La gonarthrose : Traitement chirurgical : de l'arthroscopie à la prothèse [1ière éd. 2002. 2ième tirage ed.] 228730052X, 9782287300523 [PDF]

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La gonarthrose Traitement chirurgical : de l’arthroscopie à la prothèse

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Michel Bonnin, Pierre Chambat

La gonarthrose Traitement chirurgical : de l’arthroscopie à la prothèse

Michel Bonnin Clinique Sainte-Anne-Lumière Chirurgie orthopédique 85, cours Albert-Thomas 69003 Lyon Pierre Chambat Clinique Sainte-Anne-Lumière Chirurgie orthopédique 85, cours Albert-Thomas 69003 Lyon

ISBN-10 : 2-287-30052-x Springer Paris Berlin Heidelberg New york ISBN-13 : 978-2-287-30052-3 Springer Paris Berlin Heidelberg New york © Springer-Verlag France, Paris, 2003, 2006 Imprimé en France Springer-Verlag France est membre du groupe Springer Science + Business Media Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, la traduction, la réimpression, l’exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n’autorise une reproduction intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant les paiements des droits. Toute représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelque procédé que ce soit est sanctionnée par la loi pénale sur le copyright. L’utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. même sans spécification ne signifie pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu’ils puissent être utilisés par chacun. La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage et des modes d’emplois. Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifier les informations données par comparaison à la littérature existante.

SPIN : 11583516

Maquette de couverture : Nadia OUDDANE

Liste des auteurs AGLIETTI P. Clinica Orthopedica, Larco Palagi 1, 50129 Florence – Italie AÏT SI SELMI T. Centre Livet, 8, rue de Margnolles, 69300 Caluire – France ALMQUIST K. University Hospital, Department of orthopaedic surgery, De Pintelaan 185/P5, Gent – Belgique AMENDOLA A. University Hospital, 339 Windermere Road, Postal STN A’, London Ontario – Canada ARGENSON J.N. Hôpital Sainte-Marguerite, 270, boulevard Sainte-Marguerite, BP 29, 13274 Marseille Cedex – France AUBAINIAC J.M. Hôpital Sainte-Marguerite, 270, boulevard Sainte-Marguerite, BP 29, 13274 Marseille Cedex – France AYRAL X. Centre hospitalier Lyon-Sud, rue du Grand-Revoyet, 69310 Pierre-Bénite – France BALDINI A. Clinica Orthopedica, Larco Palagi 1, 50129 Florence – Italie BEAUFILS P. Hôpital André-Mignot, 177, rue de Versailles, 78157 Le Chesnay Cedex – France BELLEMANS J. University Hospital Pellenberg, Weligerveld 1, 3212 Pellenberg – Belgique BELLIER G. Cabinet Goethe, 3, rue Goethe, 75016 Paris – France BERNARD J. Hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, C.O. n° 34, 54035 Nancy Cedex – France BESSE J.L. Centre hospitalier Lyon-Sud, rue du Grand-Revoyet, 69310 Pierre-Bénite – France BIOT V. Centre Iris, rue des Sources, PB 22 , 69280 Marcy-l’Étoile – France BOLDT J.G. Schulthess Klinik, Lengghalde 2, 8008 Zürich – Suisse BONNIN M. Clinique Sainte-Anne-Lumière, 85, cours Albert-Thomas, 69003 Lyon – France BONVARLET J.P. Clinique Nollet, 21, rue Brochant, 75017 Paris – France BRETON P. Centre hospitalier Lyon-Sud, rue du Grand-Revoyet, 69310 Pierre-Bénite – France BRIARD J.L. Clinique du Cèdre, 950, rue de la Haie, 76230 Bois-Guillaume – France BRIHAULT J. Centre hospitalier universitaire de Tours, 2, boulevard Tonnellé, 37000 Tours – France BURDIN P. Centre hospitalier universitaire de Tours, 2, boulevard Tonnellé, 37000 Tours – France CARILLON Y. Clinique Jeanne-d’Arc, 44, cours Albert-Thomas, 69008 Lyon – France CERULLO G. Clinica Valle Giulia, Via G. de Notaris 2B, 00197 Rome – Italie

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La gonarthrose

CHAMBAT P. Clinique Sainte-Anne-Lumière, 85, cours Albert-Thomas, 69003 Lyon – France CHASSAING V. Clinique des Maussins, 67, rue Romainville, 75019 Paris – France CHATAIN F. Hôpital Édouard-Herriot, pavillon T, place d’Arsonval, 69003 Lyon – France CHRISTEL P. Clinique Nollet, 21, rue Brochant, 75017 Paris – France CIPOLLA M. Clinica Valle Giulia, Via G. de Notaris 2B, 00197 Rome – Italie CLATWORTHY M. Ascot Hospital, Level 1, 90, Greenlane Road East, Private bag 28912, Remuera, Aukland – New Zealand CLOUTIER J.M. 8 Sugar Hill, C.P. 831, Lac Brome, Quebec JOE 1VO – Canada COUDANE H. Hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, C.O. n° 34, 54035 Nancy Cedex – France DEJOUR D. Clinique de la Sauvegarde, avenue Ben-Gourion, 69009 Lyon – France DEROCHE P. Clinique orthopédique médico-chirurgicale, 2, rue Pressoir, 71460 Dracy-le-Fort – France DESCHAMPS G. Clinique orthopédique médico-chirurgicale, 2, rue Pressoir, 71460 Dracy-le-Fort – France DIGIOIA A. Kaufmann Building, Suite 1011, 3471 Fifth Avenue, Pittsburgh, PA 15213 – États-Unis DJIAN P. Cabinet Goethe, 3, rue Goethe, 75016 Paris – France FERREIRA A. Clinique du Parc, 86, boulevard des Belges, 69006 Lyon – France FRANCO V. Clinica Valle Giulia, Via G. de Notaris 2B, 00197 Rome – Italie FRANÇOIS I. Hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, C.O. n° 34, 54035 Nancy Cedex – France FRIEDERICH N. Head of Department of Orthopaedic Surgery, Kantonsspital, 4101 Bruderholz – Suisse FU F.H. Kaufmann Building, Suite 1011, 3471 Fifth Avenue, Pittsburgh, PA 15213 – États-Unis GALLET D. Clinique Sainte-Anne-Lumière, 85, cours Albert-Thomas, 69003 Lyon – France GACON G. Clinique du Parc, 86, boulevard des Belges, 69006 Lyon – France GÉRÉMY F. Clinique du Cèdre, 950, rue de la Haie, 76230 Bois-Guillaume – France GIANNI E. Clinica Valle Giulia, Via G. de Notaris 2B, 00197 Rome – Italie GIROUD A. Centre Iris, rue des Sources, PB 22, 69280 Marcy-l’Étoile – France GODENÈCHE A. Centre hospitalier Lyon-Sud, rue du Grand-Revoyet, 69310 Pierre-Bénite – France

Liste des auteurs

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GOUGEON F. Hôpital Roger-Salengro, 2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille – France GOUNOT N. Centre hospitalier Lyon-Sud, rue du Grand-Revoyet, 69310 Pierre-Bénite – France GRAVELEAU N. Clinique Sainte-Anne-Lumière, 85, cours Albert-Thomas, 69003 Lyon – France GRIFFIN J.R. Children’s Hospital of Pittsburgh, Growth & Development Lab, 4151 Rangos Research Center, 3705 Fifth Avenue, Pittsburgh, PA 15213 – États-Unis GUYEN O. Centre Livet, 8, rue de Margnolles, 69300 Caluire – France HERVÉ C. Hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, C.O. n° 34, 54035 Nancy Cedex – France HUARD J. Children’s Hospital of Pittsburgh, Growth & Development Lab, 4151 Rangos Research Center, 3705 Fifth Avenue, Pittsburgh, PA 15213 – États-Unis HUTEN D. Groupe hospitalier Bichat-Claude-Bernard,46,rue Henri-Huchard,75877 Paris Cedex 18 – France JACQUEMARD C. Centre Iris, rue des Sources, PB 22, 69280 Marcy-l’Étoile – France LANDREAU P. Clinique Moventis, 36, boulevard Saint-Marcel, 75005 Paris – France LAUTMAN T. Centre hospitalier universitaire de Tours, 2, boulevard Tonnellé, 37000 Tours – France LEMOINE J. Clinique des Maussins, 67, rue Romainville, 75019 Paris – France LERAT J.L. Centre hospitalier Lyon-Sud, rue du Grand-Revoyet, 69310 Pierre-Bénite – France MALO M. Sacré-Cœur Hospital, University of Montreal, Montreal, Quebec – Canada MARGHERITINI F. Children’s Hospital of Pittsburgh, Growth & Development Lab, 4151 Rangos Research Center, 3705 Fifth Avenue, Pittsburgh, PA 15213 – États-Unis MATHELIN J. Centre Iris, rue des Sources, PB 22, 69280 Marcy-l’Étoile – France MÉNÉTREY J. Hôpital Cantonal, Clinique d’orthopédie, 24, rue Micheli du Crest, 1211 Genève – Suisse MIGAUD H. Hôpital Roger-Salengro, 2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille – France MOJALLAL A. Centre hospitalier Lyon-Sud, rue du Grand-Revoyet, 69310 Pierre-Bénite – France MOYEN B. Centre hospitalier Lyon-Sud, rue du Grand-Revoyet, 69310 Pierre-Bénite – France MÜLLER W. Department of Orthopaedic Surgery, Kantonsspital, 4101 Bruderholz – Suisse MUNZINGER U.K. Schulthess Klinik, Lengghalde 2, 8008 Zürich – Suisse MUSAHL W. Children’s Hospital of Pittsburgh, Growth & Development Lab, 4151 Rangos Research Center, 3705 Fifth Avenue, Pittsburgh, PA 15213 – États-Unis

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NEYRET P. Centre Livet, 8, rue de Margnolles, 69300 Caluire – France NOËL E. Hôpital Édouard-Herriot, pavillon F, place d’Arsonval, 69003 Lyon – France NORDIN Y. Hôpital Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre – France PARKER DAVID A. Fowler Kennedy Sport Medicine Clinic, University of Western Ontario, London, Ontario – Canada PICARD F. Polyclinique de la Forêt, 4, rue Lagorsse, 77300 Fontainebleau – France PIPERNO M. Centre hospitalier Lyon-Sud, rue du Grand-Revoyet, 69310 Pierre-Bénite – France PUDDU G. Clinica Valle Giulia, Via G. de Notaris 2B, 00197 Rome – Italie RAQUIN P. Centre Iris, rue des Sources, BP 22, 69280 Marcy-l’Étoile – France RIVAT P. Clinique Pasteur, 294, boulevard Charles-de-Gaulle, 07500 Guilherand-Granges – France ROBERTO J. Centre Iris, rue des Sources, PB 22, 69280 Marcy-l’Étoile – France SARAGAGLIA D. Centre hospitalier universitaire de Grenoble, BP 217, 38700 La Tronche – France TAVERNIER T. Clinique de la Sauvegarde, avenue Ben-Gourion, 69009 Lyon – France TEBIB J. Centre hospitalier Lyon-Sud, rue du Grand-Revoyet, 69310 Pierre-Bénite – France TIRVEILLIOT F. Hôpital Roger Salengro, 2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille – France TRIVETT A.J. University Hospital, 339 Windermere Road, Postal STN A’, London Ontario – Canada VERDONK R. University Hospital, Department of orthopaedic surgery, De Pintelaan 185/P5, Gent – Belgique VINCE KELLY G. USC Center for Arthritis, 1450 San Pablo Street 5100, Los Angeles, CA 90033 – États-Unis VINEL H. Hôpital Sainte-Marguerite, 270, boulevard Sainte-Marguerite, BP 29, 13274 Marseille Cedex – France WESTPHAL M. Centre Iris, rue des Sources, PB 22, 69280 Marcy-l’Étoile – France WHAN HAN C. Children’s Hospital of Pittsburgh, Growth & Development Lab, 4151 Rangos Research Center, 3705 Fifth Avenue, Pittsburgh, PA 15213 – États-Unis WITOOLKOLLACHIT P. Sondejprajao taksin Maharaj Hospital, T. Rahange A. Mueng Take Province, 63000 Thaïlande ZAHLAOUI J. Centre médico-chirurgical de Vinci, 95, avenue Parmentier, 75011 Paris – France ZANONE X. Centre hospitalier de Nice, 30, voie Romaine, 06000 Nice – France

Sommaire Généralités Physiopathologie de l’arthrose J.Tebib .............................................................................................. 13

Imagerie de la gonarthrose Y. Carillon ........................................................................................... 24

L’arthrose fémoro-patellaire D. Dejour et T.Tavernier .............................................................................. 37

L’arthrose du genou sur laxité M. Clatworthy*...................................................................................... 53

Le traitement médical de la gonarthrose E. Noël .............................................................................................. 73

Perspectives et avenir dans le traitement médical de l’usure cartilagineuse M. Piperno .......................................................................................... 81

La thérapie génique et l’ingénierie tissulaire pour la réparation cartilagineuse J. Huard, C.Whan Han et F.H. Fu*..................................................................... 91

Traitement chirurgical Place de l’arthroscopie dans le traitement de la gonarthrose P. Djian, G. Bellier, B. Moyen, X. Ayral et J.P. Bonvarlet .................................................. 104

Principes, concepts et résultats des différents types d’ostéotomies P. Christel ............................................................................................ 118

Techniques des ostéotomies tibiales A. Amendola, D.A. Parker et A.J.Trivett* .............................................................. 133

Ostéotomie fémorale d’ouverture dans le genu valgum G. Puddu,V. Franco, M. Cipolla, G. Cerullo et E. Gianni*................................................. 149

Les prothèses unicompartimentales : résultats, causes d’échecs, indications P. Landreau.......................................................................................... 161

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Les prothèses unicompartimentales : principes techniques G. Deschamps ....................................................................................... 169

Les prothèses fémoro-patellaires V. Chassaing et J. Lemoine ........................................................................... 180

Indications chirurgicales dans l’arthrose fémoro-tibiale P. Chambat et N. Graveleau .......................................................................... 191

Point de vue : limites de la reconstruction du ligament croisé antérieur dans l’arthrose sur laxité F. Fu,W. Musahl, J.R. Griffin et F. Margheritini* ....................................................... 202

La prothèse totale du genou Les bases Historique, évolution des concepts, différentes prothèses actuelles P. Deroche ........................................................................................... 218

Les voies d’abord dans la prothèse totale du genou N. Friedrich et W. Müller* ............................................................................ 239

La planification préopératoire dans les prothèses totales du genou F. Chatain ........................................................................................... 247

Résultats après prothèses totales du genou J. Ménétrey.......................................................................................... 265

Causes d’échec mécanique des prothèses totales de genou M. Bonnin........................................................................................... 286

Surveillance des prothèses totales du genou J.L. Briard, F. Gérémy, P. Witoolkollachit et J. Zahlaoui ................................................. 307

Rééducation après prothèse totale du genou M. Bonnin, M. Westphal, C. Jacquemard,V. Biot, A. Giroud, J. Mathelin et J. Roberto................... 317

Anesthésie pour prothèse totale du genou : prise en charge médicale en période périopératoire D. Gallet............................................................................................. 331

L’information du patient dans les prothèses totales du genou – Aspects jurisprudentiels H. Coudane, C. Hervé, I. François et P. Bernard ........................................................ 359

Sommaire

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Les points spécialisés Prothèse totale du genou sur genu varum important P. Neyret, O. Guyen et T. Aït Si Selmi ................................................................... 366

Prothèses totales du genou sur genu valgum J.L. Lerat, A. Godenèche, B. Moyen et J.L. Besse ....................................................... 376

Prothèse totale du genou sur genou raide J.N. Argenson, H. Vinel et J.M. Aubaniac.............................................................. 402

Prothèse totale du genou après ostéotomie tibiale de valgisation F. Gougeon .......................................................................................... 410

Prothèse totale du genou sur cal vicieux T. Aït Si Selmi, X. Zanone et P. Neyret.................................................................. 424

Prothèse totale du genou après échec de prothèse unicompartimentale R. Verdonk, F. Chatain et K. Almquist ................................................................. 439

L’équilibrage ligamentaire des prothèses totales du genou G. Deschamps ....................................................................................... 454

Les complications des prothèses totales du genou liées à l’appareil extenseur Diagnostic, traitement, prévention P. Beaufils ........................................................................................... 472

Classification des pertes de substances osseuses dans les changements de prothèse totale du genou P. Burdin, S. Lautman et J. Brilhault .................................................................. 491

Les changements de prothèse totale du genou pour échecs mécaniques M. Bonnin........................................................................................... 499

Le comblement des pertes de substance osseuse dans les reprises de prothèse totale du genou D. Huten ............................................................................................ 515

Point de vue : choix de la contrainte dans les changements de prothèses totales du genou K. G. Vince et M. Malo* .............................................................................. 545

Traitement en deux temps des prothèses totales du genou infectées. Résultats à 5 ans A. Ferreira et G. Garon ............................................................................... 563

Les problèmes cutanés dans les prothèses totales du genou. Prévention et traitement P. Breton, N. Gounot et A. Mojallal ................................................................... 573

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La gonarthrose

La navigation informatique dans les prothèses totales du genou F. Picard, A. Digioia et D. Saragaglia .................................................................. 586

Les points de controverses Arthroplastie totale du genou avec préservation des ligaments croisés J.M. Cloutier......................................................................................... 610

La conservation du ligament croisé postérieur (LCP) dans les prothèses de genou à plateau fixe Y. Nordin et le groupe GUEPAR ....................................................................... 615

La substitution du ligament croisé postérieur au cours des prothèses totales du genou : avantages et inconvénients H. Migaud et F. Tirveilliot ............................................................................ 626

Fixation avec ou sans ciment dans les prothèses totales du genou J. Bellemans* ....................................................................................... 646

Les prothèses de genou à plateau mobile P. Aglietti et A. Baldini* .............................................................................. 658

La rotation dans les prothèses totales du genou M. Bonnin........................................................................................... 678

Étapes et stratégies des différents systèmes prothétiques postérostabilisés P. Neyret, P. Rivat et T. Aït Si Selmi..................................................................... 695

Point de vue : rotation de la pièce fémorale dans les prothèses totales du genou J.G. Boldt et U.K. Munzinger* ........................................................................ 716

* Chapitre traduit de l’anglais par Michel Bonnin

Physiopathologie de l’arthrose J.Tebib

Introduction L’arthrose est une affection fréquente qui touche le sujet âgé, puisque si elle affecte moins de 1 % des individus entre 25 et 34 ans, la prévalence passe à 30 % dans la tranche d’âge supérieure à 75 ans (1). Son entité pathologique a eu bien du mal à émerger puisque ses manifestations ont longtemps été considérées comme l’aboutissement physiologique du vieillissement articulaire, aggravé peut-être par des contraintes excessives secondaires à un surmenage ou à des déformations constitutionnelles. Ce caractère inéluctable, laissant peu de place à une intervention thérapeutique a, pour conséquence, fait que l’arthrose n’a guère fait l’objet de recherche jusqu’à ces dernières décennies. Le plus grand intérêt actuel provient des progrès accomplis dans au moins trois domaines. D’une part, la dégradation inflammatoire du cartilage caricaturée dans le processus rhumatoïde a des applications directes dans la pérennisation du phénomène arthrosique. D’autre part, notre connaissance sur les processus de vieillissement laisse entrevoir que nous ne sommes pas complètement démunis pour l’enrayer. Enfin, l’analyse statistique des grandes cohortes épidémiologiques a définitivement positionné un certain nombre de facteurs favorisant le processus arthrosique, au rang desquels l’obésité ou les microtraumatismes ont une bonne place et représentent autant de points d’action thérapeutiques. Moyennant toutes ces nouvelles données, une définition a récemment été proposée (2). L’arthrose est la résultante des phénomènes mécaniques et biologiques qui déstabilisent l’équilibre entre la synthèse et la dégradation du cartilage et de l’os sous-chondral. Ce déséquilibre peut être initié par de multiples facteurs : génétiques, de développement, métaboliques et traumatiques. L’arthrose, en affectant toutes les structures, aboutit à la dénaturation progressive du cartilage articulaire, à la sclérose de l’os sous-chondral avec constitution d’ostéophytes et de kystes sous-chondraux qui conduisent à la perte progressive de la congruence articulaire, source de douleur, de raideur, de déformation et d’épanchement, avec des degrés variés d’inflammation locale. Cette définition a le mérite de mettre en place les différents acteurs de la maladie qui interviennent simultanément et à des degrés divers en fonction du site affecté.

Les acteurs Toutes les structures de l’articulation diarthrodiale participent ou subissent le processus arthrosique. Le cartilage articulaire, l’os sous chondral, la synoviale et les structures ligamentaires peuvent être affectés. L’analyse de ces transforma-

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La gonarthrose

tions est la première étape de la connaissance du processus arthrosique. Les mécanismes présidant à ces transformations sont nombreux et d’inégale importance en fonction des sites articulaires impliqués et des individus.

Le cartilage Le cartilage articulaire hyalin est un tissu très différencié de quelques millimètres d’épaisseur, dépourvu de structure vasculo-nerveuse, vestige fonctionnel du cartilage de croissance des os longs. En effet, à l’âge adulte, sa fonction est d’assurer la congruence articulaire avec le minimum de force de frottement et de supporter les variations barométriques variables d’un site à l’autre aux changement de posture. Ces fonctions sont assurées avec une efficacité remarquable grâce à une structure parfaitement adaptée, dont la composition dépend de l’activité productive du chondrocyte, cellule d’origine mésenchymateuse parfaitement différenciée. Le dysfonctionnement de cette cellule, associé à différentes actions délétères directe sur le cartilage, occasionne des lésions rapidement irréversibles qui conduisent au cartilage arthrosique.

Composition et évolution du cartilage vers le processus arthrosique Le cartilage est formé d’une matrice glucido-protidique formée d’un treillis associant collagènes et protéoglycanes emprisonnant des molécules d’eau dont la masse correspond à environ 70 % du poids. Les chondrocytes sont enchâssés dans cette matrice qu’ils ont constituée pendant l’embryogénèse et les premières années de la vie et avec laquelle ils gardent des liens intimes par le biais de plusieurs types de récepteurs (fig. 1).

Les collagènes Le collagène majoritaire du cartilage est le collagène de type II. Il est synthétisé par les chondrocytes sous forme de procollagène II qui est formé d’une triple hélice de trois chaînes identiques α d’environ 300 nm. Les extrémités C et N terminales sont globulaires et assurent l’association fibrillaire de plusieurs centaines de molécules de procollagène dans la matrice. Une fois l’organisation en fibre terminée, les parties N et C terminales sont clivées par des protéases et un pontage réalisé entre chaque microfibrille appelée alors tropocollagène II par le biais de liaisons au niveau C ou N terminales (cross link). La fibre collagène ainsi constituée va pouvoir s’associer aux autres structures du cartilage par le biais de nombreuses protéines, dont des collagènes spécialisés aux caractéristiques biochimiques permettant ce conditionnement. Ce sont les FACIT collagènes (Fibril-Associated Collagens with Interrupted Triple Helices) dont le plus connu est le collagène IX, qui se fixe sur sa partie non fibrillaire à une chaîne poly-saccharidique et qui se positionne à la surface des fibres collagène II. Les collagènes apportent la structure au cartilage ainsi que la solidité. Enfin, leur synthèse n’est réalisée que pendant les premières années de la vie (cartilage de croissance) et on admet que le chondrocyte adulte n’en produit plus (ou peu en condition physiologique).Ainsi, la perte d’une molécule ne sera pas remplacée ou du moins pas par du collagène de type II (3).

Physiopathologie de l’arthrose

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Fig. 1. Organisation du cartilage hyalin L’organisation est centrée par l’activité du chondrocyte adulte, enchâssé dans la matrice qu’il a constitué pendant les premières années de la vie : la production du collagène II est ici schématisée par la synthèse de fibre de procollagène qui s’organise dans la matrice sous forme de tropocollagène. Les fibres de collagène résultantes sont organisées dans la matrice par le biais de connexion protéique encore mal connue mais qui dépend des FACIT protéines comme le collagène IX ou la fibronectines (voir texte). L’organisation spatiale du collagène apporte la structure au cartilage. Les protéoglycanes sont aussi synthétisés par le chondrocyte et s’organisent dans la matrice en se liant à une chaîne d’acide hyaluronique, elle-même compressée entre les fibres collagènes. La structure hydrophile des protéoglycanes assure les capacités d’amortissement et de congruence du cartilage adulte (voir texte). Toutes ces structures gardent un contact étroit avec le chondrocyte par le biais de récepteur comme la décorine ou le CD 44.

Les protéoglycanes Ils sont formés d’une protéine axiale sur la chaîne de laquelle se branchent des polysaccharides par des liaisons osidiques ou aminées. Ces polysaccharides sont constitués de motifs disacharidiques, dont la répétition et la possible sulfatation confèrent aux protéoglycanes ses particularités fonctionnelles (4). En effet, ces imposantes molécules (plusieurs milliers de Kda) sont très fortement concentrées dans la matrice du cartilage, compressées à 20 % de leur volume maximal entre le maillon des fibres collagènes. Cette compression et le caractère fortement anionique des chaînes poly-saccharidiques permettent d’obtenir un pouvoir osmotique très important qui leur confèrent une élasticité unique de l’ordre de 100 à 200 atmosphères par millisecondes à la mise en station debout. Ces macromolécules vont remplir une fonction d’amortissement dans le cartilage, au prorata des molécules d’eau qu’elles peuvent très rapidement emprisonner ou relarguer. Il existe plusieurs catégories de protéoglycanes. La plus importante, l’agrécanne est

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constituée par la répétition de chaînes oligosaccharidiques associées à deux types de glycosaminoglycanes : le chondroitine sulfate (polymère de 200 à 250 unités disaccharidique) et le Kératane sulfate (polymère de 20 à 40 unités disaccharidique). L’extrémité N terminale de la molécule est liée de manière non covalente à l’acide hyaluronique par une séquence spécifique (associée à une molécule de liaison) tandis que l’extrémité C terminale présente des séquences qui permettent à la molécule d’interagir avec des facteurs de croissance comme l’EGF, ou certaines protéines du complément (fig. 2). Au total, les agrécanes apparaissent branchées sur de très longues chaînes d’acide hyaluronique. En plus de leur rôle « d’éponge amortissante », les agrécanes pourraient représenter un réservoir à médiateurs en bloquant sur leur extrémités C terminales les facteurs de croissance ou des cytokines, et en les libérant à proximité du chondrocyte. Enfin, l’agrécane subit pendant son existence un certain nombre de modifications, au rang desquelles le clivage du domaine C terminal où le raccourcissement des chaînes de glycosaminoglycane apparaissent comme un phénomène de sénescence, ou la résultante de l’action d’agrécannases produites dans des conditions pathologiques. Ces modifications structurales ont pour conséquence la perte partielle du pouvoir d’amortisseur et des capacités de rétention de médiateurs de cette structure. Les autres protéoglycanes du cartilage sont de bien plus petite taille et par-

Fig. 2. Les protéoglycanes Ce sont des glycoprotéines retrouvées dans les tissus fibro-élastiques. Dans le cartilage, le plus spécifique est l’agrécane qui se caractérise comme une chaîne polypeptidique branchée par des glycosaminoglycanes. La forte hydrophilie permet à ces molécules d’assurer leur rôle d’amortissement des contraintes barométriques. Les domaines C1, C2 et C3 ont un rôle dans la liaison de la molécule à l’acide hyaluronique ou avec des facteurs de croissance. D’autres protéoglycanes sont décrits dans la matrice. Leur rôle de jonction entre les fibres collagènes (décorine, fibromoduline, col IX) et le chondrocyte est certainement essentiel dans l’homéostasie du cartilage (voir texte).

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ticipent comme la décorine ou la fibromoduline à l’organisation spatiale des fibres collagènes au voisinage des chondrocytes. Rappelons ici le collagène IX qui répond à la définition de protéoglycane par le fait de la présence d’une chaîne de glycosaminoglycane branchée sur la structure protéique.

Le chondrocyte Pendant l’âge adulte, le chondrocyte est une cellule que l’on peut considérer en survie pour plusieurs raisons. Elles est l’aboutissement du chondrocyte du cartilage de conjugaison qui a réalisé chez l’embryon, et pendant les premières années de la vie, la croissance des os longs et la constitution du cartilage fibrillaire, au prix d’une importante synthèse des différents composants de la matrice. À cette période, les chondrocytes sont en très grand nombre (30 % à 50 % de la masse du cartilage) et surtout, ils bénéficient d’une source énergétique apportée par les vaisseaux perforants provenant de l’os sous-chondral. Progressivement, à l’âge adulte, cette vascularisation va disparaître en même temps que le nombre de chondrocytes va s’effondrer (environ 2 % de la masse du cartilage à l’âge adulte). Le métabolisme de ces cellules va alors fortement se modifier, non seulement dans son intensité, mais surtout dans son mode (5). En effet, à l’âge adulte, les chondrocytes ont un apport énergétique uniquement par imbibition à partir de la matrice du cartilage, ce qui fait que ces cellules ont un métabolisme réduit, ou que, lorsqu’elles sont stimulées, elle vont utiliser la voie anaérobie peu propice au développement des cellules eucaryotes. Les chondrocytes adultes ne se multiplient plus et leur synthèse matricielle est fortement réduite puisque l’on considère que la synthèse des collagènes est pratiquement nulle et que la production des protéoglycanes est réduite : il faut environ 1 000 jours pour qu’un chondrocyte adulte produise une chaîne de protéoglycane et la demi-vie réelle de ces molécules n’excède pas 200 jours chez le sujet adulte. Il en ressort un processus physiologique de diminution progressive des capacités d’amortissement du cartilage adulte. Il serait en revanche excessif de penser que le chondrocyte adulte est une cellule inactive. En effet, on retrouve sur sa membrane plusieurs récepteurs jouant un rôle important dans l’homéostasie du cartilage comme le récepteur CD 44, l’anchorine II ou plusieurs membres de la famille des intégrines qui permettent le contact de la cellule avec son milieu matriciel, tant au niveau de la composition biochimique (transfert de médiateurs via la matrice) que des forces osmotiques.

Le processus arthrosique au niveau du cartilage On considère aujourd’hui que le processus arthrosique débute au niveau du cartilage, et que les aspects affectant les tissus avoisinants, comme l’os sous-chondral ou la synoviale, n’en sont que les conséquences pathologiques. Il existe beaucoup d’arguments pour penser que l’arthrose est la conséquence pathologique du phénomène de sénescence observée chez le chondrocyte. Nous avons vu en effet précédemment que le chondrocyte adulte était une cellule peu active, mais qu’elle gardait un contact intime avec la matrice, et que les modifications de celle-ci lui étaient communiquées par le biais de récepteurs comme le CD 44 par exemple. Cependant parallèlement, le chondrocyte adulte va présenter de moins en moins de récepteurs aux facteurs de croissance comme l’IGF-1 (Insulin Growth Factor-1),

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le FGF (Fibroblast Growt Factor) qui vont bien dans le sens de l’arrêt de sa croissance. En revanche, on retrouve à sa surface les récepteurs pour l’IL-1 (type 1) aux dépens du type II, de même qu’il peut sur-exprimer le récepteur P55 du TNFα aux dépens du P75 dans des conditions de stress barotraumatique ou par le biais de sécrétions paracrines provenant de l’os sous-chondral ou de la synoviale (6). Ces conditions de surpression existent physiologiquement à l’âge adulte, lorsque le cartilage perd en partie ses propriétés d’amortissement par dénaturation partielle des protéoglycanes, que le chondrocyte a bien du mal à compenser, du fait de son faible niveau de synthèse. Le processus arthrosique apparaît quand le chondrocyte modifie son comportement sous l’effet de facteurs extra-cellulaires que nous avons décrits comme une surcharge barométrique ou une modification de la nature des stimuli paracrines. Le cartilage sénescent présente alors des modifications structurales significatives, qui vont de micro-fissures superficielles à de larges zones de rupture verticale jusqu’à l’os sous-chondral. Le chondrocyte répond alors à ce désordre par deux conformations cellulaires schématiques, d’ailleurs non exclusives, qui se superposent dans le temps : une tentative de réparation et une accélération du processus de sénescence.

La tentative de régénération Dans ce schéma, on assiste à une tentative de réparation de la trame matricielle par les chondrocytes locaux, possiblement par une sécrétion autocrine et surtout paracrine provenant de l’os sous-chondral de facteurs de croissance (7). Elle se caractérise par une prolifération chondrocytaire et une constitution de cartilage de novo qui se surajoute de manière anarchique au cartilage existant. Ce phénomène est prédominant à la périphérie des foyers de détérioration du cartilage, ou peut donner au maximum l’aspect de cartilage hypertrophique, observé parfois au début des processus de destruction rapide. Malheureusement, le chondrocyte ne peut pas assurer correctement une nouvelle synthèse de novo de cartilage car son niveau métabolique est faible et qu’il s’agit d’une cellule fortement différenciée. Le processus de régénération avorte ainsi, soit par un phénomène de dédifférenciation du chondrocyte qui produit alors une matrice mal adaptée, soit par une mort cellulaire le plus souvent par nécrose.

La réponse inflammatoire Dans ce deuxième schéma, qui peut succéder à la description précédente ou s’installer d’emblée, la différenciation du chondrocyte va se faire vers le versant inflammatoire, par un processus autocrine ou paracrine. On observe une synthèse locale de médiateurs pro-inflammatoires comme des cytokines (IL-1, TNFα, IL-6, etc.), des prostanoïques, des métallo-protéases (collagénases, agrécanases, etc.) ou du NO dont les actions délétères vont alors favoriser la dénaturation de la matrice, déjà engagée physiologiquement dans le processus de sénescence. Sous la pression de ces facteurs environnementaux, le chondrocyte peut alors disparaître par nécrose ou apoptose ou se dédifférencier sous la forme de cellules fibroblastiques (qui peuvent aussi provenir des tissus environnants) qui tenteront alors une cicatrisation, en particulier au niveau de la synthèse de collagène, le plus souvent de type IIA ou III, mal adaptées aux conditions locales (8).

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ARTHROSE : PHYSIOPATHOLOGIE

D’après P. Dieppe Fig. 3. Physiopathologie de l’arthrose (d’après P. Dieppe) Le processus va se développer sous l’effet de processus biochimiques locaux, eux-mêmes dépendant d’un déséquilibre entre un processus de vieillissement accéléré, un terrain génétique et l’intervention de facteurs « systémiques » au premier rang desquels on compte les microtraumatismes barométriques. Pour chaque site articulaire, l’intervention de ces différents facteurs peut varier en importance (voir texte).

L’os sous-chondral L’os sous-chondral est un os trabéculaire qui n’a plus de rapport anatomique spécifique avec le cartilage, en dehors de la continuation de la matrice qui va se modifier autour des fibres collagènes pour donner le cartilage « calcifié ». Cette zone de contact permet l’apport d’énergie aux chondrocytes profonds. Les modifications observées dans le processus arthrosique sont de trois types. Il existe une transformation lamellaire de l’os trabéculaire qui est considérée comme la réponse sous chondrale à la perte d’élasticité du cartilage avoisinant qui ne remplit plus sa fonction d’amortissement. On décrit au sein de cet os lamellaire de petites zones fracturaires qui se répareront par une accentuation de la trame osseuse. Macroscopiquement, cette involution correspond à l’ostéosclérose radiologique, et implique une modification locale de production de médiateurs, qui se concrétise par une production de cytokine pro-inflammatoire au détriment des facteurs de croissance. Il semble aussi que des médiateurs comme certaines BMP (Bone Morphogenic Protein) jouent un rôle essentiel dans la différenciation « hypertrophique » des chondrocytes (7). Lorsqu’il y a une fissure du cartilage qui contacte l’os sous-chondral, celui-ci subit directement les pressions barométriques contre lesquelles il n’est pas préparé. Il se constitue alors une zone de nécrose osseuse, avec réaction ostéoblastique de pourtour, dont les limites sont proportionnelles à l’importance du traumatisme barométrique. Cette zone nécrotique peut alors soit disparaître et donner lieu à un kyste intra-osseux, soit se renforcer d’os lamellai-

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re qui réalise alors une sorte de réparation. À la jonction périphérique, os cortical-cartilage, on observe aussi un phénomène de prolifération osseuse d’os lamellaire dont l’axe de développement est perpendiculaire aux forces de pression exercées à cet endroit. En général, le cartilage de voisinage ne présente pas de signe d’importante dégradation, et la constitution de l’ostéophyte est considérée comme la réponse globale de l’os sous-chondral aux pressions qu’il subit, dans le sens où ce processus a comme effet net une augmentation grossière de la surface de l’articulation. La production locale (provenant du cartilage avoisinant ou des cellules fibroblastiques locales) de facteurs de croissance comme le TGFβ, le FGF ou les BMP pourrait être déterminante dans la constitution des ostéophytes (7).

La synoviale La synoviale est plus tardivement affectée dans le processus arthrosique, à la différence de la pathologie rhumatoïde où le processus inflammatoire est initié dans cette structure. On considère aujourd’hui qu’il existe une activation inflammatoire de la synoviale par le biais de sa fonction macrophagique. En effet, les débris de cartilage sont évacués dans l’espace synovial et normalement éliminés par les macrophages synoviaux. Si les capacités d’élimination sont dépassées par la quantité de fragments, une réaction inflammatoire locale est alors enclenchée et participe, via la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires, au processus dégradatif du cartilage (9).

La mise en jeu Dans une approche moderne, l’arthrose est la composante de plusieurs facteurs, qui, pris isolément, ne sont pas pathogènes, mais dont l’association aboutit à l’apparition de la maladie. Schématiquement, sur un processus de vieillissement, on doit considérer l’influence de facteurs constitutionnels, de facteurs systémiques qui influent essentiellement par le biais des modifications de pression, l’ensemble de ces facteurs intervenant différemment d’un individu à l’autre, et surtout d’une articulation à l’autre (fig. 4).

Le processus de vieillissement Le cartilage est un tissu dont le vieillissement a bien été étudié. Schématiquement, il est la résultante d’une inadéquation entre la dégradation physiologique de la structure de la matrice, portant essentiellement sur les protéoglycanes et les possibilités physiologiques de synthèse des chondrocytes adultes, incapables de combler le déficit acquis au cours des années de la vie. On peut logiquement penser que lorsque les capacités d’amortissement (ou de congruence) du cartilage seront dépassées, les contraintes barométriques seront intégrées par les chondrocytes par le biais de leur connection avec la matrice. Dès lors, le chondrocyte va répondre par une réactivation métabolique qui se mesure par un certain degré de multiplication et de synthèse dans les premiers temps du processus arthrosique. Cependant, cette tentative avortera pour plusieurs raisons. Le chondrocyte est une cellule fortement différenciée qui se multiplie mal, sauf au prix d’une dédifférenciation qui le rend alors inapte à une synthèse de matrice efficiente. Les facteurs paracrines et autocrines ne favorisent le processus de synthèse que très

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Fig. 4. Évolution du processus arthrosique Le cartilage hyalin est une structure adaptée pour supporter les contraintes barométriques (flèches noires) grâce à l’association des fibres collagènes et des protéoglycanes (1). Avec les années le cartilage va subir des modifications biochimiques en particulier au niveau des protéoglycanes qui perdent une partie de leurs propriétés d’amortissement par catabolisme partiel des chaînes de glycosaminoglycanes que le chondrocyte ne peut renouveler. Cette anomalie va entraîner le passage de force barotraumatique (flèches) jusqu’aux structures avoisinante (2). La réponse à ces traumatismes se caractérise par des microfractures du cartilage superficiel, par une réponse ostéoblastique de l’os sous-chondral et une modification du phénotype chondrocytaire (3) sous la dépendance de sécrétions de facteurs paracrines et autocrines (flèches blanches). Ces sécrétions vont favoriser une tentative de réparation par une augmentation des mitoses chondrocytaires associée à la synthèse d’un cartilage (4). Cette tentative avorte du fait de l’incapacité des chondrocytes à soutenir ces synthèses à cause des modifications du milieu, en particulier la production de cytokines pro-inflammatoires par l’os sous-chondral et la synoviale (5). Ces cytokines (flèches blanches) vont favoriser la disparition de ces cellules et la survenue conséquente de fractures du cartilage avec mise à nue de l’os sous-chondral.

précocement, et surtout de manière limitée, avec rapidement une balance qui va favoriser la production de médiateurs pro-inflammatoires par le chondrocyte. Les capacités métaboliques du chondrocyte, enchâssé dans sa matrice, sont très limitées et ne permettent pas la synthèse soutenue de protéoglycane ou de collagène.

Les facteurs génétiques Le déterminisme génétique de l’arthrose est connu implicitement depuis des années (10), en particulier au niveau digital où les nodosités d’Heberden suivraient une loi mendélienne de type autosomique dominant (11). Cependant, cette reconnaissance se retrouvait mal dans les exceptionnelles maladies du collagène.

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Les études de concordance dans des familles de jumeaux (12) ou l’analyse statistique de grande cohorte (13) ont récemment permis de confirmer l’influence de l’hérédité dans la survenue de certaines arthroses. Dans la coxarthrose, l’influence génétique chez la femme est de l’ordre de 60 % dans la survenue de la maladie chez les descendants (12), donnant un risque de développer la maladie entre 4 et 8 par rapport à un sujet sans antécédents familiaux. Dans la gonarthrose, la génétique intervient pour 39 % à 65 % dans la survenue de la maladie et paraît associée au risque d’arthrose digitale (14). DT Felson a montré que l’arthrose généralisée avait un déterminisme génétique et que celui-ci répondait à un modèle mendélien récessif (12). Comme nous l’avons écrit, les anomalies génétiques du collagène II ne représentent pas les bons gènes candidats à ce déterminisme et les gènes impliqués restent à découvrir au niveau d’un dysfonctionnement du chondrocyte (défaut de régulation, problème dans la survenue de l’apoptose, etc.).

Les contraintes barométriques On regroupe sous ce vocable toutes les agressions qui entraînent un traumatisme barométrique au niveau du cartilage. Il peuvent dépendre de facteurs généraux, comme le surpoids dont l’influence est très importante dans la coxarthrose et la gonarthrose, non seulement en tant que facteur de contrainte barométrique, mais aussi en tant que facteur de progression de la maladie puisque dans la coxarthrose, l’indice masse corporelle à l’adolescence est déterminant pour la survenue de la coxarthrose à l’age adulte, même si l’individu a réussi à maigrir entre temps. Les déformations articulaires sont aussi des facteurs aggravant le processus arthrosique. Elle peuvent être héritées comme les laxités en varus ou en valgus pour la gonarthrose (15) ou acquises comme celles observées après ménisectomie (16). Dans ces processus, la déformation se caractérise par une contrainte mécanique focalisée qui entraîne une dégradation locale du cartilage et une réponse arthrosique. La sur-utilisation d’une articulation dans le cadre d’une inégalité de longueur, de l’activité professionnelle ou sportive a aussi été incriminée dans la survenue d’arthrose touchant surtout les articulations portantes (17). Dans ce cas cependant, il y a cumul avec les traumatismes et pour le genou en particulier, avec les lésions méniscales. Dans ce mode, le traumatisme barométrique focalisé entraîne une dégradation du cartilage qui va mal se réparer, du fait des insuffisances du chondrocyte et de la répétition éventuelle de l’agression.

Le processus inflammatoire L’origine synoviale est bien démontrée par l’analyse des fragments synoviaux y compris au premier stade de la maladie (9). Dans ce schéma, les synoviocytes A activés sécrètent des cytokines pro-inflammatoires comme le TNFα ou L’IL-1, qui vont contacter le chondrocyte des couches superficielles par le biais de la matrice, et entraîner une modification du phénotype vers la production d’enzymes de dégradation (les métallo-protéases), qui combineront leurs effets à ceux sécrétés par les cellules inflammatoires transformées de la synoviales (synoviocytes B) ou migrées de la circulation. Les débris cellulaires et de la matrice favoriseraient aussi l’apparition d’un processus de calcification et expliquerait la fréquence de la chondrocalcinose dans l’arthrose évoluée. En retour, la chondrocalcinose activerait le processus inflammatoire. L’os sous-chondral pourrait aussi jouer un rôle pro-inflammatoire dans la maladie comme nous l’avons déjà écrit en particulier lors de la constitution des micro-fractures barométriques (7).

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Conclusion : les applications thérapeutiques La meilleure connaissance du processus arthrosique ouvre plusieurs voies thérapeutiques Les plus classiques sont d’ordre préventif comme la correction des déformations ou le contrôle de l’obésité. Les plus prometteuses touchent indiscutablement la correction du phénotype du chondrocyte vieillissant. Intellectuellement, il faut envisager d’éviter le passage au phénotype inflammatoire, et permettre au chondrocyte de garder le plus longtemps possible son phénotype « hypertrophique » de synthèse et de réparation. Des approches complexes, passant éventuellement par la dédifférenciation en culture de chondrocytes prélevés représentent actuellement les premières tentatives de cette voie, même si la greffe de cartilage n’est pas adaptée au traitement de l’arthrose classique. Des modifications in vivo du chondrocyte sont envisageables par le biais des interactions que cette cellule garde avec la matrice cartilagineuse. En particulier, il paraît aujourd’hui possible de concentrer dans cette structure des facteurs de croissance ou des inhibiteurs de métallo-protéases. Ce sont les bases modernes de la chondro-protection (18).

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Imagerie de la gonarthrose Y. Carrillon

La gonarthrose est une maladie due à l’usure du cartilage articulaire du genou. Cette usure va provoquer douleur et impotence fonctionnelle. On parlera d’arthrose fémoro-tibiale interne, d’arthrose fémoro-tibiale externe ou d’arthrose fémoro-patellaire en fonction du compartiment atteint. Même s’il faut garder à l’esprit que la clinique joue un rôle important dans le diagnostic d’arthrose, l’imagerie a un rôle important à jouer dans le diagnostic positif, le diagnostic de gravité et dans la démarche thérapeutique. Elle peut permettre de confirmer le diagnostic d’arthrose, d’évaluer le ou les compartiments atteints, et enfin, d’évaluer l’importance de l’atteinte. L’imagerie permet d’affirmer la responsabilité de l’arthrose dans la symptomatologie, et enfin, de suivre l’évolution de la maladie au cours du traitement. Plusieurs types d’imagerie permettent d’évaluer la gonarthrose : la radiographie simple, l’IRM et l’arthroscanner. Le scanner n’apporte pas de renseignements supplémentaires à la radiographie et l’échographie n’est pas adaptée.

La radiographie simple La radiographie simple est encore aujourd’hui la technique de référence dans la gonarthrose. C’est la seule technique d’imagerie qui a été évaluée dans cette maladie. Pourtant, la radiographie simple ne permet d’apprécier le cartilage articulaire qu’indirectement, puisque le cartilage n’est pas apparent (fig. 1).

Technique radiographique, incidences La radiographie simple doit être réalisée selon des critères stricts de qualité et de reproductibilité. Trois types d’incidences permettent d’évaluer la gonarthrose : • Les incidences de face • Les incidences de profil • Les vues axiales de l’articulation fémoro-patellaire.

Les incidences de face L’incidence de face doit être réalisée en appui afin de potentialiser le pincement articulaire, témoin de l’usure du cartilage articulaire. En décubitus, le cliché de face ne reflète pas strictement l’épaisseur du cartilage (fig. 1). L’appui peut être

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a

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b

Fig. 1. Différence d’épaisseur de l’interligne articulaire (double flèche) entre une radiographie réalisée sans (a) et avec appui (b). Sans appui les surfaces cartilagineuses ne sont pas en contact ne permettant pas de potentialiser le pincement articulaire. On notera que le ménisque est un élément qui peut perturber l’évaluation du pincement.

soit bipodal, soit monopodal. À notre connaissance, aucune étude n’a montré la supériorité d’un type d’appui par rapport à l’autre. L’appui monopodal semble plus logique, il permet de se rapprocher de la position de fonction du genou pendant la marche. L’incidence de face est réalisée le plus souvent debout, le genou verrouillé en extension. Il est apparu que ce type de cliché pouvait sous-estimer le pincement puisque la topographie préférentielle de l’usure est la partie postérieure du condyle fémoral. Pour cette raison, plusieurs auteurs ont proposé de réaliser le cliché en demi-flexion ou position de Schuss, mettant en contact la partie postérieure des condyles avec le plateau tibial (fig. 2). Railhac (21) a le premier décrit ce type d’incidence, reprise plus tard par Buckland-Wright (7) en macro-radiographie et appelée « semi-flexed view ». L’incidence de face doit être techniquement réalisée de manière précise et reproductible. Cela pose le problème de l’inclinaison du rayon directeur. Cette inclinaison conditionne le pincement et la reproductibilité des clichés. Les bords des condyles et le plateau tibial externe ne posent pas de problème, car présentent une forme convexe du côté de l’articulation ne créant pas de superposition. En revanche, le plateau tibial interne est concave, présentant une forme en cupule de face avec un fond et deux bords antérieur et postérieur. L’orientation idéale doit faire en sorte de superposer les deux bords ne laissant apparaître que deux lignes : une pour le fond et une pour les bords superposés (fig. 3). Pour cette raison, les clichés radiographiques du genou, de manière idéale, doivent être réalisés sous contrôle en scopie. Dans certains cas, des clichés de face peuvent être réalisés debout, sur un grand film, afin d’évaluer les degrés de varus ou de valgus fémoro-tibiaux souvent à l’origine du développement de la gonarthrose. Ils ont surtout un intérêt en préopératoire.

Le cliché de profil Le cliché de profil n’est pas considéré comme utile pour analyser l’arthrose fémoro-tibiale. Il permet pourtant une analyse relativement fiable de l’épaisseur de l’interligne articulaire. Les contours des condyles sont faciles à identifier de même que les surfaces tibiales. Le cliché de profil permet aussi une analyse fiable et reproductible de l’interligne fémoro-patellaire objectivant non seulement ostéophytes et pincements articulaires mais aussi les lésions associées telles que les troubles d’engagement rotulien (8).

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La gonarthrose

Le cliché tangentiel de l’articulation fémoro-patellaire Ce cliché, comme son nom l’indique, n’a d’intérêt que pour l’analyse de l’articulation fémoro-patellaire. Il est réalisé le plus souvent en position couchée, moins souvent en appui afin de potentialiser le pincement et l’excentration rotulienne. La technique peut parfois être délicate, faisant préférer par certains auteurs la réalisation d’un cliché de profil à la vue tangentielle pour l’analyse de l’articulation fémoro-patellaire (8). Avec 45° de flexion de genou, l’articulation fémoro-

Fig. 2. Intérêt du cliché de face en flexion du genou L’usure préférentielle du cartilage condylien est postérieure. En réalisant le cliché de face en flexion (d), le pincement est potentialisé par rapport à l’extension simple (c).

Imagerie de la gonarthrose

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Fig. 3. Projection antéro-postérieure du plateau tibial interne a : Sans inclinaison, le plateau apparaît sous la forme de trois lignes, représentant les deux bords, antérieur et postérieur, et le fond du plateau. b : Avec inclinaison, le plateau apparaît avec deux lignes. c : Le rayon est horizontal démontrant 3 lignes délimitant le plateau tibial interne. d : Le rayon est incliné de manière à être tangent au plan du plateau tibial, deux lignes sont apparentes.

patellaire est bien vue, l’analyse du pincement et de l’ostéophytose optimale. Avec 30° de flexion de genou, il est possible d’étudier les troubles d’engagement de la rotule en début de flexion, l’interligne articulaire est alors moins bien vu.

Diagnostic et suivi de l’arthrose fémoro-tibiale Les principaux signes radiologiques d’arthrose en radiographie standard sont : • le pincement articulaire qui traduit indirectement la perte de substance cartilagineuse ; • l’ostéophyte qui est une réaction osseuse de topographie le plus souvent marginale et proportionnelle à la perte cartilagineuse articulaire. Son étiologie est discutée mais il peut être secondaire à la synovite arthrosique ; • les réactions osseuses sous-chondrales de type géode ou condensation qui sont les conséquences des remaniements cartilagineux sus-jacents. Le pincement, analysé sur une radiographie réalisée en charge, est le seul signe qui traduise la perte de substance cartilagineuse. Ce signe présente le désavantage d’être peu sensible ne permettant pas de porter le diagnostic de préarthrose. Il est en revanche très spécifique (fig. 4).

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La gonarthrose

Fig. 4. Aspects radiographiques de l’arthrose fémoro-tibiale interne a : Aspect normal. b : Pincement modéré. c : Pincement plus marqué avec ostéophytose débutante. d : Pincement complet avec ostéophytose plus marquée.

L’ostéophyte est le signe radiographique le plus spécifique d’arthrose. Il peut cependant survenir tardivement réduisant sa sensibilité probablement plus que le pincement. La plupart des classifications des gonarthroses s’intéressent soit au pincement, soit aux ostéophytes, soit aux deux. La classification de Menkes est basée principalement sur le pincement (18) : Stade 1 : moins de 50 % de pincement Stade 2 : pincement de 50 % à 90 % Stade 3 : pincement complet Stade 4 : usure osseuse modérée (2-3 mm) Stade 5 : usure osseuse marquée (4-6 mm)

Imagerie de la gonarthrose

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Stade 6 : usure osseuse sévère +1 si ostéophytose marquée. Ahlbäck (1), plus tôt, avait décrit une classification tenant compte du pincement puis des remaniements osseux sous-chondraux considérés comme d’apparition plus tardive : Stade 1 : pincement articulaire (hauteur < 3 mm) Stade 2 : pincement complet Stade 3 : usure osseuse modérée (0-5 mm) Stade 4 : usure osseuse moyenne (5-10 mm) Stade 5 : usure osseuse majeure (> 10 mm) Kellgreen (16) et Lawrence se sont intéressés plus particulièrement à l’ostéophytose : Stade 1 : ostéophytes mineurs Stade 2 : ostéophytes sans pincement articulaire Stade 3 : pincement articulaire modéré Stade 4 : pincement articulaire avec ostéocondensation sous-chondrale. Deux classifications plus récentes méritent une attention particulière. Celle de Vignon (23) essaie de scinder en deux parties le pincement et l’ostéophytose. En contre partie, elle ne permet pas de classer les patients de manière totalement progressive et uniforme : Pincement articulaire : 0 : pas de pincement 1 : pincement douteux 2 : pincement certain 3 : pincement > 2/3 au côté opposé 4 : pincement complet 5 : pincement et érosion osseuse. Ostéophytose : 0 : pas d’ostéophyte 1 : doute sur un ostéophyte 2 : ostéophyte du plateau tibial 3 : large ostéophyte du plateau tibial. L’OARS a développé une classification basée sur un atlas où il est ainsi possible de comparer et de classer les clichés de manière évolutive (2). Cet atlas prend en compte : • pincement • ostéophyte • sclérose sous chondrale • érosion, désaxation. Cette surabondance de classification montre que l’évaluation de l’arthrose pose encore des problèmes en radiographie standard. En pratique courante, il semble que l’ostéophytose marginale soit le signe le plus spécifique et le plus reproductible (14, 17). La désaxation est un élément majeur pour la prise en charge thérapeutique des patients. Ainsi, l’érosion des plateaux tibiaux et l’usure des condyles vont provoquer des lésions ligamentaires dégénératives et des désaxations qui, le plus souvent vont augmenter encore les anomalies d’axe des membres (varus ou valgus).Les chirurgiens adoptent pour la plupart une classification qui tient compte de ces désaxations : Stade 1 : pincement articulaire incomplet Stade 2 : pincement complet Stade 3 : pincement avec décoaptation de la convexité Stade 4 : pincement avec translation latérale témoignant de la rupture dégénérative du ligament croisé antérieur (fig. 5).

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La gonarthrose

A (a)

A (b)

B

C

Imagerie de la gonarthrose

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D (b) D (a) Fig. 5. Classification de H. Dejour de l’arthrose fémoro-tibiale interne 5A – Stade 1 : pincement articulaire incomplet (cliché en extension, en appui monopodal (a), en shuss (b). 5B – Stade 2 : pincement complet sans décoaptation externe (appui monopodal). 5C – Stade 3 : pincement complet, décoaptation externe (appui monopodal). 5D – Stade 4 : décoaptation externe, translation fémoro-tibiale (cliché en appui monopodal (a) et en valgus forcé (b).

Un cas particulier : l’arthrose fémoro-patellaire L’arthrose fémoro-patellaire est primitive (instabilité rotulienne, séquelles traumatiques…) ou secondaire (à une arthrose fémoro-tibiale interne…). La perte de substance cartilagineuse peut intéresser de manière préférentielle la surface rotulienne externe, interne, ou toutes les surfaces articulaires. À notre connaissance, il n’existe pas de classification spécifique mais les classifications de l’arthrose fémoro-tibiale peuvent être utilisées sur les radiographies.

Les techniques récentes L’arthroscanner et l’IRM permettent une visualisation directe du cartilage articulaire. La place réelle de ces techniques entre la radiographie standard et l’arthroscopie reste encore à évaluer. Cependant, elles peuvent permettre dans un certain

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La gonarthrose

nombre de cas d’étayer le diagnostic. Ces techniques permettent aussi d’éliminer une autre lésion (fissure méniscale, arthropathie…).

L’arthroscanner L’arthroscanner vient se substituer ou compléter une arthrographie. La technique la plus couramment utilisée est l’opacification articulaire iodée simple. Cette opacification permet de mouler les structures articulaires et en particulier le cartilage. Le scanner réalisé en technique hélicoïdale ou spiralée, permet d’obtenir des coupes très fines (< 1 mm) et chevauchantes de tout le genou dans un temps très court (< 30 s). L’acquisition réalisée dans le plan axial transverse (horizontal) permet secondairement d’obtenir des reconstructions dans tous les plans désirés. Ces reconstructions, compte tenu de l’étroitesse des coupes et du chevauchement obtenu, peuvent être aujourd’hui d’aussi bonne qualité qu’une acquisition directe. Il est ainsi possible d’obtenir des coupes frontales, sagittales et axiales transverses de chacun des segments articulaires. Même s’il n’existe pas beaucoup d’articles dans la littérature décrivant les performances de l’arthroscanner dans les lésions arthrosiques, il est évident que cette technique est un excellent outil pour repérer les pertes de substance cartilagineuse.

L’IRM L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est la technique la plus récente. Elle apparaît particulièrement adaptée à l’étude du cartilage parce qu’elle est capable de réaliser des images d’une grande finesse avec un contraste optimal permettant d’analyser, non seulement les pertes de substance cartilagineuse, mais aussi la qualité du cartilage. L’IRM doit être réalisée de manière appropriée pour espérer une analyse satisfaisante du cartilage articulaire. Le choix de la pondération (T1, T2, densité de protons) est crucial. La pondération est le résultat du préréglage d’un ensemble de paramètres

Fig. 6. Arthroscanner a : Coupe axiale avec mise en évidence d’une lésion de stade 4 de la face externe de la rotule. b : Reformatage frontal montrant une lésion stade 4 du condyle interne.

Imagerie de la gonarthrose

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Fig. 7. Deux exemples d’arthrose fémoro-tibiale en IRM en pondération densité de protons avec effacement de graisse a : On note une lésion anfractueuse, centrale de stade 3. b : L’arthrose est globale, le cartilage condylien a disparu et est remplacé par du liquide. Il existe une ostéophytose avec un œdème marginal associé.

Fig. 8. Coupe axiale transverse en IRM, pondération T2 et effacement de graisse a : Chondromalacie sans perte de substance avec un hypersignal d’intensité moyenne de la surface cartilagineuse externe. b : Perte de substance cartilagineuse centimétrique de stade 2 (SFA).

tels que l’angle de bascule, le temps d’écho, le temps de répétition… Ces réglages vont conditionner le contraste de l’image et permettre une bonne discrimination entre cartilage et liquide articulaire. Les séquences en pondération densité de protons ou T2 avec technique d’effacement de graisse permettent la meilleure discrimination (5, 6, 22). Avec ces séquences, le cartilage va apparaître en signal intermédiaire (gris), le liquide en hypersignal (blanc) et l’os sous-chondral en hyposignal (noir). L’épaisseur des coupes est aussi un élément primordial pour la qualité de l’image. On peut considérer qu’une épaisseur de moins de 2 mm permet une analyse de bonne qualité du cartilage.

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La gonarthrose

Le rapport signal sur bruit est le dernier élément qui influe sur la qualité de l’image. Ce facteur dépend lui aussi des paramètres IRM utilisés. Il dépend aussi de la qualité intrinsèque de la machine, des antennes utilisées ainsi que du temps passé à acquérir l’image. La question de savoir si une IRM à haut champ (1,5 T) est préférable à une IRM à bas champ (0,15-0,3 T) pour analyser le cartilage ne nous semble pas cruciale étant donné le nombres de facteurs intriqués qui gèrent la qualité de l’image obtenue. À notre avis, un examen approprié du cartilage articulaire du genou doit comprendre au moins trois séquences : axial transverse, frontal et sagittal en pondération T2 ou densité de protons avec technique d’effacement de graisse. L’IRM permet enfin une évaluation volumique du cartilage. En utilisant des séquences particulières, tridimensionnelles, et grâce à la discrimination du signal entre cartilage et les autres structures du genou, il est possible de mesurer la quantité totale de cartilage du genou (10-12, 20). Néanmoins, le calcul de cette quantité totale de cartilage n’a d’intérêt que s’il existe des références sur le sujet normal, ce qui malheureusement n’est pas encore le cas. On peut d’ailleurs imaginer qu’il existe une grande variation dans la population générale. L’IRM serait aussi capable d’analyser la qualité du cartilage, permettant ainsi de faire le diagnostic de chondromalacie avant le stade de perte de substance (15, 19). Une chondromalacie non accessible en radiographie standard ou en arthroscanner peut être détectée en IRM (fig. 8). Elle apparaît en séquence T2 ou densité de protons après effacement de graisse comme un hypersignal intermédiaire c’est-à-dire inférieur à celui du liquide.

Les classifications des lésions du cartilage De nombreuses classifications ont été proposées pour évaluer les lésions cartilagineuses du genou en IRM. Cependant, parce que l’IRM et l’arthroscanner permettent d’analyser directement les lésions du cartilage, il nous semble intéressant d’utiliser le même type de classification que celles utilisées en arthroscopie. La classification de la SFA est particulièrement intéressante. Elle évalue les lésions qualitativement mais aussi quantitativement (3, 4, 9). La classification de la SFA se définit par : • Stade 0 : cartilage normal. • Stade 1 : chondromalacie fermée correspondant à de discrètes lésions de la couche superficielle du cartilage parfois uniquement décelable à la palpation. • Stade 2 : chondropathie ouverte superficielle touchant moins de 50 % de la profondeur du cartilage. • Stade 3 : chondropathie ouverte profonde touchant plus de 50 % de la profondeur du cartilage mais sans mise à nu de l’os sous-chondral. • Stade 4 : mise à nu de l’os sous-chondral.

La douleur et l’arthrose Il est parfois difficile de s’assurer que c’est bien l’arthrose qui est responsable du phénomène douloureux chez un patient. L’IRM, pour certains auteurs, serait un examen idéal pour affirmer l’origine de la douleur. On peut considérer que : • un épanchement articulaire • un œdème marginal ou sous chondral sont autant d’éléments importants pour affirmer la nature symptomatique du processus arthrosique (13).

Imagerie de la gonarthrose

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Conclusion La radiographie standard reste la technique d’imagerie de référence dans la gonarthrose. Elle permet d’évaluer la maladie et de suivre son évolution. Dans certains cas, elle n’est pas suffisamment sensible. L’arthroscanner, mais surtout l’IRM, sont d’excellentes techniques pour détecter l’arthrose du genou en cas de doute diagnostic. L’IRM semble encore plus intéressante puisqu’elle permet dans certains cas non seulement de faire le diagnostic mais aussi de responsabiliser cette maladie dans la symptomatologie. Ces techniques doivent cependant être plus largement validées afin de leur affecter un rôle précis dans cette pathologie.

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La gonarthrose

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L’arthrose fémoro-patellaire D. Dejour et T.Tavernier

Introduction L’arthrose fémoro-patellaire est souvent une des composantes de l’arthrose tricompartimentale du genou. Dans de plus rare cas, le compartiment fémoro-patellaire présente une dégradation isolée et symptomatique. Mc Alindon (35, 36) analysant une population de 2 101 personnes de plus de 55 ans, retrouve une prédominance féminine avec 24 % d’arthrose fémoro-patellaire chez les femmes et seulement 11 % chez les hommes. Falconnet (19) évalue cette fréquence à 15 % alors que Ahlback (1) retrouve 35 % d’arthrose fémoropatellaire dans sa série. Contrairement aux arthroses fémoro-tibiales, les facteurs étiologiques sont moins faciles à déterminer. Les plus connus ont pour origine des problèmes rhumatologiques tels que la chondrocalcinose ou les arthroses post-traumatiques après fracture de rotule. Les antécédents de luxation de rotule ou bien les antécédents de chirurgie rotulienne sont également des facteurs favorisants. Lorsque aucun de ces facteurs n’est retrouvé, on est dans le cadre de l’arthrose dite essentielle. L’analyse étiologique présente un intérêt particulier puisque c’est elle qui peut être à l’origine d’attitudes thérapeutiques préventives ou palliatives comme elle l’est parfois dans les arthroses fémoro-tibiales. L’ensemble des travaux publiés dans le cadre de l’arthrose fémoro-patellaire accorde plus de place aux données biomécaniques et aux possibilités thérapeutiques, plutôt qu’à l’aspect épidémiologique et à ses diverses caractéristiques.

Symptomatologie clinique et anamnèse L’arthrose fémoro-patellaire est longtemps bien supportée. Les signes de début sont très dépendants des causes étiologiques. L’histoire du patient sera fondamentale dans la recherche de l’étiologie. Le patient a-t-il eu des luxations ? des traumatismes avec fractures ? des antécédents chirurgicaux ? Cette étape est importante car c’est elle qui va différencier les types d’arthrose car les signes cliniques une fois l’arthrose installée sont tous communs. L’arthrose fémoro-patellaire est longtemps bien supportée en particulier dans la marche sur terrain plat. C’est surtout dans les mouvements de flexion en charge que le patient aura des douleurs, à la montée et à la descente des escaliers, en station assise prolongée, qu’il est obligé d’interrompre en étendant ses jambes. Sont associés des phénomènes d’instabilité, dits réflexes, par inhibition nocicep-

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La gonarthrose

tive du quadriceps. Ces instabilités sont différentes des instabilités mécaniques (luxations) qui disparaissent progressivement avec l’apparition de l’arthrose. Ces instabilités réflexes surviennent à la marche et non dans les mouvements sportifs. On retrouve fréquemment des sensations d’accrochage ou de pseudoblocage. Certains signes seront plus spécifiques des étiologies dont ils relèvent et seront analysés dans le chapitre correspondant.

Analyse radiographique Après l’interrogatoire du patient, c’est l’élément déterminant pour le diagnostic étiologique et pour définir la conduite thérapeutique. On utilise en première intention un bilan radiologique standard comprenant une vue axiale à 30° de flexion, un cliché de face et de profil en appui monopodal à 20° de flexion. Si les patients ont plus de 50 ans ou des antécédents orthopédiques (méniscectomie, etc.) on ajoutera un cliché en incidence de schuss à 45° de flexion. Deux critères de qualité sont fondamentaux pour analyser la fémoro-patellaire (13, 40). 1 – La superposition des deux condyles postérieurs sur la radiographie de profil (fig. 1) Fig. 1. La radiographie de face montre l’intégrité de l’espace fémoro-tibial (noter la superposition des deux condyles sur la ligne postérieure). La vue de profil montre un pincement de l’articulation qui reste discret. Il est parfaitement analysé sur la figure 2.

Fig. 2. Vue axiale à 30° de flexion, le versant externe de la trochlée représente 2/3 de la trochlée. Il existe un contact os-os et une subluxation secondaire à la disparition du cartilage. Noter les enthésophytes dans l’aileron externe et les ostéophytes trochléens.

L’arthrose fémoro-patellaire

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2 – Une incidence axiale vraiment à 30° de flexion selon la technique de Knutsson (26). C’est une incidence cranio-podale en décubitus dorsal quadriceps relâché. On reconnaît une bonne vue axiale à 30° de flexion lorsque le versant externe fait à peu près 2/3 de la trochlée (fig. 2).

La dysplasie de trochlée C’est le principal facteur de l’instabilité rotulienne (13, 16, 18). Elle se traduit par un comblement progressif du fond de la trochlée conduisant à une disparition de la gorge trochléenne qui devient soit plate, soit convexe. Elle est définie sur la radiographie en profil strict par le signe du croisement entre la ligne de fond de trochlée et le bord antérieur des deux condyles (13). À ce point précis, la trochlée est totalement plate. Ce signe du croisement a été retrouvé dans 96 % de la population des instabilités rotuliennes objectives, 12 % des syndromes rotuliens douloureux, et seulement 3 % des témoins (13). La dysplasie trochléenne était classée initialement en trois stades. Une étude récente à propos de 177 instabilités rotuliennes objectives a permis d’améliorer l’analyse de cette trochlée par une analyse corrélant radiographies conventionnelles et scanner. Sont définis ainsi quatre stades (15, 40). Deux nouveaux signes radiologiques sont décrits sur le profil strict (fig. 3). Fig. 3. La vue de profil permet de rechercher : – l’éperon sus-trochléen qui est le témoin de la proéminence globale de la trochlée. Elle est le siège d’ostéophyte dans le cadre de l’arthrose ; – le double contour qui est la projection du versant interne hypoplasique de la trochlée. Noter le « signe du croisement (*) » signe spécifique de la dysplasie de trochlée et le pincement fémoro patellaire.

L’éperon sus-trochléen Se caractérise par la présence d’un spicule au-dessus de la trochlée. C’est la traduction d’une proéminence globale de la trochlée. Il est le siège d’une ostéophytose dans le cadre de l’arthrose.

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La gonarthrose

Le double contour C’est la projection sur la radiographie de profil de la berge interne de la trochlée. Il devient pathologique lorsqu’il se termine au-dessous du signe du croisement. Le signe du croisement devient difficile à analyser avec l’apparition de l’arthrose alors que l’éperon sus-trochléen et double contour persistent. D’autres auteurs ont analysé la dysplasie de trochlée selon d’autres critères radiographiques : Maldague (31) analyse la profondeur de la trochlée mesurée 1 cm en dessous de son sommet. Cette profondeur trochléenne correspond à la moyenne des distances séparant le fond de la gorge trochléenne des berges trochléennes interne et externe. La profondeur moyenne est de 6 mm ± 1, 5 mm. L’auteur retient comme dysplasiques les trochlées dont la profondeur est inférieure à 5 mm. Angle trochléen : cet angle mesuré selon une vue axiale à 30° a pour but d’apprécier le caractère dysplasique de la trochlée. Goutallier et Bernageau (3) trouvent respectivement un angle trochléen moyen de 144° (écart type de 6,75°). Selon ces auteurs, on peut parler de trochlée dysplasique à 30° de flexion lorsque l’angle trochléen est supérieur à 150°.

La hauteur de la rotule La hauteur rotulienne est le seul facteur qui, pris isolément, peut entraîner une instabilité rotulienne objective. La rotule s’engage normalement dans la trochlée dès les premiers degrés de flexion, elle se retrouve ainsi stabilisée. Si la rotule est trop haute par rapport à la trochlée, son engagement trochléen est tardif avec un risque de luxation. L’index rotulien de Caton et Deschamps (8) est fiable (fig. 4). Un index normal est égal à 1, une rotule haute est définie par un rapport supérieur à 1,2. On retrouve un index supérieur à 1,2 dans 30 % des instabilités rotuliennes objectives, et dans 0 % du groupe témoin (13). Deux autres méthodes très utilisées pour mesurer la hauteur rotulienne sont celles de Blackburne et Peel (4) et de InsallSalvatti (24) que nous ne détaillerons pas ici. Fig. 4. L’index rotulien mesuré selon l’index de Caton-Deschamps est le rapport entre AT/ AP. La rotule est considérée comme haute si l’index est supérieur à 1,2.

L’arthrose fémoro-patellaire

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Le pincement articulaire Il est analysé sur la vue axiale à 30°, il montre le pincement articulaire et le contact os-os entre trochlée et rotule. On appréciera la latéralité de l’arthrose, le plus souvent externe ; l’importance de l’ostéophytose ; le caractère subluxé ou centré de la rotule. IWANO (25) a publié une classification simple de l’arthrose fémoro-patellaire externe. Stade I : arthrose au début pincement inférieur à 3 mm Stade II : interligne conservé mais pincement supérieur à 3 mm Stade III : pincement complet intéressant au maximum 1/4 de la surface articulaire Stade IV : pincement articulaire complet avec contact osseux de l’ensemble de la facette articulaire.

Examens complémentaires et leur intérêt Arthroscanner (fig. 5) Fig. 5. L’arthroscanner montre le degré d’atteinte cartilagineuse et les facteurs de l’instabilité. Ici on remarque une trochlée dysplasique convexe et la disparition complète du cartilage rotulien.

C’est l’examen complémentaire le plus intéressant dans deux situations. L’arthrose au début dans le cadre de l’instabilité rotulienne. Cet examen permet de connaître l’étendue de l’atteinte cartilagineuse et de savoir si une chirurgie de recentrage comme on la pratique dans les instabilités rotuliennes permet de mettre face à face deux surfaces cartilagineuses satisfaisantes. De savoir si les facteurs de l’instabilité tels que la distance entre la tubérosité tibiale antérieure et le fond de la gorge trochléenne (22) ainsi que la bascule rotulienne sont susceptibles d’être corrigés. Dans le cadre des conflits fémoro-patellaires internes après hypermédialisation, l’arthroscanner montre les lésions cartilagineuses de la facette interne et la valeur de la médialisation par rapport au côté controlatéral qui devient la référence (fig. 6). Fig. 6. La distance entre la tubérosité tibiale antérieure et la gorge de la trochlée mesurée sur une superposition de deux coupes scanner montre ici une hypermédialisation avec une valeur égale à 0 mm.

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La gonarthrose

La résonance magnétique nucléaire Elle ne présente pas d’intérêt dans le cadre de l’arthrose ou de la pré-arthrose fémoro-patellaire.

Diagnostic différentiel : la rotule basse Elle se traduit cliniquement par des douleurs d’origine rotulienne avec des sensations de brûlure, de genou serré comme dans un étau. Elles sont permanentes et accentuées à l’effort. Ce sont toujours des patients multiopérés dont les suites opératoires ont été difficiles et douloureuses. Ce sont les clichés radiographiques qui font le diagnostic. La radiographie de profil montre un index rotulien selon Caton-Deschamps inférieur ou égal à 0,6.Sur la vue axiale à 30° de flexion,la rotule aura un aspect tout à fait spécifique à condition que le cliché soit techniquement parfait. La rotule abaissée reste calée dans l’échancrure intercondylienne en flexion à 30°, créant une superposition entre la gorge de la trochlée et la rotule, donnant l’aspect d’un pseudo pincement articulaire fémoropatellaire complet (figs 7 et 7 bis). Cette image radiologique évoque par rapport à la rotule controlatérale un soleil couchant. Il faut toujours faire une corrélation entre les trois incidences radiologiques (face, profil, vue axiale 30°) (14).

Fig. 7. La vue axiale d’une rotule basse montre une disparition complète de l’interligne articulaire parce qu’il existe une superposition entre la trochlée et la rotule qui est encastrée dans l’échancrure intercondylienne. C’est le signe du coucher de soleil.

Fig. 7 bis. La radiographie de profil permet le diagnostic de rotule basse en montrant un index de Caton et Deschamps inférieur à 0,6.

Analyse étiologique des arthroses fémoro-patellaires L’Arthrose essentielle Épidémiologie et signes cliniques Elle se déclare tardivement vers 70 ans, elle est très souvent bilatérale. Elle est plus fréquente chez les femmes (35, 36). Sa tolérance fonctionnelle est longtemps excellente, autorisant une marche en terrain plat quasiment normale alors que la

L’arthrose fémoro-patellaire

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marche en terrain irrégulier, et surtout la montée et la descente des escaliers ou des pentes raides, devient de plus en plus difficile. Les patients décrivent des sensations d’instabilités subjectives secondaires à une inhibition nociceptive du quadriceps. Des sensations d’accrochage ou pseudo blocage dans les mouvements de flexion et d’extension qui sont secondaires au passage des ostéophytes rotuliens sur la berge externe de la trochlée et sur les ostéophytes trochléens.

Aspect radiologique L’atteinte est bilatérale. Sur les vues axiales à 30°, il existe un pincement avec un contact os-os de la facette externe de la rotule avec la trochlée fémorale. La rotule est en position subluxée. Cette subluxation n’est pas secondaire à une excentration du système extenseur mais plutôt à l’usure cartilagineuse. L’aileron externe est le siège d’enthésophytes et le bord externe de la rotule et la trochlée sont le siège d’ostéophytes (fig. 8). La radiographie de profil montre une ostéophytose à la partie supérieure de la trochlée ainsi qu’une condensation sous-chondrale fémoro-patellaire et un pincement articulaire (cette incidence n’est pas la plus performante pour le diagnostic d’arthrose fémoro-patellaire). Fig. 8. Arthrose fémoro patellaire essentielle avec disparition du cartilage articulaire, subluxation externe et prolifération ostéophytique et enthésophytique (flèche).

Chondrocalcinose articulaire Épidémiologie et signes cliniques C’est une affection de cause inconnue avec des manifestations pathologiques liées à la pénétration dans les diverses structures de l’articulation de microcristaux constitués dans la très grande majorité de pyrophosphate de calcium déshydraté. C’est une arthropathie métabolique qui peut atteindre l’ensemble des articulations avec une gravité d’intensité variable. Le genou est une des articulations les plus touchées, et c’est dans la forme pseudo arthrosique et surtout destructrice qu’elle intéresse l’articulation fémoro-patellaire. Elle se manifeste par des épanchements spontanés séro-hématiques qui augmentent en fréquence et en intensité. Les signes cliniques sont ceux de l’arthrose essentielle.

Aspect radiologique Il existe des lésions bilatérales avec un amincissement global de la rotule prédominant sur la facette externe associé à une usure voir une destruction de la tro-

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La gonarthrose

Fig. 9. Aspect caractéristique de la chondrocalcinose où on retrouve un aspect cranté et irrégulier des surfaces articulaires.

chlée conduisant à une subluxation de la rotule (fig. 9). On différencie l’arthrose classique de la chondrocalcinose par un aspect cranté et irrégulier des surfaces articulaires. On peut rechercher sur des clichés anciens des incrustations calciques soit à type de liseré fin dense et régulier continu sur tout ou partie de l’interligne, soit parfois fragmenté dans le cartilage rotulien. Cette atteinte rotulienne peut être indépendante de l’atteinte fémoro-tibiale ou méniscale, il faut néanmoins considérer cette affection comme globale dans la démarche thérapeutique.

Arthrose post-traumatique Épidémiologie et signes cliniques Les fractures de rotule représentent de 0,5 % à 1,7 % des fractures du genou (6). C’est une étiologie classique de l’arthrose fémoro-patellaire dans une évolution à long terme (38). Les éléments arthrogènes sont d’une part, liés à l’accident et au mécanisme de la fracture. Les chocs frontaux avec écrasement du cartilage et comminution du foyer de fracture seraient très arthrogènes (7, 9) ; d’autre part, les facteurs liés au traitement avec principalement les défauts de réduction diastasis supérieur à 2 mm et ou décalage ou marche d’escalier cartilagineuse supérieur à 1 mm (7, 9). On peut ajouter deux facteurs qui risquent d’augmenter le risque d’arthrose à long terme ; les mobilisations sous anesthésie pour raideur qui entraînent des lésions cartilagineuses diffuses, et les complications infectieuses.

Aspect radiologique La radiologie est très variable. Ce sont le plus souvent des arthroses globales, un des aspect les plus communs est la patella magna, avec une rotule augmentée de volume débordant aussi bien en dedans qu’en dehors.

Arthrose et instabilité rotulienne Épidémiologie et signes cliniques Ce sont les plus intéressants du point de vue étiologique car c’est peut-être dans

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ces cas que l’on peut discuter d’un traitement préventif. La proportion d’arthrose avec antécédents d’instabilité rotulienne objective est variable dans les séries de 8 % à 53 % (2, 12, 27). Aucune étude prospective ou rétrospective sur des séries d’instabilités rotuliennes n’a pu évaluer le risque d’arthrose après luxations de rotule (30). En revanche, dans toutes les séries (2, 12, 27) de prothèses fémoro-patellaires, il existe toujours un pourcentage de patients avec des antécédents de luxation de rotule. Les corrélations entre la biomécanique et les anomalies anatomiques de l’articulation fémoro-patellaire dans le cadre des instabilités rotuliennes objectives permettent d’apporter des hypothèses pathogéniques.

La luxation Le traumatisme au moment de la luxation entraîne des lésions du cartilage rotulien avec parfois de petites fractures articulaires, on retrouvera des lésions en miroir sur la trochlée externe ou même sur la bande roulante du condyle externe (fig. 10). Fig. 10. Au moment de la luxation de rotule il se produit un traumatisme au niveau du cartilage rotulien et trochléen avec parfois fragment libre. Ces lésions cartilagineuses peuvent évoluer vers l’arthrose.

Le défaut de centrage de l’appareil extenseur Le mauvais alignement très largement décrit dans la littérature anglosaxone, par un angle Q excessif ou, pour nous, l’augmentation de la distance entre le centre de la trochlée et la tubérosité tibiale antérieure (TAGT) (22) est la source d’augmentation du vecteur luxant de la rotule. Les pics de pression sont excessifs et asymétriques sur le versant externe de la trochlée et la facette externe de la rotule (fig. 11). Fig. 11. Le défaut de centrage de l’appareil extenseur avec une augmentation de la TAGT accroît les forces luxantes et les pressions fémoro-patellaires externes qui sont des facteurs d’arthroses.

Défaut de congruence entre rotule et trochlée Une dysplasie de la trochlée (13, 16, 20) et dans une plus faible mesure, une dysplasie de la rotule (41) entraînent un défaut de congruence entre trochlée et

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La gonarthrose

Fig. 12. La proéminence de la trochlée dans les trochlées dysplasiques de haut grade entraîne un conflit entre le sommet de la trochlée et la partie centrale de la rotule créant des lésions cartilagineuse en barre sur toute la surface de la rotule.

Fig. 13. Vue opératoire d’une instabilité rotulienne, il existe des lésions en miroir entre trochlée et rotule. Ces lésions allant jusqu’à l’os sous-chondral sont préarthrosiques.

rotule. La répartition des pressions est asymétrique et génère une instabilité fémoropatellaire. Deux facteurs deviennent arthrogènes. La proéminence globale de la trochlée des dysplasies sévères de stade B et D crée un conflit entre rotule et trochlée à chaque flexion et augmente le vecteur de force de compression rotulienne avec le degré de flexion du genou (fig. 12). On constate alors des lésions cartilagineuses de stade III ou IV en miroir qui sont caractéristiques, car occupant toute la largeur de la rotule (fig. 13). Elles feront le lit de l’arthrose. L’asymétrie des versants trochléens des dysplasies de type C et D entraîne une bascule rotulienne permanente, accentuant la répartition asymétrique des pressions fémoro-patellaire (16). C’est pourquoi, lorsqu’il existe une arthrose fémoro-patellaire chez un patient jeune, il faut attacher une importance particulière à l’étude des antécédents traumatiques de type luxation et surtout, faire une analyse fine et précise de la radiologie standard à la recherche d’anomalies anatomiques, facteurs d’instabilité rotulienne. L’interrogatoire du patient aura pour but de faire préciser la notion de luxation de rotule : elle doit survenir à l’occasion d’un épisode vraiment traumatique où le patient sent sa rotule se luxer et se réduire. Ces épisodes, au moins à la phase initiale, sont toujours suivis d’épanchements articulaires importants (hémarthrose) puis lorsque la symptomatologie devient plus fréquente, les épisodes de luxation sont plutôt suivis d’hydarthrose à cause des lésions cartilagineuses. On ne retrouve des lésions arthrosiques que lorsqu’il existe des dysplasies de trochlée majeures, cette arthrose touche une population de moins de 50 ans. Il est certain que la dégradation progressive de l’articulation rend de plus en plus difficile l’analyse des facteurs de l’instabilité sur les clichés radiologiques.

Arthrose fémoro-patellaire interne après médialisation pour syndrome rotulien douloureux Épidémiologie et signes cliniques C’est une arthrose fémoro-patellaire interne, ce qui est extrêmement rare dans le cadre de l’arthrose essentielle. Ce sont des patients qui ont des antécédents de douleur rotulienne uni ou bilatérale à type de syndrome rotulien. Jamais ils

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n’ont présenté d’accident traumatique avec épanchement et sensation de luxation de rotule. Ils ont eu une intervention de type médialisation de la tubérosité tibiale antérieure associée à une section de l’aileron externe une dizaine d’années avant. Cette intervention a plutôt amélioré la symptomatologie, mais progressivement, réapparaissent les signes cliniques d’autrefois accompagnés d’épanchements articulaires à répétition. Les douleurs deviennent alors continues et invalidantes.

Analyse radiographique L’histoire clinique associée à l’analyse radiographique permet le diagnostic. Les radiographies préopératoires ne décèlent aucune dysplasie de trochlée ni de rotule haute. S’il y avait eu un scanner à l’époque de la première chirurgie, celui-ci n’aurait pas mis en évidence d’augmentation de la distance entre la tubérosité tibiale et gorge trochléenne, ni de bascule rotulienne excessive. Si on ne dispose d’aucun document contemporain de la première opération c’est l’analyse radiologique du genou controlatéral qui révélera l’absence d’anomalie rotulienne et on sait que les facteurs de l’instabilité sont souvent bilatéraux. En ce qui concerne le genou pathologique, les données radiographiques sont caractéristiques. Sur la vue axiale, il existe un conflit interne (fig. 14) avec une diminution de l’épaisseur de l’interligne, il faut exiger de vraies vues axiales à 30° de flexion, parfois même les vues à 60° sensibilisent encore mieux le pincement articulaire. Le bilan devra être complété par un scanner rotulien où l’on recherchera une TAGT faible entre 0 mm et 5 mm parfois négative (fig. 6). Il faut la comparer à la TAGT controlatérale comprise habituellement entre 15 mm et 20 mm, on appréciera au mieux le conflit fémoro patellaire interne, et la bascule rotulienne presque nulle (fig. 15). Si on dispose d’un arthroscanner, le pincement cartilagineux interne peut être quantifié, de même que la quantité de cartilage restant au fond de la trochlée, sur la berge externe et sur la facette externe de la rotule. Il faut apporter une attention particulière à la mesure de la hauteur rotulienne,car parfois associée à cette hypermédialisation, on trouve un index rotulien abaissé qui pourra être corrigé lors du geste de latéralisation de la tubérosité tibiale antérieure.

Fig. 14. La vue axiale à 30° de flexion montre l’arthrose fémoro-patellaire interne iatrogénique après médialisation excessive pour un syndrome rotulien. L’angle trochlée a une valeur supérieure à 145°, la trochlée n’est pas dysplasique.

Fig. 15. Le scanner montre le pincement fémoro-patellaire interne et la bascaule rotulienne négative. L’analyse du genou controlatéral sain permet d’apprécier au mieux l’effet iatrogénique de la chirurgie précédemment faite.

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La gonarthrose

Les options thérapeutiques en fonction de leurs étiologies (exceptées prothèses fémoro-patellaires) Nous resterons dans le cadre d’une arthrose fémoro-patellaire au début et chez des patients de moins de 60 ans. Le traitement de l’arthrose fémoro-patellaire débute par une phase médicale. Ce traitement associe une thérapeutique médicamenteuse à base d’anti-inflammatoire en vue de réduire l’épanchement articulaire et l’inflammation synoviale puis une partie physique avec une rééducation comportant deux volets.

Le rodage articulaire Se fait sur bicyclette et a pour but de polir et de supprimer les irrégularités du cartilage restant.

Les étirements des chaînes musculaires antérieure et postérieure Permettront de diminuer les pressions fémoro-patellaires en flexion. Ce programme dirigé par le kinésithérapeute ne sera efficace que si le patient lui-même s’astreint à répéter ces exercices seul et plusieurs fois par semaine. Une nouvelle évaluation du patient se fera après trois mois. Ce n’est qu’en cas d’échec de cette phase médicale que se discutera une thérapeutique chirurgicale.

Section de l’aileron rotulien externe et patellectomie verticale externe Le but de cette intervention a pour objectif de diminuer les pressions fémoropatellaires externes mais aussi, elle doit permettre de supprimer le conflit qui existe entre les ostéophytes et enthésophytes externes rotuliens et les ostéophytes de la berge externe de la trochlée. Ce sont eux qui créent des accrochages et des blocages, sources d’instabilité réflexe et d’hydarthrose à répétition. La section isolée de l’aileron ne peut pas amener une amélioration durable dans ce cadre. La patellectomie verticale externe doit être suffisamment importante et réséquer plus que le simple ostéophyte, soit 1,5 cm. On peut associer une régularisation des ostéophytes supéro-externes de la trochlée (figs 16 et 16 bis ).

La médialisation et/ou l’avancement de la tubérosité tibiale C’est l’intervention la plus souvent décrite dans la littérature (32, 33) pour le traitement palliatif de l’arthrose fémoro-patellaire. Soit elle est réalisée d’une façon isolée, soit certaines techniques associent une avancée de la tubérosité selon les principes de Maquet (21). Le Maquet isolé n’a probablement plus d’indication, il est le résultat d’une réflexion biomécanique (5, 33), mais les résultats dans le cadre des douleurs rotuliennes ne sont pas probants (37). Cette intervention génère une gène fonctionnelle à l’accroupissement de par la protubérance de la tubérosité tibiale antérieure et également une gène esthétique pour les mêmes raisons. Les résultats des médialisations sont habituel-

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Fig. 16. Vue axiale à 30° de flexion avant la chirurgie, on note une subluxation externe de la rotule, un pincement fémoro-patellaire externe complet, un enthésophyte externe.

Fig. 16 bis. Vue axiale à 30° après la patellectomie verticale externe et la section de l’aileron externe. La rotule est recentrée ce qui permet de retrouver un espace fémoro-patellaire. La patellectomie doit être large d’environ 1,5 cm.

lement crédités de 70 % de bons et très bons résultats (21). Les différentes séries de la littérature ne font pas état de la présence ou non de facteurs de l’instabilité associée et ne différencient pas les traitements en fonction du cadre étiologique. C’est l’analyse de l’arthroscanner ou du scanner qui peut influencer la décision et donner des indications sur les gestes à faire. Une TAGT excessive, une trochlée très dysplasique et surtout une bascule rotulienne associée à une subluxation chronique de rotule seront des facteurs qui pourront pousser le chirurgien à proposer un geste de recentrage par médialisation éventuellement associée à un geste de remodelage de la trochlée tel qu’une trochléoplastie de creusement (16, 18, 34). Ces gestes seront combinés à une patellectomie verticale externe avec section de l’aileron rotulien externe. Le chirurgien doit être très méfiant dans ces indications car il existe un risque non négligeable d’aggravation ou de non-amélioration des symptômes. Il doit bien évaluer l’importance du handicap fonctionnel. L’abaissement de la rotule ne trouve plus d’indication dans le cadre de l’arthrose car elle augmente les contraintes fémoro-patellaires et plus l’arthrose progresse moins le risque de luxation de rotule est important.

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La gonarthrose

Les patelloplasties de réduction (29) C’est un geste plus spécifique dans les arthroses post-traumatiques avec patella magna. Cette chirurgie associe une section élargie des ailerons rotuliens interne et externe à une réduction osseuse globale de la rotule. Il faut apporter une attention particulière aux attaches du tendon rotulien et quadricipital pour ne pas fragiliser le système extenseur (fig. 17). Fig. 17. La patelloplastie de réduction est indiquée dans les patella magna. Il y a une section première des ailerons interne et externe puis patellectomie supérieure inférieure externe et interne. Il faut porter une attention particulière à l’insertion du quadriceps et du tendon rotulien pour ne pas fragiliser le système extenseur. L’aileron externe est laissé ouvert.

La latéralisation de la tubérosité tibiale antérieure Ce geste n’est indiqué que dans le cadre de l’arthrose fémoro-patellaire interne après hypermédialisation. L’arthroscanner doit confirmer qu’il existe encore du cartilage dans le fond de la trochlée et sur la berge externe. L’aileron externe ne sera pas coupé, alors que l’aileron interne sera allongé. La latéralisation moyenne doit être assez conséquente, environ 15 mm. On peut parfois associer à ce geste, une remontée de la tubérosité tibiale antérieure si l’index rotulien est abaissé. Il ne faut pas attendre une correction ni une disparition du conflit interne sur les vues axiales à 30° qui persiste dans 26 % des cas. En revanche, le résultat clinique reste satisfaisant dans 81 % des cas (17).

Les prothèses totales du genou Les prothèses totales du genou ne peuvent se discuter qu’après l’âge de 60 ans, chez des patients qui ont une demande fonctionnelle de sédentaire. Cette indication dans le cadre de l’arthrose fémoro-patellaire impose certaines règles techniques.

L’épaisseur de la rotule La rotule est souvent fine, surtout sur son versant externe. On doit avoir après la coupe une épaisseur résiduelle suffisante pour éviter le risque de fracture. L’épaisseur ne doit pas être inférieure à 13 mm. Si la rotule a une épaisseur trop faible, on peut envisager deux options. La première est de faire une patelloplastie de réduction en ne prothésant pas la rotule. La deuxième, plus ambitieuse, si le défect ne concerne que le tiers externe de la surface osseuse, est d’interposer une greffe d’os spongieux, prise sur les coupes osseuses, entre le bouton de polyéthylène et la rotule au moment du cimentage.

L’alignement du système extenseur Chez les patients ayant des antécédents de chirurgie rotulienne (médialisation, avancement, abaissement…), on doit se méfier d’un défaut d’alignement du sys-

L’arthrose fémoro-patellaire

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tème extenseur et en particulier d’une médialisation excessive. Le scanner préopératoire permet de mesurer la TAGT et de la comparer à la valeur mesurée au côté controlatéral s’il n’a pas été opéré. On peut être amené à faire une ostéotomie de la tubérosité tibiale pour normaliser la valeur de la TAGT (39). Dans ce cadre, les prothèses à plateaux mobiles ont certainement un intérêt, car elles peuvent compenser de petites différences sans avoir à modifier l’emplacement de la tubérosité tibiale antérieure. Dans tous les cas la section de l’aileron externe est obligatoire (28, 39) associée plus ou moins à une patellectomie verticale externe. Laskin (28) compare les résultats des prothèses obtenues dans les arthroses fémoro-patellaires et dans les arthroses tricompartimentales, il trouve de meilleurs résultats en termes de récupération d’amplitude articulaire et même de résultat fonctionnel global. Parvizi souligne la qualité des résultats cliniques et fait de la prothèse totale du genou une indication de choix dans l’arthrose fémoro-patellaire évoluée (39).

Conclusion L’arthrose fémoro-patellaire est une entité avec des règles thérapeutiques propres. Restent à approfondire les relations entre l’instabilité rotulienne et l’évolution à long terme puisque c’est à ce niveau que l’on pourra discuter d’une chirurgie préventive. Il est nécessaire de cerner avec précision la notion d’arthrose fémoropatellaire interne iatrogène après médialisation pour syndrome rotulien et non pour instabilité rotulienne. L’analyse précise des facteurs d’instabilité sur le bilan radiographique au moment où le patient est vu, mais également, sur les bilans radiographiques que le patient a pu avoir au cours de son existence est très importante dans la détermination de l’étiologie. Le scanner où l’arthroscanner sont des examens qui sont parfois utile dans la décision thérapeutique. Au stade évolué, la solution thérapeutique la plus adaptée est la mise en place de prothèse totale du genou.

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L’arthrose du genou sur laxité M. Clatworthy

Introduction Le traitement de l’arthrose sur laxité antérieure chronique chez le sujet jeune reste un sujet à controverse pour un chirurgien orthopédiste. Les possibilités thérapeutiques sont limitées et les séries publiées dans la littérature donnent peu d’indications. Généralement, les patients étaient traités médicalement à l’aide d’attelle et de kinésithérapie jusqu’à ce qu’ils soient suffisamment âgés pour envisager une prothèse totale de genou. Toutefois, depuis une dizaine d’années, des résultats étonnamment bons ont été rapportés chez ces patients en réalisant des greffes du ligament croisé antérieur, des ostéotomies tibiales de valgisation, des allogreffes méniscales ou la combinaison de ces différentes interventions. Nous nous intéresserons ici à l’histoire naturelle de l’arthrose après rupture du ligament croisé antérieur (LCA) et analyserons les facteurs qui influencent sa progression. Ceux-ci comprennent les lésions méniscales ou ostéo-chondrales, les déformations constitutionnelles, les lésions ligamentaires périphériques associées ainsi que les facteurs biologiques et la chirurgie. L’intérêt de la reconstruction du LCA, des ostéotomies tibiales dans les plans frontal et sagittal, des greffes de ménisques et de ces interventions combinées sera étudié. Mon approche personnelle sera exposée dans un dernier paragraphe.

Histoire naturelle La fréquence et la progression de l’arthrose fémoro-tibiale après rupture du LCA n’est pas clairement déterminée. La survenue de cette arthrose ne dépend pas seulement de la lésion ligamentaire elle-même, mais aussi des lésions associées telles que les lésions méniscales, les lésions ostéo-cartilagineuses et les libérations de cytokines lors du traumatisme. Le morphotype frontal joue aussi un rôle important. Les lésions dégénératives après rupture du LCA peuvent être observées dans 20 % à 88 % des cas (5, 43, 56, 60, 66, 75, 80, 84). L’augmentation de la translation tibiale antérieure entraîne une augmentation des contraintes sur le ménisque interne responsable de lésions secondaires. L’association rupture du LCA et lésion méniscale interne est un facteur d’arthrose fémoro-tibiale interne (AFTI) (fig. 1). Il se produit alors une usure progressive de la partie postérieure du plateau tibial interne entraînant la formation d’une cupule et d’ostéophytes s’aggravant avec le temps et qui vont peu à peu réduire l’instabilité (fig. 2). La plupart des études montrent une corrélation entre l’arthrose et la méniscectomie interne.

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Fig. 1. Arthrose fémoro-tibiale interne Vue arthroscopique

Fig. 2. Arthrose sur laxité : rupture du LCA non opérée après 12 ans

McDaniel et Dameron (60), avec un recul moyen de 10 ans sur des ruptures du LCA non opérées, observent un taux d’arthrose radiographique de 16 % et des dégradations cartilagineuses arthroscopiques dans 24 % des cas. Ces auteurs ont mis en évidence une relation entre l’arthrose et la déformation en varus ou la méniscectomie interne. Sherman (80) a montré que l’existence d’une méniscectomie associée à la rupture du LCA augmentait le taux de dégradation radiographique. Toutefois, après dix ans et quel que soit l’état méniscal, l’état fonctionnel était mauvais. Allen (3), en suivant 210 genoux 10 à 22 ans après une méniscectomie, note un taux d’arthrose plus important après une méniscectomie externe et en cas de défaut d’axe. Lynch (56), sur une série de reconstruction du ligament croisé antérieur efficace, note que 3 % des genoux sans lésion méniscale ont des lésions supérieures à 2 sur l’échelle de Fairbank, contre 88 % en cas de méniscectomie partielle ou totale lors de la reconstruction du LCA.

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À l’opposé, Sommerlath (84) ne trouve pas de corrélation entre la survenue de lésions dégénératives et le statut méniscal. Dans sa série toutefois, le taux de dégradation radiologique est important (50 % et 60 % à 6 ans et 8 ans). Indelicato (35) a montré un taux de lésions cartilagineuses plus important dans les ruptures chroniques du ligament croisé antérieur (54 %) contre les ruptures fraîches (23 %). Toutefois, aucune étude à notre connaissance n’a permis de corréler les lésions cartilagineuses initiales avec le risque d’évolution arthrosique. En réalisant une greffe du ligament croisé antérieur, nous améliorons la stabilité, et par conséquent, protégeons le ménisque et les dégradations cartilagineuses secondaires. Nous espérons ainsi modifier l’histoire naturelle de la dégradation cartilagineuse. Quatre études récentes (23, 40, 42, 76) ont comparé la fréquence et la progression de l’arthrose chez les patients traités pour rupture fraîche isolée du LCA, et chez ceux traités au stade de laxité chronique avec lésions cartilagineuses et méniscales. Toutes ces études ont mis en évidence une diminution du taux d’arthrose si la chirurgie était réalisée précocement, et si les ménisques et les cartilages étaient sains au moment de la chirurgie.

Facteurs influençant la survenue de l’arthrose Les lésions méniscales Fairbank (25) a été le premier à souligner le rôle de la méniscectomie dans le développement d’une arthrose précoce. La méniscectomie a un effet péjoratif, non seulement sur la transmission des forces, mais aussi sur la laxité et ceci particulièrement dans les laxités antérieures chroniques. Le ménisque joue en effet plusieurs rôles : transmission du poids (2, 6, 10, 12, 30, 45, 72, 83), absorption des chocs et protection cartilagineuse (71, 88), stabilité articulaire par amélioration de la congruence fémoro-tibiale (16) et répartition du liquide synovial. Après une rupture du ligament croisé antérieur, la corne postérieure du ménisque interne est l’obstacle principal à la translation antérieure du tibia (82), ce qui explique le taux élevé de lésions méniscales internes secondaires. Après une lésion méniscale secondaire, la translation tibiale antérieure augmente encore (22, 49, 57), accélérant ainsi l’usure cartilagineuse. Plusieurs études cliniques confirment ces notions théoriques (22, 29, 37). Une étude portant sur 328 patients revus avec un recul minimum de 15 ans (29) et réalisée dans quatre centres, a montré que l’élément le plus discriminant dans la survenue de l’arthrose était le délai par rapport à la méniscectomie. La stabilisation chirurgicale permet de diminuer la progression de l’arthrose, mais de manière moins nette que la préservation méniscale. Ces auteurs concluent que « la meilleure prévention de l’arthrose est la préservation méniscale ». Dejour (22) a montré qu’après rupture du LCA non opérée, le taux de lésions méniscales internes et externes était respectivement de 30 % et 7 % deux ans après l’accident, et de 60 % et 15 % dix ans après l’accident. Shelton (79) a suivi de manière prospective 44 ruptures du LCA ayant repris le sport sous couvert d’une attelle (genouillère). Tous avaient des ménisques intacts lors de l’IRM initiale. Parmi les 29 patients ayant décidé une reconstruction secondaire, 23 lésions méniscales étaient notées. Finsterbush (28) a suivi 98 patients qui avaient une rupture isolée du LCA lors de l’arthroscopie initiale. Une arthroscopie de contrôle a été réalisée en moyenne 4,2 ans après la rupture sur 34 patients. Une lésion méniscale était alors notée dans 71 % des cas.

