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LES METHODES MODERNES D'EVALUATION PRESENTENT-ELLES UN INTERET POUR DETERMINER LA VALEUR VENALE FISCALE D'UNE ENTREPRISE?
Par Jean-ClaudeARMAND M.B.A,I.E.P. Expert-comptable Commissaireaux comptes
12, rue de la GrangeBatelière 75AO9PARIS TeVFax: 0l-48-24-35-64 Portable: 06-16-68-02-41 E-mail : [email protected]
ur le principe,I'appréciationde la valeurvénale,que ce soit pour I'impôt a été définie de solidaritésur la fortuneou pour les droits de succession, par la Cour de cassationnotammentdansune séried'arêts rendusde 1952 à 1956. Selon le Guide d'évaluation Francis Lefebwer, cettejurisprudence a < posé le principe général selon lequel la valeur des titres doit être appréciée en tenant compte de tous les élémentsdont l'ensemblepermet d'obtenir un chffie aussi proche que possible de celui qui aurait entrqînë le jeu normal de l'ffie et de la demande>. Cette appréciation de valeur vénale à laquelle de nombreux praticiens de la finance souscriventvolontiers n'est cependantpas aiséeà réaliser car aucuneméthode ne permet de déterminerla valeur objective d'une enteprise. On constateen particulier des divergencesprofondes entre les méthodesretenues par l'Administration fiscale et celles issuesde la finance moderne. En raison de leur caractère statique et arbitraire, les premières peuvent aboutir à des évaluations notablement supérieures à celles issues de la finance moderne dont I'approche, dynamique, est plus conforme au fonctionnementdesmarchésfinanciers. Ces constats nous conduiront dans un premier temps à faire I'inventaire des méthodes décrites par I'Adminisfration fiscale, puis en critiquer le bien-fondé, notamment sur plan économique. Puis nous proposerons dans une troisième partie deux méthodes d'évaluation uûlisées par de nombreux professionnelsde finance, méthodesque I'on peut opposerà I'Administration fiscale.
I INVENTAIRE DES METHODES D'EVALUATION
FISCALES
Depuis que la Cour de cassationa censuré,dans son arêt du 9 octobre 1985, le recours à un unique critère, savoir la valeur mathématique,I'Administration fiscale retient une moyenne issue de quaûe méthodes : la valeur mathématique, la valeur de rendement,la valeur par la marge brute d'autofinancement,la valeur de comparaison.
1.1 La valeur mathématique.
Succinctement cette méthode revient à déterminer I'actif net comptable avant de majorer ce dernier des plus et moins values latentesexistant dans sur l'actif que sur le passif. L'appréciation des plus values latentes est fonction de la nature de l'acûf ; s'agissant d'actifs corporels, plusieurs méthodes peuvent être mises en ouwe: comparaisonavec des transactionssimilaires, capitalisation du loyer de marché pour les immeubles de rapport. En ce qui concerne les actifs incorporels, les méthodes varient en fonction du type d'incorporels. Les fonds de commerce de détail sont évalués en fonction d'un t Cf. page159
pourcentage du chiffie d'affaires,les fondsdits industriels,sur la basede deuxannées net. de bénéfice Cependantpour ces derniers,il est égalementpossibled'utiliser la rente du c'est à dire une rentabilité supérieureà celle qu'en attendenttout investisseur.Généralemen!cette rentese calculede la formule suivante: RGV/: SB/Trn Danslaquelle RG: rentedu goodwill, Tr:Taux derémunération (SB), du superbénéfice N: le nombred'annéesde rémunération du superbénéfice, SB estle produitde I'opérationci-après: 33: (BR - ANCC x Tz) Danslaquelle BR: Bénéficede référence, ANCC: actif net comptablecorrigée, Tz:Taux de rémunération de I'actif. GénéralementTz est inférieur à Tr cat I'on considère que le maintien du superbénéficea un caractèrealéatoire,et doit par conséquent bénéficier d'une plus forte. rémunération 1.2la valeurde productivité Ceffe valeur de productivité peut être appréciéesoit par capitalisation des résultats distribués au cours des deux ou trois derniers exercices, soit en capitalisant le résultat net. L'Administration accepteune fourchette de taux assezlarge, de 4 à l7%o pour capitaliserles dividendestandis que le taux retenu pour la valeur de productivité correspond au total formé par le taux de rendement sur les obligations du marché d'état,la prime de risque sur les actions et une prirne de risque spécifique à la société.
1.3 Valeur par Ia marge brute d'autofinancement
La méthode de la MBA consiste à multiplier par un coefiicient la marge brute d'autofinancement de I'exercice de référence. Cette dernière coffespond au résultat net majoré des dotations aux amortissementsde cet exercice. Le coefficient à appliquer à la MBA est fonction de I'importance des investissementsfuturs. Plus ils sont importants, plus le coefficient sera élevé. Dans cette méthode, on considère implicitement que les investissementsmatériels futurs permettent de pérenniser, voire d'améliorer la valeur de la société, alors que de faibles investissementshlpothèquent la rentabilité future de I'entreprise.
1.4Valeurpar comparaisonsboursières Cetteméthodeconsisteà déterminerdesmultiples,généralementcelui du résultat net2,à partir d'un échantillonde sociétésro-p*ubl.r pùr à les appliquerà la société à évaluer.
