne peut tout à fait répondre aux questions que l’on se pose, et la science comme la clé vers la vie matérielle inspirée par Dieu. Au sein de la Technocratie, la science peut aussi devenir une foi ; par exemple, la vénération de la Machine par l’Itération X est une vision de Dieu tout aussi frappante que les révélations d’un prophète du désert. Alors oui, certains Technocrates sont des fidèles, souvent d’une croyance établie, parfois d’une religion technocratique élevant la science au rang d’idéal métaphysique. Et si un comportement ouvertement religieux attire l’œil soupçonneux des superviseurs (et l’extrémisme religieux une visite des agents de Contrôle), on permet à chacun un certain degré de spiritualité… tant que celle-ci n’entre pas en conflit avec les idéaux et les devoirs de la Technocratie.
Unis et seuls
Le monde est un endroit dangereux et, comme un agent l’apprendra vite, l’union fait la force. Les agents Éclairés méditent seuls, mais ils apprennent à survivre ensemble. Ils travaillent avec des équipes, reçoivent des instructions de leurs Conventions respectives, accomplissent des missions pour leurs superviseurs et reçoivent des informations d’un environnement étroitement surveillé. Le monde offre des possibilités infinies, mais il présente également des périls qui le sont tout autant. C’était autrefois un endroit plus vaste, où la distance coupait des communautés de toute forme de civilisation. Avant l’ère des téléphones portables, des satellites, des voyages en avion et d’Internet, une minuscule communauté à l’autre bout de la planète pouvait demeurer complètement isolée des civilisations les plus avancées du monde. La frontière entre le possible et l’impossible était définie par le consensus de la population locale. Si le village croyait qu’un chaman pouvait guérir les malades ou parler aux morts, alors la frontière entre le possible et l’impossible se déplaçait pour s’adapter à cette croyance. Il en résultait un immense patchwork au sein duquel des milliers de variations de différents paradigmes coexistaient – un monde où tout était possible, surtout si les témoins Dormeurs autour de vous croyaient que cela l’était. En d’autres termes, le chaos. Les endoctrineurs de la Tour d’Ivoire voudraient nous faire croire qu’il s’agissait d’un dangereux anachronisme. S’il accepte toutes les vérités, c’est en fin de compte un monde où il n’y a aucune vérité. Si tout est permis et rien n’est interdit, la justice est impossible.
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Destins futurs : une mise à jour de la Technocratie ? Les entreprises modernes changent avec leur époque. Il est logique que la Technocratie fasse de même. Les rumeurs racontent que l’Union se prépare à une réorganisation monumentale, une mise à jour du nouveau millénaire qui supprimera nombre d’anciens bugs (et probablement beaucoup de personnel) afin de répondre aux besoins du meilleur des mondes. Tout comme le Conseil du Nouvel Horizon, cette Technocratie réorganisée est un événement facultatif. Vous pouvez l’utiliser, l’ignorer ou le modifier afin de l’adapter à votre chronique. Si vous faites jouer au sein de la Technocratie, l’annonce et l’application de la réorganisation pourraient offrir une variation radicale par rapport au classique « Chassez-moi donc ces DR »… surtout si vos joueurs se retrouvent sur la liste des agents à éliminer. Il y a fort à parier que la réorganisation qui arrive est un petit cadeau du Cénacle nephandique. Après tout, quel meilleur moyen d’expulser les idéalistes entêtés que de remanier toute l’organisation, et de débusquer qui et où sont ces mécontents ? Ce type de restructuration entraîne toujours des pertes, si on renverse au passage un peu d’encre rouge sur les petits gars du Projet Invictus, des Amis de Courage et des Hérauts d’Avalon… eh bien, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. En 2015, la réorganisation n’est encore qu’une rumeur qui court parmi la base. La future configuration de cette Technocratie du XXIe siècle reste à découvrir… si tant est bien sûr que les idéalistes soient encore en vie pour la voir apparaître !
Lorsqu’un mage gagne en puissance, il s’éloigne de la réalité, de la justice et de la vérité des Masses autour de lui. Il ne rend plus de comptes qu’à lui-même, peu importe la sagesse que son mentor lui transmet, et ce jusqu’à ce qu’il dérive trop loin et que la réalité le châtie pour son orgueil. Parmi les mages des Traditions, les plus puissants agents de la Volonté éprouvent les limites de l’impossible. Il y a cependant un point d’achoppement. Les Masses, la population ordinaire des Dormeurs non-Éveillés, ont leur propre vision de la manière dont le monde devrait fonctionner. Le Consensus crée cette vision, et les croyances des Dormeurs créent en retour le Consensus. Bien que les Masses s’accrochent encore à leurs extrémismes religieux et à leurs superstitions culturelles regrettables, un nombre grandissant de gens partage un monde prévisible et ordonné, dans lequel deux plus deux feront toujours quatre, où la gravité est absolue et la magie n’est rien de plus qu’une panoplie de tours de passe-passe et d’illusions d’un prestidigitateur. Selon le Principe Anthropique Éclairé, les personnes suffisamment brillantes et volontaires façonnent le monde dans son ensemble. Leur Illumination canalise de grandes forces de probabilité et de stabilité. Ainsi, les agents de l’Union Technocratique ont le devoir de l’utiliser pour le bien commun de l’humanité. Ils devront peut-être parfois conduire d’une main ferme ses éléments les plus stupides là où l’herbe est plus verte, mais à l’instar des bergers, les Technocrates dévoués guident le troupeau et tuent les loups chaque fois qu’il le faut. (Certains affirmeraient que ces loups sont les Technocrates ; et dans ce cas, un Technocrate répondrait qu’évidemment il est un loup, un loup alpha protégeant sa meute. Et est-ce qu’une meute pourrait survivre sans meneur et sans férocité occasionnelle ? Non. Fin de la discussion.) Les agents de la Technocratie savent ce que l’immense majorité de l’humanité souhaite : un monde doté d’un seul ensemble immuable de règles. Il n’a fallu aucune société secrète pour le créer, et ce même si des cabales d’idéalistes ont travaillé à renforcer ses frontières. Il peut y avoir des dissidents, mais le monde dans lequel nous vivons existe parce que, selon les Technocrates, il est tel que le veulent les Masses. Sa stabilité dépend d’une croyance bien établie que le surnaturel n’existe pas, que la magie n’est pas réelle. L’heure est à la science,
non à la superstition. Guidés et défendus par la Technocratie, les hommes doivent être les maîtres en leur propre demeure. Cet idéal est celui que la Technocratie défend : pas le monde du futur, mais celui d’aujourd’hui, dans lequel les forces surnaturelles n’ont pas le droit de chasser l’humanité, où la réalité est façonnée par une vision unique et unifiée, où toutes les alternatives à la sécurité et à la stabilité sont éliminées. C’est un monde idéal, une théorie développée par les esprits Éclairés dans des royaumes isolés. La Technocratie mène une croisade pour la Réalité elle-même. Il y aura forcément des pertes. Des individus mourront pour que le collectif puisse vivre. Vous êtes une agent de l’Union et voici la nouvelle vie qui vous attend : l’univers de la Technocratie, le royaume de l’élévation, du progrès et de Contrôle.
Le revers de la médaille
Tout cela a l’air fort civilisé. Et ça l’est. Mais c’est la civilisation des ateliers clandestins et des drones. Passer un village au bulldozer et abattre ses habitants est un prix tout à fait acceptable quand on veut un carburant moins cher et plus de dividendes. Une civilisation dans laquelle les forts et les compétents dirigent les faibles par la distraction, la complaisance, la dette, et la force quand cela est nécessaire. Où la police débarque avec de l’équipement militaire pour disperser, et en cas de besoin détruire, les gens que l’on considère rebelles. Une civilisation dans laquelle l’imagination est une marchandise et la compassion une menace au résultat net. Est-ce que nous parlons de la Technocratie ou de notre monde réel là ? Les deux, mon capitaine. La Technocratie est une médaille, l’idéal civilisé de l’accomplissement et du contrôle. Sur l’avers, la richesse, la maîtrise, le confort et la prospérité nous attirent avec leur promesse de tous ces trucs cools et du luxe d’en profiter. Sur le revers, le sang et le suif, inévitables sous-produits d’une société mécanisée. Alors est-il possible d’avoir l’éclat sans la crasse ? Peut-être. Mais cette réalité, nouvelle et améliorée, pourrait bien demander beaucoup de travail et un petit peu de magie.
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Des cauchemars vivent parmi nous, et l’humanité continue de dormir et de rêver. Le cosmos est vaste et dangereux. Tout comme les anciennes frontières sauvages, les multiples dimensions doivent être domptées, cataloguées et assimilées dans un univers sûr et contrôlé. Au pire, elles seront scellées pour que les monstres de l’autre côté ne perturbent pas le Consensus… car ils ont une fâcheuse tendance à le faire dès qu’ils en ont l’occasion. Ce vide doit être organisé — pas seulement toléré, mais transformé. Et depuis la Renaissance, les Ingénieurs du Vide comprennent ce but et travaillent à tirer du chaos sa substantifique stabilité. Cette Convention maintient une présence prudente (et parfois inefficace) dans l’équilibre précaire entre l’humanité et le Vide. Composée à l’origine de deux groupes distincts, les Maîtres célestes et les Explorateurs (ou Chercheurs du Vide), elle a découvert que la promesse du Paradis n’est qu’un mensonge ; en lieu et place de cet Éden, un Vide uniforme s’étend à l’infini, rempli d’horreurs qui font passer les enfers des peintres hollandais pour une plaisanterie. Alors que les Explorateurs cartographient les mystères du monde humain, les Maîtres célestes entreprennent d’explorer ce Vide. Vers la fin du XVIIIe siècle, les deux groupes fusionnent en une seule et même faction, dont la tâche est de répertorier les choses inconnues et de les empêcher de polluer la Terre. Les Ingénieurs ont peut-être des objectifs impérialistes de conquête et de destruction, mais ils n’ont pas tort sur les menaces qu’ils affrontent. Aucune autre Convention n’a autant d’expérience
directe sur les mondes mystiques, indiciblement irrationnels, et leurs habitants tout aussi ineffables. C’est l’expertise tordue des Ingénieurs qui a permis à la Technocratie d’empêcher les invocations des nazis, de calmer les tempêtes de réalité des Maraudeurs et de faire tomber certaines forteresses des Déviants de la Réalité. C’est à eux qu’elle doit ses Canevas de l’Horizon, ses perturbateurs ectoplasmiques, ses royaumes mécaniques et ses satellites sentinelles, et ce sont ses Gardes-frontières qui s’en mêlent quand même les cyborgs commencent à calculer les risques. Mais le plus important sans doute, c’est qu’ils assurent l’approvisionnement en Quintessence. Les Vagabonds (un vieux surnom, toujours d’actualité) sont probablement l’électron le plus libre de l’atome technocratique, mais ils sont une force sacrément puissante sur le plan politique, ou sur n’importe quel autre plan d’ailleurs. Pour les Ingénieurs du Vide, un objectif passe avant tous les autres : défendre l’humanité contre ce qui se trouve au-delà du Goulet. Pour ce faire, des laboratoires de haute technologie entretiennent des barrières pour empêcher une arrivée intempestive, et des soldats lourdement armés traquent et détruisent ce qui parvient quand même à franchir la ligne. Les incursions extraterrestres, les esprits mystiques, les entités astrales et les apparitions de fantômes constituent tous des menaces à la sécurité de la race humaine, mais les Ingénieurs du Vide ont les outils et le talent nécessaires pour s’opposer à chacune d’entre elles. Et même si la plupart des Technocrates détestent le concéder, des légions d’entités extra-dimensionnelles se
Stéréotypes Les autres Conventions : un ensemble fracturé d’alliés utiles qu’il convient de guider, d’apaiser, de craindre, d’ignorer et, car cela est parfois nécessaire, de détruire. Les Traditions : un ramassis instable de racaille cosmique, dont les plaisanteries douteuses ont mis l’humanité en péril plus que toutes les meutes d’aspirants nephandi réunies. Les Disparates : la dernière garde de primitifs presque tous disparus. C’est triste, vraiment. Ils ont cessé d’avoir une quelconque importance il y a des siècles de cela, et ils agissent pourtant encore comme s’ils tenaient un discours cohérent.
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cachent déjà un peu partout dans le monde humain, retranchées sur les Lignes de Front de la bataille pour la réalité. Les Ingénieurs du Vide se chargent de les poursuivre, et utilisent une formation spécialisée dans la traque des proies exotiques. S’ils veulent faire pencher la balance de leur côté dans l’équilibre entre ordre et chaos, les Ingénieurs du Vide doivent connaître leurs ennemis. Ils mènent des expéditions dans les royaumes extra-dimensionnels et étudient des créatures impossibles dans leur habitat surnaturel. Ils demandent l’assistance de Technocrates d’autres Conventions pour survivre, mais insistent pour ouvrir la marche. Bien sûr, la recherche est un bon terrain d’entente. Mais lorsque le sort du monde est en jeu, une frappe préventive peut faire gagner un peu de temps à l’humanité. Étant donné ces environnements et ces activités étranges, il n’est pas surprenant que les Ingénieurs aient aussi eux-mêmes l’air quelque peu étrange. Des agents reviennent trop souvent de missions extra-dimensionnelles mécontents, le regard vide, et avec un grand besoin de Traitement social. Les Vagabonds possèdent d’ailleurs leur propre service de psychiatrie, l’Institut Descartes pour la santé mentale, où le Conditionnement social terrestre est brisé et remplacé par une mentalité plus appropriée. Malgré une image tenace de hippies de l’espace en roue libre et de soldats stellaires butés, la Convention aligne nombre de membres parmi les plus dévoués et les plus compétents de l’Union. Quel que soit son poste, chaque Ingénieur est un scientifique ; toutes les autres tâches restent secondaires. Organisation : les groupes d’Ingénieurs du Vide adoptent une hiérarchie militaire, surtout après l’Anomalie dimensionnelle. Techniciens, Marines et Cadets sont sur l’échelon le plus bas, puis ils deviennent Gardes (qui patrouillent les frontières), Explorateurs (qui cartographient les nouveaux territoires) ou Chercheurs (qui développent de nouvelles technologies). Les plus gradés prennent le commandement d’unités individuelles. Tout en haut, des Coordinateurs gèrent la logistique et l’administration, et supervisent la Convention dans son ensemble. (Note : dans l’intrigue générale de la Tempête d’Avatars, cette Convention subit des changements radicaux ; pour plus de détails, reportez-vous au Convention Book : Void Engineers.) Initiation : le personnel est recruté parmi les chercheurs de haut niveau, les technophiles intéressés par des applications de la science sortant des sentiers battus, et les scientifiques dépités par des coupes budgétaires. Les Cadets sont conduits hors de la dimension terrestre, dans des installations spécialement conçues pour l’entraînement et la recherche. À partir là, le Cadet devient un initié, qu’il ait ou non atteint l’Illumination — il en a trop vu pour être de nouveau considéré comme une personne ordinaire. Sphères d’affinité : Science dimensionnelle (Esprit), Correspondance ou Forces. Focus : tous les Ingénieurs le savent, seule La Technologie est la réponse à tout dans Un Monde de dieux et de monstres. Sans ordre, Tout est chaos. L’hypertechnologie se mêle donc à la cybernétique, à l’artisanat, au piratage de la réalité cosmique et à un genre formalisé de science étrange. Une physique quantique époustouflante, et les machines créées pour canaliser cette physique, sont au cœur des croyances des Vagabonds. Ils adaptent à cette fin des technologies extraterrestres et des versions édulcorées d’anciens Arts spirituels, intégrés par le biais de théories de réconciliation liant ces idées et ces
énergies à des méthodes scientifiques. Dans les Royaumes au-delà de la Terre et de sa sphère de réalité limitée, les technologies des Ingénieurs du Vide n’ont rien à envier à un film de science-fiction à gros budget. On dégaine des blasters, les armures énergétiques deviennent la norme et on y croise les titanesques vaisseaux de l’Universal (c’est-à-dire les vaisseaux spatiaux) tous les jours.
