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Dans la même collection Sous la direction de Henri Dorvil et Robert Mayer Priver ou privatiser la vieillesse ? Entre le domicile à tout prix et le placement à aucun prix Michelle Charpentier 2002, ISBN 2-7605-1171-5, 226 pages, D-1171
Huit clés pour la prévention du suicide chez les jeunes Marlène Falardeau 2002, ISBN 2-7605-1177-4, 202 pages, D-1177
La rue attractive Parcours et pratiques identitaires des jeunes de la rue Michel Parazelli 2002, ISBN 2-7605-1158-8, 378 pages, D-1158
Le jardin d’ombres La poétique et la politique de la rééducation sociale Michel Desjardins 2002, ISBN 2-7605-1157-X, 260 pages, D-1157
Problèmes sociaux • Tome 1 – Théories et méthodologies Sous la direction de Henri Dorvil et Robert Mayer 2001, ISBN 2-7605-1126-X, 622 pages, D-1126
Problèmes sociaux • Tome 2 – Études de cas et interventions sociales Sous la direction de Henri Dorvil et Robert Mayer 2001, ISBN 2-7605-1127-8, 700 pages, D-1127 PRESSES DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC Le Delta I, 2875, boulevard Laurier, bureau 450 Sainte-Foy (Québec) G1V 2M2 Téléphone : (418) 657-4399 • Télécopieur : (418) 657-2096 Courriel : [email protected] • Internet : www.puq.uquebec.ca Distribution : CANADA et autres pays DISTRIBUTION DE LIVRES U NIVERS S . E . N . C . 845, rue Marie-Victorin, Saint-Nicolas (Québec) G7A 3S8 Téléphone : (418) 831-7474 / 1-800-859-7474 • Télécopieur : (418) 831-4021 FRANCE DIFFUSION DE L ’ ÉDITION QUÉBÉCOISE 30, rue Gay-Lussac, 75005 Paris, France Téléphone : 33 1 43 54 49 02 Télécopieur : 33 1 43 54 39 15
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2002
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Données de catalogage avant publication (Canada) Vedette principale au titre : Le virage ambulatoire : défis et enjeux (Collection Problèmes sociaux & interventions sociales ; 6) Comprend des réf. bibliogr. ISBN 2-7605-1195-2 1. Santé, Services de – Réforme – Québec (Province). 2. Traitement ambulatoire – Québec (Province). 3. Désinstitutionnalisation – Québec (Province). 4. Soins à domicile – Aspect social – Québec (Province). 5. Personnel médical – Québec (Province) – Conditions sociales. 6. Aidants naturels – Québec (Province) – Conditions sociales. 7. Travail et famille – Québec (Province). I. Côté, Denyse, 1954. II. Pérodeau, Guilhème, 1950. III. Collection. RA395.C974V57 2002
362.1'2'09714
C2002-941283-0
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition. La publication de cet ouvrage a été rendue possible grâce au soutien de l’Université du Québec en Outaouais.
Révision linguistique : LE GRAPHE ENR. Mise en pages : CARACTÉRA PRODUCTION GRAPHIQUE INC. Couverture : Conception graphique : RICHARD HODGSON Illustration : TOM THOMSON (1877-1917). Dans le Nord, 1889. Huile sur toile, Musée des beaux-arts de Montréal.
1 2 3 4 5 6 7 8 9 PUQ 2002 9 8 7 6 5 4 3 2 1 Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés © 2002 Presses de l’Université du Québec Dépôt légal – 4e trimestre 2002 Bibliothèque nationale du Québec / Bibliothèque nationale du Canada Imprimé au Canada
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E C A F É R P VIRAGE AMBULATOIRE Virage paradigmatique, virage éthique
FRÉDÉRIC LESEMANN INRS – Urbanisation, Culture et Société
Ce qui est en cause [avec le virage ambulatoire], c’est bien plus une réorientation conceptuelle et idéologique du recouvrement de la santé qu’un simple changement de la gestion des ressources sanitaires.
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IX
PRÉFACE
Cette évaluation, formulée en 1996 par le Conseil du statut de la femme dans une étude sur le virage ambulatoire (1996, p. 9), m’apparaît constituer une bonne mise en perspective du phénomène du « virage ambulatoire », promu ensuite dans tous les énoncés de réformes sociosanitaires successifs. Il est avéré que ce « concept » et les stratégies qui en découlent sont l’une des manifestations fortes de la volonté de l’État-providence québécois de procéder à des réformes majeures de ses orientations et, partant, de son rôle. Pour le dire autrement, si le « virage ambulatoire » se présente dans une première lecture comme une mesure de gestion administrative, il s’inscrit immédiatement dans une dynamique politique de restructuration de l’État pourvoyeur de services et il illustre même un véritable changement paradigmatique des fonctions « providentielles » de l’État. En effet, au cours des deux dernières décennies, l’État a progressivement évolué d’un État-providence à un État qu’on peut qualifier de « partenaire » (Lesemann, 2000) ou, encore, d’un État « social-bureaucratique » à un État « social-libéral » (Bresser Pereira et Cunill Grau, 1998) ou d’« investissement social » (Giddens, 1998 ; Esping-Andersen, 2001 ; Jenson et Saint-Martin, 2001) ou même, pour utiliser un terme anglais qui le résume mieux que tout autre, à un enabling state (Noël, 1996). Le « virage » est l’une des expressions majeures de cette évolution. De quoi s’agit-il ? De la nécessité pour l’État de trouver des modalités de réponses fiscalement, politiquement et socialement acceptables à l’épuisement de cette forme d’action de régulation étatique qu’on a qualifiée de « providentielle » et qui s’est développée au cours d’une période très particulière de l’histoire des pays industrialisés, celle des années de l’immédiat après-guerre jusqu’au début des années 1980. L’État-providence a en effet été un coproducteur exceptionnel de cette période exceptionnelle d’expansion de la production et de la consommation, en soutenant une modernisation démocratique des sociétés qui a rendu possible une mobilité sociale de masse grâce à un accès universel aux services d’éducation, de santé, de protection sociale et à la défense et à la promotion des droits civiques et sociaux. Je ne crois pas exagérer en soutenant que la grande majorité des réflexions récentes des sciences sociales, et peut-être même des sciences administratives, est mobilisée par cet enjeu majeur pour nos sociétés : « Comment penser ce-qui-vient-aprèsl’État-providence, et comment penser l’action sociale et politique en conséquence ? » On sait, d’une part, que la forme d’intervention providentielle qu’on a connue ne pourra être ressuscitée, compte tenu des transformations structurelles et culturelles qui caractérisent nos sociétés aujourd’hui, et que, d’autre part, la solution ultralibérale du « tout au marché » des années 1990 a vécu, qu’elle s’est révélée contreproductive et, bien sûr, insupportable en termes humains.
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X
LE VIRAGE AMBULATOIRE
C’est pourquoi la réflexion contemporaine est mobilisée par les questions du « vivre ensemble », des liens sociaux, des risques d’exclusion, des nouveaux mécanismes de régulation, des rapports entre la société civile et l’État, des rapports entre le marché, la société, l’individu et l’État. Ne négligeons pas le fait que deux acteurs politiques majeurs ont progressivement émergé au cours du dernier demi-siècle : les classes moyennes salariées, largement construites par les mécanismes de mobilité sociale élaborés et favorisés par l’État-providence ; ces classes occupent aujourd’hui le devant de la scène politique dans toutes les démocraties et, à titre de clientèle, elles orientent principalement les choix politiques ; l’individu, de plus en plus détaché de ses liens communautaires, se méfiant des institutions et de leurs pratiques bureaucratiques, producteur du propre sens de sa relation au monde et aux autres, de plus en plus centré sur son intimité, scolarisé, informé, réflexif, doté de droits et de responsabilités, qui évolue et « s’épanouit » dans un environnement idéologique libéral exacerbé, et qui s’affirme au principe de toute vie en société. Voilà, pour l’esquisser très sommairement, le contexte d’émergence du « virage ambulatoire ». En réalité, et j’insiste d’emblée, ce contexte est double : institutionnel, en ce qu’il touche et réclame une réarticulation des relations entre l’État et la société civile, une redéfinition des responsabilités entre action étatique, action publique non étatique et action privée ; culturel, en ce qu’il en appelle à l’individu, à ses initiatives, à ses choix, à sa liberté et à ses responsabilités. Par conséquent, il me semble important que les analyses du « virage ambulatoire » prennent en compte ce double contexte et qu’elles s’efforcent d’en refléter la double dynamique, même si la « face d’ombre » dont témoignent bien légitimement les acteurs de terrain qui y sont confrontés l’emporte sur la face plus lumineuse de ses potentialités. Le « virage ambulatoire » ne me semble en effet pas pouvoir être analysé uniquement en termes de pertes, de restrictions, d’impacts négatifs ; ces dimensions existent sans aucun doute et de nombreuses contributions de cet ouvrage les évoquent éloquemment ; loin de moi l’idée de négliger ces réalités, et encore moins de les nier. Il me semble cependant que le « virage » doit aussi être appréhendé comme une orientation porteuse de nouveaux espaces de liberté, de réponses à des quêtes croissantes d’autonomie – peut-être même d’éléments de démocratisation dans tout ce qui touche au domaine de la « vie » –, de réduction de la dépendance à l’égard des normes institutionnelles, bureaucratiques et professionnelles, dans la perspective des courants de désinstitutionnalisation et de réinsertion sociale, de respect de la sphère privée, de valorisation du domicile, des initiatives de soins alternatifs, des maisons de naissances, etc. Bien sûr, tout cela dans le cadre de normes de qualité, de justice et d’équité établies, reconnues et appliquées. Et c’est là, je le sais, que le bât blesse, mais c’est là aussi que doit se porter l’action, plutôt que sur la dénonciation et la tentation d’un refus global du processus en cours.
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XI
PRÉFACE
L’État, en effet, a été confronté, dès la fin des années 1980, au Québec comme à peu près partout, à de multiples sources de pression pour exercer différemment ses responsabilités dans le domaine de la santé et des services sociaux : crise budgétaire et endettement public, bien sûr, mais aussi croissance incontrôlable des coûts de la santé et de l’aide sociale ; crise de la culture bureaucratique qui préside à la gestion des services ; incrustation des corporatismes sectoriels dans le système ; contexte idéologique de pressions pour une réduction de la taille de l’État ; développement des technologies de l’information, mais aussi des technologies biomédicales ; émergence d’usagers-consommateurs-citoyens de plus en plus critiques à l’égard des services attendus ou reçus ; évolution démographique qui oblige le système à anticiper de nouveaux besoins et à répondre à de nouvelles maladies, etc. Tous ces phénomènes exigent de la part d’un système de services une capacité d’adaptation, de souplesse, d’innovation que son mode historique d’organisation ne lui permet que très difficilement. C’est la raison pour laquelle les réformes vont proclamer, par exemple, la prééminence du client ou du citoyen que l’on va décréter être « au centre » du système : on espère ainsi créer une alliance pratique entre les planificateurs et les usagers, « contre » les professionnels et les employés en exercice que les planificateurs soupçonnent de détourner le système en fonction de leurs intérêts catégoriels. C’est la raison pour laquelle, aussi, les réformes vont compter de plus en plus sur un secteur « communautaire » – les organismes de la « société civile » – que l’État va financer en fonction de sa contribution à l’atteinte des objectifs du système ; c’est encore la raison pour laquelle les réformes vont également, dans la même opération, viser à réduire au minimum le temps de séjour dans les ressources hospitalières lourdes et coûteuses et en appeler à la contribution des familles au domicile, ou encore créer une « chaîne de soins » en paliers hiérarchiques descendants, à partir des ressources médicales très spécialisées jusqu’aux familles qu’on va au besoin qualifier pour exercer des actes infirmiers peu qualifiés, en passant par toutes les catégories de personnel infirmier. C’est dans ce cadre administratif et politique que se déploie le « virage ambulatoire ». Mais dans le même temps – et l’on retrouve ici les débats qu’ont dû mener, par exemple, le secteur communautaire au cours des dernières années, ou les associations de défense des droits des personnes désinstitutionnalisées –, cette action réformatrice de l’État ouvre des espaces de critique du monopole étatique et professionnel sur la santé et sur la vie des individus ; elle ouvre par là de nouveaux espaces de participation démocratique et, pour l’individu, de « déprise » de la normativité institutionnelle, et donc d’un possible exercice de sa liberté d’acteur et de ses choix de vie.
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LE VIRAGE AMBULATOIRE
Ainsi, l’État a ouvert, avec la « virage ambulatoire » et, plus largement avec ses diverses initiatives de réforme, un espace de débat pour les problèmes d’éthique collective (Forest, 1999), pour les questions de justice et d’équité à propos des services sociosanitaires. Il n’est en effet pas possible de bouleverser un système de services, c’est-à-dire d’affaiblir l’emprise d’un système établi de services fondé sur des normes qui, jusqu’à récemment, garantissaient au moins formellement un accès universel aux soins, pour lui substituer une autre organisation, fondée sur d’autres principes et d’autres règles, sans expliciter ces règles et les soumettre au débat public. On retrouve là des préoccupations qui sont activement discutées et mises en forme depuis de nombreuses années, par exemple à propos des services de soutien à domicile, au sujet des normes de qualité et de sécurité des services, des conditions de préservation et de promotion d’une autonomie maximale non seulement pour les personnes prises en charge, mais pour celles qui les aident directement, en particulier les conjoints ou les membres familiaux touchés de plus près. La rareté des ressources (qui n’est nullement un problème nouveau, mais bien plutôt un problème dont on a objectivé la réalité constante pour mieux l’affronter) exige l’énonciation de critères de priorité (en fonction, par exemple, du degré de dépendance, de la force et de la capacité de mobilisation du réseau familial ou de voisinage, des ressources financières disponibles) et de mécanismes d’arbitrage reconnus et acceptés pour octroyer les ressources de manière pragmatique, équitable, et donc reconnue comme légitime. La réflexion éthique permet de pondérer les objectifs d’un accès équitable aux ressources, ou encore l’équité des conditions d’un soutien à domicile, en fonction d’une situation physique ou psychologique, sociale et économique. Mais, pour que ces objectifs d’équité soient atteints, il est indispensable que l’État se préoccupe de les porter dans l’espace public de délibération qu’il a la responsabilité de créer et d’empêcher ainsi qu’ils soient maintenus dans l’espace privé du domicile et de la délibération limitée aux proches. L’enjeu est en effet public et politique, même s’il est vécu comme individuel (ou familial) et donc privé. Le problème de l’équité est un problème d’équilibre entre « ce que chacun est en droit d’attendre et ce qu’on est en droit d’attendre de chacun » (Van Parijs, 1991, cité par Forest, 1999, p. 40). « Dans cette optique, sont équitables toutes les politiques qui donnent accès à des services ou à des avantages en échange d’une “contribution” socialement acceptable » ( ibid.). C’est la question et l’enjeu de la « responsabilité » (Charbonneau et Estèbe, 2001). Cela dit, il faut immédiatement et fermement établir qu’on est généralement en présence, dans le cas des populations concernées par le « virage ambulatoire », de personnes qui vivent en situation de fortes inégalités, ne serait-ce que par le préjudice que leur cause leur situation de perte d’autonomie ou de service requis pour soutenir une personne invalide. Il appartient donc évidemment aux politiques de pondérer ces inégalités flagrantes en tentant de trouver des mesures (au double sens du terme : des actions et des quantités) compensatoires équitables. On est donc aux antipodes d’un abandon de la prise en charge aux mains de familles laissées à elles-mêmes, sans ressources ou presque ; on est au contraire
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PRÉFACE
dans un processus, dont les normes sont fondées sur la délibération publique, de redéfinition des actions publiques, d’ouverture à une diversification des modèles de protection sociale, pour en accroître l’efficacité, dans un contexte institutionnel en profonde transformation. C’est, me semble-t-il, à de telles conditions que le « virage ambulatoire » pourra devenir à terme « équitable » pour ceux et celles qui le vivent comme premiers concernés et que, pour la société, il pourra être considéré comme une initiative positive de désinstitutionnalisation, d’émergence d’une société civile forte, délibérative et solidaire. Cet ouvrage témoigne avant tout de la difficulté, voire de la dureté du « virage ambulatoire » et de ses conséquences pour les patients de même que pour ceux et celles qui les soutiennent, qu’ils soient des membres familiaux ou des professionnels des services. Est-il utopique d’imaginer que les lecteurs et les lectrices qui vont en entreprendre la lecture puissent envisager qu’il pourrait en être autrement, que le « virage » pourrait être une source d’innovation, de découverte d’autres liens sociaux, d’autres formes de solidarités ? La condition serait qu’une vraie délibération éthique publique s’instaure à propos des processus et des critères d’allocation des ressources dans une société où, bonne nouvelle, l’État ne peut plus être et n’est déjà plus le principal définisseur des besoins et pourvoyeur des solutions (s’il l’a jamais été !), mais où il doit rendre possible l’arbitrage de la répartition des ressources et garantir la protection des plus vulnérables.
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LE VIRAGE AMBULATOIRE
RÉFÉRENCES
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T A B L E D E S M A T I È RE S PRÉFACE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
VII
INTRODUCTION LE VIRAGE AMBULATOIRE : DÉFIS ET ENJEUX . . . . . . . . . . . . . Guilhème Pérodeau et Denyse Côté
1
PARTIE 1 LA PROBLÉMATIQUE DU VIRAGE AMBULATOIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . CHAPITRE
9
1
LE VIRAGE AMBULATOIRE : VERS L’HUMANISATION DES SOINS ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Denyse Côté
11
1. Le virage ambulatoire : expression polysémique, transformation majeure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
14
2. La réduction des séjours hospitaliers et les soins ambulatoires : une mise à profit du travail gratuit des soignantes . . . . . . . . . . .
17
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XVI
LE VIRAGE AMBULATOIRE
3. Restructuration du réseau et mise en place de services ambulatoires : des changements sur lesquels les travailleuses ont peu d’emprise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
24
4. Le virage ambulatoire et l’humanisation des soins . . . . . . . . . . .
28
Références bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
31
CHAPITRE
2
LA VIABILITÉ DE LA DÉSINSTITUTIONNALISATION FACE AUX CHANGEMENTS SOCIODÉMOGRAPHIQUES . . . . . Yves Carrière, Janice Keefe et Georgia Livadiotakis
33
1. Le maintien à domicile : une clientèle de plus en plus nombreuse et de plus en plus lourde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
36
2. Les changements dans la structure familiale . . . . . . . . . . . . . . . .
39
3. La participation des femmes au marché du travail . . . . . . . . . . .
47
4. Les défis politiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
49
Références bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
51
CHAPITRE
3
LE VIRAGE AMBULATOIRE ET LA CONCILIATION TRAVAIL-FAMILLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lise Lachance, Nathalie Brassard et Louis Richer
57
1. Les types de relations entre le travail et la vie familiale . . . . . . .
61
2. Les impacts du virage ambulatoire sur les travailleuses . . . . . . .
63
3. Les impacts du virage ambulatoire sur les aidantes naturelles . . .
65
4. Les impacts du virage ambulatoire sur les usagères . . . . . . . . . .
69
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
71
Références bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
73
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XVII
TABLE DES MATIÈRES
PARTIE 2 LES ENJEUX SUR LE TERRAIN . . . . . . . . . . . . . . . . . CHAPITRE
81
4
L’IMPACT DU VIRAGE AMBULATOIRE SUR LES PROFESSIONNELLES DE LA SANTÉ EN PRÉCARITÉ D’EMPLOI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Guilhème Pérodeau, Sylvie Paquette, Lorraine Brissette, Chantal Saint-Pierre, Diane Bernier et André Duquette
83
1. État de la situation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
85
2. Le virage ambulatoire et ses conséquences . . . . . . . . . . . . . . . . .
89
3. Recommandations pour atténuer les effets du virage ambulatoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
98
4. Enjeux et défis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
101
Références bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
103
CHAPITRE
5
FEMMES ET SOINS : L’EXPÉRIENCE DU VIRAGE AMBULATOIRE À LA VIEILLESSE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Francine Ducharme, Guilhème Pérodeau et Denise Trudeau
105
1. La problématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
107
2. Les considérations théoriques ayant guidé l’exploration de l’expérience des femmes âgées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
109
3. Comment a été évaluée l’expérience des femmes âgées face au virage ambulatoire ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
110
4. Les résultats : ce que perçoivent les femmes âgées… . . . . . . . . .
112
5. Femmes, soins et vieillesse : que retenir de l’expérience partagée ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
120
Références bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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XVIII CHAPITRE
LE VIRAGE AMBULATOIRE
6
LES FAMILLES ET LE SOUTIEN AUX PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mario Paquet, André Guillemette et Caroline Richard
127
1. Méthodologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
131
2. Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
134
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
148
Références bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
150
PARTIE 3 CE QUE PENSENT LES PRATICIENS
.........
151
LES RÉSEAUX FORMEL ET INFORMEL EN ACTION . . . . . . . . . Chantal Saint-Pierre
153
1. La perspective anthropologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
155
2. La perspective politico-administrative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
156
3. La perspective économique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
157
4. La perspective féministe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
158
5. La perspective légale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
158
6. La perspective sociologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
159
7. La perspective sanitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
159
Références bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
160
CHAPITRE
CHAPITRE
7
8
LA RÉFORME DU SYSTÈME DE SANTÉ ET LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Martin Bédard
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XIX
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE
9
LES BESOINS DES AIDANTES NATURELLES ET LES SOLUTIONS POUR UN MEILLEUR ÉQUILIBRE ENTRE LES RESSOURCES PROFESSIONNELLES ET INFORMELLES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nicole L’Heureux
171
1. Les besoins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
000
2. Les améliorations réclamées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
175
CHAPITRE
10
VIRAGE AMBULATOIRE ET DÉSINSTITUTIONNALISATION : EXPLOITATION DU TRAVAIL FÉMININ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sylvie Boulanger
177
1. Des objectifs louables, mais… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
179
2. D’abord des coupures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
180
3. Des effets sur l’entourage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
181
4. Les femmes : de plus en plus sollicitées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
181
5. Vers une déresponsabilisation… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
183
CONCLUSION QUE PEUT-ON CONCLURE ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Denyse Côté et Guilhème Pérodeau
185
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INTRODUCTION LE VIRAGE AMBULATOIRE Défis et enjeux
GUILHÈME PÉRODEAU Département de psychoéducation et de psychologie Université du Québec en Outaouais
DENYSE CÔTÉ Département de travail social et des sciences sociales Université du Québec en Outaouais
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3
INTRODUCTION
Ce livre est un recueil d’articles de chercheurs appartenant à divers univers disciplinaires, accompagné de réflexions et de recommandations de quelques praticiens intervenant à différents niveaux stratégiques de la chaîne de soins. L’objectif est de faire l’analyse critique des effets du virage ambulatoire et de ses impacts sur la pratique professionnelle ainsi que sur la population en général. Les questions auxquelles ont réfléchi ces chercheurs et praticiens sont centrales à la compréhension des ondes de choc qui ont frappé le système sociosanitaire québécois : que doit-on retenir de ces réaménagements structuraux et de l’implantation d’une nouvelle philosophie de soins ? Quels en sont les effets sur les personnes qui requièrent des soins ? Quels en sont les effets sur la population québécoise en général et sur certains groupes en particulier : les professionnelles en milieu hospitalier, les employées à statut précaire, les femmes… ? Le transfert de soins à domicile est-il souhaitable et, si oui, dans quelles conditions ? Il faut comprendre ici que ces réaménagements structuraux ont été opérés dans le cadre de l’objectif gouvernemental du « déficit zéro » et dans un temps très limité. Les nouveaux fonds fédéraux transférés aux provinces ont été amputés de sept millions de dollars entre 1996 et 1999. Ce qu’on a appelé au Québec « virage ambulatoire » s’est caractérisé par la réduction systématique de la durée du séjour hospitalier et la généralisation des services ambulatoires, la réduction du personnel et du nombre de lits dans les hôpitaux, l’alourdissement de l’ensemble de la tâche du personnel des hôpitaux et des CLSC. Tout comme le virage ambulatoire (ou phénomène de la désinstitutionnalisation) vécu dans le milieu psychiatrique depuis plusieurs décennies, ces revirements dans le domaine de la santé requièrent des ajustements à tous les paliers de soins. Cette nouvelle philosophie allait donc bouleverser les pratiques en milieu hospitalier ainsi que les mandats des CLSC. Le virage ambulatoire a aussi provoqué une réflexion sur la qualité des soins de santé, de même qu’un débat public sur l’avenir du système sociosanitaire : à tel point qu’il est devenu un thème central de l’élection provinciale de 1999. Le virage ambulatoire a aussi eu des effets profonds sur la structure des familles maintenant responsables des soins des personnes déshospitalisées plus rapidement, la surveillance médicale étant souvent effectuée à domicile par les malades et par leurs proches. Cette situation soulève quelques questions, notamment sur l’équité entre les genres, les procès et les conditions de travail en matière de soins à la personne et de soins de santé. Notre livre présente les concepts et mécanismes sous-jacents au virage ambulatoire, tant sur le plan théorique que pratique. Dans la préface, Frédéric Lesemann (Virage ambulatoire : virage paradigmatique, virage
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LE VIRAGE AMBULATOIRE
éthique) évoque les potentialités du virage. Il signale en particulier la mise de côté du carcan institutionnel pour aller vers des solutions faisant appel à la liberté individuelle et à la réinsertion sociale, plus en lien avec les valeurs et les attentes des usagers dans une société postmoderne. Son appel vibrant vers un virage libérateur et créateur d’alternatives aux anciens modèles est modulé par son constat des difficultés de parcours. Il nous exhorte néanmoins à maintenir le cap en considérant les avantages du virage à long terme. Nous le faisons tout en pensant qu’il est important d’en souligner les obstacles et déraillements possibles. Chaque article décrit les recherches effectuées par des spécialistes du domaine de la santé pour mettre en perspective les effets du virage ambulatoire sur les populations décrites de manière à susciter la réflexion. À cet effet, nous avons divisé le livre en trois parties. Dans la première partie sur la problématique du virage ambulatoire, Denyse Côté (Le virage ambulatoire : vers une humanisation des soins ?) s’interroge sur la manière dont le virage a été implanté et sur ses conséquences, en particulier sur deux groupes de femmes : les professionnelles de la santé et les aidantes dites naturelles. Elle appuie sa présentation sur deux recherches menées auprès de ces deux groupes. Le constat est sévère : faute des ressources adéquates qui auraient dû l’accompagner, le virage ambulatoire, loin d’humaniser les soins, impose de nouvelles contraintes et difficultés aux personnes (en majorité des femmes) assurant les soins quotidiens d’une personne malade ou en perte d’autonomie. Par la suite, Yves Carrière et ses collaborateurs (La viabilité de la désinstitutionnalisation face aux changements sociodémographiques) attaquent le problème sous l’angle démographique. La génération vieillissante des baby-boomers, sans un transfert de ressources financières et organisationnelles suffisant, et avec la désinstitutionnalisation des services dont fait partie le virage ambulatoire, risque de se heurter à des obstacles de taille engendrés par des changements dans la structure familiale, dans les modes de vie et surtout par l’entrée massive des femmes sur le marché du travail. Le passage de l’institution vers le milieu naturel signifie que c’est souvent la conjointe, la fille ou la belle-fille qui prend le relais. L’égalité des sexes est loin d’être atteinte en ce qui concerne le soin aux parents vieillissants. Comment vont réagir les nouvelles générations de femmes (et d’hommes) devant cette problématique ? L’État se doit de jouer son rôle s’il veut que ses politiques s’harmonisent avec cette réalité de plus en plus présente et pressante. Dans le chapitre suivant, Lise Lachance et son équipe (Le virage ambulatoire et la conciliation travail-famille) explorent plus avant l’un des effets du virage ambulatoire en fonction de la difficulté accrue de concilier les sphères professionnelle et familiale. Tout en gardant le virage ambulatoire comme toile de fond, les auteurs font une analyse approfondie des diverses perspectives théoriques sur l’interface entre le
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INTRODUCTION
travail et la famille. L’impact du virage ambulatoire sur la travailleuse, l’aidante et l’usagère est présenté tour à tour. L’accent est mis sur l’importance de bien saisir les mécanismes qui sous-tendent l’interaction entre les rôles professionnels et familiaux afin d’être à même de mettre sur pied des dispositifs visant à minimiser l’impact des uns sur les autres dans un contexte de ressources rarissimes tant du côté formel qu’informel. La deuxième partie, Les enjeux sur le terrain, pose des constats précis à la suite d’études menées auprès de divers groupes, principalement composés de femmes. Ces dernières ont subi, de diverses manières, les effets délétères du virage ambulatoire. Dans une recherche sur les infirmières menée à l’échelle québécoise, Guilhème Pérodeau et ses collaborateurs (L’impact du virage ambulatoire sur les professionnelles de la santé en précarité d’emploi) présentent la teneur de groupes de discussion (focus groups) tenus à travers le Québec et formés d’infirmières inscrites sur des listes de rappel. Ce groupe très vulnérable, dont le nombre va en s’accroissant au fil des ans, a fortement ressenti le contrecoup du virage : des conditions de travail plus difficiles et un statut d’emploi d’autant plus précaire en ont résulté, tant et si bien que toute chance de stabilisation a été tuée dans l’œuf par le redéploiement d’une main-d’œuvre à statut permanent placée d’office dans les postes convoités de longue date. Le climat de travail pénible et le manque de reconnaissance de la tâche accomplie font en sorte que le niveau de détresse psychologique est élevé. Dans leur étude sur l’effet du retour précoce à la maison après une hospitalisation, Francine Ducharme et son équipe (Femmes et soins : l’expérience du virage ambulatoire à la vieillesse) en viennent à des conclusions similaires sur la santé des conjointes qui se trouvent seules à prodiguer des soins quasi médicaux à leur conjoint malade. Sans encadrement ou soutien adéquat, ces femmes apportent des soins qui étaient assurés par des professionnelles dans le passé. Tout en étant dévouées à leur conjoint, ces aidantes expriment leur fatigue, leur stress et leur désarroi face à une tâche qui les dépasse et que le virage les a soudain contraintes d’accomplir. De façon plus large, Mario Paquet (Les familles et le soutien aux personnes âgées dépendantes : une étude exploratoire sur le recours aux services) s’intéresse à la réticence des aidantes à utiliser les services formels. Selon la philosophie du virage ambulatoire, la personne, de même que son entourage, devrait avoir accès à un panier de services visant à la maintenir dans la communauté. Or, non seulement ces services sont souvent peu connus, mais les familles semblent, pour toutes sortes de raisons, réticentes à les utiliser. La peur de l’inconnu, une pudeur à faire appel à des « étrangers » sont autant d’obstacles à la demande d’aide. L’aidante se replie donc souvent sur elle-même et assume la majorité de la tâche au détriment de sa santé.
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LE VIRAGE AMBULATOIRE
Dans la troisième et dernière partie du livre, Ce qu’en pensent les praticiens…, trois gestionnaires représentants de groupes communautaires ou de syndicats prennent la parole pour faire les constats qui s’imposent et proposer des solutions, autant pour les professionnels que pour les aidants naturels. Ces derniers textes sont le fait d’acteurs au cœur de l’action, et ils apportent ainsi une perspective d’ensemble de la politique. Chantal Saint-Pierre, professeure en sciences infirmières (Les réseaux formel et informel en action), introduit ces trois textes et les commente à travers une lentille tour à tour anthropologique, politico-administrative, économique, féministe, légale, sociologique et sanitaire. De façon éclairante, elle émaille son discours théorique de diverses citations de praticiens sur le terrain. En tant que gestionnaire, Martin Bédard, conseiller en gestion des ressources humaines dans un grand hôpital psychiatrique à Québec, observe dans son chapitre (La réforme du système de la santé et la gestion des ressources humaines) l’ampleur des bouleversements organisationnels auxquels les travailleurs de la santé (en particulier ceux œuvrant dans le monde psychiatrique) ont dû faire face ainsi que le sentiment d’impuissance qui en a résulté. Il souligne la nécessité de redonner un sentiment de contrôle aux travailleurs, grâce à un style de gestion dans lequel ils seraient parties prenantes et à la mise sur pied de processus visant à améliorer les conditions de vie dans le travail et à la maison. Sa réflexion nous fait réaliser que le virage ambulatoire a eu lieu encore plus tôt dans le monde de la psychiatrie et qu’il se poursuit encore. Comme pour la problématique qui nous intéresse, le sousfinancement et le manque de vision à long terme ont fait que la désinstitutionnalisation psychiatrique s’est heurtée à de multiples obstacles et a occasionné des stress tant dans le réseau formel que dans le réseau informel. Ainsi, les bénéficiaires se sont retrouvés sans les services appropriés, et cela, dans un système alternatif inadéquat. Dans le chapitre suivant (Les besoins des aidantes naturelles et les solutions pour un meilleur équilibre entre les ressources professionnelles et informelles), Nicole L’Heureux met l’accent sur le besoin qu’a l’aidante naturelle de recevoir des services directs et surtout d’être respectée en tant que personne. Elle souligne ainsi qu’une aidante n’est pas une soignante professionnelle et que la prise en charge ne devrait pas être imposée par un système déficient. Enfin, Sylvie Boulanger, première vice-présidente de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec (FIIQ) (Virage ambulatoire et désinstitutionnalisation : exploitation du travail féminin), appelle à la vigilance des professionnelles de la santé et des aidantes devant la déresponsabilisation du réseau qui, par ricochet, alourdit le fardeau des soignantes professionnelles et naturelles. Le virage ambulatoire est un phénomène relativement récent qui reflète les changements politiques d’une société en évolution constante. Le vieillissement de la population, l’entrée massive et le maintien de la maind’œuvre féminine sur le marché du travail, des services formels surtaxés
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INTRODUCTION
sont autant de facteurs dans l’équation qui font que le pari du virage ambulatoire est loin d’être gagné. Il est donc important de s’y attarder, non seulement pour en jauger les forces et les faiblesses, mais également pour apporter des solutions constructives à un projet dont la philosophie de base pourrait conduire au bien-être des personnes en perte d’autonomie ou qui ont besoin de soins. Cela ne doit toutefois pas se faire au détriment de celles qui les soutiennent dans un contexte professionnel ou familial. Ce livre est un ouvrage de référence destiné aux étudiants, cliniciens, gestionnaires et intervenants communautaires. Notre souhait est que les lecteurs y trouvent non seulement des sujets de réflexion, mais également des pistes de solution.
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E I T R P
A
1 LA PROBLÉMATIQUE DU VIRAGE AMBULATOIRE
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C H A P I T R E
1 LE VIRAGE AMBULATOIRE Vers l’humanisation des soins ?
DENYSE CÔTÉ Université du Québec en Outaouais
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LE VIRAGE AMBULATOIRE : VERS L’HUMANISATION DES SOINS ?
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Les nouveaux rapports entre l’État et la société civile se caractérisent, depuis plus d’une décennie déjà, par un désinvestissement du premier relativement à la seconde, par un désinvestissement de l’État dans le social. Plusieurs stratégies ont été mises en œuvre à cet effet et le virage ambulatoire fait partie au Québec de cette série de mesures qui mettent en scène l’État dans son nouveau rôle d’accompagnateur (Bégin et al., 1999). Les effets de ces transformations sur la société québécoise sont substantiels ; celles-ci ont donc fait beaucoup parler d’elles dans les médias et ont même constitué un enjeu majeur d’élections législatives. Cependant, peu d’analyses en profondeur ont été menées sur la dimension sociale. On commence en effet à peine à documenter les incidences de ce phénomène complexe, dont la nature et la portée varient selon les institutions et les acteurs : médecins, personnel médical, malades ou aidantes « naturelles ». Ce texte a pour objectif de remettre en contexte le virage ambulatoire comme phénomène de société. Nous nous appuyons à cet effet sur quelques résultats d’une recherche menée six mois après l’implantation du virage ambulatoire 1. Cette recherche constitue en fait une chronique des transformations dans le domaine de la santé et des services sociaux au Québec relativement à la responsabilité qu’assument les femmes, soignantes 2 et employées des services de santé, pour les soins des personnes malades et dépendantes. Cette recherche exploratoire a été menée dans cinq régions du Québec dans le cadre d’entrevues individuelles semistructurées avec des travailleuses du réseau de la santé et d’entrevues de groupe réunissant des soignantes de malades ayant besoin de soins à domicile et déshospitalisés dans le cadre du virage ambulatoire. Les données présentées ici ont été recueillies en Outaouais. Le virage ambulatoire propose une transformation radicale du mode de fonctionnement, des habitudes et des conceptions entourant la prise en charge des personnes malades. Il institue un retour plus rapide des malades hospitalisés à leur communauté, à leur famille (CSF, 1999). Les résultats de cette recherche exploratoire mettent en lumière les effets du virage ambulatoire sur certaines catégories d’acteurs, ceux-là mêmes qui ont été appelés
1. Cette recherche a été effectuée en partenariat avec l’Association féminine d’éducation et d’action sociales (AFÉAS) et financée par Condition féminine Canada. Voir Denyse Côté, Éric Gagnon, Claude Gilbert, Nancy Guberman, Francine Saillant, Nicole Thivierge et Marielle Tremblay, Qui donnera les soins ? Les incidences du virage ambulatoire et des mesures d’économie sociale sur les femmes du Québec, Ottawa, Condition féminine Canada, 1998. 2. Nous utiliserons dans ce texte le terme soignante pour désigner les personnes qui prennent en charge un proche malade ou en perte d’autonomie. Nous croyons en effet que l’expression plus courante d’aidante naturelle occulte le caractère social et bénévole de ce travail de prise en charge.
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à mettre en place le virage, les travailleuses des établissements de santé, et les personnes qui ont été appelées à prendre en charge à domicile les soins requis par leurs proches, les soignantes. Le virage ambulatoire a-t-il été perçu par ces acteurs comme une forme d’humanisation des soins ? Il faut d’entrée de jeu rappeler que la collecte des données s’est effectuée peu après la mise en œuvre du virage ambulatoire et que les personnes que nous avons interviewées n’avaient pas encore pu réellement intégrer ces changements ; elle s’est faite avant que des solutions soient apportées aux problèmes les plus criants et pendant que des réformes structurelles avaient encore cours. Ce contexte colore donc les propos des personnes interrogées et devra être pris en compte par le lecteur. Cela dit, ces données nous permettent de mieux saisir une dimension du phénomène trop souvent laissée dans l’ombre.
1.
LE VIRAGE AMBULATOIRE : EXPRESSION POLYSÉMIQUE, TRANSFORMATION MAJEURE
Mais qu’est-ce que le virage ambulatoire ? Les remous et les nombreuses réactions causées par sa mise en place en 1996 ont tendance à nous faire oublier la nature ambiguë et polysémique de cette expression. Car si elle s’est retrouvée rapidement sur toutes les lèvres, ses origines restent mystérieuses. Une recherche dans les journaux, les textes officiels ainsi que dans certains textes liés au domaine médical ne nous a pas permis de retracer quelque racine technique, médicale ou officielle à l’expression virage ambulatoire. Les textes gouvernementaux préparatoires à cette réforme n’y font même pas allusion, mais on la voit apparaître dans les médias vers 1996. Force nous est de conclure qu’il s’agit là d’une expression créée de toutes pièces par ceux-ci et dont la portée symbolique masque la multiplicité de sens qu’elle recèle. Car le virage ambulatoire renvoie à plusieurs éléments qui sont d’ailleurs indissociables. Il représente une réorganisation en profondeur du système sociosanitaire du point de vue de sa gestion. Il comporte ainsi en premier lieu un changement dans la philosophie de prestation des soins par le système public de santé. Ce changement de philosophie se traduit entre autres par la réduction systématique de la durée du séjour hospitalier, l’augmentation des chirurgies d’un jour et la généralisation des services ambulatoires rendue possible par les progrès de la technologie médicale : l’antibiothérapie peut maintenant s’administrer à domicile, certaines chirurgies sont maintenant beaucoup plus légères, etc. (Côté et al., 1998 ; Conseil du statut de la femme, 1999).
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Cette nouvelle philosophie des soins répond par la même occasion à certains besoins administratifs. Le virage ambulatoire vise donc, en deuxième lieu, à effectuer une série de compressions budgétaires rendues nécessaires, notamment, par la diminution des paiements de transfert du gouvernement fédéral aux provinces en matière de santé et par la réduction du budget québécois alloué à la santé et aux services sociaux qui en résulte (Bégin et al., 1999). Dans cette foulée, le virage ambulatoire correspond également aux fusions d’établissements réalisées à la même époque afin selon les autorités gouvernementales, d’être plus efficace sur le plan administratif et d’atteindre les objectifs de compressions budgétaires : déplacement de personnel des établissements hospitaliers vers les CLSC, conversion d’hôpitaux généraux en établissements de soins de longue durée ou de courte durée, fusion d’établissements (hôpitaux, CLSC et centres d’accueil), réduction du personnel et du nombre de lits dans les hôpitaux. Dans cette optique, le virage propose une transformation ou un resserrement des missions de plusieurs établissements du réseau de la santé et des services sociaux. Le virage ambulatoire favorise par la même occasion l’apparition d’une tendance à la privatisation de certains services, à une forme de soustraitance vers le secteur privé (CSF, 1996, 1999). En diminuant les soins pris en charge en milieu hospitalier, il crée en effet une série de besoins que ne pourront plus combler les services publics de soins à domicile et que le secteur communautaire ne pourra ou ne voudra pas combler non plus. Bref, le virage ambulatoire prend appui sur la prise en charge des personnes malades par la « communauté », voire par leurs familles, tout en diminuant les budgets consacrés à la santé. Il s’agit d’une transformation majeure dans la structuration des soins que l’on observe partout au Canada, en Amérique du Nord et dans la Communauté européenne (Armstrong et Armstrong, 1996). Mis en place à partir de 1996, le virage ambulatoire constitue, certes, un changement radical du système sociosanitaire et il correspond en ce sens à la volonté exprimée par le gouvernement du Québec de donner un sérieux coup de barre. Mais il ne s’agit pas là de la première réforme du système sociosanitaire, loin de là. Parmi les nombreuses vagues de compressions budgétaires du réseau de la santé et des services sociaux, celle-ci n’est pas le résultat du hasard ou d’une génération spontanée : elle est le fruit d’une longue maturation ponctuée d’un ensemble de réformes législatives, politiques et financières. Les motivations administratives du virage ambulatoire ont vu le jour bien avant celui-ci, et plusieurs vagues
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de restrictions budgétaires l’ont précédé et l’ont suivi. Enfin, ce virage a été reçu par la population québécoise comme un changement imposé : le débat de société n’a pas précédé son implantation, mais l’a plutôt suivi. Il serait nécessaire de rappeler ici quelques éléments d’histoire. Le système public de santé et des services sociaux québécois s’est édifié au moment de la Révolution tranquille. Dans les années 1960, le gouvernement du Québec a pris en charge le système de santé et a investi largement dans les ressources humaines et institutionnelles. Le système de santé a par la suite évolué graduellement vers l’instauration d’un réseau préconisée par la commission Castonguay-Nepveu : l’accessibilité universelle et gratuite des services a alors été mise en place. Mais déjà, dans les années 1970, la désinstitutionnalisation des services de santé et des services sociaux s’est amorcée et elle a réduit l’offre de services publics disponibles pour les personnes aux prises avec des problèmes chroniques de santé mentale ou souffrant de handicaps physiques. Dans les années 1980, le système sociosanitaire québécois s’est réorienté : l’accent s’est déplacé vers les problèmes de santé et les problèmes sociaux au lieu d’être mis sur la présence de services et sur leur accessibilité. Les services ont été à partir de ce moment envisagés en fonction de leur finalité : l’efficience et l’efficacité du système sociosanitaire étaient alors à l’ordre du jour, et ce, en matière de ressources et de recherche de solutions. Depuis la fin des années 1980, on fournit de moins en moins de services : les urgences sont bondées et doivent parfois fermer et, malgré l’augmentation des ressources consacrées au maintien à domicile, il se révèle difficile d’offrir autant de services qu’auparavant à chaque personne malade. C’est l’abrogation en 1996 du Régime d’assistance publique du Canada (RAPC) et du Financement des programmes établis (FPE) par le gouvernement fédéral et leur remplacement par le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) qui ont servi de rampe de lancement du virage ambulatoire au Québec. En 1996, le gouvernement fédéral réorganisait les transferts fédéraux destinés aux services de santé, à l’éducation postsecondaire et aux services sociaux. Le nouveau fonds unique serait aussi amputé de sept millions de dollars en trois ans. En contrepartie, les provinces joueraient un rôle accru dans la détermination des façons dont l’argent pourrait être dépensé et quant aux stratégies de compensation du manque à gagner. Pour le Québec, cette annonce signifiait aussi un réajustement des sommes reçues en fonction de la baisse de son importance démographique au sein du Canada : sa part des transferts, qui représentait 27,3 % de l’ensemble des transferts en 1996-1997, baisserait à 25,2 % en 2002-2003 (Côté et al., 1998).
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Les transformations récentes du système de santé québécois ont permis au gouvernement de réagir à la diminution des paiements de transfert du fédéral, tout en introduisant une nouvelle façon de donner les soins médicaux. Le principe organisateur du virage ambulatoire était en effet d’offrir des soins de santé en maintenant la personne dans sa communauté, la communauté étant entendue ici comme le milieu familial d’origine des personnes en opposition au milieu hospitalier. En fait, l’expression communauté semble renvoyer à toute institution ou à tout service existant en aval du centre hospitalier et pouvant ou devant prendre en charge les soins de la personne malade. Le virage ambulatoire vise ainsi à réduire la durée des séjours hospitaliers, à augmenter les chirurgies d’un jour et à accroître par conséquent le volume des soins et des services médicaux donnés à l’extérieur du milieu hospitalier. L’hôpital ne sera plus dorénavant le seul lieu associé à la guérison des personnes ; il deviendra un lieu de séjour de courte durée pour la prestation de services et de soins spécialisés. Certains traitements autrefois reçus à l’hôpital (dialyse, hémodialyse, antibiothérapie, chimiothérapie par exemple) seront maintenant obtenus en clinique externe et ne nécessiteront plus d’admission à l’hôpital (Conseil du statut de la femme, 1999). Ces soins pourront être donnés par la personne malade elle-même, par un proche qui l’accompagne ou par un service de maintien à domicile. Les services préopératoires et postopératoires seront aussi ambulatoires : le départ des personnes malades après le passage à la salle de réveil et à la salle d’observation sera accéléré, l’admission se fera au service externe et les préparatifs (lavement, rasage, par exemple) seront aux frais de la personne opérée. Le suivi postopératoire sera fait par la personne malade ou par un de ses proches : on remettra à cet effet des directives pour le suivi postopératoire (complications possibles et actions à entreprendre) et le CLSC effectuera un suivi téléphonique au besoin. Les services ambulatoires fournis par les centres hospitaliers et par les CLSC viendront ainsi compléter ceux que pourront donner ou obtenir les proches de la personne malade. Les services hospitaliers de type ambulatoire concerneront principalement l’admission de la personne malade à l’hôpital, puis le transfert de celle-ci vers les CLSC pour la poursuite du traitement.
