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Jean-Marc Allemand Pari-ieu SILO
RENÉ GUÉNON et les
Sept Tours du Diable
GuyTrédaniel Éditeur
Le présent livre n’est ni une compilation, ni une nouvelle biographie sur René Guénon. L’auteur, dans une analyse minutieuse, situe géographiquement les sept tours du diable qui, selon Guénon, sont les centres de projection des influences sataniques à travers le monde. Les résultats funestes de leur action, tant en Orient qu’en Occident, sont inexorablement liés au déroulement de l’actuel Age sombre. _ _ Cette étude nous donne aussi d’intéressantes précisions sur les incessantes attaques de toutes sortes que René Guénon le « Serviteur de I’Unique » eut à constater et contre lesquelles il opposa tout au long de son existence une parfaite rectitude et une orientation inébranlable.
RENÉ GUÉNON ET LES SEPT TOURS DU DIABLE © Éditions de la Maisnie, 1990
Tous droits de traduction, adaptation et reproduction réservés pour tous pays
ISBN : 2-85707-347-X JEAN-MARC ALLEMAND
RENÉ GUÉNON ET I FS
SEPT TOURS DU DIABLE
GUY TRÉDANIEL ÉDITEUR
76, rue Claude-Bernard 75005 Paris
AVANT-PROPOS
Notre intention en écrivant ce livre n’est pas d’ajouter une quelconque biographie sur René Guénon, ou de satisfaire à un exercice de style mondain. Par ailleurs nous ne souhaitons aucunement participer à de futiles discussions ou à nous immiscer dans des querelles de tel ou tel clan. Il semblerait inutile de rappeler que pour toute étude envisagée de façon traditionnelle, l’apport enrichissant et providentiel de l’Œuvre se révèle indispensable. Elle est aussi un guide précieux pour toute approche du monde de la Tradition. La sagesse qui en émane est significative quant à la fonction de celui qui en fut le transmetteur, et ce de la manière la plus judicieuse et de la façon la plus impeccable par rapport aux limitations inhérentes de l’expression humaine. Au vu de la source d’où provient l’Œuvre, nous constatons que celle-ci comporte à la fois de nombreuses « clefs » ainsi que de multiples degrés de compréhension ; ceux-ci constituant de lumineux points de répère. Si René Guénon fut un témoin de la Tradition, il ne faut pas oublier qu’il eut comme attributs de sa mission ceux d’un « précurseur et d’un avertisseur ». Ceci n’étant pas sans rapport quant aux incessantes attaques de toute sorte, qu’il eut à constater et contre lesquelles il opposa tout au long de son existence une parfaite rectitude et une orientation inébranlable. Le serviteur de l’Unique et plus particulièrement la bénédiction qui jaillit de l’Œuvre projette une telle lumière que celle-ci depuis son apparition semble insupportable aux « aveugles » sarcastiques et inconscients ainsi qu’aux « borgnes » conscients et de foi mauvaise. En ce qui concerne notre étude sur la contre-initiation ce n’est nullement dans un but de curiosité que nous avons été amenés à effectuer nos recherches, ni pour satisfaire à un
certain goût de sensationnel. Le but de notre ouvrage a été d’abord de rester le plus fidèle à l’enseignement de René Guénon sans avoir aucunement l’inconvenance de vouloir y suppléer. Nous avons exclu de notre travail toute présentation « érudite » et par là même pompeuse et rébarbative. Nous avons seulement signalé, et ce uniquement à l’usage de ceux qui s’y intéressent véritablement, certains faits, ignorés ou cachés, voire déformés par l’histoire officielle. Ces faits bien évidemment n’ayant qu’une importance toute relative, sans leur correspondance symbolique, seule valable du point de vue traditionnel.
Quelques Eclaircissements Il convient tout d’abord d’apporter certaines précisions quant aux natures respectives de la pseudo-initiation et de la contreinitiation les deux s’enchevêtrant dans de multiples ramifications. Comme le désordre actuel est à la fois une sinistre farce et une Grande Parodie, nous pensons que l’exemple d’un « spectacle » semble le mieux approprié pour cette comédie infra-humaine. Nous pouvons accorder à la pseudo-initiation un aspect théâtral dans le fait de remettre au « goût du jour » des traditions éteintes à l’aide de soi-disant cérémonies naturalistes et païennes. Tout ceci n’amenant à rien, sinon pour les adhérents et les participants au plaisir de s’affubler de tenues plus ou moins exotiques et de parader avec de jolis diplômes ou de rutilants « bijoux rituels ». Ce genre d’exhibition pourrait prêter à sourire si il ne servait de couverture ou d’écran de fumée au milieu des figurants dociles au rôle dévastateur des acteurs (agents) de la contreinitiation et de leur permettre de répandre les influences psychiques inférieures amenant le « rêve moderne » à se
transformer en véritable cauchemar. Ces acteurs plus ou moins illusionnés eux-aussi se trouvant inclus dans une contre-hiérarchie, véritable « spiritualité à rebours ». La dernière phase de l’acte final se terminant par la brève apparition du « Grand Instigateur et Imposteur » tout à la fois. Il serait par ailleurs ridicule et vain de s’enfermer une fois pour toutes dans le paradoxe dualiste d’une soi-disant opposition entre « bien et mal » ou de se livrer à de futiles et angoissantes spéculations eschatologiques. Si les conditions de l’« Existence Corporelle » sont soumises et corrélatives aux lois cycliques, il ne faudrait pas oublier pourquoi et en vue de quoi l’homme a été créé. En vertu de l’analogie du macrocosme et du microcosme, l’Homme, en tant que tel, peut être considéré comme un miroir reflétant les attributs divins, en tant que plan de réflexion. Ceci est clairement relaté dans le Coran (XV, 29) : « Dès que je lui aurai donné sa forme parfaite et que j’aurai soufflé en lui Mon Esprit. » Outre ce rôle « Axial » il est attribué à l’Adam Primordial une fonction de lieutenance divine, et pour l’accomplissement de cette mission, il lui est donné la connaissance du « nom » (essence) de tous les « habitants » de la Création en vertu du pacte conclu avec son Seigneur. Ce pacte correspondant au respect de la Volonté Divine sous ses trois formes : l’ordre, la défense et la permission ». Il consiste pour Adam à se conformer à « l’Essence Divine » et par là même de jouir des bienfaits du Paradis. La Genèse nous indique que le seul interdit est pour Adam de manger les fruits de la connaissance du Bien et du Mal. Adam abusé par Satan, trahira son pacte et ce sera le début de sa chute qui rompra l’harmonie cosmique. N’étant pas un « robot » Adam n’est pas laissé dans l’ignorance de l’arbre et de ses fruits, il est même prévenu de ce qui peut résulter de son maniement « S’il en mange, il en mourra ». La perte de sa position privilégiée sera un malheur pour lui. D’autre part son acte n’ajoutera ni ne retranchera rien
à la Puissance Divine, Coran (CX, 44) : « Dieu ne lèse en rien les hommes, ce sont les hommes qui se lèsent eux-mêmes. » , Adam mangeant les fruits passait de l’unicité de l’existence c’est-à-dire de l’immuable au contingent. Il sombrait dans la multiplicité, de « rapproché » il devenait « éloigné ». L’origine de la contre-initiation est d’origine non-humaine comme il est dit et ce sans équivoque dans le Coran (II, 34) : * « Lorsque nous avons dit aux anges Prosternez-vous devant Adam, ils se prosternèrent à l’exception d’Iblis (Satan) qui refusa et qui s’enorgueillit ». • D’autre part il est bon de rappeler que les anges correspondent à des « états d’existence » supra-humains. Répercution immédiate de sa rébellion, Satan est déchu et entraîne Adam dans sa chute, lui assurant que les fruits de l’arbre le rendront égal à Dieu. Satan, pourrait-on dire, contamine Adam le faisant passer du théocentrisme pour l’entraîner dans un égocentrisme toujours plus borné et destructeur. Cette souillure devra être ôtée par l’épuisement des possibilités inférieures au début du processus initiatique à savoir « la descente aux enfers ». * Expulsé du Paradis où régnait la paix, l’homme sera éprouvé quant à la pureté de sa Foi et de son intention sincère à réintégrer sa patrie perdue. La maîtrise de ses passions qui est en même temps un affranchissement vis-à-vis de ses démons, s’acquiert par les luttes et les victoires au cours de la guerre intérieure, appelée en Islam la « Grande Guerre Sainte ». * Pour « l’Aspirant » le commencement de toute « Réalisation Spirituelle » est indissociable de l’Initiation. Celle-ci est l’entrée dans la « Voie » par l’intermédiaire d’une organisation régulière, sous la conduite d’un maître véritable dûment autorisé et qualifié. Cette aide providentielle est indispensable, ceux qui refusent un maître parlent et abusent de ce mot dans un sens détourné. La notion de maître véritable, même s’ils en ont un vague aperçu, leur semble intolérable. Il s’agit dans tout cela de faux-fuyants et de se recouvrir d’un vernis intellectuel que celui-ci prenne l’aspect d’un anarchisme
mondain ou de vaniteux cercles « occultistes ». Nous rappellerons respectivement aux « Tigres de Papier » que la « masse » écrase et aux autres que le corrosif dissout. Tout ceci ne formant au fond que quelques facettes de la pseudo-liberté laïque tant vantée. Ces facettes nous faisant penser à des mouches agitées qui si elles peuvent voler n’en sont pas moins prisonnières de leur globe de verre déformant. La seule liberté à laquelle doit tendre tout être normal ne peut être que la liberté métaphysique. Le reste n’est qu’un fumeux carcan de bouffonnerie, de sectarisme ou de sentimentalisme spiritualiste ; une vie bien ordinaire passée à polir des briques en espérant en faire des miroirs. Refuser un véritable maître c’est se laisser abuser par les mirages et s’éloigner d’une source bénéfique. C’est errer dans le désert des passions et refuser une oasis de paix. • D’où le calme intérieur qu’éprouvent les disciples en présence d’un véritable maître. La voie initiatique étant une traversée dangereuse il est heureux et providentiel de pouvoir profiter de l’expérience de celui qui nous a précédés et l’a vécue. (L’on peut voir qu’il ne s’agit en aucune façon de verbiages spéculatifs ou littérophilosophiques.) En l’occurrence, il serait absurde et illusoire de ne pas vouloir marcher sur les traces du « Maître » \ C’est pourquoi, il est compréhensible que le disciple doit être d’une obéissance absolue. En son maître le disciple vénère aussi tous les maîtres de cette lignée, dépositaires du « Trésor initiatique » et forment par là même la chaîne par laquelle s’effectue la transmission des influences spirituelles. Il s’agira donc de parcourir les différentes étapes ou « stations » qui impliquent à divers degrés une purification de plus en plus intérieure, source de dévoilements progressifs. De l’Unité donc, l’homme passait à la dualité, d’Androgyne Primordial il sombrait dans la multiplicité. Au juste équilibre se substituaient les oscillations du désordre. De par cette dualité, l’être parfait devenait en « balance »
entre les notions de « Bien et de Mal ». C’est pourquoi cette instabilité permanente est un fléau. Le fléau ne dépendant pas moins du Principe et, de ce fait, se trouve inclus dans l’ordre total. Dans la balance le Principe est figuré par la colonne, celle-ci pouvant se transformer en glaive de justice lors de la guerre sainte. Il s’agira alors de rétablir l’équilibre entre les deux plateaux (yin et yang). Cette dualité apparente s’exprimera dans l’homme à la fois par un aspect lumineux ou ténébreux. Selon ses attributions ou sa nature, l'homme s’orientera par le lumineux vers le spirituel et par le ténébreux (se mirant dans son propre reflet) sera soumis à l’influence « satanique ». Il est bien évident puisqu’il ne domine pas ses passions, ce sont ses passions qui le dominent. Nous pouvons déterminer ceci par le ternaire suivant : — ceux qui se soumettent de leur gré à la « Divine Comédie », — ceux qui sont plus ou moins conscients mais qui refusent de se soumettre (mais qui n’échappent pas de toute façon à leur prédestination). Coran (II, 65) : « Soyez des singes abjects ». — la multitude représentant la masse maléable et hypnotisée totalement inconsciente : « Peu importe que tu les avertisses ou que tu ne les avertisses pas, ils ne croiront pas. » Ce que le Coran affirme aussi. Si l’on a taxé de naïveté les peuples non encore contaminés par les « bienfaits de la civilisation moderne », il est d’une singulière hypocrisie de désigner en un « apport enrichissant » la propagation de la grossière stupidité et de la bêtise institutionnalisée2. Tout ceci ne figurant encore que les tréteaux où ceux qui blasphèment tant ne font que se vautrer devant leurs « idoles » de toutes sortes \ Qu’elles le veuillent ou non les marionnettes sont tenues d’abord par une corde centrale les rattachant au Principe, seulement elles sont tiraillées en tous sens par des fils bien souvent invisibles mais qui semblent plus solides que des barreaux de prison pour l’être qui veut échapper à ces toiles
d’araignées tissées, pourrait-on dire, par les « maîtres ès psychisme ». Leur fonction est de détourner l’homme de plus en plus loin de ce pourquoi il a été créé (mouvement centrifuge). Vu leurs pouvoirs psychiques, ils ne peuvent avoir véritablement prise que sur des apparences d’hommes suggestionnés et mécanisés. Ces sinistres personnages sont désignés en Islam comme les awliyâ es-Shaytân, les saints de Satan et Guénon nous précise : « Dans l’ésotérisme islamique, il est dit que celui qui se présente à une certaine porte sans y être parvenu par une voie normale et légitime, voit cette porte se fermer devant lui, est obligé de retourner en arrière, non pas cependant comme un simple profane ce qui est désormais impossible mais comme sâher (sorcier ou magicien opérant dans le domaine des possibilités subtiles d’ordre inférieur)4 ». Cette intention de transformer les êtres humains en cadavres psychiques est une caricature des “Petits Mystères”. Quant aux Grands Mystères étant au-delà de l’état humain, ils sembleraient, malgré tout être inhumainement parodiés par la contre-initiation, par d’infâmes manipulations génétiques ou par des “robots” à l’intelligence artificielle ce qui est encore une marque des “artifices” de leur ténébreux inspirateur. Tout ceci ne pouvant amener qu’à une grotesque imitation de la « délivrance finale », mais qui ne peut aboutir qu’à une anihilation totale. D’autre part, vouloir faire descendre l’homme de l’animal n’est-ce pas une profession de foi à rebours déguisée sous le masque scientifique ?... Les fameuses découvertes paléonthologiques n’étant que fumisteries et les théories évolutionnistes de retentissantes « singeries ». Satan n’est-il pas le singe de Dieu ? Les savants d’un savoir « ignorant », consécutivement, prennent de plus en plus d’importance du haut de leur estrade moraliste et sécurisante. Ils n’ont d’ailleurs pas besoin de cacher l’aspect ténébreux qu’ils représentent puisque l’écran de fumée leur est fourni par les hypnotisés qui les encensent. Se substituant aux authentiques sages, ils jettent çà et là en pâture
aux foules extasiées de prétendus reflets d’immortalité 6. Ignorant ou niant sa fonction originelle, l’homme moderne n’est que le produit exacerbé d’une longue dégénérescence. L’arbre maudit abritait, comme nous pouvons le constater, des fruits au goût fort amer. D’une lieutenance divine l’homme moderne est devenu un tyran. De par son inspiration et son action démoniaque, il propage dans ce monde et ce dans tous les règnes : « animal, végétal ou minéral » une immense souillure et ce, dans un saccage frénétique et permanent1. Toutes ces charmantes choses devant nous conduire vers le bonheur de « l’Ere du Verseau » et d’un certain Age d’Or, bercés par les phantasmes de la science-fiction... Amassant sans répit l’or du diable, l’homme moderne aveuglé et fasciné s’apercevra peut-être mais un peu tard, que cet or se transforme toujours en cendres. Nous pouvons remarquer la « griffe » de la contre-initiation et l’action de ses séides à certains moments sombres de l’histoire. Pour développer ce point, nous attirerons l’attention sur la destruction de l’Ordre du Temple (destruction qui n’atteignit que sa représentation terrestre) par l’action conjuguée de Philippe Le Bel et de Guillaume de Nogaret. Le roi Philippe Le Bel est habituellement désigné comme précurseur voire comme le modèle d’un chef d’Etat entouré de ses conseillers laïques. Le Moyen Age le jugera comme altérateur, et ce à plusieurs reprises, des monnaies 8. C’est pour ce motif, entre autres, qu’il provoquera des désordres et des émeutes. C’est lors de l’une d’elles qu’il se réfugia dans l’enceinte du Temple, à Paris, ce qui lui sauvera la vie. Il demandera son admission dans l’Ordre, à titre honoraire, ce qui lui fut refusé au vu de ses « fâcheux » antécédents, alors qu’elle avait été accordée à un pape (Innocent III) et à plusieurs souverains. Le but et à la fois l’ambition de Philippe Le Bel n’en aurait pas moins été de devenir « Grand Maître » et de s’attribuer les possessions templières. Cet échec cuisant facilita l’emprise de Guillaume de Nogaret sur le roi. Nogaret est présenté laconiquement et évasivement sous les traits d’un haut fonctionnaire, d’un juriste réputé,
affublé de la panoplie du bon serviteur du juste Etat laïque... Après ces appréciations « officialisées », il nous reste à montrer l’action antitraditionnelle et « satanique » exercée par Nogaret qui fut du moins à un certain niveau fort conscient de son rôle. Il ne cessa d’œuvrer uniquement dans le but de détruire l’Ordre et ce bien avant l’épisode du « refus » concernant Philippe Le Bel. Il avait, et ce depuis plusieurs années, essayé d’obtenir la condamnation de l’Ordre à l’aide de documents tronqués et de témoignages douteux, auprès de Clément V, sans résultat d’ailleurs. Nogaret était excommunié depuis ses calomnies et ses violences envers le pape Boniface VIII. Il commença son action pernicieuse avec l’aide d’accusations d’un certain Esquin de Floyran, ancien templier, jugé indigne de ses fonctions de commandeur et exclu de l’Ordre. C’est encore Nogaret qui insista lui-même pour arrêter en personne Jacques de Molay. La suite est connue. Les Templiers furent torturés par les soins de la justice laïque qui s’empressa de recueillir une longue liste d’aveux spontanés ! Tous les interrogatoires furent réécrits, déformés, les phrases dérangeantes isolées de leur contexte. La marque sinistre de Nogaret est un « modèle » d’inversion en fondant l’accusation sur les motifs. « D’hérésie, de blasphème, de sodomie et de magie noire ! ! ! Contre ceux que saint Bernard désignait comme menant la guerre par les forces de l’Esprit contre les vices et les démons. »9 La tragédie s’achèvera par le supplice du dignitaire Geoffrey de Charnay et du Grand Maître Jacques de Molay. Ce dernier assignant alors le pape Clément10 et le roi Philippe à comparaître devant le tribunal de Dieu. Ceux-ci moururent respectivement le 20 avril et le 29 novembre de la même année. D’après Guénon, c’est au début du xiv* siècle qu’il faut faire remonter en réalité la rupture du monde occidental avec sa propre tradition, rupture marquée par la destruction de l’Ordre du Temple u, celui-ci constituant par ailleurs un lien entre l’Orient et l’Occident. Néanmoins, et ce par la « présence » de Guénon, une
revivification put être tentée lors de la création de l’Ordre du Temple Rénové. Cette tentative s’achevant par la fermeture de l’O.T.R. Certains, et en fait toujours les mêmes, ont taxé cette tentative « de séances spirites », ce qui ne manque pas d’une singulière et malveillante imagination. Lorsque l’on sait qu’ils sont les doctrinaires et les propagateurs avoués de ce que Guénon a justement dénoncé et qui englobe pour le moins le « spiritualisme » et ses ombres. Leur production littéraire, outre les inévitables attaques de toute sorte contre Guénon et son œuvre, est éloquente : de l’apologie de l’Ordre des Templiers d’Orient du mage noir Aleister Crowley et de ses succédanés, du Mesmerisme, de fiction historique infamante sur l’Ordre du Temple sans omettre bien entendu le Grand Monarque et l’Ere du Verseau u. Curieusement le point de convergence s’avère toujours être le dieu Set. Toutes ces élucubrations chaotiques ont le seul mérite de rendre d’autant plus appréciable et irremplaçable l’œuvre guénonienne. NOTES
1. Le maître est en même temps un pont, un support pour la traversée. Marcher sur les pas du maître c’est éviter de « s’enliser » dans le bourbierpsychique. 2. L’exemple des peuples d’Amérique du Nord. Si les colons imprégnés d’un littéralisme biblique croyaient retrouver sur ce continent le Paradis Terrestre, ils y apportaient l’Enfer. Ne laissant à leurs victimes que le choix d’une mort rapide au combat ou celui d’une lente agonie dans des réserves. La seule échappatoire pour l’Indien étant de devenir « civilisé » en s’occidentalisant et surtout en n’accomplissant plus les rites. 3. Si les ironistes sont nombreux à se gausser de ceux qui s’inclinent en direction de la Maison Sacrée, nous sommes en droit de pouvoir sourire de ceux qui préfèrent le walkman au rosaire, adorent leur écran de télévision, et où le seul voyage céleste qu’ils connaissent s’effectue au moyen d’avions ou de fusées. 4. René Guénon : Le règne de la quantité et les signes des temps, chapitre XXXVIII. 5. Nous ajouterons simplement que « l’homme de Piltdown », prétendu chaînon manquant entre le singe et l’homme fut fabriqué de toutes pièces par Conan Doyle (également apologiste du spiritisme). De plus, dans son livre «
Le Monde Perdu », ouvrage de fiction, il y annonçait cette découverte. Incidemment, Teilhard de Chardin prit une part active aux fouilles... 6. Signalons l’attribution à des réacteurs nucléaires de noms tels qu’Osiris ou de Super Phénix. L’emploi des termes daïmon et djinn en informatique. L’apparition, notamment en Grèce, sur les nouvelles cartes d’identité informatisées du nombre 666 (sous son aspect maléfique bien entendu). 7. Dans la tradition islamique, selon un hadith Qudsi, Allâh qu’il soit glorifié et magnifié a dit : « O fils d’Adam, Je t’ai créé pour Moi, et J’ai créé les choses pour toi. Ne corromps donc pas ce que J’ai créé pour Moi, parce que J’ai créé pour toi ». 8. René Guénon : Le règne de la quantité et les signes des temps, chapitre XVI, et Autorité Spirituelle et Pouvoir Temporel, chapitre VII, Editions Véga. —Jusqu’à la venue au pouvoir de Philippe Le Bel, le trésor royal se trouvait sous la sauvegarde du Temple. Le trésorier de l’Ordre portait le titre de trésorier du Roi et du Temple. —Sous l’Ancien Régime, de Charlemagne à Louis XVI, la valeur de la livre resta inchangée. —En Angleterre, sous le règne d’Henri VIII, furent fondus, pour contribuer à augmenter le trésor royal, de nombreux objets de culte en argent et en or, datant du Moyen Age. Parallèlement tout ce qui restait d’orfèvrerie de la même époque en France disparut pratiquement lors des fusions considérables d’argenterie ordonnées par Louis XIV pour rembourser les dettes de ses campagnes. La quasi-destruction et disparition des pièces restantes s’opérant pendant la Révolution. 9. Saint Bernard : Homélie « Louange à la nouvelle chevalerie ». 10. Clément V (appelé par Dante « Pasteur parjuré de plus laide œuvre »). Outre son rôle inexcusable vis-à-vis de sa fonction, ceci expliquant cela, il se verra concéder par le roi les dîmes du royaume pendant cinq ans. (Il n’en profita guère !) 11. Le fief patrimonial du premier Grand Maître de l’Ordre du Temple Hugues de Payns était Payns en Champagne, dans la forêt d’Orient !.. — L’Occident se divisait en neuf provinces : France, Portugal, Castille et Léon, Aragon, Majorque, Allemagne, Italie, Pouille et Sicile, Angleterre et Irlande. L’étroite correspondance entre le Temple et le Roi du Monde se trouve affirmée . A ce propos voir le chapitre XVI de la Grande Triade, Gallimard. 12. Nous reviendrons en détail sur ce point dans les chapitres suivants.
