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French Pages 356 [368] Year 2007
L’Apocalypse des animaux (1 Hen 85–90) : une propagande militaire ?
Supplements to the
Journal for the Study of Judaism Editor
John J. Collins The Divinity School, Yale University Associate Editors
Florentino García Martínez Qumran Institute, University of Groningen Hindy Najman Department of Near and Middle Eastern Civilizations, University of Toronto Advisory Board
j. duhaime – a. hilhorst – p. w. van der horst a. klostergaard petersen – m. a. knibb j. t. a. g. m. van ruiten – j. sievers – g. stemberger e. j. c. tigchelaar – j. tromp
VOLUME 120
L’Apocalypse des animaux (1 Hen 85–90) une propagande militaire ? Approches narrative, historico-critique, perspectives théologiques
Par
Daniel Assefa
LEIDEN • BOSTON 2007
This book is printed on acid-free paper. Library of Congress Cataloging-in-Publication Data Assefa, Daniel. L’apocalypse des animaux (1 Hen 85–90) : une propagande militaire? : approches narrative, historico-critique, perspectives theologiques / by Daniel Assefa. p. cm. — (Supplements to the Journal for the study of Judaism ; 120) Includes bibliographical references and index. ISBN 978-90-04-16267-9 (hardback : alk. paper) 1. Ethiopic book of Enoch LXXXV–XC—Criticism, interpretation, etc. 2. Ethiopic book of Enoch LXXXV–XC—Criticism, Narrative. 3. Apocalyptic literature—History and criticism. 4. Propaganda—Biblical teaching. I. Title. II. Series. BS1830.E7A87 2007 229'.91306—dc22 2007029415
ISSN 1384-2161 ISBN 978 90 04 16267 9 Copyright 2007 by Koninklijke Brill NV, Leiden, The Netherlands. Koninklijke Brill NV incorporates the imprints Brill, Hotei Publishers, IDC Publishers, Martinus Nijhoff Publishers and VSP. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, translated, stored in a retrieval system, or transmitted in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording or otherwise, without prior written permission from the publisher. Authorization to photocopy items for internal or personal use is granted by Koninklijke Brill NV provided that the appropriate fees are paid directly to The Copyright Clearance Center, 222 Rosewood Drive, Suite 910, Danvers, MA 01923, USA. Fees are subject to change. printed in the netherlands
À mon père Assefa Kassayé
TABLE DES MATIÈRES Remerciements ............................................................................ Préface .........................................................................................
ix xi
Introduction ................................................................................
1
PREMIÈRE PARTIE
LE TEXTE DE L’APOCALYPSE DES ANIMAUX Chapitre I
Les sources .............................................................
13
Chapitre II
Le Texte de Tiller en caractères éthiopiens ........
28
Chapitre III
Traduction de 1 Hénoch 85–90 .........................
42
DEUXIÈME PARTIE
PERSPECTIVE SYNCHRONIQUE : ANALYSE NARRATIVE DE L’APOCALYPSE DES ANIMAUX Chapitre IV L’Apocalypse des animaux comme récit ............ Chapitre V
Le narrateur et le lecteur .....................................
55 101
TROISIÈME PARTIE
PERSPECTIVE DIACHRONIQUE Chapitre VI
Les anomalies ......................................................
121
Chapitre VII
Une apocalypse .................................................
136
Chapitre VIII
Allégorie et/ou fable ........................................
163
Critique historique ..............................................
190
Chapitre IX
viii
tables des matières QUATRIÈME PARTIE
LECTURE THÉOLOGIQUE Chapitre X
Dieu et le péché ...................................................
239
Chapitre XI
Les anges déchus ................................................
276
Chapitre XII
Dieu et ses justes ...............................................
291
Conclusion ..................................................................................
328
Bibliographie ............................................................................... Index des auteurs ........................................................................ Index thématique ........................................................................
335 349 352
REMERCIEMENTS Le professeur Jésus Asurmendi a dirigé cette thèse. Le professeur Jacques Noël Pérès a suivi avec intérêt les travaux de la critique textuelle et a revu la version française de la traduction de l’Apocalypse des animaux. Qu’ils en soient remerciés. Je suis reconnaissant envers le frère Michel Gall, supérieur des Capucins de Versailles, et le frère Gwénolé Kermorgant, spécialiste de la littérature française, qui ont relu et corrigé mon texte français. Mr. Hailu Guirma et Mlle Messeret Habte m’ont apporté leur aide quand j’ai commencé mon travail sur la concordance du livre d’Hénoch éthiopien, en 1999. Je les en remercie. Merci également à Mr. Alexandre Guéniot, spécialiste en informatique, sans l’assistance duquel je n’aurais pas terminé la rédaction de la concordance du livre d’Hénoch dans sa version éthiopienne. Celle-ci s’est montrée fort utile pour mes recherches. J’exprime ma reconnaissance à l’État français pour la bourse d’études qu’il m’a accordée, prenant en charge l’année de la capacité doctorale (2001–2002) et les trois années de thèse (2002–2005). Je remercie aussi la Province de France des Capucins et, en particulier, la fraternité de Versailles de m’avoir offert l’hospitalité et d’avoir pris en charge la dernière année académique de ma thèse (2005–2006). Un grand merci au professeur John J. Collins qui a accepté la publication de ce travail chez Brill dans la collection Supplements to the Journal for the Study of Judaism. Madame Senait Worku et Mlle Aster Assefa m’ont assisté dans la mise en page de cet ouvrage et je leur exprime ici ma plus vive gratitude.