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Les lésions ostéo-cartilagineuses Lors de la rupture du ligament croisé antérieure, il se produit une subluxation antérieure du tibia par rapport au fémur qui entraîne un cisaillement cartilagineux. Des lésions ostéo-cartilagineuses caractéristiques touchant la partie postérieure du plateau tibial externe et la partie antérieure du condyle externe sont notées dans 80 % des ruptures fraîches (31, 44, 58, 61, 74, 85). En IRM, un hyposignal est noté en T1 et un hypersignal est noté en T2. Malgré ces lésions importantes en IRM, l’aspect radiologique et arthroscopique est souvent normal, ce qui fait utiliser la terminologie de fracture occulte ostéo-chondrale ou de « bone bruise ». Les séquelles à long terme de ces « bone bruise » ne sont pas encore clairement déterminées. Une étude clinique et IRM (24) a analysé le devenir de ces lésions chez 23 patients traités chirurgicalement avec IRM de contrôle à 6 ans. Au niveau du condyle externe, les anomalies IRM ont disparu dans seulement 8 cas, et une dégradation cartilagineuse était notée dans 13 cas contre 2 cas dans l’IRM initiale (fig. 3). Au niveau du plateau tibial externe,

Fig. 3. 3A – Coupe sagittale en mode T1 après l’accident. Hyposignal dans l’os sous-chondral du condyle externe (flèche). 3B – Coupe sagittale en mode T1 6,5 ans après l’accident. Anomalie de signal persistante (flèche). 3C – Coupe sagittale (GRASS) 6,5 ans après l’accident. Amincissement cartilagineux (flèche) en regard de l’anomalie de signal de l’os sous-chondral.

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l’aspect IRM était normal dans 15 cas et aucune dégradation cartilagineuse n’était notée. Dans cette série, le résultat fonctionnel était le même quel que soit l’aspect IRM.

Les lésions ligamentaires associées Deux études ont montré que l’association d’une rupture du ligament croisé postérieur (LCP) augmente le risque d’arthrose et ceci, aussi bien pour les lésions opérées (Kullmer (46)), que pour les lésions traitées de manière conservative (39). Ce dernier auteur a montré qu’en cas de lésion associée LCA + LCP, des lésions dégénératives étaient systématiques après 5 ans. L’existence d’une lésion du point d’angle postéro-externe associée à la rupture du LCA entraîne une bascule en varus à la marche augmentant les contraintes sur le compartiment interne. Il s’agit donc d’un facteur de risque potentiel de la survenue d’arthrose (22). Deux études n’ont pas mis en évidence d’augmentation de risque d’arthrose si une atteinte d’un ligament colatéral était associée à la rupture du ligament croisé antérieur (27, 46).

Le morphotype frontal et sagittal Toute déformation dans le plan frontal dans le sens du varus entraîne un déplacement de l’axe mécanique responsable d’une augmentation des contraintes sur le compartiment interne du genou. La cause principale de déformation en varus est la méniscectomie interne, mais la rupture elle-même du LCA s’accompagne d’un déplacement des centres de rotations vers le compartiment interne (51). Une autre cause de bascule en varus est l’association d’une lésion du point d’angle postéro-externe qui entraîne une décoaptation externe, c’est-à-dire une perte de contact fémoro-tibial au niveau du compartiment externe lors de la phase d’appui de la marche. L’influence du genu varum constitutionnel sur la survenue de l’arthrose est discuté. Ainsi, Dejour (22) considère qu’en l’absence de lésion méniscoligamentaire associée, le genu varum constitutionnel jusqu’à 6° n’augmente pas le risque de survenue d’arthrose. La relation entre la pente tibiale postérieure et la translation tibiale antérieure lors de l’appui monopodal a été démontrée sur 281 cas de rupture unilatérale du ligament croisé antérieur (8) (fig. 4). Il existe une relation linéaire statistiquement significative entre la pente tibiale et la translation tibiale antérieure, aussi bien sur les genoux sains, qu’après rupture du ligament croisé antérieur. Toute augmentation de pente tibiale augmente la translation tibiale antérieure et toute modification de 10° de pente tibiale entraîne une modification de translation tibiale antérieure de 6 mm. Aucune relation n’a pu être, à l’heure actuelle, mise en évidence entre pente tibiale et ce risque de survenue d’arthrose.

Influence de la chirurgie La chirurgie ligamentaire du genou peut retarder l’évolution de l’arthrose en contrôlant la laxité, mais peut l’accélérer du fait du traumatisme articulaire. Aucune étude prospective randomisée n’a permis de trancher entre ces deux hypothèses. Des études réalisées dans les années 1980 (19, 26, 41, 81) font penser que la chirurgie joue plutôt un rôle péjoratif et accélère l’évolution de l’arthrose. Toutefois, pour ces études, la chirurgie était réalisée à ciel ouvert,

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Fig. 4. Relation entre pente tibiale et translation tibiale antérieure mesurée sur des clichés en appui monopodal (d’ après Bonnin M. La subluxation tibiale antérieure en appui monopodal dans les ruptures du ligament croise antérieure. Étude clinique et biomécanique. Thèse Med. Lyon n° 180, 1990). A : genou intact. B : rupture du LCA.

le positionnement du greffon n’était pas aussi précis qu’il l’est actuellement et la rééducation était souvent différée. Par ailleurs, le taux de lésions méniscales et cartilagineuses associées était mal précisé dans ces études de même que le caractère aigu ou ancien de la rupture. L’étude la plus fréquemment citée est celle de Daniel (19) dans laquelle les patients opérés avaient un taux d’arthrose (défini sur la radiographie et la scintigraphie) plus important que les patients non opérés. Les deux groupes n’étaient toutefois pas superposables et la chirurgie faisait appel à six techniques différentes. Dans les deux dernières années, cinq études ont mis en évidence une corrélation entre le délai accident-chirurgie et le taux de lésions cartilagineuses et méniscales et la survenue de lésions dégénératives. Toutes ces études montrent que les résultats sont meilleurs et la survenue d’arthrose diminuée en cas d’intervention précoce. Shelbourne (76) a suivi 928 patients pendant 5 à 15 ans après l’intervention. Un score IKDC normal ou presque était retrouvé chez 87 % des patients dont les deux ménisques étaient intacts, dans 70 % en cas de lésion partielle ou totale sur le ménisque externe, dans 63 % des cas en cas de lésions partielles ou totales du ménisque interne, et seulement dans 60 % des cas lorsque les deux ménisques avaient dû être enlevés lors de l’intervention. Jomha et Pinczewski (42), sur 72 patients revus à 7 ans, observent plus de lésions dégénératives lorsque la chirurgie a été réalisée pour laxité chronique comparée à la chirurgie réalisée en aigu, ceci même en cas de ménisque intact lors de l’intervention. Ces auteurs soulignent ainsi l’intérêt d’une chirurgie précoce chez les patients qui souhaitent pratiquer des sports avec pivot. Dans une étude plus récente, Pinczewski a analysé les résultats à 5 ans postopératoires sur un groupe de 90 patients ayant des ménisques normaux lors de l’intervention et ayant repris le sport. Dans 97 % des cas, il ne note aucune lésion dégénérative sur les radiographies. Jarvela (40) a suivi 91 patients 5 à 9 ans après une reconstruction du LCA utilisant le tendon rotulien. Les patients opérés précocement avaient de meilleurs résultats avec peu de lésions dégénératives, un meilleur résultat subjectif et un meilleur taux de retour au niveau sportif devant l’accident.

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Erickson (23), parmi 164 patients avec un recul moyen de 31 mois, note un moins bon résultat en cas de lésion méniscale associée lors de l’accident ainsi qu’un moins bon résultat sur le score de Lysholm et sur les échelles visuelles analogiques. Cette étude par ailleurs montre que les patients opérés moins de cinq mois après l’accident avaient un meilleur résultat que les patients opérés après cinq mois. Il conclut à l’intérêt d’une reconstruction.

Les facteurs biologiques Des études récentes ont montré une élévation du taux de Cytokine (14, 15), de débris cartilagineux (54) et du taux de marqueurs du métabolisme de la matrice cartilagineuse (14, 54, 55) dans le liquide synovial après rupture du LCA. Ces études suggèrent que des facteurs biologiques jouent aussi un rôle à côté des facteurs biomécaniques dans la survenue de l’arthrose. Plusieurs Cytokines sont impliquées dans la pathogénie de l’arthrose (70). Il s’agit de l’interleukine-1 (IL-1), IL-6, IL-8, du facteur de croissance fibroblastique (bFGF), du « tumor necrosis factor α » (TNFα) et du « granulocyte-macrophage colony stimulating factor » (GM-CSF). L’« interleukine-1 receptor antagonist protein » (IRAP) et le « transforming growth factor β » (TGFβ) sont des Cytokines qui peuvent neutraliser les effets délétères sur le cartilage des Cytokines précitées. Cameron (14) a mis en évidence des anomalies de concentration en Cytokine et en Kératane sulfate après rupture du LCA et ceci de manière prolongée. Parmi 96 patients évalués, 10 avaient un genou non traumatique, 60 une rupture fraîche du LCA, 18 une rupture semi-récente et 8 une rupture ancienne. Dans le liquide synovial normal, il existe une concentration importante en IRAP mais faible des autres Cytokines. Après rupture du LCA, on note une forte augmentation du taux de IL-6, IL-8, TNFα et Kératane sulfate. Le taux en IL-1 reste très faible. Progressivement, le taux de IL-6, TNFα et Kératane sulfate diminue mais reste encore très élevé à trois mois de l’accident. La concentration en IRAP, en revanche, chute de manière très importante. La concentration en GM-CSF est normale juste après la rupture du LCA mais augmente progressivement et à trois mois de l’accident, le taux est de dix fois la normale. Parmi les autres facteurs de risque biologique de l’arthrose, il faut noter les variations et les mutations géniques. Il existe une prédisposition constitutionnelle envers certaines lésions cartilagineuses (87, 89).

Principes thérapeutiques Le traitement de l’arthrose sur laxité est difficile et controversé. Généralement, le patient est jeune et actif avec des lésions cartilagineuses étendues qui s’aggravent progressivement et inexorablement sans traitement curatif possible.

Traitement conservateur Le traitement conservateur repose sur les antalgiques et les anti-inflammatoires, les médicaments dits chondro-protecteurs, tels que le glucosamine et le chondroïtinesulfate ; et par viscosupplémentation. La rééducation et l’utilisation d’attelle ne doivent pas être négligées. Les attelles adaptées permettent d’éviter les

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accidents d’instabilité (7, 52) et peuvent diminuer les douleurs articulaires. Des études récentes (50, 59) ont montré que la douleur, la fonction et la biomécanique du genou pouvaient être modifiées par l’utilisation d’une attelle visant à décharger le compartiment interne.

La reconstruction du ligament croisé antérieur Certains auteurs considèrent que l’arthrose est une contre-indication à la reconstruction du LCA (4, 32, 47). Cette attitude est basée sur le fait que l’augmentation de la douleur, l’augmentation des forces de contact articulaire et l’augmentation de la contrainte articulaire risquent d’accélérer l’arthrose. D’autres, en revanche, considèrent que la reconstruction du ligament croisé antérieur est envisageable pour améliorer la stabilité, la fonction et la proprioception, qui peuvent aider à diminuer la douleur et à réduire le risque d’arthrose. Quatre articles récents ont mis en évidence de bons résultats de greffe du LCA chez des patients avec arthrose. Shelbourne (78) a analysé l’évolution de 33 greffes du LCA réalisées dans le contexte de lésions cartilagineuses. La reconstruction était réalisée en moyenne 44,8 mois après l’accident et les patients avaient tous subi une méniscectomie préalablement. Tous avaient des lésions de grade III ou IV sur au moins un compartiment lors de l’arthroscopie et des lésions dégénératives sur les radiographies. Dans cette étude, les patients ont signalé une diminution de la douleur et une amélioration de la fonction analysée avec le score de Cincinnati. Ce score est passé de 55 en préopératoire à 81 en postopératoire. Aucun enraidissement n’était noté mais la progression de l’arthrose n’a pas été analysée. Dans une étude plus récente, Shelbourne (77) a élargi ce groupe à 58 patients dont 30 avec un recul supérieur à 5 ans (moyenne : 7,2 ans). Les patients rapportaient une amélioration de la douleur, de la stabilité et des scores fonctionnels de genou. Dans cette étude, un meilleur résultat fonctionnel a été noté chez les patients avec des lésions sur le compartiment interne (score 87) par rapport aux lésions du compartiment externe (score 73), ou touchant les deux compartiments (score 79). Ces différences n’étaient toutefois pas significatives sur le plan statistique. Noyes (62) a analysé les résultats de 53 greffes du LCA (tendon rotulien) et revues en moyenne 27 mois après l’intervention. Les critères d’inclusion étaient des lésions cartilagineuses importantes touchant plus de 50 % du cartilage articulaire (62 % des patients), ou mettant l’os sous-chondral à nu (38 % des patients). Ces lésions devaient avoir plus de 15 mm de diamètre. Il s’agissait de patients normo-axés d’après l’analyse radiographique. Dans cette série, la douleur était améliorée dans 70 % des cas et l’instabilité supprimée dans 89 % des cas. Soixante-dix-neuf pour cent des patients avaient pu reprendre des activités sportives de loisir. Sur le plan subjectif, l’amélioration était toujours importante et 71 % des patients considéraient leur genou comme normal en postopératoire contre 22 % en préopératoire. Dans cette étude, la progression des lésions d’arthrose n’a toutefois pas été analysée. Au terme de cette étude, l’auteur considère que seule une lésion cartilagineuse grave avec exposition de l’os sous-chondral sur les deux surfaces articulaires est une contre-indication à la greffe du LCA. L’intervention est également contreindiquée lorsque les lésions osseuses secondaires ont abouti à une disparition de l’instabilité. Noyes (63) a analysé les résultats sur un groupe similaire de 40 patients revus à 37 mois et opérés par une allo-greffe à partir du tendon rotulien. Les critères d’inclusions étaient les mêmes que dans le groupe avec auto-greffe. Les résultats

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fonctionnels étaient également satisfaisants, et 55 % des patients avaient pu retourner à des activités sportives athlétiques légères. Une arthroscopie de contrôle a été réalisée dans 60 % des cas à 15 mois postopératoires. Aucune des lésions cartilagineuses observées lors de la reconstruction n’avait progressé. Dans ce groupe la laxité résiduelle était toutefois plus importante que dans le groupe avec auto-greffe avec une différentielle droite-gauche à l’arthromètre de 4,3 millimètres dans ce groupe, contre 0,8 dans le premier. En conclusion, de bons résultats ont été obtenus dans les greffes du LCA réalisées chez des patients avec lésions cartilagineuses débutantes. Dans tous les cas, la douleur, la stabilité et le niveau fonctionnel ont été améliorés, mais tous les auteurs soulignent l’importance pour les patients de modifier leurs activités physiques et d’éviter les sports avec pivot, et surtout les sports à impact. L’utilisation d’une attelle est intéressante de l’avis de tous les auteurs pour déterminer, avant la décision chirurgicale, si la stabilisation du genou peut apporter une amélioration des douleurs.

Les ostéotomies De nombreuses études ont souligné l’intérêt de l’ostéotomie tibiale de valgisation dans l’arthrose unicompartimentale interne (1, 17, 18, 33, 36, 38). À notre connaissance, aucune étude ne s’est spécifiquement intéressée au rôle de l’ostéotomie isolée chez les patients avec arthrose sur laxité. Deux études ont analysé les résultats des ostéotomies tibiales chez les sujets jeunes, mais sans individualiser les patients avec arthrose sur laxité. Holden (34) a revu 51 patients d’âge moyen de 41 ans à l’intervention (23 à 50) revus avec un recul moyen de dix ans. Quatorze de ces patients avaient des arthroses sur laxité. À la révision, 66 % des patients étaient capables de pratiquer du sport à un niveau de loisir (bicyclette, nage, golf, tennis…), mais seulement 10 % des patients pouvaient courir. Le facteur prédictif le plus fiable pour la reprise du sport était le niveau préopératoire. Plus le niveau préopératoire était bon, plus le niveau à la révision était élevé ; en revanche, il n’y avait pas de corrélation entre le score fonctionnel à la révision et l’importance des lésions radiographiques préopératoires. L’auteur conclut donc que l’ostéotomie procure un résultat d’autant meilleur qu’elle est réalisée précocement. Une seule étude (68), s’est intéressée aux résultats en considérant le niveau sportif. Odenbring sur 27 patients de moins de 50 ans ayant subi une ostéotomie tibiale de valgisation pour arthrose interne a revu les patients avec un recul moyen de 11 ans (7 à 18). Trente-deux pour cent des patients pratiquaient un sport de haut niveau ou un travail de force mais seulement 13 % des patients ne présentaient aucune douleur lors de la course et 50 % ne ressentaient aucune limite douloureuse à la marche. Sur les 5 patients présentant une arthrose sur laxité, 4 avaient pu reprendre une activité sportive de haut niveau, aucune progression de l’arthrose n’était notée. Noyes (67) a mis en avant le concept de double varus (varus constitutionnel associé à un varus ligamentaire) et de triple varus (varus constitutionnel avec varus ligamentaire et varus recurvatum dû à une lésion postéro-externe). Les études biomécaniques en laboratoire sur ces genoux ont mis en évidence des moments varisants importants témoignant d’un haut risque d’évolution arthrosique, d’autant plus que les lésions méniscales totales ou partielles sont fréquentes chez ces patients. Noyes préconise donc une ostéotomie précoce de réalignement dans ces cas.

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Bonnin (8) a développé une technique de correction de la pente tibiale dans le plan sagittal afin de contrôler au mieux la translation tibiale antérieure. Une réduction de la pente tibiale va améliorer le contrôle de la translation tibiale antérieure, inversement, une augmentation de la pente tibiale va aggraver la translation tibiale antérieure. À ce jour, aucun papier n’a analysé spécifiquement les résultats des ostéotomies tibiales de valgisation pour laxité antérieure chronique en fonction de ce paramètre. Dejour (21), dans les associations reconstruction du LCA avec ostéotomie tibiale de valgisation, note que la translation tibiale postopératoire est corrélée avec les modifications de pente tibiale. Plus la pente tibiale est importante et plus la translation est importante. Une ostéotomie tibiale de valgisation par fermeture tend à diminuer la pente tibiale car la résection est souvent prédominante en avant. Lors d’une ostéotomie par addition, il est important de placer la plaque en arrière de façon à ne pas augmenter la pente tibiale. Ce contrôle de pente tibiale peut être facilité en utilisant la plaque de Puddu coin oblique.

Association greffe du ligament croisé antérieur avec ostéotomie tibiale de valgisation L’association de ces deux opérations est indiquée chez les patients qui se plaignent à la fois d’instabilité et de douleur avec une déformation en varus. Quatre papiers dans les huit dernières années ont précisé les résultats de cette technique. La plus grande série, publiée par Dejour (21), rapporte les résultats de 50 cas revus à 3,6 ans. L’âge moyen à l’intervention était de 29 ans (18 à 42) et l’ostéotomie était pratiquée dans un premier temps. Dans 74 % des cas, il s’agissait d’une ostéotomie de soustraction. Une ostéotomie d’ouverture était réalisée lorsqu’il s’agissait d’un genu varum constitutionnel (26 % des cas). La reconstruction du LCA était réalisée par une greffe associée dans 56 % des cas à une plastie antéroexterne extra-articulaire de type Lemaire. Le taux de satisfaction des patients était de 91 %. En ce qui concerne la pratique sportive, le nombre de patients pratiquant des sports avec pivot passait de 37 % avant l’accident à 14 % à la révision et le nombre de patients pratiquant des sports de loisir passait de 45 % à 60 %. Aucun cas d’aggravation de l’arthrose n’a été noté sur le plan radiologique ce qui est significatif car l’aggravation avait été notée dans une autre série lorsque le varus n’avait pas été corrigé (11). L’auteur conclut que l’association des deux interventions est indiquée en cas de laxité antérieure chronique associée à une déformation en varus liée à une usure du compartiment interne ou à une distension du compartiment externe. Noyes (65) a revu 41 patients avec un recul de 58 mois. L’âge moyen des patients était de 32 ans (16 à 47). Tous avaient des lésions dégénératives significatives sur le compartiment interne avec lésions cartilagineuses dans 56 % des cas et atteignant l’os sous-chondral dans 44 % des cas. Un geste ligamentaire n’était réalisé que lorsqu’une instabilité résiduelle persistait après l’ostéotomie. Ainsi, l’ostéotomie était isolée dans 11 cas. Dans 14 cas, elle était associée à une plastie extra-articulaire type Losee et dans 16 cas à une greffe par le tendon rotulien. Il s’agissait toujours d’une ostéotomie de soustraction. Lorsque les deux gestes étaient réalisés, l’ostéotomie était faite dans un premier temps. Une amélioration statistiquement significative a été notée pour la douleur, le gonflement et la stabilité. Avant l’intervention, 73 % des patients avaient des douleurs dans les activités de la vie quotidienne, ou lors des activités sportives. Vingt-sept pour cent seulement pouvaient pratiquer des activités sportives légères. À la révision, 78 % des

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patients n’avaient aucune douleur lors des activités de la vie quotidienne ou des pratiques sportives légères. Parmi les 15 patients qui avaient des lésions cartilagineuses évoluées, avec os sous-chondral à nu, 10 notent une amélioration significative de leurs symptômes. Dans cette étude, la progression des lésions cartilagineuses n’a pas été étudiée. Lattermann et Jakob (48) ont analysé les résultats sur une série de 27 patients dont 11 avaient été traités par ostéotomie seule, 8 par ostéotomie et greffe du LCA en deux temps, et 8 par ostéotomie et greffe du LCA simultanée. Les patients ont été traités selon un algorithme (tableau 1). L’ostéotomie était une soustraction dans 10 cas et une ouverture dans 17 cas. La reconstruction du LCA était réalisée sous arthroscopie à l’aide du tendon rotulien. Aucune étude statistique n’a pu être réalisée compte tenu du faible effectif. Dans le groupe ostéotomie isolée, 91 % des patients signalent une amélioration de leur douleur et certains ont même pu retourner à leur pratique sportive. L’instabilité a toujours été améliorée dans ce groupe, sans que l’on puisse préciser si cette amélioration est liée à une modification de la cinématique du genou ou à une progression de l’arthrose. Parmi les patients qui ont subi une plastie ligamentaire dans les suites de l’ostéotomie du fait d’une instabilité persistante, 38 % seulement ont eu une amélioration sur le plan de la douleur. Parmi les patients ayant conservé des douleurs, tous étaient capables de pratiquer des activités de la vie quotidienne sans douleur. L’instabilité a été totalement supprimée. Dans le groupe avec deux procédures simultanées, la douleur a été améliorée dans 50 % des cas et l’instabilité dans 63 %. Les auteurs signalent un taux élevé de complication dans chacun des trois groupes avec 10 complications majeures. Les auteurs concluent que l’association de la reconstruction du LCA avec ostéotomie peut être indiquée mais seulement après une sélection drastique des indications et tout en sachant que la reprise des sports initiaux est généralement impossible. Le recul le plus important est observé dans l’étude de Boss (9) comportant 27 patients avec ostéotomie par soustraction et greffe du LCA. Les résultats dans cette série sont proches de ceux des autres études. Quatre-vingt neuf pour cent des patients ont pu reprendre leur travail, 20 % reprendre un sport à un niveau plus élevé qu’avant l’intervention, mais seulement 25 % ont pu reprendre leur sport d’avant l’accident. Deux tiers des patients n’avaient plus d’instabilité et avaient moins de 3 mm de translation différentielle à l’arthromètre. Les résultats ont été analysés dans trois groupes séparés en fonction du recul : groupe 2 à 5 ans de recul, groupe 5 à 10 ans de recul, groupe supérieur à 10 ans de recul. Aucune différence sur les résultats subjectifs ou objectifs n’était notée entre ces trois groupes, ce qui témoigne de l’absence de dégradation secondaire avec le temps malgré un effectif faible pour chaque groupe. Au total, toutes ces études signalent un bon résultat sur le plan de la douleur Tableau 1. Algorithme de Lattermann et Jakob Groupe

Âge

Douleur

Instabilité

Arthroscopie

Traitement

1

> 40

+++

+

Os sous-chondral

OTV isolée

2

25-40

+ ou ++

+ ou ++

Fissuration et fragmentation du cartilage

OTV puis LCA

3

< 20-35

+

+++

Fissuration

OTV + LCA

OTV = Ostéotomie tibiale de valgisation ; LCA = Greffe du LCA.

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et de l’instabilité mais avec un taux de retour au sport d’avant l’accident, très faible. Il faut toutefois noter que dans toutes ces séries, il s’agit de lésions anciennes avec lésions cartilagineuses évoluées et antécédents chirurgicaux multiples. Dans ce sens, l’association greffe du LCA et ostéotomie apparaît comme une intervention de sauvetage, et il est important d’informer les patients sur leur faible chance de retrouver leur pratique sportive initiale. La plupart des auteurs conseillent une intervention précoce en cas de laxité antérieure chronique avec déformation en varus et il paraît préférable d’envisager une intervention rapide plutôt qu’envisager une opération de sauvetage secondaire. Une ostéotomie tibiale de déflection (fermeture antérieure) combinée avec une greffe du ligament croisé antérieur a été décrite par Bonnin (8) et Dejour (22), l’indication se pose pour les patients avec peu d’arthrose, translation tibiale antérieure différentielle de plus de 10 mm et pente tibiale de plus de 13°. Aucun résultat clinique n’a été publié.

Place de la greffe méniscale La transplantation méniscale devient de plus en plus utilisée pour les patients qui ont subi une méniscectomie totale ou sub-totale préalable et qui gardent une instabilité. La technique opératoire devient bien codifiée et trois études récentes ont fait état de résultats encourageants. L’étude avec le plus grand recul repose sur 18 patients ayant bénéficié d’une allo-greffe méniscale cryo-conservée pour douleur persistante après méniscectomie totale après 2 et 8 ans (en moyenne 5,4 ans) (73). Le score SF36 a mis en évidence une amélioration de la douleur ainsi qu’une amélioration de la fonction, même si celle-ci reste limitée. Aucune dégradation cartilagineuse n’a été notée sur les clichés radiographiques en appui à 45° de flexion pendant toute la durée du suivi. Parmi les 22 ménisques greffés, 8 ont présenté une lésion secondaire (36 %) ayant nécessité 6 méniscectomies partielles et 2 méniscectomies totales. Parmi celles-ci, 2 patients ont subi une greffe secondaire. L’examen histologique sur les méniscectomies a mis en évidence une cellularité diminuée par rapport à un ménisque normal ou une lésion méniscale classique. Parmi ces patients, 4 ont subi une analyse du profil des Cytokines dans le liquide articulaire et une diminution du taux de Cytokine par rapport au groupe contrôle a été notée. Par ailleurs, une diminution de la production en facteur de croissance tissulaire par les cellules greffées était notée. La diminution de l’activité biologique cellulaire est pour le moins, un facteur expliquant le taux élevé de lésions méniscales secondaires dans ces études initiales. Cameron (13) a revu une série de 67 allo-greffes méniscales avec un recul moyen de 31 mois. Il s’agissait de ménisques irradiés par rayon gamma et techniquement, la greffe n’avait pas utilisé de plot osseux. Dans cette série, 5 cas étaient réalisés en association avec une greffe du LCA et 7 avec une association greffe du LCA et ostéotomie. Un bon résultat était noté dans 85,7 % des cas, l’amélioration la plus significative portant sur la douleur et le gonflement. Les patients ayant de bons résultats pouvaient reprendre des activités physiques avec moins de douleur et certains étaient même capables de reprendre des activités de force. Fu et Harner (90) ont évalué les résultats chez 22 patients avec 25 allogreffes congelées, fraîches, non irradiées avec un recul de 1 à 4 ans. La technique des plots osseux était utilisée pour le ménisque interne et un pont osseux entre les cornes méniscales pour le ménisque externe. Dans 9 cas, une reconstruction du LCA y était associée avec de meilleurs résultats (score de Lysholm : 92, 44). Dans trois cas, la greffe était accompagnée d’une reconstruction itérative du

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LCA avec là encore un bon résultat (socre de Lysholm moyen de 88,3). Aucun échec d’allo-greffe méniscale n’était observé dans cette série. Van Arkel et de Boer (86), dans une étude prospective, ont évalué les résultats de 23 allo-greffes avec ménisque cryo-conservé avec un recul de 2 à 5 ans. Les résultats initiaux étaient satisfaisants dans 20 cas, mais 23 greffes ont échoué. Dans 6 cas, la greffe méniscale était associée à une reconstruction du LCA mais les résultats n’ont pas été individualisés. La plupart des arthroscopies de contrôle ont montré que la greffe méniscale a cicatrisé et s’est bien incorporée. Les études histologiques de contrôle ont mis en évidence une bonne revascularisation du greffon avec des cellules méniscales viables. Les échecs ont été mis sur le compte d’un mauvais alignement entraînant une mauvaise revascularisation.

Approche personnelle Évaluation du patient Cela nécessite une étude complète de l’histoire du patient avec un examen clinique et radiographique complet. La part respective de la douleur et de l’instabilité dans la symptomatologie doit être précisée. La clé du problème est de déterminer quelle est la gêne principale du patient et quel est le degré de cette gêne. Il est important d’apprécier le mode de déclenchement des accidents d’instabilité. Si ceux-ci apparaissent lors des activités de la vie quotidienne, il est probable que le problème soit plus secondaire à une pathologie méniscale ou à l’arthrose plutôt qu’à la laxité elle-même. Les inhibitions réflexes du quadriceps liées à la douleur peuvent être la cause du dérobement du genou. En revanche, si l’instabilité est déclenchée par les décélérations brutales ou par les changements de direction, il est vraisemblable que cela soit lié à la rupture du ligament croisé antérieur. Un autre point important à prendre en considération est l’âge du patient, ses motivations sportives, son niveau d’activité, son attente vis-à-vis du traitement. L’examen clinique commence avec une analyse de la marche en s’intéressant particulièrement aux décompensations en varus, en valgus ou aux hyper-extension lors de l’appui. Une évaluation globale des axes à la fois dans le plan frontal et dans le plan sagittal doit être réalisée et cette étude doit être comparative. Le bilan ligamentaire doit être complet analysant tous les ligaments de manière comparative. Le bilan méniscal clinique doit être complet, de même, des douleurs et des crépitements fémoro-patellaires doivent être recherchés. Le bilan radiographique comprend des goniométries et des clichés en appui de face et de profil ainsi que les clichés de l’échancrure et des vues axiales des rotules.

Le traitement Le traitement est complexe car il doit tenir compte de nombreux facteurs. Nous pensons que les éléments les plus importants à prendre en compte sont : – Le symptômes prédominant – L’alignement – L’existence d’un tableau de dérangement articulaire (accrochage, blocages, crépitements, hydarthrose) – L’état méniscal.

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Notre approche obéit à un algorithme mentionné à la figure 5. Lorsqu’une instabilité est associée à la douleur, nous préférons une ostéotomie d’ouverture pour les raisons suivantes : une ostéotomie d’ouverture a tendance à augmenter la tension au point d’angle postéro-externe, alors qu’une ostéotomie de soustraction a tendance à le diminuer, l’articulation péronéo-tibiale supérieure n’est pas modifiée et le geste chirurgical est moins agressif sur le compartiment sain. Notre technique de base comprend une ostéotomie tibiale d’ouverture associée à une greffe du LCA utilisant les tendons du droit interne et le demi-tendineux.

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Fig. 5. Algorithme de traitement dans les arthroses sur laxité en fonction des symptômes prédominants A : instabilité prédominante ; B : douleur prédominante ; C : douleur et instabilité ; OTV : ostéotomie tibiale de valgisation ; LCA : greffe du LCA.

La planification préopératoire La goniométrie de face en appui monopodal est réalisée. L’axe mécanique du membre inférieur est tracé. Le nouvel axe fémoral est tracé de façon à arriver à 62,5 % de la largeur des plateaux tibiaux en partant du bord médial. Une ligne est tracée du centre de la tête fémorale jusqu’à ce point, puis de ce point jusqu’au centre de la cheville. L’angle entre ces deux lignes est appelé angle de correction. Cet angle est ensuite reporté à l’endroit où sera réalisée l’ostéotomie d’ouverture et le degré d’ouverture est ainsi mesuré en fonction de la largeur du tibia. L’importance de l’ouverture est alors mesurée en millimètre (fig. 6). Fig. 6. Méthode de calcul de la correction dans les OTV (d’après Dugdale TW, Styer D, Noyes FR, et al. (1992) Preoperative planning for high tibial osteotomy. The effect of lateral tibiofemoral separation and tibiofemoral length. Clinical Orthopaedics and Related Research 274 : 260.

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Technique opératoire Une incision longitudinale de 6 cm est réalisée à 3 cm en dedans de la tubérosité tibiale antérieure. La dissection est ensuite menée jusqu’à l’aponévrose du couturier. Les tendons du demi-tendineux et du droit interne sont repérés par la palpation et une incision au niveau du couturier est réalisée sur le bord supérieur du droit interne. Le droit interne et le demi-tendineux sont libérés de leurs attaches et sont strippés séparément. Les tendons sont ensuite préparés sur la table opératoire de façon à former un greffon à quatre faisceaux. L’incision du périoste est alors prolongée vers l’avant jusqu’au bord interne du tendon rotulien, et le faisceau superficiel du ligament latéral interne est repéré. Des écarteurs sont positionnés sur la face antérieure de la métaphyse tibiale en passant sous le tendon rotulien et sur la face postérieure de la métaphyse tibiale. Le faisceau superficiel du LLI est incisé sur le trajet de l’ostéotomie. Une broche est mise en place sur le trajet de l’ostéotomie. Elle est oblique d’environ 30° de dedans en dehors, et de distal à proximal. Le trait de l’ostéotomie affleure le bord supérieur de la tubérosité tibiale antérieure. La position de la broche est repérée sous amplificateur de brillance. La corticale interne du tibia est sectionnée à la scie oscillante, puis l’ostéotomie est complétée à l’ostéotome. Une attention toute particulière est portée sur l’ostéotomie des corticales antérieures et postérieures du tibia. En revanche, la corticale externe ne doit pas être touchée. La position et la direction de l’ostéotomie est contrôlée progressivement sous amplificateur de brillance. Lorsque l’ostéotomie est complétée, l’introduction progressive d’un coin permet d’ouvrir l’ostéotomie jusqu’à la correction souhaitée. Le coin doit être introduit le plus en arrière possible de façon à ne pas augmenter la pente tibiale (figs 7 et 8). Dès que l’ouverture est de plus de 7,5 mm, un greffon osseux tri-cortical prélevé sur la crête iliaque homolatérale est introduit dans le défect. Pour les ouvertures moins importantes, le comblement est réalisé avec de l’os local. La reconstruction du ligament croisé antérieur est ensuite réalisé sous arthroscopie de manière standard. Dans la technique de l’auteur, l’orifice du tunnel tibial doit être distal par rapport au trait d’ostéotomie afin d’éviter toute fracture du segment proximal. La fixation du côté tibial est effectuée par une vis d’interférence qui fixe le greffon dans le segment proximal du tibia par rapport au foyer d’ostéotomie. Le patient est alors immobilisé en attelle articulée pour six semaines. La mobilisation n’est pas limitée. La reprise de l’appui est autorisée à six semaines postopératoires si la radiographie est satisfaisante.

Fig. 7. Fixation d’une ostéotomie par addition interne à l’aide d’une plaque de Puddu. L’introduction postérieure de la cale permet de contrôler la pente tibiale.

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Fig. 8. Association greffe du LCA et OTV

Conclusion Des résultats encourageants ont été récemment observés dans le traitement des arthroses sur laxité, permettant d’améliorer le confort de vie de ces patients. Il est toujours difficile de décider du traitement idéal. Des études à long terme sont nécessaires pour répondre aux questions clés : la reconstruction précoce du LCA pourra-t-elle éviter les dégradations secondaires du genou ? Les greffes méniscales et les ostéotomies précoces pourrontelles ralentir ou bloquer l’arthrose ?

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Le traitement médical de la gonarthrose E. Noël

Les lésions dégénératives du genou peuvent être le fruit de la dégradation naturelle des ménisques et/ou du cartilage, elles peuvent également être la conséquence de microtraumatismes (pratique sportive ou professionnelle) ou de traumatismes dont certains, comme les ruptures du LCA, sont particulièrement arthrogènes. Que les lésions soient méniscales ou cartilagineuses, il existe en fin de course une dégradation de la structure cartilagineuse dont les modalités et la rapidité vont dépendre de mécanismes locaux. Cette dégradation va se faire soit très lentement, soit très rapidement, ou encore par poussées avec une alternance de phases de stabilisation et de phases de chondrolyse. La membrane synoviale va intervenir au niveau de ce processus de dégradation par l’intermédiaire des produits de dégradation du cartilage qui vont lui faire synthétiser des cytokines et des métalloprotéases qui vont à leur tour venir agresser le cartilage. Les armes thérapeutiques à notre disposition sont nombreuses, elles s’adressent essentiellement aux lésions dégénératives du cartilage. Elles doivent être prescrites en fonction de l’âge du patient, de sa gêne fonctionnelle et douloureuse, du stade évolutif et de la rapidité d’évolution des lésions dégénératives. Elles ont globalement deux objectifs principaux qui sont l’obtention d’une antalgie, et si possible, la préservation du capital cartilagineux. En cas d’échec, une indication chirurgicale doit être discutée. Il existe de nombreuses armes thérapeutiques constituant le traitement médical, certaines sont utilisées depuis de très nombreuses années, d’autres sont de pratique plus récente ou en cours de validation.

Les différentes armes du traitement médical Les traitements non médicamenteux – La perte de poids : les patients gonarthrosiques présentant un surpoids ont un risque important d’aggravation de cette arthrose ou d’apparition d’une gonarthrose bilatérale en cas d’atteinte unilatérale. Par ailleurs, la perte de poids peut avoir une incidence non négligeable sur les douleurs des genoux, qu’il y ait ou non une arthrose. Ainsi, une étude non contrôlée chez des obèses ayant bénéficié d’une chirurgie gastrique (perte moyenne de 45,5 kilogrammes après l’intervention) a montré que les douleurs des genoux étaient présentes dans 57 % des cas avant la chirurgie gastrique et dans 14 % après celle-ci.

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– L’exercice physique : il a pour buts de maintenir les amplitudes articulaires et une bonne tonicité musculaire, de préserver la proprioception, et de diminuer si possible les contraintes par le biais d’une réduction pondérale ou au minimum d’une stabilité pondérale. Les propositions d’exercices sont nombreuses (exercices isométriques ou isotoniques du quadriceps et des ischio-jambiers, programme de marche à raison de 3 fois 1 heure par semaine). Ainsi, Ettinger (1) a publié en 1997 un travail randomisé visant à évaluer l’impact de différents programmes d’exercices vis-à-vis de la gêne fonctionnelle due à la gonarthrose, sur une durée de 18 mois. Le premier groupe suivait un programme de marche et d’exercices aérobies (10 minutes de marche lente avec exercices d’échauffement du tronc et des membres, puis 40 minutes de marche à 50 % à 70 % de leur capacité cardiaque, et enfin, 10 minutes de marche lente avec exercices d’étirement). Le deuxième groupe effectuait régulièrement des exercices contre résistance des 4 membres ; quant au troisième groupe, il suivait une séance mensuelle de 1 h 30 consacrée à l’éducation des arthrosiques (remise de brochures, conseils hygiéno-diététiques). Après 18 mois, il y avait 68 % de patients compliants dans le groupe marche et 70 % dans le groupe exercices contre résistance. Lors de l’évaluation faite sur un questionnaire de gestes de la vie quotidienne, à 18 mois, le groupe éducation avait des scores de handicap environ 10 % plus élevés que les deux autres groupes. Les groupes avec marche et exercices contre résistance marchaient plus rapidement, et sur une plus grande distance, ils avaient de meilleurs scores pour les gestes de la vie quotidienne. – Chaussures et semelles absorbantes (Sorbothane, visco-élastiques) : elles sont capables de diminuer de l’ordre de 40 % les contraintes articulaires de la vie quotidienne. À l’inverse, le port de talons hauts et étroits augmentent les contraintes au niveau du genou. Certains auteurs conseillent l’utilisation d’orthèses plantaires dont la morphologie varie selon le morphotype des membres inférieurs (varum ou valgum), cela n’a jamais été évalué à notre connaissance. – Cannes et orthèse de contention : les cannes peuvent être utiles dans les poussées congestives d’arthrose avec une mise en décharge de quelques jours et dans les douleurs chroniques, à condition que les conseils et modalités d’utilisation soient bien absorbés par le patient. Les différentes orthèses des plus simples au plus compliquées peuvent être d’un apport intéressant. Des orthèses articulées faites sur moulage avec une action valgisante ou varisante peuvent avoir un effet antalgique remarquable et permettre le maintien d’une activité raisonnable en cas d’intolérance médicamenteuse, de contre-indication chirurgicale ou en phase d’attente d’une intervention. – D’autres traitements peuvent être utilisés pour leur effet antalgique et leur bonne tolérance (cures thermales, électrothérapie et physiothérapie, mésothérapie, acupuncture…). Elles n’ont jamais été réellement évaluées contre placebo dans cette pathologie gonarthrosique.

Les thérapeutiques médicamenteuses par voie orale L’arthrose est le résultat d’un déséquilibre fonctionnel entre l’anabolisme et le catabolisme du cartilage au profit de ce dernier. Dans sa première phase, le cartilage arthrosique est un tissu stimulé avec des possibilités de synthèse et de dégradation augmentées par rapport aux tissus sains. Les chondrocytes arthrosiques produisent des protéoglycanes spécifiques et de grandes quantité d’enzymes (métalloprotéases) qui vont détruire le réseau collagène (responsable de la résistance du cartilage) et les protéoglycanes (respon-

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sable de l’élasticité du cartilage). Sous l’effet de cytokines pro-inflammatoires, ces chondrocytes produisent leur propres cytokines (IL-1, TNF α, IL-6) et des facteurs de croissance s’opposant à l’action de ces cytokines (TGF β, IGF-1). Sur le plan médicamenteux, les principales voies thérapeutiques explorées tentent d’agir sur la physiopathologie de l’arthrose. Certains médicaments s’opposent à l’effet des métalloproteases ou des cytokines pro-inflammatoires, d’autres cherchent à stimuler les facteurs de croissance. Les difficultés thérapeutiques sont liées au fait que les causes de l’arthrose sont multifactorielles, ce qui complique significativement la tâche. Il convient de distinguer les traitements symptomatiques d’action rapide (antalgiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens) et les traitements symptomatiques d’action lente. Il n’est pas possible de parler de médicaments antiarthrosiques au sens strict du terme, puisque jusqu’à présent, aucun traitement n’a démontré clairement chez l’homme sa capacité à ralentir la progression des lésions arthrosiques. En effet, ces thérapeutiques ont essentiellement une action symptomatique vis-à-vis des douleurs, des poussées arthrosiques et de la consommation d’AINS.

Les traitements symptomatiques d’action rapide – Les antalgiques ont une action variable selon la classe d’antalgique et le caractère inflammatoire ou non du tableau clinique. Leur intérêt est indiscutable dans les arthroses douloureuses, a fortiori en cas d’intolérance ou de contre-indication aux AINS. Deux études ont montré qu’ils avaient une efficacité identique aux AINS dans la gonarthrose tout venant, sans préciser le caractère inflammatoire ou non des arthroses traitées. – Les AINS existent en très grand nombre avec des familles et donc des spécificités différentes. Ils ont des vertus antalgiques et anti-inflammatoires, leur intérêt est réel dans les poussées congestives d’arthroses, avec des prises de quelques jours ou préventivement avant la réalisation d’effort susceptibles de réveiller des douleurs. Les contre-indications et les problèmes d’intolérance digestive des AINS classiques sont un frein indiscutable à leur utilisation régulière. Ceci peut changer avec l’arrivée en France des nouveaux AINS ayant une action anti-cyclo-oxygénase de type II (Celebrex®, Vioxx®). Leur efficacité est comparable à celle des AINS utilisés habituellement (2), leurs effets secondaires en particulier digestifs, mais également cardiovasculaires et plaquettaires sont peu différents en termes de fréquence de ceux décrits après prise de placebo. Ils ont obtenu une AMM dans l’arthrose (et également dans la PR pour le Celebrex®). – Certains auteurs ont mis en avant, pour les AINS classiques, l’effet « protecteur » du cartilage, mais ceci est discuté. En tout état de cause, hormis l’indométacine (Indocid®) qui a une action délétère par rapport au placebo sur le plan structural après plusieurs années de prise, aucun effet néfaste n’a été retrouvé avec les autres AINS, et en particulier le naproxène (Naprosyne®) et le diclofenac (Voltarène®).

Les traitements symptomatiques d’action lente Ils sont également nombreux sur le marché (Art 50®, Chondrosulf 400®, Jonctum®, Piascledine 300®, Structum®, …). Leur tolérance est, pour la plupart d’entre eux, satisfaisante. Leur efficacité ne se manifeste qu’après un délai de quelques semaines (en moyenne 4 semaines) mais persiste au-delà de l’arrêt du traitement, autorisant

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ainsi une prescription par cures répétées de quelques mois. Ceci a été démontré pour le chondroïtine sulfate (Chondrosulf®) avec un effet rémanent de 2 à 3 mois. Les modalités de prise doivent parfaitement être expliquées au patient pour que l’observance soit correcte (au moins 3 à 4 mois) avec soit des traitements séquentiels, soit des traitements continus. Ces traitements ont, pour la plupart, montré des effets bénéfiques chez l’animal puis chez l’homme. Chez l’homme, cet effet bénéfique va se manifester par une diminution des douleurs, de la gêne fonctionnelle et de la consommation d’AINS. Pour la plupart d’entre eux, des études sont en cours pour arriver à montrer un effet structural qui se traduirait par un ralentissement de la progression de l’arthrose (évalué sur des mesures radiographiques), objectif majeur à atteindre. Une récente étude avec Chondrosulf® (3) montrant un effet structural sur des genoux gonarthrosiques (mesure automatisée de l’interligne articulaire) avec un an de recul demande confirmation avec un recul supérieur. En l’état actuel de nos connaissance, il n’est pas justifié de les proposer chez des patients asymptomatiques, cette position pouvant être revue en fonction des résultats des études en cours. La glucosamine a beaucoup fait parler d’elle récemment, il existe une effervescence autour de ce produit qui est en vente libre aux USA et qui actuellement, n’est pas disponible en France. Il s’agit de glucosamine sulfate qui fait partie du groupe des traitements symptomatiques d’action lente. Sa tolérance est excellente (12 % d’effets digestifs mineurs). Elle possède, comme les autres produits de la même classe thérapeutique, un effet antalgique supérieur à celui du placebo dans l’arthrose des membres inférieurs et in vitro, un effet chondromodulateur (l’addition de glucosamine à des chondrocytes humains en culture augmente la synthèse des protéoglycanes). L’étude récente de chondroprotection réalisée chez l’homme (4) est encourageante, mais nécessite confirmation avec une méthodologie de suivi radiologue plus rigoureuse. Malgré ces critiques méthodologiques, il s’agit de la première étude démontrant l’effet chondroprotecteur d’un médicament dans cette classe thérapeutique.

Les injections intra-articulaires de corticoïdes Elles sont utilisées empiriquement depuis plusieurs dizaines d’années, mais n’ont été réellement évaluées que depuis quelque temps. Sur le plan physiopathologique, ils ont pour objectifs de bloquer la production d’enzymes protéolytiques par la synoviale et les cellules cartilagineuses. Ce n’est qu’au cours des dernières années que leur efficacité a été étudiée versus placebo. Cinq études contrôlées peuvent être retenues, avec une durée de suivi de 4 semaines à 6 mois suivant les études (5). Les corticoïdes montrent une efficacité supérieure au placebo pendant deux semaines, par la suite, il n’y a pas de différence entre les deux groupes, avec cependant des résultats variant entre 36 % et 81 %. Ces résultats sont donc plutôt en faveur des corticoïdes, si l’on part du principe que l’objectif principal de ce traitement est d’aider à passer un cap difficile pour revenir à l’état basal qui est celui d’un genou dégénératif asymptomatique, situation fréquente chez les patients qui gardent des muscles de bonne qualité et qui ont des amplitudes conservées. Ceci n’est bien sûr pas valable si l’on est en présence d’une arthropathie rapidement évolutive.

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Si l’on analyse plus précisément les études mentionnées plus haut, quelques remarques complémentaires à apporter au crédit des injections de corticoïdes peuvent être apportées : – La dose de corticoïdes injectés est relativement faible, il n’y a pas d’analyse selon le type de corticoïde (action rapide ou retard), il s’agit le plus souvent d’une injection unique ce qui ne correspond pas à l’attitude pratique utilisée habituellement (2 à 3 injections espacées de 3 à 4 semaines paraît être la solution la plus performante, mais ceci reste à évaluer dans le domaine de la gonarthrose). – Vus les mécanismes physiopathologiques décrits, il paraît nécessaire de différencier les gonarthroses avec ou sans épanchement. Une seule étude a montré qu’il était préférable d’évacuer l’épanchement avant d’infiltrer. – Un dernier élément nous paraît déterminant mais souvent difficilement applicable en pratique quotidienne, il s’agit du repos suivant l’injection de corticoïdes. Par analogie avec ce qui a été démontré dans l’arthrite rhumatoïde du genou (6), il pourrait être recommandé, dans les formes très expressives sur le plan symptomatique, d’observer un repos strict de 24 heures au lit après l’injection.

Le lavage articulaire à l’aiguille Le principe est d’effectuer un lavage en utilisant deux aiguilles de deux millimètres de diamètre sous anesthésie locale et en lavant le genou avec, selon les études, 1 à 2 litres de sérum physiologique. Le principe de son efficacité est basé sur la réalisation d’une distension capsulaire d’une part et sur une élimination des « agents » entretenant la dégradation du cartilage (cytokines, enzymes protéolytiques, débris cartilagineux…) d’autre part. Son efficacité a été étudiée dans quelques études (7). – Une étude a montré, sur une petite quantité de patients, qu’il n’y avait pas de différence par rapport à une ponction évacuatrice suivie d’une injection de 10 cc de sérum physiologique. – D’autres études ont montré que le lavage à l’aiguille, avec des reculs toujours inférieurs à 12 mois et supérieurs à 3 mois, était plus efficace que la rééducation seule, que le traitement médicamenteux (antalgiques-AINS) avec travail isométrique du quadriceps et aussi efficace que le débridement arthroscopique (révision à 3 et 12 mois). – La Société Française de Rhumatologie (SFR) a réalisé une étude prospective (8) randomisée et contrôlée à laquelle nous avons participé. Cette étude avait pour but d’apprécier l’efficacité et la tolérance du lavage articulaire à l’aiguille (1 litre de lavage et deux aiguilles de 2 mm de diamètre. Quatre groupes thérapeutiques ont été constitués (ponction seule, injection d’un corticoïde retard (Altim®), lavage seul et lavage plus injection d’Altim®). Chaque geste était effectué en ambulatoire avec un repos allongé immédiat de deux heures. Le lavage et l’injection de corticoïdes étaient plus efficaces que la ponction seule ou l’injection de placebo. Le lavage était plus durablement efficace (persistance à 6 mois) que l’injection de corticoïdes dont l’effet est plus rapide mais disparaît à 4 semaines. Les meilleurs résultats ont été observés dans le groupe lavage plus injection de corticoïdes, la tolérance de ce traitement ayant toujours été satisfaisante. Il en ressort donc que le lavage peut être indiqué dans certaine situations, en particulier lorsqu’il persiste un épanchement dans le cadre d’une poussée arthrosique et que le traitement médicamenteux habituel est inefficace. Les facteurs prédictifs de réussite du lavage qui doit être cumulé à une injection de corticoïdes

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retards sont mal connus. Il paraît logique de penser qu’il marche mieux lorsqu’il n’y a pas d’anomalie marquée des axes des membres inférieurs, lorsque la gonarthrose est peu évoluée et associée à une chondrocalcinose. Le lavage arthroscopique est une alternative au lavage à l’aiguille.

Les injections intra-articulaires d’acide hyaluronique – C’est le Hyalgan® (Hyaluronan), qui le premier a été utilisé il y a maintenant plusieurs années, en particulier en Italie, avec un schéma comportant une injection par semaine pendant 5 semaines. Il s’agit d’un acide hyaluronique de plus faible poids moléculaire (500 à 730 kd) que les produits utilisés actuellement. L’injection d’acide hyaluronique exogène a pour but d’améliorer l’agrégation des protéoglycanes et les propriétés rhéologiques du liquide synovial, il pourrait également stimuler la synthèse d’un acide hyaluronique endogène de bonne qualité. Plusieurs études contrôlées contre placebo ont été effectuées avec le Hyalgan®, six sur sept ont montré la supériorité du Hyalgan avec un effet retardé et rémanent pouvant aller jusqu’à 1 an. Cinq études ont comparé Hyalgan® et injections de corticoïdes retard. Une étude ne montrait pas de différence, trois études montraient un effet équivalent ou supérieur des corticoïdes dans les premières semaines, puis un effet supérieur et plus prolongé du Hyalgan®. Une cinquième étude a montré l’intérêt de combiner le traitement par acide hyaluronique avec un corticoïde lors de la première injection. Allant dans le même sens, une étude a mis en évidence un effet supérieur à 6 mois du Hyalgan® par rapport à un AINS de référence (naproxène à 1 gramme par jour). Actuellement, le Hyalgan® n’est plus commercialisé en France, un autre laboratoire doit relancer le produit sur le marché français dans des conditions qui restent à préciser. – D’autres acides hyaluroniques de poids moléculaires beaucoup plus importants ont été utilisés depuis. Actuellement, ces traitements sont considérés comme des dispositifs médicaux et non comme des médicaments, ils possèdent le marquage CE. Il en existe trois principaux qui constituent une nouvelle classe thérapeutique la viscosupplémentation : – Le Synvisc® (Hylan G-F 20) a un poids moléculaire de l’ordre de 6 000 kd, ce qui lui confère des qualités d’élasticité et de viscosité. Il a montré des résultats supérieurs à ceux obtenus pour une population contrôle avec un schéma comprenant trois injections intra-articulaires espacées d’une semaine (9), des résultats égaux ou supérieurs à la prise continue d’AINS avec le même schéma. Wobig (10) a montré, dans une étude en double aveugle et randomisée contre le Hyalgan®, une meilleure efficacité sur les douleurs lors du suivi à 12 semaines. L’adjonction d’un lavage à l’aiguille une semaine avant le traitement par Synvisc® améliorerait les résultats obtenus. Les résultats sont meilleurs lorsque l’arthrose n’est pas trop évoluée et lorsque le genou est sec. Cependant, il peut être proposé dans une arthrose évoluée lorsqu’il n’y a pas d’autres alternatives en présence d’une contreindication chirurgicale par exemple. Les résultats obtenus peuvent être satisfaisants sur le plan symptomatique. Quoi qu’il en soit, les améliorations obtenues sont de l’ordre de 8 à 9 mois en moyenne. Actuellement, il possède une autorisation d’utilisation qui est limitée à la gonarthrose, des études dans la coxarthrose et l’omarthrose sont en cours. La possible moindre efficacité dans les arthroses fémoro-patellaires reste à confirmer.

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– L’Orthovisc ® (Sodium hyaluronate) possède un haut poids moléculaire, une forte concentration et une haute viscosité. Les résultats semblent du même ordre que ceux du Synvisc® (11) sans qu’il y ait eu des études comparant ces deux produits. Il peut être utilisé dans toutes les articulations présentant une arthrose. – L’Arthrum® (Hyaluronate de sodium) est un produit qui a une autorisation pour toutes les articulations, cependant les études dans le domaine de l’appareil locomoteur ne sont qu’en cours de réalisation. L’autorisation d’utilisation a été donnée sur des critères d’apparente bonne tolérance du produit qui est utilisé depuis de nombreuses années en ophtalmologie. La tolérance du Synvisc® et de l’Orthovisc® est satisfaisante, il a été rapporté des réactions douloureuses au moment de l’injection et parfois des réactions de type arthrite micro-cristalline avec gonflement, rougeur et fièvre pouvant faire évoquer un tableau septique. Le plus souvent, ce tableau est résolutif en quelques jours avec le repos, la glace et la prescription d’AINS.

Les synoviorthèses à l’acide osmique et à l’Yttrium 90 Elles n’ont jamais fait l’objet d’études contrôlées contre placebo ou contre corticoïdes locaux. Certains auteurs les préconisent pour assécher les gonarthroses chroniques avec épanchement chronique ou récidivant, éventuellement associée à une chondrocalcinose ou compliquée d’une hémarthrose. Il est classique de dire que la présence de lésions cartilagineuses doit faire privilégier dans ces indications l’utilisation d’Yttrium au détriment de l’acide osmique.

Les indications thérapeutiques Les traitements dits classiques sont utilisés depuis de nombreuses années, ils doivent être mis en œuvre en première intention. Ces traitements comportent tous les traitements non médicamenteux, les AINS classiques, les injections de corticoïdes, voire les lavages à l’aiguille. Plus récemment, sont apparus les traitements symptomatiques d’action lente, au sujet desquels les études actuellement en cours cherchent à mettre en évidence un effet structural témoignant d’un effet bénéfique sur la progression de l’arthrose. Ils doivent être prescrits (en continu ou en discontinu) en complément des thérapeutiques précédemment nommées. L’utilisation de ces traitements ne varie pas en fonction du type d’arthrose. Les traitements les plus récents (« modernes ») sont représentés par la glucosamine (un autre traitement symptomatique d’action lente), les nouveaux AINS ayant une action anti COX-2 sélective et la viscosupplémentation (dispositifs médicaux à haut poids moléculaire) dont les indications doivent être mieux précisées (selon le stade et la localisation arthrosique) afin d’optimiser la qualité des résultats obtenus. Ils constituent un complément (viscosupplémentation) ou une alternative (AINS anti-COX-2) aux traitements habituels. En présence de lésions méniscales dégénératives (méniscoses le plus souvent situées au niveau du ménisque interne), il faut privilégier le traitement médical classique par rapport aux traitements « plus modernes » ou la chirurgie arthroscopique.

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Enfin, il est indispensable de distinguer le traitement de la poussée congestive (repos, mise en décharge, glace, AINS ± injections de corticoïdes en première intention) et celui des douleurs chroniques de la phase d’évolution lente où peuvent plus facilement trouver place les traitements « modernes ».

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Perspectives et avenir dans le traitement médical de l’usure cartilagineuse M. Piperno

Il n’existe pas actuellement de traitement curatif de l’arthrose. Toutefois, le progrès de nos connaissances dans la physiopathologie de l’arthrose d’une part, et le développement de l’ingénierie tissulaire d’autre part, font apparaître deux axes prometteurs dans le traitement de l’usure cartilagineuse : les médicaments chondroprotecteurs et la réparation des lésions chondrales par thérapie cellulaire.

La chondroprotection Les bases Alors qu’il y a quelques années, la chondroprotection, c’est-à-dire la prévention de la destruction cartilagineuse à sa phase de début, pouvait sembler une utopie, elle appartient aujourd’hui à un futur très proche. Cette progression est passée par deux étapes essentielles. La première étape a été la meilleure compréhension du mécanisme de destruction du cartilage. Il est généralement admis que la destruction arthrosique du cartilage résulte d’un déséquilibre entre synthèse et dégradation de la matrice extra-cellulaire. Ce déséquilibre est provoqué d’une part, par une synthèse accrue de protéases (et en particulier de métalloprotéases (MMP)) et une diminution de la synthèse de leurs inhibiteurs naturels (TIMP), et d’autre part, par une inhibition de synthèse de la matrice par le chondrocyte arthrosique, dont l’apoptose est par ailleurs accélérée. Ces anomalies de synthèse résultent d’une activation cellulaire provoquée par des cytokines, des médiateurs lipidiques, des dérivés oxygénés (NO) et des composants de la matrice elle-même. Il existe une tentative de réparation du cartilage passant par une synthèse accrue de facteurs de croissance, mais malheureusement insuffisante pour contrebalancer l’effet des cytokines et des protéases. Tous ces facteurs offrent autant de cibles thérapeutiques potentielles. La seconde étape était la possibilité de mesurer la destruction du cartilage chez l’homme. De nombreuses équipes s’intéressent aux marqueurs biologiques de l’arthrose, mais il n’y a pas actuellement de molécule à visée diagnostique ou pronostique fiable dans l’arthrose. C’est la mesure radiologique de l’interligne articulaire, notamment à son point de pincement maximum, qui reste le standard actuel pour évaluer la progression de la destruction articulaire. Que ce soit avec des techniques simples utilisant le compas ou la loupe graduée (1), ou plus sophistiquées comme la mesure automatique d’image digitalisées (2), la mesure de l’interligne articulaire permet l’évaluation d’éventuels médicaments chondroprotecteurs.

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Les cibles thérapeutiques Le rôle des cytokines et de leurs inhibiteurs dans la régulation et l’initiation de l’inflammation est maintenant bien compris. Il est donc possible de cibler les traitements sur des sites spécifiques de la cascade inflammatoire et sur les mécanismes physiopathologiques de l’arthrose. Les cytokines sont étroitement impliquées dans l’homéostasie du cartilage : l’interleukine 1 (IL-1), le tumor necrosis factor α (TNFα) et l’interleukine 6 (IL-6) augmentent la dégradation des protéoglycanes et inhibent la synthèse de l’aggrecane ; l’interféron γ (IFN-γ) diminue la synthèse des collagènes de types I, II et III ; le transforming growth factor β (TGFβ) inhibe les effets de l’IL-1 sur les chondrocytes ; l’insulin-like growth factor-1 (ILGF-1) a des effets anaboliques sur le cartilage et inhibe les effets de l’IL-1 sur le cartilage ; le platelet derived growth factor (PDGF) et le fibroblast growth factor (FGF) peuvent induire la prolifération et la croissance des chondrocytes. Toutes ces cytokines ont des effecteurs cellulaires qui apparaissent comme des médiateurs essentiels des atteintes articulaires : le monoxyde d’azote (NO), produit par la NOsynthase II (NOS II), les prostaglandines, produites par la cyclooxygénase II (COX II), et les MMP, activées dans une cascade enzymatique complexe. Les nouvelles stratégies pour le traitement de l’arthrose s’orientent donc vers : – les inhibiteurs des COX II, – les inhibiteurs de la NO synthase et les anti-oxydants, – les modulateurs de l’os sous-chondral, – les inhibiteurs des cytokines et des MMP, – les facteurs de croissance, – la thérapie génique (traitée dans un autre chapitre). Les traitements chondroprotecteurs potentiels qui en découlent sont résumés dans le tableau 1 (3).

Les études de chondroprotection chez l’animal Les modèles animaux d’arthrose permettent d’évaluer la capacité des médicaments à prévenir ou à retarder la progression des lésions arthrosiques, et de sélectionner des molécules ayant des potentialités chondroprotectrices (4). Les modèles les plus utilisés sont le modèle de section du ligament croisé antérieur chez le chien ou le lapin, et le modèle de menisectomie chez le lapin.

Limitation du catabolisme Les inhibiteurs des COX II Les effets de l’inhibition sélective de la COX II sur le cartilage ne sont pas très bien connus, mais les résultats d’une étude préliminaire chez le rat suggèrent un effet protecteur modeste sur le cartilage (5).

Les inhibiteurs de la NOsynthase et les anti-oxydants Dans une étude récente chez le chien, l’administration de N-iminoéthyl-L-Lysine (L-NIL), un inhibiteur sélectif de la NOS-II, a permis de ralentir la progression de l’arthrose expérimentale (6). Cet effet serait lié en partie à une diminution de l’apoptose chondrocytaire. Devant ces résultats prometteurs, de nombreux

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Tableau 1. Traitements chondroprotecteurs potentiels (d’après (3)) Glycosaminoglycanes Glycosaminoglycane peptidique Acide polysulfurique Pentosan polysulphate Chondroïtine sulfate Glucosamine sulfate Acide hyaluronique Anti-inflammatoires Corticoïdes Tenidap, acide tiaprofénique, piroxicam Anthroquinones Hydroxychloroquine Modulateurs osseux Stéroïdes anabolisants Tamoxifen Calcitonine Bisphosphonates Facteurs de croissance Hormone de croissance ILGF-1 TGF-β Autres Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’IL-1 Inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 4 (inhibe la libération de TNFα) Inhibiteurs de la NOsynthase Superoxyde dismutase

laboratoires, comme GlaxoWelcome, développent des inhibiteurs sélectifs de la NOS-II dans le traitement de l’arthrose.

Les modulateurs de l’os sous-chondral Les modifications de l’os sous-chondral font partie des lésions anatomiques de l’arthrose et l’utilisation de traitements ralentissant la résorption osseuse paraît donc justifiée. Ainsi, la calcitonine diminue la sévérité des lésions arthrosiques dans le modèle de section du LCA chez le chien (7), et un bisphosphonate, le Zoledronate semble avoir un effet chondroprotecteur dans un modèle d’arthrite inflammatoire chez le lapin (8).

Les inhibiteurs des cytokines et des métalloprotéases Les antibiotiques de la famille des cyclines (tétracycline, doxycycline, minocycline), inhibent les MMP et stimulent la production de leurs inhibiteurs naturels, les TIMP. Plusieurs études ont montré un effet chondroprotecteurs de ces molécules chez l’animal (9). De même, la diacétylrhéine (Art 50®) et le Rumalon® peuvent prévenir l’apparition ou la progression des lésions du cartilage dans le modèle animal avec des résultats corrélés à une diminution de l’activité des métalloprotéases. D’autres inhibiteurs des MMP sont actuellement à l’étude avec des résultats très prometteurs. Par ailleurs, l’identification de MMP

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plus spécifiques, comme la MMP-13 ayant la plus grande spécificité pour le collagène de type II, ou l’aggrécanase, clivant les protéoglycanes du cartilage, offre de nouvelles perspectives. Une autre approche pourrait être l’inhibition de l’IL-1β dont l’action semble être centrale et prépondérante au cours de l’arthrose. Plusieurs voies sont possibles pour inhiber l’IL-1 : on peut inhiber sa synthèse en agissant sur l’expression de son gène ou par l’utilisation de nucléotides antisens qui, en se fixant à l’ADN, bloquent la synthèse d’IL-1β ; on peut inhiber la formation d’IL-1 active en utilisant des inhibiteurs de l’interleukine β converting enzyme (ICE) qui transforme la pro-IL-1β inactive en IL-1β active ; on peut utiliser l’antagoniste naturel de l’IL1, l’IL-1ra, dont la synthèse semble diminuée dans l’arthrose ; on pourrait enfin envisager de bloquer la commande induite par l’IL-1 en bloquant l’accès à son récepteur, en utilisant des anticorps monoclonaux anti-IL-1, ou en agissant sur les facteurs de transcription produits lors de la fixation de l’IL-1 à son récepteur. Si les possibilités sont nombreuses, les résultats sont pour le moment décevants puisque aucune étude chez l’animal n’a pu montrer que le blocage de l’IL-1 prévenait l’apparition de l’arthrose. De plus, on peut s’interroger sur les conséquences d’une inhibition systémique de l’IL-1, cytokine dont les effets sont bénéfiques en situation de stress ou d’infection.

Stimulation de l’anabolisme On l’a vu, il existe dans l’arthrose un déficit de synthèse de la matrice extracellulaire. On peut donc envisager de stimuler les activités de synthèse du cartilage de manière à favoriser sa réparation. Différentes expérimentations ont été réalisées dans le modèle animal avec injection intra-articulaire locale de facteurs de croissance (TGF-β, IGF-1, FGF-b). Les résultats sont variables, mais dans l’ensemble assez décevant du fait d’un problème de biodisponobilité : ces facteurs de croissance ont en effet une demi-vie courte et risquent de plus d’être détruits rapidement par les protéases présentes dans l’articulation. On s’oriente donc vers d’autre moyens de distribution de ces molécules en utilisant notamment la thérapie génique.

Les études actuelles de chondroprotection chez l’homme La seule étude positive de chondroprotection publiée chez l’homme concerne la glucosamine sulfate, dérivé sulfaté de la glucosamine, un aminomonosaccharide naturel présent dans la matrice cartilagineuse et le liquide synovial (10). Deux cent douze patients porteurs d’une gonarthrose ont été inclus dans cette étude. Alors que l’épaisseur de l’interligne articulaire diminuait de 0,31 mm en 3 ans chez les sujets sous placebo, aucune variation n’était constatée chez les sujets sous glucosamine sulfate. Le mécanisme d’action de la glucosamine sulfate n’est pas encore clairement élucidé ; l’effet chondroprotecteur pourrait être en rapport avec une stimulation de la synthèse des protéoglycannes et une ihnibition des MMP. Une autre étude présentée lors du congrès européen de rhumatologie de 2001 a confirmé les résultats de ce travail. D’autres résultats positifs concernant la Piasclédine® ont été présentés sous forme de résumé. Enfin, une étude randomisée, contrôlée contre placebo, avec la diacerhéine est actuellement sous presse (étude ECHODIAH). Elle montre que le traitement par la diacerhéine pendant 3 ans ralentit la progression radiologique de l’arthrose de hanche.

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Des études de plus grande ampleur sont bien entendu nécessaires pour confirmer les propriétés chondroprotectrices de ces molécules chez l’homme. Cependant, nul ne peut prédire exactement le bénéfice clinique d’une chondroprotection efficace. Il reste possible que malgré une prévention de la destruction du cartilage, les malades continuent à s’aggraver cliniquement du fait de la progression d’autres lésions comme les ostéophytes ou la sclérose capsulaire.

La thérapie cellulaire Si la chondroprotection a pour but de prévenir l’aggravation des lésions cartilagineuses, elle ne permet pas la régénération tissulaire. Malgré sa solidité, le cartilage articulaire mature reste vulnérable face aux traumatismes ou aux maladies qui causent des lésions tissulaires irréversibles. En effet, en cas de lésion, le potentiel de réparation ou régénération du cartilage endommagé est très limité. Ceci pose un problème considérable chez le sujet jeune car ces lésions, non seulement entraînent des douleurs et une invalidité, mais sont de plus génératrices d’arthrose précoce et parfois sévère pour laquelle le traitement usuel est le remplacement prothétique. La thérapie cellulaire offre une nouvelle voie thérapeutique en agissant précocement sur les lésions traumatiques du cartilage dont la responsabilité dans la génèse de l’arthrose est bien démontrée. Différentes techniques sont actuellement à l’étude selon le type de cellules utilisées, l’utilisation de biomatériaux et/ou de facteurs de croissance.

La transplantation de chondrocytes Le chondrocyte, seul élément cellulaire du cartilage, est capable de synthétiser tous les éléments de la matrice qui l’entourent. Le choix intuitif du type de cellule utilisable dans la réparation des lésions cartilagineuses est donc, en premier lieu, le chondrocyte. La technique consiste à faire proliférer in vitro les chondrocytes du patient obtenus à partir d’une biopsie de cartilage et à les réimplanter au sein de la lésion. Pour cultiver des chondrocytes adultes in vitro, il faut les séparer de leur matrice par une digestion enzymatique. Les cellules, placées ensuite en monocouche dans une boîte de culture (fig. 1), prolifèrent rapidement sous une forme fibroblastique et produisent du collagène de type I. Ce processus de dédifférenciation est réversible. En effet, si l’on place ces chondrocytes dédifférenciés dans un environnement tridimensionnel approprié in vivo ou in vitro (alginate, agarose), ils réexpriment le collagène de type II et les protéoglycanes. La réversibilité de ce procédé est la clé de la réussite de la réparation des lésions du cartilage par greffe de chondrocytes autologues cultivés. Le pionnier en la matière est M. Brittberg, qui a expérimenté cette technique chez l’homme en 1994 (11). La procédure comporte deux temps opératoires : le premier temps, réalisé sous arthroscopie, consiste à prélever un fragment de cartilage au niveau d’une zone saine non portante du cartilage fémoral. Les chondrocytes sont isolés par digestion enzymatique à partir de cette biopsie, puis cultivés en monocouche pendant 2 à 3 semaines pour être multipliés par un facteur 10. Ils sont ensuite remis en suspension, prêts à être greffés. Le second temps opératoire, réalisé à ciel ouvert, consiste à suturer un volet périosté (prélevé à la partie interne du tibia) sur la lésion cartilagineuse puis à injecter la suspension cellulaire sous ce volet périosté (fig. 2). L’étude de Brittberg a été réalisée chez 23 patients présentant des lésions profondes du cartilage fémoral

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Fig. 1. Diagramme de la transplantation de chondrocytes dans le condyle fémoral droit (d’après (11))

Fig. 2. Chondrocytes humains cultivés en monocouche

(16 patients), et rotulien (7 patients). Deux ans après la greffe, 14 des 16 patients ayant une lésion fémorale avaient des résultats cliniques de « bons » à « excellents ». Sur les 15 biopsies du greffon réalisées 12 à 46 mois après la greffe, 11 avaient un aspect hyalin. Le résultat était moins bon au niveau rotulien puisque seulement 2 des 7 patients ont eu des résultats cliniques de « bons » à « excellents », et seulement 1 des 7 biopsies réalisées avait un aspect hyalin. Ces résultats semblent se maintenir à long terme puisque une étude portant sur 101 patients avec un recul de 2 à 9 ans (12) fait état de 92 % de bons résultats en cas de lésion fémorale unique (68 % en cas de lésion fémorale multiple, 75 % en cas de réparation ligamentaire associée). Les effets secondaires les plus fréquemment observés sont des adhérences intra-articulaires (10 %) et une cicatrice hypertrophique au niveau du volet périosté (26 %). L’intérêt de cette technique, outre la réparation avec un tissu de

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type hyalin, est qu’elle permet de traiter des lésions de grande surface. Il faut cependant rester prudent quant à l’interprétation de ces résultats, car toutes les études réalisées sont des études ouvertes et non contrôlées. Une étude multicentrique randomisée est actuellement en cours, comparant trois techniques de réparation : la technique de Brittberg, la suture d’un volet périosté sur la lésion mais sans greffe de chondrocytes, et la technique de forage de l’os sous-chondral. Par ailleurs, le tissu de réparation, même s’il est globalement d’allure hyalin, comprend également des plages de collagène de type I ; de plus, des résultats récents montrent que 3 ans après la greffe, il existe une apoptose des chondrocytes au sein des couches superficielles du cartilage néoformé. On ne connaît donc pas encore précisément le devenir anatomique à long terme du cartilage néoformé. Les indications des greffes de chondrocytes autologues agréées par la Food and Drug Administration sont les lésions localisées profondes du cartilage fémoral chez les patients indemnes d’arthrose. L’arthrose est donc pour le moment une contreindication à la greffe de chondrocytes autologues. Le coût élevé de la technique de culture des chondrocytes, réalisée par des laboratoires privés en Europe et aux États-Unis (Genzyme, Codon) constitue un facteur limitant important. C’est pourquoi nous avons décidé d’importer cette technique au sein des Hospices Civils de Lyon dans le cadre d’un projet hospitalier de recherche clinique. Un essai thérapeutique portant sur 20 patients est en cours. Même si cette technique paraît séduisante, un certain nombre de facteurs doivent être pris en considération : la technique de multiplication des chondrocytes ne prend pas en compte l’organisation architecturale du cartilage qui est formé de quatre zones au sein desquelles les chondrocytes ont des spécificités propres. Or, il semblerait que plus les propriétés du tissu reconstruit sont proches du tissu natif, plus les chances de succès clinique sont élevées ; le cartilage néoformé ne parvient pas toujours à s’intégrer complètement au cartilage natif ; enfin, la technique chirurgicale est délicate (suture du volet périosté) et lourde (2 temps opératoires). On s’oriente donc de plus en plus vers l’utilisation de biomatériaux de support pour les cellules.

Les biomatériaux La culture en monocouche sur plastique permet une prolifération active des chondrocytes. Cependant, elle induit une dédifférenciation des chondrocytes qui passent d’une forme arrondie à une forme fibroblastique et produisent des collagènes de types I, III et V. Cette perte du phénotype est en relation étroite avec la modification de l’environnement du chondrocyte. Certaines sociétés ont donc suivi d’autres voies de culture pour les chondrocytes : placer les cellules dans des biomatériaux biodégradables d’une part, pour maintenir le phénotype chondrocytaire, et d’autre part, pour faciliter le geste opératoire. Certains auteurs ont utilisé l’acide polyglycolique : des chondrocytes bovins ont été ensemencés dans un polymère d’acide glycolique ; après 8 semaines de culture in vitro, le tissu régénéré représentait 50 % du poids sec dont 4 % étaient représentés par les cellules, 15 % par les glycosaminoglycanes, et 31 % par le collagène (13). C’est ainsi qu’est née « la souris à trois oreilles » : des chondrocytes ont été ensemencées dans un polymère en forme de pavillon d’oreille qui a été implanté sous la peau d’une souris nude. Cependant, l’acide polyglycolique a pour inconvénient d’être peu biocompatible. D’autres auteurs ont utilisé le collagène sous forme de gels ou d’éponges (fig. 3). En effet, le collagène est la protéine structurale majeure de l’os du cartilage et du tendon et a des propriétés supérieures à celles d’un simple support cellulaire : il permet l’attachement et la migration cellulaire, l’adhésion des plaquettes, la morphogénèse et le développement, l’angiogénèse ; il sert

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Fig. 3. Éponges de collagène

également de réservoir pour les cytokines. Enfin, c’est un biomatériau biocompatible et résorbable. Plusieurs études réalisées chez l’animal et utilisant des chondrocytes implantés dans des biomatériaux de collagène ont montré la possibilité de réparer des lésions cartilagineuses ou méniscales (14). Par ailleurs, certaines éponges de collagène sont déjà utilisées en clinique chez l’homme comme agent hémostatique, en particulier lors de la chirurgie vasculaire. On peut donc espérer une bonne tolérance de ce type de biomatériaux dans la réparation des lésions du cartilage chez l’homme. D’autres supports, à base d’alginate ou de glycosaminoglycanes sont à l’étude. L’implantation de biomatériaux sans cellules, seuls ou en combinaison avec des facteurs de croissance, a également été envisagée. En effet, les cellules souches mésenchymateuses étant présentes dans le compartiment médullaire sous-chondral, l’utilisation de biomatériaux dans un environnement approprié peut induire une différenciation chondrogénique : une étude contrôlée, réalisée chez 11 lapins porteurs d’une lésion ostéochondrale fémorale, a montré la capacité d’un biomatériau poreux d’acide polyglycolique implanté au niveau de la lésion, à régénérer un cartilage articulaire. Des dispositifs, visant à maintenir le biomatériau en place au sein de la lésion, sont actuellement en cours de développement (15).

La greffe de cellules souches mésenchymateuses La greffe de cellules souches mésenchymateuses pourrait résoudre certains des problèmes rencontrés avec l’utilisation des chondrocytes. Ces cellules pluripotentes, présentes en faible quantité dans la moelle osseuse, sont en effet capables, en fonction des conditions locales, de se différencier en chondrocytes, en ostéocytes, en myocytes, ou en adipocytes. Lorsqu’elles sont implantées au sein de lésions cartilagineuses, elles sont capables de proliférer et de se différencier en chondrocytes. Cependant, le tissu de réparation a du mal à s’intégrer au sein du tissu hôte et ses propriétés biomécaniques sont différentes de celles du cartilage hyalin (16). Une autre technique de greffe, à partir de cellules stromales du périoste qui ont une bonne capacité à se différencier en chondrocytes sous l’effet de facteurs de croissance, est à l’étude. Un gros effort de recherche est consacré à l’effet des facteurs de croissance sur la maturation et la prolifération des chondrocytes et des cellules souches (fibro-

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blast growth factor, insulin-like growth factor, transforming growth factor β et la famille des bone morphogenic protein) ; cependant, la complexité des interactions entre les différents facteurs de croissance et la possibilité d’effets secondaires généraux limitent pour le moment leur utilisation. L’ingénierie tissulaire génétiquement modifiée est dans ce domaine une nouvelle technique très prometteuse ; elle utilise la transduction virale pour modifier telle ou telle propriété cellulaire ; c’est ainsi que des cellules périostées, génétiquement modifiées pour la synthèse de Bone Morphogenetic Protéin (protéine ayant des propriétés ostéogéniques et chondrogéniques) ont été utilisées pour la réparation de lésions ostéochondrales du fémur chez le lapin. Huit semaines après la greffe, la lésion cartilagineuse était recouverte entièrement de cartilage, majoritairement hyalin, et l’os sous-chondral rapidement reconstitué. Cependant, cette technique d’avenir, pour être exploitable, doit permettre de programmer précisément les cellules pour des fonctions spécialisées.

Applicabilité à l’arthrose On a vu que la thérapie cellulaire s’appliquait essentiellement aux lésions localisées profondes du cartilage. Les cellules greffées proviennent toujours d’un tissu sain. Or, dans notre expérience, les chondrocytes arthrosiques ont de moins bonnes capacités à proliférer et à se redifférencier que les chondrocytes issus d’un cartilage indemne d’autres lésions. Par ailleurs, dans l’arthrose, l’atteinte cartilagineuse est diffuse et le risque est que les cytokines produites par les chondrocytes environnants viennent endommager le greffon (17). La thérapie cellulaire ne peut donc s’envisager dans l’arthrose qu’à un stade précoce où les lésions restent focales. Enfin, tout comme nous l’avons fait remarquer pour la chondroprotection, la réparation isolée du cartilage, faisant abstraction des remaniements de l’os sous-chondral, n’est peut-être pas suffisante pour assurer un traitement efficace de l’arthrose.

Conclusion Il y a seulement 10 ans, l’arthrose était considérée par les médecins et leur patients comme une fatalité liée à l’âge. Aujourd’hui, on est capable de ralentir la progression de l’usure cartilagineuse grâce aux médicaments chondroprotecteurs, et demain, on pourra sans doute restaurer les lessions anatomiques arthrosiques par le biais de la thérapie cellulaire.

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La thérapie génique et l’ingénierie tissulaire pour la réparation cartilagineuse J. Huard, C.Whan Han et F.H. Fu

Le traitement des lésions cartilagineuses est une discipline en pleine évolution et représente un défi majeur de la médecine ostéo-articulaire actuelle. De nombreuses tentatives de réparation des lésions profondes cartilagineuses ont été menées, mais à l’heure actuelle, aucune technique n’a permis de régénérer avec succès du cartilage hyalin. Une des techniques les plus prometteuses pour la régénération cartilagineuse est la thérapie génique et l’ingénierie tissulaire. Leur but est de permettre l’expression de gènes codant pour la synthèse d’un facteur de croissance du tissu cartilagineux de manière à en obtenir une concentration importante sur le site et pendant une durée prolongée. La cible de la thérapie génique peut être le chondrocyte différencié si l’objectif est de combler une perte de substance cartilagineuse limitée. Toutefois, le chondrocyte n’est pas la seule cellule impliquée dans la réparation cartilagineuse, et de nombreuses études récentes ont souligné l’intérêt des cellules souches. L’intérêt des cellules souches mésenchymateuses est leur potentialité de différenciation en plusieurs types de lignées cellulaires. Cela est particulièrement intéressant dans la mesure où les lésions ostéo-cartilagineuses impliquent plusieurs types de lignées cellulaires. Les cellules souches d’origine musculaire ou synoviale peuvent aussi être utilisées comme des cellules cibles lorsque l’objectif du traitement est d’acheminer certains gènes dans la cavité articulaire. Ce chapitre résume les connaissances actuelles en thérapie génique pour la réparation cartilagineuse.

Biologie de la réparation cartilagineuse Le cartilage articulaire adulte est exempt de toute circulation sanguine, de drainage lymphatique ou de terminaison nerveuse. De plus, les chondrocytes dépendent des facteurs nutritifs du liquide articulaire et la réparation cartilagineuse doit intéresser également la matrice extra-cellulaire. Quoi qu’il en soit, en cas de lésions cartilagineuses minimes, les chondrocytes sont capables de synthétiser des protéoglycanes et permettent un certain degré de régénération cartilagineuse (6). En cas de lésions importantes touchant à la fois les cellules et la matrice collagénique, la régénération cartilagineuse est extrêmement limitée (55). Un des aspects essentiels à prendre en compte dans la capacité de régénération cartilagineuse est l’extension ou non de la lésion à l’os sous-chondral vascularisé. En effet, lorsque la lésion touche l’os sous-chrondral et la moelle, le processus de réparation peut survenir à partir des cellules précurseurs et des cellules des lignées sanguines. Ce tissu de réparation est toutefois riche en éléments fibreux et se dégrade assez rapidement. Il est incapable de jouer le rôle du cartilage hyalin (55).

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Connaissances cliniques actuelles En se basant sur la physiopathologie des lésions cartilagineuses, de nombreux cliniciens ont cherché à obtenir une réparation cartilagineuse par des perforations (14), des abrasions (31) ou en produisant des micro-fractures dans l’os sous-chondral (56). Dans toutes ces techniques, le principe de base est de recruter des cellules souches de la moelle osseuse et de stimuler la formation d’un tissu fibro-cartilagineux de réparation. Bien que des améliorations fonctionnelles aient été décrites en utilisant ces techniques, leur intérêt réel est douteux et les résultats publiés sont variables (48). Par ailleurs les auto ou allogreffes ostéo-cartilagineuses donnent des résultats satisfaisants dans les lésions limitées bien circonscrites (25, 30, 41, 49). L’intérêt de ces greffes ostéo-cartilagineuses est qu’elles donnent une réparation avec une épaisseur cartilagineuse complète et des chondrocytes vivants capables de maintenir le métabolisme de la matrice cartilagineuse (6). Certaines études cliniques récentes laissent espérer que ces techniques permettront de reformer des surfaces articulaires satisfaisantes. Malgré tout, l’usage en clinique de ces techniques est limité par la morbidité liée à la prise de greffe. Par ailleurs, des interrogations subsistent en ce qui concerne la préservation de la greffe, la viabilité des cellules transplantées et la réponse immunitaire (22). Des cellules précurseurs ostéo-cartilagineuses peuvent éventuellement être obtenues à partir des tissus mous tels que le périoste et le périchondre (26, 35). En effet, ces cellules souches ont un large pouvoir d’expression chondrogénique et peuvent produire du nouveau cartilage (61). Quelques études réalisées sur un petit nombre de patients avec des greffes réalisées à partir du périoste et du périchondre font état d’amélioration fonctionnelle sur le court terme. Les résultats sur le long terme restent encore hypothétiques dans la mesure où la dégradation tissulaire peut se produire secondairement (26, 35). Récemment, Brittberg a développé une technique dans laquelle une suspension de chondrocytes autologues cultivés était implantée sous une greffe de périoste suturée au niveau du défect. Cette technique offre une bonne alternative aux techniques actuellement en cours et les résultats cliniques de ce traitement sont considérés comme bons ou excellents dans 85 % des cas après trois ans (5). Il faut noter toutefois que de nombreuses complications peuvent apparaître après transplantation de chondrocytes tels qu’une hypertrophie de la greffe, une fibrose du greffon, une fixation insuffisante à l’os sous-jacent ou au cartilage adjacent (46), des échecs de la greffe (9) ou un amincissement progressif de la greffe (8). Histologiquement, seulement 50 % à 60 % de la surface implantée est recouverte correctement par un tissu cartilagineux hyalin.

Les facteurs de croissance Les facteurs de croissance sont des protéines solubles qui activent la division, la maturation et la différenciation cellulaire. Les techniques de recombinaison de l’ADN ont permis de mieux comprendre la fonction de ces protéines qui, in vivo, influencent la formation de l’os et du cartilage. La plupart de ces facteurs de croissance jouent sur le métabolisme des chondrocytes et sur la chondrogénèse. Ces différents facteurs de croissance figurent tableau 1. Leur effet est résumé au tableau 2 (19, 59). Plusieurs facteurs de croissances tissulaires sont capables d’améliorer la cicatrisation cartilagineuse in vivo (27, 55). Hunziker a analysé la réparation de défects cartilagineux partiels en utilisant des caillots de fibrine, la chondroïtinase ABC ou de la Trypsine (27). Cette étude expérimentale n’a jamais permis la formation

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Tableau 1. Les différents facteurs de croissance tissulaire Nom

Abréviation

Insulin-like growth factor 1 Transforming growth factor β Basic fibroblast growth factor Bone morphogenetic proteins Epidermal growth factor Platelet-derived growth factor Cartilage-derived morphogenetic proteins

IGF-1 TGF-β bFGF BMPs EGF PDGF CDMP

Tableau 2. Effet des facteurs de croissance sur l’activité des chondrocytes Effets Stimulation de la synthèse de la matrice cartilagineuse Stimulation de la différenciation cellulaire Stimulation de la prolifération cellulaire Cytokines et antagonistes des cytokines Inhibiteurs de l’apoptose cellulaire

Exemples IGF-1, BMP-2 et TGF-β, bFGF TGF-β, BMP-2, CDMP (1-3), Sox5, 6 et 9 IGF-1, bFGF, EGF IL-1Ra, IL-1sR, TNFsR, IL-4 Bcl-2

d’un cartilage normal mais a montré un effet positif du TGF-β et de la digestion enzymatique de la surface articulaire sur la cicatrisation cartilagineuse. Les auteurs concluent également que dans des conditions spécifiques, des cellules mésenchymateuses synoviales sont capables d’adhérer à la surface articulaire et peuvent jouer un rôle dans la réparation cartilagineuse. La bone morphogenetic protein 2 (BMP-2) paraît jouer un rôle capital dans le développement et la différenciation de cellules mésenchymateuses en chondroblaste et ostéoblaste (62). Sellers (54) a étudié le rôle de la rh BMP-2 (recombinant human BMP 2) dans le traitement des défects cartilagineux complets chez le lapin. Il a montré que la protéine permettait d’accélérer la régénération de l’os sous-chondral et améliorait l’apparence histologique du tissu cartilagineux de surface. De même, Cuevas (11) a observé que l’injection continue de bFGF à l’aide d’une pompe osmotique avait un effet stimulant sur la réparation de lésions cartilagineuses de petites tailles sur le lapin. L’effet direct de l’application de facteur de croissance sur la lésion est toutefois discuté. Neidel (47) n’a pas observé d’amélioration de la cicatrisation cartilagineuse sur le lapin adulte après injection intra-articulaire directe de FGF, de IGF-I ou de EGF. Van der Berg (60) a observé que l’injection intra-articulaire directe de TGF-β chez les souris stimulait la formation d’ostéophytes qui histologiquement sont les mêmes que ceux observés dans l’arthrose. Les expérimentations in vitro ont montré que l’IGF-I favorisait la production cartilagineuse de protéoglycane, et in vivo l’IGF favorise la réparation des défects cartilagineux (21). Bien que l’application directe de facteur de croissance spécifique semble avoir un effet bénéfique sur le processus de cicatrisation cartilagineuse in vivo (11, 27, 54), il n’est pas du tout certain qu’une application unique de facteur de croissance permette d’obtenir une efficacité suffisante pour réparer des lésions cartilagineuses complexes (47). En effet, du fait de la demi-vie très courte des facteurs de croissance tissulaire et des concentrations nécessaires élevées pour obtenir une efficacité, des injections répétées sont vraisemblablement nécessaires pour obtenir une certaine efficacité dans le traitement des lésions ostéochondrales (16). Un deuxième facteur limitant important vis-à-vis de l’utilisation de ces facteurs de croissance tissulaire est la technique permettant d’amener la protéine sur le lieu de la lésion (16). En fait, de nombreuses stratégies ont été développées pour obtenir des concentrations suffisantes de facteurs de croissance au niveau de la lésion

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(pompe, héparine, matrices porteuses) (11, 23, 43). Toutes ces techniques permettent bien sûr d’apporter des facteurs de croissance sur le site lésionnel mais de manière très limitée, ce qui les rend en principe inutilisables en clinique. Parmi les différentes techniques développées pour l’administration in situ de facteurs de croissance, le transfert génétique paraît être l’une des techniques les plus prometteuses (44).

Principes de la thérapie génique Historiquement, la thérapie génique a pour objectif de traiter les maladies héréditaires en traitant les anomalies géniques. Cet objectif est largement limité du fait de l’inefficacité des technologies actuelles et des limites éthiques (1). Actuellement, la thérapie génique couvre un domaine beaucoup plus vaste qui comprend la manipulation des gènes des cellules somatiques. Le principe est d’apporter dans une cellule des gènes codant pour la synthèse d’agents spécifiques, biologiquement actifs pendant une durée précise et dans des endroits précis. La thérapie génique a été évaluée pour le traitement de nombreuses lésions ou traumatismes du tissu musculo-squelettique dont les capacités de cicatrisation spontanée sont très limitées. Parmi ceux-ci figure le cartilage articulaire. Ainsi, en apportant des gènes spécifiques, de grandes quantités de facteurs de croissance favorisant le développement du cartilage articulaire peuvent être ainsi produites de novo (18). La thérapie génique intéressant les chondrocytes peut permettre d’améliorer les techniques existantes ou de développer des thérapies totalement innovantes. Les problèmes cliniques les plus fréquemment rencontrés au niveau cartilagineux sont les lésions traumatiques, les lésions dégénératives et les lésions inflammatoires (53).

Stratégie de délivrance du gène Plusieurs techniques de transfert des gènes ont été utilisées en ce qui concerne le système musculo-squelettique (fig. 1). Il peut s’agir, soit d’une délivrance locale du gène, soit d’une délivrance dans la circulation générale. Cette dernière consiste à injecter le vecteur dans la circulation sanguine et donc à le disséminer dans tout l’organisme. Cette technique est idéale lorsque le tissu cible ne peut pas être touché directement. Cette technique présente aussi l’avantage d’avoir une meilleure distribution du vecteur par rapport aux injections locales directes. Cette technique a toutefois un certain nombre de limites : la concentration d’un vecteur au niveau du tissu cible doit souvent être très importante pour avoir un effet thérapeutique, ce qui est difficile à obtenir par cette technique. En outre certains tissus (cartilage, ménisque) sont trop peu vascularisés pour utiliser ce principe.Ainsi, l’application du vecteur dans la circulation générale n’est pas utilisée, et des recherches complémentaires sont nécessaires pour permettre d’atteindre spécifiquement le tissu cible (1). Deux grandes techniques ont été utilisées pour la délivrance locale au niveau du cartilage articulaire : soit l’injection directe de vecteur dans l’articulation (technique directe), soit la transplantation dans l’articulation de cellules génétiquement modifiées obtenues préalablement à partir de l’hôte (technique ex vivo). D’une manière générale, l’approche directe est plus simple mais la technique ex vivo présente l’avantage d’une plus grande sécurité, car la manipulation des gènes est réalisée in vitro et les cellules modifiées génétiquement peuvent être testées largement avant d’être transplantées.

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La technique d’injection directe Les vecteurs sont délivrés directement dans les structures cibles de l’articulation. Les cellules à ce niveau subissent une transduction par le vecteur afin de produire la protéine thérapeutique de novo. Pour la réparation cartilagineuse, l’approche directe est extrêmement difficile car les chondrocytes sont entourés d’une matrice extracellulaire très dense. Cette hypo-cellularité relative du cartilage rend la transduction cellulaire peu efficace entraînant une expression transgénique de faible niveau. Ainsi, dans les techniques d’approche directe, les cellules cibles idéales seraient plutôt les synoviocytes. Malgré ces données théoriques, il semble que des études aient toutefois validé la faisabilité de la transduction des chondrocytes par l’approche directe. En 1997, Tomita (58) a montré que l’injection du liposome du virus hémaglutinant du Japon (HVJ) dans des genoux de six semaines d’âge permettait à l’expression du gène dans les chondrocytes situés sur les couches superficielles et moyennes du cartilage articulaire, et ceci pour une période de trois semaines.

La technique ex vivo Les cellules prélevées sont isolées, mises en culture et le gène souhaité est ensuite inséré directement dans la cellule à l’aide d’un vecteur, viral ou non viral. Ensuite, les cellules génétiquement modifiées sont transplantées au patient. La cellule cartilagineuse est candidate logique à ce type de manipulation génétique, mais techniquement cela est difficile. En 1997 Kang (33) utilisait cette technique pour transplanter des chondrocytes qui avaient subi préalablement une transduction à l’aide d’un rétrovirus comportant le gène LacZ. Ces chondrocytes modifiés étaient

Fig. 1. Stratégies de délivrance du gène au niveau de la lésion ostéochondrale Dans la délivrance systémique les vecteurs portant les gènes thérapeutiques sont injectés dans la circulation générale. Dans la délivrance locale, les gènes sont apportés directement au niveau du site lésionnel, soit par techniques in vivo, soit par techniques ex vivo.

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utilisés pour réparer les lésions cartilagineuses complètes réalisées au niveau du condyle fémoral médial sur des lapins. L’auteur a pu retrouver des cellules LacZpositives dans la zone de cartilage transplantée, mais à aucun autre endroit du cartilage et ceci pendant quatre semaines. Baragi (3) a traité des lésions cartilagineuses complètes à l’aide de chondrocytes modifiés à l’aide d’un adénovirus porteur du gène LacZ mélangé avec une éponge collagénique de type I utilisée comme matrice. Ils ont observé l’expression de la β-galactosidase mais pendant une durée limitée de dix jours. Plus récemment, Ikeda (28) a utilisé l’approche ex vivo pour traiter des lésions ostéochondrales chez le rat. Il a utilisé des chondrocytes ayant subi une transduction à l’aide d’un adénovirus et mélangé dans un gel de collagène de type I. Ils ont retrouvé l’expression du gène LacZ pendant plus de dix semaines, mais progressivement, l’expression du gène a diminué. Ces expérimentations ont toutefois utilisé des chondrocytes allogénique, ce qui semble moins bons que l’utilisation de chondrocytes autologues. Ainsi, en vue d’une utilisation clinique, des recherches devront être effectuées utilisant des chondrocytes autologues afin d’apprécier la faisabilité d’une telle technique.

Les vecteurs Deux grands types de vecteurs peuvent être utilisés pour le transfert de gènes : les vecteurs viraux et non viraux. L’utilisation de virus permet une délivrance très efficace d’acides nucléiques, aussi bien de l’ADN que de l’ARN, et peut atteindre des cellules spécifiques tout en permettant d’éviter une réaction immunologique de l’hôte. Il s’agit donc d’une technique de choix si la pathogénicité du virus peut être éliminée, sans pour autant nuire à l’efficacité du transfert génique. Les vecteurs non viraux, comme les liposomes, ont l’avantage d’être non pathogènes mais sont en revanche moins efficaces dans le transfert du gène. Une liste de vecteur viraux et non viraux qui peuvent être utilisés pour les transferts géniques directs ou indirects au niveau des articulations sont résumés dans le tableau 3. Tous ces vecteurs, rétrovirus, adénovirus, herpès simplex virus, virus adéno-associés et formulation non virale d’ADN ont chacun leur force et leur faiblesse qui nécessiteront encore des modifications pour qu’ils soient utilisables pour toutes les applications de la thérapie génique. Tableau 3. Différents vecteurs utilisés pour le transfert de gène dans les cellules et leurs caractéristiques Vecteurs viraux

Avantages

Rétrovirus

• Faible toxicité • Faible immunogénicité • Utilisable en thérapie génique ex vivo • Transmission aux cellules filles

Adénovirus

• Infecte des cellules en mitose ou post-mitotiques • Faible cytotoxicité

Virus adéno associés

Herpès simplex virus

• Faible toxicité • Faible immunogénicité • Persistance longue des gènes transférés • Infecte les cellules en mitose mais aussi post-mitotiques • Capacité de transfert permanent

Inconvénients • Infecte les cellules en mitose • Capacité de transfert limitée • Risque mutagène

• Rejet imunologique possible

• Capacité de transfert limitée

• Cytotoxicité

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Les rétrovirus La plupart des essais de thérapie génique à ce jour ont fait appel aux rétrovirus basés sur le virus de la leucémie murine (MLV). MLV a été utilisé comme vecteur parce qu’il était largement caractérisé et ne présentait aucune analogie avec les rétro-virus humains. Les rétrovirus sont des virus ARN qui se répliquent à partir d’un double brin d’ADN intermédiaire s’intégrant dans l’ADN de l’hôte où ils peuvent alors s’exprimer sous forme d’ARN viral pendant toute la vie de la cellule. Les rétrovirus ont l’avantage d’une intégration stable dans l’ADN de l’hôte et peuvent donc, en théorie, exprimer un gène thérapeutique pendant toute la vie de la cellule. Par ailleurs, le pro-virus se maintient lors de la division mitotique et ainsi une cellule ayant subi une transduction par un rétrovirus peut propager la modification aux cellules filles. L’inconvénient des vecteurs rétro-viraux comme le MLV est qu’ils nécessitent une division cellulaire pour s’intégrer (34). Ainsi, les vecteurs rétro-viraux sont plus adaptés à la thérapie ex vivo dans laquelle les cellules génétiquement modifiées se multiplient et sont secondairement transplantées dans l’articulation (17).

Les adéno-virus Les adéno-virus sont des virus à double brin d’ADN qui peuvent causer des infections respiratoires et oculaires chez un certain nombre de mammifères, notamment chez l’homme. L’avantage des vecteurs adéno-viraux est qu’ils peuvent être développés avec des concentrations importantes et infectent facilement un grand nombre de cellules, qu’il y ait ou non divisions cellulaires. Toutefois, le virus ADN est incapable de se répliquer dans la cellule infectée, ce qui entraîne une perte d’expression génique lors de la division cellulaire comparé aux rétrovirus. Par ailleurs, la première génération de vecteurs de ce type continuait d’exprimer un certain taux de protéines virales entraînant une réponse immunitaire contre la cellule infectée in vivo. Afin de réduire l’immunogénicité du virus après infection in vivo de la cellule, certaines séquences du gène E4 codant pour les « trans-acting regulatory proteins » (63) ont été enlevées. Une seconde génération de vecteur permet ainsi de diminuer l’immunogénicité in vivo (36). Les adéno-virus peuvent être utilisés pour la thérapie génique directe ou ex vivo au niveau des articulations (65). Récemment Smith (57) a observé que la transplantation de chondrocytes génétiquement modifiés à l’aide de l’adéno-virus porteur du gène de l’IGF-1, TGFβ et BNP-2 entraînait une augmentation de synthèse de la matrice cartilagineuse au niveau du genou.

Herpès virus simplex Herpès virus simplex permet d’infecter une grande quantité de cellules et de tissu. Par ailleurs, il peut incorporer de grandes quantités d’ADN exogène. Ce virus est largement impliqué dans la toxicité cellulaire particulièrement la première génération : herpès virus simplex -1. La délétion de certains gènes viraux de HVS-1 permet de diminuer sa cytotoxicité.

Les virus adéno-associés Il s’agit de parvo-virus non pathogènes. L’AAV (Adeno-associated virus) n’est associé à aucune pathologie humaine. Il est capable d’infecter de manière stable le muscle et le foie, mais il ne peut intégrer que de petites quantités de gènes exogènes. L’AAV semble plus efficace dans la thérapie génique directe que dans la

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thérapie ex vivo (50). Il a été récemment montré que la transduction du gène de la GFP (green fluorescent protein) à l’aide d’un vecteur AAV de chondrocytes humains entraîne une expression de la protéine GFP pendant plus de quatre semaines dans le cartilage en culture (2).