LES TOURS DU DIABLE
Dans un compte-rendu du livre de W.S. Seabrook « Aventures en Arabie », Guénon parlant des sept tours du Diable, centres de projection des influences sataniques à travers le monde précisait par rapport à l’auteur qui décrit une de ces tours « que celle-ci peut être le support tangible et localisé d’un des centres de la contre-initiation
auxquels président les awliya-es-Shaytân et ceux-ci par la constitution de ces sept centres prétendent s’opposer à l’influence des sept Aqtâb 1 ou pôles terrestres subordonnés au “Pôle Suprême”, bien que cette opposition ne puisse d’ailleurs être qu’illusoire, le domaine spirituel étant nécessairement fermé à la contre- initiation. » D’autres sources font clairement mention de ces Tours. Notamment Dante dans la Divine Comédie (Enfer XXXI, 43, 46) assimilant le corps des Géants aux tours. Catherine Emmerich, dont nous citons un passage significatif extrait des « Mystères de l’Ancienne Alliance » fait aussi allusion aux Géants, descendants de Tubalcaïn, lui-même fils de Caïn. « J’ai vu beaucoup de choses sur ce peuple de Géants. Ils se livraient à la sorcellerie.... Ils se construisaient de grosses tours rondes en pierre semblable à du mica, au pied desquelles s’adossaient des constructions plus petites qui conduisaient à de vastes cavernes. Ils montaient au sommet de ces tours pour observer le lointain à travers des tubes. Ce n’était pas comme Emplacement des Tours. Les Tours reliées entre elles nous donnent la figure parodique de la « Grande Ourse ». avec des télescopes/ mais par un procédé satanique. Ils voyaient où se situaient les autres contrées et s’y rendaient, détruisaient tout, libérant tout, en abolissant toutes lois. »2 Selon la tradition nordique, Loki (équivalent du dieu Set) a un mystérieux observatoire au sommet d’une montagne. Nous reviendrons en détail sur les chroniques et les légendes ayant trait aux géants et ce dans des pays éloignés les uns des autres ; au cours de chapitres ultérieurs 3. Avant de situer et d’expliquer la localisation de ces tours matérialisant dès l’origine la révolte des Géants Kshatriyas en rébellion contre l’Autorité Spirituelle, il convient tout d’abord • de rappeler que l’Age d’or est l’âge de l’Adam Primordial, celui de la supracaste Hamsa, composée d’êtres totalement soumis au Principe. Cet âge laissant un souvenir ineffable de paix et de bonheur. Lui succède l’âge d’argent ‘qui comporte un degré d’éloignement par rapport au Principe. La caste unique et
primordiale se scinde en quatre. Le nombre quatre symbolise le développement complet de la manifestation. Nous retrouvons donc ce nombre dans l’ordonnance d’une société traditionnelle (comme l’établissement d’une ville) et plus particulièrement dans le système des castes tel qu’en Inde, que connaîtra le Moyen Age occidental. — caste sacerdotale (Brâhmanes) ; guerrière (Kshatriyas) ; la caste des Vaishyas (aux fonctions économiques, commerciales et financières) et les serfs (Shûdras). Les castes forment un cube, ou un carré dans le sens d’une parfaite stabilisation. Un ensemble clos, non pas pétrifié, ni solidifié, mais protégé et orienté vers le Ciel. La déstabilisation prenant forme par la rupture d’un des côtés. Cette dernière résultant de la révolte de la deuxième caste, royale, vis-à-vis de la première, sacerdotale. Celle-ci tenant directement son autorité du Principe, retransmettant les influences spirituelles, vivifiant et légitimant par là même le pouvoir temporel. Lors d’une approche superficielle l’on pourrait souscrire à une dualité, avec prédominances, alternances et rivalités successives entre ces deux castes. Cette façon d’envisager toute chose sous un aspect d’hostilité et d’opposition, laisse la place seule à l’aspect négateur. Si les faits, au premier abord, semblent devoir donner raison à la méthode historico-profane, il ne s’agira à chaque fois que de constatations s’appuyant sur de fausses bases. Les deux castes sacerdotale et royale dérivent du Principe, chacune représentant l’un des aspects de celui-ci. Pour que s’établisse l’harmonie, il faut non la dualité mais la complémentarité. La hiérarchie divine présupposant une préséance divine, la caste sacerdotale (passive vis-à-vis du Principe) est active (mâle) vis-à-vis de l’autorité royale. C’est ainsi qu’en Inde lors du sacre du roi, le brâhmane prononce la formule rituelle « Je suis Cela, tu es Ceci, je suis le Ciel, tu es la Terre » (Aitareya Brâhmana VIII, 27). Tout refus de la hiérarchie céleste entraîne pour ceux qui le provoquent un châtiment. L’éloignement devient une dégradation, malgré des illusions exaltées et passagères. La caste usurpatrice se
trouve régressée, absorbée voire détruite par la classe en dessous d’elle. Des Kshatriyas fort conscients de leur rôle, feront preuve de leur véritable aristocratie et de leur noblesse de caractère. En toute lucidité, ils seront les précieux auxiliaires de la caste sacerdotale, et en complète harmonie seront soucieux avant tout de rétablir l’Ordre divin et par là même l’équilibre, si précaire soit-il en ce monde. Le souvenir d’un règne au point de vue traditionnel est de constater son aspect positif, celui du bonheur et de la prospérité ; ou négatif de la désolation et de la misère. Nous illustrerons notre propos par les exemples suivants, démontrant l’unité des formes royales de gouvernement traditionnel. Pour les Celtes, le roi est garant du bonheur de son peuple, son règne doit, entre autres, amener la fructification du sol. Un roi sera déposé si l’herbe ne pousse pas, les arbres sont sans feuilles et les épis sans grain. Tout roi injuste s’attire la malédiction, l’absence de récolte entraîne la famine, puis les épidémies. Dans chaque tribu, c’est le druide qui assume la justice. Dion Chrysostome, Oratio XLIX, souligne même que les rois ne pouvaient prendre aucune décision sans les druides, et ce sont eux qui avaient le pouvoir réel,' en fait sur les trônes d’or de leurs admirables palais, les rois sont les serviteurs des druides » 4. Au Pays de Galles lors de l’intronisation, le grand druide récitait au roi quelques vers l’invitant à bien régner afin qu’aucune famine ne détruise le peuple, Un Carolingien, Carloman, s’exprimera ainsi dans son capitulaire du 21 avril 742 : « Au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, Je Carloman, duc et prince des Francs, sur le conseil des serviteurs de Dieu et de mes Grands ai réuni les évêques et les prêtres qui sont de mon royaume pour qu’ils me donnent conseil sur le moyen de restaurer la loi de Dieu et de l’Eglise, corrompus au temps des princes antérieurs, afin que le peuple chrétien pour assurer le salut de son âme ne se laisse pas entraîner à sa perte par de faux prêtres. »
Sous les Carolingiens, les actes royaux commencent toujours par les formules telles « Roi par la grâce de Dieu » « Avec l’aide du Seigneur, qui a placé sur le trône... » « La divine Providence nous ayant oint pour le trône royal » « Notre élévation au trône ayant été faite entièrement à l’aide du Seigneur » 5. Ainsi Charlemagne, prit comme modèle Josias qui fit aux impies une guerre acharnée et s’employa sans relâche à rétablir partout en Israël le culte du vrai Dieu. Il n’ignorera pas non plus le but ultime de sa mission ainsi qu’en témoigne le début de son admonition générale : « Que la paix, la concorde et l’unanimité régnent entre tout le peuple chrétien et les évêques, les abbés, les comtes et nos autres représentants ; entre tous grands et petits, car sans la paix on ne saurait plaire à Dieu. » 7 En cas de famine ou de calamité publique, il ordonne des prières expiatoires, des jeûnes et des pénitences. Lors des s victoires sont célébrées les actions de grâces. Tout désastre ou toute catastrophe provient d’une transgression de la loi divine. ' Le châtiment est le résultat de l’impiété. A Byzance, l’empereur dont la désignation première revient à l’armée doit se rendre ensuite à Sainte-Sophie. Il dépose sa couronne sur l’autel, ce n’est qu’après l’onction impériale et après avoir été ceint de la même couronne par le Patriarche, que l’empereur (le basiléus) est légitimé. De ce fait c’est du Christ luimême que l’empereur tient son pouvoir. Lors de la messe de son investiture il est conduit à l’autel et y reçoit un ordre ecclésiastique mineur, avant la communion, en costume de sous-diacre il encence l’autel, puis communie avec les prêtres. Les autorités laïques sont placés sous la surveillance de l’Eglise. Celle-ci par l’intermédiaire de ses évêques interviendra et ce de nombreuses fois, de façon fort efficace, afin de faire cesser les actes arbitraires des autorités laïques (abus de pouvoir, malversation, tyrannie). Nous terminerons cette longue mais nécessaire parenthèse par la Chevalerie. Avant l’adoubement le futur chevalier déposait son glaive sur l’autel, des prières accompagnaient ce geste. Des prières
spéciales sont donc récitées pour l’épée, il en va de même pour chaque arme et insigne : bannière, lance, bouclier, à la seule exception des éperons dont la remise s’effectuera par un membre de la caste « guerrière ». Sous saint Louis, ajouté au rôle consécrateur du prêtre, ce dernier donnera aussi la paumée 9. Après ces quelques aperçus sur les fonctions royales et impériales, revenons maintenant aux centres de la contre- initiation. Nous avons vu l’assimilation des Tours aux Géants. Les Géants caractérisent la révolte des Kshatriyas. Le terme de géant peut s’appliquer à eux à cause de la grande taille. Ceci correspondant à la réalité de cette époque. (N’oublions pas que l’ambiance terrestre est sujette à des changements.) Les existences des personnages bibliques, aussi longues soientelles, sont exactes, ceci n’excluant en aucune façon le sens symbolique. Plus l’éloignement devient manifeste, et tout s’accélère et parallèlement tout diminue pourrait-on dire, le temps dévore l’espace. Ce qui nous intéresse présentement est la correspondance symbolique. La révolte elle-même se scinde en deux courants : le premier ne nie pas le « Ciel » mais veut se l’accaparer, c’est une tentative d’usurpation. Dans le second, la rupture est radicale, coupure d’avec le « Ciel ». S’il se présente avec des substitutions (idolâtries, cultes dégénérés) il tend ensuite vers la négation ; monde profane et profanateur. Même s’il se cache dans les œuvres de Nietzche ou sous les aspects d’un savant chétif, c’est la déification du Surhomme. L’homme profane se veut non plus régent mais maître de la Création. L’homme s’adore lui-même. C’est l’inversion de sa fonction originelle. Niant ou ignorant sa fonction légitime, il s’enferme dans un monde étouffant et banal. Coupé du courant, du flot des influences spirituelles, il est emprisonné dans une mare matérialiste toujours plus nauséeuse, s’enlisant de plus en plus sous une morale trompeuse il arrive à transformer la terre en un bourbier inhumain. Cette agitation de plus en plus grande du monde moderne est faite des allers-retours incessants contre les parois inextricables de la Grande Horizontalité. Cette Grande Horizontalité fermant malheureusement les limites que veulent offrir aux masses affolées les « bienfaiteurs de l’humanité », guides aveugles dirigeant les aveugles.