2.
LA RÉDUCTION DES SÉJOURS HOSPITALIERS ET LES SOINS AMBULATOIRES : UNE MISE À PROFIT DU TRAVAIL GRATUIT DES SOIGNANTES
Les personnes soignantes que nous avons interrogées ne situaient pas clairement le moment de la mise en place du virage ambulatoire. Elles nous ont plutôt relaté l’histoire de la prise en charge de leur parent
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déshospitalisé, nous confiant leur expérience, en particulier en ce qui a trait à la nature des soins, à leur capacité à les assumer et au soutien professionnel qu’elles ont pu recevoir à domicile et en clinique ambulatoire. Les entrevues dont nous présentons l’analyse dans cette section illustrent le point de vue des soignantes que nous avons interviewées dans le cadre de cette recherche exploratoire. En aucun cas, on ne doit associer ce matériel à une quelconque évaluation de services ou à un point de vue clinique sur les soins. Ces données qualitatives recueillies en groupes de discussion ont été codifiées et analysées de façon à faire émerger les thèmes communs que nous présentons ici (Bardin, 1977) ; les citations présentées servent à illustrer ces thèmes. La maladie d’un proche signifie pour les soignantes une perte de contrôle sur leur vie quotidienne. L’hospitalisation bouleverse la famille, qui devient en quelque sorte dépendante de l’évolution de la maladie et des soins que requiert le malade : les visites à l’hôpital défont les routines quotidiennes, on doit s’absenter du travail, négliger d’autres obligations pour se trouver le plus souvent possible au chevet de la personne malade. Lorsque arrive le congé de l’hôpital, on pourrait croire que s’ensuit une reprise de contrôle sur leur vie, car malade et soignante ne sont plus soumis aux contraintes institutionnelles du milieu hospitalier. Or, ce ne semble pas être le cas. Si les malades désirent souvent retrouver leur domicile, les soignantes voient et vivent au contraire le retour tout autrement, puisqu’elles devront prendre en charge le malade à domicile. Le congé semble plutôt être vécu par celles-ci comme une perte de contrôle. En effet, si le malade récupère normalement, il semble maintenant devoir quitter l’hôpital après un laps de temps très court : la durée prévue pour les chirurgies d’un jour est claire, mais, dans le cas de séjours hospitaliers d’une autre nature, la durée réelle est souvent plus courte que celle convenue au départ avec le médecin. Cela signifie que la famille n’aura pas le temps voulu pour se préparer au retour du malade à la maison. Les proches qui visitent le malade ne s’attendent souvent pas à un retour aussi rapide, étant donné l’état de santé du malade encore hospitalisé. Et lorsqu’il s’agit de décider de la sortie, l’évaluation de la condition physique du malade est, au dire des soignantes interrogées, minimale et approximative. Selon ces soignantes, l’évaluation semble parfois se limiter à la capacité du patient de se lever et de marcher, et cela – dans certains cas – malgré des étourdissements et un état de faiblesse générale. Y a été malade trois fois dans la même journée, y a vomi du sang, en plus il urinait, pis dans son cathéter, sa sonde-là, y avait du sang. Pis lui y voulait qu’on retourne à la maison avec. (Soignante)
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Les proches et le malade sont souvent loin de se douter que le congé doit se donner alors que l’état de santé du malade leur semble encore bien précaire. Certains autres aspects techniques, comme le retrait du soluté, l’état général du patient, peuvent aussi tenir lieu de critères de congé. La nécessité de libérer des lits pour accueillir de nouveaux malades semble aussi intervenir dans la décision de donner congé à un patient : les soignantes ou les malades qui ont subi une pression pour que le congé soit donné rapidement disent s’être souvent fait servir cet argument. Les besoins de l’institution hospitalière semblent primer ici sur les besoins des familles, lesquelles devront pourtant assurer les soins à domicile après le congé. C’est quoi qui a été évalué pour décider qu’elle allait sortir, qu’elle pouvait sortir ce samedi-là, par exemple ? Qu’on avait besoin de son lit. […] Ç’a été l’explication qu’on a donné à quelqu’un de la famille qui est allé ; on a besoin de son lit, y faut qu’a sorte. (Soignant)
Retournées plus rapidement à domicile, à peine remises de leur opération, de leur maladie ou de leur accouchement, les personnes soignées sont extrêmement dépendantes. Elles auront besoin d’aide pour tous leurs gestes et toutes les tâches quotidiennes, pour s’autoadministrer les soins. La présence à leur domicile de personnes pouvant les assister est donc essentielle dans leur vie quotidienne, pour leur guérison et pour leur capacité à conserver une emprise sur leur situation. Ainsi, une vérification dans le milieu familial afin de s’assurer de la présence de soignantes potentielles à la maison devrait se faire avant que le congé de l’hôpital ne soit donné : la famille pourrait ainsi se préparer à l’arrivée du malade et le malade serait assuré d’une prise en charge à domicile. Or, il semble que ces vérifications ne sont pas courantes et qu’elles sont très certainement insuffisantes : nos répondants soulignent que souvent seul l’état physique de la personne a été considéré. À l’hôpital, avant de donner le congé, on s’informe peu de la situation qui attend le malade à la maison. Parfois même, un malade se voit signifier son congé sans préavis. Dans ces cas, il est possible qu’il n’ait personne pour prendre soin de lui à la maison. On n’a pas vérifié [s’]il y avait quelqu’un pour m’aider parce que j’ai eu le bras comme ça en traction pendant deux semaines à la maison. […] Je ne pouvais pas me faire à manger et mes jeunes ne pouvaient pas me faire à manger non plus. (Malade)
La décision de la sortie peut aussi occasionner des conflits au sein de la famille ou avec les autorités médicales : les proches contestent parfois la décision de la sortie, ils ne veulent pas prendre en charge la personne malade, ou bien ils se sentent inaptes à donner les soins. Cette situation est difficile pour les malades et leurs soignantes, qui doivent alors gérer
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une situation de conflit en plus de la maladie et du retour à la maison. Mais, toujours d’après nos répondants, dans certains cas, les ordres seraient stricts et la sortie s’effectue coûte que coûte… Il était 11 h le soir, j’ai attendu jusqu’à 5 h le matin, là ils voulaient que je le ramène chez nous. Je l’ai pas pris, j’ai dit non je ne le ramène pas, c’est ben de valeur. C’est moi qui lui ai parlé, le docteur était en maudit contre moi. (Soignant)
Une fois à la maison, les malades déshospitalisés doivent se donner eux-mêmes des soins ou confier ces soins à un proche. Or, le soutien qu’ils ont reçu des hôpitaux et des CLSC est inégal. Certaines informatrices disent avoir reçu un soutien adéquat de l’hôpital au moment de leur congé. Ce soutien a pris la forme d’un suivi téléphonique, ou encore d’une offre de médicaments ou de références lors de complications. D’autres soignantes nous ont dit avoir manqué d’informations sur le suivi postopératoire (comment administrer les soins, les médicaments, le régime alimentaire) ou avoir dû se battre pour obtenir l’aide nécessaire, surtout au moment du retour à domicile. Dans certains cas, le CLSC n’a pas tenu compte de l’évaluation faite par l’hôpital. Plusieurs répondantes n’ont pas reçu l’information voulue ou ont été obligées de se déplacer pour des pansements. Certaines ont dû attendre de façon exagérée pour des services médicaux au CLSC ou n’ont pas été suffisamment renseignées sur les services disponibles en matière de soins à domicile. Ces lacunes rendent la prise en charge d’un proche déshospitalisé encore plus difficile, car les soignantes sont privées des moyens pour l’assurer : information, déplacement, absence de traitements, etc. Non, c’est tout ; la seule chose, c’est que la première fois que maman est sortie de l’hôpital, c’était évident qu’il y a eu un manque avec le CLSC. Maman est sortie, l’hôpital n’a pas averti, donc j’ai pas pu avoir de services, je pense, avant la fin de la semaine suivante parce qu’ils se rencontrent le jeudi eux autres pour planifier leur patente. Ça fait qui fallait que j’attende au jeudi suivant et là ce que j’ai trouvé difficile aussi c’est que ç’a pris du temps avant qu’il y ait une évaluation de maman. (Soignante)
L’assistance et l’accompagnement par le personnel professionnel au moment de la prestation des soins à domicile sont souvent nécessaires. Ils permettent aux soignantes et aux malades de donner ou de se donner soi-même les soins prescrits sous surveillance professionnelle. Rappelons que ces soins peuvent être de nature médicale (l’antibiothérapie en est un exemple) et qu’ils sont habituellement fournis par des professionnels en milieu hospitalier ou au sein des CLSC. La présence de personnel professionnel à domicile est nécessaire à l’apprentissage des techniques de soin et au maintien d’un sentiment de sécurité. Or, les soignantes et
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les malades ne peuvent pas toujours compter sur l’assistance régulière de l’infirmière à domicile et il leur faut parfois multiplier les démarches pour prolonger l’aide reçue. Dans ces cas, non seulement faut-il prendre en charge des soins professionnels qu’on connaît peu ou pas, mais il faut en plus se battre contre un système pour obtenir l’aide professionnelle nécessaire. Les soignantes interrogées mentionnent aussi qu’on leur demande souvent d’effectuer des tâches pour lesquelles elles ne se sentent pas compétentes : changement des sacs (colostomie), pose de cathéter, injections d’insuline, pansements, surveillance de la pression artérielle ou vérification du bon fonctionnement d’un appareil, désinfection de plaies. Ces soins exigent souvent un apprentissage : C’est qu’on nous demandait de prendre soin de quelqu’un qui est quand même très malade, mais on n’a pas la compétence pour prendre soin d’eux autres c’est pas juste leur donner le bain là, c’est doser la prise de médicaments, s’assurer qu’il va bien, que la pression est bonne. (Soignante)
Les soins très intimes que nécessite l’état du malade peuvent aussi être extrêmement embarrassants lorsqu’il s’agit d’un membre de sa famille : poser un cathéter à son père, par exemple. Et, en plus d’apprendre à donner des soins infirmiers ou de nature médicale, les soignantes doivent se charger des soins hygiéniques et corporels que la ou le malade ne peut se donner. La présence d’une personne malade à la maison, on l’oublie trop souvent, entraîne en outre une augmentation considérable des tâches domestiques. Là, à la maison, le CLSC faut que t’appelles là, c’est pareil qu’elle a dit, tu t’occupes de la paperasse en plus de ta job plus tes soins à toi. (Soignante)
La complexité de certains traitements effraie plusieurs soignantes que nous avons interrogées. La peur de commettre des erreurs ou de mal faire, l’insécurité et l’anxiété quant au régime alimentaire, aux effets secondaires des médicaments et aux complications sont monnaie courante. Le type de soins semble habituellement dépasser les compétences des soignantes, tout au moins au début de la prise en charge. On observe donc un sentiment de perte de contrôle sur la situation, un sentiment d’incompétence qui semble généralisé. Se pose aussi de façon importante pour les soignantes une question de responsabilité et d’imputabilité. Qui sera responsable des problèmes découlant de complications médicales, d’un mauvais diagnostic domestique ou de la mauvaise administration des soins ? J’écrivais l’heure pis quelle pilule j’y donnais, j’avais peur. D’un coup qu’ils me disent que j’y en donne trop pis qu’il meurt là. J’avais peur. (Soignante)
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Par ailleurs, les soignantes et les malades doivent assumer plusieurs types de coûts associés aux soins dont ont besoin les malades maintenant revenus à domicile. Plusieurs de ces coûts étaient autrefois supportés par l’hôpital. Ainsi, les malades doivent plus souvent se procurer eux-mêmes les médicaments dont ils ont besoin. En même temps, le programme d’assurance-médicaments les force à payer une plus grande part de ces coûts. D’autres dépenses sont rendues nécessaires par la présence d’un malade à domicile : aseptiser la pièce de la maison pour donner les soins liés à l’hémodialyse représente, par exemple, un gros investissement. Dans d’autres cas, on embauche des personnes au noir et à petit salaire. Les proches doivent également payer le loyer du malade hospitalisé ou placé dans un centre d’accueil jusqu’à expiration de son bail ou, encore, ils contribuent à même leurs propres revenus à améliorer la qualité de vie du malade, son bien-être mental ou affectif. Son manteau de fourrure était trop pesant […] on est allé magasiner […] c’est moi qui l’ai payé. (Soignante)
Aux coûts financiers s’ajoutent les coûts humains. La soignante n’a pas beaucoup de répit, elle est souvent de garde. L’état du malade peut nécessiter une surveillance de nuit et le sommeil de la soignante est alors plus aléatoire. L’horaire quotidien de sa maisonnée et le sien propre sont affectés du lever au coucher. Non, c’est comme vivre, en tout cas, moi, je trouve que c’est comme, pour nous les enfants, c’est comme vivre deux vies. C’est notre vie puis la vie de l’autre personne, la vie de la personne dont on prend soin parce qu’en plus de notre vie, tout gérer notre quotidien, faut gérer le quotidien d’une autre personne, incluant de sortir les vidanges la bonne journée de la semaine. (Soignante)
Et puis, il y a l’incertitude quant à la durée de la maladie. Le fardeau est plus lourd pour les soignantes qui sont âgées, ou lorsque le malade se fait soigner en dehors de sa région d’origine. Soigner demande une grande abnégation : l’inquiétude est permanente, les émotions sont intenses et constantes. Je trouve ça difficile parce que c’est l’inquiétude de dire quand t’as quelqu’un de malade, tu surveilles, toi, tu te reposes pas. Quand t’as quelqu’un de malade, qui a de la difficulté à respirer et pis tu sais qu’elle a passé à travers de quelque chose de difficile, tu vas vérifier souvent si la respiration, comment est-ce qu’elle est : c’est pas de tout repos, c’est pas facile. (Soignante)
Lorsque les soins s’échelonnent sur une longue période, les soignantes font état d’une fatigue constante, d’épuisement et d’insomnie. Les tâches de soins exigent parfois aussi des capacités physiques qu’elles ne possèdent pas. Comment, par exemple, lever un malade de son lit quand la soignante
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a plus de 72 ans et que le malade en question est un homme costaud ? L’effort peut occasionner des blessures chez les soignantes. À cause de la lourdeur de la tâche et de leur état de fatigue constant, les soignantes réduisent leurs loisirs, pourtant nécessaires au bien-être et à l’équilibre tant de la personne malade que de la soignante. J’avais des activités avant […] bien maintenant là je m’en tiens uniquement à la marche parce que ça, je peux le faire n’importe quand. (Soignante)
La relation de parenté affecte aussi le rapport de la soignante avec la personne soignée : elle suscite souvent des attentes exagérées du malade à l’égard de la soignante. La personne malade peut parfois être désagréable, intransigeante, manquer de reconnaissance envers la soignante ou même refuser les traitements prescrits. Certaines personnes doivent ainsi soigner leur conjoint violent. Lorsque la relation avec la personne soignée était conflictuelle au départ, elle se dégrade souvent. La soignante doit alors redoubler de patience pour continuer à encourager le malade vers la guérison. Les exigences relatives à la prise en charge d’une personne malade peuvent aussi provoquer une augmentation de la tension entre les conjoints dont l’une est soignante ou avec les enfants de celle-ci. Ça fait deux reprises que je remarque ça quand elle passe de longues périodes [ici], parce que mon mari sent peut-être du négatif vis-à-vis de moi et ça affecte mon mari. (Soignante)
Bref, les soignantes se sentent souvent coupables, souvent irritables, continuellement stressées, peu reconnues, peu appréciées. Certaines nous ont rapporté avoir parfois l’impression de devenir folles. D’autres ont été amenées à prendre des calmants et des antidépresseurs. Les incertitudes sont multiples : quelles complications pourront survenir dans l’état de santé du malade ? pourra-t-on tenir le coup ? quelle aide obtiendra-t-on ? quels seront les effets de la prise en charge sur les rapports avec les proches ? sur leur avenir ? Ce portrait assez sombre ne constitue pas, bien entendu, un reflet de la qualité des soins prodigués par les proches du malade ni de la qualité des conditions de guérison, pas plus que de la guérison elle-même. Il n’est nullement un reflet du cheminement clinique de la personne malade. Il nous renvoie plutôt aux conditions de la prise en charge à domicile des malades déshospitalisés dans le cadre du virage ambulatoire qui ne sont pas connues des experts médicaux ou des décideurs du système sociosanitaire : il s’agit de conditions propres au domicile, aux soignantes, de conditions qui, de l’avis de plusieurs, relèvent de la vie privée des citoyens. Or, cette vie privée, cette vie familiale est perturbée par l’arrivée hâtive d’un malade qui a besoin de soins lourds. Elle devient par la même
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occasion entièrement sinon prioritairement soumise aux besoins du malade, au rythme des soins, aux exigences médicales. Les propos recueillis auprès des soignantes ne nous permettent pas de conclure à l’humanisation de leurs conditions de vie.
3.
RESTRUCTURATION DU RÉSEAU ET MISE EN PLACE DE SERVICES AMBULATOIRES : DES CHANGEMENTS SUR LESQUELS LES TRAVAILLEUSES ONT PEU D’EMPRISE
Les travailleuses du réseau public de la santé et des services sociaux ont eu une expérience différente, il va de soi, du virage ambulatoire. Cette réforme s’est faite très rapidement : les changements de structures (fusions d’établissements, fermetures de départements…), les changements dans la clientèle (personnes plus malades, roulement plus grand des patients en centre hospitalier, augmentation de la clientèle en maintien à domicile…), les changements de mission des établissements ont eu des répercussions sur leur milieu de travail. Ces transformations se sont également produites ailleurs au Canada (Armstrong et al., 1994). La tâche avec le virage va être plus lourde parce que la clientèle va être définitivement plus lourde. T’imagines le client qu’on laisse partir à moitié organisé, imagine celui qui reste à l’hôpital. Y est drôlement et sévèrement atteint et en perte de capacité. (Travailleuse sociale en centre hospitalier)
La tendance au transfert à domicile des soins de santé autrefois pris en charge par des travailleuses de la santé a entraîné la transformation des procès de travail dans les établissements : car il s’agissait aussi dans le cadre du virage ambulatoire de maximiser la productivité des employées. Nous avons donc assisté à l’accentuation de la division du travail, à la fusion de tâches, à l’accélération du rythme de travail (Glazer, 1990). En conséquence, la situation des professionnelles et travailleuses de la santé s’est détériorée rapidement au moment de la mise en place du virage ambulatoire : instabilité, surcharge, déqualification ou requalification non reconnue, transformation des champs de pratique ont été tour à tour mentionnées par les travailleuses que nous avons rencontrées. Et le caractère hautement féminin de ces métiers (p. ex., préposées aux bénéficiaires) et de ces professions (p. ex., infirmières) fait en sorte que ce sont particulièrement les femmes qui ont été touchées (Conseil du statut de la femme, 1995, 1999).
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Les effets premiers du virage ambulatoire sur les travailleuses de la santé et des services sociaux sont ceux qu’ont occasionnés les réaffectations du personnel hospitalier. Rappelons que lors des entrevues ces réaffectations étaient en cours. La vie professionnelle de ces travailleuses a été rapidement et parfois brutalement modifiée : plusieurs ont été changées d’établissement ou affectées à de nouvelles tâches et à de nouvelles équipes : des infirmières en bloc opératoire se sont par exemple retrouvées en obstétrique. Les employées des établissements hospitaliers qui sont demeurés ouverts, ou dont le département est demeuré ouvert, ont parfois vu leur poste supprimé ou ont été supplantées par une personne venant d’un autre établissement. Le moral est assez affreux depuis un an, un an et demi parce que les gens choisissent pas, les gens se ramassent. Des préposés qui ont travaillé sur l’unité de médecine depuis 3, 4 ans, 10 ans, 12 ans, tu te ramasses en réaffectation, sans préparation, sans rien, sur une unité de chirurgie spécialisée par exemple. (Travailleuse sociale en centre hospitalier)
Les conditions irrespectueuses et inhumaines dans lesquelles s’est opéré le transfert des travailleuses ont été soulignées en entrevue par les travailleuses que nous avons interrogées. Elles ont souvent disposé de très peu de temps pour décider de leur avenir et elles ont souvent été mutées rapidement. Elles sont parfois demeurées longtemps dans l’attente et l’expectative, ou encore elles ont été mises en disponibilité. La stabilité des années passées avait permis le développement d’une cohésion au sein de plusieurs équipes de travail, mais les supplantations l’ont anéantie. L’expérience et la compétence que les équipes et que les employées avaient acquises ont été perdues. Plusieurs travailleuses ont dû faire le deuil de leur ancien travail. De plus, l’atmosphère générale au travail lors de la mise en place du virage ambulatoire a longtemps été tendue, surtout en milieu hospitalier. On a constaté dans les entrevues un sentiment général d’insécurité, d’angoisse, de peine et de deuil. Les réaffectations ont provoqué des drames humains de tous genres. Et à la tension causée par ces réaffectations s’ajoute celle qu’entraîne la surcharge de la tâche. On a coupé le personnel, t’as toujours 31 patients, t’en as 10 à faire manger, mais t’es deux pour les faire manger les 10. […] Fait qu’en donnant le meilleur de toi-même, t’es ben moins prudent. […] C’est courir après les accidents de travail. (Préposée aux bénéficiaires en centre hospitalier)
La situation est quelque peu différente dans les CLSC. On y a observé peu d’abolitions de services, mais il ne semble pas y avoir eu un apport suffisant de ressources pour répondre à l’augmentation de la demande. La charge de travail a donc augmenté en conséquence. Les cas
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les plus lourds sont maintenant plus nombreux et sont considérés comme prioritaires. Et les chirurgies d’un jour entraînent plus de demandes variées de soins dans les CLSC : accompagnement, soins postchirurgicaux, pansements, etc. Avec l’introduction de postes à temps partiel au CLSC et la mise en place d’équipes de soir, des employées à temps plein ont accepté des emplois à temps partiel afin de pouvoir conserver leurs horaires. Des travailleuses occasionnelles à temps partiel ont perdu des heures de travail. Les conditions de rappel sont devenues plus strictes (disponibilité irrégulière à 30 minutes d’avis), rendant la situation encore plus difficile pour celles qui ont des enfants. À cela s’ajoute le fait que les modifications au Programme d’assurance-emploi avaient déjà pénalisé ces travailleuses (ce sont les heures de travail et non plus les semaines de travail qui servent au calcul de la prestation). Je me disais, en l’espoir qu’ils m’appellent une journée, je vais laisser mes enfants en garderie cinq jours. […] Alors j’ai coupé ma disponibilité de jour et quand les enfants seront rendus à l’école, je leur donnerai le jour […] C’est aussi ridicule que ça. (Infirmière en CLSC)
Enfin, les infirmières en CLSC interviewées soulignent que l’approche du virage ambulatoire a causé en CLSC un délestage de la prévention et de la promotion de la santé : les travailleuses ont moins de temps pour les aspects affectifs et relationnels des soins (le « care ») et les aspects curatifs (le « cure ») semblent accaparer maintenant tout le temps disponible. Tous ces changements et ces nouvelles conditions de travail ne sont pas sans perturber la vie et la santé des travailleuses. On délaisse la promotion de la santé et la prévention pour aller plus au niveau du curatif. C’est un peu ce que les infirmières ont trouvé un peu difficile. Et la clientèle est beaucoup plus à, disons, à multiples risques et plus pesante. (Infirmière en CLSC)
Les travailleuses en centre hospitalier comme en CLSC déclarent n’avoir plus le temps de parler à la personne malade et de l’écouter. Les infirmières interrogées se disent par exemple insatisfaites des soins : elles doivent faire en 24 ou 48 heures ce qu’elles faisaient avant en trois jours et elles n’ont plus le temps d’enseigner. La diminution de la durée de séjour en centre hospitalier ne laisse pas la possibilité aux travailleuses sociales de créer un lien avec le malade, comme c’était le cas auparavant. Ce lien facilitait la reprise de contact en cas de complications, de rechutes ou en périodes de crise. Autant les infirmières, les auxiliaires familiales que les travailleuses sociales interviewées se plaignent de n’avoir plus de temps pour l’écoute, l’accompagnement et la prévention.
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Les travailleuses sont protégées en matière de responsabilité professionnelle pour autant qu’elles accomplissent des actes qui relèvent de leur fonction. Or, les réformes et le transfert de personnel ont créé des situations problématiques. Ainsi, dans certains cas, on aurait exercé des pressions sur des préposées pour qu’elles exécutent des tâches qui relèvent des infirmières et qui dépassent le cadre juridique de leur profession (par exemple, donner des médicaments, des injections d’insuline, faire des touchers rectaux). Les travailleuses à domicile sont également moins préparées pour faire face à certaines situations. Il existe ainsi une confusion au sujet des actes délégués. Certains actes sont en effet formellement délégués par le médecin à l’infirmière, ou par l’infirmière à l’infirmière auxiliaire. Or, certains CLSC ont voulu permettre aux auxiliaires d’accomplir des actes qu’ils disent autorisés et qui seraient plutôt, selon une informatrice, de nature infirmière. Moi, j’ai été dans un colloque d’auxiliaires familiales et il y avait un gros débat là-dessus, les actes délégués. Nous autres, c’est pas dans nos tâches de faire ces actes-là. Mais, eux autres, ils se sont revirés de bord, parce qu’après ça, on est allé voir le patron et c’est des actes délégués et, nous autres, on veut être protégé. Il faut que tu nous donnes sur papier pour que si madame Unetelle fait une poursuite, ça ne soit pas contre moi. (Auxiliaire familiale)
La difficulté pour les travailleuses de concilier vie familiale et vie professionnelle n’est pas nouvelle, mais le virage ambulatoire a aggravé la situation. L’insécurité, la dégradation des conditions d’exercice du travail, l’augmentation du niveau de stress, l’absence de politiques en matière de soutien pour les mères les mettent parfois en situation d’avoir à choisir entre leur carrière et leur famille. Je peux pas rentrer, pis dire : ah je suis fatiguée, bon à matin je vas juste m’asseoir pis recommencer une demi-heure plus tard. Je peux pas me permettre de faire ça là. On sort pas vendredi soir si je travaille le samedi, parce que physiquement je suis pus capable, pis j’ai beau avoir 43, mais les filles d’une vingtaine d’années qui font la même chose aussi maintenant. (Infirmière en centre hospitalier)
Car les changements de quart de travail bouleversent les habitudes de gardiennage et compliquent la vie quotidienne des mères. Les journées plus lourdes occasionnent aussi une plus grande fatigue et un stress constant qui ont un effet certain sur la vie personnelle. Les rapports avec le conjoint ou les enfants sont affectés, tout comme les loisirs : la mère est souvent trop fatiguée pour s’y engager. La conciliation du travail salarié et des responsabilités domestiques et familiales est plus difficile, augmentant par le fait même le niveau général de fatigue.
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Quand on rencontre des infirmières en ce moment que ça fait 30 ans, 20 et 30 ans qui sont ici, pis qui ont toujours été fières de donner une qualité de soins, pis qui se disent je ne suis plus capable de fonctionner comme ça, je vois ma qualité de soins diminuer. (Infirmière en centre hospitalier)
Enfin, selon les travailleuses interviewées, l’ensemble des changements apportés aux services de santé et aux services sociaux menacent aussi la qualité des soins : les malades reçoivent moins d’attention à l’hôpital, ils sont renvoyés plus vite chez eux, alors que les programmes d’aide à domicile sont insatisfaisants faute de réallocation suffisante de ressources dans les CLSC. Cette situation peut occasionner un bris de service. Les soins sont donnés de façon plus expéditive, même lorsqu’il s’agit de soins essentiels. Il n’y aurait selon les travailleuses plus de place pour le côté humain. On peut pas se permettre de faire des erreurs. Moi, si je fais une erreur avec un papier, oui je peux effacer, pis je recommence. Mais avec un patient, je peux pas faire ça, mon erreur est vite faite à ce moment-là, même si j’avais pas, même si c’était… même si je veux jamais en faire d’erreurs, avec la façon qu’on court en ce moment, je sais pas si ça va pouvoir être évité. (Infirmière en centre hospitalier)
L’augmentation du rythme de travail, l’adaptation à de nouvelles tâches et la diminution de l’encadrement ne font qu’augmenter le risque d’erreur, ce qui suscite à son tour une plus grande insécurité chez les travailleuses. Les travailleuses maintiennent depuis un certain temps déjà un rythme de travail accéléré pour satisfaire aux demandes, pour donner les soins requis, pour éviter ou écourter les listes d’attente. Elles ont dit clairement qu’à leur avis elles ne pourront pas tenir encore longtemps.
4.
LE VIRAGE AMBULATOIRE ET L’HUMANISATION DES SOINS
Le virage ambulatoire a-t-il introduit une plus grande humanisation des soins ? S’il a permis un retour plus rapide des personnes malades à domicile – et la plupart des sondages nous indiquent sans équivoque que les personnes malades préfèrent se rétablir à domicile –, force nous est de constater que les expériences des soignantes et des travailleuses du secteur de la santé révèlent un tableau très différent de l’humanisation souhaitée. Au-delà de la situation instable et démotivante pour les travailleuses, de leur surcharge de travail, nous avons découvert l’existence d’une discontinuité entre les services hospitaliers et les services à domicile qui peut menacer la santé et la sécurité des soignantes. Nous avons aussi découvert qu’en prônant le retour plus rapide des malades à « la communauté », le
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virage ambulatoire met en place dans les faits de nouveaux mécanismes contraignant la famille à prendre en charge des soins de nature parfois très complexe et à investir un travail bénévole considérable auprès des malades, autrefois assumé par le système public de soins. Et il est socialement attendu des femmes qu’elles prennent en charge les soins dont leurs proches ont besoin même si ces soins sont bénévoles. En général, un seul membre de la famille joue le rôle d’aidante, et c’est une femme dans 70 % à 80 % des cas. Parler de soins donnés par la famille est donc un euphémisme pour faire référence aux soins donnés par des femmes. Exigibles de toutes les femmes, ces soins sont aussi la plupart du temps passés sous silence, invisibilisés. Ces travailleuses silencieuses et non rémunérées ont rarement été considérées comme des actrices importantes du système de santé. (Therrien, 1987, p. 7)
Les proches et les malades ont dû s’adapter rapidement aux besoins des hôpitaux, ainsi qu’en matière de soins à domicile, quels qu’aient été leurs moyens ou leur situation. Ils ont eu à se former, parfois même à s’autoformer, à l’administration de soins infirmiers et médicaux. Ils ont dû supporter des coûts supplémentaires : des frais de médicaments, des frais de garde et d’hébergement et de multiples autres frais entraînés par la prise en charge de ces soins à domicile. La présence d’un malade à la maison a eu de multiples impacts sur leur vie quotidienne, sur leur santé, sur leur qualité de vie. Dans bien des cas, il s’est agi d’un travail constant et éprouvant. Pour les soignantes, tout est devenu plus difficile à concilier : la prise en charge de la personne malade, la vie familiale et la vie professionnelle. Mais qu’en est-il de l’humanisation des soins prônée dans le discours sur le virage ambulatoire (Conseil du statut de la femme, 1999) ? Celui-ci a en effet repris à son compte des critiques formulées depuis très longtemps sur l’excessive institutionnalisation des malades et de la maladie. Car on a longtemps cru que la maladie devait nécessairement et obligatoirement être prise en charge dans un centre hospitalier. La guérison était donc automatiquement associée à l’hôpital, seul cadre permettant l’exercice de soins hautement technologiques et correctement donnés. Cette situation suscitait de nombreuses critiques sur la déshumanisation des soins, sur le cadre bureaucratique de la prise en charge de la maladie, sur les rythmes de vie institutionnels imposés aux malades : ils étaient en fait dépossédés de leur corps, réduits à la passivité face à leur maladie et aux soins dont ils avaient besoin. Le principe général du virage ambulatoire est le suivant : la communauté sera désormais responsable de la guérison du malade après l’intervention plus technique et de courte durée de l’hôpital. Cette guérison se
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LE VIRAGE AMBULATOIRE
fera à domicile. Elle devra être assurée par la personne malade ou par un proche de celle-ci (administration de médicaments, soins infirmiers et soins personnels). On s’appuie cependant alors sur une définition mythique de la communauté ou de la famille. Dans la réalité, la famille, ce sont la plupart du temps des femmes qui ne sont pas nécessairement disponibles pour recevoir un malade à qui l’hôpital décide de donner congé. Tout ceci se fait souvent au pied levé. De plus, les CLSC n’ont souvent pas les ressources suffisantes pour assister toutes les soignantes à domicile. Il est donc de plus en plus difficile de répondre aux critères pour obtenir des services. Le virage ambulatoire a-t-il modifié l’importance de l’hôpital dans la chaîne de soins ? Cela ne semble pas être le cas, puisque le virage ambulatoire renforce même la centralité de l’hôpital dans la chaîne de soins, par rapport aux CLSC et au domicile. L’hôpital demeurera en effet responsable du suivi médical et devra coordonner ses interventions avec celles des CLSC. Les soignantes et les professionnelles devront donner les soins prescrits par le centre hospitalier qui, par ailleurs, n’est souvent pas conscient des conditions de prestation des soins à domicile. Ces soins donnés à domicile ou en clinique ambulatoire deviennent en quelque sorte l’extension de l’hôpital : on doit aseptiser, organiser la maison et les horaires en fonction des soins, vivre au rythme des visites à domicile. Le « care » regroupe une multitude d’activités, tant à la maison, dans la communauté que dans les établissements de santé. Il s’agit essentiellement d’actes de nature relationnelle – puisqu’ils impliquent un échange entre deux personnes, la personne soignante et la personne soignée –, qui exigent une responsabilité et une continuité de la part de la personne qui les prend en charge (Saillant, 1991, 1992). Le « cure » correspond aux actes médicaux et infirmiers. Dans le cadre du virage ambulatoire, les traitements (cure) se déplacent vers le domicile, tandis que l’aspect relationnel des soins (care) est à peu de chose près évacué du milieu hospitalier et de plus en plus lié au travail bénévole des soignantes. Les CLSC doivent orienter leurs ressources vers le « cure », au point où les intervenantes que nous avons interviewées se demandent si elles n’assistent pas à la fin du préventif et du secteur communautaire en CLSC. Par voie de conséquence, l’affectif et le social sont renvoyés à domicile et évacués des soins hospitaliers. Ce qui est paradoxal, puisqu’on reconnaît de plus en plus que le care est essentiel à la guérison : or, le virage ambulatoire a pour effet de dissocier encore plus le care des fonctions hospitalières. Ce qui est aussi paradoxal, c’est que des soins de plus en plus complexes et nombreux de l’ordre du cure sont confiés aux proches des malades, qui ne sont pas des experts. Et les soignantes à qui l’on confie ces soins manquent souvent de soutien professionnel et de formation pour les aider dans leur tâche.
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Le virage ambulatoire visait à transformer l’organisation des soins de santé, à adapter le système de santé à une nouvelle philosophie de gestion des soins plus humaine, plus proche de la communauté. À cet effet, il devait transformer les rapports entre la société civile et l’État, confiant à la société civile la charge des personnes malades ayant encore besoin de soins assez complexes. Ce transfert s’est effectué, certes, mais au prix d’une grave détérioration des conditions de vie et de travail des personnes responsables de donner ces soins. Il impose une nouvelle contrainte aux soins bénévoles pour les femmes et pour les familles. Ce constat interroge donc le concept même d’humanisation des soins : peut-il exister une réelle humanisation des soins si l’on fait abstraction des conditions de prestation des soins et des conséquences de celles-ci sur les soignantes bénévoles et sur les travailleuses de la santé ?
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C H A P I T R E
2 LA VIABILITÉ DE LA DÉSINSTITUTIONNALISATION FACE AUX CHANGEMENTS SOCIODÉMOGRAPHIQUES
YVES CARRIÈRE Professeur associé, Département de démographie Université de Montréal
JANICE KEEFE Department of Family Studies and Gerontology Mount Saint Vincent University
GEORGIA LIVADIOTAKIS Gerontology Programs Simon Fraser University
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LA VIABILITÉ DE LA DÉSINSTITUTIONNALISATION
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Le virage ambulatoire s’inscrit dans un mouvement de désinstitutionnalisation qui se poursuit depuis plusieurs années déjà. Le cas des personnes âgées en perte d’autonomie est probablement l’exemple qui illustre le mieux l’ampleur de ce mouvement. Parmi les raisons avancées pour justifier la désinstitutionnalisation des personnes âgées, on a d’abord et avant tout souligné les coûts élevés associés à l’hébergement en institution (Challis et al., 1991 ; Harrow, Tennstedt et McKinlay, 1995 ; Steinbach, 1992 ; Wolinsky et al., 1992), la croissance du nombre de personnes âgées et le désir des personnes âgées de vieillir dans la communauté le plus longtemps possible (Frossard, dans Hébert et al., 1997). Tout comme le virage ambulatoire, la désinstitutionnalisation des personnes âgées en perte d’autonomie est fortement basée sur l’hypothèse que la famille sera présente pour apporter une bonne partie des services jadis offerts en institution. En ce sens, la politique de maintien à domicile n’a surtout pas un rôle de substitution par rapport à la famille, mais plutôt un rôle complémentaire (Denton, 1997). Le réseau formel compense alors dans le cas où le réseau informel est à peu près inexistant ou, dans une moindre mesure, il remplacera le réseau informel pour certains types d’aide. Dans une telle perspective, passer de l’hébergement en institution au maintien à domicile se traduit pour plusieurs par le passage d’une prise en main collective à une prise en main privée des coûts associés à la perte d’autonomie. Étant donné que ce que l’on définit comme « famille » est dans la plupart des cas limité à la conjointe ou à un enfant – plus précisément une fille – (Keating et al., 1994), les coûts sociaux sont largement supportés par les femmes. Le présent chapitre soulève des questions qui nous apparaissent importantes en ce qui concerne l’ampleur et la disponibilité de la famille pour répondre aux besoins des personnes âgées en perte d’autonomie. Bien que nous nous attardions d’abord et avant tout à la désinstitutionnalisation des personnes âgées, le virage ambulatoire devra aussi relever les mêmes défis. Après une brève introduction sur la transformation de la clientèle du maintien à domicile, nous analyserons certaines tendances sociodémographiques qui ont marqué les sociétés canadienne et québécoise au cours des dernières décennies et discuterons de leur impact sur l’étendue, la composition et la disponibilité du réseau familial. Au cours des prochaines décennies, ces changements seront d’ailleurs de plus en plus notables alors que les générations du baby-boom franchiront graduellement la barre des 65 ans et plus. Notre intention n’est pas de remettre en question le bien-fondé d’une politique qui favorise la désinstitutionnalisation, mais bien de souligner que, pour être menée à bien, une telle politique demande un transfert important de ressources financières et non pas simplement un transfert de responsabilité de l’État vers la famille.
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LE VIRAGE AMBULATOIRE
LE MAINTIEN À DOMICILE : UNE CLIENTÈLE DE PLUS EN PLUS NOMBREUSE ET DE PLUS EN PLUS LOURDE
Le vieillissement de la population est souvent présenté comme un phénomène qui exerce de fortes pressions sur le système de soins de santé. Cette pression serait appelée à augmenter avec le vieillissement des babyboomers. Pour faire face à ce défi, on a présenté le maintien à domicile comme une solution économiquement efficace à l’augmentation des coûts associés à l’institutionnalisation de la population âgée en perte d’autonomie. On a aussi rationalisé cette politique avec l’idée que les Canadiens préfèrent vieillir au sein de leur collectivité, plutôt qu’être hébergés en institution (ACSSD, 1998 ; Burbridge, 1993 ; Chappell, 1993). Les besoins en soins de maintien à domicile ont toutefois considérablement augmenté au fil du temps. D’une part, la hausse de l’espérance de vie a pour effet d’accroître le nombre d’aînés parmi les 75 ans ou plus, âge à partir duquel on note une augmentation des limites fonctionnelles nécessitant des soins de longue durée (ACSSD, 1998 ; Anderson et Parent, 1999 ; Aronson et Neysmith, 1996 ; Fienberg, 1993). D’autre part, le manque de lits dans les établissements de soins de courte et de longue durée (Aronson et Neysmith, 1996), combiné avec les hospitalisations plus courtes et les congés plus rapides qui ont pour effet de renvoyer à la maison des patients « plus tôt et plus malades » (Coyte et Young, 1997 ; Neysmith, 1995), a aussi contribué à l’accroissement des besoins en services de maintien à domicile. La clientèle du maintien à domicile a évolué, passant d’aînés ayant besoin d’un soutien pour les tâches ménagères à une combinaison de patients postopératoires, d’aînés fragiles (Aronson et Neysmith, 1996) et de personnes en phase terminale (Scanlon et McLaughlin, 1998). Dans son étude du maintien à domicile au Manitoba, Neysmith (1995) concluait que, parce que le personnel du maintien à domicile voyait un plus grand nombre de patients sortis de l’hôpital plus tôt et plus malades, l’environnement du maintien à domicile était devenu un système de substitution aux hôpitaux. Un nombre accru de personnes ayant recours aux soins à domicile ont un profil comparable à celles qui résident en institution. Cela a des conséquences importantes sur le maintien à domicile, en particulier sur la pratique des professionnels en soins communautaires et sur les ressources disponibles pour fournir des soins hautement qualifiés. Morris et Morris (1992) soutiennent que, pour chaque personne âgée en perte d’autonomie résidant en institution, on trouve au moins trois et jusqu’à cinq aînés dans une situation comparable, vivant dans leur communauté. Ellenbecker et Warren (1998) ont noté que les infirmières reconnaissent que les clients du maintien à domicile ont actuellement des besoins médicaux et techniques plus complexes ; ils sortent de l’hôpital avec des cathéters ; souffrent de plusieurs affections chroniques ; connaissent des
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problèmes sociaux plus grands, en particulier avec leur famille ; présentent un profil comparable à certains patients comme ceux qui souffrent du sida, de la maladie d’Alzheimer ou encore qui sont aux soins palliatifs. Avec le nombre accru de bénéficiaires de soins spécialisés qui vivent à la maison et qui utilisent une portion plus grande des ressources du maintien à domicile, les conditions d’accès aux programmes de maintien à domicile ont été modifiées (Spector et Kemper, 1994). Noddings (1994) soutient que le coût des soins à ce nombre plus élevé d’aînés en perte d’autonomie ou en phase terminale est à ce point considérable qu’il menace la prestation d’autres services sociaux. D’autres ont lié l’augmentation de l’usage de services formels de maintien à domicile à une utilisation accrue par les personnes qui en bénéficiaient déjà, plutôt qu’à une hausse du nombre de celles qui en reçoivent (Fama et Kennell, 1990). Les premières compressions imposées aux soins institutionnels s’accompagnaient de la promesse de redistribuer les crédits dans les communautés. On peut toutefois mettre en doute la mise en œuvre de cette promesse ; du moins, elle ne s’est certainement pas réalisée à un niveau nécessaire pour répondre à la demande croissante (Béland et Lemay, 1995 ; Chappell, 1993 ; Keating et al., 1997 ; Neysmith, 1989). De fait, Chappell (1993) soutient que, si les fonds supplémentaires ne sont pas attribués aux soins communautaires, les aînés ne se retrouveront pas avec un nouveau système de santé, mais tout simplement avec un vieux système, moins adéquat. Les soins à domicile sont plus lourds, plus intenses et exigent de plus grandes compétences qu’auparavant (Dansky, 1995 ; Dodd et Coleman, 1994 ; Ellenbecker et Warren, 1998 ; Scanlon et McLaughlin, 1998 ; Sperling, 1998). Ce profil nouveau de la clientèle, combiné avec l’augmentation inadéquate du financement du maintien à domicile, a pour conséquence que ceux qui souffrent de limitations fonctionnelles moins graves et qui, auparavant, étaient les principaux bénéficiaires du maintien à domicile n’ont pas accès aux soins de longue durée et sont souvent à la charge de leur famille. Dans ce contexte, l’existence d’un soutien familial est primordiale pour les personnes qui ont besoin d’aide. La politique de maintien à domicile a une fonction complémentaire où les soins formels sont prodigués, dans la plupart des cas, lorsqu’il y a absence d’un conjoint ou d’un enfant (Denton, 1997). De fait, la présence d’un soutien familial est un indicateur important de la non-utilisation de services du réseau formel (Carrière et al., 2002 ; Chen et Wilkins, 1998 ; Choi, 1994 ; Denton, 1997 ; Williams, Lyons et Rowland, 1997). Aux États-Unis, des chercheurs ont montré que pour les aînés le mode de vie et la présence d’un aidant naturel pouvant offrir les soins nécessaires étaient de meilleurs déterminants de l’utilisation du réseau formel que le fait d’être frêle (Stroller et
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LE VIRAGE AMBULATOIRE
Cutler, 1993 ; Tennstedt, Crawford et McKinlay, 1993). Au Canada, on est arrivé à des conclusions analogues. Carrière et al. (2002) ont ainsi signalé que la présence d’un conjoint ou d’autres parents dans un domicile réduisait le recours aux services formels. On a placé les aidants naturels au cœur de la politique de maintien à domicile (Cranswick, 1997 ; Gee, 1990). Or, Robinson (1997) soutient que le succès de tout programme de maintien à domicile dépend en grande partie de l’ampleur de l’aide informelle reçue. Mais l’on ne s’entend généralement pas sur la capacité du réseau formel à considérer les aidants naturels comme étant des partenaires à part entière dans la prestation de soins de longue durée. Keating et al. (1997) proposent un nouveau paradigme pour la politique des soins de longue durée au Canada. Elles sont d’avis que les concepts de « soins axés sur le client » et de « partenariat de soins » sont apparus du fait que les soins aux personnes frêles vivant dans la communauté sont trop coûteux et que la responsabilité des soins aux aînés doit être partagée par les réseaux formel et informel. Or, 70 % à 90 % des soins aux aînés sont assurés par le réseau informel, d’abord et avant tout par un membre féminin de la famille (Chappell, 1993). En 1996, environ 2,8 millions de Canadiens s’occupaient d’un parent âgé, ces soignants étant en majorité des femmes (Cranswick, 1997). Ce sont les conjoints qui le plus fréquemment prodiguent les soins primaires aux personnes âgées, suivis des filles, des belles-filles et des fils. Les frères et sœurs qui vivent à proximité aideront plus fréquemment aux activités instrumentales de la vie quotidienne qu’aux soins personnels. De façon analogue, les autres membres de la famille, comme les nièces, les neveux et les cousins apporteront moins souvent (que les amis ou les voisins) de l’aide, et cette aide sera le plus souvent du transport ou l’achat d’aliments, par exemple, et non des soins personnels (Chappell, 1992 ; Keating et al., 1999). Les services formels et quasi formels (par exemple les services offerts par des organisations bénévoles comme des centres pour les personnes âgées et les Églises) sont habituellement offerts de pair avec ces soutiens informels. Les politiques de maintien à domicile reposent sur l’hypothèse, implicite ou explicite, que des membres de la famille sont disponibles dans la communauté pour offrir un soutien informel à la personne âgée. La désinstitutionnalisation des personnes âgées en perte d’autonomie ou le virage ambulatoire auront inévitablement des conséquences pour les aidants naturels (Chappell, 1993). Par exemple, des études ont montré un effet significatif du rôle d’aidante naturelle sur la vie professionnelle des femmes : l’augmentation des absences, des retards, des interruptions de travail, du niveau de stress au travail, baisse de la productivité et possibilités d’avancement perdues (Keating et al., 1999 ; Medjuck,
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LA VIABILITÉ DE LA DÉSINSTITUTIONNALISATION
39
Fancey et Keefe, 1998 ; Schorlach, 1994). En outre, on a constaté que les responsabilités d’aidante naturelle avaient un effet négatif sur l’état de santé de la soignante (Clipp et George, 1993 ; Liebieg, 1993). Haug (1985) affirme qu’il est déraisonnable d’abuser des capacités des aidants naturels, puisque le système pourrait ainsi devoir s’occuper de deux patients ou même plus, plutôt que d’un seul (cité dans Havens, 1995). Ce bref aperçu de la littérature montre que de plus en plus de services de santé sont offerts dans la communauté et que les besoins de ceux qui reçoivent des services de maintien à domicile s’accroissent. Sans l’ajout de ressources financières adéquates, cette situation entraînera des exigences accrues pour les aidants naturels. À quel point cette politique sera-t-elle réaliste dans le futur, alors que le vieillissement de la population s’accélérera entre 2011 et 2031 avec l’arrivée graduelle des baby-boomers dans les rangs des 65 ans et plus ? Dans la section suivante, nous examinerons quelques tendances démographiques qui caractérisent une population vieillissante et verrons comment ces tendances pourraient affecter la composition, l’étendue et la disponibilité du soutien informel.