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S’il devait choisir entre fragilité et perfection, aucun organisme doué de raison ne choisirait ses failles. Les humains sont faibles, mais la technologie nous rend forts. Au fil des générations, les scientifiques ont, grâce à la technologie de pointe, augmenté les capacités humaines, et amélioré les corps et les esprits. Les médias de masse évoquent ces nouvelles inventions afin de renforcer le Consensus ; or, les plus grands innovateurs en la matière perfectionnent leurs créations très loin des caméras. Sous l’égide de la « Convention mécanique », l’élite des Technocrates crée des appareils d’hypertechnologie au sein de laboratoires secrets, puis les déploie sur les Lignes de Front d’une réalité améliorée. Version après version, les visionnaires Éclairés développent des chefs-d’œuvre intégrés afin de transcender la simple humanité, et s’efforcent de relever leur plus grand défi : créer des intelligences artificielles capables de remplacer l’esprit humain faillible. Ces Scientifiques Éclairés recherchent la perfection cybernétique ; à chaque génération, leurs créations progressent. La dernière d’entre elles est l’incarnation actuelle de l’Itération X. Des premiers artisans visionnaires aux mécaniciens post-humains actuels, l’Itération X s’est affûtée au fil des millénaires, et elle commande la plus impressionnante puissance de feu et les forces militaires les plus disciplinées de l’Union. Ses agents militaires sont fiers de ces armes, parties intégrantes de leurs corps, pistolets à énergie ou mitrailleuses cinétiques. Différentes modifications rendent ces agents plus rapides et plus forts que leurs rivaux bien trop humains. Dans le même temps, des clones conditionnés en laboratoire suivent l’entraînement des Kamarades, étoffent les rangs
de la Convention. Ces agents sont fiers de leur efficacité, et chaque individu œuvre pour le bien de tous, rouage d’une mécanique bien plus vaste. Malgré son aspect militariste, cette Convention ne compte pas que des soldats. Elle se spécialise également dans l’innovation, l’hyper-efficacité, la production de masse et les prévisions statistiques. Certains travaux parmi les plus visionnaires du groupe sont virtuels et non physiques ; ils reposent sur des simulations élaborées et des technologies d’intégration du mécanique à l’organique. Des analystes Éclairés simulent des variations infinies d’événements afin de pouvoir prédire les recrudescences de phénomènes anormaux, la déviance surnaturelle et les autres perturbations chaotiques avant même qu’ils ne se produisent. Perfectionnant diverses compétences associées, certains agents sont capables de coordonner un vaste éventail d’opérations grâce à des processus mentaux interconnectés. D’autres ont l’air tout à fait ordinaire, mais ils sont l’incarnation du fameux adage « Il ne faut jamais se fier aux apparences ». Les armes et les agents les plus dangereux de la Convention restent trop avancés pour le Consensus terrestre ; développées dans de lointaines installations (et ailleurs que sur cette planète dès que possible), ces armatures sont expédiées depuis des usines et des laboratoires débordant de sublime hypertechnologie. Le royaume-machine appelé Autocthonie était autrefois un reflet presque mythique de la pure perfection. Mais les Itérateurs du nouveau millénaire semblent moins dogmatiques en matière de perfectionnement cybernétique, peut-être parce qu’Autocthonie a été victime de l’Anomalie dimensionnelle, ou simplement parce que « devenir un cyborg » n’a plus l’air aussi cool qu’autrefois. Toutefois, certains Itérateurs croient
Stéréotypes Les autres Conventions : ils n’ont pas notre passion de la perfection, et ils font du mieux qu’ils peuvent. Notre Union serait tout de même plus efficace si nos camarades remplaçaient leurs propres limitations par nos réussites. Les Traditions : des forces du chaos visionnaire, condamnées à être remplacées. Les Disparates : de tristes vestiges primitifs de l’évolution. L’humanité a déjà dépassé ce stade.
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que l’Investissement total n’est possible qu’au sein de ces royaumes. Lorsque l’humanité fera son Ascension, disent-ils, toute la réalité sera refondue en un univers de perfection mécanique. Organisation : les Itérateurs utilisent des chaînes de commandement qui ordonnent les missions avec une précision mathématique. Idéalement, les agents et leur Convention fonctionnent comme les rouages d’une machine plus vaste, et ignorent toute notion d’autonomie et d’ego. On attend d’eux et de leurs superviseurs qu’ils s’acquittent de leurs tâches au maximum absolu de leurs facultés et qu’ils se sacrifient si nécessaire pour le bien de tous. Au bas de l’échelle, les Itérateurs ayant subi un Conditionnement social travaillent exclusivement entre eux, perfectionnent leurs réflexes d’équipe et prouvent leur valeur. Les bons agents recouvrent peu à peu leur libre arbitre, obtiennent davantage de confiance, des mises à jour, des améliorations, et des missions inter-Conventions en récompense d’une adaptabilité efficace. Les Itérateurs expérimentés apprennent à critiquer et à remettre en question leurs supérieurs, mais également à le faire au bon moment. Pour la plupart, les nuances de gris sont inacceptables ; chaque action devient alors un choix binaire, qui est ensuite promptement évalué comme une réussite ou un échec. Les échecs répétés envoient l’Itérateur servir un certain temps au sein d’une machine sans conscience. Les agents tout en bas de l’échelle ne sont guère plus que des outils, et malgré toute sa puissance, un cyborg incapable de gérer ses ressources devra temporairement en abandonner le contrôle à un organe externe plus efficace. Initiation : des calculs sophistiqués (c’est-à-dire des Procédures basées sur le Temps) aident l’Itération X à localiser des gens capables d’intégrer les effectifs de la Convention avant qu’ils ne s’Éveillent. Soldat, scientifique, mathématicien, philosophe, ou même porteur d’un handicap physique majeur, tout un chacun peut être recruté, tant qu’il est prêt à endosser un rôle essentiel dans un ensemble plus vaste. Les Itérateurs Éveillés avant d’avoir été localisés sont rares, mais peuvent être socialement Conditionnés pour accepter leur assimilation. Une fois l’un initié potentiel débarrassé des imperfections distrayantes des Masses, il subit un processus complexe d’endoctrinement et de modifications chirurgicales qui en fait un agent efficace et souvent Éclairé. Les expérimentations ratées sont quant à elles désassemblées et reconverties en Kamarades ou Fantoches, et constituent une armée de travailleurs et de soldats obéissants agissant de concert pour atteindre des buts programmés. Sphères d’affinité : Forces, Matière ou Temps. Focus : la science de l’Itération X naît de la synergie entre éléments organiques, mécaniques, sociaux, mathématiques et psychologiques. La cybernétique, l’artisanat et l’hypertechnologie sont donc les fondations des pratiques de ce groupe. Les Itérateurs innovants emploient les arts martiaux, la domination sociale, l’hyperéconomie et le piratage de la réalité, car, après tout, même la perfection doit savoir s’adapter ! Quelques-uns éprouvent même une foi presque religieuse dans le potentiel ultime de la Machine, mais ces derniers temps, ils n’en parlent guère ouvertement. L’Horloge cosmique est le paradigme le plus évident pour l’Itération X. Clairement, La Technologie est la réponse à tout. Les membres de cette Convention aux penchants mathématiques assurent à leurs camarades que Tout est données. Ce groupe n’ayant que faire des paradigmes « flous », la Science dimensionnelle est donc une discipline extrêmement rare dans ses rangs.
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Le Consensus façonne la réalité. Le monde que nous voyons est voulu par les Masses. Cette vision est actuellement obscène. Nous allons la corriger pour le progrès de tous. Savoir, c’est pouvoir, et le véritable savoir devrait être réservé à ceux qui sont dignes de ses arcanes. En tant que maîtres de l’information et de l’endoctrinement, les agents du Nouvel Ordre Mondial altèrent les données afin d’imposer leur vision d’un monde parfait. Ces Technocrates pensent que les Masses sont le mieux protégées lorsqu’on les maintient dans un sommeil ignorant et bienheureux. L’humanité prospère au mieux dans un monde où la déviance est dissimulée et la science prévisible, et où la technologie contrôlée donne des responsabilités aux personnes formées pour la maîtriser. Le nom à présent tristement célèbre du groupe trouve son origine dans les philosophies idéalistes du XVIIIe siècle. Leurs maîtres hérétiques proposaient un état mondial dans lequel les éléments aléatoires tels que les sociétés primitives, l’art, la magie et même la religion, seraient abolis au profit d’un despotisme éclairé. Ils commencent à propager leur idéal dans le monde à travers un réseau de loges secrètes et d’alliés de toutes sortes. Sous le règne de Victoria, le groupe consolide son influence au sein de la Cabale de la Pensée pure déjà existante. La secte abandonne un socle religieux au profit d’une base laïque, les idéalistes se débarrassent de leurs pairs superstitieux par le biais de campagnes de réforme de la vérité et d’intrigues rhétoriques. La raison remplace la religion comme parangon de leur monde nouvellement ordonné. Joignant leurs forces à celles des Passe-Partout de l’inspecteur Rathbone, ces idéalistes créent leur Tour d’Ivoire métaphorique ; Londres devient leur capitale, et la Victorieuse Grande-Bretagne leur figure de proue. Quand le théo-
ricien du complot américain Robert Welch commence à dénoncer sa présence au sein des Masses au début des années 70, le Nouvel Ordre Mondial a déjà plus d’un siècle à son actif. Le groupe est fondé sur le contrôle de l’information… et donc, des possibilités. Dans ce but, la Convention déploie une triple stratégie : éliminer la dissension et la Déviance de la Réalité, fusionner information et Illumination, propager l’image d’un monde bien gouverné. Elle coordonne ces trois éléments afin qu’ils se renforcent réciproquement et s’efforce de mettre le chaos au pas. C’est un travail certes titanesque, dans lequel le conflit ouvert doit toujours être évité. Le NOM préfère donc les actions discrètes aux actions manifestes. En maniant le secret et la tromperie, il peut abattre, effacer et réviser les éléments endémiques de la réalité déviante et les faire correspondre à une vérité plus productive. Le renseignement est la pierre angulaire de ses opérations. Par conséquent, il utilise des techniques de surveillance avancée, déploie sa présence sur le terrain et trace les données, afin de collecter et d’intégrer l’information à travers le monde. Dans le même temps, les équipes d’agents de terrain traquent les éléments déviants pour les éliminer ou les recruter. Les DR capturés sont soumis à des séances intensives de Conditionnement social (des versions plus perfectionnées du Conditionnement subi par les membres de la Technocratie que l’on veut ramener dans le droit chemin). À la fin de cette programmation, les Déviants rejoignent l’Union en tant que citoyens productifs ou ne sont plus que des poupées de chiffon entre les mains de l’Ordre qui a brisé leur volonté. Dans les deux cas, ils ne menacent plus le Consensus.
Stéréotypes Les autres Conventions : nous connaissons leurs secrets ; ils font leur travail, sinon… Les Traditions : un vivier prometteur de recrues potentielles empoisonnées par des idéologies toxiques et des tendances perturbatrices. Convertissez-les si besoin, ou exterminez-les. Les Disparates : les héritiers tenaces de cultures primitives. Convertissez ou exterminez si nécessaire.
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Organisation : conformément à sa triple stratégie, le NOM se répartit en trois Méthodologies principales pour mettre en œuvre ses objectifs. Les Opérateurs envoient des agents (en général les Costumes noirs, ou bien des Technocrates moins voyants) sur le terrain s’occuper des menaces et collecter des renseignements. La Tour d’Ivoire gère l’administration et la mise en application des objectifs dans la totalité de la Technocratie, et déploie des vérités contrôlées par le biais du monde académique des Dormeurs. Simultanément, les Vigiles rassemblent les informations et font circuler des messages de contrôle et de complaisance parmi les Masses, afin de minimiser le chaos et la dissension. Les trois agences rendent des comptes à des Superviseurs de haut rang, qui dirigent les opérations depuis la sécurité des bases arrière. Deux autres Méthodologies, la Division Q et le Flux, apportent en parallèle leur soutien aux autres activités. La première (qui est techniquement un impératif inter-Conventions, et non une Méthodologie) fournit l’équipement de terrain aux agents technocratiques (du NOM et des autres Conventions). La seconde évalue et guide le pouvoir grandissant d’Internet et de ses nombreuses technologies sociales. Au sein de toutes les divisions du NOM, un ordre pyramidal basé sur l’ancienneté (Costumes noirs/ Costumes gris/Costumes blancs) reflète ce que l’Ordre appelle la « purification du génie » et le caractère officiel du contrôle. Initiation : la Tour d’Ivoire sélectionne les recrues potentielles en examinant les résultats aux tests scolaires et professionnels standardisés, en scannant les bases de données et en coordonnant des mesures de surveillance secrète. Généralement, la préexistence d’une nouvelle recrue prend fin à sa mort officielle. Commence ensuite une novexistence d’apprenti au sein du NOM. D’autres recrues sont converties parmi les ennemis de l’Union, grâce aux techniques sophistiquées de Conditionnement social développées par l’Ordre. Ces tactiques étant très gourmandes en ressources, le NOM étoffe ses rangs avec des clones : des assemblages non-Éclairés entraînés pour agir de concert, dotés d’une intelligence de ruche télépathique et chimiquement modifiés pour se désintégrer quand ils meurent. Bien entendu, le NOM soumet ses agents à divers degrés d’endoctrinement et de conditionnement social, selon leurs performances individuelles et leurs rôles sur le terrain. Sphères d’affinité : Correspondance/Données ou Psyché. Focus : dans Un Monde peuplé de dieux et de monstres, La Loi du plus fort règne et Tout est données. La domination sociale et la direction de la conscience (c’est-à-dire influencer, exploiter, programmer et reprogrammer l’esprit de l’homo sapiens) sont les techniques fondamentales de ce Nouvel Ordre Mondial. L’entraînement psychique, la manipulation de l’information, le conditionnement perceptif et les connotations symboliques (un homme vêtu de noir et agitant un badge) sont donc les outils essentiels des Procédures du NOM. Les moyens physiques constituent le deuxième niveau de manipulation, et la force, le troisième et le plus brutal, est canalisée via les armes de poing, les armures, les gadgets, les véhicules hypertechnologiques, l’armement avancé et l’entraînement aux arts martiaux que reçoivent tous les agents. La paranoïa est cependant l’arme la plus puissante de l’Ordre. Après tout, si les gens croient que vous pouvez faire quelque chose, ils font pencher la réalité dans votre sens avant même que vous ayez levé le petit doigt.
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L’horreur potentielle est le prix de la libération. Ce n’est qu’en affrontant la première que nous pouvons obtenir la seconde. Ce ne sont pas les dieux qui créent et détruisent la vie. Ce sont les lois scientifiques. Par conséquent, si un homme comprend ces lois, rien ne le sépare d’un dieu. En fait, étant donné la nature changeante des dieux, un scientifique dévoué à cette cause peut améliorer les conceptions indiscutablement inintelligentes de la sélection naturelle, et ainsi dépasser les capricieuses divinités des légendes. Les Progéniteurs, ces Technocrates œuvrant sur les commencements, savent que les seuls obstacles entre l’évolution imparfaite et une nouvelle souche organique corrigée sont la compréhension de ces principes organiques et la volonté de les remodeler selon ses objectifs. Enracinée dans les mystères ésotériques, et souvent tabous, de la vie et de la mort, cette Convention garde l’attrait effrayant de ses ancêtres sorciers. Sages-femmes aux mains ensanglantées, herboristes grattant la terre, chasseurs, dompteurs des bêtes féroces de la nature, les Progéniteurs ont poussé sur la même tige que les mystiques Verbenae. Mais quand les païens ont préféré rester dans les entrailles, les embaumeurs et les médecins de l’ère classique ont étudié les mécanismes de la mortalité et les moyens de la transcender. La médecine est arrivée la première, suivie par la manipulation des organismes vivants : adaptation, mutation, membres et organes artificiels, améliorations chimiques… Les possibilités ne semblaient limitées que par la technologie et la peur. Mais la peur est une force puissante. Malgré leurs victoires et leurs remèdes innombrables, ces médecins restaient des parias au sein du bétail terrifié qu’ils tentaient de sauver. Même lorsqu’Hippocrate a fondé son Cercle de Cos, dans la Grèce antique, la terreur des mortels hantait les praticiens de ces arts effrayants. Les descendants de ce Cercle ont rejoint l’Ordre de la Raison au Moyen-Âge, mais rien n’a pu sauver certains d’entre eux des flammes et des quolibets, pas même leur travail acharné pour enrayer les épidémies de l’époque. Dès lors, rien d’étonnant à ce que les Progéniteurs se montrent tous un peu rancuniers et susceptibles. Lorsque le travail de Darwin a popularisé ce que les Cosiens savaient déjà, c’est-à-dire que la vie est une adaptation organique
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et non la divine providence, ceux-ci se sont également adaptés. Abandonnant leurs parures classiques pour le formalisme victorien et la méthode scientifique naissante, ces progéniteurs (avec un p minuscule) n’ont eu de cesse de repousser les limites de la guérison et de la mutation. La Première et la Seconde Guerre mondiale leur ont fourni tout le matériel d’expérimentation dont ils avaient besoin, et même si certaines d’entre elles étaient, disons… immorales… les données acquises par le biais des conflits du XXIe siècle les ont propulsés vers l’infini du potentiel organique. De nos jours, un Progéniteur profite d’installations propres et des technologies à la pointe du progrès, développées loin de l’influence invasive des écosystèmes terrestres. Guérison, clonage, manipulation génétique, évolution virale, conscience chimique, mutation biologique, hybridation animale, évolution accélérée et contrôlée, synthèse composite… la liste de leurs projets et de leurs avancées relègue l’Itération X au rang de déficients mentaux. Malgré leur réputation de « docteur Frankenstein » (même au sein de l’Union), ces visionnaires ont le courage et l’imagination de leurs ancêtres, et utilisent matériaux primaires et technologies récentes pour façonner courageusement de nouveaux mondes. Organisation : au sein de ses diverses Méthodologies (les Pharmaciens, les InGènieurs, les Ingénieurs FAÇADE et le Contrôle des Dégâts interdisciplinaire), cette Convention a adopté une hiérarchie universitaire. Le personnel de soutien non-Éclairé (concierges, assistants de laboratoire et réceptionnistes) est au service de ses supérieurs (dans l’ordre croissant) Étudiants, Associés de recherche, Chercheurs principaux, Directeurs de
Stéréotypes Les autres Conventions : les bras droits de notre corps scientifique ne tremblent pas. Les Traditions : une meute d’erreurs de l’évolution pataugeant dans la boue. Les Disparates : apparemment, et heureusement, éteints.