PRÉFACE Mon intérêt pour le Livre d’Hénoch remonte à environ 9 ans. En 1998, à la suite d’un cours sur la révolte maccabéenne donné par le professeur Joseph Sievers, à l’Institut Biblique de Rome, je découvrais l’Apocalypse des animaux (1 Hén 85–90). Cela me permit de consulter pour la première fois le commentaire qu’en a fait Patrick Tiller. Cet ouvrage gurait dans notre bibliographie. Dans un travail pratique j’ai présenté sa thèse partagée par de nombreux auteurs, selon laquelle 1 Hén 90, 9 se réfère à Judas Maccabée. Pour la majorité des spécialistes l’Apocalypse des animaux est un texte militant, une propagande pro-maccabéenne. Cependant, ce texte, ne développe t-il pas des réexions théologiques autres qu’une justication d’une lutte armée ? N’y trouvons-nous pas des thèmes incompatibles avec le mouvement des Maccabées ? Peut-on, à la fois condamner le culte du deuxième Temple et encourager à se battre pour la purication de ce même Temple avec les Maccabées ? La première partie de ce travail sera consacrée à la découverte de tous les aspects du texte. L’analyse narrative pourra, ensuite, aider à voir des détails utiles pour entrer dans le monde du récit. Dans la troisième partie, on entend effectuer des démarches utiles pour situer le texte dans son contexte historique, religieux, socio-politique et littéraire. La dernière partie répond à notre problématique en tirant les conséquences de l’analyse narrative et de l’étude du contexte historique. Quels thèmes sont compatibles avec la thèse d’un texte militant ? Quels autres thèmes seraient incompatibles ? Quelle est la spécicité théologique de l’Apocalypse des animaux ? Daniel Assefa
INTRODUCTION 1. Les livres d’Hénoch1 (I Hénoch) Quand Hénoch eut soixante-cinq ans, il engendra Mathusalem. Hénoch marcha avec Dieu. Après la naissance de Mathusalem, il vécut trois cents ans et il engendra des ls et des lles. Toute la durée de la vie d’Hénoch fut de trois cent soixante-cinq ans. Hénoch marcha avec Dieu, puis il disparut, car Dieu l’enleva. (Gn 5, 21–24)
À part ces trois versets particuliers du livre de la Genèse, la Bible hébraïque ne dit pas grand chose au sujet de ce personnage autour duquel s’est créé un intérêt particulier et une œuvre s’est constituée à partir du iiie siècle avant notre ère. Par contre, ce ne sont pas seulement les 108 chapitres de I Hénoch qui montrent la place importante de ce personnage, de ses révélations et de sa sagesse. En effet, d’après Jubilés, Hénoch, l’aïeul de Noé, est le premier des humains « à apprendre l’écriture, la sagesse, et la science, et à écrire dans un livre les signes du ciel suivant l’ordre des mois, an que les humains connaissent les saisons, en leur ordre, mois par mois » ( Jubilés 4, 17). Par ailleurs, quelques passages du Nouveau Testament montrent aussi bien l’importance accordée à Hénoch et à l’œuvre circulant sous ce nom : « Par la foi, Hénoch fut enlevé, en sorte qu’il ne vit pas la mort, et on ne le trouva plus parce que Dieu l’avait enlevé. Avant son enlèvement, il lui est rendu témoignage qu’il avait plu à Dieu. » (Hén 11, 5) « . . . c’est aussi pour eux qu’a prophétisé en ces termes Hénoch, le septième patriarche depuis Adam . . . » ( Jude 14). Cependant, on constate une diminution d’intérêt et une disparition complète du premier livre d’Hénoch dans le monde chrétien. Pendant longtemps, voire plusieurs siècles, l’Europe se contentera de citations et de fragments grecs du premier livre d’Hénoch. Il faudra attendre le xviiie siècle, plus précisément 1773, pour que l’explorateur écossais James Bruce rentre d’Ethiopie avec trois manuscrits éthiopiens du livre
1 A distinguer de II Hénoch ou Hénoch slave et de l’Hénoch hébreu tous les deux plus tardifs. Nous avons choisi de parler des livres de I Hénoch car il s’agit de différents livres.
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introduction
d’Hénoch. Cette découverte suscita plusieurs traductions en langues européennes et études historico-critiques. Les études sur le messianisme et sur le judaïsme proche de l’époque de Jésus créèrent un intérêt particulier pour le livre d’Hénoch. La découverte de fragments araméens du premier livre d’Hénoch à Qumran donna un nouvel élan à la recherche exégétique. 1.1. Composition du livre d’Hénoch Les 108 chapitres des livres de I Hénoch ne forment pas un tout homogène. On observe aujourd’hui un consensus sur cinq parties autonomes : le livre des Veilleurs (ch. 1–36), le livre des Paraboles (ch. 37–71), le livre des Luminaires (ch. 72–82), le livre des Songes (ch. 83–90) et l’Épître d’Hénoch (ch. 91–108). L’Épître d’Hénoch contient l’Apocalypse des Semaines (ch. 91,11–17 et 93,3–10). Ces parties ne sont pas composées à une même époque. Pour de nombreux auteurs, le livre des Luminaires serait écrit au iiie siècle avant notre ère, le livre des Veilleurs entre 250 et 200, l’apocalypse des semaines et l’épître d’Hénoch vers 170, et le livre des songes entre 170 et 160 pour. La date de composition du livre des Paraboles est controversée même si tous les spécialistes afrment qu’il est le dernier de ce « Pentateuque ». La plupart suggèrent entre la n du ie siècle avant J.-C. et le ie siècle de notre ère. 1.2. Structure des livres de I Hénoch I.