2.
LES CHANGEMENTS DANS LA STRUCTURE FAMILIALE
Le vieillissement de la population n’affectera pas seulement la demande globale de services de maintien à domicile ; il aura aussi un effet notable sur l’offre de services, principalement la disponibilité de soutien informel (Chappell, 1994 ; Gee, 1990 ; Neysmith, 1993 ; Rosenthal, 1997 ; Rosenthal et Gladstone, 1994). Lorsque nous discutons du vieillissement de la population, nous soulignons surtout la proportion croissante de personnes âgées de 65 ans ou plus et l’accroissement de leur nombre ; c’est particulièrement le cas, lorsque l’on considère l’accession graduelle des babyboomers à cette tranche d’âge, à partir de 2011. Les mécanismes sousjacents au vieillissement de la population ont pourtant d’autres effets importants.
2.1.
LA FÉCONDITÉ
Au cours des dernières décennies, la baisse de la fécondité a été le principal facteur qui a contribué au vieillissement de la population. Comme on peut le constater à la figure 1, la baisse de la fécondité est très marquée, tant au Québec que dans le reste du Canada. Toutefois, la chute est plus sensible au Québec où l’indice synthétique de la fécondité est d’abord passé de 3,83 à 2,65 enfants par femme entre 1946 et 1966, période du babyboom. Par la suite, l’indice a chuté jusqu’à 1,38 en 1986, se stabilisant
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LE VIRAGE AMBULATOIRE
Figure 1
Évolution de l’indice synthétique de fécondité, Canada et Québec, 1946-1991
Indice synthétique de fécondité
4,00 3,50 3,00 2,50 2,00 1,50 1,00
1946 1951 1956 1961 1966 1971 1976 1981 1986 1991 1996 Canada
Québec
Note : Les données jusqu’en 1986 excluent Terre-Neuve. Source : Statistique Canada, 1946-1981 : catalogue no 82-553 ; 1986-1996 : catalogue no 84-214.
finalement autour de 1,6 au milieu des années 1990. Pour l’ensemble du Canada, la même tendance est observée ; l’indice synthétique de fécondité passe de 3,37 à 2,75 entre 1946 et 1966, continue à chuter jusqu’à 1,59 en 1986 et se stabilise par la suite autour de 1,6 au milieu des années 1990. L’impact sur l’étendue et la composition du réseau de soutien informel sera grand (Stone, 1993). Les parents des baby-boomers ont eu par définition plusieurs enfants. Ces enfants ont donc théoriquement plusieurs frères et sœurs, mais ils ont aussi moins d’enfants. Les tendances récentes nous indiquent que ces derniers auront non seulement peu de frères et sœurs, mais aussi peu d’enfants. Ces tendances dénotent une modification importante des capacités du réseau informel à répondre aux besoins des personnes âgées en perte d’autonomie. Cependant, Carrière et al. (2002) ont montré que le fait d’avoir un enfant survivant plutôt que deux ou plus n’avait que peu d’effet sur la probabilité de recourir au réseau formel chez les personnes âgées qui recevaient de l’aide pour l’accomplissement des tâches quotidiennes. Dans ce cas, c’est moins le nombre d’enfants que le fait d’en avoir au moins un
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LA VIABILITÉ DE LA DÉSINSTITUTIONNALISATION
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qui influe sur la probabilité de recevoir de l’aide de sources formelles. Or, en 1991, au moins huit femmes sur dix nées au cours de la première moitié du baby-boom (1947 à 1956) avaient donné naissance à au moins un enfant. La diminution de l’indice synthétique de fécondité pour ces générations s’explique d’abord par la baisse marquée de la proportion de femmes ayant au moins trois enfants (Statistique Canada, 1998). Cette baisse ne devrait avoir que peu d’incidence sur l’utilisation des sources formelles de maintien à domicile. Elle signifie cependant que l’aide devra être fournie par un réseau informel restreint, ce qui pourrait entraîner une augmentation du fardeau des aidants naturels. Carrière et ses collaborateurs soulignent que leur étude ne portait pas sur l’efficacité de l’aide reçue et que, par conséquent, pour les personnes dont le réseau informel est plus restreint, il pourrait également exister une probabilité supérieure que leurs besoins ne soient pas comblés. De plus, leur étude excluait les personnes vivant en institution et pouvait ainsi exclure les personnes âgées qui ont dû recourir à l’institutionnalisation faute de soutiens informels adéquats. Bien que la baisse de la fécondité ait un effet sur l’étendue du réseau informel, il n’est pas certain que les conséquences sur l’utilisation des services de maintien à domicile prodigués par le réseau formel seront importantes. Il faudra peut-être s’intéresser à l’évolution de la proportion de personnes sans enfants plutôt qu’à l’indice synthétique de fécondité pour bien évaluer l’effet de la baisse de la fécondité sur la demande de tels services.
2.2.
L’ÉTAT MATRIMONIAL
L’analyse des tendances observées depuis 1966 concernant l’état matrimonial montre des changements importants qui pourraient avoir un effet sur les ressources nécessaires en maintien à domicile dans le futur. Par exemple, la hausse du taux de prévalence du divorce et l’émergence des familles recomposées auront sans doute un impact sur la relation parents-enfants (Bornat et al., 1999 ; Bulcroft et Bulcroft, 1991 ; Parrott et Bengston, 1999 ; Peters-Davis, Moss et Pruchno, 1999 ; Wu et Pollard, 1998). La figure 2 montre l’ampleur de la croissance du divorce au Canada. Bien que la proportion de personnes divorcées soit relativement faible chez les 75 ans et plus, elle croît à chaque recensement depuis 1971. Par exemple, chez les 75-79 ans, la proportion de divorcés est passée de 0,6 % en 1971 à 3 % en 1996. La figure 2 laisse présager une augmentation de cette proportion au cours des prochaines décennies. On note en effet qu’à chaque nouveau recensement l’âge où la proportion de divorcés est la plus forte tend à augmenter. En 1976, les 40-44 ans montraient la plus forte proportion de divorcés (3,1 %), alors qu’en 1996 c’était chez les
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LE VIRAGE AMBULATOIRE
Figure 2
Proportion d’individus divorcés à chaque âge à différents recensements, Canada, 1951-1996 14 1951 1956 1961 1966 1971 1976 1981 1986 1991 1996
12
Pourcentage
10 8 6 4
90+
85-89
80-84
75-79
70-74
65-69
60-64
55-59
50-54
45-49
40-44
35-39
30-34
25-29
20-24
0
15-19
2
Groupes d’âge Source : Recensements du Canada.
50-54 ans que la proportion était la plus élevée (9,6 %). Il est important de souligner ici que ces proportions tendent à sous-estimer le phénomène du divorce, puisque les personnes divorcées dont il est question ne vivaient avec aucun conjoint au moment du recensement. Toutefois, plusieurs personnes divorcées vivaient avec un conjoint et étaient alors considérées comme vivant en union libre. Des données sur l’état matrimonial légal montreraient une proportion sensiblement plus élevée de divorcés. Des études ont montré comment le divorce pouvait affecter la relation d’aidant, particulièrement chez les hommes âgés qui, pendant des années, ont eu peu de contacts avec leurs enfants (Cooney et Uhlenberg, 1990 ; De Jong Gierveld et Dykstra, 1997 ; Uhlenberg, 1994). Pour projeter la demande future de services formels destinés à la population âgée en perte d’autonomie, on devra considérer ces transformations qui ont changé la nature des liens familiaux. On pourra sans doute observer l’apparition dans les sociétés canadienne et québécoise d’un nouveau type de structure de soutien informel. La structure familiale actuelle comprend davantage de personnes auxquelles on peut demander des soins à la
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LA VIABILITÉ DE LA DÉSINSTITUTIONNALISATION
dernière minute. L’accroissement des divorces, la cohabitation et la persistance de familles traditionnelles ont contribué à cette multiplication de relations de parenté et du nombre d’aidants naturels potentiels. Baum et Page (1991) prétendent que les responsabilités et liens familiaux s’affaiblissent avec l’expansion de la structure familiale, réduisant ainsi la capacité de cette structure à fonctionner comme un véritable système d’aidants naturels. Ils soutiennent que l’augmentation des divorces et l’animosité qui leur est associée peuvent conduire à une désintégration des liens entre les membres de la famille. Bien qu’il y ait désaccord dans la littérature sur les structures informelles de soutien, les chercheurs s’entendent sur la nécessité d’une redéfinition du concept de famille. Il n’y a pas que l’état de divorcé qui peut avoir un effet sur la composition du réseau informel. Bien que certaines tendances liées à l’état matrimonial pointent dans la direction d’une croissance des besoins dans le réseau formel, d’autres tendances vont dans la direction inverse. Les figures 3a et 3b indiquent effectivement que la proportion de célibataires Figure 3a
Distribution des femmes âgées de 65 ans et plus selon l’état matrimonial, Canada et Québec, 1966-1996 60 1966 1976 1986 1996
50
Pourcentage
40 30 20
Divorcées
Veuves
Mariées
Célibataires
CANADA
Divorcées
Veuves
Mariées
0
Célibataires
10
QUÉBEC
Source : Recensements du Canada.
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LE VIRAGE AMBULATOIRE
Figure 3b
Distribution des hommes âgés de 65 ans et plus selon l’état matrimonial, Canada et Québec, 1966-1996 80 1966 1976 1986 1996
70
Pourcentage
60 50 40 30 20
Divorcées
Veuves
Mariées
Célibataires
CANADA
Divorcées
Veuves
Mariées
0
Célibataires
10
QUÉBEC
Source : Recensements du Canada.
chez les 65 ans et plus a diminué à chaque recensement depuis 1966, sauf chez les femmes âgées au Québec pour la période 1966-1976. Il n’en demeure pas moins que des différences significatives existent entre les sexes. Alors qu’en 1996 trois hommes sur quatre âgés de 65 ans et plus sont mariés, seulement quatre femmes sur dix le sont. Entre 1966 et 1996 la proportion de veufs a chuté, passant d’environ 20 % à 13 % chez les hommes, alors qu’elle se situe à plus de 45 % chez les femmes. Si l’espérance de vie des hommes continue toutefois à croître plus rapidement que celle des femmes, comme c’est le cas depuis un certain nombre d’années, il est possible de croire que la proportion de veuves âgées de 65 ans et plus puisse chuter au cours des prochaines décennies. En termes relatifs, cette tendance pourrait amoindrir la pression sur le réseau de soutien formel.
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LA VIABILITÉ DE LA DÉSINSTITUTIONNALISATION
2.3.
LES MODES DE VIE
Parmi les caractéristiques sociodémographiques qui pourraient avoir un impact important sur la demande de services provenant du réseau de soutien formel, on doit aussi souligner l’évolution des modes de vie des personnes âgées. Par exemple, vivre seul est un facteur fortement associé à l’utilisation des services du réseau formel (Carrière et al., 2002 ; Martel et Légaré, 2000). Signalons d’abord que la très grande majorité des personnes âgées vivent en ménage privé. La proportion de celles qui vivent en institution varie entre 6 % et 8 % selon les provinces canadiennes. Par ailleurs, parmi les personnes âgées vivant en ménage privé, la proportion de celles qui vivent seules a augmenté pendant la période 1981-1996, particulièrement chez les femmes âgées de 75 ans et plus (figures 4a et 4b). On note que la proportion de personnes seules croît avec l’âge et que d’un recensement à l’autre cette proportion augmente. Lorsque l’on regarde la tendance chez les 55-64 ans, on constate que celle que l’on observe chez les 65 ans et plus se poursuivra fort probablement au cours des prochaines années. À cet égard, la tendance au Québec sera vraisemblablement plus marquée que dans le reste du Canada. Figure 4a
Proportion de femmes en ménages privés vivant seules, selon le groupe d’âge, Canada et Québec, 1986-1996 55 CANADA
50
QUÉBEC
1981 1986 1996
45
Pourcentage
40 35 30 25 20 15 10 5 0 55-64
65-74
75+
55-64
65-74
75+
Source : Recensements du Canada.
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LE VIRAGE AMBULATOIRE
Figure 4b
Proportion d’hommes en ménages privés vivant seuls, selon le groupe d’âge, Canada et Québec, 1986-1996 55 CANADA
50
QUÉBEC
1981 1986 1996
45
Pourcentage
40 35 30 25 20 15 10 5 0 55-64
65-74
75+
55-64
65-74
75+
Source : Recensements du Canada.
On trouve des différences importantes parmi les hommes et parmi les femmes ainsi qu’entre les sexes. Par rapport aux hommes du même âge, qui le plus souvent vivent avec des personnes apparentées ou non, les femmes des trois groupes d’âges sont proportionnellement plus nombreuses à vivre seules, un effet du veuvage plus fréquent chez les femmes. Comme le montre la figure 4a, une forte proportion de femmes âgées de 65 ans ou plus vivent seules, au Canada comme au Québec. C’est, aujourd’hui, plus de la moitié des femmes âgées de 75 ans ou plus qui vivent seules ; une augmentation qui a été encore plus marquée au Québec. Bien que, par rapport aux femmes, la proportion d’hommes âgés vivant seuls soit bien plus faible, elle s’est accrue de façon marquée pendant la période considérée. Le nombre croissant de personnes âgées vivant seules et souffrant de maladies chroniques risque de constituer un défi pour les programmes de maintien à domicile dans le futur. L’étendue et la composition du réseau informel sont en grande partie liées aux tendances démographiques (Himes, 1992). On peut difficilement planifier l’établissement d’un réseau de soutien formel qui pourra répondre aux besoins d’une population vieillissante en ignorant ces tendances. Nous avons souligné ici les effets de la fécondité, de l’état
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LA VIABILITÉ DE LA DÉSINSTITUTIONNALISATION
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matrimonial et des modes de vie. Dans chacun des cas, les tendances indiquent que l’étendue et la composition du réseau informel connaîtront de profondes transformations au cours des prochaines décennies. Le réseau informel sera de toute évidence plus restreint et composé davantage de collatéraux (frères et sœurs surtout) et d’ami(e)s. Cette transformation aura des effets sur le type d’aide apportée aux personnes en perte d’autonomie, puisque les attentes et le sentiment d’obligation seront sans doute différents de ceux associés à une relation entre conjoints ou entre parent et enfant. Le réseau informel étant le principal pilier de la politique de maintien à domicile actuelle, il est évident que sa transformation au fil du temps aura des conséquences importantes sur l’utilisation du réseau de soutien formel. D’autres facteurs démographiques sont aussi à considérer. Par exemple, la hausse de l’espérance de vie fera en sorte qu’il sera de plus en plus fréquent pour les deux membres d’un couple de voir leurs deux parents atteindre l’âge de 80 ans. D’un côté, le réseau informel sera de plus en plus réduit, alors que de l’autre les besoins pourraient aller en augmentant. Toutefois, avant d’apporter une réponse définitive à cette problématique, on devra mieux comprendre le lien entre l’espérance de vie et l’espérance de vie en bonne santé. Si les années ajoutées se vivent en bonne santé, les implications pour les réseaux formel et informel seront beaucoup plus nuancées que si les gains sur la mort ne se traduisent que par une augmentation des années en perte d’autonomie.
3.
LA PARTICIPATION DES FEMMES AU MARCHÉ DU TRAVAIL
Il ne suffit pas d’essayer de mesurer l’étendue et la composition du réseau informel. La présence d’un membre de la famille n’assure pas nécessairement la disponibilité de cette personne comme aidant naturel. Si des changements dans les comportements démographiques viennent modifier la composition du réseau informel, d’autres tendances peuvent influer sur la disponibilité des membres de ce réseau. La présente section jette un bref regard sur l’une de ces tendances : la participation des femmes au marché du travail. Précédemment, nous avons souligné certaines tendances dans les comportements démographiques qui auront pour conséquence de réduire les possibilités d’intervention émanant du réseau informel. Il ne s’agit toujours là que d’un réseau potentiel, puisque ce ne sont pas toutes les personnes du réseau informel qui jouent le rôle d’aidant naturel (Keating et al., 1994). On sait par ailleurs que, parmi les individus qui
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composent ce réseau, l’aidant principal est dans la majorité des cas une femme – conjointe ou fille de la personne en perte d’autonomie. Malgré les changements dans les comportements démographiques, certains pourraient avancer que l’étendue du réseau « potentiel » influera peu sur l’implication du réseau « actif ». On peut appuyer un tel argument en avançant que, tant qu’il y aura un conjoint ou une fille présente, l’aide informelle est hautement probable. Bien que cette affirmation soit relativement solide dans le cas où la conjointe est à la retraite, l’hypothèse peut paraître douteuse dans le cas où les membres du réseau informel sont sur le marché du travail. La figure 5 montre bien que cette dernière éventualité sera de plus en plus fréquente au cours des prochaines années, surtout chez les femmes de 50 ans et plus. Le bassin d’aidantes naturelles ne va pas que rétrécir ; la disponibilité des femmes qui en font partie est appelée à être réduite en raison des changements dans les comportements à l’égard du marché du travail (Cantor, 1992 ; Doty, Jackson et Crown, 1998 ; Gee, 1990 ; Rosenthal, 1997). Bien que les taux d’activité des femmes aient commencé à augmenter avant que les générations du baby-boom franchissent l’âge d’accéder au marché du travail, ce sont les femmes qui ont le plus modifié le profil Figure 5
Taux d’activité des femmes selon l’âge et la génération 100 90
1967-71 1962-66 1957-61 1952-56
1947-51
80
1942-46
Taux d’activité
70 1937-41
60 50
1932-36
40 30
1927-31
1917-21
20 10 0 15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59 60-64 65+ Groupe d’âge Source : Statistique Canada, données de l’enquête sur la population active.
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des courbes des taux d’activité (figure 5). En fait, l’arrivée des dernières cohortes du baby-boom (1957-1966) a complètement effacé la baisse des taux qui marquait jadis l’ensemble des générations lorsqu’elles atteignaient le groupe des 20-34 ans. Cette chute temporaire est maintenant disparue et l’évolution des taux d’activité par génération semble indiquer que, même parmi les 50-54 ans, les taux d’activité se situeront entre 70 % et 80 %. Il y a dix ans, ce taux atteignait à peine 55 %. D’ailleurs, les tendances observées à la figure 5 montrent que le taux d’activité des femmes sera de moins en moins dépendant de la génération à laquelle celles-ci appartiennent. Le taux d’activité sera relativement constant autour de 80 % (contre environ 90 % chez les hommes) jusqu’à l’âge de 50 ans, pour chuter graduellement par la suite au moment de la retraite. En ce qui a trait à l’éventualité d’une retraite anticipée pour prodiguer des soins à un membre de la famille en perte d’autonomie, on peut faire l’hypothèse suivante : si les femmes ont aujourd’hui beaucoup moins tendance à quitter le marché du travail pour s’occuper à plein temps de leurs jeunes enfants, elles ne vont sans doute pas quitter leur emploi pour devenir les aidantes naturelles d’un conjoint ou de parents âgés en perte d’autonomie. Loin d’être interprété comme un désengagement de la part de ces générations, il s’agit d’abord et avant tout de remettre en question le rôle de la famille dans la prestation des soins à domicile et de revoir l’équité entre les sexes à cet égard. Planifier les ressources nécessaires pour répondre aux besoins futurs en maintien à domicile sera un exercice futile si l’on ne tient pas compte de l’ensemble des tendances sociodémographiques. Compter essentiellement sur le réseau informel pour donner ces soins est de moins en moins réaliste considérant le vieillissement de la population, les changements dans la structure familiale et le rôle que jouent maintenant les femmes sur le marché du travail.
4.
LES DÉFIS POLITIQUES
Au Canada, il n’existe aucune politique fédérale à l’égard des aidants naturels qui s’occupent d’un parent âgé ; toutes les politiques qui régissent les programmes de maintien à domicile sont du ressort des gouvernements provinciaux. Les services offerts par le réseau formel d’aide aux aînés vivant dans la communauté sont fournis par l’entremise de programmes de maintien à domicile financés par le gouvernement ou par des entreprises privées. Des programmes de maintien à domicile financés publiquement existent dans chaque province et territoire du Canada et leurs dépenses se sont accrues de plus de 100 % au cours des sept dernières années (Santé
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Canada, 1998). Avec les pressions croissantes pour transférer les soins des institutions à la communauté, comme moyen de réduire les coûts, l’industrie du maintien à domicile vit des changements systémiques considérables, dont la privatisation accrue de la prestation de soins, l’augmentation de la concurrence et la croissance d’organismes imposants et parfois complexes (Close et al., 1994). L’industrie subit également une restructuration du travail sous la forme d’un nombre croissant de travailleurs à contrat ou à temps partiel et une médicalisation accrue des services de maintien à domicile (Close et al., 1994 ; Keefe, 1999). Un élément crucial du maintien à domicile est la présence d’une main-d’œuvre compétente pour fournir les services au patient. Cette maind’œuvre est souvent décrite comme ayant peu de formation, des bas salaires, peu d’avantages sociaux et peu d’encadrement. La disponibilité de ces travailleurs décroît aux États-Unis et la possibilité d’une pénurie de personnel menace également le Canada. Au Canada, l’ampleur de la crise du personnel de maintien à domicile varie d’une province à l’autre. On a jusqu’ici porté peu d’attention aux travailleurs canadiens du maintien à domicile, et aucune recherche ne s’est penchée sur l’impact que les changements dans la disponibilité du réseau familial auront sur le besoin en services fournis par le réseau formel. La question du genre sexuel est une variable contextuelle importante dans la discussion des enjeux liés à la main-d’œuvre du maintien à domicile, y compris les aidants naturels. La majorité de ces travailleurs, professionnels et non professionnels, sont des femmes. Les faibles salaires et les avantages sociaux limités qui caractérisent leur emploi s’inscrivent dans le contexte général des emplois féminins sous-payés, et plus particulièrement dans la sous-valorisation du travail accompli dans la sphère domestique (Baines, Evans et Neysmith, 1991). Bornstein (1994) soutient que les difficultés de définir une politique de maintien à domicile vont au-delà des problèmes fiscaux associés au fait que l’on s’attend à ce que les femmes prodiguent des soins non rémunérés, ou sous-rémunérés. Selon lui, le problème central réside plutôt dans la place que notre société accorde aux aînés et la responsabilisation des gouvernements face à la prestation de soins adéquats. Le défi du maintien à domicile, qu’il soit lié aux personnes âgées en perte d’autonomie ou à des séjours à l’hôpital de plus en plus écourtés, est sans doute l’un des plus importants que devra relever le système de santé. Une politique de maintien à domicile ne pourra longtemps survivre sur le dos du réseau de soutien informel sans avoir de conséquences importantes sur les femmes qui composent l’essentiel de ce réseau appelé à devenir de plus en plus restreint. Le marché du travail a connu une
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expansion sans précédent avec l’arrivée des baby-boomers jumelée à l’entrée massive des femmes sur le marché du travail à partir des années 1960. Le marché du travail est ainsi devenu beaucoup mieux partagé entre hommes et femmes. Le soutien informel n’a pas connu la même progression vers l’équité entre les sexes. Pour qu’une politique de maintien à domicile atteigne son but de réduire les coûts du système de santé, on devra d’une part investir les sommes publiques nécessaires, investissement qui en bonne partie devrait se traduire par un transfert de sommes déjà existantes dans le réseau de la santé ; d’autre part, la charge assumée par le réseau informel devra être mieux partagée entre hommes et femmes. Dans le contexte sociodémographique actuel, les politiques liées au maintien à domicile laissent plutôt entrevoir un système où les plus favorisés auront recours au secteur privé, alors que les plus démunis se verront contraints à quitter le marché du travail pour prodiguer des soins de plus en plus spécialisés. C’est non seulement la qualité de vie des personnes en perte d’autonomie qui pourrait en être affectée, mais aussi celle des femmes poussées à prendre une retraite prématurée.
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C H A P I T R E
3 LE VIRAGE AMBULATOIRE ET LA CONCILIATION TRAVAIL-FAMILLE
LISE LACHANCE Université du Québec à Chicoutimi et Centre de recherche interuniversitaire sur l’éducation et la vie au travail
NATHALIE BRASSARD Université du Québec à Chicoutimi et Centre de recherche interuniversitaire sur l’éducation et la vie au travail
LOUIS RICHER Université du Québec à Chicoutimi
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Dans le contexte socioéconomique actuel, les expressions « coupure de postes », « réduction des heures de travail », « mises à pied massives », « chirurgies d’un jour » et « soutien à domicile » ne sont que quelques exemples, devenus langage courant, des enjeux et conséquences des compressions budgétaires dans le domaine de la santé. Le désinvestissement progressif de l’État en matière de santé au Québec, amorcé avec le mouvement de désinstitutionnalisation des patients psychiatriques il y a quelques années, poursuit sa course avec le virage ambulatoire et bouleverse plusieurs sphères de vie des citoyens (Conseil du statut de la femme, 1999). Notamment, des changements dans l’environnement et le contexte de travail sont imposés au personnel des milieux sociosanitaires. Les réaménagements du système de soins de santé, les chirurgies d’un jour et l’alourdissement de la charge de travail non seulement perturbent la prestation des soins de la part des travailleurs, mais altèrent également la qualité des soins reçus de tous les usagers. Le transfert des responsabilités des hôpitaux vers les centres locaux de services communautaires et autres organismes, et plus fortement même vers le domicile du bénéficiaire, fait en sorte que les aidants naturels 1 de personnes malades ou en perte d’autonomie en subissent également les contrecoups (David et al., 1999). Cette récente volonté de maintenir les personnes dépendantes dans les milieux communautaires, et plus précisément dans leur environnement naturel, dissimule une réalité importante : la communauté, dans les faits, se limite généralement aux familles, lesquelles se réduisent bien souvent aux femmes (Guberman, Maheu et Maillé, 1994). En ce sens, les transformations vécues ces dernières années dans le milieu de la santé et des services sociaux ont continué à creuser l’écart entre les sexes. D’ailleurs, le Conseil du statut de la femme (1999) relevait récemment les conséquences négatives du virage ambulatoire, qui risquent d’affecter particulièrement les femmes 2 à la fois comme travailleuses, aidantes naturelles et usagères des services de santé. Les impacts du virage ambulatoire sont difficiles à dissocier des effets inhérents à tous les changements démographiques, économiques et sociaux actuels. L’accroissement de la proportion de femmes sur le marché du travail, la recrudescence des couples à double carrière ou à double revenu, l’augmentation du nombre de familles monoparentales et la diminution de la pérennité des emplois sont tous des facteurs ayant contribué
1. Nous employons le terme « naturel » malgré les malaises qu’il soulève en laissant sousentendre qu’il est naturel que les aidants prennent en charge les soins aux personnes atteintes de troubles mentaux ou en perte d’autonomie. 2. Puisque le virage ambulatoire risque d’affecter principalement les femmes, nous utiliserons les termes « travailleuses », « aidantes » et « usagères » tout au long du texte afin d’en alléger la lecture.
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à faire ressortir l’importance de considérer le lien entre le travail et la vie familiale (Dompierre et Comeau, 1998 ; Van Der Klaauw, 1996). La conciliation des demandes issues de ces deux sphères de vie constitue déjà un défi de taille pour la majorité des personnes occupant un emploi rémunéré (Kossek, Noe et DeMarr, 1999). Le manque de temps et de ressources des parents sur le marché du travail, notamment des mères, complique souvent la gestion des responsabilités professionnelles et familiales (Conseil de la famille et de l’enfance, 1999 ; Descarries et al., 1995a, 1995b ; Guérin et al., 1994). On peut facilement supposer que le virage ambulatoire contribue à réduire l’accessibilité aux ressources et à accentuer la somme des responsabilités des familles, et particulièrement celles des femmes. Les remous provoqués par le virage ambulatoire peuvent toucher la vie des femmes non seulement comme travailleuses, mais également à titre d’aidantes naturelles ou d’usagères. En effet, le virage est à l’origine de la prise en charge des personnes malades ou en perte d’autonomie par des aidants naturels et de nombreuses études indiquent que ce sont principalement les femmes qui assument ce rôle (Conseil du statut de la femme, 1999 ; Hoffmann et Mitchell, 1998 ; Lavoie, Lévesque et Jutras, 1995). De plus, dans son transfert de responsabilité des soins à la famille et aux femmes, l’État considère ces acteurs comme des ressources plutôt que comme des partenaires (Lavoie et al., 1998 ; Conseil du statut de la femme, 1999). À l’heure actuelle, les recherches n’ont pas évalué spécifiquement les conséquences de l’ajout de ces nouvelles responsabilités. Cependant, le travail rémunéré des femmes, les changements dans la cellule familiale et le vieillissement de la population rendent ce nouveau rôle potentiellement incompatible avec les autres. Il devient donc possible de déduire certaines répercussions du virage ambulatoire sur ce rôle additionnel (Conseil du statut de la femme, 1999). Les effets du virage ambulatoire se font également ressentir sur l’expérience des bénéficiaires des services de santé, puisque les ressources sont actuellement dirigées vers les besoins médicaux immédiats plutôt que vers la prévention et la promotion de la santé. Selon le Conseil du statut de la femme (1999), ce sont les usagères qui risquent d’en subir les conséquences les plus adverses, car leur espérance de vie est plus élevée, elles sont moins en santé, utilisent davantage ces services, sont souvent plus pauvres et plus laissées à elles-mêmes. De plus, à la sortie rapide des hôpitaux et à la convalescence à domicile s’ajoutent les difficultés de prendre en charge les tâches quotidiennes et les soins aux enfants. Considérant l’ensemble des bouleversements engendrés par le virage ambulatoire et les exigences inhérentes à la conciliation travail-famille, les derniers changements vécus en matière de santé peuvent-ils être vus comme des sources de contraintes additionnelles à la gestion des rôles
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multiples pour les femmes en tant que travailleuses, aidantes naturelles et usagères ? Avant de répondre à cette question, un examen théorique des types de relations entre le travail et la famille est indispensable.
1.
LES TYPES DE RELATIONS ENTRE LE TRAVAIL ET LA VIE FAMILIALE
Plusieurs conceptions ont été suggérées pour expliquer la relation entre le travail et la vie familiale : la segmentation, l’instrumentalisme, la compensation, l’accommodation, le conflit, le débordement et la transmission (Barnett, 1999 ; Lambert, 1990 ; Westman et Vinokur, 1998 ; Zedeck et Mosier, 1990). Selon la notion de segmentation, la vie professionnelle et la vie familiale sont deux sphères mutuellement exclusives ou indépendantes. D’après les tenants de cette conception, la difficulté à préserver le travail des interférences de la vie familiale refléterait l’incapacité d’une personne à établir ses priorités (Barnett, 1999). Cependant, pour plusieurs, la segmentation ne serait pas un processus qui s’effectuerait de façon naturelle ; elle serait plutôt utilisée en réponse au stress vécu dans le milieu de travail (Hall, Stevens et Meleis, 1992 ; Parasuraman, Greenhaus et Granrose, 1992). L’instrumentalisme conçoit que l’individu qui choisit de se consacrer principalement à une sphère de vie utilise l’autre comme un moyen lui permettant de parvenir à ses fins. Ainsi, par le revenu qu’il procure, le travail rémunéré peut devenir un instrument pour la personne qui décide d’investir davantage dans sa vie familiale. De même, les bénéfices résultant de la vie familiale peuvent servir à développer ou à maintenir une vie professionnelle satisfaisante (Evans et Bartolomé, 1984). Les deux prochaines conceptions sont apparentées par le fait qu’elles imposent un caractère limité au degré d’implication de la personne dans l’une ou l’autre des sphères de sa vie. Selon la notion de compensation, une travailleuse qui est insatisfaite au travail ou dans sa vie familiale aura tendance à limiter sa participation dans le domaine à l’origine de son insatisfaction et tendra à rechercher un plus grand contentement dans l’autre domaine en s’y investissant davantage (Evans et Bartolomé, 1984 ; Lambert, 1990 ; Zedeck et Mosier, 1990). Cela expliquerait en partie pourquoi certaines travailleuses deviennent plus engagées dans la sphère professionnelle lorsqu’elles vivent des difficultés familiales. Par exemple, en réaction aux nombreuses tensions vécues dans les soins prodigués à un proche, une aidante naturelle pourrait choisir de demeurer sur le marché du travail de manière à s’accorder, d’une certaine façon, quelques moments de répit. À
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l’inverse, le processus qui sous-tend la notion d’accommodation laisse croire que s’engager plus à fond dans une sphère de vie en réponse à ses demandes et exigences nécessite ou entraîne une diminution de la participation dans l’autre (Lambert, 1990). Par exemple, une aidante naturelle pourrait réduire ses heures de travail dans le but de procurer davantage d’assistance à une personne qui a besoin de soutien. En somme, puisque la fin visée par ces deux approches est similaire, ce sont les moyens pris pour y parvenir qui diffèrent. La notion de conflit renvoie à l’hypothèse du déficit, qui rappelle que la somme de temps et d’énergie dont dispose l’individu n’est pas illimitée et que chaque activité dans laquelle il s’engage en requiert une certaine part (Goode, 1960). L’implication contiguë dans plusieurs rôles de vie peut conduire à des conflits interrôles, notamment lorsque l’horaire ou les comportements à adopter deviennent incompatibles (Greenhaus et Beutell, 1985 ; Marks, 1977). Selon le Conseil de la famille et de l’enfance (1999), les récentes transformations vécues dans les milieux professionnels et à l’intérieur de la cellule familiale ont eu pour conséquence de multiplier les occasions de conflits entre ces deux sphères de vie. Malgré l’intérêt croissant pour l’étude de la conciliation travail-famille, rares sont les recherches qui ont abordé le problème sous l’angle du conflit entre le travail et les divers rôles familiaux, malgré le fait que les attentes et les comportements associés à chacun de ceux-ci puissent différer (Aryee, 1992). En contraste avec le concept de conflit, la multiplicité des rôles ne produit pas forcément des conséquences psychologiques négatives (Burke et Greenglass, 1987). Le cumul des rôles peut également mener à l’épanouissement et au développement personnels (Bujold et al., 1996 ; Carrier et Roskies, 1993). D’après l’hypothèse de cause sociale (influence des rôles sur la santé), les personnes occupant plusieurs rôles ont l’occasion d’exprimer leurs habiletés, de développer leurs aptitudes, d’avoir accès à un réseau de soutien et à des ressources pouvant les aider à maintenir leur santé physique. Selon l’hypothèse de sélection (influence de la santé sur les rôles), les personnes ayant des problèmes de santé réduisent vraisemblablement leurs activités, car elles sont habituellement incapables de s’engager dans plusieurs rôles sociaux à la fois (Adelmann et al., 1990 ; Elstad, 1995). Les dernières conceptions, « débordement » et « transmission », font référence à des conditions à l’intérieur desquelles le stress peut se propager (Bolger et al., 1989). Ces conceptions permettent d’accroître la compréhension dynamique de la complexité des rôles multiples. D’une part, le débordement se concentre sur la façon dont une personne vit le stress à travers ses divers domaines d’implication. Selon cette conception, une travailleuse peut rentrer à la maison avec des émotions, des attitudes,
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des habiletés et des comportements établis au travail ou vice versa. Quoique le débordement puisse se révéler positif lors d’événements heureux, les recherches illustrent habituellement les effets négatifs du travail sur la famille (Burke et Greenglass, 1987). D’autre part, lorsque le stress d’un individu s’étend plutôt à ses proches, il est question du phénomène de transmission. Ce processus se produit lorsque le stress vécu par l’individu dans l’une de ses sphères de vie affecte directement ou indirectement des personnes de son entourage immédiat, telles que ses collègues, son conjoint et ses enfants (Lambert, 1990). Les recherches sur le phénomène de transmission sont limitées et se sont principalement attardées à l’impact du stress vécu par l’homme au travail sur sa conjointe (Jones et Fletcher, 1993 ; Westman et Etzion, 1995 ; Westman et Vinokur, 1998). Ces différentes conceptions expliquant la relation entre le travail et la vie familiale ont souvent été considérées comme des théories antagonistes. Les tentatives pour résoudre le débat et définir un modèle unique sont futiles, puisque des données empiriques indiquent que ces processus peuvent se produire simultanément (Lambert, 1990). De plus, la relation entre le travail et la famille peut varier dans le temps et selon les circonstances (Evans et Bartolomé, 1984). L’accent devrait donc être mis sur la compréhension des facteurs sociaux et psychologiques (p. ex. situation conjugale, stade de vie ou de carrière, cycle familial) en lien avec ces différentes conceptions (Burke et Greenglass, 1987). Lambert (1990) suggère d’identifier l’effet de ces processus sur le bien-être de l’individu aux plans physique, familial et organisationnel dans le but de déterminer si certains d’entre eux sont plus influents que d’autres. Enfin, plusieurs auteurs soulignent l’importance d’approfondir les différences entre les hommes et les femmes dans l’étude des conflits interrôles (Macewen et Barling, 1994 ; O’Driscoll, Ilgen et Hildreth, 1992).
2.
LES IMPACTS DU VIRAGE AMBULATOIRE SUR LES TRAVAILLEUSES
Il est nécessaire de considérer les effets du virage ambulatoire sur les femmes à titre de travailleuses, puisque les trois quarts du personnel de la santé et des services sociaux sont des femmes. Toutefois, peu de recherches ont traité spécifiquement de cette question. Les propos actuels relèvent d’organisations syndicales ou professionnelles et peuvent être teintés d’intérêts corporatistes. Il devient, par conséquent, pratiquement impossible de dégager les effets du virage ambulatoire de ceux des autres enjeux sociaux actuels (Conseil du statut de la femme, 1999).
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Malgré l’entrée massive des femmes sur le marché du travail, la responsabilité première des travaux domestiques et des tâches parentales semble encore relever principalement du domaine féminin (DeMaris et Longmore, 1996 ; Fouad et Tinsley, 1997). Puisque leur participation au sein de la population active implique l’ajout d’un nouveau rôle plutôt que sa substitution aux responsabilités familiales, la majorité des recherches ayant porté sur l’interface travail-famille concernent la notion de conflit. À partir des principaux constats dégagés de ces études, il est possible d’envisager que les conséquences du virage ambulatoire sur l’organisation du travail amplifient les conflits travail-famille des travailleuses du domaine de la santé. De nombreuses études démontrent les effets négatifs des conflits travail-famille sur le bien-être. Plus spécifiquement, des liens sont observés entre ces effets et plusieurs composantes de la qualité de vie. Il s’agit, entre autres, de la satisfaction au travail, de la satisfaction et de l’ajustement maritaux, de la cohésion et de la satisfaction familiales, de l’efficacité du réseau de soutien social, de la satisfaction de vie ainsi que de la santé physique et mentale (Ahmad, 1996 ; Matthews, Conger et Wickrama, 1996 ; Thomas et Ganster, 1995). L’ampleur des conflits travail-famille vécus par le personnel hospitalier dépend, entre autres, des caractéristiques du travail et de l’environnement de travail (St-Onge et al., 1994). Sans contredit, le virage ambulatoire a donné lieu à une importante dégradation des conditions de travail. L’un des principaux résultats de la réorganisation de l’emploi dans le domaine de la santé consiste en l’augmentation de la charge de travail en milieu hospitalier (Conseil du statut de la femme, 1999). Les mises à la retraite ont eu pour effet de réduire le personnel et de priver les milieux d’une expertise, tandis que le transfert du personnel vers les CLSC a entraîné une désorganisation des équipes de travail en place. Les hospitalisations de courte durée ont fait que la lourdeur des cas a augmenté, car les personnes séjournant à l’hôpital sont celles qui présentent, du moins en principe, des besoins plus grands. Le transfert des soins à domicile a fait apparaître des difficultés entourant le respect des procédures sécuritaires, les risques d’accidents de travail, l’isolement et la manifestation de comportements violents à l’endroit du personnel. En plus, la charge de travail qui incombe aux travailleuses augmente, les cas s’alourdissent, les tâches et les rôles deviennent plus ambigus et l’organisation de l’horaire se complexifie. Il y a également un danger que le virage contribue à la diminution de la pérennité des emplois du fait du remplacement des emplois du secteur public par des emplois temporaires ou moins rémunérés. Les femmes sont particulièrement vulnérables devant ces nouvelles politiques d’emploi, car elles ont généralement moins d’ancienneté et occupent
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davantage des postes à temps partiel (Stoltz-Loike, 1995). Non seulement ces changements compliquent l’organisation quotidienne de la garde des enfants, mais ils font également en sorte que les mères n’ont plus accès à des mesures comme les congés de maternité et les congés parentaux payés. L’ensemble de ces facteurs n’est pas sans conséquences sur le stress et sur la santé mentale des travailleuses ainsi que sur la qualité de la prestation des soins. En somme, il devient facile d’extrapoler les conséquences que le virage a pu avoir sur l’émergence et sur l’ampleur des conflits travail-famille étant donné ses impacts sur les conditions et l’environnement de travail. Malgré l’ensemble des difficultés vécues par le personnel du réseau de la santé et des services sociaux, il faut tout de même noter que, pour plusieurs, le virage a permis une plus grande autonomie et a offert la possibilité de relever de nouveaux défis (Conseil du statut de la femme, 1999).
3.
LES IMPACTS DU VIRAGE AMBULATOIRE SUR LES AIDANTES NATURELLES
Le rôle d’aidant naturel a toujours existé et a traditionnellement relevé du travail des femmes. Mais depuis l’arrivée du virage ambulatoire les femmes se voient de plus en plus contraintes à exercer ce rôle. Puisque la population vieillit et que les personnes dépendantes choisissent davantage d’être traitées à domicile, le nombre de personnes occupant le rôle d’aidantes est en pleine croissance (Gourde, 1998). Actuellement, un adulte sur cinq, au mitan de la vie, est susceptible de prodiguer des soins à une personne en perte d’autonomie et de devoir faire face aux demandes et aux responsabilités découlant de ce rôle, en plus de celles issues de la famille et du travail (Marks, 1998). En outre, les changements clairs dans la participation des femmes au marché du travail chez les plus jeunes n’apparaissent pas altérer leur participation aux soins. Au contraire, ces femmes deviennent des aidantes au même titre que leurs aïeules, peu importe leur statut d’emploi (Moen, Robison et Fields, 1994). Les données sur la prise en charge des malades par les familles, notamment avec le virage ambulatoire, et plus particulièrement par les femmes de la « génération sandwich 3 », permettent d’envisager les multiples obstacles gênant l’implication au travail de nombreuses aidantes ainsi que les impacts majeurs sur leur santé physique, psychologique et 3. L’expression « génération sandwich » utilisée ici fait référence à la génération des adultes ayant à la fois des enfants et des parents dépendants à leur charge, souvent en plus d’occuper un emploi.
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sociale. En effet, la prise en charge par la famille d’un parent âgé ou d’un proche atteint de troubles mentaux ou d’un handicap physique constitue un lourd fardeau, une source de stress et d’épuisement, et même une période de crise (Baumgarten et al., 1994 ; Lavoie et al., 1995 ; Schulz et al., 1995 ; Marks, 1998). Les conséquences sont nombreuses et touchent non seulement le bien-être et la santé de l’aidante, mais également sa vie familiale et sa situation économique. Les multiples tâches de l’aidante requièrent une disponibilité presque constante. Ce sont les aidantes qui prodiguent les soins directement liés à la maladie, comme administrer les médicaments et traitements divers, et même donner des injections, et ceux relatifs aux soins quotidiens, tels que nourrir, vêtir, faire la toilette. Bref, il ne s’agit plus d’assumer seulement un rôle d’aidante ; on demande à ces personnes de poser des actes professionnels pour lesquels elles ne sont pas nécessairement formées. Cela constitue une source de stress supplémentaire, car dans certains cas la survie du malade peut dépendre des soins offerts. De plus, les aidantes se chargent habituellement de l’entretien ménager et, pour celles qui ont des enfants, des soins quotidiens et de l’éducation. Avec cette surcharge de tâches, plusieurs d’entre elles se voient contraintes à réorganiser leur travail salarié, à abandonner leur emploi ou à se retirer temporairement du marché du travail (Moen, Robison et Dempster-McClain, 1995). De plus, sous le poids de l’ensemble des tâches, la qualité des soins donnés peut se dégrader. Quelles raisons poussent les femmes à s’impliquer principalement dans le rôle d’aidantes en plus des autres rôles qu’elles occupent et à accepter le fardeau qui en découle ? Les femmes sont les dispensatrices des soins à la famille. Les différences de genre dans la socialisation, la façon de s’impliquer dans le rôle de parent, l’importance vouée au corps et à la santé et la valeur accordée au travail sont tous des facteurs qui peuvent expliquer que les femmes se retrouvent les aidantes naturelles de premier ordre. L’explication du phénomène peut également résider dans le fait qu’elles développent un attachement plus profond et des liens émotionnels plus intenses avec l’aidé. Ainsi, elles peuvent se sentir concernées et plus inquiètes du sort de la personne à charge que les hommes (Penning, 1998). Leur grande implication fait d’elles les personnes les plus lourdement affectées par les rôles multiples. Les femmes ont moins accès au soutien matériel et émotionnel extérieur et s’engagent plus intensément dans les soins. Elles peuvent également considérer l’aide comme le reflet de leur valeur personnelle et accorder moins de temps à leurs besoins et à leurs autres réalisations sociales (Penning, 1998).