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recherche, et pour finir les mystérieux Administrateurs. Une armée impitoyable d’agents de terrain non-Éclairés (soutenus par une autre armée de clones, d’assemblages, de Victors, d’agents biomodifiés et de projets bestiaux aux compétences considérablement plus affûtées) apporte la force brute nécessaire. Les Progéniteurs les plus polyvalents apprennent des techniques et des Procédures de toutes ces disciplines, et développent un formidable arsenal de connaissances scientifiques. Prendre du galon au sein de la Convention exige en permanence travail, recherche et innovation. Les Étudiants doivent réussir de nombreux examens et finissent par soutenir une thèse démontrant leur maîtrise de la Science Éclairée. Réussir, c’est progresser dans des niveaux de hiérarchie de plus en plus élevés, où les scientifiques se retrouvent en concurrence pour décrocher bourses et ressources. Les Chercheurs passent une énorme partie de temps à collaborer avec des équipes d’autres agents afin de prouver leur loyauté et leur utilité à la Technocratie. Sans surprise, s’ils ne publient aucune découverte probante pour l’Union, cet échec peut leur être fatal. Initiation : la Convention préfère recruter ses membres avant leur Éveil. En travaillant conjointement avec la Tour d’Ivoire, les Superviseurs des Progéniteurs analysent les tests standardisés et épluchent les bases de données en quête d’érudits intelligents dotés d’un potentiel latent. (Recruter des Progéniteurs après leur Éveil est plus compliqué… mais l’Union offre des réponses aux esprits troublés.) Un élément prometteur est repéré avant la faculté de médecine, décroche des bourses d’études, puis on lui propose de faire quelque chose de plus. S’il accepte, il bénéficie d’une formation qui dépasse largement tout ce que les Masses peuvent offrir ; s’il refuse, sa mémoire est effacée et pour lui, il a simplement passé un mauvais quart d’heure. Il n’a que de vagues souvenirs, et le sentiment tenace d’avoir raté la chance de sa vie. Si ça tourne vraiment mal, l’étudiant fait une overdose ou le stress le pousse au suicide. Les Progéniteurs détestent gaspiller de bons matériaux, mais la vie est parfois injuste. Sphères d’affinité : Vie et Entropie ou Psyché. Focus : les énigmes complexes et le potentiel de la vie organique sont à la base des techniques de la Convention. En s’appuyant sur ce cadre, un Progéniteur peut aboutir à des innovations très diverses. Bien que les applications spécifiques doivent être scientifiquement défendables (voir « Attendez… je peux tout expliquer ! » dans l’encart SCIENCE !!! du Chapitre Six, page 290), les Progéniteurs emploient un nombre vertigineux de théories et de Procédures. Cela dit, ces techniques de science étrange exigent en général un laboratoire bien équipé et un travail complexe, souvent chronophage. N’importe lequel des outils d’un guérisseur, d’un scientifique ou d’un naturaliste fait des miracles entre les mains expertes d’un Technocrate bien formé, mais les Progéniteurs ont besoin de temps et d’espace pour produire leurs merveilles.
Pour certains évolutionnistes, on applique La Loi du plus fort, du moins pour le paradigme. Cependant, la plupart des Progéniteurs lui préfèrent l’hypothèse de Gaïa et sa démarche agnostique de La Création est divine et vivante. La cybernétique se fond avec une approche hypertechnologique de la médecine, et les méthodes éclectiques de la Convention tiennent plus de la science étrange aux yeux des autres Conventions.
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Qui fait de l’or fait les règles. Et heureusement, je sais faire les deux. L’argent, c’est le pouvoir, non seulement pour ce qu’il peut acheter, mais aussi parce qu’on définit la valeur des gens selon le concept même de l’argent. Quand on les applique aux personnes, les mots comme « trésor », « précieux », « cher » et, oui, « valeur » reflètent l’influence exercée par l’argent dans la société humaine. Nous nous définissons et nous voyons les autres souvent en fonction de leur capacité financière. Les notions de classe et de style dépendent de ce qu’il peut acheter. Ainsi, par bien des aspects, le Syndicat est aujourd’hui le groupe le plus puissant sur Terre. Ce n’est pourtant pas ce que disent les bruits de couloir : après tout, on associe, et à tort, ce mot à la racaille du crime organisé. On voit les agents du Syndicat comme des gangsters ; s’ils sont indubitablement dangereux, ces derniers ne sont toutefois clairement pas de taille face à la véritable Illumination. Cette impression est en partie vraie (les biens illicites rapportent beaucoup d’argent), mais c’est aussi un camouflage soigneusement entretenu qui dissimule la véritable étendue et le vrai pouvoir de cette Convention. Quand, en de rares occasions, un mage d’une Tradition croise la route d’un représentant du Syndicat clairement identifié, les balles se mettent immanquablement à pleuvoir. Ce minable lanceur de sorts ne le comprendra jamais et pourtant, la brute avec ses flingues est vraiment la seule chose qu’il aura la chance d’apercevoir. Le vrai pouvoir est lui confortablement installé dans des bureaux de cadres, très loin au-dessus de la mêlée.
Par bien des aspects, le Syndicat a toujours dirigé la Technocratie. Car sans lui, où les Maçons auraient-ils trouvé l’argent pour fondre leurs canons ? Comment les Explorateurs auraient-ils pu armer leurs navires ? Les artisans, les prêtres et les chevaliers ont tous besoin d’argent pour s’offrir les outils et les jouets qui font leur fierté. Et depuis le début, cet argent sort des coffres de la Haute Guilde. En retour, ses membres soutiraient impôts et dîmes, prenaient leur part du butin et décidaient du programme (et souvent, des réalités même) établi pour les autres Conventions. La Guilde s’est rarement sali les mains, mais ses agents et ses fonds ont étendu son influence à travers le monde humain. Débarrassé de ses connotations criminelles, le mot syndicat désigne « ceux qui rassemblent les choses ». Lorsque l’Ordre de la Raison s’est réformé au XIXe siècle, la Haute Guilde (dont le nom, guilde, désignait un paiement en or) a adopté le nouveau nom de « Syndicat ». Tandis que les autres Technocrates conduisaient des expériences en laboratoire, pourchassaient les Déviants de la Réalité, ou repoussaient les frontières de la science pour la faire entrer dans le XXe siècle, le Syndicat a fédéré tout ce beau monde par la puissance de l’argent. Banquiers, négociants, politiciens, et aussi quelques criminels, ont façonné le monde en une unique entreprise rentable, et lié le tout grâce au commerce, à la diplomatie et aux médias. Des compagnies maritimes internationales de l’empire aux entreprises omniprésentes de notre époque, le Syndicat a littéralement misé sur le progrès humain. Ainsi, alors que la majeure partie de la Guerre de l’Ascension a opposé des Costumes noirs et des C.H.A.S.S.E.U.R. à des supersti-
Stéréotypes Les autres Conventions : nous sommes une équipe qui gagne, tant qu’ils se rappellent qui fait bouillir la marmite et oublient qui tient le couteau. Les Traditions : certains joueurs ne savent pas quand ils doivent se coucher et rentrer chez eux. Si nous devons tous les liquider pour leur apprendre, alors soit. Les Disparates : des ivrognes sans abri et sans un rond qui cavalent dans ton casino avec des .45 à moitié plein. Bref, ils sont suffisamment fauchés pour être dangereux.
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tieux désespérés, le Syndicat a résumé le monde en une poignée de sociétés associées… qu’il contrôle presque toutes. Ça paraît bien sinistre… pourtant, sans le commerce et l’argent, la culture telle que nous la connaissons n’existerait pas. Les langues et les mathéma-
tiques ont évolué grâce au négoce ; les technologies se sont répandues en suivant les routes commerciales ; les systèmes monétaires réglementés ont aidé les civilisations à se développer et à prospérer. Même Jésus comprenait l’importance de « rendre à César ce qui est à César ». L’argent et les avantages qui en découlent sont la récompense d’un dur labeur et d’un esprit d’initiative créatif. Il est donc logique que les personnes qui comprennent le mieux ces systèmes soient celles qui en bénéficient le plus. Organisation : le Syndicat est structuré comme une société (à moins que ce ne soit le contraire…), sous la forme d’une pyramide descendante. Au sommet, un PDG et dix Vice-présidents des opérations (VPO) dirigent le Conseil d’administration ; sous les ordres de ce Conseil d’administration, les différents Directeurs exécutifs (ou Visionnaires) supervisent les Canevas et les Symposiums. Les Responsables obéissent aux Directeurs exécutifs, et les Associés (ou Magiciens) aux Responsables. Ces Associés constituent le bas de l’échelle ; on compte parmi eux les agents non-Éclairés du Syndicat, ainsi que les Fournisseurs (aussi appelés Nos Amis ou simplement les Stagiaires) qui prennent en charge et gèrent la plupart des tâches les moins gratifiantes. Initiation : avoir du talent, travailler d’arrache-pied, posséder une imagination débordante et une tendance à employer les grands moyens, sont des qualités essentielles dans le Syndicat. Les recrues sont souvent issues du monde de l’entreprise ou des écoles de commerce, où les éclaireurs guettent les étoiles montantes… surtout celles qui sont criblées de dettes, incroyablement douées ou les deux. Après une série d’entretiens, le candidat est testé, employé comme Fournisseur et formé à être impitoyablement perspicace et personnellement responsable. Quand un Associé démontre que c’est lui qui contrôle l’argent, non l’inverse, il est promu au sein de la direction. Il commence alors à apprendre les secrets du désir et les méthodes pour manipuler le résultat net de la réalité. Sphères d’affinité : Charge Primitive, Entropie ou Psyché. Focus : l’Ars Cupiditae, l’Art du Désir, est au centre de la méthodologie du Syndicat. Affûtées par la Haute Guilde pendant la période médiévale, ces techniques se concentrent sur la maîtrise de soi et la psychologie sociale. En résumé, le pratiquant discipline son corps et son esprit, perfectionne ses techniques relationnelles et se taille un petit royaume, qu’il transforme peu à peu en un empire d’influence subtile, mais irrésistible. En dehors des situations les plus désespérées, un représentant du Syndicat n’utilise jamais de Procédures vulgaires ; même dans ce cas, ces Ajustements emploient les armes ultramodernes, les arts martiaux ou d’autres méthodes technologiques élégantes. La plupart du temps, un Associé du Syndicat manipule les gens et les systèmes par petites touches habiles, mais efficaces (coups de fil, pots-de-vin, poignées de main, parfums, manœuvres de séduction, déjeuners d’affaires, présentations Powerpoint, techniques d’hyperéconomie, stratégies de domination sociale, etc.), qui poussent les autres à appuyer sur la gâchette tandis que l’Associé engrange les bénéfices. Dans le monde du Syndicat, c’est La Loi du plus fort ; sans elle, la civilisation telle que nous la connaissons prendrait un Aller simple pour le Néant.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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Partie IV : les Disparates « Il ne peut pas te voir pas. » — Ouais, j’ai un peu l’habitude. — Non, pas dans ce sens-là, Simon, insiste-t-elle. Ce que je suis en train de te dire, c’est que tu as disparu de sa vision. — Ça doit être un vrai soulagement pour lui. — Pourquoi ça ? — Parce que… » J’essaie de ne pas laisser transparaître mon amertume. Sans succès. « …c’est plus facile pour lui de m’oublier s’il ne peut pas me voir. » Son visage ne révèle aucune émotion. Derrière son voile, je n’en vois de toute façon pas grand-chose. Je suppose que, dans son pays, il faut apprendre à lire à travers les yeux et la voix des gens, puisque c’est tout ce qu’on en perçoit. Pour être honnête, c’est déconcertant. Tous les codes habituels disparaissent. Le flic arpente le trottoir comme s’il était chez lui. En pratique, c’est le cas. La couleur de sa peau passe après l’uniforme qu’il porte bien sûr, mais les deux le rendent cent fois plus respectable que moi. Que la fille voilée et moi, devrais-je dire. Je ne sais toujours pas d’où elle vient, mais elle a l’air d’être ici depuis un moment. Quand le flic passe, il ne ralentit même pas. Il ne me lance pas ce coup d’œil que je connais trop bien. Bon sang, c’est vrai qu’il ne peut pas nous voir. Je crois que je pourrais m’y faire.
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« Pourquoi te cherchait-il ? », demande-t-elle à haute voix. Le flic ne réagit toujours pas, ne tourne même pas la tête vers nous. « Il ne me cherchait pas. — Alors pourquoi… ? Je ne veux pas lui rire au nez, mais c’est plus fort que moi. Là encore, le flic n’entend rien. « Tu n’es VRAIMENT pas du coin, hein ? — Je suis d’un peu plus loin », réplique-t-elle. Encore une fois, je ne peux pas lire l’expression de son visage. Je réalise qu’elle n’est peut-être pas voilée par tradition ou par habitude, mais parce que c’est pratique. Avec ça sur la figure, personne ne peut la déchiffrer. « Comment t’as fait ça ? — Un petit tour utile », dit-elle en regardant le flic derrière moi. Cette fois, je peux sentir de l’amusement dans sa voix. Le flic, lui, continue sa route en faisant ce que les flics font dans leur tête quand ils ne sont pas occupés à éclater la mienne. « Tu m’étonnes. Tu crois que tu pourrais me l’apprendre ? — À ton avis, pour quelle autre raison suis-je venue ? », demande-t-elle en me regardant dans les yeux. Je m’attends à ce qu’elle prononce mon nom en entier, comme une espèce d’incantation. C’est comme ça que sont censées se passer les scènes de ce genre, non ? Enfin, je crois… pourtant, elle n’en fait rien. Je souris pour nous deux. « Je sais pas, mais je sens que je vais vite le savoir… »
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Eh, mais vous n’aviez pas rejoint les… ? Selon plusieurs suppléments de la troisième édition de Mage, de nombreuses Corporations ont rejoint les rangs de plusieurs Traditions, en particulier les maisons hermétiques des Ngoma et des Solificati. Mentionnons également la présence des Wu Lung parmi les Akashayana et la maison hermétique des Hong Lei. Ces événements ont-ils eu lieu ? Cela dépend du conteur. Dans la version officielle de M20, ces fusions ont effectivement eu lieu, mais les convertis ne représentent qu’un faible pourcentage de tous les Disparates. Certains ont peut-être sincèrement changé de camp et appartiennent dorénavant bel et bien à la Tradition qu’ils ont choisie… auquel cas, et par définition, ils ne sont pas membres de l’Alliance. Ils ont les mêmes origines et les mêmes pratiques que leur Corporation, mais ce sont aujourd’hui des mages des Traditions. Certains ont d’autres idées derrière la tête. Ils utiliseront certainement le Conseil et ses Traditions s’ils ont besoin d’un refuge, d’aide ou de soutien. Ce sont pourtant des Disparates purs et durs, qui font le nécessaire pour faire progresser les objectifs de leur Corporation d’origine, de l’Alliance ou des deux. Si un conflit éclate, ils seront les poignards dans le dos et les peaux de banane sous les pieds de leurs Traditions respectives. En cas de guerre à grande échelle, ils seront une très désagréable surprise pour le Conseil… une surprise peut-être fatale. D’un autre côté, ces liens entre le Conseil et les Disparates pourraient offrir aux deux groupes une stabilité qui changerait totalement la donne dans l’univers du jeu. À l’instar des Éthéristes et des Adeptes du Virtuel qui ont pris le train en marche et rejoint les Traditions, cette double appartenance permettra à des groupes comme les Bata’a, les Ngoma, les Solificati et les Templiers de rejoindre pleinement le giron du Conseil. Traditions et Corporations s’allieraient ainsi et consolideraient l’Unité après laquelle les Ahl-i-Batin courent depuis des siècles. Si les choses suivent ce cours, la promesse originelle du Conseil se concrétisera au tournant du nouveau millénaire et donnera naissance à une faction mystique plus grande et plus inclusive… une vraie rivale pour l’Union Technocratique. En attendant ce jour, les deux groupes resteront sans doute chacun de leur côté de la barrière, remettant peut-être même en question l’orientation de leurs sectes respectives. Tous ceux qui ont étudié les sociétés occultes peuvent en témoigner ; ces divisions sont courantes dans la réalité comme dans le Monde des Ténèbres, à tel point qu’elles en deviennent exaspérantes. Les sociétés secrètes prennent des formes aussi nombreuses que variées, et chacune prétend incarner le seul et unique Vrai Ordre du Grand Schmilblick Mystique. Comme souvent, M20 vous laisse choisir le fin mot de l’histoire.