1–36 : le livre des Veilleurs 1–5 introduction 6–11 les anges déchus 12–16 vision d’Hénoch 17–36 les visites d’Hénoch II. 37–71 : le livre des Paraboles 37–44 la première parabole 45–57 la deuxième parabole 58–71 la troisième parabole III. 72–82 : le livre des Luminaires IV. 83–90 : le livre des Songes 83–84 le songe sur une future catastrophe 85–90 l’Apocalypse des animaux V. 91–108 : l’Épître d’Hénoch 93, 1–10 ; 91, 11–17 Apocalypse des Semaines
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91–105 exhortations (bénédictions et malédictions) 106–107 naissance de Noé 108 addition à l’Épître 1.3. La place des livres de I Hénoch dans la littérature apocalyptique La majorité des livres de I Hénoch est écrite avant les autres apocalypses juives. Aussi leur inuence sur les oeuvres postérieures reste toujours un champ de recherche privilégié. Cela est visible au niveau des motifs et du style, au niveau de certains expressions et thèmes comme l’origine surnaturelle du péché, le jugement, le déterminisme, l’angélologie, l’eschatologie, le paradis, l’enfer, la résurrection, la rétribution individuelle, l’intervention divine à la n des temps, la périodisation de l’histoire, et l’emploi du pseudonyme. Tout cela nous amène à admettre que les livres de I Hénoch sont parmi les oeuvres les plus importantes de la littérature apocalyptique juive. Non seulement le Livre des Jubilées, écrit vers 150 av J.-C., mais aussi les fragments araméens du Livre des Veilleurs, des Luminaires, des Songes et de l’Épître d’Hénoch découverts à Qumran indiquent leur importance pour certaines communautés juives de l’époque hellénistique. 2. Présentation, délimitation et situation du sujet Hénoch est donc un patriarche antédiluvien, le septième depuis Adam, l’aïeul de Noé. Il précède le déluge, l’alliance de Noé, la promesse faite à Abraham, à Isaac et à Jacob. Il vit bien avant Moïse et l’Exode, avant la création d’Israël. Alors que la Bible parle peu d’Hénoch, les livres de I Hénoch nous font découvrir ce patriarche mystérieux. On y apprend plus sur sa relation avec Dieu, son enlèvement, son expérience extraordinaire. Comment Hénoch fut-il enlevé ? Une fois enlevé, qu’a-t-il vu, qu’a-t-il vécu ? Pour de nombreux auteurs les livres de I Hénoch développent une théologie différente de celle de l’Alliance et de la Loi de Moïse. Ces livres reèteraient un judaïsme où Moïse, la Loi et l’Alliance perdent de leur importance. Reste à savoir si tous les livres reètent ou non une théologie « hénochienne », étrangère à la tradition biblique. L’objectif de ce travail n’est pas d’examiner la théologie de toute l’œuvre hénochienne. Nous nous limitons à la quatrième partie ou au Livre des Songes, et plus précisément à 1 Hén 85–90, l’AA.
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introduction 3. Exposé de la problématique
Quelle est la théologie en 1 Hén 85–90 ? Qu’en est-il de la relation entre Hénoch et Israël ? Peut-on afrmer un manque d’intérêt pour l’histoire d’Israël dans l’Apocalypse des Animaux2, c’est-à-dire 1 Hen 85–90? Pour tous les auteurs, une partie importante de l’AA est une reprise d’éléments bibliques. Quelle est la fonction de cette reprise ? Quelle est la relation entre les récits bibliques et l’AA ? Quel est le pôle dominant dans l’AA ? Les récits bibliques sont-ils simplement subordonnés ou s’agit-il de thèmes de I Hénoch, par exemple du Livre des Veilleurs, appliqués à l’histoire de l’humanité et d’Israël ? Pour la majorité des spécialistes l’AA est un texte militant, une propagande pro-maccabéenne. En voici quelques exemples : [Les chapitres] 87–90 ont été écrits par un Chasid en soutien du mouvement maccabéen3. La fonction de l’AA semble prôner une certaine prise de position politique et encourager ceux qui y adhèrent. La fonction du premier songe semble légitimer les héritiers de la tradition hénochique contre d’autres éventuels groupes rivaux4.