Détenteurs du savoir ignorant et encyclopédiste, ils semblent eux-mêmes avoir de plus en plus de mal à supporter leur « raison » en visant à la remplacer par une intelligence artificielle. Aux deux extrêmes, nous trouvons le gigantisme et la miniaturisation. Le gigantisme dans la construction ou dans le machinisme. On ne se contente plus d’asservir la nature, il s’agit de l’humilier ; l’homme déifié, produisant une surnature, le terme contre-nature serait plus exact. Mais que vienne à passer sur ces créations humaines une tempête, nous entendons des pleurs et des grincements de dents. Sans savoir vraiment pourquoi, l’on crie à l’injustice, et sous un cocon moralisateur l’on se prépare à un nouvel assaut prométhéen. L’homme moderne s’auto-tyrannise, soucieux d’asservir plutôt que de libérer, il lui faut tout contrôler, tout disséquer, tout analyser. Cette volonté de tout réduire par la miniaturisation ou de tout subordonner à pas de géants. De gigantesques appareils ne serventils pas aux « explorations scientifiques » des soi-disant derniers secrets de la matière. Ce monde humain, plutôt inhumain, de prétendus libérés, n’a jamais été aussi pesant, écrasant, difforme et rétréci. Les illusions d’évasion que prennent les voyages expéditions ou les exploits sportifs jusqu’au voyage « inter-galactique » ont vite fait de faire ressortir leur aspect stérile et grotesque. Si au départ, un bateau est en plomb, on pourra toujours essayer de le faire naviguer sur toutes les mers du Globe. Les modes de vie représentés par l’Américanisme ou le Bolchevisme s’abreuvant en fait à la même fosse. Des cycles ont précédé le nôtre et d’autres lui succéderont. S’il y a analogie entre des cycles, il ne peut y avoir en aucun cas une répétition identique. Une période relativement courte pouvant toutefois résumer de façon accélérée le déroulement d’un cycle plus étendu, notamment lors de périodes historiques, le passage presque direct de la caste royale à un vague pouvoir populaire sombrant inévitablement dans l’anarchie. La dégradation s’est faite par étapes successives et plus ou moins longues. Nous pouvons dire qu’au moment le plus sombre, il n’y a plus de caste si inférieure soit-elle qui mérite cette désignation. C’est l’Age noir (le Kali-Yuga),' le noir des ténèbres, à l’inverse de son
sens supérieur celui du non- manifesté. Les indications contenues dans l’Œuvre Guénonienne permettent de situer les centres de la contre-initiation. L’étude des sources traditionnnelles ne faisant que renforcer s’il en était besoin les dites indications. Et pour ceux qui veulent l’appui de l’histoire ou de l’archéologie ces dernières viennent confirmer les précédentes, et ce bien entendu de façon toute involontaire. Nous nous trouvons en présence de plusieurs contrées, situées dans différents pays mais se trouvant étroitement liés entre eux (pour réunir les diverses pièces de ce puzzle, le symbolisme et les légendes sont infiniment précieux). Citons maintenant René Guénon : « D’après des témoins dignes de foi, il y a notamment dans une région reculée du Soudan, toute une peuplade lycanthrope comprenant au moins une vingtaine de mille d’individus, il y a aussi dans d’autres contrées africaines des organisations secrètes, telle que celle à laquelle on a donné le nom de société du Léopard, où certaines formes de lycanthropie jouent un rôle prédominant. » 10
Outre le Soudan, la société « mère » pour la société du Léopard se situe au Niger, où il existe des légendes relatives au dieu Set, la présence « d'éléments » intéressant notre propos provenant de Libye et du Tchad. Avec le Soudan, nous faisons une large place à l’Egypte avec les Hyksos. D’autres pays, la Syrie avec les Phéniciens, les Scythes et les Assyriens : — les Phéniciens qui constituent une sorte d’anomalie, en ramenant leurs préoccupations uniquement à des fins commerciales. « La tendance à tout ramener au point de vue économique, soit dans la vie intérieure d’un pays, soit dans les relations internationales est en effet une tendance toute moderne, les anciens même occidentaux à l’exception peut-être des seuls Phéniciens n’envisagèrent pas les choses de cette façon. »u — les Scythes qui propagent une malédiction se trouvent liés au chamanisme. — les Assyriens :
« L’esprit Nemrodien procède du principe ténébreux désigné par ce nom de Set. » 12 L’Irak : les précisions de René Guénon, d’après le livre de W.S. Seabrook cité au début du chapitre ; berceau de l’empire Assyrien. L’Iran : avec les Scythes omniprésents et des analogies avec les sociétés du Léopard. L’URSS : où nous arrivons en pleine terre de chamanisme associée au nomadisme, dans son aspect dévié, dissolvant (présence d’objets scythes accompagnant les pratiques chamanistes). Nous suivrons une certaine progression du Turkestan aux steppes du Kazakhstan, de l’Oural à la Sibérie, en n’omettant . pas la jonction avec les Mongols. Rappelons que Gengis Khan voulut attaquer le royaume du prêtre Jean, mais que celui-ci le repoussa en déchaînant la foudre contre ses armées 13. - . Dans l’ouvrage « Sur Isis et Osiris », Plutarque remarque que pour les anciens Egyptiens, l’assimilation de la Grande Ourse avec SetTyphon est totale. v Or si dans les pays ou les contrées cités nous retenons les maillons les plus importants de la chaîne contre-initiatique à savoir ; le Soudan, le Niger, la Syrie, l’Irak et l’U.R.S.S. (le Turkestan, l’Oural et la Sibérie) et que nous relions sur une carte ces différents pays, nous découvrons une représentation •de la Grande Ourse. Il s’agit, bien entendu, d’une représentation terrestre et maléfique cela corrélativement avec la nature de la contre-initiation. L’association de l’Ourse avec le début de la révolte des Kshatriyas n’exclut en rien et complète étroitement la légende des Pléiades et de la Tradition Atlante. L’aspect céleste et bénéfique de la Grande Ourse assimilé aux sept étoiles mentionnées dans l’Apocalypse contient en lui-même le châtiment du règne momentané et illusoire du mensonge 14. Saint-Yves d’Alveydre, quant à lui, parle : « Des assauts consécutifs que la synarchie ramide de l’Agneau et du Bélier Zodiacal eut à subir de la part de l’anarchie grandissante des Touraniens15, des Yonijas, des Hiksos, des Phéniciens, arborant comme signe de ralliement de leur naturalisme, l’étendard sanglant du Taureau. » Et plus loin : « L’histoire du Gouvernement général
du Monde, à partir du moment où s’y intronisa, sous la poussée de la force multitudinaire, le régime de l’arbitraire flétri par Moïse sous le nom de Nemrod “voie du Tigre”. » 16 Nous traiterons dans le chapitre sur la contre-initiation en Occident, des courants antitraditionnels de la Renaissance à la Révolution Française ainsi que des réminiscences naturalistes du Romantisme. NOTES
1. Dans la tradition islamique, les sept Aqtâb sont les pôles régissant les Cieux planétaires. Pour ce monde, ils sont représentés par les sept Abdâl. 2. René Guénon : Aperçus sur l’initiation, chapitre 2 Editions traditionnelles « Ce qui fait l’intérêt de certaines visions, c’est qu’elles sont en accord, sur de nombreux points, avec des données traditionnelles évidemment ignorées du mystique qui a eu ces visions. On peut citer ici comme exemple les visions d’Anne-Catherine Emmerich. » Tequi Editeur. Notons aussi qu’en 1891, guidé par les indications précises d’A.-C. Emmerich, le R.P. Eugène Paulin découvrit le site et la maison de la Sainte-Vierge à Meryam-Ana-Evi (près d’Ephèse) où Celleci habita pendant neuf ans après la crucifixion, selon la tradition. 3. En France, une légende provençale explique l’origine de la Crau. Selon cette légende, les Géants fils de Caïn, régnaient sur cette vaste région. Leur orgueil les poussa au sacrilège, ils tentèrent de renverser Dieu. Pour arriver jusqu’à lui, ils voulurent déplacer les montagnes, arracher la Sainte-Victoire, y joindre les Alpilles et hisser le tout au sommet du mont Ventoux. Mais Dieu décida de les punir, Il ouvrit la main, trois aigles s’en échappèrent le Mistral, la Foudre et l’Ouragan qui allèrent ramasser des pierres rondes au . fond des fleuves et des mers. Un nuage terrifiant obscurcit l’air puis creva tout d’un coup, ensevelissant les géants. 4. Il est intéressant de noter que dans la Guerre des Gaules, César ne parle pas des rois. A cette époque, il n’existait plus de royauté légitime, le pouvoir étant entre les mains de militaires usurpateurs. 5. Fustel de Coulanges : Histoire des Institutions politiques de l'Ancienne France. 6. La Bible : Le Livre des Rois II, 22,23. Traduction Edouard Dhorme — La Pléiade. Il existait au Moyen Age des abrégés d’histoire universelle, les dynasties régnantes étaient représentées généalogiquement depuis les temps légendaires, puis bibliques jusqu’à cette époque. 7. Idem. Fustel de Coulanges. 8. Voir à ce sujet les travaux et mémoires du Centre de Recherche d’histoire et de civilisation byzantine, Paris. Saint Augustin parle du rôle des empereurs chrétiens dans la « Cité de Dieu » V, 24. « Nous les qualifions d’heureux quand ils ont gouverné justement, quand, parmi les louanges que leur décernaient les flatteurs et les hommages de ceux qui leur prodiguaient les marques d’humilité, ils ont su ne pas s’enorgueillir pour se souvenir qu’ils étaient hommes, quand ils ont fait servir la puissance à la propagation du culte de Dieu, quand ils ont craint Dieu, l’ont aimé et adoré ;
quand ils se sont laissés guider, non par la poursuite d’une vaine gloire, mais par l’amour de la félicité éternelle. 9. Quand on lit à la messe les épîtres de saint Paul, les chevaliers restent debout pour l’honorer car lui aussi fut chevalier. 10.René Guénon : le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, chapitre XXVI. Gallimard. 11. René Guénon : Introduction Générale à l’étude des doctrines hindoues, chapitre IV. Editions Véga. 12. René Guénon : Symboles fondamentaux de la Science Sacrée, article sur Sheth. Gallimard. 13. René Guénon : Le Roi du Monde, chapitre II, note 2. Gallimard. 14. René Guénon : Le Roi du Monde, chapitre X, note 3. « La Grande Ourse est dans l’Inde le sapta-riksha c’est-à-dire la demeure symbolique des sept Rishis, ceci est naturellement conforme à la tradition , hyperboréenne, tandis que dans la tradition atlante la Grande Ourse est remplacée dans ce rôle par les Pléiades, qui sont également formées de sept étoiles, on sait d’ailleurs que pour les Grecs, les Pléiades étaient filles d’Atlas et comme telles appelées aussi Atlantides. » 15. Les Touraniens constituent l’ensemble des peuples ouralo-altaïques habitant l’Asie Centrale et Septentrionale au nord de la Perse et auquel appartenaient les Huns, les Magyars, les Turcs. 16. Saint-Yves d’Alveydre : Mission de l’Inde en Europe. Paris, 1949.
L’EGYPTE (SOUDAN, NIGER)
L’Egypte pharaonique continue d’exercer une fascination qui ne cesse de grandir à notre époque. La multiplication d’ouvrages sur ce thème semble vraiment inépuisable. Nous retrouvons l’Egypte, bien entendu, dans la Bible et le Coran ainsi que dans les témoignages des auteurs de la période antique. Mais une insistance particulière est mise dans les ouvrages occultistes où l’on peut trouver toutes sortes de théories, de prédictions sur l’avenir du monde. Le noyau de cette agitation trouvant sa source dans la survivance du culte du dieu Set, le dieu à tête d’âne. A cet égard, le lecteur pourra se reporter à notre chapitre sur la contre-initiation en Occident où nous retrouvons les mêmes personnages ayant joué un rôle dans le plan subversif aboutissant au monde moderne ; les coïncidences étant loin d’être fortuites. A partir de la Renaissance, les Européens commencèrent à parcourir l’Egypte et à citer les monuments antiques dans les relations de leurs voyages. Sur les instances d’Henri II, puis de Charles IX, un médecin parisien Pierre Belon séjourna plusieurs années en Orient et notamment en Egypte. Un peu plus tard, André Thevet, aumônier de Catherine de
Médicis alla à Saqqarah non dans le but de ramener des pièces archéologiques mais des momies ; avec ces dernières, l’on fabriquait une poudre considérée comme élixir d’immortalité. Cette poudre tenait une grande place dans « l’alchimie » de la Renaissance (selon certains, on assure que François Ier en portait toujours un petit sachet sur lui). Le XVII1' siècle lance en quelque sorte la mode de l’orientalisme. Vers 1672, Colbert enverra une expédition en Egypte, ayant pour mission de se procurer un maximum de manuscrits et de pièces anciennes l’Egyptologie officielle ne cessera ensuite de se développer et de hanter curieusement de nombreux événements constitutifs du monde moderne Les anciennes colonies anglaises choisirent en 1776 la pyramide tronquée comme devant figurer au recto du sceau de la république qu’elles venaient de fonder. L’œil gravé remplaçant la pierre manquante du sommet ; on pouvait lire sur le sceau la devise « Annuit Coeptis » (il favorise nos entreprises), parallèlement était créé un Comité du Grand Sceau le 4 juillet 1776 composé de Benjamin Franklin, Thomas Jefferson et John Adams. C’est à la date du 15 juin 1935 que fut annoncée la décision de reproduire sur les billets de banque américains le fameux sceau. Postérieurement la mentalité anglo-saxonnne et plus particulièrement anglaise allait être orientée par les révélations de ceux qui s’intitulaient eux-mêmes les pyramidologistes. Dès 1859, un mathématicien John Taylor exposera ses théories relatives à la pyramide de Chéops (dite Grande Pyramide) ; de ses déductions sortira l’affirmation que les anciens égyptiens employaient les mêmes mesures que celles en usage en Angleterre et en Amérique. Sans s’expliquer davantage il reconnaîtra à la pyramide de recéler de par sa construction une science cachée et même une prophétie. Guénon indique d’ailleurs à ce propos : « La science d’Idris est bien vraiment cachée dans la Pyramide, mais parce qu’elle se trouve incluse dans sa structure même, dans sa disposition extérieure et intérieure et dans ses proportions ; et tout ce qu’il peut y avoir de valable dans les “découvertes” que les modernes ont faites ou cru faire à ce sujet ne représente en somme que quelques fragments infimes de cette antique science traditionnelle.
»1
Il est évident que la contre-initation aura sa façon particulière d’interpréter et de diriger les travaux de la science profane à ce sujet. Ces divagations se retrouveront dans le livre , La Grande Pyramide, son message divin de l’ingénieur Davidson. Selon cet auteur il existait avant le Déluge, une race extrêmement intelligente qui déposa ses connaissances scientifiques en les codant dans les dimensions de la Grande Pyramide en prévision de la catastrophe qui les menaçait.’ Toujours d’après ses calculs, Davidson trouva que les anciens avaient eux-mêmes prédit que leurs secrets seraient découverts par de nouveaux sages. La période venant après le Déluge jusqu’au Moyen Age étant comme à l’habitude dénoncée comme une période d’obscurantisme, il était normal que toutes les connaissances cachées soient mises à jour par les hommes de la Renaissance ; cette période de bonheur dans la *redécouverte scientifique devant s’achever en 2045 On ne se priva pas de démontrer que la science moderne n’était en réalité que la continuation des sciences anciennes, donc traditionnelles. Si le mythe du Grand Monarque intéresse plus directement la France, l’équivalent pour le monde anglosaxon s’ébaucha à partir de la Grande Pyramide. Accompagnant l’égyptologie anglaise on vit apparaître une quantité de travaux proclamant que la race britannique (incluant l’Amérique) se trouvait constituée par les descendants de tribus perdues d’Israël. De nombreuses personnalités venant des horizons les plus divers de la société se mirent à échafauder les théories les plus extravagantes. Les dimensions de la Grande Pyramide furent analysées, disséquées. On mesura les galeries et on divisa les résultats obtenus en sections ; chacune trouvant sa correspondance avec un événement historique. La prophétie que l’on voulait incluse dans l’édifice aboutissait à la constitution d’un nouvel Israël. Servant la propagation de ce courant, une érudition savante vit le jour, englobant aussi bien les légendes antiques que les anciennes chroniques. A mesure que l’Empire britannique s’accroissait, la réalisation du « nouvel Israël » à devenir maître du monde tendait à s’accomplir. Chaque étape était commentée et
justifiée à grands renforts de citations bibliques. Il est évident que tout texte tronqué, revu et corrigé peut exprimer tout ce que veut lui faire dire ses arrangeurs. Toute cette agitation ne rencontra guère d’échos dans le communauté juive, à l’exception de certains éléments détachés de leur tradition et qui élaborèrent progressivement l’idée d’un Etat sioniste. Le mouvement avait formé une association dénommée la British-Israël World Fédération qui existait encore à la veille de la Seconde Guerre mondiale et comportait plusieurs millions d’adhérents de langue anglaise dans le monde. Elle compta parmi ses membres les plus célèbres la reine Victoria (que Benjamin Disraeli fit proclamer Impératrice des Indes), et le roi Edouard VII. Dès le début, l’un des principaux buts de l’association consistait au retour des juifs en Palestine sous l’égide du nouvel Israël. Lors de l’effondrement de l’Empire Ottoman, à la fin de la Première Guerre mondiale, la Société des Nations institua un protectorat de Palestine qu’elle confia à la Grande-Bretagne. Cette dernière devait d’ailleurs assumer sa tâche jusqu’à la création de l’Etat moderne d’Israël2. * ** Depuis sa création, l’archéologie ne cesse d’exhumer les vestiges des civilisations antiques. A cet égard, l’Egypte ancienne continue d’être particulièrement fertile pour les chercheurs et autres organisateurs de fouilles. Après la découverte de la tombe du pharaon Toutankhamon se développa dans l’opinion publique ce que l’on dénomma la « Malédiction des Pharaons ». Tout ceci donnant lieu comme d’habitude aux extravagances occultistes ou aboutissant à un mutisme sarcastique et officiel. Ce n’était pourtant pas la première fois que se produisaient des incidents fâcheux ; les influences destinées à protéger les tombeaux ne faisant aucune différence entre pilleurs de tombes et archéologues patentés. Les premiers découvreurs étaient généralement des aventuriers, surtout préoccupés de satisfaire la demande toujours grandissante des musées européens qui se livraient une farouche concurrence pour agrandir leurs collections. On accorda donc peu de crédit aux circonstances étranges de leur mort. La répétition de ces faits et de
leur relation dans plusieurs journaux contribua à répandre la fascination pour l’Egypte ancienne, s’accompagnant de la curiosité populaire avide d’étrange et d’exotisme. On put difficilement passer sous silence le nombre relativement élevé de morts prétendues incompréhensibles ; à la suite de l’ouverture de la tombe de Toutankhamon. Bien que se trouvant dans la Vallée des Rois, celleci était restée inviolée jusqu’au moment des fouilles entreprises par Howard Carter et financées par Lord Herbert Carnavon. Il semble donc que ce soit un conglomérat psychique particulièrement puissant et virulent qui se soit déclenché simultanément à la découverte. L’abondance des pièces archéologiques mises à jour ne put faire oublier les accidents inexplicables scientifiquement. Ce genre d’événements n’a strictement rien à voir avec la véritable spiritualité, par contre il met en évidence les agissements des forces dissolvantes répandues à travers le monde par les soins inconscients des archéologues entre autres et leurs conséquences des plus néfastes. Passant outre l’avertissement gravé sur l’antichambre du tombeau de Toutankhamon : « La mort abattra de ses ailes quiconque dérangera le repos du pharaon. » Il faut constater que le fait d’ouvrir une tombe, même sous le couvert de l’archéologie, ne s’appelle pas moins une violation de sépulture. Si les proches villageois furent embauchés comme terrassiers, ils laissèrent éclater leur indignation et leur angoisse lorsque les égyptologues jugèrent utile d’enlever le linceul entourant le corps de la momie, s’émerveillant de trouver de magnifiques amulettes sans se douter de ce qu’ils manipulaient. (Mais doit-on s’étonner puisqu’il était de bon ton de s’inviter à déjeuner entre archéologues et ce dans les tombeaux !) Les forces dirigées pour la protection de la tombe entrèrent en action avec une régularité croissante, les journaux qui comptabilisaient les victimes n’en dénombrèrent pas loin d’une trentaine. Les premières personnes atteintes furent celles qui faisaient partie de l’équipe des archéologues découvreurs de la tombe, mais aussi d’autres chercheurs qui ayant trouvé dans des fouilles antérieures des objets marqués au sceau de Toutankhamon, •amenèrent Howard Carter à rechercher la tombe du pharaon.. II est à noter qu'avant tous les incidents toutes les victimes se trouvaient en parfaite santé. Les attaques se déclenchèrent sous les aspects les plus divers tels que piqûres d’insectes
inguérissables. Plusieurs archéologues succombèrent à des maladies mystérieuses sans que les examens médicaux puissent établir la nature du mal. Ceux qui conservèrent un restant de lucidité déclarèrent à leurs proches notamment Lord Carnavon, que Toutankhamon était la cause de leurs maux, son demi-frère qui l’avait accompagné se suicida lors d’une soudaine crise de démence. D’autres, sujets à des malaises lorsqu’ils pénétraient dans la chambre mortuaire furent atteints de dépressions nerveuses qui les conduisirent au suicide eux aussi. Le docteur ayant radiographié la momie du pharaon s’écroula le lendemain frappé d’une crise cardiaque. L’archéologue principal, adjoint de Carter, fut chaque nuit la proie d’effroyables migraines et de visions terrifiantes, sa femme progressivement paralysée mourra peu après. Si les événements qui eurent lieu autour de la découverte de la tombe de Toutankhamon sont les plus connus il faut savoir que de nombreux archéologues, et ce dès le début de PEgyptologie, subirent les mêmes désagréments, qu’il s’agisse de cancers foudroyants, de paralysies ou d’aliénations mentales. Avec ce que nous avons dit plus haut, . on peut se rendre compte de la nature particulièrement malsaine des forces libérées; Celles-ci n’ont rien perdu de leur efficacité puisque le même genre d’incidents touchent les archéologues contemporains sans discontinuité, et même présentement ; événements dont on ne rend jamais compte bien entendu d’autant qu’ils sont difficilement réfutables, les personnalités concernées et rendues de ce fait à une douloureuse constatation, abandonnent le masque ironique du scepticisme scientifique. Comme toute société normale, l’Egypte ancienne est fondée sur des bases traditionnelles. Si Ton peut considérer la civilisation égyptienne éteinte, à part la survivance d’une magie des plus inférieures, la richesse des vestiges tous empreints de symbolisme (en laissant donc la vision archéologique ou touristique), et la lecture des auteurs anciens sont autrement plus enrichissantes que toute la littérature, si érudite soit-elle, se partageant entre une platitude historique à la façon des manuels scolaires ou les comptes-rendus de fouilles dans lesquels le
moindre caillou n’échappe pas au fichage, doublé d’une explication savante.