L’art de la subtilité
On a beaucoup exagéré la rumeur de leur mort. Bien sûr, on a soutenu que les Corporations (ces sectes de Disparates qui n’ont pas voulu rejoindre les Traditions ou la Technocratie) avaient été plus ou moins exterminées autour de l’an 2000. C’est l’histoire la plus commode à raconter pour les deux groupes. Les Traditions aimeraient croire que tous ceux qui ne vivent pas sous leur petite cloche protectrice sont condamnés, et les Technocrates ont carrément décrété avoir gagné. On peut donc naturellement penser que les Disparates ont disparu, que leurs membres se sont fondus dans les différentes Traditions, ou que l’Union les a traqués et tués jusqu’au dernier. Ça, c’est la version officielle. Il n’y a pas une once de vérité là-dedans. En fait, les groupes les plus connus en marge de la Guerre de l’Ascension se portent non seulement très bien, mais ils ont même tranquillement formé leur propre contre-pouvoir : une confrérie baptisée, non sans une pointe de sarcasme, Alliance des Disparates, et dont le nom ironique se gausse de la vision que le Conseil a de lui-même, à savoir celle du Grand Sauveur Blanc du Genre Magique (avec les majuscules). Si plusieurs Corporations, parmi lesquelles les mystérieux Hem-Ka Sobk et les Wu-Keng, liés aux démons, ont selon toute apparence vraiment été éradiquées, les groupes plus importants ne se sont pas simplement contentés de survivre : ils ont prospéré dans l’ombre. Comment ? Ce n’est pas difficile à comprendre. Certaines confréries, parmi lesquelles les Bata’a et les Sœurs d’Hippolyte, ont passé des siècles à se faire plus ou moins oublier, quant aux Ahl-i-Batin, ils ont simplement traduit littéralement leur nom pour devenir « Les Subtils ». Comme la majorité des mages des Corporations, les Disparates sont issus de cultures dépossédées de leur identité et de
« non-peuples ». Ils ont donc une expérience non négligeable dans l’art de disparaître. Quand les chasseurs de sorcières les traquaient ou que les propriétaires d’esclaves sévissaient, les Disparates savaient cacher leurs pratiques et trouver les bonnes excuses. Dissimuler leur véritable pouvoir est depuis longtemps une seconde nature chez eux. Mais le temps de la duplicité pourrait cependant bientôt s’achever.
Une alliance silencieuse Dans les années 90, nombre de Disparates ont commencé à préparer le terrain en vue d’une alliance. Comme d’autres groupes vivant jusque-là en marge de la société, ils ont compris le potentiel des réseaux sociaux mondiaux, du contact virtuel et de la protection mutuelle. Avant Internet, ils avaient besoin de trouver des lieux réels de réunion, mais alors que le monde devenait de plus en plus connecté, le besoin d’un espace physique sûr a disparu. Au début du nouveau millénaire, des centaines de Disparates s’étaient mis en contact et commençaient à planifier leurs actions. Après tout, une Alliance libérée du carcan des Neuf Traditions était peut-être une bonne idée… Cinq organisations en ont posé les fondations : • Les Batini, qui cherchent à présent de nouveaux partenaires dans une voie inédite vers l’Unité ; • Les Ngoma, dont le travail à travers tout le « continent noir » leur a permis de rester relativement ignorés depuis la Renaissance ; • Les Bata’a, sans doute la plus importante des sectes, et dont l’influence s’étend sur les deux Amériques, et jusqu’en Afrique orientale et centrale ;
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• Les Excavés, écœurés des conneries des Traditions et désireux de faire mieux ; • et les Enfants du Savoir, qui se considèrent comme les véritables héritiers d’un titre dont on a tant (ab)usé, les Solificati. Ils ont commencé à en parler dans les endroits branchés, où ces cinq groupes sont très présents, un peu partout sur la planète, et en particulier en Europe, en Inde et au Moyen-Orient. Ces conversations se sont poursuivies dans des espaces de discussion privés et des secteurs de la Toile numérique. Alors que le Guerrier de l’Ascension se préparait à envahir Horizon, les divers orphelins au sein de l’armée d’Heylel se sont mis à échanger. C’est sûr, le Conseil était pourri, la Technocratie pire encore… mais le concept d’une Alliance des Disparates commençait à avoir un certain sens. Quand la Technocratie s’en est prise aux Corporations, les réseaux tissés par ces réunions ont aidé ces groupes à survivre à la purge. Si quelques sectes mineures ont bien été traquées et détruites, l’Alliance naissante a fait entrer les autres dans la clandestinité. Et une fois dissimulés aux yeux du monde, ces mages en ont créé une autre, plus vaste et plus sûre.
Un terrain d’entente secret
Depuis cette purge, les fondateurs ont tendu la main à d’autres sectes relativement fiables un peu partout dans le monde. Les Kopa Loei ont été assez faciles à convaincre… surtout parce que très peu de mages de l’Alliance sont des ha’oles blancs. Les Taftâni se sont montrés plus réticents, étant donné leur passé agité avec les Ahl-iBatin et la nature solitaire des Tisseurs en général. Les Templiers et les Sœurs d’Hippolyte font des alliés très étranges, même si leur coutume d’exclusion du sexe opposé s’équilibre au sein de l’Alliance dans son ensemble. Les plus difficiles à persuader ont peut-être été les vénérables Wu Lung. Leur vieille noblesse et leur terrible fierté les poussaient à résister à l’idée d’un énième rassemblement d’Occidentaux. Toutefois, l’Alliance a beaucoup à offrir… surtout parce que plusieurs de ses membres connaissent un secret. Ils savent à quel point la Technocratie est véritablement corrompue. Plus important encore, ils pensent savoir pourquoi. Solificati, Templiers et Wu Lung ont une longue et sordide histoire commune avec l’Union Technocratique. À un moment ou à un autre, ces trois groupes ont appartenu à l’Ordre de la Raison ou se sont alliés à lui. Et ils ont tous les trois été trahis. Ils ont vu le cœur de la corruption au sein de cette secte… et dans le cas des Templiers, cela a bien failli les détruire. Abattre la Technocratie est donc pour eux une affaire personnelle. Elle est, plus ou moins au sens propre, la Grande Bête dévorant le monde. Les Bata’a, les Kopa Loei, les Ngoma et les Sœurs ont eux aussi une dent envers l’Union. C’est après tout le commerce triangulaire de la reine Isabelle qui a ravagé à la fois l’Afrique et les Amériques, ce sont les navires des Explorateurs qui ont pillé la Polynésie. Les Bata’a ont été endurcis par cinq siècles de génocide, d’esclavage et de haine, tandis que les Sœurs esquivent l’ombre du patriarcat (technocratique ou autre) depuis leur apparition, près de 3 000 ans auparavant. Et puis, il y a les Taftâni, dont les Arts ont été souillés par le Paradoxe et les peuples brûlés par les flammes de la technologie. Alors oui, ils en ont bien fait une
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Qui tire quelles ficelles ? Alors, est-ce vrai ? La Technocratie est-elle secrètement contrôlée par les Déchus ? Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, ce pourrait être le cas… ou pas. Ce qui est important ici, c’est que l’Alliance des Disparates en est persuadée. Les choses risquent de singulièrement se compliquer si, en fin de compte, ce n’est pas l’Union qui est contrôlée par des Nephandi infiltrés… mais les Traditions. Peut-être que personne n’est sous la coupe des Nephandi, mais que tout le monde pense que les autres le sont. Les Déchus ne sont même pas obligés d’être vraiment impliqués… mais ils sont peut-être à l’origine des rumeurs de leur implication. Un beau bordel. La paranoïa, c’est le pied.
affaire personnelle. Le Pogrom technocratique n’a fait que renforcer la détermination de l’Alliance. Par ailleurs, les Batini ont un passé tout aussi rude avec les Nephandi. Ombres des Subtils, les Déchus partagent certains de leurs traits. Les deux groupes sont fins, persuasifs, experts dans l’art du mensonge et de la tromperie. Les Batini cherchent l’Unité, mais les Nephandi encouragent la désintégration. Ils ont de vieilles rancœurs les uns envers les autres… et lorsque les Templiers, les Solificati et les Wu Lung ont tous les trois affirmé qu’ils avaient découvert des manipulateurs nephandi au sein de la Technocratie, les Ahl-i-Batin ont su ce qu’ils devaient faire. À bien des égards, les Nephandi incarnent la véritable raison d’être de cette improbable Alliance. Leur infiltration dans la Technocratie déjà haïe, les liens sanglants entre ces Rois-Démons et les Tisseurs, et les Batini qui les ont chassés du Moyen-Orient, les crimes atroces perpétrés sur les Sœurs, les Kopa Loei, les Excavés et les Bata’a, ou simplement leur nature satanique (qui les place droit dans la ligne de mire des Templiers)… Les Déchus se sont fait beaucoup d’ennemis acharnés, qui ont en toute logique trouvé un terrain d’entente transcendant leurs nombreuses différences : la Technocratie tant méprisée et les Nephandi qui la dirigeraient en secret. L’Alliance ne peut pas attaquer l’Union de front. C’est non seulement suicidaire, mais également une mauvaise tactique, et une publicité encore plus désastreuse. Les Traditions l’ont déjà prouvé : les assauts directs ont une fâcheuse tendance à ne pas éliminer les bonnes personnes. L’Alliance a donc préféré commencer à déployer une stratégie courante parmi les peuples opprimés : affaiblir le maître de l’intérieur en lançant de subtiles campagnes de sabotage, de subversion, de distraction et de révélations. Mais qu’en est-il des Traditions ? Selon la version officielle, les survivants des Corporations ont rejoint différents groupes au sein du Conseil. Dans un certain sens, c’est la vérité : des réfugiés ont effectivement trouvé un nouveau foyer parmi les mages du Conseil. La plupart d’entre eux sont simplement des agents doubles de l’Alliance des Disparates. Après tout, la Technocratie n’est pas le seul maître dont le caquet mérite d’être un peu rabattu…
Organisation Pour l’instant du moins, l’Alliance des Disparates est une vague confédération d’états indépendants à laquelle il manque les protocoles, la direction centralisée, les titres communs, les idéaux d’Ascension et les autres complexités du Conseil et de la Technocratie. Chaque Allié est une unité autonome coopérant volontairement avec le groupe dans son ensemble. Étant donné les abus dont ils ont tous été victimes par le passé, et l’impossibilité matérielle de mettre par exemple un Templier sous les ordres d’une Sœur et vice versa,
les choses resteront probablement en l’état, ne serait-ce qu’un temps. Ce caractère informel est à la fois une force et une faiblesse pour l’organisation dans son ensemble. Actuellement, elle fonctionne sur beaucoup de promesses et guère sur autre chose. Cela doit nécessairement changer si les Disparates veulent devenir moins… disparates. Pour affronter un ennemi aussi puissant et bien établi que l’Union Technocratique (ou le Conseil des Traditions, d’ailleurs), l’Alliance a besoin d’une stabilité plus grande que celle dont elle jouit à l’heure actuelle. Maintenir la cohésion est chose facile quand vous êtes presque invisible, mais si votre coalition veut survivre au premier affrontement majeur, la haine partagée de l’ennemi ne suffira pas. Cette Alliance des Disparates associe des Corporation très différentes, des sectes aux pratiques et aux philosophies parfois diamétralement opposées. Un groupe stable doit reposer sur une certaine autorité, et si leur association dispose d’organes dirigeants internes, personne ne sait pour l’instant comment gérer un éventuel conflit entre les sectes elles-mêmes. Si l’on considère que les Templiers sont des chrétiens patriarcaux millénaristes, les Taftâni des maîtres des esprits arabo-persans, les Sœurs des féministes païennes et les Wu Lung des aristocrates confucéens, l’Alliance est confrontée à d’énormes défis idéologiques. Toutefois, et tant que le respect mutuel prédomine, elle pourrait changer totalement la donne dans le monde de Mage. Chaque groupe de Disparates est un agrégat d’individus issus d’une lignée fière et respectable, une bande de survivants dont les cultures et les pratiques sont assiégées par le monde extérieur. Cela les a rendus sectaires et souvent paranoïaques, et ils mesurent leur confiance et leur bonne volonté à l’aune d’une histoire jalonnée de trahisons. Si vous jouez cette carte, surveillez vos arrières et choisissez prudemment vos alliés. N’oubliez jamais que la voie qui vous conduira d’un passé de souffrances à une prospérité future sera tracée par les personnes auxquelles vous faites confiance, et par le degré de confiance que vous leur accordez. Cette Alliance est donc une épreuve de foi délicate. Cela dit, n’est-ce pas toujours le cas… ?
Les recrues potentielles
En plus de leurs cinq membres fondateurs et de leurs associés actuels, les Disparates ont des liens avec d’autres sectes, qui pourraient fort bien jouer un rôle dans leurs plans futurs : • Les Balamob, un groupe de prêtres-jaguars mayas. • La Société du Tonnerre, une confédération de mystiques amérindiens nord-américaine qui ne veut plus ou moins rien avoir à faire avec la Tradition des Parlesonges.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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• Les Uzoma, des Yorubas intercédant auprès des esprits sacrés, et dont les Arts ont inspiré les Bata’a. • Navalon, un groupe dissident de Technocrates idéalistes vénérant l’exemple du roi Arthur et méprisant la corruption de leur ancienne Union. • Les Mirainohmen, ou simplement les Nohmen, une secte de jeunes illusionnistes technomystiques japonais qui utilisent des liens psychiques avec les esprits technologiques pour réorganiser les identités et saper les idées sociales préconçues. • Le Culte de l’Épine rouge, une secte de mages lilithiens dont les pratiques font passer les Verbenae et le Culte de l’Extase pour des petits-bourgeois de province. • Les Itz’at, une secte secrète de voyants temporels mayas, qui a mystérieusement réussi à rester sous les radars pendant plus de cinq siècles. • Les Go Kamisori Gama, un clan de ninjas hypertechnologiques qui a ses raisons de vouloir renverser la Technocratie. Il est peu probable que toutes ces sectes rejoignent un jour les Disparates, ou que certains Alliés acceptent ne serait-ce que leur présence, en particulier dans le cas de l’Épine rouge et de Navalon. Elles sont pourtant entrées, avec d’autres, dans leur orbite. Elles ne deviendront peut-être pas des Alliées à part entière, mais pourront constituer une liste d’associés à qui faire appel une fois que l’Alliance se sera enfin dévoilée aux autres factions.
Le secret, le cœur de l’Alliance
Originaires de cultures et de sous-cultures spécifiques, les Disparates représentent des gens en général ignorés dans le monde industrialisé. Les Alliés et leurs membres s’appuient donc sur la culture, les croyances, les pratiques mystiques et les objectifs particuliers à chacun. Par exemple, un banquier ngoma n’aura pas grand-chose à voir avec un gamin des rues excavé, en dehors de leur Alliance nouvelle et potentiellement temporaire. Chacun aura des besoins, des désirs et des coutumes qui lui seront propres et qui dépendront davantage de sa Corporation d’origine que de l’Alliance dans son ensemble. Pour des raisons évidentes, cela les encourage à être secrets, subtils et évasifs sur leur existence et leur identité. La survie est sans doute l’objectif le plus important… et conduit par extension au secret. N’oubliez jamais que l’Alliance est un SECRET qu’il faut bien garder, que sa survie et sa réussite en dépendent. Un Excavé peut préférer aller dans une certaine boîte de nuit, il y admettra probablement être un Ténébreux devant ceux qui savent ce que ce nom veut dire. (En supposant bien sûr que les Excavés n’aient pas trahi les Neuf Traditions ; si cet événement s’est produit, alors il n’avouera même pas son affiliation.) Il ne se vantera pourtant pas de ses Alliés parmi les Bata’a et ainsi de suite, car ce serait potentiellement les condamner à mort — et très probablement lui aussi par la même occasion. Si la Technocratie commence à descendre les mages des Corporations, l’Alliance fera profil très bas et ses membres prétendront sans doute appartenir à d’autres sectes. Du moins pour l’instant, l’Alliance des Disparates reste donc un secret très bien gardé et il est possible qu’une guerre contre la
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Destins futurs : une trahison des Excavés ? Selon certaines sources, Horizon est tombé parce qu’un ambassadeur des Excavés a conduit la Technocratie jusque là-bas. La véracité de cette accusation est sujette à débat, même dans les ouvrages de la gamme de Mage. Plusieurs suppléments de la troisième édition l’avancent, et d’autres prétendent que les Excavés ne sont qu’une bande de dissidents inoffensifs. Ont-ils commis la plus grande trahison de l’histoire du Conseil… si tel est le cas, était-ce un acte isolé ou le rouage d’un plan à grande échelle des Ténébreux ? Vous avez déjà probablement l’habitude de lire « à vous de décider ». Mais dans le cas de la « trahison des Excavés », cette décision est assez lourde de conséquences. Si leur ambassadeur a effectivement causé la chute d’Horizon, les Excavés sont la cible de tous les mages des Traditions, qui leur en gardent une rancune compréhensible… ou ils deviendront bientôt cette cible si leur trahison n’a pas encore été découverte. Si tel est le cas, l’Alliance des Disparates pourrait se déclarer ennemie du Conseil, même si la plupart de ses membres ne savent rien sur Horizon ou sur l’attaque qu’elle a subie. En tant que conteur, vous pouvez en faire une monumentale épée de Damoclès au-dessus de leur tête, et simplement attendre que les Traditions découvrent le pot aux roses. La Technocratie pourrait elle aussi vouloir effacer ses traces en éliminant une bonne fois pour toutes les Ténébreux (et leurs alliés). L’ambassadeur était peut-être en fait un renégat qui a trahi non seulement les Traditions, mais aussi les Excavés, pour le compte des Nephandi. Il s’agissait peut-être tout simplement d’un acte de malveillance. L’ambassadeur a probablement agi seul… ou pas. Toute cette affaire aurait-elle pu être une façon d’éliminer un poids mort et de dégager le terrain pour l’Alliance des Disparates ? Possible que cette rumeur de trahison soit sans fondement… et même si c’est le cas, croyez-vous vraiment que les Traditions se contenteront d’ignorer la possibilité que leur Conseil ait été détruit par les Excavés ? Même pas en rêve. Que l’accusation soit fondée ou non, la simple évocation de cette trahison influencera sans aucun doute les autres Disparates. Après tout, les Ténébreux pourraient très bien se comporter tout aussi cavalièrement avec eux. Si rien n’a encore filtré, dévoiler la vérité risque de faire exploser l’Alliance. Si les mages des autres Corporations ont entendu ces rumeurs (exactes ou non), elles influenceront probablement leur opinion des Excavés dans leur ensemble. Certains penseront sans doute qu’il fallait le faire, mais d’autres surveilleront très probablement leurs arrières et se méfieront de l’élégant traître en noir qui risque d’apparaître dans leur dos. Et ils pourraient bien avoir déjà anticipé cette éventualité… Face aux répercussions potentielles d’une trahison des Excavés, le conteur a plusieurs options : • Elle a eu lieu : l’ambassadeur a provoqué la chute d’Horizon, seul ou pour le compte de sa faction. Les Ténébreux sont maintenant en guerre avec les mages des Traditions et l’Alliance est une tactique de survie. La vérité n’a peut-être pas encore éclaté, mais ils se préparent aux inévitables représailles. Pendant ce temps, la purge technocratique fait le ménage chez les Disparates, et tente de retrouver et d’éliminer l’ambassadeur responsable. À plus ou moins brève échéance, Excavés et Disparates seront impliqués dans une guerre ouverte contre les Traditions et la Technocratie… un conflit qui peut avoir été déclenché par les Nephandi, ou bien la traîtrise irréfléchie d’un seul homme. • Des rumeurs circulent : selon certaines théories du complot, les Excavés sont responsables de la chute d’Horizon, mais la plupart des mages des Traditions n’y croient pas. Quelques-uns pourraient cependant leur accorder du crédit ; l’Alliance des Disparates protège là aussi les Excavés. Mais si les rumeurs se confirment, la guerre que nous venons d’évoquer éclatera indéniablement. Le Conseil ne pardonnera jamais une trahison de cette ampleur. • Elle ne s’est jamais produite : Horizon n’est jamais tombée ou bien elle a été attaquée, mais rien ne relie les Excavés à cette invasion et ils continuent de s’entendre comme avant avec les Traditions. L’Alliance ne tente que de protéger les mages non alignés de la purge technocratique, tout en révélant au grand jour l’infection nephandique au sein de l’Union elle-même. Quoi qu’il en soit, les Disparates sont confrontés à des conflits importants et des surprises considérables les attendent peutêtre dans un futur beaucoup plus proche qu’on ne le pense…Quoi qu’il en soit, les Disparates sont confrontés à des conflits importants et des surprises considérables les attendent peut-être dans un futur beaucoup plus proche qu’on ne le pense…
Technocratie, contre les Traditions, ou contre les deux, figurent dans ses objectifs. Sa nature impétueuse, le secret essentiel sur son existence et la dévotion religieuse inhérente à certains Alliés actuels, risquent d’en faire un acteur virtuellement explosif dans la politique des ombres du monde du XXIe siècle.