Ces auteurs voient dans l’AA, un texte pro-maccabéen. On peut poser les questions suivantes : ce texte, ne développe t-il pas des réexions théologiques autres qu’une justication à une lutte armée ? N’y trouvonsnous pas des thèmes incompatibles avec le mouvement des Maccabées ? Peut-on, par exemple, à la fois condamner le culte du deuxième Temple et encourager à se battre pour la purication de ce même Temple avec les Maccabéens ? Peut-on à la fois croire que le peuple est livré par Dieu à des anges transgresseurs et malveillants pendant une période déterminée et soutenir une activité militaire ? Peut-on concilier une attente imminente et certaine de la n de l’histoire avec un appel à 2
Dorénavant l’AA. R. H. Charles, The Book of Enoch or 1 Enoch: Translated from the Editor’s Ethiopic Text, and edited with the introduction notes and indexes of the rst edition wholly recast enlarged and rewritten ; together with a reprint from the editor’s text of the Greek fragments, Oxford, Clarendon, 1912, p. 182. 4 P. A. Tiller, A commentary on the Animal Apocalypse of 1 Enoch (SBLEJL 4 : Society of Biblical Literature, Early Judaism and Its Literature), Atlanta, Scholars Press, 1993, p. 99. Albertz dit : « . . . l’AA hénochique et le livre hébreu de Daniel avancèrent deux positions virtuellement opposées : le premier propagea une participation active dans la lutte armée, et le second, une souffrance passive comme des martyrs. » Voir R. Albertz, Religionsgeschichtliche Israels in alttestamentlicher Zeit 2 vom Exil bis zu den Makkabäern, Götingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1992, pp. 664–667. 3
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l’action pour changer le cours des choses par des forces humaines ? Si le texte développe une vision déterministe et si tout dépend seulement de Dieu, pourquoi une action militaire ? Le texte est militant. Soit ! Mais en trouve t-on de traces dans la plus grande partie du texte ? Pourquoi, dans le texte, rien ne semble-t-il préparer à une résistance armée ? La bonne ou mauvaise relation du peuple avec son Seigneur joue un rôle primordial. Si le but du texte est d’être militant, pourquoi ne met-il pas en cause les nations ennemies ? Contrairement aux reproches faits au peuple et aux pasteurs (89, 33. 35(2). 51. 54 ; 90, 24.25.26), pourquoi les nations ennemies ne sont-elles pas explicitement critiquées ? Pourquoi la souffrance du peuple est-elle expliquée à la lumière de sa relation avec son Seigneur ? À la n de l’histoire, un reste d’Israël entre dans la nouvelle maison du Seigneur avec un reste des nations, pour se réjouir à l’abri de tout danger. Ce caractère universaliste du récit ne remet-il pas en question la thèse du texte militant ? Le livre évoque le tournant décisif de l’histoire. Où nissent la souffrance et l’abandon ? Est-ce au moment de la conversion ou de la réforme religieuse d’un petit groupe (90, 6) ? Ou bien au moment de l’implication d’une résistance (90, 9ss) ? Ou lors de l’intervention d’un ange (90, 14) ? Ou encore au moment du rapport nal de la transgression des pasteurs (90, 17). Ou enn lors de l’intervention divine (90, 18) ? L’étude de ces questions nous amènera à constater que l’AA est beaucoup plus riche et complexe qu’une simple propagande pour une lutte armée. Nous espérons montrer que le qualicatif militant, qui cache les réexions théologiques du texte, doit donc être relativisé. Quant aux aspérités du texte, nous proposerons une hypothèse qui réponde aux problèmes de la critique littéraire, historique et théologique. 4. Annonce du plan Notre travail procède par étapes. Il se divise en quatre parties, à savoir, la présentation du texte, une perspective synchronique, une perspective diachronique et une lecture théologique de la vision. 4.1. Première partie : présentation du texte La première partie sera consacrée à la découverte de tous les aspects du texte. Nous commencerons par présenter les fragments araméens, les
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manuscrits grecs et éthiopiens de l’AA. Ensuite nous passerons au choix d’un texte pour notre étude. Parmi les éditions critiques importantes, laquelle choisir qui nous permette de dégager les problèmes textuels particulièrement signicatifs pour notre étude ? La récente édition de Tiller (seulement pour l’AA) sera comparée à celle de Flemming. Les éditions de Charles et de Knibb seront aussi prises en considération pour tous les cas où Tiller se sépare de Flemming. La traduction française proposée tiendra compte de ces problèmes textuels. 4.2. Deuxième partie : analyse narrative Nous envisageons une analyse narrative de l’AA. Cela présuppose l’aspect narratif de l’AA. Ainsi, l’analyse de la dimension temporelle, des personnages et de l’intrigue aura une fonction double : d’une part, démontrer que le texte est un récit. D’autre part, découvrir le contenu et la forme de l’histoire, étudier les points de vue, la voix narrative, la stratégie du texte, la rhétorique du récit, le tournant décisif, les commentaires explicites et implicites. Pourquoi une analyse narrative ? Une analyse narrative se justie par la dénition d’une apocalypse que propose un groupe de spécialistes, et publiée dans le périodique Semeia 14. Il y est souligné qu’une apocalypse est « un genre faisant partie d’une littérature de révélation dans une facture narrative . . . ». Il nous a donc semblé que l’analyse narrative était une bonne manière d’aborder le récit. Non pas que d’autres méthodes et d’autres approches soient impossibles. En dehors de l’analyse narrative diverses analyses ont été faites par plusieurs auteurs. Il suft de jeter un coup d’œil sur les commentaires importants du livre d’Hénoch pour s’en apercevoir. On peut citer, entre autres, ceux de Dillmann, de Charles, de Martin, de Tiller (pour l’AA) et de Nickelsburg. L’analyse narrative pourra aider à voir des détails utiles pour entrer dans le monde du récit. En plus de ce que l’on vient de dire au sujet de l’intrigue et du tournant décisif du récit, elle nous permet d’étudier la relation des séquences diverses. Elle nous aide à voir ce que l’histoire demande au lecteur de comprendre, d’accepter et de garder comme valeur. Que découvre-t-il à la n ? Comment le texte communique t-il avec le lecteur du récit ? Quels sont les intérêts suscités par le narrateur ? Qu’est ce que le texte incite les destinataires ou le lecteur à faire, à changer, à aimer ?