D’après les anciennes chroniques, avant l’arrivée de Ménès, l’Egypte était morcelée en petits royaumes combattants, formant respectivement au gré des alliances les coalitions du Nord et du Sud avec des périodes de prédominance de l’une sur l’autre. Cette période chaotique prit fin à l’avènement de Menés, considéré comme l’unificateur de la Basse et de la Haute Egypte. L’histoire sacrée est indissociable du symbolisme qu’elle véhicule. Comme l’a précisé Guénon, Ménès représente l’intelligence cosmique qui réfléchit la Lumière spirituelle et formule la loi3. En effet, Ménès ceint la double couronne blanche et rouge. Si les deux royaumes du Nord et du Sud étaient gouvernés par l’aristocratie, il semble que celle dirigeant le Nord (Horus) soit restée à sa juste place avec la couronne rouge (couleur attribuée aux Kshatriyas) alors que le Sud (Set) avec la couronne blanche (en usurpant cette couleur revenant légitimement à la caste sacerdotale) indique une révolte des Kshatriyas. Ce que viennent confirmer les chroniques, où dit-on Ménès épousa la reine du royaume du Sud, descendante d’une lignée de souveraines qui régnaient sur différentes peuplades ayant pour dieu, Set. Nous retrouverons l’élément « rajasique » des Kshatriyas poussé à l’extrême du fait de la présence d’un pouvoir matriarcal. La reine étant dite héritière de sept souveraines successives ; celles-ci sembleraient désigner les ères passées (Manvantaras de la tradition hindoue) et symboliseraient en quelque sorte la perpétuation contreinitiatique en relation avec le dieu Set. Ménès fonda un Centre spirituel à Memphis, situé dans le nome au nom évocateur de la Muraille Blanche et promulgua le code des lois qui lui avait été donné par le dieu Thoth. Nous retrouvons l’Unité des traditions Ménès (Manu) Intelligence cosmique, formulant la Loi et réfléchissant la lumière spirituelle (Thoth). La portion du territoire se trouvant au Nord de Memphis, s’appelant d’ailleurs nome de la Cuisse, ce qui nous
réfèrent directement au symbolisme polaire et à Ménès en tant que « Roi du Monde ». De cette période de stabilisation, confirmant le redressement opéré par l’Autorité spirituelle, Memphis reçoit l’appelation de Balance du Double-pays. Cette manifestation providentielle et miséricordieuse est tout d’abord comparable à un feu illuminant et purificateur (tel le Buisson Ardent) mais Péloignement inévitable et progressif vis-àvis de la manifestation, rend ce feu de plus en plus faible ; la descente cyclique recouvrant le foyer de cendres mais les braises (influences spirituelles) peuvent être à nouveau opératives et de ce fait transmettre le feu sacré permettant l’établissement d’un nouveau Centre spirituel. Le passage et la transmission s’effectuant pour l’Egypte ancienne de Memphis à Thèbes. L’allusion à cet éloignement est rapporté dans les légendes - où Ménès fut tué en chassant un hippopotame (animal sétien) qu’il poursuivait. Quant à son fils, il meurt assassiné par les adorateurs de Set.’ Nous constatons l’agitation incessante de la contre-initiation à l’ombre de la Muraille Blanche, et des forces dissolvantes prêtes à s’engouffrer dès la moindre fissure. Avant les périodes d’invasions, lors de son intronisation à Memphis le nouveau pharaon effectuait une course autour de la Muraille Blanche. Prenant possession du royaume, il inaugurait sa fonction de protecteur de la Terre sacrée. Transformant en un espace consacré le Double-pays, il est responsable de la protection et de l’équilibre du pays. - Pharaon est de naissance divine, son véritable père n’est autre qu’Amon-Rê qui décidant d’un nouveau règne convoque les douze dieux principaux. Par l’intermédiaire de Thoth, le Maître des dieux s’unit avec une mortelle 4. Le but du pharaon est de se conformer à la Loi divine, il se doit d’unir la Terre au Ciel.' Soigneusement établi et délimité selon son archétype céleste et prolongement territorial soumis aux influences spirituelles émanant du Centre initiatique de Memphis, le pays d’Egypte aux yeux de ses habitants devient le Centre du Monde. Les pays aux alentours représentent les ténèbres extérieures., La préoccupation des Egyptiens sera de garder l’intégrité de leur sol, toute intrusion devenant une profanation. Les nombreuses actions guerrières seront menées pour repousser les envahisseurs.
Ceux-ci viendront des pays limitrophes à partir du désert lybique ou de régions de Palestine, mais c’est surtout à partir du fameux pays de Kouch (l’actuel Soudan) que déferleront les vagues successives constituées par des peuplades nomades. Celles-ci trouvant toujours appui chez les adorateurs de Set ou bien aidant ces derniers à se révolter. Composant le Double-Pays, les royaumes du Nord et du Sud représentent respectivement l’aspect sédentaire et l’aspect nomade. La réunification de l’Egypte consiste à rassembler ce qui est épars. Le royaume du Sud ne fut pas pour autant détruit, il s’agissait de rétablir l’équilibre de la Balance. L’excès dans un sens favorable à un aspect en ignorant son contraire ne peut être que source de conflit et de chaos ; c’est s’éloigner de l’Unité pour sombrer dans la multiplicité. L’aspect nomade qui avait sa place sur la terre d’Egypte se trouvait équilibré à sa juste place. Il dévia rapidement, ne portant plus en lui que des forces corrosives occasionnant des failles dans la Muraille blanche ; facilitant l’intrusion des influences du psychisme le plus inférieur, en l’occurrence certaines tribus nomades du désert incontrôlables et avides de pillage (dissolution). Par contre, les Egyptiens ne mettaient aucun obstacle à laisser entrer sur leur territoire les tribus nomades demandant l’hopitalité en période de famine (symboliquement on « nourrit » des forces dangereuses par leur nature, mais qui canalisées sont neutralisées provisoirement)5. Bien que l’antagonisme entre le dieu Horus et le dieu Set puisse refléter une opposition entre deux principes s’appliquant aux peuples sédentaires et nomades, il convient en premier lieu de s’intéresser aux aspects sous lesquels ils sont représentés. . Continuation des fêtes sétiennes de l’ancienne Egypte, le Moyen Age connaîtra la fête de l’âne ou fête des fous (le fou est l’ignorant, le profane) "où l’on élisait l’évêque de l’âne. A l’occasion de cette nomination, on frappait des pièces de cuivre qui servaient par la suite de signe de reconnaissance aux serviteurs de Pévêque. On introduisait ensuite un âne dans l’église, lors d’un simulacre de messe en son honneur, ses adorateurs déclamaient des discours grossiers et obscènes formant la prose de l’âne. Dans de nombreuses traditions,
l’âne considéré avec répulsion est l’animal incarnant les forces les plus sinistres.. Un certain nombre d’indications concernant le dieu à tête d’âne (Set Typhon) se trouve exposé dans le traité de Plutarque : « Sur Isis et Osiris » 6. Pour ce dernier, « Typhon est aveuglé par la fumée de l’ignorance et de l’erreur, il ne s’emploie qu’à déchiqueter et qu’à ternir la parole sacrée. Mais la déesse Isis sait la rassembler en son intégrité, la maintenir en son ordre, et la transmettre aux initiés qui se consacrent au culte de la divinité. » Cette description résume bien le rôle de la contre-initiation. N’oublions pas non plus le rôle de la revue le Voile d’Isis (Etudes Traditionnelles) servant de support aux exposés de René Guénon. L’on retrouve d’ailleurs plus ou moins apparente selon les circonstances une marque sétienne dans les attaques de toutes sortes qu’il eut à subir.7 Le pourquoi de ces - attaques s’explique par le fait que « les Pythagoriciens disaient de l’âne qu’il est le seul animal qui ne soit pas né conformément aux lois de l’harmonie et qu’il est de tous de tous les animaux le plus insensible aux accents de la lyre » 8. Le lecteur se reportera à notre chapitre sur la « Contre-initiation en Occident » où nous montrons les correspondances établies à partir du site de Blois ville natale de Guénon et les analogies avec la doctrine pythagoricienne. Pour les auteurs anciens, l’assimilation est totale entre Horus et Apollon "(on vénérera par la suite Horapollon). , Apollon dispense la connaissance véhiculée par les sons de sa lyre. ‘A chaque chant précis (invocation, mantra, dhikr), l’initié arrive à une nouvelle étape (station, demeure) de son voyage initiatique. Ce parcours ascendant s’effectuant sur l’axe vertical, sur lequel se situent les différents Cieux, ne peut s’opérer que par l’harmonie (synonyme de parfait réceptacle) en vertu de l’étroite correspondance unissant ces derniers entre eux. La juste mesure doit rendre le son parfait (les chœurs des Anges) afin de véhiculer correctement la Connaissance par les influences spirituelles. A l’inverse de la musique des sphères, le braiement de l’âne constitue une cacophonie, une dysharmonie semblable au bégaiement. Pour les Egyptiens, la lutte contre les adorateurs de Set s’apparente à la « petite guerre sainte ». Corrélativement l’annihilation progressive
des tendances désordonnées du psychisme de l’être qui forment le « Moi » le plus inférieur symbolise la Grande Guerre Sainte contre le « set » intérieur. Si l’aspect lumineux prédomine, l’être se sentira attiré par la lumière Apolinienne (l’obtention de la Connaissance) il orientera donc tous ses efforts vers le but ultime (s’il en est capable) de transmuer sa « matéria prima » en or philosophai. L’être ténébreux, quant à lui, se sentira parfaitement à l’aise dans l’obscurité, en se vautrant dans la fange sétienne. - Commun à Horus et Apollon, le faucon est un tueur de serpents. Guénon avait signalé l’anagramme de typhon avec python. Le serpent sous son aspect néfaste devient l’un des animaux attribués au dieu Set. Alors que le faucon s’élève dans le Ciel, le serpent rampe sur le sol, il faut donc que ce dernier soit combattu et détruit, qu’il s’agisse de la stabilité d’une société traditionnelle ou bien de l’être expulsant de lui les éléments nocifs du psychisme.’ Si l’être se laisse envahir, subjuguer, le python l’enserre progressivement dans un mouvement contraignant et de plus en plus restrictif. La vie « ordinaire » avec ses « obligations » en offre l’exemple le plus flagrant. L’invention de la civilisation des loisirs qui servait de garde-fous se désagrège inexorablement cernée par les gouffres causés par les désordres toujours plus nombreux qu’occasionnent les soubresauts du python avant que ne se lève l’Heure. Cette force oppressive qui tent à tout réduire à l’aspect commercial, devient de plus en plus irrespirable9. Que le monde moderne s’appelle société de consommation cela correspond aussi à la localisation du « Moi inférieur » au niveau des intestins “. De par ses déjections, le monde moderne ne transforme-t-il pas peu à peu la terre en une gigantesque fosse d’aisance ? Si les adorateurs de Set entourent le monde des anneaux de python (qu’ils prennent inconsciemment comme base) leur , prétendue création s’étouffera d’elle-même. L’agitation incessante que répandent les forces corrosives à travers le monde et que caractérise leur origine sétienne ne peut que s’accompagner de troubles et de catastrophes. ' Dans le processus initiatique, il s’agit de réintégration, la manipulation nucléaire avec ses tours déclenche la désintégration synonyme de pulvérisation “. En définitive, ce plan concerté mondialement afin d’établir une
contre hiérarchie, dont les différentes étapes . sont comme des sacrifices à rebours, tend à vouloir transformer la terre en royaume de Set. Or le royaume de Set a pour territoire le désert.’ A une époque où l’on professe à tout va l’humanisme, le monde devient sans cesse inhumain. Les belles certitudes ne peuvent plus cacher leur stérilité. Le désert est aussi le lieu des hallucinations, le monde moderne ne tente-t-il pas de sauver sa façade au moyen de la suggestion et de l’hypnose ? Les événements actuels recèlent tous à divers degrés un élément grotesque. Essayant de s’échapper du bourbier, les faiseurs de certitude se révèlent finalement bien incertains. N’éprouve-t-on pas le besoin de faire suivre le mot avenir de celui du futur ! Le désert au plan terrestre ou pris au sens symbolique ne cesse de s’accroître. Le fait de se raccrocher à l’avenir-futur n’empêche pas les savants, devant des évidences irréfutables, de proposer une panoplie de cataclymes prévisibles. L’origine de tout ceci découlant bien évidemment des découvertes scientifiques et de leurs applications industrielles, contradictoirement on continue à croire au sentiment décidément tenace du salut par la science et de l’épanouissement de l’humanité. De cette époque désacralisée ne se dégage qu’un vulgaire dogme soporifique. . Ce ne sont donc pas les moyens qui manquent au monde moderne pour se détruire avec son large choix d’inventions et de découvertes, Sans avoir nullement l’intention de nous lancer dans des prédictions ni de succomber dans d’inutiles apitoiements écologiques, nous constatons plusieurs phénomènes significatifs. Ainsi la pluie symbolise la descente des influences spirituelles ; on parle des pluies acides qui détruisent les forêts," or tout arbre peut être pris comme une représentation terrestre de l’Arbre du Monde, la destruction ne pouvant avoir d’effet que dans ce monde n’a bien entendu aucune prise sur l’Arbre Spirituel. L’arbre est aussi un pont, un gué, un support, l’état naturel du monde suit et arrive au même état de décomposition. Un arbre sans racine ou un monde ignorant ou niant les influences spirituelles se condamne sans retour. Coupé de la Source d’Eau vive, il s’enfonce dans le désert et ses mirages. Bien que nous n’ayons aucune considération particulière pour la science profane
et athée, nous relèverons malgré tout deux hypothèses envisagées par les « savants », possibles quant à leur développement mais que nous nous garderons bien d’ériger en prédictions. Ce genre d’événements entraînant les plus grandes terreurs ne visent finalement que ceux vaguement croyants ou complètement athées fortement attachés à « ce » monde. Guénon dit d’ailleurs à ce sujet : « Il semble bien qu’un arrêt à mi-chemin ne soit plus guère possible, et que, d’après toutes les indications fournies par les doctrines traditionnelles nous soyons entrés vraiment dans la phase finale du Kali-Yuga, dans la période la plus sombre de cet “âge sombre” dans cet état de dissolution dont il n’est plus possible de sortir que par un cataclysme car ce n’est plus un simple redressement qui est nécessaire, mais une rénovation totale. » !2 Pour en revenir donc à la première de ces hypothèses, celle-ci examine le cas bien connu d’un conflit nucléaire avec conséquence de la chaleur obscure ainsi déclenchée, une nuit totale accompagnée d’un hiver polaire sur toute la terre ; après l’hiver revient le printemps saison de l’Age d’or. Dans la seconde hypothèse, on s’inquiète d’une fissure qui va en s’élargissant dans la couche d’ozone, celle-ci ayant comme fonction de filtrer les rayonnements solaires. Paradoxalement, cette couche d’ozone normale se voit détruite peu à peu par une ozone artificielle créée par les déchets, les émanations produites par l’industrie chimique. On accuse particulièrement le gaz contenu dans les aérosols et par voie de conséquence la manipulation d’un pulvérisateur, ce qui tend en l’occurrence vers une pulvérisation généralisée ! (Petite cause, grand effet.) D’autre part, les signes naturels sont les symboles de l’Ordre divin. La couche d’ozone artificielle qui obscurcit la vue du Ciel semble vouloir en être la négation ; puisque cette couche s’étend, elle semble pouvoir triompher mais d’un autre côté en déchirant le voile de la couche naturelle, elle prépare la venue de la Vérité par le rayonnement solaire (le même rayonnement symbolisant à son tour l’œil frontal de Shiva et comme l’indique Guénon, « un regard de ce troisième œil réduit tout en cendres ; c’est-à-dire qu’il détruit , toute manifestation n ». Ceci correspond donc bien à la fin d’un cycle. La contre-initiation préparant la venue de son maître travaille en réalité à l’accomplissement du Plan divin. Tout n’étant