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Ces nouvelles responsabilités ne sont pas nécessairement compatibles avec la réalité du travail salarié. Ces femmes, qui deviennent des aidantes souvent sans formation, assument également plusieurs autres rôles, tels ceux de mère, de conjointe, de travailleuse. Il n’est pas étonnant de constater que la gestion des rôles multiples peut représenter une source importante de stress pour la personne engagée, voire une source de conflits interrôles. Actuellement, il existe plusieurs études sur le fardeau de ces aidantes naturelles, alors que bien peu portent sur l’impact de ce rôle en contiguïté avec les autres. Quelques recherches, cependant, portent sur les conflits entre les rôles d’aidante et de travailleuse (Marks, 1998). Diverses caractéristiques de l’aidante ou encore les facteurs relatifs aux rôles adoptés influencent le degré de tension associé à la gestion de plusieurs rôles sociaux. Par exemple, l’âge de l’aidante, son niveau de scolarité, sa santé émotionnelle, son lien avec la personne nécessitant du soutien, la présence d’enfants, la présence d’un conjoint ou d’un partenaire de soutien, la sévérité de l’atteinte de la personne soignée, la durée, la quantité et l’exigence des soins prodigués, le fait d’habiter la même résidence que la personne à charge sont autant de variables ayant une influence sur le fardeau des aidantes engagées dans des rôles multiples. De plus, le type d’emploi occupé, la flexibilité de l’horaire, les exigences et responsabilités associées à ce rôle, la présence de ressources sociales, de même que le pouvoir décisionnel fourni par l’emploi lui-même, sont des sources de tensions supplémentaires pour les unes, des sources d’un sentiment de maîtrise et de satisfaction pour les autres. Le rôle d’aidante naturelle, pour une travailleuse, est souvent associé à une exacerbation des conflits travail-famille, à la détérioration du bienêtre, à une prédisposition accrue aux problèmes de santé physique, à des tensions financières et à de la détresse émotionnelle (Fredriksen et Scharlach, 1999 ; Marks, 1998). Les aidantes qui occupent un emploi doivent consacrer une partie de leurs congés, de leur temps de repos ou de leurs loisirs personnels à la prise en charge des soins de leur proche (Association des praticiens de service social en milieu de santé du Québec, 1996). L’épuisement, le manque de concentration et la dégradation de la qualité du travail sont des interférences possibles du rôle d’aidante sur l’emploi des femmes. De même, le travail influence les soins par un manque de temps et d’attention dans les tâches (Stephens, Franks et Atienza, 1997). Occuper un emploi exigeant réduit le temps et l’énergie disponibles (Fredriksen et Scharlach, 1997). Prendre soin d’une personne en perte d’autonomie engendre plus d’exigences liées aux soins et peut entraîner une plus grande dégradation personnelle (Fredriksen et Scharlach, 1999 ; Stephens et Townsend, 1997). Il est bien connu que le fardeau des aidantes augmente avec la gravité de la maladie et que les familles assument souvent
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des soins pour une longue période de temps en raison de la durée de la maladie (Acton et Miller, 1996 ; Buffum et Brod, 1998). Les conflits interrôles, les absences partielles du travail et les tensions psychologiques se prédisent par le degré d’implication physique et psychologique dans les soins (Barling et al., 1994). Les conflits travail-famille provoquent particulièrement une grande détresse psychologique chez les aidantes naturelles de conjoints (Marks, 1998). Cependant, pour pallier les conflits interrôles, les aidantes naturelles adoptent plusieurs stratégies. En général, les femmes vont préférer délaisser leur travail plutôt que les soins. Les absences constituent un mécanisme socialement adaptatif aux demandes de l’environnement (Barling et al., 1994). Les études démontrent que les femmes s’accommodent davantage, c’est-à-dire qu’elles limitent leur participation au travail pour répondre aux autres demandes : elles peuvent réduire le nombre d’heures de travail rémunérées, prendre des congés sans traitement ou même quitter leur poste (Jenkins, 1997 ; Fredriksen et Scharlach, 1997). Les aidantes qui laissent leur emploi vivent plus de tensions en raison de la perte de ressources matérielles et personnelles disponibles au travail, et elles ont elles-mêmes besoin de soutien (Barnes et al., 1995). Selon Penning (1998), les aidantes qui vont jusqu’à abandonner leur emploi pour donner des soins sont tout de même peu nombreuses. Allant à l’encontre de ce qui est stipulé jusqu’à présent, certains aspects du rôle d’aidante peuvent constituer des sources de satisfaction et être associés à des humeurs et à des émotions positives (Lauzon et al., 1998 ; Stephens, Franks et Townsend, 1994). Selon Marks (1998), les effets négatifs de la prise en charge sont éliminés lorsque les aidantes parviennent à concilier leur travail et leur vie familiale. Pour Penning (1998), les aidantes qui cumulent le rôle de travailleuse et celui de mère démontrent une meilleure santé émotionnelle. De même, les femmes en meilleure santé émotionnelle sont plus susceptibles de vivre des expériences positives à travers la conciliation de multiples rôles. Un emploi gratifiant permet habituellement d’atténuer les effets du stress lié aux soins et aux conflits avec les enfants et peut protéger la santé émotionnelle des aidantes (Stephens et al., 1997). Le travail, plus souvent que les autres rôles, peut fournir à l’aidante des ressources favorisant l’estime de soi et un sentiment de maîtrise (Christensen, Stephens et Townsend, 1998), souvent érodés par le stress des soins (Stephens et al., 1997). Selon Stephens et ses collaborateurs (1994), la satisfaction des femmes à l’égard de la vie et leur bien-être résultent de l’accumulation de gratifications et du sentiment de maîtrise tiré de ces différents rôles. Les femmes avec des niveaux plus élevés de maîtrise dans le rôle d’aidante sont habituellement moins dépressives et plus satisfaites de leur vie (Christensen et al., 1998). Les aidantes qui travaillent, et qui
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ont un partenaire, ont aussi une plus grande satisfaction de vie (Murphy et al., 1997). De même, les femmes les plus scolarisées sont les mieux préparées à retirer des bénéfices de l’aide informelle (Moen et al., 1995). La présence et la disponibilité de ressources formelles (p. ex. assistance physique, aide aux repas ou aux tâches ménagères, soutien psychologique et économique) de la part des organismes publics et du lieu de travail peuvent diminuer l’ampleur du fardeau ressenti par les aidantes naturelles. Selon certains, ces ressources extérieures contribuent à réduire les tensions émanant du travail et des soins (Fredriksen et Scharlach, 1999 ; Kramer et Kipnis, 1995) et améliorent généralement les habiletés des aidantes dans la gestion des responsabilités du travail et de la famille (Fredriksen et Scharlach, 1997 ; 1999). De plus, un meilleur soutien de la part des partenaires, des enfants plus âgés, des frères et sœurs ou autres membres de la famille étendue peut réduire le fardeau des soins offerts par l’aidante naturelle et procurer un répit à celles dont la vie est largement centrée sur ce rôle (Murphy et al., 1997). Ces ressources peuvent permettre aux aidantes de conserver leur emploi en même temps qu’elles assument les responsabilités des soins (Barnes et al., 1995). Malgré les services mis en place pour atténuer les conséquences négatives du stress inhérent au rôle d’aidante, on ne constate guère l’efficacité des services de répit et des groupes de soutien ou psychoéducatif (Montgomery, 1995 ; Winslow, 1997).
4.
LES IMPACTS DU VIRAGE AMBULATOIRE SUR LES USAGÈRES
Qu’on les nomme patientes, usagères, bénéficiaires ou clientes, les femmes qui reçoivent des soins, tout comme les hommes, sont touchées par les effets du virage ambulatoire, et ce, à plusieurs égards. Par exemple, l’insatisfaction à l’égard de la qualité des soins reçus, le sentiment d’être retourné trop hâtivement au domicile, y compris l’insécurité et les risques pour la santé, la nécessité de trouver un proche pour la prise en charge de soins à caractère plus ou moins professionnel sont autant de conséquences provoquées par les nouvelles réformes en matière de santé (Conseil du statut de la femme, 1999). Les nouvelles politiques connaissent déjà des difficultés diverses, comme le fait que des malades quittent l’hôpital dans un état de santé fragile. Des patientes doivent céder leur lit à d’autres malades sous des pressions plus ou moins grandes et elles reçoivent leur congé de l’hôpital sans que les proches soient nécessairement prévenus ou préparés à apporter les soins nécessaires. De plus, elles manquent de soutien filial, d’aide médicale ainsi que d’informations concernant les
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soins et les ressources communautaires. Enfin, pour ne nommer que ces conséquences, la situation familiale, notamment la présence de jeunes enfants, n’est pas toujours prise en compte avant le retour en milieu naturel (Côté et al., 1998). Quoique l’espérance de vie des femmes soit supérieure à celle des hommes, il n’en demeure pas moins qu’elles vivent les dernières années de leur vie en moins bonne santé et consomment davantage de soins de santé. Comme elles sont les pourvoyeuses naturelles des soins à la famille et aux proches, qu’elles remplissent traditionnellement les multiples tâches domestiques et qu’il n’est pas dans leur habitude de demander des soins pour elles-mêmes, lorsqu’elles deviennent les patientes elles vivent une plus grande désorganisation (Conseil du statut de la femme, 1999). Elles risquent alors de subir plus directement certains contrecoups des changements induits par le virage ambulatoire. Chez plusieurs usagères, les conditions de vie, qu’elles soient d’ordre économique, psychologique ou social, ne permettent pas toujours un retour rapide au domicile. La précocité du retour à la maison à la suite d’une hospitalisation contribue à créer fatigue, épuisement et difficultés d’organisation de la vie quotidienne, familiale et professionnelle. De plus, pour les femmes qui travaillent et qui sont chefs de famille monoparentale, cette situation peut se révéler des plus complexes. Elles ont à veiller seules sur la famille et sur les tâches domestiques, en plus de devoir composer avec les exigences du travail. Bien entendu, les bénéficiaires de soins qui occupent un emploi ont généralement droit à un congé de maladie leur permettant de se remettre sur pied. Les chirurgies et les soins médicaux étant plus perfectionnés, les traitements sont habituellement de moins longue durée. Cela comporte l’avantage, pour celles qui sont soutenues, de pouvoir vivre leur convalescence dans leur environnement naturel. Cependant, pour celles que l’on renvoie prématurément au domicile, plusieurs facteurs, comme des complications, le fait d’être seules ou la fatigue, prolongent le temps nécessaire à leur rétablissement. Comme la durée d’un congé de maladie n’est pas nécessairement adaptée aux besoins ni suffisante à la guérison complète, les patientes peuvent être forcées de prendre un congé sans solde. Cette situation peut donc entraîner une baisse de revenu, une insécurité psychologique et des difficultés sur le plan de la réintégration au travail. Les risques pour la santé physique et psychologique de ces femmes s’accroissent si le retour au travail est forcé en raison de difficultés financières. Par sa mission d’éducation et de prise en charge individuelle, le virage peut avoir des effets positifs sur la vie des usagères des services de santé, notamment parce qu’il incite à une plus grande autonomie et à un sentiment de contrôle et de maîtrise accru sur sa vie. Toutefois, ces effets
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bénéfiques sont bien minimes en regard de la fréquence des erreurs, des complications entraînant insécurité et risques pour la santé et du sentiment de dépendance croissant et non apprécié de la personne malade envers son entourage.
CONCLUSION À une période où la plupart des femmes doivent composer avec de multiples rôles, l’étude du stress que ce mode de vie engendre revêt une importance particulière. Développer une meilleure compréhension des conflits travail-famille s’avère crucial en raison des multiples conséquences de ceux-ci pour l’individu, la famille et la collectivité (Conseil canadien de développement social, 1999 ; Hammer, Allen et Grigsby, 1997). C’est seulement quand on parvient à comprendre la nature dynamique des conflits interrôles ainsi que les divers déterminants et conséquences qui leur sont associés que l’on est en mesure de choisir, avec un certain niveau de confiance, des stratégies appropriées pour y faire face. Le ciblage de stratégies permettant de concilier les rôles multiples est particulièrement important et pertinent, puisque le contexte actuel ne risque guère de changer. Quelques études soulignent d’ailleurs les effets bénéfiques liés à l’accomplissement de plusieurs rôles (Hong et Seltzer, 1995). En plus de mettre l’accent sur les ressources destinées à augmenter la résistance personnelle au stress (p. ex. hardiesse, soutien social), des actions préventives devraient conduire à modifier l’organisation du travail afin d’en améliorer les conditions, à légiférer pour mieux prendre soin des enfants et des personnes à charge âgées et à équilibrer les responsabilités familiales par un changement social. Toutefois, il apparaît essentiel de ne pas remplacer la rigidité des rôles sexuels traditionnels par une structure tout aussi rigide des rôles égalitaires. La lenteur à accepter en pratique la notion d’égalité entre les sexes à l’égard des opportunités professionnelles a eu pour conséquence que les parents ne partagent pas également les demandes venant de la maison et de la famille. Les responsabilités familiales sont organisées autour de la mère, peu importe son statut d’emploi (Kushnir, Malkinson et Kasan, 1996). Comme la plupart des femmes sont fières de travailler et retirent de la gratification du travail familial, le partage des responsabilités familiales n’est généralement pas perçu comme injuste ou particulièrement coûteux. Les femmes perçoivent que leur mari contribue moins aux travaux domestiques intérieurs, mais davantage dans d’autres domaines (p. ex. gros travaux domestiques surtout extérieurs, revenu supérieur, soins apportés aux enfants).
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Les recherches traitant du lien entre le travail et la vie familiale se font au sein de plusieurs disciplines. Malgré l’ensemble des efforts investis, les progrès sont plutôt minces (Barnett, 1998). Cela peut s’expliquer par l’absence d’un modèle conceptuel intégrant les paradigmes des diverses disciplines. De plus, les auteurs persistent à étudier les sphères séparément ou ils se situent presque exclusivement dans la perspective du travailleur. Il importe de bâtir des modèles qui intègrent les besoins et les responsabilités des divers rôles afin de tracer un portrait plus représentatif de la réalité (Barnett, 1998 ; Burke et Greenglass, 1987). Aux limites sur le plan théorique s’ajoutent une série de biais méthodologiques. Les travaux sur la théorie des rôles ont surtout envisagé les conséquences des rôles multiples sur la santé des femmes et se sont principalement attardés aux effets négatifs (Adelmann, 1994 ; Barnett, 1998). Bien que plusieurs études aient examiné leurs conséquences sur la santé des hommes, la majorité portent uniquement sur les femmes, combinent les deux sexes ou ne procèdent qu’à quelques comparaisons fragmentaires entre les hommes et les femmes. Ces dernières années, la perspective développementale de l’interface travail-famille a suscité beaucoup d’intérêt (Lambert, 1990 ; Swanson, 1992). Plutôt que d’adopter une analyse statique, cette approche propose une analyse longitudinale des liens entre ces deux sphères de vie. Puisque le modèle du développement adulte des hommes et des femmes diffère et que les demandes issues de la vie familiale et de la carrière fluctuent selon le stade de développement d’une personne, les liens entre ces deux sphères sont susceptibles de différer en fonction du stade de vie (ChiChing, 1995). Des auteurs ont étudié les variations dans les conflits travailfamille sur une base quotidienne (Larson, Richards et Perry-Jenkins, 1994 ; Macewen, Barling et Kelloway, 1992 ; Williams et Alliger, 1994). Il est facile d’imaginer à quel point l’incompatibilité entre les demandes d’un rôle et celles d’un autre peuvent varier quotidiennement (p. ex. enfant malade) (Macewen et Barling, 1994). Cette approche méthodologique offre l’avantage d’étudier le processus dynamique de l’organisation travail-famille plutôt que son état statique (Williams et Alliger, 1994). Plusieurs ressources peuvent protéger les individus des effets négatifs des stresseurs ou des conflits travail-famille. Dans l’étude des ressources, il ne faudrait surtout pas oublier qu’en raison des effets modérateurs la relation stress-maladie peut exister seulement parmi certains groupes d’individus (Zapf, Dormann et Frese, 1996), par exemple chez ceux qui ont des niveaux insuffisants de stratégies d’adaptation, de hardiesse ou de soutien social (Cohen et Wills, 1985 ; D’Arcy et Siddique, 1984 ; Krause, 1995 ; Macewen et Barling, 1988 ; Maddi et Kobasa, 1984). Selon Kahn et Byosiere (1992), les recherches n’ont pas suffisamment considéré les
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facteurs qui peuvent servir de modérateurs ou d’antidote aux stresseurs ainsi qu’à leurs effets. De plus, l’étude des individus a bien souvent signifié l’isolement de variables spécifiques avec très peu d’attention portée à la façon dont ces variables interagissent pour refléter le vécu de l’individu (London et Greller, 1991). Enfin, la majorité des études sur le stress se heurtent à des problèmes méthodologiques. Un devis fort commun consiste à utiliser des questionnaires autoadministrés pour recueillir de l’information concernant la perception des individus sur les conditions organisationnelles et les réponses individuelles (Arsenault et Dolan, 1983). Une telle approche, par l’absence de mesures objectives du stress, rend difficile la compréhension de la relation stress-maladie. L’insertion de mesures objectives du stress, de nature physiologique ou comportementale, pourrait se révéler fort pertinente dans les recherches futures. Le recours à plusieurs types de mesures (p. ex. questionnaire, mesure physiologique) et à diverses sources d’information (p. ex. individu, conjoint, employeur, dossier médical) au moment de la collecte des données constitue un avantage indéniable.
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E I T R P
A
2 LES ENJEUX SUR LE TERRAIN
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C H A P I T R E
4 L’IMPACT DU VIRAGE AMBULATOIRE SUR LES PROFESSIONNELLES DE LA SANTÉ EN PRÉCARITÉ D’EMPLOI GUILHÈME PÉRODEAU Département de psychoéducation et de psychologie Université du Québec en Outaouais
SYLVIE PAQUETTE Statistique Canada
LORRAINE BRISSETTE CLSC Pierrefonds
CHANTAL ST-PIERRE Université du Québec en Outaouais
DIANE BERNIER Université de Montréal
ANDRÉ DUQUETTE Université de Montréal * Cette étude a été subventionnée par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, subvention stratégique Femmes et changement no 816-96-0013. Nous remercions par ailleurs Mme Lise Caron, assistante de recherche associée au projet, pour son travail de coordination de l’étude.
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L’IMPACT DU VIRAGE AMBULATOIRE SUR LES PROFESSIONNELLES DE LA SANTÉ
1. 1.1.
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L’ÉTAT DE LA SITUATION LA TRANSFORMATION DU RÉSEAU
Une onde de choc a secoué le réseau de la santé et des services sociaux québécois au milieu des années 1990. Il s’agit du virage ambulatoire, dont le but avoué était de « dispenser des soins et des services plus près des milieux de vie des personnes, en évitant ou en écourtant les hospitalisations dans les cas de chirurgie ou de maladie » (Conseil du statut de la femme, 1999). Comme ce mouvement, apparu dans la foulée de la désinstitutionnalisation, est fortement imbriqué dans la restructuration globale du réseau, il est difficile de départager les influences des diverses transformations qui ont eu lieu à ce jour. Ces réformes, rappelons-le, ont été opérées sur un arrière-fond de compressions budgétaires, de déficit zéro et de mise à la retraite anticipée (Conseil du statut de la femme, 1999). À ce jour, peu d’études ont examiné les effets du virage sur les travailleurs et travailleuses dans le milieu de la santé. La raison en est la nouveauté du phénomène ainsi que la difficulté de le cerner avec exactitude (Conseil du statut de la femme, 1999). Il est donc plus simple de parler de restructuration du réseau de façon globale. Bourbonnais et ses collègues (1998) ont ainsi mené un sondage téléphonique, en 1997, auprès de 2 006 infirmières occupant des postes permanents à temps complet ou à temps partiel dans la région de Québec. Comment vivaient-elles la restructuration des services ? Plutôt mal, semble-t-il. Parmi les répondantes, pas moins de 41 % souffraient d’un niveau de détresse psychologique élevé, comparativement à seulement 28 % en 1994 et à 32 % en 1995 d’échantillons comparables interrogés par la même chercheure peu avant la restructuration (Bourbonnais et al., 1997). L’auteure note que le taux de détresse psychologique des infirmières dans la période de prérestructuration se compare à celui observé chez des travailleuses québécoises (31 %) selon les données Santé Québec 1992-1993 (Santé Québec, 1995). À peu près à la même époque, une recherche menée sous l’égide de l’Association féminine d’éducation et d’action sociale (AFÉAS) (Côté et al., 1998) s’intéressait, entre autres, aux effets du virage sur les professionnelles de la santé. Les auteurs constatent que les grandes perdantes dans le système sont les travailleuses occasionnelles sur la liste de rappel, c’est-à-dire un groupe vivant la précarité d’emploi. Cette catégorie de travailleuses, au nombre grandissant, est relativement peu étudiée.
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LE VIRAGE AMBULATOIRE
1.2.
LA PRÉCARITÉ D’EMPLOI ET LES INFIRMIÈRES AU QUÉBEC
Les postes à temps partiel occasionnel (TPO), c’est-à-dire sur liste de rappel et à statut précaire, ont augmenté au cours des dernières années au détriment des postes permanents. Selon les statistiques de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, le nombre d’infirmières sur liste de rappel a pratiquement doublé, passant de 5 455 membres en 1994 à 9 754 membres en 1999 (soit de 8,5 % à 16,4 % de l’effectif total) (OIIQ, 1994, 1999) 1. Par comparaison, et toujours selon les données de l’OIIQ, 46,8 % des infirmières ont déclaré occuper un poste à temps plein en 1998, ce qui représente une diminution totale de 5,2 % en quatre ans (OIIQ, 1998). La proportion d’infirmières qui exercent la profession à temps partiel a également diminué, passant de 36,7 % en 1993-1994 à 32,5 % en 1997-1998 (OIIQ, 1998). Tremblay (1995) considère comme précaire « un emploi dont la durée dans le temps est incertaine ou limitée (travail occasionnel ou temporaire), dont le statut n’est pas défini ou ne donne aucun droit (à des avantages sociaux, des régimes de retraite ou au simple maintien de l’emploi) ». Cette description correspond parfaitement à la situation des infirmières TPO. Prévost (1997) démontre que, sur le plan personnel, la précarité d’emploi entraîne plusieurs conséquences négatives chez les travailleurs : elle provoque de l’insécurité, de la pauvreté, du stress, des problèmes de santé.
1.3.
LA PRÉSENTE ÉTUDE
Le présent travail rapporte les résultats du deuxième volet d’une étude portant sur des femmes professionnelles en précarité d’emploi (Bernier et al., soumis ; Pérodeau et al., sous presse). Cette étude visait à approfondir l’impact du stress au travail et dans la famille ainsi que l’interface familletravail sur l’adaptation sociale et la santé des travailleuses. L’objectif du deuxième volet était d’approfondir les résultats de la première partie de l’étude afin d’en tirer un portrait plus intimiste. Une perspective initiale, de type quantitatif, avait été obtenue grâce à l’envoi de questionnaires autoadministrés (n = 3 527) à une population plus large regroupant des infirmières inscrites à l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec et répondant à des critères précis, soit avoir un statut d’emploi « occasionnel », être francophone, de sexe féminin, avoir 64 ans ou moins et résider dans l’une des régions suivantes : Montréal-Laval, 1. L’année 1999 a vu l’émergence d’un fort mouvement de revendication, y compris une grève illégale, de la part des infirmières du Québec. L’un des résultats a été la promesse faite par le gouvernement d’ouvrir plus de postes permanents (Paré, 1999).
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Québec, Mauricie–Bois-Francs et Chaudière-Appalaches. À l’occasion de cet envoi, les répondantes étaient invitées à participer au deuxième volet de l’étude. Dans l’enveloppe se trouvaient non seulement le questionnaire, mais également une lettre d’invitation à participer à un groupe de discussion et deux enveloppes-réponses affranchies de type « correspondance-réponse d’affaires » ; l’une pour le questionnaire (retour anonyme), l’autre pour la participation aux groupes de discussion. Dans cette deuxième enveloppe, les volontaires donnaient leurs coordonnées afin que l’on puisse communiquer avec elles ultérieurement. Les documents étaient accompagnés d’une lettre de présentation des chercheurs pour susciter la participation et donner l’assurance du caractère anonyme et entièrement volontaire des réponses. Il y avait également une lettre d’appui de l’OIIQ. Par ailleurs, les participantes aux groupes de discussion se faisaient offrir un guide-résumé de la recherche de 14 pages. Ce guide (Pérodeau et al., 1999) leur fut envoyé par la poste à la fin de l’étude. Pour participer à ce volet de l’enquête, les répondantes devaient avoir des dépendants à leur charge, c’est-à-dire des enfants ou un adulte en perte d’autonomie dont l’état requiert de l’aide. C’est donc à partir d’un sous-groupe d’infirmières ayant d’abord répondu au questionnaire correspondant au volet quantitatif et satisfaisant nos critères (n = 1 435) que nous avons formé le présent échantillon de 48 infirmières. Au total, huit groupes de discussion ont eu lieu dans quatre régions différentes du Québec : trois groupes de discussion ont été formés dans la région de Québec, deux réunions de groupe se sont tenues à Montréal, de même que dans la région Mauricie–Bois-Francs, et une seule dans la région Chaudière-Appalaches. En ce qui concerne la détermination du nombre de groupes, nous avons suivi le principe de saturation, c’est-à-dire que nous avons effectué les entrevues aussi longtemps que celles-ci ont apporté des données nouvelles sur le sujet (Miles et Huberman, 1994). De plus, le nombre de personnes à l’intérieur de chaque groupe de notre enquête variait de quatre à huit participantes.
1.4.
DESCRIPTION DE L’ÉCHANTILLON
Le tableau de la page suivante présente les statistiques descriptives concernant les variables sociodémographiques des 48 infirmières « sur appel » ayant participé aux réunions de groupes. Les deux tiers (62,6 %) des répondantes avaient 36 ans ou plus ; plus des trois quarts (77,1 %) étaient mariées ou vivaient en union libre. Étant donné la maturité du groupe il n’est pas étonnant de constater que plus des trois quarts des répondantes (78,7 %) ont cinq ans ou plus d’expérience à titre d’infirmières, en fait
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Répartition des répondantes des groupes de discussion selon leurs caractéristiques socioéconomiques (n = 48) Fréquences
(%)*
Pourcentage cumulatif
3 15 21 9
6,3 31,3 43,8 18,8
6 38 81 100
37 36 1 3 8
77,1 97,3 2,7 6,3 16,7
77 97 100 83 100
10 15 6 16
21,3 31,9 12,8 34,0
21 53 66 100
Formation Diplôme d’infirmière Baccalauréat Maîtrise
28 17 3
58,3 35,4 6,3
58 94 100
Nombre d’emplois rémunérés 0 emploi 1 emploi 2 emplois et plus
1 26 21
2,1 54,2 43,8
2 56 100
7 7 9 12 7 3
15,6 15,6 20,0 26,7 15,6 6,7
Employeur(s) (une personne peut avoir plus d’un employeur) CLSC CH CHSLD Agence privée Autre
17 23 8 5 12
26,2 35,4 12,3 7,7 18,5
27 62 74 82 100
Revenu annuel brut du ménage moins de 20 000 $ entre 20 000 $ et 29 999 $ entre 30 000 $ et 39 999 $ 40 000 $ et plus
4 2 10 32
8,3 4,2 20,8 66,7
8 13 34 100
Variables sociodémographiques Âge < 26 26 à 36 à > 45
ans 35 ans 45 ans ans
État civil Conjoint de fait ou mariée conjoint avec travail conjoint sans travail Célibataire Séparée, divorcée ou veuve Année(s) d’expérience à titre d’infirmière < 5 ans 5 à 10 ans 11 à 15 ans > 15 ans (manquant : 1)
Heures de travail par semaine < 8 heures 8 à 15 heures 16 à 23 heures 24 à 31 heures 32 à 39 heures 40 heures et plus (manquant : 3)
16 31 51 78 94 100
* Les pourcentages n’incluent pas les données manquantes (manquant).
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presque la moitié (46,8 %) ont plus de dix ans d’expérience. Sur le plan professionnel, il s’agit donc d’un groupe fort expérimenté. Par ailleurs, même si la majorité des participantes (58,3 %) possèdent un diplôme d’études collégiales (DEC) en sciences infirmières, il faut noter que 35,4 % sont titulaires d’un baccalauréat et que 6,3 % ont fait une maîtrise. Alors que la majorité des répondantes (54,2 %) ont un seul emploi rémunéré, 43,8 % occupent deux emplois ou plus. En outre, seules 22,3 % des infirmières consultées travaillent 32 heures ou plus par semaine 2. Le centre hospitalier constitue l’employeur principal des infirmières interrogées avec 35,4 % des participants, suivi du CLSC qui en compte 26,2 %, tandis que 11,8 % sont au service du CHSLD et que 7,7 % travaillent pour une agence privée. Enfin, l’ensemble des participantes aux groupes de discussion vivent en situation de précarité occupationnelle et le sixième (12,5 %) affirment posséder un revenu annuel brut de moins de 30 000 $. Précisons que les conjoints des participantes occupaient tous un emploi, sauf un, alors sans travail.
2. 2.1.
LE VIRAGE AMBULATOIRE ET SES CONSÉQUENCES LE REDÉPLOIEMENT DE LA MAIN-D’ŒUVRE ET SES MULTIPLES CONSÉQUENCES
Parmi les mesures du virage ambulatoire, le redéploiement de la maind’œuvre est celle qui semble avoir le plus affecté les TPO. Si au départ ce thème n’était pas prioritaire dans notre recherche, il est vite devenu incontournable. En effet, la réaffectation du personnel hospitalier a entraîné un important transfert d’infirmières vers les CLSC : Nous autres, au CLSC, depuis le virage ambulatoire, ils ont ouvert des postes, sauf que ça été des infirmières qui les ont eus. En étant là, j’en voulais pas à la fille, mais au système complet. C’est le redéploiement des ressources. C’est une autre frustration que l’on vit.
Plusieurs infirmières ont été reléguées en fin de liste de rappel, même après avoir travaillé pour le même établissement pendant de nombreuses années : Douze ans, j’ai travaillé au CLSC. J’ai fait mon bac. J’ai brûlé de l’énergie, et là, avec la réorganisation du réseau, des postes sont donnés aux
2. Ces statistiques ont probablement changé au cours des années suivantes, puisque selon un article du journal Le Devoir (Truffaut, 1999) entre 1998 et 1999 les infirmières sur rappel avaient travaillé en heures supplémentaires l’équivalent de 800 employés à temps plein.
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infirmières d’hôpital. J’ai rien contre les infirmières d’hôpital. Pas du tout, sauf que, les postes sont transférés ou sont donnés à des infirmières parce que l’hôpital a fermé.
Des infirmières d’un autre établissement viennent parfois occuper un poste longtemps convoité par les TPO. Ces dernières ont souvent peu d’ancienneté, ce qui diminue leurs chances d’embauche lorsqu’elles doivent entrer en concurrence avec des infirmières venant de l’extérieur : Quand il va y avoir un affichage de poste, ce sera le monde de Québec qui viendra chez nous. Donc, cela veut dire que moi, qui étais sur le bord d’avoir un poste, je viens tout juste de le perdre car je n’ai pas assez d’ancienneté. Après mon congé de maternité, il y en a une de Québec qui est venue chez nous et je me suis fait tasser dans le coin. Je n’ai pas hâte de retourner au travail, car je ne sais pas de quelle façon je vais agir avec cette personne. Un moment donné, il y a eu des postes d’affichés. Ils sont allés chercher des filles dans une autre région. Moi aussi, j’ai rien contre ces filles-là, parce que j’me mets à leur place.
Comme le montrent ces témoignages, les suppressions et supplantations de postes engendrent de nombreuses frustrations chez les infirmières « sur appel » qui montrent une certaine hostilité envers les nouvelles arrivantes. Bien que les participantes pointent du doigt les politiques de réformes en santé et non les infirmières qui ont été réaffectées dans leur établissement, il reste que les rapports entre collègues demeurent difficiles et même conflictuels durant un certain temps : Je ne sais pas pour vous autres, mais moi j’ai remarqué une agressivité envers les filles qui étaient transférées chez nous avec des postes. Puis là, on se dit : « Aye ! On recule encore nous autres ! Ils ne peuvent pas rester chez eux ! » (rire). Mais ils ne vivent pas la situation agréablement, non plus. Il faut se raisonner un peu. Mais au début, tu ne veux même pas leur parler.
Un sentiment de colère se mêle à une peine profonde chez cette participante qui s’indigne devant la négation des besoins des TPO et l’acceptation de cette situation par ses collègues de travail : Même mes compagnes de travail, la première assignation que j’ai perdue, j’étais en colère. Ils m’ont dit : « À quoi tu t’attendais ? » C’est comme si on n’avait pas le droit d’aimer ce que l’on fait. Puis, pourtant, on a le droit d’aimer ce que l’on fait. Mais on n’a pas le droit d’avoir d’émotions. Faudrait jamais être touchée. Tu ne parles pas et tu te fais taire. Tu n’as pas le droit d’être malheureuse. Tu n’as pas le droit d’avoir de la peine d’avoir perdu le remplacement. Je trouve que, continuellement, on se fait brasser tout le temps comme ça.
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Ainsi, les processus de redéploiement et de réaffectation du personnel affectent le climat de travail qui demeure tendu. Un sentiment d’insécurité, d’inquiétude, lié à ces changements est ressenti au sein des équipes de travail qui ont été disloquées par les réaffectations. Les infirmières interrogées vivent dans l’angoisse, craignant de se voir supplantées par quelqu’un d’autre, d’être réaffectées ailleurs ou de perdre carrément leur emploi. Une instabilité dans le milieu, des coupures. Je crois qu’il n’y a pas une personne qui a conservé son poste. Fermer un département, ouvrir une clinique de jour. Le tout a été un bouleversement dans l’hôpital. Il n’y a pas une personne qui n’a pas été touchée.
2.2.
UNE TÂCHE DE PLUS EN PLUS LOURDE
Le marché du travail connaît une croissante intensification du rythme de travail et les travailleuses doivent s’adapter à une vitesse toujours plus élevée. En plus de vivre le stress et la pression causés par le redéploiement des ressources, les TPO doivent composer avec une charge accrue de travail. La fermeture de centres hospitaliers entraîne une augmentation de la clientèle dans les autres unités de soins, lesquelles ont déjà fait l’objet d’une réduction de personnel. De plus, il faut noter un alourdissement de cette clientèle dans les établissements en raison du retour plus rapide des patients à domicile. Bref, les besoins en soins s’intensifient sans qu’il y ait une augmentation correspondante des ressources pour répondre à la demande : Nous autres à l’hôpital, on vit présentement un gros bouleversement. C’est le virage ambulatoire. Ils vont fermer le quatrième. Je travaille au troisième. Par exemple, vendredi, on avait 36 patients, puis samedi on en avait 50.
Ajoutons que, dans le contexte des restrictions budgétaires et des réformes, les employeurs peuvent profiter de cette période de suppressions pour exiger une surcharge de travail sans trop provoquer de fortes contestations de la part des travailleuses, ces dernières craignant de perdre leur emploi. La diminution du personnel entraîne un accroissement général de la cadence de travail pour les TPO qui ont l’impression qu’en tout temps leur propre poste, tout précaire soit-il, peut être supprimé. Ainsi, des infirmières « sur appel » sont forcées d’accepter une surcharge de travail. De plus, bien souvent, les tâches les plus lourdes et qui requièrent le moins de compétences sont assignées aux TPO : Ils exigent énormément de nous. Nous autres, dans mon domaine, il faut presque tu sois super performante ou bien, on se l’exige nous autres mêmes. On veut tellement garder notre job, tu comprends bien que l’on donne le
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maximum. Mais ceux qui sont là, à cinq jours par semaine, ils ne se fatiguent pas tant que ça. Ce qu’ils n’aiment pas faire des fois, bien ils le laissent à nous autres.
La cadence élevée de travail est difficile à maintenir pour les TPO qui changent fréquemment de milieu de travail. Les TPO doivent s’adapter rapidement à des procédures, à une clientèle, à des équipes et à des lieux différents au cours d’une même semaine, ce qui constitue un défi épuisant pour les nouvelles infirmières : Les filles qui sont bien expérimentées, ça prend 20 minutes [pour nourrir les patients]. Puis il faut que tu t’enfermes dans la pharmacie, la porte bien fermée, pour ne pas être dérangée. Imagine les filles qui rentrent là, une fois par deux mois. Tu n’es pas encore prête, les soupers sont arrivés et on a juste 20 minutes pour les nourrir. Aye ! Minute là !
Les TPO sont sans cesse affectées à de nouvelles tâches et à de nouvelles équipes. Les infirmières interrogées ont à vivre de nombreux changements de lieux de travail à l’intérieur d’une même semaine : Tu ne sais jamais. Tu peux être cinq jours à travailler dans un centre hospitalier et à chaque fois, tu n’es pas sur le même département. Même si la veille tu étais au 4B et que ce soir ils ont besoin au 4B, tu n’es pas au 4B. Ils ont décidé que ce soir tu seras au 4A puis demain tu vas au 2B, même s’ils ont besoin de quelqu’un au 4A. Tu connais tes patients à la fin de la soirée, puis le lendemain, tu changes de place même si demain il avait besoin de toi. Mais, il n’était pas rendu à toi dans la liste.
En raison de l’alourdissement des tâches, plusieurs TPO disent souffrir d’épuisement, tandis que la motivation au travail n’y est plus. Les conditions de travail se révèlent si pénibles que certaines ont remis en question leur choix de carrière et que d’autres pensent quitter la profession : Je suis fatiguée d’être à la merci des gens. Toujours être disponible aux gens. Alors, je suis en train d’y réfléchir. C’est sûr que j’ai 48 ans. J’ai quand même fait beaucoup d’années dans le domaine. Je vais peut-être me réorienter dans quelque chose de plus paisible. Justement cette semaine je pensais, est-ce que j’aime encore mon métier ? Suite à cela, avec tout ce que l’on vit d’année en année. Quand je suis près de la clientèle, j’suis bien, j’suis heureuse. Mais quand j’ai le boss devant moi ou quand j’pense au CLSC, je débarquerais, je m’en irais, je ne sais pas où. Les frustrations qu’on vit, à un moment donné cela écœure. Tu te dis hum… dans quoi je m’en irais. Tu te cherches une autre orientation.
Les TPO déplorent l’augmentation de tâches administratives au détriment des soins accordés aux malades. Ainsi, une infirmière interrogée mentionne qu’elle doit consacrer davantage de temps à remplir les
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dossiers des patients, réduisant par le fait même sa disponibilité pour prendre soin d’eux : On doit faire de la paperasse. Moi, ce que j’envisageais de la profession infirmière, ce n’était pas de faire de la paperasse. C’étaient des soins auprès des personnes. J’ai l’impression d’en faire de moins en moins. D’être moins présente auprès des patients, car je suis prise à faire de la paperasse, qui est, je trouve, souvent inutile, car c’est seulement pour faire plaisir à la direction. Le temps que je mets à le faire, c’est moins de temps pour le patient.
Plusieurs infirmières interrogées poursuivent leurs tâches après la fin des heures de travail ou ne prennent pas leur pause pour combler la surcharge de travail : Si tu donnes cinq minutes de plus à un, tu te ramasses dans l’autre chambre, puis t’as cinq minutes en moins. Tu te ramasses à la fin de ton « shift » puis tu es carrément débordée. Tu as fini d’être payée à 11 h 30. Tu travailles jusqu’à 11 h 45 pour finir ton ouvrage, parce que tu n’as pas fini et tu ne peux pas partir sans que ton ouvrage soit fini.
En fait, la disponibilité et les procédures d’appel ont été au cœur des préoccupations et des critiques des infirmières « sur appel ». Ces dernières souffrent particulièrement de devoir toujours être libres pour travailler, d’accepter du travail à la dernière minute, d’avoir à travailler des portions de quart non contiguës et d’assumer dans la même semaine des quarts de jour, de soir et de nuit : Moi, cette journée-là, où je travaillais et je n’avais pas eu de dîner. J’avais travaillé six heures et j’étais payée moins cher. J’avais mal à la tête, j’étais fatiguée, hum… trop fatiguée, trop épuisée. Moins payée, trop épuisée… T’es moins payée, t’es plus malade, puis hum… Quand j’ai des journées comme ça là, c’est pas moi qui les choisis là. Ça se répète tout le temps. Ça se présente de plus en plus, ces situations-là. Ils ont mis des heures coupées, nous aussi au CLSC. En faisant rentrer pour quatre heures, ils sauvent au niveau des dîners, ces choses-là.
Soulignons par ailleurs que les infirmières interrogées s’inquiètent de la qualité des soins apportés aux patients étant donné la réduction du personnel qui est imposée. Avec l’alourdissement de la tâche, les infirmières affirment que des erreurs se produisent en raison du rendement continuellement élevé qui est exigé : Je te dis que ça va vite hein ! J’dis pas qu’il n’y a pas d’erreurs non plus. Pas des grosses erreurs, mais des petites affaires qui normalement devraient pas hum… des erreurs que l’on devrait pas faire.
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D’autres participantes constatent également une détérioration des soins et manifestent un sentiment de frustration et d’impuissance face au manque de ressources nécessaires pour suffire à la demande : Vous savez, quand je suis rendue à vérifier trois fois, puis avoir mal à la tête, c’est très dangereux pour le patient. Ça a pas de sens, les coordonnatrices de l’hôpital nous disaient : « On n’a pas de personnel aujourd’hui, pour assurer le service essentiel. » Mais quelle est la sécurité que l’on assure à nos patients quand l’on vit cette situation-là ?
En outre, le manque de ressources et la dégradation des conditions de travail font obstacle à l’accomplissement de leur travail et au plein développement de leur savoir-faire : Puis là bien, c’est le soin qu’on doit donner, puis on peut pas le donner ce soin-là, comme on le pense, comme on aime le donner. Ça prend une stabilité d’emploi pour pouvoir donner les soins comme il faut.
2.3.
UN TRAVAIL PAS TOUJOURS RECONNU À SA JUSTE VALEUR
La profession d’infirmière exige de nombreuses compétences qui restent souvent invisibles et, par conséquent, ne sont pas valorisées ni considérées. Dans plusieurs emplois typiquement féminins, les compétences sont considérées comme étant innées et non acquises. Ainsi, les compétences des infirmières restent trop souvent occultées et leurs savoirs banalisés sous prétexte qu’elles posséderaient les qualités « naturelles » à l’exercice de ce travail. Les TPO interrogées soutiennent que leur expérience et leur expertise ne sont pas reconnues. Elles ont donc de la difficulté à faire valoir leurs savoirs et à orienter certaines décisions : Tu n’as aucune considération. T’es un « shift ». T’es une employée, un numéro, c’est comme ça. Tu ne rentres pas dans le modèle, puis c’est tant pis. Il n’y a pas de reconnaissance.
Il en est de même pour ces participantes qui racontent que leurs suggestions ne sont pas prises en considération. Selon elles, il y a un manque de respect à l’égard des idées exprimées par les TPO : Toi, tu as le sentiment que tu n’as pas le droit de parole. Parce que le travail, c’est aux régulières. Des fois, c’est difficile quand tu es TPO. Tu trouves que t’as une bonne idée, t’en parles. C’est de le faire passer aux régulières. Des fois, faire changer seulement l’heure d’une sieste d’une patiente et puis de la laisser coucher une journée, parce que, cela en fait trop le soir. Juste cela, ne passe pas du tout. Tu te fais dire toutes sortes de choses. Seulement faire passer une simple petite idée, c’est difficile.
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2.4.
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SE SENTIR SEULE AU MILIEU DE SES COLLÈGUES DE TRAVAIL
Les conditions de travail des participantes ne facilitent pas la création d’un sentiment d’appartenance. Bien que certaines aient affirmé avoir été bien accueillies par les équipes en place, la majorité des TPO interrogées soulignent le manque de soutien de la part des pairs et souffrent d’un manque de sentiment d’appartenance : Je n’ai pas de sentiment d’appartenance à mon CLSC, parce que je n’ai pas de place à moi. Je suis arrivée pour travailler aujourd’hui : j’ai pas de classeur, pas de bureau, ni de chaise ou de vestiaire, absolument rien. Ce que j’ai besoin, c’est du soutien entre consœurs de travail. On travaille chacune pour soi là-dedans.
Ainsi, les TPO éprouvent des difficultés à s’intégrer, car elles se sentent exclues des équipes de travail. La réorganisation et les réaffectations ont également contribué à créer un climat de tension affaiblissant les liens de solidarité entre collègues de travail. Les TPO se disent rejetées par le personnel permanent qui échange très peu avec elles. Elles ne se sentent donc pas acceptées par les infirmières à temps plein qui ne manifestent pas grand appui et soutien à leur égard : Deux infirmières régulières échangent entre elles. Puis, on veut essayer de participer un p’tit peu à la conversation, de s’intégrer à leur groupe. Puis c’est bien difficile. J’trouve ça difficile des fois hum… parce qu’elles nous ignorent. Elles nous font savoir qu’on n’est pas chez nous là, sur cette unité-là. Puis fallait pas trop empiéter dans leurs affaires.
Bref, les participantes n’ont pas le sentiment de faire partie d’une équipe de travail et constatent qu’aucun effort particulier n’est fait de la part du personnel régulier pour faciliter l’intégration des TPO : Quand tu es une infirmière sur la liste de rappel, on te considère pas comme membre de l’équipe des infirmières. Ça, c’est épouvantable ! J’ai pas de soutien ici et j’ai trouvé ça difficile. Justement, j’aurais voulu avoir du support, après la naissance de mon enfant.
2.5.
UN BESOIN CRIANT DE FORMATION CONTINUE
Les changements fréquents de milieu de travail poussent les TPO à la limite de leurs compétences. Dans le milieu même, leur situation est aggravée par la quasi-absence de mécanismes d’orientation et de mise à jour, parfois par un manque de soutien professionnel et par leur exclusion des programmes de formation continue : Alors, moi, je voulais savoir ce qu’on doit prendre pour désinfecter. J’avais appelé sur l’autre étage parce qu’eux autres ne voulaient pas me répondre.