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4.3. Troisième partie : perspective diachronique La critique littéraire répond aux questions suivantes : existe-t-il des tensions, des incohérences dans le texte ? Si oui, pouvons nous les résoudre dans le cadre d’une analyse narrative ? Est-il nécessaire d’avoir recours à la diachronie ? Le texte comporte t-il des insertions rédactionnelles ? Nous verrons que l’analyse narrative ou une approche synchronique ne sufront pas à résoudre certaines aspérités du texte. Aussi, tiendrons-nous compte de la diachronie pour proposer une hypothèse qui puisse expliquer ces aspérités. L’examen des avantages et des limites des hypothèses échafaudées pour résoudre la question des tensions, se révélera particulièrement important pour l’étude du dernier chapitre du texte (90). Les images et les allusions à des récits bibliques y sont abondantes. Contrairement à certaines visions prophétiques, ou au livre de Daniel, l’AA n’offre aucune interprétation de la symbolique animale. Une compréhension du texte exige donc une attention à la voix narrative, aux commentaires explicites et implicites. Ainsi, dans un texte « symbolique, métaphorique, allégorique » comme l’AA, l’étude de la voix narrative implique une prise en considération des genres littéraires. Par ailleurs, l’étude des personnages et des événements est intrinsèquement liée à celle des genres littéraires et à la question de la référence. À quoi se réfèrent la symbolique animale, les diverses images et expressions, comme celles des pasteurs, des étoiles et du couple voir-être aveuglé ? Que représentent les animaux et leurs actions ? Se réfèrent-ils à des personnages et à des événements ? Comment savons-nous que tel animal représente « Adam », tel autre « Moïse » . . ., telle séquence le déluge, telle autre l’exode, telle autre la crise macabéenne ? Souvent, on passe à l’identication sans se poser ces questions. Cette élucidation, montrera, nous l’espérons, que dans la plupart des cas, il est possible d’identier les personnages et les événements symbolisés. Il sera question de la nature du langage des apocalypses. La notion de « sténo-symboles » et de « symboles en tension » sera exploitée pour l’interprétation. Peut-on lire l’AA comme une allégorie, ou une parabole, ou une fable ? Quels sont les avantages et les inconvénients de la lire ainsi ? On entend effectuer des démarches utiles pour situer le texte dans son contexte historique, religieux, socio-politique et littéraire. En effet, l’analyse narrative seule ne permettra pas de répondre à notre problématique. Le récit présuppose un bagage culturel. Si le cadre temporel et spatial peut être étudié au sein même de l’analyse narrative, le cadre
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social nécessite une critique historique. Or, contrairement aux premiers destinataires, nous sommes loin de l’univers dans lequel est né ce texte. Ce manque ne peut être comblé que par un examen historico-critique. Nous verrons la place importante des données paléographiques des manuscrits araméens de Qumran, de la littérature religieuse et des éventuels mouvements de cette même époque. Cela non seulement pour la datation de l’AA, mais aussi pour étudier la communauté qui a intérêt à produire un tel texte. 4.4. Quatrième partie : lecture théologique Il sera surtout question de répondre à notre problématique en tirant les conséquences de l’analyse narrative, de l’étude du contexte historique en nous appuyant sur les paramètres d’interprétations que la question des genres littéraires nous donne. Le débat consiste à voir, dans un premier temps, les grandes lignes théologiques qui se dégagent du texte. Il faudra les évaluer en fonction de l’idée de la propagande militaire. Quels thèmes sont compatibles avec la thèse d’un texte militant ? Quels autres thèmes seraient incompatibles ? Dans un deuxième temps, il faudra décrire la spécicité théologique de l’AA. Y trouve-t-on de nouvelles réexions théologiques ? Celles-ci sont elles en continuité avec les idées théologiques des autres parties du livre d’Hénoch ? En quoi seraient-elles nouvelles ? Le Dieu de l’AA est il présenté d’une manière différente de celle du reste du livre d’Hénoch ? Qu’attend l’auteur de ses destinataires ? Souhaite t-il qu’ils ouvrent leurs yeux ? Qu’ils se convertissent ? Qu’ils se mobilisent pour une lutte armée ? Où se situe la crise maccabéenne dans cette logique ? Peut-elle nous donner quelques clés ? 5. Méthode et approche Notre approche sera donc synchronique et diachronique par le recours à la méthode historico-critique et à l’analyse narrative. Pourquoi ne pas se contenter d’une analyse narrative et ignorer l’historico-critique ? Le recours à l’historico-critique est important pour plusieurs raisons. D’abord, le texte lui-même. Il existe plusieurs manuscrits éthiopiens, des fragments araméens et grecs. Comment établir ce texte ? La critique textuelle s’avère donc indispensable. D’autre part, le texte n’est pas sans tensions ni aspérités. Une approche synchronique n’arrive pas à résoudre
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les tensions en 90, 6–19, en 90, 31 et 90, 38. Un recours à une critique littéraire suivie d’une critique historique est nécessaire. Ensuite une critique historique est également nécessaire pour situer le texte dans son contexte. Le cadre social, les images, les motifs, les éventuelles allusions à des récits bibliques et à des personnages historiques ne peuvent s’élucider qu’à la lumière d’une critique historique. Or nous savons que ces textes ne datent pas de notre temps. Quel lecteur est censé les comprendre ? De même, la voix narrative de notre récit invite à refuser une lecture littérale. La question des genres littéraires s’avère utile. Qu’est-ce qu’une apocalypse ? L’AA est-elle une allégorie ? Peut-on faire un rapprochement entre l’AA et une fable ? Enn, l’étude du lien entre l’AA et les textes et la tradition auxquels elle se réfère sous-entend une approche diachronique. D’autre part, nous tenons compte de la diachronie, vu que les autres parties du livre d’Hénoch ne sont pas composées à la même époque, comme l’indiquent les fragments araméens de Qumran.