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Être partout et nulle part à la fois : telle est la clé pour se cacher à la vue de tous. Toutes les choses sont liées, car toutes les choses sont Une. Ce monde semble être un défilé chatoyant de personnes, de lieux, de créatures et de pensées. Pourtant, ces innombrables éléments ne sont que les miroirs et les reflets d’une plus grande Unité. Lorsque vous réalisez cette vérité fondamentale, la Tapisserie se déroule et répond à votre volonté. Cette Volonté et cette Tapisserie ne font plus qu’Un. Les Ahl-i-Batin le savent depuis leur création au cours de la légendaire Nuit de Fana, quand, au milieu d’une guerre terrible, une faction d’Akashayana a rencontré un groupe de Darwushim (derviches) dansant et tournoyant sous la lune. Ce soir-là, les Frères et les Darwushim ont dansé ensemble et formé un grand mandala… et au cours de cette danse, une antique conscience s’est Éveillée. On dit que cette conscience, appelée Entéléchie par certains érudits, était composée des âmes des mages ayant réussi leur Ascension et qui auraient vécu dans un âge précédant le nôtre. Ces mages espéraient guider l’humanité jusqu’à l’unité harmonieuse avec le cosmos. Lorsque l’Entéléchie s’est manifestée dans notre monde chaotique, elle s’est fragmentée et dissoute. Ce faisant, elle a réuni les Akashayana et les Darwushim dansant au centre du mandala en une seule et même entité, le Kwajah-al-Akbar, qui n’était aucun des individus qui la constituaient en particulier. Lorsque ce Kwajah-alAkbar a énoncé sa puissante prophétie, ceux qui dansaient autour de lui ont reçu l’illumination. Le temps a cessé d’exister. Tous ceux qui
tournoyaient dans ce champ n’ont plus fait qu’un avec leurs partenaires dans la danse, unis par l’esprit, le corps et l’âme. Lorsque la nuit de Fana s’est achevée, tous ceux qui y avaient participé sont redevenus des individus, à jamais transformés par leur expérience. À quoi servaient les noms ? Quelle importance avait un pays, un royaume, pour celui qui comprenait l’Unité de toutes choses ? Le récit de cette nuit s’achève sur ces âmes qui venaient de naître, formant un cercle et dansant en spirale jusqu’au centre, où ils ont un à un disparu. Quand ces Ahl-i-Batin (« Subtils » ou « Intérieurs ») sont revenus, leur seule raison d’être était de perpétuer l’héritage de la grande conscience qui parlait à présent par la voix de leur Avatar. De la hutte la plus humble au plus beau des palais, ces mages se sont servis de leur magye Éveillée pour apporter l’Unité à toute l’humanité. Ce sont là les légendes entourant les Batini. Ces contes rappellent qu’autrefois, il n’y a pas si longtemps, les Ahl-i-Batin appartenaient au Conseil des Neuf Traditions et occupaient le Siège du Lien, l’ancien nom de la sphère de la Correspondance. Les rumeurs racontent que l’accroissement du pouvoir de l’Union Technocratique a sonné le glas des Subtils et les a tous poussés à l’exil, cachés dans le mystérieux Royaume du Mont Qaf perdu dans le temps et les ténèbres. Tout le monde le sait. Et ce que tout le monde sait est faux. Les Ahl-i-Batin ne sont jamais partis nulle part. En fait, ils sont partis partout, quittant la tourmente des pogroms technocratiques au Moyen-Orient pour l’Europe, l’Asie, les Amériques, l’Afrique
Stéréotypes Les Traditions : elles refusent de voir les liens entre toutes les choses qui nous Unissent et elles se croient pourtant les plus compétentes en matière de mysticisme ! La Technocratie : corrompue jusqu’au trognon par les Nephandi. Maintenant plus que jamais, nous devons briser leur carapace et éliminer leur poison. Les Disparates : l’Unité parlera peut-être plus clairement dans la disparité qu’elle ne l’a fait dans la tradition !
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centrale et du Sud… continuant d’amener, avec douceur et patience, le monde vers l’Unité, un murmure, un soupir, une chute de feuille à la fois. Les idéaux des Batini ont beau se concentrer sur l’Unité et la lumière, leurs méthodes revêtent souvent en pratique le manteau plus sombre et plus sanglant de la guerre, surtout quand on évoque leur vieux conflit contre les Nephandi. Certains affirment que personne ne connaît mieux qu’eux les pratiques des Sombres Miroirs, ni ne les combat avec autant d’acharnement. Ce sont leurs érudits qui ont compilé l’effroyable Sebil-el-Mafouh Whash, le premier ouvrage traitant en détail des Nephandi. Ce sont leurs maîtres qui ont chassé les Rois-Démons du Moyen-Orient. Hélas, le lien profond qu’ils entretiennent avec les Déchus les rend également bien plus vulnérables à leur corruption. On pourrait d’ailleurs voir dans ces deux groupes les reflets opposés du même principe : toutes les choses étant Unies, elles restent par conséquent liées les unes aux autres… même la lumière aux ténèbres, ou le néant à l’espoir. Organisation : l’Unité naissant de la structure, les Batini prisent donc l’ordre dans leur organisation. Cinq khanats sont implantés dans différentes parties du monde ; chacun est placé sous la direction d’un maître murshid, le qutb, ou « pôle ». Il y a dans chaque khanat environ une douzaine de cabales, qui comptent elles-mêmes quelques murshids, plusieurs murids, et de dix à vingt initiés. Chaque cabale connaît l’existence des autres, mais elles entrent rarement en contact avec des Ahl-i-Batin qui n’appartiennent pas à leur cercle immédiat. Initiation : pour rejoindre cette secte, il faut être aussi secret que patient. Un murid observe une recrue pendant des années avant même de l’approcher. Si elle montre de l’intérêt pour les Ahl-iBatin, elle subit un processus lent et régulier qui l’éloigne du monde (et des biens et des plaisirs qui lui appartiennent) et lui fait suivre une ascèse rigoureuse. Cette élimination successive des distractions et des tentations sépare l’initié de l’amour-propre et de l’attachement et le prépare à accepter la liberté supérieure de l’Unité. Sphères d’affinité : Correspondance ou Psyché, mais jamais Entropie. Focus : comme leur nom l’indique, les Batini restent subtils. L’expression « sans laisser de trace » revêt une importance particulière dans tout ce qu’ils font. Un mage batini passe souvent des semaines, des mois, voire des années à observer, à examiner et à analyser une situation, avant de se décider à utiliser ses Arts pour aiguiller les choses en douceur dans la direction qu’il souhaite. La foi est un élément essentiel de leurs pratiques, avec une croyance centrale en un Ordre divin, Chaos terrestre. Certains Batini affirment que Tout va bien, tandis que d’autres sont lugubrement convaincus que Tout n’est qu’illusion. La folle sagesse, l’alchimie et la haute magye rituelle conservent une place traditionnelle dans leurs Arts ; le yoga, la magye de rue, le piratage de la réalité et même la magye du chaos apparaissent dans les pratiques de certains fidèles. Malgré leur habileté mystique, les Batini ne peuvent pas du tout apprendre les Arts de l’Entropie. Cet angle mort magyque est une énigme intéressante : si toutes les choses sont Unies, alors même la décomposition devrait avoir sa place dans cet ordre sacré. La secte n’a pas encore pu répondre à cette question.
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Quand la foi et la passion sont là, la liberté trouve toujours un chemin. Dans les profondeurs des bayous de Louisiane et des marigots du Mississippi, les tambours des esprits martèlent la pulsation affamée de la vie. Battant comme des milliers de cœurs affolés, ils sont la voix des fantômes des anciens Amérindiens et des esclaves massacrés. Leurs cris retentissent, se répondent, de plus en plus fort, à travers les îles des Caraïbes, jusqu’en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Ils annoncent une extase sauvage et sacrée, l’œuvre moite et rouge de l’amertume et de la vengeance. Les mages qui se font appeler Bata’a portent le nom des tambours des esprits que les cultures caribéennes considèrent comme sacrés. Ils sont les seuls capables de propulser l’âme humaine à l’apogée de l’amour et de l’émerveillement reconnaissant, tout en la plongeant dans le même temps dans des abîmes d’agonie horrifiée. Largement incompris ou faussement représentés par les étrangers, ces pratiquants du vaudou, du candomblé et même du catholicisme espagnol, sont les héritiers de sept tribus africaines réduites en esclavage et envoyées dans les fermes et les plantations du Nouveau Monde. Les vieux fantômes racontent que ces esclaves ont emmené avec eux leurs esprits et leurs traditions, puis découvert qu’ils avaient des coutumes et des intérêts communs avec les natifs caribéens et les Arawaks insulaires. Ces cultures se sont au fil du temps mélangées et ont incorporé le catholicisme à leur spiritisme magique. Il en a résulté une nouvelle société, à la fois ordinaire et magyque, qui, comme à la Barbade, aux Bermudes et à Haïti, a donné aux esclaves
la force de renverser leurs faux maîtres et de venger ceux assassinés dans la lutte. Leurs terres natales ont été ravagées par la conquête, l’esclavage, la piraterie, la guerre, la corruption, les catastrophes et la pauvreté, mais les Bata’a ont encore foi dans Les Invisibles, les puissants esprits qui imprègnent la terre et son peuple. Ces gens vénèrent, adorent et servent Les Mystères, aussi appelés Loas ou orishas ; c’est à eux et seulement à eux qu’ils pensent devoir leurs pouvoirs et facultés magyques. La « magye » vient de la communion, un échange respectueux de pouvoirs et d’offrandes. Pour les Bata’a, soit vous croyez aux rites sacrés, soit vous pouvez vous compter parmi Les Idiots qui rejettent ou banalisent les esprits et leurs Arts. Derrière les stéréotypes stupides du « vaudou » se trouve la foi d’un survivant en l’assimilation respectueuse. Les Bata’a tirent le meilleur parti de ce qu’ils ont sous la main : les saints français, les dieux africains, les malédictions allemandes, les bontés espagnoles, les esprits amérindiens, et le battement du cœur des gens repris par les tambours, une pulsation qu’aucune force sur Terre n’est en mesure d’arrêter. C’est elle qui donne son nom à la secte et c’est cette attitude de défi qui donne aux Bata’a leur indépendance. Ces mystiques concluent peut-être des alliances avec les Verbenae et les Parlesonges, se lient avec les Excavés et tolèrent même la présence de vieux Croisés hargneux, mais ils restent, au bout du compte, leurs propres maîtres. Même leurs liens avec les Loas sont basés sur le respect mutuel, non sur une servitude abjecte. Organisation : c’est une secte volontairement informelle. Ils travaillent en grande partie au niveau local et n’ont guère de
Stéréotypes Les Traditions : des alliés utiles, mais trop dévoués à leurs propres intérêts pour être des amis fiables. La Technocratie : de jolies chaînes toutes neuves, et toujours les mêmes vieux esclavagistes. L’Alliance des Disparates : nos alliés savent ce que c’est que d’avoir une botte qui vous écrase la nuque. Pourtant, beaucoup (trop) d’entre eux deviendraient des conquérants s’ils en avaient l’occasion… certains l’ont déjà été par le passé. C’est une alliance utile pour l’instant, mais je ne pense pas qu’elle durera.
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titres, en dehors de mae-de-santos (maman sainte) et pae-de-santos (papa saint), qui sont tous les deux accordés à des membres respectés. Comme les Bata’a ne font pas de différence entre magiciens ordinaires et mages véritables, le groupe compte un nombre de membres incroyablement élevé, recrutés dans toutes les religions apparentées à travers le monde. La Ronde des Âmes unit les maillons locaux en un grand réseau spirituel ; liés entre eux par les commérages, les messagers spirituels et (de nos jours) le téléphone et Internet, ces maillons font circuler l’information, les rituels et les nouvelles. Au début du XXIe siècle, la Ronde alimente un activisme politique grandissant. Même si les Bata’a se concentraient autrefois sur les sept rangi (« couleurs », ou familles) et les marassas locaux (partenariats entre un homme et une femme représentant les figures paternelle et maternelle d’un groupe précis), la secte poursuit à présent des objectifs mondiaux plus unifiés. Surtout depuis la purge technocratique et l’affreuse Tempête (la Tempête d’Avatars), les Bata’a reconnaissent à présent que la division est synonyme d’extinction… et même pire, comme l’a montré l’histoire. Initiation : une personne doit éprouver une dévotion sincère envers les Loas pour qu’on examine sa candidature. Elle doit trouver un membre connu des Bata’a et lui demander officiellement d’être son mentor. Très souvent, surtout pour les étudiants blancs, cette requête n’est accordée que si le candidat est recommandé par des sources fiables ou s’il compte des relations parmi elles. Une fois accepté, il jure de sacrifier tout son temps et son argent pendant un an au service de son professeur et de la Corporation. Au bout de cette année, s’il a montré du talent, de la dévotion et du bon sens, il devient un hounsis (initié) et on commence à lui enseigner Les Invisibles, ce qui le conduira à sa première possession. Après une longue période d’isolement, de prière, de jeûne et de purification, l’initié absorbe un mélange puissant d’alcool et d’herbes hallucinogènes et on le laisse à la merci des Mystères. S’il survit, il devient un Bata’a. Sphères d’affinité : Esprit ou Vie. Focus : basés sur l’union sublime entre la chair et un esprit, les Arts des Bata’a nécessitent deux choses : une invocation rituelle de Papa Legba, le gardien des croisements, et un rite conçu pour induire une transe et ouvrir des voies de communication entre les psychés, les corps et les esprits. Dans certains cas, un praticien peut choisir de créer un gri-gri : un objet béni par un Loa et porteur de son énergie. Ces artefacts ne sont utilisés qu’en cas d’extrême urgence et de manque de temps. La foi est au centre de cette famille invisible et les paradigmes courants affirment que La Création est vivante, que Tout est Chaos et que si l’on veut survivre dans ce Monde peuplé de dieux et de monstres, il faut avoir de bons amis et des alliés volontaires. Le vaudou, la foi, la médecine, l’artisanat, la haute magye rituelle et la folle sagesse forment le cœur des pratiques des Bata’a. Certains membres privilégient également la magye de rue, le chamanisme, la science inexacte, la domination, les maléfices et divers arts martiaux. Un Bata’a travaille avec tout ce qu’il a sous la main. Tant qu’il sert les esprits avec respect, un pratiquant peut compter sur leur aide.