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J’ai fini dans le bureau de l’assistante à l’autre bout, pour me faire dire : « Eh ! Tu fonctionnes pas toi, hein ? Va falloir te réinitier ! » Moi, ça fait deux ans que je ne suis pas venue sur ce département.
L’absence de mesures d’encadrement a été largement abordée dans les groupes de discussion. Les TPO doivent arriver dans un nouveau département, sont appelées à travailler régulièrement dans des unités différentes. Elles doivent composer avec un nouvel environnement, des procédures spécifiques suivant les unités et des protocoles particuliers selon les établissements. Il n’existe pas de mesures d’encadrement et les employés sur place n’ont pas le temps d’informer les TPO des changements. Cette difficulté est particulièrement éprouvante pour les nouvelles TPO, qui possèdent habituellement moins d’expérience : T’es jeune toi là, là. On donne très peu de formation, très peu de soutien. J’ai trouvé ça très, très difficile. Il faut que tu arrives là et que tu t’arranges toute seule. Arrange-toi ! Faismoi la preuve que tu es capable de travailler, puis à la fin, si tu restes deux ou trois jours, bien là, on t’aidera. Admettons que je ne suis pas là, pendant trois ou quatre mois. Je peux travailler une journée de temps en temps. Mais ce qui se passe entre ça, les données, les documents ont changé. On ne me met pas au courant. Alors c’est encore un stress. Qu’est-ce qui s’est passé ? Y a-t-il quelque chose de nouveau ? Y a-t-il des projets qui s’en viennent ? C’est toujours toi qui dois aller à l’information. La critique des fois. Je me suis fait accrocher par l’assistante, parce que ça faisait quelques mois que je n’étais pas allée dans ce département. Elle me disait : « Bien voyons, ce n’est pas comme ça que nous faisons ça. – Mais coudon ! Il y a trois mois, c’était de même. » Ils ne réalisent pas que ça change souvent.
En résumé, il est important, croyons-nous, de faire ressortir cette dimension astreignante, parmi d’autres, du travail des infirmières pour qu’on puisse porter une attention particulière au travail des professionnelles en situation de précarité. C’est à cette condition qu’on pourra arriver à une amélioration nette des conditions de travail, à un changement organisationnel prenant en considération les difficultés quotidiennes des femmes qui veulent travailler et surtout être traitées avec respect.
2.6.
UN GROUPE DE TRAVAILLEUSES PARTICULIÈREMENT STRESSÉES
Nous avons déjà pu relever un niveau de détresse psychologique élevé chez les infirmières « sur appel ». En effet, plus de la moitié (56 %) des répondantes, dans le volet quantitatif (n = 1 435), avouent ressentir un niveau élevé de détresse psychologique, comparativement à seulement 20 % de
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la population féminine québécoise en général. Les témoignages recueillis à l’intérieur des groupes de discussion apportent un éclairage intéressant sur les facteurs pouvant être associés au malaise psychologique rapporté par les participantes 3. L’absence de toute forme de sécurité d’emploi amène plusieurs infirmières à accepter des conditions de travail qui risquent de taxer encore plus un état de santé quelquefois précaire. Celle-ci retourne au travail, après un congé de maladie, alors qu’elle ne se sent pas prête : Depuis le 9 septembre, j’étais en congé de maladie, j’suis retournée progressivement, parce que le boss m’a obligée à y aller, sinon j’avais pas le remplacement de deux jours que j’ai annuellement là, qui se renouvelle. « Si tu ne rentres pas, t’as pas le poste, je le passe à l’autre. » J’avais pas grand choix.
Par ailleurs, les répondantes ressentent une pression constante devant l’obligation de remplir le maximum de tâches dans le moins de temps possible, de peur de perdre leur emploi, précaire ou pas : Si je remplis un contrat, j’le fais bien, puis j’travaille bien, bon je vais en avoir d’autres. Si on entend dire que j’suis pas rentrée à temps, ou j’ai oublié une telle affaire, il y a toujours une pression très forte pour la performance. En plus, il y a beaucoup de personnes qui ont le diplôme et qui n’ont pas d’emploi alors, ils ont le choix. Il y a beaucoup de gens qui peuvent prendre ma job.
En plus de devoir composer avec l’administration, les infirmières se retrouvent en porte-à-faux entre la clientèle, qui elle aussi parfois vit les effets du virage avec difficulté, et l’administration qui l’applique. Déjà épuisée et insatisfaite, cette participante exprime son tiraillement et son sentiment d’impuissance : Puis la clientèle est pas satisfaite. Il y a beaucoup d’insatisfaction. Cela te revient à toi, t’es déjà pas satisfaite. Comment tu peux donner, toi qui ne reçois jamais rien, et notre travail c’est de donner. Je suis mère je donne, je donne à ma job, alors je suis faite là.
L’impuissance et la perte de contrôle sur les activités professionnelles, avec des retombées sur le plan personnel, semblent être un facteur important de stress, comme l’exprime clairement cette participante : Tout le monde était insécure : « Qu’est-ce qui va m’arriver demain ? » Comme TPO, le tout a retardé le moment où j’aurais eu ma stabilité. Pouvoir planifier un peu mon temps. C’est toujours l’instabilité qui me tue, qui me stresse. Ne pas pouvoir planifier mon temps. C’est une perte de contrôle.
3. Nous avons utilisé le même indice de santé mentale que l’étude de Santé Québec (19921993).
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Une mise en garde s’impose ici. Étant donné le devis transversal de l’étude, la santé mentale des infirmières et les autres facteurs sont mesurés en même temps. Il n’est donc pas possible de conclure à des relations causales entre le niveau de santé mentale et la situation de précarité. Seul un devis longitudinal permettrait de le faire.
3.
RECOMMANDATIONS POUR ATTÉNUER LES EFFETS DU VIRAGE AMBULATOIRE
Bien que les femmes professionnelles élaborent diverses stratégies individuelles en réaction aux difficiles conditions de travail, l’amélioration tangible de ces conditions nécessite des transformations majeures dans l’organisation du travail et la gestion des ressources humaines. L’analyse des témoignages recueillis auprès des infirmières fait émerger des pistes d’intervention susceptibles d’améliorer la situation de ces dernières. En fait, après avoir soulevé les difficultés inhérentes à l’occupation d’un emploi à temps partiel occasionnel, les infirmières ont elles-mêmes suggéré de nombreuses solutions. Si certaines recommandations énoncées sont en lien direct avec la situation spécifique du travail des infirmières inscrites sur une liste de rappel, d’autres sont d’ordre général et s’appliquent aux diverses formes d’emploi précaire. Ainsi, les recommandations exprimées par les participantes témoignent de la nouvelle réalité sociale des femmes professionnelles en situation de précarité.
3.1.
LA GESTION DES HORAIRES
D’abord, l’obtention d’heures de travail régulières constitue l’une des revendications majeures exprimées par les participantes et demeure un enjeu important pour tout travailleur en situation de précarité. En effet, l’irrégularité des heures de travail pèse lourdement sur les infirmières interrogées, qui exigent la garantie d’un minimum d’heures de travail : C’est sûr que si on avait l’assurance d’un minimum d’heure ou un horaire… Réfléchir à cela en tout cas, pour avoir des horaires de travail un peu plus stables, parce que c’est très dur pour la santé. Ce que j’aimerais le plus, peut-être comme une recommandation qui pourrait être faite là, ce serait que, même si on est des occasionnelles, si l’on peut avoir plus de stabilité.
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Les infirmières interrogées demandent une meilleure répartition du temps de travail par la planification d’une grille horaire des TPO. Par ailleurs, elles dénoncent les conditions de rappel, plus particulièrement les préavis trop courts : Moi, je ne sais pas comment ça pourrait être possible de le faire, mais prévoir quelques jours à l’avance. Pourquoi, ils attendent toujours à la dernière minute ? Ils vont nous faire entrer quand ils sont vraiment rendus à bout. Ils espèrent toujours qu’il va y avoir des départs chez les patients et qu’ils n’auront pas besoin de nous.
De plus, pour éviter qu’une infirmière cumule des quarts de travail de jour, de soir et de nuit au cours d’une même semaine, certaines participantes proposent de dresser une liste des TPO de garde : Il faudrait des TPO de garde. Il y a des médecins de garde, alors pourquoi ne pas avoir des TPO de garde ? Qu’il y ait des infirmières disponibles cette journée-là et qu’il y ait une compensation pour cela. Je suis certaine qu’ils seraient gagnants avec des TPO de garde. Il serait certain que ces personnes-là vont rentrer au travail. […] À force d’en parler, on peut toujours trouver des idées.
Par ailleurs, des infirmières interrogées suggèrent qu’on leur permette de limiter leur disponibilité à certains quarts de travail seulement, alors que d’autres proposent plutôt la création d’une équipe volante : Ce serait peut-être d’éviter de donner trois « shifts » de travail à la même personne. J’trouve ça inhumain moi, qu’une personne ait à donner une disponibilité, deux fins de semaine sur trois. J’trouve ça inhumain. Moi, j’me suis toujours battue pour ça. J’ai toujours travaillé qu’un « shift ». Il y a un paquet d’équipes volantes, mais ce sont eux autres qui placent sur des remplacements. Les maladies de dernière minute, le surplus de travail à l’urgence, à l’obstétrique, peu importe, c’est une fille sur appel. C’est à cela qu’une équipe volante sert. À remplacer des trous, et à combler les surplus de travail. Un remplacement ou un férié qui est prévu d’avance, ce devrait être une TPO.
Outre le manque de planification, une infirmière déplore l’absence de procédure à suivre dans l’attribution des patients. Celle-ci est en effet effectuée sans que soient prises en considération les distances à parcourir pour se rendre au domicile des malades, ce qui entraîne bien souvent une conduite imprudente : Je peux en avoir huit [patients] à domicile, maison éloignée. J’avais toujours la pédale dans le fond. Un moment donné, tu prends des risques. C’est ça, les choix des patients, puis c’est de prendre des ententes, je ne sais pas quels moyens prendre là, mais heu…
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100 3.2.
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L’ACCÈS À LA FORMATION
Les participantes déplorent le manque de soutien des employeurs auprès des nouvelles TPO, qui doivent trop souvent apprendre dans des conditions de surcharge de travail. Ainsi, elles souhaitent que l’employeur accorde une journée d’encadrement pour se familiariser avec le nouvel environnement et s’initier aux tâches à accomplir : Quand on demande aux infirmières sur la liste de rappel, qui est nouvelle, de lui donner la formation au soutien nécessaire. Pendant quelques nuits, on va te soutenir. Tu vas suivre une infirmière. On t’enverra pas là toute seule. C’est pas évident [pour une nouvelle infirmière] d’aller dire : « Bien là, j’me sens pas vraiment capable. » Parce qu’ils vont dire : « Si t’es pas capable ma belle, y’en a bien d’autres en arrière. » Tu sais, t’es orgueilleuse aussi là. Tu fais ta job, mais t’as des risques. Il y a des risques pour les clients que t’as à ta charge.
Ces observations corroborent les résultats de l’étude de Côté et al. (1998) qui démontrent également une insatisfaction des travailleuses québécoises de la santé et des services sociaux en ce qui a trait à la formation des corps d’emploi. Par ailleurs, nos participantes soulignent la réticence du personnel permanent à offrir de la formation aux occasionnelles : C’est pas parce qu’on est des occasionnelles, que ça nous intéresse pas la formation et qu’on n’en a pas besoin.
En outre, les professionnelles interrogées insistent sur l’importance d’assurer des activités de formation, car des changements constants affectent l’univers dans lequel travaillent les infirmières, ce qui nécessite des activités de mise à jour. Plus concrètement, les TPO voudraient disposer de crédits pour ces activités de formation ou être autorisées à participer à celles qu’offre l’employeur aux infirmières à temps complet : Des budgets d’alloués pour de la formation des TPO : il n’y a jamais rien. Là, j’ai eu une offre pour un cours en évaluation physique. Moi, ce courslà, cela fait trois ou quatre ans que je voulais le faire, mais je ne pouvais pas aller le faire parce que je n’ai pas les moyens de le faire. Ils le payent aux filles qui ont un poste. Ils se sont dit « vu qu’elle est là pour longtemps, ce serait peut-être un bon investissement ». Mais c’est rare ; il n’y a jamais de budget alloué pour de la formation. Jamais, jamais. Si tu veux aller en formation, il faut que tu payes la gardienne, le cours et tout le reste.
3.3.
DES REGROUPEMENTS
Enfin, les infirmières interrogées demandent la création d’un regroupement officiel qui leur permettrait des échanges, un appui mutuel et la mise en avant de propositions. La création d’un tel regroupement
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encouragerait, selon les participantes, une collaboration tripartite entre le syndicat et les gestionnaires : Une solution peut-être, ce serait de rencontrer les syndicats des TPO avec les gens de l’administration et que l’on en vienne à un consensus. […] II faut faire des comités de TPO, dans chaque… Il faut faire quelque chose. – Les comités de TPO. – Ne serait-ce pour se défouler, cela ferait du bien. – De voir que nous sommes pas seules. – S’il y a un problème de gestion, qu’on le règle ensemble. – Si on disait toutes la même chose, si on avait toutes la même attitude, ils n’auraient pas le choix d’accepter les conditions que l’on veut soumettre.
De plus, le rapport aux collectifs de travail est fragile en raison de l’instabilité des équipes et de l’irrégularité des heures de travail, ce qui rend pour le moins complexe la création d’un réseau de soutien dynamique entre collègues : Et ce que je trouve de plus déplorable, c’est qu’elles ne s’unissent pas. Elles n’ont pas du tout cette préoccupation-là. J’trouve ça épouvantable. C’est une perte énorme de… d’investissement en ressources humaines. Mais c’est démoralisant aussi.
Encore une fois, cette situation n’est pas propre aux infirmières. En effet, Beaud et son équipe (1990, cité dans Maranda, 1997) montrent que « les horaires atypiques ont des incidences particulièrement claires sur la vie syndicale et la vie collective hors travail ». Les travailleurs en situation de précarité ont de la difficulté à se rassembler en raison des changements de quart. La mobilisation des travailleurs en vue d’une action collective nécessite donc un effort particulier de leur part afin de coordonner les équipes au travail avec les confrères à la maison et les autres pris par leurs activités (Maranda, 1997).
4.
ENJEUX ET DÉFIS
Pour conclure, nous voudrions rappeler les principaux enjeux et les défis que pose la précarisation de l’emploi, dans un contexte de virage ambulatoire et de restructuration du réseau de la santé, et proposer des pistes à creuser à la lumière des témoignages recueillis et analysés. Nous avons vu que la situation de précarité implique souvent une incertitude quant à la durabilité de l’emploi, une irrégularité des heures de travail et une impossibilité d’obtenir un poste permanent. À ces faits s’ajoutent les chambardements internes d’un réseau en pleine effervescence. En plus des changements associés au virage ambulatoire, les établissements de santé subissent actuellement des compressions budgétaires importantes. Il en résulte un système de santé qui repose en grande partie
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sur des infirmières inscrites sur des listes de rappel. En dépit des négociations avec le gouvernement, l’ouverture de postes permanents se fait attendre. Pour les infirmières, le travail à temps partiel occasionnel ne favorise pas le développement de l’expertise des infirmières et est en contradiction avec l’idée de la continuité des soins. Il en résulte une nonreconnaissance ainsi qu’une dévalorisation de la qualification spécialisée des infirmières. Les infirmières sont des personnes à risque élevé d’épuisement professionnel et leur milieu de travail est source de divers stress. Notre recherche confirme les résultats obtenus dans plusieurs études observant que la profession d’infirmière comporte des stresseurs occupationnels majeurs, tels que les horaires variables, la lourdeur de la tâche, les responsabilités importantes, le manque de reconnaissance des compétences, les risques physiques, l’ambiguïté des rôles, les relations de travail difficiles. Le thème des conditions de travail est abordé spontanément et abondamment par un plus grand nombre de participantes. La disponibilité et les procédures d’appel ont été au cœur de leurs préoccupations et de leurs critiques. Il semble que ce soient des facteurs de stress très présents, bien plus que la surcharge de travail, par exemple. Devoir être toujours disponibles, être appelées à la dernière minute avec toutes les difficultés que cela suppose, subir les changements d’horaires dans la même semaine sont des conditions de travail très éprouvantes. Aussi, le fait de devoir s’adapter continuellement à des milieux de travail, à une clientèle et à des programmes différents, parfois dans une même semaine, est particulièrement épuisant pour les répondantes. Elles ont le sentiment de devoir toujours « performer » dans des milieux qui leur sont relativement étrangers. Elles ont aussi le sentiment d’être les boucs émissaires du personnel régulier s’il y a des erreurs dans le travail. Le changement fréquent de milieu les place toujours à la limite de leurs compétences. Elles se sentent laissées pour compte par leurs collègues régulières. Ces dernières ne prennent pas le temps de les informer des changements et elles se montrent parfois impatientes à leur égard. Bien qu’en pleine expansion, la précarité d’emploi chez les professionnelles, en particulier les infirmières sur liste de rappel, est un phénomène dont toutes les dimensions n’ont pas encore été explorées. Cependant, l’analyse présentée ici a montré que les infirmières doivent faire face à d’importantes contraintes temporelles et organisationnelles. Les infirmières « sur appel » doivent composer avec une clientèle variée, des lieux de travail différents. Les infirmières sur « liste de rappel » doivent composer avec des horaires de travail très variables et leur rythme de travail est également marqué par une grande instabilité.
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RÉFÉRENCES
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BIBLIOGRAPHIQUES
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C H A P I T R E
5 FEMMES ET SOINS L’expérience du virage ambulatoire à la vieillesse
FRANCINE DUCHARME Faculté des sciences infirmières Université de Montréal et Centre de recherche Institut universitaire de gériatrie de Montréal
GUILHÈME PÉRODEAU Département de psychoéducation et psychologie Université du Québec en Outaouais
DENISE TRUDEAU Agente de recherche Centre de recherche Institut universitaire de gériatrie de Montréal
* Ce texte est issu des résultats d’un projet de recherche réalisé grâce au soutien financier du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.
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FEMMES ET SOINS : L’EXPÉRIENCE DU VIRAGE AMBULATOIRE À LA VIEILLESSE
1.
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LA PROBLÉMATIQUE
Le vieillissement et sa féminisation au sein de la population canadienne laissent entrevoir que les femmes auront, à l’avenir, de plus en plus à prendre en charge la santé d’un membre âgé de leur famille à domicile (Étude sur la santé et le vieillissement au Canada, 1994). En fait, dans certaines provinces canadiennes, notamment au Québec, plus de 70 % de l’aide apportée aux personnes âgées est fournie par une femme de plus de 65 ans, le plus souvent une conjointe (Gouvernement du Québec, 1993). Ces femmes qui jouent le rôle d’aidantes dites naturelles ou non professionnelles sont elles-mêmes de plus en plus âgées. Leur état de santé est souvent précaire et elles subissent les contrecoups de nombreux stress qui constituent une menace pour leur propre bien-être (Given et al., 1990 ; Pearlin, 1989). Dans cette perspective, certaines analyses différenciées selon le genre ont révélé des distinctions entre les hommes et les femmes qui jouent ce rôle important d’aidant à domicile (Marcus et Jaeger, 1989 ; Zarit, Todd et Zarit, 1986). Les femmes, notamment les conjointes âgées, exprimeraient plus de détresse psychologique que les hommes et recevraient moins d’aide de leur réseau social (Ducharme, 1993 ; Lévesque, Cossette et Ducharme, 1993 ; Garant et Bolduc, 1990). Les nombreuses répercussions du rôle que jouent les aidantes naturelles sur leur vie personnelle, familiale et sociale, par exemple états dépressifs, isolement social, conflits familiaux, fardeau, sont d’ailleurs confirmées par plusieurs études (voir les revues de Guberman, 1999, et de Schulz et al., 1995). Par ailleurs, même si les femmes qui agissent comme aidantes naturelles constituent un rouage essentiel de la société, plus particulièrement de l’intégration sociale des personnes âgées souffrant d’incapacités et de problèmes de santé divers, les grandes transformations sociales qui ont cours actuellement dans le domaine de la santé occultent bien souvent l’importance accordée à ce rôle (Therrien, 1989). Plus particulièrement, l’émergence du virage ambulatoire, soit d’un système où les soins de santé sont en grande partie donnés à domicile et où le milieu de vie se voit officialisé comme lieu de prestation des services de santé (Di Domenico, 1995 ; Régie régionale de la santé et des services sociaux de MontréalCentre, 1995), est suscitée non seulement par l’état déficitaire des finances publiques, mais également par la notion de responsabilisation des personnes au regard de la santé (ministère de la Santé et des Services sociaux, 1992, 1995). Dans ce contexte particulier, les femmes se voient imposer de plus en plus de responsabilités au moment où elles fournissaient déjà à domicile, avec peu ou pas de préparation et au détriment de leur propre vie personnelle et sociale, des soins complexes aux membres âgés de leur famille. En 1989, Lesemann et Chaume parlaient des « familles-
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LE VIRAGE AMBULATOIRE
providence ». Aujourd’hui, des soins aigus, incluant des aspects techniques complexes, des habiletés de gestion des problèmes de santé et des dimensions socioaffectives, se surajoutent à l’expérience déjà difficile de ces familles, principalement des femmes qui en font partie. Jusqu’à présent, devant ces nouvelles orientations du système de santé, peu d’efforts concrets ont été consentis afin d’accorder diverses formes de soutien à ces femmes. Plus spécifiquement, peu de programmes et de politiques s’adressent à cette population toujours croissante d’aidantes. En fait, plusieurs facettes de la réalité des aidantes naturelles n’ont pas été explorées jusqu’à présent. Qui plus est, le virage ambulatoire a été amorcé avant qu’on n’ait une connaissance approfondie de la signification de ce phénomène pour les principales actrices de ce changement du système de prestation des soins. La façon dont les femmes évaluent l’impact de ce changement sur leur vie et les stratégies qu’elles utilisent pour y faire face ont fait l’objet de rares réflexions théoriques et travaux empiriques (Côté et al., 1998 ; Fournier, 1999). Par ailleurs, plusieurs études ont révélé que ce ne sont pas tant les situations de stress qui affecteraient le bien-être, mais plutôt l’évaluation ou l’appréciation qu’en font les personnes en termes de signification et d’importance dans leur vie quotidienne (Ducharme, 1994 ; Lazarus et Folkman, 1984 ; Lévesque, Cossette et Laurin, 1995 ; Nolan, Grant et Ellis, 1990). Dans cette perspective, plusieurs questions demeurent sans réponse. Comment l’expérience de prodiguer des soins à domicile à son conjoint après une hospitalisation de courte durée est-elle perçue par les femmes âgées ? Est-elle source de stress ou de défi ? Également, le transfert des lieux de soins des établissements « lourds », tels les centres hospitaliers, vers le domicile apporte de nouvelles exigences qui sollicitent les capacités adaptatives des femmes. Plusieurs travaux ont démontré que les stratégies adaptatives, définies comme les efforts cognitifs et comportementaux déployés pour composer avec une situation (Lazarus et Folkman, 1984), peuvent être des facteurs protecteurs du stress généré par le rôle d’aidante (Hinrichsen et Niederehe, 1994 ; Williamson et Shulz, 1993). Toutefois, les stratégies utilisées par les femmes âgées pour composer avec les exigences de soins à domicile issues du virage ambulatoire n’ont pas encore été examinées. Quelles stratégies adaptatives utilisent ces femmes âgées qui doivent prendre en charge les soins de leur conjoint après un séjour hospitalier écourté ? Enfin, il semble que de façon générale les femmes âgées aidantes naturelles soient réticentes à utiliser les services tels qu’ils sont conçus et proposés actuellement (Paquet, 1996). Également, les études évaluatives réalisées sur les quelques services disponibles présentement, tels les services de répit ou les groupes de soutien, concluent généralement à un
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effet modeste sur leur bien-être (Knight, Lutsky et Macofsky-Urban, 1993 ; Lavoie, 1995 ; Zarit, 1994). Ces constats nous amènent à nous interroger sur les attentes des femmes âgées à l’égard des services offerts dans le cadre du virage ambulatoire. En résumé, changement majeur de la reconfiguration du réseau de la santé dans l’ensemble du Canada, le virage ambulatoire pose de nombreux défis aux femmes, défis auxquels les chercheurs et les décideurs devraient s’attarder. Une meilleure compréhension de l’expérience de ces femmes devrait permettre d’asseoir le contenu de programmes et de politiques sur des bases ayant un « sens » pour ces actrices importantes de ce changement. C’est dans cette perspective que nous avons mené un projet de recherche dont les objectifs étaient d’explorer : 1) la perception qu’ont les femmes âgées aidantes naturelles du virage ambulatoire, plus spécifiquement, du stress associé à ce changement du système de santé ; 2) les stratégies ou moyens qu’elles mettent en œuvre afin de répondre aux nouvelles exigences de soins qu’on leur impose ; 3) leurs attentes à l’égard des services.
2.
LES CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES AYANT GUIDÉ L’EXPLORATION DE L’EXPÉRIENCE DES FEMMES ÂGÉES
Le cadre théorique de Lazarus et Folkman (1984), qui se situe dans le paradigme stress-coping, a été retenu pour cette étude. Cette perspective théorique a constitué le point d’ancrage de nombreuses études issues de disciplines variées concernant les aidantes naturelles (voir Aldwin, 1994 ; Biegel, Sales et Schulz, 1991). Selon cette théorie, le stress est conceptualisé comme une transaction avec l’environnement que la personne évalue comme excédant ses ressources personnelles et sociales. Les deux éléments principaux de ce cadre de référence, retenus dans le cadre de l’étude, sont l’appréciation cognitive des situations potentiellement stressantes et les stratégies adaptatives (coping) qui sont considérées comme deux facteurs de protection des effets délétères du stress sur la qualité de vie (voir la figure à la page suivante). L’appréciation cognitive est le processus par lequel une personne accorde une signification à une situation en tenant compte de ses ressources et des choix mis à sa disposition pour composer avec cette situation. Une situation peut ainsi être perçue comme étant une menace ou un défi, ou encore comme une source de stress ou non, selon les ressources et les stratégies personnelles dont on dispose pour y faire face. Les stratégies d’adaptation correspondent par ailleurs aux efforts déployés par la personne pour faire face à une situation perçue ou appréciée comme étant stressante. Ces efforts peuvent
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LE VIRAGE AMBULATOIRE
Éléments du cadre théorique de Lazarus et Folkman (1984) ayant guidé l’exploration de l’« expérience du virage ambulatoire » des femmes âgées
Stress • Retour précoce du conjoint à domicile après l’hospitalisation • Soins à prodiguer au sein du milieu de vie naturel
Facteurs de protection
Appréciation cognitive du stress • Ressources personnelles • Choix et possibilités envisageables
Qualité de vie
Stratégies d’adaptation • Centrées sur le problème ou la situation génératrice de stress • Centrées sur la régulation des émotions
être dirigés vers la résolution de la situation génératrice de stress, vers la régulation des émotions ressenties à l’égard de cette situation ou, le plus souvent, vers les deux modalités. De façon plus opérationnelle, selon cette perspective théorique, la gestion du retour précoce du conjoint à son domicile, inhérente au phénomène du virage ambulatoire, pourrait être appréciée ou perçue comme étant une situation de stress requérant des efforts d’adaptation importants pour les aidantes naturelles (Corbin et Strauss, 1988).
3.
COMMENT A ÉTÉ ÉVALUÉE L’EXPÉRIENCE DES FEMMES ÂGÉES FACE AU VIRAGE AMBULATOIRE ?
Cette étude, à devis exploratoire, a été réalisée en recueillant des données au moyen d’entrevues individuelles au domicile de 40 femmes, âgées de plus de 60 ans, aidantes naturelles de leur conjoint qui avait subi une hospitalisation de courte durée pour un problème d’ordre médical ou chirurgical. Ces femmes ont été recrutées par l’entremise de centres locaux de services communautaires (CLSC) et de centres hospitaliers de courte durée (CHCD).
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Les entrevues individuelles ont été menées à l’aide d’un guide d’entrevue. Des données concernant l’âge, la scolarité, le revenu, le nombre d’années de vie commune avec le conjoint, l’expérience antérieure de soins, la présence de problèmes de santé et la perception subjective de l’état de santé ont d’abord été recueillies. Des questions étaient également posées sur l’utilisation du soutien social formel (dimensions tant instrumentales qu’affectives) fourni par les services et du soutien informel donné par l’entourage (parents, amis, voisins) avant l’hospitalisation du conjoint. Des questions ouvertes permettaient enfin de solliciter des informations concernant les perceptions des participantes relativement à leur expérience de soignantes (De façon générale, comment vivez-vous l’expérience de donner des soins à votre conjoint suite à son hospitalisation ?), les stratégies adaptatives qu’elles privilégient (Pouvez-vous décrire les moyens [trucs] que vous utilisez pour faire face aux exigences que vous demande le fait de vous occuper de votre conjoint à domicile ?) et leurs attentes face aux services (Face à la situation que vous vivez, quels sont vos besoins et les services que vous apprécieriez recevoir pour vous aider ?). Afin de documenter davantage l’expérience de ces femmes et considérant le fait que certaines participantes âgées pourraient être plus réticentes à discuter ouvertement de leur expérience, des outils standardisés complétaient ce guide d’entrevue. Ces questionnaires portaient sur l’appréciation du stress (SAM, Peacock et Wong, 1990) et sur les stratégies de coping (Ways of Coping Questionnaire, Lazarus et Folkman, 1988) utilisées par les femmes âgées pour faire face à leur situation d’aidantes dans le contexte du virage ambulatoire. La mesure d’appréciation du stress permet d’évaluer une situation précise, en l’occurrence la situation de soins à domicile d’un conjoint convalescent, selon les sept dimensions suivantes : 1) la menace ressentie (jusqu’à quel point cette situation me menace ? ; 2) le défi potentiel associé à cette situation (est-ce que j’ai le goût de faire face à cette situation ? ; 3) l’importance perçue des conséquences de la situation pour l’état de bien-être à long terme (est-ce que cette situation aura des effets négatifs sur moi ?) ; 4) le contrôle de la situation par soi-même (est-ce que j’ai la capacité de réussir dans cette situation ?) ; 5) le contrôle de la situation par autrui (y a-t-il quelqu’un ou une agence à qui je pourrais demander de l’aide si nécessaire ? ; 6) la perception d’une impossibilité à maîtriser la situation (peu importe la personne, est-ce que ce problème est sans solution ?) et 7) le degré général de stress (est-ce que cette situation me rend tendue ?). Quant au questionnaire sur les stratégies adaptatives, il permet d’évaluer la fréquence d’utilisation de différentes stratégies adaptatives courantes pour composer avec une situation spécifique, en l’occurrence la situation de soins à domicile du conjoint. Plus précisément, il évalue l’utilisation de huit types de stratégies centrés sur la résolution de la situation stressante elle-même ou sur la régulation des émotions ressenties : 1) la résolution de
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problèmes (je me fais un plan d’action et je le suis) ; 2) la recherche de soutien social (je parle à quelqu’un capable de m’offrir une aide concrète face à ma situation) ; 3) la confrontation (je me concentre seulement sur ce que j’ai à faire) ; 4) la distanciation (j’essaie de ne pas laisser mes émotions trop intervenir dans la situation ; 5) l’autocontrôle (je me dis des choses réconfortantes qui m’aident à me sentir mieux) ; 6) la responsabilisation (il m’arrive de croire que je peux être responsable de la situation) ; 7) l’évitement-échappement (je continue de vivre comme si de rien n’était) ; et 8) la réévaluation positive (j’essaie de voir le bon côté des choses).
4.
LES RÉSULTATS : CE QUE PERÇOIVENT LES FEMMES ÂGÉES…
Avant de présenter les données qui illustrent la perception des femmes âgées, un regard sur le profil des femmes ayant participé à ce projet s’impose. Afin de fournir une description reflétant mieux les différentes réalités des femmes soignantes, deux sous-groupes seront considérés dans les pages qui suivent. La réalité de 19 femmes ayant vécu une situation « relativement simple » de soins à domicile et celle de 21 femmes ayant eu l’expérience de situations complexes de soins seront abordées.
4.1.
LE PROFIL SOCIODÉMOGRAPHIQUE ET DESCRIPTIF DES PARTICIPANTES
L’échantillon d’aidantes ayant participé aux entrevues est composé de femmes catholiques francophones majoritairement retraitées ou n’ayant jamais eu de travail à l’extérieur du domicile au cours de leur vie. Ces femmes habitaient différentes régions, soit la région métropolitaine (n = 18), la banlieue (n = 14) et des régions rurales (n = 8). Elles étaient également issues de milieux socioéconomiques divers (revenu annuel variant de moins de 15 000 $ à plus de 35 000 $). Les 19 participantes qui avaient à composer avec des situations de soins dites simples ont été interviewées au 15e jour post-hospitalisation de leur conjoint en moyenne. Ces femmes devaient prodiguer des soins à la suite d’une chirurgie mineure (opération pour cataractes, déviation de la paroi nasale, cure de hernie, par exemple). Leur conjoint était âgé de 70 ans en moyenne et avait été hospitalisé pour une seule journée. Pour ce qui est des participantes ayant à composer avec des situations de soins dites complexes (n = 21), elles ont été interviewées en moyenne au 22e jour post-hospitalisation de leur conjoint. Elles devaient donner des soins liés à
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des problèmes cardiovasculaires, pulmonaires, digestifs et rénaux importants (insuffisances, cancers) ou effectuer des traitements de plaies profondes. Leur conjoint avait un âge moyen de 74 ans et avait été hospitalisé pendant 12 jours en moyenne. Le tableau suivant fait état des principales caractéristiques sociodémographiques et descriptives des participantes aux entrevues individuelles (échantillon total et sous-échantillons). Ces femmes ont plus de 40 années de mariage en moyenne et présentent elles-mêmes pour la plupart des problèmes de santé chroniques (problèmes cardiaques ou respiratoires, troubles de la mobilité). On remarque par ailleurs que les femmes ayant à composer avec une situation simple de soins se considèrent comme étant en meilleure santé que celles qui doivent composer avec une situation complexe. Plusieurs d’entre elles ont déjà vécu l’expérience de prodiguer des soins avant l’hospitalisation de leur conjoint. Les données révèlent que les services (soutien formel), de même que le soutien social informel fourni par l’entourage, sont utilisés principalement par les femmes qui doivent faire face à une situation complexe de soins. Les données du questionnaire sociodémographique ont par ailleurs permis de conclure à une utilisation presque exclusive de soutien de type instrumental (aide pour les soins, gardiennage, aide pour les activités de la vie domestique) chez l’ensemble des participantes.
Caractéristiques sociodémographiques et descriptives des participantes aux entrevues individuelles (n = 40) Situations simples (n = 19)
Situations complexes (n = 21)
Échantillon total (n = 40)
66,7
69,1
68,0
9,7
9,0
9,4
Nombre moyen d’années de vie commune
40,7
41,4
41,1
Expérience de soin avant hospitalisation (%)
31,6
42,9
37,2
Présence de problèmes de santé chez l’aidante (%)
63,2
66,7
65,0
Utilisation du soutien informel (%)
26,3
52,4
40,0
Utilisation du soutien formel (%)
21,1
76,2
50,0
Caractéristiques Âge moyen Scolarité moyenne (ans)
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114 4.2.
LE VIRAGE AMBULATOIRE
LA PERCEPTION DU STRESS ET L’UTILISATION DES STRATÉGIES ADAPTATIVES
Les résultats qualitatifs obtenus des entrevues individuelles ont permis d’explorer en profondeur l’expérience vécue par les aidantes âgées. Les analyses du verbatim ont plus spécifiquement permis de relever certains thèmes redondants dans le discours des participantes. Ces thèmes sont présentés ici pour chacun des sous-groupes.
4.3.
LES DONNÉES QUALITATIVES PORTANT SUR L’EXPÉRIENCE D’UNE SITUATION « SIMPLE » DE SOINS
Dans ce sous-groupe, les soins requis à domicile consistaient principalement en l’administration de médication (gouttes, onguents ou autres), en une légère assistance dans les activités de la vie quotidienne (se laver, s’habiller, s’alimenter, se déplacer, etc.) et en une surveillance occasionnelle du site opératoire. Les résultats de l’analyse du verbatim font ressortir de nombreux éléments positifs relativement au virage ambulatoire et uniquement quelques aspects stressants. En fait, ce qui frappe chez ce groupe est l’attitude généralement positive envers le « virage » et la confiance en elles que les répondantes manifestent. Les thèmes qui permettent de décrire les aspects positifs du virage ambulatoire sont les suivants : 1) La possibilité qui est offerte, au sein du domicile, de personnaliser les soins : C’est aussi un avantage parce que la personne se retrouve dans son milieu familial. Elle a son lit qui est très important, elle dort mieux, sa nourriture à laquelle elle est habituée.
2) Le défi associé au fait de prodiguer des soins : Moi, j’aime ça soigner. Je suis encore capable de lui donner des soins… tant que je pourrai. Quand je prends soin de Jean, je prends soin de moi, parce que je veux pas le perdre.
3) La proximité soignante-soigné (ne pas se sentir seule lorsque son conjoint est hospitalisé) : C’est très pratique, je trouve. On s’ennuie pas d’être seule. Quand ce n’est pas grave, que c’est une chose qui est relativement bénigne… qu’est-ce que j’aurais fait moi toute seule à la maison ? Je me serais fait du mauvais sang… je suis plus tranquille quand il est dans la maison.
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4) La familiarité, pour le conjoint malade, avec l’environnement de soins (domicile), situation perçue comme pouvant accélérer le processus de guérison : Parce que tel que je connais mon mari, il est bien chez lui, il est entouré. Ça remonte plus facilement.
5) La réduction du nombre de transports épuisants de l’hôpital à la maison et vice versa : Pour moi, c’est bien, c’est que j’ai pas besoin d’aller me promener à l’hôpital !
6) Une meilleure gestion des urgences pour le système de santé : L’opération a très bien réussi, puis il se sentait bien après. Pourquoi l’avoir gardé ? On prend la place des autres qui en ont besoin…
Quant aux aspects stressants évoqués, ils concernent : 1) L’anxiété et la peur des complications, tout particulièrement la première nuit suivant le retour au domicile : J’aurais demandé si y avait moyen qu’il couche là [hôpital] pour une journée. J’étais inquiète, ça a saigné la première journée… « J’aurais mieux aimé qu’ils le gardent au moins pour la nuit. Parce que toi t’es à côté du lit, tu le sais pas : y es-tu malade ? Y bouge pas. C’est moi qui le réveillais pour voir si y était correct. J’ai pas bien dormi. J’étais inquiète. »
2) La quasi-absence de préparation à la courte hospitalisation et au congé : On est arrivé à l’hôpital, on savait absolument rien. Ça, c’était une lacune. Avec aucune directive. Pendant qu’on était en jaquette, ils nous donnent un pamphlet, un papier sur quoi faire. Y me dit : veux-tu me lire ça ? j’ai dit ben oui, tu peux pas avec les gouttes qu’ils t’ont mis dans les yeux. En un mot, on est pas préparé, pas du tout.
3) La fatigue ressentie après une longue journée dans les cas d’une hospitalisation d’un jour : La longueur de la journée, j’ai trouvé ça très fatigant. Nous avons quitté l’hôpital, il était presque 7 heures du soir et nous étions arrivés depuis 8 heures le matin. On s’était levé tôt. Ça a été long, très long. Puis, il a été fatigué les jours suivants.
En dépit de la faible variabilité observée dans les résultats quantitatifs concernant les stratégies adaptatives, les données qualitatives ont permis de découvrir certaines stratégies privilégiées par les répondantes. Ainsi,
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pour faire face aux difficultés éprouvées, les stratégies que celles-ci utilisent apparaissent plus individuelles ; le recours au soutien social informel de l’entourage et au soutien formel des services sont des stratégies peu utilisées. Les femmes de ce sous-groupe affirment être en mesure de relever elles-mêmes les défis imposés par la situation. Les passages suivants illustrent ces constatations : Je suis capable de voir à mes affaires. On peut s’adapter à ça. Quand on peut s’adapter, c’est facile. C’est moi qui rends service d’habitude. Je suis pas le genre à demander aux enfants, ils sont tellement occupés. Je connais les services autour, mais j’en voyais pas l’utilité pour moi.
4.4.
LES DONNÉES QUALITATIVES PORTANT SUR L’EXPÉRIENCE D’UNE SITUATION « COMPLEXE » DE SOINS
Les soins que les femmes de ce sous-groupe devaient prodiguer consistaient principalement en changement de pansements, irrigation de plaies, administration et surveillance de médication, en plus d’une assistance régulière aux activités de la vie quotidienne. Près de 43 % de ces femmes avaient auparavant assumé la prise en charge d’un membre de leur parenté à domicile (voir le tableau à la page 113) et avaient prodigué des soins à leur conjoint avant l’hospitalisation pendant une période de temps variant entre un et douze ans. Dans ce sous-groupe, comparativement au premier groupe de répondantes, la situation est perçue comme étant beaucoup plus stressante et nécessitant des compétences professionnelles de « quasi-infirmière ». De façon générale, outre la réduction des transports fatigants vers l’hôpital, seuls des aspects négatifs sont invoqués relativement au virage ambulatoire. Plus spécifiquement, cinq thèmes principaux qui viennent éclairer les données quantitatives illustrent l’essence du discours des soignantes âgées : 1) L’absence de choix possibles ou de contrôle face à la situation vécue : Je savais que c’était trop vite, qu’il sortait trop vite. C’est ça que j’aime pas du virage ambulatoire. On n’a pas le choix, faut vivre avec. Mais je trouve que c’est stressant pour les personnes qui doivent soigner… C’est moi qui faisais les pansements, il s’était fait amputer. Il fallait faire les pansements pis on n’avait pas le choix.
2) Une difficulté liée à l’état de santé précaire qui s’ajoute au fardeau existant des aidantes : C’est difficile parce que j’ai pas la santé. J’ai pas la force. C’est ce qui est difficile pour moi. Je suis à côté de lui et j’ai de la misère à respirer…
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3) La complexité des soins exigés – un rôle de quasi-infirmière – amenant une situation d’insécurité : On n’est pas qualifiés nous autres pour donner des soins. Quand on est pas qualifié, y a ben des choses qu’on oublie. Parce que je suis pas gardemalade, moi, c’est pas un métier pour moi. C’est pas ma vocation, je sais pas qu’est-ce que j’aurais fait si y avait eu des complications. J’aurais peutêtre paniqué. Vous autres, infirmières, vous êtes préparées, vous savez quoi faire. Mais moi, qu’est-ce que je fais ? Les trucs, y faut que tu les pognes toute seule ! Peut-être que pour lui c’est mieux… mais pour nous autres… Tu te dis : Est-ce que je peux lui faire la même chose qu’à l’hôpital ? On a toujours une certaine inquiétude parce que je me dis toujours s’il fallait qu’il ait ci ou ça, qu’est-ce que je ferais ? J’ai toujours peur de ne pas le faire correct, d’oublier quelque chose, ça me stresse.
4) Un manque de planification du congé et des soins à domicile offerts à la suite du congé : Je trouve qu’on n’est pas assez préparé à les recevoir si vite à la maison. Moi, pour ma part, je trouve que c’est un peu vite. Ça nous prend par surprise… J’avais demandé au début combien de temps à peu près on le garderait… On m’a donné un jour d’avis. J’ai dit : Ça a pas de bon sens. Qu’est-ce que je vais faire ? Y est pas capable de changer son sac tout seul, pis, moi, je sais rien. Le CLSC nous a donné un document qu’on lisait. On essayait de comprendre, mais c’est pas facile quand on n’a pas d’expérience dans ce domaine-là. Ça nous inquiétait, parce que moi, je me demandais toujours, tout à coup que l’aiguille est sortie de la veine, pis que ça se répand dans son système ! On savait pas quoi faire… si on devait retourner à l’hôpital ou au CLSC. J’aurais préféré qu’il demeure une journée de plus à l’hôpital pour qu’ils puissent vérifier si tout était bel et bien, si y avait pas d’autre infection, s’il avait encore de la fièvre…
5) Un transfert des coûts financiers du système de santé vers les usagers des services. On invoque même la notion de privatisation des soins de santé : Je sais pas si c’est défrayé, si y en a une partie défrayée, parce que c’est assez dispendieux ça. Ça m’a coûté 76 $ pour dix sacs. Ça prend beaucoup de choses et y nous disent rien, pas d’avis nulle part pour réclamer ça sur nos assurances ou… Faut toujours mettre notre main dans notre poche, j’ai pas toujours les moyens.
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Il y a aussi un infirmier qui a fait passer un pamphlet. Il a 15 ans d’expérience, mais il faut payer par exemple pour ça. C’est certain que si jamais on a besoin, c’est une sécurité, il charge à l’heure.
Au regard de ces situations complexes de soins, les données qualitatives dénotent l’utilisation de stratégies adaptatives cognitives qui permettent une certaine distanciation et un recadrage de la situation : Mais je me trouve chanceuse, j’me compare aux mamans qui ont des bébés qui naissent infirmes, avec des handicaps sérieux. Je sais que ça durera pas 40 ans. Il a 85 ans. Il faut que j’essaie de m’encourager de cette façon-là. Je pense à ce que j’ai eu de bon. Je pense à ce qu’il y a eu de positif dans ma vie.
Le recours au soutien des enfants et à celui des services sont des stratégies utilisées, mais uniquement en dernier lieu. Les soignantes emploient davantage des stratégies personnelles de résolution de problèmes : Disons qu’il faut que je me fasse un programme. Il faut que je programme mes affaires du moins quelques jours à l’avance. Je sens que je n’ai pas la santé pour tout faire la même journée. Je me planifie à l’avance. Je me suis organisée, je me fais un horaire. Je m’organise un autre programme de vie. La semaine passée, ma fille est venue pour l’épicerie. Je lui en demande pas plus. Les enfants travaillent. Si je suis mal prise, ils vont venir, mais si je peux m’arranger… J’en voyais pas l’utilité pour moi. J’avais les références de l’hôpital. Peutêtre que c’est ma mentalité. Ç’aurait été de déranger pour rien un service qui aurait pu servir ailleurs. C’est encore la mentalité…
4.5.