PREMIÈRE PARTIE
LE TEXTE DE L’APOCALYPSE DES ANIMAUX
PREMIER CHAPITRE
LES SOURCES 1.1. Les fragments araméens La découverte de fragments du livre d’Hénoch a renforcé l’hypothèse selon laquelle l’araméen serait la langue originale du livre d’Hénoch. Les 11 manuscrits que l’on a identiés sont des témoins de valeur considérable1. Proches de l’époque de la rédaction du livre d’Hénoch, ils facilitent les études sur la date de composition de ses différentes parties. Ils permettent aussi de faire un progrès signicatif dans l’étude de ce texte. Mais la question ne se limite pas au livre d’Hénoch. Ces fragments font partie d’une quantité considérable de manuscrits qui ont ouvert un champ intéressant de recherches sur la communauté de Qumran2 et sur le judaïsme pré-chrétien. Le contexte historique, littéraire, religieux où sont nés ces textes apporte des données précieuses sur la période « intertestamentaire ». L’AA est représentée par 4 manuscrits à Qumran : 4QEnc, 4QEnd, 4QEne, 4QEnf. D’après Milik, 4QEnf serait le plus ancien : il remonterait au troisième quart du iie siècle, donc entre 150–125 av. J.C.3 L’original est antérieur à cette période, les textes que nous possédons étant reconnus comme des copies de manuscits plus anciens. Les deux recensions en araméen, illustrées par la présence de deux fragments différents, plaident aussi pour une date de composition plus ancienne4. Il
1 Ces manuscrits ont été identiés et publiés par Milik ; voir J. T. Milik, The Books of Enoch : Aramaic Fragments of Qumran Cave 4, Oxford, Clarendon, 1976. 2 Pour la place et la nature des « textes pseudépigraphiques et apocalyptiques » de Qumran voir D. Dimant, « Signication et importance des manuscrits de la Mer Morte : l’état actuel des études qoumrâniennes », Annales 5, 1996, pp. 996–1002. 3 Milik 1976, p. 41. Les trois autres manuscrits se trouvent dans des rouleaux qui contenaient d’autres parties du livre d’Hénoch et le livre des Géants (p. 41). Pour leur datation voir M. A. Knibb, The Ethiopic Book of Enoch : A New Edition in the Light of the Aramaic Dead Sea Fragments Vol. 2, Oxford, Oxford University Press, 1978, pp. 9–11. 4 Les versets 11–14 se trouvent sur deux manuscrits différents, avec deux versions différentes : Milik 4QEnd 2 i et Milik 4QEne 4 ii. Ainsi Knibb parle d’évidences de variantes au sein même des manuscrits de Qumran ; voir Knibb 1978 (Vol. 2), p. 64.
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premier chapitre
est en outre intéressant de noter en 89, 13 deux façons d’écrire le relatif proclitique. D’une part, nous avons la forme de l’époque hellénistique yd (4QEnd 2 i 26) et, d’autre part, la forme archaïque yz (4QEne 4ii 13)5. On ne sait pas ce que 4QEnc aurait donné en 89, 13, car seuls les versets 31–37 sont lisibles6. Tout cela cependant montre bien l’activité de scribes à une époque assez proche de la date de composition. Si les fragments araméens nous apportent des éléments précieux, ils ont aussi des limites. Malheureusement, ils ne nous offrent qu’une partie très réduite du texte. D’après Knibb, on pourrait faire seulement un rapprochement de l’ordre de 196 versets sur les 1062 versets du texte éthiopien ; donc moins de 1/5. Cette proportion elle-même doit tenir compte de l’état de ces fragments où ne subsiste pratiquement plus aucune colonne entière d’un manuscrit7. Quant aux chapitres 37 à 71, connus sous le nom du Livre des Paraboles, aucune trace n’en a été trouvée à Qumran8. Dans l’ensemble les fragments araméens s’accordent avec la version éthiopienne. Celle-ci, pense-t-on, dérive d’une version grecque. Milik afrme que le Livre des Luminaires est visiblement plus long dans la version araméenne que dans l’éthiopienne. Knibb conrme les différences quant à la longueur des textes et à leur ordre9. Ainsi, les fragments araméens et grecs montreraient que les versions éthiopiennes ne viendraient pas directement de ceux-ci. Il s’agirait donc de versions parallèles10. Le tableau ci-dessous représente les fragments araméens de l’AA découverts à Qumran avec les versets correspondants :
5 D’après Schattner-Rieser, « … il semble bien que les copistes à Qumrân adaptèrent parfois des Vorlagen anciennes et qui pourraient remonter au ive siècle avant notre ère. En témoignent les archaïsmes ‘oubliés’ tels que le pronon tna, le pronom relatif yz, les démonstratifs hnd, ˆkd, d, et la performante y du verbe hwh ‘être’ » ; voir U. SchattnerRieser, « Observations sur l’araméen de Qumrân ; la question de l’araméen littéraire Standard reconsidéré », Jósef Tadeusz Milik et cinquantenaire de la découverte des manuscrits de la Mer Morte de Qumrân, Varsovie, Warszawska Drukarnia Naukowa Pan, 2000, p. 54. 6 4QEnd semble être copié à partir de 4QEnc ; voir Knibb 1978 (Vol. 2), p. 10. 7 Knibb 1978 (Vol. 2), p. 12. 8 Nous n’avons pas non plus de fragments grecs de cette partie. Le livre des paraboles n’est conservé qu’en version éthiopienne. 9 Knibb 1978 (Vol. 2), pp. 12–14. 10 Pour cette raison, Knibb critique les traductions qui passent de l’une à l’autre des versions araméenne, grecque et éthiopienne au gré des chapitres; voir M. A. Knibb, « Interpreting the Book of Enoch : Reections on A Recently Published commentary », Journal of the Study of Judaism 23, Leiden, 2002, p. 443.