Vecteurs non viraux Bien que le transfert génique par agents non viraux soit moins efficace il offre un certain nombre d’avantages. Ces techniques peuvent produire de grandes quantités d’ADN de manière plus simple et plus économique qu’avec n’importe quel agent viral. Il n’existe aucun danger de recombinaison pathogène et enfin les vecteurs non viraux n’ont pratiquement aucune immunogénicité. Pour la transfection cellulaire, des liposomes anioniques et cationiques peuvent être utilisés. Cette approche est applicable essentiellement pour la thérapie génique ex vivo. Dans une étude récente, Mardy et Trippel (39) ont testé plusieurs systèmes à médiation lipidique disponibles dans le commerce sur le cartilage humain normal, le cartilage arthrosique et sur des chondrocytes bovins. Dans tous les systèmes, le pourcentage de cellules transfectées est de moins de 10 %. Toutefois, ce pourcentage augmente de manière significative en présence de hyaluronidase. Ils ont par ailleurs montré par transplantation de chondrocytes modifiés sur des cultures cartilagineuses dans des conditions optimales que les cartilages ainsi transplantés adhéraient au cartilage et continuaient à produire du LacZ pendant au moins deux semaines.

Orientations futures De nombreuses substances contrôlées par des gènes ont la potentialité de protéger le cartilage vis-à-vis de la dégradation et même de le réparer en cas de lésions traumatiques ou dégénératives. Les gènes codant pour ces substances peuvent donc être utilisés soit dans un rôle chondroprotecteur, soit dans un rôle de réparation cartilagineuse. L’utilisation en pratique clinique nécessite : 1. de déterminer les gènes candidats dans des conditions in vivo et in vitro ; 2. de déterminer les cellules cibles idéales ; 3. de développer les techniques appropriées de transfert du gène (19). L’ingénierie génétique qui comprend le transfert génique et l’ingénierie tissulaire est un nouvel outil dans le traitement des lésions ostéo-cartilagineuses. L’avantage potentiel du transfert génique est qu’il permet d’obtenir in situ des concentrations en facteurs de croissance importantes par expression trans-génique. L’ingénierie tissulaire est une technologie basée sur le développement de substitus biologiques pour la réparation, la reconstruction, la régénération et le remplacement de tissu biologique. Les modifications génétiques ont été utilisées par l’ingénierie tissulaire pour optimiser le traitement de nombreuses lésions tissulaires (15). La combinaison de la thérapie génique et de l’ingénierie tissulaire doit aider à développer de nouvelles approches pour la réparation de lésions tissulaires musculo-sequelettique dont le potentiel de cicatrisation spontané est faible, tout particulièrement au niveau du cartilage articulaire. L’ingénierie tissulaire appliquée au cartilage nécessite trois éléments : une cellule source (chondro-production), une matrice (chondro-condution) et un facteur de croissance (chondro-induction). Les différentes populations cellulaires sur lesquelles les expérimentations ont été réalisées comprennent des chondrocytes articulaires matures (24), les chondrocytes des cartilages de conjugaison (29), les cellules souches

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mésenchymateuses (61) et les péri-chondrocytes (7). À l’heure actuelle, les chondrocytes ont été les plus étudiés et sont la cellule source logique et naturelle. Une fois transplantés, les chondrocytes doivent produire les substances de la matrice cartilagineuse extra-cellulaire, et notamment le collagène de type II. La thérapie génique ex vivo est alors intéressante car elle permet de modifier génétiquement les chondrocytes qui seront secondairement transplantés, et peut donc contribuer à la production de protéines thérapeutiques sur le site lésionnel pendant une durée prolongée. Par cette technique, les chondrocytes jouent un double rôle, à la fois de cellules sources pour la réparation, mais aussi de véhicule au transfert génique. Malgré tout, d’autres cellules (cellules pluripotentes prélevées sur d’autres tissus) peuvent remplir cette double fonction. Elles ont en effet la capacité de se différencier dans des lignées cellulaires variées et peuvent donc être utilisées pour la réparation cartilagineuse (38, 51, 66). Les cellules souches pluripotentes isolées à partir de tissu périphérique d’espèces mammifères variées ont aussi déjà été utilisées en ingénierie tissulaire et transfert génique. Les cellules souches mésenchymateuses (MSCs) ont été utilisées pour la réparation cartilagineuse et semblent être les meilleures candidates dans la thérapie cellulaire pour la régénération d’un site traumatisé (64). Ces cellules sont isolées à partir de la moelle osseuse et peuvent être multipliées rapidement, jusqu’à 2 000 fois au bout de dix jours (10). Quand ces cellules sont implantées dans les défects cartilagineux, il semble qu’elles soient capables de proliférer et de se différencier en chondrocytes. Cette perspective est d’un intérêt considérable pour la régénération de zones importantes de perte de substances cartilagineuses. Toutefois, la cicatrisation complète est difficile à obtenir et nécessite l’intégration de tissus nouvellement régénérés avec les tissus de l’hôte et une différenciation cellulaire véritable qui implique des processus du même type que lors du développement embryonnaire (32). Il est en effet bien connu que la réparation des lésions cartilagineuses à partir des cellules de la moelle osseuse permet la formation d’un fibro-cartilage de réparation qui est différent du cartilage normal, aussi bien sur le plan biochimique que sur le plan biomécanique. Cela est probablement dû à la faible quantité de cellules souches provenant de la moelle osseuse qui remplissent le défect cartilagineux. Une autre voie de recherche est d’utiliser comme cellule souche des cellules d’origine musculaire. Dans notre laboratoire, nous étudions l’utilisation de cellules musculaires génétiquement modifiées comme approche dans le traitement des lésions cartilagineuses (fig. 2). Les cellules musculaires offrent de nombreux avantages comme véhicule de transfert génique. 1. Une biopsie musculaire est facile à réaliser et peut être répétée sans créer de morbidité particulière. 2. Les cellules d’origine musculaire tolèrent les manipulations ex vivo et plusieurs millions de cellules dérivées peuvent être cultivées rapidement (en une semaine) (45). 3. Après réinjection in vivo, elles fusionnent naturellement pour former des myotubes multinucléés qui ne participeront pas au turnover cellulaire (37, 38). 4. Les cellules musculaires subissent une transduction facile par de nombreux vecteurs viraux (20). Plusieurs études ont démontré la faisabilité de délivrance de gènes aux structures intra-articulaires par des cellules dérivées d’origine musculaire (MDCs). Day (12) a injecté des MDCs et des synoviocytes ayant subi une transduction par adénovirus porteur du gène codant pour le LacZ. Il a démontré que les MDCs ont permis une expression du gène LacZ, aussi bien au niveau de la synoviale que du ménisque et des ligaments croisés. En revanche, les gènes délivrés par les cellules synoviales ne s’exprimaient qu’au niveau de la synoviale. De plus, Day a montré que l’utilisation de myoblastes purifiés donnait de meilleurs résultats que l’utilisation de MDCs. En 1999, Menetrey (40) a réalisé une transduction de myoblaste de lapin avec un adéno-virus

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Fig. 2. Thérapie génique utilisant des cellules musculaires et ingénierie tissulaire pour réparation de lésions ostéochondrales

porteur du gène LacZ et l’a injecté directement dans l’articulation. Les myoblastes ayant subi une transduction étaient retrouvés dans le ligament pendant 21 jours après l’injection, ce qui témoigne de la faisabilité de la thérapie génique ex vivo utilisant le myoblaste comme médiateur. De même, Lee (37, 38) a traité des lésions cartilagineuses complètes sur des fémurs de lapin par transplantation de myoblastes autologues comme cellules sources en combinaison avec une biopsie musculaire comme matrice. Il a observé la formation d’un tissu proche du cartilage hyalin particulièrement dans le groupe qui avait subi une administration de protéines IGF-1. Nous avons aussi orienté nos recherches sur les cellules souches isolées à partir du tissu musculaire. Ces cellules souches produisent en effet des populations de cellules filles qui peuvent se différencier en cellules musculaires, qui peuvent à leur tour se différencier en myofibrille, alors qu’un certain nombre reste indifférencié (4, 38). Ces cellules souches ont l’intérêt de n’exprimer aucun marqueur du tissu musculaire mature, de produire pendant une durée importante des cellules précurseurs et d’être multi-potentes (42). Il y a toutefois une proportion relativement faible de cellules souches musculaires dans un muscle (38). À l’aide des techniques d’isolation des myoblastes décrites par Qu (52), une population spécifique de cellules souches dérivées d’origine musculaire hautement purifiées (MC13) a été récemment identifiée comme exprimant à la fois des marqueurs de gènes musculaires (MyoD, myogenin, desmin…) et des marqueurs de cellules souches (Sca-1, Flk-1 et CD34) (38). Ces cellules se retrouvent dans le muscle adulte et sont normalement quiescentes, mais peuvent être réactivées en réponse à un stress induit par la mise en charge, l’exercice physique ou un traumatisme. Nous avons récemment observé que ces cellules souches dérivées musculaires peuvent se différencier en différentes lignées cellulaires (myogène, ostéogène, adipogène, chondrogène et hématopoïétique) (13). L’utilisation de cellules précurseurs, dérivées d’origine musculaire combinées avec la thérapie génique oriente vers une nou-

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velle approche dans le traitement des lésions musculo-squelettiques et tout particulièrement cartilagineuses (1). Cette approche consistant à délivrer les facteurs de croissance ex vivo va peut-être révolutionner le terrain de la médecine du système musculo-sequelettique qui, historiquement, a toujours été basé sur une approche biomécanique.

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Place de l’arthroscopie dans le traitement de la gonarthrose P. Djian, G. Bellier, B. Moyen, X. Ayral et J.P. Bonvarlet

Introduction Le traitement chirurgical de la gonarthrose repose classiquement sur les corrections des défauts d’axes du membre inférieur avec les ostéotomies et les arthroplasties prothétiques remplaçant un ou plusieurs compartiments. Cependant, la découverte arthroscopique de lésions dégénératives cartilagineuses importantes et infra-radiologiques conduit à s’interroger sur la place de l’arthroscopie dans l’arsenal thérapeutique des gonarthroses. De nombreuses techniques arthroscopiques à visée thérapeutique ont été proposées dans la pathologie cartilagineuse dégénérative du genou. Les indications de l’arthroscopie recueillies dans la littérature au cours de la gonarthrose peuvent être groupées en trois catégories. – Définir le stade anatomopathologique de l’atteinte cartilagineuse et définir un plan de traitement. – Traiter un problème spécifique tel que des lésions méniscales, cartilagineuses, l’ablation de corps étrangers… – Prolonger la vie de l’articulation : abrasion arthroscopique, débridement… Dans ce domaine, la littérature trouve de nombreux articles disparates, portant sur le lavage arthroscopique, la méniscectomie, le débridement, les perforations, abrasions et micro-fractures. Le but de cet article est de décrire les lésions articulaires observables sous arthroscopie, d’évaluer les différents traitements arthroscopiques et de déterminer la place actuelle de l’arthroscopie dans l’arsenal thérapeutique médical de la gonarthrose.

Définition de la gonarthrose L’arthrose est définie par une altération cartilagineuse irréversible. La définition est radiologique mais aussi arthroscopique. Au plan arthroscopique, une arthrose débutante est définie par une chondropathie de stade 2, au minimum, c’est-à-dire la présence de fissurations ou d’érosions superficielles. La fissure cartilagineuse est irréversible et constitue un tournant de la souffrance cartilagineuse.

Place de l’arthroscopie dans le traitement de la gonarthrose

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Les lésions intra-articulaires L’arthroscopie a suggéré de nombreuses classifications des lésions intra-articulaires. Nous allons voir toutes les structures pouvant être intéressées dans la gonarthrose.

Les lésions dégénératives du cartilage Les cartilages articulaires Il existe dans la littérature plusieurs classifications arthroscopiques des lésions du cartilage. Nous rappellerons les anciennes classifications, puis celle de l’International cartilage repair society (ICRS). Les lésions cartilagineuses sont définies par trois paramètres : leur profondeur, leur étendue et leur localisation. Outerbridge (38) en 1961 a proposé une classification en 4 stades : Stade I Ramollissement et phlyctène Stade II Fissurations sur une surface de moins de 1/2 pouce (1,3 cm) Stade III Fissurations sur une surface de plus de 1/2 pouce (1,3 cm) Stade IV Ulcération mettant à nu l’os sous-chondral Ficat et Hungerford (15) en 1977 ont proposé une classification : Stade I Chondromalacie fermée. Simple ramollissement avec une surface intacte ; degré divers allant du simple ramollissement à la phlyctène, avec perte d’élasticité du cartilage. Stade II Chondromalacie ouverte. A : Fissures : simples ou multiples, superficielles ou s’étendant à l’os sous-chondral. B : Ulcération : perte de substance localisée du cartilage, os sous-chondral à nu. En cas de vaste ulcération, l’os prend un aspect poli. Chondrosclérose : cartilage anormalement dur non dépressible Lésions superficielles Fibrillations superficielles, striations longitudinales suivant l’axe du mouvement articulaire. Aspect en « chair de crabe » Fissures profondes et multiples atteignant l’os sous-chondral et délimitant des lambeaux cartilagineux. Bentley (7) a proposé une classification : Stade I Stade II Stade III Stade IV

Fibrillation ou fissures de moins de 0,5 mm de diamètre Fibrillation ou fissures de plus de 0,5 mm à 1 cm de diamètre Fibrillation ou fissures de 1 à 2 cm de diamètre Fibrillation avec ou sans mise à nu de l’os sous-chondral de plus de 2 cm de diamètre

Cascells (9) a proposé : Stade I Stade II Stade III Stade IV

Erosion superficielle de moins de 1 cm de diamètre Atteinte des couches profondes du cartilage de 1 à 2 cm de diamètre Os sous chondral à nu de 2 à 4 cm de diamètre Destruction complète du cartilage sur une large surface

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La gonarthrose

Insall (23) a proposé : Stade I Stade II Stade III Stade IV

Ramollissement et phlyctène du cartilage de moins de 0,5 cm de diamètre Fissures profondes atteignant l’os sous-chondral de 0,5 à 1 cm de diamètre Fibrillation de 1 à 2 cm de diamètre Érosions et os sous-chondral à nu (arthrose) de plus de 2 cm de diamètre

Tipett (51) a proposé : Stade I Ramollissement du cartilage Stade II Fissures linéaires Stade III Fissures linéaires avec bords fibrillaires Stade IV Érosions superficielles Stade V Érosions profondes sans os à nu Stade VI Ulcérations complètes de moins de 1 cm Stade VII Ulcérations complètes de plus de 1 cm Stade VIII Os éburné avec lésions en miroir Les lésions du cartilage peuvent être classées en 4 stades de gravité croissante selon la classification française de Béguin et Locker (5) : Stade 0 Cartilage normal par son aspect et sa consistance : blanc, nacré, uniformément lisse et ferme à la palpation au crochet. Stade I Chondromalacie (étymologiquement : cartilage mou). La surface du cartilage est normale, elle est lisse, sans fissuration, mais sa consistance est anormale. L’œdème du cartilage est responsable d’un ramollissement qui n’est reconnu que par la palpation au crochet ; celui-ci déprime la surface du cartilage sans y pénétrer. Stade II Fissures et érosions superficielles. Le cartilage est fissuraire. Il s’agit d’une chondropathie « ouverte » (à l’opposé de la chondropathie « fermée » représentée par la chondromalacie). Les fissures sont superficielles, uniques ou multiples, et créent de fines fibrillations qui donnent au cartilage un aspect finement pelucheux, « velvétique », c’est-àdire hérissé comme du velours. Le palpateur s’enfonce modérément au sein des fissures qui n’atteignent pas l’os sous-chondral. Le stade II désigne également des érosions superficielles « en coup d’ongle ». Stade III Fissures ou érosions profondes. Les fissures sont profondes ; elles atteignent l’os sous-chondral qui n’est pas visible spontanément mais simplement perçu à la palpation au crochet. Une fissure profonde unique et oblique donnera un aspect en « gueule de requin » ou détachera un clapet cartilagineux. De multiples fissures profondes délimitent de larges franges cartilagineuses qui donnent un aspect général en « chair de crabe ». Stade IV Os sous-chondral à nu. L’os sous-chondral est à nu, directement visible. Il est lisse ou creusé par des « rails ». Noyes et Stabler (36) ont été les premiers à proposer un système de quantification des lésions cartilagineuses. Le score cartilagineux global du genou représente la moyenne des trois compartiments. En France, deux approches différentes des quantifications des lésions cartilagineuses ont été proposées : Ayral et al. (2) ont établit une échelle visuelle analogique (EVA) de chondropathie mesurant 100 mm, où le zéro représente l’absence de chondropathie. Une

Place de l’arthroscopie dans le traitement de la gonarthrose A Ramollissement sans phlyctène Stade I Surface cartilagineuse intacte B Ramollissement avec phlyctène Stade II Lésions de la surface cartilagineuse : fissures, fibrillations, fragmentations Stade III Os à nu

107 < 10 mm ≤ 15 mm ≤ 20 mm ≤ 25 mm > 25 mm

A < moitié de l’épaisseur du cartilage B > moitié de l’épaisseur du cartilage A surface osseuse intacte B surface osseuse creusée

échelle est utilisée pour chacune des six surfaces articulaires. Le score global est obtenu en faisant la moyenne des valeurs des EVA de chaque surface articulaire constituant un compartiment. Score et classification de la Société française d’arthroscopie (3, 14) Ce système reprend les trois paramètres que sont la localisation, la profondeur et l’étendue des lésions sur un schéma du genou. Le score final est une variable continue permettant de quantifier la sévérité des atteintes cartilagineuses de chaque compartiment du genou. Ce score est compris entre 0 qui révèle un cartilage normal et 100 pour un compartiment atteint avec os souschondral à nu. La classification SFA permet de classer les patients en groupe homogène de sévérité de chondropathie. Il s’agit d’une variable semi-quantitative. L’International cartilage repair society (ICRS) (21) a proposé une classification qui permet de localiser précisément les lésions, d’apprécier leur profondeur et leur étendue. Il existe cinq grades : Stade 0 Cartilage normal Stade I Lésion superficielle Stade II Lésion plus profonde mais ne dépassant pas les 50 % de l’épaisseur du cartilage Stade III Lésion atteignant ou dépassant les 50 % de l’épaisseur du cartilage, respectant ou non la plaque calcifiée Stade IV Os sous-chondral à nu Le siège de la lésion est noté sur un schéma. La taille des lésions en millimètres est notée dans deux axes perpendiculaires (longueur et largeur) avant et après débridement des bords.

Les corps étrangers cartilagineux Une érosion profonde cartilagineuse peut libérer des fragments cartilagineux macroscopiques de petite taille. Nourris par le liquide synovial, ils peuvent grossir, s’ossifier et devenir symptomatiques, entraînant des accrochages articulaires lorsqu’ils sont libres dans la cavité articulaire, ou un flessum lorsqu’ils sont dans l’échancrure ou fixés à la surface pré-spinale.

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La gonarthrose

Les modifications de la membrane synoviale Au cours de la gonarthrose, la synoviale réagit à la dégradation cartilagineuse et peut prendre un aspect dit « réactionnel » quelquefois inflammatoire, proche de l’aspect macroscopique d’un rhumatisme inflammatoire.

La synoviale normale La synoviale normale est une membrane globalement lisse, marquée d’un réseau vasculaire en larges mailles, avec quelques zones de villosités fines.

Synovite mécanique ou réactionnelle Les modifications de la synoviale sont secondaires à une pathologie mécanique intra-articulaire, par exemple cartilagineuse ou méniscale. L’aspect de la synoviale est assez caractéristique : augmentation légère ou plus importante du nombre des villosités, conservation de leur forme, bien qu’elles puissent apparaître un peu plus épaisses et un peu plus hautes, avec surtout disparition de leur transparence. Elles deviennent opaques et leur axe vasculaire n’est plus visible. Ces modifications prédominent souvent en regard de la lésion articulaire (chondropathie ou lésion méniscale), en raison de la libération de particules « irritantes » par la lésion elle-même (débris de collagène et/ou de protéoglycanes).

Synoviale inflammatoire La synoviale inflammatoire, habituellement rencontrée au cours des rhumatismes inflammatoires, peut aussi se voir au cours de la gonarthrose. Elle prend l’aspect d’une prolifération de villosités hypertrophiques et hyperhémiques. Les villosités sont nombreuses, déformées en massue, très boursouflées et de couleur rouge ; cette couleur rouge est liée à une hypervascularisation, mais le réseau vasculaire est parfois difficilement discernable. Au cours de la gonarthrose, ces modifications « réactionnelles » ou « inflammatoires » de la membrane synoviale sont plus fréquentes en présence d’un épanchement et témoignent d’un processus actif de dégradation cartilagineuse avec un risque accru de chondrolyse rapide. La réaction synoviale est alors souvent diffuse mais peut prédominer dans le compartiment souffrant. Rappelons qu’en présence d’une synoviale macroscopiquement inflammatoire, la biopsie synoviale peut orienter le diagnostic vers une pathologie mécanique ou inflammatoire, mais l’histologie retrouve souvent un aspect de synovite non spécifique qui ne permet pas de différencier une synoviale d’arthrose en poussée d’une synoviale d’arthrite peu évolutive. Seule l’analyse du liquide articulaire permet de trancher formellement, de manière simple et peu invasive. Liquide mécanique : 1 000 éléments par mm3 ; liquide inflammatoire : plus de 2 000 éléments/mm3, doute entre 1 000 et 2 000. Ainsi, tout liquide trouble, même légèrement, doit être analysé afin d’éviter certains gestes intempestifs, comme la méniscectomie, inutiles voire délétères pour le cartilage au cours d’une arthrite inflammatoire. Tout comme le cartilage, la synoviale peut être incrustée de cristaux brillants de pyrophosphate de calcium liés à la chondrocalcinose. Cet aspect est à distin-

Place de l’arthroscopie dans le traitement de la gonarthrose

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guer de la synoviale « poubelle » ayant phagocyté des fragments cartilagineux macroscopiques libérés lors d’une chondrolyse rapide.

Les lésions méniscales dégénératives Par définition, leur survenue n’est pas liée à un traumatisme franc mais parfois à un simple surmenage articulaire. Boyer et Dorfman (13) les ont classées en cinq catégories. Dans le type I (ou méniscose), le ménisque est aplati, dépoli, ramolli, avec un bord axial effrangé mais sans rupture ni instabilité. Dans le type II, ou méniscocalcinose, le ménisque est incrusté de dépôts de pyrophosphate de calcium. L’incrustation du ménisque peut le rendre plus « cassant » et entraîner une fissuration. Le type III désigne une fissure méniscale horizontale « en feuillet de livre ». Le type IV se caractérise dans sa forme IVa par une fissure radiaire, en règle à l’union segment postérieur-segment moyen. Dans la forme IVb, la fissure radiaire se complète d’une fissure longitudinale qui isole une languette mobile. Les lésions de type IV se distinguent par leur instabilité reconnue à la palpation. Le type V correspond à des lésions complexes échappant à toute description. Au cours de la gonarthrose, les lésions méniscales les plus fréquentes sont la méniscose, avec ou sans calcinose, la fissure horizontale (fig. 1) et les lésions complexes, ces dernières étant associées en règle à une arthrose évoluée (fig. 2). Ces différentes lésions ont comme dénominateur commun leur stabilité et donc une fonction mécanique d’amortisseur et de répartition des chocs en partie conservée, protégeant ainsi le cartilage déjà lésé. Ces lésions méniscales ne doivent pas être régularisées, car asymptomatiques le plus souvent, et leur régularisation peut engendrer une chondrolyse post-méniscectomie, la méniscectomie même partielle étant connue pour être arthrogène chez des patients aux cartilages sains. La lésion méniscale de type IV a une place particulière. Elle est rarement associée à une arthrose radiologiquement avérée, et elle se caractérise par son instabilité potentielle à l’origine de douleurs méniscales brèves et brutales, en éclairs.

Fig. 1. Lésion horizontale stable à respecter

110

La gonarthrose

Fig. 2. Lésion dégénérative stable sur tibia dépourvu de cartilage, à respecter impérativement.

Les lésions osseuses La mise à nu de l’os sous-chondral : schématiquement, l’os sous-chondral mis à nu en raison d’une perte de substance cartilagineuse peut prendre deux aspects : • un aspect poli, dur, lisse, « ivoire » ; • un aspect granité, fragile, friable. Les ostéophytes : le plus souvent les ostéophytes sont en position latérale et asymptomatique. Un ostéophyte antérieur de la surface tibiale pré-spinale peut être responsable d’un flessum.

Les techniques arthroscopiques Le lavage articulaire Le mécanisme d’action du lavage articulaire dans une gonarthrose n’est pas très clair. Récemment plusieurs auteurs (1, 17), ont suggéré qu’il a pour but de retirer « mécaniquement » les cytokines (IL-1, TNFα) et les métallo-protéases de l’articulation, ainsi que les produits de dégradation du cartilage, les débris cartilagineux ou les cristaux de pyrophosphate de calcium irritant la synoviale. Dans les stades précoces, l’ablation de telles enzymes permet aux chondrocytes de réguler leurs activités biologiques. D’autres mécanismes comme la distension capsulaire ont été invoqués pour expliquer l’effet bénéfique symptomatique du lavage. Le renouvellement du liquide synovial peut influencer l’élasticité du cartilage hyalin en changeant les rapports entre protéoglycans et sodium et favoriser une augmentation de la perméabilité du cartilage. Lorsque le cartilage a complètement disparu et qu’il existe un contact os-os, l’effet bénéfique du lavage articulaire est minimisé. Le lavage articulaire a un effet symptomatique réel mais transitoire, de quelques mois à 1 an ; il peut être éventuellement répété. Cependant, par son efficacité transitoire, le lavage articulaire apparaît avant tout comme un traitement de la gonarthrose en poussée, avec épanchement chronique résistant aux infiltrations de corticoïdes, sans signe clinique de dérangement mécanique intra-articulaire (pas d’accrochages, pas de douleurs brèves et brutales « en éclairs »).

Place de l’arthroscopie dans le traitement de la gonarthrose

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Ablation de corps étrangers libres Les corps étrangers libres sont souvent présents dans les gonarthroses évoluées. Les corps étrangers antérieurs sont responsables de blocages ou de sensation d’accrochage intra-articulaire. Le but est de faire disparaître ces symptômes. La douleur n’est que peu diminuée.

Ablation d’ostéophytes La résection des ostéophytes peut se faire aux instruments motorisés (fraise) ou à l’aide d’une curette. Certains auteurs prônent la résection des ostéophytes en conflit avec le cartilage articulaire ou des berges condyliennes. En fait le geste le plus efficace semble être la résection des ostéophytes de l’échancrure inter-condylienne ou de la surface pré-spinale pour corriger un flessum.

Méniscectomie Historiquement, la méniscectomie était faite à ciel ouvert et à l’époque les résultats n’étaient pas à la hauteur des espérances. Il est intéressant de rappeler cette expérience et de la comparer à celle obtenue sous arthroscopie. Jones et al. (27) ont montré qu’il y avait une relation entre la méniscectomie totale et la progression de l’arthrose sur une série de 49 patients à 4 ans de recul ; ainsi, les auteurs recommandent de laisser les ménisques dégénératifs en place. Lotke et al. (30) ont revu une série de 101 patients d’âge supérieur à 45 ans. Les patients avec radiographies normales initialement ont 90 % de chance d’obtenir un bon résultat. Les patients avec des anomalies radiographiques dégénératives ont seulement 21 % de chance d’avoir un résultat satisfaisant à terme. L’arrivée de l’arthroscopie a permis de pratiquer une méniscectomie sans la morbidité peropératoire que l’on connaissait. Jackson et Rouse (24) ont été les premiers à rapporter les résultats de méniscectomie chez des patients âgés de plus de 40 ans. Ils rapportaient 95 % de bons résultats chez des patients indemnes de toutes atteintes dégénératives radiographiques et le résultat tombait à 80 % dès qu’il existait des anomalies dégénératives sur les radiographies préopératoires. McBride et al. (32) ont comparé le résultat des méniscectomies partielles arthroscopiques sur une population d’âge moyen de 56 ans entre un groupe présentant une lésion méniscale a priori traumatique (anse de seau, languette, lésion radiaire ou oblique) et un groupe dont les lésions étaient dégénératives (clivage horizontal ou complexe). Ils ont trouvé un taux de 96 % de satisfait dans le premier groupe et un taux de 65 % de satisfait dans le deuxième groupe. Dans celui-ci, il y a eu progression des lésions cartilagineuses avec accentuation du varus et pincement de l’interligne intéressé. Cassels et al. (9) ne trouvent pas de corrélation entre le stade radiologique et l’atteinte méniscale sur cadavres. Cependant, l’auteur pense que le ménisque même lésé peut permettre de répartir la charge et il préconise de n’enlever qu’une partie du ménisque dans cette étiologie. Noble et al. (36) montrent que l’ablation d’un ménisque avec un clivage horizontal réduit de 57,5 % l’absorption à l’énergie. Rand (42) rapporte une série de 84 patients avec un recul de deux ans. Tous les patients avaient un stade III ou IV d’Outerbridge. La présence d’ostéophytes et d’ostéosclérose étaient associées à un mauvais résultat clinique. Neuf patients sur 15 ont vu leur interligne articulaire se pincer après

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La gonarthrose

la méniscectomie. Richard et Lonergan (43) trouvent sur une petite série avec un recul de 41 mois que le taux d’amélioration était de 81 % sur les grades I et II d’Outerbridge et tombe à 66 % en cas de grade III ou IV. En 1990, Baumgartner (4) signale que la méniscectomie sur gonarthrose a un meilleur pronostic en cas de lésion d’aspect traumatique. Lorsqu’une arthroscopie est proposée pour une atteinte méniscale sur un genou arthrosique, les conclusions basées sur la revue de la littérature peuvent s’établir ainsi : – Il faut savoir limiter le geste à l’ablation isolée d’une languette méniscale instable. – Les patients ayant un antécédent traumatique et une symptomatologie de douleurs brèves et brutales peuvent espérer avoir une amélioration après l’arthroscopie. – La présence d’une atteinte cartilagineuse dégénérative importante est un facteur péjoratif pour le résultat final. – La présence d’une déviation axiale importante associée à une longue histoire de douleurs fait contre-indiquer l’arthroscopie.

Synovectomie La synovectomie antérieure est rarement pratiquée à titre isolé dans la gonarthrose. La synovectomie d’une synovite inflammatoire n’est pas un geste anodin et peut être responsable d’une hémarthrose postopératoire.

Chondrectomie ou « shaving » La régularisation d’une chondropathie ouverte fibrillaire est défavorable. L’excision d’un clapet cartilagineux post-traumatique est certainement plus bénéfique que la chondrectomie sur une chondropathie dégénérative.

Technique de stimulation ostéochondrale Ces différentes techniques cherchent à produire une réparation fibrocartilagineuse en exposant l’os sous-chondral tout en produisant un caillot de fibrine. Les cellules mésenchymateuses indifférenciées vont se multiplier et peuvent, en fonction de facteurs locaux et facteurs mécaniques, se différencier en cartilage ou en os. Cependant, le cartilage « reconstitué » est très loin du cartilage hyalin et il s’agit d’un fibro-cartilage constitué de collagène de type II très fragile. Ces techniques historiquement ont été décrites pour le traitement des pertes de substance cartilagineuse post-traumatique et n’ont été utilisées que plus tardivement pour le traitement des lésions cartilagineuses dégénératives.

Les perforations de l’os sous-chondral de Pridie Pridie (41) a décrit sa technique de perforation de l’os sous-chondral en 1956 à l’aide d’une broche de Kirschner. Les études animales ont confirmé les travaux de Pridie : Mitchell et Shepard (34) ont montré que la stimulation de l’os sous-chondral aboutissait à une res-

Place de l’arthroscopie dans le traitement de la gonarthrose

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tauration d’une surface importante à partir du point d’entrée des broches. Il s’agit d’un tissu de régénération de type fibro-cartilage avec une concentration en protéoglycanes inférieure à celle du cartilage normal. La profondeur de la perforation reste très discutée dans la littérature ; en effet, Hjertquist et Lemberg (19) montrent que la stimulation cartilagineuse n’est possible que si la perforation reste superficielle avec une corticale intacte. Cette technique est encore très souvent pratiquée et facile à réaliser sous arthroscopie. Dans une étude faite par Tipett (51), le groupe de patients qui a bénéficié d’une ostéotomie tibiale associée à des perforations de Pridie a un résultat meilleur que le groupe ayant eu une ostéotomie seule.

L’abrasion arthroplastique Cette technique très agressive a été défendue depuis 1979 par Johnson (28, 29). La fraise motorisée doit réaliser des sillons parallèles dans l’os sous-chondral au niveau de la perte de substance cartilagineuse. Johnson constatait dans une étude rétrospective non contrôlée sur 423 cas un taux de 16 % de ré-opérations après 5 ans. Les patients étaient sans appui pendant 2 mois. Cet auteur notait l’existence d’un fibro-cartilage avec un petit pourcentage de collagène de type II. Singh (46), dans une étude rétrospective non contrôlée sur 52 genoux avec un recul de 3 à 27 mois, soulignait que seuls 51 % des patients étaient améliorés, 23 % inchangés et 26 % aggravés. Bert et Maschka (8) ont publié une série avec un recul de 5 ans comparant l’abrasion arthroscopique au débridement simple sous arthroscopie. Dans le groupe des abrasions arthroscopiques (59 patients), 33 % des patients ont eu un mauvais résultat et 10 patients étaient moins bien qu’avant l’intervention. Dans le groupe des débridements (67 patients), 21 % des patients avaient un mauvais résultat et 12 patients étaient moins bien qu’avant. Friedman et al. (16) ont publié sur une série de 73 patients avec un recul de 12 mois, 60 % des patients ont été améliorés, 34 % ne notaient aucun changement et 6 % étaient moins bien qu’avant l’intervention.

Les micro-fractures Steadman (47, 48) a décrit cette technique en 1994. Les lésions doivent être dans un premier temps débridées de façon à s’affranchir de tout fragment cartilagineux, puis les perforations sont réalisées avec un poinçon dont il existe plusieurs angulations (fig. 3). L’utilisation d’un poinçon repose sur l’idée d’éviter tout dommage thermique à l’os sous-chondral. Une mobilisation immédiate est instituée sur arthromoteur. La reprise de l’appui est effectuée 8 semaines après l’intervention. L’auteur (47) a montré, dans une étude prospective non contrôlée sur 298 cas avec un recul moyen de 7 ans, que 75 % de patients étaient améliorés, 20 % inchangés et 5 % aggravés. Les patients faisaient en postopératoire 6 à 8 heures par jour de rodage articulaire sur arthromoteur. Il constatait dans 77 cas, lors d’une seconde arthroscopie un mélange de cartilage hyalin et de fibrocartilage, avec des chondrocytes viables. Passler (39) a montré dans une étude rétrospective, non contrôlée sur 351 cas (dont 46 % avaient répondu à un questionnaire) avec un recul de 4,4 ans, que 78 % des patients étaient fonctionnellement améliorés, 18 % inchangés et 4 % aggravés.

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La gonarthrose

Résultats des arthroscopies dans la gonarthrose pour débridement simple Le débridement comprend les gestes simples, non agressifs réalisés lors de l’arthroscopie : évacuation de débris cartilagineux, régularisation méniscale limitée, résections éventuelles d’ostéophytes et de lambeaux cartilagineux libres. McGinley (31), dans une série de 191 patients candidats pour la mise en place d’une prothèse totale, notait que seul un quart des patients tirait profit d’une arthroscopie. Patel (40) dans une étude rétrospective non contrôlée de 254 cas avec un recul de 44 mois relatait 18 % d’excellent résultats et 57 % de bons résultats ; 15 % sont moyens et 10 % mauvais. Bert (8) avec un recul de 60 mois sur 126 cas, a comparé 67 cas de débridement et 59 cas d’abrasion associée à un débridement. Dans la première situation, il existait 66 % de bons résultats et 21 % de mauvais. Dans l’association abrasion et débridement, il existait 51 % de bons résultats et 33 % de mauvais, indiquant ainsi que l’abrasion pouvait aggraver le résultat du débridement. Hubbard (20) dans une étude prospective randomisée comparant le lavage articulaire simple (38 cas) et le débridement arthroscopique (40 cas) avec un recul de 4,5 ans, trouvait un taux d’échec de 86 % pour le lavage et de 20 % pour le débridement. A contrario, Chang (10), dans une étude prospective randomisée de 32 cas avec un recul de seulement un an, montre que le pourcentage de satisfaction est plus grand avec le lavage simple à l’aiguille : 12 cas (56 %) qu’avec le débridement arthroscopique : 20 cas (44 %). De nombreux auteurs (4, 10, 25, 33, 37, 50) insistent sur deux facteurs péjoratifs : l’importance des lésions cartilagineuses érosives et le facteur temps. Après 2 à 3 ans, les résultats se dégradent. Deux auteurs (18, 45) insistent aussi sur deux autres critères mécaniques péjoratifs pour les résultats : la laxité associée et une déviation axiale supérieure à 5°. Ces mêmes auteurs signalent que la gonarthrose fémoro-tibiale externe a un comportement différent de la gonarthrose interne et réagit moins favorablement à la chirurgie arthroscopique (débridement, abrasion). C’est après méniscectomie externe partielle arthroscopique que Charrois (11) a décrit des cas de chondrolyse rapide. Le tableau suivant résume 12 articles avec le nombre de cas, le recul, et le pourcentage d’amélioration fonctionnelle.

Fig. 3. Micro-fracture

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Conclusion : proposition d’un arbre décisionnel pour la réalisation d’une arthroscopie au cours d’une gonarthrose Lors d’un symposium de la Société française d’arthroscopie en décembre 2000 (6), nous avions rapporté les résultats concernant 250 patients ayant eu une arthroscopie lors d’une gonarthrose. Les conclusions de ce symposium nous ont incités à abandonner nos illusions chirurgicales. Les gestes isolés sur le cartilage ou l’os sous-chondral n’étaient pas isolément efficaces dans cette étude. Il est à noter que, dans la littérature, ces gestes sont toujours associés à une longue période de rodage articulaire et de décharge. Auteurs

Nombre de cas

Recul (ans)

% d’amélioration fonctionnelle

Del Pizzo (12) Sprague (49) Salisbury (45) Jennings (26) MacLaren (33) Jackson (24) Baumgartner (4) Patel (40) Timoney (50) Oggilvie (37) Rand (42) Bert (8)

37 78 48 51 171 137 49 276 111 441 131 126

1 1 2 2 2 3 3 4 4 4 5 5

32 75 32 ( 94 si axé) 71 78 68 40 75 45 68 67 66

En cas de lésion méniscale dégénérative sans accrochage, il faut résister à la tentation lors de la méniscectomie de vouloir s’arrêter aux tissus sains. Cela est illusoire et pousse à des méniscectomies trop importantes. Il est inutile d’espérer un bon résultat fonctionnel si les lésions érosives de stade 4 dépassent 50 % de la surface condylienne portante.

La situation la plus opportune Elle est représentée par une gonarthrose fémoro-tibiale interne avec, sur l’incidence de schuss un pincement inférieur à 50 % et des lésions condyliennes en zone portante inférieure à 50 % de la surface articulaire. Cliniquement, les signes cliniques sont plutôt méniscaux avec des accrochages, des blocages et un début clinique brutal, tout cela faisant évoquer une lésion méniscale d’allure traumatique. Le patient est un sujet actif.

La situation la moins favorable Elle se retrouve en cas de déviation axiale nette supérieure à 5°, dans une gonarthrose externe, lorsque existe un pincement supérieur à 50 % sur l’incidence de schuss et des lésions arthroscopiques condyliennes supérieures à 50 %. Le patient est plutôt sédentaire, 70 à 80 ans. Ses signes cliniques sont purement mécaniques sans accrochage. Le genou présente une hydarthrose persistante. La laxité associée est un autre facteur péjoratif.

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La gonarthrose

Les indications de l’arthroscopie au cours de la gonarthrose sont donc limitées et sont avant tout posées sur les données de l’interrogatoire qui va mettre en évidence, assez rarement, des douleurs brèves et brutales, « en éclairs », faisant évoquer un fragment instable (lambeau méniscal, clapet cartilagineux ou corps cartilagineux libre) accessible à une régularisation ou une exérèse arthroscopique. Ainsi, l’arthroscopie s’intègre parmi les autres traitements médicamenteux et physiques. C’est une stratégie d’attente qui peut améliorer partiellement la situation fonctionnelle pendant une durée limitée et dans des circonstances cliniques et chirurgicales précises.

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Principes, concepts et résultats des différents types d’ostéotomies P. Christel

Introduction Une anomalie d’axe des membres inférieurs, en varus ou en valgus peut induire une usure prédominante d’un compartiment fémoro-tibial. Cette usure sera d’autant plus précoce qu’elle sera favorisée par l’existence de lésions associées, méniscales et/ou ligamentaire. La réaxation du genou est une solution chirurgicale logique ; les travaux biomécaniques de Pauwels, Maquet et Simonet et l’analogie avec le traitement de la coxarthrose ont défini les bases théoriques des ostéotomies dans le traitement de la gonarthose (27). Les ostéotomies dans la gonarthrose peuvent être effectuées au niveau du tibia ou du fémur. Les ostéotomies tibiales supra-tubérositaires, en os spongieux, consolident facilement et sont proches du siège de la déformation. Elles sont techniquement plus faciles et ont la réputation de moins enraidir le genou que les ostéotomies fémorales supra-condyliennes. En fait, la nature de l’ostéotomie à utiliser dépend de l’analyse de l’origine de la déformation en genu varum ou genu valgum. Ce chapitre est un chapitre de généralités sur les ostéotomies tibiales et fémorales pour gonarthrose. Il abordera successivement l’analyse radiologique de la gonarthrose, la planification préopératoires, les principes généraux des différents types d’ostéotomie, et enfin, les résultats de ces ostéotomies.

Analyse radiologique préopératoire Radiographies de face Gonarthrose sans laxité ligamentaire associée Duparc et Massare (14) avaient proposé en 1967 de définir la déviation angulaire frontale du membre inférieur sur le pangonogramme ou goniométrie, effectuée debout, à partir de l’angle existant entre l’axe mécanique du fémur (ligne reliant le centre de la tête fémorale au centre du genou) et l’axe mécanique du tibia (ligne reliant le centre du genou au centre de la cheville). La valeur de la déviation axiale « globale » ainsi mesurée pour un membre normo-axé est de 2° de valgus chez l’homme et 3° de valgus chez la femme. Cette méthode reste encore actuellement très utilisée en France (fig. 1).

Principes, concepts et résultats des différents types d’ostéotomies

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Fig. 1. Axes mécaniques et anatomiques du membre inférieur La ligne HA représente l’axe mécanique global

Les auteurs anglo-saxons (6) recommandent plutôt de mesurer sur la goniométrie debout l’angle HKA passant par le centre de la tête fémorale (H), le centre du genou (K) et le centre de la cheville (A). Le membre est dit normo-axé quand l’angle HKA est égal à 180°. En dessous, le genou est en varus ; au-dessus, il est en valgus. Quelle que soit la méthode utilisée, la valeur des angles mesurés sur la goniométrie est très dépendante de la qualité technique de la goniométrie. Des erreurs significatives sont induites par la qualité du positionnement du genou par rapport à la plaque, l’existence d’un flexum, d’une laxité ligamentaire ou d’une rotation interne ou externe du tibia. L’existence d’anomalies rotationnelles étagées des membres inférieurs influence la déviation axiale radiologique apparente. De nombreux articles ont été écrits sur le sujet proposant différentes solutions pour corriger les erreurs induites. Nous renvoyons le lecteur à la conférence d’enseignement de la SOFCOT de Lerat (25) qui discute longuement de ce sujet. L’épiphyse fémorale distale est inclinée de 2° à 3° en valgus par rapport à l’axe mécanique du fémur tandis que l’épiphyse tibiale proximale est inclinées de 2° à 3° en varus. L’angle tibial interne, angle formé par la tangente aux plateaux tibiaux et l’axe du tibia, a donc une valeur comprise entre 87° et 88°. Ainsi, l’interligne fémoro-tibial est incliné de 2° à 3°, ce qui tend à le rapprocher de l’horizontal lors de l’appui monopodal. Le varus épiphysaire tibial est l’angle mesuré entre l’axe mécanique du tibia et l’axe passant par le milieu des épines tibiales et le milieu de l’épiphyse tibiale. Ce dernier point est le milieu de l’épiphyse au niveau de la cicatrice du cartilage de croissance dont on repère assez bien la trace plus dense. Sa valeur normale est de 4°. Thomine et al. (35) ont décrit trois manières de quantifier l’écart varisant :

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La gonarthrose

– l’écart varisant intrinsèque est la distance qui sépare l’axe mécanqiue du membre inférieur et le milieu des épines tibiales (fig. 2) ; – l’écart varisant extrinsèque est la distance qui, à hauteur de l’interligne fémorotibial, sépare l’axe mécanique du membre et la ligne de gravité. La ligne de gravité étant la ligne joignant le milieu de S2 au milieu de la cheville ; – l’écart varisant global (EVG) est la somme des deux écarts précédents. L’écart varisant global permet de calculer le moment varisant selon la formule : MV = EVG x {P-(18 x P)/100} ou P est le poids du corps. Fig. 2. Écart varisant intrinsèque

Laxité ligamentaire associée à l’arthrose L’existence d’une laxité ligamentaire frontale crée des problèmes d’interprétation de la goniométrie, donc du calcul de la correction chirurgicale. Dans les déviations axiales importantes, la laxité ligamentaire, constamment associée, empêche de prévoir l’axe postopératoire en charge. Pour ces genoux, il est utile de réaliser des clichés en position forcée pour mesurer la participation du bâillement ligamentaire dans la déviation axiale et évaluer l’état du cartilage du compartiment opposé. Dans l’arthrose interne, le cliché en valgus forcé montre la laxité de la concavité et le cliché en varus montre l’importance de la cupule et de la laxité externe. Dans ce cas, si l’on réalise une ostéotomie insuffisante alors qu’il existe une laxité externe, le varus se reconstituera (25). Il vaut mieux hypercorriger, mais les limites de l’hypercorrection ne sont pas précises et il faut se méfier des dégradations secondaires du compartiment externe. En cas de genu valgum, la laxité interne risque d’induire une hypercorrection mal supportée. Il vaut mieux dans ces cas se contenter d’une normo-correction, d’autant plus que le plan ligamentaire interne n’est pas sollicité quand le membre est normo-axé.

Principes, concepts et résultats des différents types d’ostéotomies

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Radiographies de profil Outre l’existence d’une cupule tibiale ou d’une subluxation sagittale du tibia,les radiographies de profil permettent de mesurer la pente tibiale et la hauteur rotulienne. La pente tibiale est l’obliquité de la surface articulaire des plateaux tibiaux par rapport à l’axe du tibia (fig. 3). L’axe du tibia peut être difficile à déterminer avec précision sur des radiographies courtes. Certains lui préfèrent la tangente à la corticale postérieure du tibia ou au bord postérieur du péroné. L’important est de toujours prendre le même repère pour les comparaisons pré et postopératoires. La valeur de la pente tibiale varie selon les auteurs de 4° à 10° (6). Les travaux de Bonnin (4) qui sont certainement les plus précis dans ce domaine, évaluent la pente tibiale à 10° ± 3,1°. La hauteur rotulienne peut être mesurée par de nombreuses méthodes. La plus pratique est d’utiliser l’index de Caton et Deschamps (7) qui peut être mesuré entre 10° et 80° de flexion. La hauteur rotulienne normale chez l’homme est de 0,96 et 0,99 chez la femme. La rotule est basse « patella baja » si l’index est en dessous de 0,6, et haute au-delà de 1,3 « patella alta ». Fig. 3. La pente tibiale est l’angle formé par la tangente au plateau tibial interne avec la perpendiculaire à l’axe longitudinal du tibia (4).

Planification préopératoire Dans la gonarthrose sur déviation axiale, il existe un déséquilibre avec un axe mécanique qui passe en dedans ou en dehors du centre du genou avec une surcharge du compartiment situé dans la concavité. Les ostéotomies ont pour but de corriger la déviation de manière à répartir les charges sur les deux compartiments fémoro-tibiaux.

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La gonarthrose

Gonarthose sur genu varum Planification frontale La correction à obtenir varie selon les auteurs. À la suite d’une analyse statistique concernant la longévité des ostéotomies, Coventry (11) recommande d’obtenir un valgus entre axes anatomiques de 8° ou plus. Dugdale et al. (13) recommandent que l’axe mécanique global passant par le centre de la tête fémorale et le centre de la cheville coupe l’interligne fémoro-tibial au niveau du compartiment externe, entre 62 % et 66 % de la largeur de l’épiphyse tibiale proximale, ce qui correspond à un valgus de 3° à 5° calculé selon la méthode de Duparc et Massare (14) (fig. 4). Dugdale et al. (13) insistent sur le fait que l’axe mécanique ne doit pas couper le tibia en externe à plus de 75 % (6° de valgus axes mécaniques) pour éviter un bâillement interne. D’une manière générale un degré de correction de l’axe mécanique global correspond à une translation de cet axe de 3 à 4 mm. Hernigou et al. (17) ont montré, à la suite de l’étude d’une population de 93 ostéotomies tibiales par ouverture interne avec un recul de 10 à 13 ans, que les meilleurs résultats étaient obtenus quand le valgus des axes mécaniques se trouvait entre 3° et 6°. En cas d’ostéotomie tibiale par fermeture externe, le calcul de la correction à effectuer peut se faire par différentes méthodes selon que l’on considère les axes anatomiques ou les axes mécaniques (6). Avec les axes mécaniques, l’angle de résection (Φ) est la différence entre l’angle des axes mécaniques prévu (Apost) et l’angle des axes mécaniques préopératoires (Apré) : Φ = Apost – Apré. Par exemple, en cas de varus préopératoire de 6°, si la planification est d’obtenir 3° de valgus, l’angle de résection sera : Φ = 3–(–6) = 9°. Selon la trigonométrie, la longueur de la base externe du triangle à réséquer (h) se calcule à partir de la largeur de l’épiphyse au niveau de l’ostéotomie (M) et de la valeur de l’angle Φ, selon la formule : h = M x tan Φ. Cette formule n’est applicable que si le trait d’ostéotomie est parallèle à l’interligne fémoro-tibial. De nombreuses méthodes ont été proposées pour calculer l’angle d’ouverture ou de fermeture à utiliser (13, 18, 25, 31) ; elles aboutissent toutes à des corrections identiques, à 1° près. Hernigou et al. (18) proposent des tables permettant de calculer la hauteur de l’ouverture en fonction de l’importance de l’ouverture Fig. 4. La correction angulaire selon Dugdale et al. (13) correspond à l’angle formé par les lignes 1 et 2 qui se croisent à 62 % de la largeur de l’épiphyse tibiale au niveau du plateau tibial externe.

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interne β en degrés et de la largeur de l’épiphyse M au niveau du trait d’ostéotomie (tableau 1). Ils insistent sur le fait que la précision de la correction n’est pas limitée par la méthode elle-même, mais plutôt par la détermination clinique et radiologique des déformations préopératoires ainsi que par la précision de la technique chirurgicale.

Fig. 6. Dans les ruptures du LCA, l’augmentation de la pente tibiale augmente la subluxation antérieure du tibia (4). Fig. 5. Méthode du calque permettant de calculer la hauteur de résection selon la planification de Dugdale et al. (13).

En pratique, nous recommandons l’utilisation de calques permettant de simuler la correction sur la goniométrie, ce qui permet de calculer avec précision l’importance de la résection ou de l’ouverture osseuse (fig. 5). Tableau I. Tableau permettant de connaître la hauteur de l’ouverture en fonction de la largeur M du tibia exprimée en millimètre et en fonction de l’angulation β de la correction à effectuer (exprimée en degré). La largeur M du tibia doit être mesurée sur un cliché sans agrandissement (pangonogramme) et à l’endroit prévu de l’ostéotomie ; par exemple, si la largeur du tibia au niveau de l’ostéotomie est de 65 mm, pour obtenir une correction angulaire de 16° dans le plan frontal, il faut une ouverture de 18 mm. Cette table est applicable dans le plan frontal et sagittal, selon Hernigou et al. (18)

Planification sagittale La modification de la pente tibiale s’envisage essentiellement en cas de lésion du pivot central associée avec sub-luxation antérieure ou postérieure du tibia. En dimi-

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nuant la pente tibiale, on diminue la composante sub-luxante tibiale antérieure, ce qui peut être utile en cas de lésion du ligament croisé antérieur (LCA) (fig. 6). En augmentant la pente tibiale, on augmente la composante sub-luxante tibiale antérieure, ce qui peut être utile en cas de lésion du ligament croisé postérieur (LCP). En modifiant la pente tibiale on peut aussi corriger au moins en partie les déficits d’extension, ou au contraire, les hyper-extensions. Cependant, les ostéotomies tibiales d’ouverture ou de fermeture antérieure ne peuvent s’envisager que si le pivot central est intact. Il n’y a pas dans la littérature de travaux qui permettent de recommander une valeur précise de la pente tibiale à obtenir. En cas de lésion du LCA, Bonnin (4) a pu démontrer une corrélation entre la diminution de la pente tibiale postérieure et la translation tibiale antérieure : si la pente augmente de 10°, la sub-luxation augmente de 6,8 mm. Dejour et al. (12), en cas de pente tibiale postérieure supérieure à 10°, associée à une rupture du LCA, recommandent de diminuer la pente en dessous de 10°. Les études rétrospectives de séries d’ostéotomies tibiales de valgisation (3, 12, 28) ont montré que les ostéotomies tibiales de fermeture externe tendent à diminuer la pente tibiale en fermant plus devant que derrière, tandis que les ostéotomies d’ouverture interne tendent à augmenter la pente tibiale par effet inverse. Ainsi, en cas de lésion du LCA, il vaut mieux utiliser une ostéotomie de fermeture externe, et en cas de lésion du LCP, une ostéotomie d’ouverture interne. Enfin, il faut être conscient que l’association d’une correction frontale et sagittale induit une rotation dans l’épiphyse tibiale proximale dont l’importance est proportionnelle à l’importance de la correction combinée.

Gonarthrose sur genu valgum Le bilan radiographique doit permettre de déterminer l’origine de la déformation en valgus, soit tibiale, soit fémorale. La plupart du temps, le valgus est d’origine fémorale ; l’interligne est alors oblique en dehors du fait d’une agénésie du condyle fémoral externe. Les déformations en valgus d’origine tibiale sont plus rares. Elles sont souvent post-traumatiques après des fractures métaphyso-épiphysaires, et dans ces cas, l’interligne est horizontal. Le calcul de la correction obéit à des règles moins précises que pour la correction du genu varum. La plupart des auteurs cherchent à obtenir une normocorrection avec un angle HKA à 180°. Philips et Krackow recommandent cependant d’obtenir un varus de 4° (33).

Principes techniques des différents types d’ostéotomie Nous passerons brièvement en revue les principes généraux des différents types d’ostéotomies tibiales et fémorales utilisables dans le traitement de la gonarthrose. Les différentes techniques seront détaillées dans les chapitres suivants de ce livre.

Les ostéotomies dans la gonarthrose sur genu varum L’origine de la déformation en varus étant dans le tibia, l’ostéotomie sera tibiale. Elle peut se faire par fermeture externe, par ouverture interne. Elle peut être curviplane ou en dôme (22).

Principes, concepts et résultats des différents types d’ostéotomies

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D’une manière générale, les ostéotomies tibiales modifient l’axe du tibia qui ne passe plus par le centre du genou, sauf pour l’ostéotomie en dôme de Jackson (fig. 7). Ce phénomène, bien calculé par Descamps (25) pour les fermetures externes, peut induire des erreurs et expliquer les différences entre la planification préopératoire et le résultat final. Les ostéotomies tibiales, qui sont pour la plupart d’entre elles réalisées au-dessus de la tubérosité tibiale antérieure, modifient la hauteur rotulienne. Les ostéotomies de fermeture externe détendent le tendon rotulien, tandis que les ostéotomies d’ouverture interne abaissent la rotule (fig. 8).

Fig. 7. Les ostéotomies tibiales modifient l’axe du tibia qui ne passe plus par le centre du genou. Ceci est vrai pour tous les types d’ostéotomie sauf celle en dôme de Jackson (D). Ce phénomène induit des erreurs de correction (25).

Fig. 8. L’ostéotomie de fermeture externe détend le tendon rotulien tandis que l’ostéotomie d’ouverture interne abaisse la rotule.

Les ostéotomies tibiales de fermeture externe Les ostéotomies de fermeture externe de plus de 10° nécessitent d’associer, soit une désarticulation péronéo-tibiale proximale, soit une ostéotomie du péroné qui peut se faire à différents niveaux avec un risque pour le nerf sciatique poplité externe selon le niveau du geste. Il existe des gabarits de coupe avec des broches permettant une correction prédéterminée dite « automatique » (fig. 9). Il est essentiel de conserver la corticale tibiale interne intacte pour obtenir un effet « charnière ». L’ostéosynthèse peut se faire par agrafes, plaque, lame-plaque, etc. Les ostéotomies de 10° à 15° s’accompagnent souvent d’une fracture de la charnière interne avec risque de perte de correction. Les avantages de ce type d’ostéotomie sont la relative simplicité de la technique et le faible taux de pseudarthroses. Les inconvénients sont les paralysies du nerf sciatique poplité externe, la détente du tendon rotulien et le risque de syndrome de loge antéro-externe, complication rare, tout de même supérieure à 1 % (25), mais redoutable, peut survenir dans les premières heures postopératoires nécessitant une aponévrotomie en urgence. Le patient doit en être informé. En l’absence de complications, l’ostéotomie consolide généralement en 6 à 8 semaines.

L’ostéotomie tibiale par ouverture interne Ce type d’ostéotomie était jusqu’à présent peu rapporté dans la littérature mais le développement de matériel d’ostéosynthèse spécifique peu volumineux et stable a suscité un regain d’intérêt récent (15) (fig. 10). Elle nécessite la désinsertion de l’insertion tibiale du ligament latéral interne. Aucune ostéotomie du péroné n’est nécessaire. Une charnière externe doit être conservée, mais comme pour les soustraction externes, les ostéotomies de plus de 15° entraînent souvent une fracture

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de celle-ci. L’ouverture à utiliser se calcule avec les abaques d’Hernigou et al. (18) (tableau 1). Le vide induit par l’ouverture doit être comblé dès que l’ouverture dépasse 7 mm. Un greffon iliaque ou un coin de substitut osseux peut être utilisé (fig. 11). La fixation se fait par plaque et vis. La consolidation survient en 6 à 8 semaines. Les inconvénients sont représentés par l’allongement du membre dont se plaignent quelquefois les patients, l’abaissement de la rotule, des pertes angulaires par tassement devenues rares avec le matériel actuel et l’utilisation de greffons et enfin, la situation sous-cutanée du matériel d’ostéosynthèse.

Fig. 9. Principes de l’ostéotomie tibiale de fermeture externe montée par lame-plaque « col de cygne ».

Fig. 10. Ostéotomie tibiale d’ouverture interne montée par plaque de Puddu.

L’ostéotomie curviplane Il s’agit d’une ostéotomie métaphysaire à concavité inférieure ou supérieure. Elle est fixée par un fixateur externe en compression et nécessite une ostéotomie du péroné. Des agrafes ou des lame-plaques peuvent être aussi utilisées. Lors des corrections angulaires importantes, on est limité par le tension du ligament latéral interne que l’on doit désinsérer, ce qui fait perdre de la stabilité (25). Le fixateur doit être conservé plusieurs mois. Il s’agit d’une technique un peu complexe dont les avantages sont le réajustement possible de la correction et la mise en compression du foyer d’ostéotomie. Les complications sont assez fréquentes, 33 % pour Hsu et al. (19) : pertes angulaires, infections sur broches de fixateur et paresthésies du nerf sciatique poplité externe.

Les ostéotomies dans la gonarthrose sur genu valgum Ostéotomie fémorale distale Elle peut se faire par fermeture interne ou ouverture externe avec un matériel d’ostéosynthèse spécifique, plaque ou lame-plaque. Contrairement aux ostéotomies

Principes, concepts et résultats des différents types d’ostéotomies

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tibiales, il n’y a pas de charnière fibreuse ou périostée résistante. L’ostéosynthèse devra donc être très stable. En cas d’ouverture externe, il faudra combler impérativement le défect osseux induit par la varisation (fig. 12). L’avantage de ce type d’ostéotomie est de corriger la déformation où elle siège ne compliquant pas les reprises par prothèse totale du genou. Les inconvénients sont surtout représentés par une consolidation plus lente que pour le tibia (2 mois en moyenne) et une fréquence plus importante des pseudarthroses.

a

b

Fig. 11. Comblement du vide interne. a : par greffe iliaque.

b : par substitut osseux.

Fig. 12. Ostéotomie fémorale distale d’ouverture externe pour correction d’un genu valgum. Le défect osseux a été comblé par un substitut osseux.

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La gonarthrose

L’ostéotomie tibiale de varisation Elle est critiquée et peu utilisée car elle induit une obliquité de l’interligne fémorotibial qui, si elle est importante peut aboutir à une sub-luxation frontale du genou. Cependant, si l’ostéotomie fémorale est efficace en extension, elle ne l’est plus à 90° de flexion (8), et de plus, induit une rotation interne de l’épiphyse par rapport à la diaphyse. Par contre, l’ostéotomie tibiale est efficace en extension et en flexion. L’ostéotomie tibiale de varisation peut être effectuée par ouverture externe ou par fermeture interne (fig. 13). Elle ne doit pas induire d’obliquité de l’interligne supérieure à 10°. Cette valeur doit être calculée en préopératoire à l’aide des axes mécaniques du fémur et du tibia. Un valgus de 10° à 12° constitue la limite pour une ostéotomie tibiale de varisation. Les complications sont rares mais il y a une possibilité d’étirement du nerf sciatique poplité externe que certains conseillent de libérer systématiquement. Fig. 13. Ostéotomie tibiale de varisation par fermeture interne montée par agrafes.

Résultats des différents types d’ostéotomies La plupart des données et des publications concernent les résultats des ostéotomies tibiales de valgisation utilisées dans le traitement des gonarthrose sur genu varum. Les ostéotomies, d’une manière générale ont un effet antalgique à court terme qui est admis par tous les auteurs. Cet effet est secondaire au coup de fouet vasculaire induit par l’ostéotomie, à la mise en décharge et à la rééducation qui tonifie la musculature. À court terme, il n’existe pas de parallélisme entre le résultat clinique et correction radiographique. La pérennité de cet effet dépend à moyen et long termes de la qualité de la correction et de la dégradation des autres compartiments du genou. Le résultat fonctionnel est généralement long à se stabiliser. Il faut compter au moins un an pour obtenir le résultat définitif.

Résultats des ostéotomies tibiales pour gonarthrose sur genu varum Résultats cliniques L’amélioration de la mobilité est peu significative et se fait surtout au dépend du flexum préopératoire, surtout par effet antalgique et non pas par modification de la pente tibiale (28).

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À moyen terme, les résultats sont bons avec 80 % de bons résultats à 5 ans (25) puis se dégradent avec le temps. Matthews et al. (30) retrouvent 86 % de bons résultats à 1 an, 64 % après 3 ans, 50 % après 5 ans et 28 % après 9 ans, notion partagée par Bouharras et al. (5). À long terme, aux environs de 10 ans de recul, les publications rapportent 40 % à 55 % de bons résultats, selon les critères d’évaluation utilisés (10, 17, 20, 21, 26, 28). Dans les genu varum, le pourcentage de bons résultats parmi les genoux ayant plus de 3° de valgus à un an est significativement supérieur aux autres (17, 28). La plupart des publications insistent sur la tendance nette à la dégradation des résultats avec le temps. Les courbes actuarielles (28, 32) le démontrent sans ambiguïté (fig. 14). La durée moyenne de stabilité des résultats varie de 7 à 10 ans selon les séries (10, 17, 20, 21, 28). Fig. 14. Courbe actuarielle de survie de l’ostéotomie tibiale de valgisation par fermeture externe (28).

Les facteurs influençant le résultat final et la dégradation de sa stabilité avec le temps sont les mêmes (28). Mascard (28), à propos d’une série de 164 ostéotomies tibiales de valgisation effectuées dans le service de chirurgie orthopédique de l’hôpital Saint-Louis à Paris et revues avec un recul moyen de 12 ans, montre que l’âge n’a pas d’influence, même si la proportion de bons résultats semble chuter au-delà de 70 ans. Il n’y a aucune corrélation entre la surcharge pondérale, même très importante et le résultat clinique ou la détérioration radiologique. L’existence de laxités ligamentaires frontales préopératoire n’entraîne pas de détérioration du résultat final, cependant ces laxités jouent un rôle sur les erreurs de correction. Les genoux qui ont un score DMS (Douleur, Mobilité, Stabilité) bas à un an auront, à long terme, de plus mauvais résultats que les autres démontrant l’influence du résultat à court terme sur le résultat lointain. Les résultats à long terme ne sont pas différents selon l’étiologie en cause, même si les méniscectomies semblent avoir un rôle péjoratif. L’axe mécanique du membre à un an a une influence essentielle sur le résultat à long terme et sa pérennité. Il faut obtenir au moins 3° de valgus à un an. En effet, il y a eu 50 % de bons résultats pour les patients ayant au moins 3° de valgus, contre 27 % pour les autres. Il n’y a pas de valeur limite du valgus après laquelle les résultats cliniques se détériorent. Au-delà de 7°, une dégradation radiologique du compartiment fémoro-tibial latéral survient, mais sans retentissement clinique. L’existence d’une chondrocalcinose, ou d’une atteinte minime du compartiment externe en préopératoire n’ont pas eu d’influence sur la qualité du résultat mais sur sa stabilité. L’évolution de la symptomatologie fémoro-patellaire ne serait pas modifiée par l’ostéotomie tibiale (17). Pour Mascard et al. (29) la symptomatologie fémoropatellaire à long terme n’est pas améliorée par l’ostéotomie tibiale de valgisation, mais il y a une aggravation de l’atteinte fémoro-patellaire radiologique, sans modification du centrage rotulien. Les douleurs rotuliennes sont d’autant plus importantes à long terme que l’atteinte radiologique est évoluée, ce qui n’est pas le cas à court terme. L’ostéotomie entraîne une diminution de la hauteur rotulienne, ce qui pose des problèmes lors de la reprise par prothèse totale du genou.

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Résultats radiologiques Il est rare d’observer une réapparition de l’interligne interne après ostéotomie tibiale de valgisation mais ceci peut s’observer dans quelques cas (fig. 15). En fait, de nombreux auteurs sont déçus par la qualité de la correction obtenue. La déviation axiale postopératoire ne correspond pas à la planification préopératoire dans 20 % à 40 % des cas, selon les auteurs (17, 23-25, 28, 30). Nous avons vu plus haut les différents facteurs qui peuvent concourir à cette inadéquation entre la prévision et la réalisation.

Fig. 15. Réapparition de l’interligne interne. a : cliché en schuss préopératoire. b : cliché en schuss à 1 an.

La perte angulaire a été notée par tous les auteurs. Elle est variable selon le type d’ostéotomie et la nature du matériel d’ostéosynthèse. Un moment varisant préopératoire élevé pourrait entraîner une récidive du varus, même si la correction a été suffisante (34). Il y a une corrélation significative entre l’importance du pincement fémoro-tibial médial final et le résultat clinique selon le score DMS,cette relation étant beaucoup plus significative au dernier recul. Cependant, la relation entre pincement radiologique préopératoire et résultat final reste discutée. Il semble néanmoins que les usures préopératoires importantes, de stade IV ou V d’Ahlback (2) soient péjoratives (1, 10, 37). Les genoux qui présentaient une ostéophytose médiale évoluée ont eu de moins bons résultats que les autres. Les genoux qui avaient un varus épiphysaires de plus de 2° ont eu plus de bons résultats que les autres. L’écart varisant extrinsèque n’a pas eu d’influence significative sur le résultat clinique mais a eu un rôle sur la récidive de la déformation en varus. L’obliquité de l’interligne et la subluxation fémoro-tibiale ne jouent aucun rôle. Le résultat final est d’autant meilleur que le compartiment interne a été déchargé par l’ostéotomie, c’est-à-dire que pincement et condensation sous-chondrale médiaux étaient faibles à un an. Chez les patients biens corrigés, l’inversion malencontreuse de la pente tibiale a entraîné une détérioration du résultat clinique et radiologique final. L’ostéotomie tibiale de valgisation par fermeture externe a entraîné une diminution de 2,6° en moyenne de la pente tibiale (28)

Résultats des ostéotomies dans l’arthrose externe sur genu valgum Résultats des ostéotomies tibiales de varisation Il y a peu de résultats publiés sur ce sujet. Ils sont bons en l’absence d’hypercor-

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rection importante. Coventry (9-11), avec une ostéotomie tibiale visant à obtenir une normo-correction, a obtenu 77 % d’amélioration de la douleur avec 3 à 17 ans de recul. Des résultats identiques sont rapportés par Chambat et al. (8).

Résultats des ostéotomies fémorales Dans l’ensemble, ils sont satisfaisants avec pour Healy et al. (16) 93 % de très bons résultats après 4 ans de recul. Ces résultats sont confirmés par d’autres auteurs (25). La qualité de la stabilité de la fixation est essentielle pour la consolidation. Les agrafes sont à proscrire. L’obtention de la normo-correction est suffisante car il y a assez d’efforts varisants sur un membre normo-axé pour garantir une décharge suffisante du compartiment latéral.

Indications des ostéotomies Tous les auteurs admettent que les rhumatismes inflammatoires représentent une contre-indication à l’ostéotomie. L’indication typique est l’arthrose unicompartimentaire isolée, sur déviation axiale avant l’âge de 65 ans. Moins l’usure est importante, meilleurs sont les résultats (1, 20, 23, 25). Les résultats sont aussi supérieurs sur une arthrose secondaire à une déformation constitutionnelle que sur une usure secondaire à une surcharge pondérale. En fait, tout est discutable : l’âge de 65 ans ne constitue pas une limite rédhibitoire, une atteinte discrète du compartiment opposé ou de la fémoro-patellaire n’est pas une contre-indication, de même que l’existence d’une chondrocalcinose. Le degré de déformation n’a pas non plus d’importance. En fait, au-delà de 65 ans, c’est plus l’âge physiologique et la capacité à béquiller sans appui qui fera pencher vers la prothèse unicompartimentaire ou vers l’ostéotomie.

Conclusion Le traitement des gonarthroses fémoro-tibiales par ostéotomie reste actuellement une solution thérapeutique chirurgicale très utilisée dans l’attente du remplacement prothétique. Les bases théoriques de ces interventions sont de mieux en mieux connues. L’analyse radiographique,la planification préopératoire et la technique chirurgicale ont fait d’importants progrès. Dans l’arthrose interne, la plus fréquente, les résultats à court terme des ostéotomies tibiales de valgisation sont très bons, moyennant une correction en valgus de 3° à 6°.Cependant,les résultats à long terme de cette chirurgie sont inconstants et le pourcentage de corrections finales insuffisantes ou, au contraire, d’hypercorrections reste encore très élevé. Des progrès dans l’adéquation entre planification préopératoire et réalisation finale doivent être faits pour améliorer nos résultats à long terme. Les progrès de l’imagerie et l’apport de la chirurgie assistée par ordinateur constituent certainement des voies de recherche intéressantes pour l’avenir.

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Techniques des ostéotomies tibiales A. Amendola, D.A. Parker et A.J.Trivett

Introduction Les ostéotomies tibiales proximales sont un aspect important du traitement de la gonarthrose. Elles sont indiquées dans la gonarthrose latéralisée associée à une déviation axiale qui peut être la cause ou le facteur aggravant de cette arthrose. Le concept de base est de corriger la déviation axiale afin de transférer les charges sur le compartiment sain du genou dans le but d’améliorer les symptômes et de ralentir la progression de l’arthrose. Il s’agit d’un concept ancien (1) mais les techniques se sont progressivement affinées avec le temps. Bien que la prothèse totale de genou soit une intervention fiable donnant de bons résultats sur le long terme, il existe toujours une incertitude en ce qui concerne la longévité de l’implant particulièrement chez les patients jeunes. Inversement, l’ostéotomie est une alternative conservatrice préservant l’intégrité du genou qui, si elle est bien réalisée, ne compromet pas la réalisation ultérieure d’une prothèse si cela est nécessaire. Les résultats des ostéotomies tibiales proximales sont très variables dans les différentes séries de la littérature. Globalement le résultat est bon sur la douleur et sur la fonction dans 80 % à 90 % des patients à 5 ans et 50 % à 65 % des patients à 10 ans (2, 7). L’analyse de ces différentes séries a montré que la qualité du résultat est directement corrélé à la qualité de la correction obtenue lors de l’intervention (3, 6, 8). Il apparaît donc que le résultat est directement dépendant de la qualité de la planification préopératoire et de la précision dans la réalisation technique. Plusieurs techniques ont été décrites dans la littérature pour les ostéotomies tibiales proximales. Ce chapitre abordera les différentes options thérapeutiques possibles en précisant les indications et la technique opératoire pour chaque option.

Planification préopératoire Examen clinique Actuellement, le plus déterminant dans la qualité du résultat est vraisemblablement la sélection du patient. Ce n’est qu’après une analyse de l’histoire du patient, un examen clinique complet et surtout une imagerie précise, que l’on pourra déterminer si un patient donné peut tirer bénéfice d’une ostéotomie. Les données importantes de l’interrogatoire concernent l’âge, le mode de vie, le niveau d’activité et bien entendu le passé médical et chirurgical. Il est particulièrement important d’analyser la demande du patient et particulièrement les activités qu’il sou-

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haite reprendre en postopératoire. Il est utile d’interroger le patient pour savoir si la déformation observée à l’examen est acquise récemment ou existe depuis l’adolescence. Il est par ailleurs important d’analyser la douleur, son siège, sa sévérité, l’existence de facteurs aggravants mais aussi, rechercher des éléments de dérangement intra-articulaire : blocage, accrochage, instabilité car ces éléments peuvent pousser à réaliser une arthroscopie en association avec l’ostéotomie. L’examen clinique doit commencer par une inspection globale du patient afin notamment de déterminer son état général. L’alignement des membres inférieurs doit être analysé en position debout mais surtout à la marche car une décompensation en varus ou en valgus lors du passage du pas témoigne d’une composante dynamique de la déformation. Cette analyse des déformations doit être réalisée dans les trois plans de l’espace, tout particulièrement pour les déformations en rotation qui sont difficiles à analyser sur le plan radiographique. La réductibilité de la déformation doit être appréciée de même que la course rotulienne. L’existence d’un épanchement et la localisation de la douleur doit être notée dans l’observation. Les amplitudes articulaires doivent être mesurées et il faudra noter particulièrement s’il existe un flexum irréductible et une limitation de la flexion. Les laxités doivent être recherchées à la fois dans le plan frontal et dans le plan sagittal différenciant une laxité vraie d’une « pseudo-laxité » par correction d’une déformation. La reproduction de ressauts ou de douleurs avec le test de McMurray peut être le témoin d’une lésion méniscale associée. L’état des articulations adjacentes et l’état neuro-vasculaire doivent être évalués.

Bilan radiographique Le bilan radiographique représente la base de la planification préopératoire. Dans notre centre le bilan de base comprend quatre clichés centrés sur les genoux : des clichés comparatifs de face en appui, genou en extension, des clichés comparatifs en shuss à 45° de flexion en appui, des clichés de profil en appui et une vue aérienne des rotules. La goniométrie est actuellement systématique. Elle peut être réalisée soit en appui monopodal soit en appui bipodal soit en décubitus. Les avantages respectifs de chaque technique ont été étudiés par plusieurs auteurs (9, 10). Quelque soit la technique utilisée l’important est d’être conscient de ses conséquences. Les clichés en décubitus peuvent sous-estimer la correction nécessaire et inversement les clichés en appui monopodal peuvent surestimer la correction en incluant la composante ligamentaire de la déformation. Dans notre centre nous réalisons des clichés en appui monopodal permettant de visualiser l’ensemble du membre inférieur de la hanche jusqu’à la cheville. Dans les calculs de correction, la part ligamentaire de la déformation doit être prise en compte (9). Plusieurs mesures peuvent être réalisées à partir de ces différents films. Les éléments les plus importants sont l’axe global du membre inférieur, l’angle de congruence articulaire (angle de bâillement fémoro-tibial), l’angle fémoral et l’angle tibial mécanique. L’axe fémoro-tibial du membre inférieur est la ligne tracée entre le centre de la tête fémoral jusqu’à la cheville. Chez un sujet normoaxé, elle passe au milieu du genou. Les clichés de profil sont utiles particulièrement pour analyser une déformation dans le plan sagittal et tout particulièrement pour mesurer la pente tibiale.

Calcul de la correction Plusieurs techniques ont été décrites pour mesurer la correction nécessaire sur les radiographies préopératoires (9,11,12). Le principe de base est de déterminer le point

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où l’on souhaite faire passer l’axe fémoro-tibial et de calculer la correction angulaire nécessaire pour atteindre cet objectif. D’une manière générale, dans une arthrose interne l’objectif est d’obtenir une légère hypercorrection avec un alignement en valgus. Dans les arthroses externes l’objectif est d’obtenir une normo-correction.

Ostéotomie correctrice dans le genu varum L’indication la plus fréquente de l’ostéotomie tibiale est le traitement d’une arthrose fémoro-tibiale interne. Comme l’a montré Coventry (11), les meilleurs résultats des ostéotomies tibiales de valgisation sont obtenus lorsque l’on obtient un axe en valgus de 8° à 10° (3). L’hyper-correction peut toutefois être nocive s’il s’agit de patients laxes car elle peut entraîner une décompensation ligamentaire. D’autres auteurs ont exprimé la correction par rapport au point où l’on souhaite faire passer l’axe fémoro-tibial. Les meilleurs résultats semblent être obtenus lorsque cet axe passe par un point situé au niveau du plateau tibial externe entre 62 % et 66 % de la largeur globale des plateaux tibiaux en partant du bord interne (9). La technique la plus classique de quantification de la correction est de mesurer l’angle fémoro-tibial et d’en déduire la correction angulaire nécessaire pour obtenir un valgus mécanique de 2° à 4° ou un valgus anatomique de 8° à 10°. Plus récemment Dugdale (9) et Miniaci (12) ont décrit une autre technique dans laquelle la correction angulaire nécessaire pour passer la ligne de force à 62 % 66 % de la largeur des plateaux tibiaux est calculée par une construction géométrique sur la goniométrie. En mesurant la largeur de la métaphyse tibiale au site de l’ostéotomie, on peut facilement convertir cette mesure angulaire en mesure de hauteur de correction particulièrement utile pour une ostéotomie d’ouverture interne. Pour éviter les hyper-corrections excessives d’origine ligamentaire, il peut être nécessaire de soustraire de l’angle de correction la part ligamentaire de la déformation. Cela peut être fait en comparant l’angle de congruence articulaire entre les deux genoux si l’on dispose d’une goniométrie en appui bipodal ou en comparant sur un cliché sans appui et réalisé sur le genou pathologique.

L’ostéotomie par soustraction externe L’ostéotomie la plus classique dans l’arthrose fémoro-tibiale interne est l’ostéotomie de soustraction externe telle qu’elle a été décrite par Coventry (1) et Insall (13). Le principe est de réaliser la correction en enlevant un coin tibial à base externe et en fermant le défect ainsi formé (fig. 1). Cette technique à l’avantage de ne pas nécessiter de greffe, de permettre un montage stable permettant un appui relativement précoce et une diminution du risque de pseudarthrose. Plusieurs variantes techniques ont été décrites pour cette intervention (1, 2, 9, 13) mais le principe de base reste toujours le même. La technique décrite ci-dessous est celle réalisée dans notre centre. La planification préopératoire est basée sur la goniométrie en utilisant la technique de Dugdale et Miniaci en convertissant une mesure angulaire en mesure de hauteur. L’apparition de viseurs permettant de raisonner sur des angles modifiera peut être cette attitude. Il est important lorsque l’on calcule la hauteur de résection de ne pas utiliser la règle classique du 1° pour 1 mm car cela conduit quasiment obligatoirement à une hypo-correction. Le patient est installé en décubitus dorsal sur une table radio-transparente qui doit permettre de visualiser par amplificateur de brillance l’ensemble du

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Fig. 1. Radiographies préopératoire et postopératoire d’une ostéotomie tibiale proximale par fermeture externe

membre inférieur de la hanche jusqu’à la cheville. Des cales latérales et un support de pied doivent permettre de maintenir le genou à 90° de flexion car la plus grande partie de l’intervention est réalisée dans cette position. Il est important de noter que même dans cette position à 90° de flexion, il existe un risque vasculonerveux et il convient d’être très prudent lorsque l’on travaille sur la corticale postérieure du tibia (14). L’ensemble du membre est préparé et drapé et les repères anatomiques sont marqués à l’aide d’un stylo dermographique. L’intervention est réalisée sous garrot. En cas de symptomatologie de dérangement intra-articulaire, une arthroscopie est réalisée dans un premier temps. Elle peut théoriquement être utile pour réaliser un bilan intra-articulaire complet, pour vérifier le compartiment externe et le compartiment fémoro-patellaire. Nous ne la pratiquons toutefois pas de manière systématique mais seulement lorsqu’il existe une pathologie méniscale où des corps étrangers qui peuvent être traités par arthroscopie. De nombreuses incisions ont été décrites pour cette technique. Nous utilisons une incision en L dont la branche verticale longe le bord externe de la tubérosité tibiale et la branche horizontale est parallèle à l’interligne articulaire externe, un centimètre en-dessous et s’arrête au bord antérieur de la tête du péroné. La dissection est menée jusqu’à l’aponévrose du muscle jambier antérieur et il est incisé le long de la crête tibiale laissant 5 mm de tissu pour la fermeture. Le muscle est alors décollé de la face antéro-externe du tibia et le fascia-lata est décollé du tubercule de Gerdy laissant un fil repère pour préparer la fermeture. Le nerf sciatique poplité externe n’est pas disséqué de manière routinière mais est palpé et est protégé pendant toute l’intervention. Au niveau du péroné, plusieurs techniques ont été décrites : libération de l’articulation péronéo-tibiale, ostéotomie du péroné, résection de la tête du péroné.

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Nous préférons libérer l’articulation péronéo-tibiale et préserver ainsi la tête du péroné. La capsule antérieure de l’articulation péronéo-tibiale supérieure est incisée et un ostéotome courbe est dirigé en arrière et en dedans pour libérer complètement cette articulation et mobiliser facilement la tête du péroné. Un écarteur est positionné sur la face postérieure du tibia en sous-périosté afin de protéger les structures vasculo-nerveuses (15). Le bord externe du tendon rotulien est repéré et un deuxième écarteur contre coudé est placé sous ce tendon afin de le protéger pendant l’ostéotomie. La face externe du tibia est alors parfaitement exposée depuis la tubérosité tibiale jusqu’à la corticale postérieure. Pour réséquer un coin à base externe, on peut utiliser soit une mesure directe de la hauteur à réséquer (après les calculs préopératoire), soit utiliser un viseur angulaire. Ce système décrit initialement par Hoffman (16) permet de simplifier les mesures préopératoires et surtout d’accroître la précision de la technique. Deux trous sont alors réalisés à la mèche, parallèles mais un centimètre en dessous de l’interligne articulaire et s’arrêtant avant la corticale interne. La ligne unissant ces deux trous doit être parallèle à la pente tibiale. Le méchage est réalisé sous amplificateur de brillance afin de contrôler la position dans les deux plans de l’espace. Deux broches temporaires sont introduites dans ces trous et un troisième trous est alors percé à la mèche en position distale par rapport aux deux précédents. Celui-ci doit traverser la corticale interne et permet de mesurer la largeur du tibia et donc de régler la profondeur de la coupe. La coupe proximale, parallèle aux broches est réalisée à l’aide du viseur en utilisant une lame de scie calibrée s’arrêtant 10 mm avant la corticale interne. Le premier viseur est alors enlevé et un second est mis en place. Il est composé d’une lame qui est introduite dans le premier trait de scie et il permet de guider cette lame pour la coupe distale. L’angulation entre les deux coupes peut varier de 2° en 2°. Lors des coupes, il est important de s’assurer que les écarteurs protègent bien les parties molles et que la coupe intéresse bien les corticales antérieures et postérieures en s’arrêtant à 1 cm de la corticale interne. Le coin tibial peut alors être enlevé et il est important que cette résection soit complète. S’il persiste des fragments ils devront être enlevés progressivement à l’aide de curettes, rongeurs ou ostéotomes. Si la fermeture est réalisée en force avant la résection complète des fragments osseux, il existe alors un risque de fracture avec trait de refend intraarticulaire. Il est par ailleurs important de s’assurer que la corticale interne est restée intacte. Dans le cas contraire il risque de se produire un bâillement interne source d’instabilité et d’hyper-correction. L’amplificateur de brillance peut être utilisé à ce stade pour s’assurer de la qualité du geste. Une plaque est alors mise en place avec deux vis spongieuses introduites dans les premiers trous. Au niveau distal, des vis corticales sont mises en place après avoir appliqué de la compression dans le foyer d’ostéotomie. Cette fermeture doit être réalisée lentement à raison de 1 mm de fermeture par minute permettant une déformation plastique de la corticale interne du tibia. Après fixation, la qualité de la correction est contrôlée par amplificateur de brillance en utilisant une tige métallique de repère entre la tête du fémur et la cheville. Une technique plus traditionnelle de réalisation des soustractions externes consiste à mesurer la base du coin tibial sur les radiographies préopératoires et à reporter cette distance sur le tibia lors de l’intervention. L’ostéotomie est réalisée de façon telle que la coupe distale est réalisée au ras du bord supérieur de la tubérosité tibiale antérieure et que les coupes soient parallèle dans le plan sagittal à l’interligne articulaire de façon à ne pas modifier la pente tibiale lors de la fermeture. Après avoir repéré les deux zones de coupes (proximale et distale), deux broches guides sont introduites de dehors en dedans s’arrêtant à 10 mm de la corticale interne, l’une étant située juste au-dessus du trait proximal et l’autre juste

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en dessous du trait distal. Les coupes osseuses sont alors réalisées à la scie oscillante en suivant les broches guides. De même que dans la technique précédente, le coin osseux est alors enlevé progressivement et l’ostéotomie de fermeture est alors réalisée en appliquant une force très progressive sur le genou en extension. La qualité de la correction est alors contrôlée sous amplificateur de brillance et l’ostéosynthèse peut être réalisée avec des agrafes ou avec une plaque. Dans les suites le patient est immobilisé dans une attelle articulée pour six semaines avec appui partiel à l’aide de cannes. Une radiographie de contrôle est réalisée à six semaines postopératoires. S’il existe des signes évidents de consolidation, l’attelle est alors enlevée et le patient reprend l’appui en fonction de ses douleurs. Une deuxième radiographie de contrôle est réalisée à trois mois postopératoire et si la consolidation est satisfaisante, une reprise des activités est débutée en fonction des douleurs. A six mois postopératoire, une goniométrie est réalisée afin de quantifier la correction.

Ostéotomie par ouverture interne L’ostéotomie par ouverture interne développée initialement en Europe est de plus en plus utilisée en Amérique du Nord (17, 18). Les avantages par rapport à la soustraction sont multiples : • Correction plus anatomique avec addition d’os du côté usé. • Possibilité de réaliser une correction plus précise et plus fiable aussi bien dans le plan frontal que dans le plan sagittal. • Possibilité de modifier la correction pendant l’intervention. • Réalisation d’une seule coupe osseuse. • Respect de l’articulation péronéo-tibiale supérieure et du compartiment externe du genou, • Possibilité de réaliser des gestes associés notamment des reconstruction du ligament croisé antérieur. Les inconvénients de cette technique sont • La création d’un défect osseux qui nécessite un comblement par greffe avec les complications que cela peut entraîner. • Un risque théorique plus élevé de pseudarthrose. • Et un délai de reprise de l’appui plus tardif. Pour toutes ces raisons, l’ostéotomie par addition interne est devenue la technique de base dans notre centre depuis cinq ans. La greffe peut être une auto-greffe, une allo-greffe ou des substitus osseux. Chaque option a ses avantages et ses inconvénients et bien que l’auto-greffe iliaque reste le «gold standard» nous utilisons de plus en plus fréquemment des allo-greffes de tête fémorale. Ce choix permet d’éviter les complications au niveau du site de prélèvement et permet de raccourcir le temps opératoire. Cela n’a pas entraîné de difficulté de consolidation dans notre expérience mais cela nécessite une banque d’os accès facile. L’intervention est réalisée comme précédemment sur un patient en décubitus dorsal avec amplificateur de brillance. Ici la crête iliaque homolatérale doit être préparée et le chirurgien et l’instrumentiste sont situés du côté opposé à la jambe opérée. L’amplificateur de brillance est positionné du côté de la jambe opérée. Un stylo dermographique est utilisé pour repérer les repères anatomiques (interligne interne, tubérosité tibiale antérieure, tendon rotulien et bord postérieur du tibia) (fig. 2a). Après élévation de la jambe, un garrot pneumatique est gonflé. L’incision cutanée mesure 5 cm, elle est longitudinale et est située à mi-dis-

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Fig. 2. Ostéotomie tibiale d’ouverture a : Repère osseux anatomique b : Mise en place des broches guides c : Mise en place de l’ostéotome de Puddu d : Section transversale du tibia au niveau du foyer d’ostéotomie e : Ostéotomie terminée

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tance entre le bord interne de la tubérosité tibiale antérieure et le bord postérointerne du tibia. Elle débute 1 cm sous l’interligne interne et s’étend vers le bas. L’aponévrose du tendon du muscle couturier (Sartorius) est repérée et est incisée le long de son bord supérieur. Les tendons de la patte d’oie sont alors rétractés vers le bas permettant un accès aux fibres superficielles du ligament latéral-interne (LLI). Le bord antérieur du faisceau superficiel du LLI est repéré et décollé au bistouri et à la rugine. Un écarteur contre coudé est alors introduit à la face profonde de ce ligament et passe en arrière de l’angle postéro-interne de la métaphyse tibiale. La corticale postérieure de la métaphyse tibiale est alors dégagée en sous périosté afin de protéger les structures vasculo-nerveuses. Le bord interne du tendon rotulien est repéré et un écarteur contre coudé est placé sous ce tendon qui est repoussé en dehors. Les fibres internes d’insertion du tendon rotulien sont décollées et désinsérées sur quelques millimètres de façon à repérer clairement le bord antéro-supérieur de la tubérosité tibiale antérieure. Le périoste de la face interne du tibia est alors dégagé entre les écarteurs antérieurs et postérieurs. La face interne du tibia est alors exposée en sous périosté depuis la tubérosité tibiale antérieure jusqu’à l’angle postéro-interne. Une broche guide est alors introduite au niveau du trait d’ostéotomie (fig. 2b). Le positionnement de cette broche guide doit être parfait car la qualité des gestes qui suivront en découle. Le point d’introduction de la broche guide est la prolongation d’une ligne unissant l’angle supéro-interne de la tubérosité tibiale antérieur et le sommet de la tête du péroné. Généralement, ce point d’introduction est situé 3 à 4 cm en dessous de à l’interligne articulaire. L’obliquité de la broche (et donc du trait d’ostéotomie) peut être modifié en fonction de la taille du tibia et de l’importance de la correction à réaliser. Plus le trait est oblique, moins la correction sera importante. Par ailleurs, les défauts d’ostéosynthèse et le risque de fracture articulaire augmentent lorsque le trait est très oblique (19). La broche guide doit être placée environ 2 mm au-dessus et parallèle au trait d’ostéotomie final. L’ostéotomie est réalisée sur la face inférieure de la broche guide. Elle doit obéir à quelques règles intangibles : • elle doit être située au-dessus de l’insertion du tendon rotulien sur la tubérosité tibiale antérieure ; • elle doit être suffisamment distale pour laisser suffisamment d’os pour la fixation proximale de la plaque ; • elle doit arriver du côté externe au moins 1 cm en-dessous de la surface articulaire ; • et enfin elle doit toujours rejoindre l’articulation péronéo-tibiale supérieure. Il est important de réaliser l’ostéotomie à la face inférieure de la broche, celle-ci empêchant une migration proximale du trait d’ostéotomie dans l’articulation. L’inclinaison de l’ostéotomie dans le plan sagittal est capital. Il doit reproduire la pente tibiale physiologique. La tendance spontanée à réaliser l’ostéotomie perpendiculaire à l’axe du tibia doit être évitée car cela créerait un fragment osseux postérieur de petite taille du fait de la pente tibiale physiologique de 10°. Le trait d’ostéotomie doit donc être équidistant de l’interligne articulaire en avant et en arrière. Nous marquons sur le tibia la ligne d’ostéotomie au bistouri électrique parallèle à l’interligne articulaire avant de réaliser la coupe osseuse. Les écarteurs étant en place, en avant et en arrière afin de protéger les parties molles, la coupe est réalisée à l’aide d’une scie oscillante de petite taille. La coupe intéresse d’abord la face interne du tibia depuis la tubérosité tibiale antérieure jusqu’à l’angle postéro-interne sous contrôle direct de la vue. Les ostéotomes fins sont alors utilisés pour faire progresser l’ostéotomie en dehors, la progression est contrôlée sous amplificateur de brillance et l’introduction des ostéotomes s’arrête à 1 cm de la face externe du tibia. Au maximum on utilise des ostéotomes fins

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et souples. Ce n’est qu’en fin d’ostéotomie qu’on utilise des ostéotomes rigides. Dans notre expérience, l’utilisation des ostéotomes volumineux a été responsable de fractures intra-articulaires. Dans certains cas, il peut être utile de passer un ostéotome rigide dans la partie centrale du tibia afin d’ouvrir de quelques millimètres le foyer d’ostéotomie. La progression des ostéotomes est contrôlé sous amplificateur de brillance. La mobilisation du foyer d’ostéotomie est réalisée par des manipulations douces en appliquant du valgus. Quand l’ouverture se fait facilement, un ostéotome en coin est alors introduit. En cas de difficulté un ostéotome fin peut être introduit en avant ou en arrière. L’ostéotome de Puddu est alors introduit dans le foyer d’ostéotomie en gardant bien la direction du trait (fig. 2c). Il permet de contrôler l’importance de l’ouverture grâce à la graduation. L’introduction doit être lente pour permettre une ouverture progressive en moyenne de 5 mm par minute. L’amplificateur de brillance permet de contrôler la progression de l’instrument. Une progression trop rapide risque d’entraîner la formation d’un trait de refend proximal ou distal. Lorsque l’ouverture correspond à celle de la planification préopératoire, l’alignement est contrôlé à l’aide d’une tige métallique de repère, matérialisant l’axe fémoro-tibial et permettant un contrôle sous amplificateur de brillance. L’objectif est de faire passer la tige entre 62 % et 66 % de l’épaisseur du tibia qui correspond généralement à la partie externe de l’épine tibiale externe. La correction dans le plan sagittal doit, elle aussi, être contrôlée et on doit vérifier l’importance de l’ouverture antérieure et de l’ouverture postérieure. Dans la mesure où le tibia est un os triangulaire à la coupe, avec sommet antérieur, l’ouverture antérieure doit être moins importante que l’ouverture postérieure si on veut maintenir la pente tibiale (fig. 2d). Si l’ouverture antérieure est identique à l’ouverture postéro-interne, cela signifie qu’il existe une augmentation de la pente tibiale. Lorsqu’il s’agit d’une arthrose interne sur genou stable, l’objectif est de maintenir la pente tibial préopératoire. Lorsqu’il s’agit d’une arthrose interne sur laxité, on peut délibérément choisir de diminuer la pente tibiale afin de diminuer la translation tibiale antérieure (20). Inversement, en cas de rupture chronique du ligament croisé postérieur, une légère augmentation de la pente tibiale peut être utile pour augmenter la translation tibiale antérieure. La pente tibiale peut être ajustée soit en modifiant le positionnement de la plaque soit en utilisant des plaques avec blocs métalliques asymétriques. Une plaque avec bloc métallique fixée au milieu du trait d’ostéotomie ne modifie pas la pente tibiale alors que s’il est placé en avant elle aura tendance à augmenter la pente tibiale et si elle est située en arrière elle l’a diminue. Lorsque la correction souhaitée est obtenue et que le positionnement optimal a été choisi, le manche d’insertion de l’ostéotome de Puddu peut être enlevé et les coins sont laissés en place. La plaque est alors introduite entre les deux coins qui sont ensuite enlevés. La plaque est alors fixée avec des vis spongieuse au-dessus du foyer et corticales en-dessous. Un contrôle à l’amplificateur de brillance permet de s’assurer qu’il n’y a pas de pénétration intra-articulaire des vis proximales. Le défect osseux créé est ensuite comblé avec de la greffe. Lorsqu’il s’agit d’une ouverture inférieure à 7,5 mm le comblement avec de l’os spongieux simple est suffisant. Lorsqu’il existe une ouverture de plus de 10 mm, nous comblons le défect avec de l’os spongieux du côté externe mais avec des coins cortico-spongieux du côté interne de chaque côté de la plaque. Un contrôle final à l’amplificateur de brillance permet de contrôler le positionnement de la plaque, la qualité de la fixation et la qualité du remplissage du défect par la greffe (fig. 2e). La fermeture est réalisée sur un drain postéro-interne. Le membre inférieur est alors positionné dans une attelle d’immobilisation limitant la flexion entre 0 et 90 degrés. Le patient devra faire des exercices quotidiens afin de récupérer la

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mobilité en veillant tout particulièrement à lutter contre une flexum. L’appui est interdit pendant les six premières semaines. Entre six et douze semaines, l’attelle est enlevée et l’appui est repris progressivement. Entre trois et six mois postopératoire, le patient reprend progressivement ses activités en fonction de ses douleurs. Des radiographies de contrôle sont réalisées à six et douze semaines postopératoires pour s’assurer de la bonne consolidation et une goniométrie est réalisée à six mois pour mesurer la correction.

L’ostéotomie curviplane L’ostéotomie curviplane était décrite initialement par Maquet (21) et a été utilisée par d’autres auteurs pour corriger des déformations importantes (21,23). L’ostéotomie est réalisée au-dessus de la tubérosité tibiale antérieure ; sa concavité est dirigée vers le bas formant un arc au-dessus de la tubérosité tibiale antérieure. L’intervention est réalisée sur une table opératoire radio-transparente sur un patient en décubitus dorsal. Cette technique nécessite la réalisation d’une ostéotomie du péroné pour réaliser la correction. Celle-ci est réalisée obliquement au tiers moyen de la diaphyse. Deux clous de Steinmann sont introduits dans le tibia, l’un proximal et l’autre distal par rapport au siège de l’ostéotomie avec un angle entre les deux clous correspondant à la correction souhaitée. L’intervention est réalisée à partir d’une incision longitudinale centrée sur la tubérosité tibiale antérieure. Elle peut être réalisée à l’aide d’ostéotomes courbes spécifiques ou à l’aide de trous de mèche réalisés selon une ligne courbe. Les trous de mèche sont ensuite réunis à l ’aide d’ostéotomes fins. Les deux fragments sont alors tournés l’un par rapport à l’autre jusqu’à ce que les deux clous de Steinmann soient parallèles. Une fixation avec compression est alors effectuée par un cadre de Charnley. La fixation peut aussi être réalisée à l’aide d’un fixateur externe situé sur la face externe du tibia. La position de l’ostéotomie et l’alignement sont vérifiés à l’aide de l’amplificateur de brillance avant la fermeture. La mobilisation est débutée immédiatement en postopératoire et l’appui partiel est autorisé immédiatement. L’appui complet est autorisé à huit semaines postopératoires s’il existe une bonne consolidation radiographique. L’avantage principale de cette technique est qu’elle permet des corrections importantes, qu’elle ne modifie pas les rapports entre la tubérosité tibiale antérieure et le niveau de l’interligne articulaire et qu’elle permet de modifier l’alignement en postopératoire si nécessaire. En revanche elle fait courir un risque d’infection sur les broches du fixateur et impose la présence de matériel volumineux.

L’ostéotomie tibiale pour genu valgum L’ostéotomie de soustraction interne L’ostéotomie tibiale de varisation par fermeture interne pour traiter l’arthrose fémoro-tibiale externe a été relativement peu étudiée dans la littérature (24, 25). Les premières expériences de Coventry (24) montraient que les résultats n’étaient pas aussi favorables que dans l’ostéotomie de soustraction externe pour arthrose interne. Ainsi traditionnellement, beaucoup de chirurgiens utilisent une ostéoto-

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Fig. 3. Radiographies préopératoires et postopératoires d’une ostéotomie par fermeture interne

mie fémorale dans cette indication car cela permet d’éviter les interlignes articulaires obliques ce qui apparaît plus logique dans la mesure où la pathologie siège essentiellement sur le côté fémoral. L’ostéotomie tibiale de varisation a été défendue récemment en France par Chambat (26). Il a en effet montré qu’une correction tibiale reste efficace tout au long de la flexion du genou alors qu’une ostéotomie fémorale n’entraîne une correction réelle qu’en extension. Ces arguments sont particulièrement intéressants dans la mesure où l’arthrose fémoro-tibiale externe n’apparaît vraiment sur les radiographies que sur les clichés en flexion à 30 ou 45 degrés alors qu’il n’existe que peu ou pas de pincement sur les clichés en extension complète. La planification préopératoire doit calculer la correction de façon à obtenir un genou normo-axé à l’inverse de l’arthrose interne dans laquelle on cherche une légère hyper-correction. Il faut par ailleurs analyser les angles à la fois sur le versant fémoral et sur le versant tibial car la création d’un interligne articulaire oblique de plus de 10 degrés doit absolument être évité. Sur les calculs préopératoires, il faut donc s’assurer qu’après correction le varus tibial ne dépasse pas 10 degrés. Les résultats de cette techniques sont meilleurs chez les patients jeunes avec une arthrose modérée et un pincement très périphérique. Cette intervention touche donc une population limitée. Le patient est installé en décubitus dorsal sur une table opératoire radiotransparente et le chirurgien est installé du côté opposé à la jambe opérée, l’amplificateur de brillance étant installé du côté de la jambe opérée. L’abord chirurgical est le même que celui décrit pour l’ostéotomie d’ouverture interne et la résection du coin tibial peut être réalisée soit à l’aide d’un viseur calibré soit entre deux broches guides comme cela était écrit dans le chapitre sur les fermetures externes. Il est important que les coupes dans le plan sagittal soient parallèles à l’interligne articulaire et que le sommet d’ostéotomie arrive au niveau de l’articulation péronéo-tibiale supérieure (fig. 3). Par ailleurs, du fait de la forme du tibia triangulaire à la coupe, si l’on ne veut pas modifier les rapports des deux segments osseux dans le plan sagittal, la résection doit être légèrement plus importante en avant qu’en arrière.