LA PERCEPTION DU STRESS ET L’UTILISATION DES STRATÉGIES ADAPTATIVES, LES DONNÉES QUANTITATIVES
Les données issues des questionnaires standardisés portant sur l’appréciation du stress et l’utilisation des stratégies adaptatives par les femmes âgées nous permettent de compléter le profil établi au moyen des données qualitatives. Elles nous conduisent ainsi à affirmer que les participantes vivant l’expérience de soins complexes ont une perception générale de stress ainsi que des perceptions d’« incontrôlabilité » et de « centralité » de la situation – soit une perception des conséquences de la situation sur leur bien-être – plus élevées que les participantes qui doivent faire face à des situations simples de soins. En ce qui concerne l’utilisation des stratégies adaptatives dans les situations de soins vécues, certaines différences sont également
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observées entre les deux sous-groupes. On note ainsi une utilisation plus fréquente des stratégies de recherche de soutien social et de résolution de problèmes dans les situations complexes de soins.
4.6.
LES ATTENTES À L’ÉGARD DES SERVICES
Le troisième objectif de l’étude était d’explorer les attentes des participantes par rapport aux services. Une variabilité dans les perceptions quant aux services offerts a été observée selon les milieux de soins (CLSC ou centre hospitalier) et la région d’origine des répondantes (région urbaine, banlieue ou région rurale), laissant entrevoir une implantation partielle et non uniforme des services depuis l’avènement récent du virage ambulatoire. L’analyse du discours a permis de constater certaines perceptions positives, de même que des facteurs de mécontentement à l’égard des services tels qu’ils sont offerts actuellement : Ils nous ont envoyé un petit pamphlet pour nous dire qu’ils peuvent nous répondre 24 heures par jour. Je trouve que c’est beaucoup ça, de pouvoir demander conseil… au lieu d’encombrer les hôpitaux quand ils peuvent nous rendre service ! On a eu de très bons soins, mais des fois ils devraient rester un petit peu plus longtemps, rester quelques jours de plus, quelques jours de plus pour pouvoir s’habituer… Il faut appeler trois jours d’avance… trois jours d’avance, je trouve que c’est trop. L’infirmière est venue, mais c’était long avant qu’elle vienne. Ça a pris trop de temps. On aurait eu besoin avant, faudrait qu’elle vienne plus vite. Tout de suite quand tu vas sortir, pas une semaine après, le pire est faite ! Le personnel dit que tu devrais faire ci, tu devrais faire ça. On dirait que tu dois te soigner toi-même, mais il faut pas que ça aille jusque-là, j’ai assez peur.
Un thème qui revenait souvent dans les propos recueillis concernait la perception d’une surcharge de travail chez les intervenants : Dans le fond, faut pas être trop exigeant, y en ont tellement ! C’est continuel ! Ça a pas de bon sens, y ont pas le temps de se revirer d’une place, sont dans l’autre ! On va là parce qu’on est obligé (CLSC). On veut pas y aller parce qu’on sait qu’ils sont surchargés.
En ce qui concerne les attentes, un thème important concerne la continuité dans les soins et services en tant que caractéristique recherchée. Les extraits suivants illustrent ce résultat : On était bien servi à l’hôpital avec l’infirmière spécialisée, fait que j’ai continué avec eux au lieu d’aller au CLSC.
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On s’habitue avec une personne… pis j’aurais aimé ça qu’a revienne. Ça me coûtait de demander. On a peur des refus.
Une autre attente clairement exprimée concerne le besoin de comprendre « comment le système de santé fonctionne » : Là, j’ai des tuyaux, comme on dit. Je sais où appeler, je sais quoi faire. Ils m’avaient dit que si j’avais besoin d’aide de les appeler, mais il fallait que je les appelle avec un petit peu d’avance… la minute où j’ai trouvé le truc, qui appeler, où m’informer, plus de problèmes !
Les participantes ont enfin formulé des attentes plus précises quant à leurs besoins de services, attentes qui sont en lien avec les situations de stress qu’elles nous ont décrites. C’est ainsi qu’on souhaite un certain « contrôle » et une prévisibilité de la situation (savoir qu’est-ce qui va se passer) qui pourraient être acquis par des moyens concrets, tels que : 1) un enseignement avant, pendant et après l’hospitalisation sur les soins à prodiguer, les complications possibles, le retour à domicile (… avoir une pratique des soins à donner, maintenant qu’on est obligé de soigner dans nos maisons c’est important qu’ils nous le montrent comment faire) ; 2) une ligne téléphonique ou un numéro à composer pour obtenir des informations immédiatement et la disponibilité d’une personne-ressource, surtout le soir et la nuit au moment des périodes de plus grande anxiété (on peut lire… mais 10 jours après, on a tout oublié ! On est plus jeune là ! Je préfère quand la situation se présente, avoir quelqu’un qui peut nous aider) ; 3) la possibilité d’obtenir un soutien psychologique à domicile afin de partager avec quelqu’un l’expérience de donner des soins : Avoir quelqu’un qui vient jaser un peu… Y a pas d’aide psychologique, on a envie de crier, de pleurer, y a personne pour parler, pour nous écouter. J’en parle aujourd’hui pour la première fois.
5.
FEMMES, SOINS ET VIEILLESSE : QUE RETENIR DE L’EXPÉRIENCE PARTAGÉE ?
Notre objectif dans ce projet était d’examiner la façon dont les aidantes naturelles perçoivent le virage ambulatoire, leurs stratégies pour composer avec les soins à prodiguer dans ce contexte et leurs attentes en matière de services. Les changements au sein du système de santé ont été, ainsi que nous l’avons mentionné, entrepris avant que des données puissent être accumulées sur la façon dont les aidants naturels, en majorité des femmes, perçoivent la situation et y font face. Très peu d’études ont été réalisées sur l’impact du virage ambulatoire sur les aidants naturels au Québec (Côté et al., 1998). La présente recherche a, dans cette perspective, permis de dresser un profil descriptif de la situation vécue par un groupe représentatif de la population francophone d’aidantes âgées au
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Québec. Les informations sociodémographiques recueillies sont comparables à celles des femmes âgées quant à leur faible niveau de scolarité, leur bas revenu et leur expérience de travail à domicile (Gouvernement du Québec, 1993). Ce profil correspond à une cohorte de femmes âgées socialisées à l’époque où les femmes étaient tenues de jouer un rôle instrumental et affectif, non seulement auprès de leurs conjoints et enfants, mais également auprès de leurs parents et même souvent de leurs beauxparents. Beaucoup de femmes de cette cohorte n’ont jamais travaillé à l’extérieur de la maison. Leur statut et leur source de valorisation tenaient surtout à leur position d’aidante. Ce rôle est, par conséquent, en harmonie avec les valeurs qui leur ont été inculquées dès leur plus jeune âge. Cette génération ne sera donc pas encline à se plaindre, ce qui peut expliquer en partie le peu de visibilité qu’elles ont dans la société actuelle. Quelques femmes participant à l’étude étaient conscientes des caractéristiques spécifiques de leur groupe de référence : C’est de demander une surcharge aux gens. Pis, habituellement, cette surcharge-là, elle est faite par les femmes. Et aujourd’hui les femmes plus jeunes travaillent toutes, la majorité, et puis ça va être un surplus d’ouvrage pour elles. Notre génération, on a peur de parler, parce qu’on a peur que les autres pensent qu’on se plaint… pour les plus jeunes, c’est différent.
Le profil résultant de cette étude est intéressant dans la mesure où il fournit des indications précises quant aux attentes de ces femmes et à leur expérience en tant qu’actrices importantes du virage ambulatoire. Le matériel quantitatif et qualitatif recueilli a permis de saisir la réalité de ces femmes. Les données révèlent une perception de stress significative chez les aidantes qui vivent l’expérience de prodiguer des soins complexes à leur conjoint à domicile. Le virage ambulatoire est perçu positivement et comme un défi uniquement dans les situations où un contrôle sur la situation semble possible et où les désagréments liés aux déplacements vers l’hôpital sont plus importants que les tâches de soins à exécuter. Dans ces cas, plusieurs éléments intéressants ont été mentionnés par les femmes âgées, éléments qui nous informent sur les avantages qu’elles voient à soigner dans le cadre du milieu de vie naturel. Les participantes ont plus spécifiquement été en mesure d’apprécier clairement le rapport coûtbénéfice lié au phénomène de prodiguer des soins à domicile à la suite d’une hospitalisation écourtée. Elles reconnaissent notamment le potentiel de guérison accéléré pour leur conjoint (évoqué également dans les politiques) et sont capables d’apprécier, pour elles-mêmes, le fait de ne pas être seules à domicile pendant une hospitalisation de leur compagnon de vie. Elles se sentent compétentes pour donner les soins nécessaires et apprécient la possibilité qu’elles ont d’apporter une touche personnelle aux soins. Elles relèvent le défi et composent relativement aisément avec cette situation.
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Par ailleurs, dans les cas où les soins sont pointus et nécessitent des habiletés complexes et une disponibilité continue, la situation est porteuse de stress, d’insécurité et elle est amplifiée par l’état de vulnérabilité préexistant des femmes âgées soignantes. Ces femmes perçoivent la situation comme étant en dehors de leur contrôle et représentant une menace potentielle à leur bien-être. Pour reprendre les termes de Folkman et Lazarus (1984), la situation excède leurs capacités d’adaptation ; elle devient source de stress. Pour y faire face, les femmes âgées recourent à diverses stratégies, plus particulièrement à la résolution de problèmes et à la distanciation, et font appel, au besoin seulement, à l’aide de leur entourage et – en dernier lieu – à celui des services. Devant l’ensemble de la situation de prise en charge qu’elles expérimentent, les participantes ont eu l’occasion, dans le cadre de cette étude exploratoire, d’exprimer clairement leurs besoins et leurs attentes au regard des services. Les résultats montrent que les services offerts actuellement sont relativement peu utilisés par les aidantes âgées. Lorsqu’ils le sont, c’est dans des cas de nécessité ou de situations complexes de soins. Cette constatation de faible utilisation des services ou de « réticence » à les utiliser tels qu’ils se présentent actuellement corrobore les résultats d’autres recherches effectuées dans le contexte des soins de longue durée aux personnes âgées (Paquet, 1996). Selon une récente étude, cette réticence ne signifierait pas que les aidantes n’ont pas besoin d’aide. Elle refléterait plutôt un phénomène culturel au sens où le recours à du soutien formel est plus qu’une simple demande d’aide : cette demande heurte la norme collective de la solidarité familiale avec toutes les croyances, valeurs et attitudes qui lui sont propres (Paquet, sous presse). Pour ces personnes, c’est la famille d’abord ou le réseau social informel qui doit fournir de l’aide. Cette réticence pourrait également signifier que les services ne se sont pas encore adaptés aux besoins et à la réalité des aidantes âgées qui ont de la difficulté à comprendre le système, se plaignent rarement (elles nous l’ont clairement exprimé) et n’ont jamais – ou presque – développé la stratégie adaptative de recours à l’aide formelle au cours de leur trajectoire de vie (Ducharme, 1993 ; Ducharme et Corin, 1998). Par ailleurs, il importe de mentionner qu’en dépit du fait que le partenariat État-communauté-famille soit l’idéologie dominante véhiculée actuellement dans les politiques sociosanitaires, encore peu d’efforts concrets ont été faits pour arrimer les différentes interventions offertes par le réseau des services formels et les besoins de ces aidantes. Peu de programmes et de politiques concernent les aidantes « naturelles » en tant que clientèle cible (Lavoie et al., 1998). Les services offerts actuellement dans le cadre du virage ambulatoire s’adressent encore principalement aux personnes qui ont subi une hospitalisation et négligent, en grande
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partie, les besoins propres des membres de leur famille qui sont leurs personnes-ressources à domicile. En ce sens, les aidantes de la présente étude nous ont confié l’importance de considérer, entre autres, leur besoin de discuter de leur expérience de soignante. Au Canada comme au Québec, malgré le fait que la situation de vulnérabilité des aidantes naturelles âgées ait fait l’objet de nombreuses recherches empiriques (Étude sur la santé et le vieillissement au Canada, 1994 ; voir Guberman, 1999), les transformations du système de santé sont relativement récentes et ont devancé la réflexion sur les facteurs psychosocio-culturels qui doivent être considérés afin de favoriser l’adéquation entre les services et les besoins de cette clientèle. Les aidantes naturelles offrent une contribution importante, encore occultée et invisible dans notre société, et les résultats de cette étude obligent à une réflexion sur le paradigme qui domine au sein des services. Ce paradigme est à l’image du modèle proposé par Twigg (1989) en Grande-Bretagne, il y a déjà plus d’une décennie, selon lequel les aidantes sont encore considérées comme des cotravailleuses ou des ressources à utiliser au sein du système plutôt que comme des coclientes ayant des besoins de santé. Dans cette perspective, des recherches sont nécessaires en vue d’élaborer, d’implanter et d’évaluer des programmes adaptés à la culture des aidantes âgées et considérant leurs propres besoins et attentes. Une réflexion s’impose également dans l’immédiat quant aux attentes des futures cohortes. Dans vingt ans, les plus vieux baby-boomers seront-ils ceux qui auront à fournir, sans soutien, ces soins complexes dans un contexte de famille en profonde transformation ?
RÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
ALDWIN, C. (1994). Stress, Coping and Development, New York, Guilford Press. BIEGEL, D., E. SALES et R. SCHULZ (1991). Family Caregiving in Chronic Illness, Newbury Park, Sage. CORBIN, J. et A. STRAUSS (1988). Unending Work and Care : Managing Chronic Illness at Home, San Francisco, Jossey-Bass. C ÔTÉ , D., E. G AGNON , C. G ILBERT , N. G UBERMAN , F. S AILLANT , N. THIVIERGE et M. TREMBLAY (1998). Qui donnera les soins ? Les incidences du virage ambulatoire et des mesures d’économie sociale sur les femmes du Québec. Rapport de recherche en matière de politiques subventionné par Condition féminine Canada, Ottawa, Gouvernement du Canada. DI DOMENICO, M. (1995). Virage ambulatoire : Notes exploratoires, Bureau régional de Montréal du Conseil du statut de la femme, Gouvernement du Québec, Conseil du statut de la femme.
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C H A P I T R E
6 LES FAMILLES ET LE SOUTIEN AUX PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES Une étude exploratoire sur le recours aux services
MARIO PAQUET Agent de recherche Direction de la santé publique (DSP) Régie régionale de la santé et des services sociaux de Lanaudière (chercheur associé à l’Institut national de recherche scientifique, (INRS-Urbanisation, Culture et Société) et à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal)
ANDRÉ GUILLEMETTE Agent de recherche (Direction de la santé publique Régie régionale de la santé et des services sociaux de Lanaudière)
CAROLINE RICHARD Agente de recherche (Direction de la santé publique Régie régionale de la santé et des services sociaux de Lanaudière)
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LES FAMILLES ET LE SOUTIEN AUX PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES
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Au Québec, à la fin des années 1980, on connaissait à peine la situation sociosanitaire des personnes-soutien qui prodiguent soins et assistance aux personnes âgées dépendantes. À cet égard, la littérature scientifique fait état d’un consensus sur les difficultés de la charge ainsi que sur la complexité des soins et du soutien à donner à une personne en situation de dépendance. De plus, les recherches ont confirmé qu’au-delà du « fardeau » de la responsabilité de prendre soin les personnes-soutien sont le pivot du maintien à domicile et, de surcroît, du bien-être des personnes âgées (Garant et Bolduc, 1990 ; Guberman, Maheu et Maillé, 1991). En fait, en raison du vécu des personnes-soutien et surtout des limites humaines qu’impose parfois au quotidien une situation de dépendance, il est de plus en plus évident pour le milieu de la recherche et de l’intervention que ce travail méconnu doit sortir de l’ombre et être reconnu dans sa nature et dans son ampleur. Quelle valeur prennent, socialement, les soins de longue durée à domicile ou le virage ambulatoire si, au bout du compte, le principal acteur engagé dans les soins s’épuise et si, par conséquent, le maintien à domicile se fait au détriment de sa santé ? Dans ce contexte, la prévention de l’épuisement physique et psychologique des personnes-soutien revêt une importance capitale, surtout si l’on considère, recherches à l’appui, que les besoins de ces dernières sont multiples, diversifiés et singuliers (Lesemann et Chaume, 1989). Par ailleurs, même si personne ne peut être contre le fait de vouloir prévenir l’épuisement des aidants, comment peut-on l’actualiser lorsqu’on sait que cette population n’est pas reconnue pour être une grande utilisatrice de services ? Des recherches démontrent en effet que les personnes-soutien constituent une population difficile à rejoindre et réticente à utiliser les services (Garant et Bolduc, 1990 ; Paquet, 1999). Or, même si depuis plusieurs années de nombreux chercheurs angloaméricains, s’intéressent à la recherche sur le soutien auprès des personnes âgées dépendantes, il y en a par contre très peu qui se préoccupent de la réticence à l’égard de l’utilisation des services de soutien formels 1. Selon Paquet (1999, p. 67) : Une personne-soutien réticente c’est une personne qui manifeste dans son discours et son comportement une réserve face à l’utilisation des services formels. Cette réticence peut se retrouver tant 1. Les services de soutien formels correspondent aux services de répit institutionnels, communautaires ou à domicile fournis par le réseau des établissements publics ou communautaires. Il est à noter que les services de soutien formels couvrent un ensemble plus large de services que ceux de répit, par exemple les soins infirmiers et médicaux. Cependant, dans cette recherche, les services formels se limitent aux services de répit qui s’adressent particulièrement aux personnes-soutien. Nous entendons par répit des services dont l’objectif est de diminuer le « fardeau » des personnes-soutien. Le répit
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chez les utilisateurs de services que les non-utilisateurs qui connaissent les services ou en soupçonnent l’existence. Cette réticence peut prendre la forme d’un refus des services ou d’une acceptation obligée en raison du contexte de l’assistance ou de la condition de santé de la personne âgée ou de la personne-soutien.
Selon les indications de la littérature, la réticence est un phénomène très répandu. Malgré le fardeau souvent lourd qu’entraîne le fait de prendre soin d’une personne âgée dépendante, plusieurs personnessoutien n’utilisent les services que lorsqu’elles ne peuvent plus faire autrement et que la limite de l’acceptable est dépassée. En fait, la situation se résume alors à ceci : elles sont à bout de souffle, épuisées physiquement et psychologiquement et souvent en état de crise. Les personnes-soutien n’ont alors plus les capacités nécessaires pour mener à bien leurs tâches, qui les accaparent et les stressent. Au moment où le contexte sociodémographique, économique et politique fait que l’État privilégie plus que jamais, dans la réorganisation du système, le maintien à domicile et son corollaire le virage ambulatoire, il importe d’explorer ce phénomène de la réticence afin de mieux le comprendre. En effet, […] la réticence a de quoi inquiéter le système de santé et des services sociaux dans son objectif de prévention puisque sa logique de planification, d’organisation et de dispensation des services est mise à rude épreuve. Effectivement, le postulat d’une adéquation linéaire simple entre les problèmes de santé d’une population, ses besoins et les services à implanter ne résiste pas à la logique familiale de soutien. La réticence des personnes-soutien montre que la logique familiale de soutien est plus complexe que ne le laisse croire celle du système de santé et des services sociaux. (Paquet, 1999, p. 19)
Ce que laissent présager ces derniers propos, c’est qu’il n’y a aucune garantie que la mise en place de services va mener automatiquement à leur utilisation. Il faut donc se méfier de la fausse évidence voulant que l’accès aux services incite automatiquement les personnes-soutien à les utiliser. L’accessibilité des services est ici d’autant plus importante à considérer que le virage ambulatoire repose fondamentalement sur la contribution des familles et, principalement, sur les personnes-soutien qui, pour la très
institutionnel fait référence aux services d’hébergement temporaire offerts, entre autres, par les centres d’accueil. Le répit correspond aussi aux services de gardiennage et de soutien à domicile fournis par les CLSC et les centres d’action bénévole. Quant au soutien à domicile, il s’agit de soutien aux activités de la vie domestique (entretien ménager, préparation des repas, courses).
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grande majorité, sont des femmes. Dès lors, le défi du milieu de la pratique se résume à ceci : comment rejoindre les personnes-soutien avant qu’il ne soit trop tard, avant qu’une crise ne s’installe ou avant que l’épuisement ne vienne menacer la santé et le bien-être de la personne-soutien et de la personne aidée ? Au cours des dernières années, l’effort d’exploration du phénomène de la réticence, à la Direction de santé publique de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Lanaudière, s’est concentré sur une population d’informateurs clés. Le matériel recueilli a permis de défricher le terrain sur cette question et d’y apporter un éclairage socio-anthropologique. Ce texte apporte un complément à cet éclairage et poursuit l’objectif d’explorer la réticence, mais cette fois auprès des personnes-soutien. L’essentiel de l’information rapportée dans cet article est centré sur six questions : • Les personnes-soutien sont-elles réticentes à utiliser les services formels ? • Les personnes aidées et les autres membres de la famille sont-ils réticents à utiliser les services formels ? • Les personnes-soutien sont-elles réticentes uniquement à l’égard des services formels ? • La réticence varie-t-elle selon l’âge et le sexe ? • La réticence est-elle liée à des lacunes dans l’organisation des services ? • La réticence est-elle un phénomène de culture ? Avant de se diriger au cœur de ce questionnement, nous décrirons les repères méthodologiques de cette étude. En conclusion, nous ferons le tour des principaux constats que permet de dégager cette étude.
1. 1.1.
MÉTHODOLOGIE MILIEU, POPULATION À L’ÉTUDE ET ÉCHANTILLONNAGE
Cette recherche exploratoire et qualitative a été menée dans la région de Lanaudière auprès de vingt personnes-soutien qui prennent soin d’une personne âgée en perte d’autonomie. Le recrutement des participants a été majoritairement réalisé par l’intermédiaire de trois informateurs clés. Ces derniers ont recruté dix-sept personnes sur les vingt rencontrées. Parmi les dix-sept personnes, cinq participaient au moment de l’étude à des rencontres de groupe de soutien. Ces personnes ont d’abord été sollicitées par
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les informateurs clés qui se sont assurés de leur consentement avant de nous transmettre leurs coordonnées. Par la suite, un contact téléphonique était établi pour fixer un rendez-vous avec les personnes. Les trois autres personnes qui composent l’échantillon ont été recrutées par une stratégie d’échantillonnage en boule de neige : lors des rencontres avec les personnes-soutien, nous leur demandions si elles connaissaient d’autres personnes susceptibles de participer à la recherche. La taille de l’échantillon a été déterminée en fonction des personnes que les informateurs clés ont recrutées.
1.2.
PROFIL DES PARTICIPANTS
Sur les vingt personnes composant l’échantillon de cette étude, dix-neuf ont rempli un questionnaire permettant de décrire leur profil. En ce qui regarde le lieu de résidence, neuf personnes habitent dans la MRC de Montcalm, huit dans la MRC D’Autray, trois dans la MRC de Matawinie et une dans la MRC de Joliette. Pour ce qui est du sexe et de l’âge des répondants, la très grande majorité des personnes-soutien sont des femmes (quatorze femmes contre cinq hommes), neuf personnes se retrouvent dans la catégorie d’âge des 65 ans et plus, six ont entre 50 et 64 ans, tandis que quatre personnes ont entre 30 et 49 ans. La plupart des personnes-soutien rencontrées sont mariées (seize comparativement à trois célibataires). Onze personnes ont atteint une scolarité de niveau secondaire, alors que l’on en retrouve sept pour le niveau primaire. Une personne a une scolarité de niveau universitaire. Aucune de ces personnes ne travaillait au moment de l’enquête. Sauf dans un cas, les personnes-soutien habitent avec la personne aidée et dans presque la moitié des cas, soit neuf personnes sur dix-neuf, elles habitent seules avec la personne aidée. Les personnes-soutien s’occupent majoritairement d’un conjoint (douze cas sur dix-neuf). Pour plus de la moitié des gens (onze personnes sur dix-neuf), la durée des soins est de moins de cinq ans, tandis que pour quatre personnes cette durée varie entre cinq et neuf ans et que pour les quatre autres elle est de dix ans et plus. La très grande majorité des personnes-soutien ont déclaré un revenu de moins de 30 000 $ par année (quatorze personnes sur dix-neuf). En ce qui concerne la perception de leur état de santé, douze personnes-soutien l’évaluent comme assez bonne, alors que six personnes la considèrent comme très bonne. Seulement une personne perçoit sa santé comme assez mauvaise. Dix personnes-soutien considèrent la santé de la personne aidée comme assez bonne, alors que seulement une la perçoit comme très bonne. Cinq personnes l’évaluent comme assez mauvaise et autant comme très mauvaise.
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Pour ce qui est de l’âge des personnes aidées, on dénombre sept personnes qui ont entre 50 et 64 ans et quatorze dont l’âge est de 65 ans et plus. Il est à noter que la population des personnes aidées est de vingt et un du fait qu’une personne-soutien avait la responsabilité de trois personnes. Le sexe des personnes aidées se répartit presque équitablement (onze hommes et à dix femmes). Dans treize cas, les personnes aidées sont mariées, alors que cinq sont célibataires. Deux ont perdu leur conjoint et une personne est divorcée.
1.3.
TECHNIQUE DE COLLECTE DES DONNÉES
L’entrevue individuelle a été utilisée comme technique de collecte des données. Sauf pour deux personnes, les entrevues se sont déroulées au domicile des personnes-soutien entre le mois d’avril et le mois d’août 1993. Dans six cas, d’autres personnes étaient présentes au moment de l’entrevue. Quatre entrevues se sont faites en présence d’une personne, soit la personne aidée dans trois cas. Une entrevue s’est faite en présence de quatre personnes, soit les trois personnes aidées et un autre membre de la famille élargie (cousine). Une entrevue s’est faite en présence de quatre personnes, soit la personne aidée, deux aidants secondaires (fils et fille) et une auxiliaire familiale. La présence des autres personnes aux entrevues s’explique par le fait que celles-ci demeuraient avec la personne-soutien et qu’elles étaient présentes au domicile à l’arrivée de l’intervieweur. Dans un seul cas, une personne de l’extérieur a participé à la rencontre à l’invitation de l’aidant. Au cours des entrevues qui se sont déroulées à plusieurs, il est arrivé que des personnes autres que la personne-soutien participent aux échanges en prenant la parole. Lorsque leurs propos étaient pertinents à la recherche, nous les avons intégrés au corpus des données. Dix-sept personnes-soutien ont été rencontrées à une seule occasion et deux autres ont été rencontrées à deux reprises. Pour une personne, il a fallu trois rencontres en raison de la présence de la personne aidée, de même que de la fatigue et de l’émotion générée par le contenu de l’entrevue. La durée des entrevues variait entre quarante-cinq minutes et un peu plus de trois heures, pour une durée moyenne d’une heure cinquantecinq minutes. Dix-huit entrevues ont été enregistrées sur bande magnétique. Deux entrevues n’ont pas été enregistrées en raison d’un refus et d’un problème technique. Dans les deux cas, la prise de notes en cours d’entrevue a servi à la collecte d’informations.
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Dans le cadre de cette recherche, nous n’avons pas utilisé comme tel de schéma d’entrevue. Au moment de l’enquête, nous étions dans une phase préexploratoire qui visait d’abord à mieux connaître la dynamique du fonctionnement de la logique familiale de soutien auprès d’une personne âgée. Nous avons relevé, dans la poursuite des entrevues, que le phénomène de la réticence émergeait de façon récurrente, comme dans le cas des informateurs clés. À l’origine, nous devions poursuivre la collecte des données auprès d’un échantillon plus grand de personnes-soutien, dans le but cette fois de focaliser plus précisément notre attention sur la réticence. Or, au moment de l’analyse des données des vingt entrevues effectuées, nous avons considéré que les informations concernant la réticence étaient suffisantes pour en tirer, à titre exploratoire, une analyse permettant de donner des repères à sa compréhension.
1.4.
TRAITEMENT ET ANALYSE DES DONNÉES
Sur les vingt personnes rencontrées, deux ont fait l’objet d’une étude de cas (voir Paquet, 1999). Les entrevues enregistrées ont été transcrites intégralement. Par la suite, le corpus des informations a été traité par analyse qualitative de contenu. La présentation des résultats repose sur les thèmes qui ont directement émergé de l’analyse de contenu des données effectuées auprès des informateurs clés (Paquet, 1999).
2.
RÉSULTATS
2.1.
LA RÉTICENCE ET LES PERSONNES-SOUTIEN
Les personnes-soutien sont-elles réticentes à utiliser les services formels ? Certaines personnes-soutien 2 font souvent et rapidement appel aux services de soutien formels, du fait qu’elles sont plus conscientes de leurs limites, de leur inexpérience, de leur fragilité physique et mentale ou encore à la suite des conseils insistants de leurs proches. Certaines personnes ont constaté rapidement que pour prendre soin il leur était impossible, par exemple, d’être à la maison jour et nuit. De même, elles ne pouvaient pas se lever éventuellement de quatre à cinq fois par nuit tout en apportant l’aide nécessaire à la personne dépendante durant le jour.
2. Nous utilisons indifféremment dans ce texte les termes personne-soutien et aidante. De plus, le terme aidante est préféré à celui d’aidant, puisque les soins auprès d’un proche dépendant sont en majorité assurés par des femmes.
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Elles font donc appel aux services de soutien formels, sachant pertinemment qu’elles n’auraient pas pu maintenir la personne aidée encore longtemps à la maison. Pour ces personnes-soutien, le recours aux services dispensés, entre autres par les CLSC, repousse certainement à plus tard le placement des aidés en centre d’accueil ou en centre hospitalier de soins de longue durée. D’autres personnes-soutien bien informées, parce qu’elles ont été en contact avec le réseau des services de soutien formels ou parce qu’elles connaissent des personnes qui en bénéficient déjà, n’hésitent pas, elles non plus, à recourir aux services de soutien formels. Pour une partie d’entre elles, ces services sont là pour être utilisés ; il ne faut donc pas se priver de le faire, puisque cela va de soi. L’utilité et la qualité des services offerts sont reconnues et elles savent très bien à quoi s’attendre en y recourant. Les commentaires formulés par une personne-soutien utilisatrice de services du réseau de soutien formel révèlent bien cette attitude d’ouverture à l’égard des services : Je n’ai pas hésité à demander de l’aide. Il y a des services pour ça, pourquoi devrais-je m’en priver ? Par contre, la majorité des personnes-soutien affichent à un moment ou à un autre de la trajectoire des soins une réticence à faire appel aux services de soutien formels. Plus vive au début de l’implication, la réticence perd toutefois de sa vigueur avec le temps ou lorsque la personnesoutien constate qu’elle ne peut plus suffire à la tâche. Dès lors, certaines personnes-soutien se résignent à demander un soutien formel, offert la plupart du temps par les CLSC. Mais, avant d’en arriver là, les aidantes auront d’abord fait appel au soutien de la famille ou elles se tourneront en cas de besoin vers l’entourage (amis, voisins, etc.). Elles apprennent à se débrouiller avec les moyens du bord avant de faire appel aux services de soutien formels et rares sont celles qui acceptent rapidement de demander une aide extérieure. Pour plusieurs, même si prendre soin est très prenant, il s’agit rarement d’un fardeau impossible à supporter. Au contraire, la majorité des aidantes insistent pour dire que c’est un plaisir de prendre soin de l’aidé et que cela constitue une preuve concrète de leur amour pour celui-ci. Ainsi, quels que soient la qualité et le degré de couverture des services formels disponibles, les personnes-soutien semblent très nombreuses à les utiliser en tout dernier recours. La réticence vient souvent de la méconnaissance qu’ont les personnessoutien des différents services disponibles et de la peur des conséquences que leur utilisation pourrait susciter. Certaines personnes-soutien ne font pas appel aux services de soutien formels non pas parce qu’elles n’en ont pas besoin, mais parce qu’elles ne savent pas où, comment et à qui s’adresser. Elles ne savent pas ce qui peut leur être offert et elles savent encore moins ce dont elles pourraient avoir besoin. Bien souvent, prendre soin
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de son conjoint ou d’un proche est aussi récent qu’inattendu. Dès lors, les aidantes ne possèdent pas toute l’expérience requise pour évaluer leurs besoins et leurs lacunes. Voyons le propos d’une personne-soutien : Tout s’est arrêté du jour au lendemain. Mon mari est tombé malade à l’ouvrage et notre vie a changé de A à Z. C’est arrivé tellement vite que tu ne sais pas de quel côté te tourner. On ne sait pas trop où aller demander de l’aide et on se retrouve avec beaucoup de responsabilités. Si je ne parviens pas à maintenir les choses comme avant, je me sens coupable. Je n’ose plus sortir et laisser seul mon conjoint à la maison. Je veux tout faire aussi bien qu’avant, mais je risque de dépasser mes limites avant même de m’en apercevoir. Je ne sais pas quand m’arrêter ou me reposer.
Ce manque de préparation, combiné avec la douleur de voir un être cher diminué physiquement ou mentalement, rend la situation d’autant plus difficile. Le désir est grand, alors, de maintenir l’illusion que tout est resté comme avant et de redoubler d’ardeur pour refuser obstinément toute forme d’aide. Déjà accaparées par les exigences de l’assistance, les personnes-soutien préfèrent s’abstenir dans le doute et l’incertitude. Certaines hésitent à demander de l’aide de peur d’abuser du système, d’essuyer un refus, de se sentir de trop ou par crainte de profiter de services qui pourraient être plus utiles à d’autres personnes ayant plus de besoins qu’elles. Combien de fois n’ont-elles pas entendu que les organismes gouvernementaux manquaient d’argent pour offrir toute la gamme des services requis par la population ? En pareil cas, pourquoi entameraient-elles une démarche qui, toujours selon elles, a peu de chances d’aboutir à une aide concrète ? D’ailleurs, les personnes-soutien qui profitent déjà des services du réseau de soutien formel affichent, elles aussi, une certaine réticence, puisqu’elles hésitent souvent à en demander encore plus. La crainte de tout perdre, de déranger, la peur du refus et la volonté de ne pas abuser du système les incitent fortement à se contenter de ce qu’elles ont. Fréquemment, elles considèrent qu’elles ont déjà bien de la chance d’avoir ce qu’elles ont dans un contexte où elles n’entendent parler que de compressions budgétaires et donc de services ne pouvant tout simplement plus répondre à la demande. Avoir huit heures de services par semaine, c’est déjà beaucoup. Il ne faut pas abuser du système, nous disent certaines personnessoutien. En outre, des personnes-soutien sont réticentes à utiliser les services de soutien formels, parce qu’elles ne connaissent pas les personnes qui pourraient venir à la maison les aider. À cet égard, les plus irréductibles alimentent leur refus par une volonté ferme de vouloir tout faire seules et sans aide, jusqu’à l’épuisement. Dans ce contexte, il est fréquent que
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les personnes-soutien tentent par tous les moyens de démontrer justement qu’elles sont en mesure de se débrouiller sans l’aide des services formels. Elles mettent ainsi tout en œuvre pour que la maison soit impeccable et que la personne dépendante puisse profiter de toutes les attentions qu’exige son état de santé physique et mentale. Dès lors, on assiste ni plus ni moins au déploiement du rôle de la femme-orchestre : conjointe, coordonnatrice des soins, infirmière, préposée au malade, personne de compagnie pour parler et, surtout, pour écouter l’aidé, auxiliaire familiale, cuisinière, surveillante de jour et de nuit pour prévenir les accidents dans la maison et intervenir rapidement en cas de besoin, chauffeuse accompagnatrice aux multiples rendez-vous, femme d’entretien pour les tâches intérieures et extérieures, administratrice comptable, etc. Parfois, le déploiement des efforts de cette femme-orchestre se fera jusqu’au moment où elle ne sera plus en mesure de remplir aucune de ces tâches. En ce qui concerne les personnes-soutien qui reçoivent déjà du soutien formel, on observe que certaines d’entre elles expriment leur réticence en faisant le ménage de la maison avant la venue de l’auxiliaire familiale. Elles veulent ainsi montrer que l’aide reçue n’est pas essentielle. Des personnes-soutien tentent de justifier leur réticence en expliquant qu’elles ne peuvent se résoudre à accepter que des inconnus envahissent leur espace domestique. Elles considèrent que le fait de prendre soin implique essentiellement une relation dyadique entre l’aidante et l’aidé où les étrangers sont systématiquement exclus. En d’autres mots, elles considèrent que prendre soin doit demeurer la tâche d’une seule et même personne : elles-mêmes. Je ne veux pas qu’un étranger soit toujours dans mes propres affaires. Je ne veux pas être inquiète en quittant la maison et en laissant mon mari entre les mains d’une personne étrangère à la famille. La réticence, c’est aussi une question de fierté. Les personnessoutien ne veulent surtout pas que tout l’entourage (la famille, les amis, les voisins, le village, etc.) sache qu’elles sont en difficulté et qu’elles ont besoin d’aide. Parfois, elles expriment même la peur que la confidentialité de leur dossier ne soit pas respectée. La réticence, c’est également la crainte que l’utilisation de services ne change leur routine et que cette aide extérieure ne déséquilibre la personne dépendante. On a peur que l’utilisation de services formels occasionne une plus grande charge plutôt qu’un réel répit. Lorsqu’on regarde les raisons de la réticence des personnes-soutien, on se rend compte qu’elles varient en intensité d’une personne à l’autre. En effet, pour certaines, la réticence peut être faible et par le fait même assez facile à contourner avec un peu plus d’informations et de précisions
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sur les services. Par exemple, une meilleure connaissance du mode de prestation des services inciterait probablement plusieurs personnes-soutien à s’en servir, alors qu’elles ne le font pas actuellement par gêne ou par peur de l’inconnu. En fait, il semble que plusieurs de ces personnes accepteraient volontiers une aide qui leur serait directement offerte, car elles n’osent pas en faire la demande de peur d’avoir l’air de quémander, de quêter ou de vouloir la charité. Cette aide serait également beaucoup plus acceptable si elle était introduite de façon progressive, ce qui aurait pour effet de rassurer à la fois la personne dépendante et la personne-soutien. À ce qui précède il est utile d’ajouter que la relation entre la personne-soutien et la personne aidée et la dynamique de soutien qui existe entre les deux ont un impact sur l’intensité de la réticence à l’égard de l’utilisation des services de soutien formels. Concrètement, les personnessoutien sont prêtes à offrir aux aidés le soutien qui leur est nécessaire. Toutefois, elles exigent, dans la mesure du possible, que la personne aidée apporte sa propre contribution à la gestion de ses soins. L’existence de cette collaboration entre l’aidante et l’aidé fait en sorte que ces personnes ne voient pas toujours la nécessité de faire appel à de l’aide extérieure. Puisque tout semble fonctionner, pourquoi demander de l’aide ? Dans ce contexte de collaboration, l’aidante et l’aidé parviennent à maintenir l’illusion que tout va toujours bien aller. En ce sens, quand tout va bien, les raisons qui incitent les personnes-soutien à recourir à du soutien semblent en effet plus rares que lorsque la situation dans la dyade est difficile ou conflictuelle. Mais même dans le cas d’une relation ardue entre l’aidante et l’aidé, il faut nuancer, car on observe que ce ne sont pas toutes les personnes-soutien qui vont faire appel aux services pour se faciliter la tâche. Il faut comprendre que les multiples responsabilités du « prendre soin « s’exercent dans un contexte où les personnes-soutien remplissent d’autres rôles sociaux comme celui de conjoint ou de parent où elles font également appel à des compétences, de l’expérience et des capacités physiques et psychologiques. Très souvent, les personnes-soutien doivent s’occuper seules de toute la destinée de la maison. Il est fréquent qu’elles soient dans l’obligation de quitter leur emploi pour remplir les tâches nécessaires. Comme le dit une aidante : Prendre soin, c’est atteindre rapidement ses limites, c’est vivre un deuil de sa propre vie, c’est perdre son indépendance, c’est l’obligation d’avoir une vie bien organisée pour satisfaire les besoins d’une autre personne et c’est plonger dans l’isolement. Selon un autre témoignage : C’est dur de s’occuper de mon mari, parce qu’il ne parle presque plus. Il y a de moins en moins de personnes [ami et parenté] qui viennent nous voir, parce qu’il ne dit plus grand-chose. Cette situation fait en sorte que je me sens de plus en plus isolée. Ma maison est devenue ma propre prison
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parce que je ne peux plus sortir, ne pouvant pas laisser mon mari seul à la maison. Pour réussir à bien s’occuper de mon mari, il faut de la patience, beaucoup de patience, car il accepte mal sa situation. J’aime m’occuper de mon mari, mais j’accepte difficilement de subir la tension, la pression générée par le fait que je suis seule à m’en occuper.
Dès lors, graduellement, les personnes-soutien en viennent par la force des choses à prendre toutes les décisions. Loin d’être facile, une telle situation peut parfois engendrer des frictions entre l’aidante et l’aidé. La question est de savoir jusqu’où les uns peuvent exercer leur autorité ou leur contrôle sur les autres. Jusqu’où peut-on agir à sa guise lorsqu’on est entièrement dépendant d’une autre personne pour assurer son bienêtre, sa survie ? Bien entendu, avec le temps, la dépendance de l’un et la fatigue de l’autre font en sorte que la relation entre l’aidante et l’aidé n’est pas toujours harmonieuse. Parfois frustrés par leurs limitations, les aidés deviennent colériques, impatients et exigeants vis-à-vis des personnessoutien. Nullement en reste, celles-ci peuvent afficher les mêmes comportements envers les personnes dépendantes. Les accrochages peuvent donc être nombreux et les échanges durs et blessants, même s’il existe une affection réciproque entre l’aidé et l’aidante. Malgré tout, par un souci commun de maintenir la personne aidée à domicile, la relation entre l’aidante et l’aidé est souvent empreinte de compromis. Ces compromis ne sont pas toujours faciles à trouver et, surtout, à maintenir, car prendre soin s’inscrit dans une trajectoire en évolution. En effet, l’état de santé des aidés va rarement en s’améliorant et cette dégradation inéluctable, trop fréquemment conjuguée à l’accumulation de fatigue morale et physique chez l’aidante, contribue à établir un climat de frustration, de fatalisme et de désespoir dans la relation entre les deux personnes. Mais, malgré cela, rares sont les personnes-soutien et les aidés qui vont rapidement accepter du soutien des services formels. On préfère encore espérer que la situation va se stabiliser et que l’on saura surmonter les embûches avec succès. Parmi les personnes-soutien, certaines utiliseront les services de soutien formels seulement lorsqu’elles ne seront plus capables de faire autrement. Bien souvent, elles n’ont jamais été malades et ne sont donc pas prêtes à demander de l’aide, puisqu’elles n’en voient pas la nécessité. Elles vont s’y résoudre lorsqu’elles « se ramasseront sur le carreau ». Même si on leur propose du soutien pour leur permettre de rester en bonne santé plus longtemps, elles refuseront tant qu’elles auront le choix. Entre-temps, l’orgueil, la fierté et le désir de démontrer qu’elles peuvent encore tout faire seules font obstacle au recours aux services qu’elles jugent par contre utiles et même essentiels pour les personnes qui ne peuvent suffire à la tâche seules. La réticence est un comportement d’autant plus contradictoire que les
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personnes-soutien reconnaissent sans peine que prendre soin est une responsabilité qui, tôt ou tard, viendra à bout de leur résistance physique et psychologique. En fait, l’espoir consiste à repousser le plus loin possible l’échéance de la demande de soutien. Enfin, il faut bien dire que pour d’autres personnes-soutien le degré de la réticence atteint des sommets. Dans ces cas, on a l’impression que l’acceptation de l’aide ne se fera qu’au seuil de leur mort. Pour ces personnes, la famille seule est autorisée à s’occuper de la gestion des soins. Comme une personne-soutien le dit : Nous autres, on est tranquilles comme ça. On est capable de subvenir à nos besoins sans aide. On ne veut donc pas recevoir d’aide du CLSC. Seule l’aide des membres de notre famille immédiate est acceptable. Avec les membres de la famille, on n’a pas de crainte et on n’est pas mal à l’aise. On est capables de s’arranger ensemble comme ça.
Somme toute, pour éviter d’en arriver à demander des services de soutien formels, les personnes-soutien établissent des règles auxquelles doivent se plier les aidés et, évidemment, tout le reste de la maisonnée. En contrepartie, les aidés jouissent presque toujours d’un endroit de la maison qui est strictement le leur. Quel que soit l’endroit où ils vivent (dans leur propre maison, chez leurs enfants, chez un neveu, etc.), on s’arrange toujours pour qu’ils se sentent chez eux. Les personnes-soutien considèrent rarement les aidés comme des pensionnaires et encore moins comme des invités : ils font partie intégrante de la famille.
2.2.
LA RÉTICENCE ET LES AUTRES ACTEURS FAMILIAUX
Les personnes aidées et les autres membres de la famille sont-ils réticents à utiliser les services formels ? La réticence ne se limite pas aux personnes-soutien. Les entrevues révèlent que plusieurs personnes aidées et des membres de la famille expriment une réticence parfois farouche à l’égard de l’utilisation des services de soutien formels. Ce comportement fait d’ailleurs en sorte que les aidantes se voient dans l’obligation de limiter au minimum ou de refuser, parfois contre leur gré et malgré un besoin flagrant d’aide, toute forme de soutien pour éviter toute friction ou de peur d’attiser les frustrations et les récriminations de l’aidé. À cet égard, les personnes-soutien savent que l’aidé ne veut pas recevoir ce genre de services à domicile. C’est à ce point vrai que des personnes aidées adoptent une attitude insidieuse visant à culpabiliser la personne-soutien. Cela fait en sorte que la tension existant entre l’aidante et l’aidé engendre de la fatigue, du découragement et de l’isolement chez le premier et de la rancœur chez le second.