15
les sources Text
Sigle de Milik
86, 1–3
4QEnf
4Q207 f1
88, 3–89, 6
4QEnƒ 4 i
4Q206 f4i
89, 11–14
4QEnd 2 i
4Q205 f2i
89, 7–16
4QEnƒ4 ii
4Q206 f4ii
89, 26–30
4QEnƒ4 iii
4Q206 f4iii
89, 29–31
4QEnd 2 ii
4Q205f2ii
89, 43–44
4QEnd 2 iii
4Q205 f2iii
89, 31–37
4QEnc 4
4Q204
1.2. Les versions grecques et éthiopiennes La version grecque est plus développée que celle des fragments araméens11. D’après Knibb, la version grecque correspond à 366 des 1062 versets du texte éthiopien12. Les manuscrits grecs de l’Apocalypse des animaux sont le Codex Vaticanus Gr 1809 (Gvat) (xe ou xie siècle) et l’Oxyryncus Papyrus 2069 (Goxy), de la n du ive siècle13. Le premier contient 8 versets du chapitre 89 (89, 42–49) et le second 6 versets répartis dans trois chapitres (85, 10–86, 2 ; 87, 1–3). Il existerait environ 49 manuscrits éthiopiens, xve–xixe14. Pour la quasi-totalité des critiques le livre d’Hénoch, dans sa version éthiopienne, a été traduit de la version grecque. Sans nier ce fait, Ullendorf 15 et
11
Sur les différents manuscrits grecs du livre d’Hénoch, voir, Milik 1976, pp. 70–78. Pour une édition des textes grecs du livre d’Hénoch, voir M. Black (ed.), « Apocalypsis Henochi Graece », Fragmenta pseuepigraphorum quae supersunt graeca una cum Historicorum et auctorum Judaeorum Hellenistarum fragmentis (Collegit et ordinavit Albert-Marie Denis), Leiden, Brill, 1970. 12 Knibb, 1978 (Vol. 2), p. 20. Pour les manuscrits grecs du livre d’Hénoch, voir Milik 1976, pp. 70–78; Knibb 1978 (vol. 2), pp. 15–20. 13 Milik, 1976, pp. 74–75. 14 Nickelsburg 2001, p. 125. Pour une liste des manuscrits éthiopiens du livre d’Hénoch, voir Knibb 1978 II, pp. 23–29 ; S. Uhlig, Das äthiopische Henochbuch ( Jüdische Schriften aus hellenistisch-römischer Zeit), Gütersloh, Mohn, 1984, pp. 473–476 ; Tiller, 1993, pp. 141–144 ; Nickelsburg 2001, p. 17. 15 E. Ullendorff, “An Aramaic Vorlage of the Ethiopic Text of Enoch?”, Atti del Convegno Internazionale di Studi Etiopici, Roma, 1960, pp. 259–267.
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Knibb16 ont avancé une hypothèse : les traducteurs auraient aussi eu à leur disposition un texte en araméen ou en syriaque.17 1.3. Les éditions critiques de la version éthiopienne Il existe plusieurs éditions critiques du texte éthiopien. Parmi les plus importantes, nous avons celles de Dillmann, Flemming, Charles, Knibb18. Pour l’AA, il faut ajouter celle de Tiller19. Flemming a divisé les manuscrits en deux groupes. Le groupe I correspond aux manuscrits plus anciens et plus proches de la version grecque ; le groupe II représente les manuscrits ayant subi une recension. Cette division est suivie par la majorité de spécialistes. Les manuscrits du groupe I ont servi de base à la plupart des éditions critiques20. C’est ainsi que, Flemming et Charles ont choisi « G », un manuscrit du xvie siècle, appartenant au groupe I21. Les éditions ont été accompagnées de nombreuses traductions annotées22. Black, Uhlig, Caquot et Nickelsburg afrment fonder leur traduction sur un choix éclectique des meilleurs manuscrits éthiopiens disponibles23. Il est cependant difcile de vérier la pertinence de leur choix. En effet, leur traduction en langue européenne n’est pas précédée de « leur texte éthiopien ». On ne peut donc pas savoir quels termes éthiopiens sont à l’origine de l’allemand, de l’anglais ou du français. Cela étant dit, ces traductions offrent de nombreuses informations importantes, y compris dans le domaine de la critique textuelle. 16
Knibb 1978 (Vol. 2), pp. 37–46. Pour une critique de la position de Ullendorff et de Knibb, voir P. Piovanelli, « Sulla Vorlage Aramaica dell’Enoch Etiopico », Studi Classici e orientali XXXVII, 1987, Pisa, Giardini, pp. 546–594. 18 A. Dillmann, Liber Henoch Aethiopice, Leipzig, Vogel, 1851; J. Flemming, Das Buch Henoch: Äthiopischer Text, Leipzig, Hinrichs’sche Buchhandlung, 1902 ; R. H. Charles, The Ethiopic Version of the Book of Enoch: edited from the twenty-three MSS together with the fragmentary greek and Latin Versions (Anecdota Oxoniensia, Semitic Series XI), Oxford, Clarendon Press, 1906; Knibb 1978 (Vol. 1). 19 P. A. Tiller, A Commentary on the Animal Apocalypse of 1 Enoch (SBLEJL 4), Atlanta, Scholars Press, 1993, pp. 141–219. 20 Seule l’édition de Knibb est une exception. 21 Ce manuscrit est nommé « G » par Flemming, « g » par Charles, « BM 485 » par Knibb et « Lo4 » par Uhlig. 22 Et cela continue toujours en différentes langues européennes. 23 M. Black, The Book of Enoch, or 1 Enoch : A New English Edition with Commentary and Textual Notes (Studia in Veteris Testamenti Pseudepigrapha 7), Leiden, Brill, 1985 ; Uhlig 1984 ; A. Caquot, « Hénoch », La Bible. Écrits intertestamentaires (Dupont-Sommer et M. Philonenko, ed.), Paris, Gallimard, 1987, pp. 463–625. 17
les sources
17