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L’ostéosynthèse peut être réalisée soit par plaque et vis soit par agrafes. Un contrôle est systématiquement réalisé à l’amplificateur de brillance avant la fermeture et la rééducation postopératoire est la même que pour les ostéotomies de soustraction externe.

L’ostéotomie par ouverture externe L’autre solution pour l’arthrose fémoro-tibiale externe pour genu valgum est de réaliser une ouverture externe (fig. 4). Cette technique a été très peu étudiée mais un article récent de Marti (27) rapporte 88 % de bons et excellents résultats avec un recul de 11 ans. Les auteurs décrivent une technique d’ouverture externe utilisant une auto-greffe iliaque. Pour cet auteur l’objectif est d’obtenir une légère hyper-correction. L’abord chirurgical est toutefois techniquement plus difficile que pour une soustraction interne et nécessite une libération de l’articulation péronéo-tibiale supérieure. L’installation est la même que pour la soustraction externe et l’articulation péronéo-tibiale supérieure est libérée de la même manière. Une broche guide est introduite de dehors en dedans au niveau du bord supérieur de la tubérosité tibiale antérieure et s’arrêtant du côté interne à 1.5 cm sous l’interligne interne. L’ostéotomie est réalisée sous la broche et s’arrête à 1 cm de la corticale tibiale interne. La technique d’ouverture et de fixation est la même que pour une ostéotomie d’ouverture interne.

Fig. 4. Radiographie préopératoire et postopératoire d’une ostéotomie tibiale par ouverture externe

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Ostéotomie avec correction progressive et fixation externe L’utilisation d’une correction progressive par fixateur externe présente de nombreux avantages théoriques par rapport à une correction fixée une fois pour toute en peropératoire. Plusieurs auteurs rapportent de bons résultats avec cette technique (18, 28, 30). Cela est particulièrement utile lorsqu’une correction importante est nécessaire car cela est souvent impossibles avec les techniques habituelles que ce soit des fermetures ou des ouvertures (résections osseuses importantes, création de déformations osseuses, tensions des parties molles dans les additions). L’utilisation d’un fixateur externe permet des corrections régulières permettant d’optimiser l’alignement axial pendant tout le processus de consolidation (18). Ceci est particulièrement intéressant pour les déformations importantes associées à des lésions des parties molles car la planification préopératoire est souvent difficile voire impossible. Les fixateurs externes circulaires permettent de corriger facilement dans les trois plans de l’espace si nécessaire (28). Ces avantages doivent toutefois être mis en balance avec les inconvénients liés aux possibles infections sur broches (31) qui peuvent conduire à des infections profondes compromettant toute chirurgie ultérieure, particulièrement la chirurgie prothétique. Par ailleurs, l’adhésion du patient à ce type de traitement peut être médiocre du fait des modifications que cela entraîne dans sa vie. Nous avons utilisé dans certains cas un fixateur externe circulaire pour des corrections qui ne pouvaient être réalisées par les techniques standards (figs. 5a et 5b). L’appareillage utilisé comporte deux anneaux comportant six entretoises orientées en fonction de la déformation du patient et qui seront progressivement ajustées de façon à amener les anneaux et le fixateur parallèles. Un programme informatique (Taylor Spatial Frame, Smith and Nephew, Memphis, TN) permet d’analyser à partir des radiographies préopératoires, le positionnement idéal de ces entretoises et du degré de correction que le chirurgien doit appliquer en tenant compte des parties molles à risque. Cette technique nécessite une adhésion importante du patient et cela impose d’expliquer et de montrer au patient le matériel avant l’intervention et de lui expliquer les principes du traitement. Les anneaux du fixateur doivent être situés à deux travers de doigts en dehors des parties molles. Le montage que nous utilisons est composé d’un anneau proximal et de deux anneaux parallèles distaux. La technique est réalisée sur un patient en décubitus dorsal sur une table radiotranparente. L’ordinateur est installé dans la table opératoire afin de régler le positionnement du matériel. L’intervention est réalisée sans garrot. Des supports sont mis en place sous la cuisse et le pied permettant un abord sur toute la circonférence de la jambe et le genou jusqu’à la cheville. Une broche est introduite de dehors en dedans, parallèle à la surface articulaire et 10 mm en dessous de l’articulation afin de minimiser le risque de blessure articulaire et d’infection. Le cadre est appliqué sur la broche et en utilisant la face inférieure du cadre comme guide, une seconde broche est introduite en prenant garde à maintenir le cadre parallèle à la surface articulaire dans les plans frontal et sagittal. Le cadre est alors mis en place dans sa portion distal en utilisant une broche traversant l’anneau distal. Le montage est ensuite complété en rajoutant deux broches de 5 mm à chaque anneaux. Il est préférable de faire cheminer les broches essentiellement dans le tissu sous cutané et d’éviter autant que possible de pénétrer dans les loges musculaires. L’anneau proximal doit être au niveau ou même proximal par rapport à la tubérosité tibiale antérieure. L’ostéotomie est alors réalisée en percutané sous la tubérosité tibiale antérieure à l’aide de deux petite incisions à l’aide d’une scie Gigli introduite en sous-périosté. Les deux entretoises antérieures sont alors libérées de l’anneau intermédiaire, les incisions sont fermées et des pansements sont appliqués au niveau des points d’introduction des broches. Le foyer d’ostéotomie

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a

b

c d

e

Fig. 5. Utilisation d’un fixateur externe circulaire hybride pour une ostéotomie tibiale proximale a : Radiographies préopératoires (face) b : Radiographies préopératoires (profil) c : Cadre avant correction d : Correction initiale e : Radiographies après correction de la déformation résiduelle

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est laissé au repos pendant 10 jours et la correction est ensuite appliquée progressivement par le patient à la maison sur une période de 7 à 14 jours en fonction de l’importance de la déformation. La mobilisation du genou est autorisée immédiatement en fonction de la tolérance et l’appui-contact est autorisé au bout de dix jours dans la mesure où il n’y a pas de problème. L’appui partiel progressif avec cale est alors autorisé.Après cette première phase initiale de correction, une goniométrie est alors réalisée en charge et les nouveaux paramètres sont réintroduits dans l’ordinateur et une nouvelle correction peut éventuellement être appliquée jusqu’à ce que l’on obtienne un alignement optimal (figs. 5c , d et e). Le cadre est alors enlevé lorsque la consolidation est achevée et confirmée radiographiquement (fig. 6).

Fig. 6. Photographies préopératoire (a) et postopératoire (b)

Conclusion Les ostéotomies tibiales proximales peuvent être utilisée pour corriger à la fois des déformations en varus et en valgus dans le traitement des arthroses latéralisées. Leur technique ont été décrites chacune ayant ses propres avantages et inconvénients. Quelque soit la technique utilisées, la clé du succès est la qualité de la sélection des patients et de la capacité à obtenir une correction optimale sans complication. Lorsque ces objectifs sont atteints, l’ostéotomie tibiale proximale permet un traitement efficace de la douleur et permet de retrouver une fonction satisfaisante chez les patients ayant une arthrose localisée du genou.

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Ostéotomie fémorale d’ouverture dans le genu valgum G. Puddu, V. Franco, M. Cipolla, G. Cerullo et E. Gianni

Indications, contre-indications La déformation en genu valgum, qu’elle soit d’origine congénitale, secondaire à une fracture articulaire ou métaphysaire ou secondaire à une méniscectomie, entraîne une surcharge cartilagineuse source de dégradation précoce. Celle-ci peut par ailleurs être aggravée par les mouvements de translation excessifs liés à une méniscectomie. L’arthrose se développe lorsque les contraintes dépassent les capacités de résistance du cartilage et de l’os sous-chondral. D’une manière générale dans l’arthrose du genou, deux types d’interventions peuvent se discuter : soit une intervention de réalignement (ostéotomie), soit de remplacement (prothèse). Le concept de l’ostéotomie est de corriger la déformation angulaire et ainsi d’entraîner une meilleure répartition des contraintes entre les deux compartiments du genou. L’ostéotomie est indiquée chez un patient jeune, actif, il s’agit alors d’une alternative intéressante à la prothèse de genou. Les ostéotomies tibiales proximales (1) sont bien codifiées, car utilisées depuis longtemps. Les ostéotomies fémorales distales ont été décrites et analysées plus récemment. L’indication essentielle de l’ostéotomie fémorale distale est une arthrose unicompartimentale externe secondaire à une déformation osseuse en valgus. Les fractures articulaires, les traumatismes ligamentaires, les malformations congénitales ou les déformations acquises, parfois même, les ostéonécroses peuvent également justifier la réalisation d’une ostéotomie. Il n’y a pas de limite d’âge absolu entre ostéotomie et prothèse : l’âge de 65 ans est le plus souvent cité mais doit être relativisé en fonction du niveau d’activité du patient, de son mode de vie et de son état général. L’indication idéale est l’arthrose primitive, sans raideur avec flexion supérieure à 90° et flexum de moins de 15°. L’ostéotomie ne doit pas être réalisée en cas de polyarthrite rhumatoïde ou dans des cas de très grande instabilité pas plus que dans les déformations majeures avec des déformations en valgus de plus de 20° car, dans ces cas, les lésions ligamentaires sont généralement trop évoluées. Le problème de la surcharge pondérale est controversé. L’obésité a un effet négatif sur le résultat de toute intervention chirurgicale orthopédique. Il est certain que la surcharge pondérale oriente plus sur une ostéotomie que sur une prothèse, mais l’obésité augmente également le risque de complication en postopératoire dans une ostéotomie. Ainsi, lorsqu’il existe une surcharge pondérale, il est préférable d’obtenir une perte de poids avant l’intervention. Les contre-indications de l’ostéotomie sont les pertes de substance osseuse sévère de plusieurs millimètres sur le tibia ou le fémur. Dans cette situation, ou en cas de

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La gonarthrose

réalisation d’une ostéotomie, il n’y aura pas de congruence articulaire satisfaisante et le point de contact fémoro-tibial risque de basculer au niveau des épines tibiales. En cas de déformation sévère en valgus, il peut se produire une translation fémoro-tibiale. Si elle dépasse 10 mm, il s’agit d’une contre-indication absolue. Certains auteurs contre-indiquent même l’ostéotomie dès qu’une translation fémoro-tibiale apparaît.

Planification préopératoire Le principe de l’ostéotomie est de réaligner l’axe mécanique du membre inférieur afin de transférer les charges du compartiment pathologique au compartiment sain. La planification est réalisée à partir d’une goniométrie de l’ensemble du membre inférieur. L’axe mécanique du membre inférieur est une ligne tracée entre le centre de la tête fémorale et le centre de la cheville. Les axes anatomiques sont des lignes passant par le centre de la diaphyse tibiale ou fémorale. Dans un genou normal, ces deux lignes se croisent au milieu du genou avec un angle de 5° (valgus physiologique). L’axe fémoral mécanique est tracé entre le centre de la tête fémorale et le centre du genou, l’axe tibial mécanique entre le centre de la cheville et le centre du genou. Ces deux lignes sont alignées ou en léger varus de 1° (fig. 1). En cas de genu valgum, l’objectif de l’ostéotomie est de normo-axer (2, 3), c’està-dire d’obtenir un axe mécanique passant au centre du genou. Cela signifie un angle fémoro-tibial de 180° et un valgus anatomique de 5°. Cet objectif s’oppose à ce que l’on fait habituellement dans le genu varum dans lequel l’objectif est d’obtenir une hypercorrection. L’expérience a en effet montré que seule une hypercorrection permet d’optimiser les résultats à long terme dans une ostéotomie de valgisation. En fait, dans un genou normo-axé, il existe une répartition asymétrique des contraintes entre les deux compartiments du genou et environ 60 % des contraintes passent par le compartiment interne. Cela explique qu’une ostéotomie de valgisation nécessite une hypercorrection pour décharger correctement le compartiment interne. En revanche, une ostéotomie de varisation ne peut dépasser l’alignement physiologique Fig. 1. Dans un genou normal, l’axe anatomique du fémur forme un valgus de 5°. L’axe mécanique du membre inférieur passe au milieu du genou entre les deux épines tibiales.

Ostéotomie fémorale d’ouverture dans le genu valgum

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car un axe final en varus entraînerait des surcharges trop importantes sur le compartiment interne et entraînerait une dégradation accélérée de ce compartiment. Dans les déformations en genu valgum, l’interligne articulaire est oblique de dehors en dedans et de haut en bas. Ainsi, même si une ostéotomie tibiale de varisation permet de réaligner l’axe global du membre inférieur, cette technique ne permet pas de corriger l’obliquité de l’interligne articulaire. En cas de valgus important, supérieur à 10°, l’ostéotomie tibiale est incapable de recentrer l’axe mécanique et aggrave de manière importante l’obliquité de l’interligne articulaire entraînant des forces de cisaillement et une subluxation fémoro-tibiale lors de la marche. Inversement, l’ostéotomie fémorale distale de varisation permet à la fois de corriger la déviation axiale, mais aussi de corriger l’obliquité de l’interligne articulaire. Il s’agit maintenant d’un geste bien codifié. La technique préférée des auteurs consiste en une ostéotomie d’ouverture réalisée avec des instruments et une plaque spécifiques. L’ostéotomie de fermeture est probablement plus connue et plus diffusée. Elle consiste en une résection d’un coin fémoral à base interne supra-condylienne laissant la corticale externe intacte. L’ostéotomie est alors fixée avec une plaque à 90° située sur la face interne du genou (4). Certains ont proposé de fixer les ostéotomies de fermeture par une plaque à 95° introduite par la face externe du genou de la même manière que pour les ostéosynthèses pour fracture de l’extrémité inférieure du fémur (5, 6). La planification préopératoire permet de calculer l’importance de la correction en millimètre afin de choisir la plaque. Le travail de planification préopératoire consiste donc à déterminer l’importance de la correction angulaire, et de l’ouverture. Celle-ci est en effet variable pour une correction angulaire donnée en fonction de la taille du fémur.La construction est réalisée à l’aide de papier calque.Les contours du genou sont tracés ainsi que les axes mécaniques.Le papier calque est ensuite découpé selon la ligne de l’ostéotomie.Nous réalisons la correction en réalisant une ouverture externe jusqu’à ce que les axes mécaniques tibiaux et fémoraux soient alignés, ce qui témoigne d’une normo-correction. La base de l’ostéotomie correspond à l’importance de l’ouverture à réaliser (fig. 2). Le calcul doit tenir compte du coefficient d’agrandissement radiographique qui est en général de 110 % pour une goniométrie. Cette technique permet de planifier avec précision l’ostéotomie et de prévoir le matériel nécessaire. Le bilan radiographique est complété par des clichés de profil et des vues de la rotule permettant d’analyser l’articulation fémoro-patellaire. Des clichés en schuss à 45° de flexion et en charge (5) aident à sensibiliser le diagnostic dans les cas où les clichés en extension ne soient pas démonstratifs. Cette incidence est particulièrement utile lorsqu’il existe une rupture du ligament croisé antérieur, car dans ce cas, les lésions ostéo-cartilagineuses prédominent sur la partie postérieure des plateaux tibiaux. La réalisation d’un scanner ou d’une IRM dans le bilan et la sélection des patients candidats à l’ostéotomie est classiquement inutile. Il peut toutefois arriver qu’une anomalie de signal de l’os sous-chondral en IRM soit le seul signe objectif de souffrance au stade précoce de l’arthrose (fig. 3).

Instrumentation chirurgicale Nous décrirons ici notre technique d’ostéotomie fémorale d’ouverture et les moyens pour obtenir un résultat reproductible en limitant les difficultés chirurgicales. L’auteur senior a développé une instrumentation chirurgicale d’utilisation simple et reproductible dans cet objectif (8-10). Les plaques spécifiquement dessinées pour ce type d’ostéotomie sont des plaques en T avec huit trous (fig. 4).

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La gonarthrose

Fig. 2. La planification préopératoire est basée sur l’utilisation de calques. Les contours des condyles fémoraux et les plateaux tibiaux sont dessinés et cela permet de réaliser un découpage représentant l’ostéotomie et de calculer l’ouverture nécessaire pour réaliser une correction adéquate.

Fig. 3. L’IRM peut mettre en évidence une réaction osseuse de l’os souschondral et il peut s’agir du seul élément objectif de diagnostic en stade de dégradation articulaire précoce.

Leur particularité est l’existence d’un bloc métallique servant de spacer et maintenant la correction lorsqu’il est introduit dans le défect lié à l’ouverture. Sept tailles de bloc existent de 5 mm à 20 mm d’épaisseur : le bloc métallique est introduit dans le foyer d’ostéotomie et s’appuie sur les corticales permettant ainsi de maintenir l’ouverture et d’éviter tout tassement secondaire. L’épaisseur de ce spacer doit correspondre à l’ouverture nécessaire pour obtenir la correction angulaire calculée lors de la planification préopératoire. Les trois trous de la branche horizontale de la plaque permettent l’introduction de vis AO de 6,5 mm de diamètre et les trous situés dans la portion verticale de la plaque sont prévus pour des vis corticales AO de 4,5 mm de diamètre. Le point crucial de l’intervention est d’ouvrir au niveau métaphysaire dans le trait d’ostéotomie, de maintenir cette ouverture afin d’introduire la plaque et de maintenir l’écartement. Un « ostéotome en coin » facilite cette étape. Il s’agit de deux coins reliés par un manche qui sont introduits progressivement dans le foyer d’ostéotomie. Les coins sont gradués, ce qui permet de mesurer l’ouverture au fur et à mesure de l’introduction (fig. 5a). La poignée est amovible, ce

Ostéotomie fémorale d’ouverture dans le genu valgum

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Fig. 4. Des plaques ont été spécialement dessinées pour les ostéotomies d’ouverture. Il existe des plaques métalliques de différentes tailles permettant de maintenir l’ouverture dans le foyer d’ostéotomie.

qui permet facilement d’introduire la plaque entre les deux coins une fois que l’ouverture souhaitée est obtenue (fig. 5b). Les autres instruments spécifiques sont les écarteurs de Homan, spécialement adaptés à la rétraction du vaste externe (fig. 6), et la tige guide métallique avec un positionneur sur la cheville qui permet de vérifier en peropératoire l’axe fémoro-tibial mécanique (fig. 7).

Technique chirurgicale Installation du patient Nous préférons une installation sur table normale avec un patient en décubitus dorsal et l’amplificateur de brillance est positionné du côté opposé au chirurgien. Nous faisons une asepsie et une installation classique mais nous préparons systématiquement la crête iliaque et le pied doit être protégé à l’aide d’une stockinette très fine et des champs adhésifs transparents, afin d’avoir accès facilement à la cheville pour contrôler facilement l’axe fémoro-tibial. L’intervention est réalisée sous garrot.

L’arthroscopie Une arthroscopie est systématiquement réalisée avant l’ostéotomie afin de contrôler l’état des surfaces articulaires notamment sur le compartiment fémorotibial interne et sur le compartiment fémoro-patellaire. Cela permet par ailleurs de traiter une éventuelle pathologie associée et de réaliser des régularisations méniscales et des évacuations de corps étrangers.

Incision et abord chirurgical L’intervention est réalisée à l’aide d’une incision longitudinale externe allant directement au fascia-lata. Elle débute à deux travers de doigts en bas de l’épi-

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La gonarthrose

Fig. 5a. Des coins d’ostéotomie permettent d’ouvrir le foyer progressivement jusqu’à la correction déterminée sur le planning préopératoire.

Fig. 6. L’écarteur de Homan spécifique permet de rétracter le vaste externe pour aborder la face externe du fémur.

Fig. 5b. Le manche du coin peut être enlevé, ce qui permet de positionner facilement la plaque.

Fig. 7. La tige guide métallique est centrée sur la cheville. Elle matérialise l’axe fémoro-tibial mécanique. Elle permet, à l’aide d’un contrôle à l’amplificateur de brillance au niveau du genou, de vérifier le passage de cet axe au niveau du genou.

condyle externe (fig. 8a). Le muscle vaste externe est décollé progressivement de la cloison inter-musculaire et est rétracté vers l’avant. L’écarteur de Homan est alors mis en place à ce stade (fig. 8b). L’hémostase doit être alors très rigoureuse en contrôlant les vaisseaux perforants. Ceux-ci doivent être liés ou coagulés. Nous n’ouvrons en principe pas la capsule articulaire. La corticale externe du fémur est alors dégagée en s’aidant d’une mise en flexion du genou.

Ostéotomie fémorale d’ouverture dans le genu valgum

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L’ostéotomie Le genou est positionné en extension et l’ostéotomie est réalisée sous contrôle de l’amplificateur de brillance. Une broche de Steinmann est introduite habituellement sans guide à travers le fémur distal dans une direction oblique d’environ 20°. Le point d’introduction est situé trois travers de doigts en haut de l’épicondyle à mi-distance entre la corticale antérieure et postérieure. La broche se dirige vers la corticale interne du fémur de manière oblique (fig. 9). Un viseur spécifique peut aider à positionner cette broche repère. Mais il doit toutefois être orienté de façon à s’adapter aux différentes tailles et anatomie de fémur. Un deuxième écarteur de Homan doit être positionné en arrière de façon à éviter toute blessure des parties molles. L’ostéotomie est débutée à la scie oscillante et intéresse au début uniquement la corticale externe. Elle est terminée avec des ostéotomes rigides qui sont introduits parallèlement à la broche guide mais situés sur sa face proximale afin d’éviter tout trait de refend intra-articulaire (fig. 10). Une charnière interne intact de 5 mm doit être maintenue.

Réalisation de l’ouverture externe L’ostéotome en coin est alors introduit progressivement jusqu’à ce que l’ouverture corresponde à ce qui a été planifié et qu’un axe fémoro-tibial normo-axé soit obtenu (fig. 11). L’importance de l’ouverture peut être mesurée directement sur les coins métalliques qui sont gradués. Il est alors possible de choisir une plaque avec un coin métallique de taille appropriée.

Fixation par plaque Le manche des coins métalliques peut être enlevé et la plaque est positionnée sur la face externe du fémur, la cale métallique étant introduite dans le foyer d’ostéotomie. Si la plaque ne s’applique pas parfaitement bien sur la corticale fémorale, elle doit être chantournée à l’aide des instruments adaptés. Avant de fixer définitivement la plaque, nous réalisons un contrôle peropératoire de l’axe mécanique en utilisant une tige métallique rigide allant de la tête fémorale jusqu’à la cheville. Le contrôle est réalisé sous amplificateur de brillance : la tige métallique matérialise l’axe mécanique du membre inférieur. Sa position au niveau du genou est contrôlée. L’objectif est d’obtenir un positionnement au milieu du genou entre les épines tibiales (fig. 12). Si la correction n’est pas parfaitement adaptée, nous pouvons alors utiliser une autre plaque

Fig. 8. a : La face externe du fémur est abordée par une incision externe directe. b : Le vaste externe est relevé à l’aide d’un écarteur de Homan.

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La gonarthrose

Fig. 9. La broche guide mise en place au moteur dans une direction oblique de dehors en dedans et de proximal à distal. Elle doit rester à distance de la trochlée fémorale.

Fig. 10. L’ostéotome est introduit parallèlement à la broche guide sur sa face proximale afin d’éviter les fractures intra-articulaires.

Fig. 11. L’impacteur en coin est introduit dans le foyer d’ostéotomie et est avancé progressivement jusqu’à ce que l’ouverture obtenue corresponde à celle planifiée.

avec un bloc métallique plus volumineux ou au contraire plus petit. La plaque est alors fixée par quatre vis corticales en amont de l’ostéotomie et deux vis spongieuses en aval (fig. 13). Nous préférons mettre en place la plaque sur le côté externe du fémur pour des raisons biomécaniques. En effet, lors de l’appui monopodal sur un genou normo-axé, la corticale externe est le siège de forces en tension du fait des contraintes varisantes. Dans un genu valgum important, l’axe mécanique est déplacé du côté externe et c’est la corticale interne qui est soumise aux contraintes en tension. Après une ostéotomie de varisation, l’axe mécanique est normalisé et la plaque doit être appliquée sur la face externe pour neutraliser les forces de tension.

Ostéotomie fémorale d’ouverture dans le genu valgum

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Fig. 12. Avant de fixer définitivement la plaque, la correction est vérifiée sous amplificateur de brillance.

La greffe osseuse L’incision cutanée est réalisée depuis l’épine iliaque antéro-supérieure vers l’arrière sur 8 à 10 cm. Nous prélevons deux ou trois greffons cortico-spongieux formant un coin de même taille que l’ouverture mesurée dans le foyer d’ostéotomie. Les greffes doivent être introduites en « press fit » pour combler parfaitement le défect osseux. Il est aussi possible d’utiliser d’autres greffes, telles que de l’os de banque ou de l’os synthétique notamment Hatric® (Arthrex, Inc, Naples, FL) ou même de l’os bovin congelé. Certains auteurs par ailleurs, ne greffent pas et laissent le défect en l’état. Une greffe est recommandée lorsqu’on réalise une ostéotomie d’ouverture de plus de 7,5 cm. En deçà, il n’y a pas de règle et la greffe n’est pas obligatoire. Le positionnement correct de la plaque et des greffons doit être confirmé avec des radiographies de face et de profil (fig. 14). La fermeture est réalisée à l’aide d’un drain au niveau du foyer d’ostéotomie. Si l’articulation était ouverte, un deuxième drain intra-articulaire doit être mis en place.

Difficultés techniques et complications Fracture articulaire La survenue d’un trait de refend intra-articulaire est toujours possible. Cela est généralement dû à une erreur technique et peut se rencontrer dans deux situations : • Si la broche guide a été introduite trop distale, il reste trop peu d’os métaphysaire entre le foyer d’ostéotomie et la surface articulaire. • Si l’ostéotomie a été incomplète, notamment au niveau des corticales antérieures et plus souvent postérieures. Il faut alors appliquer une force en varus trop importante et cela peut conduire à une fracture. Le plus souvent, il est possible de fixer ce trait de refend articulaire à l’aide d’une des vis.

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La gonarthrose

Fig. 13. La plaque est alors fixée par deux vis spongieuses distales et quatre vis corticales proximales.

Fig. 14. Le positionnement de la plaque est vérifié par des radiographies de face et de profil.

Déplacement du foyer d’ostéotomie Lorsque la charnière interne n’est pas respectée, il peut se produire un déplacement au niveau du foyer d’ostéotomie. Il se produit habituellement un glissement interne de la diaphyse. Le traitement doit être avant tout préventif avec une intro-

Ostéotomie fémorale d’ouverture dans le genu valgum

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duction suffisamment distale de la broche guide et surtout le maintient d’une bonne charnière interne. Si un déplacement se produit, il peut être stabilisé en utilisant une agrafe interne mise en place par une deuxième incision.

Défaut de fixation Le positionnement de la plaque en T sur la face externe du fémur doit être parfait. L’ostéotomie doit être perpendiculaire à l’axe du fémur afin d’aligner parfaitement la branche principale de la plaque sur la diaphyse. Si le trait d’ostéotomie n’est pas perpendiculaire à la diaphyse, la plaque sera déviée par le bloc métallique qui forme avec elle un angle droit. Or, si la branche verticale de la plaque n’est pas alignée sur la diaphyse, la deuxième branche horizontale de la plaque ne sera pas alignée sur l’épiphyse, et les trous risquent de se situer en dehors de l’os (fig. 15).

Les lésions vasculo-nerveuses Cette complication est rare, mais des accidents ont été rapportés dans la littérature. Cela impose une protection des parties molles par des écarteurs appropriés et de maintenir le genou en flexion pendant la réalisation de l’ostéotomie. Par ailleurs, l’hémostase lors de l’abord chirurgical doit être particulièrement soigneuse au niveau des vaisseaux perforants. Les retards de consolidation ou les pseudarthroses peuvent bien sûr se produire mais cette complication est rare. Dans notre série comportant 44 ostéotomies tibiales et 21 ostéotomies fémorales avec un recul minimum de un an, nous n’avons eu aucune pseudarthrose. Cela est probablement lié à l’utilisation systématique de greffe osseuse pour combler le foyer d’ostéotomie.

Fig. 15. Le positionnement sagittal de la plaque est imposé par la cale métallique perpendiculaire à la partie longue de la plaque. Si le trait d’ostéotomie est oblique, cela entraîne un positionnement vicieux de la plaque entraînant des défauts de fixation.

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Paralysie du nerf sciatique poplité externe Lorsqu’il s’agit d’un valgus très important, une parésie transitoire du nerf sciatique poplité externe peut se produire du fait de la traction.

Perte de correction Dans toute ostéotomie d’ouverture, un écrasement secondaire de la greffe peut entraîner une perte de correction angulaire. Les plaques conçues spécialement à cet effet sont efficaces pour éviter cette complication. Une réapparition de la déformation peut toutefois s’observer sur le long terme en cas d’aggravation de l’usure intra-articulaire.

Suite opératoire et rééducation En postopératoire, le membre inférieur est immobilisé dans une attelle articulée. Des exercices de mobilisation passive en flexion-extension, éventuellement par arthro-moteur, sont rapidement débutés de même que le travail du quadriceps, des exercices d’élévation jambe en extension qui sont débutés le lendemain de l’intervention. Les drains sont enlevés à 48 heures postopératoires, et la marche est autorisée sans appui à partir du deuxième jour postopératoire. La sortie est réalisée au quatrième ou cinquième jour postopératoire. En principe la récupération des amplitudes est complète durant les quatre premières semaines. À six semaines postopératoires, un appui progressif est autorisé et l’appui complet est possible après huit à neuf semaines quand les radiographies montrent une bonne consolidation.

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Les prothèses unicompartimentales : résultats, causes d’échecs, indications P. Landreau

Pourquoi garder une place à la prothèse unicompartimentale ? Cette question provocatrice mérite d’être posée. En effet, l’arthroplastie unicompartimentale du genou est proposée comme une alternative de l’ostéotomie d’une part et de la prothèse totale d’autre part. L’ostéotomie, intervention conservatrice a depuis longtemps, fait les preuves de son efficacité dans l’arthrose fémoro-tibiale interne ou externe sur déformation en varus ou valgus du sujet jeune. L’arthroplastie totale donne des résultats de plus en plus satisfaisants et moins aléatoires que ceux de la prothèse unicompartimentale. Il est donc légitime de se demander si celle-ci a un intérêt dans l’arthrose fémoro-tibiale interne ou externe. Ce type d’implant a connu un engouement certain à ses débuts en raison de son concept simple et élégant d’autant que la prothèse totale donnait, à cette époque, des résultats incertains. Mais ses échecs précoces ont refroidi bon nombre de chirurgiens, à tel point que certains ont abandonné cette technique, encouragés par l’amélioration régulière des résultats de l’arthroplastie totale. Pourtant, la prothèse unicompartimentale présente de nombreux avantages. Comparée à l’ostéotomie, elle a des résultats initiaux supérieurs pour une moindre morbidité. Elle permet un traitement intra-articulaire des causes éventuelles de limitation de mobilité. Comparée à la prothèse totale, elle présente une morbidité beaucoup moins importante, surtout depuis l’apparition des techniques de « mini-abord », ce qui est un argument indéniable chez les sujets âgés et fragiles. Son résultat sur la mobilité et d’une façon générale sur la fonction et la proprioception est supérieur à la prothèse totale. Il est certain que le discrédit jeté sur cet implant a une origine multifactorielle. – Des erreurs de conception des implants, au début de l’expérience, ont abouti à des échecs précoces. – Il a fallu plusieurs années d’expérience pour définir les indications et les contreindications de cet implant et pour comprendre ou faire comprendre le concept : la prothèse unicompartimentale doit être conçue comme une « cale articulaire » qui vient combler la composante d’usure osseuse sur un genou peu déformé, aux ligaments intacts et qui doivent le rester au cours du geste chirurgical. Il ne s’agit en aucun cas d’une demi-prothèse. – Le concept en lui-même rend compte de la difficulté du geste chirurgical. Le réglage dépend plus de l’expérience de l’opérateur que de l’automatisme d’un ancillaire. Après avoir présenté les résultats de cet implant, nous essaierons de définir ses indications actuelles.

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Résultats Difficultés de l’analyse des résultats L’analyse objective des résultats des prothèses unicompartimentales est difficile pour plusieurs raisons. Certains des premiers implants comportaient des erreurs de conception. Les prothèses trop contraintes étaient compliquées de descellements fréquents (1). Le dessin de certaines pièces fémorales a également entraîné des échecs grevant les résultats initiaux. L’épaisseur du polyéthylène doit être au minimum de 6 mm, ce que recommandait Marmor dès 1980 (2). Le metal back a été introduit pour diminuer le fluage du PE. Afin d’éviter une résection osseuse trop importante, l’apparition de cette embase métallique s’est parfois faite au détriment de l’épaisseur du PE, descendant à 4 ou 5 mm avec les conséquences que l’on connaît sur l’usure (3). Les contre-indications et les principes de pose ne se sont précisés qu’au fil des années et de l’expérience. Certaines publications rapportaient par exemple encore récemment des séries de prothèses uni, mises en place sur des genoux dont le ligament croisé avait disparu, ce qui ne peut qu’être péjoratif. La comparaison avec les prothèses totales, en particulier en terme de courbes de survie, se heurte à cet écueil. On est amené à comparer d’un côté des prothèses totales dont le dessin, les indications et les principes de mise en place ont peu évolué ces dernières années et des prothèses unicompartimentales qui présentent les caractères inverses. Sans chercher à défendre coûte que coûte la prothèse unicompartimentale, il faut tenir compte de ces éléments et avoir une lecture critique des publications.

Les courbes de survie Les chiffres sont variés, témoignant de prothèses, indications et techniques différentes. Les chiffres vont de 93 % à 12 ans à 67 % à 10 ans (4, 5, 6, 7, 8, 9, 10). Au cours du symposium de la SOFCOT de 1995 (11), en prenant comme événement la reprise, le taux cumulé de succès ou survie de la prothèse à 10 ans était de 67 % et de 57 % à 15 ans pour les prothèses unicompartimentales internes. La série comportait 483 prothèses internes. La courbe de survie des prothèses externes était un peu meilleure. Il faut préciser que le taux de réinterventions était nettement inférieur au nombre de dégradations radiologiques observées. Ceci s’explique sans doute par l’âge élevé des patients, moins exigeants sur le plan fonctionnel. De plus, on sait que les prothèses uni peuvent se dégrader radiographiquement sans qu’il n’y ait pour autant de parallélisme anatomo-clinique. Quoiqu’il en soit, il est indéniable qu’actuellement, les courbes de survie des prothèses unicompartimentales sont moins bonnes que celles des prothèses totales (12, 13).

Les résultats cliniques Mais courbe de survie ne signifie pas qualité de vie, et c’est bien l’argument essentiel de la prothèse uni. Il n’est possible de retenir que les études ayant évalué leurs résultats selon l’IKS (International knee society) si l’on veut les comparer à ceux des prothèses totales. Le score genou, selon les séries, va de 72 à 90 (10, 14). Le score fonction, lui, s’éta-

Les prothèses unicompartimentales : résultats, causes d’échecs, indications

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le de 57 à 84. Il s’agit de moyennes avec des écarts types parfois importants, traduisant que la prothèse uni peut donner des résultats cliniques remarquables mais également moyens. Lors du symposium de la SOFCOT, nous avions revu 483 prothèses unicompartimentales correspondant à 69 nécroses du condyle interne et 414 arthroses fémoro-tibiales internes (15). Les patients avaient été opérés à un âge moyen de 72 ans. Le score fonctionnel était passé de 54 points à 71 points au recul de 6 ans, avec un gain homogène sur la marche, la pratique des escaliers et l’utilisation ou non d’une canne. Le gain du score genou etait beaucoup plus important, passant de 32 à 76 points. Le gain fonctionnel apporté par une prothèse unicompartimentale était le même, que ce soit en externe ou en interne. Par contre, la gain du score genou était significativement plus important pour les unicompartimentales externes. Il semble donc que le résultat des prothèses uni, en terme de survie et de score genou est meilleur en externe qu’en interne (16).

Les causes d’échec En dehors du sepsis qui n’est pas spécifique de ce type d’implant mais dont la fréquence est peu importante (0,7 % dans la série du symposium de 1995), trois causes principales d’échecs se dessinent : la laxité, l’usure et le descellement (tableau 1). Tableau 1. Causes des reprises pour échec mécanique dans les prothèses unicompartimentales (Symposium SOFCOT 1995) [16] Reprises pour échec mécanique

Laxité

Usure

Descellement

Autres

Externes

8,6 %

47,1 %

11,8 %

17,6 %

23,5 %

Internes

12,8 %

23,7 %

13,6 %

50,8 %

11,9 %

La laxité concerne aussi bien celle liée à une atteinte du ligament croisé antérieur que celle de la convexité. Qu’il s’agisse d’une laxité chronique antérieure ancienne ou d’une rupture secondaire du LCA par l’arthrose, les résultats médiocres et le taux de reprises observés chez ces patients incitent à déconseiller la mise en place d’une prothèse unicompartimentale dans ces cas. Il faut être en particulier prudents dans les arthroses fémoro-tibiales externes ou il peut exister une laxité de la convexité qui, même en l’absence de rupture associée du LCA, peut aboutir à un échec précoce. L’usure et le descellement représentent à eux deux la cause principale de reprise des prothèses internes. Le descellement est lié à divers facteurs plus ou moins associés : varus résiduel important, laxité résiduelle, usure du polyéthylène favorisée par sa faible épaisseur, position anormale de la pièce fémorale. Parmi les autres causes, il faut citer la dégradation du compartiment opposé, ce qui souligne l’intérêt d’éviter l’hypercorrection dans ce type d’intervention. Les conflits entre pièce fémorale et épines tibiales d’une part, rotule d’autre part, sont possibles et parfois tolérés sans qu’une reprise soit nécessaire.

Indications Les indications présentées dans ce chapitre essaieront d’être le reflet de l’expérience de plusieurs chirurgiens ayant une grande connaissance de la prothèse uni-

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La gonarthrose

compartimentale mais également de la littérature, et tout particulièrement des résultats du symposium de la SOFCOT 1995 auquel nous avons participé (17). La question qui se pose au clinicien devant une atteinte unicompartimentale du genou est de savoir s’il doit réaliser une ostéotomie, une prothèse unicompartimentale ou une prothèse totale. Nous allons considérer plusieurs facteurs qui sont apparus comme des éléments déterminants dans la qualité des résultats au fil des années.

L’âge C’est un facteur essentiel. La mise en place d’une prothèse unicompartimentale entre 55 ans et 60 ans fait peser un risque important de reprise à plus ou moins long terme. À cet âge, une ostéotomie est préférée, intervention plus conservatrice mais plus lourde en terme de réhabilitation postopératoire, ce que peuvent supporter plus facilement les patients jeunes. Cette ostéotomie ne met pas non plus le patient à l’abri de l’arthroplastie secondaire. Cet argument d’évolution quasi obligatoire, dans les deux cas, vers la prothèse totale de genou, a amené certains auteurs à donner des avantages à l’une ou l’autre des techniques. Pour certains, la reprise par PTG est plus facile après ostéotomie tibiale qu’après prothèse unicompartimentale. Pour d’autres, c’est l’inverse. En fait, tout semble dépendre de la qualité technique de la première intervention. L’arthroplastie totale sur antécédents d’ostéotomie n’est réellement complexe que s’il existe une déformation résiduelle importante avec un véritable cal vicieux de l’extrémité supérieure du tibia et interligne oblique. Après prothèse unicompartimentale, l’intervention n’est pas difficile si le stock osseux a été préservé lors de la première intervention, c’est-à-dire, en somme, si les recommandations techniques actuelles ont été respectées. Avant 60 ans, la prothèse UNI est donc une alternative à l’ostéotomie mais son indication doit être réservée à des cas particuliers. À l’inverse, au-delà de 75 ans, la moindre morbidité de cette intervention, associée au fait que l’activité de ces patients est moins importante en fait une excellente indication et une alternative à la prothèse totale. Entre ces deux âges « extrêmes », le choix du praticien dépendra de multiples facteurs mécaniques mais également du profil du patient et de l’expérience du chirurgien.

Le poids Même si nous n’avions pas trouvé de corrélation franche entre échecs et surcharge pondérale lors du symposium de la SOFCOT, il nous semble prudent de ne pas conseiller la mise en place de prothèse unicompartimentale chez les patients obèses. Il est également raisonnable de choisir un implant en polyéthylène suffisamment épais (plus de 8 mm) chez les patients lourds, en particulier les hommes musclés et actifs.

L’étiologie Les nécroses du condyle interne sont une excellente indication de prothèse unicompartimentale, mais également d’ostéotomie. Seul l’âge, avec les mêmes remarques que celles précédemment exposées, permettront de choisir entre l’une ou l’autre.

Les prothèses unicompartimentales : résultats, causes d’échecs, indications

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Les pathologies inflammatoires du genou sont une contre-indication, car il est évident que le remplacement prothétique limité n’empêchera pas les lésions d’évoluer dans les deux autres compartiments. Il faut, à ce propos, différencier les dépôts calciques méniscaux banals qui ne contre-indiquent pas ce type de prothèse de la chondrocalcinose « maladie » avec ses signes radiographiques rotuliens qui ne peut être traitée pas un remplacement localisé de l’articulation.

L’importance de l’usure cartilagineuse Elle doit être évaluée par des radiographies en schuss. Le pincement complet est en faveur de la prothèse unicompartimentale plutôt que de l’ostéotomie chez un sujet de la soixantaine. Mais l’usure osseuse, si elle est importante, oblige parfois à passer à l’arthroplastie totale si les calques préopératoires montrent que la cale prothétique ne permettra pas de combler la perte de substance osseuse. Les clichés en varus et valgus forcés permettent de juger au mieux le cartilage du compartiment fémoro-tibial opposé. Il peut arriver que ceux-ci révèlent un pincement minime du cartilage opposé, ce qui contre-indique la prothèse unicompartimentale. Ces clichés ont également l’avantage de parfois mettre en évidence une laxité dans le plan frontal, passée inaperçue.

L’état ligamentaire L’absence de ligament croisé antérieur est une contre-indication absolue à la mise en place d’une prothèse unicompartimentale. Il peut s’agir de séquelles traumatiques plus ou moins anciennes ou d’une destruction progressive du ligament par les ostéophytes de l’échancrure et par la déformation articulaire. Le diagnostic clinique est souvent suffisant car il s’agit de genoux encore peu déformés pour lesquels la recherche du Lachman est possible. Cependant, lorsqu’il existe une cupule d’usure tibiale, le tiroir antérieur peut être faussement négatif. Les radiographies de profil en schuss permettent de démasquer habituellement la translation tibiale antérieure. Les clichés en stress (Telos) peuvent parfois être utiles. L’IRM est également utile pour juger le pivot central. En fait, le diagnostic n’est parfois fait qu’en peropératoire. Il s’agit donc du premier geste à effectuer après arthrotomie : vérifier le pivot central au même titre que le compartiment opposé. Il n’est donc pas raisonnable de débuter une intervention pour mise en place d’une prothèse unicompartimentale sans avoir la possibilité de changer l’indication en arthroplastie totale. Cela suppose d’avoir à sa disposition, au bloc opératoire, les deux types d’implant.

L’axe fémoro-tibial Il est conseillé de ne proposer une prothèse unicompartimentale que lorsque l’axe fémoro-tibial ne dépasse pas 15°, que ce soit en valgus ou en varus. La prothèse uni doit laisser une hypo-correction ne dépassant pas 5°, ce qui est très difficile pour les axes préopératoires au-delà de 15°, dans la mesure où l’on respecte les principes de mise en place de cette prothèse (absence de libération ligamentaire).

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La déformation osseuse L’absence de varus épiphysaire tibial est une condition préalable à l’indication de prothèse unicompartimentale. En effet, une ostéotomie sur ce type d’arthrose unicompartimentale (en particulier interne) est souvent mal supportée en raison du cal vicieux qu’elle induit. De plus, la reprise de ces ostéotomies par prothèse totale est parfois difficile. Une arthrose fémoro-tibiale interne sur tibia droit survenant chez un patient d’à peine 60 ans est ainsi pour certains, une indication de prothèse uni plutôt que d’ostéotomie. Le varus épiphysaire, lorsqu’il ne dépasse pas 6°, reste une bonne indication d’arthroplastie unicompartimentale car celle-ci laissera un varus modéré avec petite hypo-correction. S’il est important, au-delà de 6°, l’indication se discute car la prothèse uni risque de laisser une hypo-correction importante, ce qui est un facteur d’échec connu. Pour améliorer la correction de l’axe, il faudrait faire une libération interne ce qui est fortement déconseillé, la prothèse uni ne devant jouer qu’un rôle de « cale ». Certains ont donc proposé de réaliser une ostéotomie de correction du varus épiphysaire, et dans le même temps, la prothèse uni. Il est sans doute raisonnable dans ce cas de préférer la prothèse totale. Les valgus fémoraux, avec hypoplasie condylienne externe, sont également une indication de prothèse unicompartimentale à la condition que la prothèse puisse combler le « trou » externe. Cela impose parfois, si le condyle est hypoplasique, d’utiliser une pièce fémorale épaisse. Il n’est pas possible de compenser par la pièce tibiale, car une épaisseur trop importante de polyéthylène tibial crée un interligne surélevé, c’est-à-dire asymétrique, préjudiciable pour le résultat. Les calques préopératoires, avec correction de la déformation, permettent de choisir entre prothèse uni et totale.

L’état du compartiment fémoro-patellaire Autant la moindre atteinte du compartiment fémoro-tibial opposé doit contreindiquer la prothèse unicompartimentale, autant l’atteinte fémoro-patellaire mérite plus discussion. Son atteinte cartilagineuse, si elle modérée, ne contreindique pas nécessairement la mise en place d’une prothèse uni. C’est la clinique qui permet habituellement de trancher. L’absence de symptomatologie fémoro-patellaire, même si l’on constate des remaniements radiographiques sur les clichés de profil et fémoro-patellaires, autorise la mise en place d’une prothèse uni. À l’inverse, des douleurs antérieures, en particulier dans les escaliers, risquent de persister après l’intervention même si les radiographies sont peu parlantes. Il faut peu espérer des gestes de dénervation rotulienne ou des exérèses d’ostéophyte s’il existait une symptomatologie fémoro-patellaire franche en préopératoire. On peut sans doute tolérer quelques douleurs si le patient est âgé, à la demande fonctionnelle limitée. L’intérêt de la prothèse uni avec sa morbidité moins importante peut alors l’emporter sur la volonté de faire disparaître la totalité de la symptomatologie douloureuse par une intervention plus lourde. Il faut, à ce propos, insister sur l’importance de l’interrogatoire et de l’examen clinique dans la décision d’une prothèse unicompartimentale. La douleur doit être fémoro-tibiale interne ou externe, isolée. L’existence de douleurs globales du genou, même si les radiographies montrent une atteinte très localisée, doivent rendre très prudent.

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La mobilité préopératoire La flexion préopératoire est un élément important, en pratique quotidienne, pour le choix de l’implant. En effet, à l’heure où les patients sont de plus en plus exigeants sur la qualité fonctionnelle du résultat, il est plus facile de promettre à un patient ayant une flexion préopératoire presque normale, de la conserver après prothèse uni qu’après prothèse totale. Le flessum est un problème plus mécanique. Il faut différencier le flessum par butoir antérieur, souvent dû à un bloc osseux antérieur du compartiment atteint ou à une ostéophytose de l’échancrure, du flessum lié à une rétraction capsulaire postérieure. Dans le premier cas de figure, la mise en place de la prothèse uni sera accompagnée d’un geste de résection antérieure des fragments osseux ostéophytiques. En cas de rétraction importante capsulaire postérieure, il est plus difficile de réaliser une arthrolyse postérieure de qualité au cours d’une prothèse unicompartimentale que d’une prothèse totale.

Les antécédents chirurgicaux Les antécédents de méniscectomie ou de gestes cartilagineux simples n’ont bien sûr aucune influence sur l’indication prothétique. Par contre, les antécédents d’ostéotomie doivent rendre prudent. Il est habituellement déconseillé de reprendre un échec d’ostéotomie par prothèse uni. En fait, tout dépend de la correction qu’a permise l’ostéotomie. S’il s’agit d’une hypo-correction, on se retrouve dans le cadre d’une usure et d’une déformation assez comparable à celle qui existait en préopératoire. La prothèse unicompartimentale peut, dans ce cas, être réalisée sans danger. Dans le cas d’ostéotomies ayant abouti à une normo ou une hypercorrection, il s’agit d’une indication de prothèse totale, d’autant que l’arthrose s’est souvent globalisée.

Conclusion Après des années de débats passionnés et contradictoires et à la lumière des séries à long terme et des échecs constatés, il est possible de définir la place de l’arthroplastie unicompartimentale dans l’arthrose fémoro-tibiale interne ou externe. Ceux qui ont l’expérience de cette prothèse savent bien qu’aucune prothèse totale ne peut donner un genou aussi « normal » qu’une prothèse unicompartimentale. Mais les indications restent limitées et de leur respect scrupuleux dépendent la bonne réputation et l’intérêt de cette arthroplastie.

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Les prothèses unicompartimentales : principes techniques G. Deschamps

Les prothèses unicompartimentales du genou s’adressent exclusivement à l’arthrose du genou lorsque l’atteinte dégénérative est limitée à l’un des deux compartiments fémoro-tibiaux. Le succès de l’intervention dépend de multiples facteurs qui concernent l’indication et la technique opératoire. Si les indications semblent aujourd’hui bien codifiées grâce aux travaux récents auxquels nous avons, pour certains, contribué (1, 4), la technique opératoire est un élément important car les Prothèses Unicompartimentales (UNI) semblent beaucoup moins « tolérer » les imperfections que les Prothèses Totales (PTG). Pour comprendre les motifs des règles techniques que nous aborderons ensuite, il nous semble important de cibler le rôle de l’UNI dans le traitement de l’arthrose unicompartimentale du genou et l’objectif poursuivi lors de sa réalisation.

Concept et Philosophie de l’UNI L’indication Si nous nous limitons aux arthroses purement unicompartimentales au stade chirurgical, trois types d’indications peuvent être proposées. Leur choix dépend de l’âge et surtout du niveau d’activité des patients, de leur poids, de l’état ligamentaire (en particulier du pivot central) et enfin de l’importance de la déformation. L’indication idéale d’UNI concerne un patient peu actif, âgé de plus de 60 ans, sachant que plus le sujet est âgé ou fragile, plus nous aurons tendance à privilégier l’indication d’UNI. Le poids doit être inférieur à 85 kg en tenant compte de la corpulence globale (rapport poids/taille). Le pivot central doit être intact. La déformation doit être modérée et surtout réductible, sans hypercorrection (passage d’un varus à un valgus lors des clichés en stress et vice versa). La déformation résiduelle, après correction, ne doit pas dépasser 5° de varus pour un genu varum, et 5° de valgus pour un genu valgum. Par comparaison, les ostéotomies ne peuvent s’adresser qu’à des patients actifs âgés de moins de 60 ans et uniquement si l’arthrose unicompartimentale est associée à une déformation osseuse (tibia varum ou, à l’inverse, tibia valgum ou, valgus fémoral excessif).

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Quant aux PTG, elles peuvent se discuter devant toute arthrose dégénérative, quelle qu’en soit l’origine et, quelle que soit la déformation osseuse réductible ou non. Seule la notion d’âge et le niveau d’activité peuvent faire discuter des limites de leurs indications.

Les objectifs Nous limiterons la discussion aux objectifs en matière de correction de la déformation. De façon très globale : – Une ostéotomie s’adresse à une déformation osseuse, le plus souvent métaphysaire qu’elle doit hypercorriger pour être efficace. – Une PTG a pour objectif la restitution d’un axe neutre à 180° dont dépend la stabilité et la longévité de l’implant. – La prothèse unicompartimentale ne peut, quant à elle, que corriger la composante d’usure de l’arthrose. C’est-à-dire que l’objectif est de restituer l’axe mécanique qu’avait le patient avant la phase d’usure. L’objectif est donc une hypo-correction au sens ou l’UNI ne doit jamais corriger l’axe au-delà de la compensation de l’usure, ce qui interdit tout geste de relâchement ligamentaire. Comme nous le verrons, la remise en tension sans excès de l’enveloppe ligamentaire de la concavité de la déformation est le véritable critère de qualité et le guide des limites de la correction appliquée à la déformation. Ceci justifie le terme de « cale » articulaire fréquemment employé pour qualifier l’UNI.

Philosophie de l’UNI Cette intervention a pour principale caractéristique sa faible agressivité. En contrepartie, elle comporte un risque d’échec, le plus souvent rapide, lié, le plus souvent, à des imperfections techniques ou d’indication. Ces aléas ont pu créer, chez certains opérateurs peu expérimentés, une crainte justifiée vis-à-vis de cette intervention. Cependant, la plupart des chirurgiens restés attachés à l’UNI sont ceux qui ont compris les finesses et, surtout, ce que nous considérons comme la « philosophie » de l’intervention. Celle-ci ne doit en aucun cas être considérée comme une « demi-prothèse totale ». Sa technique de pose doit s’accompagner de voies d’abord limitées, volontairement restreintes, récemment découvertes par les Anglo-Saxons sous l’appellation de « mini invasive arthroplasty ». La voie d’abord dépasse à peine le bord supérieur de la rotule, celle-ci est réclinée et jamais éversée et retournée comme pour une PTG. Les ligaments sont soigneusement respectés car il sont le guide du « remplissage », sans excès de l’espace créé par les coupes. L’ancillaire utilisé doit s’adapter à ces contraintes et éliminer par principe les guides centro-médullaires qui risqueraient, non seulement d’altérer les insertions du pivot central mais aussi, de favoriser le risque de saignement postopératoire. L’objectif est ainsi la réalisation d’une arthroplastie dont les suites sont marquées par l’absence ou la rareté des complications habituelles des PTG qui sont les principales concurrentes des UNI. C’est à cette condition que l’UNI peut et doit survivre avantageusement à la concurrence des PTG, tout en sachant que les progrès réalisés dans le traitement de la douleur post-opératoire et, la prévention des complications ont beaucoup atténué les différences entre les suites d’une PTG et celles d’une UNI. Le but de ce chapitre est de préciser quelques clés techniques glanées au fur et à mesure de notre expérience.

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Principes techniques Généralités C’est par comparaison aux objectifs des PTG que nous allons situer les principes techniques des UNI. Lors de la réalisation d’une PTG, les coupes osseuses sont réalisées perpendiculairement aux axes mécaniques tibiaux et fémoraux. La stabilité ligamentaire est assurée par des gestes de relâchement adaptés à cette contrainte incontournable de la restitution des axes. Ceux-ci comportent principalement des gestes de libération du côté de la concavité de la déformation. Pour les stades d’arthrose auxquels s’adressent les UNI, la déformation est réductible dans des limites prédéfinies qui constituent les limites d’indication fixées (1) : – pas d’hypercorrection ; – déformation résiduelle ne dépassant pas – 5° pour le valgus et + 5° pour le varus Le plan de coupe tibiale doit, dans l’idéal, respecter l’obliquité naturelle de l’interligne, à la fois dans le plan frontal, et dans le plan sagittal. Ces angles peuvent être prédéfinis sur des clichés préopératoires en contrainte (valgus forcé dans l’arthrose fémoro-tibiale interne, varus forcé dans l’arthrose fémoro-tibiale externe). La pente tibiale doit également être restituée et mesurée sur les clichés de profil. Nous verrons plus loin comment réaliser en pratique cette proposition. Ce qu’il convient de comprendre à ce stade, est que le respect de ces plans de coupe permet de restituer précisément le niveau naturel de l’interligne, tel qu’il était avant l’apparition de l’usure. Toute tentative de correction de l’interligne au-delà de cette limite aboutit au risque d’hypercorrection avec deux conséquences : – une hyper-pression sur le polyéthylène (PE) du plateau ; – une hyper-pression sur le compartiment opposé avec un risque de globalisation de l’arthrose. Le meilleur guide d’hypo-correction est la persistance de quelques degrés de bâillement de l’interligne du côté de la concavité de la déformation, c’est-à-dire un léger bâillement de l’interligne prothétique lors des essais, genou en extension, que nous appelons la laxité de sécurité. C’est ce qui interdit, en pratique, tout geste de libération ligamentaire, car c’est sur la tension de l’enveloppe ligamentaire que repose l’appréciation d’une éventuelle hypercorrection de la déformation. On comprend ainsi la surprenante tolérance de certains défauts de coupe tibiale frontale. Une erreur dans le plan de coupe peut être tout à fait tolérée, à condition qu’elle ne conduise pas à des gestes intempestifs de libération ligamentaire dans le but d’améliorer la congruence et l’appui de la pièce fémorale sur le plateau tibial. Si nous prenons l’exemple d’un genu varum dont l’interligne dans le plan frontal est incliné de 4° par rapport à l’axe tibial mécanique, l’angle de coupe tibiale doit idéalement être orienté obliquement de 4° en bas et en dedans. C’est à cette condition qu’il y aura un appui parfait du condyle fémoral prothétique sur le plateau tibial (fig. 1). Si, dans ce même cas, la coupe tibiale est réalisée perpendiculairement à l’axe tibial mécanique, le plateau doit être sous-décalé pour respecter le principe de l’hypocorrection et le niveau de l’interligne. Une telle coupe réalise un interligne en V (fig. 2), avec sous-décalage en marche d’escalier du plateau. Le seul problème dans cette situation est une impression d’incongruence d’appui entre le condyle prothétique et le plateau. Si l’opérateur accepte cette

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Fig. 1. Coupe tibiale idéale, parallèle à l’interligne, garantissant un appui parfait du condyle prothétique sur le plateau tibial.

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Fig. 2. Coupe tibiale à 90° par rapport à l’axe tibial mécanique. IL en V et incongruence d’appui du condyle.

incongruence, que les dessins modernes des patins fémoraux supportent sans problème, aucune conséquence préjudiciable ne sera observée. Malheureusement, cette situation peut conduire un opérateur peu expérimenté à chercher à corriger cette incongruence. Le risque est d’essayer d’introduire un plateau plus épais, ce qui est possible en relâchant les ligaments. Ceci entraîne alors une ascension de l’interligne, une hyperpression sur le PE et des contraintes excessives sur le compartiment externe liées à l’hypercorrection (fig. 3). Les mêmes règles s’imposent concernant le respect de la pente tibiale. Une coupe systématique à 90° dans le plan sagittal peut, si la pente du patient était initialement supérieure à 10°, entraîner une hyperpression de la partie postérieure du PT en flexion. Nous pensons que de telles erreurs, même minimes, sont susceptibles d’expliquer certaines douleurs postopératoires observées, voire des usures précoces ou des descellements apparemment inexpliqués, mais en fait, totalement explicables. On comprend également que l’objectif ne peut être une moyenne approximative et standard, tant dans le plan de coupe frontal que sagittal, mais bel et bien une coupe adaptée à chaque cas en fonction de l’anatomie de chaque patient, avant l’apparition de l’usure arthrosique. Le but de la suite de notre exposé est de définir la façon de restituer cette anatomie au cours du geste chirurgical.

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Principes techniques UNI interne (AFTI) L’intervention comporte trois temps : – la préparation tibiale, – le centrage fémoral, – vérification de l’absence d’hypertension ligamentaire tout au long de l’arc de flexion.

Préparation tibiale L’angle de coupe est l’élément primordial à déterminer. Le planning préopératoire est ainsi très important pour mesurer l’angle tibial frontal entre l’interligne, corrigé de l’usure, toujours minime dans les cas auxquels s’adresse l’UNI, et l’axe tibial mécanique. Cet angle définit l’angle de coupe frontal. Cet angle est exceptionnellement à 90° par rapport à l’axe tibial mécanique (cas du tibia droit). Il est habituellement compris entre 2 et 5°. Au-delà de 5°, il faut se méfier d’une erreur de mesure, ou contre-indiquer l’UNI. Il faut en effet éviter des coupes trop en varus qui risqueraient d’entraîner un glissement transversal externe du tibia sous le fémur ou un effondrement de la console tibiale interne (fig. 4). Au cours de l’intervention, l’idéal est de disposer d’un viseur orientable permettant de prérégler l’inclinaison de la plate-forme de coupe dans le plan frontal en fonction de l’angle mesuré sur les radiographies de face préopératoires (pangonogramme corrigé de face en valgus forcé) (fig. 5). Le respect de la pente du patient nous semble plus précis et recommandable que l’application d’une pente fixe prédéterminée dans l’ancillaire. La présence des champs opératoires gêne le report éventuel d’une mesure radiologique. Fig.3. Tentative de corriger l’incongruence des pièces prothétiques en introduisant un plateau plus épais. Hypercorrection avec risque d’hyperpression sur le PE tibial et de globalisation de l’arthrose au compartiment opposé.

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Fig. 4. Coupe tibiale en varus excessif. Effondrement de la console corticale tibiale interne avec descellement.

Fig. 5. Mesures préopératoires frontales sur un cliché en valgus forcé. Le varus résiduel est de 3°, l’angle de coupe tibial frontal (IL) est mesuré à 5° par rapport à l’ATM.

Dans l’ancillaire que nous avons développé pour la prothèse UNI HLS® (Tornier Saint Ismier France), le viseur tibial est orientable dans le plan frontal et muni d’un compas permettant de régler l’angle de coupe frontal (fig. 6). La plate-forme de coupe comporte des orifices destinés à mettre en place des broches guides de coupe. Le viseur étant préréglé dans le plan frontal, une broche est introduite dans l’interligne fémoro-tibial concerné. Elle va permettre de définir la pente (fig. 7). Dans la mesure où nous éliminons, par définition, de nos indi-

Fig. 6. Viseur orientable avec compas de réglage de l’inclinaison de la coupe tibiale (index).

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Fig. 7. Réglage de la pente grâce à une broche introduite dans l’interligne fémorotibial. Cette broche tangente au plateau définit précisément la pente du patient.

cations les arthroses avec laxité antérieure et cupule d’usure postérieure, cette référence ne présente aucun risque de créer une pente excessive. La partie supérieure du gabarit est alors fixée par une broche centrale introduite quelques millimètres sous le massif des épines. Sa partie distale est alignée au centre de la cheville. Le genou est alors porté en extension. La broche intraarticulaire est restée en place et va permettre de définir le point de référence de la hauteur de résection tibiale, deuxième étape importante. Nous partons du principe que l’UNI doit être un resurfaçage, en particulier au niveau fémoral. Aucune coupe ne doit être réalisée à la partie distale du fémur. Le patin condylien vient combler la zone centrale d’usure, toujours présente sur le condyle fémoral, parfois avantageusement soulignée par un bourrelet ostéophytique périphérique qui dessine l’emplacement idéal de la pièce fémorale de l’UNI. De ce fait, le sous-sol densifié et résistant de cette zone d’usure sera un appui solide et idéal de la pièce fémorale et peut servir de point de départ de la reconstruction. La broche intra-articulaire étant en extension en appui sur cette zone condylienne ulcérée, elle sert de repère (point 0) de la mesure. Une réglette centrale vient au contact de la broche de fixation centrale du gabarit tibial définissant le point 0 de la mesure. La broche intra-articulaire est alors ôtée et la réglette centrale permet de régler la hauteur de coupe tibiale. La mesure reportée sur la réglette intègre l’épaisseur du patin condylien standard (3 mm), l’épaisseur du PE tibial (en général 9 mm minimum de principe), auxquels on ajoute 2 mm de laxité dite « de sécurité ». Ainsi, pour un plateau de 9 mm, l’extrémité du palpeur sera abaissé sur la mesure 14 mm de la réglette centrale correspondant à la somme de ces mesures. L’objectif est ainsi de combler parfaitement le vide créé par les coupes sans aucune hypertension ligamentaire. Toute erreur aboutissant à une hyperpression peut être facteur de douleur, puis de descellement du fait des micro-mouvements engendrés sur la pièce tibiale. Au cours des essais, ces hyperpressions ont pour effet habituel d’entraîner un relèvement de la partie antérieure du PT d’essai lors de la flexion ou un déchaussement de la PF. Devant une telle situation, il convient en priorité de vérifier une erreur de la pente de coupe tibial. Enfin, le choix de la taille antéro-postérieure et transversale du PT est également important. Comme pour les PTG, il faut rechercher une couverture optimale, mais à l’opposé, éviter tout débord excessif facteur de frottement caspsulo-ligamentaire et donc de douleurs.

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Préparation fémorale Les objectifs sont : – un bon centrage du patin transversalement ; – une position satisfaisante, en particulier en rotation, afin d’éviter tout conflit agressif du bord antérieur du patin avec la facette interne de la rotule. En principe, comme nous avons vu précédemment (fig. 1), la congruence frontale du patin, bien à plat sur le PT, dépend étroitement de l’orientation adéquate de la coupe tibiale dans le plan frontal. Le choix se résume à choisir la taille de l’implant (rayon de courbure sagittal) et son positionnement antéro-postérieur, évitant tout débord de la partie antérieure par rapport au bord antérieur du plateau en extension. Il peut être utile de ce fait de marquer la projection de ce point au bistouri électrique, genou en extension. Cependant, l’empreinte de l’usure arthrosique du condyle est souvent très nette et marquée par un petit bourrelet ostéophytique qui délimite ce positionnement. Il en est de même pour le centrage transversal qui est souvent guidé par cette empreinte d’usure ainsi que pour la rotation car les rails d’usure indiquent la direction idéale. Ce qu’il faut éviter : – se laisser abuser par un bourrelet ostéophytique interne exubérant qui conduirait à décaler en dedans le patin ; – se laisser guider par une rotation excessive du condyle osseux qui aboutirait à un décalage de la partie antérieure du patin vers l’échancrure (positionnement en RE) susceptible de créer un conflit avec la facette interne de la rotule en flexion ou avec le massif des épines en extension. Ces erreurs sont, comme nous le verrons, plus fréquentes dans les genu valgum. C’est pour faciliter ce temps opératoire que nous avons proposé une plaque de centrage dans l’ancillaire HLS qui permet ce positionnement. Le deuxième temps consiste à réaliser une coupe postérieure du condyle destinée à permettre de créer une place suffisante pour la partie postérieure du patin fémoral. En effet, pour les arthroses auxquelles nous nous adressons, il n’y a jamais d’usure de la partie postérieure du condyle. De ce fait, si aucune coupe n’est réalisée, ceci aboutit à une superstructure du condyle prothétique en arrière susceptible de créer une hyperpression sur le PT en flexion ou une tendance au déchaussement du patin prothétique fémoral. C’est la deuxième cause d’instabilité des pièces à rechercher lors des essais. Cependant, il est à notre avis capital que une fois la coupe réalisée, il y ait un appui parfait de la partie postérieure du patin sur cette coupe. Tout espace vide entre l’intérieur du patin et cette coupe peut créer les conditions d’un descellement de la pièce fémorale du fait des contraintes de tangage créées lors de la flexion. Les descellements ou micro-mouvements peuvent d’ailleurs pour cette raison passer inaperçus sur des clichés de profil en charge lors du suivi des patients. Devant un genou douloureux, seul un cliché en flexion maximum est susceptible de montrer le décollement antérieur du patin expliquant les douleurs alléguées (fig. 8). Comme on peut le voir, la mise en place d’une UNI interne nécessite le respect de nombreuses règles très précises. Plusieurs travaux ont montré la tolérance surprenante de certaines imperfections à l’origine d’ailleurs de controverses sur la justesse de ces propositions. Il nous semble que des défauts minimes puissent en effet être tolérés de façon apparemment surprenante. Cependant, il ne le sont que s’ils n’aboutissent pas à une hypercorrection et une hyperpression, ou à des contraintes alternatives déséquilibrées entre genou fléchi et genou en extension. C’est une telle hyperpression alternée ou continue qui nous semble l’élément majeur de la dégradation précoce de certains implants.

Les prothèses unicompartimentales : principes techniques

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Principes techniques de l’uni externe (AFTE) La mise en place d’une uni externe obéit aux mêmes règles et principes généraux. Nous voudrions seulement préciser les points particuliers, un peu différents par rapport aux UNI internes, qui doivent être soulignés.

La voie d’abord Pour respecter la philosophie de l’UNI, cette voie sera une voie antéro-externe qui évite une arthrotomie élargie et le retournement de la rotule qui serait rendu nécessaire par une voie d’abord antéro-interne. Cette voie d’abord externe doit être suffisamment excentrée, peu étendue en haut, et ne jamais croiser la Tubérosité Tibiale Antérieure. En cas de reprise par une PTG, une voie d’abord trop médiane peut être difficile à reprendre et créer un risque de nécrose cutanée.

Le positionnement du plateau Il doit tenir compte de l’anatomie particulière du condyle externe qui comporte souvent un excès de rotation interne. De ce fait, il est souhaitable de positionner le plateau en légère rotation interne afin d’éviter en extension un conflit de la partie antérieure du patin fémoral avec la partie antérieure du massif des épines. La section verticale de la coupe tibiale est donc un peu décalée en dedans à sa partie antérieure, tout en respectant soigneusement l’insertion du LCA. Dans le plan frontal, il convient surtout d’éviter les coupes obliques en bas et en dedans. Cette tendance naturelle doit être compensée grâce au viseur orientable et aux mesures d’angle idéal préopératoires. Avec l’expérience, il est fréquent de devoir incliner le plateau de coupe de 2° à 3° en bas et en dehors. Le réglage de la pente s’effectue comme pour le plateau interne.

Fig. 8. Cliché de profil en hyperflexion montrant le décollement du patin condylien.

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Le positionnement du patin condylien C’est le temps délicat de l’intervention. L’erreur consiste à se fier à l’obliquité apparente du condyle externe en flexion. Positionner le patin, centré sur le condyle et parallèle au bord externe de celui-ci conduit presque inexorablement à un excès de rotation interne du patin fémoral qui crée en extension un conflit entre l’extrémité antérieure de la prothèse et le massif des épines. C’est dans ce cas que la plaque de centrage, que nous avons développé dans l’ancillaire HLS UNI® (Tornier), s’avère très utile. Elle permet d’éviter cette tendance à la rotation interne et permet de bien centrer le patin en extension. On note fréquemment que ceci amène à positionner la partie antérieure du patin fémoral en position très externe. Il convient, comme le recommande P. Cartier (3), de soigneusement conserver les ostéophytes externes du condyle qui sont souvent le point de support de la partie antérieure du patin fémoral (fig. 9). Cette disposition aboutit fréquemment à des aspects de dérotation déroutant en flexion. Il suffit alors de porter le genou en extension pour comprendre la cinématique très particulière du condyle externe, et observer la justesse de ce choix qui évite, en extension, tout conflit avec le massif des épines, et en flexion, tout contact avec la facette externe de la rotule. Ce n’est qu’après mise en place des pièces d’essai qu’on peut définir la nécessité d’utiliser un patin fémoral plus épais (épaisseur 5 mm) en fonction du siège fémoral prédominant de l’usure. Le guide est le positionnement bien à plat du condyle sur le plateau en extension, tout en laissant persister une légère laxité de sécurité de 2 à 3 mm en extension complète. Celle-ci est le garant de l’absence d’hypercorrection dont le risque maximum se situe dans les genu valgum (risque majeur d’usure du compartiment opposé). C’est la raison pour laquelle nous avons comme P. Cartier, (MOD III® Richards), proposé pour l’UNI HLS®, des patins spéciaux pour AFTE d’épaisseur 5 mm (épaisseur standard 3 mm).

Conclusion C’est au prix du respect de ces règles techniques exigeantes et des indications sélectionnées que la prothèse unicompartimentale peut justifier d’une place de choix dans le traitement de l’arthrose unicompartimentale du genou.

Fig. 9. UNI externe : la partie antérieure du patin fémoral est en appui sur l’ostéophyte externe.

Les prothèses unicompartimentales : principes techniques

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Le regain d’intérêt pour ces implants repose sur la facilité des suites opératoires. L’augmentation de l’espérance de vie amène de plus en plus souvent à proposer une indication chirurgicale chez des patients ayant dépassé 80 ans chez qui l’arthrose est purement unicompartimentale. Prendre le risque d’une PTG dans ces cas où l’atteinte arthrosique est limitée nous paraît excessif. À cet âge, la crainte de l’intervention est légitime et la facilité des suites de l’UNI à l’origine d’un enthousiasme à la hauteur de cette appréhension. À l’opposé, la crainte des praticiens vis-à-vis de cette chirurgie nous paraît le plus souvent reposer sur des publications anciennes relatant des échecs liés à des erreurs techniques ou d’indication aujourd’hui parfaitement répertoriées (4). Nous pensons, sans excès d’optimisme, que les résultats futurs des séries modernes où ces règles exigeantes, mais simples, auront été respectées seront de nature à faire de l’UNI une alternative parfaitement honorable, fiable et attractive à la PTG.

Références bibliographiques 1. Deschamps G (1996) Prothèses unicompartimentales – l’indication idéale. Rev. Chir. Orthop. 82 (suppl. 1) : 53-4. 2. Dejour H, Dejour D, Habi S (1997) Fate of the patellofemoral and of the opposite tibiofemoral compartment, following unicompartmental knee replacement. In : Cartier Ph, Epinette J, Deschamps G, Hernigou Ph, eds. Unicompartmental Knee Arthroplasty, vol 61. Paris : Expansion Scientifique Française 147-50. 3. Cartier Ph, Landreau Ph (1996) Technique de la prothèse unicompartimentale externe. Rev. Chir. Orthop. (suppl. 1) : 25-60. 4. Deschamps G, Cartier Ph (2001) Unicondylar Arthroplasty. In : Malek MM, eds. Knee Surgery : Complications, Pitfalls, and Salvage. NY NY Springer-Verlag 364-79.

Les prothèses fémoro-patellaires V. Chassaing et J. Lemoine

L’arthrose fémoro-patellaire modifie de façon complexe l’anatomie d’une articulation souvent déjà dysplasique. Les repères anatomiques sont parfois difficiles à analyser et l’ancillaire de pose des prothèses fémoro-patellaires n’a pas la rigueur et la précision de celui des prothèses totales. Cette intervention est donc délicate. Elle demande de l’expérience et une bonne connaissance de l’articulation fémoro-patellaire. Devant cette articulation souvent très remaniée, il faut savoir trouver, lors de l’intervention, un compromis entre la recherche d’une anatomie parfaite et l’existence fréquente d’une dysplasie qui a pu modifier cette anatomie. L’implantation de la prothèse doit restaurer une rotule stable avec un engagement satisfaisant, sans conflit ni accrochage. Les modèles de prothèses sont très différents, avec parfois des inconvénients ou des difficultés qui leurs sont propres. Elles ont toutes un bouclier trochléen métallique et une rotule en polyéthylène. Les dessins sont variables. Les rotules peuvent être rondes, en boutons, convexes, ou rectangulaires avec une crête centrale. Les trochlées peuvent être toriques (concaves) ou biconvexes avec une gorge (fig. 1).

Biomécanique Certaines données biomécaniques sont importantes à connaître pour le bon positionnement des implants surtout dans les dysplasies importantes (6, 7, 12).

Fig. 1. Formes les plus fréquentes de prothèses fémoro-patellaires.

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La trochlée fémorale a une joue externe plus haute que la joue interne, la tangente aux deux bords faisant un angle de 10° avec la ligne bicondylienne postérieure. La gorge de la trochlée a une inclinaison frontale oblique en haut en bas et de dehors en dedans faisant en moyenne un angle de 4° à 7° par rapport à l’axe mécanique du fémur (fig. 2). Cette notion est importante pour la préparation de la trochlée, surtout quand celle-ci est très peu formée, voire plate. Fig. 2. L’axe anatomique fémoral (1) fait un angle de 4° à 7° par rapport à l’axe mécanique (2).

La rotule a deux facettes. La facette externe s’articule avec la joue externe de la trochlée dès les premiers degrés de flexion alors que la facette interne n’entre en contact avec la joue interne qu’à partir de 110°. La crête qui sépare les deux facettes ne correspond pas au milieu de la rotule. Elle est située à la jonction 1/3 interne, 2/3 externe. La rotule s’engage dans la trochlée dès les 10 premiers degrés d’extension, zone à risque (accrochage, luxation). Sa course est de 8 cm. Au-delà de 90°, le tendon quadricipital s’appuie directement sur la trochlée et représente 75 % environ du contact appareil extenseur/genou. La rotule quitte alors la trochlée proprement dite pour venir en contact avec les zones d’impression méniscale et s’articuler avec les condyles. La perte de congruence de la rotule avec le bouclier en flexion complète peut expliquer des accrochages lors du passage de la flexion maximale vers l’extension.

Installation Le patient est installé en décubitus dorsal sur table ordinaire, avec un sac de sable ou un cale pied permettant de maintenir une position genou fléchi. Un contre-appui au niveau de la cuisse homolatérale évite la rotation externe de hanche en flexion. Le garrot pneumatique, placé haut sur la cuisse, est utile mais non indispensable.

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Voie d’abord Plusieurs voies d’abord sont possibles (1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 10, 11, 12). Elles doivent permettre la reprise éventuelle par une prothèse totale du genou si une dégradation fémoro-tibiale survient dans les années ultérieures. L’incision est le plus souvent médiane. Les incisions internes ou externes se discutent surtout en cas de cicatrice précédente (fracture de rotule, transposition de la tubérosité tibiale, etc.) afin de limiter le risque de nécrose cutanée. L’incision médiane, permet de réaliser, soit une arthrotomie parapatellaire externe, soit une arthrotomie parapatellaire interne avec éventuellement une section de l’aileron rotulien externe. La voie d’abord doit aussi être choisie pour permettre de modifier l’indication opératoire de prothèse fémoro-patellaire en prothèse totale si l’on découvre en peropératoire une atteinte des compartiments fémoro-tibiaux.

Arthrotomie parapatellaire interne Très utilisée, elle consiste à sectionner l’aileron rotulien interne en remontant entre le vaste interne et le droit antérieur. Il ne faut pas sectionner l’aileron au ras de la rotule mais plutôt à 0,5 cm afin de pouvoir le suturer facilement en fin d’intervention. La mise en place de fils repères sur chaque berge au moment de l’arthrotomie est utile pour la fermeture de l’aileron interne en fin d’intervention. Cet abord autorise une luxation facile de la rotule. Si la résection d’une plica inférieure est souvent nécessaire, il faut respecter le plus possible le ligament adipeux pour préserver la vascularisation de la rotule.

Arthrotomie parapatellaire externe Plus rare, elle a l’avantage de permettre une large libération externe sans décollement cutané et une transposition facile de la tubérosité tibiale quand celle-ci est nécessaire. Elle évite la section de l’aileron interne et conserve donc la vascularisation du bord interne de la rotule. L’aileron rotulien externe est sectionné en respectant la synoviale, puis celleci est incisée de façon décalée pour pouvoir être suturée en fin d’intervention. La luxation de l’appareil extenseur est plus difficile qu’en cas d’abord interne, et nécessite de bien prolonger la section de l’aileron rotulien externe vers le vaste externe en haut et en bas vers la tubérosité tibiale antérieure. L’hémostase du pédicule supéroexterne doit être soigneuse.

Nettoyage articulaire et bilan lésionnel Après l’arthrotomie et l’évacuation d’un épanchement articulaire fréquent, le bilan précise l’état du genou : lésions cartilagineuses fémoro-patellaires, atteinte fémoro-tibiale associée, état des ligaments croisés… L’ablation des ostéophytes

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rotuliens, trochléens mais aussi de l’échancrure doit être soigneuse afin de préciser les dimensions exactes de la rotule et de la trochlée. L’indication opératoire peut alors changer pour une prothèse totale en cas de découverte d’une atteinte fémoro-tibiale.

La section de l’aileron rotulien externe Pour certains, ce geste est systématique car la plupart des arthroses fémoro-patellaires surviennent dans le cadre de dysplasies, mais surtout, parce que les complications habituelles de la prothèse fémoro-patellaire sont des difficultés d’engagement que la section de l’aileron externe améliore. L’exposition de la face endoarticulaire de la rotule est facilitée. D’autres ne font ce geste qu’en cas d’anomalie de la course de la rotule sur la trochlée après mise en place des implants prothétiques. La section de l’aileron rotulien externe pose le problème de la vascularisation de la rotule qui provient des artères articulaires supérieures internes et externes, des artères articulaires inférieures internes et externes et de l’artère récurrente péronéale antérieure. Ces artères constituent un cercle anastomotique autour de la rotule. En cas d’arthrotomie interne, on supprime toute la vascularisation interne de la rotule. Le décollement sous cutané de la face dorsale de la rotule annule l’apport vasculaire central se faisant par la face superficielle de la rotule. Il est donc préférable de sectionner l’aileron par voie endoarticulaire à 1 cm latéralement, ce qui préserve la récurrente péronéale, et donc la vascularisation rotulienne par le ligament adipeux.

Préparation trochléenne La préparation de la trochlée commence par l’ablation des ostéophytes et le dégagement des parties molles de la zone sus trochléenne sur deux à trois centimètres, afin de bien visualiser la partie basse de la métaphyse sur laquelle doit venir s’appuyer la partie supérieure de la prothèse. Les contours de la jonction condylo-trochléenne sont repérés par les impressions méniscales. Certains les marquent au bleu de méthylène. Elles délimitent avec le sommet de l’échancrure intercondylienne, la zone en deçà de laquelle la prothèse ne doit pas être implantée (8). L’arthrose fémoro-patellaire modifie la rotule mais aussi la trochlée. Elle entraîne souvent des remaniements de la gorge, déplacée vers le dehors, et dont l’axe peut être changé. Le repère essentiel est représenté par le sommet de l’échancrure où doit aboutir la pointe du bouclier trochléen. À partir de ce repère, il importe d’orienter la trochlée dans l’axe du fémur, c’est-à-dire, en haut et en dehors (fig. 3). Un axe trop vertical du bouclier (se rapprochant de l’axe mécanique du fémur) entraînerait une rotation interne de la pièce avec une médialisation de son bord supérieur et un risque de mauvais engagement et donc d’accrochage. La prothèse trochléenne doit atteindre le sommet de l’échancrure sans le dépasser pour éviter un conflit avec le massif des épines tibiale en extension. Mais elle ne doit pas non plus être mise trop haut, à distance de l’échancrure, car cette position augmenterait le risque de perte du contact, et donc de conflit rotule/trochlée lors de la flexion complète (fig. 4).

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Fig. 3. Bon positionnement de la trochlée à gauche, incorrect à droite.

Fig. 4. Le bon positionnement (1) du bouclier trochéen par rapport à l’échancrure est nécessaire pour éviter le risque de conflit en extension avec le massif des épines (2) ou la perte de contact avec la rotule en flexion (3).

Après exposition de la trochlée et de la partie basse de la métaphyse fémorale, la préparation trochléenne est différente selon le modèle de prothèse. Il s’agit parfois d’une coupe plane, réséquant toute la trochlée, à l’aide d’un guide adapté. Le plus souvent, c’est un simple resurfaçage, conservant le capital osseux, préservant au mieux l’éventualité d’une reprise ultérieure par prothèse totale (fig. 5). L’os sous chondral est avivé au ciseau concave convexe à la scie oscillante, à la fraise rotative ou à la râpe selon les ancillaires, en particulier au niveau de la joue interne ou de la partie moyenne de la trochlée pour bien encastrer le bouclier. Au cours de cet avivement, il faut veiller à garder l’axe de la gorge trochléenne dans l’axe du fémur. Un défect entre la joue externe de la trochlée prothétique et la joue externe de la trochlée osseuse est fréquent lorsque le versant externe de la trochlée est très

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Fig. 5. Les différents modèles de bouclier trochléen : prothèse de resurfaçage (1), prothèse avec résection osseuse (2).

usé. La reconstruction de cette usure n’est habituellement pas nécessaire. L’application du bouclier sur l’os avivé se fait alors en légère rotation externe, ce qui améliore l’engagement rotulien en repositionnant le bouclier sous une rotule qui a tendance à la subluxation externe. Mais le risque est alors la luxation de rotule. Aussi, en cas d’usure externe importante, la résection externe doit être économe, et l’on peut parfois combler le manque avec du ciment ou un greffon prélevé sur la coupe rotulienne. Cette reconstruction rend plus difficile l’engagement de la rotule mais la stabilise mieux (6). Le bouclier trochléen est habituellement cimenté.

Préparation rotulienne La coupe rotulienne dépend des dégâts osseux. On la réalise après ablation des ostéophytes. Elle est frontale : soit parallèle à la face sous cutanée de la rotule, soit parallèle à sa surface articulaire (fig. 6). La résection osseuse à la scie oscillante doit enlever suffisamment d’os pour ne pas épaissir la rotule prothèsée, sans pour autant la fragiliser. Certains mesurent l’épaisseur de la rotule au pied à coulisse. La résection est d’environ 8 mm d’os au niveau de la joue interne. Il y a peu de problème quand la rotule garde une forme et un capital osseux normal. En revanche, les arthroses fémoro-patellaires évoluées avec d’importants remaniements du versant externe rendent la coupe délicate. La résection est toujours plus importante sur la joue interne que sur la joue externe. Modérée, la coupe osseuse préserve le capital osseux mais oblige à reconstruire le défect osseux par du ciment, voire pour certains à sceller la rotule sur la seule facette externe (6). Plus importante, emportant la totalité de la zone arthrosique, la coupe va affaiblir la rotule en l’amincissant. Dans les rotules de faible épaisseur, il peut être nécessaire de recouper partiellement les plots d’ancrage rotuliens afin que la congruence de l’implant avec l’os spongieux soit parfaite.

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Fig. 6. La forme de la rotule, souvent dysplasique dans ces arthroses fémoro-patellaires, est habituellement asymétrique. Une coupe parallèle à la surface articulaire (2) est préférable car elle respecte, plus que la coupe parallèle à sa face antérieure (1), l’anatomie et la bascule rotulienne préexistante.

Le choix de la taille du médaillon rotulien est parfois délicat car la surface de la rotule est plus rectangulaire transversalement que circulaire, alors que beaucoup de prothèses sont rondes. Un compromis est parfois nécessaire entre une pièce un peu grande et donc débordant les limites osseuses et une pièce trop petite ne recouvrant pas la totalité de la rotule. Si les débords externes ou internes modérés sont assez bien tolérés, il faut éviter les débords supérieurs ou inférieurs qui induisent des conflits avec tendon rotulien et quadricipital. Certains recommandent d’abattre à 45° tous les bords de la rotule qui sont en dehors du disque (12). Contrairement à la surface articulaire de la rotule qui présente une crête plus interne qu’externe, les implants sont symétriques : il en résulte une médialisation rotulienne (fig. 7) que l’on peut chercher à diminuer en positionnant l’implant le plus interne possible sur la rotule. Les implants avec une crête nécessitent de plus le respect de l’axe de la rotule que l’on doit repérer avant la coupe osseuse par marquage au bistouri électrique ou avec des fils repères. Certaines anomalies dépistées en préopératoire peuvent être améliorées. Une rotule un peu haute sera prothèsée en scellant le médaillon un peu plus bas que théoriquement et en le choisissant un peu plus petit pour éviter tout conflit avec le tendon rotulien. À l’inverse, une rotule basse bénéficiera d’un médaillon plus petit et scellé plus haut. Le plus souvent, la rotule est cimentée, mais il existe certains modèle sans ciment.

Implantation et vérifications peropératoires Une fois la rotule et la trochlée préparées grâce à la mise en place des implants d’essai, on réduit la rotule et on analyse sa course lors des mouvements de flexion-extension tout en tirant vers le haut la rotule avec une pince forte de type Museux, afin de reproduire le tonus quadricipital.En effet,l’engagement rotulien peut être correct sous anesthésie et s’accompagner d’un ressaut lors de la flexion active le malade réveillé. On vérifie qu’en extension, la pièce trochléenne ne vient pas en conflit avec l’échancrure, on contrôle le positionnement en hauteur de la rotule, ainsi que l’absence de conflit avec les tendons de l’appareil extenseur. On étudie l’engagement rotulien dans la trochlée. S’il existe un accrochage ou une tendance à la luxation, il faut rechercher une malposition des pièces. En l’absence de défaut important, il faut sectionner l’aileron rotulien et éventuellement transposer la tubérosité tibia-

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Fig. 7. Médialisation de la rotule induite par l’utilisation d’une prothèse rotulienne symétrique.

le antérieure. Il s’agit soit d’une translation interne, soit d’un abaissement avec translation quand la rotule est trop haute et ne s’engage pas dans la trochlée. Le genou doit également être testé en flexion complète, d’autant que les prothèses fémoro-patellaires récupèrent le plus souvent une flexion très importante. Il faut rechercher un ressaut au retour de la flexion maximale vers l’extension qui correspond à un « réengagement » ou à un accrochage de la rotule sur la pointe du bouclier trochléen, car comme nous l’avons vu, en flexion importante, la rotule quitte le bouclier trochléen. La survenue de ce conflit nécessite de modifier la position des implants.

Fermeture Lorsque l’enroulement rotulien est satisfaisant, les pièces sont scellées en 1 ou 2 temps, puis la fermeture est réalisée. L’arthrotomie interne est fermée en deux plans si possible, le genou fléchi, sans décaler les deux bords de la suture ni trop tendre l’aileron. En cas d’abord externe, la section décalée de la synoviale et de l’aileron permet une fermeture articulaire sans tension. Un ou deux drains de redon sont mis en place. Certains lâchent le garrot avant la fermeture pour contrôler l’hémostase.

Suites opératoires Une radiographie de contrôle de face et de profil est réalisée. L’appui complet est autorisé avec deux cannes béquilles jusqu’à l’obtention d’un bon verrouillage quadricipital. La rééducation est débutée dès le lendemain de l’intervention au

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mieux sur arthromoteur. Une attelle amovible d’extension est gardée pendant 1 mois entre les séances de rééducation en cas de transposition de la tubérosité tibiale associée.

Résultats Les résultas publiés des prothèses fémoro-patellaires sont favorables, avec de 62 % à 90 % de bons résultats (1, 2, 3, 4, 5, 9, 10, 11, 12). Malheureusement, les études sont rétrospectives, les prothèses utilisées et les cotations sont souvent différentes et le recul moyen est très variable. Néanmoins, ces résultats semblent meilleurs que ceux des autres traitements chirurgicaux de l’arthrose fémoro-patellaire : transposition de la tubérosité tibiale, patellectomie et patelloplastie. La mobilité du genou, habituellement bonne dans ces arthroses fémoro-patellaires isolées, est en général peu modifiée par la prothèse. Les résultats sont nets sur les douleurs et la stabilité. Pour Argenson (3) et De Cloedt (5), les plus mauvais résultats sont obtenus dans le cas d’arthrose primitive débutant dans l’articulation fémoro-patellaire sans aucun antécédent ni de réaxation de l’appareil extenseur ni traumatique. Si les arthroses post-traumatiques donnent de bons résultats, il faut être prudent en cas de rotule basse (4). La principale cause de changement de la prothèse fémoro-patellaire en prothèse totale (de 2,2 % à 12 % selon les séries) est la dégradation fémoro-tibiale surtout en cas d’arthrose primitive. Witvoet (12) déconseille, sans plus de précisions, la prothèse fémoro-patellaire dans les déviations frontales importantes, plus de 5° de varus et plus de 7 à 8° de valgus. Les descellements des implants sont rares. Aciero (1) et Cartier (4) n’en dénombrent aucun, alors que Witvoet (12) en retrouve 3 sur 78 prothèses. Les problèmes d’engagement sont assez fréquents (jusqu’à 23 % de ressauts dans la série de Witvoet (12)), sauf pour Cartier (4). Ils se démasquent rapidement. Il s’agit soit d’accrochage et de ressaut, soit d’instabilité. Les luxations vraies sont rares. Lenfant (9), avec quatre accrochages dans une série de 28 prothèses, met en avant deux causes, la malposition en rotation interne de la trochlée prothétique ou un défaut de centrage vertical du médaillon, situé trop haut sur la rotule osseuse. Si certains accrochages sont liés à une malposition évidente, on retrouve souvent plusieurs facteurs associés sans qu’aucun d’eux ne soit prépondérant. Les traitements sont, selon les cas, la reprise chirurgicale d’une pièce mal positionnée, la section de l’aileron rotulien externe, quand celle-ci n’a pas été faite, une transposition associée ou non à un abaissement de la tubérosité tibiale antérieure ou la résection d’un conflit externe rotule/implant.

Conclusion Les indications de prothèse fémoro-patellaire sont rares et la sélection des patients doit être rigoureuse. Il s’agit d’arthroses fémoro-patellaires isolées, invalidantes, résistantes à un traitement médical bien conduit et suffisamment longtemps. Il faut en effet noter la fréquence de la bonne tolérance clinique de ces arthroses fémoro-patellaires, même évoluées. L’usure doit être importante avec une disparition quasi complète du cartilage sur les incidences fémoro-patellaires.

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Les compartiments fémoro-tibiaux doivent être sains sur les incidences en charge, position en schuss, voire même valgus et varus forcés (fig. 8). De toutes façons, lors de l’intervention, il faut prévoir la possibilité d’une modification de l’indication de prothèse fémoro-patellaire en prothèse totale, c’est-à-dire, avoir le matériel stérile à disposition et en avoir prévenu le patient. Les résultats de cette intervention sont bons. Les meilleurs résultats sont obtenus en cas d’arthrose fémoropatellaire excentrée ou post-traumatique. La prothèse fémoro-patellaire a l’avantage, dans de bonnes indications, d’éviter la mise en place d’une prothèse totale du genou. Il s’agit d’une intervention délicate que doit guider une bonne connaissance de cette articulation souvent dysplasique.

Fig. 8. Arthrose fémoro-patellaire isolée gauche : l’intégrité des compartiments fémorotibiaux rend préférable l’indication d’une prothèse fémoropatellaire isolée plutôt que d’une prothèse totale.

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Indications chirurgicales dans l’arthrose fémoro-tibiale P. Chambat et N. Graveleau

La recrudescence de l’activité sportive avec tout ce que cela comporte comme hyper-utilisation et traumatisme, ainsi que l’augmentation de l’espérance de vie de la population, font que l’arthrose fémoro-tibiale est un problème qui se pose de plus en plus souvent dans la pratique chirurgicale orthopédique quotidienne. Poser une indication chirurgicale consiste à analyser la gène fonctionnelle du patient, à évaluer cliniquement et radiologiquement l’importance de l’arthrose, à connaître les résultats des différentes interventions susceptibles d’être posées et, en fonction de cela, proposer la solution la mieux adaptée pour le patient. Pour clarifier le débat, nous excluons les arthroses sur cal vicieux important ou fractures articulaires.

Évaluation de la pathologie Gène fonctionnelle Son appréciation doit être la plus objective possible, aidée en cela par les fiches d’évaluation (30) qui permettent de quantifier un certain nombre de données plus ou moins objectives. La douleur est le facteur le plus important, mais le plus difficile à évaluer. Elle peut évoluer progressivement ou par poussées avec des phases hyperalgiques entrecoupées de périodes plus calmes. Les crises hyperalgiques doivent être jugulées par un traitement adapté avant de prendre une décision. C’est le niveau moyen de la douleur qui doit être pris en compte en se méfiant des plaintes de patients qui semblent disproportionnées par rapport à ce que l’examen radiologique va nous apprendre. Le périmètre de marche, les difficultés rencontrées à la montée et la descente des escaliers ou lors d’un relèvement à partir d’une position assise, sont par contre mieux mesurables. L’activité et la motivation du patient sont des facteurs qui influent sur sa tolérance vis-à-vis de sa pathologie. Pour certains, il s’agit du refus de ne pas pouvoir avoir une activité physique ou sportive normale alors que pour d’autres,il s’agit véritablement de l’impossibilité à mener une activité quotidienne confortable même au ralenti. Ce facteur permet de relativiser la gène évoquée, mais elle doit être prise en considération quant au type d’intervention à pratiquer puisqu’un homme jeune qui ne peut courir, faire du ski, jouer au tennis ne peut avoir la même demande qu’une femme âgée qui ne peut se déplacer hors de chez elle, et le traitement doit être différent.

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Examen clinique Il doit débuter par l’évaluation de la marche (flexum, décompensation en appui monopodal) pour se poursuivre par l’étude des axes debout en appui bipodal. Couché, nous apprécions : • à nouveau les axes puis les torsions tibiales et fémorales ; • les amplitudes articulaires (limitation de la flexion et de l’extension) ; • les laxités dans le plan frontal (« vraies laxités internes ou externes » par distension ligamentaire dans la convexité à opposer aux « fausses laxités » par usure dans la concavité correspondant à une bascule avec une mise en contact des deux surfaces articulaires usées) ; • les éventuelles insuffisances du pivot central dans le plan sagittal ; • l’état de l’articulation fémoro-patellaire, l’existence d’hydarthroses ou de kyste poplité.

Examen radiologique Le bilan de base comporte des radios en appui monopodal de face en extension et en flexion (39), un profil à 30° de flexion et une vue aérienne des deux rotules à 30° de flexion. Si une indication chirurgicale se discute, une goniométrie en appui monopodal de face, ou si celle-ci est techniquement difficile : bipodale de face, est indispensable. Pour certaines indications, notamment les prothèses unicompartimentales, de grandes radios en prenant la hanche et la cheville en stress avec correction de la déformation dans le plan frontal peuvent être utiles. Ces radios permettent d’apprécier : • l’usure fémorale et tibiale ; • une éventuelle distension ligamentaire dans la convexité, parfois associée à une translation du fémur sur le tibia ; • l’axe mécanique fémoro-tibial ; • l’axe anatomique fémoral ; • l’axe mécanique tibial et la pente tibiale ; • la possibilité de correction de la déformation. L’IRM a peu d’intérêt dans l’arthrose, si ce n’est à un stade précoce pour rechercher les lésions intra-articulaires. Le scanner peut être exceptionnellement nécessaire pour évaluer des troubles de torsion fémoraux ou tibiaux, une rotation dans le genou induite ou non par l’arthrose. Exceptionnellement également, la scintigraphie permet de faire la part du processus inflammatoire dans une gonarthrose hyperalgique. Ce bilan permet donc : • de connaître la gêne fonctionnelle et le désir du patient, • d’évaluer et de classer l’arthrose.

Les moyens thérapeutiques Il existe une gradation dans l’arsenal thérapeutique allant du traitement médical à la prothèse totale tricompartimentale du genou en passant par le nettoyage articulaire sous arthroscope, l’ostéotomie et la prothèse unicondylienne.

Indications chirurgicales dans l’arthrose fémoro-tibiale

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Le traitement médical C’est le passage obligatoire du traitement. Il permet de juguler les poussées aiguës, d’évaluer la tolérance au mal des patients qui ne doivent pas entrer trop tôt dans un processus chirurgical.

Le nettoyage articulaire sous arthroscopie (31) Il ne se conçoit pas si les radios en appui montrent un pincement articulaire net ou un défaut d’axe important (38). Dans les meilleurs cas, le lavage (30), la régularisation méniscale ou cartilagineuse, s’il existe des décollements, peut améliorer la douleur et la gêne pendant plusieurs mois, mais il s’agit d’une solution palliative et temporaire, sans reconstruction de cartilage (3, 40). Le résultat de ce geste est souvent aléatoire (4) mais il permet parfois de patienter pour ne pas trop précipiter un geste chirurgical majeur.

L’ostéotomie Elle a été pendant longtemps la seule opération efficace dans l’arthrose, mais elle a perdu son exclusivité du fait des prothèses du genou, même si nous assistons actuellement à un regain d’intérêt pour cette intervention. Il faut distinguer les gestes réalisés pour les arthroses fémoro-tibiales internes (AFTI) et ceux réalisés pour une arthrose fémoro-tibiale externe (AFTE).

Arthrose fémoro-tibiale interne (AFTI) Pour l’AFTI, sauf morphotype exceptionnel, il n’existe pas de controverse. Cette ostéotomie métaphysaire tibiale de valgisation, qui décharge le compartiment interne pathologique en modifiant les axes, n’a pas de conséquences mécaniques néfastes. Le varus tibial anatomique évalué dans une fourchette entre 3° et 5° (9), de même que l’usure tibiale interne font qu’il est rare d’obtenir après la correction, un interligne avec une obliquité externe. D’autre part, la modification axiale située au niveau du tibia fait que ce geste est efficient en flexion et en extension.

Critères de sélection Différentes études (1, 8, 16, 17, 24, 25, 33) à long terme ont permis de définir les critères à remplir pour optimiser les résultats de l’ostéotomie. • Le stade de l’arthrose : moins l’arthrose est évoluée, plus le résultat est favorable (1, 8, 33). L’idéal est d’avoir un pincement fémoro-tibial interne isolé partiel ou total sur les radios en appui en extension et à 30° de flexion, sans translation dans le plan frontal, sans translation antérieure dans le plan sagittal ce qui signerait une insuffisance du ligament croisé antérieur avec une articulation fémoro-patellaire de bonne qualité. • Le morphotype tibial : l’existence d’un tibia varus est un facteur positif (8, 33) en ce qui concerne le résultat. S’il existe, l’ostéotomie va correspondre à une correction de la déformation avec l’approche d’un tibia sensiblement normal, alors que son absence va créer un cal vicieux avec possibilité d’un interligne oblique externe mécaniquement non satisfaisant.

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• L’âge du patient : si une limite inférieure ne peut être fixée, il existe une limite supérieure avec une différence dans les résultats entre les patients cinquantenaires et ceux plus âgés (8). À l’âge chronologique, il faut bien sûr juxtaposer l’âge physiologique et prendre en considération ces deux facteurs pour décider de l’intervention. Ce critère qui favorise logiquement le résultat à long terme est important également à court terme en rendant en postopératoire la déambulation sans appui avec des cannes plus aisée, en permettant une récupération fonctionnelle pouvant aller jusqu’à la reprise des activités physiques et sportives. • Le poids : la surcharge pondérale a un effet négatif (8, 16, 17, 33) quant au résultat des ostéotomies. Cette surcharge est d’autant plus néfaste qu’elle peut se situer également au niveau des membres inférieurs ce qui éloigne, en appui bipodal, la distance entre les deux pieds et augmente les contraintes en varus. Les mêmes constatations peuvent se faire lors du passage du pas dans la phase monopodale.

Détermination de la correction Une fois l’indication chirurgicale posée, il faut définir la correction à effectuer. La plupart des auteurs prennent comme référence l’axe mécanique fémoro-tibial et définissent une correction angulaire (8, 9, 21, 27, 35) calculée sur des grands axes en appui monopodal ou bipodal, prenant en compte la longueur des segments, l’usure interne et excluant la laxité externe qui augmente le varus. Le but de cette correction angulaire est de faire passer l’axe mécanique au niveau du plateau externe dans une zone située entre 62 % et 66 % (21) de la largeur du genou, ce qui correspond à un valgus de 3° à 6°. Il faut cependant noter que prendre comme référence l’axe mécanique est déjà une approximation puisque c’est le centre de gravité situé au niveau de la deuxième vertèbre sacrée qui devrait être pris en compte pour l’évaluation des contraintes au niveau du genou, ce qui détermine un écart varisant extrinsèque (44) à prendre théoriquement en compte en ce qui concerne la charge sur le compartiment interne. Il représente une composante dynamique normalement compensé par l’ensemble des haubans musculaires externe et s’il peut être négligé dans les grandes déformations, il devrait être pris en compte pour les déformations inférieures à 5° (Axe fémoro-tibial). La correction dans le plan frontal ne doit pas faire oublier le plan sagittal avec vérification de la pente tibiale qui doit, si elle est dans les limites supérieures (normale entre 4° et 10°) (9) ou franchement anormale, être diminuée.