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Dès lors, par crainte d’une vive réaction de la part de la personne aidée, l’aidante s’arrange seule ou, au mieux, fait appel occasionnellement aux membres de la famille. Par exemple, elle craint que l’aidé ait un comportement douteux ou encore inacceptable envers les personnes qui pourraient venir aider à la maison. Que se passera-t-il lorsque l’auxiliaire familiale ira donner un bain ? Les personnes qui viendront à la maison se feront-elles insulter ou, pis encore, bousculer ? Par ailleurs, les personnessoutien ne veulent surtout pas donner l’impression à la personne aidée qu’elles s’en remettent à d’autres pour exécuter leur travail. En fait, tout porte à croire que la réticence à l’égard de l’utilisation des services est tout aussi fréquente parmi les personnes aidées que chez les personnes-soutien. Les personnes aidées sont réticentes parce qu’elles acceptent parfois mal leur limitation d’activités. Être dépendantes leur est déjà difficile à vivre et recevoir de l’aide ne fait que confirmer un état de dépendance qu’elles refusent souvent d’accepter. Chez d’autres, c’est le manque de confiance envers les étrangers qui prédomine. Les personnes aidées ne veulent pas que des inconnus mettent leur nez dans leurs affaires personnelles, qu’ils fouillent dans leurs tiroirs et, pis encore, qu’ils volent leurs maigres ressources. D’autres encore refusent carrément que des personnes de sexe opposé les aident à faire leur toilette. Leur orgueil, déjà fortement entamé par l’obligation d’être aidées, les incite à refuser l’aide de personnes pour les déshabiller ou les laver dans le bain. Seule l’aide du conjoint paraît acceptable, pour ne pas dire tolérable, en pareilles circonstances. Même si les personnes-soutien et les personnes aidées sont nombreuses à ne pas vouloir profiter des services de soutien formels pour l’entretien ménager, le gardiennage ou encore les soins d’hygiène, il est à noter qu’elles sont toutefois rares à refuser les services médicaux à domicile donnés par l’infirmière ou le médecin du CLSC. Loin d’être jugées envahissantes, ces visites sont appréciées de tous, car elles évitent aux aidantes et aux aidés les déplacements au centre hospitalier ou au CLSC. Les soins et les conseils prodigués par les infirmières et les médecins permettent aussi de rassurer autant la personne-soutien que la personne aidée. En fait, ce qu’il faut comprendre dans le cas des personnes-soutien, c’est que les services médicaux courants qu’elles acceptent couvrent un champ de soins où elles se sentent pour le moins incompétentes. En plus, ces services ne viennent pas ternir l’image qu’elles veulent projeter, soit celle de personnes capables de se débrouiller seules pour s’occuper de la maison et de la personne dépendante. Par ailleurs, il importe de signaler que les autres membres de la famille peuvent favoriser la réticence chez les personnes-soutien et les personnes aidées en adoptant une attitude négative à l’égard des services
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de soutien formels et envers les aidantes qui ne sont pas capables de se débrouiller seules. Les pressions qu’ils exercent, qu’elles soient directes ou plus subtiles, finissent souvent par influencer les décisions des aidées et des personnes-soutien dans le choix de recourir ou non à une aide extérieure à la famille. Il n’est pas rare que certains membres de la famille, tout comme certaines personnes aidées, culpabilisent la personne-soutien lorsqu’elle utilise les services de soutien formels. Certains feront ainsi circuler des rumeurs voulant que la personne-soutien se paye du bon temps au lieu de s’occuper à temps plein de la personne dépendante. En ce sens, la réticence, lorsqu’elle n’est pas unanime au sein de la famille, est toujours plus dommageable pour les personnes-soutien. En effet, ce sont elles qui doivent compenser l’absence d’aide extérieure lorsque celleci n’est pas désirée. Ce sont également elles qui doivent supporter les sarcasmes de la famille et les sautes d’humeur de l’aidé lorsqu’elles utilisent les services de soutien formels. En fait, lorsque les personnes-soutien sont seules à désirer cette aide, elles risquent d’être perdantes, et ce, quelle que soit leur décision finale d’utiliser ou non les services. Du reste, si la réticence n’est nullement circonscrite aux personnessoutien, il faut admettre et surtout souligner que ce phénomène n’est pas universel ni stable dans le temps. Dans la dynamique familiale de la gestion des soins, il arrive qu’on fasse rapidement appel aux services de soutien formels, comme il est possible que l’utilisation des services se fasse après des mois, voire des années de soins. À titre d’exemple, on a observé que des personnes aidées acceptent parfois avec joie une aide extérieure qui est l’occasion de rencontrer d’autres personnes pour se changer les idées. D’autres apprécient les visites quotidiennes ou hebdomadaires parce qu’elles leur reconnaissent une utilité ou, encore, parce que les personnes qui viennent aider sont gentilles et attentionnées. D’ailleurs, il faut aussi mentionner que les membres de la famille sont généralement les premiers à inviter les aidantes à recourir aux services formels.
2.3.
LA RÉTICENCE ET LE SOUTIEN FAMILIAL ET INFORMEL
Les personnes-soutien sont-elles réticentes uniquement à l’égard des services formels ? La réticence des personnes-soutien ne se limite pas à l’utilisation des services de soutien formels, loin de là. Les aidantes hésitent également à faire appel au réseau de soutien informel (amis, voisins, organismes non gouvernementaux, etc.) et au soutien familial (enfants, frères, sœurs, etc.). En fait, d’un côté, elles ne veulent pas demander l’aide de personnes qui ne
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font pas partie de la famille et, de l’autre côté, elles n’osent pas faire appel aux membres de la famille de peur de les déranger parce qu’ils travaillent ou encore parce qu’ils ont leurs propres soucis quotidiens. Les personnes-soutien désirent toutes se débrouiller seules, et ce, pour diverses raisons. Toutefois, on observe que le degré de réticence varie beaucoup selon le type de réseau. Ainsi, on accepte plus facilement l’aide des membres de la famille comparativement à celle des amis ou des voisins. Et lorsque vient le temps de demander de l’aide à des inconnus du réseau de soutien formel, la réticence devient alors nettement plus forte. Les personnes-soutien affichent moins de réticence à profiter des services de soutien informel et familial, parce que l’aide fournie dans ce cas est épisodique (sur demande et pour des besoins très précis) et qu’elle n’engage à rien. Élément plus important encore, cette aide peut être fournie par des personnes connues en qui les personnes-soutien ont confiance. En définitive, l’aide du réseau de soutien familial est acceptable, mais quand tout va bien elle n’est pas nécessaire. Pourquoi, alors, courir après les membres de la famille quand on sait qu’ils ont à faire face à leurs propres obligations professionnelles et familiales ? Ce que disent souvent les personnes-soutien, c’est que les autres membres de la famille ont assez de leur travail à faire : ils ne sont quand même pas obligés de venir faire le nôtre. L’aide occasionnelle qu’ils apportent est néanmoins jugée utile et même nécessaire. En contrepartie, jamais ils ne pourraient assurer un soutien sur une longue période. Dans ces conditions, aussi bien essayer de se débrouiller seules, concluent les personnes-soutien.
2.4.
LA RÉTICENCE, L’ÂGE ET LE SEXE
La réticence varie-t-elle selon l’âge et le sexe ? Selon toute vraisemblance, la réticence à l’égard des services formels est moins forte parmi les plus jeunes aidantes, alors qu’elle augmente en fréquence et en intensité chez les plus âgées. Les personnes âgées déclarent avoir peur d’être bousculées dans leur routine et dans leurs habitudes pour justifier leur réticence. La présence d’un étranger qui vient aider à la maison exige parfois un effort d’adaptation que beaucoup de personnes âgées ne sont pas en mesure de fournir. Elles acceptent mal que leur univers, autrefois caractérisé par une forte autonomie et une grande liberté d’action, qu’elles ont mis des années à construire, s’écroule aussi rapidement sous leur regard impuissant. À titre d’exemple, voici les propos d’une aidante dans la soixantaine. Je ne veux pas l’aide du CLSC, car je
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me sens encore capable de me débrouiller, je peux régler mes affaires toute seule. Je ne suis pas assez mal prise pour demander de l’aide et je suis trop fière pour demander de l’aide à des inconnus. Tout comme l’âge, le sexe des personnes-soutien semble entrer en ligne de compte, puisque les hommes sont prêts à demander plus souvent et plus rapidement des services que les femmes. Les différences observées en fonction de l’âge et du sexe pourraient s’expliquer, entre autres choses, par le fait que les personnes les plus âgées, plus particulièrement les femmes, ont appris à se débrouiller seules, sans l’aide d’autrui. Elles ont toujours privilégié cette pratique dont elles peuvent difficilement se défaire.
2.5.
LA RÉTICENCE ET L’ORGANISATION DES SERVICES
La réticence est-elle liée à des lacunes dans l’organisation des services ? Les entrevues auprès des personnes-soutien laissent entendre qu’un manque flagrant d’informations sur les services entrave l’accessibilité aux services. En effet, des personnes-soutien ne savent pas qui rejoindre au CLSC pour avoir de l’aide et elles ne savent même pas ce qu’elles peuvent demander comme services. Il semble qu’il y ait peu d’informations qui circulent à ce sujet. Les CLSC auraient tout à gagner en expliquant mieux aux personnes-soutien et aux aidés quels genres de services ils peuvent offrir et quels bénéfices l’aidante et l’aidé peuvent en retirer. On reproche aux intervenants de ne pas assez insister sur le fait que l’aide des CLSC et des centres de jour empêche ou retarde l’institutionnalisation de la personne dépendante. De plus, ils ne soulignent pas assez clairement que demander de l’aide du CLSC et des centres de jour, ce n’est pas profiter du système. Des usagers trouvent que les services offerts par les CLSC souffrent d’une certaine rigidité. Ils déplorent qu’on les oblige à justifier leurs besoins, pour du gardiennage par exemple. De plus, les services de gardiennage imposent aux usagers qu’ils prévoient leurs besoins de répit, car ce genre de services n’est pas offert sur appel. Dès lors, il leur faut penser à planifier pour réserver certaines journées. Des personnes-soutien considèrent que l’aide des CLSC est nettement insuffisante. Ce ne sont pas quelques heures d’aide par semaine qui, selon elles, leur permettront de souffler et de continuer à assurer la prise en charge. Les CLSC refusent parfois d’offrir les services requis parce qu’ils disent ne pas avoir assez de budget pour suffire à la demande. De pareils refus font en sorte que beaucoup de personnes-soutien hésitent à faire à nouveau des demandes même si leurs besoins sont pressants et
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amplement justifiables. D’ailleurs, plusieurs personnes-soutien utilisent toutes les heures d’aide offertes par les CLSC, même si elles n’en ont pas toujours besoin. Elles ont simplement peur de les perdre définitivement si elles ne les utilisent pas toutes. En ce qui regarde les coûts, il ressort que la gratuité des services fournis par les CLSC n’est pas toujours clairement établie. Des personnessoutien et des personnes aidées déplorent le fait qu’elles aient été obligées de payer pour certains services, alors qu’on leur avait initialement affirmé le contraire. En ce qui concerne l’allocation distribuée par les CLSC pour payer des services d’auxiliaire familiale et de répit, ces crédits devraient pouvoir servir à l’embauche de membres de la famille. Il faut mentionner par ailleurs que ceux qui utilisent déjà des services de soutien formels affichent un niveau élevé de satisfaction à leur égard. Il ressort des entrevues que personne ne regrette d’avoir demandé les services des CLSC et des centres de jour. Bien au contraire, si c’était à refaire, les personnes-soutien auraient recours beaucoup plus rapidement à ces services. La réticence que plusieurs d’entre elles avaient exprimée avant qu’elles n’utilisent les services n’existe manifestement plus. Pour plusieurs, l’utilisation de ces services permet d’allonger la durée du maintien à domicile de la personne aidée en allégeant leurs tâches et en leur accordant un peu de répit lorsque c’est nécessaire. La qualité des services offerts, la disponibilité du personnel et sa gentillesse sont généralement reconnues autant par l’aidante que l’aidé. Cette appréciation s’exprime bien dans le témoignage suivant : Si je n’avais pas le CLSC, je ne sais pas comment je pourrais m’arranger. Nombreuses sont les personnessoutien et les personnes aidées qui n’hésiteront plus désormais à faire appel aux services de soutien formels et qui inciteront leurs proches à faire de même : Maintenant que je sais ce qu’est l’aide du CLSC, j’aimerais pouvoir profiter de cette aide lorsque je serai plus vieille. Les services sont bons et je conseille fortement à mes proches d’en profiter. En ce sens, les services démontrent une utilité indéniable et il est évident que certaines personnes-soutien désirent les utiliser encore plus.
2.6.
LA RÉTICENCE COMME PHÉNOMÈNE DE CULTURE
La réticence est-elle un phénomène de culture ?
2.6.1.
La solidarité familiale comme norme
Pour comprendre la réticence des personnes-soutien à l’égard de l’utilisation des services formels, il faut garder en tête que, loin de tirer son origine d’une décision spontanée vide de toute signification, le fait de
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prendre soin d’une personne âgée dépendante est la conséquence directe de l’intégration de la solidarité familiale comme norme. Selon les personnessoutien, c’est à la famille immédiate qu’incombe la responsabilité de prendre soin. L’amour filial, conjugal ou familial est la manifestation la plus évidente de la solidarité familiale. Ainsi, pour certaines personnessoutien, il est inconcevable de ne pas prendre soin de son conjoint, de sa mère ou de son enfant. Prendre soin, dans ce cas, va tout simplement de soi, puisque c’est d’abord une responsabilité familiale : C’est normal que je prenne soin de mon mari, c’est ma responsabilité et pas celle d’une autre personne. Une autre personne-soutien mentionne : Je suis pleine de courage et il n’y a personne qui peut le faire à ma place. Alors, je le fais. Par contre, cela m’oblige à mettre mes intérêts complètement de côté. Je ne sors pas, je ne m’habille pas. Je m’oublie complètement. C’est naturel pour moi de faire cela. À la longue, ça devient dur pour le moral, ça m’épuise et me stresse. C’est un peu fou et c’est anormal, mais je suis heureuse de le faire. J’aime me rendre utile.
Qui d’autre qu’un membre de la famille immédiate pourrait s’occuper convenablement de la personne dépendante ? En fait, il ne faut surtout pas laisser l’aidé entre les mains de personnes étrangères à la famille et encore moins l’abandonner ; c’est-à-dire institutionnaliser un être aimé. Il est à signaler que certaines personnes-soutien ne demandent pas d’aide par peur qu’une telle démarche entraîne le placement de la personne dépendante. Par ailleurs, les entrevues montrent que prendre soin est également considéré comme allant de soi par la personne âgée et par les autres membres de la famille. Il est en effet rare que la personne dépendante estime que l’aide dont elle a besoin puisse lui être fournie autrement que par l’entremise du conjoint, d’un enfant ou d’un autre membre de la famille. Rarement va-t-elle suggérer à la personne-soutien d’aller chercher de l’aide extérieure et encore plus rarement va-t-elle remettre en question les efforts que l’aidante va tenter de faire seule. Pour ce qui est des autres membres de la famille, ils considèrent, comme la personne-soutien, que ce sont eux les mieux placés pour s’occuper de la personne aidée. Malgré cette position des autres membres de la famille, il est à noter que si ces derniers participent à l’actualisation de la solidarité familiale en accordant certains services aux personnes-soutien, ces services demeurent plus souvent qu’autrement irréguliers et pas toujours adaptés aux besoins des aidantes. À vrai dire, les personnes-soutien sont souvent laissées à elles-mêmes pour répondre aux exigences de la gestion quotidienne des soins. Les autres membres de la famille n’interviennent fréquemment qu’en cas de difficulté majeure ou lorsque les
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circonstances demandent la présence de plus d’une personne. De plus, le soutien des autres membres est d’ailleurs parfois tributaire de leur capacité à faire face à la maladie. Selon des personnes-soutien, des membres de la famille semblent craindre la vue du malade comme s’ils se voyaient dans un miroir.
2.6.2.
Devoir et obligation
Le soutien familial nécessaire à la personne âgée dépendante s’actualise en référence au devoir et à l’obligation de venir en aide à un proche en cas de besoin. Comme le dit une personne-soutien : Il s’agit d’une obligation, car on est obligé envers ses enfants et son conjoint. En ce sens, la responsabilité de prendre soin est une obligation qu’il faut donc d’emblée accepter. Il s’agit d’un devoir qui fait en sorte que, moralement, on se sent dans l’obligation de prendre soin de son conjoint, d’un enfant, etc. En aucune façon, elles ne sentent qu’elles peuvent échapper à cette responsabilité que, du reste, elles acceptent d’assumer entièrement. De nombreuses aidantes insistent sur ce point en disant : Notre famille s’est toujours tenue ensemble. Il s’agit, à leurs yeux, d’un argument irréfutable et surtout incontournable. D’ailleurs, les personnes-soutien qui considèrent que leur rôle relève d’une obligation morale sont probablement parmi les plus réticentes à utiliser les services de soutien formels. Elles ne voient pas comment elles pourraient tenir leur engagement autrement qu’en « n’abandonnant pas » l’aidé. Par contre, pour les personnes-soutien qui considèrent que leur rôle d’aidantes s’apparente à un chemin de croix auquel elles aimeraient bien échapper, on peut aisément croire qu’une aide extérieure est généralement plus souvent la bienvenue.
2.6.3.
Réciprocité et sentiment de culpabilité
Si la responsabilité de prendre soin se fait sous le signe du devoir et des obligations, le lien de réciprocité intervient comme valeur d’échange au sein de la famille. Une très forte majorité des personnes-soutien s’entendent pour dire que dans la situation inverse l’aidé aurait certainement offert une aide similaire. Pour les enfants, par exemple, il s’agit d’un juste retour des choses. N’est-ce pas les parents qui leur ont permis de vivre, d’avoir un toit et de manger trois repas par jour ? En fait, les enfants remettent à leurs parents ce que ces derniers ont toujours fait pour eux. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les personnes-soutien ne voient pas comment elles pourraient faire autrement sans se culpabiliser et avoir des remords, même si prendre soin exige parfois des sacrifices importants. Car prendre soin d’une personne en perte d’autonomie, c’est avoir un surcroît de responsabilités, c’est se culpabiliser lorsqu’on ne peut pas satisfaire tous les besoins de l’aidé…
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CONCLUSION Les données qualitatives décrites dans cette étude exploratoire sur la réticence des personnes-soutien et des autres membres de la famille à l’égard de l’utilisation des services formels sont conformes à celles décrites ailleurs à partir du point de vue d’informateurs clés (Paquet, 1999). Certes, toutes les personnes-soutien ne sont pas réticentes à utiliser les services. Des personnes-soutien montrent une attitude d’ouverture à l’égard des services. Souvent, d’ailleurs, elles les connaissent assez bien et en reconnaissent la qualité et l’utilité. Ces personnes ont nettement conscience, entre autres choses, de leurs propres limites physiques et psychologiques dans le fait de prendre soin. Elles savent très bien que l’utilisation de services est un atout important pour maintenir à domicile la personne âgée dépendante. Par contre, même si la réticence varie en intensité d’une personnesoutien à l’autre, elle existe bel et bien. À l’extrême limite, des personnessoutien font référence à la règle du dernier recours comme critère d’utilisation des services, ce qui n’est pas sans menacer, à plus ou moins long terme, leur santé. Par ailleurs, fait intéressant à noter, la réticence n’est pas unique aux personnes-soutien. En effet, la réticence s’inscrit dans une dynamique familiale et peut être présente tant chez les personnes âgées que chez les autres membres de la famille. Comme on a pu le constater, la nonacceptation de la condition de dépendance de la personne âgée et la dynamique des liens intrafamiliaux sont des raisons qui peuvent retenir les personnes-soutien d’utiliser les services. Un autre aspect intéressant des données précédentes, c’est qu’on aurait tort de croire que la réticence se limite aux services formels. La réticence s’observe autant à l’égard du réseau de soutien informel que, de façon plus étonnante, à celui du soutien familial. La logique qui domine chez les personnes-soutien, c’est de faire en sorte de se débrouiller seules. Si un soutien se révèle nécessaire, elles auront plus tendance à se tourner, quoique parcimonieusement, vers les membres de leur famille. Cette aide est plus acceptable pour elles que le soutien des voisins ou des organismes communautaires. Par ailleurs, on a pu démontrer que la réticence varie selon l’âge et le sexe. Il semble beaucoup plus facile pour les personnes-soutien plus jeunes de faire appel aux services que pour les personnes plus âgées. Les personnessoutien âgées s’accommodent mal des « étrangers » et d’un dérangement de leur routine quotidienne qui menace leur autonomie et leur liberté d’action. Pour ce qui est du sexe des personnes, il ne semble pas inutile de revenir sur le fait que les femmes sont plus réticentes que les hommes à utiliser les services, même si ce sont elles qui, en grande majorité, assument la responsabilité de prendre soin d’une personne âgée dépendante.
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Du reste, on est arrivé à dire que la réticence s’explique par des lacunes dans la structure de l’organisation des services : le manque d’information sur les services, l’accès, le coût, la rigidité, etc., sont au nombre des raisons faisant obstacle à l’utilisation des services. Enfin, il apparaît que la réticence est un phénomène de culture. À cet égard, on ne doit certainement pas négliger la nécessité d’améliorer la structuration des services pour les personnes-soutien. Cependant, il faut garder présent à l’esprit que d’importantes « barrières culturelles » sont sous-jacentes à la question du recours aux services. Par exemple, on a observé que la solidarité familiale agit comme une norme dans les pratiques de soins à domicile. Dès lors, émergent spontanément le sens des responsabilités familiales ou le devoir, et les obligations à l’égard d’une personne dépendante sont remplies au nom d’un code d’honneur qui n’est pas vide de sens pour plusieurs membres de la famille. Dans ce contexte, il apparaît anormal pour bien des personnes-soutien de faire appel aux services, car c’est comme si elles avaient l’impression d’abandonner la personne âgée ou de la laisser entre les mains de personnes inconnues. Les barrières culturelles sont, plus souvent qu’autrement, occultées dans la planification et l’organisation des services. Pourtant, le virage ambulatoire par exemple consacre le domicile « comme lieu d’intervention sociosanitaire » (Conseil du statut de la femme, 1996). Or, l’intervention à domicile s’effectue dans la sphère privée des personnes et pose des exigences différentes de l’intervention dans la sphère publique, en l’occurrence à l’hôpital. Selon le Conseil du statut de la femme (1996, p. 21 : […] il est difficile, à l’heure actuelle, de connaître les exigences et les contraintes de l’intervention à domicile, d’autant que les documents ministériels ne font pas référence aux implications liées à l’intervention à domicile. Cette situation traduit tant une méconnaissance qu’une non-reconnaissance des différences qui existent entre soins donnés en milieu hospitalier et ceux prodigués au domicile de la personne.
Pour nous, il apparaît qu’une des contraintes de l’intervention à domicile est que le domicile, avant d’être un lieu d’intervention, est d’abord un lieu privé qui constitue « un espace de résistance » pour toute forme d’intervention en provenance de l’extérieur de la famille. C’est un espace habité par une culture avec des normes, des manières de faire, de penser et d’agir. Dans cet espace, les acteurs familiaux ne sont pas toujours faciles à approcher, car ils ont tendance à se méfier et à être prudents face aux « étrangers ». Pour pénétrer le plus harmonieusement possible cet espace, il faut préalablement établir de solides liens de confiance avec tous les acteurs familiaux, et cela demande parfois beaucoup de patience et de temps.
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Selon toute vraisemblance, la création de liens s’avère une condition sine qua non à l’intégration et à l’utilisation de services. Or, le virage ambulatoire impose la prestation des services médicaux courants à domicile et la famille n’a pas d’autre choix que de prendre le virage. Dans ce contexte d’obligation, comment est-il possible de structurer des liens de confiance et de faire en sorte que les personnes-soutien puissent utiliser préventivement les services qui leur sont nécessaires et accessibles ? Sur le plan éthique, cette question interroge concrètement le milieu de la pratique dans sa capacité à pénétrer dans les familles autrement qu’en étrangers qui viennent envahir leur espace domestique. Le virage ambulatoire rend incontournable et urgente l’exploration du domestique comme lieu d’intervention. En effet, on connaît mal cet espace. Or, sa compréhension est nécessaire pour guider l’action, car au-delà des soins médicaux le milieu de la pratique n’est pas outillé pour intervenir selon les règles propres au fonctionnement des familles dans la gestion quotidienne des soins. À cet effet, il est à souhaiter qu’aux avancées de la technologie biomédicale, qui permettent le virage ambulatoire, s’ajoute une plus grande connaissance anthropologique de l’intervention de soins à domicile, puisque l’humain doit rester au centre des préoccupations de toute réforme, quel que soit le virage que cette réforme prend.
RÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME (1996). Virage ambulatoire : notes exploratoires, Québec, Gouvernement du Québec. GARANT, L. et M. BOLDUC (1990). L’aide par les proches. Mythes et réalités. Revue de littérature et réflexion sur les personnes âgées en perte d’autonomie, leurs aidants et aidantes naturelles et le lien avec les services formels, Québec, Québec, Gouvernement du Québec, ministère de la Santé et des Services sociaux, Direction de l’évaluation. GUBERMAN, N., P. MAHEU et C. MAILLÉ (1991). Et si l’amour ne suffisait pas… Femmes, familles et adultes dépendants, Montréal, Éditions du Remueménage. LESEMANN, F. et C. CHAUME (1989). Familles-providence. La part de l’État, Montréal, Éd. St-Martin. PAQUET, M. (1999). Les professionnels et les familles dans le soutien aux personnes âgées dépendantes, Paris, L’Harmattan.
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E I T R P
A
3 CE QUE PENSENT LES PRATICIENS…
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C H A P I T R E
7 LES RÉSEAUX FORMEL ET INFORMEL EN ACTION
CHANTAL SAINT-PIERRE Université du Québec en Outaouais
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La deuxième moitié des années 1990 a été marquée par des changements majeurs dans le système des soins de santé au Québec. La conséquence en a été des bouleversements sans précédent dans la vie d’un nombre considérable de Québécois, mais surtout de Québécoises. Avant que les chercheurs ne se penchent sur ce phénomène pour le décrire et en expliquer les causes et les conséquences au quotidien, des femmes (et des hommes) de cœur ont manifesté créativité et engagement pour faire face au choc des transitions imposées. Quelques acteurs clés ayant vécu de près cette période charnière nous apportent leurs témoignages. Ce sont : un gestionnaire de ressources humaines dans le réseau de la santé (Martin Bédard) ; une représentante de regroupements d’aidants naturels (Nicole L’Heureux) ; et une dirigeante d’organisation syndicale (Sylvie Bélanger) responsable des conditions de travail des professionnelles du « prendre soin ». Ces personnes décrivent la manière dont on a réagi aux turbulences du système, les stratégies appliquées pour colmater les failles et endiguer les fuites. On trouvera dans les lignes qui suivent une tentative d’analyse succincte inspirée par leurs propos, selon sept perspectives différentes : 1) la perspective anthropologique, 2) la perspective politico-administrative, 3) la perspective économique, 4) la perspective féministe, 5) la perspective légale, 6) la perspective sociologique et la 7) perspective sanitaire.
1.
LA PERSPECTIVE ANTHROPOLOGIQUE
Le virage ambulatoire a définitivement bouleversé la pratique du soin : les soins professionnels autant que les soins prodigués par les proches. Les textes des participants à la table ronde 1 sont unanimes à cet effet. De leurs propos il est permis de dégager que les femmes plus que les hommes doivent supporter les conséquences des changements produits. En effet, le « prendre soin », à la fois un art et une science, est dans sa plus grande part associé au sexe féminin. Selon l’infirmière anthropologue MarieFrançoise Collière (2001, 1996), un examen de l’histoire du soin nous amène à constater que depuis très longtemps il existe une distinction entre le soin prodigué par les femmes et celui apporté par les hommes. En fait, ce sont les motivations profondes de chacun des types de soins qui sont différentes, selon elle. Les soins donnés par les hommes ont pour but de faire reculer la mort, alors que ceux donnés par les femmes prennent leur sens dans la finalité de protéger la vie. Ainsi, dans nos sociétés contemporaines – c’était du moins le cas jusqu’à tout récemment –, la médecine exercée en majorité par les hommes a pour mission première 1. Table ronde tenue en 1998, à Ottawa, à l’occasion du 67e congrès annuel de l’Association canadienne pour l’avancement des sciences.
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de combattre la maladie. Le prendre soin, qui a pour mission de protéger la vie, d’assurer le bien-être, est illustré par les professions comme celles d’infirmière et de sage-femme. Il existerait donc deux formes de soins donnés par les femmes : l’art du soin, d’abord, qui correspond pour Collière aux soins qui ne demandent pas de savoirs théoriques précis, mais plutôt un désir intrinsèque d’aider l’autre dans le besoin. Ces soins, dits génériques, sont donnés par des proches, qu’on qualifie actuellement d’aidantes ou d’aidants naturels. Le soin professionnel, pour sa part, allie art et science et demande une formation. Il s’exerce selon des règles de pratique très précises à la suite d’une formation poussée, entre autres dans la profession infirmière. Avec le virage ambulatoire, il semble que le soin fourni par les femmes ait pris une place considérable sans que les ressources et les structures suivent. Cela a entraîné une confusion entre les frontières des soins génériques et celles des soins professionnels.
2.
LA PERSPECTIVE POLITICO-ADMINISTRATIVE
Les personnes occupant un poste de décision dans le réseau de la santé québécois au moment des changements générés dans le sillon du virage ambulatoire ont déployé des efforts pour adapter leurs organisations au nouveau modèle. Il est évident que non seulement la pratique des soins, mais surtout la gestion de ceux-ci dans l’ensemble du réseau a dû être soumise à une révision en profondeur. Comme il est décrit dans le texte de Martin Bédard, gestionnaire de ressources humaines, le système québécois des soins de santé est passé d’une pratique institutionnelle et « hospitalocentrique » à une pratique dans la communauté. M. Bédard soutient avec justesse que les solutions alternatives à l’hospitalisation, comme les chirurgies d’un jour, les cliniques ambulatoires, les cliniques de préadmission et le suivi systématique de la clientèle, sont autant de pratiques nouvelles qui ont eu pour effet une diminution de la durée des séjours et un transfert de soins des établissements de santé vers le domicile. Les décideurs ont dû trouver des moyens de préserver la motivation chez les personnels affectés aux soins dans le réseau. Car, il ne faut pas se le cacher, le virage ambulatoire n’a pas été un changement de type émergent, mais plutôt un changement imposé politiquement sans trop de planification stratégique pour amoindrir les forces restrictives. Dans la gestion du changement, qui implique souvent les façons de faire, il convient de tenir compte non seulement des forces motrices en présence, qui étaient dans le cas de la réforme
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surtout politiques et économiques, mais aussi des forces restrictives, ici la résistance intrinsèque de chacun des acteurs. Prendre soin des personnels qui ont sans doute été heurtés de plusieurs façons par les changements est devenu le leitmotiv de certains gestionnaires de ressources humaines. Martin Bédard soutient que l’adoption d’une gestion à responsabilité partagée (shared governance) permet aux organisations de lutter contre la démobilisation des personnels en leur donnant plus de marge de manœuvre, plus d’espace d’intervention. Stimuler l’innovation est devenu une autre stratégie. L’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec a appliqué ce principe en publiant les innovations cliniques de ses membres (OIIQ, 1997). L’Ordre a ainsi démontré que de nombreuses initiatives prises par des infirmières leaders ont fait en sorte que le virage ambulatoire, à certains égards, a grandement bénéficié de l’expertise infirmière lors de l’implantation de la réforme. La mise sur pied par l’Ordre du prix Innovation clinique 3M constitue un autre exemple. En effet, la compagnie 3M soutient l’innovation dans plusieurs domaines en commanditant des prix ; l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec s’est associé à cette compagnie en 1995 afin de reconnaître des initiatives cliniques innovatrices, témoignage du dynamisme dont font preuve les membres de la profession infirmière pour s’adapter aux exigences d’un système en continuelle mutation. Un mauvais arrimage entre l’hôpital et le centre local de services communautaires peut être catastrophique. Ainsi, le déploiement de ressources vers les services de liaison devient une condition sine qua non de transitions harmonieuses entre le milieu hospitalier et le milieu naturel. Des approches de suivi systématiques de la clientèle devraient être mieux connues et plus exploitées. Ce type de gestion des épisodes de soins évite les ruptures entre les interventions propres à chaque secteur du réseau (Villeneuve, 1996, 1999). Nicole L’Heureux ajoute : « L’offre de services doit interpeller le corps médical, qui doit être disponible pour des situations d’urgence à domicile. »
3.
LA PERSPECTIVE ÉCONOMIQUE
Bien que l’objectif premier du virage ait été louable, soit de fournir aux bénéficiaires le meilleur environnement pour favoriser la guérison, les impératifs économiques ont eu un effet non escompté : la réduction des effectifs qui, à son tour, a entraîné une diminution de l’accessibilité à certains services, l’allongement des listes d’attente, une démotivation de nombreux intervenants et intervenantes et un sentiment d’insécurité parmi la population.
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Les soignants non professionnels (aidants naturels) ont dû faire face à des pertes de revenu souvent importantes. Ces personnes ont souvent dû diminuer leur participation au marché du travail rémunéré pour prendre soin d’un proche malade. Leurs revendications légitimes du droit à des congés payés pour prendre soin d’un proche doivent être entendues. Ces congés devraient s’apparenter aux congés parentaux, mais avoir la flexibilité des congés de maladie. Une sorte d’hybride entre les deux types de congés. Mme L’Heureux, qui représente un regroupement d’aide aux aidants naturels, parle de coûts cachés du virage ; le virage ambulatoire se traduit par deux réalités : 1) celle des services qui seront donnés au domicile du malade et 2) celle du malade qui devra se déplacer pour recevoir les services.
4.
LA PERSPECTIVE FÉMINISTE
Sylvie Boulanger, de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, éclaire cette perspective de façon magistrale. Selon elle, les soins aux proches malades ont été de longue date l’apanage des femmes. Nous appuyant sur ses propos, nous pouvons dire qu’un paradoxe s’est installé dans notre société ; on trouve, d’un côté, les préjugés sexistes qui alimentent des attentes envers les femmes au regard de la prise en charge des soins requis par leurs proches malades et de la quasi-gratuité des soins professionnels qu’elles donnent ; et de l’autre côté, les aspirations légitimes que cultivent sur le plan individuel et collectif les femmes contemporaines du point de vue de la carrière et de la réussite professionnelle. Les femmes assument aujourd’hui une vaste constellation de rôles ; cependant, prendre soin de leurs proches malades n’y occupe plus nécessairement une place privilégiée. Mme L’Heureux souligne judicieusement : « Le rôle d’aidant naturel est souvent quelque chose d’inattendu qui nous tombe dessus du jour au lendemain. » À cet égard, elle évoque avec justesse la notion de « consentement libre et éclairé » à exercer le rôle de soignant non professionnel.
5.
LA PERSPECTIVE LÉGALE
Nicole L’Heureux nous sensibilise à l’aspect légal des gestes professionnels posés à domicile par des proches. Cette situation représente une pratique de plus en plus courante, ainsi qu’en fait foi l’étude récente de Gagnon et al. (2001). Des actes soumis à des protocoles rigoureux lorsqu’ils sont accomplis par des infirmières auxiliaires en milieu institutionnel sont
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effectués après une brève formation et sans protocole par des proches au chevet d’un malade, c’est-à-dire sans la protection légale que confère la délégation d’acte. Mme L’Heureux met en garde : « On doit être vigilant pour ne pas dé-professionnaliser le travail des intervenants. » Elle nous renseigne également sur la notion trop souvent passée sous silence des droits et obligations des aidantes naturelles ; elle précise entre autres le droit à l’information sur les ressources disponibles.
6.
LA PERSPECTIVE SOCIOLOGIQUE
Les observateurs de la société contemporaine sont unanimes pour attester les changements profonds dans la famille contemporaine. Les mères de jeunes enfants continuent de travailler dans le monde de l’emploi rémunéré après la naissance de ceux-ci. L’augmentation du nombre de familles dirigées par un seul parent, le plus souvent une femme, et la croissance des familles reconstituées font en sorte que l’on peut dire que s’installe progressivement une fragilisation de la famille nucléaire typique. Ainsi, prendre soin d’un proche malade nécessite le déploiement d’énergies supplémentaires, une adaptation que de plus en plus de familles ont de la difficulté à assumer. Il semblerait qu’en déployant les soins dans la communauté par l’implantation du virage ambulatoire on n’ait pas pris en compte les nouveaux défis que la famille doit relever en ce début de siècle.
7.
LA PERSPECTIVE SANITAIRE
Outre les professionnels, d’autres acteurs du système, les fournisseurs de soins génériques, doivent se sentir impliqués et disposer d’un réseau de soutien social adéquat (Ducharme, 1997). Nicole L’Heureux nous parle ainsi de la santé des aidants et des aidantes, qui sont partenaires certes du réseau, mais aussi clients et clientes de ce même réseau. À cet égard, signalons qu’une auteure appartenant à la discipline infirmière, Orem (1995), a présenté dans son modèle conceptuel une façon de voir l’aidant ou l’aidante naturelle comme étant à la fois un partenaire et un client. Orem conceptualise cette personne de l’environnement du malade qui requiert des soins infirmiers comme étant son agent d’auto-soin. L’agent d’auto-soin est la personne significative qui aide la personne malade dans ses auto-soins. Dans cette perspective conceptuelle de la pratique infirmière, cet agent d’auto-soin peut devenir également pour l’infirmière une cible du soin. Une Québécoise, Moyra Allen, a bâti le modèle connu sous le nom de « modèle McGill » (Gottlieb et Rowat, 1987 ; Krawitz et Frey,
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1989). Ce modèle sert de fondement conceptuel du soin à un grand nombre d’infirmières des centres locaux de services communautaires de la région montréalaise. Il attribue une grande place à la famille dans l’élaboration du plan d’intervention infirmière. Selon cette approche, on tient compte des forces et des faiblesses du réseau naturel, de telle sorte qu’on ne présume pas automatiquement que la famille peut et doit assumer les soins requis. La santé non seulement des aidants et aidantes naturelles doit être prise en compte, mais aussi celle des professionnels de la santé. Le virage ambulatoire a par ailleurs engendré une restructuration et une nouvelle offre de services. Entre autres, on a pu observer une fragilisation du statut d’emploi des infirmières en particulier. Alors qu’en 1993 une proportion de 8,5 % des infirmières étaient sur les listes de rappel, en 1999, ce nombre dépassait les 14 % (OIIQ, 1993, 1999). Une relation claire a été établie entre la fragilisation du statut d’emploi engendrée par le virage ambulatoire et la santé mentale des infirmières dans l’étude de Pérodeau et al. (2000), effectuée auprès de 1435 infirmières inscrites sur une liste de rappel. Le soutien apporté par les pairs est un facteur essentiel au maintien de la santé mentale des intervenantes et des intervenants (Bourbonnais et al., 1999). Ainsi, selon le témoignage de Martin Bédard, certains gestionnaires de ressources humaines ont déployé des stratégies pour stimuler le soutien que peuvent s’apporter entre eux les travailleurs et les travailleuses de la santé.
RÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
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C H A P I T R E
8 LA RÉFORME DU SYSTÈME DE SANTÉ ET LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
MARTIN BÉDARD Régie régionale de la santé et des services sociaux de Québec
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La réforme du système de santé québécois a provoqué une transformation majeure dans l’organisation des soins et services fournis à la population. Passant d’une pratique d’institutionnalisation et d’hospitalocentrisme à une pratique communautaire, cette réforme s’est traduite par le virage ambulatoire. Les bouleversements causés par la rapidité et l’ampleur des changements ont eu des effets multiples dans les différents systèmes sociaux. Les solutions alternatives à l’hospitalisation, la durée de séjour diminuée et les soins transférés des établissements de santé vers le domicile ont non seulement requis une révision des pratiques professionnelles et de gestion des différents acteurs du réseau de la santé, mais également imposé de nouvelles responsabilités et disponibilités aux aidantes dites naturelles. En tant qu’infirmier de formation et maintenant conseiller en gestion des ressources humaines qui a vécu « la transformation » et la réorganisation des soins et services, j’aimerais d’abord partager avec vous des observations, des constats de cette transformation majeure aux effets multiples. J’aimerais ensuite signaler quelques pistes de solution pour aider les personnes touchées, c’est-à-dire les travailleurs, les familles, les proches, les bénévoles et toutes les autres personnes qui ont à cœur le bien-être des malades. Mes observations reflètent, dans une large mesure, les données qui ont été rapportées par plusieurs études parues jusqu’à aujourd’hui. Ces études témoignent bien d’une certaine réalité sociale. Malgré les efforts importants déployés pour la prévention de la maladie et la promotion de la santé, on est à même de constater que le discours et les actions sont plus axés sur la maladie. Cela se traduit par le passage du « care » au « cure », le « care » ou le « prendre soin » étant laissé aux aidantes naturelles sans que celles-ci disposent nécessairement des moyens et des conditions pour l’exercer. On constate ainsi à quel point il devient compliqué pour ces nouveaux soignants de concilier travail, famille et loisirs lorsqu’ils sont obligés – et je dis bien obligés – de prendre soin d’un proche qui vit une situation difficile. Du côté des travailleurs du réseau de la santé, l’adaptation répétée à de nouvelles réalités cliniques se traduit par des états de stress et d’épuisement. L’insatisfaction fait partie du quotidien. Les employés disent de leurs supérieurs immédiats qu’ils gèrent mal et ces mêmes supérieurs sont d’avis que leurs patrons gèrent tout aussi mal. On se renvoie la balle et c’est à qui trouvera le coupable, parce que ces personnes ont l’impression que c’est l’anarchie. Elles ont le sentiment de n’avoir aucun contrôle sur la situation, aucun pouvoir sur rien, parce que tout va trop vite. Les points de repère antérieurs disparaissent, la souffrance s’installe. On voit de plus en plus apparaître le concept de souffrance chez les travailleurs de la santé. Des études américaines et européennes en témoignent également. Les illusions disparaissent, la confiance aussi. Selon des recherches récentes
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en gestion, le premier facteur de mobilisation des employés est la relation de confiance établie entre les personnes. Le facteur principal de démobilisation est le style de gestion face au changement, notamment un style de gestion qui, dans le changement, ne donne pas de pouvoir aux gens. Les travailleurs de la santé sont confrontés à de nouvelles situations de soins qui leur demandent d’acquérir de nouveaux savoirs, de nouvelles habiletés et de nouvelles attitudes. Les soins spécialisés à l’hôpital exigent que les soignants soient toujours de plus en plus performants, tandis que les soins moins spécialisés doivent être enseignés aux proches sans qu’on dispose du temps nécessaire. De ce fait, un roulement important de personnel se produit. L’instabilité d’emploi a frappé particulièrement le réseau de la santé. Les listes de rappel s’allongent, les horaires de travail sont bouleversés. La rotation, jour-soir-nuit, en plus de l’insécurité liée au manque de travail pendant certaines périodes de l’année, a provoqué l’exode de plusieurs professionnels de la santé. Une perte d’expertise est alors constatée et la relève professionnelle se trouve compromise. On observe un manque de communication dans nos organisations ; c’est chacun pour soi, l’individualisme est devenu roi. Les travailleurs qui se croisent dans les corridors ne se disent même plus bonjour. La première question qu’ils se posent est : « C’est quoi ton ancienneté ? » Cette situation a fortement affecté le climat de travail dans certains milieux. À cet égard, la réforme est considérée comme un facteur important du développement des services de santé privés où certains essaient de retrouver des conditions de travail plus acceptables. À la suite de ces observations, un grand défi s’impose, soit celui de revoir nos façons de faire et d’envisager des solutions axées sur les personnes. Une règle à la base même de la prestation de soins de qualité est que, pour prendre soin des autres, il faut prendre soin de soi ou que l’organisation dans laquelle on travaille doit prendre soin de nous. C’est à partir de cette règle que je vais aborder la gestion des ressources humaines en vue de trouver des solutions humaines à un problème humain. Cette gestion doit être considérée sous trois angles : l’angle organisationnel, c’est-à-dire comment dans nos organisations il faut revoir nos philosophies et structures de gestion ; l’angle collectif ou sociologique, c’est-à-dire comment, comme groupe de travailleurs, nous devons revoir nos modes de fonctionnement et les relations entre nous ; enfin, l’angle individuel, c’est-à-dire le pouvoir que chaque individu peut se donner par rapport à sa situation de travail.
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LA RÉFORME DU SYSTÈME DE SANTÉ ET LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
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Sur le plan organisationnel, plusieurs études (Quinn, Anderson et Finkelstein, 1996 ; Murphy et al., 1994) ont rapporté qu’un style de gestion qui laisse une faible marge de manœuvre aux gens sur le terrain et ne leur accorde guère d’espace d’intervention est le facteur de démobilisation le plus important. Une façon de lutter contre cette démobilisation est de revoir la philosophie de gestion dans nos organisations afin de favoriser l’empowerment des employés, c’est-à-dire une philosophie de gestion où les gens sentent qu’ils ont du pouvoir sur leur environnement. C’est aussi de créer un environnement où la personne aura la profonde conviction d’évoluer et verra un sens à sa contribution, cette contribution étant un apport de la personne à une œuvre commune. Pour avoir ce sens, il faut utiliser le cerveau de ses employés. Une étude menée par l’École des Hautes Études commerciales (HEC) à Montréal a démontré que les travailleurs veulent être reconnus pour leur jugement au travail. Ce qui soutient que les employés doivent avoir le sentiment qu’ils sont l’auteur, qu’ils peuvent directement influencer leur travail. On pourrait résumer ces propos comme suit : Qu’est-ce qui pousse les gens à sortir de leur lit chaque matin ? Si la réponse à cette question est le sentiment que ce qu’ils font est utile, nous sommes sur la bonne voie. Afin de rendre concrets mes propos, j’ajouterai que le renouvellement d’une philosophie ou d’un style de gestion peut passer par l’application d’une nouvelle approche de gestion appelée le shared governance. Dans ce modèle de gestion partagée, les employés de la base participent activement aux décisions de l’organisation ou d’une unité administrative, et ce, en tant que partenaires. Le partenariat se définit alors comme une répartition égalitaire du pouvoir entre deux personnes. Dans ce modèle de gestion en émergence dans les établissements nord-américains, les principes directeurs sont les suivants : partenariat entre le personnel et la gestion, responsabilités, transparence et résultat. Les décisions se prennent à la base, dans la pratique, pour pouvoir influencer le système. Dans un système en profonde mutation, la gestion partagée devient un préalable à la mobilisation des ressources humaines. Ce modèle de gestion implanté à l’Hôpital général de Montréal a permis de créer dans chaque unité administrative cinq comités composés de soignants élus par ce même groupe. Ceux-ci ont la responsabilité de prendre les décisions les plus adéquates concernant l’amélioration continue de la qualité des soins, la gestion des ressources financières, matérielles et humaines, la formation du personnel et la recherche clinique. Le gestionnaire agit dans ce modèle comme un « coach » en soutenant les comités dans leurs décisions. Il définit la vision, les paramètres organisationnels pour permettre aux divers comités de prendre des décisions éclairées. Il n’agit plus
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en contrôleur. C’est incontournable : les gestionnaires doivent réapprendre à gérer, accepter avec humilité de retourner à l’école et être ouverts à l’apprentissage. Cette nouvelle façon de gérer nos organisations, même en période de compressions budgétaires, a permis notamment de revoir l’organisation des soins offerts en créant, par exemple, des cliniques ambulatoires où l’usager-famille-aidant peut faire appel à des soignants spécialisés et disponibles jour et nuit. Bien au fait de la situation de l’usager, ces soignants fournissent de la formation ainsi que des soins intégrés et rapides sur-lechamp, à la clinique ou à domicile. Cela rejoint les préoccupations des aidantes naturelles âgées identifiées dans l’étude de Ducharme et al. (2000). Cette nouvelle forme de gestion devrait permettre de créer des boucles de communication entre les décideurs et les travailleurs relativement à la qualité de vie professionnelle, au développement des employés et à la satisfaction au travail. Dans un contexte où les établissements ne peuvent plus assurer la sécurité d’emploi, ils peuvent tout au moins aider les employés à équilibrer travail et vie personnelle. À cet effet, ils peuvent limiter la disponibilité des soignants à certains quarts de travail, favoriser le partage d’un emploi (deux employés à temps partiel), des services de garderie, de la massothérapie en milieu de travail, etc. Bref, des solutions qui voient le jour actuellement dans nos organisations. De plus, les établissements devraient offrir à leurs employés l’occasion d’améliorer leurs habiletés et leurs compétences. À partir d’un modèle de gestion intégrée par compétences, les employés ont la possibilité de tracer leur profil de compétences, de faire leur propre évaluation et de définir ainsi leur besoin de formation. On devra tenir compte de ces besoins en proposant des activités de soutien aux employés occasionnels (TPO) tout en leur octroyant un budget de formation en cours d’emploi. Reconnaître l’expertise des soignants, c’est aussi la récupérer en créant des équipes volantes spécialisées dans certains secteurs, tout en favorisant la contribution de chacun dans le partage et le transfert d’un savoir auprès des plus jeunes employés pour assurer ainsi une relève adéquate. En ce qui a trait à la satisfaction au travail, il est souhaité que les organisations revoient les modèles d’organisation et de distribution de soins en fonction de la clientèle et de ses besoins, à partir des conditions de pratiques professionnelles et d’indicateurs de résultats chez la clientèle. Ces facteurs sont des éléments importants pour la rétention du personnel, le nouveau défi que les établissements auront à relever sous peu.