qu’inéluctable soumission au Maîtres des . mondes. La lumière solaire en tant que Vérité embrase la terre en une purification générale détruisant le mensonge suintant du voile ténébreux: « La Vérité est venue et l’erreur s’est évanouie, l’erreur assurément était inconsistante. » (Coran X- VII, 81.) Selon un dire du prophète Muhammad : « Nul ne verra son Seigneur avant de mourir. » Il s’agira de la fin d’un monde et non du monde rappelons-le ; la purification nécessaire devant être générale. Ce qui est annoncée unanimement par toutes les traditions ne doit pas engendrer la terreur sauf pour ceux qui ont quelques raisons évidentes d’êtres châtiés. L’initié lui a déjà subi la mort et sa descente aux enfers a été son Apocalypse intérieure. * ** ‘ Loin d’être un peuple conquérant, les Egyptiens se satisfaisaient pleinement de leur pays,’ Terre Sacrée et Centre du Monde, se considérant au sens traditionnel comme des têtes noires 4. Lors de récents colloques coûteux et fastidieux, des savants se sont réunis pour savoir si l’appellation « tête noire », ne s’occupant que du sens littéral le plus étroit, laissait entrevoir une origine africaine des anciens Egyptiens ? Ce qui donna lieu à de vives altercations entre les tenants et les adversaires de cette hypothèse, sans qu’il soit fait bien entendu aucune référence au symbolisme, mais une simple connaissance de ce dernier aurait rendu caduque toute cette discussion s’enfermant dans des spéculations sans fin. Selon la science officielle les anciens pensaient comme les modernes, on doit en conclure que les Egyptiens auraient adopté cette dénomination sans savoir pourquoi. On se trouverait en présence d’une amnésie totale dont tout un peuple aurait été affligé ! L’Egyptien le plus modeste pouvant leur donner la réponse. Puisque tout ce qui est sacré passe pour superstition en vertu du dogme moderne de l’évolution et comme toute loi scientifique se voit tôt ou tard balayée par une autre qui fait considérer la précédente et ses auteurs avec pitié et condescen- dance, et si nous suivons ce raisonnement les « intelligents » d’aujourd’hui sont par conséquent les « sots » de demain. -
Le souci constant de se protéger aux niveaux terrestre (envahisseurs) et spirituel (influences désagrégeantes) se trouve parfaitement résumé dans le poème suivant concernant la Terre Sacrée d’Egypte : « Les portes se dressent pour toi, solides comme Horus. Elles ne s’ouvrent point pour les Occidentaux. Elles ne s’ouvrent point pour les Orientaux. Elles ne s’ouvrent point pour les Septentrionaux. Elles ne s’ouvrent point pour les Méridionaux. Elle ne s’ouvrent point pour ceux qui sont au centre de la terre, mais elles s’ouvrent pour Horus. C’est lui qui les a faites. C’est lui qui les dresse. C’est lui qui les défend contre tout le mal que Set leur a fait. » 15 Seul importait donc aux Egyptiens la sauvegarde de la Terre Sacrée.-A partir du rayon solaire (Horus-Apollon) s’établit la prise de possession du sol dans les quatre directions cardinales. En dehors des frontières, n’existe que le chaos peuplé d’influences démoniaques. Les attaques des démons contre le « Monde » édifié selon son modèle céleste sont personnifiées par les actions militaires des peuplades s’infiltrant, propageant la désolation, la ruine amenant le désert. Il est aussi parlé dans le poème de « ceux qui sont au centre de la terre ». Un fait significatif et des plus sinistres se trouve être le projet devant aboutir prochainement à effectuer un forage pour arriver au centre de la terre, soit directement aux enfers, domaine de Lucifer, avec sa lumière obscure ; inversion de la Lumière Apolinienne 16. Certaines périodes de décadence permirent l’intrusion de peuplades nomades que l’on désigne habituellement sous le nom d’Hyksos, pillant tout, détruisant les temples et réduisant les habitants en captivité. On attribue la facilité des victoires des envahisseurs à l’emploi militaire de la cavalerie, inconnue jusqu’alors des Egyptiens. Les envahisseurs venant par ailleurs des quatre points cardinaux. Les peuplades du désert oriental par-delà l’isthme de Suez étaient appelées Sétiou par les Egyptiens, il semble bien que ces hordes avaient comme montures des hémiones (ânes du désert) ce qui coïncide avec le rôle de l’âne monture des
influences infernales. Précédemment, après une période d’anarchie, l’Egypte s’était déjà trouvée la proie d’une tentative d’invasion jugulée par le règne d’un pharaon, fils d’Amon. En concordance avec ce règne parfait, les crues du Nil redevinrent normales, la famine prit fin. Semblable à la Grande Muraille de Chine ou au mur dressé par les Romains en Grande-Bretagne, fut édifiée une muraille jouxtant le désert sur le côté oriental du delta. Les fissures dans la muraille se transformèrent en une gigantesque brèche lorsque déferlèrent les Hyksos. Selon l’historien égyptien Manéthon, les Hyksos occupèrent son pays pendant plusieurs siècles. On peut traduire le terme Hyksos comme « Rois Pasteurs ». Ces rois en réalité des roitelets, gouvernaient sur des tribus dont la principale occupation résidait dans le pillage. Bien qu’établis de force en Egypte, ils se ménageront des villages fortifiés dans le désert où ils entreposeront le butin prélevé. Ces villages se trouveront en • Syrie, en Palestine, en Phénicie ou plus précisément en pays de Canaan. A propos de cette région, rappelons qu’elle tire son nom de Canaan fils de Cham et sujet à la malédiction lancée par Noé. Après les Egyptiens, les Israélites combattront ces tribus. • Les Hyksos ne rencontrèrent pas d’opposition de la part des Nubiens (Soudan) adorateurs de Set, ces derniers se considérant comme leurs vassaux. Il faut dire que les Hyksos avaient toujours manifesté du respect pour le dieu Set qu’ils assimilaient à leur propre divinité Suteh dont F étymologie est plus que ressemblante. Les deux divinités ayant entre autres animaux communs l’hippopotame, appellation de Typhon pour les Egyptiens puisque dans cette même langue Typhon se disait Thobou et l’hippopotame Tobou, celui-ci représentant l’autorité acquise par la force brutale. Symboliquement, cet animal vit au fond des eaux, son corps est la masse, la pesanteur et la disproportion de ses oreilles par rapport au reste du corps montrent son inaptitude à l’écoute des sons harmonieux. Il existait des fêtes nautiques se terminant par la mise à mort de l’un de ces animaux. Horus avec sa lance (Rayon Céleste) anihilait les forces rebelles (la lance étant équivalente des flèches, on retrouve l’analogie avec Apollon tuant Python), le but supérieur de la
chasse consistant en la destruction de l’ignorance profane. Désigné aussi sous le nom „ d’Anty en Haute-Egypte, Set avait pour compagne une déesse lionne Matyt. Dans leur capitale d’Avaris, les Hyksos donneront comme parèdre à Set la déesse cananéenne Anat en égyptien Anta. Située sur le territoire de Set, l’ancienne ville de Tjébou s’appelait pour les Grecs Antéopolis, du nom du géant Antée vaincu par Héraklès. Diodore de Sicile parle de figuration de géants, dans les temples égyptiens, frappés par Osiris. Symboliquement, nous retrouvons une autre équivalence : celle du géant et du dragon en l’occurrence le dragon Apophis ou Set ; le premier et le dernier des pharaons usurpateurs de la lignée hyksos portant le nom d’Apophis. Sous la conduite d’un Apophis, les Hyksos envahirent donc l’Egypte ; ce dernier se proclama maître du pays, en réalité les Hyksos furent stoppés au nord de Thèbes. Tenants du nomadisme dévié (dissolvant), incapables d’organisation, ils laissèrent en place les structures traditionnelles existantes non dans un but d’appropriation ou de justice, mais pour mieux écraser d’impôts les Egyptiens, il va de soi qu’ils étaient efficacement secondés par les adorateurs de Set, trop heureux du règne de leur dieu et de satisfaire ainsi leurs exigences matérielles. L’arbitraire et l’injustice recouvrant le pays, les Egyptiens commencèrent à s’organiser afin de lutter contre l’intrusion de ceux qu’ils appelaient les « immondes », ce terme particulièrement péjoratif étant dû au grief insupportable et abominable des envahisseurs d’avoir systématiquement détruit et pillé les sanctuaires sacrés accumulant forfaits et sacrilèges. Examinons maintenant les faits historiques au vu de l’exégèse traditionnnelle. Nous allons voir l’importance de Thèbes dans le renouveau de l’Egypte et du rétablissement total de la seule légitimité. Une fois de plus, Guénon nous fait bénéficier de son savoir en nous parlant de la localisation des centres spirituels, dans son ouvrage le Roi du Monde « Il semble que l’Egypte en ait compté plusieurs, probablement fondés à des époques successives comme Memphis et Thèbes. Le nom de cette dernière ville qui fut aussi celui d’une cité grecque, doit retenir plus particulièrement notre attention,
comme désignation de centres spirituels en raison de son identité manifeste avec celui de la Thébah hébraïque, c’est-àdire l’Arche du déluge. Celle-ci est encore une représentation du centre suprême, considéré spécialement en tant qu’il assure la conservation de la tradition, à l’état d’enveloppement en quelque sorte, dans une période transitoire qui est comme l’intervalle de deux cycles et qui est marquée par un cataclysme cosmique détruisant l’état antérieur du monde pour faire place à un état nouveau. » La concision de cet extrait est d’une remarquable richesse, v - Les princes thébains refusèrent d’embrasser le culte du dieu Set. Thèbes s’opposait à Avaris, devenue capitale des Hyksos.» Avaris, bien avant l’invasion, était la ville des « théologiens » du dieu Set, ce siège de la contre-initiation se trouva donc activé pleinement. Rien ne semblait pouvoir arrêter les Hyksos dans leur progression, ils furent pourtant stoppés juste avant d’arriver à Thèbes. La contre-initiation peut exercer son action dans le domaine psychique mais ne peut accéder au domaine purement spirituel. Thèbes, Centre de la Hiérarchie Suprême bénéficie de la présence de la Divinité de la « Shekinah ». -Amon enseignait le corps sacerdotal de Thèbes. « Thoth, dans son rôle de conservateur et de transmetteur de la tradition n’est pas autre chose que la représentation même de l’antique sacerdoce égyptien," ou plutôt pour parler exactement du principe d’inspiration dont celui-ci tenait son autorité et au nom duquel il formulait et communiquait la connaissance initiatique 11. Nous trouvons mentionnées les invocations à Thoth dans les manuscrits égyptiens tel que « Thoth, ô fontaine douce à l’homme altéré dans le désert » ou bien « Salut à Toi, Seigneur des paroles divines qui préside aux mystères. » La ville où naquit Thoth, Chmounou signifiant huit en langue égyptienne, huit en relation avec la justice et l’équilibre ; cette ville sera appelée Hermopolis par les Grecs, on sait l’importance de l’ogdoade chez les pythagoriciens, le prêtre de Thoth portant le titre de Grand des Cinq, le cinq étant le nombre nuptial des .pythagoriciens, symbolisant l’équilibre entre le yin et le yang. ^ Le principe d’inspiration se trouvant représenté par l’oiseau du
dieu : l’ibis, la blancheur du corps consacré au sacerdoce, par ailleurs la forme du bec s’apparente à la lettre Nûn en tant que Grand Nûn céleste. Toujours en relation avec les mystères de la lettre Nûn, la rénovation thébaine organisa l’Egypte en vingt-deux nomes, tous les prêtres avaient le crâne rasé, mais le prêtre de Thoth devait être chauve, fait apparemment pittoresque, quelque peu inexplicable pour les égyptologues. Le rasage de la tête s’assimile au dévoilement initiatique. En son sens supérieur le prêtre chauve bénéficie d’une contemplation directe, il peut parler à Dieu face à face. Or cette expression désigne le Roi du Monde, reflet du Pôle céleste, de Métatron « Ange de la Face » et parèdre de la Shekinah. Le Tabernacle de la Présence Divine, Résidence de la Shekinah, étant le Cœur de Thèbes, la chapelle blanche d’Amon. C’est Amon lui-même qui ordonna la reconquête. Nous trouverons la représentation terrestre de la Shekinah sous les traits d’une déesse à corps de femme, en tant que Miséricorde avec une tête de chatte Bastet et Rigueur avec une tête de lionne Sekhmet, le symbolisme polaire est confirmé puisque le nome de la Cuisse lui était attribué ; Fille d’Amon et chargée par son père de châtier les hommes révoltés. Elle en avait fait un tel massacre que seuls les prêtres avaient pu arrêter sa fureur en l’enivrant. En commémoration, tous les ans était célébrée une fête de cinq jours, pendant le premier mois de l’année (mois de Thoth et de Janus). Elle figurait aussi comme déesse de l’Amour (désir de la Connaissance), de la Musique tout comme Apollon. On adorait Amon sous son aspect particulier de Bélier à Mendès, le Bélier ayant comme parèdre une déesse Dauphin (Delphes) dans le nome du même nom. En relation avec l’aspect bénissant de la Shekinah, la déesse avait sur son temple une image gravée en relief qui avait le pouvoir d’exaucer et de guérir. Les prêtres attachés à la déesse exerçaient la fonction de médecins. - Thèbes est par excellence la ville d’Amon, la « Ville Sainte ». Modèle de toutes les villes,’ telle la désignation d’Urbs pour Rome ou l’appellation de la « Ville » la « Mekke » pour .l’Islani. Selon les chroniques, Thèbes apparut hors de l’Océan Primitif (que les Egyptiens appelaient le Noun) et symbolisait la Vittfe originelle à
laquelle le monde entier doit obéir. Le Noun ou Océan Primordial avait joué le rôle d’un berceau, lieu de manifestation de la Lumière Divine projetée sur Thèbes. La reconquête s’effectua sous les règnes de plusieurs pharaons (notamment les Thoutmosis — enfants de Thoth).*Les Hyksos essayèrent de se liguer avec leurs anciens vassaux, les Soudano-Nubiens qui profitant de la faiblesse des Egyptiens avaient constitué le royaume de Koush. Expulsant progressivement leurs adversaires, les Thébains poursuivirent leurs anciens envahisseurs jusqu’en Palestine. Commença alors le Nouvel Empire. Mais cet équilibre relativement fragile fut souvent menacé dès qu’un signe de faiblesse apparaissait : non-conformité du règne par rapport au Mandat du Ciel. Les hordes dévastatrices, tout comme les influences malsaines guettaient la moindre faille pour s’engouffrer à l’assaut de la Terre Sacrée. Les pharaons devaient organiser des expéditions dissuasives à l’encontre des tentatives d’intrusion intermittentes. Les menées sétiennes continueront à prendre les apparences les plus diverses. Elles se matérialiseront sous le règne de plusieurs pharaons comme Akhénaton, Ramsès II et Ramsès III. Les prêtres d’Amon seront en butte à des persécutions, mais légitimes détenteurs de l’authentique tradition égyptienne, ils resteront, malgré les circonstances, toujours omniprésents, même semblant en « sommeil ». • Le pharaon Amenhotep (paix d’Amon) changea son nom en Akhénaton, gloire à Aton (au soleil)’ Il s’agit d’une déviation naturaliste, un abaissement de compréhension, une déviation, . une hérésie puisque le symbole est considéré comme une fin en soi et non susceptible d’élever à la Connaissance. Akhénaton se sacrera lui-même grand-prêtre d’Aton ' parodiant ainsi le GrandPrêtre d’Amon. Il ordonnera pour son intronisation la construction d’un temple dédié à Aton dans l’enceinte sacrée d’Amon à Karnak.- La cérémonie, d’ailleurs, tourna court, interrompue définitivement par la foudre et la grêle. Décidément, peu à l’aise dans Thèbes, Akhenaton entouré de ses courtisans partira fonder sa ville sur le site de Tell el Amarna. L’aspect de révolte, d’inversion, et de dégénérescence, de cette caricature de la royauté (que l’on retrouvera dans l’apparence féminine d’Akhenaton) prendra fin après treize années de règne pendant
lesquelles les temples d’Amon furent fermés. - Avec à nouveau comme capitale Thèbes, le culte d’Amon redevient florissant. * ** Il ressort nettement dans les livres désignés comme apocryphes vis-à-vis de l’Ancien Testament que la mission de Moïse était de renverser les enfants de Set. La lutte de Pharaon, Ramsès II, à l’encontre de Moïse est riche d’enseignements. Nous nous référerons aux traditions islamiques qui nous apportent de précieuses indications. Il est dit que c’est un charpentier (suivant de façon cachée la religion des fils d’Israël) appartenant à la famille de Pharaon qui construisit le berceau de Moïse en accord avec la mère de celui-ci. La tradition occultée du sacerdoce égyptien participe en tant que « charpentier » à la réalisation du Plan Divin, du Grand Architecte, facilitant la mission du principe spirituel Moïse, représentant lui-même le noyau d’immortalité dans la tradition hébraïque et une des manifestations de l’Avatâra éternel.Le compte-rendu de Guénon du livre de M. Robert Ambelain, touchant directement au sujet même du dieu Set, nous amène à citer l’extrait suivant qui éclaire en quelque sorte l’état initiatique de Ramsès II : « Il s’agit en principe d’une initiation de Kshatriyas, mais dégénérée par la perte complète de ce qui en constituait la partie supérieure au point d’avoir perdu tout contact avec l’ordre spirituel, ce qui rend possibles toutes les “infiltrations” d’influences plus ou moins suspectes. Il va de soi qu’une des premières conséquences de cette dégénérescence est un naturalisme poussé aussi loin qu’on peut l’imaginer. » 18 Nous avons vu le « naturalisme » avec Akhénaton. Quant à Ramsès II, la rupture avec l’ordre spirituel était effective dès le début de son règne ; il prétendra au titre de « Chef de la Hiérarche initiatique ». Il n’arrivera pas malgré ses efforts à faire légitimer sa prétention, il avait fait dresser sa statue à côté de celle d’Amon. Totalement sous l’emprise de son Moi inférieur, il se fera