Réalisation de l’objectif Une fois la correction à effectuer déterminée, il reste à la réaliser et à vérifier que l’objectif est atteint. Il faut alors distinguer les ostéotomies avec correction et fixation immédiate par fermeture externe ou ouverture interne, et les ostéotomies avec correction progressive sous fixateur externe.

Ostéotomies avec correction immédiate • Ostéotomies de fermeture : En faveur des ostéotomies de fermeture sus-tubérositaire (8, 16, 17, 33), il faut noter la facilité de consolidation. En sa défaveur, il faut noter le risque de résection osseuse trop importante difficile à rattraper et le problème posé par le péroné : sa section au niveau de la tête ou sa libération au niveau de l’articulation péronéo-tibial supérieure nous fait courir le risque de déstabiliser le comparti-

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ment externe alors que la section à sa partie moyenne amène parfois des retards de consolidation et même des pseudarthroses. • Ostéotomies d’ouverture : En faveur des ostéotomies d’ouverture sus-tubérositaires (22, 25), il faut noter la possibilité permanente de modifier la correction jusqu’à la décision définitive. En sa défaveur, il faut mettre en avant les problèmes de consolidation rendant souvent nécessaire une greffe osseuse pour combler le vide créé par l’ouverture. Vérification de la correction : quelle que soit la méthode choisie, c’est au niveau du contrôle peropératoire que se situe notre insuffisance puisque les techniques utilisées (repères cutanés positionnés en préopératoire, radios successives de la hanche, du genou et de cheville avec une barre métallique représentant l’axe mécanique) sont plus rassurantes pour le chirurgien qu’efficientes pour contrôler la correction angulaire. À noter également, la vérification de la pente tibiale qui doit au minimum être conservée.

Ostéotomies avec correction progressive sous fixateur externe C’est au niveau de la vérification de la correction à distance de l’opération avec des radios prenant le membre inférieur en totalité que ce situe le point fort de cette technique. Mais les inconvénients génant pour le patient, risque infectieux à court et à long terme font qu’il s’agit d’une technique qui reste peu utilisée.

Résultats de l’ostéotomie tibiale de valgisation En fonction des critères défini concernant le patient et la correction chirurgicale, les résultats des ostéotomies peuvent être considérés comme bon à 10 ans, ce qui doit être le contrat proposé par le chirurgien au malade. Cette intervention donne par ailleurs un résultat sportif et permet de marcher sur de longues distances dans les terrains accidentés, de skier, de jouer au tennis et même, ce qui n’est peut être pas à conseiller, courir. Il faut cependant noter que le résultat à long terme publié concerne surtout les ostéotomies par fermetures et que nous devons nous poser des questions concernant l’action mécanique des ostéotomies d’ouvertures qui abaissent la rotule et mettent en tension les muscles bi-articulaires internes. Le résultat des reprises chirurgicales des échecs (2, 37, 45) d’ostéotomie tibiale de valgisation par prothèse totale du genou sont bien connus et satisfaisants. Des problèmes techniques liés à une hypercorrection ou à un cal vicieux de l’extrémité supérieur du tibia avec translation de la métaphyse par rapport à l’épiphyse peuvent être évoqués, mais ils correspondent souvent à une erreur technique au moment de l’ostéotomie. Si l’ostéotomie a permis de retarder l’échéance de la prothèse de dix ans, nous pouvons affirmer que le chirurgien a rempli son contrat, même si le geste de mise en place de la prothèse est un peu plus difficile.

Arthrose fémoro-tibiale externe (AFTE) Pour l’arthrose fémoro-tibiale externe (AFTE), le geste chirurgical à effectuer est un sujet de controverse, aucune ostéotomie n’étant biomécaniquement parfaite. Classiquement, une AFTE se corrige par une ostéotomie fémorale de varisation (23, 36), plutôt par ouverture sus-condylienne externe, ce qui a l’avantage de la facilité. Mais si ce geste corrige bien l’axe fémoro-tibial en extension (13), il n’a aucune action lorsque le genou est à 90°. À ce degré de flexion, ce sont les condyles postérieurs qui sont en charge, et leur direction n’a pas été modifiée par l’ostéotomie. À 90° de flexion, l’ostéotomie fémorale de varisation induit une

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rotation interne de l’épiphyse fémorale distale. Pour avoir une action varisante, il importerait de réaliser une rotation interne, seule façon de modifier l’axe au niveau des condyles postérieures entre 0° et 90°. Avec une ostéotomie fémorale de varisation, on assiste à une diminution progressive de l’effet varisant qui est maximum à 0° et nulle à 90°. Une ostéotomie ne se discutant souvent qu’à un stade précoce de l’AFTE, se traduisant par un pincement en flexion alors que la radio en extension est sensiblement normale, l’ostéotomie fémorale agit peu dans les secteurs d’amplitude intéressant pour le malade. Il s’agit d’une opération importante assez difficile à réaliser. La normo-correction est recherchée mais le contrôle peropératoire pose le même problème pour que les ostéotomies tibiales de valgisation. Selon les auteurs, les résultats sont jugés encourageant (23), mais il s’agit d’études anciennes. Par contre, la reprise des échecs avec une prothèse totale ne pose pas de problème, mis à part celui de l’ablation du matériel qui impose une cicatrice pas toujours exploitable pour la suite de l’intervention. L’ostéotomie tibiale de varisation agit de 0° à 90° (13) de flexion mais a comme inconvénient de déterminer un interligne oblique interne. L’idéal pour cette intervention est l’existence d’un valgum de l’axe fémoro-tibial avec un tibia présentant pas ou peu de varus, un pincement externe limité à la zone méniscale. La normocorrection est recherchée, mais une obliquité de l’interligne supérieure à 10°, prévisible sur le planning préopératoire, doit faire abandonner l’indication. Cette intervention ne pose pas de problème technique, par contre, le contrôle de la correction pose les mêmes problèmes que précédemment. Les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des espérances à moyen terme (42), ils se dégradent avec le temps et dépassent rarement les 10 ans. Par contre, les reprises par prothèses totales ne posent pas de problème.

La prothèse unicondylienne Elle a été parfois injustement critiquée, il y a de nombreuses années, mérite notre attention et reste une pièce maîtresse dans l’arsenal thérapeutique à notre disposition pour traiter les arthroses fémoro-tibiales, à condition de respecter des règles strictes (43).

Critères de sélection • Le stade de l’arthrose : il doit s’agir d’une arthrose fémoro-tibial interne ou externe isolée sans translation dans le plan frontal, avec un LCA sain (19) et des amplitudes articulaires conservées. • Le morphotype fémoro-tibial : le but final est de garder une hypo-correction (5), mais celle-ci a des limites. En effet, la prothèse unicondylienne étant une cale qui se substitue à l’usure osseuse, elle ne peut en aucun cas corriger un morphotype exagéré en varum ou valgum, la limite du varum ou du valgum résiduel après une PUC ne pouvant être supérieure à 5° pour ne pas surcharger le compartiment prothésé (11, 18). C’est à ce niveau que se révèle l’importance des radios en stress avec correction de la déformation qui, en fonction de l’angle obtenu, nous permettra de savoir si l’indication de PUC est envisageable. En aucun cas, l’axe postopératoire peut être ramené à moins de 5° d’hypo-correction par une libération extensive dans la concavité ou par une mise en tension excessive de la capsule, une laxité physiologique résiduelle sur le compartiment prothésé étant nécessaire pour assurer un bon fonctionnement (11). • Le poids : les surfaces de scellement de la pièce tibiale étant limitées, il nous semble que des patients avec une surcharge pondérale ne doivent pas recevoir ce

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type de prothèse. Le poids est bien sûr en relation avec la taille du patient, mais il nous est souhaitable de fixer une limite supérieure de 80 kg, au-delà duquel il est dangereux d’aller (11, 32). • L’activité : dans notre expérience, une PUC ne se conçoit que si les patients ont une activité modérée, même si une activité sportive est possible, tant les sensations du patient peuvent être satisfaisantes, celle-ci est souvent responsable de douleurs du compartiment prothésé et doit être déconseillée. • L’âge : selon les séries, la fiabilité à long terme est variable, le risque étant l’apparition de douleurs suivies d’un descellement avec une modification de la courbe de survie à 6 ou 7 ans, et il nous semble préférable de proposer cette intervention chez les personnes avoisinant les 70 ans, ce qui va d’ailleurs dans le même sens que l’activité modérée.

Résultats de la prothèse unicondylienne Dans notre expérience, le résultat des PUC est meilleur que celui des prothèses totales avec un bon indice de satisfaction de la part du patient, une bonne rétrocession des douleurs avec des amplitudes excellentes et dans certaines séries, le résultat des PUC externes est aussi bon, si ce n’est meilleur, que celui des PUC internes. Les problèmes liés au dessin de la prothèse (6), l’épaisseur du polyéthylène et un éventuel « métal back » pour le plateau, de même que les techniques de mise en place (34), influencent le résultat, mais il existe actuellement un consensus sur ces différents points qui rendent cette intervention fiable. Bien que le taux de révision soit plus élevé que pour les prothèses totales (12, 26, 28, 29, 41, 46, 47), pour tous les auteurs la reprise d’une PUC qui doit se faire par une tricompartimentale ne pose pas de problèmes techniques, à condition que la reprise soit précoce avant que le descellement ne provoque des pertes du stock osseux. Le résultat clinique des reprises de PUC par prothèses totales (10, 14, 20) est satisfaisant et même meilleur que celui des reprises de prothèse totale par prothèse totale et ne peut être un frein à l’utilisation de la PUC pour traiter une gonarthrose lorsque l’indication est justifiée.

La prothèse totale du genou C’est l’arme extrême dans l’arsenal thérapeutique dont nous disposons pour traiter les gonarthroses. Cette intervention, qui depuis quelques années a atteint l’âge adulte, peut être actuellement proposée sans arrière-pensée. Les critères permettant son utilisation sont des critères négatifs correspondant aux gonarthroses ne pouvant être traitées par une autre technique. L’âge pourrait être un critère à prendre en compte et il est sûr que nous sommes ennuyés de mettre en place une prothèse totale avant 50 ans, mais si cela est la seule solution fiable, alors l’argument « âge » doit tomber. Il n’est pas dans notre objectif de discuter du type de prothèse à mettre en place et comment la mettre en place. Nous avons actuellement à notre disposition, toute une panoplie permettant de répondre à tous les problèmes posés, que ce soit les prothèses conservant le ligament croisé postérieur, les prothèses sacrifiant le ligament croisé postérieur avec un système de stabilisation plus ou moins contraint, et même les prothèses charnières qui, si elles sont d’indication exceptionnelle, peuvent rendre un certain nombre de service et méritent que nous nous y intéressions pour proposer peut-être un nouveau dessin. Peuvent être discutées également, les tiges plus ou moins longues et l’utilisation ou non du ciment. Les meilleurs résultats permettent une vie active normale et même une pratique sportive modérée sans risque de certains sports tels que le golf, le ski de fond. Par

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contre, des activités plus violentes avec appui, pivot, impulsion-réception, même si elles sont possibles, nous semblent déconseillées en raison des risques de détérioration précoce ou de fractures péri-prothétiques. Les résultats de reprise de prothèses totales du genou sont bien connus, mais ils n’égalent jamais les résultats obtenus sur les prothèses de première intention (7).

Propositions thérapeutiques Arthrose fémoro-tibiale interne (AFTI) Les indications pour une pathologie concernant ce compartiment sont claires, et lorsque le traitement médical et éventuellement un nettoyage articulaire n’ont plus d’efficacité, une solution chirurgicale plus radicale est alors à envisager.

L’ostéotomie tibiale de valgisation Elle est souhaitable s’il s’agit d’une AFTI isolée et si le patient est dans la cinquantaine en bon état physique. Le fait qu’il soit maigre avec un varum d’origine tibial nous conforte dans notre indication surtout si le patient désire reprendre une activité physique soutenue. Ce cadre est cependant un peu restrictif et les bornes du schéma idéal peuvent être transgressées. • S’il existe une arthrose fémoro-patellaire modérée, ce qui selon certains auteurs ne modifie pas le résultat final (1, 24). • Si le LCA est absent mais l’arthrose trop évoluée pour que sa réfection soit envisageable. Dans cette indication, la pente tibiale postopératoire prend une importance essentielle et dans la mesure où il n’existe pas de recurvatum supérieur à 5° en préopératoire, le geste chirurgical doit veiller à ramener la pente tibiale postérieure à une valeur inférieure à 5°. • Si l’arthrose est plus évoluée mais que le patient est jeune avec pour but de retarder la mise en place de la prothèse, même si la fonction obtenue ne correspond pas à un très bon résultat clinique. • Si le patient a dépassé la cinquantaine, est en bonne forme physique et a le désir de poursuivre une activité physique intense.

La prothèse unicondylienne interne C’est l’indication idéale pour une arthrose FTI isolée avec un LCA normal chez quelqu’un de moins de 80 kilos et de plus de 70 ans désirant mener une vie calme, à condition que la correction de l’usure par la PUC nous ramène à une hypo-correction n’ayant pas plus de 5° de varus. Les critères avancés pour une indication de PUC interne sont très restrictifs, mais contrairement à l’ostéotomie, il nous semble dangereux de les transgresser et d’élargir le champ d’application des PUC internes (11, 15).

La prothèse tricompartimentale Il s’agit pour nous d’une indication par « défaut » et concerne tous les patients qui ne peuvent avoir une ostéotomie tibiale de valgisation ou une PUC interne.

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Les options prothétiques et les techniques de mise en place étant par ailleurs décrites dans cet ouvrage.

Arthrose fémoro-tibiale externe (AFTE) Le schéma concernant la conduite à tenir dans l’arthrose FTE est moins simple que dans l’AFTI, dans la mesure où l’ostéotomie fémorale ou tibiale créée mécaniquement une imperfection qui retentit sur le résultat.

L’ostéotomie fémorale Elle agit en extension et non pas en flexion et nous semble justifiée à titre « préventif » dans les grands valgum avec hypotrophie du condyle externe à un stade précoce surtout chez le jeune. Elle peut être également une opération de sauvetage chez le jeune dans une arthrose évoluée avec un pincement en extension pour gagner du temps et retarder l’âge de la prothèse.

L’ostéotomie tibiale Elle agit en flexion et en extension, et est une bonne indication dans l’arthrose débutante avec un pincement isolé dans la zone méniscale sur un genu valgum avec tibia normalement axé. Malheureusement, l’obliquité de l’interligne qu’elle induit limite le résultat à long terme et fait qu’il nous semble difficile de la proposer avant 55 ou 60 ans. Quelle que soit l’ostéotomie proposée, il faut bien reconnaître que nous devons être conscient qu’il s’agit d’un compromis. Mais, même s’il est plus facile de passer directement à la prothèse, par honnêteté vis-à-vis du malade, ce niveau de réflexion ne doit pas, à notre avis, être escamoté.

La prothèse unicondylienne externe Dans l’absolu, les mêmes critères que ceux de la PUC interne reconvertis au valgum doivent être retenus pour la PUC externe. Mais concernant l’arthrose externe et en fonction de la réticence que nous avons parfois à proposer une ostéotomie, ces règles peuvent être transgressées si le patient est plus jeune ou s’il existe une discrète atteinte fémoro-patellaire.

La prothèse tricompartimentale Comme pour l’arthrose interne, il s’agit d’une indication par défaut mais une fois encore puisque dans l’arthrose fémoro-tibiale externe, les ostéotomies sont discutables. Nous pensons qu’il est logique d’abaisser l’âge à partir duquel la mise en place d’une PTG se justifie.

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La gonarthrose

Conclusion L’indication chirurgicale dans l’arthrose du genou nous oblige à une réflexion et ne doit pas avoir comme seule solution la prothèse totale du genou. Un chirurgien doit avoir dans son arsenal thérapeutique la possibilité de proposer sans arrièrepensée une ostéotomie si cette indication est justifiée, et il est important que les générations futures de chirurgien soient formées à ces techniques. Si les années 1990 ont totalement été tournées vers la prothèse, les années 2000 devraient permettre de rééquilibrer les indications au profit des ostéotomies à condition que nous gagnions en fiabilité quant à la vérification de la correction en peropératoire.

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Indications chirurgicales dans l’arthrose fémoro-tibiale

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Point de vue : limites de la reconstruction du ligament croisé antérieur dans l’arthrose sur laxité F. Fu, W. Musahl, J.R. Griffin et F. Margheritini

Introduction Dans notre civilisation actuelle, la pratique sportive se prolonge de plus en plus tard dans la vie. Cette pratique s’oriente vers des sports à impact et à haut risque entraînant des lésions traumatiques osseuses, ligamentaires et cartilagineuses. Les études épidémiologiques réalisées dans les années 1990 ont montré que le taux de lésions ligamentaires du genou était chaque année d’environ 100 pour 100 000 habitants (58). Ce taux va probablement augmenter dans les années à venir. À partir de cette étude, on estime le nombre de rupture du ligament croisé antérieur (LCA) à environ 70 000 par an aux États-Unis, 40 000 pour les lésions du ligament latéral-interne (LLI) et à 20 000 le nombre de lésions combinées LCA et LLI. Malgré un nombre important de reconstruction du ligament croisé antérieur réalisée chaque année dans le monde (75 000 à 100 000 chaque année au États-Unis), la question se pose de savoir quelles sont les limites dans la reconstruction du ligament croisé antérieur ? Indépendamment, des problèmes de choix du greffon, des facteurs tels que le délai optimal de la chirurgie, l’activité du patient et surtout la demande et les espérances du patient doivent être prises en compte.

Histoire naturelle de la rupture du LCA et de la greffe du LCA Traumatisme initial Les ruptures du LCA surviennent typiquement lors d’un traumatisme sans contact au cours d’un sport à pivot tel que le football ou le basket-ball. Typiquement, il s’agit d’un traumatisme en rotation interne avec stress en valgus et/ou en hyperextension au cours duquel le patient ressent un craquement. À l’examen clinique initial, un épanchement intra-articulaire, un tiroir antérieur et un Lachman à arrêt mou peuvent être retrouvé. Le traitement initial comprend généralement un traitement de la douleur et de l’épanchement, une immobilisation en attelle et ceci, quelque soit l’option thérapeutique finale.

Point de vue : limites de la reconstruction du ligament croisé antérieur dans l’arthrose sur laxité 203

Conséquence anatomique du traumatisme Les forces résultantes appliquées sur les surfaces articulaires d’un genou sain représentent environ sept fois le poids du corps lors des activités habituelles (19). Les ligaments croisés sont les principaux stabilisateurs du genou dans le plan sagittal, le LCA contrôlant la translation antérieure du tibia. Au cours de l’appui, la contraction quadricipitale produit une force de compression transmise au tibia à travers le LCA qui contribue à la stabilité articulaire. La rupture du LCA crée un environnement où la mobilité du genou dans le plan sagittal est plus que doublée et où les forces appliquées sur les surfaces de contact sont réparties de manière irrégulières. L’incapacité à compenser l’instabilité articulaire pendant les activités de la vie courante peut entraîner des accidents d’instabilité à répétition avec une augmentation du risque de lésion d’autres articulations. Certains ont émis l’hypothèse que les mécano-récepteurs du LCA jouent un rôle important dans la limitation de la mobilité en jouant sur la tension musculaire (41). Ainsi, une augmentation de la force musculaire améliore la capacité du LCA à résister aux sollicitations excessives. Les cytokines jouent un rôle important dans l’inflammation articulaire et les lésions cartilagineuses (7, 59, 67). Des études récentes ont mis en évidence une modification du taux de cytokine après traumatisme du genou suggérant que l’arthrose sur laxité est liée à la fois à des facteurs biomécaniques (laxité) et à des facteurs biologiques (élévation du taux de cytokines) (12). Plusieurs études cliniques ont analysé l’incidence de l’arthrose après rupture du LCA, mais il s’agit d’études basées sur un recul court ou moyen (18, 32, 55, 63), et l’analyse du risque individuel d’arthrose après rupture du LCA ne peut être qu’une approximation. Hertel (32) a montré que 10,2 ans après une greffe du LCA, 46 % des patients ont un remodelé articulaire avec toutefois un interligne toujours supérieur à 4 mm. Lors d’études arthroscopiques réalisées 10 ans après rupture non opérée du LCA (55), le taux de lésions cartilagineuses était de 24 %. Mais dans cette étude, 85 % des patients avaient déjà subi une méniscectomie et l’on sait que les lésions méniscales et les méniscectomies internes sont une complication de la rupture du LCA qui influencent largement l’évolution radiologique (4, 39, 42, 63).

L’arthrose postopératoire Plusieurs études ont montré qu’après greffe du LCA, l’évolution pouvait aussi se faire vers l’arthrose (8, 15, 25, 42, 68). Daniel a montré qu’après greffe du LCA, le taux d’arthrose était plus important que lors de l’évolution naturelle. Dans cette étude, il a montré une augmentation des signes radiographiques d’arthrose, en moyenne 5 ans après la reconstruction du LCA, que celle-ci ait été réalisée en urgence ou en contexte chronique (15). Gillquist a analysé la fréquence de l’arthrose post-traumatique du genou (25). Il a noté une augmentation du taux d’arthrose, quelque soit le type de traumatisme du genou. Dans les ruptures du LCA partielles ou totales sans lésion importante associée, le risque d’arthrose est multiplié par dix par rapport au genou controlatéral. Jomha (43), dans une étude de suivi après rupture du ligament croisé antérieur, a mis en évidence une arthrose précoce dans les laxités chroniques. La reconstruction du LCA semble diminuer le taux de lésions dégénératives. Fink (21) a comparé l’état radiographique d’une population non opérée et opérée. En utilisant la classification de Fairbank, il a noté des lésions d’arthrose plus importantes dans le groupe non opéré. Shelbourne (75) note que la reconstruction du LCA améliore la stabilité à long terme et les douleurs du genou en cas de rupture du LCA. Le rôle fondamental de

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La gonarthrose

la réparation méniscale dans la prévention de l’arthrose a été notée par de nombreux auteurs (5, 29, 77). Par ailleurs, il a été montré qu’une réparation précoce des lésions des parties molles permettait un retour plus précoce au sport qu’un traitement conservateur. Les études de recul à long terme se sont généralement focalisées sur la qualité du résultat fonctionnel. Eriksson (20) disait « J’attends le jour où l’on pourra promettre à nos patients après greffe du LCA, 95 % à 100 % de chance de retrouver un genou stable, fonctionnel, leur permettant de retrouver leur sport initial au même niveau ». Dans les 20 dernières années, plus de 4 000 publications scientifiques ont traité du LCA. De tous ces travaux, il ressort que le taux d’échec varie de 10 % à 40 % (60, 69), le taux de complication de 5 % à 20 % (2) et le taux de bons et excellents résultats de 75 % à 90 % (32, 44). Plusieurs raisons peuvent expliquer cette incapacité à prévenir l’arthrose. Le traumatisme chirurgical lui-même et le saignement opératoire peuvent jouer un rôle arthrogène. Le type de greffe utilisé peut jouer aussi un rôle ainsi l’utilisation du tendon rotulien augmenterait le risque d’arthrose fémoro-patellaire (40). Par ailleurs, l’utilisation d’une pré-tension dans la greffe peut modifier la cinématique articulaire et peut conduire à l’arthrose sur le long terme (81). Par ailleurs, la perte de mobilité en postopératoire peut entraîner un risque de fibrose articulaire et peut augmenter éventuellement la production de cytokine nocive pour le cartilage.

Les lésions secondaires Les lésions associées à la rupture du LCA peuvent survenir soit au cours du traumatisme en cas d’accident à impact élevé, soit lors des accidents d’instabilité à répétition survenant secondairement. Ainsi, une rupture isolée du LCA peut évoluer progressivement vers une laxité antéro-interne, ou plus rarement, antéroexterne, et entraîner des lésions ménisco-cartilagineuses. L’axe mécanique peut alors se déplacer et modifier la répartition des contraintes.

Les « bone bruises » C’est un facteur important qui était inconnu avant l’apparition de l’IRM, et la fréquence de la survenue de ces lésions en cas de rupture du LCA était largement sous-estimée (70). La lésion la plus fréquente est le bone bruise ou micro-fracture trabéculaire qui apparaît comme un hypo-signal en mode T1 et un hyper-signal en mode T2. L’os cortical adjacent est intact. Le traumatisme le plus pourvoyeur de ce type de lésion est une lésion sans contact associée à une compression axiale. Ainsi, les ruptures du LCA survenant lors d’accidents de la voie publique ou de bicyclette donnent rarement des bone bruises. Cette lésion siège généralement au niveau du compartiment externe, et intéresse la partie axiale du condyle externe et la partie postérieure du plateau tibial externe. Ces lésions osseuses disparaissent après deux à quatre mois, mais leur effet à long terme n’est pas connu. Il est possible que ces lésions conduisent progressivement à l’arthrose (26).

Les lésions méniscales Les lésions méniscales peuvent survenir au cours de l’accident initial ou lors des accidents d’instabilité à répétition (36, 55). Parmi celles-ci, la lésion du ménisque interne est la plus fréquente. Elle survient lorsque le condyle interne écrase la

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corne postérieure du ménisque interne. Le pronostic dépend des possibilités de réparation de la lésion. Le ménisque externe, plus mobile, est moins souvent lésé. Les lésions partielles de la corne postérieure du ménisque externe généralement stable et proche de l’insertion du LCA sont en revanche pratiquement toujours observées dans les ruptures fraîches.

Les lésions cartilagineuses Les lésions cartilagineuses peuvent avoir différentes causes. Elles surviennent tout particulièrement sur le compartiment interne lors des accidents d’instabilité à répétition. Elles sont visibles sous arthroscopie lorsque le genou est en flexion, généralement transversales avec une ulcération centrale. Ces lésions ne doivent pas être considérées comme de l’arthrose car il s’agit de fracture du cartilage (17). Les lésions tibiales en revanche sont des lésions de surcharge témoignant d’un début de dégradation cartilagineuse. Elles se rencontrent généralement dans les deux tiers postérieurs du plateau tibial et elles sont secondaires à la répétition de mouvement de translation tibiale antérieure survenant lors de l’appui monopodal et de la contraction quadricipitale.

Les lésions ligamentaires associées Plusieurs études ont analysé les relations entre les lésions capsulo-ligamentaires internes et celles du LCA (23, 31, 36, 45, 52, 84). Les facteurs limitant la translation antérieure du tibia sont d’abord le LCA puis la corne postérieure du ménisque interne, et enfin les lésions capsulo-ligamentaires postéro-internes. Ma (52) a montré dans un modèle animal, qu’après section du LLI, les forces dans le LCA étaient multipliées par deux. De même,Abramowitch (1) a montré qu’après la cicatrisation du LLI préalablement sectionné, les contraintes dans le LCA diminuaient. Les lésions du point d’angle postéro-externe associées à la rupture du LCA sont rares. Kanamori (45) a montré qu’après section du LCA les forces observées dans le ligament latéral externe (LLE) étaient multipliées par trois. Ces lésions postéro-externes peuvent jouer un rôle dans le développement de l’arthrose, dans la mesure où elles modifient l’alignement frontal du genou.

Incapacité des greffes actuelles du LCA à restaurer une fonction normale Fonctionnement ligamentaire normal Différents faisceaux du LCA ont des orientations significativement différentes. Le faisceau antéro-interne a pour rôle principal de stabiliser le genou dans le plan sagittal, tandis que le faisceau postéro-externe, lui, stabilise principalement en rotation (28, 31, 73). La fonction du genou suppose une interaction complexe entre les ligaments, qui ont un rôle passif, et les muscles qui jouent un rôle statique et dynamique. Les mouvements élémentaires sont une combinaison tridimensionnelle de translation et de rotation se produisant sous l’effet des forces transmises aux ligaments, aux

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forces de contact, aux forces d’origine extérieure et aux forces musculaires. Le comportement visco-élastique des ligaments est particulièrement adapté pour guider le mouvement et procurer une bonne stabilité sur tout le secteur angulaire. La stabilité du genou étant assurée par cette interaction complexe (ligament, tendon, ménisque, capsule et force de compression), toute rupture d’un ligament important du genou perturbe gravement la cinématique et peut potentiellement conduire à l’arthrose avec le temps. La rupture du LCA entraîne une augmentation de la translation tibiale antérieure (54) mais aussi de la rotation interne et du valgus particulièrement lorsque le LLI a été lésé (27, 37). L’arthrose du genou va alors se développer au fur et à mesure de l’apparition de lésions méniscales, de l’augmentation de la laxité et des lésions cartilagineuses. Dans la mesure où la rupture du LCA ne cicatrise pas (61), différentes méthodes de reconstruction du LCA ont été développées pour tenter de redonner une stabilité et une bonne fonction au genou (13, 22, 30, 71).

Les propriétés d’un ligament normal La réponse cinétique d’une articulation aux contraintes, qu’elles soient intrinsèques ou extrinsèques, dépend de la géométrie articulaire, du morphotype et de la composition chimique des ligaments et des tissus péri-articulaires. Pour comprendre la contribution d’un ligament précis à la cinématique articulaire, on doit analyser la transmission des contraintes à travers le ligament d’une insertion à l’autre. Physiologiquement, le complexe os-ligament-os permet un transfert de forces uni-axiales dans la direction longitudinale du ligament. Ainsi, un test de résistance de ce complexe peut être réalisé pour déterminer les propriétés structurales du ligament. Les courbes de tension-élongations du ligament ont un aspect non linéaire. Ces courbes permettent de déterminer la raideur du ligament, sa charge maximale, l’élongation maximale et l’énergie absorbée par le ligament lors de la rupture. Ce test donne aussi des informations sur les propriétés mécaniques de la substance ligamentaire. Cela peut être obtenu en rapportant la force à l’épaisseur du ligament (Cross-Sectional Area) et en analysant les variations de longueur d’une zone définie à mi-substance du ligament. À partir de ces valeurs normalisées (47, 85), on obtient des courbes tension-élongation unitaire (stressstrain) à partir desquelles on peut déduire le module d’élasticité, la force maximale et la déformation maximale pour la substance ligamentaire (84) (fig. 1). Pour analyser les propriétés mécaniques du LCA, il est impératif de différencier les deux faisceaux pour analyser les fibres dans leur sens de fonctionnement préférentiel. Ainsi, les fibres du LCA ont un module élastique moyen et une force de rupture moyenne respectivement de 278 MPa et 35 MPa (11). Les deux faisceaux du LCA n’ont pas des propriétés identiques (10) : le faisceau antéro-interne a un module élastique et une force maximale de rupture plus importante que le faisceau postéro-externe. Curieusement, les chirurgiens se sont intéressés exclusivement à la reconstruction du faisceau antéro-interne lors de la chirurgie. Par ailleurs, les propriétés visco-élastiques des ligaments dépendent de la durée de la sollicitation car les interactions complexes entre le collagène, l’eau et la substance fondamentale se modifient au cours du temps (fig. 2).

Forces ligamentaires et cinématique articulaire Chaque articulation a six degrés de liberté : trois degrés en translation et trois degrés en rotation. Cette mobilité est conditionnée par la géométrie articulaire et par les propriétés ligamentaires. Pour le genou, il est habituel d’utiliser trois axes

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Fig. 1. Courbes tension-élongation unitaire pour un ligament humain (LLI) dans la direction longitudinale ou transversale des fibres collagènes

Fig. 2. Représentation shématique de (A) relaxation ligamentaire au cours du temps pour une élongation constante et (B) élongation progressive sous l’effet d’une force constante.

de référence : l’axe de la diaphyse fémorale, l’axe des épicondyles, et un troisième axe perpendiculaire aux deux précédents. Les mouvements de translation selon ces trois axes seront respectivement de la distraction/compression, de la translation interne-externe, et enfin, de la translation antéro-postérieure. Les mouvements de rotation autours de ces trois axes vont conduire à des mouvements de rotations interne-externe, de flexion/extension, et de mouvements en varus-valgus. La compréhension de la fonction d’un ligament et de sa contribution dans la stabilité articulaire globale peut être améliorée par la connaissance des forces développées in situ au niveau du ligament en réponse à une contrainte externe. Différents capteurs de pression et dispositifs implantables (3, 9, 48, 53) ont été utilisés pour mesurer les forces ligamentaires in situ. Dans notre laboratoire, nous avons utilisé avec succès un capteur universel de force à six degrés de liberté (Universal Force Moment Sensor – UFS) en combinaison avec un robot à six degrés de liberté (24, 50, 72, 87). Cette technique utilise la capacité du robot à reproduire les différentes positions qui permettent de

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La gonarthrose

déterminer les modifications de forces et de Moments au niveau d’un ligament avant et après sa section. L’avantage de cette technique est qu’elle donne des résultats indépendants de l’anatomie spécifique du sujet et de la position des ligaments, et que la force peut être déterminée sans avoir de dispositif physiquement en contact avec le ligament. Les forces dans les deux faisceaux du LCA ont pu être ainsi étudiées séparément pendant la réalisation d’un test de tiroir antérieur, un Lachman test, et pendant la simulation d’un pivot shift sur des genoux humains cadavériques (73, 83). Nous avons ainsi observé que lorsque la greffe du LCA est fixée au ras de la surface articulaire tibiale, le comportement de la greffe est plus proche de celle d’un LCA intact (38). Nous avons aussi observé que la position du tibia au moment de la fixation de la greffe a un rôle important dans le résultat biomécanique (33). Deux types de greffe de LCA ont été étudiés : droit interne et demi-tendineux (DIDT) et tendon rotulien (86). Ces deux types de greffes étaient relativement peu efficaces lorsque des contraintes en rotation étaient appliquées. En revanche, lorsque l’on réalisait une greffe remplaçant séparément les deux faisceaux du LCA, il en résultait une cinématique nettement plus satisfaisante et plus proche de celle d’un LCA intact (88). De plus, les forces in situ dans ce type de reconstruction « anatomique » à deux faisceaux étaient plus proches de celles observées sur un LCA intact quand le genou était soumis à un test de Lachman ou à un pivot shift. Nous considérons donc que le seul vrai « Gold standard » d’une reconstruction du LCA serait un LCA naturel.

Algorithme actuel de traitement Il n’existe à l’heure actuelle, aucun critère absolu d’indication chirurgicale après rupture du LCA. La décision chirurgicale repose sur l’analyse de plusieurs facteurs, qu’il s’agisse d’une lésion aiguë ou d’une lésion chronique. Le traitement conservateur peut être conseillé chez les patients sédentaires, peu motivés, mais aussi chez les patients qui ne pratiquent pas de sport à risque et même chez les patients qui attendent trop de la chirurgie. Malgré tout, les patients dont la demande fonctionnelle est importante, bénéficient largement de la chirurgie de reconstruction. Les progrès de la rééducation ont permis à certains patients non opérés de retrouver une fonction tout à fait satisfaisante (76). L’âge est habituellement considéré comme une contre-indication relative à la chirurgie lorsqu’il s’agit d’un patient âgé, mais cette notion a perdu de sa pertinence depuis la chirurgie arthroscopique et les protocoles de rééducation accélérés. Aucune limite d’âge pour la reconstruction du LCA n’a été défini strictement, d’autant que ce facteur ne tient pas compte de l’état cartilagineux ni du niveau sportif d’avant l’accident (fig. 3).

Rôle de l’ostéotomie L’ostéotomie tibiale de valgisation (OTV) associée ou non à une reconstruction du LCA peut être utilisée chez les patients présentant une déformation axiale, une arthrose et une instabilité dans le but de retrouver un alignement correct, de décharger le compartiment dégradé et si possible, de retrouver une bonne stabilité. L’indication principale de l’OTV est l’existence d’une arthrose fémoro-tibiale interne avec douleurs et limitation fonctionnelle. Le but de l’ostéotomie est alors essentiellement de diminuer la douleur plus que de permettre un retour au sport.

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Fig. 3. Algorithme clinique

Secondairement, l’ostéotomie a été indiquée en cas d’instabilité sans arthrose avancée. Chez ces patients, la reconstruction du LCA est alors souvent associée à l’ostéotomie. Les résultats publiés dans la littérature ne permettent toutefois pas de répondre à la question de savoir si le retour à leur sport initial risque d’aggraver la progression de l’arthrose. Quoi qu’il en soit, l’ostéotomie permet au patient de retrouver un mode de vie plus actif sur le court terme, mais le patient doit être conscient que sur le long terme, la poursuite de ses activités sportives seront un jour ou l’autre impossibles. La sélection des patients est essentielle pour obtenir les meilleurs résultats dans ce contexte. L’analyse de la marche recherche notamment un mouvement anormal d’hyper-extension à la marche (66). Il est généralement associé à une bascule en varus qui augmente les contraintes sur le compartiment interne et entraîne des forces de distraction sur le compartiment externe. Ce mouvement entraîne des contraintes excessives sur les ligaments reconstruits (LCA et éventuellement ligament latéral externe (LLE)) et risque d’entraîner des ruptures ligamentaires itératives.

L’association greffe du LCA – Ostéotomie Neuschwander en 1993 a publié les résultats chez 5 patients traités par association OTV et greffe du LCA et faisait état de bons résultats avec un recul de deux ans (62). Dejour, en 1994, a rapporté les résultats à moyen terme sur 44 genoux d’une association ostéotomie et greffe du LCA (16). Il s’agissait d’une modification de la technique de Kenneth Jones avec ostéotomie de soustraction externe. Les résultats mettaient en évidence une amélioration importante de la symptomatologie, notamment, sur le plan de la stabilité avec un taux de satisfaction subjectif élevé. Pour l’auteur, cette technique permet à la fois de stabiliser le

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genou, de réduire les douleurs et de ralentir la dégradation cartilagineuse. L’auteur, toutefois, souligne l’importance de la pente tibiale dans la correction. Elle ne doit pas dépasser 10°, afin de ne pas augmenter les contraintes sur la greffe du LCA. Latterman et Jakob en 1996 ont présenté les résultats de 27 patients avec rupture du LCA et arthrose fémoro-tibiale interne débutante traitée par ostéotomie isolée ou association ostéotomie/greffe du LCA (46). Ces auteurs concluent qu’à partir de 40 ans, l’ostéotomie isolée est une option thérapeutique idéale donnant de bons résultats de manière reproductible. Chez les patients plus jeunes, ils conseillent de réaliser d’abord une ostéotomie, puis une greffe du LCA six à douze mois plus tard si nécessaire. Noyes a récemment publié une série continue de 41 cas de patients traités par ostéotomie suivie dans un deuxième temps d’une greffe du LCA. Il s’agissait de patients présentant une rupture du LCA avec morphotype en varus et des lésions postéro-externes (66). Avec un recul moyen de quatre ans et demi après l’ostéotomie, une réduction de la douleur était observée dans 71 % des cas, une disparition de l’instabilité dans 85 % des cas et un retour au sport de loisir léger sans problème dans 66 % des cas. La correction du varus était maintenue dans 80 % des cas. Malgré les bons résultats mentionnés dans les séries de chirurgie combinées, certains préfèrent réaliser l’ostéotomie isolément. Holden en 1988 a rapporté les résultats de l’ostéotomie réalisée dans une population de moins de 50 ans (34). Onze patients parmi une série de 14 qui présentaient une rupture du LCA ont eu de bons ou excellents résultats au recul maximal. Toutefois, 6 parmi les 14 patients avaient bénéficié d’une plastie extra-articulaire. Noyes a comparé les résultats dans une population traitée par ostéotomie isolée et dans une population avec chirurgie combinée ostéotomie et greffe du LCA. Il n’y avait pas de différences significatives dans le traitement de la douleur et le retour au sport (65). Noyes a introduit le concept de double ou de triple varus dans lequel la rupture du LCA est associée à une dégradation du compartiment interne et à des lésions ligamentaires postéro-externes. Les études en cours préciseront vraisemblablement l’influence de ces facteurs sur le résultat. L’ostéotomie présente toutefois quelques contre-indications telles que la dégradation fémoropatellaire importante, l’arthrose fémoro-tibiale externe, les pertes de substances osseuses importantes sur le compartiment interne et même un flexum préopératoire trop important. En conclusion, l’association ostéotomie et greffe du LCA est une option thérapeutique intéressante dans des cas sélectionnés. Il faut toutefois bien avoir en tête qu’il s’agit d’une solution de sauvetage dont l’objectif est de diminuer la douleur et de permettre des activités de vie courante et quelques activités de sport de loisir.

Place de la greffe méniscale L’amélioration des techniques d’allogreffe a permis le développement de la greffe méniscale et de l’envisager chez les patients ayant subi une méniscectomie totale ou sub-totale et qui gardent une instabilité ou une douleur séquellaire, alors que les cartilages sont intacts et que le genou est normo-axé. Les études biomécaniques réalisées par Thompson et Fu en 1991 ont montré que les ménisques étaient des structures très mobiles, particulièrement au niveau des cornes antérieures et ceci pour les deux ménisques (79). Arnoczky a montré que l’allogreffe méniscale était techniquement réalisable chez le chien avec un bon

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résultat fonctionnel et une bonne survie de la greffe après six mois (6). La première expérience clinique vient de Verdonk qui a publié une série d’allogreffes méniscales chez 54 patients avec un recul à 1 à 8,7 ans (82). La technique opératoire (56) s’est améliorée au cours de la dernière décennie et des études avec un recul à court et moyen terme ont confirmé les premiers résultats qui étaient déjà prometteurs. Dans une série de 22 patients, Milachovski a précisé les problèmes liés à la taille des ménisques et aux traitements tissulaires (57). Noyes, en 1993, a montré que l’irradiation méniscale était nocive et entraînait un taux d’échec important de 57 % (64). Fu et Harner ont évalué récemment leur premières séries de greffe avec ménisques frais congelés non irradiés. Les résultats cliniques ont mis en évidence un bon résultat fonctionnel avec une revitalisation méniscale et sans rejet. Dans cette première série, 30 patients sur les 31 se disent améliorés après l’allogreffe méniscale et 88 % étaient considérés comme normaux ou presque normaux selon les critères de l’IKDC après un recul de 40 mois. Les radiographies n’ont pas mis en évidence d’aggravation du pincement articulaire avec le temps, et dans un cas, il y a même eu un élargissement secondaire de l’interligne articulaire (89) (fig. 4). Le protocole de rééducation accéléré dans ce contexte, fait toutefois courir un risque de rupture secondaire du transplant notamment en cas de mauvaise technique de suture méniscale. Au total, cette technique d’allogreffe méniscale semble efficace et prometteuse lorsque l’on respecte les critères d’indication précis.

Fig. 4. Radiographies en appui des deux genoux En haut : pincement fémorotibial externe du genou droit En bas : 1 an postopératoire après allogreffe de ménisque externe

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L’avenir en chirurgie ligamentaire du genou Les limites de la greffe du LCA Malgré les progrès importants réalisés pendant les deux dernières décennies, plusieurs facteurs limitent encore la reconstruction du LCA dans le genou arthrosique. Il s’agit de limites biologiques, biomécaniques, chirurgicales, et liées à la rééducation. Les facteurs biologiques limitant sont la cicatrisation et l’incorporation de la greffe avec notamment, les problèmes liés à la vascularisation et l’innervation de cette greffe. Par ailleurs, dans les cas chroniques et dans les lésions aiguës complexes, les traumatismes associés cartilagineux ou ligamentaires périphériques conditionnent largement la qualité du résultat final. Il est alors fondamental d’avoir une technique chirurgicale adaptée dans ces cas complexes avec fréquemment des gestes chirurgicaux associés et une rééducation « à la carte ». Les études biomécaniques réalisées dans les dernières décennies ont permis d’améliorer largement les techniques de reconstruction du LCA, mais il faut bien reconnaître qu’à l’heure actuelle, les forces appliquées in vivo au niveau du LCA sont mal connues. Toute la finesse de la rééducation est de doser les forces appliquées sur la greffe afin de la solliciter sans toutefois dépasser la limite de résistance de fixation. Les protocoles reposent sur les études biomécaniques in vivo, mais aussi et surtout, sur l’expérience du thérapeute. Les progrès de la biologie avec l’ingénierie tissulaire, la thérapie génique et la thérapie cellulaire permettront d’améliorer les choses à l’avenir. Plusieurs facteurs de croissance tissulaire peuvent agir sur le processus de cicatrisation tissulaire, notamment au niveau du LCA et du cartilage articulaire (80). Les facteurs de croissance sont de petits peptides qui peuvent être synthétisés par les cellules (fibroblastes, cellules endothéliales, cellules souches mésenchymateuses) mais aussi par les cellules inflammatoires ou les cellules impliquées dans les processus de réparation tissulaire telles que les plaquettes, les macrophages et les monocytes. Ces facteurs de croissance tissulaire stimulent la prolifération, la migration et la différenciation cellulaire, mais aussi la synthèse de produit constitutif de la matrice collagénique (14, 74). Ainsi, l’effet stimulant sur les tissus des facteurs de croissance tissulaire a pu être mis en évidence (35, 49, 51). Les gènes codant pour la synthèse de ces différents facteurs de croissance tissulaire ont pu être identifiés et nous sommes maintenant capable de produire des grandes quantités de protéines recombinantes dans cet objectif.

Thérapie génique et ingénierie tissulaire La thérapie génique est une technique qui a pour but d’introduire des gènes thérapeutiques dans les cellules et les tissus. À la base, la thérapie génique était conçue pour manipuler les cellules germinales afin de traiter les maladies génétiques et transmissibles. Cette technique est toutefois limitée par les difficultés techniques et éthiques qu’elle entraîne. En chirurgie orthopédique, elle peut être utile en permettant l’introduction de gènes codant pour la synthèse de facteur de croissance tissulaire ou d’antibiotiques dans un tissu cible tel que le ligament, le cartilage ou l’os.Ainsi, on peut obtenir que les cellules locales au niveau du site traumatisé puissent synthétiser des substances thérapeutiques. Pour s’exprimer, l’ADN transféré doit entrer dans le noyau cellulaire et s’incorporer aux chromosomes ou au matériel génétique de la cellule hôte. Après transcription, l’ARN messager produit sort

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du noyau et entraîne la production de protéine dans les ribosomes, notamment les facteurs de croissance tissulaire (fig. 5). La cellule ainsi modifiée devient une source sécrétante de facteur de croissance tissulaire ou de cytokine capable d’améliorer le processus cicatriciel. Plusieurs vecteurs peuvent être utilisés pour apporter le matériel génétique dans la cellule hôte. Il peut s’agir d’un virus (adénovirus, rétrovirus) mais aussi de vecteurs non viraux tels que des liposomes. L’ingénierie tissulaire a le même objectif, utilisant des cellules de différentes origines tissulaires (cellules souches mésenchymateuses, cellules souches d’origine musculaires ou fibroblastes cutanés) afin d’apporter des gènes utiles pour la cicatrisation (78). Le choix de la technique approprié pour apporter le gène utile dépend de nombreux facteurs tels que le taux de division cellulaire des cellules cibles, la physiopathologie du traumatisme, et surtout l’accessibilité des cellules cibles.

Perspectives Dans le futur, l’amélioration des techniques biologiques d’incorporation des greffes de la thérapie génique et cellulaire et de l’ingénierie tissulaire seront des outils facilement disponibles. Une simple biopsie musculaire permettra facilement d’obtenir des cellules qui permettront de réparer n’importe quel défect au niveau du genou en permettant une croissance des lignées cellulaires touchées (par exemple développement des chondrocytes en cas de traumatisme cartilagineux). De la même manière, une reconstruction ligamentaire pourra être effectuée. En parallèle, les techniques opératoires devront être améliorées et il est probable que l’amélioration des techniques informatiques (chirurgie assistée par ordinateur) améliore la qualité du geste. Ainsi, au cours des prochaines décennies, il est probable que la chirurgie puisse être effectuée même en cas de lésions cartilagineuses importantes sous l’effet des progrès en cours de la biologie et de la biomécanique.

Fig. 5. Transfert de gène à l’aide d’un vecteur viral

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Historique, évolution des concepts, différentes prothèses actuelles P. Deroche

Historique La prothèse totale du genou n’a pas connu une évolution historique linéaire, et de nombreux chevauchements chronologiques existent (4, 63, 75). Dans les lésions dégénératives du genou, la seule solution chirurgicale était l’arthrodèse. En effet, les arthroplasties de résection réalisées au cours du XIXe siècle laissaient persister des douleurs et une instabilité, pour se solder par une ankylose.

Les précurseurs La première tentative de prothèse du genou fut celle de Glück en 1890 qui resta longtemps isolée. Il s’agissait d’une prothèse intra-condylienne en ivoire dont les tiges diaphysaires étaient fixées par un mélange de plâtre de Paris, de pierre ponce et de colophane. Il réalisa trois interventions selon ce procédé qui se soldèrent par des échecs septiques. Hormis cette tentative, on peut considérer que jusqu’en 1940, l’arthroplastie du genou n’est réalisée qu’à l’aide de tissu autologue d’interposition : fascia-lata ou graisse. Ainsi en est-il des tentatives de Barton en 1826, Fergusson (33) en 1851, Murphy en 1913, Putti en 1920, Albee en 1928, auxquels on peut ajouter l’interposition de nylon réalisée par Kuhan et Potter en 1950.

Les implants partiels À la faveur des progrès de l’asepsie opératoire et des bio-matériaux, Campbell et Boyd présentent à l’ « American Academy of Orthopaedic Surgery » en 1938, les premiers cas d’utilisation de plaques de vitallium moulées sur les condyles fémoraux (14). La fixation est assurée par des crochets en arrière des condyles et par une vis au sommet de la trochlée. Mais la restitution anatomique des condyles est très approximative (fig. 1). Deux ans plus tard, Smith Petersen réalisera également un moule en vitallium mobile dans le plan sagittal, à la fois par rapport au fémur et au tibia. En 1947, Delitala réalise une endo-prothèse fémorale de résection, de même que Cabitza en 1950. Ces deux tentatives se solderont par des échecs, l’un septique, l’autre mécanique. Entre 1950 et 1952, Smith Petersen améliore le dessin de sa prothèse et lui adjoint une tige intra-médullaire de fixation. Cette prothèse deviendra la MGH (Massachusetts General Hospital).

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Fig. 1. L’arthroplastie fémorale de Campbell, 1938

En 1952, Rocher réalise une arthroplastie condylienne à l’aide de deux têtes fémorales acryliques de Judet. Tran Ngoc Ninh en 1953, puis Kraft et Levinthal en 1954 utiliseront des prothèses acryliques fixées sur une tige métallique intramédullaire. À côté de ces implants partiels fémoraux, d’autres auteurs développeront parallèlement des implants prothétiques tibiaux : Burman en 1944 utilisera des plateaux tibiaux en vitallium vissés dans l’épiphyse. En 1950, Mac Keever utilisera également un plateau en vitallium mais fixé par deux ailettes perpendiculaires. Elliot présentera en 1960 les résultats chez 40 patients opérés avec une bonne fonction du genou dans 39 cas. En 1954, Mac Intosh propose des plateaux tibiaux séparés en vitallium dont la nouveauté est de proposer trois tailles différentes avec, pour chacune, quatre épaisseurs. Cet implant est en quelque sorte, le précurseur des prothèses uni-compartimentales actuelles. En 1964, au contraire, Townley proposera un plateau tibial unique couvrant l’ensemble de l’épiphyse mais respectant l’insertion des croisés. La fixation est réalisée par deux vis. Le premier implant partiel rotulien est celui de Mac Keever qui propose en 1955 un implant adaptable à la face postérieure de la rotule et fixé par une vis (fig. 2).

Les prothèses totales La nécessité de remplacer les deux surfaces condylienne et tibiale s’est progressivement imposée. Cependant, l’évolution des différents types d’implants correspond à la progression technologique mais aussi à la nécessité d’adaptation aux différentes situations anatomiques de la pathologie du genou.

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Fig. 2. La prothèse rotulienne de Mac Keever, 1955

Les prothèses charnières En 1947, c’est la prothèse de Robert et Jean Judet qui marque le début de l’évolution des prothèses charnières (fig. 3). Le principe de ces prothèses est de réduire la mobilité du genou à un seul mouvement : la flexion extension. Cette tentative sera suivie en 1951 par celle de Majnoni d’Intignano qui posera sept prothèses munies de manches à section conique empêchant la rotation. La même année DiamantBerger décrit un cylindre en acrylique fixé par des tendons de kangourous (fig. 4). En 1953, Robert Merle d’Aubigne créé une prothèse en acier inoxydable appelée « Hirondelle », car elle était ancrée dans les diaphyses fémorale et tibiale à l’aide de deux tiges très fines et longues (fig. 5). La prothèse de Walldius (76) en 1954 sera une des premières prothèses charnières modernes de même que celle de Shiers (67) qui, présentée la même année en acier inoxydable, subira de nombreuses modifications (fig. 6). L’originalité de Fig. 3. La prothèse de Judet, 1947

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Fig. 4. La prothèse de Diamant-Berger, 1951 Fig. 5. La prothèse « hirondelle » de Merle d’Aubigné, 1953

la prothèse de Mac Ausland réside dans son système de fixation par fourreau métallique multiperforé servant à emprisonner les diaphyses. En 1963,Young introduit le valgus fémoral et le blocage de la rotation est assuré par des pointes fixées au plateau. L’année 1965 verra deux modifications importantes : celle apportée par Jackson Burrow qui consiste à introduire des paliers en polyéthylène dans la charnière, et celle de Mac Kee qui, fort de son expérience de la prothèse totale de hanche, créé une prothèse du genou en stellite scellé.

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L’originalité du groupe Guepar sera, en 1970, de décaler l’axe de rotation de la prothèse en haut et en arrière et de munir la prothèse d’un bloc de silastic ayant pour rôle d’amortir l’extension (5) (fig. 7). La même année, Lagrange et Letournel (54), ainsi que Bucholtz (12) mettent au point leur modèle. Si par la suite,les prothèses à charnière continuent d’évoluer (1977 : Guépar II à tige renforcée avec possibilité d’implanter un bouton rotulien),de nombreux auteurs reprochent aux prothèses charnières l’importance des contraintes qui, reportées au niveau des tiges, sont responsables de nombreux descellements ou fractures de matériel.

Prothèse semi-charnière et à pivot Ce sont Trillat et Bousquet (74) qui, en 1971, proposent la première prothèse charnière permettant un échappement en rotation axiale. Ils sont suivis l’année d’après par Devas, dont la prothèse permet un recul du tibia en flexion, par Gschwendt (39, 40) qui met au point la prothèse GSB, et par Sheehan dont la prothèse est stabilisée par une grosse boule centrale liée au tibia. D’autres prothèses suivront cette voie (Attenborough (3), Herbert sphérocentrique).

Prothèse à glissement En 1965, basée sur une approche plus fidèle de la biomécanique du genou, naît une nouvelle conception de l’arthroplastie : l’utilisation de polyéthylène à haute densité dans la fabrication des pièces tibiales a permis de concevoir un implant

Fig. 7. La prothèse de Guepar, 1970 (Guepar II : 1977)

Fig. 6. La prothèse de Shiers, 1954

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métallique fémoral glissant sur le plateau prothétique. Il n’existe pas de système mécanique solidarisant les deux éléments prothétiques. C’est Gunston (41) qui, entre 1965 et 1968, est le premier à promouvoir une prothèse inspirée de ce principe (fig. 8). Pour un remplacement fémoro-tibial complet, il est ainsi nécessaire de recourir à quatre pièces différentes. Ce principe est repris en 1969 par Bryan Peterson qui, à la Mayo Clinic, modifie les dessins du plateau fémoral pour aboutir à la prothèse Polycentric (fig. 9). Cette prothèse, conçue comme une double arthroplastie uni-compartimentale, conservait le pivot central. Il en va de même pour la prothèse traîneau Saint Georg proposée par Engelbrecht en 1970, puis en 1973, de la prothèse Marmor ou la prothèse Lotus. En 1971, également Coventry, s’inspirant de la Polycentric, réalise la Géomédic qui deviendra l’Anamétric à partir de 1977 (34) (fig. 10). Cette voie ouverte par Gunston des prothèses non contraintes conservant tout ou partie du pivot central sera largement utilisée par la suite : Townley en 1972, Walker (75) avec la prothèse kinématic (1975), Cloutier (19) en 1977 et depuis, de nombreux autres modèles sont apparus : PCA, Miller-Galante, Hermès, Goeland… Parallèlement à ces prothèses non contraintes, se développera une autre conception de la prothèse totale du genou à glissement : la prothèse semi-contrainte dont les composants fémoraux et tibiaux n’ont pas de lien mécanique fixe mais qui, par leur Fig. 8. La prothèse de Gunston, 1965

Fig. 9. La prothèse polycentric, 1969

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La gonarthrose

dessin et par leur conception cinétique, assurent une certaine stabilité au genou associée à une plus ou moins grande participation stabilisatrice des formations capsuloligamentaires et musculaires. Ces prothèses fonctionnent sans pivot central. Cette voie fut ouverte en 1970 par Freeman et Swanson, cette prothèse évoluera vers la Freeman Iclh, puis vers la Freeman et Samuelson (36) en 1980 (fig. 11). À partir de 1971, débute la série d’arthroplastie d’Insall avec les prothèses uni et Bi-Condylar et la Duo-Condylar. À partir de 1972, Insall et Walker proposent la

Fig. 10. La prothèse Géomédic, 1971

Fig. 11. La prothèse de Freeman-Swanson, 1970

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Total Condylar, puis à partir de 1975 la Total Condylar II postéro-stabilisée (47, 48), et enfin, la prothèse Insall Burstein, tandis que Walker de son côté, proposera la série des prothèses Kinématic. Dans cette lignée de prothèses postéro-stabilisées, la HLS sera proposée à partir de 1984. Son originalité réside dans l’existence d’un troisième condyle médian qui, outre son rôle de postéro-stabilisateur, assure à la néo-articulation dépourvue de ligament croisé un roulement-glissement du fémur par rapport au tibia, avec recul du fémur par rapport au tibia à partir de 60° de flexion dans son premier modèle, puis 45° ensuite. Les prothèses de genou à surface d’appui mobile ont été introduites pour permettre d’augmenter la congruence des surfaces articulaires sans solliciter exagérément les interfaces os-implants. À partir de 1977, Goodfelow et O’Connor (38) ont présenté leurs prothèses uni-compartimentaires « Oxford Knee » puis Buechel et Pappas ont mis au point le système des prothèses New Jersey, Low Contact Stress (LCS) déclinables en deux versions : ménisque mobile ou plateau rotatoire. Dix ans plus tard, Polysoides et Tsakonsas présentent la prothèse Rotaglide.Actuellement, de nombreux fabricants complètent leur gamme par un modèle à surface d’appui mobile.

Les progrès autour de l’implant L’étude de l’évolution des prothèses totales du genou montre qu’il existe en fait, deux périodes au cours de cette évolution : – une période embryonnaire de tâtonnement ou quelques auteurs mettaient en application leurs idées sur un ou quelques malades avec des résultas aléatoires ; – une période qui marque le début de la diffusion de la technique de remplacement arthroplastique du genou et que l’on peut situer autour de 1965. La prothèse du genou a en effet bénéficié de plusieurs progrès autour de ces périodes.

L’asepsie Toute la chirurgie a bénéficié de progrès en matière de prévention de l’infection. En effet, celle-ci était favorisée à la fois par la situation superficielle du genou, par les complications sous-cutanées de certaines voies d’abord, ainsi que par le caractère volumineux de certains implants. Les progrès de l’asepsie opératoire et le développement des antibiotiques ont permis de minimiser ce risque.

Les matériaux Les premières prothèses en vitallium, en acrylique, ou même en acier inoxydable ne sont plus employées actuellement à cause de la fragilité. En effet, à la suite de nombreuses fractures de fatigue, en particulier au niveau des tiges intra-médullaires dans les prothèses charnières, les alliages ont évolué vers la stellite, le chrome-cobalt et même plus récemment, vers le titane voire la céramique. Actuellement, la quasi-totalité des plateaux tibiaux sont en polyéthylène car le coefficient tribologique du couple métal-polyéthylène, largement utilisé également à la hanche, est tout à fait favorable et les études à long terme montrent qu’il existe une usure relativement modérée en l’absence bien évidemment d’interposition de fragments de ciment.

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Le type de fixation de la prothèse à l’os On oppose classiquement, comme au niveau de la hanche, les prothèses scellées aux prothèses sans ciment. Jusqu’à la mise au point par Charnley au début des années 1960 du méthylmétacrylate, toutes les prothèses étaient naturellement fixées sans ciment. Les résultats obtenus avec ce mode de fixation ont été un des facteurs importants dans le développement rapide des PTG à compter de ce moment. Cependant, des modèles de plus en plus nombreux sont conçus pour une fixation non cimentée : c’est en particulier le cas de la prothèse de Freeman-Swanson dont le plateau tibial tout polyéthylène sans support métallique était fixé directement à l’os par deux plots polyéthylène à ailette et de même pour la pièce fémorale. Par la suite, la prothèse PCA utilise un revêtement microbillé et la MillerGalante un « fibermesh » pour une fixation exclusivement sans ciment. Malgré les bons résultats obtenus avec ces implants, la fiabilité de la fixation cimentée dans les études de survie à long terme a amené les fabricants à proposer presque systématiquement, au moins une version cimentée sur tous leurs modèles. Le recul a en effet permis de constater qu’en cas de contrainte importante transmise à l’interface prothèse-os, le mode de fixation ne joue pas un rôle déterminant et que ce sont surtout les quilles aux tiges centro-médullaires qui améliorent efficacement l’ancrage de la prothèse à l’os.

La biomécanique du genou Les progrès réalisés au cours de ces dernières décennies en matière de connaissance de la biomécanique du genou normal, ont permis de faire évoluer les prothèses vers un fonctionnement plus physiologique. Les prothèses charnières ont vu apparaître le valgus de la tige fémorale, le déplacement du centre de rotation en haut et en arrière, l’adjonction de polyéthylène au niveau de la charnière pour limiter le frottement métal-métal, l’existence d’un bouclier trochléen, voire d’une possibilité de sceller un bouton rotulien, et enfin l’augmentation des surfaces d’ancrage par les tiges intra-médullaires plus longues et plus massives. À partir de ces prothèses charnières, se sont également développées les prothèses à pivot permettant un certain degré de rotation. En ce qui concerne les prothèses à glissement, l’évolution s’est faite dans le sens d’un mouvement plus physiologique du genou, à savoir le respect du roulement-glissement du fémur par rapport au tibia, le respect de la physiologie du système extenseur par maintien du bras de levier du quadriceps et d’une bonne trochlée fémorale, et enfin le respect de la rotation automatique lors du passage de la flexion à l’extension. Mais la diffusion récente de la technique de remplacement prothétique du genou a rendu nécessaire deux autres conditions au succès de l’intervention : la fiabilité et la reproductibilité d’une mise en place impeccable grâce à un matériel ancillaire simple et en constant progrès, l’adaptabilité de chaque modèle aux situations anatomiques variées rencontrées au niveau des différentes pathologies dégénératives du genou. L’évolution des modèles actuels se fit vers une plus grande diversité des tailles, des épaisseurs de chaque implant.

Les ancillaires Élément essentiel à la fiabilité et à la reproductibilité de la mise en place précise de PTG, ces systèmes sont le reflet de la « philosophie » des concepteurs et des options qu’ils ont souhaité privilégier.

Historique, évolution des concepts, différentes prothèses actuelles

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Ils permettent la réalisation des coupes osseuses et aident au rééquilibrage ligamentaire. Leur précision s’appuie sur une visée qui peut être intra ou extramédullaire, habituellement à l’aide de tiges métalliques, mais l’évolution actuelle des systèmes de navigation informatique semble apporter une précision accrue au prix d’un temps de mise en œuvre de plus en plus réduit. Ils peuvent être ou non complétés par un système de robotique qui réalise les coupes à la place de l’opérateur. Actuellement, ces systèmes sont opérationnels dans des centres pilotes qui évaluent l’amélioration qu’ils apportent par rapport aux systèmes conventionnels. L’inconvénient majeur de ces robots est aujourd’hui leur prix qui augmentent considérablement le coût de l’intervention (fig. 12).

Les implants adaptés La multiplication des tailles proposées et la déclinaison de plus en plus fréquente de chaque modèle en différentes versions de contrainte variable en constituent la première étape. Cependant, le développement de la chirurgie de reprise et l’extension des indications de PTG à des situations de plus en plus évoluées de destruction articulaire rend parfois nécessaire le recours à des implants spécifiques.

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Fig. 12. Le système ancillaire robotisé Robodoc : 12-1 Le robot 12-2 La planification préopératoire 12-3 Réalisation des coupes 12-4 Vue des coupes réalisées avant implantation de la prothèse

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La modularité Elle permet, en peropératoire, d’ajouter tiges, quilles, cales au coins métalliques de formes et dimensions variables, à un implant standard pour l’adapter à une situation où les dégâts osseux sont évolués, en particulier (mais pas seulement) en cas de reprise de prothèse (fig. 13).

Les implants sur mesure Dans les cas extrêmes et en particulier quand s’associent des dégâts articulaires importants et des déformations osseuses juxta-articulaires dégénératives, posttraumatiques ou iatrogènes, ces implants sont fabriqués spécialement en fonction de données préopératoires radiographiques et le plus souvent, scannographiques. Ils sont d’un coût beaucoup plus élevé et restent donc réservés à des situations exceptionnelles. La sophistication technologique des modèles actuellement disponibles rend de plus en plus nécessaire pour l’opérateur la connaissance précise des mécanismes physio-pathologiques des lésions dégénératives du genou. La réalisation d’une prothèse totale du genou doit obéir à une logique rigoureuse car la marge d’erreur tolérable est faible. En effet, le matériel ancillaire ne peut être utilisé aveuglément et nécessite une bonne compréhension du principe de l’opération. Si en 1972, Wagner et Masse (75) pouvaient dire : « bien que les prothèses utilisées actuellement prouvent que la chirurgie de remplacement articulaire s’est dégagée de sa phase embryonnaire, elles ne sont encore en réalité que des versions approximatives de l’implant idéal dont nous disposerons peutêtre dans un proche avenir, il apparaît aujourd’hui que cet implant idéal n’existe pas et que la variété des modèles dont nous disposons n’est que le reflet de la variété des situations rencontrées ». Le développement actuel de la chirurgie de reprise, qui place l’opérateur face à des dégâts osseux et ligamentaires parfois très évolués, l’oblige souvent à recourir à des implants plus contraints. Ceci explique le regain d’intérêt pour des modèles considérés comme plus « rustiques », rendu nécessaire par l’importance de la destruction articulaire.

Fig. 13. Un système prothétique complet destiné aux reprises : la famille Nexgen (Zimmer)

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Évolution des concepts : tentative de classification Bases biomécaniques Actuellement, une PTG doit répondre à deux objectifs : restaurer une fonction aussi proche que possible de celle d’un genou normal (indolence, mobilité, stabilité), et permettre une longévité la plus importante possible. Le résultat fonctionnel dépend de la technique opératoire et de sa planification en fonction des dégâts osseux et ligamentaires ainsi que de la rééducation et de la cinématique de l’implant. La longévité dépend de l’usure de polyéthylène, elle-même liée à la qualité des bio matériaux, à la congruence des surfaces articulaires et à la précision du geste chirurgical permettant d’éviter tout mouvement parasite (équilibrage ligamentaire ++) ainsi que des sollicitations à l’interface prothèse-os.

Cinématique du genou normal Elle est conditionnée par la présence des deux ligaments croisés formant le système « quatre-barres », ainsi que par l’anatomie des surfaces articulaires : – diminution des rayons de courbure des condyles fémoraux de l’avant vers l’arrière, – asymétrie et divergence des condyles, – asymétrie des plateaux tibiaux et pente tibiale postérieure, – mobilité méniscale. C’est grâce au respect de ces conditions anatomiques que le mouvement de roulement glissement postérieur des condyles fémoraux sur les plateaux tibiaux lors du passage de l’extension vers la flexion peut s’effectuer naturellement. Le roulement prédomine lors des 20 premiers degrés de flexion entraînant un recul du point de contact fémoro-tibial, puis le glissement s’y associe pour devenir rapidement prédominant puis exclusif au fur et à mesure que la flexion progresse (27, 28, 31, 71). Du fait de la différence des rayons de courbures et d’une mobilité asymétrique, le recul prédomine sur le compartiment externe (17 mm) pour 2,2 mm du côté interne (52). Les lésions constitutionnelles ou acquises s’associent aux modifications dégénératives du genou candidat à la prothèse pour s’éloigner de ce mode de fonctionnement normal. Si certaines conceptions architecturales des prothèses totales du genou paraissent aujourd’hui obsolètes, la complexité de la physiologie articulaire du genou d’une part et l’importance des lésions dégénératives amenant le malade à se faire opérer d’autre part, font que plusieurs options techniques sont possibles pour respecter, suppléer ou se substituer à la physiologie du genou normal. En fonction des dégâts constatés, la prothèse utilisée se substituera plus ou moins à l’anatomie pour passer d’un simple « resurfaçage » conservant l’intégralité du système naturel de stabilisation ligamentaire à une prothèse « contrainte » prenant en charge l’intégralité de la stabilité articulaire en passant par toutes les étapes intermédiaires en fonction des besoins.

Performances mécaniques des prothèses Elles résultent d’un équilibre entre la contrainte et le degré de liberté.

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La notion de contrainte Dans un espace à trois dimensions, le repère orthonormé possède trois axes perpendiculaires entre eux. Tout point situé dans cet espace peut se déplacer en translation le long de chacun de ces trois axes : il possède donc trois degrés de liberté en translation. Il peut également tourner sur lui-même autour de chacun de ces trois axes. Il possède donc trois degrés de liberté en rotation. La contrainte peut s’opposer à cette liberté en supprimant un ou plusieurs degrés, ainsi une sphère reposant sur un plan dispose de cinq degrés de liberté puisqu’elle ne peut plus se déplacer selon l’axe vertical. La charnière qui ne peut que tourner autour de son axe ne possède qu’un degré de liberté. Plus un système est contraint, plus il est stable (29).

Application aux prothèses du genou Le choix des concepteurs peut donc s’orienter : – soit vers une prothèse contrainte moins physiologique, plus stable, mais qui présente l’inconvénient de transmettre la majorité des forces à l’os par l’intermédiaire des pièces prothétiques au niveau de leur ancrage, ce qui favorise le descellement ou nécessite des systèmes d’ancrage par l’intermédiaire de quilles volumineuses ; – soit vers une prothèse moins contrainte dont la stabilité est prise en charge par l’appareil ligamentaire conservé au maximum mais avec risque d’instabilité si cet appareil ligamentaire n’est pas parfaitement équilibré ou se détériore secondairement et risque augmenté d’usure et de fluage du fait de l’augmentation des stress de contact entre deux surfaces non congruentes. Entre ces deux extrêmes, il existe de nombreuses options intermédiaires.

Classification selon les contraintes Les prothèses contraintes – Les prothèses charnières sont les plus contraintes que l’on puisse imaginer puisqu’elles ne possèdent qu’un degré de liberté : la flexion-extention. Toutes les contraintes et donc la stabilité du genou étant assurée par le matériel prothétique, celui-ci est soumis à plus ou moins long terme à des usures, voire à des ruptures en particulier au niveau de l’axe. D’autre part, ces sollicitations mécaniques étant transmises au niveau de l’ancrage prothèse-os, il est nécessaire que celui-ci s’effectue par l’intermédiaire de longues tiges intra-médullaires tant au niveau tibial que fémoral. Ces tiges peuvent elles-mêmes, à long terme être le siège de fractures de fatigue. De plus, le volume de l’implant métallique est probablement en partie responsable d’un taux apparemment plus élevé d’infection relevé dans ces prothèses (5 % à 8 %). Elles gardent en revanche, des indications dans les lésions dégénératives associées à d’importantes défaillances ligamentaires du genou et actuellement en particulier dans les reprises chirurgicales après échec de prothèse à glissement. La plus utilisée a été la prothèse du groupe Guépar (49), actuellement supplantée par d’autres modèles plus évolués comportant un certain degré de rotation. – Un degré supplémentaire de liberté est accordé à leur prothèse par certains auteurs soit le plus souvent en rotation (Trillat et Bousquet (74), Lagrange et Letournel (54)),

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soit en translation (prothèses GSB) (39, 40). Les résultats fonctionnels de ces prothèses sont meilleurs que ceux des prothèses charnières. Néanmoins, les sollicitations au niveau de l’ancrage restent importantes nécessitant, là encore, un encombrant matériel prothétique, source d’un taux d’infection assez élevé.

Les prothèses non contraintes Il s’agit de prothèses conservant l’ensemble du système ligamentaire, à savoir les ligaments périphériques et l’ensemble du pivot central : LCA et LCP. Elles sont représentées par les prothèses de Cloutier (21), RMC, Kinématic (32) et les prothèses modulaires : Marmor (59, 60), Saint Georges (12), Lotus (6). Elles possèdent théoriquement cinq degrés de liberté. Le dessin de la pièce tibiale doit permettre de ménager le massif des épines. Ses plateaux doivent être plats pour autoriser les mouvements de roulement-glissement lors de la flexionextension du genou. Les avantages des prothèses non contraintes sont : une sollicitation minimale des ancrages prothétiques puisque la totalité de la stabilisation est réalisée par les ligaments, des amplitudes théoriquement physiologiques de mouvement en flexion-extension et en rotation, une amélioration de la fonction, surtout dans les escaliers et un meilleur contrôle proprioceptif du genou (1, 37). Les inconvénients sont : une mise en place délicate avec difficulté d’exposition et risque d’erreur de positionnement, une incongruence fémur-tibia qui permet le glissement, mais expose aux risques d’usure par fatigue et par abrasion du polyéthylène et les problèmes liés à l’état du LCA qui est absent dans un grand nombre de cas d’arthrose (57 % pour Cloutier (20)). Au total, ces prothèses ne concernent que les genoux dont l’évolution dégénérative est peu évoluée (26), avec en particulier, des défauts d’axe osseux modérés. La conservation de l’ensemble du pivot central impose en effet un respect très strict de l’interligne articulaire, limitant la possibilité de correction des axes à la simple compensation de l’usure intra-articulaire.

Les prothèses semi-contraintes Elles sont conçues pour fonctionner sans conservation du LCA. Ce sacrifice est souvent imposé par l’évolution de l’arthrose qui a conduit à la rupture du LCA. Dès lors, on abandonne la cinématique normale pour opter pour un compromis : la prothèse est soumise à une force de translation antérieure du tibia sous l’effet du système extenseur. Pour s’y opposer, il est donc nécessaire de relever le bord postérieur des plateaux tibiaux et la pente tibiale doit être limitée. En situation intermédiaire entre les prothèses contraintes et les prothèses non contraintes, elles représentent l’immense majorité des prothèses mises en place aussi bien en Europe qu’en Amérique du Nord. Néanmoins, au sein de ce groupe, deux conceptions techniques s’affrontent : faut-il ou non conserver le ligament croisé postérieur ?

Les prothèses conservant le LCP C’est le cas de nombreux modèles (16, 25, 32, 42, 62). La plupart des fabricants proposent actuellement une possibilité de conservation du LCP sur leur modèle. Le LCP est presque constamment retrouvé intact : 99 % pour Scott (65), 100 % pour Hungerford (42).

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La géométrie des implants ne doit pas s’opposer au déplacement postérieur du fémur en flexion pour éviter une mise en tension du LCP et l’augmentation des forces transmises à l’interface. Ainsi, la conformité fémur-tibia doit être faible et limiter les contraintes : Lew (56) a montré que sur une prothèse contrainte, les forces passant par le LCP atteignent 4,5 fois la normale à 90° de flexion. Walker (77) a mis en évidence une diminution de la rotation dans le cas de prothèses contraintes conservant le LCP. Sledge (69) constate une augmentation de la fréquence des liserés en cas de plateaux tibiaux concaves par rapport aux plateaux plats. L’absence de LCA doit toutefois être palliée par un relèvement postérieur du plateau empêchant la subluxation antérieure du tibia, et c’est là le problème principal lié à ce type d’implants. Ce relèvement est d’autant plus indispensable qu’il existe une pente tibiale postérieure favorisant la flexion, mais favorisant également la translation antérieure du tibia.

Les prothèses postéro-stabilisées La résection du pivot central rend nécessaire une stabilisation postérieure du genou dans deux circonstances essentiellement : en flexion et lors du passage de la flexion à l’extension. Freeman (35, 36), s’appuyant sur le principe du « roller in a non conforming trough », réalise dans le dessin de sa pièce tibiale, un relèvement antérieur et postérieur. Le fémur est maintenu dans la cuvette sagittale tibiale par les deux ligaments collatéraux tendus. Ce principe permet une flexion-extension presque libre, quelques degrés de rotation et de tiroir antéro-postérieur, et des mouvements de translation latérale limités ensuite par l’adjonction d’une éminence tibiale centrale. L’inconvénient de ce système est l’absence de réel roulement en flexion, source de nombreux problèmes fémoro-patellaires. Ce système conserve cependant l’avantage d’une meilleure congruence fémur-tibia, ce qui réduit théoriquement l’usure du polyéthylène. Il a donc été amélioré depuis, au moins partiellement et en association éventuelle à d’autres options biomécaniques (LCS (DePuy), MBK (Zimmer), Profix (Biomet), Natural Knee (Sulzer), Advanced Knee (Wright)). Ce dernier implant repose sur le principe original du « Ball in socket » : le plateau interne épouse la forme sphérique du condyle, tandis que le plateau externe autorise une translation anatomique, tout en assurant une congruence médio-latérale (fig. 14).

Fig. 14. La prothèse « Advance Medial Pivot » (Wright Medical) utilise un principe original de stabilisation : le « ball in socket »

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Insall (47) a imaginé un système de postéro-stabilisation qui fait appel à une came tibiale asymétrique qui procure de plus la survenue d’un roulement postérieur en flexion. Cette came procure une stabilité supplémentaire à la prothèse aussi bien dans le plan sagittal que dans le plan frontal. L’efficacité de ce système sur le déplacement postérieur du point de contact fémur-tibial permet l’amélioration du bras de levier du quadriceps et le bon fonctionnement du système extenseur. Cette solution permet une mise en place simplifiée ; la résection du pivot central donne un accès aisé à la partie postérieure du genou permettant l’ablation éventuelle d’un excès de ciment en arrière et la correction d’un flexum. L’équilibrage de la balance ligamentaire est presque toujours possible même en cas de déformation importante (fig. 15) et la flexion peut dépasser 120°. D’importantes contraintes persistent toutefois sur l’interface tibial notamment antéro-postérieures, liées à l’appui de la pièce fémorale sur la came tibiale en flexion. Ceci est particulièrement marqué lors de l’appui de la descente des escaliers. Ces contraintes rendent nécessaire l’utilisation d’une quille de fixation tibiale. Ces contraintes ont été progressivement réduites au fur et à mesure de l’évolution des prothèses par l’abaissement du point de contact, entre la came fémorale et le plot tibial d’une part, et par une entrée en fonction plus précoce et plus progressive de cette came lors du passage de l’extension vers la flexion (tableau 1).

Fig. 15. Une prothèse contrainte peut être nécessaire dans les grandes déformations : ici, la prothèse TC III (Johnson & Johnson)

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Tableau 1. Angle d’entrée en fonction de la came fémorale dans quelques prothèses (données du fabricant) PTG TRAC (Biomet) Duracon (Howmedica) AGC (Biomet) Interax (Howmedica) Kinematix (Howmedica) HLS (Tornier) Genesis (Smith Nephew) Advanced knee (Wright) AMK (DePuy) Axiom (Wright) Profix (Smith Nephew) Optetrak (Exactech) Scorpio (Osteonics) PFC (DePuy) Natural knee (Sulzer) Nexgen (Zimmer) Appolo (Sulzer)

Entrée en fonction de la came 8° 10° 20° < 30° < 30° 30° 30° 30° 35° 35-40° 45° 60° 60° 65° 67° 75° 90

Les prothèses à surface d’appui mobile (55) Elles permettent de résoudre le dilemme entre le respect d’une cinématique proche de la physiologie normale du genou et le maintien d’une congruence satisfaisante entre fémur et tibia tout en réduisant les contraintes transmises à l’interface prothèse-os. Le polyéthylène peut avoir un seul degré de liberté soit en rotation autour d’un axe fixe, soit en translation pure (ménisques mobiles) ou associer translation et rotation (fig. 16).

La rotation pure Créée initialement pour des dessins hypercongruents (LCS), elle trouve son intérêt dans les prothèses postéro-stabilisées. La came fémorale prend appui sur un plot

Fig. 16. Une prothèse postéro-stabilisée à rotation pure et limitée : la HLS rotatoire (Tornier)

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situé sur le plateau polyéthylène pour permettre le recul du point de contact fémorotibial au cours de la flexion. Le plateau doit donc être bloqué en antéro-postérieur. Cette rotation permet : – de compenser les erreurs de positionnement rotatoire du plateau tibial : ainsi, l’embase tibiale métallique fixe couvre au maximum la coupe osseuse sans soucis du positionnement en rotation de l’insert polyéthylène ni de la taille qui peut être découplée ; – de permettre la rotation automatique du tibia au cours de la flexion ; – d’améliorer la cinématique fémoro-patellaire ; – de permettre quelques degrés d’échappement en rotation dans les prothèses très contraintes.

L’association translation/rotation Elle a pour but de permettre d’associer la conservation du LCP avec des dessins polyéthylène congruents et permet même, pour certains, la conservation du LCA. Le recul du point de contact fémoro-tibial au cours de la flexion est ici obtenu par glissement, postérieur du plateau polyéthylène. Ce glissement doit être limité en cas de conservation isolée du LCP afin d’éviter un tiroir antérieur excessif pouvant conduire à la luxation du plateau mobile. Exemples : MBK (Zimmer), Interax-ISA (Howmedica), Oxford 3C (Biomet), Accord, LCS APGlide (DePuy), Rotaglide (Corin), Tri CCC (SME), Seragyr (Ceraver), SAL II (Sulzer). L’inconvénient majeur de ces implants associant la translation antéro-postérieure, est l’obligation quasi absolue d’obtenir une tension parfaite et physiologique du LCP. En effet, si celui-ci est distendu ou sacrifié, comme le préconisent certains, argumentant de la stabilité antéro-postérieure procurée par le dessin congruent, il se produit un mouvement paradoxal inverse de la physiologie, comme l’ont déjà observé Matsuda et Whiteside. Cette hypermobilité peut également créer des phénomènes de « clicking », audibles et gênants, liés au phénomène de butée antéro-postérieure du système de blocage du polyéthylène.

La translation pure Le plateau polyéthylène est séparé pour chacun des compartiments interne et externe et glisse uniquement en antéro-postérieur guidé dans un rail (New Jersey LCS « méniscale » (De Puy), Oxford modulaire (Biomet), Minns (Corin)). La combinaison des translations indépendantes sur les deux compartiments fémoro-tibiaux permet une rotation du fémur par rapport au tibia. Ce système oblige à la conservation des deux ligaments croisés car sinon, ces prothèses peuvent présenter des complications qui leur sont spécifiques : ce sont essentiellement les luxations qui surviennent : – soit en antéro-postérieur pour les systèmes à ménisques mobiles (de 1,3 % à 7 %), – soit en rotation pour les plateaux rotatoires non limités (0,8 % à 2,2 %). L’utilisation d’une technique opératoire rigoureuse, en particulier pour l’équilibrage ligamentaire et l’utilisation de dispositifs mécaniques de sécurité, en ont largement réduit le nombre. La fracture en fatigue d’un patin, vraisemblablement par suite de malposition est spécifique à la LCS méniscale (1,5 % à 7,1 %). Il s’agit presque toujours du patin latéral et de cas où le LCP seul était conservé. Les prothèses à surface d’appui mobile permettent donc d’espérer la restauration d’une cinématique plus proche de la normale et surtout une longévité plus importante par diminution des contraintes et augmentation de la congruence,

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essentiellement par comparaison aux prothèses à polyéthylène presque plat des PTG conservant le LCP. Les publications récentes d’études à 20 ans de recul semblent confirmer cet espoir et expliquent le renouveau d’intérêt vis-à-vis de ces prothèses depuis quelques années.

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Les voies d’abord dans la prothèse totale du genou N. Friedrich et W. Müller

Introduction La voie d’abord chirurgicale du genou doit permettre un accès facile au fémur distal, au tibia proximal et à toutes les structures intra-articulaires et péri-articulaires. À une époque où la plupart des chirurgies ligamentaires et méniscales du genou sont réalisées avec un assistance arthroscopique, il est important lors des abords à ciel ouvert de respecter au maximum l’anatomie, et ceci, aussi bien pour la chirurgie prothétique que non prothétique. Il n’y a pas de voie d’abord idéale et même parfois plusieurs voies d’abords doivent être utilisées pour traiter une seule pathologie. Le genou est une articulation très sensible et tout défaut au niveau de la proprioception est mal supporté. Or, toute incision de la peau et de la capsule articulaire détruit une partie de la proprioception. Ainsi, tout abord chirurgical du genou doit non seulement permettre un abord facile des structures anatomiques, mais aussi respecter l’anatomie fonctionnelle. Le point le plus important est celui de l’endroit idéal où placer l’incision cutanée. Indépendamment de cette incision cutanée, l’arthrotomie peut être réalisée, soit en externe soit en interne, et même du côté interne, trois types d’abords peuvent être réalisés, soit en incisant le tendon quadricipital (voie transquadricipitale), soit dans les fibres du vaste interne (transvastus medialis), ou encore sous le vaste interne (subvastus medialis) (1, 12, 13, 14). Nous décrirons quelques-uns des abords les plus fréquents et qui ont fait la preuve de leur efficacité dans les mains des auteurs. Pour une connaissance plus approfondie, des références de la littérature seront citées tout au long du texte et résumées à la fin du chapitre. Une connaissance approfondie de l’anatomie du genou est essentielle pour que la technique soit fiable et sans risque.

La voie d’abord interne du genou Grands principes Il s’agit d’une voie d’abord classique (19, 22). L’incision débute sur le bord interne du tendon quadricipital 7 à 10 cm en haut de la rotule et est incurvée le long du bord interne de la rotule pour rejoindre la ligne médiane au niveau ou juste en dessous de la tubérosité tibiale antérieure. Le fascia superficiel est incisé et écarté. L’incision passe ensuite entre le muscle vaste interne et le bord interne du tendon quadricipital. La capsule articulaire et la synoviale sont incisées le long du

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bord interne de la rotule et du tendon rotulien. Il est important de laisser au moins 5 mm de tissu mou au niveau du bord interne de la rotule, et il faut bien savoir que lorsqu’on utilise cette voie d’abord, l’innervation et la circulation artérielle de la rotule qui vient en partie de la face interne de l’articulation sera altérée. La rotule peut alors être rétractée et éversée en dehors avec la flexion du genou. Une visualisation excellente des structures intra-articulaires du genou est alors obtenue. Une alternative a été décrite par certains auteurs (10, 29). Il s’agit de la voie passant sous le muscle vaste interne (voie « subvastus »). Par cet artifice, la vascularisation interne de la rotule (branches des artères descendantes) est préservée et les défenseurs de cette voie considèrent que les branches rotuliennes du nerf saphène sont moins en danger (2, 8). Ce respect de la vascularisation rotulienne est un point capital de cette voie d’abord, d’autant plus si une section de l’aileron externe doit être réalisée pendant l’intervention. Scuderi (32) a en effet observé sur des scintigraphies au technetium une « rotule froide » dans 56,4 % des cas lorsqu’une section de l’aileron externe était réalisée avec une voie d’abord standard (transtendino-quadricipital). Par ailleurs, lorsque l’on utilise cette voie passant sous le vaste interne, l’appareil extenseur est beaucoup moins traumatisé et il est plus facile d’évaluer la course rotulienne en peropératoire. Une autre modification de cette voie interne a été décrite par Engh en 1994. Il s’agit d’une voie d’abord passant à travers les fibres distales du vaste interne (voie « transvastus »). Dans cette voie, les fibres du muscle vaste interne oblique sont incisées dans le sens des fibres au niveau de leur insertion sur l’angle supérointerne de la rotule. L’intérêt théorique de cette modification est la préservation de l’appareil extenseur et de la vascularisation rotulienne. Ce point particulier est encore sujet à controverse (7, 20).

Avantages Il s’agit d’une voie d’abord très largement utilisée à travers le monde et qui permet une exposition facile et large de l’ensemble des compartiments du genou pour peu que l’on ait éversé et luxé la rotule en dehors. Une libération des structures ligamentaires internes en cas de genu varum est facile à réaliser. Les lambeaux cutanés sont minimes et les contacts entre la peau et les surfaces articulaires lors de l’intervention sont minimes, ce qui diminue le risque infectieux.

Inconvénients Le seul inconvénient de cette voie d’abord est le risque potentiel de léser les branches du nerf saphène interne et celui-ci doit être protégé au maximum. Il est situé juste en arrière du muscle Couturier (Sartorius), et il traverse le fascia superficiel entre le tendon du Couturier et celui du Droit interne (Gracilis). Il devient alors sous-cutané sur la face interne du genou. La branche infra-patellaire (sousrotulienne) innerve la peau située sur la face interne du genou. Une lésion de cette branche peut être responsable d’un névrome, source de douleurs postopératoires. Cela peut entraîner un résultat objectif et subjectif défavorable même en cas de prothèse totale du genou parfaitement posée. Par ailleurs, chez les patients âgés, la vascularisation de la peau au milieu de la cicatrice peut être précaire avec un risque de nécrose cutanée. Dans certains cas, l’abord des structures externes du genou peut être difficile ou limité par cette voie d’abord.Ainsi, cette voie d’abord interne n’est pas recommandée

Les voies d’abord dans la prothèse totale du genou

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par les auteurs en cas de genu valgum de plus de 15° à 20°, car la libération externe risque d’être rendue difficile. De plus, dans les genoux très raides, il faut bien savoir qu’une libération excessive du bord interne du tendon rotulien peut entraîner une rupture ou des arrachements de ce tendon entraînant une catastrophe fonctionnelle.

Technique L’incision débute sur le bord interne du tendon quadricipital 7 à 10 cm au-dessus de la rotule. L’incision peut être rectiligne ou discrètement incurvée contournant le bord interne de la rotule. Nous préférons terminer l’incision juste au niveau ou même légèrement distal par rapport à la tubérosité tibiale antérieure. Il est important d’inciser la fascia superficiel avant de rétracter les lambeaux cutanés. Les décollements doivent être limités au maximum.

La voie d’abord para-rotulienne standard L’incision passe entre le muscle vaste interne et le tendon quadricipital et incise directement la capsule et la synoviale. Une bandelette de partie molle (capsule antéro-interne et synoviale) doit rester entre le bord osseux de la rotule et l’incision afin de faciliter la fermeture en fin d’intervention. La rotule est alors rétractée et éversée en dehors. Le genou peut alors être fléchi et la capsule antéro-interne est décollée progressivement de la face interne du tibia jusqu’au tendon du demi-membraneux. Si une exposition plus importante est nécessaire, elle peut être obtenue par un décollement sous-périosté de la portion interne du tendon rotulien en laissant toutefois celui-ci en continuité avec des fibres du périoste. Une extension vers le haut peut être obtenue en prolongeant l’incision entre le tendon quadricipital et le muscle vaste interne.

L’abord sub vastus Un lambeau cutané interne est décollé de l’aponévrose périmusculaire du vaste interne jusqu’au bord postérieur du corps musculaire. Par dissection au doigt, le muscle vaste interne est alors libéré de la cloison intermusculaire interne jusqu’à 10 cm en haut du tubercule des adducteurs. Il est important dans cette phase d’éviter toute lésion de l’artère géniculée descendante qui chemine le long de la cloison intermusculaire interne. Le genou est alors mis en flexion très progressivement en même temps qu’une éversion de la rotule est obtenue. Cette voie d’abord est contre-indiquée chez le patient obèse, en cas d’antécédents d’ostéotomie tibiale haute et en cas d’antécédents d’incision para-rotulienne interne (29).

La voie d’abord transvastus À la partie distale de l’incision au-delà de l’angle supéro-interne de la rotule, la dissection est réalisée de la même manière que dans la voie para-rotulienne classique. Du côté proximal, le muscle vaste interne oblique est incisé dans le sens des fibres depuis l’angle rotulien jusqu’à la cloison intermusculaire interne. La rotule est alors luxée en dehors et l’intervention est continuée de manière classique (7, 9, 20).

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La voie d’abord médiane Principe Cet abord combine les avantages (et les inconvénients) de la voie interne et ceux d’une incision dans la ligne médiane depuis la rotule jusqu’à la tubérosité tibiale antérieure. Cette voie d’abord est largement utilisée pour les prothèses totales du genou, car elle permet une incision courte et une diminution du risque de lésion de la branche infra-patellaire du nerf saphène interne (15).

Avantages D’une manière générale, les avantages sont les mêmes que ceux des voies internes avec une extension proximale ou distale possible. Par ailleurs, cette incision médiane permet de réaliser une arthrotomie externe ou interne à la demande. Par ailleurs, en cas d’arthrotomie interne, la dissection peut être réalisée de l’une des trois manières (transtendino-quadricipital, transvastus ou subvastus). Un des points qui a probablement développé la popularité de cette voie d’abord est la brièveté de l’incision cutanée qu’elle permet.

Inconvénient L’inconvénient essentiel de cet abord tient dans le risque cutané (28, 35, 36) : l’incision est située juste en regard des surfaces osseuses qui sont soumises à des tensions importantes aussi bien du côté interne que du côté externe. Cette situation, associée à une mauvaise vascularisation cutanée risque d’entraîner des défauts de cicatrisation ou des nécroses cutanées, tout particulièrement chez le patient obèse. Par ailleurs, il faut bien savoir que cette voie et l’incision cutanée ne permettent pas d’éliminer totalement le risque de blessure des branches infra-patellaires du nerf saphène interne et que la vascularisation rotulienne peut là encore être perturbée de même que dans les voies internes.

Technique L’incision cutanée est rectiligne sur la ligne médiane ; elle débute 4 à 5 cm en haut de la rotule et s’arrête à la tubérosité tibiale antérieure. Un lambeau cutané médian doit être décollé le plus profondément possible après incision du fascia superficiel et l’incision profonde peut être réalisée de l’une ou l’autre manière décrite au niveau de la voie interne. Il faut prendre particulièrement soin à respecter le tendon rotulien au niveau de son insertion tibiale, particulièrement en cas de genou raide et chez un patient obèse.

La voie d’abord en Y du genou Principe Cet abord est assez risqué et doit être abandonné de l’avis des auteurs. On fait courir en effet un risque important de nécrose cutanée du fait de l’interruption

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extensive des vaisseaux qu’elle nécessite. Cette voie d’abord ne sera donc pas décrite dans ce chapitre.

Avantage Les défenseurs de cette voie mettaient en avant l’abord excellent que cela donnait de la partie antérieure du genou (11). Elle était défendue essentiellement dans les fractures de plateaux tibiaux complexes. Si un relèvement de la TTA était associé à cette voie d’abord, un abord très large pouvait être obtenu.

Inconvénient L’inconvénient essentiel de cette voie est le risque très élevé de nécrose cutanée, ce risque qui doit faire abandonner cette technique.

Technique Dans la mesure où nous n’encourageons plus cette voie d’abord, nous ne décrirons pas cette technique.

Les voies d’abord externe Principe Même si les voies externes ont été décrites en détail dans les années 1950, elles ont été relativement peu utilisées (16). Elles procurent une vision limitée de la partie antérieure du genou, leur utilisation était donc assez restreinte : ablation de corps étrangers, chirurgie du ménisque externe, fracture intra-articulaire. Un regain d’intérêt pour les voies externe est apparu récemment. Cette approche permet en effet de respecter la vascularisation rotulienne (17, 18, 19, 24, 26, 27, 28, 31) et peut faciliter l’abord et la correction de la déformation dans les genu valgum importants. Par ailleurs, si un relèvement de la tubérosité tibiale antérieure est réalisée, un abord large et confortable peut être obtenu. L’incision cutanée est para-rotulienne externe, environ 2 cm en dehors de la rotule. Cette incision doit être rectiligne et non courbe comme elle est représentée dans la plupart des livres. L’incision courbe expose en effet à plus de risque de mauvaise cicatrisation cutanée (8). Après incision cutanée, le fascia lata est repéré. La bandelette ilio-tibiale est alors incisée dans le sens de ses fibres jusqu’au tubercule de Gerdy. L’incision profonde passe ensuite sous le muscle vaste externe (subvastus) et gagne la cavité articulaire. Le relèvement du vaste externe peut être prolongé si nécessaire même jusqu’à la hanche. Les vaisseaux perforants doivent alors être repérés et doivent être liés avec soin (35). Cet abord externe permet après incision du fascia lata un abord facile et sans risque de toutes les structures postéro-externes : muscle poplité, ligament latéral externe, ménisque externe, tendon du biceps, jumeaux externes. Une extension

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logique de cette voie d’abord anatomique est le relèvement de la tubérosité tibiale antérieure. Celui-ci doit être réalisé de manière à ce qu’il n’y ait pas d’interruption possible de l’appareil extenseur ni de translation proximale de la TTA après fixation. Un abord très large et confortable de toute la cavité articulaire peut être alors obtenu (3). Certains auteurs considèrent l’ostéotomie de la tubérosité tibiale antérieure comme risquée (38, 39). Toutefois, cette technique permet de respecter le tendon rotulien qui n’a aucun risque d’être lésé pendant l’intervention. Après implantation de la prothèse, l’incision doit être alors fermée plan par plan, et si possible sur un genou à 90°, de façon à retrouver une course rotulienne physiologique. Dans la mesure où cette voie d’abord impose de principe une section de l’aileron externe, il est particulièrement adapté en cas de déformation complexe et rigide en valgus. Les auteurs ont utilisé cette voie d’abord dans plus de 1 500 cas les dix dernières années (3). Une autre voie d’abord externe dans les genu valgum a été décrite par Keblish (21), dans laquelle l’incision cutanée est rectiligne et située sur la ligne médiane et l’arthrotomie est réalisée entre le vaste externe et le bord externe du tendon quadricipital. Dans cette technique, la rotule est luxée et retournée en dedans sans ostéotomie vraie de la tubérosité tibiale antérieure mais simplement en décollant les fibres externes du tendon de la tubérosité tibiale antérieure. La fermeture capsulaire externe utilise le Hoffa pour combler le défect externe lié à la correction du valgus.

Avantage L’avantage est de préserver au maximum la vascularisation rotulienne et n’interfère en aucun cas avec les branches infra-patellaires du nerf saphène interne. En cas d’abord difficile, le relèvement de la tubérosité tibiale antérieure permet un abord excellent. Cette voie permet d’aborder aussi bien le compartiment externe que le compartiment interne du genou et une extension proximale ou distale peut être réalisée facilement et à tout moment.

Inconvénient L’inconvénient majeur de cette voie d’abord est qu’elle nécessite une incision cutanée plus longue que pour les voies internes particulièrement si on la compare à une voie interne utilisant une incision cutanée médiane. Pour éviter tout problème de cicatrisation cutanée, il faut faire attention à mener la dissection en sous-aponévrotique et non pas en sous-cutané.

Conclusion Six voies d’abord principales ont été décrites pour la prothèse totale du genou. Trois avec une arthrotomie interne (transtendino-quadricipitale, transvastus et sub vastus) et trois avec un abord externe (avec ou sans ostéotomie de la tubérosité tibiale antérieure et avec voie sous vaste externe (subvastus) ou entre le tendon quadricipital et vaste externe (transtendino-quadricipital)). Les indications avantages, inconvénients et risque de ces voies d’abord ont été décrites. Le lecteur pourra se rapporter aux références citées pour avoir des descriptions plus spécifiques. La connaissance précise de l’anatomie et de la biomécanique du genou est fonda-

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mentale pour réaliser au mieux ces abords chirurgicaux. Quelques règles doivent être toujours respectées et être en tête dans les abords chirurgicaux du genou. • Réfléchir avant d’inciser (5). • Vous pouvez ne pas être le dernier chirurgien à opérer ce genou. • Incisez les différents plans dans le sens des fibres. • Respecter le nerf saphène interne. • Pensez à la vascularisation rotulienne. • Ne pas décoller dans le tissu sous-cutané.

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La planification préopératoire dans les prothèses totales du genou F. Chatain

Introduction L’intérêt de la planification préopératoire dans la prothèse totale du genou (PTG) a pour objectif de prévoir : – Le type d’implant (taille, type de contrainte, mode de fixation, utilisation ou non de quilles, de cales…). – La technique opératoire : voie d’abord, niveau et orientations des coupes osseuses dans les trois plans de l’espace (pente tibiale, rotation de la pièce fémorale…), gestes d’équilibrages ligamentaires. – Les difficultés opératoires qui peuvent être liées au stade et au type d’arthrose (arthrose sur cal vicieux post-traumatique, arthrose après ostéotomie…), au terrain (obésité, polyarthrite, diabétique, artéritique…), à l’état local (mauvais état cutané, cicatrices préexistantes, raideur articulaire…). – Évaluer la gène fonctionnelle du patient. – Informer le patient sur l’opération. L’objectif est d’obtenir un genou axé (18, 20, 21), un bon équilibrage ligamentaire [12] et des amplitudes articulaires satisfaisantes pour redonner au genou une fonction satisfaisante et une disparition des douleurs. La planification préopératoire comporte quatre étapes : l’examen clinique, l’analyse para-clinique, le choix de la technique chirurgicale et du matériel ancillaire et l’information au patient. Dans ce chapitre sera abordé la planification de la PTG de première intention dans la gonarthrose.

Première étape : l’examen clinique La prothèse totale du genou doit être contre-indiquée en cas d’arthrite septique active, de genu recurvatum associé à une parésie du quadriceps, de paralysie du quadriceps ou d’arthrodèse du genou en bonne position et indolore (19). L’arthrodèse de hanche n’est pas une contre-indication absolue, surtout s’il elle est en bonne position, mais il est quand même recommandé par plusieurs auteurs de réaliser dans un premier temps une désarthrodèse-prothèse de hanche avant la PTG (13, 34, 35). Il n’y a pas de limite d’âge à la PTG. De très bons résultats sont publiés chez des patients de plus de 80 ans, voire 90 ans (2, 3, 15, 38). La consultation pré-anesthésie est importante, notamment chez les patients âgés, et fait par-

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tie du bilan préopératoire. Le chirurgien doit rechercher également les facteurs de risques liés directement à la mise en place d’une PTG.