II CRITIQUE DES METHODES FISCALES Les critiques à l'égard des méthodes d'évaluation fiscales peuvent être regroupées en deuxcatégories: o d'une part, celles qui sont cornmunes à toutes les méthodes de I'Adminisfration, o d'autrepart, cellesqui sontpropresà chaqueméthode. 2.1 Critiquespropresà toutesles méthodesretenuespar I'Administration fiscale Les observationsformuléesse réfèrenttoutesà la notion de bénéficenet cornme point de départà toutesles méthodesd'évaluationde I'Administration.Or, la prise en comptedu bénéficenet supposerempliesun certainnombrede conditiottspô.rt q.r. celle-cin'aboutissepasà dessurévaluations manifestesde la sociétéconcernée. Le risquede surévaluation existesi l'on prenden compte o un résultatsocialet non un résultatconsolidé, o le résultatnet au lieu et placedu résultatde réference,plus représentatifde la performancefuturede la société. 2.1.1Priseen comptede comptessociauxet non de comptesconsolidés. La priseen comptede donnéesconsolidées a pour avantagedonnerune imagede la performancebeaucoupplus conformeà la réalité économique.C'est d'ailleuri sur ce fondementquela Courde cassationa récemmentdécidéqueles comptesconsolidés pouvaient servirde baseà l'évaluationd'une entrepriseau lieu et phèe des comptes sociaux. C'est tout à fait logiquedansle casoù les filiales enregistrentdespertesou des rentabilitésnotoirementinférieuresà cellesde la sociétéévaluée.La prise en compte d'une rentabilitéconsolidéeneutralisera, aprèsréalisationde correctionstechniqo.r,lu surévaluation artificiellerésultantde la priseen comptede la seulerentabilitéro"iale.
'L'inverse de ce multiple (soit 1/ Multiple du resultatnet) est appelé >
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Le calcul des flux libres de trésorerie est similaire à celui d'un cash-flow déterminé pour le calcul des tableaux de financement à une exception près mais de taille ; il ne tient pas compte d'aucun flux relatif aux capitaux rétribuables ( c'est à dire les capitaux propres et les dettesfinancières). Cet élément,ainsi que le coût qui en découle,est appréhendéau niveau du taux d'actualisation. En effet, ce denier est déterminé en fonction de deux paramèfres,qui sont - le risque lié à l'activité de I'enfreprise, - le risque lié à la structure financière de l'enûeprise (c'est-à-dire le poids de I 'endettementpar rapport aux capitauxpropres). Ce taux d'actualisation est déterminé I'aide d'une formule appelée Modèle d'Evaluation des Actifs Financiers (MEDAF),s formule déterminée par deux économistesfinanciers arnéricainsde renom, J. Linmer et W. Sharpe.
3.1.2 Avantagesde cetteméthode. Outre sa logique validée par la pratique boursière, cette méthode présentetrois avantages.En premier lieu, si I'on considèreque la rentabilité future de I'enfreprise à évaluer sera inferieure à la rentabilité historique, alors la valeur de la société sera minorée par rapport aux approchesretenuespar l'Administration fiscale. Ensuite, cette méthodeest à préconisersi I'entreprise est fortement endettéeou si le taux d'endettementde I'entreprise est appelé à se détériorer dans I'avenir. Comme cela est précisé ci-dessus,le taux d'actualisation introduit une relation entre rendement et risque, financier notamment.Enfe d'aufres termes,plus la sociétéest endettée,plus le taux d'actualisation sera fort en raison des risques de faillite, et plus la valeur de I'enfreprise sera en conséquence faible. Or il arrive souvent que les héritiers accroissentI'endettement pour financer des investissementsdestinésà rénover I'outil industriel usé, faute d'investissementssuffisantsde l'ancien dirigeant. Enfin, le taux d'actualisation peut être revu à la haussesi l'on considèreque les risques de volatilité du résultat futur sont importants, en raison notamment du changementde certainesconditions économiques,alors il sera approprié d'augmenter le taux d' actualisation.
3.2 Multiple du résultat d'exploitation Pour ce14 nous seronsappelésà décrire la méthode avant de mettre en évidence sesavantagespar rapport à celles de l'Administration fiscale.
3.2.1Description Cette méthodeconsiste
s
Traduction de l'anglais < capital asset pricing model (C.A.P.M.))
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dansun premier tempsà déternrinerle multiple du résultatd'exploitation de I'annéeN de sociétéscotéeset comparables à cellequeI'on souhaiteévaluer, puis d'appliquerce multiple au résultatd'exploitation(annéeN) de la société en question, de retrancherde la valeurainsi obtenuel'endettement. Le multiple du résultatd'exploitationdessociétéscomparables est généralement calculéde la façonsuivante: Capitauxinvestis/Résultatd' exploitation Cesderniersétantdéfiniscornmeétantla capitalisationboursière,augmentéede I'endettementfinancier.Le calcul du numérateurest dicté par le fait q,r" l. résultat d'exploitationdoit permethela rémunérationde tous les apporteursdè capitalx, y comprisles prêteursde deniers. 3.2.2Avantages Ce ratio de performanceprésenteI'avantagede n'être corréléqu'aux produitset chargesrésultantde I'exploitation,mais à l'exclusion de chargesde financement.En d'autres terrnes,elle présentel'avantagede ne pas prendreen compte le résultat exceptionnel.Comme cela a été démontréci-dessus,si ce dernier est foftement bénéficiaire,il tendà majorerartificiellementla valeurde la société. CONCLUSION On retiendra de la présenteétude que I'arbiûaire de I'Administation, qu'il -êne procèdede I'avidité de sesagentsou d'un manquede compétence, peut toujours combattuen opposantun raisonnement économique,et des considéiationsôbjectives sur la position concurrentiellede I'enûeprisesur son marché.Bien évidemmènt,une évaluationbaséesur un raisonnement financieret validé par la pratiqueboursièreest compliquéeà methe en æuweet demandesouventle recoursà àes professionnels de la finance. On pourrarappelerà I'Adminisfiation fiscale dansce domaineque (( la vérité doit s'appuyersur la pratique et que c'estpar la pratique que I'on conlçoitla vérité > (Mao ZeDong).
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