représenter s’adorant lui-même. Importuné de n’avoir reçu aucune allégeance de la part des prêtres d’Amon il préférera quitter Thèbes et fit construire une nouvelle ville portant son nom. Or, cette ville fut édifiée sur le site d’Avaris.' L’illusion à se considérer comme le Pôle de son - époque était entretenue par un mystérieux conseiller à la tête du centre contre-initiatique réactivé sur les ruines d’Avaris. - Ce conseiller, appartenant aux awliya es-shaytân (saints de Satan), c’est lui qui se chargera de construire une tour (du diable) à la demande de Ramsès. Ce dernier voulant ainsi démontrer en gravissant son édifice que Dieu n’existait pas puisqu’il ne s’était pas montré malgré ses appels à comparaître. Dans le Coran (28), l’épouse de Ramsès s’adresse à celui-ci en parlant de Moïse : « Puisse-t-il être une fraîcheur d’œil pour moi et pour toi ! » Ce que refuse Ramsès s’enfonçant - dans son immense orgueil.' Par rapport à l’initiation dont il est titulaire, Pharaon ne voit que d’un œil, manipulé par la contreinitiation, il tend à devenir irrémédiablement borgne et se prépare à devenir une sorte de monarque à rebours. . Lors de l’épisode du Buisson Ardent, il est prescrit à Moïse d’enlever ses souliers afin de ne pas souiller le lieu sacré. Les souliers de Moïse étaient faits avec de la peau d’âne.’ Moïse foule aux pieds les passions inférieures qu’il maîtrise, libéré ainsi de l’emprise tyranique de l’âme passionnelle. Son âme est pacifiée. Moïse est le Connaissant par Dieu. Perplexe et dérangé dans son obstination vis-à-vis de Moïse, Pharaon fait appel aux magiciens (contre-initiation). Se considérant de par leur orgueil comme égaux voire supérieurs à Moïse, les magiciens réunissent cent charges de bâtons et de corde portées par des ânes ! Le serpent de Moïse avale les serpents des magiciens. Tout . se fond dans l’Unité. L’Unité est supérieure à la multiplicité. Le spirituel a primauté sur le psychisme. Malgré la patience et les admonestations de Moïse, Pharaon s’entêtait, esclave de son « ego démoniaque ». Si un certain fléchissement se faisait sentir chez le souverain, la haine était aussitôt attisée par son conseiller. La chute et cet éloignement de la Vérité devaient trouver leur épilogue lors de l’anéantissement des Egyptiens pendant le passage de la mer
Rouge, où Pharaon et (son pouvoir) son armée à la tête de laquelle se trouvait son conseiller finirent au « fond des eaux » point de non-retour de la chute, rejetés dans les ténèbres extérieures. Toujours d’apres les traditions islamiques, c’est Moïse qui provoqua volontairement la poursuite des Egyptiens. Ceux-ci partirent, non pour retenir les Hébreux mais pour récupérer leur or. Certains juifs doutèrent de la noyade de Pharaon car ils ne pensaient pas qu’avec son pouvoir celui-ci puisse être noyé. A la demande de Moïse, Dieu fit remonter les corps et les mêmes qui doutaient précédemment s’empressèrent malgré les mises en garde de Moïse de piller les cadavres et de s’approprier l’or. Dirigés et encadrés par la contre-initiation, les Egyptiens noyés sont les influences magiques et inférieures neutralisées. La malédiction de l’or matériel accompagnant les extravagances d’une alchimie dévoyée. Ceux, parmi les Hébreux, sujets aux errements de leur « Moi inférieur » subissent en conséquence la domination de leurs passions inférieures, se créent eux aussi un monde coupé de l’ordre spirituel et fabriquent un dieu « le veau d’or » semblable à leurs basses aspirations. Le châtiment exemplaire qui suivit permit de séparer l’ivraie du bon grain. Cette purification nécessaire fut dirigée par la tribu sacerdotale de Lévi, en l’occurrence la hiérarchie initiatique, les Israélites au vrai sens spirituel de ce terme. Le règne de Ramsès III déclencha ce que les chroniqueurs égyptiens désignèrent comme les guerres des Impurs, les Sétiens aidés des tribus du désert saccagèrent les temples et se livrèrent, comme à leur habitude, aux pires excès. Après plusieurs années, les prêtres d’Amon et l’aristocratie thébaine mirent fin au désordre. Le palais de Ramsès détruit et les Sétiens chassés hors d’Egypte, la puissance des adorateurs du dieu à tête d’âne s’écroula, les derniers fidèles du dieu se réfugièrent dans les oasis. Lors du règne de Ramsès III, hormis le noyau de la tradition, le développement des sciences inférieures telles que la magie (pouvant vite tomber au niveau de la simple sorcellerie) avait pris un développement considérable. Les dieux n’étant plus envisagés comme différents aspects du dieu Amon lui-même mais comme des puissances indépendantes. Par la suite, la dynastie des Ramsès se remarquera par des
désordres continuels, accompagnés de famines. Un Ramsès destituera un Grand Prêtre d’Amon pour le remplacer par son favori, ce qui aura pour conséquence la fin accélérée du règne. On arriva enfin à la création d’un nouveau titre « Grande Prêtresse d’Amon » rôle tenu par les princesses royales. A travers les querelles intestines et les luttes incessantes, les prêtres d’Amon garderont malgré tout intacte la doctrine initiatique. Le Centre spirituel de la tradition égyptienne se déplacera à l’oasis d’Amon (oasis de Siouah) où viendra Alexandre Le Grand. Les Grecs appelaient cet oasis du nom plus qu'évocateur d’île des Bienheureux et il fallait en partant de Thèbes sept jours pour parvenir à l’oasis. La domination perse fut pratiquement semblable à celle des Hyksos. Le souverain Artaxerxès III rendit les honneurs divins à un âne amené dans le temple de Ptah. * - Cambyse lança ses troupes à l’assaut de l’oasis d’Amon. On ne retrouva jamais trace de son armée. Il mourut d’une blessure qu’il se fit avec son propre poignard, à l’endroit même où il avait frappé un bœuf consacré à Apis. „ Toutes les tentatives d’élimination à l’encontre de la hiérarchie initiatique resteront vaines. Jusqu’à l’établissement officiel du Christianisme par l’édit de l’empereur Théodose, les Fils de Thèbes resteront fidèles à leur rôle de détenteur de la légitimité de la tradition égyptienne. La tradition chrétienne fera des temples des églises, la croix ansée deviendra celle du Christ et l’ibis symbolisera également le Sauveur. Les chrétiens prieront devant les statues d’Isis allaitant Osiris, tout comme la Vierge allaitant l’Enfant Jésus. * **
«
La fondation du Royaume de Koush en Nubie est corrélatif à l’invasion hyksos ; profitant de celle-ci, les Nubiens détruisirent les forteresses constituant la ceinture défensive qu’avaient édifiée les Egyptiens. Lors de la reconquête, les Hyksos proposèrent des alliances aux Nubiens pour lutter contre les Thébains. Le pays de Koush prendra toute son importance dans les chroniques égyptiennes à l’avènement de la dynastie dite « éthiopienne ».
Après que les Koushites se furent retirés d’Egypte, ils ne continuèrent pas moins à se proclamer comme les descendants et les héritiers de la tradition égyptienne. En fait, malgré le vernis égyptien, avec des temples dédiés à Amon, la prépondérance des divines adoratrices aboutira à un pouvoir matriarcal. Il semble que les Koushites aient repris et transporté, en quelque sorte, une magie inférieure caractéristique d’une Egypte en pleine dégénérescence. Il existe dans l’ancienne capitale Napata (l’actuel Djebel Barkal), les vestiges d’un important « Typhonium » dédié à Set. La nouvelle capitale Méroé se situera non loin de la sixième cataracte (Kerma). Le culte méroïtique se vouera particulièrement aux dieux guerriers ; en premier, le dieu lion ou à des héros divinisés à tête de lion. Cet animal représentant dans le cas présent uniquement la force,' ceci n’étant pas sans rapport comme nous le verrons plus loin avec les sociétés d’hommes lions ou d’hommes léopards. On attribue à la civilisation méroïtique la technique de la fonderie et du travail du fer qui se propagea par la suite à travers l’Afrique saharienne. Outre le fer, on extrayait le cuivre et l’or dans la zone du Kordofan. L’aspect maléfique des métaux prendra toute sa signification avec l’usage et l’attrait profanes. Le fer s’associe à l’usage guerrier ; l’emploi de plus en plus répandu de charrues à soc en fer contribuera à ruiner le sol et à faire surgir de nouvelles régions désertiques. Pour le cuivre, on pourra se référer aux rapprochements signalés par Guénon 19 quant à l’or des termes comme la fascination ou la soif de ce métal se passent de commentaires. La disparition de la civilisation méroïtique n’empêche pas la continuation de survivances magiques de l’ancienne Egypte. Bien que le Soudan soit un pays à dominante musulmane, il n’en est pas moins vrai que certaines tribus nomades ou situées dans des régions d’accès difficile poursuivent des pratiques animistes. Dans le secteur du Kordofan, des tribus sont redoutées pour la magie noire qu’elles auraient acquise lors de séjours prolongés dans les anciennes mines. D’autres tribus font remonter à l’époque pharaonique l’origine de leurs pouvoirs et s’attachent à les pratiquer dans les ruines d’anciens temples. La peuplade de « lycanthropes » dont parle
Guénon se situe dans la région des Monts Nuba où subsiste un chamanisme dévié et réduit à des pratiques de sorcellerie. Si nous appliquons le sens géographique au Soudan, outre le nom donné au pays actuellement, le terme en lui-même recouvre plusieurs pays africains dont le Niger et le Nigeria qui intéressent directement notre propos. Bien qu’ils ne soient plus aussi importants qu’autrefois et qu’ils se dissimulent soigneusement, il existe encore certains groupements dont le plus connu est celui des hommes- léopards ; le postulant étant admis lors de sa soi-disant naissance en rampant et en s’enfouissant sous une peau de léopard femelle. L’admis recevant des griffes de fer lui servant à tuer ses victimes humaines. Lors des réunions, les membres se livrent à la pratique de la sorcellerie et au cannibalisme (de même inspiration existent aussi les sociétés d’hommes- caïmans). Les femmes se regroupaient sous le nom de femmes- panthères, s’affublant de masques félins et d’ongles de fer, réputées comme sorcières et faisant commerce de viande humaine. Les sociétés se firent discrètes lors de la domination anglaise, elles bénéficièrent d’une inhabituelle mansuétude de la part des autorités. Il est à noter que la majorité des hommes-léopards travaillaient dans les mines d’uranium ! Léopard, panthère ou caïman en tant qu’animaux destructeurs sont des emblèmes du dieu Set. L’entrée dans la société est un simulacre d’initiation, en réalité il s’agit de développer un processus à rebours de la véritable spiritualité et d’entraîner le sujet dans les prolongements inférieurs et donc infra- humains. Quant au processus initiatique, celui-ci est une élévation progressive. On connaît l’Ane d’Or d’Apulée où Lucius est métamorphosé en âne (en partie par sa fascination pour la magie) ; grâce à l’intervention d’Isis, il est libéré de sa peau de bête, accepté comme novice par un prêtre de la déesse qui le prend par la main et le revêt d’une robe de laine blanche20. Le fait de se recouvrir délibérément et définitivement d’une peau de bête représente pour l’être une descente aux enfers sans possibilité de retour ; dans le cas des hommes-léopards, la similitude entre l’extérieur : emploi dans les mines d’uranium (désintégration) et l’intérieur : appartenance au groupement, est
plus que significative. La descente aux Enfers, purification nécessaire avant la remontée préludant la nouvelle naissance était connue de certaines tribus. Le futur initié revêtait une peau de lion, préparé pour affronter sa descente, il était envoyé dans la brousse jusqu’à épuisement de ses possibilités inférieures, support momentané d’influences dangereuses. De par sa préparation, il faisait parallèlement office pour la tribu de gardien du seuil tant que durait son état, en protégeant le territoire des incursions d’autres tribus donc de forces hostiles. Passé un certain temps, il revenait parmi les siens, on lui enlevait alors sa peau de lion. Set, lors du meurtre d’Osiris, avait parmi ses complices une reine du nom de ASO, la révolte des géants est synonyme de celle des kshatriyas, dans le pays du Niger le nom généralement attribué aux géants est celui de SAO, anagramme de ASO. . Il subiste des tumuli que les actuels habitants de ces contrées considèrent comme les « maisons » des géants ; se gardant bien d’y déterrer quoi que ce soit, les traditions mettent en garde de ne pas réveiller le sommeil des géants. Les archéologues, quand ils le purent, s’empressèrent d’exhumer le contenu des tumuli se faisant ainsi les propagateurs inconscients des résidus psychiques. • Chez les touaregs du Niger, l’âne est considéré comme le plus méprisable des animaux ; le sobriquet d’âne vise les personnes affligées de difformités. Les géants sont décrits comme des êtres violents et rusés portant des oreilles d’âne ; les dessins préhistoriques leur sont attribués ainsi que divers signes gravés, ceux-ci sont appelés écriture de Satan. Seuls les sorciers, avec l’aide des mauvais esprits, peuvent la déchiffrer21. La présence sétienne est ainsi constatable dès les temps préhistoriques.* ** C’est aussi Apollon faisant pousser des oreilles d’âne au roi Midas. Byzance connaîtra la sorcellerie et les envoûtements avec invocation à Set22. En ce qui concerne la fin du cycle, les traditions islamiques annoncent l’apparition de l’Antéchrist, entouré des insensés et des magiciens, ayant à ses côtés un âne d’une taille
gigantesque. Ces mêmes traditions étant par ailleurs en accord avec les autres formes traditionnelles sur l’apogée fort courte de l’Imposteur, aboutissement et destruction en fin de compte du plan contreinitiatique. Anne-Catherine Emmerich confirme la survivance des adorateurs de Set. Nous dirons, pour clore ce chapitre, que les attaques sétiennes contre le Serviteur de l’Unique démontre une fois de plus qu’il n’y a que la Vérité qui blesse et soit insupportable pour les adorateurs ténébreux.
NOTES 1. Le Tombeau d’Hermès E.T., décembre 1936, repris dans Formes traditionnelles et cycles cosmiques. 2. A Jérusalem, dans le secteur de Mea She’arim, où se sont regroupés les juifs religieux, refusant autant que peut se faire la modernité, envisagent Israël au sens spirituel, fort éloigné du sens profane. 3. Le Roi du Monde : chapitre IL . 4. De même les anciens grecs symboliseront la fondation d’une dynastie où l’établissement d’un centre spirituel sous le couvert des amours de Zeus. • La compréhension profane ne voulant y voir qu’atteinte à la morale ou une apologie du libertinage. 5. Nous ne dissocions pas les faits historiques de leur complément symbolique. Nous laissons toute autre interprétation « fumeuse » aux partisans de la lutte des classes. Vu l’état actuel, de prétendues classes qui seraient d’ailleurs inclassables dans une société traditionnelle sauf en les situant hors caste ! 6. Traduction M. Mario Meunier. Editions de la Maisnie. 7. Dans un compte-rendu d’avril 1933, à propos d’un numéro d’Atlantis Guénon parlant de Paul Le Cour : « Comme nous l’avons signalé, il tombait en extase devant le dieu à tête d’âne, parce que dans onagre il voyait AorAgni ! Où de pareilles imprudences pourront-elles bien finir par nous mener ? repris dans Etudes sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage. Tome I. Editions Traditionnelles. 8. Elien. Nat. Anim. X, 28, cité par M. Meunier. 9. Certaines expressions sont explicites tel le serpent monétaire européen. ' 10. Saint Paul, Ep. Romains 16, 18 : « Ces gens-là ne servent pas notre Seigneur le Christ, mais leur ventre, et par leurs propos doucereux et
flatteurs, ils séduisent le cœur des simples. » 11. Nous citons le nucléaire en tant qu’exemple significatif. Par ses inventions qui sont autant de sacrifices à son idole la science, le monde moderne se prépare tout entier à sa grande immolation. 12. René Guénon : La Crise du monde moderne, Gallimard. 13. René Guénon : Symboles Fondamentaux : Quelques aspects du symbolisme de Janus. 14. Idem : Les Têtes noires. 15. M. G. Posner : Richesses inconnues de la littérature égyptienne. 16. Esotérisme de Dante, page 72. Gallimard. 17. Formes Trad. et Cycles Cosmiques. 18. Compte-rendus. Editions traditionnelles. 19. « C’est en réalité le même mot qui en hébreu signifie “serpent” (nahash) et “airain” ou “cuivre” (nehash) ; on trouve en arabe un autre rapprochement non moins étrange : nahas “calamité”, et nahâs “cuivre”. » Article sur Sheth Symboles Fondamentaux. 20. Dans l’Islam, l’aspirant à la Voie, formule sa demande à un Maître en demandant à être pris par la main ; autre analogie avec la robe de laine des soufis. 21. De Foucauld et de Calasanti-Motylenski : textes touaregs, Alger 1922. 22. On peut voir une figuration du dieu à tête d’âne sur un des chapitaux de l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, ou à Sens sur le bénitier de l’église SainteColombe. Enfin, soulignons à titre anecdotique que l’emblème de l’actuel parti démocrate aux U.S.A. est une tête d’âne !
Sarcophage de Byblos dit « Sarcophage d’Hiram » (l’Illustration)
Amulette de protection contre le dieu Set trouvée à Byblos (l’Illustration).