Les facteurs de risques généraux Ce sont les antécédents cardio-vasculaires (thromboemboliques, hémorragiques), d’athérome pouvant limiter l’usage du garrot pneumatique et nécessiter une consultation auprès d’un chirurgien vasculaire, gastriques limitant l’usage des anti-inflammatoires postopératoires ou allergiques à certains médicaments ou à des antiseptiques locaux comme la bétadine. La recherche de foyer septique latent dentaire, prostatique, urinaire, pulmonaire est primordiale et leur traitement s’impose avant l’intervention. En cas de facteurs de risques septiques, une consultation auprès d’un infectiologue est nécessaire et l’intervention ne sera envisagée qu’après un bilan complet biologique et scintigraphique.

Facteurs de risques cutanés Le genou est une articulation superficielle et la peau constitue un rempart essentiel contre l’infection. Il faut tenir compte alors des facteurs de risque de nécrose cutanée que sont la corticothérapie au long court (polyarthrite rhumatoïde), l’artérite, le tabagisme > à 20 paquets par année, le genou multi-opéré, multi-cicatriciel, le lymphœdème et le mauvais état veineux local. Des précautions particulières seront à prendre en per- et postopératoires. L’obésité n’est pas toujours considérée comme facteur de risque cutané (26, 36, 40).

Examen physique Lors de l’examen clinique doit analyser particulièrement : • le morphotype couché et debout, • l’existence d’une décoaptation à la marche, • la réductibilité de la déformation, • l’état ligamentaire, • l’existence d’un flexum ou d’un recurvatum, • les amplitudes articulaires, • l’état cutané. Le morphotype couché et debout permet de différencier la part acquise et la part constitutionnelle de la déformation. Une déformation en varus à l’appui qui se réduit en décubitus est liée essentiellement à l’usure. Au contraire, si elle persiste en décubitus et si elle touche les deux membres, son origine est probablement constitutionnelle par déformation osseuse. Une décoaptation à la marche traduit une usure osseuse associée à une distension des formations capsulo-ligamentaires de la convexité. Il faudra en tenir compte dans les gestes d’équilibrage ligamentaires. L’amplitude articulaire est appréciée en décubitus dorsal. Une limitation de la flexion peut entraîner des difficultés techniques d’exposition (pour l’éversion de la rotule et la luxation fémoro-tibiale). Dans ces cas, un relèvement de la tubérosité tibiale antérieure ou une section du tendon quadricipital en sus-rotulien peut s’avérer nécessaire (9). Un flexum passif traduit une rétraction des formations postérieures qui nécessitera la libération des coques condyliennes et des ostéophytes postérieurs. Une PTG postéro-stabilisée doit être préférée dans les cas de flexum majeur

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supérieur à 30° (6, 9) car le LCP participe à la rétraction. En postopératoire, l’utilisation d’une attelle de repos en extension peut être utile entre les séances de rééducation de façon à éviter que le genou ne reprenne sa position vicieuse préopératoire. Un flexum actif traduit une faiblesse de l’appareil extenseur dont il faudra tenir compte dans la rééducation postopératoire mais aussi préopératoire. La course rotulienne doit être analysée : une section de l’aileron rotulien sera envisagée s’il existe une instabilité rotulienne, voire au maximum, une transposition de la tubérosité tibiale antérieure (TTA) si celle-ci persistait en peropératoire (5, 6). Il faut bien analyser la symptomatologie fémoro-patellaire qui peut conduire à prothéser ou non la rotule. Une rotule subluxée en dehors peut, par ailleurs, faire discuter une voie d’abord externe, particulièrement en cas de genu valgum. Le testing ligamentaire est important. Une atteinte des deux ligaments croisés impose la mise en place d’une PTG postéro-stabilisée (PTG PS). Dans les rares cas où il y a une atteinte d’un des deux ligaments collatéraux, une PTG plus contrainte peut être envisagée. La réductibilité de la déformation dans le plan frontal est difficile à évaluer cliniquement, surtout s’il y a une part de la déformation qui est d’origine osseuse. Une mauvaise réductibilité traduit une rétraction des formations de la concavité qui imposera probablement un geste de libération ligamentaire. L’examen cutané est très important (4, 6, 41). Les cicatrices préexistantes doivent être repérées ainsi que l’état cutané au voisinage des cicatrices. Une peau infiltrée peu mobile, echymotique et télangiectasique doit faire craindre un retard de cicatrisation, voire une complication. De même, un mauvais état veineux est un risque de mauvaise cicatrisation et de phlébite. Les soins postopératoires seront particulièrement rigoureux. Au moindre doute, un avis spécialisé auprès d’un chirurgien plasticien sera demandé avant l’intervention (4, 6, 41).

Évaluation de la gêne fonctionnelle L’examen clinique du genou doit être complété par un examen succinct des autres articulations. En cas de coxarthrose homolatérale invalidante, il est préférable de traiter la hanche avant le genou. Le bénéfice de la PTG sera alors meilleur (13, 34, 35). L’impotence fonctionnelle d’un ou des deux membres supérieurs sera également à prendre en considération car il conditionne en partie les possibilités de rééducation postopératoire. Au terme de l’examen clinique, le handicap du patient est évalué à l’aide de scores chiffrés. Différentes fiches d’évaluation sont utilisables (42). Pour optimiser l’évaluation préopératoire, une consultation pluridisciplinaire associant chirurgien, gériatre et médecins rééducateurs peut être utile pour mieux cibler les patients à risques, détecter des pathologies médicales sous jacentes, réaliser un score fonctionnel global plus précis, mieux appréhender les suites opératoires en dégageant des facteurs prédictifs de complications et raccourcir la durée d’hospitalisation en permettant une réadaptation postopératoire optimale.

Deuxième étape : le bilan para-clinique Il comporte au minimum une radiographie de face et de profil en appui monopodal, une vue axiale des rotules à 30° de flexion et un pangonogramme en appui bipodal (figs 1 à 3).

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La radiographie de face Elle est utile pour déterminer la taille de l’implant tibial à l’aide de calques en tenant compte du facteur d’agrandissement de la radiographie. Les deux plateaux doivent être recouverts par l’implant sans déborder. Si l’on hésite entre deux tailles de plateaux, il faut choisir la taille la plus petite. Un surdimensionnement dans le plan frontal peut entraîner des douleurs par conflit entre l’implant et les parties molles. La radiographie de face en appui monopodal permet d’analyser l’usure osseuse, et même de la mesurer dans les cas graves. Une éventuelle décoaptation dans la convexité témoigne d’une distension ligamentaire qui nécessitera un « calage » lors de l’intervention, particulièrement en cas de genu valgum (figs. 4 et 5).

La radiographie de profil Elle doit être stricte avec les deux condyles parfaitement superposés. Elle permet de déterminer la taille des implants et particulièrement de la pièce fémorale. L’encombrement antéro-postérieur des condyles doit être respecté. Un surdimensionnement antéro-postérieur de l’implant fémoral peut entraîner une raideur en flexion et perturber la cinématique rotulienne (8). Un sousdimensionnement peut entraîner une fracture du fémur si ce sous-dimensionnement se fait au dépend de la corticale antérieure (fig. 6), et une laxité en flexion si le sous-dimensionnement se fait au dépend de la coupe condylienne postérieure. Le débord du plateau tibial en avant peut être responsable de douleur type tendinite rotulienne. En arrière, le débord est moins préjudiciable.

Fig. 1. Bilan standard : vue de face et de profil en AMP

Fig. 2. Bilan standard : vue axiale des rotules

Fig. 3. Bilan standard : goniométrie de face en appui bipodal

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Fig. 4. La taille de l’implant fémoral est apprécié à l’aide de calque sur le cliché de profil et de face. C’est surtout le calque de profil qui va dicter la taille de l’implant

Fig. 5. La taille de l’implant tibial est apprécié de face et de profil à l’aide de calque

La pente tibiale est mesurée par l’angle entre l’axe anatomique du tibia de profil tracé à l’aide de deux points distends de 10 cm à partir de la tubérosité tibiale antérieure (TTA) et le plateau tibial interne. Cet axe permet de repérer le point d’introduction dans le plan sagittal de la tige centro-médullaire et d’apprécier les asymétries de coupe tibiale dans le plan sagittal (figs 7 et 8). La hauteur de la rotule est analysée. Une rotule basse peut entraîner des difficultés d’exposition et une limitation de la flexion due à un conflit rotule-implant tibial. Dans ce cas, une ostéotomie d’ascension de la TTA peut se discuter (5, 6). Une rotule haute peut être source d’instabilité rotulienne. La translation tibiale antérieure en appui monopodal peut donner des informations sur l’état du ligament croisé antérieur : au-delà de 7 mm de translation tibiale antérieure, le LCA est rompu (24) et contre-indique les PTG avec conservation des deux croisés.

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La gonarthrose

Fig. 6. Sous-dimensionnement au dépend de la coupe antérieure : risque de fracture du fémur A : Radio postopératoire B : Radio à J + 10 : fracture du fémur non déplacée

Fig. 7. Lors d’une coupe tibiale orthogonale la quantité d’os enlevée en arrière sera variable selon que la pente tibiale soit modérée (A) ou importante (B). Cela peut entraîner des problèmes d’équilibrage ligamentaire en flexion

Fig. 8. La coupe tibiale orthogonale dans le plan sagittal va enlever une quantité d’os qui est fonction de l’importance de la pente tibiale. S’il existe un forte pente (ici cal vicieux de la métaphyse tibiale). Ceci peut entraîner des problèmes d’équilibrage ligamentaire en flexion

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La projection du point d’entrée dans le plan sagittal de l’ancillaire intramédullaire du fémur (coupe distale) par rapport à la corticale antérieure du fémur est tracée. Un mauvais point d’entré dans le plan sagittal peut entraîner un défaut de positionnement de l’implant fémoral. Les ostéophytes postérieurs sont repérés pour pouvoir être enlevés et favoriser l’extension complète.

La vue axiale de rotule La taille de l’implant rotulien peut être appréciée sur la vue axiale à 30° en tenant compte du facteur d’agrandissement. Le niveau de coupe est tracé et permet d’apprécier la quantité d’os restant. Il est souvent préférable de réséquer le minimum d’os sur la facette externe de la rotule (5, 11). Dans les cas ou la perte de substance osseuse liée à l’arthrose fémoro-patellaire est très importante, certains préfèrent utiliser une rotule enfouie plutôt qu’un bouton rotulien (6). En cas de subluxation externe de la rotule ou d’antécédent d’instabilité rotulienne, il faudra envisager une section de l’aileron rotulien, voire pour certain, faire une transposition de la TTA (5, 6) si la course rotulienne reste anormale en peropératoire.

Le pangonogramme de face C’est un examen capital. Il est réalisé en appui bipodal et en rotation neutre rotule au zénith. Il permet de tracer différents axes (fig. 9). L’axe mécanique global du membre inférieur est représenté par la ligne qui passe par le centre de la tête du fémur et le centre de la cheville. L’axe mécanique du fémur est représenté par la ligne qui passe par le centre de la tête du fémur et le centre du genou. L’axe mécanique du tibia est représenté par la ligne qui passe par le centre du genou et le centre de la cheville. L’axe anatomique et l’axe mécanique du tibia sont le plus souvent confondus. Moreland a décrit deux axes anatomiques du fémur (32)

Fig. 9. Les axes mécaniques du membre inférieur

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(fig. 10). L’axe anatomique I est représentée par la droite reliant le milieu de la diaphyse au centre anatomique du genou. Il fait un angle de 4° en moyenne (SD = 0,8) par rapport à l’axe mécanique (angle HKS I). L’axe anatomique II du fémur est l’axe global de la diaphyse fémorale passant par deux points ; un point situé au milieu de la diaphyse fémorale et un point situé à dix centimètres de l’interligne articulaire du genou. Il fait en moyenne un angle de 5,8° (SD = 0,85) par rapport à l’axe mécanique du fémur et est peu influencé, jamais plus de 1 degré par la rotation du fémur (angle HKS II). L’angle fémoro-tibial du membre inférieur est l’angle formé par l’axe mécanique du fémur et l’axe mécanique du tibia. Il varie en fonction de la rotation du membre inférieur d’autant plus qu’il existe un varus ou un valgus important [37], d’où la nécessité de réaliser la goniométrie en rotation neutre. La goniométrie est indispensable pour situer le siège et la cause de la déformation. La déformation peut être purement intra-articulaire, le plus souvent due à l’usure ou à des séquelles de fracture articulaire. Elle peut être, métaphysaire ou diaphysaire. Elle est alors plus souvent acquise (cal vicieux d’origine traumatique le plus souvent diaphysaire, rachitisme, maladie de Paget, séquelle d’ostéotomie), mais peut parfois être constitutionnelle. La visualisation de la totalité du tibia de face est importante car dans un certain nombre de cas, l’axe mécanique et l’axe anatomique du tibia ne sont pas confondus (tibia courbe), ce qui peut modifier la projection du point d’entré de l’ancillaire intramédullaire. Dans ces cas, une visée extramédullaire peut s’avérer nécessaire (27) (figs 11 et 12). Sur le tibia, la part extra-articulaire de la déformation peut être mesurée à l’aide de l’axe épiphysaire. Il s’agit de la droite passant par le milieu du cartilage de conjugaison et le massif des épines. L’angle entre l’axe épiphysaire et l’axe tibial mécanique représente la part constitutionnelle de la déformation (10, 29). L’axe épiphysaire étant toujours perpendiculaire à la tangente aux plateaux tibiaux d’origine à 2° près, la part constitutionnelle de la déformation peut être calculée par l’angle formé par la tangente au plateau sain et l’axe mécanique tibial soustrait de 90° (29, 43).

Fig. 10 A : Axe anatomique II : 6° B : Axe anatomique I : 4°

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Fig. 11. Tibia varum A : Point d’entrée centré : conflit avec corticale interne B : Point d’entrée latéralisé : coupe en valgus C : Guide extra-médullaire : coupe orthogonale

Fig. 12. Tibia valgus A : Point d’entrée centré : conflit avec corticale externe B : Point d’entrée médialisé : coupe en varus C : Utilisation ancillaire extramédullaire pour réaliser une coupe orthogonale

Une autre façon très simple de déterminer la part constitutionnelle de la déformation est de comparer les axes mécaniques du tibia avec le côté controlatéral si celui si n’est pas le siège d’une arthrose. Ceci impose toutefois de faire une goniométrie des deux membres inférieurs. La hauteur de coupe tibiale est tracée et peut révéler une asymétrie de coupe osseuse importante dont il faudra tenir compte dans les gestes d’équilibrage ligamentaires. Si l’asymétrie de coupe est très importante, une PTG avec une quille longue sur le tibia peut être nécessaire avec parfois une cale métallique ou une greffe osseuse. Ce cas de figure se rencontre souvent dans les PTG sur ostéotomie tibiale de valgisation. Sur le fémur, la projection du point d’entré de l’ancillaire intramédullaire sera tracée. Il se trouve légèrement décalé en dedans du centre de l’échancrure inter-condylienne de quelques millimètres (5 à 7 mm) (33). La visualisation de la totalité du fémur permet de savoir si l’ancillaire intramédullaire peut être utilisé classiquement ou si une tige courte doit être adaptée, par exemple en cas de PTH homolatérale. S’il existe une déformation extra-articulaire importante, une ostéotomie fémorale de réaxation peut se discuter dans le même temps opératoire.

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Autres examens Clichés en dynamiques Des clichés en stress peuvent être réalisés. Certains les recommandent dans le bilan standard (9). Les clichés en varus dans l’arthrose fémoro-tibiale externe (AFTE) et en valgus forcés dans l’arthrose fémoro-tibiale interne (AFTI) permettent d’objectiver la réductibilité de la déformation et de mieux visualiser l’interligne articulaire et ainsi l’usure osseuse. Une réduction insuffisante de la déformation traduit une rétraction des formations capsulo-ligamentaires de la concavité dont il faudra tenir compte dans les gestes de libération ligamentaire. Les clichés en varus forcé dans l’AFTI et en valgus forcé dans l’AFTE recherchent une décoaptation dans la concavité traduisant une distension des formations capsulolugamentaires dont il faudra également tenir compte dans les gestes de libération ligamentaire (fig. 13).

Scanner Un scanner peut être demandé quand il existe un cal vicieux important modifiant les points de repères anatomiques habituels (fig. 14).

Densitométrie osseuse Certains auteurs ont réalisé une densitométrie osseuse préopératoire afin de déterminer en fonction de la densité osseuse quel serait le meilleur moyen de fixation : avec ciment ou sans ciment (16, 30).

Fig. 13 A : Cliché en AMP B : Cliché en valgus forcé, apprécie la qualité de la réduction de la déformation. C : Cliché en varus forcé révèle une laxité externe Le risque est d’allonger le membre inférieur lors de l’équilibrage ligamentaire en extension

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Troisième étape : prévoir la technique chirurgicale La voie d’abord La règle est d’utiliser, en cas de cicatrices multiples, la cicatrice la plus latérale, car l’apport vasculaire le plus important est supéro-médial (4, 41) et ne pas hésiter à la prolonger pour avoir une bonne exposition. Si une nouvelle cicatrice est utilisée, il faut éviter de croiser une cicatrice préexistante ou de rejoindre cette cicatrice en bec de flûte isolant ainsi un territoire cutané qui risque d’être le siège d’une souffrance. Si un décollement doit être réalisé, il doit être le plus profond possible pour préserver le réseau anastomotique profond. Il faut prévoir parfois une ablation de matériel dans le même temps opératoire (plaque d’ostéotomie, vis ou agrafes) qui peut nécessiter une voie d’abord supplémentaire. Dans les arthroses fémoro-tibiale internes, la voie d’abord est antéro-interne. Dans les arthroses fémoro-tibiale externes avec un valgus irréductible, la voie d’abord antéro-externe avec éventuellement relèvement de la TTA peut être utile. Quand l’examen clinique laisse prévoir une difficulté d’exposition, il ne faut pas hésiter à prévoir d’emblée un relèvement de la TTA, même s’il s’agit d’une voie antéro-interne.

Le choix de l’implant Le chirurgien, dans sa programmation opératoire, choisit le type d’implant qu’il va utiliser : conservation ou non d’un ou des deux croisés, utilisation d’un plateau

Fig. 14. Le scanner peut être utile pour analyser les troubles de torsion dans les cals vicieux post-traumatiques (ici cal vicieux en rotation externe du fémur de 22°)

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mobile ou non et son mode de fixation (ciment ou sans ciment). Ces choix ont un retentissement sur la technique chirurgicale. Des matériels ancillaires sont utilisés. Le chirurgien doit parfaitement les maîtriser et doit connaître leurs limites...

Les coupes osseuses La coupe tibiale Même s’il elle n’est pas réalisée la première, elle est la base sur laquelle repose la prothèse. Elle influence de façon identique l’espace en extension et l’espace en flexion. Dans le plan frontal, l’option la plus communément admise est une coupe orthogonale (perpendiculaire à l’axe mécanique) (fig. 15). Une autre option est de réaliser une coupe à 3° de varus (17), ce qui implique de réaliser une coupe fémorale avec 3° de valgus. Cette option est techniquement plus difficile à réaliser, donc moins reproductible et peut conduire avec une erreur de 2° sur le tibia à un varus excessif de 5° entraînant des contraintes internes importantes favorisant l’usure et compromettant l’ancrage à long terme du plateau tibial. De plus, si dans le plan sagittal il est décidé de faire une coupe avec une pente tibiale postérieure, on obtient un effet plane-oblique et une pièce tibiale positionnée en rotation externe. Le varus d’usure conduit à une coupe tibiale pseudo asymétrique qui n’entraîne pas de laxité de résection. Le varus constitutionnel en revanche, conduit à une véritable coupe asymétrique qui nécessitera une libération interne.

Fig. 15. Coupe tibiale et fémorale orthogonale dans le plan frontal

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Dans le plan sagittal, une coupe orthogonale à l’avantage d’être facile à réaliser, donc reproductible, de ne pas induire d’effet plane-oblique si l’implant est positionné avec de la rotation. La pente tibiale peut être retrouvée dans le dessin de l’implant (de 5° à 7°). S’il existe une forte pente tibiale de 10° et plus, la coupe tibiale orthogonale va enlever plus d’os en avant et moins en arrière. Cela peut entraîner des problèmes d’équilibrage ligamentaire en flexion. Lors de la flexion, si l’option est choisie de conserver le LCP, il y aura une hypertension du LCP avec limitation de la flexion et des contraintes excessives sur la partie postérieure du plateau tibial favorisant l’usure et compromettant l’ancrage. Pour éviter cela, il faudra soit abaisser la coupe tibiale (ce qui va provoquer une laxité en extension), soit, ce qui est préférable, faire une coupe des condyles postérieurs plus importante (ce qui implique d’utiliser une taille de carter fémoral plus petite dans le sens antéro-postérieur). D’autre part, Hofmann a montré in vitro, qu’une coupe perpendiculaire est moins bonne du point de vue de la qualité osseuse, ce qui peut expliquer la fréquence des liserés. Il recommande une coupe respectant une certaine pente tibiale (14). Le niveau de coupe du tibia dépend de l’implant et de la technique utilisée. La coupe ne doit pas passer obligatoirement en fond de cupule si l’usure ou la perte de substance osseuse est importante (> 10 mm) car les qualités mécaniques du tibia diminuent rapidement en métaphyse, et la section du tibia est plus petite, nécessitant la mise en place d’un plateau tibial de plus petite taille. Le défect osseux peut être comblé par une cale métallique, une greffe osseuse (autogreffe provenant le plus souvent des coupes condyliennes postérieures) ou pour certains, un pitonnage par vis en cas de défect mineur. En cas de défect osseux important, une quille tibiale longue est recommandée. La réalisation de la coupe tibiale se fait à l’aide de matériel ancillaire intramédullaire et/ou extramédullaire. Le point d’entrée de la tige de l’ancillaire intramédullaire doit être au centre du plateau tibial dans le sens antéro-postérieur ni trop en avant (coupe en recurvatum), ni trop en arrière (coupe en flexum) et dans le prolongement du canal médullaire pour avoir un axe mécanique correct (fig. 16). Les radiographies préopératoires aident au repérage du point d’entrée, et surtout permettent de donner la limite de la visée intramédullaire (39). L’ancillaire intramédullaire est rigide, stable et très fiable pour le plan sagittal. L’utilisation de l’ancillaire extramédullaire doit tenir compte du fait que le centre de la cheville n’est pas équidistant du centre intermalléolaire. La visée extramédullaire est moins fiable pour le plan sagittal : la crête tibiale n’est pas un bon repère pour la pente, l’épaisseur des parties molles peut gêner et l’axe du péroné superposable à l’axe médullaire est difficile à apprécier. L’utilisation des deux visées est recommandée par certains, sachant que la visée intramédullaire est plus fiable pour le plan sagittal et la visée extramédullaire plus fiable pour le plan frontal (31). Cependant, ce point de vue reste discuté (25) et la visée extramédullaire n’a pas fait la preuve de sa supériorité par rapport à la visée intramédullaire (23).

La coupe fémorale La coupe fémorale distale est fondamentale pour l’équilibrage en extension mais n’a aucun rôle sur l’équilibrage en flexion à 90°. L’orientation de la coupe distale modifiera l’axe mécanique global du membre inférieur. Deux options existent. La coupe distale à 90° (perpendiculaire à l’axe mécanique du fémur) proposée par Insall (21) et Freeman (1) est la plus communément admise à l’opposé de la coupe avec 3° de valgus décrite par Hungerford (17). Elle impose de réaliser une coupe tibiale frontale à 90°. Le but est d’obtenir un axe mécanique à 180°.

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Fig. 16. Visée par tige centro-médullaire A : Point d’entrée centré B : Point d’entrée trop antérieur : la coupe sera en recurvatum C : Point d’entrée trop postérieur : la coupe sera en flexum

La coupe fémorale distale orthogonale en cas d’AFTI sur genu varum d’origine fémorale conduit à une coupe asymétrique emportant plus de condyle externe à l’origine d’une laxité externe de résection en extension. Une libération interne peut être nécessaire. La coupe fémorale distale orthogonale en cas d’AFTE d’origine fémorale avec hypoplasie du condyle externe conduit à une résection plus importante du condyle interne à l’origine d’une laxité de résection interne en extension. Une libération externe peut être alors nécessaire. Les coupes antéro-postérieures sont dépendantes l’une de l’autre et déterminent la taille de l’implant. Un surdimensionnement antéropostérieur de l’implant fémoral entraîne une raideur en flexion et perturbe la cinématique rotulienne et une laxité en flexion si le sous-dimensionnement se fait aux dépens de la coupe condylienne postérieure. D’où l’importance de mesurer sur la radiographie de profil, la taille idéale de prothèse fémorale. La coupe fémorale postérieure contribue à l’équilibrage en flexion. Elle peut être symétrique, parallèle au plan bicondylien postérieur ou asymétrique (coupe en rotation externe de 3° à 5°), modifiant alors le positionnement en rotation de la pièce fémorale. La coupe fémorale postérieure retentit également sur l’espace antérieur fémoro-patellaire. Une coupe symétrique des condyles postérieurs associée à une coupe rotulienne symétrique donne un espace antérieur rectangulaire et améliore la stabilité rotulienne. Un excès de coupe des condyles postérieurs va créer une laxité en flexion, avec apparition d’un tiroir postérieur et une supra-structure de la pièce fémorale en avant, augmentant les contraintes rotuliennes. Une insuffisance de coupe va limiter la flexion, entraîner une hypertension du LCP s’il est conservé, une hyper-pression de la partie postérieure du plateau générant des forces de soulèvement en avant du plateau et un risque de fracture du fémur par fragilisation de la corticale antérieure. La réalisation de la coupe distale du fémur se fait le plus souvent à l’aide d’un ancillaire intramédullaire. L’ancillaire extramédullaire, nécessitant le repérage du centre de la hanche soit par radioscopie soit manuellement (pouls fémoral), est moins utilisé. Le principe de l’ancillaire intramédullaire repose sur l’angle HKS II. Le principe est de prendre l’axe anatomique du fémur comme référence pour obtenir une coupe orthogonale à l’axe mécanique. Il faut alors se référer à l’axe anatomique II de Moreland (32) (fig. 17) qui est tracé sur la goniométrie préopératoire pour marquer le point d’entrée de la tige centromédullaire. Le point d’entrée dans le plan anté-

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ro-postérieur est apprécié sur la radiographie de profil. Ce point d’entrée est en général 5 à 10 mm en avant de l’échancrure, et 5 à 7 mm en dedans. Pour cela, il est nécessaire de bien dégager les éventuels ostéophytes de l’échancrure et de repérer l’insertion fémorale du LCP. Un mauvais point d’introduction à des répercussions sur l’orientation des coupes osseuses. Si le point d’introduction de la tige est médialisé, la tige va rentrer en conflit avec la corticale externe du fémur qui va repousser la tige en dedans, ce qui va conduire à une diminution de l’angle HKS et une coupe en valgus (fig. 18). La tige doit être suffisamment longue et d’un calibre minimum de 8 mm pour ne pas avoir trop de débattement dans le canal médullaire. Elle doit permettre un écoulement du contenu du canal médullaire lors de l’introduction, afin de limiter le risque d’embolie graisseuse.

Fig. 17. Axe anatomique II A : Angle HKS II B et C : Le point d’entrée de la tige centro-médullaire est décalé en haut et en dedans

Fig. 18. Point d’entrée de la tige centro-médullaire : il correspond à l’axe anatomique II (décalé en dedans) A : L’angle HKS est bien reporté : la coupe distale du fémur est orthogonale B : Le point d’introduction de la tige est centralisé : conflit avec la corticale externe du fémur C : Diminution de l’angle HKS : coupe en valgus

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Le point d’entrée dans le plan sagittal du guide centro-médullaire doit être analysé sur la radiographie de profil, car un mauvais positionnement peut entraîner une coupe en flexum ou en recurvatum (fig. 19).

Quatrième étape : l’information du patient L’indication de mise en place de la PTG est posé, le patient est examiné, le choix de l’implant et la technique chirurgicale sont prévus. Il reste à informer le patient de façon claire, loyale et appropriée sur les risques opératoires, les suites opératoires, la rééducation, les complications à court, moyen et long terme, le suivi clinique et paraclinique, les bénéfices qu’il est en mesure d’espérer et répondre à ses interrogations comme sur la pratique du sport.

Conclusion La mise en place d’une PTG passe nécessairement par une programmation opératoire. Celle-ci va de l’analyse clinique au choix de l’implant en passant par l’analyse des données paracliniques pour prévoir la technique chirurgicale de choix et prévenir les difficultés techniques. Quelles coupes, quel ancillaire, quelle prothèse pour quelle usure et quelle déformation ? Même si l’avenir de la chirurgie prothétique du genou semble promis à la chirurgie assistée par ordinateur (CAO), il ne faudra pas perdre de vue que l’ordinateur ne restera qu’un ancillaire perfectionné avec des limites et parfois des imperfections et qu’il ne faudra certainement pas suivre aveuglément. D’autre part, il serait erroné de penser que dans ce contexte, la planification préopératoire devienne un exercice mineur, bien au contraire, car planifier c’est comprendre, et comprendre est la première étape pour bien opérer. Fig. 19. Fémur de profil A : Bon B : Mauvais : point d’entrée trop antérieur, coupe trop importante des condyles postérieurs = laxité en flexion C : Mauvais : point d’entrée trop postérieur, coupe insuffisante des condyles postérieurs et trop importante en avant = raideur en flexion et risque de fracture du fémur par fragilisation corticale antérieure D : Mauvais : guide trop ascendant = coupe en flexum E : Mauvais : guide trop descendant = coupe en recurvatum

La planification préopératoire dans les prothèses totales du genou

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La gonarthrose

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Résultats après prothèses totales du genou J. Ménétrey

Introduction Dès le milieu du XIXe siècle, nos aînés ont tenté de reconstruire les surfaces articulaires de genoux souffrant d’arthrose ou de rhumatisme inflammatoire (16, 27, 28, 31 ,91). Les objectifs de l’arthroplastie ont toujours été de corriger les déformations, de restaurer la stabilité articulaire et de réduire les douleurs. Ces efforts n’ont jamais été vains car l’incidence de gonarthrose ne cesse d’augmenter. Du reste, le défi thérapeutique subsiste car ce sont les gens d’âge moyen (45-65 ans) qui ont augmenté la cohorte des patients souffrant de gonarthrose (1). Cette augmentation peut s’expliquer par un accroissement de facteurs de risque dans la population tels que l’obésité, les lésions articulaires traumatiques entraînant des déformations des membres et des articulations, l’activité sportive intense, les facteurs occupationnels et l’amélioration du pouvoir diagnostique (1). Le traitement chirurgical de la gonarthrose n’a débuté que récemment. Le concept d’arthroplastie de débridement a été introduit par Magnusson en 1941 (55). En 1959, Pridie décrivait une méthode de resurfaçage de l’articulation du genou par forage de l’os sous-chondral et recommendait un débridement plus modeste du genou (67). Dans le milieu des années 1960, le concept fut popularisé par Insall (36, 37, 77). En 1974, Jackson suggérait que l’irrigation d’une articulation arthrosique au cours d’une arthroscopie était bénéfique à son traitement (40). À la même période, divers traitements de la gonarthrose apparaissaient, tels les ostéotomies tibiales proximales et fémorales distales, l’arthroplastie partielle unicompartimentale, et évidemment l’arthroplastie totale. Ainsi, il a été décrit que le simple lavage arthroscopique ou à l’aiguille permettait la réduction de la symptomatologie douloureuse jusqu’à une année après l’intervention (15, 20, 21, 26, 39, 52). Le débridement arthroscopique d’un genou arthrosique permettait 60 % à 85 % d’excellents et bons résultats sur la symptomatologie douloureuse jusqu’à 2 ans après l’intervention (80). Mais la terminologie « débridement arthroscopique » correspond dans la littérature soit à la résection cartilagineuse, soit à la méniscectomie, ou encore à l’excision d’ostéophyte, voire à l’abrasion des surfaces articulaires. Après tant d’interventions de différentes natures, il est difficile d’attribuer le succès ou l’échec du traitement à un geste chirurgical spécifique (34). Ainsi, dans notre expérience, la méniscectomie interne isolée d’un genou arthrosique chez des patients âgés de plus 50 ans ne permet que 20 % de bons résultats sur la symptomatologie douloureuse 6 ans après le traitement chirurgical (60). Chez le patient d’âge moyen, travailleur de force ou sportif pratiquant des activités à impact élevé, le traitement par ostéotomie tibiale proximale ou du fémur distal permet une amélioration de la symptomatologie douloureuse et de la fonction chez 70 % à 75 % des patients à 10 ans (33, 63, 62). D’après le travail de Naudie et al., la survie moyenne, selon Kaplan-Meier, des ostéotomies

266

La gonarthrose

tibiales proximales de valgisation est de 73 % à 5 ans, de 51 % à 10 ans, de 39 % à 15 ans et de 30 % à 20 ans (63). Depuis le début des années 1970, les recherches et le développement d’implants prothétiques ont eu pour objectifs le resurfaçage articulaire, une cinématique proche de la physiologie articulaire normale, une faible production de débris et une fixation à l’os environnant stable. La réalisation progressive de ces objectifs a permis à l’arthroplastie totale du genou de connaître un succès grandissant. Le but de ce chapitre est de passer en revue, à la lumière de publications récentes et sélectives, les résultats des différents types de prothèse totale du genou. Par type, nous entendons une prothèse condylienne à glissement dont les caractéristiques d’implantation diffèrent. Ainsi, par exemple, une prothèse qui sacrifie le ligament croisé postérieur (LCP) est d’un type différent de la prothèse qui le préserve (fig. 1). Du point de vue de la définition, nous utiliserons dans ce chapitre la dénomination « prothèse postéro-stabilisée » pour le type de prothèse dont l’implantation sacrifie le LCP et qui possède une stabilité antéro-postérieure intrinsèque. A contrario, la dénomination « prothèse à conservation du LCP » définit la prothèse dont l’implantation se fait en préservant le LCP. Notre propos n’est pas de comparer les diverses marques de prothèse disponibles sur le marché. Cette comparaison est d’ailleurs très difficile à réaliser sur la base d’une littérature foisonnante, mais très disparate dans sa façon d’évaluer les résultats des différentes prothèses.

Fig. 1. Modèle de composant fémoral d’une prothèse à conservation du LCP (A, C) et postéro-stabilisée (B, D)

Résultats après prothèses totales du genou

267

Le but de ce travail est également de passer en revue les résultats d’arthroplasties réalisées dans des conditions spécifiques (ex. : Parkinson, genou valgus, arthrose post-traumatique, etc.) et de discuter les résultats des PTG chez le sujet jeune. Nous espérons également que le lecteur trouvera les réponses à donner à ses patients, lorsqu’il discutera de l’implantation d’une prothèse totale du genou (PTG). En effet, avec l’avènement d’Internet, les questions et les soucis de nos patients deviennent de plus en plus précis et ils exigent de notre part des réponses détaillées.

Résultats généraux En 1991, Rand et Illstrup (70) publiaient les résultats d’analyse de survie de 9 200 prothèses totales du genou, implantées entre 1971 et 1987 (fig. 2). La survie d’une prothèse était déterminée par le temps écoulé entre son implantation et le moment de sa révision ou de la décision de sa révision. Parmi ces 9 200 prothèses, 2 947 arthroplasties totales primaires furent réalisées avec d’anciens designs tels que les « Polycentric » (Howmedica, Rutherford, NJ) et « Geometric » (Howmedica, Rutherford, NJ). Le taux de survie cumulé était, pour ces prothèseslà, de 95 % à 2 ans, de 89 % à 5 ans, et de 78 % à 10 ans. Les arthroplasties primaires avec une prothèse à glissement resurfaçant les condyles, préservant le LCP et s’appuyant sur une embase tibiale métallique, étaient au nombre de 3 620. Parmi ces prothèses, on trouvait des « Cruciate Condylar » (Howmedica, Rutherford, NJ), « Kinematic Condylar » (Howmedica, Rutherford, NJ), « Townley et Cloutier » (De Puy, Warsaw, IN), « Miller-Galante » (Zimmer, Warzaw, IN), « Porous-Coated Anatomic » (Howmedica, Rutherford, NJ), « PFC » (Johnson & Johnson Orthopaedics, Braintree, MA) et « Orthomet » (Minneapolis, MN). Le taux de survie cumulé était, dans ce groupe de prothèse, de 99 % à 2 ans, de 98 % à 5 ans, et de 91 % à 10 ans. Les risques de révision étaient significativement plus élevés pour les anciens designs de prothèses lorsqu’ils étaient comparés à ceux des prothèses condyliennes s’appuyant sur une embase métallique tibiale (71). Pertinence clinique : les résultats généraux après arthroplastie totale du genou, 90 % d’excellents et bons résultats décrits à plus de 10 ans, démontrent que l’implantation de PTG a évolué et progressé au point de devenir une des interventions orthopédiques les plus efficaces et satisfaisantes. L’analyse de ces 9 200 prothèses a permis d’identifier quatre facteurs qui diminuent le risque d’échec : l’arthroFig. 2. Survie moyenne de 9 200 PTG implantées entre 1971 et 1987. La survie d’une prothèse était déterminée par le temps écoulé entre son implantation et le moment de sa révision ou de la décision de sa révision (Tiré et adapté de : Rand JA, Ilstrup DM. Survivorship analysis of total knee arthroplasty : cumulative rates of survival of 9 200 total knee arthroplasties. J. Bone Joint Surg. 73A : 397, 1991. With permission.)

268

La gonarthrose

plastie primaire, le diagnostic d’arthrite rhumatoïde, un âge de 60 ans et plus, et l’utilisation de prothèse à embase tibiale métallique. Il est néanmoins nécessaire de poursuivre nos études à long terme afin de définir les résultats et les bénéfices des prothèses les plus modernes.

Prothèses à conservation du LCP versus prothèses postéro-stabilisées La controverse dure depuis très longtemps sur les avantages et les désavantages de préserver le ligament croisé postérieur ou de le sacrifier et d’utiliser une prothèse se substituant à son action stabilisatrice. Mais celui qui décidera de préserver le LCP doit être capable de parfaitement régler la balance ligamentaire. Ceci peut parfois se révéler techniquement difficile, notamment en cas d’importante déformation. Dans ce cas, l’implantation d’une prothèse postéro-stabilisée est plus aisée. De plus, ce type de prothèse offre une cinématique qui se rapproche de celle du genou normal, en permettant notamment le roulement postérieur des condyles en flexion (49, 45). Nous nous limiterons volontairement, dans la présentation de ces résultats, aux publications parues ces quinze dernières années et aux travaux présentant des suivis à moyen et long termes.

Les prothèses à conservation du LCP Le résumé des résultats des prothèses à conservation du LCP figure dans le tableau 1. Dans ce type de prothèse, les excellents et bons résultats s’étendent de 70 % à 95 % à un suivi moyen de 5 ans. Le taux de réopération va de 1,6 % à 18 % selon les séries. Goodfellow et O’Connor (29) ont revu 125 PTG avec un recul moyen de 4 ans. L’indolence était obtenue chez 89 % des patients et la flexion moyenne était de 99°. Une étude de survie concernant 327 PTG a été réalisée par les mêmes auteurs (30). Les patients souffraient dans 66 % des cas d’une gonarthrose, et dans 32 % des cas d’une polyarthrite rhumatoïde. Dans cette série, la survie moyenne des prothèses implantées dans les genoux arthritiques était de 95 % à 6 ans, versus 83 % dans les genoux traités pour gonarthrose. Mais fait remarquable, les genoux qui avait un ligament croisé antérieur (LCA) intact à l’opération avait une survie de 95 % à 6 ans en comparaison de 81 % si le LCA était absent. Le taux d’échec était de 8,3 %. Une autre étude de 473 PTG a été menée avec un recul allant de 2 à 9 ans (42). Le diagnostic était dans 90 % une gonarthrose, et dans 10 % une arthrite rhumatoïde. L’âge moyen des patients était de 68 ans. Le score postopératoire de la « Knee Society » était pour la douleur de 93 et pour la fonction de 92. En utilisant la révision comme critère d’échec, la survie moyenne a été mesurée à 95 % à 8 ans. Le taux de réopération était de 6 %. Cinq patients furent réopérés pour une infection, cinq pour une instabilité et sept le furent pour un bri du polyéthylène.

Les prothèses postéro-stabilisées Les résultats des prothèses postéro-stabilisées sont résumés dans le tableau 2. Dans cette catégorie de prothèse, les excellents et bons résultats sont compris

125

93

133

170

112

118

41

106

158

78

306

Hungerford et al. (1987)

Rosenberg et al. (1989)

Buechel et Pappas (1989)

Wright et al. (1990)

Rand (1991)

Kobs et al. (1993)

Toksvig-Larsen et al. (1996)

Sanzen et al. (1996)

Knight et al. (1997)

Martin et al. (1997)

67

72

68

73

52

66

65

60

70

56

65

Nb. Âge moyen de PTG (années)

Goodfellow et O’Connor (1986)

Auteurs

30

12

30



49

13

32

23

15

30

40

PR (%)

66

85

70

100

46

62

68

69

80

63

53

6,5

5

7

6,3

3,5

2,8

2,8

4,5

1-4

2-5

4

Arthrose Suivi (%) (années)

95

89

70

87

88

94

93

95

93

94,5

89

Bons/excellents résultats (%)



1,2

0,3

0,7









1,5







1,2

3,3

3,5















1,5 1,1

– –

20

44





20

75

0,7

1,3

2



2,4

1,8

1,8

1,1

17

30

1

96

Instabilité Descellement Liserés Rx Infections (%) (%) (%) (%)

Tableau 1. Résultats des prothèses à glissement, semi-contrainte, à conservation du ligament croisé postérieur

5,5

8

6

18

10

13

3

2,9

9

8,6

7

Réopérations/ échecs (%)

Résultats après prothèses totales du genou 269

257

121

101

119

84

150

376

Schopfer (1993)

Colizza et Insall (1995)

Scott et al. (1988)

Aglietti et al. (1988)

Ranawat et al. (1997)

Tayot et al. (1999)

70

70

66,5

67

64

72,6



Nb. Âge moyen de PTG (années)

Stern et Insall (1990)

Auteurs

22









17



PR (%)

78

83

72

74

67

83



11,5

4,8

5

2-8

10

7

2-6

Arthrose Suivi (%) (années)

92

95

90

98

96

97

98,5

Bons/excellents résultats (%)



8

15-25



15



17

Prob. PF (%)

2







2,9

2



– 1,3 3,7

– 13







0

0,1

12 11

0,3



Descellement Liserés Rx Infections (%) (%) (%)

Tableau 2. Résultats des prothèses à glissement, semi-contrainte, postéro-stabilisées, sacrifiant le ligament croisé postérieur

6,3

2





3,9

9

0,3

Réopérations/ échecs (%)

270 La gonarthrose

Résultats après prothèses totales du genou

271

entre 90 % et 98 % à un suivi moyen de 6 ans. Le taux de réopération s’étend de 0,3 % à 4 %. Les diverses études soulignent les problèmes de douleurs antérieures du genou dues à l’articulation fémoro-patellaire. L’incidence de cette problématique est de 8 % à 25 % selon les séries. Il est intéressant de constater que la littérature concernant les prothèses à conservation du LCP ne fait que rarement mention de l’articulation fémoro-patellaire. La survie moyenne des prothèses postéro-stabilisées a été étudiée en détail par l’équipe de John Insall à l’« Hospital for Special Surgery de New York » (18, 87). Ainsi, la survie moyenne de prothèses constituées d’une embase tibiale entièrement en polyéthylène était de 94 % à 12 ans (87). Les prothèses constituées d’une embase tibiale métallique avaient une survie moyenne de 96,4 % à 11 ans (18). D’autres auteurs (68), en utilisant une prothèse à embase tibiale métallique, notaient une survie moyenne de 97 % à 6 ans. En 1988, Scott et al. (76) présentaient leurs résultats concernant 119 prothèses. Le suivi moyen était de 5 ans. L’âge moyen des patients était de 67 ans et le diagnostic était une gonarthrose dans 74 % des cas. La mobilité moyenne du genou était de 107° et, selon le score HSS, 83 % des genoux ont été qualifiés d’excellents et 15 % de bons résultats. Après l’analyse des diagnostics préopératoires, les auteurs ont montré qu’ils obtenaient de meilleurs résultats chez les patients souffrant d’arthrose que chez les patients souffrant d’arthrite rhumatoïde. Ils ont également montré de meilleurs résultats chez les patients qui souffraient d’arthrose varisante en comparaison de ceux souffrant d’arthrose valgisante. La survie moyenne était de 93 % à 8 ans. Dans leur étude à long terme, Stern et al. (87) rapportent 15 % de douleur antérieure du genou due à l’articulation fémoro-patellaire. À l’examen clinique et fonctionnel, 85 % des genoux était évalués de grade 0 (asymptomatique), 10 % de grade 1 (symptomatologie modérée) et 5 % de grade 2 (symptomatologie sévère). Ranawat et al. (68) notent 8 % de douleur antérieure due à l’articulation fémoropatellaire. Cette différence pourrait s’expliquer par le design de la prothèse utilisée par ces auteurs. En effet, le système « Press-Fit Condylar » (Johnson & Johnson Orthopaedics, Braintree, MA) a une articulation fémoro-patellaire congruente avec un contact symétrique entre le fémur et la rotule. Ce design engendre une articulation fémoro-patellaire plus contrainte qui semble s’avérer favorable. Pertinence clinique : l’expérience actuelle et les diverses études disponibles à ce jour ne permettent pas la révélation de différence dans les résultats entre les prothèses à conservation du LCP et les prothèses postéro-stabilisées. À la lumière de la littérature actuelle, aucune distinction ne peut être faite quant à la qualité des résultats ou aux survies moyennes publiées. Ces conclusions doivent néanmoins être nuancées par le fait que la majorité des études ont inclus dans leurs résultats tous les patients opérés sans distinction de conditions spécifiques, telles que les déformations axiales majeures, la raideur articulaire importante ou l’âge avancé. Nous pourrions attendre de l’analyse fine de tels sous-groupes qu’elle identifie des différences entre les deux types de prothèses. D’autre part, les données actuelles sont également trop hétérogènes pour différencier les deux types de prothèse en fonction du diagnostic d’arthrite rhumatoïde ou de gonarthrose. Les difficultés de la technique chirurgicale liées à la conservation du LCP n’influencent pas les résultats à moyen terme ni la survie moyenne à 10 ans comme le redoutaient ses défenseurs. Les réserves exprimées par certains concernant les contraintes inhérentes aux prothèses postéro-stabilisées ne sont pas confirmées par l’analyse des survies

272

La gonarthrose

moyennes de ce type de prothèses à plus de dix ans. Il n’y a, en effet, aucune évidence que la substitution du LCP par un implant postéro-stabilisé engendre un descellement à l’interface ciment-os sur le versant tibial. Notre attitude actuelle : le concept de substitution du LCP par une prothèse postéro-stabilisée a prouvé sa versatilité, sa durabilité, avec d’excellents résultats cliniques et de survie. En tant que centre de formation dans lequel plus de 200 prothèses sont implantées chaque année, nous avons opté, depuis plus de 10 ans, pour une prothèse postéro-stabilisée sacrifiant le LCP dans tous les cas. Ce choix nous assure des résultats comparables (97 % d’excellents et bons résultats) (74) aux meilleures séries de la littérature, malgré le nombre relativement élevé de chirurgiens qui implantent des PTG dans notre service.

Prothèses cimentées versus prothèses non cimentées Il existe peu de données dans la littérature qui comparent les prothèses cimentées aux prothèses sans ciment ou fixées selon la technique « press-fit ». Dans une étude de 114 PTG hybrides (fémur non cimenté, tibia cimenté), suivies durant 2,8 ans, le score de la « Knee Society » est passé de 39 en préopératoire à 92 en postopératoire (93). Il y avait 93 % d’excellents et bons résultats, et la flexion moyenne était de 112°. Des liserés radiologiques ont été notés dans 30 % des cas sur le fémur, 30 % sur le tibia et 23 % sur la rotule. Le taux de réopération était de 3 %. Une autre étude a comparé 59 PTG non cimentées à 59 PTG cimentées (71). À un recul moyen de 2,8 ans, les excellents et bons résultats étaient de 98 % pour les PTG cimentées et de 90 % pour les non cimentées. La mobilité articulaire était de 103° pour les cimentées et de 101° pour les non cimentées. Les complications pour les non cimentées consistaient en neuf descellements du composant rotulien à support métallique, une infection profonde, une arthrofibrose et une thrombose veineuse profonde pour un taux général de complications de 20 %. Les complications dans le groupe cimenté consistaient en deux thromboses veineuses profondes, une infection profonde, une fracture rotulienne, une fracture distale du fémur pour un taux général de complications de 10 %. Une réopération a été nécessaire dans 7 % des prothèses cimentées et dans 19 % des prothèses non cimentées. MacCaskie et al. ont réalisé une étude randomisée prospective comparant 81 prothèses cimentées à 58 prothèses non cimentées avec un recul moyen de 5 ans (54). Tant du point de vue de la douleur que de la fonction du genou, les auteurs n’ont pas trouvé de différence entre les deux groupes. L’analyse des genoux opérés à l’aide des scores « Nottingham Knee et Knee Society », a montré des résultats similaires entre les deux groupes. Seuls la taille et le nombre de liserés radiologiques étaient significativement augmentés sur le tibia en vue antériopostérieure et sur le fémur en vue de profil dans le groupe cimenté en comparaison du groupe non cimenté. Les auteurs suggéraient une observation prolongée pour en connaître la signification clinique. Finalement, une étude à 10 ans de 51 PTG cimentées et 55 PTG non cimentées a été réalisée par une équipe de la Mayo Clinic (23). Le score de la « Knee Society » concernant la douleur et la fonction était de 92 et 72 pour le groupe cimenté, et de 88 et 66 pour le groupe non-cimenté. La mobilité articulaire était de 102° dans le groupe cimenté, et de 100° dans le groupe non cimenté. En utilisant la révision comme point final, le taux de survie moyen à 10 ans était de 96 % pour les prothèses cimentées, et de 88 % pour les prothèses non cimentées. Cette différence était significative (p = 0,05).

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Pertinence clinique : il est actuellement très difficile de conclure définitivement sur le type de fixation à recommander. Les études à moyen terme ne montrent pas vraiment de différence entre les deux groupes, mais soulèvent le problème des liserés radiologiques notamment sur les PTG cimentées. Toutefois, les études à long terme semblent confirmer l’hypothèse que le ciment protège l’os de l’agression des particules de polyéthylènes prévenant ainsi le descellement aseptique. Une nouvelle fois, les diverses études comparent des populations hétérogènes, alors que le choix du type de fixation doit être fait en fonction du patient, et plus particulièrement en fonction de la qualité de son os. Notre attitude actuelle : pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment, nous optons pour un scellement par ciment acrylique des composants fémoraux, tibiaux et rotuliens de toutes nos prothèses.

Resurfaçage de la rotule versus non resurfaçage de la rotule Les résultats des PTG avec ou sans resurfaçage de la rotule ne diffèrent en rien pour autant que les patients qui ne bénéficieront pas de resurfaçage aient été soigneusement sélectionnés par le chirurgien. Ainsi, dans des études rétrospectives, Picetti et al. (66) notaient une prévalence de douleur antérieure du genou de 29 % sans resurfaçage de la rotule, mais cette étude ne possédait pas de groupe contrôle ; Boyd et al. (11) notaient 6 % de complications en cas de non-resurfaçage versus 4 % chez des patients d’un groupe contrôle. Par contre, l’incidence de douleur chronique péri-rotulienne était de 13 % dans le groupe non resurfacé après inclusion des patients souffrant d’arthrite inflammatoire. Dans ce cas, la différence était hautement significative et les auteurs recommandaient un resurfaçage systématique de la rotule en cas d’arthrite inflammatoire. Deux études présentaient de meilleurs résultats fonctionnels, notamment à la montée des escaliers, après resurfaçage de la rotule en comparaison des prothèses non resurfacées (75, 78). Deux équipes ont comparé les résultats de prothèses bilatérales dont un côté avait bénéficié d’un resurfaçage rotulien et l’autre pas. Keblish et al. (44) ne notaient aucune différence entre les deux genoux alors que Enis et al. (25) notaient une préférence et une tendance à de meilleurs résultats du côté resurfacé. À la lecture d’études randomisées et prospectives, nous remarquons que Barrack et al. (8) ne notaient aucune différence dans l’analyse des scores, de la satisfaction des patients, mais rapportaient 10 % de resurfaçage secondaire dans le groupe dont la rotule n’avait pas été resurfacée. Bourne et al. (12) décrivaient des résultats supérieurs concernant la douleur et une force en flexion plus importante dans le groupe sans resurfaçage rotulien et un taux de révision secondaire de 4 %. Pertinence clinique : les résultats après implantation de PTG avec ou sans resurfaçage rotulien sont semblables pour autant que la sélection des patients sans resurfaçage rotulien soit adéquate. Il existe un consensus à resurfacer une rotule en cas d’arthrite rhumatoïde, de déformation rotulienne, d’arthrose fémoro-patellaire primaire, de subluxation ou de luxation rotulienne, de chondropathie fémoropatellaire de grade III ou plus, d’évidence préopératoire ou peropératoire de dysmorphisme ou d’incongruence fémoro-patellaire majeure et chez des patients âgés dont l’espérance de vie est faible. Le resurfaçage devrait être évité en cas de petite rotule, ostéopénique et chez des patients jeunes et actifs, en cas de surface cartilagineuse normale ou presque normale et de patella baja.

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La décision de resurfacer une rotule repose sur le type de composant utilisé, les caractéristiques du patient et sur l’évaluation peropératoire du degré d’atteinte de l’articulation fémoro-patellaire et de sa cinématique. De fait, cette décision dépend entièrement de l’expérience du chirurgien. Notre attitude actuelle : « Si vous optez pour un resurfaçage systématique de la rotule, vous devez obtenir un taux de complications lié à cette intervention inférieur à 5 %. C´est en effet le taux de complication actuel que l’on peut attendre d’un non resurfaçage de la rotule ! » telles étaient les paroles de Barrack (9) lors de l’Académie américaine des chirurgiens orthopédistes à Orlando 2000. En ce qui nous concerne, nous resurfaçons quasi systématiquement la rotule à l’exception des contre-indications citées précédemment. Ainsi, près de 98 % des rotules sont resurfacées avec un taux de complications bien inférieur au 5 % énoncé par Barrack.

Conditions particulières La maladie de Charcot Dans une petite série de patients souffrant de maladie de Charcot, une arthroplastie par prothèse postéro-stabilisée permettait d’excellents résultats dans tous les cas à un recul moyen de 3 ans (79). Dans cette série, les déficits osseux furent corrigés soit par greffe osseuse, soit par adjonction de cales aux composants prothétiques. Un soin méticuleux dans le réglage de la balance ligamentaire était vivement recommandé par les auteurs.

La maladie de Parkinson Dans une série limitée à quelques patients souffrant de la maladie de Parkinson, Vince et al. ont démontré d’excellents et bons résultats 4 ans après l’implantation d’une prothèse postéro-stabilisée (92).

L’arthrose post-traumatique Les défauts d’axe et les déformations articulaires présents chez ces patients représentent souvent un défi technique pour le chirurgien. Mais si celui-ci compense les pertes osseuses par greffe ou par calage des composants prothétiques et restaure une balance ligamentaire correcte, l’implantation d’une prothèse postéro-stabilisée permet près de 90 % d’excellents et bons résultats à un suivi moyen de 4 ans (94). Selon les séries de la littérature, l’arthroplastie totale du genou permet aussi des résultats très satisfaisants chez les patients souffrant de diabète (24), d’obésité (83), de psoriasis (82) ou d’ostéonécrose aseptique (81).

Le genou en valgus Il existe actuellement deux études qui rapportent spécifiquement des résultats de PTG implantées sur des genoux dont la déformation axiale était supérieure à 10° de

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valgus. Il est vrai que la plupart des études s’intéressent à des genoux en varus, car il représente de loin la majorité des cas (90 %) que nous sommes appelés à traiter. Une des études évaluait les résultats de 134 PTG à prédominance postéro-stabilisée qui avaient été implantées dans des genoux présentant un valgus égal ou supérieur à 10° (86). Tous les composants avaient été cimentés et le recul moyen était de 4,5 ans. Les auteurs notaient 91 % d’excellents et bons résultats. Cependant, la fraction d’excellents résultats n’était que de 71 %, valeur légèrement inférieure aux résultats courants des prothèses postéro-stabilisées. Un autre résultat remarquable était les 76 % de section de l’aileron externe nécessaire après la constatation peropératoire d’une subluxation externe de la rotule. Une autre étude d’Aglietti et al. (4) rapporte les résultats de 51 PTG implantées sur des genoux présentant un valgus supérieur à 10° et avec un recul moyen de 6 ans. Les auteurs notaient, en s’appuyant sur le score d’évaluation de la « Knee Society », 53 % d’excellents et 39 % de bons résultats. Dans cette série, 49 % de section de l’aileron externe furent nécessaires. Pertinence clinique : l’arthroplastie totale du genou est une intervention efficace, fiable et durable dans le traitement des gonarthroses valgisantes. Mais une gonarthrose valgisante est techniquement plus exigeante qu’une gonarthrose varisante notamment dans l’obtention d’une balance ligamentaire correcte. Ceci est probablement dû à la plus grande complexité anatomique du compartiment externe, ainsi que de la relative rareté des déformations en valgus. En réalité, l’implantation d’une PTG sur un genou déformé en valgus est une intervention très différente de l’arthroplastie totale pour gonarthrose varisante. Les libérations ligamentaires sont différentes, tout comme les déficits osseux (38). Les genoux, dont la déformation axiale est en valgus, présentent une érosion significative du condyle fémoral externe, alors que dans la gonarthrose varisante, elle se trouve plutôt sur le plateau tibial interne. L’usure du condyle fémoral externe peut rendre le positionnement du composant fémoral en rotation externe difficile. L’expérience montre que la libération ligamentaire externe débutant à partir du fémur permet l’obtention d’une balance ligamentaire correcte, qui assure des résultats très satisfaisants à moyen terme (86). Notre attitude actuelle : nous insistons sur la planification préopératoire, notamment en ce qui concerne les coupes osseuses et les libérations ligamentaires. Nous sacrifions systématiquement le LCP dans ces cas et implantons toujours une prothèse postéro-stabilisée. La voie d’abord est une voie centrale avec une arthrotomie parapatellaire interne classique dans les valgus inférieurs à 15° et une voie externe souvent associée à une ostéotomie de la tubérosité tibiale antérieure dans les valgus supérieurs à 15°. Notre libération ligamentaire débute par la section du LCP, puis par la dissection de la capsule postéro-externe, et si nécessaire de la bandelette ilio-tibiale, du tendon poplité et du ligament collatéral externe. Néanmoins, la section du ligament collatéral externe devrait, si possible, être évitée, car elle induit toujours une laxité externe pathologique (65). Par contre, une section de l’aileron externe est effectuée quasi dans tous les cas.

Les patients âgés de plus de 80 ans L’arthroplastie totale du genou chez les patients de plus de 80 ans a été étudiée par le groupe de John Insall (51). Ils ont suivi 98 patients dont la moyenne d’âge était de 82 ans au moment de l’intervention. Le suivi moyen était de 4,5 ans et la majorité des prothèses implantées était de type postéro-stabilisé (71 %). Les auteurs ont noté 93 % d’excellents et bons résultats dans cette série.

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Pertinence clinique : l’arthroplastie totale du genou est une intervention efficace et durable chez les patients âgés souffrant de gonarthrose. En fait, dans cette classe d’âge, ce sont souvent les co-morbidités qui déterminent le succès ou la survenue de complications périopératoires, ainsi que le résultat fonctionnel à moyen terme. Les patients âgés sont souvent moins actifs et soumettent leurs prothèses à des sollicitations mécaniques moindres. Ils présentent, par conséquent, un faible risque de descellement aseptique et un composant tibial entièrement en polyéthylène peut être implanté chez un patient âgé, sédentaire et sans surcharge pondérale avec un taux de succès comparable aux implants classiques à embase tibiale métallique (51).

PTG après ostéotomie tibiale proximale de valgisation Nous savons depuis près de vingt ans maintenant que l’ostéotomie tibiale de valgisation permet de différer l’implantation d’une PTG et d’assurer aux patients sportifs ou travailleurs soulevant de lourdes charges, la poursuite de leurs activités. Mais il existe encore une controverse à propos des résultats de PTG implantées après ostéotomie. Certains auteurs ont rapporté des résultats moins satisfaisants lors de l’implantation d’une PTG après ostéotomie de valgisation en comparaison des résultats après arthroplastie totale primaire (43, 61). D’autres auteurs ont montré des résultats similaires chez des patients avec ou sans ostéotomie préalable (5, 10, 64, 90). Une étude récente a comparé des PTG bilatérales dans une série homogène de 39 patients ayant subi, d’un côté une ostéotomie tibiale proximale de fermeture externe, et de l’autre aucune intervention correctrice (59). Le suivi moyen était de 7 ans. Tant du point de vue de la douleur que de la fonction (Knee Society score), les résultats ne différaient pas entre les deux groupes. L’axe mécanique était de 6,3° valgus dans le groupe ostéotomie et de 5,2° dans le groupe PTG primaire. Dans 90 % des cas, une libération du compartiment externe n’a pas été nécessaire. Pour parvenir à de tels résultats, les auteurs ont procédé à une résection osseuse minimale du plateau tibial externe et inséré un polyéthylène tibial plus épais que d’habitude permettant de rétablir une position anatomique (à la hauteur pré-ostéotomie) de l’interligne externe après l’implantation de la PTG. Une autre étude a montré, dans une série de 90 PTG implantées après ostéotomie tibiale proximale de valgisation, des résultats quasi similaires à ceux de PTG primaire sans intervention préalable (7). À un délai postopératoire moyen de 6,5 ans, les résultats concernant la douleur et la fonction (Knee Society score) étaient inférieurs dans le groupe prothèse sur ostéotomie. L’instabilité médio-latérale était inférieure à 5 mm dans 90,5 % des cas. La survie moyenne de ces PTG était de 90 % à 10 ans. Les auteurs recommandaient dans les déviations axiales majeures (supérieures à 9°) d’associer une ostéotomie correctrice à la PTG dans le même temps opératoire. Pertinence clinique : les patients ayant bénéficié d’une ostéotomie tibiale de valgisation dans leurs antécédents peuvent présenter d’importantes différences préopératoires, comme un axe mécanique en valgus, une patella infera, un stock osseux du tibia proximal diminué, une instabilité résiduelle voire un tilt rotulien excessif par adhérence et rétraction postostéotomie. Ces différences doivent être rigoureusement analysées lors de la planification préopératoire et corrigées lors de l’implantation prothétique (fig. 3). En prenant en compte ces différences, le résultat escompté d’une PTG implantée après ostéotomie peut être quasi équiva-

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A

B

C

D

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Fig. 3. L’implantation d’une PTG après une ostéotomie de valgisation tibiale proximale peut se révéler plus difficile qu’une PTG primaire (A, B). Il est parfois nécessaire de procéder à une ostéotomie de la tubérosité tibiale antérieure, afin de corriger la malposition rotulienne (C, D)

lent à une PTG primaire. Néanmoins, l’intervention chirurgicale est, dans ce cas, plus difficile et peut se compliquer. Ceci doit donc être discuté avec le patient et pris en compte lors de l’indication à l’ostéotomie. Notre attitude actuelle : dans notre expérience, nous n’avons pas constaté de résultats très différents entre les PTG après ostéotomie et les PTG primaires. Nous insistons sur l’importance de la planification préopératoire et sur l’expérience chirurgicale que ces cas réclament. Néanmoins, nous avons opté depuis 2 ans pour des ostéotomies tibiales proximales d’ouverture interne qui préviennent en partie les difficultés de l’implantation d’une PTG après ostéotomie.

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L’arthroplastie chez les patients jeunes Le patient jeune est défini dans le cadre de l’arthroplastie et selon la littérature d’un âge égal ou inférieur à 55 ans. Il n’existe que quelques publications qui ont spécifiquement étudié les résultats des arthroplasties du genou chez les patients jeunes souffrant de gonarthrose (19, 22, 53, 69, 83, 84). Bien que l’arthroplastie du genou chez le sujet jeune ait déjà fait la preuve de son efficacité, cette intervention a été réservée, jusqu’à récemment, plutôt aux patients âgés de 60 ans et plus. Les possibilités de descellement aseptique dû aux débris générés par des patients jeunes et actifs durant de nombreuses années ont toujours fait craindre de nombreuses révisions et changements prothétiques. Les patients jeunes peuvent être logiquement divisés en deux groupes : ceux souffrant de maladie inflammatoire rhumatismale (polyarthrite rhumatoïde (PR) et PR juvénile), et ceux souffrant de gonarthrose précoce. Ainsi, dans une série de patients dont 86 % souffraient de PR, Dalury et al. (19) notaient des résultats très satisfaisants avec un recul moyen de 7,2 ans. Quatre-vingt treize pour cent des patients ne se plaignaient d’aucune douleur et le score de la « Knee Society » avait passé de 37 en préopératoire à 93 en postopératoire. Sur les radiographies, les auteurs ont noté des liserés chez 15 % des patients sur le versant fémoral et 13 % sur le versant tibial. Aucune révision n’avait été nécessaire au moment de la revue des patients. Dans une autre étude de 93 PTG implantées, en grande majorité chez des patients souffrant de rhumatisme imflammatoire (81 %) et suivies au-delà de 6 ans, les auteurs notaient 98 % d’excellents et bons résultats (69). Le score moyen postopératoire de la « Knee Society » était de 87. L’évaluation radiologique démontrait 30 % de liserés sur le tibia et sur le fémur qui correspondait dans deux cas à un mauvais résultat clinique. L’analyse de la survie moyenne cumulative à 10 ans était de 96 % pour la totalité du groupe. Les auteurs concluaient que la PTG, dans ce groupe de sujets jeunes, permettait des résultats aussi durables et satisfaisants que chez la personne âgée. D’autre part, ces résultats étaient considérés comme meilleurs, du point de vue de la qualité du résultat fonctionnel et de la survie, que les résultats des prothèses totales de la hanche implantées chez des sujets jeunes. Mais ces bons résultats ont toujours été expliqués par les faibles sollicitations mécaniques auxquelles ces patients rhumatisants et souffrant de plusieurs articulations soumettaient leurs prothèses. Lonner et al. (53) ont réalisé une étude multi-centrique parmi les membres de la « Knee Society » et ils ont ainsi pu étudier 32 PTG (cimentées) implantées chez des patients de moins de 40 ans et souffrant de gonarthrose. Le recul moyen était de 7,9 ans. L’analyse générale de ces PTG a révélé 82 % d’excellents et bons résultats. Par contre, en usant du score de la « Knee Society », les auteurs ne notaient que 40 % d’excellents et bons résultats fonctionnels. Il est remarquable de constater que, si les auteurs excluaient les cas de litiges assécurologiques, les excellents et bons résultats était de 91 % et les résultats fonctionnels de 50 %. Le taux d’échec à 8 ans était de 12,5 % dans cette étude. Notons néanmoins que deux des trois descellements aseptiques étaient survenus avec des prothèses non cimentées. Les conclusions des auteurs étaient que l’implantation d’une PTG chez le sujet jeune, dont les attentes fonctionnelles sont plus importantes que la personne âgée, donnait lieu à un résultat légèrement inférieur à celui décrit chez la personne âgée. Dans une autre série de 68 PTG cimentées et implantées pour gonarthrose chez des patients de moins de 55 ans, les auteurs notaient 81 % d’excellents et 19 % de bons résultats à 6,2 ans de recul (83, 84). L’avis des auteurs était que l’implantation de PTG chez des sujets de moins de 55 ans était recommandée et permettait des résultats à moyen terme identiques aux patients plus âgés. Par contre, ces patients

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devaient être sédentaires et accepter de ne soumettre leurs prothèses qu’à de faibles sollicitations mécaniques. La principale faiblesse des différentes études citées est l’absence d’analyse spécifique de l’activité sportive et quotidienne des patients opérés. Diduch et al. (22) ont étudié 103 PTG postéro-stabilisées cimentées et implantées chez 80 patients souffrant de gonarthroses dont l’âge moyen était de 51 ans (22-55 ans). Le recul moyen était de 8 ans, mais plus de 35 % des patients ont été suivis au-delà de 10 ans permettant ainsi la détermination d’une survie moyenne. Les patients ont été évalués avec le score de la « Knee Society », le score HSS (The Hospital of Special Surgery) et les scores d’activité que sont le Tegner et le Lysholm. Dans cette série, les excellents et bons résultats représentaient 94 % des cas et le score de Tegner est passé de 1,3 point (0 à 4 points) en préopératoire à 3,5 points (1 à 6 points) en postopératoire. L’activité physique la plus fréquemment pratiquée était la marche sur une distance moyenne de 3,2 kilomètres (60 % des patients). La pratique de la bicyclette soit stationnaire, soit en extérieur était la deuxième activité la plus fréquemment réalisée (53 % des patients). La pratique d’autres activités comme le golf (24 % des patients) ou la course sur tapis roulant (20 % des patients) était également décrite. Sept patients pratiquaient l’aérobic, dix le « stair-master », neuf le tennis, treize la randonnée sportive ou la chasse, neuf travaillaient dans la construction ou dans une ferme, et six pratiquaient le ski alpin. Neuf pour cent des PTG avaient des liserés radiographiques lors du dernier contrôle. La survie moyenne des prothèses était de 94 % à 18 ans si l’on considérait la révision du composant fémoral et/ou tibial comme déterminant. Trois patients ont dû subir la révision du composant rotulien uniquement. Si ces trois révisions étaient incluses dans le calcul de la survie moyenne, celle-ci était alors de 90 % (fig. 4). Comme nous l’avons déjà évoqué, le bénéfice attendu d’une arthroplastie est la réduction des douleurs, le réalignement du membre et l’amélioration fonctionnelle. Dans les années 1980, la douleur était le premier motif de l’indication à une arthroplastie. Actuellement, les patients jeunes placent le gain de fonction au même degré d’importance que la diminution de la douleur. L’activité sportive après arthroplastie totale a été étudiée par plusieurs auteurs. Bradbury et al. (13) ont évalué la participation sportive de 160 patients (208 PTG). Soixante-dix-neuf patients (45 %) participaient au moins une fois par semaine à une activité sportive avant l’opération et quarante cinq de ces soixante-dix-neuf (65 %) patients Fig. 4. Courbe de survie selon Kaplan-Meier de prothèses implantées chez des patients jeunes (moy. 51 ans). Les losanges dessinent la courbe de survie en prenant en compte la révision des composants fémoraux et tibiaux comme point final. Les carrés dessinent la courbe de survie avec comme point final la révision des composants fémoraux et tibiaux et celle du composant rotulien (Tiré et adapté de : Diduch DR, Insall JN, Scott N, et al. (1997) : Total knee replacement in young, active patients : long term follow-up and functional outcome. J. Bone Joint Surg. 79-A : 575582. With permission.)

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participaient encore au moins une fois par semaine à une activité sportive après l’arthroplastie. Quelques patients (20 %) ont repris des activités à impacts élevés, telles que le tennis, alors que la majorité (91 %) avait opté pour des activités à faibles impacts, telles que la marche ou le bowling. Laporte et al. (50) ont eux suivi 11 patients (18 genoux), qui jouaient au tennis, et dont l’âge moyen était de 72 ans (47-89 ans). Le recul moyen était de 3,2 ans et tous les patients étaient très satisfaits de leur opération. Mallon et Callaghan (56, 57) ont étudié, avec la collaboration des membres de la « Knee Society », la pratique du golf chez des patients ayant bénéficié d’une arthroplastie totale du genou. Quatre-vingt-douze pour cent des chirurgiens interrogés recommandaient ou ne décourageaient pas la pratique du golf à leurs patients. Quatre-vingt-seize pour cent des chirurgiens ont estimé que la pratique du golf n’augmentait pas le taux de complications de leurs patients. Soixante pour cent des chirurgiens conseillaient, néanmoins, le recours à la voiturette de golf (« cart ») pour jouer. Les mêmes auteurs ont étudié 83 joueurs amateurs de golf. Parmi ceux-là, 84 % ne se plaignaient d’aucune douleur lorsqu’ils jouaient au golf, mais 35 % notaient une douleur modérée dans le genou opéré après avoir joué. Les joueurs opérés du genou gauche se plaignaient plus souvent de douleurs après le golf que ceux opérés du genou droit. Un facteur déterminant la reprise d’activité sportive par les patients après l’implantation d’une PTG est l’activité sportive préopératoire (32). En effet, les patients qui ont pratiqué une activité sportive à un bon niveau avant leur opération sont ceux qui pourront reprendre le plus sûrement cette activité après leur arthroplastie. Le meilleur exemple est le ski alpin. Un bon skieur peut espérer reprendre son activité avec une certaine sécurité, s’il se limite à des pistes de moyenne difficulté, sans bosses et par bonne condition de neige. Un autre facteur déterminant l’éventuelle reprise d’une activité sportive est la qualité avec laquelle l’implantation de la prothèse s’est faite. L’importance d’une arthroplastie anatomiquement et biomécaniquement optimale, d’un implant bien dessiné et d’une parfaite balance ligamentaire et des tissus mous ne peut être sous-estimée. Du point de vue technique, l’usage de l’alliage cobalt-chrome et du titane, d’un polyéthylène à l’épaisseur appropriée et d’une fixation par ciment permettra l’obtention d’un résultat de qualité, laissant augurer la possibilité d’une pratique sportive. Les traumatismes sportifs du genou opéré sont redoutés du patient et de son chirurgien. La luxation fémoro-tibiale est rare et survient avec les prothèses postéro-stabilisées lorsqu’elles sont forcées en flexion. La rupture traumatique d’un LCP préservé lors de l’implantation de la prothèse nécessitera une révision. L’instabilité fémoro-patellaire est fonction de l’alignement du membre inférieur, de la position de l’implant, de sa rotation et de la balance des tissus mous. Les problèmes fémoro-patellaires représentent 5 % des complications des arthroplasties du genou (6). Les fractures péri-prothétiques sont rares (< 1 %) après une PTG primaire et surviennent suite à un traumatisme sévère (6). Les sports qui peuvent être recommandés après une arthroplastie totale du genou comprennent la voile, la natation, la plongée avec masque-tuba, le cyclisme, le golf, la randonnée, le ski de fond et le bowling. Les activités sportives qui devraient être découragées après une arthroplastie totale du genou sont la course à pied, le ski nautique, le football, le basketball, le hockey sur glace, le handball, le karaté et le squash. Une étude conduite par Healy et al. (32) auprès de 58 chirurgiens, membres de la « Knee Society », a analysé les recommandations faites aux patients par les différents opérateurs au sujet de l’activité sportive postopératoire. Quarante-deux activités sportives ont été présentées aux chirurgiens qui devaient les classer en « recommandée/autorisée », « autorisée si patient expérimenté », « pas d’opinion », et « non recommandée ». Les 58 réponses ont ensuite

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été soumises à un traitement statistique permettant d’établir un consensus de ces recommandations. Les résultats sont présentés dans le tableau 3. Pertinence clinique : l’arthroplastie totale du genou est un traitement efficace et durable chez le sujet jeune souffrant de polyarthrite rhumatoïde. Les résultats sont plus controversés pour ce qui concerne la polyarthrite rhumatoïde juvénile. L’arthroplastie totale du genou apparaît comme une option raisonnable dans le traitement de la gonarthrose invalidante du sujet jeune. Néanmoins, l’indication doit être discutée en détail chez le sujet de moins de quarante ans où la demande fonctionnelle peut hypothéquer le résultat de la prothèse à moyen terme. Les cas de litige assécurologique doivent être également évalués avec soin avant de poser définitivement l’indication à la PTG. Si l’on en croit Rand et al. (71) et Diduch et al. (22), les prothèses à conservation du LCP montrent des résultats semblables aux prothèses postéro-stabilisées chez le sujet jeune. Le chirurgien est donc invité à choisir le type de prothèse avec lequel il possède la meilleure expérience. L’épaisseur du polyéthylène devrait être égale ou supérieure à 10 mm. La fixation devrait consister en un scellement par ciment (22). Il a été montré que la fixation par ciment était une excellente barrière contre les débris de polyéthylène, qui vont conduire aux descellements aseptiques (17, 41, 46). Une attention particulière portée à l’alignement de la prothèse, à la balance des tissus mous et des ligaments par un chirurgien expérimenté peut réduire les forces excentriques et de cisaillements et ainsi favoriser la longévité de la prothèse. Des activités sportives à faible impact (marche, natation, vélo) peuvent être recommandées après une arthroplastie totale du genou. Pour des activités plus exigentes, tel le ski de fond ou le ski alpin, l’expérience sportive préopératoire est déterminante. Notre attitude actuelle : chez les jeunes souffrant de polyarthrite rhumatoïde, nos indications se sont élargies et nous opérons des patients plus jeunes qu’auparavant. Par contre, en présence d’une arthrose, nous sommes toujours très conservateurs et recourons à la plupart des autres options thérapeutiques (ostéotomies, arthroscopies, traitement physique) afin de différer l’arthroplastie. Il faut néanmoins noter que la population jeune que nous avons l’habitude de traiter est très Tableau 3. Activités sportives après arthroplastie totale du genou (Knee Society Survey) Recommandées/ Autorisées Aérobic (faible impact) Cyclisme (stationnaire) Bowling Golf Danse Équitation Marche Natation Tir Plongée Voile

Sans conclusion

Autorisées avec expérience

Cyclisme sur route Canoë Randonnée Aviron Ski de fond Marche rapide Tennis (double) Musculation légère Patinage sur glace Danse de salon

Squash Escalade Football Tennis (simple) Volleyball Gymnastique Hockey sur glace Basketball Jogging « Power walking » Handball Montée d’escalier illimitée Hockey sur gazon Baseball

Non recommandées Escrime Patins à roulette Ski alpin Musculation

(Tiré et adapté de Healy WL, Iorio R, Lemos MJ (2001) Athletic activity after joint replacement. Am. J. Sports Med. 29 : 377-388, with permission.)

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La gonarthrose

active, apprécie les activités de plein air, souvent en montagne, et pratique très souvent le ski alpin à un niveau avancé l’hiver. Chez le sujet jeune, nous implantons une prothèse condylienne à glissement, semi-contrainte, postéro-stabilisée, cimentée, à embase tibiale métallique, au design éprouvé de longue date, et nous resurfaçons systématiquement la rotule. Nous pensons qu’il est important de discuter, en détail et avant l’intervention, des activités physiques recommandées et déconseillées après l’arthroplastie. Nous encourageons nos jeunes patients à privilégier les activités sportives à faible impact. Les sports à haut impact sont vivement déconseillés. Les activités intermédiaires, comme le ski de fond, sont autorisées en fonction du niveau de pratique antérieur à l’opération. Toutefois, les activités sportives ne sont encouragées que lorsque les patients ont suffisamment rééduqué leurs muscles quadriceps et ischio-jambiers. Il est, malgré tout, exceptionnel que nous encouragions la pratique du ski alpin qui, au niveau où il est pratiqué par nos jeunes patients induit certainement des forces excentriques et de cisaillement néfastes à la longévité de la prothèse.

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Causes d’échec mécanique des prothèses totales du genou M. Bonnin

La prothèse totale du genou est désormais une intervention fiable et reproductible avec un taux de survie important. Des échecs peuvent toutefois apparaître, soit du fait de douleurs persistantes, soit du fait d’un problème mécanique objectif nécessitant un changement de tout ou partie de la prothèse, ou encore d’une infection. Nous n’aborderons ici que le problème des échecs liés à une défaillance objective de la prothèse fémoro-tibiale (descellement, laxité…) ou à des douleurs inexpliquées. Les complications liées à l’appareil extenseur ainsi que le problème des infections sur prothèse seront traités ailleurs. La démarche dans un échec de PTG a un double objectif avec d’abord diagnostique de la cause directe de l’échec (descellement, laxité...) que nous appellerons « cause d’échec » puis des mécanismes ayant conduit à cet échec, que nous appellerons « facteurs d’échec ». Ceux-ci peuvent être liés au chirurgien (malposition, défaut d’équilibrage ligamentaire, mauvaise fixation de l’implant...), à l’implant lui-même (qualité du polyéthylène, alliages, dessin...), ou au patient (atteintes multiples, notamment de la hanche sus-jacente ou de la cheville sousjacente, déminéralisation osseuse majeure, genou multiopéré...). Ces facteurs « secondaires » de l’échec ont été rapporté à 36 % (chirurgien), 14 % (implant) et 33 % (patient) (7). Cette analyse est fondamentale afin de ne pas reproduire lors d’un changement de prothèse, le problème ayant conduit à l’échec. Un bilan précis et complet s’impose afin de prévoir les difficultés techniques d’une éventuelle reprise, et éventuellement de planifier d’autres interventions.Ainsi, si une pathologie de la hanche sus-jacente est à l’origine de l’échec de la prothèse (arthrodèse de hanche, luxation congénitale), il est préférable de traiter la hanche avant d’envisager un changement de PTG. De même pour le pied sous-jacent : une déformation en pied plat valgus liée à une rupture dégénérative du tendon du tibial postérieur peut être à l’origine d’une bascule progressive en valgus de la PTG. Il est alors nécessaire de rétablir l’axe de l’arrière-pied par une arthrodèse sous astragalienne et médiotarsienne avant d’envisager un changement de la PTG. Le bilan doit donc être complet avec : Étude des diverses radiographies depuis l’implantation de la prothèse index. Examen clinique complet sans oublier les articulations adjacentes. Bilan radiographique complet avec clichés en appui, vues axiales des rotules et goniométrie. Dans certains cas, un bilan plus précis doit être réalisé : clichés dynamiques afin de rechercher une « laxité cachée », clichés sous amplificateur de brillance afin de mieux visualiser l’interligne os-prothèse, clichés de profil en flexion à la recherche d’un tiroir postérieur ou d’une bascule des pièces. Des clichés comparatifs réalisés par le même radiologue et avec le même coefficient d’agrandisse-

Causes d’échec mécanique des prothèses totales du genou

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ment radiographique peuvent être utiles pour mettre en évidence un surdimensionnement prothétique. Un scanner (6) doit être demandé si l’on soupçonne une malposition rotatoire, particulièrement en cas d’échec fémoro-patellaire ou de laxité externe en flexion. Pour certains, cet examen doit être systématique en cas de reprise de PTG. Une scintigraphie osseuse au technetium est utile, particulièrement en cas de douleurs inexpliquées ou de suspicion de sepsis, complétée éventuellement d’une scintigraphie au gallium ou aux polynucléaires marqués. Un bilan biologique complet doit systématiquement être réalisé à la recherche d’un syndrome inflammatoire. Une ponction articulaire peut être utile à titre diagnostique (cultures microbiennes, recherche d’acides nucleïques microbien, débris de polyéthylène) et pour certains (20) doit être systématique avant une reprise de PTG pour s’assurer formellement de l’absence de sepsis. Au terme de ce bilan, un diagnostic précis vis-à-vis de l’échec peut généralement être porté et le problème n’est alors plus que technique pour la reprise de prothèse. Dans certains cas, aucune anomalie objective ne peut expliquer les douleurs et se pose alors le problème d’un changement de prothèse à titre systématique ou d’une exploration chirurgicale ou arthroscopique.

Les descellements aseptiques Le descellement aseptique est la principale cause d’échec de PTG, survenant en moyenne 7 ans après la primo implantation (7, 8, 13, 46). Il s’agit d’une défaillance de l’ancrage des pièces, touchant avant tout le tibia et conduisant à un changement de prothèse. Pour certains, le descellement est lié à des micro-mouvements au niveau de l’ancrage qui s’aggravent progressivement (12). Dans cette hypothèse, la prévention passe par un ancrage maximal avec pénétration profonde du ciment dans l’os sous-chondral. Pour d’autres, il s’agit d’un enfoncement de la prothèse dans un os déminéralisé ou nécrosé (37, 71). Dans cette hypothèse, la prévention passe par un respect maximum de l’os sous-chondral en limitant notamment la pénétration du ciment qui risque d’en diminuer la vitalité. Pour Walker (85), la pénétration optimale est de 3 mm. Quoi qu’il en soit, le descellement est le plus souvent secondaire à des contraintes excessives appliquées à l’implant, parfois à un défaut de scellement initial, parfois à une usure précoce du polyéthylène qui entraîne une ostéolyse par libération de corps étrangers intra-articulaires. Cette complication se rencontre aussi bien dans les prothèses scellées que non scellées. Le diagnostic se pose généralement devant des douleurs d’apparition secondaire après un intervalle libre d’indolence. Plus rarement, la prothèse a été douloureuse immédiatement en postopératoire, ce qui doit faire soupçonner un sepsis précoce ou un défaut de fixation initiale. Parfois, c’est le bilan radiographique systématique qui montre des signes de descellement. Dans tous les cas, un descellement impose la réalisation d’un bilan complet à la recherche d’un sepsis larvé. Le diagnostic repose avant tout sur la radiographie qui peut mettre en évidence un liseré, un déplacement des pièces ou des géodes d’ostéolyse. Ce diagnostic est facile lorsqu’il existe un liseré important et un déplacement des pièces (fig. 1). Parfois il est difficile et il nécessite la réalisation de nouveaux clichés de qualité parfaite, contrôlés sous scopie, avec un rayon bien parallèle à l’embase

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La gonarthrose

métallique. En effet, une déviation du rayon radiologique de 3° par rapport à l’interligne os/prothèse suffit à masquer un liseré de 2 mm d’épaisseur (52). L’existence d’un liseré par ailleurs n’est pas synonyme de descellement. L’interface ciment-os est en effet évolutive, et même en cas de pénétration initiale satisfaisante du ciment dans l’os trabéculaire, une résorption osseuse localisée peut se produire et un tissu fibreux d’interposition peut alors se mettre en place. Ce phénomène se produit généralement dans les six premiers mois (81) et la notion d’évolutivité du liseré à partir de ce délai est fondamentale pour en affirmer le caractère pathologique. Ewald (24) a codifié les critères selon lesquels un liseré radiographique devient significatif et témoigne d’un descellement. L’existence d’un liseré de plus de 2 mm, quelle que soit la localisation, un liseré étendu à toute la surface du plateau tibial, un liseré en zones 5-6-7 ou un liseré évolutif sont des critères indiscutables de descellement (fig. 2). Parfois, particulièrement dans les prothèses non scellées, il faut savoir se contenter de signes indirects pour porter le diagnostic telles qu’une métallose ou des géodes d’ostéolyse (fig. 3). Fig. 1. Descellement fémoral avec migration de l’implant

Fig. 2. Les différentes zones de l’interligne os-prothèse

Causes d’échec mécanique des prothèses totales du genou

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Fig. 3. Métallose visible sous forme d’une densification du cul-de-sac sous-quadricipital

Des clichés dynamiques ou un examen sous amplificateur de brillance peuvent parfois être nécessaires pour mettre en évidence un descellement minime. Fehring (27), chez 20 patients présentant des douleurs inexpliquées lors du bilan de base a pu mettre en évidence, sous amplificateur de brillance, un liseré significatif dans 14 cas. Le descellement a toujours été confirmé lors de l’intervention. La scintigraphie au technetium 99 fait généralement partie du bilan de routine, mais sa valeur diagnostique est limitée, une hyperfixation scintigraphique, particulièrement tibiale, pouvant persister plusieurs années après l’intervention. Des faux positifs sont fréquemment observés (7) et il est difficile de décider d’une reprise uniquement sur des arguments scintigraphiques. Un descellement isolé de la pièce fémorale est rare et difficile à mettre en évidence sur les radiographies, particulièrement sur une prothèse non scellée (14, 44). Il s’accompagne d’une ostéolyse des condyles postérieurs entraînant une bascule en flexum de la pièce fémorale. L’importance des contraintes appliquées dans cette région font insister certains (14, 44) sur la qualité du cimentage postérieur et font critiquer l’utilisation de pièces fémorales non cimentées. Ces descellements fémoraux isolés se présentent souvent comme des douleurs inexpliquées du fait de la pauvreté du bilan radiographique standard. Ils doivent donc être recherchés attentivement car une reprise permet d’établir le diagnostic et de changer la pièce descellée (44). Plusieurs causes peuvent expliquer les descellements aseptiques.

La malposition initiale de la prothèse C’est la cause principale de descellement qu’elle explique dans 27 % des cas (7). Il s’agit généralement d’un varus tibial mais parfois d’une anomalie de pente tibiale ou d’un interligne oblique sur un axe globalement bon. L’effet péjoratif d’un axe en varus a été souligné par plusieurs études cliniques (37, 40, 50, 57) et bioméca-

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niques (36), mettant en évidence une augmentation des contraintes sur le compartiment interne en cas de varus. Certaines études n’ont toutefois pas permis de retrouver cette relation entre malposition et descellement (35, 73, 78). Devant une déformation en varus associée à un descellement c’est l’examen des clichés successifs, de la goniométrie et des clichés dynamiques qui permettront de faire la différence entre un défaut de coupe initial, une bascule secondaire par enfoncement de la pièce tibiale ou une bascule par mauvais équilibrage ligamentaire.

La surcharge pondérale C’est une cause théorique d’échec de PTG par descellement lié aux contraintes excessives (1, 38, 39). Cette notion est toutefois discutée et n’a pas été confirmée par les études ayant un recul jusqu’à 7 ans (55, 72). Griffin (30), avec un recul de plus de 10 ans, ne note pas plus de descellement en cas de surcharge pondérale. En revanche, à ce délai, 25 % des obèses ont un liseré (< 2 mm) contre 4 % chez les non-obèses. Dans cette étude, le critère d’obésité est une masse corporelle supérieure à 30 kg/m2, c’est-à-dire 86,7 kg pour un sujet de 1,70 m.

La taille de la prothèse Elle a pu être incriminée par certains, une prothèse de trop petite taille comportant un risque important d’enfoncement (65, 84). Cette notion n’a pas été retrouvée par Deroches (17) et l’objectif d’obtenir un appui cortical périphérique à tout prix pour la pièce tibiale n’est pas absolu.

Le défaut de fixation initial Il peut être une cause de descellement aussi bien pour les prothèses scellées que non scellées (57). Le cimentage doit être effectué de manière rigoureuse avec bonne préparation des coupes qui doivent être plates, permettant un appui homogène du plateau tibial et une pénétration du ciment, ce qui peut nécessiter une préparation locale en cas d’os condensé. Si l’intervention est réalisée sans garrot, les surfaces osseuses doivent être propres et sèches au moment du cimentage. Un système de lavage sous pression est alors utile.

L’activité du patient C’est un facteur de descellement à ne pas négliger, particulièrement chez le sujet jeune. Au niveau de la hanche, des taux de descellement de 100 % à 10 ans ont été décrits chez les patients de moins de quarante-cinq ans (15, 18) avec un risque de descellement multiplié par deux en cas de pratique sportive (41). Certaines études vont toutefois à l’encontre de ces résultats et notent un risque de descellement diminué en cas de pratique sportive (19, 83). Au niveau du genou, un tel lien n’a pas été clairement établi et la plupart des séries de PTG chez des sujets jeunes incluent une majorité de polyarthrites rhumatoïdes dont le bas niveau d’activité fausse les résultats. Looner (49), sur une série de 32 PTG chez des patients de moins de 40 ans, note un taux de descellements mécaniques ayant nécessité une reprise de 9,4 % à 8 ans de recul et de 11,5 % si l’on considère les descellements

Causes d’échec mécanique des prothèses totales du genou

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radiographiques. Bradburry (11) note une reprise du sport chez 65 % des patients pratiquant des activités sportives en préopératoire. À 5 ans de recul, il ne retrouve pas d’augmentation du nombre de reprise dans le groupe ayant repris le sport. Laporte (45), pour le tennis avec trois ans de recul et Healy (33) pour le golf, font les mêmes constatations avec la même critique quant au recul. L’accroissement de risque de descellement prothétique lié au sport ne se révèle toutefois qu’après 10 ans au niveau de la hanche et le recul des séries de PTG est encore insuffisant.

L’usure du polyéthylène C’est un facteur de descellement par le biais de la libération de particules pourvoyeuses d’ostéolyse (cf. infra).

La qualité osseuse Elle peut théoriquement être en cause. Dans la polyarthrite rhumatoïde, la résistance de l’os trabéculaire de la métaphyse tibiale proximale est diminuée pour représenter selon les zones de 11 % à 260 % de la valeur normale (4). Cette ostéopénie relative ne se traduit toutefois pas par un taux plus élevé de descellement mécanique des PTG dans les PR, et Ranawat (65) relate un taux de survie à 15 ans de 95,2 % dans la PR contre 91,1 % dans l’arthrose. Tayot (77) note un risque plus élevé de descellement septique dans les trois premières années, mais au-delà la courbe de survie dans les PR est stable et à 14 ans, le taux de survie de la prothèse HLS I est de 86 %, toutes causes de reprises et étiologies confondues, contre 94 % dans la PR.

Le dessin de la prothèse Il joue un rôle important par le biais de la contrainte. Toute augmentation de la contrainte dans le dessin des surfaces articulaires entraîne un transfert de forces sur l’ancrage, augmentant ainsi le taux de descellement. Un cas extrême est représenté par les prothèses à charnière dont le taux de descellement aseptique à partir de deux ans de recul devient important (3, 21, 60). À l’autre extrémité, l’utilisation de plateaux mobiles permet de réduire les contraintes sur l’ancrage et les prothèses conservant les deux ligaments croisés représentent en théorie le moyen idéal de protéger l’ancrage (86).

Les laxités Les laxités représentent une cause fréquente d’échec de PTG, nécessitant un changement de prothèse en moyenne 4 ans après la primo-implantation (7, 8). Le problème de la laxité dans les PTG peut se poser dans deux situations différentes. Dans certains cas, il s’agit d’une laxité évidente sur le plan clinique (26) : bascule à la marche en varus, valgus ou recurvatum, accidents d’instabilités à répétition, voire luxation fémoro-tibiale. Cliniquement, la laxité peut être mise en évidence facilement par une bascule à la marche et une laxité en extension complète, généralement asymétrique en varus valgus. Les clichés dynamiques en varusvalgus peuvent confirmer le diagnostic, de même que les simples clichés en appui monopodal montrant une décoaptation asymétrique (fig. 4). Il s’agit ici d’une

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La gonarthrose

laxité en extension, souvent liée à un défaut technique lors de l’implantation. Un mauvais équilibrage ligamentaire initial peut isolément conduire à une laxité frontale invalidante s’il est important notamment dans les arthroses externes évoluées avec distension interne. Il explique 28 % des cas de laxité réopérée pour changement de prothèse (7). Un défaut de correction d’une déformation préopératoire est un facteur déterminant. Il peut à lui seul conduire à une laxité importante notamment dans les genu valgum, mais il agit généralement comme facteur aggravant. Une laxité résiduelle en extension modérée qui pourrait être bien tolérée sur un genou normoaxé va décompenser rapidement en cas de défaut d’axe. Ce facteur représente 35 % des réopérations pour laxité (7). D’autres facteurs aggravants ont été signalés. Dysplasie ou luxation congénitale de la hanche sus-jacente, non opérée ou opérée avec mauvaise correction, notamment persistance d’une antéversion fémorale excessive ou d’une adduction fémorale par latéralisation de la tête fémorale. Dans ces atteintes mixtes, une réflexion globale doit être engagée avant toute décision chirurgicale et l’utilisation de prothèses sur mesure corrigeant les troubles de rotation peut aider à résoudre des problèmes complexes. Déformations sous-jacentes au niveau de la cheville ou de l’arrière-pied, notamment en valgus qui peuvent nécessiter une correction avant d’envisager le changement de prothèse de genou. Une prothèse sous-dimensionnée peut également être en cause (82).

Fig. 4. Laxité externe visible sur un simple cliché en appui monopodal

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Tous ces cas de laxités importantes nécessitent une reprise, généralement pour un changement de prothèse et posent le problème de la correction des déformations et des éventuelles lésions des ligaments périphériques. En l’absence de déformation, certains proposent des geste de retension (32), voire des allogreffes ligamentaires, isolées ou en association avec un changement de prothèse. Un recurvatum sur PTG pose avant tout le problème de son origine. Il peut être lié à un défaut de verrouillage quadricipital d’origine mécanique (rupture du tendon rotulien ou quadricipital) et son traitement est alors difficile, allant de la simple réparation à l’allogreffe (66). S’il s’agit d’un déficit neurologique, le traitement peut consister en une orthèse, une arthrodèse, ou pour certains une prothèse charnière qui fera courir le risque d’une rupture de l’implant ou d’un descellement. Le plus souvent, il s’agit d’un problème purement ligamentaire et impose un changement de prothèse (fig. 5). Dans certains cas, la prothèse est stable en extension et la laxité ne se révèle qu’en flexion. La symptomatologie est bâtarde (épanchements, insécurité, douleurs diffuses), l’examen clinique peu démonstratif et le risque est de classer ces laxités « cachées » dans les douleurs inexpliquées (61). Ces laxités en flexion peuvent être de deux types.

Laxité directe symétrique Un espace en flexion laissé trop laxe sur une prothèse postéro-stabilisée peut se rencontrer en cas de pièce fémorale trop petite, de coupe condylienne postérieure excessive, ou de polyéthylène pas assez épais. La gène fonctionnelle persiste alors depuis l’intervention. Dans les prothèses conservant le LCP, le défaut de stabilité en flexion peut apparaître immédiatement en postopératoire en cas de défaut technique (libération excessive, pente tibiale trop importante, mauvaise taille des pièces). Plus fréquemment, il s’agit d’une rupture ou d’une distension secondaire du LCP et la symptomatologie apparaît après un intervalle libre de plusieurs mois ou plusieurs années. Fig. 5. Recurvation par distension ligamentaire progressive

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La gonarthrose

Le diagnostic repose sur une analyse fine clinique et radiographique avec recherche d’une laxité antéro-postérieure sur le genou en flexion à 90°. Le traitement passe généralement par un changement de prothèse, et plus rarement par une augmentation simple de l’épaisseur du polyéthylène tibial.

Laxité externe en flexion Une malposition rotatoire de la pièce fémorale en rotation interne peut entraîner un espace asymétrique en flexion avec laxité externe persistante. Ce phénomène se manifeste généralement par des douleurs et un mauvais résultat fonctionnel. Le diagnostic clinique est difficile. Il repose, soit sur la mise en évidence de la malposition rotatoire elle-même par un scanner, soit sur la mise en évidence de la laxité en flexion qui nécessite la réalisation de clichés dynamiques sous amplificateur de brillance (68). Le traitement passe par un changement de la prothèse en corrigeant la malposition rotatoire.

L’usure et l’ostéolyse L’usure du polyéthylène tibial est un phénomène diversement apprécié dans les différentes séries publiées et largement multifactoriel. Il dépend du polyéthylène lui-même (qualité intrinsèque, m ode de stérilisation, durée de conditionnement avant implantation), de la qualité de la pose, du dessin de l’implant qui conditionne sa cinématique. Ce dernier facteur est probablement déterminant car les cas d’usure catastrophique du polyéthylène (42, 48, 87) s’observent préférentiellement sur des prothèses à plateaux plats conservant le LCP. L’usure du polyéthylène est inéluctable avec le temps. Elle se produit à la face supérieure du polyéthylène (interligne fémoro-tibial) mais aussi sur sa face inférieure (en cas de plateau métal-back). Son importance peut être appréciée en terme d’usure volumétrique (volume de particules produites par unité de temps) ou linéaire (perte de hauteur de polyéthylène). L’usure entraîne une libération de particules de polyéthylène dans l’articulation qui s’accumulent dans la synoviale et qui migrent progressivement à la jonction os/ciment ou os/prothèse pour les prothèses non scellées et le long d’éventuelles vis tibiales. Ces particules génèrent une réaction à corps étrangers suscitant un afflux de facteurs ostéolytiques entraînant des zones d’ostéolyse faisant le lit du descellement. Les ostéolyses importantes sont généralement associées à un descellement. Sur 490 reprises de PTG pour complications non septiques (13), aucun cas d’ostéolyse isolée n’a entraîné de reprise. Ce phénomène, bien connu au niveau de la hanche, a été décrit plus récemment pour les PTG (63). Cette « protection » relative des PTG vis-à-vis de l’ostéolyse est liée (23) : – À une plus grande capacité de la synoviale du genou à absorber les particules. – À une meilleure adaptation du ciment à l’os spongieux dans les PTG qu’à l’os cortical dans les PTH, ce qui limite les fractures et fissures dans le ciment. Or, la migration des particules se fait en partie par ces fissures. – Au fait que le ciment forme une cloison plus étanche au niveau du genou. – À une plus petite taille des particules de PE dans les PTH. Ce dernier facteur est essentiel car c’est la libération de microparticules de PE (< 1 µm) qui stimule la réaction macrophagique libérant des facteurs de recrute-

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ment des ostéoclastes (TNF alpha). Ce phénomène est important au niveau de la hanche, car le mouvement de glissement pur entraîne une usure par abrasion libérant des particules de petite taille. Au niveau du genou l’usure est plus complexe, car elle est liée au mouvement de roulement-glissement-translation entraînant la formation de macro-particules (> 2 µm) beaucoup plus bio-inertes. Schmalzreid (74) observe toutefois que 71 % des particules de PE libérées par une PTG sont < 1 µm. Cette constatation souligne le fait que plusieurs types d’usure peuvent se produire dans une PTG (tableau 1), libérant des particules de taille variable. Or le type d’usure prédominant peu varier d’une prothèse à l’autre. Le taux d’ostéolyse dans les PTG est variable, variant de 0 % (89) à 30 % (25) (fig. 6). Dans la majorité des cas, le diagnostic se pose au stade de descellement et le traitement repose alors sur un changement de prothèse. Dans certains cas (23), la prothèse est stable et certains ont proposé un simple comblement par greffe des zones d’ostéolyse. Cette situation n’a toutefois jamais été observée dans la série de la Sofcot (13).

Les défaillances mécaniques de l’implant Les problèmes liés à l’implant sont rares. Il peut s’agir de fractures de l’implant luimême (embase tibiale ou condyles) ou d’extensions centro-médullaires, de déclipsage du patin polyéthylène ou de séparation d’un patin en céramique (figs 7 et 8). Ces échecs posent le problème de la prévention par l’évolution du dessin et des biomatériaux. Ainsi, Whiteside (88) note une diminution du taux de rupture de la pièce fémorale par une modification du revêtement de surface passant de 0,51 % à 0,0061 % des cas. Ils posent par ailleurs le problème de la déclaration aux autorités administratives qui permet de centraliser et d’analyser au mieux ces problèmes rares. Enfin, sur le plan technique, ils nécessitent une reprise pour changement de l’implant avant qu’une ostéolyse trop importante se développe. Tableau 1. Les différents types d’usure du polyéthylène et la taille des particules libérées. D’après Walker (86) Type d’usure

Mécanisme

Taille des particules 2 à 5 µm par 0,2 à 0,5 µm

Usure adhésive (1)

Libération de fibrilles sur des aspérités du PE

Usure adhésive (2)

Libération d’un granule de PE

0,1 à 1 µm

Usure adhésive (3)

Décollement d’une « plaque » de PE

2 à 10 µm

Abrasion

Libération de fibrille ou granule par une aspérité du métal

0,1 à 5 µm

Abrasion par corps étranger

Corps étranger (métal, ciment, céramique)

0,1 à 5 µm

Pitting

Libération de particules par stress lié au glissement

Délamination

Propagation de fissures 0,5 mm sous la surface du PE. Lésion évolutive

0,5 mm Lambeaux de PE

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La gonarthrose

Fig. 6. Usure du polyéthylène tibial

Fig. 7. Fracture d’un patin fémoral en céramique

Causes d’échec mécanique des prothèses totales du genou

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Les raideurs La flexion généralement attendue après PTG varie selon les études entre 100° et 110° (2), et est obtenue dans les premiers mois, aucune amélioration significative ne pouvant être espérée au-delà de un an (39). Le manque de flexion après PTG est une complication fréquente : 8 % à 12 % pour Daluga (16), 54 % à 60 % pour Shoji (75), 10,4 % pour Scranton (69). Les causes conduisant à la raideur sont multiples et souvent intriquées avec des facteurs mal contrôlables, telles que la motivation du patient et l’algodystrophie. Dans tous les cas, un sepsis larvé peut être la cause de la raideur et doit être recherché.