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Passons maintenant à l’angle collectif de la gestion des ressources humaines. Une étude sur la détresse psychologique des infirmières qui doivent faire face à la transformation du réseau de la santé a révélé qu’un facteur de protection pouvait éviter l’épuisement professionnel ; ce facteur est le soutien social ou d’équipe (Bourbonnais et al., 1998). Même si la charge de travail augmente et que la marge de manœuvre décisionnelle diminue, un soutien d’équipe adéquat permet d’affronter cette dure réalité. Il n’est pas rare d’entendre certains employés dire : « Ce qui me tient au travail, c’est l’équipe. » Le grand défi de nos organisations est d’offrir aux équipes de soignants des activités de consolidation, de soutien et d’écoute. Permettre aux équipes et aux personnes qui les constituent des activités de ressourcement, de « time-out », c’est-à-dire des ateliers sur divers thèmes (la qualité de vie personnelle et au travail, les relations sociales, etc.), ainsi que des activités diverses en milieu de travail (pièce de théâtre, cours de gestion du stress, etc.). Comme le disait le célèbre éthicien David Roy : « Le plus grand stress est de prendre soin de la vie sans les ressources nécessaires. » Pour les travailleurs de la santé, il est important de stimuler l’innovation, la reconnaissance pour les réussites en organisant des prix de reconnaissance, d’avoir des échanges constructifs entre collègues, de favoriser la création de groupes de soutien formels et informels. Pour terminer avec l’angle individuel, quel est le pouvoir que chaque individu peut se donner sur sa situation de travail ? La réponse réside en chacun de nous. Développer une bonne hygiène de vie, utiliser l’humour au travail, se féliciter, se faire plaisir au moins une fois par jour, établir des priorités, par exemple : prendre sa pause, s’entourer de gens optimistes, consulter le programme d’aide aux employés, organiser des fêtes, des 5 à 7 avec les collègues, autant d’heureuses initiatives à encourager dans la gestion des ressources humaines. Will Rodgers disait : « Même si vous êtes sur la bonne voie, vous serez renversés par un train si vous restez assis là. » De plus, on ne peut apprendre qu’à condition d’aller vers l’inconnu. Vivre sa journée sans la comprendre, c’est accepter de vivre dans un monde qui n’est pas parfait et où l’on trouvera toujours des paradoxes.
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES BARNES-JEWISH HOSPITAL (2002). Shared Governance, St. Louis, BJC. BOURBONNAIS, R., M. COMEAU, C. VIENS, D. LALIBERTÉ, R. MALENFANT, C. BRISSON et M. VÉZINA (1998). La transformation du réseau de la santé : mesure des caractéristiques du travail et de la santé des infirmières de l’agglomération de Québec, Rapport de recherche, Québec, Gouvernement du Québec, p. 1-55. DUCHARME, F., G. PÉRODEAU et D. TRUDEAU (2000). « Statégies adaptatives et attentes des femmes âgées aidantes familiales dans la perspective du virage ambulatoire, » Revue canadienne de santé mentale communautaire, vol. 19, no 1, p. 79-103. MURPHY, R. et al. (1994). « Work Redesign: A Return to the Basic, » Nursing Management, vol. 25, no 2, février. QUINN, J.B., P. ANDERSON et S. FINKELSTEIN (1996). « Managing Professional Intellect: Making the Most of the Best, » Harvard Business Review, mars-avril.
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C H A P I T R E
9 LES BESOINS DES AIDANTES NATURELLES ET LES SOLUTIONS POUR UN MEILLEUR ÉQUILIBRE ENTRE LES RESSOURCES PROFESSIONNELLES ET INFORMELLES
NICOLE L’HEUREUX Regroupement des aidantes et des aidants naturel(le)s de Montréal
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LES BESOINS DES AIDANTES NATURELLES
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À l’automne 1998, les personnes aidantes naturelles se sont réunies à l’occasion d’une journée de réflexion où elles ont exprimé leurs besoins et énoncé des pistes de solution. Mes propos seront donc inspirés par les résultats de cette journée. Le rôle d’aidant naturel est souvent quelque chose d’inattendu qui nous tombe dessus du jour au lendemain. Contrairement à la retraite, nous n’y sommes pas préparés. Nous pensons aux conséquences de la vieillesse et de la maladie le jour où nous devons y faire face. L’aidante naturelle se perçoit d’abord comme « une personne ayant un proche malade dont elle doit s’occuper ». Le problème semble relever de la sphère familiale exclusivement, car les ramifications sociales, telle l’aide informelle, ne sont pas considérées de prime abord. Le virage ambulatoire engendre souvent un retour précoce à la maison, parfois même avant que le malade n’ait retrouvé un état stable. Le congé est signé sans que la future aidante ait accepté cette responsabilité. Cette contrainte vient ainsi brimer la liberté de choix d’une personne qui se veut d’abord femme, citoyenne et aidante. Son besoin le plus important est d’avoir le choix au consentement libre et éclairé, le choix d’accepter ce rôle. Pour ne pas s’épuiser, l’aidante doit déterminer ses limites, c’est-àdire apprendre à s’entourer, à demander du soutien, sans se sentir coupable. Le ministère de la Santé et des Services sociaux reconnaît les aidantes comme des ressources nécessaires au maintien à domicile : ressources à risque d’épuisement qu’il faut soutenir lorsqu’elles sont sur le point de lâcher.
1.
LES BESOINS
Les aidantes ont besoin d’être reconnues comme des personnes ayant leurs propres besoins, donc comme clientes et partenaires du réseau de la santé. Ces termes sous-tendent les principes suivants : être cliente suppose que la situation de l’aidante soit l’objet d’une évaluation consignée dans un dossier ; être partenaire suppose la présence de mécanismes de consultation sur les objectifs et les activités de chacun des partenaires, dans une prise en charge communautaire. Les aidantes ont besoin de connaître leurs droits et obligations et d’être informées sur les ressources disponibles. Elles ont donc besoin non seulement d’une liste de ressources, mais aussi d’un accompagnement pour naviguer à l’intérieur du réseau de la santé. Comment traverser ce labyrinthe, c’est-à-dire à qui s’adresser et comment demander de l’aide pour contacter les personnes appropriées et obtenir les services adéquats ?
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LE VIRAGE AMBULATOIRE
Tout le monde est pour l’amélioration des technologies, mais plusieurs réagissent mal devant la « robotisation » des relations interpersonnelles. Pourquoi donc les CLSC ont-ils des systèmes de répondeurs automatiques ? Ces machines ne font qu’augmenter le stress et l’anxiété chez les personnes qui ont besoin d’aide et qui crient « au secours ». Il est essentiel de rendre disponibles des services plus flexibles, mieux adaptés aux besoins. Ainsi, quand, au bord de l’épuisement, une aidante réclame du répit, qu’on cesse de lui offrir un bain pour son proche. Cette situation démontre clairement que les services ne sont pas offerts en fonction des besoins des clients, mais plutôt en fonction de critères d’ordre financier qui privilégient certains choix dans le panier de services disponibles. Les aidantes ont essentiellement besoin de soutien et de répit, soutien psychosocial individuel ou de groupe et répit, car le soutien psychologique n’est efficace que dans la mesure où il est accompagné de mesures de répit. Les groupes d’entraide ne répondent que dans une faible mesure aux besoins des aidantes. De nouvelles approches globales, tenant compte de l’individu, de sa culture et de son environnement, favoriseraient une intervention en milieu plus adéquate, particulièrement chez les classes plus démunies de la société. Mentionnons aussi les coûts cachés du virage. Le virage ambulatoire se traduit par deux réalités : celle des services qui seront donnés au domicile du malade et celle du malade qui devra se déplacer pour recevoir les services. À la signature du congé, en principe, une infirmière de liaison transférera le dossier. Sinon, l’aidante devra faire elle-même la demande de services à son CLSC qui prendra un certain temps à faire l’évaluation des besoins. Faut-il souligner que les CLSC ont l’obligation de faire l’évaluation, mais qu’ils ne sont pas tenus de donner les services… Un mauvais arrimage entre l’hôpital et le CLSC a parfois pour effet de laisser le malade sans services. Le soutien à domicile entraîne aussi pour l’aidante la gestion des rendez-vous, de l’accompagnement et du transport. L’aidante et son proche doivent se déplacer vers les cliniques externes, les centres de prélèvements et autres, quand ils ne sont pas carrément obligés de revenir à l’urgence. L’accès à un médecin dans les situations urgentes. Les malades à domicile ont parfois besoin de soins ou de médicaments le soir, la nuit ou la fin de semaine. Faute de médecin pouvant se déplacer, l’infirmière de
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garde peut venir à la maison, mais elle ne peut poser un diagnostic ni augmenter la dose de médicaments pour soulager la douleur. L’urgence de l’hôpital représente alors la seule solution. Nul n’ignore le syndrome de la porte tournante.
2.
LES AMÉLIORATIONS RÉCLAMÉES
Avec le virage ambulatoire, des responsabilités accrues se sont ajoutées aux défis que les CLSC avaient déjà à relever. Nous savons que la richesse des CLSC repose sur leur capacité à adapter et à développer des services particuliers répondant à des priorités locales. Cependant, l’harmonisation des services de base est nécessaire pour répondre de façon efficace et efficiente aux besoins de la population. Un profil commun de services y répondrait de façon plus équitable. En attendant l’évolution de ces changements, les aidantes demandent de pouvoir s’adresser à un autre CLSC, si celui de leur territoire de résidence ne peut offrir un service jugé nécessaire. L’amélioration des communications entre établissements et l’harmonisation des services entre ces derniers afin d’offrir des soins continus sont essentielles. Il faut organiser des services intégrés et favoriser des liens de confiance avec un intervenant significatif. Un souci d’éthique doit empêcher de transformer les aidantes en soignantes. Certains actes médicaux étant réservés aux professionnels de la santé, il est inconcevable de les faire exécuter par une aidante non formée à donner des soins complexes. Ce même souci d’éthique nous conduit à nous interroger sur la responsabilité en cas d’erreur. Les aidantes doivent être formées, dit-on… mais à quoi ? Peut-on enseigner en quinze minutes, à une aidante anxieuse, comment donner des soins pour lesquels une infirmière a reçu une formation de trois ans à l’intérieur d’un corpus de connaissances ? On doit être vigilant pour ne pas déprofessionnaliser le travail des intervenants. De plus, il ne faut surtout pas oublier que l’aidante s’occupe d’un proche (père, mère ou conjoint), jamais d’un client ou d’un patient. Cette différence comporte un caractère émotif majeur. La nécessité de ressources alternatives de convalescence. Certaines ressources privées qui se développent répondent à cette demande, mais les coûts imposés les rendent inaccessibles à une grande partie de la population. Des services de répit plus flexibles, plus diversifiés et plus nombreux sont nécessaires pour prévenir l’épuisement de ces dernières (hébergement temporaire, halte-répit et répit-gardiennage).
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LE VIRAGE AMBULATOIRE
Les normes du travail pourraient être amendées en tenant compte des mesures suivantes : • la réduction des horaires de travail ; • l’augmentation du nombre de congés à vingt jours par année ; • des congés avec traitement différé ou sans solde assortis de l’assurance de retrouver le même poste au retour ; • l’instauration d’horaires flexibles permettant de comprimer la semaine de travail ; • l’octroi d’un mois de vacances annuelles dès la première année de travail ; • la mise en place d’une banque de congés de maladie ; • la possibilité de remplacer le congé parental par un congé familial. En conclusion, le virage ambulatoire repose sur des familles nucléaires fragiles. Les soins dans la communauté risquent de déraper vers des soins par la communauté. Le virage ambulatoire, l’État ne peut s’en désengager.
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C H A P I T R E
10 VIRAGE AMBULATOIRE ET DÉSINSTITUTIONNALISATION Exploitation du travail féminin
SYLVIE BOULANGER Fédération des infirmières et infirmiers du Québec
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VIRAGE AMBULATOIRE ET DÉSINSTITUTIONNALISATION
1.
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DES OBJECTIFS LOUABLES, MAIS…
En 1995, la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec est intervenue, à l’instar de bien d’autres intervenantes, sur le débat entourant le virage ambulatoire et le projet de mise en place de la reconfiguration du réseau de la santé et des services sociaux, envisagé par le gouvernement du Québec. Quelques années auparavant (en 1991), le gouvernement libéral de l’époque lançait sa réforme axée sur le citoyen. Celle-ci visait à assurer à la population du Québec de meilleurs services de santé et à donner aux citoyens davantage de pouvoir dans la prise de décisions relatives aux soins et aux services de santé et services sociaux fournis par le réseau. C’était le défi qualité-performance. En 1995, la reconfiguration était accompagnée de différents changements, dont le virage ambulatoire. Caractérisé par une diminution de la durée de séjour du ou de la bénéficiaire en centre hospitalier et par son retour hâtif à domicile, le virage ambulatoire devait fournir un milieu favorisant la convalescence et la guérison. En effet, il y a tout lieu de croire qu’une personne en convalescence se sent mieux et se remet plus rapidement dans un milieu qui lui assure sécurité et tranquillité, de même que la présence rassurante de personnes de son entourage qui l’aiment et la chérissent. En ce sens, les infirmières étaient favorables au virage ambulatoire, mais elles exigeaient que les services permettant de le soutenir soient disponibles et prêts à fonctionner avant sa mise en place. Les infirmières avaient toutefois des inquiétudes, particulièrement quant à la manière et à la rapidité avec lesquelles cette reconfiguration et ce virage seraient implantés et quant aux objectifs inavoués qui pouvaient s’y rattacher. Cinq ans plus tard, on constatait malheureusement que leurs craintes étaient fondées. Alors que le virage ambulatoire s’opérait dans le cadre d’une large transformation du réseau de la santé et des services sociaux, des impératifs économiques semblaient de plus en plus se hisser au rang des objectifs prioritaires visés par les changements. Or, l’implantation du virage ambulatoire nécessitait l’introduction d’une nouvelle façon de donner les soins et les services de santé aux personnes retournées à la maison de façon hâtive ou maintenues à domicile, afin de retarder le plus possible le moment de leur hospitalisation ou de leur entrée en centre d’hébergement. Cette opération suscitait, à court terme, des investissements supplémentaires puisque, pendant un certain temps, il fallait prévoir être en mesure de continuer à fournir les soins et les services à la population tels qu’ils existaient avant le virage ambulatoire. Simultanément, il fallait mettre en place les nouveaux services et les ressources supplémentaires en mesure de répondre aux besoins des personnes
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malades, en convalescence, en attente d’hébergement ou à domicile. Ainsi, au moment où le virage aurait été effectif, la disponibilité de tous les soins et services requis par les personnes à domicile, en convalescence ou en attente d’une place en centre d’hébergement, aurait été assurée. C’était là notre exigence.
2.
D’ABORD DES COUPURES
Plutôt que d’assister à la mise en place de telles mesures, en prévision de l’implantation du virage ambulatoire, le réseau a été le théâtre d’une reconfiguration qui a pris l’allure d’une succession de coupures. La réorganisation du réseau n’a été ni plus ni moins que la gestion des impacts de ces coupures (suppressions de lits, fermetures d’établissements, coupures de services, diminution du nombre de ressources dans les établissements, etc.). On pourrait affirmer que, plutôt que de donner le sérieux coup de barre que nécessitait la mise en place de la transformation visant l’amélioration des services à la population, le réseau a subi de grands coups de machette, dans ses infrastructures et dans ses effectifs, avec pour résultat : une diminution de l’accessibilité à certains services, l’allongement des listes d’attente pour certains soins, traitements ou chirurgies, une démotivation palpable de l’ensemble des travailleuses du réseau et un sentiment général d’insécurité parmi la population. L’impact de ces coupures, au moment où s’implantait le virage ambulatoire, a été important. Dans les différents établissements du réseau de la santé et des services sociaux, le personnel soignant a vu sa tâche s’alourdir considérablement. Dans les centres hospitaliers, la diminution de la durée de séjour des bénéficiaires a intensifié la demande de soins et a souvent créé des fardeaux de tâche chez les infirmières et chez l’ensemble du personnel soignant. Dans les CLSC, les infirmières ont vu leur clientèle augmenter et se diversifier. Les soins à prodiguer à cette nouvelle clientèle étaient plus aigus et nécessitaient davantage de temps ; malheureusement, les ressources responsables de la prestation de ces soins n’ont pas été ajustées en conséquence. Ainsi, pour les personnes retournées hâtivement ou maintenues à domicile, ces coupures se sont traduites souvent par des lacunes dans les services offerts et des temps d’attente parfois longs avant qu’elles ne puissent bénéficier des services que requérait leur état, en plus de modifier en profondeur la mission des CLSC.
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3.
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DES EFFETS SUR L’ENTOURAGE
La reconfiguration du réseau de la santé et le virage ambulatoire n’ont pas eu que des effets sur les personnes soignées à domicile ou en attente d’hébergement et sur le personnel soignant, tant les infirmières que les autres catégories de personnel. Sans l’ombre d’un doute, la reconfiguration et tout particulièrement l’instauration du virage ambulatoire ont affecté l’entourage de la personne en convalescence ou en attente d’hébergement ayant besoin de soins à domicile. Plusieurs intervenantes du réseau de la santé et aidantes naturelles peuvent maintenant en témoigner : l’entourage des personnes soignées ou maintenues à domicile a été et est toujours fortement sollicité, non seulement pour assurer une présence auprès de la personne soignée, mais aussi pour donner certains soins pour lesquels, et elles en conviennent, elles n’ont ni la formation ni les compétences. Lorsque le ou la bénéficiaire est une personne en perte d’autonomie, l’entourage doit pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, le ou la soutenir et lui assurer certains soins de base. Soulignons que pour avoir accès à une place en centre d’hébergement la personne en perte d’autonomie, maintenue à domicile, doit demander au moins trois heures et demie de soins par jour. Cette donnée indique l’ampleur de la tâche qui attend les aidantes naturelles. Il faut bien l’admettre, l’incapacité du réseau de la santé à fournir adéquatement les soins requis par les personnes en convalescence, en maintien à domicile ou en attente d’hébergement fait peser sur le dos des aidantes naturelles la responsabilité de trouver réponse aux besoins des personnes à qui elles viennent en aide.
4.
LES FEMMES : DE PLUS EN PLUS SOLLICITÉES
Ces aidantes, comme la féminisation du terme l’indique, sont des femmes. Sauf exception, ce sont effectivement des mères, des sœurs, des tantes, des amies qui sont présentes auprès des personnes en attente de soins à domicile ou en maintien à domicile. Il ne faut pas s’en surprendre, les soins sont depuis longtemps une « affaire de femmes ». Alors que les infirmières composent encore plus de 90 % des effectifs de la profession infirmière, et que le nombre de femmes augmente sans cesse au sein de la profession médicale, ce sont aussi des femmes qui « prennent soin » des personnes qui quittent hâtivement l’hôpital ou qui sont en attente d’une place en centre d’hébergement. Et dans les centres d’hébergement, ce sont encore en majorité des femmes qui assurent les soins à la clientèle. On ne peut donc dissocier virage ambulatoire et femmes. On peut même affirmer que
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les impacts de la reconfiguration du réseau de la santé ont été largement supportés par des femmes, les infirmières, les autres catégories de personnel, il va sans dire majoritairement féminin, et les aidantes naturelles. Soigner a souvent été perçu comme le prolongement du rôle maternel. Un rôle souvent banalisé, réduit à de « simples gestes » que toute femme sait faire, parce qu’elle est une femme. Il n’est donc pas étonnant que les femmes qui exercent la profession infirmière éprouvent de la difficulté à faire reconnaître la valeur de leur travail. De plus, il semble exister une norme implicite qui rend normal, voire naturel, le fait qu’une mère, une épouse, une tante se transforme en aidante naturelle dès qu’un enfant, un conjoint, un parent ou un ami a besoin de soins à la maison. Plus encore, cette norme implicite fait naître un sentiment de culpabilité chez celles qui ne peuvent ou ne veulent agir comme aidantes naturelles auprès d’un membre de leur entourage. Les femmes doivent même parfois justifier leur refus. Faut-il comprendre que l’expression « aidante naturelle » reflète non seulement la filiation qui peut exister entre l’aidante et la personne à qui elle vient en aide, mais aussi le « caractère naturel, attendu, inné » que revêt le fait qu’une femme « prenne soin » de quelqu’un qui en a besoin. En d’autres termes, la réalisation de la reconfiguration nécessitait la prise en charge, par les femmes, des impacts du virage ambulatoire. En définitive, on comptait sur la présence des femmes à la maison pour accueillir la personne au sortir de l’hôpital, pour assurer une présence auprès de la personne malade ou en attente d’hébergement. Et même pour apporter certains soins dans le contexte où le CLSC ne pouvait et ne peut toujours pas répondre à l’ensemble des besoins de la clientèle en soins à domicile ou en maintien à domicile. Il semble qu’il allait de soi, pour les promoteurs de la reconfiguration, que les femmes assumeraient ces responsabilités. On faisait appel à des qualités typiquement féminines et à des stéréotypes sociaux qui réservent aux femmes la responsabilité des soins aux malades. Ainsi, avec la reconfiguration, les femmes, tant les infirmières et les autres catégories de personnel que les aidantes naturelles, ont vu leurs tâches s’alourdir. On demande aux travailleuses du réseau de la santé et des services sociaux de faire plus avec moins, d’assurer les soins auprès des malades hospitalisés qui sont tous, simultanément ou presque, à l’étape d’un épisode aigu de soins. À l’instar des travailleuses, salariées du réseau de la santé, les aidantes naturelles sont littéralement mandatées par le réseau pour assurer auprès de la personne malade ou en attente d’une place dans un centre d’hébergement une présence rassurante et certains
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soins de base. Parfois, on va même jusqu’à demander à l’aidante, « après une courte démonstration », de poser des actes qui, en milieu hospitalier, sont réservés à des professionnelles de la santé. Il n’est donc pas étonnant de constater que c’est au prix de leur santé que les femmes, les infirmières, le personnel soignant et les aidantes ont continué à soigner leurs malades. Il existe un taux élevé de détresse psychologique chez les infirmières et le personnel soignant du réseau de la santé et des services sociaux. De plus, on ne peut ignorer l’essoufflement des aidantes naturelles, dont les demandes de soutien et de répit trouvent rarement écho dans le réseau de la santé.
5.
VERS UNE DÉRESPONSABILISATION…
Le réseau de la santé serait-il en train de profiter de l’opérationalisation du virage ambulatoire pour lentement se déresponsabiliser relativement aux soins à donner aux personnes à domicile, en convalescence ou en attente d’une place en centre d’hébergement ? On pourrait le croire. Il faut se rappeler qu’au début des années 1980 le réseau s’était engagé dans une opération de désinstitutionnalisation des personnes hébergées en centres hospitaliers psychiatriques. Le mieux-être de ces personnes militait en faveur de leur réinsertion sociale. Les infirmières étaient alors favorables à la désinstitutionnalisation de cette clientèle psychiatrique, mais elles exigeaient que soient prévus dans la communauté des mécanismes d’accueil et de soutien ainsi que des services et des soins de santé adaptés à cette clientèle. Comme on le sait aujourd’hui, cette opération de « désinstitutionnalisation » s’est déroulée sans que ces mécanismes et services aient été mis en place dans la communauté pour accueillir cette clientèle. Dépourvus du soutien et des soins nécessaires à leur réinsertion sociale, plusieurs ex-psychiatrisés sont venus grossir les rangs des sans-abri et modifier les problématiques auxquelles doivent faire face les intervenants qui les accueillent dans les grandes villes du Québec. D’autres ont « simplement » été pris en charge par leur famille. Comme dans le cas des soins à apporter à la personne en convalescence ou en attente de placement à domicile, c’est presque toujours une femme (une mère, une tante, une cousine, une amie, etc.) qui prendra en charge la personne ex-psychiatrisée. En moins de vingt ans, deux transformations importantes dans le réseau de la santé et des services sociaux se sont soldées par le retour ou le maintien à domicile de personnes en demande de soins, de soutien ou d’attention. À ces deux occasions, ce sont des femmes qui ont apporté les
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soins et le soutien aux personnes en convalescence, en attente de placement ou encore ex-psychiatrisées qui en avaient besoin. À l’aube de l’opérationalisation d’un nouveau virage en santé mentale qui vise la désinstitutionnalisation, des établissements psychiatriques du réseau de la santé, d’une autre partie de la clientèle présentant, cette fois, des troubles sévères et persistants, les femmes ont toutes les raisons de s’inquiéter. Le réseau va-t-il, une fois de plus, opérer des changements en se déresponsabilisant, imposant donc davantage aux femmes la responsabilité d’assurer la sécurité et les soins à donner aux personnes malades ? Les femmes, les infirmières, les autres catégories de personnel du réseau et les aidantes doivent faire preuve d’une grande vigilance. Elles doivent solidairement s’opposer à des changements dans le réseau de la santé et des services sociaux, qui tient pour acquis qu’elles prendront en charge et compenseront le délestage opéré par l’État. Il en va de la santé du réseau de la santé et des services sociaux et de la santé des infirmières, des autres travailleuses du réseau et des aidantes que l’on dit « naturelles ».
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C O N C L U S I O N QUE PEUT-ON CONCLURE ?
DENYSE CÔTÉ Département de travail social Université du Québec en Outaouais
GUILHÈME PÉRODEAU Département de psychoéducation et de psychologie Université du Québec en Outaouais
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CONCLUSION
Ce recueil de textes a permis d’examiner les enjeux liés à l’implantation du virage ambulatoire. Bien que, comme le souligne Frédéric Lesemann, ce virage soit porteur « de nouveaux espaces de liberté, de réponses à des quêtes croissantes d’autonomie », en particulier pour les personnes aux prises avec des déficits de santé passagers ou même chroniques, l’atteinte de cet objectif ne se fera pas sans heurt. Clairement, le virage ambulatoire s’appuie sur des principes qui font consensus dans la société québécoise, soit l’humanisation des soins et le maintien du client « citoyen-payeur » (ministère de la Santé et des Services sociaux, 1990) dans son milieu de vie. En pratique, les obstacles à surmonter sont multiples. La mise en place du virage ambulatoire s’est heurtée à des réalités institutionnelles, économiques et sociales qui ont dénaturé cette démarche de changement. Elle semble ainsi avoir provoqué une mise en veilleuse de la philosophie d’humanisation des soins et une transformation d’une approche « douce » en une approche « durement » ressentie par les proches des personnes déshospitalisées et les professionnelles de la santé. Les premières ont été recrutées, souvent contre leur gré, à titre de soignantes bénévoles. Les secondes ont subi des contrecoups importants, comme des conditions de travail plus difficiles, la précarisation accrue des emplois et un vaste redéploiement de la main-d’œuvre, car les budgets additionnels nécessaires à une mise en place harmonieuse du virage ambulatoire n’ont pas été alloués. Les logiques comptables propres à un appareil gouvernemental soumis à l’objectif du « déficit zéro » auront sans doute prévalu, allant probablement à l’encontre de la volonté même des concepteurs du virage. Les services sont donc maintenant souvent tronqués, et le système sociosanitaire compte maintenant en grande partie sur la disponibilité des proches des personnes malades pour prendre en charge des soins de nature médicale et infirmière (Gagnon, Guberman et Côté et al., 2001). Les familles doivent ainsi assurer des soins autrefois pris en charge par le milieu hospitalier (Ducharme, Pérodeau et Trudeau, 2000). De plus, au sein de ces familles, ce sont généralement les femmes (conjointe, fille, belle-fille) qui prennent encore aujourd’hui le relais, comblant ainsi les vides laissés par des services publics inadéquats. Ce transfert des responsabilités et des tâches de soin à l’hôpital vers la maison s’est effectué sans débat public et, surtout, sans tenir compte des changements sociaux et des rapports entre les sexes. Les femmes ont été longtemps responsables du soin des enfants et de leurs parents vieillissants (Therrien, 1987) ; cela constituait une partie importante de leur rôle social. Aujourd’hui, l’éventail des rôles s’est élargi pour la majorité des femmes qui se sont largement investies sur le marché du travail, bien qu’à des salaires souvent moindres que ceux des travailleurs masculins. Toutefois, le revenu qu’elles apportent au ménage est devenu essentiel, à tel point
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que la conciliation entre les obligations liées au monde du travail et celles liées à la sphère familiale s’est transformée en problème de société. Bien sûr, certains hommes (ils représentent entre 10 % et 25 % des proches aidants, selon les auteurs) assument les tâches de soins auprès d’un proche malade, le plus souvent, d’ailleurs, auprès de leur conjointe. Ils demeurent néanmoins la minorité. Les devoirs et responsabilités du soin aux personnes dépendantes incombent encore essentiellement aux femmes. Si l’on tient compte des changements socioculturels des dernières décennies, plusieurs questions se posent. Comment peut-on, dans une société valorisant la participation « à la vie active », présumer que les femmes seront désireuses de quitter le marché du travail pour prendre soin d’un proche, de remettre à plus tard leurs projets personnels et professionnels pour assumer gratuitement de tels soins ? Quelles provisions sont prévues pour leur propre retraite sur le plan financier ? Parmi celles qui prennent en charge de tels soins sans quitter leur emploi ou en réduisant leurs heures de travail, combien pourront s’acquitter de ces soins sans mettre en danger leur qualité de vie et celle de leur proche, et même, lorsque le besoin de soins se prolonge, leur santé ? Comment ces femmes arriveront-elles à assumer ces soins de plus en plus complexes dans une société aux solidarités fragiles ? Actuellement, le virage ambulatoire s’appuie sur une conception mythique de la famille misant sur la pleine disponibilité des proches, c’est-àdire comptant généralement sur l’aide d’une femme ou d’un réseau de femmes. Pourtant la taille des familles québécoise a rétréci comme peau de chagrin depuis maintenant presque trente ans ; les familles sont fragmentées et le nombre de personnes vivant seules a augmenté. Les enfants sont moins nombreux et vivent souvent loin du domicile de leurs parents. Les hommes décèdent souvent avant leur conjointe, la laissant ainsi seule des années durant. Le nombre de personnes dépendantes augmentera certainement au cours des prochaines années. Nous devons déjà faire face à une pénurie non seulement de professionnels de la santé, mais également bientôt de soignantes bénévoles. Les personnes soignantes, tant professionnelles que bénévoles, ont été les grandes oubliées du virage ambulatoire, et, paradoxalement, c’est à elles que l’on doit la qualité des soins. À ce titre, toute réforme devrait les placer au cœur du système de santé, sans quoi nous risquons une détérioration des soins dans un contexte de restrictions budgétaires. Par ailleurs, si nous voulons restructurer le rapport entre l’État et la société civile, si nous voulons contrer la dépendance de la population à l’égard du système public de soins, cela ne peut se faire sans considérer les nouvelles réalités familiales ainsi que les progrès réels en matière de condition féminine réalisés au cours du dernier quart de siècle. Les réformes
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CONCLUSION
du système sociosanitaire doivent tenir compte des aspirations non seulement des personnes dépendantes, mais également de leur réseau d’aide tant formel qu’informel. Nous espérons que ce livre aura fourni quelques pistes de réflexion qui contribueront à l’atteinte de cet objectif.
RÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
DUCHARME, F., G. PÉRODEAU et D. TRUDEAU (2000). « Perceptions, stratégies adaptatives et attentes des femmes âgées aidantes familiales dans la perspective du virage ambulatoire », Revue canadienne de santé mentale communautaire, vol. 19, no 1, p. 79-103. GAGNON, E., N. GUBERMAN, D. CÔTÉ, C. GILBERT, N. THIVIERGE et M. TREMBLAY (2001). Les impacts du virage ambulatoire : responsabilités et encadrement dans la dispensation des soins à domicile. Rapport de recherche FRSQ-FCRSSS, 404 p. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX (1990). Une réforme axée sur le citoyen, Québec, Gouvernement du Québec. THERRIEN, R. (1987). La contribution informelle des femmes aux services de santé et aux services sociaux, Commission d’enquête sur les services de santé et les services sociaux (commission Rochon), Québec, Gouvernement du Québec.
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NOTICES BIOGRAPHIQUES Martin Bédard, M.Sc., œuvre dans le réseau de la santé et des services sociaux depuis 17 ans. Pendant plusieurs années, il a exercé des fonctions d’infirmier clinicien et de chargé de projets. Depuis sept ans, il occupe des fonctions de conseiller en gestion et développement des ressources humaines. Ses principales responsabilités sont reliées à la planification de la main-d’œuvre, la mise en œuvre de PDRH (plan de développement des ressources humaines), l’élaboration de programmes de gestion des ressources humaines (intégration au travail, adaptation de la maind’œuvre, PAE), la gestion de la formation ainsi que le développement organisationnel. De plus, M. Bédard a été consultant et formateur ainsi que conférencier auprès de plusieurs organisations. Diane Bernier, M.A. (service social), est professeure titulaire à l’École de service social de l’Université de Montréal. Ses intérêts de recherche portent sur les programmes de gestion du stress et l’épuisement professionnel, ainsi que sur le soutien organisationnel en milieu de travail, volet qui inclut la recherche sur la conciliation travail-famille. Le second volet est centré sur l’intervention psychosociale : les modèles d’intervention et l’amélioration des pratiques. Ces travaux prennent la forme de recherche-action et de diffusion du savoir-faire professionnel.
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Sylvie Boulanger, infirmière de formation et bachelière en administration, occupe le poste de vice-présidente de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec (FIIQ) depuis janvier 1990. En tant que responsable politique des secteurs Santé et Condition féminine, elle suit de près tous les dossiers qui touchent l’évolution et l’avancement des droits des femmes et ceux du droit à la santé. Activement engagée dans le mouvement des femmes entre autres à la Coalition québécoise pour le droit à l’avortement libre et gratuit et comme membre du conseil d’administration de la Fédération des femmes du Québec, elle a aussi participé activement à la Marche du pain et des roses, à la vigile contre la pauvreté des femmes et finalement à la Marche mondiale des femmes en 2000. Nathalie Brassard, B.A. et étudiante à la maîtrise en psychologie à l’Université du Québec à Chicoutimi, est membre étudiante du Centre de recherche interuniversitaire sur l’éducation et la vie au travail de l’Université de Sherbrooke. Son mémoire de maîtrise porte sur la conciliation travail-famille des aidants de la génération « sandwich », ces aidants d’un parent âgé qui, au même moment, ont des enfants à charge. Lorraine Brissette est travailleuse sociale ayant complété une maîtrise et une scolarité de doctorat en service social à l’Université Laval. Elle a travaillé de nombreuses années en tant qu’intervenante et gestionnaire dans le domaine des services aux personnes âgées. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages sur la prévention de l’épuisement tant pour les aidants naturels que les intervenants professionnels. Elle est actuellement coordonnatrice du regroupement psychosocial à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Yves Carrière, Ph.D. (démographie), est professeur associé au Département de démographie de l’Université de Montréal. Depuis maintenant dix ans, ses travaux de recherche visent à mieux comprendre les effets du vieillissement démographique sur la société de demain. Au cours des dernières années, il s’est plus particulièrement intéressé à l’utilisation des réseaux formel et informel chez les personnes âgées en perte d’autonomie. Également chercheur en sciences sociales à Statistique Canada, ses recherches portent essentiellement sur les changements dans la composition et l’étendue du réseau familial des baby boomers et leurs conséquences éventuelles sur l’utilisation des réseaux formel et informel au cours des prochaines décennies. Denyse Côté est sociologue, politologue et professeure au Département de travail social et des sciences sociales de l’Université du Québec en Outatouais. Ses intérêts de recherche s’articulent autour de l’évolution des rapports hommes-femmes à la fois dans les sphères privée et publique, en particulier dans le cadre familial et dans celui des communautés locales. Elle s’intéresse plus particulièrement aux interfaces de ces évolutions ainsi qu’à la transformation correspondante des rôles parentaux, familiaux et
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du rôle des femmes dans leurs communautés. Spécialisée en méthodologie qualitative, elle a mené à terme, avec une équipe interdisciplinaire et interuniversitaire, deux recherches sur le virage ambulatoire ; la dernière de ces recherches a examiné plus particulièrement le transfert des soins médicaux et infirmiers à domicile et leur prise en charge par les proches des personnes malades. Elle a également mené récemment une recherche sur la transformation des rôles parentaux en contexte de garde physique partagée et termine actuellement une collecte de données sur la reconnaissance, par les instances locales et régionales, de la contribution des groupes de femmes à l’économie sociale au Québec. Francine Ducharme, Ph.D. (sciences infirmières), a complété des études post-doctorales au Centre de recherche de l’hôpital Douglas, centre collaborant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en santé mentale. Elle est professeure titulaire à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal et chercheur boursier sénior du Fonds de la recherche en santé au Québec. Elle est présentement titulaire de la Chaire Desjardins en soins infirmiers à la personne âgée et à la famille et responsable de l’axe de recherche portant sur les soins et services aux personnes âgées et à leur famille au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Ses intérêts de recherche portent sur l’élaboration et l’évalutation d’interventions auprès des aidants familiaux de personnes âgées vivant à domicile ou en établissements de santé, avec notamment des projets sur les services à offrir aux familles dans le contexte du « virage ambulatoire ». André Duquette, Ph. D. (sciences de l’éducation), est professeur titulaire à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal. Ses enseignements et ses recherches portent sur la santé du personnel soignant. André Guillemette est démographe et occupe un poste d’agent de recherche à la direction de la santé publique de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Lanaudière. Ses intérêts de recherche touchent principalement l’analyse de l’état de santé et de bien-être de la population en lien avec son environnement économique, social et physique. Janice Keefe est professeure au Department of Family Studies and Gerontology de la Mount Saint Vincent University. En juillet 2002, elle est devenue titulaire de la première Chaire de recherche du Canada sur les politiques relatives au vieillissement et à la prestation des soins de cette université. Elle a récemment obtenu le soutien financier de la Fondation canadienne pour l’innovation/Canadian Foundation of Innovation pour développer le Maritime Data Centre for Aging Research and Policy Analysis. Elle s’intéresse à la recherche de solutions pour les personnes âgées vivant en milieu rural, aux politiques de soins de longue durée, aux services de soins proprement dits et aux ressources humaines en santé.
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Lise Lachance, Ph.D., psychologue et conseillère en relations industrielles, est professeure au Département des sciences de l’éducation et de psychologie à l’Université du Québec à Chicoutimi et chercheure au Centre de recherche interuniversitaire sur l’éducation et la vie au travail de l’Université de Sherbrooke. Ses principales activités de recherche s’insèrent dans le domaine de la psychologie sociale et concernent particulièrement la conciliation entre le travail et la vie personnelle et le fonctionnement dans les rôles sociaux. Ses recherches en cours traitent du processus d’adaptation au stress lors de l’accomplissement de rôles multiples, d’importantes transitions ou événements de vie. Ses intérêts et sa participation à plusieurs projets de recherche portant sur les facteurs de protection et de fragilisation de la santé l’ont conduite à intégrer, dans ses travaux, des mesures physiologiques de stress. Nicole L’Heureux, après des études secondaires, a été successivement secrétaire du laboratoire de biochimie de l’Hôpital Notre-Dame et des Relations extérieures de l’Université de Montréal. Mère de quatre enfants, elle a consacré quelques années à leur éducation, puis, après une formation en gérontologie, elle a œuvré auprès des personnes âgées et de leurs proches, dans le milieu communautaire durant 20 ans. C’est à titre de coordonnatrice du Regroupement des aidantes et aidants naturels de Montréal qu’elle a participé à la table ronde sur le virage ambulatoire. La santé de la population en général et surtout la qualité de vie des personnes âgées et de leurs proches sont pour elle une préoccupation constante. Georgia Livadiotakis, M.A. (gérontologie), est analyste à la Division de l’évaluation des programmes, Direction de la recherche appliquée et de l’analyse de la Direction générale de l’information, de l’analyse et de la connectivité à Santé Canada. Ses champs de recherche couvrent les soins à domicile, les personnes âgées, la prestation des soins, les politiques de santé et l’évaluation de programmes. En collaboration avec les chercheurs des Centres d’excellence pour la santé des femmes, elle a récemment complété un projet intercentres sur les coûts sociaux, psychologiques et économiques de la répartition des rôles entre les sexes chez les aidants qui prodiguent des soins palliatifs à domicile dans les derniers mois de vie. Cette recherche a été conduite dans trois provinces, à savoir la Colombie Britannique, le Québec et la Nouvelle-Écosse, présentant ainsi une vue des soins palliatifs et des clientèles dans tout le Canada. Mario Paquet est sociologue de formation et détenteur d’un doctorat en sciences humaines appliquées de l’Université de Montréal. Il est aussi chercheur invité à l’Institut national de recherche scientifique (INRS – Urbanisation, Culture et Société) et chercheur associé au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Depuis 1987, il occupe un poste d’agent de recherche à la Direction de santé publique
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de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Lanaudière à Joliette. Il s’intéresse depuis plusieurs années à la problématique du soutien familial aux personnes âgées dépendantes. Ses travaux de recherche, dont les résultats devraient servir à remettre en question les politiques sociales, les pratiques d’intervention et les programmes à l’égard des familles vivant une situation de dépendance, s’inscrivent dans une perspective socioanthropologique. M. Paquet collabore actuellement à une recherche sur le virage ambulatoire. Il mène aussi une étude exploratoire sur le vécu d’une expérience familiale de soin auprès d’un proche. De plus, un ouvrage de vulgarisation sur le thème du « prendre soin à domicile » est en préparation. Sylvie Paquette est diplômée de l’Université d’Ottawa en sociologie (M.A.). Elle a publié des articles portant sur l’articulation travail-famille et les soins à domicile. Invitée au colloque international organisé par l’Université des femmes sur le thème du vieillissement à Bruxelles en mai 2000, elle s’intéresse à la prise en charge des personnes âgées à domicile. Elle travaille maintenant à Statistique Canada sur des enquêtes sociales. Guilhème Pérodeau détient un doctorat en psychologie sociale de l’Université York. Elle est professeure titulaire au Département de psychoéducation et de psychologie de l’Université du Québec en Outaouais ainsi que chercheure au Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la santé et de la prévention (GRASP) de l’Université de Montréal. Ses intérêts de recherche portent sur la problématique du vieillissement en particulier le stress et les stratégies d’adaptation et la consommation de psychotropes chez les aînés. Elle s’intéresse également à la conciliation travail-famille chez les professionnels et les aidants de personnes en perte d’autonomie. Son dernier projet de recherche portait sur la consommation de psychotropes chez les personnes âgées en maintien à domicile. Caroline Richard est psychologue et occupe un poste d’agente de recherche à la direction de la santé publique de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Lanaudière. Ses intérêts de recherche touchent principalement l’évaluation des programmes et services de santé mis en place pour améliorer l’état de santé et de bien-être de la population. Louis Richer, Ph.D., neuropsychologue, et professeur titulaire au Département des sciences de l’éducation et de psychologie de l’Université du Québec à Chicoutimi. Ses intérêts de recherche portent sur la neuropsychologie expérimentale et clinique, avec notamment des projets sur : l’évaluation de l’adaptation au stress à l’aide de mesures psychosociales et biologiques ; les influences environnementales sur le développement du cerveau des adolescents ; le développement de lignes directrices en santé clinique et génétique pour améliorer la qualité de vie des individus atteints
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de dystrophie myotonique et leur famille ; et la conciliation travail-famille, d’une part, chez des parents de jeunes ayant une déficience intellectuelle et, d’autre part, chez les couples d’aidants de la génération sandwich qui prennent en charge un parent atteint de démence. Il est membre du groupe Écogènes-21 en génétique communautaire, concernant le concept du transfert technologique des connaissances en génétique vers la population. Chantal Saint-Pierre est détentrice d’un baccalauréat en sciences de la santé (sciences infirmières) de l’Université Laval et d’une maîtrise en sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Rimouski. Elle est à compléter un doctorat en sciences infirmières à l’Université de Montréal. Professeure à l’Université du Québec en Outaouais depuis 1990, elle agit actuellement comme directrice du Module des sciences de la santé et comme responsable des programmes de deuxième cycle en sciences infirmières. Ses intérêts de recherche portent sur la formation des infirmières et la santé des femmes. Elle s’est impliqué auprès de divers organismes, entre autres le Réseau national action-éducation des femmes, l’Association canadienne des écoles de sciences infirmières, Association canadiennefrançaise pour l’avancement des sciences et la Fondation de recherche en sciences infirmières du Québec. Denise Trudeau est détentrice d’une maîtrise en sciences infirmières de l’Université de Montréal et a complété une formation en andragogie. Elle possède plus de vingt ans d’expérience auprès de clientèles vieillissantes en centre hospitalier et en centre d’hébergement et de soins de longue durée. Elle possède une expertise en animation de groupe et a participé à diverses activités de formation auprès d’intervenants œuvrant en gérontogératrie. Elle est présentement agente de recherche au sein de l’équipe de la Chaire Desjardins en soins infirmiers à la personne âgée et à la famille du Centre de recherche de l’institut universitaire de gériatrie de Montréal. Elle s’intéresse depuis quelques années à la gestion du stress chez les aidants familiaux de personnes âgées.
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