SYRIE
Sans nous lancer dans les implications politiques actuelles, nous nous intéresserons à la civilisation phénicienne localisée actuellement au Liban mais que l’on peut englober au sens géographique du terme comme faisant partie de l’aire syrienne ; telle que pourront la définir les auteurs anciens, particulièrement ceux de l’Antiquité. Il est bien entendu que le nom de Syrie a pu s’appliquer à d’autres contrées antérieurement, conformément aux différents cycles, sans rien changer pour autant au symbolisme correspondant et inclus dans la géographie sacrée. Pour Hérodote, parlant des Phéniciens : « Ce peuple qui habitait autrefois les rives de la mer Erythrée a émigré vers la Méditerranée et s’est établi dans les régions qu’il occupe maintenant » - Diverses traditions donnent les Phéniciens comme descendants de peuplades ayant pour territoire le pourtour de la Mer Morte et qui se fixèrent sur la côte de Syrie après le cataclysme de Sodome et Gomorrhe. Il nous faut considérer deux aspects de la civilisation phénicienne, le plus connu est celui d’un peuple entièrement basé sur l’aspect commercial. Les autres peuples n’ignoraient pas non plus le négoce, mais les procédés employés par les Phéniciens qui auraient fait l’admiration d’un Machiavel ou d’un homme d’affaires moderne, étaient pour les anciens synonyme de déloyauté et de traîtrise. • L’expansion phénicienne s’effectuera par voie maritime. Les
habitants de Tyr rapportaient qu’après la création du monde, vinrent des demi-dieux, l’un de leurs fils, un géant vivant de la chasse fut le premier à s’aventurer en mer sur un tronc d’arbre. Ce seront surtout les carthaginois qui seront réputés tout à la fois pour leur rapacité et leur avarice.» Pour Polybe, à Carthage on ne tient pour déshonorant rien de ce qui produit un profit. Plutarque, quant à lui, les décrit en ces termes : « dociles à leurs chefs, ils sont durs envers leurs subalternes, ils passent d’un extrême à l’autre, car si la crainte les rend poltrons, la colère déchaîne en eux la sauvagerie. Opiniâtres dans leurs décisions, ils se montrent récalcitrants et même inaccessibles aux réjouissances de la vie comme à ce qui peut l’embellir » (De Républica, Ger III, 6). „ Une des principales sources de richesse de Carthage proviendra d’Espagne avec la fondation de la colonie de Gadir' ; et, la mainmise sur les mines de la région de Tartessos qu’exploitaient les populations autochtones réduites en esclavage. * L’ancienne Gadir deviendra célèbre, après la soi-disant découverte de Christophe Colomb, sous le nom de Cadix.’ C’est de ce port que partiront les conquistadores qui emploieront les mêmes méthodes au Mexique et au Pérou pour s’approprier les richesses minières ! Nous avons tâché de faire ressortir ce premier aspect axé sur le seul profit, trait tout à fait anormal pour l’époque. Nous constatons que si les villes phéniciennes entretenaient entre elles d’évidentes relations, il n’en est pas moins vrai que chacune se voulait indépendante des autres. On ne peut pas seulement attribuer ceci à la « mentalité commerciale ». Ceci confirmerait plutôt que le vocable de phénicien regrouperait en réalité des peuplades différentes. L’indépendance de chaque cité reflétant le particularisme, la différence de ses habitants vis-à-vis des autres Phéniciens ou des étrangers. Après avoir désigné l’aspect néfaste, Guénon relevait avec justesse le second aspect lumineux incarné en l’occurrence par Byblos dont il traitait dans la note suivante incluse dans l’article : « Pierre noire et pierre cubique ».' « Gebal était aussi le nom de la ville phénicienne de Byblos, ses habitants étaient appelés Giblim, et ce nom est resté comme « mot de passe » dans la Maçonnerie.’Il y a à ce propos un rapprochement qu’il ne semble pas qu’on ait pensé à faire,
qu’elle qu’ait pu être l’origine historique de la dénomination des Gibelins (Ghibellini) au Moyen-Age, elle présente avec ce nom de Giblim une similitude des plus frappantes, et si ce n’est là qu’une coïncidence elle est au moins assez curieuse. » On connaît surtout la ville de Tyr et son roi Hiram par l’aide que celui-ci apporte à Salomon pour la construction du Temple de Jérusalem. Le personnage ne doit toutefois pas être confondu avec le Hiram-Abif de la Maçonnerie et les rapprochements avec Amon en tant que « Prince des Architectes ». Le rôle de Byblos s’il apparaît plus discret n’en démontre pas moins les contacts entre initiés d’Egypte et de Phénicie, et surtout entre Maçons et Charpentiers. Ceci représentant l’aspect lumineux opposé aux factions phéniciennes acquises aux idées sétiennes et alliées aux Hyksos.' - Il existe les plus étonnantes similitudes entre la légende d’Hiram et par ailleurs les mythes d’Osiris et d’Adonis, vénéré à Byblos. Osiris, mis à mort par Set, enfermé dans un coffre et jeté à la mer, vint s’échouer sur le rivage de Byblos et se fixa entre les branches d’un tamaris, le roi de la ville émerveillé par la beauté de l’arbre en fera un pilier de son palais. Byblos, tout au long de son histoire, gardera sa fidélité vis-à-vis de l’Egypte. Plus tard, elle accueillera avec joie la venue d’Alexandre Le Grand. Si les ambassadeurs égyptiens allaient sacrifier à Tyr (originellement une île flottante tout comme Délos) au temple de Melquart, les prêtres d’Amon venaient directement à Byblos chercher le bois entrant dans la construction des temples. A l’inverse, ce sont des maçons attachés aux temples d’Amon qui sculptèrent les ornementations du sanctuaire d’Adonis. Chez les égyptiens, Byblos avait comme surnom « La Terre des dieux ». En relation avec l’Age d’or, les Grecs donnaient Saturne pour fondateur de la ville.' On peut ainsi mesurer toute l’importance qu’eut Byblos, par l’intermédiaire de son « noyau », constitué d’authentiques Giblim. * ** Lorsque la puissance de Tyr s’écroula sous les assauts assyriens lors du règne de Nabuchodonosor, Carthage (Quart Hadasha : la Nouvelle Ville, fut fondée au vie siècle av. J.-C.) commença son apogée. L’organisation de Carthage ressemble étrangement à celle
de Florence à l’époque de Dante. Si à la tête de la ville se trouve un roi, les décisions prises par ce dernier ne sont appliquées que si elles sont approuvées par l’assemblée des Anciens. Ces Anciens sont désignés, non pour leur sagesse mais pour leur richesse en tant que chefs des familles les plus fortunées. Avant tout autre chose, seule comptera la richesse et les actes de la cité seront guidés par la recherche du seul profit. Ce qui n’empêchait pas la cité d’avoir comme dieu Baal-Hammon ; la contradiction apparaît seulement d’un point de vue superficiel, la mentalité générale n’empêchant nullement la présence de « Giblim » d’esprit, tout comme Dante à Florence, cette dernière ayant prise comme saint protecteur Jean le Baptiste. L’aspect commercial ne pouvant être compatible avec la pure spiritualité, ou même avec un aspect exotérique, les institutions religieuses de Carthage dégénérèrent rapidement, plusieurs femmes portèrent le titre de « chef » des prêtres de BaalHammon2. Comme toute dégénérescence s’accompagne d’une coupure d’avec le domaine spirituel, les Carthaginois n’envisageront plus qu’une adoration à Baal, puis le processus se dégradant encore plus et continuant vers le bas, les croyances sombreront dans l’idolâtrie, l’associationisme (le shirk de l’Islam) pour finir par le culte des baals. Avant que cette chute se produise, il faut tout d’abord considérer que Baal-Hammon correspondait à -Saturne donc comme Régent de l’Age d’or, période d’équilibre. . Les termes Baal et Hammon représentant respectivement le domaine du « naturel » et le domaine purement métaphysique — à savoir le Pouvoir temporel (petits mystères) et l’Autorité spirituelle (grands mystères). La coupure exclut l’aspect transcendant, sacerdotal ; seul est envisagé comme une fin en soi le domaine des petits mystères corrélatif à la royauté. Celle-ci, par son désir d’indépendance perd en réalité sa liberté. La fonction royale, faisant son propre malheur, se trouve neutralisée et finalement devient un jouet entre les mains de la troisième caste, celle des marchands. Après Baal, ce sont les baals et l’intrusion de la multiplicité ; l’initiation royale n’étant plus que l’ombre d’elle-même, sert de support involontaire aux influences inférieures et à ceux qui les dirigent. Cette décadence et déviation tout à la fois ne peut valablement s’expliquer qu’en se référant au double aspect des symboles.
Si nous envisageons l’aspect positif, nous avons vu que . Saturne est Régent de l’Age d’or, Age béni entre tous ; or Saturne est précipité dans le Tartare par son propre fils Jupiter. Ceci pourrait être interprété comme une révolte, une rebellion, or ü n’en est rien, il s’agit simplement de la fin de l’Age d’or et du début de l’Age d’argent, celui de Jupiter. Un cycle arrivant à son terme, devant par conséquent faire place à son successeur,*suivant l’ordre de la manifestation. La fin d’un cycle et l’immédiate venue de son remplaçant amènent un renversement puis un rétablissement. • L’ambivalence de Saturne se démontre par la ressemblance phonétique entre son nom grec de Kronos avec celui de Cronos, le Temps dévorateur, aspects positif et négatif. - . L’adaption cyclique nous est fournie par l’anagramme suivant : l’épouse de Cronos, Rhéa et mère de Jupiter, devient Héra (Junon) parèdre du Régent de l’Age d’argent., La prise de possession par Jupiter ne peut pas mieux s’exprimer que par la formule employée dans la tradition chinoise à savoir « l’expulsion des vertus périmées ». Il s’agit en effet de contrecarrer le côté négatif et par là même les résidus psychiques attachés à l’ancien cycle devenu en quelque sorte une « Terre des Morts ». Ceci se traduira à Rome par la célébration des Saturnales, fêtes qui duraient une semaine, à l’occasion desquelles l’ordre normal et légitime se trouvait inversé ; le but étant de canaliser et d’épuiser les influences infernales afin d’éviter qu’elles ne se répandent. Le monde romain demeurait protégé pour une nouvelle année. Il y a, bien entendu, plus qu’une simple ressemblance avec la fête de l’âne. ~ Le culte de Saturne/Cronos prendra une importance exceptionnelle chez les Phéniciens et plus particulièrement chez les Carthaginois: La prépondérance de Saturne/Cronos - comme puissance maléfique se développera à Carthage sous le nom de Moloch... En fait, il s’agissait plutôt de pratiques diverses regroupées sous le nom de sacrifice Molk. Ces pratiques consistant dans l’application de sciences traditionnelles inférieures tombées dans la plus extrême dégénérescence et aboutissant comme toujours à la sorcellerie. . La Bible nous éclaire en plusieurs points à ce sujet : « Tout
homme d’entre les fils d’Israël et d’entre les hôtes qui séjournent en Israël qui donnera de sa progéniture au Moloch sera mis à mort » Lévitique XX, 2. • « Qu’on ne trouve personne qui fasse passer son fils ou sa fille par le feu, qui pratique la divination, qui use de charme ou de sorcellerie, qui opère un enchantement, qui consulte les esprits ou qui interroge les morts » Deutéronome XVIII, 10.3. *• Tout ceci se réfère à Saturne en tant que Cronos (père des géants) puissance maléfique. On connaît la légende où le dieu dévore ses enfants. Zeus échappant à la folie meurtrière de son père grâce à un subterfuge de sa mère Rhéa, donnant une pierre à manger à son mari et faisant rejeter par le dieu le corps de son fils déjà englouti. Cette pierre neutralise les influences infernales et permet le début de l’Age d’argent. Les Carthaginois seront connus par les sacrifices d’enfants à Moloch, Cronos est aussi le temps qui dévore ses enfants (les cycles). > Le Temps s’introduit à l’Age d’or, ceci peut désigner l’apparition de la contre-initiation et donc la perte de l’état paradisiaque4. Le Temps s’écoule et il ne peut s’écouler que par une fissure, par où s’introduit la contre-initiation. Mais par son action, la contre-initiation contribue à sa perte, car l’accélération du Temps, si elle semble superficiellement favorable aux menées désagrégatrices, ne les entraîne pas moins vers leur propre destruction, inévitable avant l’apparition d’un nouvel Age d’or ; comme le dit Muhyi-d-din Ibn • Arabi c’est malgré tout dans le dernier tiers de la nuit que les influences spirituelles sont les plus proches.. L’inclinaison des Carthaginois vers l’aspect de Saturne/ Cronos correspond à leur mentalité « avant-gardiste » pour l’Antiquité. L’expansion de Carthage, ramenée à son simple côté commercial est horizontale, cette expansion qui reflète l’aspect nomade et dévié concourt à sa propre fin puisque le Temps dévore l’espace. L’histoire profane considère les guerres puniques en tant que rivalités commerciales et dont la principale cause serait due, pour reprendre l’expression moderne, à l’impérialisme romain. Laissant fort loin ces platitudes, l’histoire sacrée nous explicite à travers les
symboles, la cause véritable du conflit. Nous prendrons comme exemple le déroulement de la seconde et avant-dernière des guerres puniques qui amèneront la défaite définitive de Carthage. On impute généralement le déclenchement du conflit aux Romains ; en réalité, ce n’est qu’après la prise de la ville de Sagonte (en Espagne) qui refusait la domination des Phéniciens que le sénat romain envoya à Carthage une ambassade afin de savoir si les dirigeants de la ville approuvaient et cautionnaient par là même les actions d’Hannibal. La réponse étant affirmative, la déclaration de guerre fut annoncée par Rome, sans agression ni traîtrise. Sans entrer dans les détails, les signes et donc les présages que les Romains interprétèrent dès le début des hostilités laissaient entendre que la guerre serait longue et difficile. A aucun moment, les Romains ne sous-estimèrent leurs adversaires, surtout le stratège redoutable qu’était Hannibal (plus exactement Hannibaal, celui que Baal conduit). Si les Romains savaient parfaitement à quoi s’en tenir quant aux qualités guerrières des Carthaginois, leur inquiétude se tourna plutôt vers la nature des forces que véhiculaient ces derniers. Rome, de par sa fonction, était toujours prête militairement ; mais dans ce cas il s’agissait d’empêcher l’intrusion des forces malsaines. Il fut procédé à une lustration générale de la ville. Afin de parfaire la purification et de ne pas permettre aux forces hostiles de trouver un support dans Rome, il fut aussi décrété le déroulement d’une Saturnale exceptionnelle d’un jour et d’une nuit, mais d’une ampleur maximale. Devant le péril, le sénat envoya consulter l’oracle de Delphes ; Apollon prescrivit les rites à accomplir et promit la victoire si ceuxci étaient correctement opérés ; le fait d’offrir au dieu un tribut sur chaque prise établissait des liens profonds avec Rome où le temple du dieu sera édifié, sur le mont Palatin. C’est aussi sur ce mont que se situait une grotte où se réunissaient les Luperques, confrérie des prêtres loups qui à l’inverse des sociétés-léopards, effectuaient lors des Luper- cales, des rites de protection et de purification et transmettaient des bénédictions au moyen de lanières en peau de chèvre. Nous pouvons constater l’aspect lumineux et par
conséquent apollinien du loup ainsi que le symbolisme des cornes. Parallèlement, on trouva dans les livres Sybillins une prédiction concernant le conflit et enjoignant d’introduire dans la cité la Grande-Déesse Cybèle. Seule sa présence, pouvant faire basculer définitivement le conflit dans un sens positif. La présence de Cybèle sous plusieurs noms, sous divers aspects et dans des traditions différentes, ne correspond à aucun syncrétisme mais prouve une fois de plus l’Unité transcendante qui préside à toutes les traditions. * L’aspect le plus connu de Cybèle est celui de la Grande- Mère correspondant au principe « substanciel de la manifestation universelle »’ ce qui justifie et démontre la continuation de sa présence sous des noms multiples et des assimilations diverses comme autant d’aspects, selon que la déesse soit considérée selon un symbolisme terrestre ou bien céleste. La présence de la déesse à Rome se trouvait justifiée par les circonstances et par un de ces noms OPS : secours. * Les liens de celle-ci avec Jupiter et Apollon étant loin d’être fortuits — Cybèle, mère de Jupiter fait élever son fils par ses prêtres dans une grotte du mont Ida en Crète. La Grande- Déesse vénérée sous la forme d’une pierre noire (la fameuse pierre ayant sauvé la vie à Jupiter) vint à Rome depuis l’Asie Mineure où elle avait son sanctuaire à Pessinonte. Toujours en Phrygie et non loin de l’ancienne Troie, la déesse avait un temple sur un mont nommé Ida, tout comme en Crète. * Rappelons que venant de Crète des marins furent enseignés par Apollon lui-même pour accomplir les rites à Delphes. Le temple de la déesse se trouvait comme celui d’Apollon sur le Palatin. Le Palatin, en tant que mont, ne pouvait que convenir à la « déesse de la montagne » et à son symbolisme céleste qui la fera justement assimilée à la Junon Céleste ; elle était représentée alors avec des clefs. Cet aspect des clefs la fera associer à Janus en tant que Junon Lucine présidant aux naissances et amenant à la lumière. Toujours en relation avec le symbolisme céleste et en correspondance avec le signe du Capricorne (porte des dieux), les Luperques seront surnommés les « Amis de la déesse ».
Lorsque Hannibal voudra s’emparer du trésor du temple de Junon à Crotone, celle-ci le menacera dans un songe de lui faire perdre la vue (Hannibal était borgne) s’il pillait le sanctuaire ; le Carthaginois n’insista pas ! Par deux fois s’il n’en avait été empêché par la foudre et la grêle, Hannibal faillit prendre la cité de Jupiter. A ce propos, il faut noter que le commandement des légions participant à la guerre contre les Carthaginois fut confié à Publius Cornélius Scipion. Cicéron relate la naissance miraculeuse de ce dernier comme étant le fruit d’un accouplement de sa mère avec Jupiter. Lors de la troisième et dernière guerre punique, Scipion le jeune prit d’assaut et détruisit Carthage. Pendant le siège de la cité, les Romains ne pratiquèrent pas l’évocatio, dans le but de se concilier les divinités de leurs adversaires ; par contre, après la prise de la ville eurent lieu des exorcismes afin d’y chasser les influences « sinistres », pour clore ces rites d’expulsion, on versa du sel sur le site (le sel, en alchimie, est le résultat de l’équilibre obtenu): Plus tard, lorsque Carthage et ses environs deviendront la province romaine d’Afrique, l’ancienne divinité Tanit sera vénérée comme « Juno Coeles- tis ». Quant à la probabilité de la survivance d’une magie inférieure d’origine phénicienne, elle n’est pas impossible. Les Carthaginois entretenaient des contacts avec des tribus nomades se déplaçant sur de vastes aires géographiques telles que les déserts de Syrie et de Libye, ou dans des pays comme le Soudan et le Niger. Ceci correspondant à d’anciennes pistes de l’Antiquité où circulaient les caravanes transportant les métaux précieux. *
** Nous trouvons dans la Bible au chapitre VI de la Genèse, brièvement relaté l’épisode de l’union des enfants de Dieu avec les filles des hommes ; ce qui, indiquait Guénon, montrait par là même la lointaine origine de la contre-initiation. De plus amples précisions existent en l’occurrence dans le Livre d’Hénoch reconnu comme canonique par l’Eglise copte d’Ethiopie.