Causes des raideurs de PTG Causes liées au patient La flexion préopératoire C’est un des facteurs principaux retrouvé dans la plupart des études. Un genou raide en préopératoire aura en effet, en fin de rééducation, une moins bonne flexion (31, 62, 79). Il apparaît toutefois une tendance à une convergence de la mobilité finale vers des valeurs médianes et les patients très mobiles en préopératoire perdent un peu de mobilité, alors que les patients raides en gagnent. Pour Fig. 8. Déclipsage du polyéthylène tibial

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La gonarthrose

Anouchi (2), les patients ayant en préopératoire une flexion inférieure à 90° gagnent 26° de flexion de plus que ceux ayant une flexion préopératoire supérieure à 105°. En ce qui concerne les PTG mises après ankylose ou après arthrodèses du genou, les résultats sont variables avec une flexion finale de 94° pour Montgomery (54), de 62° pour Naranja (58) et de 75,9° pour Kim (43). Le taux de complications postopératoires est important dans toutes ces séries avec jusqu’à 53,3 % de nécroses cutanées (43).

L’existence d’une atteinte associée de la hanche C’est un facteur de risque de raideur lié à l’enraidissement du quadriceps notamment de ses faisceaux biarticulaires (57). Anouchi (2) note une diminution de la mobilité finale de 11,43° chez les patients ayant des atteintes multi-articulaires (fig. 9)

L’existence d’antécédents chirurgicaux multiples sur le genou C’est un facteur d’enraidissement. Pour Scranton (69), 77 % des genoux ayant nécessité une mobilisation sous anesthésie postopératoire après la PTG avaient déjà été opérés avant la prothèse.

Un mode de cicatrisation pathologique Cela peut être à l’origine d’une fibrose extensive intra-articulaire. Ce phénomène peut notamment se rencontrer dans certaines polyarthrites rhumatoïdes, avec une raideur portant à la fois sur la flexion et l’extension. Ries (67) a mis en évidence une métaplasie fibrocartilagineuse dans cinq cas de reprise pour raideur. Dans tous les cas, le changement de prothèse a apporté une amélioration fonctionnelle mais avec un gain d’amplitude modéré faisant évoquer une prédisposition constitutionnelle à la fibrose chez certains patients (29).

POST-OP

5 ANS POST-OP

Fig. 9. Échec de prothèse totale du genou mise en place sous une arthrodèse de hanche A. Arthrodèse de la hanche droite B. Enraidissement postopératoire progressif avec développement d’ossification périprothétique. Mobilité à 5 ans postopératoires : 0/20°/30°

Causes d’échec mécanique des prothèses totales du genou

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Causes liées au chirurgien La technique de fermeture Cette technique peut influencer la mobilité finale, selon qu’elle soit réalisée en flexion ou en extension. Emerson (22) note une flexion finale significativement meilleure en cas de fermeture en flexion (114,7° contre 108,1°) et une rééducation postopératoire plus facile et plus courte. Masri (53) ne partage pas ces conclusions et ne trouve pas de différence liée au type de fermeture.

Une malposition ou des erreurs de coupes osseuses Ces facteurs peuvent être en cause, particulièrement les défauts de coupe rotulienne (asymétrie, insuffisance de coupe, non-resurfaçage). Ces facteurs rotuliens ont été retrouvés dans 55 % des cas de reprise pour raideur (7, 8). Des coupes fémoro-tibiales insuffisantes aboutissent à des espaces trop serrés. Une pente tibiale inversée ou un défaut d’axe ou de positionnement rotatoire peuvent être en cause (59). Une erreur de positionnement de l’interligne articulaire est un facteur important de raideur : un abaissement excessif de l’interligne par une résection tibiale trop importante, compensée par un abaissement de la coupe fémorale, « allonge » la course rotulienne et entraîne des contraintes excessives fémoro-patellaires. Une ascension excessive de l’interligne du fait d’une stabilisation obtenue exclusivement par l’épaisseur du polyéthylène tibial entraîne une rotule basse, source de raideur en flexion.

Une libération insuffisante des coques et ostéophytes postérieurs Ou la conservation d’un ligament croisé postérieur trop serré peuvent être en cause. D’une manière générale, toute anomalie positionnelle rotatoire ou frontale sera d’autant plus péjorative pour la mobilité qu’il s’agit d’une prothèse conservant un ou deux ligaments croisés car la tolérance est plus faible.

Un surdimensionnement prothétique Peut se produire dans le plan frontal, dans le plan sagittal ou les deux. Poilvache (64) a montré que le rapport des dimensions antéro-postérieures et transversale de l’extrémité inférieure du fémur n’étaient pas les même chez l’homme et la femme, celle-ci ayant un genou plus étroit dans le plan frontal. Une pièce fémorale standard peut donc être trop large chez une femme, si elle est ajustée en fonction du diamètre antéro-postérieur du genou et entraîner tensions et conflits capsulaires et synoviaux, sources de raideur douloureuse (69). Un surdimensionnement antéro-postérieur de la pièce fémorale joue à la fois sur l’espace postérieur en flexion et sur l’espace antérieur fémoro-patellaire. Ces deux espaces étant trop serrés la flexion est limitée.

Le type de rééducation Il joue un rôle dans la récupération d’une bonne mobilité. Une rééducation trop brève, mal adaptée ou mal contrôlée ainsi qu’une mauvaise prise en charge de la douleur postopératoire peuvent être source de raideur (voir chapitre rééducation).

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La gonarthrose

Causes liées à la prothèse Bien qu’aucune preuve objective ne vienne l’étayer, le risque de raideur est plus important sur une prothèse conservant le LCP ou les deux ligaments croisés (69). Ces prothèses représentent 36 % à des reprises sur raideur (7, 47). Pour Scranton, le risque de raideur est plus important pour les prothèses sans ciment.

Traitement L’attitude thérapeutique en cas de raideur sur PTG n’est pas univoque et dépend du délai par rapport à l’intervention, de la cause de la raideur, du type de prothèse et de la gène fonctionnelle du patient. Quatre traitements peuvent être envisagés : une mobilisation simple sous anesthésie, une arthrolyse arthroscopique, une arthrolyse à ciel ouvert ou un changement de prothèse.

La mobilisation C’est un geste simple et efficace permettant de gagner en moyenne 42° de flexion pour Letenneur (47) et Scranton (69). Son efficacité vis-à-vis d’un flexum postopératoire est en revanche limitée. Les risques liés à cette mobilisation (fractures, rupture de l’appareil extenseur, désunion cutanée) sont limités si elle est effectuée précocement dans les six premières semaines. Il est donc impératif de revoir précocement les patients et de réaliser une mobilisation si la flexion n’atteint pas 90° à 4-6 semaines postopératoire. Pour Scranton, ce délai peut être porté à 10 semaines post-opératoire.

L’arthrolyse arthroscopique C’est un adjuvant à la mobilisation simple mais elle ne peut résoudre des problèmes de raideur importante. Elle peut être discutée en cas de délai « limite », lorsque le patient est vu entre 2 et 6 mois postopératoire, ou lors d’une mobilisation simple si la récupération n’est pas totale. La réalisation d’une arthroscopie pour résection des brides intra-articulaires permettrait alors d’éviter une manipulation en force dangereuse. Elle permet pour certains une résection ou un « débridement » du ligament croisé postérieur. Indelicato et Scranton (69) proposent d’améliorer cette technique en réalisant une arthrolyse « mini-invasive » en réalisant trois abords limités (supéro-externe, inféro-interne et inféro-latéral) et font état d’un gain d’amplitude par cette technique de 62° chez 4 patients.

L’arthrolyse classique à ciel ouvert C’est une technique difficile. L’abord nécessite une prudence extrême afin d’éviter une avulsion du tendon rotulien. Une ostéotomie de la tubérosité tibiale antérieure ou une libération du tendon quadricipital sont souvent nécessaires. L’ablation du polyéthylène tibial permet d’aborder le compartiment postérieur et de libérer les coques condyliennes. La libération doit intéresser les joues condyliennes et surtout recréer un cul-de-sac quadricipital libre. Pour réséquer de manière optimale le

Causes d’échec mécanique des prothèses totales du genou

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tissu fibreux, Ries (67) conseille d’enlever la pièce fémorale en début d’intervention et de ne laisser que l’embase métallique tibiale. Cette attitude a l’avantage de permettre un remplacement par une pièce de plus petite taille en fin d’intervention. S’il s’agit d’une prothèse conservant un ou deux ligaments croisés, une arthrolyse « simple » nécessite souvent un sacrifice total ou partiel de ces ligaments. Cette option paraît critiquable car le dessin de la prothèse n’est plus adapté a son nouveau mode de fonctionnement. Il est alors préférable d’envisager un changement complet de la PTG. Globalement, pour Letenneur (47), l’arthrolyse à ciel ouvert permet de gagner en moyenne 20°.

Un changement de prothèse Il doit être envisagé dès qu’il existe une malposition prothétique ou un surdimensionnement. En cas de raideur importante, un changement de prothèse donnait un gain d’amplitude meilleur qu’une simple libération des parties molles (47). En cas de flexion inférieure à 60°, un changement de prothèse est donc le traitement de choix. Mont (56) et Bonnin (8) obtiennent de bons résultats fonctionnel dans les changements de prothèses sur raideur, liés en partie à l’amélioration de la flexion mais aussi et surtout à la disparition des douleurs.

Les « Clunk » syndromes Les problèmes de craquements fémoro-patellaires et d’accrochages rotuliens dans les prothèses totales du genou ont été soulignés depuis le début des années 1980, notamment par Figgie (28). L’individualisation du « Clunk » Syndrome date de 1989, par Hozack (34), qui décrit alors trois cas. Thorpe, en 1990 (80), décrit 11 cas de craquements et accrochages rotuliens liés au développement de « bandes fibreuses intra-articulaires », dont il décrit trois types : type I, bande transversale au-dessus de la trochlée prothétique ; type II, bande partant de l’angle supéroexterne de la rotule rejoignant le tendon rotulien ; type III, bande tendue entre la pointe de la rotule et l’échancrure intercondylienne. La résection arthroscopique a toujours apporté la guérison. Depuis cette date, plusieurs séries de « clunk » syndromes ont été publiées notamment par Lucas (51), Beight (5) et Shoji (76). Il s’agit d’un nodule fibreux développé à la partie distale du tendon quadricipital, au niveau de son insertion sur la rotule, qui s’engage lors de la flexion du genou dans la chambre de postéro-stabilisation de la pièce fémorale. Ce phénomène entraîne un blocage douloureux aux alentours de 40° de flexion qui cède brutalement lorsque l’on effectue une extension active (fig. 10). Il s’agit d’une complication rencontrée quasi exclusivement dans les prothèses postéro-stabilisées et dont la fréquence semble avoir diminué avec l’évolution du dessin de la portion trochléenne des pièces fémorales. Elle se rencontre principalement lorsqu’il existe une pièce prothétique rotulienne mais certains auteurs ont décrits des « Clunk » syndromes sur rotules non ressurfacées (76). Pour Hozack, le facteur principal est un positionnement trop proximal du bouton rotulien, car cette anomalie avait été retrouvée sur ses trois premiers cas. Cette observation n’a toutefois jamais été retrouvée dans les autres séries de la littérature.

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La gonarthrose

Fig. 10. « Clunk » Syndrome – En extension complète, le nodule fibreux est visible entre le bouton rotulien en haut et la pièce fémorale en bas. – À 20° de flexion, le nodule s’interpose entre les pièces rotuliennes et fémorales. – À 45° de flexion, le nodule se bloque dans la chambre de postéro-stabilisation de la prothèse. – L’exérèse arthroscopique du nodule est réalisée en extension et apporte la guérison.

Une anomalie de hauteur rotulienne, qu’il s’agisse d’une rotule haute ou basse, est un facteur souligné dans toutes les séries publiées. Pour Figgie, une hauteur rotulienne supérieure à 30 mm ou inférieure à 10 mm est un facteur de risque. Beight, sur 20 « Clunk » Syndromes, a retrouvé six rotules basses et Lucas sur 32 cas, huit rotules hautes et deux rotules basses. Une anomalie d’épaisseur rotulienne peut être en cause s’il existe une variation de plus de 3 mm par rapport à l’état préopératoire. Beight a retrouvé ce facteur dans 17 cas sur une série de 20 « Clunk » Syndromes. Une anomalie de position de l’interligne articulaire entraîne un risque significatif en cas de variation de plus de 8 mm par rapport à l’état préopératoire. Beight a retrouvé ce facteur dans 14 cas sur 20 et Lucas dans 3 cas sur 32. Le traitement du « Clunk » Syndrome repose sur une exérèse chirurgicale du nodule fibreux à ciel ouvert ou sous arthroscopie. Ce type de traitement donne de bons résultats dans les différentes séries et dans les deux techniques (10, 51).

Les douleurs inexpliquées sans raideur associée La prise en charge d’une prothèse totale de genou douloureuse sans explication évidente passe d’abord par un bilan complet, afin d’éliminer une cause infectieu-

Causes d’échec mécanique des prothèses totales du genou

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se. Le sepsis chronique est en effet la cause principale de douleur inexpliquée sur PTG (70). La recherche d’une anomalie mécanique mineure doit être recherchée par des examens fins : descellement minime ou exclusivement fémoral, usure, mauvaise cinématique par mauvais réglage ligamentaire (notamment dans les prothèses conservant le LCP), ou malposition rotatoire. Une taille excessive de la prothèse peut être source de douleurs. Ainsi, pour Daluga (16), une augmentation du diamètre antéro-postérieur de 12 % accroît de manière significative les pressions. De même, un débord latéral du plateau tibial peut être en cause. Les laxités « cachées », survenant uniquement en flexion, peuvent expliquer une symptomatologie bâtarde faite d’épanchements et d’insécurité avec un examen clinique apparemment normal si l’on n’examine pas spécifiquement le genou en flexion. Les changements de prothèses pour douleurs inexpliquées sans raideur associée donnent globalement de mauvais résultats, moins bons que les reprises pour d’autres causes : 87 % d’échec pour Mont (56), score « douleur » IKS à la révision de 15 ± 10 sur une série de 8 cas (8) ou de 22 ± 15 sur 25 cas (9). Toutefois, ces résultats sont significativement meilleurs dans trois situations : s’il existe un surdimensionnement prothétique (score douleur de 28 ± 19), une conservation du LCP (25 ± 17) ou si le genou n’avait jamais été opéré avant la PTG index (26,5 ± 17). Lorsque ces trois facteurs favorables sont réunis, le score douleur à la révision est même bon (36 ± 12). Le deuxième facteur pronostique majeur noté dans cette série (9) est la notion d’intervalle libre. Lorsque la douleur est apparue après un intervalle libre d’indolence de quelques années, la reprise chirurgicale pour changement de prothèse a donné un bon résultat (score douleur de 39 ± 11). Ainsi, en cas de prothèse douloureuse sans anomalie évidente lors bilan radiologique et biologique, une décision de reprise chirurgicale doit être prudente. Elle est généralement décidée sur un faisceau d’arguments dont aucun n’est formel. Les deux situations poussant à la reprise sont, soit le fait que les douleurs sont apparues secondairement (après une période plus ou moins longue d’indolence), soit l’existence de facteurs pronostics favorables (prothèse surdimensionnée, prothèse conservant un ou deux ligaments croisées ou absence d’antécédents chirurgicaux multiples).

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Surveillance des prothèses totales de genou J. L. Briard, F. Gérémy, P.Witoolkollachit et J. Zahlaoui

Surveillance des prothèses totales de genou La surveillance des prothèses totales de genou vise à créer les meilleures conditions à l’obtention du meilleur résultat, à dépister les complications postopératoires afin de mieux les prévenir, et si elles surviennent, de mieux les gérer et enfin à évaluer le résultat fonctionnel. On surveillera d’autant mieux une prothèse totale de genou que le bilan initial aura été précis et complet. Le patient informé et préparé aux suites de son intervention, sensibilisé aux problèmes de la douleur postopératoire, il est rassuré et encouragé à en parler à l’équipe soignante. Ce bilan initial inclut : – une prise en charge psychologique à la recherche notamment de dépression et mesurant le désir de coopération et de participation ; – une évaluation chiffrée du degré de handicap avant l’intervention insistant particulièrement sur l’élément douloureux et prévenant le patient que généralement il ne sera soulagé que de 90 % de ses douleurs. Il est essentiel de faire dire au patient ce qu’il attend de l’intervention afin qu’il y ait adéquation entre ce qu’il attend et ce que l’on peut probablement lui apporter ; – un bilan radiologique complet ; – un examen général et régional afin d’apprécier les facteurs de risques en insistant sur le diabète, l’obésité, une maladie neurologique, la trophicité locale : état de la peau, cicatrices antérieures, état veineux et artériel des membres inférieurs. Schématiquement, cette surveillance postopératoire couvre plusieurs périodes : – la période postopératoire et le bilan de sortie ; – la première visite à 6 semaines ; – et le suivi à un an puis tous les 2 ou 3 ans.

La période postopératoire C’est certainement la période la plus cruciale, la plus exigeante. Afin d’obtenir une meilleure qualité de soins et le meilleur résultat, nos établissements tendent à codifier ces soins dans le cadre de l’accréditation. À la suite d’établissements d’Amérique du Nord (14, 18), nous avons tenté de réaliser nos propres « clinical pathways ». Ceux ci constituent un schéma d’interférences, de connections des soins entre les différentes équipes à travers un algorithme relativement souple décrivant ce

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La gonarthrose

que sera la progression du patient. Cet algorithme permet à l’équipe thérapeutique de mieux standardiser son action, de s’en entretenir avec le patient qui sait où il en est et réalise les progrès qu’il a réalisés et qui est surtout beaucoup plus tourné vers l’avenir, c’est-à-dire vers les étages de récupération qu’il va franchir. On obtient ainsi une meilleure maîtrise, une meilleure coordination et une plus grande efficacité tant à l’échelon de l’équipe thérapeutique que dans la récupération du patient qui contrôle mieux la situation et qui au lieu d’être passif devient acteur.

La salle de réveil Outre la prise en charge médicale, il faut insister sur la surveillance un peu plus « chirurgicale ». On contrôle systématiquement et tout de suite l’état artériel du membre opéré par la prise des pouls et la mesure de la saturation en oxygène sur le gros orteil du côté opéré. Il importe également de s’assurer de la mobilité des orteils. En cas d’atteinte du nerf sciatique poplité externe, celle-ci est-elle motrice, sensitive ou complète ? Il faudra dans un premier temps s’assurer qu’il n’y a pas de compression mécanique, et surtout maintenir le genou dans une position fléchie. En l’absence de normalisation de la mobilité des orteils, de l’existence ou non de déficit sensitif, de difficultés chirurgicales, de l’état local, on pourra être amené à discuter d’un geste d’exploration du nerf sciatique poplité externe. En général on se contentera de surveiller le patient durant la phase initiale.

Le contrôle du pansement et des redons En cas de saignement dans le pansement, après vérification du pouls, il faudra renforcer le pansement modérément compressif et surtout surélever le membre. Si le drainage par redon est également abondant et si on soupçonne la possibilité d’une hémostase non satisfaisante, on pourra être amené à discuter une artériographie, voire une reprise pour geste d’hémostase (9). Surtout, dès la fin de l’intervention, il est important de mettre en route un traitement de contrôle de la douleur. Celui-ci fera appel à plusieurs registres qui seront associés afin d’utiliser des doses moindres de médicaments et ainsi de diminuer les effets secondaires. Par voie intra-veineuse on pourra associer : – morphine ou dérivés, souvent dispensés par l’intermédiaire d’une pompe (PCA) ; – antalgique type paracétamol ; – un cathéter épidural est souvent très efficace et permet l’injection de morphine associée à la buvicaïne ou de fentanyl ; – un cathétérisme crural permettra de réaliser un bloc crural et sera parfois associé à une injection pour bloquer le nerf sciatique. C’est là un moyen très important de contrôle de la douleur postopératoire. On pourra y associer un anti-inflammatoire non stéroïdien à petite dose associé à un gastro-protecteur et dont certains discutent même la prise en préopératoire. Enfin, les moyens locaux, comme la glace, sont également un adjuvant. Ce traitement de la douleur sera institué pendant 2 à 3 jours. Le relais sera assuré par morphine buccale, paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens et glace. Il faudra parfois y associer un sédatif, un antidépresseur, un somnifère.

Surveillance des prothèses totales de genou

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Parallèlement, dès l’arrivée dans la chambre, le patient est installé sur un appareil de mobilisation passive continue (kinetec). Profitant de l’analgésie et suite à l’expérience de Jordan (11), on utilise un protocole de récupération rapide de la flexion en réglant le secteur de mobilité entre 60° et 90°-100°, selon la tolérance et cela de façon continue jusqu’au lendemain matin. On préconisera au contraire une immobilisation dans une attelle en cas de risque cutané, et ce jusqu’à obtention de bonnes conditions de cicatrisation. Enfin, afin de réduire le risque thromboembolique, des bandes élastiques sont appliquées dès la sortie du bloc, tandis que des chaussons permettent une compression rythmée plantaire. La première injection d’héparine à bas poids moléculaire est réalisée le soir de l’intervention à dose prophylactique. Elle expose moins au risque de thrombopénie et de surdosage et sera poursuivie pendant 2 semaines. L’antibiothérapie prophylactique est réalisée par une céphalosporine de 2e génération et est utilisée pendant 48 h.

Le lendemain matin En ce qui concerne le drainage postopératoire, certains ne drainent pas tandis que d’autres drainent pendant 48 h. Pour nous, alors que le kinetec fonctionne encore, on va déclamper le redon intra-articulaire pour évacuer l’hémarthrose. Puis, on ôte le pansement et on enlève alors le drain de redon. L’état de la plaie est consigné, ainsi que l’existence éventuelle d’ecchymoses ou d’hématomes. Le patient fait ses premiers pas avec un déambulateur si l’appui est autorisé et restera assis pendant quelques heures. Il importe d’être extrêmement prudent en raison du risque de dérobement et de chute du fait du bloc crural. Normalement, le patient doit être assis avec un genou fléchi à 90° sans douleur. Schématiquement, ce patient fera aussi quelques postures en extension et la mobilisation passive continue sera poursuivie toute la seconde nuit. Ensuite, la rééducation se poursuivra dans une salle appropriée avec l’objectif d’être en piscine au 6e jour.

Les complications Des complications peuvent survenir et seront systématiquement recherchées. L’observation d’un hématome impose de reconnaître son abondance et son siège : – intra-articulaire, liquidien ou coagulé. Il gêne la mobilisation et pourra nécessiter un nettoyage intra-articulaire, soit à ciel ouvert pour une hémostase éventuelle, soit avec une canule d’irrigation et un aspirateur ; – sous-cutané. Un tel hématome peut être dangereux s’il communique avec l’articulation. Il n’est alors que l’extériorisation d’une hémarthrose. Il impose l’arrêt immédiat de la rééducation et si nécessaire, la reprise chirurgicale pour évacuation, fermeture étanche de l’espace articulaire et drainage ; – les hématomes à distance sont rarement collectés et sont source d’ecchymoses étendues pouvant gagner vers la cuisse et la jambe. On sait le risque de complications générales, et toutes les séries importantes dépassant 1 000 patients rapportent des décès survenant, soit en post-

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La gonarthrose

opératoire immédiat, soit lors de l’hospitalisation du fait d’une décompensation cardiaque, d’un accident vasculaire cérébral ou d’une embolie pulmonaire massive.

Les complications locales postopératoires Elles sont les plus fréquentes et les plus préoccupantes pour le chirurgien.

Les complications cutanées (1) Elles sont au premier plan car « sans peau, il n’y a pas de prothèse ! ». Leur fréquence est d’un taux moyen de 4,75 % sur l’ensemble des séries publiées. À part, la désunion de la suture cutanée observée à la suite d’une chute ou d’une manipulation et qui impose nettoyage et fermeture. On distinguera plusieurs tableaux de complications cutanées. – La rougeur cutanée sans ouverture impose de s’assurer de l’absence d’une collection infectée sous jacente. Elle nécessite du repos, et peut faire discuter l’opportunité d’une antibiothérapie antistaphylococcique après ponction à distance du genou. – La nécrose cutanée isolée, sèche et étendue nécessite une surveillance rapprochée et parfois l’arrêt des exercices de flexion en kinésithérapie. – La nécrose humide est redoutable car infectée. Il faut apprécier l’étendue de l’infection, ponctionner le genou à distance, mettre en route une antibiothérapie polyvalente, et souvent, envisager une reprise chirurgicale. – On peut observer deux types d’écoulements : sanglant ou séreux. Rarement, il s’agit de l’évacuation d’un hématome purement sous-cutané qui se rompt lors de la rééducation. Plus souvent, il s’agit d’un hématome communiquant avec la cavité articulaire. Il impose alors l’arrêt de la rééducation, la mise dans une attelle et si tout n’est pas résolu dans les 24-48 h, la reprise chirurgicale. – Une nécrose cutanée plus étendue peut rester superficielle et imposera parage et débridement des berges. – En cas de nécrose plus extensive, superficielle et de fistule articulaire sans désunion profonde, il faudra parer, nettoyer et assurer la couverture par lambeau. – Par contre, si la déhiscence est profonde avec exposition de la prothèse, il faut exciser tous les tissus nécrotiques et envisager la reconstruction des parties molles, souvent par lambeau. Si le délai est inférieur à 8 jours, chez un patient en bon état, en l’absence de contamination massive, on peut envisager de conserver la prothèse. Au-delà, il est préférable d’envisager une chirurgie en deux temps avec ablation de la prothèse et immobilisation en plâtre. Plus fréquente et plus banale est l’observation d’un gros genou inflammatoire chez un sujet volontiers obèse. On appréciera l’état de la peau, le volume du genou. Y a-t-il une collection, est-elle intra ou extra-articulaire ou mixte ? On appréciera parallèlement les signes vitaux et biologiques (NFS, VS, CRP). – S’il n’y a pas de grosse collection et de contexte fébrile, on arrêtera la kinésithérapie et on surveillera le patient. – Soit il y a une grosse collection et une reprise chirurgicale pour nettoyer s’impose. – Soit on a une suspicion septique, on fera des hémocultures, on recherchera une porte d’entrée et on réalisera une ponction (4). Puis on décidera d’une reprise pour diagnostic et nettoyage, l’antibiothérapie n’étant entreprise qu’après prélèvement.

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Les complications thrombo-emboliques Elles sont particulières dans le cadre de la chirurgie des prothèses totale de genou (et bien différentes du cadre des prothèses totales de hanche). Une étude récente (7) a montré qu’avec un écho-doppler systématique à J4 et utilisation d’héparine de bas poids moléculaire, la fréquence des thromboses veineuses était de 18,6 % (47 thromboses surales pour une thrombose ilio-fémorale chez un porteur d’anomalie de la coagulation). Les veines touchées sont donc essentiellement périphériques. En l’absence de thrombose, le traitement anticoagulant est arrêté après 2 semaines. En cas de thrombose, on répète l’écho-doppler à J10 pour apprécier, soit la disparition, soit la stabilité de la thrombose. En cas d’extension, on sera alors amené à utiliser l’héparine de bas poids moléculaire à des doses thérapeutiques ou à passer à une anti-vitamine K. En cas de douleurs du mollet, il faudra bien sûr rechercher des signes de thrombose veineuse, mais il faudra aussi se méfier d’un syndrome des loges ou d’une blessure artérielle poplitée ou tibiale postérieure pouvant donner lieu à un hématome plus ou moins limité. Le diagnostic en sera fait par l’écho-doppler puis l’artériographie (14). La mobilisation du genou et la récupération de la mobilité peuvent donner lieu à quelques complications. L’obtention d’une bonne mobilité postopératoire dépend avant tout de la mobilité préopératoire, de la mobilité en fin d’intervention et de la qualité de l’analgésie postopératoire. En cas de flessum, on conseille l’utilisation d’une attelle en extension maximale la nuit et des postures douces en extension pendant la journée. En cas de flexion difficile, on insiste sur la nécessité des exercices de flexion/extension croisée sur un banc spécialement aménagé dans le service d’hospitalisation. Si la flexion est inférieure à 90° à 8 jours, on fera souvent une mobilisation sous anesthésie générale à cette période. Enfin, il est rare d’observer des complications mécaniques d’instabilité dans la période postopératoire : luxation fémoro-tibiale ou fémoro-patellaire. Il faudra également se méfier de la possibilité d’arrachement de la tubérosité tibiale antérieure ou de fracture supra-condylienne ou de la rotule à la suite d’une chute.

La sortie du patient La sortie du patient a lieu en moyenne au 8e-10e jour au domicile. Le patient sera transféré vers un centre de rééducation lorsqu’il est seul chez lui ou en cas de kinésithérapie difficile en postopératoire. L’état de la plaie et la mobilité seront notés, ainsi que l’état physiologique du patient. Une ordonnance spécifique d’antalgiques précisera en outre les modalités du traitement anticoagulant et la poursuite du traitement médical antérieur. L’ordonnance de kinésithérapie insistera sur l’obtention des amplitudes articulaires sans faire mal, mais de façon insistante en faisant répéter au patient les exercices qu’il a déjà appris lors de l’hospitalisation et qu’il doit faire seul chez lui. Des conseils seront répétés au patient et à son médecin généraliste : – l’utilisation de cannes jusqu’à bon verrouillage sera prolongée pendant 6 semaines en cas de prothèse sans ciment ;

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La gonarthrose

– la conduite automobile selon le côté opéré pourra être reprise entre 3 à 6 semaines. On insistera qu’en cas de problème local (cicatrice, gonflement, instabilité) il ne faudra pas hésiter à consulter. On répétera la prévention anti-infectieuse, notamment urinaire, dentaire et cutanée (ulcère variqueux, érysipèle, durillons). En cas de foyer infectieux quelconque, il faudra consulter le médecin généraliste pour s’assurer de l’absence de tout signe local au niveau du genou prothésé (qui imposerait la ponction préalable en milieu spécialisé) et mettre en route une antibiothérapie adaptée. De même, tout geste endoscopique urinaire, digestif, respiratoire, tout soin dentaire impose la même antibiothérapie de couverture. Enfin, un bilan radiologique devra comporter : gonométrie, incidences de face et de profil en charge du genou opéré et incidence fémoro-patellaire à 30° ; on remplira alors la fiche d’évaluation de la knee society (6). On évaluera ainsi l’axe du membre inférieur, le positionnement et les rapports des implants ainsi que leur fixation.

La consultation à six semaines À la consultation de 6 semaines, on s’assurera de l’absence de complications locales cutanées. La présence anormale de douleur impose un bilan psychologique, l’analyse du déroulement de la rééducation afin de conseiller le patient et d’adapter son traitement médicamenteux. Il faudra bien sûr éliminer une algodystrophie ou une infection sous-jacente. La mesure des amplitudes articulaires permet d’affiner la rééducation. On appréciera la qualité de la marche et la nécessité éventuellement de garder une ou deux cannes. Il est illusoire de faire un score fonctionnel à ce stade. On répète les conseils déjà prodigués à la sortie de l’établissement. On insiste sur la nécessité d’un suivi parfois à 3 mois ou 6 mois en cas de suites difficiles mais sinon à un an avec de nouvelles radiographies.

L’évaluation à un an postopératoire L’évaluation à un an est fondamentale pour mesurer le résultat fonctionnel (qui progressera jusqu’à 2 ans). Il existe plusieurs systèmes d’évaluation des résultats cliniques (8, 13). Un système d’évaluation clinique pour l’usage quotidien doit rester simple, permettre de comparer ses résultats et de communiquer dans les différentes sociétés. Le système d’évaluation initialement le plus utilisé fut celui du Hospital for Special Surgery. Celui-ci fut modifié en 1989 par ses promoteurs et sous l’impulsion de la Knee Society afin de bien séparer le score du genou (en privilégiant l’indolence) et le score fonctionnel plus global qui lui tend à se détériorer avec l’âge (10). Il est évident que si l’on veut évaluer plus finement certains aspects cliniques, il faudra recourir à des systèmes plus complets. L’évaluation de l’état global de santé du patient est extrêmement importante. Elle permet de mesurer le bénéfice lié à l’intervention. Elle a également montré que le résultat était d’autant meilleur que le patient était en bonne santé, heureux et optimiste. Les systèmes les plus utilisés sont le SF 36 (20), le WOMAC (Western Ontorio and McMaster Universities osteo arthritis index) et l’Oxford scale.

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Parallèlement, une évaluation radiologique sera effectuée sur des incidences en charge de face, de profil (en extension complète) et axiale à 30°, ainsi que par une goniométrie. Ce bilan permet d’apprécier le maintien du positionnement prothétique et la qualité de la fixation (liseré : siège, épaisseur et évolution). On mesurera la hauteur du polyéthylène. L’étude des rapports des différents implants (laxité, rotation, subluxation antéro-postérieure ou médio-latérale) sera précisée et pourra nécessiter des clichés complémentaires en flexion, voire une étude des rotations horizontales des pièces fémorales et tibiales par scanner. À l’étage fémoro-patellaire, outre l’épaisseur et le positionnement vertical de la rotule, on insistera sur la recherche d’une bascule, d’une subluxation, voire d’une fracture de fatigue, parfois d’une calcification sus-trochléenne.

La douleur Lors de l’examen, en cas de douleurs, on s’attachera à déterminer si elle est globale ou localisée, pouvant être le fait d’une fracture de fatigue de la rotule, d’un accrochage du tendon poplité sur un ostéophyte, d’une tension du fascia lata, d’un paquet adipeux inflammatoire, d’une tendinite de la patte d’oie. Bien sûr, toute douleur fera soupçonner un descellement, une instabilité ou un sepsis larvé.

Le gonflement du genou En cas de gonflement, on cherchera à savoir si celui-ci a toujours existé, s’il est abondant, si le patient est sous anticoagulant. S’il est très volumineux, on pourra être amené à le ponctionner (4) pour mieux étudier ce liquide. En cas d’hydarthrose, on soupçonnera des phénomènes mécaniques : usure du polyéthylène ou usure du cartilage d’une rotule non prothésée, mais bien souvent, on ne retrouve pas d’explication satisfaisante. Cette ponction rendra moins probable une infection après étude de la formule du liquide, mais on sait que les germes se développent mal dans le liquide synovial et qu’il est parfois difficile de les faire pousser sur nos milieux. En cas d’hémarthrose et en l’absence de trouble de coagulation, on sera amené à discuter un conflit os-prothèse par rapport à la synoviale (ostéophytes, rebord de la trochlée), et il a été proposé parfois d’intervenir pour régler ce conflit ou faire une synovectomie.

L’instabilité L’instabilité est un sujet complexe. On pourra d’abord éliminer les troubles de l’équilibre et les dysfonctionnements neuro-musculaires.

L’instabilité clinique Elle peut être fémoro-patellaire ou fémoro-tibiale ou globale. En cas d’instabilité fémoro-patellaire, celle-ci était-elle préexistante ? A-t-elle été corrigée par l’intervention ? Quand l’instabilité est manifeste, on est bien souvent amené à réintervenir et il faudra préalablement rechercher une malrotation des implants fémoro-tibiaux par scanner. En cas d’instabilité fémoro-tibiale (19), celle-ci était-elle préexistante et notamment l’un des ligaments collatéraux était-il non fonctionnel, allongé, comme dans les genu valgum de type II avec grosse laxité interne ?

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La gonarthrose

Lorsque le cadre des ligaments collatéraux était fonctionnel avant l’intervention, une instabilité peut survenir du fait de mauvaises coupes osseuses intra-articulaires ou du fait de libérations capsulo-ligamentaires avec une technique inadéquate (en particulier sur le versant externe). L’instabilité peut survenir du fait du descellement prothétique dont il faudra définir le caractère septique éventuel. En cas d’instabilité fémoro-tibiale, il faudra évaluer celle-ci à 0°, 30° et 90° afin de bien comprendre la part ligamentaire et la part des coupes osseuses. Les coupes osseuses antéro-postérieures seront mieux évaluées par scanner. À part, les laxités antéro-postérieures exagérées liées à une rupture progressive du ligament croisé postérieur avec tiroir postérieur permanent. Il est possible d’observer des luxations fémoro-tibiales, même après utilisation d’une prothèse postéro-stabilisée en cas de laxité externe importante à 90° et passage du plot en arrière de la barre transcondylienne lors d’un mouvement de varus forcé. À l’opposé, en cas de ligament croisé postérieur trop tendu, on pourra observer une subluxation antérieure avec une usure postérieure du plateau tibial interne bien mise en évidence sur le cliché de profil en extension et en charge monopodale (10). Enfin, tout à fait à part, les instabilités par recurvatum, soit du fait du type de la prothèse et de sa mauvaise implantation, soit surtout du fait de mauvaises structures postérieures souvent préexistantes. Enfin, en cas d’instabilité, il est important de bien connaître l’implant en place, son niveau de contrainte et la philosophie de la technique de pose. C’est la gêne du patient, son état général et le pronostic qui pourront conduire à faire une révision.

La raideur La raideur est une complication très frustrante et l’arthroplastie totale du genou n’est pas une intervention qui permet toujours d’améliorer la mobilité préopératoire. Le but réaliste aujourd’hui est d’obtenir une mobilité de 0°/120° sur des genoux bien mobiles en préopératoire. Il arrive que des genoux soient difficiles en postopératoire d’emblée : – limitation de la flexion avec inflammation postopératoire puis raideur des structures antérieures. Cette limitation de la flexion peut aussi être en rapport avec un volume prothétique trop grand en flexion (condyle postérieur, pente tibiale et surtout malrotation fémorale) ; – limitation de l’extension du fait des rétractions des parties molles postérieures insuffisamment libérées ou inflammatoires et rétractées, ou bien en cas de volume prothétique trop grand en extension ou de malposition des implants qui pourront faire discuter d’une reprise. En absence de ces causes mécaniques, on discutera de la motivation du patient (âgé, dépressif…), de sa kinésithérapie (trop douce ou trop agressive). Parfois, un gros genou postopératoire persistant chez un sujet obèse sera difficile et long à récupérer une bonne mobilité. Un genou raide et douloureux pourra être la conséquence d’une algodystrophie. Enfin, un genou douloureux, parfois inflammatoire et/ou raide devra faire soupçonner un sepsis, surtout si les suites cutanées n’ont pas été simples et qu’il existe des facteurs de risque (obésité, diabète, âge, corticothérapie…).

L’infection Il faudra en cas de suspicion, affirmer ou infirmer l’infection.

Surveillance des prothèses totales de genou

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Outre la recherche de portes d’entrée, les données de l’examen local, l’examen radiographique peuvent montrer des calcifications et des signes de descellement diffus, rarement des géodes. Un bilan biologique évaluera NFS, VS et CRP. La ponction du genou est essentielle. En cas de forte suspicion, la scintigraphie aux leucocytes marqués pourra aider au diagnostic. La biopsie synoviale est un examen important fait sous anesthésie locale avec une pince basket, elle permet de décrire la synoviale (polynucléaires altérés) et de la cultiver pour identifier le ou les germes en cause avant toute réinvention. Parfois, l’identification du germe ne sera réalisée que lors de la culture des nombreuses biopsies peropératoires, en particulier intra-médullaire. Hormis les cas où une réintervention a été décidée, on répétera au patient la nécessité d’une surveillance ultérieure tous les 2 ou 3 ans afin de surveiller l’état de sa prothèse. On répétera les conseils d’utilisation de cette prothèse. Il importe de diminuer les impacts violents (course à pied, sauts) et mieux d’utiliser des chaussures avec des talons souples. On insistera à nouveau sur la prévention des complications septiques. L’apparition des douleurs nouvelles, d’une instabilité ou d’un gonflement inhabituel doit faire consulter et réaliser de nouveaux clichés. On a décrit la possibilité de survenue de volumineux kystes synoviaux à distance accompagnant un tableau de descellement et de lyse osseuse péri-prothétique. Quelques situations peuvent appeler une consultation en urgence. On peut être amené à voir un patient porteur d’une prothèse totale de genou avec un tableau de gros genou inflammatoire survenant au décours ou au cours d’une infection à distance : cutanée, urinaire, pulmonaire, dentaire, ORL ou digestive. Un diagnostic précoce de sepsis est essentiel et peut permettre d’espérer traiter l’arthrite sans enlever la prothèse : le nettoyage étant arthroscopique ou chirurgical. Mais dès que l’infection a duré plus de 3 semaines ou que la prothèse est descellée, on sera en général amené à faire l’ablation de la prothèse dans un premier temps. Parfois, le patient a tardé à consulter en milieu spécialisé et on le verra au stade d’arthrite suppurée du genou avec fistule. À la suite d’un traumatisme plus ou moins important, on peut être amené à voir son patient pour une fracture péri-prothétique de rotule, du fémur ou du tibia (5, 16). D’autres conditions peuvent parfois appeler à une consultation en urgence, telles qu’une fracture de l’implant le plus souvent tibial, une luxation ou un gonflement majeur lié à un descellement, ou une hémarthrose, ou encore une infection chronique. En l’absence d’accident aigu, le patient sera revu dans le cadre d’un suivi régulier tous les 2 ou 3 ans. Idéalement, ce suivi clinique et radiologique sera réalisé dans un centre spécialisé. Mais les pressions économiques, les desiderata de nos patients (17) risquent de nous obliger à modifier les conditions de ces suivis. L’analyse de questionnaires transmis par la poste ou par téléphone permet d’apprécier la qualité du résultat et son évolution, de décider si le patient doit être revu physiquement. La fréquence des contrôles radiologiques est encore plus difficile à déterminer. Elle est nécessaire en cas d’anomalies déjà constatées, de dégradation de l’état clinique, mais on sait que des modifications radiologiques importantes peuvent rester muettes cliniquement.

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La gonarthrose

Conclusion La surveillance des prothèses totales de genou est essentielle que ce soit en postopératoire pour créer les meilleures conditions au succès de cette intervention et aider la patient à franchir cette étape, ou plus à distance pour dépister les signes d’usure ou d’instabilité qui devront nécessairement se produire, surtout si l’on implante cette prothèse chez un sujet jeune. La surveillance doit être faite en pensant à toutes les complications qui peuvent survenir afin de les déjouer, sinon les affronter. Enfin, la surveillance permet d’accompagner le patient qui, à travers cette intervention, cherche à recouvrer une bonne fonction de son genou et de tout son corps.

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Rééducation après prothèse totale de genou M. Bonnin, M.Westphal, C. Jacquemard, V. Biot, A. Giroud, J. Mathelin et J. Roberto

Depuis les débuts de la prothèse totale du genou, la rééducation a évolué dans le sens d’une accélération des protocoles permettant au patient de retrouver une autonomie plus rapidement. Lorsqu’une immobilisation stricte était utilisée en période postopératoire, la rééducation était laborieuse, nécessitant des mobilisations sous anesthésie dans 20 % à 30 % des cas (3) et l’hospitalisation durait deux à trois semaines. L’abandon de l’immobilisation postopératoire, la mobilisation immédiate, la reprise de l’appui précoce et une meilleure prise en charge de la douleur ont permis une diminution importante des durées d’hospitalisation, du taux de mobilisation sous anesthésie (14), et surtout une meilleure fonction en fin de rééducation. Ces progrès sont liés à une prise en charge multidisciplinaire associant étroitement chirurgien, kinésithérapeute, anesthésiste, médecin rééducateur, infirmières et patient. La rééducation après PTG doit être prise au sens large et ses objectifs sont une prise en charge optimale de la douleur, un travail des amplitudes articulaires, un travail musculaire, la prévention et le dépistage des complications postopératoires et une autonomisation progressive du patient. Elle se déroule en trois phases distinctes (tableau 1), la phase post-chirurgicale, la phase de rééducation proprement dite entre J7 et J30 postopératoires, et enfin la phase de réadaptation-réinsertion au-delà du trentième jour postopératoire. À ces trois phases, on peut rajouter dans certains cas une phase de rééducation préopératoire qui peut être utile sur le plan musculaire, sur le plan des amplitudes articulaires (1, 6), et peut préparer le patient à l’usage des cannes.

Phase post-chirurgicale immédiate de J1 à J7 postopératoires Il s’agit de la phase la plus importante qui conditionne toute la suite la rééducation et le résultat final. Le traitement de la douleur à cette phase est déterminant car aucune récupération précoce n’est possible en contexte hyperalgique. Il repose sur le traitement médicamenteux et l’analgésie loco-régionale.

Principe de la rééducation initiale La mobilisation articulaire passive est l’objectif essentiel à cette phase. Elle doit être débutée le plus précocement possible, le but étant d’obtenir l’extension complète du genou et une flexion avoisinant 90° de manière aisée, avant la sortie du patient.

J1 J2 J3

• Coussin de posture • Mobilisation manuelle • Bout de table

Contractions flash Mobilisation rotulienne

Muscles

• Lever jambe tendue • Extension active

Marche seul Escaliers

ALR : Anesthésies loco-régionale ; CCO : Chaînes cinétiques ouvertes ; CCF : Chaînes cinétiques fermées.

VerticaMarche avec lisation kinésithérapeute

J6

J7

≥ 90°

J8 J21 J30

si < 90° mob/AG

Per os à la demande

J15

si < 60° si ≤ 60° retour mob/AG domicile interdit

Per os systématique

J5

Sortie

• Active CCO et CCF • Électrostimulation

Marche autorisée sans limite avec deux cannes

J60

• Propriocep° • Pédalage

Abandon des deux cannes

• Postures bout de table • Postures position assise .......................... rAUTO-RÉÉDUCATION • Mobilisation manuelle

• Postures extension • Massages complète • Myorelaxant • Attelle nocturne si nécessaire

coussin de posture au lit

J4

FLEXION MAXIMALE TOLÉRÉÉ

ALR + pompe morphine

J0

Ablation des drains

Marche

Extension

Flexion rtechniques

Flexion robjectifs

Douleur

Tableau 1. Les différentes phases de la rééducation.

318 La gonarthrose

Rééducation après prothèse totale de genou

319

Plusieurs modes de rééducation peuvent être utilisés : la mobilisation manuelle avec postures et rééducation pendulaire ou la mobilisation passive continue (MPC) par arthromoteur. Celle-ci peut être progressive (début limité à 30° puis augmentation de jour en jour), ou d’emblée au maximum de la tolérance. La mobilisation articulaire continue décrite par Salter en 1980 (18), a été utilisée pour la première fois pour les PTG par Coutts (3). Les arguments en faveur de la MPC étaient : – la récupération de meilleures amplitudes articulaires ; – une diminution des douleurs et de la consommation d’antalgiques ; – et une diminution de la durée d’hospitalisation. Ces avantages ont ensuite été confirmés par plusieurs séries (2, 7, 10, 14, 17, 2022) et certains ont même rajouté à cette liste une diminution du taux de thromboses postopératoires (9). D’autres études, en revanche, ont souligné les inconvénients de la MPC, décrivant une augmentation du saignement postopératoire, des défauts de cicatrisation cutanée et surtout une absence de bénéfice réel de la MPC en termes de flexion (5, 6, 8, 12, 15, 16). Maloney (12), sur une étude rétrospective, note 2 % de nécroses cutanées dans le groupe sans MPC contre 12 % dans le groupe avec MPC. Ce risque semble être lié à une diminution de la pression cutanée en oxygène au niveau de la cicatrice lorsque la flexion du genou dépasse 40° (5). Il s’agit donc plus d’un risque lié à la flexion immédiate qu’à la MPC en tant que telle. Yashar (22), sur une étude prospective comparant MPC progressive et MPC avec flexion maximale d’emblée à 100°, note un cas grave de nécrose cutanée dans ce dernier groupe. Il considère cette complication comme liée en partie à la flexion importante, mais surtout au type de pansement trop sec et trop serré. Le saignement postopératoire semble être augmenté en cas de mobilisation continue précoce au-delà de 40° de flexion. Ainsi, Pope (15) note 956 ml de pertes sanguines totales en protocole classique contre 1 558 ml en MPC avec flexion supérieure à 40° et 1 017 ml en cas de MPC limitée entre 0° et 40°. Cet effet négatif de la flexion maximale immédiate n’a pas été retrouvé par Yashar (22). L’influence de la MPC sur le taux de thromboses postopératoires est discuté. Certaines études ont mis en évidence une diminution du taux de thrombose en cas de MPC (9, 21). Ces résultats n’ont pas été confirmés par d’autres (6, 7, 22). Nombreuses études ont cherché à comparer les résultats et les risques de complication dans ces différents modes de rééducation. Les résultats sont difficilement comparables car les protocoles utilisés pour la MPC sont très variables, allant de 1 heure trois fois par jour (7) à 20 heures par jour (3), de même que pour l’analgésie postopératoire et la prévention des thromboses. Par ailleurs, il existe souvent des imprécisions sur d’autres facteurs conditionnant la rééducation, tels que le mode de fermeture en flexion ou en extension (4), la flexion préopératoire (1), le type de prothèse ou le protocole précis de rééducation. Les quelques études prospectives randomisées réalisées (6, 11, 22) concluent à l’absence de bénéfice de la MPC en termes de flexion, de douleur ou de durée d’hospitalisation. Il est intéressant de noter que la durée de la rééducation initiale est importante. Ainsi, pour Mauerhan (13), il existe une relation nette entre durée d’hospitalisation et taux de mobilisation sous anesthésie : lorsque les durées de séjours étaient de 6,4 jours, 5,4 jours puis 4,4 jours, les taux de mobilisation ont été respectivement de 6 %, 11,3 % et 12 %. Au total, il est clair que l’évolution de la rééducation postopératoire immédiate a transformé les résultats dans les PTG. Il semble toutefois que ces progrès

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La gonarthrose

sont plus liés à la prise en charge globale, incluant analgésie, mise en confiance du patient et remise en fonction rapide du genou qu’au type même de mobilisation qui ne semble pas être déterminant.

Protocole utilisé par les auteurs Depuis 1992, la rééducation postopératoire est basée sur les postures alternées en flexion et en extension débutées immédiatement en postopératoire dès le retour du patient dans le service d’hospitalisation. Ce protocole associe : • Traitement de la douleur par anesthésie loco-régionale par bloc crural et sciatique et pompe à morphine gérée par le patient. Le bloc plexique est réalisé avant l’intervention afin d’être efficace dès le réveil. Éventuellement, des réinjections dans un cathéter crural peuvent être effectuées. • Mobilisation manuelle dès le lendemain de l’intervention par le kinésithérapeute. On pratique des mobilisations manuelles de la rotule dans le plan frontal et dans le sens vertical et horizontal. L’articulation fémoro-tibiale est mobilisée en flexion, en bord de lit ou bord de table de façon passive ou active aidée. La mobilisation en extension est essentielle à cette phase pour lutter contre l’installation d’un flexum antalgique. Ces mobilisations sont précédées de massages (en particulier du cul-de-sac sous-quadricipital) et de mobilisations passives puis actives de la cheville sous-jacente. L’extension complète doit être obtenue immédiatement en postopératoire. Elle est essentiellement conditionnée par l’équilibrage ligamentaire peropératoire. Elle peut toutefois être difficile à retrouver dans les cas de flexum préopératoire important ou de flexum contro-latéral. Dans ces situations, l’utilisation d’une attelle nocturne de repos en extension peut être utile. L’implication du patient dans cette recherche de l’extension est essentielle à cette phase. • La cryothérapie est systématique. Elle consiste en l’application de glace sur le genou opéré, préférentiellement sur ses faces latérales afin de ne pas contribuer à un éventuel retard de cicatrisation. Elle est pluri-quotidienne, en particulier après les séances de mobilisations ou de rééducation musculaire, mais ne dépasse pas 15 à 20 minutes. • La lutte contre la stase veineuse est immédiate dès le retour du bloc opératoire. Le patient, au repos, est installé en position déclive, membres inférieurs surélevés et une contention veineuse est mise en place 24 h sur 24 h dès la sortie de la salle d’opération. Elle est maintenue cinq semaines. Le drainage lymphatique manuel est également une technique de choix à cette période. Les massages trophiques du quadriceps et des faces latérales du genou préparent à la mobilisation. L’électrothérapie antalgique peut être un adjuvant. • Les postures alternées suivent les mobilisations mais doivent être reconduites de manière pluri-quotidienne. Elles sont débutées dès le retour du bloc opératoire. Les postures de flexion sont réalisées les premiers jours sur des blocs de mousse d’angulations variables installés dans le lit en maintenant le genou en flexion (fig. 1). Rapidement en fonction de l’état général, les postures sont réalisées en bord de lit (fig. 2). Les postures en extension sont débutées immédiatement et aucun « coussin de confort » mis en place sous le genou à titre antalgique n’est autorisé (fig. 3). Ces postures sont réalisées en périodes courtes (20 minutes maximum) et sont associées à la cryothérapie. Dès l’ablation des drains, le patient est au fauteuil et les postures alternent entre position de flexion maximale pied au sol et position d’extension pied sur un repose-jambe (figs 2 et 4).

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Fig. 1. Posture en flexion sur bloc de mousse. Ces postures sont débutées immédiatement après retour de la salle de réveil

Fig. 2. Posture en flexion dès le lendemain de l’intervention

Fig. 3. Posture en extension complète dans le lit, immédiate. Aucun coussin n’est mis en place dans le creux poplité

Fig. 4. Posture en extension patient en position assise, à partir du troisième jour postopératoire

• L’objectif est d’obtenir une extension complète et une flexion à 90° lors de la sortie du patient au 7e jour postopératoire. En cas de raideur importante avec flexion inférieure à 60°, le patient doit être dirigé en centre spécialisé et être revu par le chirurgien au 15e jour postopératoire pour un éventuelle mobilisation sous anesthésie générale. En cas de flexum persistant, une attelle nocturne en extension peut être maintenue. • La rééducation musculaire a pour objectif essentiel de lever la sidération du quadriceps, très souvent présente dans les premiers jours postopératoires. On pratique en chaîne cinétique ouverte des contractions statiques, flash et tenues, afin d’obtenir une

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ascension active de rotule ainsi que des élévations jambe tendue (fig. 5). Le plus souvent, à ce stade de la rééducation, on observe un flexum actif de 10° à 20°, lié à la douleur postopératoire ou encore à l’utilisation du cathéter crural à titre antalgique. • Apprentissage de la déambulation. Dès le 1er jour postopératoire, l’appui sur le membre inférieur opéré est autorisé sans attelle dans les limites de la douleur. L’apprentissage de la marche est fait avec l’aide du kinésithérapeute, sous couvert d’un déambulateur ou de deux cannes canadiennes. Au deuxième jour la marche se fait dans la chambre et à partir du troisième jour, le patient peut marcher dans le couloir en fonction de son état général. L’apprentissage des escaliers est réalisé dans les sept premiers jours postopératoires en présence du kinésithérapeute. Elle se fait marche à marche avec montée par le membre non opéré et descente sur le membre opéré, sous couvert de deux cannes ou d’une canne et une rampe. Le port d’une attelle peut être indiqué en cas de relèvement de tubérosité tibiale antérieure, ou de quadriceps snip, lorsqu’il existe une grande déviation préopératoire en varus ou en valgus, lorsqu’il existe une sidération importante du quadriceps faisant redouter un dérobement du genou en position debout ou enfin, à titre antalgique. Dans les deux premiers cas, elle sera retirée en fonction des indications du chirurgien, dans les deux derniers cas dès que possible en fonction de l’acquisition du verrouillage du genou ou de la sédation des douleurs.

Résultats Lors d’une étude prospective (19) portant sur 58 PTG, deux facteurs favorisant la récupération de la flexion en fin de rééducation ont pu être individualisés : la rééducation par postures non contrainte plutôt que par MPC et l’utilisation d’une anesthésie loco-régionale prolongée par cathéter crural avec réinjection pendant les deux premiers jours postopératoires (figs 6 et 7).

Surveillance de la cicatrice Les premiers signes d’ischémie cutanée sont précoces, apparaissant entre le 3e et le 7e jour postopératoires ; la profondeur de cette ischémie n’est pas évaluable dans un premier temps. La mobilisation de l’articulation à pansement ouvert permet, par la visualisation du blanchissement des berges cutanées de la plaie, de déterminer l’angulation à ne pas dépasser pour préserver la cicatrisation. En cas de doute, il faut savoir donner la priorité à la cicatrisation en réduisant les amplitudes autorisées lors des mobilisations, car la récupération angulaire reste toujours possible alors que le retard de cicatrisation et le risque septique qu’il engendre posent des

Fig. 5. Exercice d’élévation jambe tendue dès que possible

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Fig. 6. Courbes de récupération de flexion avec deux protocoles de rééducation. MPC et Postures alternées (PA) ((d’après Sbraire N avec autorisation)

Fig. 7. Courbes de récupération de flexion avec deux protocoles antalgiques : avec et sans Anesthésie loco-régionale (ALR) par cathéter crural (d’après Sbraire N avec autorisation)

problèmes beaucoup plus difficiles à résoudre. L’application de glace ne doit jamais excéder 15 à 20 minutes et ne doit pas être réalisée directement au niveau de la plaie opératoire mais préférentiellement sur les faces latérales du genou.

Période de rééducation de J7 à J30 postopératoires À la sortie de l’hospitalisation, le patient, partiellement autonome, est dirigé vers son domicile si les conditions médicales (âge, état général, état local du genou, absence de complication postopératoire immédiate) ou sociales et logistiques (entourage, accessibilité du logement, proximité, accessibilité et disponibilité des thérapeutes libéraux) le permettent. Le patient doit alors être pris en charge par un kinésithérapeute et sort avec un programme de travail personnel (fig. 8) et un livret d’analyse de douleur et de satisfaction (fig. 9). Le patient doit alors être revu précocement en consultation afin de vérifier la progression des amplitudes articulaires. En Centre de rééducation il est, le plus souvent, pris en charge en hospitalisation complète 15 jours ou 3 semaines et poursuivra, si nécessaire, sa réédu-

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cation en hôpital de jour ou en kinésithérapie libérale. La prise en charge en hôpital de jour peut suivre immédiatement le séjour en chirurgie si l’état du patient le permet et si les conditions sociales sont correctes.

Traitement de la douleur Le traitement de la douleur est encore important à ce stade. Une recrudescence douloureuse peut survenir dans les premiers jours suivant le transfert, liée à l’augmentation de l’activité et à l’intensification de la rééducation. Les patients poly-arthrosiques peuvent voir apparaître des douleurs du genou controlatéral par surmenage ou des épaules liées à l’usage de la potence du lit, des cannes et du fauteuil roulant. Le repos fait partie intégrante de la rééducation à cette phase. Les temps de repos au lit associés au glaçage doivent être fréquents. L’intensité de la rééducation doit être adaptée à l’état général du patient et à la tolérance de l’articulation

a : Postures alternées en flexion et en extension

b : Musculation du quadriceps dynamiques

c : Travail isométrique du quadriceps

Fig. 8. Programme de travail personnel du patient lors du retour à domicile

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opérée. Un fauteuil roulant peut être utilisé pour les longs déplacements afin de ménager l’articulation récemment opérée.

Récupération des amplitudes Le travail de la mobilité passive reste essentiel. L’objectif de cette phase est la préservation de l’extension complète et l’acquisition d’une flexion proche de 110°. Dans tous les cas, la règle de la non-douleur doit être respectée. La progression des amplitudes doit être régulière et il faut rester très vigilant tant que les objectifs de cette phase ne sont pas atteints.

Fig. 9. Analyse hebdomadaire de la douleur et de la satisfaction par échelles visuelles analogiques (d’après Bullens PHJ, VanLoon CJM, De Waal Malefijt MC, Loan MFJM (2001) Patient satisfaction after total knee arthroplasty. J. Arthroplasty 16, 6, 740-747)

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La récupération de l’extension complète est impérative à ce stade pour obtenir une marche sans boiterie, et surtout donner aux éléments prothétiques de bonnes conditions mécaniques de fonctionnement. La lutte contre un éventuel flexum passif est d’autant plus difficile qu’il pré-existait à l’intervention et qu’il existe un flexum controlatéral. On peut s’aider de massages profonds et d’étirements des formations musculaires et tendineuses postérieures, et également de physiothérapie sous forme de courants décontracturants appliqués sur les formations musculaires postérieures. Les postures pluri-quotidiennes restent la base du travail de l’extension. La récupération de la flexion se fera par mobilisations par le kinésithérapeute, mais aussi par postures pluri-quotidiennes patient en position assise en bord de table en travaillant en pendulaire. La mobilisation de la rotule est poursuivie en insistant sur son abaissement afin de faciliter la flexion du genou et en y associant des massages des culs de sacs sous-quadricipitaux et des faces latérales du genou. Progressivement, on passera à des mobilisations actives en flexion à l’aide des ischio-jambiers en chaîne cinétique ouverte puis en chaîne cinétique fermée. L’usage de l’arthromoteur n’est qu’un adjuvant, précédant ou suivant la mobilisation manuelle. Les mêmes principes que dans la phase postopératoire immédiate doivent être respectés : règles de l’indolence, séances courtes, vitesse lente, surveillance par le kinésithérapeute et contrôle du patient. Il ne doit en aucun cas entraîner d’échauffement excessif de l’articulation et devient inutile lorsque la flexion dépasse 90°. Après cicatrisation de la plaie opératoire, la balnéothérapie peut être proposée à titre de détente musculaire et en effectuant des mouvements de pédalage dans l’eau, doux et sans résistance. En l’absence de contre-indication (retard de cicatrisation, artérite, phlébite, embolie avérée), des séances de pressothérapie sont d’un apport certain dans la diminution de volume du membre. Des ecchymoses résiduelles génératrices de douleurs sont traitées par l’application de pommades ou crèmes, par pressothérapie suivie de double contention rigido-élastique. À partir du 21e jour postopératoire, la vacuothérapie sur les faces latérales du genou (joues condyliennes) peut être d’un appoint appréciable dans la récupération de la mobilité.

Travail musculaire Après levée de la sidération postopératoire immédiate, le travail du quadriceps est réalisé par contractions statiques, flash ou tenues, en chaîne cinétique ouverte avec mise en place d’une cale triangulaire sous le fémur puis sans cette cale pour aboutir à une ascension active de rotule tenue, une bonne mise en tension du tendon rotulien et la disparition du flexum actif contre le poids du segment jambier ; en aucun cas on n’appliquera de masse additionnelle au niveau de la cheville. Dès que possible, on débute un travail en contractions dynamiques du quadriceps en chaîne cinétique fermée (type mini-squatt) si ce travail ne déclenche pas de douleurs. On peut s’aider dans ce travail de réveil musculaire, en particulier en cas de sidération importante du quadriceps, d’électro-stimulations, couplées ou non au Biofeedback, parfois même en double canal pour obtenir un relâchement plus complet des ischio-jambiers lors de la contraction du quadriceps.

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Reprise de la marche et de l’autonomie Reprise de la marche D’un périmètre de marche limité à la chambre dans la phase postopératoire immédiate, le patient va passer durant la phase de rééducation à l’autonomie complète de la marche. Versant le plus fonctionnel de la rééducation, la marche doit, au terme de cette phase de rééducation, être possible sans boiterie sinon sans canne. Pour une marche correcte, il est essentiel que l’appui monopodal soit possible et donc la mise en charge sur le membre opéré complète. Elle sera travaillée par translation progressive du poids du corps, éventuellement à l’aide de balances, à l’espalier, en évitant toute compensation au niveau du bassin ou de la ceinture scapulaire. Jusqu’au 30e jour postopératoire, la marche s’effectue à l’aide de deux cannes canadiennes ; la marche se fera en trois temps (deux cannes parallèles les 10 à 15 premiers jours), puis en quatre temps (deux cannes croisées). La suppression de la canne du côté opéré ne sera possible qu’après acquisition d’une bonne stabilité à la marche et d’un bon verrouillage du genou, au-delà du 30e jour postopératoire. Pour la marche en extérieur et les parcours à risques, nous conseillons l’usage d’une ou deux cannes, essentiellement en fonction de l’appréhension du patient. Le schéma de marche est tout spécialement étudié pour éliminer les diverses causes de boiterie : élévation du bassin lors de la phase oscillante du pas, attaque du pas en flexum, marche genou raide par insuffisance de triple flexion active hanche-genou-cheville lors de la phase oscillante du pas, inégalité de longueur éventuelle qu’il faut compenser, abductum ou adductum de hanche lorsque les patients présentaient en préopératoire de grandes déviations en genu varum ou genu valgum.

Rééducation proprioceptive Elle est orientée vers la stabilité active de l’articulation en chaîne cinétique fermée. Les stabilités antéro-postérieures et latérales sont enseignées par des poussées manuelles déstabilisantes en appui bipodal. Les déplacements latéraux alternativement vers la droite et vers la gauche permettent le travail des haubans internes et externes et assurent la stabilité latérale du genou en même temps qu’ils permettent le renforcement des muscles péri-articulaires de la hanche sus-jacente.

L’autonomie D’un univers limité le plus souvent à sa chambre dans la phase postopératoire immédiate, le patient va passer durant la phase actuelle à l’autonomie complète. La toilette et l’habillage des membres inférieurs, en particulier la mise en place des bas de contention, peuvent au début de cette phase poser des problèmes au patient. Assisté par le personnel soignant en début de séjour, il bénéficie si besoin des conseils de l’ergothérapeute et de prêt de matériel (pince et brosse à longs manches) lui conférant l’autonomie progressivement.

Prévention et détection des complications locales Elles sont basées sur le suivi hebdomadaire du patient. Chaque semaine, l’état

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général du patient est évalué cliniquement et biologiquement. L’évolution de l’articulation opérée est suivie en consultation pluri-disciplinaire (médecin de médecine physique et réadaptation et masseur-kinésithérapeute). Les problèmes cutanés et les thrombophlébites sont traités ailleurs.

Hémarthrose Survenant le plus souvent dans le contexte d’un relais précoce aux anti-vitamines K, préventif ou curatif de phlébite, elle constitue le tableau clinique le plus douloureux dans le cadre de la prothèse totale de genou. La survenue est très brutale, la douleur syncopale, accompagnée d’un cortège de signes généraux essentiellement variables d’un patient à l’autre. L’examen de l’articulation est redouté par le patient et permet, lorsqu’il est possible, de retrouver un genou sensiblement de même volume qu’auparavant mais extrêmement « dur » à la palpation, contrairement à une hydarthrose même importante. Il faut absolument mettre l’articulation au repos, la glacer et utiliser si besoin les antalgiques majeurs en établissant autour du patient une surveillance étroite. C’est parfois dans ce cadre que l’on peut voir s’installer un flexum secondaire extrêmement difficile à réduire du fait de l’intensité des douleurs.

Algodystrophie Dans ce tableau clinique, on peut voir s’installer une raideur avec régression des amplitudes en flexion et en extension. La douleur est intense lors des mobilisations, mais également au repos et la nuit, résiste aux antalgiques et aux antiinflammatoires non stéroïdiens et peut s’accompagner de troubles vasomoteurs locaux. Il faut alors adapter la rééducation, privilégier la mise au repos, effectuer des exercices moins contraignants pour l’articulation et s’aider de physiothérapie par bains alternés chauds et froids. Il ne faut pas hésiter à instaurer un traitement médical (changement de palier d’antalgiques et instauration de calcitonine).

Raideur Souvent associée à une douleur dans les derniers degrés de mobilisation, elle apparaît entre le 15e et le 30e jour postopératoires ; on se trouve alors confronté à une articulation qui ne progresse plus et stagne à moins de 90° de flexion ; il y a peu de signe inflammatoire et le plus souvent une bonne utilisation à la marche du peu de mobilité acquise. Le chirurgien doit être tenu informé de ce retard de progression entre J15 et J30 postopératoires pour décider éventuellement d’une mobilisation précoce sous anesthésie générale.

Phase de réadaptation-réinsertion au-delà de J30 postopératoire Nombre de patients conservent à cette période une « susceptibilité » de leur articulation aux circonstances particulières, telles que fatigue, station debout prolongée,

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longs trajets en voiture, changement météorologique. Ils ont appris, lors des phases précédentes, à rester à l’écoute de leur genou, à gérer par eux-mêmes le traitement contre la douleur et n’utilisent plus dans leur grande majorité et en l’absence d’autre localisation douloureuse que des antalgiques simples au coup par coup. La flexion, au début de cette phase, est le plus souvent proche de 110°, et l’on observe quelquefois une petite augmentation dans les semaines qui suivent avec passage à 120°, voire 130° autour du 60e jour postopératoire sans modification des techniques de rééducation employées. Concernant l’extension, il faut se garder à cette période de la constitution ou de la récidive d’un flexum qui, même minime, pourrait altérer la qualité de la marche et entraîner contraintes excessives et douleurs au niveau de l’articulation opérée. L’incitation à l’auto-rééducation par postures et étirements doit rester ferme et fréquente. Le travail musculaire se poursuit à domicile par les mêmes exercices que ceux qui ont été enseignés par le kinésithérapeute : contractions statiques, flash et tenues en chaîne cinétique ouverte, contractions dynamiques dans les 30 derniers degrés d’extension en chaîne cinétique fermée. La marche en terrain plat ne nécessite plus de canne ; pour la marche en extérieur, il conserve une ou deux cannes selon son appréhension ; le périmètre de marche extérieur peut, dès le début de cette phase atteindre ou dépasser un kilomètre. Jusqu’au 60e jour postopératoire, nous conseillons au patient de monter et a fortiori de descendre les escaliers en asymétrique ; c’est seulement lorsque le quadriceps a totalement récupéré sa force concentrique que la montée pourra être symétrique ; la descente des escaliers exige un quadriceps de bonne force dans le travail excentrique et surtout une flexion de genou au moins égale à 120° que le patient n’a pas forcément obtenu au 60e jour postopératoire ; en outre, la descente d’un escalier est génératrice d’appréhension plus forte, conduisant les patients à s’aider d’une canne et de la rampe. Au décours de cette phase, la rééducation proprioceptive se poursuit essentiellement par le travail de la marche en terrain accidenté et la réinsertion dans son quartier avec un masseur-kinésithérapeute libéral. La prévention des chutes est enseignée par la marche contre-résistance et la poursuite du travail en poussées latérales et antéro-postérieures. Le relèvement d’une chute, particulièrement important pour un patient isolé ou âgé, peut être enseigné en salle de rééducation à l’aide du mobilier, des murs ou des cannes. La conduite automobile est autorisée à partir du 45e jour pour les patients opérés de prothèse de genou gauche, 60e jour postopératoire pour les patients opérés de prothèse de genou droit.

Conclusion La mobilisation précoce dans les PTG a permis une récupération plus complète et plus rapide donnant de meilleurs résultats que dans les premières séries. La précocité de la mobilisation et la prise en charge optimale de la douleur postopératoire qui semblent être les facteurs principaux conditionnant la mobilité finale. Tout au cours de la rééducation, la collaboration entre les divers intervenant doit être parfaite afin de dépister et traiter à temps les éventuelles complications.

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Anesthésie pour prothèse totale du genou : prise en charge médicale en période périopératoire D. Gallet

En 1996, selon Auroy et al. (1), l’anesthésie pour prothèse totale de genou (PTG) concerne 45 000 personnes et représente 3 % de l’ensemble des anesthésies françaises. Certains patients atteints d’ostéo-arthropathies dégénératives choisissent de se faire opérer pour pratiquer leurs activités favorites, mais d’autres présentent à l’opposé des maladies inflammatoires associées graves et invalidantes ou sont des personnes âgées, obèses, aux antécédents médicaux chargés (atteinte cardiovasculaire, respiratoire, rénale, diabète), exposées à de nombreuses complications périopératoires (cardio-vasculaires, thromboemboliques, infectieuses, neuropsychiques...). Les contre-indications anesthésiques absolues sont rares mais remplacées par l’évaluation du rapport bénéfice/risque : il s’agit de faire la part entre le bénéfice réel de l’intervention (douleur, mobilité, qualité de vie) et le risque périopératoire. Les complications spécifiques sont liées à l’utilisation d’un garrot, au risque infectieux, thromboembolique, au saignement périopératoire. Les risques liés au ciment acrylique sont moins important ici que dans la chirurgie de la prothèse totale de hanche (PTH). La mortalité à trois mois estimée est de 0,1 % à 0,9 %, la part de l’EP fibrino-cruorique y est extrêmement modeste 0 % à 0,2 %, les décès périopératoires immédiats pouvant être attribués à l’embolie graisseuse, conséquence de la chirurgie endomédullaire, plus fréquente lors des PTG que lors des PTH (2, 3). Généralement, les patients ayant bénéficié de la pose d’une prothèse de genou ont une durée de vie plus longue que la population générale, plus particulièrement les femmes de plus de 75 ans. Le genre masculin, les antécédents de polyarthrite rhumatoïde, les complications infectieuses et thrombo-emboliques sont reconnues comme des facteurs de risques de mortalité plus précoce (4). L’impotence fonctionnelle fait le plus souvent sous-estimer une insuffisance cardiaque, coronarienne ou respiratoire, la consultation d’anesthésie doit donc faire la part des choses. Elle est programmée au moins un mois avant l’intervention, évalue l’opérabilité du patient, le risque thrombotique, elle permet de prévoir la stratégie transfusionnelle après estimation du risque hémorragique et cherche à dépister et traiter tout foyer infectieux. Après information et accord du patient, elle aboutit à l’élaboration d’un protocole optimal d’anesthésie et d’analgésie postopératoire permettant d’améliorer le confort du patient en ayant fait la preuve de son efficacité dans la rééducation précoce. Le médecin anesthésiste doit élaborer sa stratégie principalement en fonction des données de l’interrogatoire et de l’examen clinique, puis sélectionner les populations à plus haut risque pouvant bénéficier d’examens complémentaires ciblés, pour ne pas multiplier des examens inutiles et coûteux. L’évaluation préopératoire (5) est indispensable avant toute intervention dans le cadre d’une information loyale, claire et appropriée due au malade et au développement des meilleurs moyens de prévention et de limitation des risques. La décision opératoire n’est prise qu’après discussion du rapport

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bénéfice/risque. La totalité de la démarche périopératoire peut s’avérer difficile et demande une bonne coordination entre le médecin traitant, le cardiologue, le chirurgien, l’anesthésiste et le patient, dûment informé des termes de la discussion qui le concerne.

Évaluation de la fonction cardio-respiratoire (6, 7) Selon le rapport de l’American college of cardiology et de l’American heart association (8), la chirurgie orthopédique lourde réglée constitue un risque cardiovasculaire intermédiaire, 1 % à 8 % de ces opérés restant victimes d’une complication cardiaque périopératoire (9). Dans tous les cas, l’avis du cardiologue est demandé pour coordonner l’évaluation du risque, optimiser le traitement médicamenteux pré et postopératoire et éventuellement proposer un geste de revascularisation coronaire préopératoire dans un objectif de survie à long terme.

Stratégie d’épargne sanguine Arrêter un traitement par des inhibiteurs des fonctions plaquettaires (IFP) En l’absence d’études, le risque hémorragique induit par les IFP est mal connu mais peut conduire à suspendre le traitement en périopératoire sans faire courir le risque d’une thrombose dans la majeure partie des cas (11). L’aspirine, la ticlopidine (Ticlid®) et le clipidogrel (Plavix®) doivent être arrêté dans les 10 jours avant l’acte chirurgical, en dehors du risque d’aggravation d’un événement thrombotique essentiellement coronarien (12). Il faut alors identifier les malades à haut risque artériel pour lesquels le traitement ne doit pas être suspendu ou doit l’être le moins longtemps possible, et demander l’avis du cardiologue.

Évaluer les besoins transfusionnels On estime actuellement que 20 % ou 30 % des patients modérément anémiques devant subir une intervention chirurgicale relativement hémorragique devront être transfusés. Le plus souvent, les besoins transfusionnels d’une PTG sous garrot, 800 à 1,500 ml surtout en postopératoire, seront couverts par 2 à 3 unités de sang. La pratique de la transfusion sanguine est encadrée par une réglementation complexe, dominée par la traçabilité et les programmes d’assurance qualité pour proposer à chaque patient la transfusion qui présente pour lui le meilleur bénéfice/risque à un moment donné (16). En accord avec le consensus de la SFAR (17), Société française d’anesthésie et de réanimation, s’appuyant sur des études expérimentales et cliniques de la demande métabolique peropératoire et au réveil et du transport en oxygène critique (DO2) en situation de stress, le clinicien tolère actuellement un taux d’hémoglobine entre 7 et 10 g·dL– 1 chez la plupart des anémiques stables (hématocrite entre 21 % et 30 %). Entre ces valeurs, la décision de

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transfuser repose sur des critères cliniques de tolérance du patient à l’anémie, son ancienneté, la masse sanguine circulante, la rapidité de la déperdition hémorragique, les pathologies associées, le statut métabolique et les capacités d’adaptation de l’organisme à l’anémie. Les pertes sanguines permises se calculent dès la consultation en fonction de la masse d’hémoglobine du patient et de l’hématocrite final minimal souhaité, fixé au niveau seuil transfusionnel théorique. La différence entre les pertes sanguines permises et prévisibles détermine l’agressivité de la préparation préopératoire. Connaissant le poids du patient et son hématocrite, la perte sanguine totale moyenne dans sa structure, avec un chirurgien donné, chaque anesthésiste peut prévoir les besoins théoriques entre j – 1 et j + 5, selon la formule : Perte autorisée en ml de globules rouges = VST x (Hématocrite initial( j – 1) – Hématocrite final (j + 5) (Hématocrite moyen) VST = volume sanguin total = 70 ml/kg chez l’homme et 65 ml/kg chez la femme

Hématocrite moyen =

[Hématocrite initial + Hématocrite final] 2

En transfusion homologue (18), les estimations actuelles de transmission virale par nombre de dons sont de l’ordre de 1/220 000 pour l’hépatite B, 1/375 000 pour l’hépatite C, 1/1 350 000 pour l’HIV et 1/7 000 000 pour le HTLVI. Alors que les risques d’incompatibilité immunologique ont pris le dessus (1/6 000 à 1/29 000), les risques bactériens persistent, comme les accidents allergiques (anticorps anti-Ig A chez le receveur) mais aussi la transmission éventuelle d’agents non conventionnels comme celui de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) malgré une sélection stricte des donneurs et une déleucocytation maintenant systématique. Les données les plus récentes de la littérature française indiquent un risque résiduel global mortel à 1/100 000.

Transfusion autologue La transfusion autologue concerne trois grands types de technique permettant une économie de sang sans éliminer l’éventualité d’une transfusion homologue en cas de nécessité. Dans le cadre d’un programme de transfusion autologue pro-grammée séquentielle (TAP), deux à trois prélèvements réalisés entre j – 35 et j – 10 permettent, après consentement du patient, une économie de 2 à 3 culots globulaires. Les produits de TAP peuvent être conservés 6 semaines à 4 °C (circulaire DGS/DH/AFS du 31/01/1997). Le bénéfice attendu tient à la quantité d’hématies que le patient est capable de régénérer entre le premier prélèvement et l’intervention chirurgicale, par stimulation de la sécrétion d’érythropoïétine (EPO) endogène, dans la mesure où les réserves en fer sont suffisantes. Il semble qu’il y ait un intérêt à commencer les prélèvements le plus longtemps possible avant l’intervention (5 semaines) et d’effectuer les prélèvements initiaux de façon rapprochée pour mieux bénéficier d’une sécrétion accrue d’EPO. Les patients bénéficiant d’une TAP sont 5 fois moins exposés que les autres aux risques d’une transfusion homologue (19). Mais un débat est engagé sur le bien-fondé du recours à cette technique, dans

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La gonarthrose

certaines circonstances, du fait de sa lourdeur, de ses risques propres et de son modeste rapport coût-efficacité (20). Selon l’agence française du sang (AFS) et l’agence nationale d’accréditation des établissements de santé (ANAES) (21), il apparaît alors raisonnable de réserver cette technique aux patients en bonne santé, non anémiques (Hb > 13 g·dL– 1), ayant une espérance de vie supérieure à 10 ans et devant subir une intervention assez hémorragique (pertes prévisibles supérieures à 1 500 ml) et/ou justifiant une transfusion dans plus de 50 % des cas. Le prix facturé par l’ETS est de 200 euros (1 317 FF) = 1 CGR + 1 PFC à comparer aux 165 euros (1 086 FF) d’un CGR déleucocyté de sang homologue (150 ml de GR). Périlleuse en cas de maladie cardio-vasculaire mal compensée, comme en cas d’épilepsie, d’accident vasculaire cérébral récent, d’insuffisance hépatique ou rénale sévères, d’insuffisance respiratoire, elle est contre-indiquée en présence d’une infection et si le taux hémoglobine est inférieur à 11 g·dL– 1. Sont aussi exclus du protocole les patients connus réactifs avec les marqueurs antigène HBs, anticorps anti-VIH 1 et 2, anticorps anti-VHC, anticorps anti-HTLV I et II, anticorps anti-HBc sans anti-HBs, sauf si le patient possède un groupe sanguin rare ou un mélange d’anticorps irréguliers anti-érythrocytaires représentant une impasse thérapeutique. L’érythraphérèse autologue programmée (TAP par aphérèse de globules rouges) est un prélèvement sélectif de 2 ou 3 concentrés de globules rouges par aphérèse à l’aide d’un séparateur de cellules. Comme dans la TAP, le sang peut être conservé 42 jours à 4 °C par l’établissement français du sang. Elle est contre-indiquée quand le taux d’hémoglobine est inférieur à 13 g·dL– 1. Les autres contre-indications sont les mêmes que celles de la TAP, en sachant que son inconvénient principal est qu’elle est un peu plus dure à supporter (volumes sanguins mobilisés importants). Son avantage principal est qu’elle a de meilleurs résultats biologiques que la TAP en sécrétion érythropoïétine et taux hémoglobine obtenus. Elle n’a donc pas seulement un intérêt économique : un seul bilan sérologique, un seul déplacement vers j – 25, et un coût actualisé de 388 euros (2 546 FF) pour 2 ou 3 culots globulaires. Chez le patient non anémique, il est donc vraisemblable que l’érythraphérèse réalisée 3 à 4 semaines avant l’intervention remplace la TAP standard, du fait d’un meilleur rapport coût/efficacité. Le nombre d’unités prélevées dépend du volume sanguin et de l’hématocrite du patient le jour du prélèvement, il se peut donc que la séance d’érythraphérèse soit complétée par un prélèvement de TAP différé pour répondre aux besoins. L’hémodilution normovolémique préopératoire (HDNV) semble très utilisée aux USA (22). C’est la soustraction délibérée de sang total immédiatement avant l’intervention chirurgicale, faisant chuter l’hématocrite très bas, en respectant la volémie par perfusion de cristalloïdes. En Europe, cette technique ne peut être recommandée en orthopédie, les arguments médicaux plaidant en la faveur de la TAP, car malgré son faible coût, aucune étude clinique de qualité n’a montré que l’HDNV pouvait être aussi efficace, les études restant très hétérogènes et le rapport bénéfice/risque particulièrement mauvais.

Érythropoïétine L’érythropoïétine recombinante (rhEPO) permet d’augmenter le taux d’hémoglobine si elle est administrée pendant les 3 à 5 semaines qui précèdent l’intervention, en surveillant la numération sanguine. Plusieurs études multicentriques (23, 24) ont montré que le traitement par rhEPO était bénéfique en terme d’augmentation du nombre de dons en TAP et/ou de réduction des besoins transfusionnels homologues quand l’hémoglobine initiale est comprise entre 10 et 13 g·dL– 1. Les modalités de prescription d’érythropoïétine (Eprex®, Recormon®) en périopératoire sont définies par la dernière AMM : anémie modérée entre 10 et 13 g·dL– 1, adultes sans carence martiale, interven-

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tion chirurgicale orthopédique majeure programmée, pertes modérées (900 à 1 800 ml), administration de 600 UI/kg/semaine en 4 injections sous-cutanées, en commençant 3 semaines avant l’intervention selon le schéma de Goldberg (j – 21, j – 14, j – 7 et j – 1). À ce jour, le risque d’hypertension artérielle et de thrombose veineuse profonde n’a pas été rapporté à ces posologies mais on peut garder en mémoire les facteurs de risques thrombo-emboliques liés à l’administration d’EPO et ses principales contreindications : HTA non contrôlée, angor instable, sténose carotidienne significative, antécédent d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral (25). Dans tous les cas, un taux d’hémoglobine supérieur à 15 g·dL– 1 ou un taux d’hématocrite supérieur à 50 % doivent faire suspendre la prescription. Son utilisation est malheureusement encore limitée dans certaines régions en raison d’une prescription/utilisation hospitalière exclusive (pharmacie centrale).

Traitement martial En dehors de toute surcharge martiale préexistante, l’apport de fer est sans doute nécessaire tout au long d’un protocole de TAP, mais indispensable si on utilise l’EPO. Cette association est aussi préconisée en cas d’anémie ferriprive ou inflammatoire modérée. Le fer utilisé per os est peu rentable car 10 % à 20 % de la dose ingérée sont absorbés, mais reste efficace même s’il crée le plus souvent une intolérance digestive. Le fer par voie IM (Maltofer®) présente aussi plusieurs inconvénients (douleur, tatouage, résorption incomplète). Le fer-saccharose par voie intraveineuse (Venofer®) (26) est très efficace sur le plan de sa libération et de son utilisation mais il n’est pas toujours disponible, comme pour l’instant l’érythropoïétine (27).

La récupération de sang périopératoire (28, 29) Selon les recommandations de l’Agence française du sang (circulaire du DGS/DH/AFS du 31 janvier 1997), la récupération périopératoire est utilisée seulement quand le saignement peropératoire est supérieur ou égal à 15 % de la volémie dans les six premières heures postopératoires (850 ml chez un homme de 80 kg et 600 ml chez une femme de 60 kg). On pratique le plus souvent la technique du « stand-by » : réservoir de recueil en place, restitution au patient en cas de nécessité. L’aspiration chirurgicale est destructrice, si bien que le sang aspiré pendant l’intervention est pauvre en facteurs d’hémostase, contient des particules osseuses, des lobules graisseux, des particules de ciment, des agrégats fibrino-plaquettaires, de l’hémoglobine libre, des débris cellulaires, des hématies altérées. Les risques potentiels de coagulopathie et CIVD (PDF, D-Dimères, facteurs activés), les risques liés à la réinjection de substances pro-inflammatoires (leucocytes, cytokines), les risques d’embolie graisseuse et osseuse et les risques infectieux font que la retransfusion postopératoire de quantités importantes de sang non centrifugé et lavé recueilli dans la plaie opératoire n’est pas recommandée, en dehors des situations d’extrême urgence, et toujours limitée à des volumes n’excédant pas 1 000 ml. La retransfusion de volumes supérieurs nécessite donc centrifugation, lavage et filtration. Les hématies ainsi lavées seront d’excellente qualité (ATP, 2,3 DPG) et les risques de contamination bactérienne limités. Les contre-indications, communes à la récupération peret postopératoire en dehors des urgences vitales, sont l’infection locale ou générale, certains cancers évolutifs, l’utilisation d’un produit antiseptique ou de colles biologiques contenant des thromboplastines. Tout incident doit être documenté et rapporté au correspondant local d’hémovigilance.

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La gonarthrose

L’antibioprophylaxie (ABP) La fréquence de l’infection postopératoire en chirurgie prothétique articulaire est de 3 % à 5 %. L’ABP doit permettre de réduire le taux d’infection à moins de 1 %. Son bénéfice est d’autant plus net que l’intervention est réalisée en l’absence de flux laminaire. Selon les recommandations françaises de 1999 (30), l’antibioprophylaxie, le plus souvent intraveineuse, doit toujours précéder l’acte opératoire, dans un délai maximum de 1 h à 1 h 30, si possible lors de l’induction de l’anesthésie, avant de gonfler le garrot, et durer un temps bref représenté par la période opératoire le plus souvent, parfois 24 heures et exceptionnellement 48 heures. La présence d’un drainage du foyer opératoire n’autorise pas à transgresser ces recommandations. Il n’y a pas de raison de prescrire des réinjections lors de l’ablation de drains, sondes ou cathéters. La première dose, adaptée au poids du patient, est habituellement le double de la dose usuelle. Des réinjections sont pratiquées pendant l’intervention toutes les deux demi-vie de l’antibiotique, à la même dose. Les protocoles d’antibioprophylaxie, comme d’antibiothérapie, sont établis localement après accord entre chirurgiens, anesthésistes-réanimateurs, infectiologues, microbiologistes et pharmaciens. Ils sont affichés au bloc opératoire et validés par le Comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) et le comité du médicament et des antibiotiques de l’établissement. L’intérêt de l’antibioprophylaxie locale par ciment imprégné d’antibiotique n’est pas établi. Les reprises opératoires précoces pour un motif chirurgical non infectieux (hématome, luxation, problème mécanique) nécessitent une prise en charge différente de l’ABP initiale (vancomycine recommandée). Il peut aussi être nécessaire de tenir compte des conditions écologiques propres au service (bacilles à Gram négatif (BGN) hospitaliers). De même, la surveillance du taux d’infection du site opératoire (ISO) et l’émergence de bactéries multi-résistantes (BMR) conduira à une réflexion multidisciplinaire. Pour la mise en place d’une prothèse articulaire de genou « simple », il est possible de limiter la durée de l’antibioprophylaxie à la période opératoire. Les bactéries ciblées sont : S. aureus, S. epidermidis, Propionibacterium, Streptocoques, E. coli, K. pneumoniae (tableau 1).

Techniques anesthésiques Anesthésie générale et anesthésie locorégionale péri-médullaire Actuellement, il est encore difficile de trancher entre anesthésie générale et anesthésie locorégionale péri-médullaire (rachi-anesthésie ou péridurale) et les avis sont partagés (21, 32, 33). Tableau 1. Actualisation 1998 des recommandations de la conférence de consensus de 1992 de la Société française d’anesthésie et de réanimation (30) Chirurgie orthopédique avec mise en place de matériel, greffe osseuse, ligamentoplastie, fracture fermée

céfazoline

2 g préop.

si allergie : vancomycine

15 mg/kg préop

dose unique (réinjection de 1 g si durée > 4 h) dose unique

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Analgésie locorégionale tronculaire La douleur postopératoire sera maximale dans les 24 à 36 premières heures. Elle persistera ensuite, surtout pendant les périodes de mobilisation. L’analgésie locorégionale tronculaire prend là toute sa place. Elle doit être accompagnée de la prescription des antalgiques conventionnels et de morphiniques intra-veineux autogérés par le patient (IVPCA), permettant ensuite un relais par voie orale. Une anesthésie complète du genou peut être réalisée par l’association d’un bi-bloc antéro-postérieur des nerfs sciatique et cutané postérieur de la cuisse issus du plexus sacré, et des nerfs antérieurs issus du plexus lombaire (fémoral, cutané latéral de la cuisse, obturateur et saphène). De part leurs faibles répercussions hémodynamiques, du fait du bloc moteur limité qu’ils peuvent engendrer et de leur haut degré de succès, ces blocs tronculaires du membre inférieur représentent des techniques intéressantes, tant en anesthésie que pour l’analgésie postopératoire. Le plus souvent, ils ne sont pas réalisés seul en chirurgie majeure du genou et sont associés à une anesthésie générale ou péri-médullaire « de confort ». La réalisation de l’anesthésie tronculaire doit avoir lieu, au mieux, avant l’anesthésie chez un patient éveillé (34, 35) pour ne pas masquer les manifestations accidentelles d’une ponction nerveuse ou d’un passage intra-vasculaire. Les patients sont donc calmés sans trop altérer leur niveau de conscience (midazolam ou propofol, sans morphinique). L’utilisation d’anesthésiques locaux à longue durée d’action (bupivacaïne 0,5 % ou ropivacaïne 0,75 %) associés à de faibles doses de clonidine (0,5 µg·kg– 1), en respectant rigoureusement leur posologie, permet de prolonger l’analgésie durant les 12 à 24 premières heures postopératoires (36) en injections uniques, mais aussi pendant plusieurs jours par l’intermédiaire de cathéters péri-nerveux. La recherche de paresthésies lors de la réalisation d’un bloc périphérique augmente le risque de séquelle neurologique et est abandonnée au profit de la neurostimulation, devenue indispensable pour assurer la réussite de la plupart des blocs (37). Grâce au neurostimulateur (37, 38) (fig. 1), les impulsions électriques à l’extrémité de l’aiguille créent une contraction musculaire spécifique du nerf stimulé. La réponse musculaire augmente en se rapprochant du nerf, l’intensité du courant étant abaissée jusqu’à obtenir une réponse motrice pour la plus faible intensité de stimulation possible, située vers 0,5 mA, sans s’acharner à vouloir trop la diminuer, se rapprocher trop du nerf et le blesser. Une dose test de 1 ml d’anesthésique local est injectée pour faire disparaître instantanément la réponse motrice en isolant l’aiguille du nerf. L’augmentation Fig. 1. Neurostimulateur.

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La gonarthrose

d’intensité du courant permet alors de confirmer la bonne position de l’aiguille en faisant réapparaître la réponse motrice. L’aiguille doit toujours être mobilisée avec précaution sans déclencher de paresthésie ni de douleur fulgurante. La solution d’anesthésique local peut alors être injectée de manière fractionnée, en répétant des tests d’aspiration, afin de dépister précocement une éventuelle injection intra-vasculaire (tachycardie, malaise, goût métallique dans la bouche, convulsions, troubles du rythme cardiaque dont la prise en charge peut s’avérer laborieuse (39, 40)). On ne peut pas écarter le risque d’un microhématome comprimant un nerf après une anesthésie tronculaire, même superficielle. Il peut donc être conseillé de ne commencer l’anticoagulation qu’après la ponction, pour les blocs périphériques comme pour les anesthésies médullaires. L’asepsie chirurgicale, le port de gants et d’un masque facial sont nécessaires pour la ponction car il existe toujours un risque septique. Le temps de réalisation (30 minutes) et le délai d’installation sont parfois importants (30 à 40 minutes pour le nerf sciatique) et nécessitent une certaine organisation au sein du bloc. Il existe aussi un risque postopératoire d’escarre au talon anesthésié par frottement ou mauvaise position si le bloc sensitif est prolongé. Les blocs sensitifs, et a fortiori moteurs fémoral et sciatique, s’accompagnent par ailleurs d’un risque de chute par dérobement du membre inférieur : le patient ne doit pas déambuler sans béquilles. En postopératoire, il ne faut pas masquer un syndrome des loges : l’analgésie est de règle, et non l’anesthésie. Le cathéter péri-nerveux peut être obturé temporairement pour permettre la déambulation, la pompe peut être portée en bandoulière. Surtout chez le diabétique atteint par une neuropathie, chez qui il faut noter l’état neurologique en pré-anesthésie, aucune solution adrénalinée n’est conseillée, l’intensité minimale de stimulation est plus élevée (environ 1 à 1,5 mA pour 100 µs) et le garrot sera plus probablement délétère que le bloc. Dans tous les cas, il faut informer le patient, lui parler des complications possibles et en particulier des mouvements musculaires involontaires suscités par la stimulation, de la douleur possible en cas de ponction nerveuse. Même pratiquée dans les règles de l’art, la neuro-stimulation peut être à l’origine d’effets indésirables, les objectifs sont donc d’éviter les complications immédiates, comme l’injection intravasculaire d’anesthésiques locaux, les hématomes ou les lésions nerveuses, mais aussi les complications neurologiques tardives. Ce sont en partie les règles de sécurité du groupe français « SOS-ALR », dictées pour diminuer les risques, publiées mais aussi accessibles 24 h/24 h sur Internet (38, 41). Elles comprennent une conduite à tenir en cas d’accident neurologique, évalué en France en 1997 à 1,9/1 000 (42). Fanelli et al. retrouvent, eux, une incidence de paresthésies de 14 % à 23 % malgré la neurostimulation et une incidence globale de troubles neurologiques transitoires de 1,7 %, sans qu’aucune lésion neurologique définitive ne soit rapportée (43). À chaque fois, une évaluation clinique précoce de la situation lésionnelle par un neurologue est fondamentale, la demande de consultation neurologique étant centrée sur une description fine du trouble et sur une discussion étiologique. Des évaluations neurologiques ultérieures seront discutées au cas par cas, telles que la mise en œuvre d’une exploration électro-physiologique bilatérale précoce et tardive (EMG, potentiels évoqués), ou une exploration par imagerie (scanner ou IRM notamment). Il faut donc examiner minutieusement le patient et consigner par écrit le suivi quotidien et tout événement, résultats d’examens, évolution, couplé au compte-rendu systématique d’ALR. Le dossier d’anesthésie doit aussi montrer les autres causes de lésions neurologiques possibles, comme l’utilisation d’un garrot, la pression et la durée de gonflage, l’installation chirurgicale, et l’examen neurologique préopératoire notant la préexistence éventuelle de douleurs ou de troubles sensitifs dans le membre anesthésié et le territoire chirurgical. Comme pour toute technique d’anesthésie, les

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mesures habituelles sont à respecter lors de la réalisation de tout bloc nerveux loco-régional : pose d’une voie veineuse ; matériel de réanimation vérifié ; scope, oxymètre de pouls, pression artérielle non invasive ; surveillance rapprochée du patient durant les 30 min suivant l’injection d’anesthésique local ; asepsie cutanée de type chirurgical, port d’un calot, d’un masque et de gants stériles.

Anesthésie et analgésie de la face antérieure de la cuisse et du genou (fig. 2) Le bloc fémoral para-vasculaire en injection unique, et d’avantage encore en continu par la mise en place d’un cathéter le long du nerf fémoral, anesthésie la face antérieure de la cuisse et du genou. Il peut procurer une analgésie postopératoire de qualité dans les territoires crural, fémoro-cutané latéral de la cuisse et obturateur en une seule injection : c’est alors un bloc « 3 en 1 » (39) (fig. 3). Singelyn et al. (44), puis plus récemment Capdevilla et al. (45), ont montré que Légende de la figure C : nerf fémoral FC : nerf fémorocutané AC : arcade crurale

EP : épine pubienne EIAS : épine iliaque antéro-supérieure AF : artère fémorale

a : bloc « 3 en 1 » b : bloc ilio-inguinal c : bloc cutané-latéral Fig. 2. Bloc « 3 en 1 », ilio-fascial et fémoro-cutané

Fig. 3. Bloc fémoral

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La gonarthrose

l’analgésie obtenue est supérieure à celle d’une PCA IV, surtout à la mobilisation, de qualité comparable à celle obtenue par épidurale avec moins d’échecs et d’effets indésirables que celle-ci. Le nerf fémoral est constitué dans le psoas par les racines antérieures de L1, L2, L3, L4. Il entre dans la cuisse en passant sous l’arcade inguinale, au-dessus du psoas, sous les fascia lata et iliaca, à l’extérieur de l’artère fémorale où il est trouvé, en décubitus dorsal, 1 cm en dedans du bord interne du muscle sartorius, 2 cm en dessous de l’arcade fémorale unissant l’épine iliaque antéro-supérieure au tubercule pubien, 1 cm en dehors de l’artère fémorale. Il se divise rapidement en quatre branches terminales muscolo-cutanées latérale et médiale, musculaire quadricipitale et cutanée saphène interne. L’aiguille est introduite en direction céphalique avec un angle de 30° sur le trajet du nerf fémoral, jusqu’à obtenir une bonne contraction du quadriceps et une ascension rotulienne. La perception du franchissement des fascia est essentielle pour autoriser l’injection lors de l’injection de 0,3 ml/kg d’anesthésique local. Le bloc de toutes les branches du « 3 en 1 » est en fait difficile à maîtriser. Le taux de réussite totale dépend de l’expérience de l’opérateur mais aussi des capacités de diffusion vers le haut (39), l’analgésie, le plus souvent suffisante, ne persistant alors en postopératoire que dans le territoire crural (46). Le nerf fémoral est correctement bloqué dans 95 % des cas, le nerf cutané latéral de la cuisse dans 75 % des cas et l’obturateur seulement dans 10 % des cas. Un bloc ilio-fascial est aussi possible d’emblée ou en cas d’échec du bloc « 3 en 1 » plutôt que tenter de restimuler et blesser un nerf crural déjà partiellement anesthésié (39). Ce bloc est multi-tronculaire, non neuro-stimulable. Le patient est installé en décubitus dorsal, le membre inférieur en légère abduction et en rotation externe. On introduit l’aiguille 0,5 à 1 cm au-dessous de la jonction du tiers latéral et des deux tiers médiaux de l’arcade crurale, perpendiculairement à la peau, jusqu’à la perception des pertes de résistance des deux fascia. Pour une perfusion continue ou une réinjection, on retire le mandrin de l’aiguille et on introduit un cathéter de manière à le faire passer 1 à 2 cm au-dessous du fascia iliaca, que l’on connecte à un filtre antibactérien avant de le fixer soigneusement à la peau. La migration de la solution anesthésique vers le haut dans cet espace cellulaire n’est pas non plus réellement prévisible et le résultat anesthésique de type « 3 en 1 » est aussi aléatoire qu’en injection unique, si bien qu’un contrôle radiologique avec injection de produit de contraste peut être utile. Le nerf obturateur est une branche terminale issue de L2, L3 et L4, constitué dans l’épaisseur même du psoas d’où il s’échappe rapidement par le bord médial pour longer le bord interne du bassin dont il sort par le trou obturateur. Son bloc sélectif, au pli inguinal, peut être pratiqué d’emblée ou seulement en postopératoire en cas de douleur majeure de la face interne du genou, par une ponction localisée à mi-distance d’une ligne parallèle au pli inguinal, tracée entre l’artère fémorale et le bord interne du tendon du long adducteur, en dehors du cordon chez l’homme, 1 cm sous le pli inguinal. La neuro-stimulation permet de localiser les branches antérieure (5 ml) puis postérieure (5 ml) créant une contraction visible à la face antéro-interne puis postéro-interne de la cuisse (47). En cas de besoin, le nerf cutané latéral de la cuisse ou fémoro-cutané peut aussi être bloqué séparément au niveau de l’extrémité latérale du pli inguinal par 10 ml d’AL. Sa branche postérieure donne des rameaux moteurs pour le muscle tenseur du fascia lata et participe à l’innervation sensitive de la face latérale de la cuisse. Ce tronc sensitif peut être atteint 2,5 cm en dessous et en dedans de l’épine iliaque antéro-supérieure en introduisant l’aiguille perpendiculairement à la peau jusqu’à l’obtention d’un ressaut qui traduit le franchissement du fascia lata. La totalité de ces nerfs peut être bloquée en une seule fois par un bloc lombaire postérieur (BLP) par neurostimulation plexique paravertébrale. Couplé à un

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bloc sciatique, son efficacité permet de se passer d’anesthésie générale de complément, mais nous n’en avons pas encore l’expérience. La réalisation de ce type de bloc est plus audacieuse, et nécessite un apprentissage rigoureux. Source de complications potentielles (1/500) en raison de la proximité para-vertébrale de la veine lombaire ascendante, de l’uretère, du péritoine, du rein et du canal rachidien, il nécessite, après opacification du cathéter, une surveillance postopératoire rapprochée du même type que la péridurale.