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J’ai été l’œuf, j’ai été la merde, et maintenant je vise l’or. « Mieux vivre grâce à la chimie ! ». Cette phrase incarnait autrefois le potentiel et les promesses de la puissance nucléaire, des polymères plastiques et d’une horde de nouveaux produits qui garantissaient une vie meilleure et plus facile. Pour la plupart des Éveillés, c’est l’un des plus insidieux slogans jamais inventés par la propagande technocratique. D’autres mages connaissent toutefois cette proclamation sous sa forme originelle : Unus es ab arte transcendit ; est transcendens omnia per artem. « Par l’Art, on transcende ; à travers l’Art, tout est transcendant. » Au fil de leur longue histoire, les Enfants (mieux connus sous le titre qu’ils privilégient, les Solificati) ont œuvré à un unique objectif, brillant de mille feux : l’illumination et l’Ascension par les Arts et les Sciences antiques de l’alchimie. Bien que différentes formes d’alchimie sont pratiquées depuis l’époque lointaine de Sumer, la plupart des Couronnés font remonter leurs origines à la cour égyptienne de la reine Hatchepsout. L’alchimie a révélé aux porteurs de coupe de la grande souveraine les secrets de l’univers, et ils ont juré de ne partager ces mystères qu’avec les âmes qui en étaient les plus dignes. Ainsi, les Solificati ont étoffé leurs rangs, voyageant à travers la Perse et l’Afrique du Nord, sur la route de la soie vers l’Inde et la Chine. Ils ont pratiqué leurs Arts principalement en petits groupes solitaires, et ce jusqu’à ce qu’ils s’unissent officiellement sous la forme d’une guilde d’alchimistes lors de la première réunion de ce qui allait devenir l’Ordre de la Raison.
Les alchimistes ont hélas vite réalisé que l’Ordre était… disons peu accueillant pour leur cause. Les faux départs, les purges et la dissolution ont fait écho aux différentes étapes de l’alchimie – et plus particulièrement la putréfaction, l’étape de décomposition précédant le renouveau. Reformés sous l’égide des Hermétiques en 1445, les Solificati sont devenus l’une des Neuf Traditions originelles. Mais bientôt, le scandale du Grand Félon a une nouvelle fois brisé l’unité du groupe. L’histoire raconte qu’après l’exécution d’Heylel, le groupe en disgrâce s’est dispersé et évanoui dans les brumes du temps. Comme c’est souvent le cas pour ce genre d’affirmation historique, la vérité est ailleurs. Le flux et le reflux, l’ascension et le repli ont marqué la voie des Solificati depuis leur création. Cette disparition en masse n’était qu’une répétition de plus d’un cycle familier. Lorsqu’ils sont réapparus vers la fin des années 50 sous le nom d’Enfants du Savoir, leur Art utilisait une substance nouvelle et puissante : le LSD. Que le Dr Alfred Hoffman et son équipe aient été d’authentiques Enfants du Savoir, ou simplement des chimistes influencés par leurs découvertes, le diéthylamide de l’acide lysergique proclamait un nouveau message radical : grâce l’alchimie (à présent appelée chimie), l’esprit pouvait s’ouvrir et les Masses faire leur Ascension. La nouvelle génération de Couronnés a diffusé ce composé parmi ces mêmes Masses, parfois avec sagesse, souvent sans réfléchir. Le retour de flamme prévisible a nui aux bénéfices potentiels du produit, mais les « portes de la perception » étaient à présent ouvertes et on ne les refermerait pas aisément.
Stéréotypes Les Traditions : nous avons essayé de leur montrer l’Unité. Elles nous ont jetés dehors. Qu’elles aillent se faire foutre. Nous avons mieux à penser… et à faire. La Technocratie : sa version de l’Unité est pourrie, profondément mauvaise, manipulatrice et triste. Les Disparates : nos nouveaux compagnons ont une vision qui ne peut venir qu’en persévérant face à l’adversité. Ouais, on connaît deux ou trois trucs sur le sujet.
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Cette méthode basée sur les psychotropes reste controversée, même au sein du groupe. Une fois encore, les Solificati ont éclaté en plusieurs factions. Certains ont fini par rejoindre l’Ordre d’Hermès vers la fin des années 90, tandis que d’autres se disputaient sur leur titre légitime, comme les membres d’un groupe de rock dissous se querellent à propos de leur ancien nom. Au début du nouveau millénaire, deux groupes différents portaient le même nom, semant la confusion : les Enfants, de plus en plus agacés par ce nom condescendant, et les Couronnés, agacés eux par les expériences imprudentes et les excès de leurs pairs. Tous deux veulent à présent se faire appeler Solificati et refusent de reconnaître aux « autres idiots » le rang d’héritiers légitimes du nom. Aujourd’hui, les Enfants du Savoir ne s’enferment plus trop au fond d’une cellule éclairée à la bougie, au milieu de montagnes de livres, de papiers entassés et de matériel alchimique bizarre. Ils préfèrent de loin constituer des équipes de recherche universitaires, des panels d’experts, des sectes d’occultistes utilisant des psychotropes et des groupes d’explorateurs écumant les boîtes de nuit. Durant les 25 dernières années, ces alchimistes ont prêché leur bonne parole chimique à travers la culture des raves, les festivals spirituels néo-tribaux et les tribulations mondiales des tribus de nomades néo-gitans. « Jouant dans les champs de l’esprit », ce sont les magiciens chimiques entre les mains desquels les illusions du monde réel se brisent, s’éparpillent et se réarrangent pour former de nouvelles images amusantes. Mais ces Enfants prennent ce jeu très au sérieux, et dans ces nouvelles images figurent de nouvelles visions de la réalité. Organisation : depuis la création de la secte, les Solificati préfèrent les petites cabales autour d’un ou deux maîtres alchimistes, deux ou trois adeptes et une poignée d’apprentis potentiels. Les maîtres établissent le programme des études et des activités, les adeptes affinent le processus et les apprentis se forment par l’entraînement, les essais et les erreurs. L’instruction académique est cruciale, le secret plus essentiel encore. Si l’on tient compte de leurs frictions passées avec les Traditions et la Technocratie, les Enfants ont toutes les raisons du monde de se montrer paranoïaques. Qui sait ? L’Alliance des Disparates offrira peut-être enfin la sécurité dont leur Grande Œuvre en cours a besoin. Initiation : les Solificati nouvellement Éveillés (appelés des « œufs » en référence au symbole alchimique de la gestation) doivent d’abord se débarrasser de leurs idées scientifiques préconçues. Ils commencent donc leur formation par la traditionnelle transmutation de métaux ordinaires en argent ou en or. Une fois l’exercice réussi, l’œuf est testé par son maître pour vérifier qu’il comprend la morale de cette corvée. La bonne réponse est évidemment qu’il est lui-même le matériau de base, et que l’or symbolise son potentiel final. Sphères d’affinité : traditionnellement la Matière, mais certains groupes préfèrent les Forces, le Prime ou l’Entropie. Focus : comme l’univers est une immense symphonie d’énergie vibrante, la magye est tout simplement l’application de la Volonté d’un individu afin d’influencer et de modifier les vibrations entre les choses. Les outils qui symbolisent et canalisent ces vibrations (et modifient les perceptions du spectateur pour lui permettre de les ré-accorder à ce qui est ou n’est pas possible) permettent cette Alchimie supérieure.
Pour un Enfant du Savoir, Tout est Données ou Tout est Chaos, ou bien Tout n’est qu’illusion, prison ou erreur. La connaissance se perfectionne par l’alchimie, l’artisanat, la folle sagesse, l’Art du Désir, la magye du chaos et parfois l’hypertechnologie. Elle dévoile la vérité derrière les illusions de la vie. Pour un Solificatus, la magye est l’Art de la Transmutation : elle modifie, raffine, décompose et ré-assemble les matériaux existants en énergies nouvellement formées.
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Quelle belle et étrange bizarrerie que la nôtre. Une époque vide engendre des gens vides. À bien des égards, le XXe siècle était cette époque, pleine de bruit et de fureur, mais sans grande profondeur sous un vernis relativement spectaculaire. Le terme « génération perdue » est né pour refléter l’explosion de complaisance et d’abandon qui incarnait la première partie de ce siècle, et même si les Excavés sont tout sauf perdus, cette phrase fait écho à leur Voie pleine de tâtonnements. On prend peut-être les Ténébreux pour une bande d’adolescents fêtards et superficiels, mais ils sont aussi vieux que l’humanité ellemême. Quand les autres mages cherchaient l’illumination, ils exploraient les ombres. Héritiers de Lilith et de Lucifer, ils trouvaient leur force dans la rébellion, non dans la soumission. Rien de surprenant à ce qu’ils aient été, jusqu’à une époque récente, un genre rare et tourmenté. L’incarnation moderne du groupe remonte à la rébellion du mouvement romantique au début du XIXe siècle, quand des artistes comme Byron, Beethoven, Goya et le couple Shelley, ont craché à la face de cet Âge de la Raison, et dévoilé le confluent tumultueux entre la nature et l’humanité. Leurs héritiers, les Décadents, se repaissent de débauche et cherchent la sagesse dans l’excès. Dans cette époque de folie lucide, les Excavés trouvent l’inspiration. Même si le nom qu’elle porte maintenant et son objectif n’apparaîtront que plusieurs décennies plus tard, cette recherche de la clarté à travers un glorieux paradoxe reste l’un des fondements de la secte. Neville Sinclair,
icône des Ténébreux, déclarait : « Nous sommes les Excavés. Nous avons toujours été là. » Peu importe le nom qu’ils ont choisi, ce sont des spécialistes des vérités que l’on révèle alors que d’autres préféreraient les ignorer. La morbidité ironique qu’ils adoptent est une posture soulignant l’importance de la vie. Ils sont des memento mori vivants qui renversent les statues de leur piédestal, dévoilent la pourriture qui se cache dessous… et ainsi démontrent également qu’il est essentiel de bien vivre sa vie. L’art, la poésie, la danse, l’imagination… ce sont des sacrements pour les Excavés, pas simplement parce qu’ils sont distrayants, mais aussi à cause de la vérité incarnée dans le talent artistique. Quand il est à son summum, l’art distille les passions en symboles que d’autres peuvent comprendre. L’art, le vrai – pas les bonbons sans sucre de la culture pop, mais les niveaux plus profonds où se dévoile la vérité – est une forme de magye. Et si d’autres groupes emploient également ce focus, aucun mieux que les Excavés n’en comprend la forme. Les Excavés ont beau cohabiter avec d’autres sectes depuis plus d’un siècle maintenant, ils reçoivent rarement le respect qu’ils ont mérité. La plupart des autres mages les considèrent comme des dilettantes, des enfants gâtés partis faire la bringue en boîte de nuit pendant que leurs aînés font tout le boulot. Ce jugement, même s’il est parfois compréhensible, est injuste. En réalité, les Ténébreux se concentrent sur des questions terrestres que leurs pairs si cosmiques ignorent. En particulier depuis l’explosion des sous-cultures après la Seconde Guerre mondiale, ils se préoccupent des jeunes coincés en
Stéréotypes Les Traditions : nous leur avons donné une chance. Beaucoup de chances, en fait. Elles nous ont envoyés bouler, alors qu’elles aillent se faire foutre. On a une nouvelle équipe et on joue une nouvelle partie. La Technocratie : le cœur en décomposition d’un âge en décomposition. L’Alliance des Disparates : est-ce qu’elle est parfaite ? Sûrement pas. Est-ce que c’est un progrès ? Carrément.
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marge de leur monde : les inadaptés, les bêtes curieuses, les laissés-pour-compte que leur étrangeté a fait s’échouer, comme disait Patti Smith, « hors de la société ». D’autres sectes vont parfois dans des foyers pour sans-abri se fendre de quelques cadeaux et d’un sermon, mais les Excavés parlent eux la langue de la rue. Comme ces objets dont personne ne veut et avec lesquels ils façonnent leurs Arts, ils réhabilitent ceux que la vie a jetés et en tirent de la beauté. Organisation : traditionnellement, les Ténébreux préfèrent les petites cliques ; au sein de ces familles recomposées, l’éloge et l’infamie poussent ses membres à rester unis. Ils évoluent dans un monde dangereux ; la loyauté est donc primordiale à leurs yeux et ils sanctionnent la trahison avec toute la brutalité de la rue. Leurs règles sont simples : n’entube personne, respecte l’autonomie des autres, reste beau face à la laideur. Jusqu’à une époque récente, les Excavés étaient considérés comme la Tradition perdue ; ils avaient envisagé, et avaient été pressentis, pour un dixième siège au sein du Conseil. Ces plans sont tombés à l’eau quand plusieurs catastrophes ont ébranlé l’organisation. Leurs anciens, écœurés de devoir en permanence jouer à celui qui sera le plus gentil, ont décidé que les Traditions étaient une cause perdue. Même si certains d’entre eux ont rejoint les Verbenae, les Extatiques ou même les Éthéristes, la majorité a préféré enterrer ses aspirations à une place au Conseil. Les discussions ayant permis la naissance de l’Alliance des Disparates ont joué un rôle prépondérant dans cette décision… aujourd’hui, les Ténébreux, tribu rebelle par nature, s’habituent à l’idée d’être des chefs et plus des mécontents. Initiation : bien qu’ils soient généralement associés à la sous-culture goth-rock, les Excavés gravitent autour de toutes les modes emballées dans de jolies révoltes. Les musiques punk, métal, hip-hop, techno et même classique ont des aficionados parmi eux. Dernièrement, les sous-cultures du néo-jazz, du steampunk, du punk féerique, du gothic Lolita et du visual kei androgyne sont venues secouer le style Bauhaus des Excavés. Beaucoup continuent toutefois d’apprécier ce bon vieux look gothique à l’ancienne, ne serait-ce que parce qu’il est complètement démodé de nos jours. L’élégance est toujours de mise dans un groupe de Ténébreux. Lorsque ses membres remarquent quelqu’un correspondant à ce critère, ils commencent à vérifier s’il est fait pour entrer dans le club. À distance, discrètement, ils le provoquent et voient comment il réagit. S’il réussit l’examen, ils l’abordent et lui proposent d’être leur ami. S’il a l’air cool, on lui permet une intimité de plus en plus grande avec la bande, jusqu’à ce qu’on le juge digne de rejoindre les rangs… et c’est à partir de là, en général, qu’il en devient membre par défaut. Sphère d’affinité : n’importe laquelle. Focus : les Ténébreux utilisent tout ce qu’ils peuvent trouver, souvent ce dont la société s’est débarrassée. Jouets cassés, objets occultes, symboles et comportements que les gens prétendument respectables méprisent sont des outils puissants dans les mains d’un mage excavé. Cette image creuse est symbolique en diable quand on parle de croyance : les Ténébreux ont tendance à se voir comme les réceptacles de la vie et de la mort, déversant leurs Arts ou transportant ces forces cosmiques d’un endroit à l’autre. La magye vient donc de la compréhension correcte et de l’utilisation intentionnelle des énergies qui, chez plupart des gens, sont tout simplement gaspillées. Tout est Chaos, Tout n’est qu’illusion, prison ou erreur, et c’est probablement un Aller simple pour le Néant. Certains Excavés affirment avec insistance que Tout va bien, mais ils ne sont guère nombreux. La magye du chaos et la magye de rue sont presque universelles parmi eux. Même si ces Arts ne nourrissent pas le chaos, ils prospèrent dans le chaos de notre âge.
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Pour combattre les requins, vous devez d’abord respirer sous l’eau sans vous noyer. Avant que l’ombre des hôtels ne ternisse le blanc immaculé du sable de Waikiki, ou que les mégots et les déchets de millions de touristes ne souillent la pureté de ces plages, le pays d’Hawai’i et les îles lointaines de Polynésie appartenaient aux Kopa Loei. Ces prêtres magiciens, les kanakakahuna, utilisaient leurs Arts pour se lier à la terre, garantir sa fertilité par des rituels honorant les dieux indigènes, et préserver l’équilibre entre le monde naturel et les besoins des gens. Certains d’entre eux utilisaient leurs pouvoirs pour naviguer sur les vastes étendues de l’océan Pacifique, tissant entre les îles et leurs peuples un vaste réseau familial. Par-dessus tout, les lois sacrées des kapu garantissaient que le pays prospère… et que les Kopa Loei conservent leur puissance. Lorsque des mages continentaux, aujourd’hui appelés ha’ole kahuna ou « chefs de Ceux-qui-ne-sont-pas-nous », ont invité les Kopa Loei à rejoindre leur pâle Conseil, la proposition a poliment été refusée. Qu’est-ce que les kahuna avaient à craindre de ces Tupa Nui, ces Grands Bâtisseurs venus de l’autre côté des mers ? Beaucoup plus que ce qu’ils pensaient. Les rapports des éclaireurs Odysséens, une branche des Explorateurs dédaliens, mentionnaient un paradis luxuriant habité d’après eux par des sauvages primitifs. Utilisant une ruse vieille comme le monde, ces haka’uhane (les « âmes vides ») ont imité le dieu polynésien Lono, dont la bannière arborait de longues banderoles de tissu blanc accrochées à deux grands bâtons croisés. Et on connaît la suite, comme ils disent.