On ne rencontre pas ce problème dans les éditions de Knibb et de Tiller. Comme Flemming et Charles, tous deux nous présentent un texte éthiopien. Knibb a pris comme base Ryl, un manuscrit éthiopien appartenant au groupe II de Flemming. En plus des variantes éthiopiennes, son apparat critique contient les leçons des fragments grecs24. Un deuxième volume présente une traduction anglaise du texte éthiopien, accompagnée de fragments araméens sous forme de notes25. En suivant dèlement pour la sienne un seul texte, Knibb rompt avec la tradition de textes éclectiques que l’on trouve dans les éditions précédentes. Il entend éviter un texte qui n’aurait jamais existé. Selon Knibb les points suivants méritent notre attention : a) on a attribué une importance exagérée aux manuscrits du groupe I et il est temps de leur trouver un contre-poids; b) certains manuscrits du groupe II ont des leçons meilleures que celles du groupe I ; c) en raison de leurs nombreuses erreurs, les manuscrits du groupe I ne sont pas de bons documents de base pour une édition critique. Knibb a été critiqué pour le choix du manuscrit éthiopien Ryl 26 datant du xviiie siècle. Ses précautions ne semblent pas avoir été suivies par les spécialistes pour qui il est nécessaire de prendre un risque dans la préparation d’une édition critique27. Un peu comme Knibb28, Isaac a pris un seul manuscrit pour sa traduction anglaise de Tana 9, un texte du xve siècle29. À la lumière de ce manuscrit, Isaac a aussi discuté certaines questions de critique textuelle30. La question d’une nouvelle édition critique est toujours ouverte. Dans son récent commentaire sur le livre d’Hénoch, Nickelsburg exprime le besoin d’une nouvelle édition critique qui tiendrait compte de 49 manuscrits aujourd’hui disponibles31. Peut-être faut-il imiter l’édition
24
Knibb 1978, (Vol. 1). Knibb 1978, (Vol. 2). 26 « P » chez Flemming, « p » chez Charles, « Ma » chez Uhlig. 27 E. Hammerschmidt, “recension de Knibb”, Bulletin of the School of Oriental and African Studies 44, 1981, p. 574; Tiller 1993, pp. 129–131; Nickelsburg 2001, p. 18 (aussi pp. 3–4). 28 Celle d’Isaac est une traduction et non pas une édition du texte éthiopien. 29 Ce manuscrit compte parmi les plus anciens. D’après Knibb, il y a trop d’erreurs dans ce manuscrit ; on peut difcilement préparer une édition critique à partir de Tana 9. Pour des raisons analogues, Tiller choisit un autre manuscrit pour base, le EMML 2080, un manuscrit de la n du xve siècle ; voir Tiller 1993, p. 145. 30 E. Isaac, “New light upon the Book of Enoch from newly-found Ethiopic Manuscript” MSS, JAOS 103, 1983, pp. 399–411. 31 Nickelsburg 2001, p. 125. 25
18
premier chapitre
critique du Nouveau Testament en grec de Nestle-Aland32 ? Serait-il possible de confronter les éditions de Flemming, de Charles, de Knibb et de Tiller ? Notre objectif n’est pas de proposer une nouvelle édition critique du texte éthiopien. Aussi, devons-nous choisir un texte parmi ceux qui existent déjà. Quel texte choisir ? On ne peut se référer aux textes de Black ou d’Uhlig qui ne sont que des traductions sans renvoi systématique aux termes éthiopiens traduits. Il faudra donc choisir entre Dillmann, Flemming, Charles, Knibb et Tiller. Nous avons opté pour l’édition de Tiller qui offre le maximum de manuscrits nouveaux collationnés. Son texte éclectique est fondé sur le manuscrit EMML 2080 de la n du xve siècle, nommé « bn ». Le texte ainsi que l’apparat critique sont en caractères latins. Nous avons présenté le texte, sans son apparat critique, en le restituant en caractères éthiopiens33. Nous l’avons aussi accompagné d’un apparat critique particulier, qui ne remplace en aucun cas celui de Tiller. Il s’agit de notes où nous relevons 228 cas de différences entre le texte de Tiller et celui de Flemming. Pour chacun de ces cas, les données de Charles et de Knibb y sont incluses34. Le but est de montrer les points communs et les différences entre les éditions de Flemming, de Charles, de Tiller et de Knibb. Cela permet de voir ce que l’édition de Tiller innove ou change35. 1.4. Caractéristiques de l’édition de Tiller On trouve des cas non négligeables où Tiller et Charles s’accordent contre Flemming et Ryl. Cela peut paraître étonnant dans la mesure où Flemming, Charles et Tiller se fondent sur des manuscrits du groupe I alors que Ryl est un manuscrit du groupe II36. Une observation de 32 L’introduction du N.T en grec de Nestle-Aland (27ième édition, p. 44*) explique que le texte utilisé pour base a été créé à partir d’une comparaison des éditions de Tischendorf et de Westcott et Hort. 33 Nous indiquerons les moments où nous nous démarquons du texte de Tiller dans la critique textuelle et la traduction. 34 Une comparaison exhaustive de ces éditions ne peut se faire que si l’on tient compte du livre d’Hénoch en entier. En l’état actuel, l’édition de Tiller ne concerne que l’AA. Autrement dit, à moins que l’on ne veuille comparer les éditions anciennes, une nouvelle édition critique est à l’ordre du jour. Seulement, dans un deuxième temps pouvons-nous confronter les différentes éditions. 35 Pour des exemples de différence signicative entre l’édition de Tiller et les autres éditions, voir les notes 146, 170, 178, 183, 205 de notre apparat critique. 36 Rappelons que Flemming et Charles ont travaillé sur le même manuscrit.
19
les sources références
Charles et Tiller
Flemming et Tyl
88, 2
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