Anesthésie et analgésie de la face postérieure de la cuisse et du genou Issu de toutes les racines entrant dans la constitution du plexus sacré, le sciatique quitte le bassin par la grande échancrure sciatique et descend presque en ligne droite le long de la face postéro-médiale du fémur, vers le creux poplité où il se divise, plus ou moins haut, en ses deux branches terminales, les nerfs tibial et fibulaire commun. Il peut être bloqué à la fesse comme Labat (48) selon la voie d’abord postérieure la plus étudiée et qui reste probablement la plus satisfaisante par son innocuité et son extension. Elle permet un bloc anesthésique dans tout son territoire (49), même s’il peut paraître inutile de bloquer les muscles de la loge postérieure de la cuisse, en dehors de la tolérance d’un garrot éventuel. Le patient est en position de Sim, couché sur le coté sain, la cuisse fléchie est à 45° et le genou à 90° (fig. 4). La ponction se fait à l’intersection de la médiatrice de la ligne grand trochanter (GT)-épine iliaque postéro-supérieure (EIPS) et de la ligne reliant GT au hiatus sacro-coccygien (HSC) (fig. 5). Après désinfection et anesthésie locale cutanée, l’aiguille reliée au neurostimulateur est introduite perpendiculairement à la peau sur 6 à 8 cm, à travers le muscle grand fessier. Lors de la progression de l’aiguille, le premier nerf anesthésié est le nerf glutéal inférieur, branche motrice du nerf petit sciatique provoquant une contraction rythmique du muscle grand fessier. En raison du calibre du nerf sciaFig. 4. Sciatique par voie postérieure

Légende de la figure • Points de ponction : a = postérieur – b = para-sacré GT : grand trochanter I : ischion EIPS : épine iliaque postéro-supérieure Sc : nerf sciatique HSC : hiatus sacro-coccygien

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Fig. 5. Bloc sciatique à la fesse

tique à la fesse (10 à 15 mm), situé quelques centimètres plus profondément, sa localisation est assez facile. Le repérage fin recherche la flexion du pied (nerf tibial) ou l’extension des orteils (nerf fibulaire). La réponse motrice est affinée jusqu’à obtenir la meilleure contraction musculaire pour la plus faible quantité d’électricité de stimulation (0,5 mA pour 100 µ sec). Cette infiltration séparée des deux branches du nerf permet un excellent taux de réussite, mais il peut être inutile, voire dangereux de s’acharner à les trouver toutes les deux, surtout en cas de difficultés, l’injection unique de bupivacaïne 0,5 % ou de ropivacaïne 0,75 % avec clonidine assurant une analgésie postopératoire efficace par diffusion. Les risques de cet abord sont une éventuelle lésion de l’artère glutéale responsable d’un hématome péri-nerveux. Plusieurs autres techniques sont décrites permettant de laisser le patient en décubitus dorsal et de ne pas bloquer le nerf petit sciatique. Un bloc sciatique par voie latérale haute, sous trochantérienne, un peu douloureuse car le nerf est très profond chez l’adulte, peut inhiber la conduction nerveuse sur une ligne parallèle au fémur 3 cm en arrière du GT, 5 cm vers le pied. L’aiguille gainée à biseau court neurostimulable de 100 mm est dirigée alors perpendiculairement au plan cutané à la recherche d’une stimulation sciatique (schéma n° 3) (50). La voie latérale médio-fémorale, plus récemment décrite, semble plus intéressante, car moins profonde, mais ne couvre pas la face postérieure de la cuisse : neurostimulation en arrière du fémur, à mi-distance entre le grand trochanter et la partie la plus saillante du condyle fémoral externe. L’aiguille gainée de 100 ou 150 mm est dirigée perpendiculairement au plan cutané. Le neurostimulateur est mis en route dès le franchissement cutané avec une intensité initiale de 2 à 3 mA. La profondeur moyenne du nerf se situe à environ 6 cm (fig. 6) (51). En injection unique, quelle que soit la technique employée, on obtient une analgésie parfois limitée dans le temps, les patients se plaignant d’une douleur poplitée à la levée de l’analgésie. Un cathéter sciatique peut donc être proposé, par voie parasacrée par exemple (52). Mais cette voie demande des mains expérimentées et ne peut être couramment employée en l’absence d’expérience et de recul, car elle peut être responsable de complications potentielles par pénétration dans le petit bassin avec proximité des organes pelviens et des vaisseaux iliaques, hypogastriques ou glutéaux. On note au passage un complément d’extension de l’anesthésie au nerf obturateur dans 93 % des cas. En position de Sim, le point de ponction est situé sur la ligne unissant l’épine iliaque postéro-supérieure (EIPS) à l’épine ischiatique, 6 cm en dessous de EIPS perpendiculairement à la peau. La pose de cathéter par la voie antérieure décrite par Delaunay et Chelly (53) permettrait aussi d’obtenir un com-

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Fig. 6. Repères cutanés des voies latérales (décubitus dorsal)

Légende de la figure A. Grand trochanter (GT) B. Condyle externe (CE) C. Extrémité supérieure de la rotule 1. Point de ponction de la voie latérale supérieure classique 2. Point de ponction de la voie latérale médio-fémorale 3. Point de ponction pour cathéter sciatique-poplité par voie latérale

plément prolongé d’analgésie postérieure. Elle nécessite de traverser la cuisse vers un nerf particulièrement profond (10,5 cm). Utilisable également en injection unique, elle a les repères anatomiques suivants : une ligne est tirée entre l’EIAS et la symphyse pubienne, puis la perpendiculaire à cette ligne est abaissée en son milieu. L’aiguille est introduite perpendiculairement au plan cutané sur cette dernière ligne à 8 cm de l’intersection. Le stimulateur est réglé à 1 mA pour stimuler le nerf fémoral à 3,5 cm de la peau (ascension de la rotule), puis l’intensité du courant est augmentée à 5 mA en enfonçant l’aiguille pour rechercher le nerf sciatique que l’on trouve entre 9,5 et 13 cm de la peau (flexion ou extension du pied). Le courant de stimulation est abaissé à moins de 1 mA pour affiner la position de l’aiguille, et limiter la douleur notamment en cas de contact osseux avec le fémur. Le bloc en continu du nerf sciatique au niveau du creux poplité par voie latérale ou par voie postérieure, est aussi une alternative pour assurer une analgésie postopératoire prolongée. Elle est de qualité supérieure à celle obtenue par l’administration parentérale (IM, PCA IV) de dérivés morphiniques ou par une analgésie épidurale, mais elle est parfois insuffisante dans le territoire postero-latéral de l’articulation de genou, innervé par un rameau né plus ou moins haut dans le creux poplité et difficilement accessible (44). En fait, malgré une réelle efficacité décrite dans la littérature, l’utilisation simultanée d’un bloc continu du plexus lombaire antérieur et du nerf sciatique s’accompagne de complications techniques : nécessité de deux infuseurs, dose horaire parfois importante d’anesthésique local avec risques de toxicité, maintenance des cathéters, difficulté de la mobilisation et de la kinésithérapie précoce. On se contentera donc le plus souvent d’un bloc unique sciatique en « single-shot » à la fesse associé à un cathéter crural et une PCAIV de complément.

Posture Les complications du décubitus dorsal sont non spécifiques. On veillera à écarter tout point de compression, à vérifier la bonne position de l’axe tête-cou et des membres. Deux appuis suffisent habituellement au niveau du membre inférieur : un appui trochantérien et un appui plantaire maintenant le genou à 90° de

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flexion. On limitera le frottement itératif du talon sur la cale pendant l’intervention lors des mouvements d’hyperflexion, en particulier lors de la préparation et la mise en place de la pièce tibiale.

Utilisation du garrot La décision d’utiliser un garrot pneumatique est une démarche chirurgicale courante pour obtenir un champ opératoire exsangue, faciliter ainsi le geste et raccourcir le temps opératoire. Mais pour un geste chirurgical obligatoirement hémorragique, comme la mise en place d’une prothèse totale de genou, il apparaît que l’utilisation d’un garrot n’en modifie pas le saignement global, ni ne diminue, pour un même opérateur, la durée de l’intervention (54). Ce dernier point se trouve, dans certaines études, influencé par la présence d’un garrot, mais il s’agit toujours d’un bénéfice modeste, largement contrebalancé par les conséquences délétères de cette technique. La qualité de l’interface os-ciment utilisé pour sceller la prothèse est pourtant meilleure si la tranche osseuse n’est pas recouverte de sang. La bande d’Esmarch devant être proscrite, responsable de lésions directes par étirement, après une exsanguination proclive suffisante du membre, le garrot peut toutefois être mis en place à la racine du membre pour un gonflage n’excédant pas 300 à 350 mmHg. La largeur du garrot doit être supérieure à 0,4 fois la circonférence du membre. La compression et l’ischémie ont un retentissement local par le biais d’une souffrance cutanée, musculaire, vasculaire et nerveuse retardant la récupération motrice. Les lésions les plus importantes siègent sous le garrot (55). Les conséquences sur le nerf sont des douleurs après 30 à 60 minutes de garrot, puis des lésions entraînant des paresthésies constantes après 2 h 30 de garrot à 350 mmHg, une pression supérieure à 400 mmHg étant un facteur indépendant de risque neurologique. Les complications neurologiques peuvent se révéler à distance du temps opératoire et le lien de causalité n’est alors pas toujours évident en cas d’anesthésie médullaire ou tronculaire (56). Heureusement, si on évalue les patients à 6 mois ou à 1 an, les séquelles tardives sont exceptionnelles. Avant ce délai, la symptomatologie est variée et parfois invalidante, associant au déficit moteur des troubles sensitifs à type de dysesthésie, d’hyperalgésie et parfois d’allodynie. Les conséquences musculaires associent des lésions mécaniques sous le garrot, des lésions ischémiques en aval du garrot par nécrose après 90 min avec ou sans retentissement clinique associant une baisse de la force musculaire à un myœdème ou une rhabdomyolyse. Les conséquences vasculaires résultent d’une ischémie artérielle par thrombose in situ, d’un embole d’athérome ou d’une thrombose veineuse. En cas d’artériopathie, on peut craindre des complications sérieuses. Des lésions cutanées sous le brassard, un garrot inefficace ou insuffisamment gonflé, des fuites, un garrot défectueux, un lâché brutal, une exsanguination insuffisante entraînant un saignement en nappe sont autant d’autres effets indésirables possibles. Les conséquences hémodynamiques du gonflage du garrot à la cuisse entraînent une augmentation brutale de la volémie de 400 à 500 ml et une montée de 20 à 30 mmHg de pression artérielle due à la douleur ischémique. Les conséquences du lâchage du garrot (54, 57) résultent de la tachycardie et de l’hypotension induites par la revascularisation d’un membre vasodilaté par son métabolisme anaérobie, la baisse du pH et l’hyperkaliémie. Il existe alors une augmentation du travail myocardique et de la consommation d’oxygène, une hypercapnie et une acidose passagère par libération des produits du métabolisme anaérobie (CO2, myoglobine, lactates, potassium, produits de dégradation cellulaire). L’embolisation de microemboles fibrinocruoriques, de moelle osseuse, d’air,

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de ciment est constante, la formation de thrombus frais dans le lit vasculaire du membre sous garrot pouvant conduire à une embolie pulmonaire massive. Les risques allergiques et septiques sont aussi accrus à la levée du garrot, des bactéries, des médiateurs de l’anaphylaxie (58) étant brutalement libérés dans la circulation. En somme l’anesthésiste doit donc être prévenu et immédiatement disponible à cet instant de l’intervention. Les véritables contre-indications à l’utilisation d’un garrot sont toutefois peu fréquentes : artériopathie sévère des membres inférieurs, pontage vasculaire, fistule artérioveineuse ou lambeau pédiculé, thrombose veineuse constituée ou risque majeur de thrombose du système veineux profond, neuropathie évolutive, sepsis ou peau en mauvais état, ostéome fémoral, drépanocytose, état cardio-vasculaire altéré, diabète compliqué. Dans tous les cas, la durée d’application ne devrait pas dépasser deux heures à 300 mmHg. La maintenance et l’étalonnage du matériel doivent être réguliers.

Éviter l’hypothermie périopératoire dès l’induction (59, 60) Comme dans la plupart des interventions, l’hypothermie non intentionnelle, même modérée, doit être prévenue, car elle peut augmenter la morbidité postopératoire : frisson, hypoventilation alvéolaire, ischémie myocardique, saignement (thrombopénie, baisse de l’agrégabilité plaquettaire, fibrinolyse), infections pariétales. La durée de l’hospitalisation peut être allongée.

Problèmes liés au ciment Les manifestations cardio-vasculaires contemporaines du scellement sont plus dues à l’impaction et l’hyperpression locale et leurs conséquences emboliques qu’aux effets pharmacodynamiques de l’acrylique chaud dont les effets vasodilatateurs et dépresseurs myocardiques ont été réfutés (61). Ces conséquences sont limitées par l’utilisation du garrot ou retardées lors du lâché. Le collapsus est rare lorsque le ciment en métacrylate de méthyl est appliqué, cependant, il apparaît lorsque l’on insère de longues prothèses. La mise en place d’un drain dans la cavité médullaire permet de réduire les manifestations emboliques en sachant que ni la quantité, ni le volume ou la durée de l’embolisation ne sont corrélées aux manifestations cliniques. Dans tous les cas, les mesures à prendre pour limiter les répercussions du ciment sont : FiO2 > 40 %, bonne volémie, stabilité hémodynamique, analgésie.

Cas particuliers des maladies inflammatoires chroniques La prévalence de la polyarthrite rhumatoïde (PR) dans la population générale est de 1 % chez la femme, la spondylarthrite ankylosante (SPA) est moins fréquente (0,5 % de la population, 9 hommes pour 1 femme). Ces pathologies posent un problème de terrain : insuffisance respiratoire restrictive, atteinte cardiaque (péricardite et myocardite auto-immunes rhumatoïdes, insuffisance aortique et bloc auriculo-ventriculaire de la SPA), rénale (amylose), immunodépression (trai-

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tement immunosuppresseur et corticothérapie au long cours), atteinte de la colonne vertébrale lombaire (difficultés de ponction rachidienne) ou encore de la charnière occipito-cervicale (risque médullaire lors de l’intubation), confirmant intérêt des clichés dynamiques du rachis cervical ou de l’IRM à la recherche d’une lésion atloïdo-axoïdienne rhumatoïde (62) raideur du rachis cervical, spontanée (SPA) ou après fixation chirurgicale du rachis (PR). Les difficultés d’intubation sont donc fréquentes et majorées par une éventuelle atteinte temporo-mandibulaire réduisant l’ouverture de bouche. En dehors de l’ALR tronculaire et plexique, l’intubation sous fibroscopie pour anesthésie générale est alors la seule alternative aux difficultés techniques d’une anesthésie péri-médullaire. L’utilisation du masque laryngé (63) sous anesthésie générale légère peut alors être proposée en cas d’intubation difficile si l’ouverture de bouche est suffisante, en association au tri-bloc sciatique, crural et obturateur. Pour certains, l’antibioprophylaxie de ces patients immunodéprimés doit se rapprocher d’une prophylaxie oslérienne (endocardite infectieuse) et doit comprendre une céphalosporine pendant 48 heures et un aminoside en préopératoire, selon le degré d’insuffisance rénale. Par ailleurs, les protocoles d’auto-transfusion, d’utilisation du fer et de l’EPO pourraient être les mêmes (64, 65). La surveillance des effets indésirables du traitement immunosuppresseur est indispensable, en coopération avec les immuno-rhumatologues.

Cas particulier de la révision prothétique Les reprises pour usure normale du matériel implanté ou descellement, mais surtout pour complications septiques posent de sérieux problèmes. Cette chirurgie est habituellement plus longue, plus hémorragique, plus difficile à supporter chez les patients les plus âgés. Les possibilités d’autotransfusion ou de récupération sanguine périopératoire sont contre-indiquées en cas de sepsis. La tolérance à l’anémie aiguë postopératoire est le plus souvent mauvaise chez des patients à l’état général parfois altéré. La douleur postopératoire est souvent plus importante et les possibilités de rééducation et de réhabilitation peuvent être limitées. En cas de reprise pour sepsis, le choix de l’antibiothérapie est difficile. Si le germe est connu, l’antibiothérapie sera spécifiquement dirigée contre lui. Sinon, après des prélèvements peropératoires multiples, profonds et précieux, on débutera une antibiothérapie à large spectre visant particulièrement le staphylocoque méthicilline-résistant. Le traitement sera ensuite adapté aux résultats des antibiogrammes et aux CMI dont les résultats sont parfois tardifs. Il s’agit toujours d’une antibiothérapie de longue durée, de 4 à 6 semaines au minimum en intra-veineux, sur cathéter central ou site veineux implantable, prolongée ensuite au moins 3 à 6 mois per os, en coopération étroite avec les infectiologues, permettant une réimplentation en un ou deux temps, plutôt sans « spacer » pour limiter la présence d’un corps étranger.

Thrombo-prophylaxie (67) Selon la conférence de consensus sur la prévention thromboembolique en chirurgie, le risque lié à la PTG est élevé. Ce type d’intervention ne se conçoit donc pas sans prophylaxie thromboembolique. Ainsi, grâce à la prévention, le taux de

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thromboses veineuses profondes est considérablement réduit, mais malheureusement sans descendre sous le seuil des 1 % de thromboses résiduelles, le risque hémorragique restant minime. Les accidents thromboemboliques spontanés sont expliqués par un état de stase veineuse et d’hypercoagulabilité, commun à tout type de chirurgie, associé à des lésions pariétales directes des veines du membre inférieur opéré tout à fait spécifiques de la chirurgie du genou et de la hanche. Ces risques sont moins fréquents après une chirurgie du genou qu’après une chirurgie de la hanche mais la prophylaxie y est moins efficace. La moitié surviennent avant le 7e jour et l’autre moitié jusqu’au 30e jour. Le risque personnel du patient vient s’y ajouter (âge, obésité, cancer, antécédents thrombo-emboliques, traitement œstro-progestatif ou anomalies biologiques thrombogènes). La thrombose naît en période peropératoire, 86 % des TVP diagnostiquées par la phlébographie réalisée au 5e jour sont déjà présentes lors de la phlébographie postopératoire immédiate (66). Initialement, la localisation est surale, sous-jacente à la prothèse, expliquée par un dysfonctionnement de la pompe veineuse du mollet. Les phlébites peuvent être graves et de diagnostic difficile car asymptomatiques (50 % des cas), potentiellement emboligènes (1 % à 3 % des cas) elles sont responsables de 2/3 des décès postopératoires après prothèse totale de hanche sans prophylaxie. Le bénéfice clinique du dépistage systématique par doppler en orthopédie n’est pas établi. En effet, il n’est pas clairement démontré que le taux d’EP et de TVP cliniques survenant dans les trois mois soit le même que le dépistage soit fait ou pas (2, 3, 68). Il peut toutefois être utile au moindre doute. La tendance actuelle consiste à associer plusieurs méthodes de prévention. L’utilisation des anti-coagulants est la plus connue, mais il faut lui associer une surélévation des membres inférieurs, un lever précoce et une contention élastique graduée. L’utilisation du garrot semble augmenter légèrement le risque. Une méta-analyse récente ne permet pas de conclure sur le bénéfice réel d’une prophylaxie par les héparines de bas poids moléculaires (HBPM) commencée la veille, mais on sait par contre qu’elle peut augmenter les pertes sanguines peropératoires (69). Par contre, son efficacité réelle est démontrée s’il s’agit de patients alités, opérés en différé, pour lesquels un écho-doppler préopératoire est aussi le plus souvent nécessaire. L’héparine non fractionnée (HNF) est le plus ancien anti-thrombotique mais les HBPM sont les plus employées : meilleure efficacité, moindre risque hémorragique, moins de thrombopénies induites. En France, dans l’attente de molécules plus puissantes mais aussi bien tolérées, l’énoxaparine (Lovenox®) est utilisée à la dose de 4 000 UI par jour (3). Daltéparine (Fragmine®) 5 000 UI, Réviparine (Clivarine®) 3 436 UI, Tinzaparine (Innohep®) 4 500 UI, Nadroparine (Fraxiparine®) 0,2 à 0,6 ml sont autant d’autres molécules utilisables en France qui nécessitent aussi la surveillance, par une numération plaquettaire deux fois par semaine, d’une thrombopénie induite par l’héparine de type II (TIH type II), redoutable en raison des thromboses artérielles et veineuses et des décès qu’elle peut entraîner. Un relais par les anti-vitamines K (AVK) peut être institué pour limiter cet accident rare (< 0,01 %) mais grave. La surveillance du traitement AVK par l’INR est moins fréquente (une fois par semaine, objectif entre 2 et 3) et moins onéreuse. Cependant, bien que les AVK soient utilisés seuls dans les pays anglo-saxons, aucune étude clinique bien conduite n’existe pour comparer réellement la tolérance et l’efficacité des deux méthodes. Le danaparoïde (Orgaran®) agit comme les héparines en inhibant la thrombine, mais a une activité anti-Xa et anti-IIa non antagonisables. Il induit beaucoup moins de thrombopénies et s’utilise à la dose de 750 UI x 2 par jour en sous-cutané que l’on commence 2 à 4 heures avant la chirurgie. Son prix élevé fait qu’il est réservé à la prévention et au traitement de la TIH II, dont il est pour l’instant le

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traitement de référence. La désirudine (Revasc®), un inhibiteur spécifique de la thrombine, a l’AMM pour la chirurgie de la PTH et de la PTG, à l’exclusion des révisions de prothèse et de la traumatologie, à la dose de 15 mg x 2, à commencer 15 à 30 minutes avant la chirurgie. Elle n’est pas antagonisable, semble diminuer le risque thromboembolique mais son rapport risque/bénéfice reste à établir. D’autres molécules sont, par ailleurs, en cours de développement comme le révolutionnaire ximelagatran (70). Les bas de contention luttent contre la stase veineuse, dans la mesure où leur niveau de contention est suffisant, permettent une réduction du taux de TVP de 60 % pour la chirurgie à risque thrombotique modéré, mais leur efficacité est moins bien démontrée en orthopédie. En revanche, en association avec d’autres moyens de prévention, ces bas élastiques permettent de réduire encore le taux de TVP, et c’est là leur meilleure indication. Ils n’ont pas d’effet délétère sur la coagulation, mais leur utilisation est cependant limitée par un inconfort relatif. Les bas sont d’ailleurs inadaptés pour 15 % à 20 % des sujets, dont les jambes ont des formes ou des volumes inhabituels. La tolérance des chaussettes serait meilleure dans ces indications, même si dans les deux cas, il semble que la complaisance des patients à ce traitement à la sortie du service reste aléatoire. La Compression pneumatique externe intermittente (CPEI) séquentielle est constituée de chambres gonflables autour du mollet et de la cuisse exerçant une pression croissante de la cheville à la cuisse, et réduit de 60 % le nombre de TVP dans la chirurgie de la prothèse totale de hanche, avec des résultats meilleurs encore dans la prothèse totale du genou, en raison d’un effet particulièrement net sur la veine surale. L’AV Impulse system est constitué d’un chausson qui comprime de façon intermittente la voûte plantaire, simulant les effets de la marche. D’une efficacité comparable à celle des HBPM, ces méthodes de compression active onéreuses restent l’alternative de choix en cas de contre-indication aux anticoagulants pour la prévention d’un risque élevé.

Analgésie postopératoire La prise en charge de la douleur est fondamentale et reste une priorité, cependant parmi les neuf critères du score de qualité du rétablissement postopératoire de Myles établis par les patients (71), l’absence de douleur ne vient qu’en neuvième et dernière position et il s’agit de « l’absence de douleur sévère ou de douleur modérée mais prolongée ». Le septième point est relatif aux douleurs non spécifiques : céphalées, dorsalgies, myalgies. Le premier est la sensation de bien-être général, et le huitième l’absence de nausées, vomissements ou efforts de vomissements. Les points deux à six sont dans l’ordre : le soutien de l’entourage, notamment médical ; l’absence de confusion et la bonne compréhension des instructions ; l’autonomie en matière de toilette et d’hygiène ; la récupération de la miction et du transit ; la possibilité de respirer facilement. L’ensemble de ces éléments souligne le décalage entre le point de vue des patients et celui des soignants pour lesquels une focalisation exclusive vers l’analgésie est susceptible d’altérer la qualité des soins (45, 72). L’évaluation est fondamentale et repose sur l’interrogatoire et l’examen clinique, et l’auto-évaluation qui reste une méthode de référence. Le but final est toujours de mesurer intensité, type, rythme, durée, causes, localisation, irradiation, retentissement affectif et émotionnel, éléments dont l’interprétation

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est parfois difficile. Trois méthodes d’auto-évaluation de la douleur dynamique et au repos mesurée sont retenues dans la littérature : EVS ou échelle verbale simple, ENS ou échelle numérique simple, EVA ou échelle visuelle analogique de 100 mm. Traiter la douleur répond à des objectifs principaux : limiter la douleur majeure, la morbidité postopératoire, l’insatisfaction, l’apparition d’une douleur chronique par sensibilisation neurologique centrale, favoriser une autonomie et une rééducation précoce pour limiter les complications et un handicap postopératoire. L’absence de douleur postopératoire, en dehors de la satisfaction et du confort qu’elle procure, joue en effet un rôle primordial dans les possibilités de flexion du genou en postopératoire immédiat et semble donc conditionner les résultats fonctionnels à court terme (45). Ce type de prise en charge répond aussi aux objectifs secondaires : réduire la durée de séjour et le coût global des soins tout en améliorant l’image de l’équipe soignante et de la structure. La douleur retardée est mécanique, et liée à la rééducation. La douleur postopératoire immédiate est un phénomène subjectif exprimant un excès de nociception par hyperstimulation des systèmes physiologiques de la transmission de la douleur (fibres Aδ et C). Elle peut conduire à une véritable hyperalgésie, voire à une véritable maladie-douleur chronique et à l’allodynie (des stimulus habituellement non douloureux peuvent le devenir, véhiculés par les fibres Aβ). Croissante, elle présente une intensité maximale au 2e jour postopératoire pour s’amender au 3e jour et est fortement majorée par les mobilisations. Son allure est de type inflammatoire, lié aux hématomes, aux destructions tissulaires osseuses et ligamentaires, aux contractions musculaires et spasmes associées.

Analgésie multimodale par voie générale (73, 74, 75) Elle comprend actuellement une base analgésique (paracétamol), des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et un morphinique administré de façon autocontrôlée. L’utilisation d’une mobilisation postopératoire passive continue sur arthromoteur, la stimulation quotidienne du quadriceps et la mise en place de vessies de glace sur l’articulation concernée sont des facteurs indépendants permettant une diminution significative des analgésiques par voie systémique.

Analgésiques morphiniques La voie privilégiée est la voie intra-veineuse contrôlée par le patient ou IVPCA (Intra-Venous Patient-Controlled Analgesia) (fig. 7). C’est la référence actuelle. Elle consiste en une titration morphinique permanente et une autogestion continue permettant une diminution des consommations de morphine par rapport aux voies SC ou IM systématiques ou à la demande. Cependant, bien que la satisfaction du patient soit supérieure à 90 % sur la douleur spontanée, la PCA est inefficace sur les douleurs intenses des premières heures postopératoires et sur les douleurs dynamiques provoquées. La morphine reste le produit le plus utilisé (1 mg/ml de chlorhydrate de morphine). Son administration continue n’est pas recommandée (risque de dépression respiratoire). Mise en route en salle de surveillance post-interventionnelle après titration intraveineuse des besoins analgésiques, sous surveillance rapprochée, elle est réglée pour pouvoir utiliser 1,5 à 2 mg de morphine toutes les 7 à 10 minutes, à la dose maximale de 20 mg pour 4 heures. Elle permet une titration continue de la dose nécessaire par le malade lui-même tout au cours du nycthémère. Elle évite les

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La gonarthrose

Fig. 7. PCA

délais entre la demande d’analgésique par le patient et l’injection sous-cutanée classique de l’infirmière, rassure les malades qui, pour une majorité d’entre eux, tolèrent alors un certain niveau de douleur résiduelle (EVA = 4), élément essentiel de prévention du surdosage. La titration continue permet le maintien de la concentration plasmatique dans la zone thérapeutique, juste au-dessus de la concentration minimale analgésique et très au-dessous des concentrations susceptibles d’induire somnolence excessive et dépression respiratoire. Un système de valve anti-reflux sur un système en Y est absolument indispensable pour éviter l’accumulation du morphinique dans la tubulure de perfusion en cas d’occlusion de la voie veineuse. La consommation de morphiniques est plus élevée durant les premières heures postopératoires puis diminue régulièrement. Il est rarement indiqué de poursuivre la PCA après les 24 à 48 premières heures postopératoires. Après cette période, une thérapeutique analgésique substitutive efficace per os doit être prescrite, en multipliant la posologie quotidienne par 2 : 40 mg de morphine IVPCA/j consommés deviennent 80 mg d’Actiskénan®, répartis en 4 prises par jours de comprimés à 20 mg. La PCA a ses contraintes : formation régulière des infirmières à l’analgésie morphinique et à la PCA, surveillance régulière du malade par l’infirmière qui doit être capable d’intervenir aussitôt en cas d’incidents en fonction d’un protocole de surveillance pré-établi toutes les 4 heures : paramètres vitaux (respiration, conscience, fréquence cardiaque, tension artérielle), paramètres d’efficacité (échelle de douleur (EVA), échelle comportementale, quantité de morphinique consommée), effets adverses (nausées, vomissements, prurit, rétention d’urines, constipation), visites régulières d’un médecin anesthésiste, modifications éventuelles des posologies, possibilité d’intervention médicale immédiate à tout moment en cas d’urgence. Les effets respiratoires sont des épisodes de désaturation en air nécessitant un apport d’oxygène. La somnolence excessive est un signe d’alerte annonciateur d’apnées nécessitant l’utilisation antidote de naloxone (Narcan®) et d’oxygène. Par ailleurs, la relation liant douleur postopératoire et les nausées/vomissements postopératoires (NVPO) est complexe car il est établi que l’excès de nociception, tout comme son traitement par des agonistes morphiniques, sont émétisants. Tramer et al. (76) retrouvent des incidences de 67 % de

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NVPO. Le dropéridol (Droleptan®), neuroleptique anti-dopaminergique, est le produit plus étudié dans le domaine de la prévention des NVPO associés à la PCA à la morphine. Les sétrons, antagonistes des récepteurs 5-HT3 sont aussi efficaces et dénués d’effets secondaires significatifs. L’association ondansétron/dropéridol donne de très bons résultats (77). Comme la naloxone (40 µg) ils permettent aussi de traiter le prurit (4 %) induit par les morphiniques.

Analgésiques non morphiniques (78) En association avec la mise au repos et le refroidissement par la glace, ils sont utiles soit en alternative, soit en association avec les morphiniques, pour en renforcer l’effet analgésique, réduire les quantités administrées et les effets indésirables. Le Propacétamol IV (79) possède vraisemblablement un effet périphérique (anti-prostaglandine-synthétase), mais il a surtout une action anti-pyrétique et antalgique centrale spinale/supra-spinale. Il permet un effet d’épargne morphinique supérieur à 33 %. Contre-indiqué en cas d’allergie, il peut provoquer nausées, vertiges, bouffées de chaleur et une toxicité hépatique en cas de surdosage (plus de 12 g/jour) dont le traitement comprend classiquement l’administration de N-acétyl-cystéine. La posologie habituelle est de 30 mg/kg toutes les 4 à 6 h. Les prises systématiques évitent les oscillations thermiques et douloureuses. Le pic d’analgésie est atteint en 1 à 2 heures. Le relais per os l’associera, selon l’intensité de la douleur, à un adjuvant à base de codéïne, de dihydrocodéïne ou de dextropropoxyphène permettant une épargne morphinique supérieure, mais majorant les effets indésirables de types morphiniques. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) per os ou en intra-veineux agissent sur la synthèse périphérique des prostaglandines par inhibition des co-enzymes de la cyclo-oxygénase COX 1 (ubiquitaire) et COX 2 (tissus lésés) (13). Leurs effets indésirables sont surtout dus à l’action sur la COX 1 et peuvent majorer ou induire une insuffisance rénale, des hémorragies digestives, et avoir une action délétère sur l’hémostase. Ils sont contre-indiqués en cas d’allergie. Leur utilisation doit être limitée chez la personne très âgée ou chez l’asthmatique. Ils doivent toujours être associés à un protecteur gastrique. Ils auraient un effet central, et permettent une épargne morphinique synergique de 30 %. Le kétoprofène (Profénid®) est l’AINS le plus utilisé en France permettant une analgésie efficace de huit heures chez 60 % à 70 % des patients à la posologie intraveineuse lente de 1 à 1,5 mg·kg– 1 deux fois par jour (0,75 mg·kg– 1 chez le vieillard). L’AINS idéal doit avoir un rapport COX 1/COX 2 le plus bas possible comme le méloxicam (Mobic®), le rofécoxib (Viox®) ou le délécoxib (Celebrex®) pour en limiter les effets indésirables gastriques, rénaux et plaquettaires. Nous attendons la validation d’un anti-COX 2 inductible utilisable par voie IV en postopératoire immédiat dont l’efficacité et la réelle innocuité, en particulier cardiovasculaire sera démontrée (Dynastat® ou parécoxib sodium). L’utilisation d’autres analgésiques comme le Tramadol (Topalgic® ou Contramal®) ou le Néfopam (Acupan®) est aussi possible.

Analgésie péridurale L’efficacité de l’analgésie péridurale postopératoire pour contrôler la douleur postopératoire est démontrée, mais a effets indésirables délétères qui en limitent l’utilisation en orthopédie. Pourtant, elle offre des avantages extra-analgésiques, liés à l’inhibition des réactions neuroendocriniennes et métaboliques du stress

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grâce à l’association anesthésiques locaux et morphiniques (80). Deux méta-analyses (31, 82) ont confirmé aussi l’intérêt de l’analgésie péridurale dans la diminution de l’incidence des complications respiratoires et thromboemboliques postopératoires en chirurgie digestive majeure et en chirurgie thoracique, tout en permettant de réduire la durée d’hospitalisation. L’infusion épidurale de ropivacaïne au débit moyen de 12 mg·h– 1 pendant 72 heures permet une analgésie efficace chez des patients opérés d’une chirurgie prothétique de hanche ou de genou, avec des concentrations sanguines en deçà des concentrations toxiques, en obtenant assez rapidement d’un plateau (83). Cette technique permet aussi une amélioration des paramètres de convalescence et d’intensifier les programmes de rééducation (81). D’autres travaux montrent l’intérêt de la gestion de l’analgésie auto-contrôlée par le patient par voie épidurale (PCEA) en utilisant la ropivacaïne 0,2 % et le fentanyl 10 mg/ml en bolus de 5 µl/10 minutes. Dans les deux cas, l’anticoagulation préopératoire est contre-indiquée. L’anticoagulation postopératoire est possible et souhaitable suivant les schémas habituels, mais la surveillance est impérative et nécessite une formation préalable de la totalité du personnel (84). En pratique, à condition d’avoir formé le personnel infirmier à la surveillance spécifique de ces patients, au mieux en services spécialisés de surveillance rapprochée, les publications et l’expérience quotidienne montrent que le risque est équivalent au maximum à celui de la morphine en PCA. Les patients doivent aussi être informés des complications et des effets indésirables possibles (bloc bilatéral, rétention vésicale, problèmes de déplacement secondaire du cathéter, risque septique, gestion de l’association cathéter péridural et anticoagulant, céphalées invalidantes, prurit, hypotension artérielle ou dépression respiratoire).

Analgésie locorégionale multi-tronculaire Injections uniques Plusieurs études ont comparé l’analgésie péridurale à l’analgésie tronculaire fémorale ou sciatique en chirurgie du genou, et montrent en pratique une efficacité comparable des deux techniques dans ce contexte, mais aussi la liste des effets secondaires de la péridurale. L’analgésie tronculaire peut donc être préférée (44, 45) associé à la prescription systématique d’une pompe PCA morphinique et d’antalgiques simples, en dehors des contre-indications habituelles. C’est ce que montre le travail de Capdevilla et al. (45). Des patients devant subir une prothèse totale de genou, ont été opérés sous anesthésie générale, puis répartis en trois groupes randomisés en fonction de la technique d’analgésie postopératoire choisie pendant 48 heures : analgésie péridurale continue, bloc fémoral continu et analgésie auto-contrôlée (PCA). La douleur était évaluée à intervalles réguliers au repos et durant la mobilisation conduite avec une attelle motorisée permettant de fléchir le genou à 40-50° dès le premier jour postopératoire. Le degré de flexion obtenu était évalué au 5e et 7e jour postopératoire par un chirurgien non informé de la technique d’analgésie, la rééducation était débutée à partir du 7e jour, pour obtenir notamment un angle de flexion du genou de 110°. Les scores EVA ont été plus élevés dans le groupe « PCA » et comparables dans les deux autres groupes, mais les effets secondaires étaient plus fréquents dans le groupe « péridurale ». Dans les deux premiers jours, les objectifs de rééducation ont été plus facilement atteints dans les groupes « épidurale » et « bloc fémoral » que dans le groupe « PCA », avec notamment un angle de flexion supérieur dans les deux premiers groupes. La durée de la rééducation a été de 37 jours (30-45) dans le groupe « épidurale », de 40 jours (31-60) dans le groupe « bloc fémoral »,

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et de 50 jours (30-80) dans le groupe « PCA ». À trois mois, les résultats fonctionnels étaient les mêmes. Le contrôle de la douleur joue donc un rôle indirect dans la rééducation postopératoire et laisse entrevoir qu’une rééducation active est le complément indispensable à la prise en charge de la douleur si l’on souhaite améliorer la morbidité postopératoire et influencer durablement les suites opératoires et la convalescence. L’impact économique n’est pas négligeable si l’on considère la différence de durée d’hospitalisation qui est de l’ordre de 10 jours sur une période d’un mois et demi. Ces résultats encourageants montrent que les conséquences de la prise en charge anesthésique ne se limitent pas au postopératoire immédiat mais peuvent s’inscrire à plus long terme (74).

Cathéters périnerveux et injections continues (figs 8 et 9) Un bloc nerveux périphérique continu a les même avantages que l’injection unique, mais de façon prolongée. Il procure une analgésie postopératoire au moins équivalente à un bloc épidural mais sans les inconvénients neurologiques centraux. L’analgésie est de meilleure qualité, la rééducation est nettement améliorée et peut être démarrée très rapidement de façon efficace. La gestion est plus simple qu’une analgésie péridurale postopératoire, mais nécessite l’information et la formation du personnel car ces techniques ne sont pas dénuées de complications potentielles : difficultés techniques avec risque d’échec mais aussi toutes les complications de l’injection unique comme les lésions nerveuses post-traumatiques liées aux aiguilles, l’infection, la toxicité de l’AL, l’erreur de produit, le déplacement ou la difficulté de retrait du cathéter (41). En mode continu ou autocontrôlé par le patient sur cathéter périnerveux, une surveillance régulière une fois par équipe est requise pour vérifier l’état hémodynamique et respiratoire, la qualité de l’analgésie (EVA ou EVS) au repos et à la mobilisation, rechercher des signes d’infection locale et générale ou une escarre aux points de pression, une position inadéquate, un syndrome des loges, détecter les signes de surdosage aux anesthésiques locaux et stopper l’injection au moindre doute. Les signes cutanés normaux sont : peau cartonnée, engourdie, qui fourmille ; légère lourdeur dans le territoire du bloc. Les signes anormaux sont la présence de paresthésies, de douleurs, l’anesthésie complète, la paralysie. Pendant le maintien d’une analgésie, le doute en ce qui concerne l’intégrité nerveuse conduit à une interruption temporaire de la perfusion pour faire un bilan neurologique. L’orifice de sortie du cathéter est surveillé quotidiennement à la recherche de fuites, d’un déplacement ou de

Fig. 8. Matériel cathéter

Fig. 9. Cathéter en place

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signes inflammatoires. Le cathéter est retiré au 3e ou 4e jour ou plus tôt en cas de syndrome fébrile ou d’aspect inflammatoire du point de ponction (mis en culture), mais il peut être conservé plusieurs semaines dans certaines douleurs d’origine. La solution est changée au plus tard toutes les 24 heures avec des conditions d’asepsie rigoureuse. Il existe trois techniques d’entretien de l’analgésie. La réinjection de bolus de 20 ml de ropivacaïne 0,2 % toutes les 6 à 8 heures procure une très bonne qualité d’analgésie par effet volume, permet une bonne autonomie du patient mais elle présente plusieurs inconvénients : qualité de l’analgésie variable dans le temps ; bloc moteur important lié à l’utilisation de solutions concentrées d’anesthésique local ; pic plasmatique de ropivacaïne 30 à 60 minutes après le bolus qui nécessite une surveillance du patient ; disponibilité du personnel pour les réinjections. L’infusion continue (pompe PCA en mode continu, pousseseringue classique, infuseur en latex) est plus facile à mettre en œuvre. L’infirmière vérifie que la pompe fonctionne correctement, surveille le patient, et éventuellement change la seringue ou la poche. La posologie continue de 5 ml/heure de ropivacaïne à 2 mg/ml offre une analgésie stable, mais quelques fois inadaptée aux variations douloureuses. Le bloc moteur est d’intensité faible avec ces solutions diluées d’anesthésique local et met à l’abri d’une augmentation brutale des taux plasmatiques. Elle ne permet pas l’évaluation neurologique régulière et peut retarder le diagnostic d’un déficit neurologique (38). Au bout de quelques heures, le bloc sensitif se réduit au nerf fémoral, ce qui nécessite parfois des bolus additionnels et peut justifier l’utilisation d’une « PCA périnerveuse », dernière possibilité, qui permet au patient d’adapter continuellement l’intensité de l’analgésie, et de s’injecter des bolus supplémentaires de 5 ml toutes les 45 minutes, en plus des 5 ml/h en continu, non seulement à la demande en fonction de la douleur, mais aussi avant les séances de kinésithérapie, le nursing ou toute mobilisation. C’est la méthode de choix car la satisfaction des patients est plus élevée. L’information, la participation et la compréhension du patient sont aussi déterminants pour assurer le succès de la technique, surtout lorsque le cathéter ne couvre pas l’ensemble de la zone opératoire.

Conclusion À partir de la consultation d’anesthésie, l’évaluation du bénéfice/risque de la chirurgie fonctionnelle pour PTG permet d’en prévoir et donc d’en limiter les complications. Les stratégies d’économie de sang, de prévention et de traitement de la maladie thromboembolique sont primordiales. L’anesthésie générale et les anesthésies locorégionales médullaires et tronculaires sont proposées aux patients. En association avec la PCA intra-veineuse morphinique et les analgésiques conventionnels, l’analgésie locorégionale périphérique tronculaire et plexique, en injection unique ou en continu, devient une technique de référence. Le bien-fondé d’une analgésie postopératoire efficace étant établi, il existe cependant toujours une controverse sur les bénéfices somatiques que l’on peut en attendre : l’analgésie diminue-t-elle la morbidité postopératoire, améliore-t-elle la rééducation, accélère-t-elle vraiment la convalescence et raccourcit-elle la durée de séjour hospitalier ?

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L’information du patient dans les prothèses totales du genou – Aspects jurisprudentiels H. Coudane, C. Hervé, I. François et P. Bernard

Introduction L’information du patient a toujours été une donnée nécessaire et préalable à la validation de l’acte médical. Force est de constater qu’avant le célèbre arrêt de la 2e Chambre Civile de la Cour de cassation du 25 février 1997, elle n’était pas toujours réalisée, et bien souvent réduite au minimum… Pour les PTG, cette information doit être complète ; il revient maintenant, en cas de litige, au praticien d’apporter la preuve qu’elle a bien été donnée, sinon comprise. Cette obligation, qui intéresse essentiellement la responsabilité civile (c’està-dire l’exercice libéral), a été élargie à la notion de responsabilité administrative (c’est-à-dire à l’exercice public) depuis l’arrêt du Conseil d’État du 5 janvier 2000. La notion d’information reste actuellement sous-tendue par le « risque médico-légal » dont la gestion est différente selon que le chirurgien exerce en pratique publique ou privée. C’est dans un but didactique qu’il faut répondre à un certain nombre de questions pratiques simples pour appréhender le problème complexe de l’information préopératoire dans le cas d’une indication de PTG.

Faut-il donner une information ? C’est une obligation qui découle naturellement du caractère contractuel de l’exercice libéral médical depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 20 mai 1936.

L’arrêt du 20 mai 1936 Le 20 mai 1936, la chambre civile de la Cour de cassation devait rendre un Arrêt historique dans l’affaire « Docteur Nicolas contre époux Mercier ». Madame Mercier, atteinte d’une affection nasale, devait à l’époque s’adresser au Docteur Nicolas, radiologue, qui, en 1925, proposait et effectuait un traitement par rayons X… Au décours de ce traitement, la patiente devait présenter une radiodermite des muqueuses de la face nécessitant de multiples interventions. Les époux Mercier estimant que cette nouvelle affection était imputable à une faute de l’opérateur, intentèrent contre lui, en 1929, soit plus de trois ans après la fin du traitement, une demande en dommages et intérêts. Le 20 mai 1936, après une procédure un peu longue (le traitement initial avait été effectué en 1925), la chambre civi-

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le de la Cour de cassation rendait l’Arrêt suivant : « Attendu qu’il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant, pour le praticien, l’engagement, sinon, bien évidemment, de guérir le malade, ce qui n’a d’ailleurs jamais été allégué, du moins de lui donner des soins non pas quelconques, ainsi que paraît l’énoncer le moyen du pourvoi, mais consciencieux et attentifs, et réserves faites de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science, que la violation même involontaire de cette obligation contractuelle est sanctionnée par une responsabilité de même nature également contractuelle ainsi que l’action civile qui réalise une telle responsabilité… échappe à la prescription triennale de l’article 638 du Code d’Instruction Criminelle… » Les conséquences de cet Arrêt Mercier devaient être extrêmement importantes dans le cadre judiciaire de l’exercice médical en pratique libérale. Pour la première fois, était définie la notion de « responsabilité contractuelle ». Le délai de prescription passait à 30 ans, et, comme pour tout contrat, pointait la notion d’information, un contrat n’étant par essence licite qu’à partir du moment où chacune des parties était correctement informée des conséquences de celui-ci… Le 20 mai 1936 correspond donc à l’acte de naissance de la responsabilité contractuelle qui s’appliquait à tous les praticiens exerçant en libéral entraînant les conséquences sur l’information qui devait être donnée au patient, information qui était « ajustée » par la jurisprudence ultérieure…

Les conséquences sur l’information Cet Arrêt concernait la nature contractuelle de la responsabilité médicale. Ultérieurement, la jurisprudence devait définir les caractéristiques de l’information « simple, approximative, intelligible et loyale ». Le Conseil d’État, dans un Arrêt du 5 janvier 2000, devait rappeler vis-à-vis de la responsabilité administrative (c’est-à-dire pour les chirurgiens orthopédistes exerçant dans le secteur public) l’obligation d’une information préopératoire, rejoignant ainsi la jurisprudence de la Cour de cassation. Enfin, cette obligation a toujours été rappelée dans les différents Codes de déontologie, et en particulier dans la dernière version de 1995, l’article 35 précisant : « Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et appropriée, sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. Toutefois, dans l’intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave, sauf dans le cas où l’affection dont il est atteint expose les tiers à risque de contamination. Un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception, ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite. »

Information et éthique Cette démarche d’information peut être analysée sur un plan éthique à trois niveaux. • Le premier niveau est celui du patient lui-même : la décision du patient ne peut être réellement prise qu’après une information complète, compréhensible, loyale. Pour les prothèses du genou, le chirurgien va opérer, dans la très grande

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majorité des cas, un patient majeur, qui n’est pas privé de liberté sur le plan pénal, qui n’est pas traité en urgence, qui n’est pas placé sous un régime de protection juridique. Donner une information préopératoire devient alors une obligation à la fois réglementaire, déontologique et jurisprudentielle. • Le deuxième niveau est celui du patient et de son tissu familial : cet aspect ne doit pas être négligé, bien qu’il soit, dans le cas d’une prothèse totale du genou secondaire, par rapport à l’importance du consentement lorsqu’il s’agit du dépistage d’un gène délétère qui nécessite de tester l’ensemble de la famille. Ce deuxième niveau pose cependant le problème du partage de l’information entre patient et conjoint ou famille au sens du respect de secret professionnel défini par l’article 226-13 du Code Pénal et par l’article 4 du Code de déontologie médicale. • Le troisième niveau est celui du patient par rapport à la société : l’aspect « éthique » de l’information que l’on donne au patient dans le cadre de la réalisation d’une PTG peut paraître « superfétatoire » par rapport aux problèmes posés dans le cadre de l’information réalisée lors d’un dépistage par test génétique. Il n’en demeure pas moins vrai que l’aspect « éthique » de cette information est une étape indispensable qui appartient à la démarche médicale, à la protection des personnes, à l’intégrité de leur vie privée, professionnelle et sociale.

Conclusion : l’obligation d’informer Cette démarche « éthique » a été en quelque sorte consacrée par le célèbre arrêt « Cousin/Hedreul » du 25 février 1997 qui a été « rejoint » par le Conseil d’État au mois de janvier 2000. Actuellement, en France, réserve faite de circonstances exceptionnelles liées à la qualité du patient (mineur, majeur sous un système de protection juridique – curatelle, tutelle, sauvegarde de justice), à la notion d’urgence (mais il est tout à fait exceptionnel que l’on ait à pratiquer une PTG en extrême urgence), ou à quelque situation rarement rencontrée en pratique clinique (mise en place, par exemple, d’une PTG chez un sujet comateux qui n’est pas capable de donner son consentement), il est actuellement réglementairement obligatoire de donner une information « préopératoire » dans le cadre de la réalisation d’une PTG.

Quand donner l’information ? Cas général Les explications sont données pendant la consultation qui précède l’intervention. Cette information sera réitérée si d’autres consultations préopératoires sont prévues ; ces consultations itératives peuvent constituer ultérieurement des éléments de preuve dans la défense du chirurgien mis en cause pour une « absence ou insuffisance d’information ».

Cas particuliers Il est exceptionnel que l’indication d’une PTG soit portée en urgence : ainsi, les tribunaux ont-ils jugé qu’un laps de temps de quelques semaines à quelques mois était nécessaire au patient pour prendre une décision et donner ainsi son « assentiment éclairé ».

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Cette information peut être répétée lors de la consultation pré-anesthésique qui est réglementairement obligatoire (Décret du 8 décembre 1994). Néanmoins, ce n’est pas à l’anesthésiste, mais bien au chirurgien de donner les explications nécessaires concernant la pose de la PTG.

Conclusion En résumé, l’idéal est de donner cette information lors des consultations préopératoires ; cette information sera répétée lors de chaque consultation et lors des consultations de « pré-anesthésie ».

Comment informer ? La jurisprudence actuelle ne retient aucun support particulier. En général, l’information est donnée oralement lors du colloque singulier qui précède l’acte médical. Le praticien doit répondre aux questions posées ; il est possible de donner des fiches d’information sur la technique réalisée, les suites postopératoires, les complications... Le support peut être constitué par tout autre moyen de communication (bande vidéo, compact disc), tous ces supports ne devant contenir aucun élément qui pourrait être interdit sur le plan déontologique (publicité pour le médecin, encarts commerciaux...). Toutefois, l’information ne peut se résoudre exclusivement à de tels supports. Enfin, certaines informations, en particulier celles concernant les infections nosocomiales, doivent obligatoirement apparaître dans le livret d’accueil du patient (car une infection peut survenir dans la suite d’une prothèse de genou !). Dans le cas particulier, c’est le décret du 6 décembre 1999 qui précise que l’information concernant les infections nosocomiales doit être contenue dans le livret d’accueil du patient : l’information est « supportée » ipso facto par un document écrit. Il est rare que l’aptitude à recevoir l’information soit contestée a posteriori par le patient ; pour éviter cet écueil, dans certains hôpitaux américains, l’information est donnée par l’intermédiaire de traducteurs agréés… Mais ces situations sont rares en France dans le cadre de la réalisation d’une prothèse de genou.

Quelle est la nature de l’information ? La jurisprudence a retenu les critères suivants • Une complication exceptionnelle doit être annoncée, de même que tous les risques graves. • La nécessité du traitement n’éxonère pas le praticien de son devoir d’information. • L’information préopératoire doit être d’autant plus précise et minutieuse que l’intervention est moins urgente. • L’information doit porter sur la maladie, sur les suites normales de l’intervention et l’alternative thérapeutique.

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Il suffit de décliner ces principes au cas banal du patient qui, porteur d’une gonarthrose, est confié au chirurgien orthopédiste pour la réalisation d’une PTG !

Les risques graves et/ou exceptionnels Parmi les risques graves et exceptionnels, le décès per ou postopératoire (lésions vasculo-nerveuses, embolie), l’infection, la chirurgie itérative (qui peut conduire à l’amputation) doivent être à un moment ou à un autre évoqués. Les alternatives thérapeutiques, les traitements « pharmacologique » et physiothérapique doivent être discutés… Les suites normales de l’intervention sont décrites (douleur, handicap temporaire...) avec les complications qui peuvent entraîner un allongement du séjour soit dans le service d’orthopédie, soit en rééducation ou en convalescence… La jurisprudence qui autorise à ne pas révéler au patient un risque exceptionnel est désormais abandonnée par la Cour de cassation depuis le 14 octobre 1997. La Cour de cassation a confirmé le principe suivant applicable à la réalisation de la prothèse de genou : « hormis les cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, un médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée, même sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés et il n’est pas dispensé de cette obligation par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu’exceptionnellement » (octobre 1998).

Cas particuliers Le but de l’information est de permettre au patient de donner ou de refuser son accord pour la PTG qui a été proposée par le chirurgien : cette information doit être globale et doit porter sur la nature de l’affection, l’évolution de celle-ci en l’absence d’intervention… De même l’évolution à long terme de la PTG doit être évoquée : les notions d’usure, de descellement doivent être discutées… Il est en effet exceptionnel que le chirurgien, pour l’indication d’une PTG, en appelle à l’article 35 du Code de déontologie médicale pour ne pas informer le patient ; en pratique clinique, il apparaît superfétatoire d’évoquer « la limitation thérapeutique de l’information » car les affections qui sont à l’origine de la perte de la fonction de genou, qui va nécessiter la pose de la PTG, ne met en jeu qu’exceptionnellement un pronostic vital. Toutefois, ce cas particulier pourrait être soulevé pour emporter l’adhésion d’un patient atteint d’une tumeur maligne du genou et chez qui une prothèse massive du genou est envisagée. Les indications de PTG chez les mineurs, les patients sous tutelle curatelle ou sauvegarde de justice, les patients comateux, posent des problèmes particuliers, l’information, dans ces cas, n’obéissant pas aux règles précitées. Toutefois, ces indications sont tout à fait exceptionnelles en matière de PTG. Enfin, il est un cas relevé par la jurisprudence où l’information peut ne pas être donnée : c’est celui du patient qui exprime sa volonté claire et réitérée de ne pas être informé : il est souhaitable, dans ce cas, de faire signer au patient un document où il confirme par écrit cette volonté.

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La preuve de l’information Le chirurgien doit apporter la preuve C’est depuis l’arrêt du 25 février 1997 de la Cour de cassation qu’il appartient au chirurgien d’apporter la preuve qu’il a bien donné l’information au patient. « Celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation. » Cet arrêt a été confirmé par d’autres arrêts (14 octobre 1997, 17 février 1998). « Le médecin a la charge de prouver qu’il a bien donné à son patient une information loyale, claire et appropriée sur les risques des investigations ou soins qu’il lui propose de façon à lui permettre d’y donner un consentement ou un refus éclairé. »

Les modalités de la preuve La Cour de cassation a décidé que la preuve de l’information pouvait être apportée par « tout moyen ». Parmi ceux-ci, on peut retenir les écrits, les témoignages, voire les présomptions définies par l’article 1353 du Nouveau Code civil. Force est de constater que l’écrit constitue aux yeux des juges et des juristes la plus sûre des preuves dans le cadre de l’information. Cet « écrit » est déjà obligatoirement exécuté par les collègues chirurgiens plasticiens dans le cadre du devis qu’ils doivent remettre au patient. Parallèlement à l’information orale, des fiches d’information (ou tout autre support) peuvent être confiées au patient. Il est d’usage de faire signer un consentement à l’acte (la réalisation de la PTG) sur un document différent de la fiche d’information, conformément aux directives de l’ANAES. Dans les procès opposant patient et chirurgien sur le motif de l’absence d’information, les juges analysent toujours le délai entre la consultation préopératoire et la réalisation de la PTG : un délai de quelques semaines à quelques mois est considéré comme suffisant pour que le patient puisse « réfléchir et prendre sa décision » vis-à-vis de l’intervention chirurgicale. Enfin, un arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux du 20 février 2001 a rappelé que l’obligation d’information incombant au chirurgien, ne peut se réduire à l’envoi d’une lettre au médecin traitant l’informant des risques encourus par le patient (Cour d’Appel de Bordeaux, le 20 février 2001). Ce formalisme juridique peut paraître irritant ; toutefois, ces précautions doivent être prises et ce d’autant que la Cour de cassation a décidé de conférer depuis le mois de mars 2001, un caractère rétroactif à l’obligation de conseil et d’information des patients, le consentement étant une obligation depuis le fameux arrêt de 1936…

Conclusion L’information préopératoire fait partie intégrante de l’acte médical ; le chirurgien orthopédiste doit tout mettre en œuvre pour qu’elle soit comprise (elle doit être intelligible et loyale) ; dans le cas de la réalisation d’une PTG, un délai de réflexion de quelques semaines à quelques mois est raisonnable pour permettre au patient

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de prendre sa décision et de réfléchir aux éventuelles questions auxquelles il n’aurait pas pensé lors de la consultation préopératoire ; celle-ci peut être utilement renouvelée en cas de « doute » ou lorsqu’il apparaît manifestement que la décision reste hésitante malgré les informations données. Toutes les complications, même les complications exceptionnelles, doivent être annoncées ou notées et écrites sur un document qu’il faut remettre au patient. Le problème de l’infection nosocomiale doit obligatoirement faire partie des informations contenues dans le livret d’accueil du patient. Enfin, depuis 1997, la jurisprudence de la Cour Suprême fait peser sur le chirurgien l’obligation d’apporter la preuve qu’il a donné l’information dans des conditions qui ne sont pas définies par la jurisprudence ; cette obligation, qui s’applique à l’exercice libéral, fait peser depuis les derniers arrêts du Conseil d’État, le même type d’obligation chez les chirurgiens orthopédistes mettant en place des PTG dans le secteur public.

Prothèse totale du genou sur genu varum important P. Neyret, O. Guyen et T. Aït Si Selmi

Introduction L’implantation d’une prothèse totale de genou dans le cas de gonarthrose associée à une déformation en varus osseux important est un problème chirurgical difficile. En effet, en cas de déviation préopératoire en varus supérieure à 15°, il devient difficile de restituer un bon alignement mécanique. L’objectif est d’obtenir un axe fémoro-tibial mécanique de 180°, avec un axe fémoral de 90°, et surtout un axe tibial de 90° avec un système ligamentaire équilibré et stable (1-3). Ainsi, par une répartition homogène des contraintes, nous cherchons à limiter l’usure du polyéthylène. La littérature concernant le problème des gonarthroses sur genu varum constitutionnel important est relativement pauvre. La quasi-totalité des études insistent sur l’importance de l’obtention d’un alignement mécanique correct pour assurer la longévité d’une prothèse totale. L’existence d’un genu varum excessif (constitutionnel ou dû à un cal vicieux) pourrait être une cause d’échec prématuré des prothèses totales du genou (2, 4, 5). La stratégie à adopter en cas d’arthrose fémoro-tibiale interne avec genu varum supérieur à 15° n’est pas encore clairement établie (1, 3). Dans un premier temps, une analyse précise de la déformation apparaît indispensable pour en préciser le caractère articulaire (usure, laxité) ou au contraire extra-articulaire (déformation constitutionnelle ou acquise) (6). Différentes options stratégiques s’offrent au chirurgien : – la réalisation d’une ostéotomie de valgisation préalable, suivie d’une prothèse totale de genou ; – la réalisation d’une prothèse totale de genou et correction de la déformation par les coupes osseuses ; – ou encore, la réalisation simultanée d’une ostéotomie tibiale ou fémorale de valgisation et d’une prothèse totale de genou. Nous analyserons chacune de ces possibilités, et exposerons la stratégie que nous avons choisie d’adopter.

Analyse de la déformation Il est nécessaire devant un genu varum important d’évaluer la part respective de la déformation articulaire et de la déformation extra-articulaire. La déformation articulaire Elle est liée :

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– d’une part à l’usure osseuse, surtout sur le plateau tibial interne, avec dans les formes évoluées l’apparition d’une véritable cupule ; – d’autre part à la laxité. En effet, les ligaments de la concavité présentent une rétraction relative. Dans un premier temps, cette déformation est réductible, puis une rétraction des formations internes apparaît (LLI profond et superficiel, capsule postéro-interne, demi-membraneux et LCP). Ce n’est que dans les formes très évoluées qu’intervient une distension des éléments de la convexité.

La déformation extra-articulaire Dans la grande majorité des cas, la déformation osseuse est constitutionnelle. Dans ce cas, la part extra-articulaire du varus est le plus souvent tibiale et proximale. Plus rares sont les déformations acquises, généralement liées à un cal vicieux dont la localisation est très variable.

Détermination de la déformation Les informations données par l’examen clinique sont limitées (fig. 1). La déformation est évaluée sur le sujet debout, puis couché. Elle est souvent plus importante en position debout qu’en position couchée. Ceci est lié au fait qu’en décubitus on peut observer, en l’absence de rétraction, une réduction de la part articulaire de la déformation, alors que la part extra-articulaire (constitutionnelle ou acquise) ne se réduit pas. Pour évaluer la déformation, nous avons recours à la goniométrie (7) (fig. 2), ainsi qu’à des clichés en réduction (en valgus forcé) pour mieux visualiser l’interligne. Pour effectuer les mesures, nous avons adapté les résultats donnés par l’approche théorique de l’axe épiphysaire tibial. Pour simplifier, nous traçons la tangente au plateau tibial externe. À 2° près, cette droite est perpendiculaire à l’axe épiphysaire. À 2° près, cette droite fixe la hauteur du plateau tibial interne avant usure. On établit ainsi aisément la part de l’usure articulaire. La déformation extra-articulaire (constitutionnelle ou acquise) est donnée par l’angle complémentaire de l’angle formé par l’axe mécanique tibial et la droite tangente au plateau tibial externe. Cet angle est mesuré du côté interne (6) (figs 3 et 4). La quantification de la déformation extra-articulaire est essentielle car c’est l’évaluation préopératoire qui fixe la correction à apporter dans l’ostéotomie.

Stratégies chirurgicales Ostéotomie de valgisation isolée, suivie à distance d’une prothèse totale de genou L’ostéotomie doit avoir lieu sur le segment de membre (fémur ou tibia) où la déformation prédomine, au-dessus des condyles pour le fémur et au niveau de la tubérosité tibiale antérieure pour le tibia. Dans la majorité des cas, la déformation est d’origine tibiale. On obtiendra dans un premier temps une correction de la déformation axiale, et ce n’est qu’après consolidation osseuse (3 à 6 mois, voire 6 à 12 mois d’après Cameron (8)) que l’on envisagera l’implantation de la prothèse de genou.

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La gonarthrose

Fig. 1. Analyse clinique de la déformation

Fig. 3. La part constitutionnelle de la déformation dans le tibia est de 10° (avec la courtoisie de Sauramps)

Fig. 2. Importante déformation en varus chez un homme de 66 ans, avec un angle fémorotibial mécanique à 163° à droite (avec la courtoisie de Sauramps)

Fig. 4. Méthode pratique permettant le calcul de la part constitutionnelle de la déformation : le plateau tibial interne avant usure se situe à 2° près dans le prolongement du plateau tibial externe (surface articulaire toujours perpendiculaire à l’axe épiphysaire +/– 2°). Il est facile de calculer la part constitutionnelle (angle complémentaire de l’angle formé par la tangente au plateau tibial externe et l’axe mécanique tibial) (avec la courtoisie de Sauramps)

Prothèse totale du genou sur genu varum important

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Lorsque la déformation est très importante et que l’arthrose associée est évoluée (stade 3 ou 4), une « hyper-correction » est nécessaire pour soulager le patient. Celle-ci risque de créer un cal vicieux tibial, en valgus cette fois-ci, qui rendra difficile la mise en place de la prothèse (9, 10). Si l’on se contente d’une « normo-correction », le plus souvent les symptômes persistent, et les 3 à 6 mois d’attente sont mal vécus par le patient. Pour l’ensemble de ces raisons, cette stratégie thérapeutique nous apparaît discutable, même si certains auteurs la défendent (5, 8, 11).

Prothèse totale de genou La réalisation de coupes osseuses orthogonales conduit à une résection osseuse asymétrique, à l’origine d’une laxité externe dite de résection (distension relative de la convexité) (fig. 5). Le côté de référence reste le côté externe, qui n’est pas allongé. Seul le côté interne paraît rétracté du fait de la coupe asymétrique. On coupe moins en dedans qu’en dehors,il faut donc réaliser un allongement ligamentaire unilatéral interne (13) (fig.6). La libération interne tibiale est d’autant plus importante que le varus constitutionnel est important. La séquence des gestes varie suivant les différents auteurs en fonction des structures impliquées dans la rétraction. Elle n’est pas toujours bien codifiée. Dans tous les cas, la voie d’abord antéro-interne permet de libérer systématiquement la capsule antéro-interne en réséquant les ostéophytes. Puis, à la demande, on peut procéder à l’allongement du LLI (technique de l’allongement en damier), voire à une libération du faisceau superficiel du LLI en sous-périosté. La libération du LLI superficiel obéit à la loi du « tout ou rien »,et doit être réalisée avec prudence.Une libération excessive risque d’entraîner une laxité interne importante,surtout en flexion (en extension, le LLI reste en continuité avec le périoste). Pour un meilleur contrôle de la laxité, il est important de préserver les tendons de la patte d’oie (figs 7 et 8). Dans les cas de genu varum constitutionnels sévères, la libération de la concavité doit être considérable, ce qui expose au risque de libération excessive avec laxité interne d’une part, et allonge le membre en modifiant l’enveloppe ligamentaire d’autre part (13). La question se pose alors de la limite acceptable de libération des formations internes, au-delà de leur longueur normale. On fixe arbitrairement la limite de la libération autour de 8 à 12 mm, ce qui correspond à une déformation extra-articulaire de 5 à 8° (14). Au-delà de ces limites, la libération interne paraît excessive. Pour éviter cette situation, trois options (qui peuvent le cas échéant être associées) sont alors possibles :

Fig. 5. Coupe tibiale asymétrique liée au varus constitutionnel à l’origine d’une laxité de résection (avec la courtoisie de Sauramps)

Fig. 6. La correction de la laxité de résection nécessite la réalisation d’un allongement unilatéral interne car le côté externe reste de longueur (avec la courtoisie de Sauramps)

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Fig. 7. Arthrose fémoro-tibiale interne sur genu varum important chez une femme âgée de 74 ans : angle fémorotibial mécanique préopératoire de 165°, angle fémoral mécanique de 90° et angle tibial mécanique de 80°

La gonarthrose

Fig. 8. Radiographie postopératoire. Une ostéotomie tibiale préalable n’a pas été nécessaire pour permettre l’implantation de la prothèse totale du genou. La laxité externe de résection liée à l’asymétrie de coupe est parfaitement équilibrée par un geste de libération unilatéral interne : libération de la capsule antérointerne, résection des os-téophytes, libération du faisceau superficiel du LLI en sous-périosté, associé à une section du tendon du demi-membraneux. L’angle fémorotibial mécanique postopératoire est de 180°

– tolérer une laxité externe ; – compenser la laxité résiduelle par un implant plus contraint ; – procéder à une retension de la convexité. Pour notre part, nous préférons recourir à une ostéotomie de valgisation dans le même temps que la prothèse, ce qui évite le relâchement ligamentaire interne excessif.

Ostéotomie de valgisation avec mise en place simultanée d’une prothèse totale de genou L’ostéotomie de valgisation dans le même temps que la prothèse permet de limiter les gestes de libération des structures ligamentaires internes. Nous l’avons vu, l’ostéotomie de valgisation est réalisée sur le segment de membre où la déformation prédomine. Le plus souvent, cette dernière est d’origine tibiale. Cette ostéotomie est réalisée à la limite supérieure de la tubérosité tibiale antérieure, là où s’insère le tendon rotulien. Une ostéotomie d’ouverture par addition interne paraît préférable à une fermeture par soustraction externe, pour plusieurs raisons : – la déformation importante en varus incite à aborder le genou du côté de la concavité, pour éviter une libération capsulaire ou ligamentaire de la convexité ;

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– l’addition permet par ailleurs de maintenir à distance le trait d’ostéotomie et la coupe tibiale pour la mise en place de la prothèse ; – Godenèche (15) a montré que la stabilité dans le temps de la correction est significativement meilleure dans le cas des ostéotomies d’ouverture. De plus, le délai de consolidation serait meilleur également, mais cette observation reste à prouver sur le plan statistique. Nous avons décidé de développer cette option combinant une ostéotomie tibiale de valgisation par addition interne et une prothèse totale de genou pour la prise en charge des gonarthroses sur genu varum constitutionnel excessif (16).

Technique opératoire de l’ostéotomie tibiale de valgisation par addition et prothèse simultanée Le fait de réaliser dans le même temps opératoire une ostéotomie tibiale de valgisation par addition interne et une prothèse totale du genou implique de prendre en compte un certain nombre de critères pour le choix de l’implant : – la quille tibiale doit être longue pour ponter le foyer d’ostéotomie ; – la coupe tibiale ne doit pas être d’épaisseur trop importante (épaisseur 9 mm) ; – la quille doit remplir la métaphyse pour assurer une meilleure stabilité ; – les prothèses comportant des « ailerons » renforçant la jonction quille-plateau sont à éviter. Pour notre part, nous avons utilisé une prothèse totale du genou de type HLS évolution (Tornier – Montbonnot). C’est une prothèse semi-contrainte, cimentée, ne conservant pas le ligament croisé postérieur, mais comportant un troisième condyle médian s’articulant avec une came tibiale et comportant une quille tibiale modulaire (17).

Principes techniques de l’ostéotomie La voie d’abord a toujours été parapatellaire interne, sans détacher la TTA (17). Après dissection des tissus mous, le tibia est préparé en ne libérant que la partie antérieure de la capsule articulaire, et en relevant la patte d’oie. Le LLI superficiel est sectionné à son insertion basse, pour permettre la réalisation de l’ostéotomie. En revanche, le chef profond du LLI est laissé intact, de même que le tendon du demi-membraneux et la capsule postéro-interne. Pour éviter tout risque de déplacement secondaire du foyer d’ostéotomie, il est important de luxer le tibia avant de réaliser l’ostéotomie. Le trait de scie est oblique de dedans en dehors et de bas en haut et reste sus-tubérositaire. Le trait d’ostéotomie doit rester le plus à distance possible de la surface articulaire externe de manière à ce que l’épiphyse tibiale soit d’une épaisseur suffisante pour permettre la réalisation de la coupe tibiale en respectant une charnière externe. Le trait d’ostéotomie doit donc s’achever à la partie haute de l’articulation péronéo-tibiale supérieure. Il est relativement horizontal. Cette ostéotomie est maintenue ouverte provisoirement, avec la correction nécessaire, par la mise en place d’une agrafe de type Blount (fig. 9). Cette agrafe n’est pas complètement impactée, et il faut prendre garde de ne pas la diriger vers le centre de la cavité médullaire pour ne pas engendrer de conflit avec la quille ou les tiges de visée centromédullaires de la prothèse. De plus, une petite cale corticale métallique ou cimentée peut aider à maintenir temporairement l’ouverture.

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La gonarthrose

Aucun contrôle radiographique peropératoire n’est effectué. La correction osseuse à apporter est déterminée sur le bilan radiographique préopératoire.

Mise en place des implants La déformation angulaire ayant été corrigée par l’ostéotomie d’ouverture interne, il est alors possible de procéder aux différentes étapes de la coupe tibiale de manière habituelle, utilisant l’ancillaire, en prenant garde de ne pas réséquer plus de 9 mm en prenant le plateau tibial externe comme référence. Ceci permet de préserver le plus d’os possible entre l’ostéotomie et la coupe prothétique. La tranche de section tibiale nécessaire est alors symétrique, à l’usure articulaire près (fig. 10). Rappelons que l’absence d’ostéotomie préalable aurait conduit à une coupe osseuse très asymétrique, beaucoup plus importante en dehors qu’en dedans. La correction angulaire ayant été réalisée au niveau osseux, il n’est jamais nécessaire de réaliser une libération ligamentaire complémentaire pour obtenir un bon équilibrage de la prothèse (18). La mise en place de l’implant fémoral se déroule de la manière habituelle, et la prothèse totale est ensuite cimentée en utilisant un plateau tibial avec une quille de 65 mm, pontant l’ostéotomie, et assurant la stabilité (fig. 11). Fig. 9. Mise en place de l’ancillaire de coupe tibiale, l’ostéotomie de valgisation tibiale préalable étant maintenue ouverte par une agrafe

Fig. 10. La tranche de section osseuse est relativement symétrique, à l’usure près (avec la courtoisie de Sauramps)

Prothèse totale du genou sur genu varum important

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Le matériel d’ostéosynthèse temporaire utilisé pour maintenir l’ouverture du foyer d’ostéotomie peut être enlevé, ou impacté. Le foyer d’ostéotomie lui-même est greffé à l’aide d’os autologue provenant des coupes prothétiques, et l’espace est maintenu par une petite cale « corticale » de ciment (fig. 12). Les patients ont été mobilisés précocement avec lever le lendemain de l’intervention. L’appui partiel est préférable, sous couvert de deux cannes anglaises durant 2 mois.

La détermination de la hauteur du trait d’ostéotomie Dans deux cas, la tranche de section osseuse restante, après réalisation du trait d’ostéotomie et de la coupe tibiale, s’est révélée trop fine entraînant un trait de refend sur son versant externe. Même si celui-ci n’a eu aucune conséquence, il est impératif de rester suffisamment à distance de l’interligne articulaire externe lors de la réalisation de l’ostéotomie. Celle-ci doit s’achever, du côté externe, dans l’articulation tibio-péronière supérieure, et non au-dessus de celle-ci. Le trait d’ostéotomie est donc assez horizontal.

La fixation du foyer d’ostéotomie durant la mise en place de la prothèse La fixation du foyer d’ostéotomie à l’aide d’une agrafe de Blount autorise une assez bonne contention. Cependant, il faut rester prudent au cours des manipulations. En particulier, l’agrafe peut gêner lors de la préparation de la quille tibiale

Fig. 11. Essai de l’implant tibial avant cimentage, la quille prothétique pontant le foyer d’ostéotomie

Fig. 12. Résultat final, après mise en place de la greffe spongieuse provenant des coupes nécessaires à la mise en place des implants. Une petite cale « corticale » de ciment est laissée dans le foyer d’ostéotomie (avec la courtoisie de Sauramps)

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La gonarthrose

par sa présence dans le canal médullaire. C’est pourquoi il ne faut pas l’impacter en totalité d’emblée. Nous avons cru intéressant d’utiliser une plaque pour ostéotomie d’ouverture, comportant une petite cale métallique solidaire de la plaque. La fixation se fait avec des vis unicorticales de manière à ne pas interférer avec la quille tibiale. À l’usage, cette plaque n’a pas fait la preuve de sa supériorité par rapport à l’agrafe de Blount, en raison de l’encombrement des vis, des difficultés de positionnement de cette plaque (entraînant des conflits avec le LLI), et parfois de la saillie de cette plaque sous la peau. Nous avons donc décidé de continuer à utiliser la fixation par une agrafe de Blount (figs 13 et 14).

Discussion sur la séquence opératoire Lorsque l’intervention se déroule en un temps, nous préférons commencer par l’ostéotomie tibiale de valgisation. D’autres équipes préfèrent réaliser d’abord la prothèse totale. Elle permet en effet l’utilisation du matériel ancillaire prothétique habituel, et est donc plus fiable et reproductible. Par ailleurs, le foyer d’ostéotomie étant ponté par la quille tibiale, la mise en appui partiel peut être immédiate. Le matériel d’ostéosynthèse maintenant l’ostéotomie peut être enlevé, de manière à éviter tout problème cutané. Pour Godenèche (15), il est préférable de positionner l’implant tibial parallèle à l’interligne articulaire, de manière à ce qu’après la réalisation de l’ostéotomie celui-ci se retrouve à angle droit avec l’axe mécanique. Ceci implique un positionnement difficile de cet implant, puisque l’ancillaire prothétique ne peut pas être utilisé comme il se doit. Les coupes osseuses sont réalisées parallèlement à l’interligne articulaire, sans prendre en compte la déformation extra-articulaire. Le fémur est pris pour référence. On ne pourra utiliser pour repère ni la tige intramédullaire, ni la tige extra-médullaire. Par ailleurs, l’implant tibial ne doit pas disposer de quille, pour que le trait d’ostéotomie puisse être réalisé de manière habituelle, en passant sous la prothèse. L’absence de quille tibiale implique en revanche la nécessité de fixer le foyer d’ostéotomie avec du matériel d’ostéosynthèse, par agrafes ou plaques, et donc de laisser le patient en décharge. La consolidation est longue à obtenir : pseudarthrose, voire débricolages, ont été rapportés.

Figs 13 et 14. Contrôle radiologique à 2 ans. Varus résiduel de 6°

Prothèse totale du genou sur genu varum important

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Indications L’indication est avant tout celle d’une prothèse totale de genou : genou douloureux, parfois instable, chez un sujet ayant une vie sédentaire, voire active, mais non sportive. Quand y associer une ostéotomie ? Quand la déformation extra-articulaire évaluée avant l’intervention laisse supposer que la laxité de résection conduira à un problème d’équilibrage ligamentaire ou à une distraction excessive au sein de l’enveloppe ligamentaire (avec pour corollaire le retentissement sur l’appareil extenseur, sur les ligaments collatéraux, sur le niveau de l’interligne). Nous évaluons la valeur seuil de la déformation extra-articulaire au-delà de laquelle cette intervention simultanée se discute à 8°. Aussi, nous ajoutons dans nos critères de sélection les sujets « relativement » jeunes et actifs, c’est-à-dire entre 60 et 75 ans, bien que l’âge ne soit pas un critère formel. L’expérience, le recul, les échecs nous aiderons à préciser l’intérêt et les limites de cette option chirurgicale.

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Prothèses totales sur genu valgum J.L. Lerat, A. Godenèche, B. Moyen et J.L. Besse

La mise en place d’une prothèse totale du genou (PTG) pour une gonarthrose sur genu valgum pose les mêmes problèmes techniques que dans le genu varum dans la grande majorité des cas. Dans les genu valgum majeurs, les difficultés sont plus importantes pour obtenir un équilibre ligamentaire et une bonne couverture de la prothèse, malgré un plan fibreux externe rétracté. Les difficultés sont réunies au maximum lorsqu’il existe une déformation mixte associant usure, rétraction des formations externes, distension ligamentaire interne et déformation osseuse extra-articulaire, comme il peut en exister après des ostéotomies défectueuses ou des cals vicieux traumatiques.

Anatomie-pathologique du genu valgum La déviation en valgus s’accompagne d’une usure du compartiment externe et secondairement d’une distension des ligaments internes qui accentue le valgus. Dans la très grande majorité des cas, le genu valgum ne pose pas plus de problèmes techniques que le genu varum, requérant seulement un équilibrage interne/externe qui obéit au principe des coupes osseuses minimes, enlevant du côté de la convexité une épaisseur d’os et de cartilage correspondant à l’épaisseur des implants que l’on va placer. Les coupes osseuses étant réalisées à 90° des axes mécaniques de l’os correspondant, il n’y a plus qu’à régler le relâchement de la concavité pour que l’espace soit rectangulaire et admette les implants. Ce relâchement est le seul geste délicat de l’opération et il est en général très simple, puisqu’il suffit le plus souvent de libérer les attaches ligamentaires sur l’os réséqué ainsi que les ostéophytes. Mais les déformations sévères en valgus posent parfois des problèmes qui sont parmi les plus délicats de la chirurgie prothétique du genou. Il y a souvent une rotation externe du tibia avec une usure qui se déplace vers l’avant du plateau tibial et création d’une cupule dans laquelle plonge le condyle externe. Ainsi, le valgus devient irréductible par rétraction des parties molles externes et la rotation se fixe aussi. Cette cupule est parfois postérieure ou centrale. L’usure asymétrique explique pourquoi certains éléments sont plus rétractés que d’autres, et particulièrement que certains sont plus rétractés en flexion qu’en extension. La libération de ces formations capsulo-ligamentaires externes et des tendons rétractés pose des problèmes ardus. De nombreux auteurs ont traité du sujet et il y a de nombreux avis divergents sur la façon d’aborder le genou et sur la manière de libérer ces éléments. De plus, la hiérarchie des gestes libérateurs est intéressante à discuter et n’est pas consensuelle. La peau est parfois très fine, en particulier dans la polyarthrite rhumatoïde, et elle a du mal à recouvrir les éléments externes après leur libération. La prothè-

Prothèses totales sur genu valgum

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se peut être très difficile à recouvrir et les décollements peuvent causer une nécrose cutanée, surtout en cas d’hématome surajouté. Une autre différence relevée avec le genu varum est la tendance à la subluxation de la rotule, à cause du valgus et de l’accentuation de l’angle Q. La libération de l’aileron rotulien externe et du vaste externe est indispensable dans ces cas. Karachalios et al. (26) ont rapporté de moins bons résultats cliniques et d’avantages de luxations de la rotule chez les patients ayant un valgus fixé. Keblish (27) dit avoir observé 8 courses rotuliennes anormales sur 23 cas de valgus fixé supérieur à 15°, quand il opérait par voie interne. Presque tous les auteurs (12, 16, 21,23, 27, 29, 30, 31, 47, 52, 57) estiment que le traitement du genu valgum est plus difficile que celui du genu varum, car il est plus difficile de régler l’équilibre ligamentaire. Sur le plan technique, il faut étudier le problème des coupes osseuses et la libération des rétractions externes. Un bilan radiologique précis permet de planifier la correction à réaliser et de juger de la réductibilité de la déformation. Une télégonométrie debout est le cliché de base et l’on peut faire aussi des radiographies en stress pour avoir une idée précise de la déformation osseuse globale et mesurer la part respective du fémur et du tibia dans la déformation osseuse, ainsi que la laxité ligamentaire et la réductibilité du valgus. Le cliché de profil en extension montre la pente tibiale, la conformation de l’épiphyse fémorale de profil et la situation de la rotule dans la trochlée. Les vues tangentielles de la fémoropatellaire montrent très souvent une excentration rotulienne dans le genu valgum.

Technique opératoire dans le genu valgum Les coupes distales du fémur et proximales du tibia Les coupes doivent être indépendantes et l’ordre des coupes importe peu. Si l’on veut obtenir un axe correct de 180°, on admet en général, sauf Hungerford et al. (21), que les coupes fémorale et tibiale doivent être faites à 90° par rapport à l’axe mécanique du fémur et du tibia. Les ancillaires permettent aujourd’hui de faire ces coupes presque sans erreur, sans le recours à la navigation, à condition d’avoir fait une planification sur une télégonométrie en charge de bonne qualité et d’avoir éliminé le mieux possible les erreurs parfois induites par le flexum et la rotation du genou. La coupe du fémur sera faite avec un gabarit fixé sur un clou centro-médullaire. On pourra toujours, en cas de doute, repérer le centre de la tête fémorale sous radioscopie pour régler parfaitement la coupe du fémur. Pour ce qui concerne la coupe tibiale, il est facile de faire une coupe orthogonale à l’axe du tibia. On peut apprécier le centre de la cheville assez précisément, et ceux qui utilisent la visée centro-médullaire ne font pas non plus beaucoup d’erreurs (sauf en cas de tibia déformé en S italique). Certains utilisent même la conjonction de la visée centro-médullaire et de la visée extra-osseuse. L’inclinaison postérieure du tibia est différente quand on implante une prothèse conservant les ligaments croisés et quand on sacrifie les ligaments croisés. Dans le premier cas, il est habituellement admis qu’il faut reproduire la pente tibiale postérieure qui est en moyenne de 5°. Ceci favorise le roulement-glissement et la bonne tension du LCP. La recherche d’une pente tibiale proche de l’anatomie de chaque genou pourrait paraître logique quand on veut rendre au genou opéré un interligne en bonne position et une enveloppe ligamentaire normale et des ligaments isométriques. En réalité, certains genoux ont une pente de 10°, voire

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La gonarthrose

plus, et il s’avère qu’il est dangereux à l’usage de restituer une pente aussi importante car il y a un risque de subluxation postérieure du fémur, surtout en l’absence de LCA, sauf quand le plateau tibial est relevé en arrière. Une pente tibiale voisine de 90° est recherchée par la plupart des poseurs de prothèses postéro-stabilisées. La règle est donc de couper à 90° en enlevant du côté interne sur le fémur et sur le tibia, l’épaisseur exacte correspondant à celle des implants que l’on va poser. Ainsi, les ligaments internes seront normalement tendus. Il ne restera plus alors qu’à régler le relâchement des ligaments externes pour que l’espace soit symétrique. Dans la très grande majorité des cas, il n’y a pas lieu de faire une libération du côté externe car l’ablation des ostéophytes, ainsi que la simple libération qui a été faite sur 10 à 12 mm de hauteur pour enlever le plateau externe coupé, suffisent. Une libération complémentaire n’a été nécessaire dans notre expérience que dans 11 % des cas de genu valgum. Contrairement à ce qui était fait au début des prothèses (dans les années 1980) par les pionniers qu’étaient Insall (23) et Freeman (16) qui conseillaient de faire l’équilibrage des ligaments avant les coupes osseuses, nous faisons aujourd’hui l’inverse car après les coupes osseuses l’équilibre est souvent obtenu. Nous verrons plus loin de quelle manière le relâchement externe peut être conduit.

Les coupes antérieures et postérieures du fémur Il y a deux manières de faire les coupes du fémur : soit on les fait parallèlement aux condyles postérieurs, soit on les fait avec de la rotation externe. Les auteurs qui conseillent de faire une coupe en rotation se divisent en trois catégories : ceux qui tiennent compte de l’axe des épicondyles (axe transépicondylien) comme Berger et al. (5), ceux qui se basent sur l’axe antéro-postérieur comme Whiteside et al. (58), et ceux qui mettent systématiquement 3° de rotation externe comme Insall (23) et Poilvache et al. (46). De nombreux auteurs se sont penchés sur ce problème de la coupe fémorale postérieure en rotation et ont mesuré la différence entre la ligne des condyles et l’axe transépicondylien et ont abouti à des valeurs situées entre 3° et 5°, tout en soulignant une grande variabilité d’un sujet à l’autre (4, 5, 6, 10, 14, 40, 53). Ces études montrent qu’une proportion non négligeable de genoux a moins de 3° de différence entre ces deux axes épiphysaires qui servent de référence à la coupe osseuse et que c’est surtout pour les genoux qui ont entre 5° et 9° qu’il paraît légitime de tenir compte de l’axe transépicondylien de préférence à la ligne condylienne. La coupe en rotation externe peut permettre d’éviter une laxité du ligament externe en flexion dans un genu varum ou plutôt d’augmenter l’espace en flexion du côté interne, mais dans un genu valgum le problème est inverse et il faudrait plutôt faire une coupe en rotation interne. En fait, dans la majorité des cas, le relâchement des ligaments externes réalisé afin d’obtenir un espace rectangulaire en extension permet d’obtenir aussi un espace rectangulaire en flexion, sans tricher sur la coupe postérieure qui reste parallèle à la ligne des condyles. Il faut souligner la difficulté de repérer avec précision les épicondyles fémoraux et de matérialiser la ligne des épicondyles, tout autant que l’imprécision relative de la méthode de Whiteside (58) qui tient compte de l’axe antéro-postérieur. La ligne des condyles reste pour nous la base la plus sûre, quitte à s’en écarter uniquement pour les cas extrêmes où les deux axes divergent de façon importante. On peut aussi faire toutes les coupes en rotation d’une valeur moyenne de 3° comme Insall et al. (23), mais cela paraît aussi illogique de faire une coupe de 3° à un sujet qui n’en a pas besoin qu’à un sujet dont les axes divergent de 9° (6).

Prothèses totales sur genu valgum

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Un relâchement externe est-il encore nécessaire à ce stade si l’espace est trop étroit en dehors ? Dans notre expérience, cela a été exceptionnel et uniquement dans les grandes déformations en valgus avec rétraction. Lorsque l’espace en extension est correct, l’espace en flexion l’est aussi. Il faut tenir compte que les condyles ne sont presque jamais usés en arrière (sauf dans les grandes destructions et en cas de grand flexum), ce qui différencie le pincement en flexion par rapport au pincement en extension qui provient autant de l’usure du condyle que de l’usure du tibia. Plus que l’utilisation de spacers pour juger de l’espace, nous préférons utiliser les implants d’essai qui permettent de passer de la flexion à l’extension et de tester la tension des ligaments pour toutes les amplitudes intermédiaires. C’est ainsi que l’on juge au mieux si une libération complémentaire est nécessaire, et il est possible de juger immédiatement le résultat et de la compléter progressivement si nécessaire, sans avoir à enlever les implants chaque fois. Ce qu’il faut proscrire, dans le genu valgum purement articulaire, c’est la pratique de la coupe des condyles parallèlement à la coupe du tibia après mise en place de tenseurs ligamentaires. Il faut faire les coupes osseuses indépendantes et ensuite régler les ligaments de la concavité sur les ligaments de la convexité qui seront parfaits si les coupes ont respecté l’épaisseur des implants.

Libération des structures externes La déformation en valgus comprend l’usure des cartilages, et éventuellement de l’os sous-chondral sur une hauteur variable pouvant aller jusqu’à la formation d’une cupule du tibia recevant un condyle usé, lui aussi. Le valgus est initialement dû à une conformation constitutionnelle dont le fémur est habituellement responsable. Beaucoup d’auteurs parlent d’hypoplasie du condyle externe pour expliquer l’inclinaison de l’interligne du genou par rapport à l’axe anatomique du fémur (angle F supérieur à 90°). Mais le tibia est également souvent en valgus de quelques degrés. Certains auteurs parlent aussi d’une hypoplasie du condyle externe dans le plan antéro-postérieur dont il faudrait tenir compte, selon eux, pour réaliser les coupes osseuses et l’équilibrage ligamentaire en flexion. Outre la déformation en valgus, il existe parfois une rotation externe anormale du tibia par rapport au fémur, avec une usure en cupule se développant en avant et pérennisant cette rotation. La pénétration du condyle externe dans cette cupule située en avant favorise la rétraction des ligaments, sans oublier la subluxation externe de la rotule. Enfin, on assiste parfois à une distension des ligaments internes pouvant entraîner un bâillement interne à la marche. Plusieurs structures anatomiques sont rétractées. La bandelette ilio-tibiale, le ligament externe et le muscle poplité dont le tendon est proche du ligament externe, au point que l’on peut détacher ensemble leurs insertions osseuses lors de gestes de libération ou de retension. La bandelette de Maissiat, en continuité avec l’aileron rotulien externe, contribue à la constitution du valgus et à l’excentration de la rotule. Le complexe postéro-externe comprend aussi le ligament poplité arqué, la capsule postérieure. Le LCP peut être rétracté si le valgus lié à l’usure est important, et il est parfois difficile de le conserver quand on veut corriger totalement la déformation et ramener l’axe à sa position initiale, c’est-à-dire au valgus qui existait avant l’arthrose. La conservation du LCP est encore plus difficile si l’on veut ramener l’axe à 180°. C’est dans ces cas-là qu’il faut soit le sacrifier, soit le libérer. En principe, la rétraction liée à la déformation par usure est récupérable, mais la tension du LCP liée au valgus constitutionnel est invincible évidemment, sauf dans les limites de la distension plastique de tout ligament.

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La gonarthrose

Si on pose une prothèse en respectant le niveau de l’interligne articulaire, en faisant des coupes internes normales et sans épaissir le plateau tibial, on peut toujours conserver le LCP. Si le ligament interne n’est pas distendu, cela est simple, si le ligament interne est distendu, il faut le retendre. Au contraire, si l’on augmente l’épaisseur du plateau afin de compenser la laxité du ligament interne, on doit relâcher d’autant plus les formations externes et l’on va constater que le LCP est un obstacle à ce nouvel équilibre et l’on devra le sacrifier ou le relâcher (3, 57). On devra d’autant plus alourdir les gestes externes de libération que l’on sacrifiera le LCP, puisque l’espace à combler sera plus large. C’est le corollaire de l’option qui consiste à baser l’espace par rapport au ligament interne distendu, plutôt que par rapport au pivot central sain. Nous verrons qu’on n’augmente pas impunément l’espace. On pourra aboutir à des situations extrêmes où le ligament interne est tellement distendu que l’on devra épaissir le plateau polyéthylène de 1 cm ou plus. Mais c’est surtout dans les cas où il existe en plus une déformation osseuse extraarticulaire que le problème se pose de façon aiguë (séquelles d’ostéotomies avec valgus excessif et cals vicieux), problèmes que nous aborderons plus loin.

La voie antéro-interne classique C’est la voie utilisée par la majorité des auteurs pour la mise en place des prothèses du genou et il est tout à fait possible de mettre en place des prothèses sur des genoux en valgus, même dans des cas où la déformation est très importante (29, 31, 34, 50). Les éléments rétractés qui font l’objet de libérations sont le complexe postéroexterne, la bandelette ilio-tibiale, le LCP, parfois le vaste externe et le tendon du biceps. Ces libérations seront réalisées de l’intérieur vers l’extérieur. Le ligament externe et le poplité peuvent être détachés en sous-périosté pour laisser une attache proximale en continuité avec les éléments libérés. Nous préférons déplacer leur insertion commune avec un fragment osseux que l’on peut fixer plus bas avec une agrafe vissée. Burdin (8) réalise une véritable ostéotomie du condyle avec une fixation plus distale avec deux vis probablement plus solides que notre agrafe vissée. Ce geste se fait indifféremment par voie interne ou externe. L’inconvénient de la voie d’abord interne est que l’on a des difficultés pour accéder au point d’angle postéro-externe. Par contre, le fait de ne pas ouvrir la peau du côté externe garantit un recouvrement de la prothèse, mais la fermeture des éléments libérés est plus difficile que par une voie externe. L’abord interne a aussi l’avantage de permettre une plastie de chevauchement et raccourcissement de l’aileron interne, en cas de luxation externe de la rotule. Enfin, cette voie d’abord permet de faire ce geste fondamental qui est la re-tension du plan interne dans les grandes déformations. La chronologie de la libération, quand elle est réalisée par voie interne, est différente pour les principaux auteurs de la littérature. La plupart des auteurs commencent les libérations du côté fémoral, d’autres commencent par la bandelette ilio-tibiale sur le tibia. Pour Insall et al. (24), la libération suit l’ordre suivant : la capsule postéro-externe, le ligament externe, le ligament arqué et le tendon du poplité, puis la bandelette ilio-tibiale (en bas sur le Gerdy) et la cloison intermusculaire externe. Le LCP est sacrifié systématiquement. Insall insiste sur la libération de la bandelette ilio-tibiale proximale. Dans les grandes déformations, Insall libère le fémur très haut et prend le risque d’une certaine dévascularisation. Pour Krackow (29, 30, 31) et Hungerford (21), c’est d’abord la libération de la bandelette ilio-tibiale de Maissiat qu’il faut détacher du tubercule de Gerdy, en la laissant en continuité avec l’aponévrose jambière. Ensuite, on détache le ligament

Prothèses totales sur genu valgum

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externe, la capsule postéro-externe sur le condyle externe, le poplité et parfois le tendon du biceps. Ces structures sont allongées par des plasties en Z. Pour ces auteurs, le LCP peut être conservé. Healy (20), sectionne transversalement la bandelette ilio-tibiale et libère le poplité, mais il ne sectionne pas le ligament externe, ni le biceps, ni le jumeau externe en cas de flexum. Le LCP est conservé. Ranawatt (47), Krackow (29), Karachalios (26) et Whiteside (57) insistent sur la libération de l’aileron externe, la libération proximale de la bandelette ilio-tibiale et la libération du complexe arqué postéro-externe. L’allongement ou la section du vaste externe et du biceps sont réalisés en dernier. Pour Faris (15), la libération de la bandelette de Maissiat est suffisante dans 75 % des cas. Lorsque le valgus est supérieur à 15°, il détache le ligament externe et le tendon du poplité avec l’insertion osseuse qu’il déplace et il conserve le LCP. Il choisit de poser parfois une prothèse plus contrainte et coupe le LCP, et alors, il coupe purement et simplement le poplité et le ligament externe. Pour Whiteside (57), si la rétraction externe existe en flexion et en extension, ce qui est habituellement le cas (80 %), il faut libérer le ligament externe et le poplité, puis la bandelette ilio-tibiale et la capsule postérieure. Si la rétraction n’existe qu’en extension, la libération de la bandelette est suffisante. Lorsque la rétraction n’existe qu’en flexion, il libère seulement le ligament externe et rarement le poplité. Il garde le LCP. Pour notre part, dans les déformations majeures, nous réalisons un abord interne avec détachement de la tubérosité tibiale et luxation de la rotule en dehors qui est retournée en restant pédiculée sur l’aileron externe. On décolle en bloc le tendon rotulien en poursuivant jusqu’à la bandelette de Maissiat sur le tubercule de Gerdy que l’on détache et laisse en continuité avec l’aponévrose jambière (avec ou sans pastille osseuse).

La voie antéro-externe Pour Keblish (27, 28), la voie d’abord externe a l’avantage de permettre la libération externe en même temps que l’exposition, et elle améliore l’accès aux formations postéro-externes et préserve la vascularisation du côté interne. Keblish réalise une arthrotomie externe large en longeant le bord externe du quadriceps et contourne la rotule en laissant un cm d’aileron externe, puis il fait la libération de la bandelette ilio-tibiale longitudinalement à partir des attaches fémorales postérieures. L’exposition de la bandelette ilio-tibiale se fait en détachant toutes les attaches sur le fémur, sans la décoller des plans sous-cutanés. L’allongement de la bandelette ilio-tibiale est réalisé par une plastie en Z ou en V-Y ou par de multiples petites incisions en « croûte de tourte ». Ces incisions sont faites de l’intérieur vers l’extérieur, sans décoller la peau. Pour Keblish, la libération proximale de la bandelette ilio-tibiale a plusieurs avantages : en diminuant l’effet de corde d’arc et en procurant un début de correction du valgus, cela empêche la migration vers le haut de l’aponévrose antéro-externe du tibia après sa libération et cela permet de lui laisser une attache anatomique. On peut ainsi corriger des déformations en valgus de 10° à 15°, mais en cas de déformations plus importantes, ces incisions ne suffisent pas et il faut libérer complètement le tubercule de Gerdy. Dans les déformations de 30° et plus, il faut aussi envisager une libération du nerf péronier. En cas de déformation minime et réductible sous anesthésie, il n’est pas nécessaire de faire cette libération de la bandelette de Maissiat. Une longue incision le long du bord externe du quadriceps est donc réalisée avec contournement de la rotule en laissant un centimètre d’aileron externe. L’incision va de la jonction entre vaste externe et tendon quadricipital à travers 50 % du tendon, jusqu’à la rotule. À la partie haute, l’épaisseur de 6 à 10 mm du tendon quadricipital va permettre un dédoublement dans le sens horizontal au

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La gonarthrose

bistouri, depuis la tranche de section jusqu’au bord externe de la rotule, la partie profonde est détachée de la rotule et reste attachée aux plans profonds. Ainsi, le bord de la partie profonde pourra être suturé en fin d’intervention au bord libre de la partie superficielle, en réalisant une plastie de glissement permettant d’améliorer la couverture de la prothèse lors de la fermeture. À la partie basse, Keblish détache les fibres en sous-périosté depuis le Gerdy et relève, en même temps, l’aponévrose jambière et le coussinet adipeux, jusqu’à la tubérosité tibiale. Le tendon rotulien est ainsi renforcé par cette aponévrose jambière contiguë. La rotule est luxée en dedans. L’ostéotomie de la tubérosité tibiale de dehors en dedans est possible, et elle est réalisée par certains auteurs (21, 57, 60). Le genou est alors fléchi et la rotule est maintenue luxée en dedans par un écarteur. Le décollement externe, qui a pu débuter avant la luxation de la rotule sur le genou en extension, se poursuit sur le genou en flexion. On détache les fibres insérées sur le Gerdy en les laissant en continuité avec l’aponévrose jambière. Le décollement se fait au bistouri en restant contre l’os et en faisant le tour complet du tibia jusqu’au LCP, en préservant la continuité des fibres de la bandelette iliotibiale et de l’aponévrose jambière. Les ostéophytes sont réséqués et la capsule est libérée au fémur. Keblish (27) conseille de faire, dans des cas exceptionnels, une résection de la tête du péroné en préservant les fibres du ligament externe et du biceps. Il est parfois possible d’en rester là et d’obtenir l’alignement fémoro-tibial souhaité, sinon il faut passer à l’étape de la libération des attaches fémorales. La libération postéro-externe est alors réalisée, comprenant la libération du ligament externe, du poplité et de la capsule postéro-externe. Les insertions proximales du ligament externe et du poplité sont détachées en sous-périosté. Si cette voie d’abord rend plus facile l’accès aux éléments à allonger, elle rend par contre beaucoup plus difficile la préparation du compartiment interne du genou, même en mettant le tibia en rotation externe. Si, à ce stade, la libération n’est pas suffisante pour insérer un spacer rectangulaire de l’épaisseur voulue, Keblish (27, 28) coupe éventuellement le LCP. Il ne retend jamais les formations internes, d’ailleurs il ne le pourrait pas par cette