À l’instar de nombreuses civilisations « civilisées » par leurs envahisseurs, les Polynésiens et leurs cousins des autres îles ont été vaincus par la maladie, l’esclavage et la conquête culturelle. Les anciennes coutumes ont battu en retraite face à l’utilité et le christianisme. Les rares Kopa Loei qui restent aujourd’hui ne sont plus les rois et les nobles du passé, ni les dirigeants et les gardiens de la vie sur les îles. Des siècles de domination technocratique y ont veillé. Cependant, les rares kanakakahuna et leurs parents vivant encore sur l’archipel d’Hawaï ont réussi à conserver une forte influence sur les traditions et les rituels qui les ont soutenus pendant des siècles, avant l’arrivée des ha’oles (Ceux-qui-ne-sont-pas-nous, dérivé d’un mot signifiant « ceux qui ne respirent pas »). Même si les activités touristiques et militaires ont ravagé certains endroits parmi les plus sacrés et les plus beaux des îles, les Kopa Loei modernes parviennent encore à préserver des lieux bien à eux, protégés des promoteurs étrangers et des touristes New Age. Là, ils travaillent à recharger et à rééquilibrer le mana, à préserver la flore et la faune et à créer des communautés où les kanaka, Dormeurs comme Éveillés, vivent comme ils le faisaient avant l’invasion. Ces communautés, et les lois des kapu qui les gouvernent, sont essentielles pour le futur des gens. Tandis que les Ke aka nui (« les Grandes Ombres », c’est-à-dire les Nephandi) répandent leur poison à travers le monde, les Kopa Loei, guidés par le retour de leurs oracles et de leurs devins Kahuna-nui, se préparent à la guerre… contre les usurpateurs Tupa Nui et contre les Grandes Ombres, dont la faim de requin ne sera apaisée qu’avec l’arrivée du néant.
Stéréotypes Les Traditions : pas étonnant que les ha’ole kahuna soient dispersés et divisés, et qu’ils luttent pour survivre. Sans les kapu pour guider leur guerre contre les Tupa Nui, ils combattent avec des armes émoussées. La Technocratie : les Tupa Nui ? Nous ne les connaissons que trop bien. Des menteurs et des destructeurs. Les Ke aka nui, les Grandes Ombres, et eux ne font plus qu’un. L’Alliance des Disparates : des ha’ole kahuna, c’est sûr, mais au moins, ils n’essaient pas de nous dire quoi faire ou de nous voler nos terres et nos traditions. Ils combattent les Ke aka nui comme nous, alors, pour l’instant, ce sont des amis.
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Organisation : les Kopa Loei se rassemblent en groupes informels de plusieurs kadugo (cellules de parents par le sang), et comptent de deux à vingt membres. Un kupuna (ancien ou mentor) enseigne à son keiki (enfant) et même si ce ne sont pas des titres « officiels », ces termes sont reconnus comme les fondements principaux de la hiérarchie des Kopa Loei. Au sein du groupe, tous les kanaka sont respectés. Les Kopa Loei ne reconnaissent aucune ineptie au sujet d’un prétendu « éveil » ; certains kanakakahuna sont simplement plus sensibles et puissants que d’autres. Les Kopa Loei suivent trois voies traditionnelles : les ali’i, des prêtres qui se lient à la Terre et se spécialisent dans le Prime ; les kahuna, des chamanes qui utilisent différents Arts ; et les he ho’okele moana (« ceux qui trouvent le chemin »), souvent des femmes, qui naviguent en haute mer et relient les diverses îles et forteresses sous-marines des kanaka maoli. Les ali’i étaient autrefois les plus respectés ; leur système de règles religieuses (kapu) protégeait la fertilité et la prospérité de la terre et soulignait la déférence qui leur était due. Les kahuna étaient également traités avec révérence, et les he ho’okele moana (Éveillés ou non) se trouvaient en bas de la hiérarchie. Mais de nos jours, ces derniers sont bien plus considérés, car ils savent trouver des îles encore vierges dans le Pacifique surexploité. Initiation : contrairement aux autres Traditions ou groupes de Disparates, l’initiation de leurs nouveaux ho’omaka est pour les Kopa Loei une affaire privée entre un kupuna et son keiki. Étudiants et initiés potentiels sont exclusivement issus des peuples indigènes (pas de ha’oles !), et sélectionnés à travers leur implication dans des événements politiques, les réseaux sociaux locaux et grâce aux recommandations d’autres membres de leur kadugo. Quelles que soient ses origines, un candidat potentiel doit pouvoir chanter sa kanaenae (prière d’adoration aux dieux), et prouver ainsi ses liens avec le peuple polynésien. Sphères d’affinité : les Kopa Loei ne croient pas aux sphères. En termes de jeu, leurs Traits de Sphère dépendent de ce qu’ils font, pas de la formation qu’ils reçoivent du groupe. Focus : le ho’omana coule par le lien avec la nature, les intentions sacrées et la pureté du corps. C’est pourquoi les Kopa Loei n’utilisent jamais, quoi qu’il arrive, des outils technologiques, ou qu’ils ne considéreraient pas comme naturels, pour faire leur magie. La Création est divine et vivante, répartie entre Ordre divin, Chaos terrestre. La magie imprudente et tape-à-l’œil perturbe et porte atteinte à l’équilibre des voies naturelles, les kapuhuna, et elle fâche souvent les dieux. En toutes choses, l’équilibre avec la nature et les bénédictions des dieux sont essentiels.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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L’or n’est que de la boue qui brille. Pour être illuminé, vous devez devenir le soleil. Les conteurs de jadis inventaient des histoires d’animaux intelligents, qui vivaient et prospéraient dans le vaste et beau paysage africain, résolvaient les énigmes de la vie, de l’univers et des nombreux mondes qui existaient en son sein. Ces récits sont devenus une méthode symbolique qui a permis aux Ngoma, les grands érudits, prêtres et magiciens des nations d’Afrique centrale, de partager leurs connaissances. Les histoires, les peuples et le paysage ont changé, mais leur travail reste pour l’essentiel celui qu’il a toujours été : observer, contempler, éduquer et régénérer. Cette vénérable secte plonge ses racines dans les antiques rituels de Nubie et d’Égypte, et elle est d’abord née avec les Ngo-Ami, les prêtres sorciers de l’Afrique classique. Lorsque les Romains, les Perses et les musulmans ont étendu leurs empires sur la Nubie, les Ngo-Ami ont emporté leurs Arts et se sont enfoncés dans le continent, où ils ont fini par prendre le nom de Ngoma. Là-bas, ils ont prospéré ; ce qui a été un Âge des Ténèbres pour l’Europe médiévale, était pour les royaumes africains un âge d’or aujourd’hui perdu. À son apogée, les Ngoma conseillaient de grands dirigeants, ils étaient leurs guérisseurs, leurs prêtres, leurs professeurs et leurs philosophes. Leur renommée était telle qu’ils ont attiré l’attention des magi européens, qui les ont conviés à la Grande Convocation. Hélas, préjugés et privilèges ont empêché les Ngoma d’être reconnus en tant qu’égaux et pairs des Hermétiques et des Solificati. Rabaissés au même rang que les autres chamanes et ceux qui parlaient aux esprits, les Ngoma offensés ont quitté un Conseil qui préférait les
intégrer aux Parlesonges plutôt que de leur offrir une Tradition bien à eux. L’histoire nous enseigne que les années suivantes ont été difficiles. Les esclavagistes ont progressé à l’intérieur du continent, ravageant ses cultures pour alimenter une soif inextinguible de maind’œuvre servile. Les Ngoma ont vu leurs écoles, leurs cités, leurs terres et leurs peuples exploités et décimés par la maladie, la famine et la guerre. Des villes sont tombées, des lignées ont été exterminées, d’antiques traditions (et les langues secrètes qui les transmettaient) ont failli disparaître. Les Ngoma considèrent pourtant aujourd’hui que ces génocides étaient un feu purificateur, une leçon d’humilité et de gratitude infligée à une secte qui, pendant pratiquement toute son existence, avait été vénérée comme une entité presque divine. Les cérémonies et les rituels anciens ont pris une signification et une importance encore plus grandes aujourd’hui, et l’estime qu’on leur porte tient au simple fait qu’il reste encore assez de prêtres-magiciens pour les conduire. Sauvegarder et rassembler les connaissances est donc devenu une priorité essentielle. Et cette période atroce a enseigné aux Ngoma à reconnaître les signes révélateurs de la corruption, chose qu’ils n’avaient jamais faite auparavant. Exception faite d’un petit contingent de membres dans les maisons d’Hermès, on considère les Ngoma comme disparus, et c’est une erreur qui sert leurs objectifs. Au lieu de préserver une copie démodée de ce qu’ils étaient avant, ils sont redevenus ce qu’ils étaient à l’ère classique : une élite urbaine et raffinée de leur époque. Ces Ngoma du nouveau millénaire se sont révélés d’excellents
Stéréotypes Les Traditions : si elles n’avaient pas laissé leurs préjugés les aveugler, nous aurions pu devenir de puissants alliés. Cela dit, la clairvoyance des Ancêtres a peut-être prévu l’état pitoyable du Conseil aujourd’hui. La Technocratie : des destructeurs, des profanateurs, des meurtriers et des exploiteurs. L’Alliance des Disparates : quelle diversité dans ces alliés potentiels ! Nous avons au moins une chance d’apprendre leurs secrets et de profiter de leur savoir.
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étudiants et des intendants économes des Arts qu’on leur a transmis. Farouchement conscients que la tradition magyque d’Afrique centrale aurait pu disparaître sans les vaillants efforts de leurs ancêtres, ils ont de grands projets pour l’avenir de leur continent si riche et si divers. Les Ngoma d’aujourd’hui sont des professeurs, des médecins, des scientifiques, des astrologues respectés, et occupent bien d’autres fonctions encore. Mais ce sont aussi les astrophysiciens, les politiciens, les architectes, les mécènes et les philanthropes de leur peuple. Organisation : les survivants de la traite des esclaves et de l’exploitation coloniale ont recréé les écoles magyques qui faisaient la renommée de cette Corporation. Bien entendu, elles se font par nécessité plus discrètes que par le passé. Ils reconnaissant l’importance de la préservation de leurs connaissances, de leurs traditions et de leurs rituels dévastés, et c’est pourquoi ces écoles ont essaimé un peu partout dans le monde. Elles offrent une formation essentielle dans un grand nombre de pratiques magyques : le dialogue avec les esprits, l’herboristerie, la création de sorts, l’art du conte et la géomancie. Comme c’est souvent le cas dans la culture africaine, ce sont les aînés qui instruisent les initiés plus jeunes. L’âge et l’expérience restent des attributs respectés au sein de la société des Ngoma. Un kitjito (« oasis ») plus âgé dispense son enseignement à son kuwaneko (« assoiffé », comme dans « assoiffé de connaissance ») dans les domaines de la magye, des sciences, de l’histoire et des traditions africaines, des langues anciennes de la magie nubienne, et plus particulièrement l’ufungoto, la « Langue-clé », qui serait celle des esprits. Les kitujita envoient aussi souvent leurs kuwanakada étudier avec d’autres anciens, ce qui leur confère un vaste éventail de disciplines et de spécialités. Comme chez les magi hermétiques, la connaissance et l’érudition sont des éléments cruciaux de la formation des Ngoma. Ces Disparates pensent qu’un grand récipient contient davantage d’eau, et qu’une gamme étendue de connaissances accorde donc un plus grand choix de possibilités. Initiation : en Afrique, un mage nouvellement Éveillé est capable de localiser seul une école ngoma ; ailleurs, un initié doit généralement trouver (ou être trouvé par) un kitjito. Ce mentor lui dispense un enseignement de base, puis le recommande à une école… et paie souvent de sa poche les frais de scolarité et de déplacement, afin que le kuwaneko puisse se concentrer sur ses études sans se soucier de l’argent. Cette formation inclut en général plusieurs années d’études, ainsi que des quêtes et des épreuves magyques. On encourage les étudiants non-Éveillés qui font montre d’un potentiel exceptionnel à apprendre autant qu’ils le peuvent ; même s’ils ne s’Éveillent jamais, ils trouveront sans doute une place au sein des vastes réseaux de soutien secrets sur lesquels s’appuient les Ngoma. Sphères d’affinité : Esprit, Prime, Psyché ou Vie. Focus : la connaissance est la clé qui ouvre les différentes chambres de l’Art et des possibilités. Les esprits et les Ancêtres décédés révélant de nombreux secrets, on prend souvent les Ngoma pour des chamanes. Ce n’est pas le cas ; les esprits sont des guides, mais le savoir et les Arts sont l’affaire de chaque mage et ne dépendent pas des faveurs accordées par les mondes mystiques. Les Ngoma sont guidés par des paradigmes d’Ordre divin, Chaos terrestre, dans lesquels La Technologie est la réponse à tout, et il y a dans leur haute magye rituelle une composante importante de foi, ainsi que les applications modernes de l’alchimie, l’hypertechnologie, la médecine, l’artisanat, le piratage de la réalité, et pour finir l’hyperéconomie et son associé, l’Art du Désir. Si certains choisissent de travailler avec les outils traditionnels de leurs Ancêtres, la plupart des suktamke (« ceux qui donnent une impulsion ») emploient un mélange d’instruments anciens et d’outils technologiques. Après tout, la connaissance n’est pas confinée à une seule époque.
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Ma vie, mon âme, ma magie. MON CHOIX ! L’Éveil est plus ancien que la tradition. Bien avant que les sociétés occultes n’apparaissent afin de guider et de protéger leurs mages, des gens talentueux se contentaient de tracer leurs propres Voies. Certains se sont réunis pour un bénéfice réciproque, tandis que d’autres ont continué à se démerder. Selon le vocabulaire de la Guerre de l’Ascension, ce sont des Orphelins : de pauvres petits mages sans domicile fixe. « Orphelin » est un terme péjoratif employé par les mages des Traditions pour décrire ceux qui utilisent la magye hors des enseignements éclairés du Conseil, il prend en général une majuscule dans leur jargon. Mais les gens qui sont les orphelins en question détestent souvent ce vocable, non sans raison. Considérer que quelqu’un est orphelin s’il n’appartient pas à votre famille précise implique un sens de la propriété paternaliste qui exaspère instantanément de nombreux mages indépendants. Ainsi, les soi-disant « orphelins » utilisent rarement ce mot en parlant d’eux-mêmes, sauf s’ils se montrent sarcastiques envers un crétin des Traditions. (En ce qui concerne la Technocratie, tous les mages mystiques sont des Déviants de la Réalité, qu’il faut si possible convertir, ou détruire si nécessaire.) Techniquement, un orphelin peut s’être Éveillé seul, avoir quitté un groupe officiel, ou encore appartenir à une secte de moindre importance qui n’est rattachée à aucune faction notable. L’Alliance
des Disparates se fait une joie d’ajouter tous ces gens à ses effectifs s’ils veulent un peu de compagnie. Ils constituent d’ailleurs un pourcentage non négligeable de Disparates ; s’ils ne forment pas une secte à proprement parler, beaucoup d’entre eux font partie de l’Alliance. Ils ne prétendent appartenir à aucun groupe et aucun groupe ne prétend avoir autorité sur eux. Suivre une Voie d’orphelin permet aux mages qui préfèrent être seuls maîtres de leur destin, ou qui ne veulent rien avoir à faire avec la Guerre de l’Ascension de rester indépendant. On considère d’ailleurs comme des orphelins par défaut beaucoup de sorciers qui n’ont même jamais entendu parler de cette Guerre… et beaucoup de ceux qui en ont déjà entendu parler préfèrent rester indépendant. Un orphelin prend ses propres décisions, détermine seul ses pratiques, croit ce qu’il choisit de croire et évite tout le merdier politique qui va de pair avec l’appartenance à un groupe plus vaste. Cela dit, la route d’un orphelin est une Voie très rude, surtout pour les (nombreux) mages qui s’Éveillent dans une explosion de talent brut (voir Chapitre Dix, page 528). Lorsque cela arrive à un adolescent, il s’enfuit généralement de chez lui, paniqué. Nombre d’orphelins appellent ce traumatisme le Plongeon, le Vortex ou le Flash : un cataclysme qui ouvre la terre sous vos pieds et vous balance sans prévenir au Pays des Merveilles. Après cette expérience, le gamin terrifié commence généralement par courir… puis tente d’apprendre à survivre dans un monde où les anciennes règles de la réalité ne s’appliquent plus. Ouais, c’est sûr, c’est bourrin. Mais les mages
Stéréotypes (En supposant que l’orphelin ait entendu parler de ces groupes, ce qui est peu probable.) Les Traditions : un ramassis de sorciers avec un melon énorme qui croient non seulement avoir accroché la lune à sa place, mais qui, en plus, insistent pour vous y expédier. La Technocratie : je crache sur ces fumiers d’oppresseurs ! L’Alliance des Disparates : je réserve mon jugement pour les groupes que je connais, mais ils semblent mieux maîtriser la situation que les autres.
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nouveau-nés ne savent pas comment utiliser ce pouvoir, sauf s’ils trouvent quelqu’un pour le leur enseigner. Sans société mystique ou endoctrinement technocratique, ils ont tendance à démêler les choses par eux-mêmes en rejoignant des sectes, des cultes ou des gangs de petite taille. Certains finissent par mourir dans des contrecoups spectaculaires du Paradoxe, pendant l’attaque d’un groupe de mages rival, ou face à l’un des nombreux autres dangers d’un monde plongé dans les ténèbres. Organisation : en général, un orphelin pratique la magye seul ou appartient à un petit groupe. Là encore, ces groupes n’ont rien en commun. L’un peut être un groupe de rock, un autre un chœur d’église, un troisième une famille de sorcières et un quatrième lire le Tarot dans un cimetière tous les samedis soir. Comme d’habitude, les anciens ont tendance à être les chefs, mais dans ce cas précis, le mot « ancien » fait davantage référence à la compétence mystique ou au charisme personnel qu’à l’âge ou à un titre. Ces chefs sont des individus brillants, brutaux, séduisants ou persuasifs. L’un peut dominer sa tribu par le sexe, les drogues et le blabla occulte, un autre être doué pour gratter des repas gratuits au foyer de sans-abri. À de rares exceptions près, les règles du groupe dépendent des caprices du chef et de son aptitude à les faire appliquer. Initiation : la plupart des sociétés possédaient autrefois des rites initiatiques marquant le passage à l’âge adulte, l’entrée dans un corps de métier ou l’intronisation dans un parcours mystique. Guidés par les anciens, les nouveaux membres apprenaient ce dont ils avaient besoin pour gérer leur nouveau rôle. Les initiations magyques et spirituelles faisaient partie intégrante de la plupart des communautés préindustrielles, certaines sont devenues (ou ont rejoint) les Traditions et les Corporations d’aujourd’hui. Elles existent toujours dans certaines régions du monde, mais sont difficiles à trouver au sein de la société industrialisée. Le plus souvent, un orphelin finit par rencontrer d’autres personnes comme lui, en général parmi les cultures de rue, les néo-tribaux, les transhumanistes, les fans d’heroic fantasy, les hippies New Age, les clubs d’occultisme, etc. L’initiation peut donc prendre une forme très variable, davantage basée sur les gens à la tête du groupe que sur des cérémonies officielles communes. Le nouveau-venu doit prouver qu’il est fiable, jurer une certaine allégeance à sa bande ainsi qu’à ses chefs, et démontrer que ses compétences sont utiles à la communauté. En conséquence, il peut se retrouver dans une enclave chrétienne marginale, un culte satanique, un collectif d’art tribal, une bande de gamins des rues, un ashram New Age, ou n’importe quelle communauté qui a une place pour ceux qui croient en la magie. Sphères d’affinité : n’importe laquelle. Focus : les orphelins acceptent presque toutes les visions du monde, pour peu qu’elles laissent une place aux pouvoirs magyques. Certains deviennent aussi technomanciens et projettent leurs Arts à travers des outils et des croyances technologiques. Les credo religieux, la philosophie transhumaniste, le blabla occulte et les pratiques ethniques sont les foci les plus courants pour la magye des orphelins. La culture populaire intégrant plusieurs de ces éléments (souvent appelée « magye de rue » ou « haut éclectisme ») est particulièrement répandue dans le monde technologique.
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Ne pas voir les gens qui ont besoin d’aide est une honte. Les voir et ne rien faire est un crime. Pourquoi Dieu est-il si souvent considéré comme un homme ? Qu’est-il arrivé au respect envers les femmes, ou envers cet espace entre les polarités quand il y a assez de place pour tout le monde ? Cette question est un cliché, et pourtant son usage excessif n’entame en rien sa validité. Pourquoi dénigrer constamment et systématiquement nos mères, nos amantes, nos sœurs, nos filles, nos amies ? Pourquoi tant de gens sont-ils encore terrifiés par l’idée d’un pouvoir féminin ? Les Sœurs posent cette question depuis plus de deux mille ans, et elles ne sont toujours pas satisfaites de la réponse que le monde leur donne. Les Sœurs d’Hippolyte (plus couramment appelées les Sœurs ou Hippolytoï) sont des guerrières sacrées combattant pour la vie. Elles disent que leurs origines remontent aux légendaires Amazones. Fatiguées de la violence infligée à leur sexe, elles se seraient isolées de tous ceux, hommes ou femmes, qui ne les respectaient pas. Néanmoins, en dépit de leur réputation de férocité, elles ont souvent aimé et lié leur vie aux hommes. Hippolyte elle-même, la plus farouche guerrière d’un peuple de combattantes, aurait été si impressionnée par Héraclès qu’elle lui aurait donné son bien le plus précieux : une ceinture offerte par son père, Arès, symbolisant un talent exceptionnel pour l’artisanat et la guerre. Après cela, cependant, l’un des compagnons du héros, Thésée, submergé par le désir, aurait ramené Hippolyte à Athènes pour en faire son… euh, « épouse ».
Dans leur version de la légende, les Amazones partent ensuite la délivrer, combattent Thésée et ses Athéniens jusqu’à se trouver dans une impasse. Beaucoup d’entre elles périssent presque aux pieds de leur reine et tandis qu’elles sont de moins en moins nombreuses, l’une d’entre elles abat Hippolyte d’une flèche en pleine poitrine. La légende renforce une croyance fondamentale : la servitude est une abomination. Si une Sœur est capturée, son conclave risquera tout pour la libérer, et ce même si la seule échappatoire est l’extermination. Mieux vaut la mort que l’esclavage constitue leur credo depuis toujours. Et si elles ont forgé leur nouvelle communauté (littéralement, d’après certaines légendes) sur les cendres et les os de leur société guerrière, l’option de la force est invariablement considérée comme un outil nécessaire à la paix. Cela dit, les Sœurs respectent avant tout la vie, à condition qu’elle soit libre, et non maltraitée ou asservie. Au cours de l’histoire, elles ont été les guérisseuses, les libératrices et les avocates des femmes et des enfants partout dans le monde. La non-agression est l’un des fondements dogmatiques du groupe… mais la violence défensive n’est pas, selon leur définition, une agression. Le respect mutuel est également essentiel, bien qu’il soit plus difficile à appliquer dans la vie réelle, comme c’est le cas pour la plupart des idéaux. Étant donné l’importance qu’elle accorde au divin féminin et aux Arts de la Vie, beaucoup de mages se demandent pourquoi cette Corporation n’a pas fusionné avec les Verbenae. Traditionnellement, les Sœurs évitent de collaborer (et encore moins de s’allier) avec
Stéréotypes Les Traditions : bien intentionnées peut-être, mais déloyales et égarées. La Technocratie : si le patriarcat avait un visage, il ressemblerait à une machine… plus précisément, à cette machine-là. Les Disparates : j’ai des doutes — et j’en ai BEAUCOUP. Mais malgré tout, peut-être pouvons-nous apprendre quelque chose de tous ces clubs pour hommes… ou leur enseigner quelque chose… ou du moins limiter les dégâts qu’ils vont de toute manière provoquer. Sinon, nous ferons ce que nous avons toujours fait : disparaître.
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d’autres sectes, car ces efforts se retournent souvent contre elles. Les événements récents ont cependant modifié la situation. Comme toutes les luttes, la Guerre de l’Ascension a laissé des morts et des ruines dans son sillage… et dans celui du XXe siècle, elles sont plus nombreuses que d’habitude. Au-delà des dégâts évidents infligés à la communauté Éveillée, les énormes changements qui se sont produits au cours de ce siècle ont ouvert de nouvelles perspectives en termes de genre et de reconnaissance. Pour la première fois depuis des millénaires, ceux qui ne pouvaient s’exprimer ont une voix… et en réponse, certaines forces font tout ce qui est en leur pouvoir pour réduire cette voix et ces gens au silence. Et c’est ainsi qu’un groupe qui avait passé des siècles en réclusion est devenu activiste. Leur affiliation actuelle avec les Disparates est une nouvelle, et prudente, étape pour une très ancienne Corporation. Organisation : la plupart des Hippolytoï vivent ensemble dans des conclaves, qui comptent uniquement des femmes et des enfants. Les Sœurs qui choisissent d’entretenir une relation avec un homme doivent le rencontrer ailleurs. Un conseil élu de sept Sœurs, l’epitropi, guide et dirige chaque conclave, il est l’autorité finale sur tous les sujets, de ses objectifs à long terme au rôle de son plus jeune membre. Contrairement à la plupart des communautés Éveillées, les Hippolytoï ne font aucune différence entre Éveillés et non-Éveillés. Tout le monde a une voix, et toutes les voix sont entendues. Initiation : rejoindre une société aussi secrète que celle des Sœurs d’Hippolyte n’est ni rapide, ni facile. Une Sœur passe des semaines, voire des mois, pour apprendre à connaître une initiée potentielle. Une femme est parfois amenée dans un conclave pour y être soignée ou protégée. Si sa personnalité et sa philosophie lui correspondent, l’epitropi peut lui proposer d’appartenir à la sororité. Si elle accepte, elle vit au sein du conclave pendant un mois, au cours duquel elle aura l’occasion de voir les bons et les mauvais côtés de la vie dans la Corporation (mais aucun de ses secrets), puis les Sœurs jaugeront sa détermination et sa fiabilité. Si à la fin de cette période d’essai, toutes les parties sont satisfaites, alors l’initiée jurera fidélité aux Sœurs d’Hippolyte au cours d’une brève cérémonie et commencera sa nouvelle vie. Sphères d’affinité : Psyché ou Vie. Focus : même si toutes les Sœurs, Éveillées ou non, étudient les Arts, elles considèrent la magye comme un lien intuitif plutôt que comme une discipline métaphysique. La Création est divine et vivante, et même si La Raison du plus fort (est souvent la meilleure), Tout va bien quand vous avez le courage, la foi et vos sœurs. Les pratiques de cette Corporation sont essentiellement une forme païenne de médecine avec des applications modernes. Leurs
pratiques rappellent la sorcellerie, le chamanisme, la haute magye rituelle, l’artisanat et les arts martiaux, mais rares sont les Sœurs qui décriraient leurs Arts en ces termes. Chaque fois que c’est possible, les Hippolytoï préfèrent exprimer leur Volonté par des rituels de groupe, conduits en général ces rites dans leur langue natale, bien que les Sœurs formalistes les accomplissent en grec ancien.
Chapitre V : Les Guerriers de l’Ascension
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La vérité est ma flamme, l’art ma joie et le courage mon motif. Il était une fois des sultans fendant le ciel sur des tapis volants, des vizirs commandant à des djinns emprisonnés dans des lampes ou des joyaux étincelants, de riches marchands vivant dans de somptueux châteaux flottant au-dessus des nuages. Il était une fois les Taftâni, tisseurs de miracles et maîtres des Arts. Ils sont ceux qui ont créé toutes ces choses, et bien d’autres encore. Indépendants et nomades par nature, les premiers ashavanti (« disciples de la Vérité ») se méfiaient des sorciers européens et de leur magye enchaînée et captive. Là où l’Ordre de la Raison voyait des forces terrifiantes qui devaient être éradiquées, là où les mages du Conseil voyaient un Art solennel et exclusif, les Taftâni contemplaient la magye et voyaient un don : une expression illimitée de la beauté et de la puissance de l’Asha (la Vérité Ultime), faite pour qu’on la savoure, qu’on s’en délecte et qu’on en profite avec autant de vigueur et d’enthousiasme qu’un excellent repas, un vin fin ou une rencontre sur l’oreiller. Hélas, ces mystiques aventureux ne s’en sont pas très bien sortis quand le monde autour d’eux s’est mis à changer. Pour eux, les sciences modernes sont des manifestations du druj (le « mensonge ») et des âmes égarées qui l’expriment. Lorsque les Tisseurs ont confronté leurs vérités à ces mensonges, ce sont eux qui, trop souvent, ont brûlé. Contre toute attente pourtant, ils ont survécu… certes peu nombreux, mais suffisamment pour préserver leur savoir et leurs Arts. De par la nature indépendante de la secte, ses membres
étaient difficiles à débusquer et encore plus difficiles à détruire. La plupart des survivants ont fui dans le désert et rejoint des communautés de bédouins. Les petites enclaves ont suivi l’exemple de leurs frères Batini et sont devenues invisibles, transmettant en secret leurs Arts à des apprentis qui en étaient dignes, observant le monde qui changeait et apprenant ses rouages et ses coutumes. Les Taftâni d’aujourd’hui restent flamboyants, provocateurs et turbulents, mais leur relation avec le Paradoxe est meilleure, un avantage pratique acquis grâce à quatre siècles d’essais et d’erreurs. Certains voyagent encore avec les tribus nomades du Moyen-Orient et pratiquent les Arts vénérables des esprits et du commandement, mais la majeure partie des Tisseurs modernes sont installés bien confortablement dans les palais de verre des pays pétroliers, et ils canalisent leurs arts à travers les nombres, la finance et les merveilles de la technologie. Ils soufflent ces outils sous le nez de leurs ennemis technocratiques aussi habilement qu’ils tireraient un tapis sous les pieds d’une bande d’idiots. Dubaï surgie des sables est une base d’opérations pour les Taftâni du XXIe siècle. Sinon, comment expliquer les bâtiments fantastiques défiant les lois de la physique, ces oasis impossibles en plein désert incitant des gens du monde entier à venir voir, s’émerveiller et jouer ? Du Burj-Al-Arab à la Tour de Dubaï, en passant par l’Hydropolis sous-marine et les gratte-ciels rotatifs flottants, chaque nouvel exploit architectural est habité par des djinns ou des esprits… non comme une prison technocratique, mais comme l’incarnation d’un Art merveilleux.
Stéréotypes Les Traditions : il n’y a aucune vision poétique dans leurs œuvres. Ils façonnent la magye sans joie ni défi, ils sont donc très loin de la Vérité. La Technocratie : notre mot pour désigner ses membres (les dregvanti, les disciples de la tromperie) révèle leur véritable allégeance aux Rois-Démons. Nous prendrons leurs jouets et brûlerons leurs ombres dans nos flammes. Les Disparates : ils sont bien trop nombreux à manquer d’art et de courage ; pourtant, ils se dressent face aux Déchus ; pour cela, et pour l’instant, nous sommes alliés.
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Mage : l’Ascension, édition 20e anniversaire
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Organisation : farouchement indépendants, les Tisseurs ne forment pas de maison, de famille, de cabale ou de communauté du même genre. Certes, il existe des écoles où les ashavanti nouvellement Éveillés peuvent apprendre les anciennes traditions. Mais dans presque tous les cas, les maîtres taftâni ne forment qu’un apprenti à la fois, et rarement plus de trois au cours de leur vie. En dehors de ces liens d’apprentissage, et jusqu’à une époque récente, les Tisseurs ne se réunissaient que tous les six mois dans des bagha (« jardins »). Ces dernières années, cet isolement a pourtant cédé la place à une coopération pragmatique. Il n’y a que les imbéciles qui refusent de changer lorsqu’ils sont menacés de disparition, et cette perspective s’est dangereusement avérée. Confrontés aux djinns fous de l’Ordre technocratique et, pire encore, à la corruption vénéneuse de ses maîtres Déchus, les Tisseurs ont abandonné leur vieille habitude du conflit interne. Même si la trame de leur société est très lâche, elle est bien plus stable… et plus subtile… qu’elle ne l’a jamais été. C’est dans cette stabilité tranquille qu’elle a prospéré. Initiation : une vision artistique, associée à une application concrète et à de bonnes aptitudes pratiques, sont plus importantes pour les Taftâni que des cérémonies formelles. Un Tisseur incapable de tisser, de voir les motifs avant qu’ils ne prennent forme sous ses doigts, n’est pas un véritable Tisseur. Un maître déniche ses apprentis là où ils sont, les entraîne vigoureusement, les teste constamment, et le plus important pour lui reste de bien leur enseigner. Pour les ashavanti, prendre un apprenti est un honneur et une responsabilité sacrés. Après tout, l’ignorance ou la corruption dissipe aisément la Vérité. Ce devoir fonctionne dans les deux sens ; l’élève doit accomplir une montagne colossale de corvées et de services. La tradition veut qu’un maître taftâni prenne un apprenti entre ses onze et ses seize ans, et qu’il lui enseigne les Arts essentiels jusqu’à ce que l’apprenti en question meure, progresse ou l’emporte sur son mentor en combat mystique. Il lui présente ensuite les djinns et les maintes façons de contrôler ces entités. Si l’élève meurt, le maître le pleure… mais sans excès. Il sait que quand on a la prétention de tisser le feu divin, il faut avoir la force de la Volonté et de l’Art pour survivre à une telle majesté ! Sphères d’affinité : Esprit, Forces, Matière ou Prime. Focus : la flamme de l’Asha n’est limitée que par la Volonté et la vision d’un Tisseur. Mais tout comme un tapis d’exception suit le motif d’une trame, et un feu les courants de l’air et le sens du bois, les bénédictions de l’Asha suivent elles aussi les brillants desseins de l’intention et de la conscience. Le focus d’un Taftâni implique de façonner les pensées et les matériaux selon un concept grandiose et élaboré, qui démont