Complémentaire à cet ouvrage s’est conservé un texte d’origine grecque intitulé « Le Livre des secrets d’Hénoch ».. Bien que la Syrie primitive désigne tout autre chose que le pays actuel du même nom, il n’en est pas moins vrai que celui-ci peut tout aussi, de façon secondaire, se rapporter au même symbolisme. • Le Livre d’Hénoch considère le Mont Hermon comme l’endroit où se produisirent les événements qui entraînèrent la chute des anges rebelles. De l’union naquirent les géants qui amenèrent le malheur sur la terre en utilisant les secrets des anges afin d’obtenir une puissance acquise au moyen de la magie puis de la sorcellerie. L’Hermon était le territoire de Og, le chef des géants (les réphaïm) que Moïse combattit ; les âmes des géants morts se transformant en influences errantes prêtes à provoquer les désordres sur terre. • - Les compagnes des anges révoltés deviendront des Sirènes.. En rapport avec ce que nous développerons un peu plus loin, il faut noter que les Sirènes en tant que « pêcheuses d’hommes » constituent le contraire du « Christ pêcheur d’hommes ». Si le côté christique a le sens d’une élévation, celui des Sirènes correspond à une chute au fond des eaux. Rappelons la .. supériorité d’Orphée, à bord de l’Argos, vis-à-vis des Sirènes, réduisant à néant leurs sortilèges, grâce à son chant et à sa lyre. - Sans trop nous éloigner de notre sujet, nous signalerons qu’était attribuée à Orphée l’institution des mystères sacrés d’Apollon et de Dionysos. Enfin, l’âme d’Orphée fut accueillie dans l’Ile des Bienheureux ! Ce que nous avons dit précédemment sur le mont Hermon pourrait faire considérer celui-ci comme un lieu néfaste et de malédiction, ceci concernant l’aspect négatif et sombre. Sous son aspect lumineux, le mont Hermon peut symboliser l’Axe du Monde, et par conséquent la Montagne sacrée et polaire. La Bible fait allusion à cette primauté en parlant de la rosée de PHermon descendant sur les montagnes de Sion ; il y est fait aussi mention comme d’un lieu de bénédiction de Iahvé en relation avec l’immortalité. . Ceci nous amène directement à la fonction d’Hénoch, dans le livre du même nom, les anges rebelles font appel à lui pour
intercéder auprès de Dieu afin d’obtenir leur pardon. La demande sera ultérieurement rejetée ; par contre, Hénoch visite le groupe des anges se situant au même degré d’où étaient tombés les révoltés. Ces anges se lamentent de leur sort, depuis la révolte c’est un lieu de sommeil ; sur les conseils d’Hénoch les anges restés fidèles accomplissent de nouveau leur fonction. La révolte ne peut être que superficielle et momentanée, elle s’installe d’elle-même à un niveau inférieur et ne peut jamais affecter le « noyau » spirituel et éternel. Cette notion d’éternité en relation avec l’immortalité se référant à l’Embryon d’Or, solaire. • Dans la tradition islamique, la sphère du Soleil est celle de Seyidna Idris, Pôle Universel. En Islam, Seyidna Idris est . assimilé soit à Hénoch-Hermès,* Elie ou Khidr (Khadir) et la Montagne polaire est nommée Qâf \ Elle est constituée d’une émeraude ; le vert couleur de la Connaissance intégrale. Qâf se situe au confluent des deux mers (le barzakh) ; il s’agit en l’occurrence du monde intermédiaire c’est-à-dire « l’unique point qui demeure fixe et invariable dans toutes les • révolutions du monde 5. Ceci correspondant à la « Résidence » du Roi du Monde. Selon les modalités propres à chaque tradition, le nom d’Hénoch (Hermès) s’il est parfois directement assimilé lui-même au Roi du Monde recouvre par ailleurs de nombreuses et diverses attributions. * Tout comme le Christ, Moïse est un pêcheur d’hommes et est dépositaire d’une science correspondant à son mandat. Avant de commencer son voyage pour aller vers Khidr, Moïse se munit comme provision d’un grand poisson salé. Celui-ci revint à la vie lorsqu’une goutte provenant d’une source le toucha. Moïse comprend qu’il est arrivé en présence de Khidr. Moïse est le Pôle de son temps et assure donc l’équilibre (le sel) du cycle ; le poisson qu’il tient entre ses mains symbolisant , celui-ci. Moïse, malgré son rôle élevé dans la hiérarchie initiatique ne possède qu’une infime partie de la Connaissance. De même que lors de la venue du Nouvel Age d’or, de nouveaux cieux apparaîtront ; Khidr, lui, se tient dans l’éternel présent ou l’éternel printemps toujours en relation avec l’Age d’Or. Le printemps, où tout
reverdit, époque de l’année où le Simôrgh (équivalent du Phénix) s’envole pour la Montagne Qâf. Khidr est aussi appelé Khadir : le Verdoyant. En relation avec Seyidna Idris et la fin du cycle, rappelons que le Nûn est la lettre planétaire du soleil. Par rapport à l’Hindouisme, nous trouvons dans l’Islam, ultime tradition et synthèse, que Pémeraude est la couleur attibuée à Muhammad, par ailleurs Idris est donné pour originaire de l’Hindoustan, or dans l’ésoté- risme islamique, l’Hindoustan s’applique à une région située au sommet de la Montage Qâf. Il y a là une référence à l’Hindouisme de Guénon, que ne risquent pas de trouver les suppositions et les investigations profanes ! Selon nos dires antérieurs sur les modalités d’adaptation inhérentes à chaque forme traditionnelle particulière, le Livre ‘ des Secrets d’Hénoch relate non seulement la lutte de ce prophète visà-vis de la contre-initiation mais aussi son ascension à travers les sept cieux. Ensuite, Hénoch est oint par l’archange Michel, il lui est remis un calame, outre son attribution de scribe divin et de transmetteur des Livres sacrés, il est nommé témoin pour le Jugement dernier. Toutefois, le plus important est la description de la naissance miraculeuse de Melchissedec. Après quarante jours, Melchissedec en prévision du Déluge est placé dans le Paradis de l’Eden et reçoit l’investiture de Chef des Prêtres du Seigneur.* - Guénon notait que : « le nom de Melchissedec, ou plus exactement Melki-Tsedeq, n’est pas autre chose, en effet, que le nom sous lequel la fonction même du Roi du Monde se trouve expressément désignée dans la tradition judéo- chrétienne » 6. Par ailleurs, dans certains cercles ésotériques de l’Ismaélisme « l’Imam éternel » a pour nom Melchissedec notamment dans l’ordre des Assasis, gardiens de la Terre Sainte, tout comme les Templiers avec lesquels étaient établis au niveau ésotérique des liens profonds. * Lorsque le prophète Elie fut enlevé au Ciel, son manteau retomba sur Elisée, ce qui correspond en Islam à l’investiture de la Khirqa. L’une des modalités de la transmission initiatique s’effectue donc par l’investiture de la Khirqa que l’on peut qualifier de « manteau initatique ».
Outre ses trois rencontres avec Khidr, Muhyi-d-dîn Ibn’Arabi reçut parallèlement par trois fois la Khirqa Khadiriyya. Nous citerons à cet effet le texte suivant extrait d’un recueil du Maître connu sous le nom : « les Soufis d’Andalousie » 7, concernant un soufi ‘Ali Ibn ‘Abdallah. Cet homme se consacrait à la discipline de l’âme ; il fut le disciple de ‘Alî al-Mutawakkil (et d’autres). J’allai une fois lui rendre une visite qu’il m’avait faite. Quand j’entrai chez lui, il me fit asseoir à un endroit particulier de la pièce. Lorsque je lui en demandai la raison, il me répondit qu’al-Khadir s’était assis à cet endroit, et qu’il avait voulu ainsi me faire profiter de la barakah qui s’y attachait. » Il poursuivit en me racontant ce qui s’était passé lors de la visite d’al-Khadir : « Bien que je n’eusse pas mentionné la Khirqa, il sortit une petite coiffe de coton et me la posa lui-même sur la tête. Ensuite je l’enlevai, la baisai et la plaçai entre lui et moi. Il me dit alors : « O Alî, voudrais-tu que je te confère l’investiture avec la Khirqa ? » Je répondis : « O Maître, qui suis-je pour en décider ? » Il la prit alors entre ses mains d’une manière différente et la plaça sur ma tête. Je demandai à Alî : « Fais pour moi ce qu’il fit pour toi. » Il prit une étoffe et accomplit exactement le même rite. J’ai moi-même conféré cette investiture selon la tradition transmise par la chaîne (silsilah) des maîtres spirituels, et c’est de cette façon que j’investis les autres avec la Khirqa. » Il existe aussi la Khirqa du Cheikh al-Akbar : Khirqa Akbariyya dont bénéficia l’Emir Abdel-Qâdir. Les rencontres avec Khidr sont aussi mentionnées dans le soufisme persan. L’un des maîtres de la tariqah Mawlawî8, Shams (le soleil) de Tâbriz était surnommé le bien-aimé de Khidr. Il ne faudrait pourtant pas juger les contacts avec Khidr comme banals et fréquents. Dans le cas de Guénon, nous nous trouvons en présence d’un fait exceptionnel. Tout comme Hermès, Khidr joue le rôle d’échanson venu du Centre * Suprême. Hermès était aussi le dieu de l’éloquence, de l’art oratoire et avant tout le Scribe divin." L’Œuvre du Cheikh Abd-al Wahid est pleine de ces qualités. Œuvre providentielle dans le désert des pitreries occultistes et des faux-semblants de la contreinitiation. „• Le Maître est bien la « boussole infaillible » tout comme Khidr
apparaît à quiconque s’égare dans le désert, libre est le choix de le suivre ou non: Il y a l’Hermon, Montagne céleste et l’hémione, l’âne ! Si Khidr se trouve à côté de la source de Vie, la contreinitiation se situe à côté de l’égout que constitue le monde moderne ; mais la noyade de Pharaon ne fut-elle pas sa purification ? Sans nous étendre outre mesure, nous pouvons dire que le Cheikh Abd-al Wahid marcha sur les pas de Seyîdna Shîth, Sheth ; ceci confirme bien son rôle de Précurseur et d’Avertisseur. Dans le soufisme persan, Sheth est considéré comme le premier soufi. Pour clore ce chapitre, nous signalerons que les soldats constituant l’arrière-garde de l’armée scythe pillèrent le temple d’Aphrodite Céleste (Dercéto, parèdre d’Apollon) dans la ville d’Ascalon. Les auteurs du sacrilège et leurs descendants furent soumis à la malédiction de la déesse qui les transforma en Enarées (efféminés). Les liens entre les Scythes et le chamanisme étant plus qu’évidents, nous reviendrons sur ce sujet dans un chapitre ultérieur.
NOTES 1. Hérodote I, Traduction Barguet. La Pléiade. 2. Lorsque nous parlons de cet aspect féminin, il s’agit en ce cas de la caractérisation d’une déviation et non d’un littéralisme misogyne. Le terme de parèdre s’appliquant au sens supérieur et toute femme, si elle possède les qualifications nécessaires peut être initiée selon les modalités inhérentes. 3. Traduction Dhorme. La Pléiade. 4. L’apparition des premières horloges dites mécaniques date de la fin du Moyen Age. 5. Un hiéroglyphe du Pôle : Symboles fondamentaux. — Nous retrouvons la Montagne polaire dans toutes les traditions, citons entre autres, le Mont Mérou dans l’Hindouisme ; Mont salvat, résidence du Graal, l’Olympe... 6. Le Rot du Monde : chapitre VI. 7. Rûh al-quds et ad-Durrat al-fâkhirah. Editions Orientales, Traduction R.W.J. Austin, version française par Gérard Leconte. 8. Ordre plus connu sous le nom de « derviches tourneurs ».
L’IRAK
D’après Guénon, l’esprit « Nemrodien » procède du principe ténébreux désigné par ce nom de Set, sans pour cela prétendre que celui-ci ne fait qu’un avec Nemrod lui-même La Bible nous renseigne succinctement sur le personnage de Nemrod en le désignant dans la Genèse comme un « héroïque chasseur ». La généalogie montre que celui-ci est un des géants nés de l’union des fils du Ciel et des filles des hommes.- Certains textes apocryphes par contre, ainsi que les traditions islamiques nous fournissent de plus amples éléments. Citons premièrement les sources apocryphes. Selon celles-ci lors de l’édification de la tour de Babel (la tour matérialisant le défi et la révolte du pouvoir temporel à l’égard de l’autorité spirituelle) les princes de la terre demandèrent à chaque habitant de prendre en tant qu’engagement personnel une pierre pour contribuer à la construction. Cet engagement personnel présentant une certaine analogie avec la marque de la « Bête » dont parle l’Apocalypse. Douze hommes refusèrent d’acquiescer, parmi eux Abram (Abraham). Mis en demeure d’obtempérer, un délai leur fut accordé sur l’insistance d’un prince qui partageait secrètement leur croyance2. Celui-ci leur permit de s’échapper, onze se réfugièrent et se cachèrent au sommet d’une montagne ; seul Abram totalement confiant en Dieu, refusa de partir. Le délai expiré, les princes révoltés et leurs séides ne trouvant plus qu’Abram reportèrent à son encontre toute leur haine et décidèrent de le jeter dans un brasier. Un tremblement de terre se produisit alors, la fournaise créée par les adversaires du Patriarche se retourna contre eux et les consumma, Abram ne subissant aucun dommage de la part du feu. Bien que stoppée provisoirement des suites de l’intervention d’Abram la tour de Babel ne fut pas moins perpétuée. Cette continuation se poursuivant jusqu’à nos jours mais reposant sur une précarité grandissante la tour malgré toute tentative de solidification (significatif est l’envahissement du béton) ne s’appuie que sur du sable (évidence d’une ancienne pulvérisation). Si nous nous reportons maintenant aux traditions islamiques nous voyons Nemrod vivant dans Babylone ayant à ses côtés le propre père d’Abraham remplissant à la fois les rôles de vizir et de sculpteur
d’idoles. Or justement l’année de la naissance d’Abraham les devins prévinrent Nemrod de la venue au monde d’un enfant qui briserait plus tard les idoles. Le roi décida pour l’année de la mise à mort de tous les mâles nouveau-nés 5. La mère du futur prophète le fera passer pour mort et le cachera dans une caverne. Après un certain laps de temps, elle racontera tout à son mari et celui-ci présentera son fils à Nemrod, comme revenant d’un lointain voyage. Abraham, prêt, commencera sa mission au grand jour.. Accusé d’avoir détruit les idoles des temples, Abraham est convoqué par le roi qui l’interroge. Nemrod se considérera l’égal de Dieu en donnant la mort à un condamné et en donnant la vie à un autre en le graciant ! Devant cet aveuglement manifeste Abraham mis en demeure Nemrod de faire se lever le soleil du côté de l’Occident. Pris en défaut dans son orgueil et montrant son impuissance Nemrod fit emprisonner le prophète. A la mort du père d’Abraham il condamna le prophète à être brûlé»4 et fit apporter des charges de bois par des ânes et des chameaux. Les chameaux renversaient leur charge Abraham les bénit, à l’inverse il maudit les ânes qui portèrent tout le bois. Afin de mieux voir le supplice Nemrod fit élever une tour dans son palais, il put constater que par la Grâce divine et à la demande du prophète le feu devenait froid. L’échec de Nemrod est une abdication vis-à-vis d’Abraham. Dans d’autres relations sur Nemrod, nous apprenons que ce dernier se fit ensuite construire une sorte de caisse pour s’élever dans les airs au moyen de vautours et lança des flèches contre le Ciel. Malgré un ultime avertissement, Nemrod s’entêta et voulut combattre Dieu.» Dieu alors envoya contre Nemrod et ses troupes une armée de moucherons dont les piqûres les décimèrent. Voulant écraser un moucheron Nemrod ne put s’empêcher de l’aspirer, celuici était le moucheron le plus faible, borgne et boiteux. L’insecte commença à ronger le cerveau du roi. A la demande du roi toute personne rencontrée devait lui taper sur la tête faisant ainsi s’envoler le moucheron un court instant, seul répit à son supplice. Loin d’un quelconque souci de pittoresque tout ceci nous amène à plusieurs commentaires. Tout d’abord, lorsque Abraham somme Nemrod de faire lever le soleil à l’Occident ceci semble avoir une connotation . apocalyptique, en réalité Nemrod est voilé à la Connaissance, sombre dans la confusion et finalement dans l’ignorance la plus totale, ' l’épisode
parodique des deux prisonniers en témoigne. Le soleil se levant à l’Occident symbolise la véritable illumination, le soleil perpétuel qui à l’inverse du phénomène physique ne se couche jamais ; tout comme au milieu du feu, Abraham est à côté d’une fontaine, en l’occurrence la source de Vie. Quant au rôle joué par les ânes il se réfère directement à la présence sétienne. La construction au-dessus du palais de Nemrod est significative. Au sujet du supplice il est dit dans le Coran (21, 69). « Nous dîmes ô feu sois fraîcheur et paix pour Abraham ». En dehors dé toute historicité Abraham et Nemrod représentent respectivement un principe lumineux et un principe ténébreux. Vis-àvis du feu Abraham symbolise l’aspect supérieur lumineux et solaire ; Nemrod lui correspond . à la chaleur ; aspect inférieur. Cette absence de luminosité ne doit pas nous étonner puisqu’il est un descendant des anges déchus.'La volonté de puissance peut-être assimilée à une passion brûlante et l’orgueil à une passion dévorante qui débouche sur l’exaltation du « moi » inférieur se traduisant par un égocentrisme forcené. Cet aspect brutal et dévorant rappelle aussi le côté négatif et destructeur des bêtes de proie comme le tigre. Par ailleurs, une proie morte se transforme rapidement en charogne tout comme une puissance brutale avec d’épisodiques satisfactions pour leur possesseur n’est que brève et fuyante, totalement soumise au devenir. La chasse ne devient plus une destruction de l’ignorance mais une poursuite effrénée, une chasse aux spectres ! Le chasseur finit par devenir gibier, ignorant la correspondance qu’il porte en lui en tant que microcosme, la raison cartésienne le fait se rétrécir, et caricature de lui-même, il se met plus bas qu’un moucheron borgne et boiteux Cette vision rétrécie est imagée par Nemrod s’enfermant dans une caisse et s’envolant porté par des vautours ; jouant ici le rôle des influences infernales et aveuglantes 6. Il y a là une parodie de l’ascension céleste au cours du voyage initiatique, parodie que nous retrouvons dans la conquête spatiale, imitation de la sortie du cosmos, vaine prétention à la Porte des dieux.. Le principe ténébreux Nemrodien est synonyme d’égarement qui entraîne vers l’infra-humain, d’ailleurs corrélatif à moindre échéance d’une animalité traduisant un engloutissement de l’être par les forces psychiques les plus inférieures ; la lycanthropie pouvant en résulter. Abraham en tant que principe lumineux ne peut être atteint par le feu, se trouvant au-delà des passions. Que peut d’ailleurs le feu contre le soleil ?
L’impuissance de Nemrod par rapport à Abraham montre bien les différences de « niveau ». La présence de la Source de Vie signifie que le prophète a atteint le centre de son être, de ce fait en tant que rayon solaire il est relié au soleil spirituel qui ne se couche jamais.* Désigné comme Khalîl Allah, l’Ami intime de Dieu, Abraham est lui-même un soleil. Il est considéré en Islam comme le Pôle de son époque, ce que confirment les écrits apocryphes par l’établissement du centre spirituel à la tête duquel se trouve le prophète. « Vous avez un modèle salutaire et excellent en Abraham et dans ceux qui sont avec lui ». Coran LX, 4. Abraham par sa fonction ainsi que par sa position axiale devient pour son temps l’Axe du Monde. Abraham est l’Homme Parfait, miroir de l’Essence divine. « Dis ! Certes mon Seigneur m’a guidé sur une voie droite, conforme à la religion axiale, la tradition immuable d’Abraham était parfaitement pure et non celle des infidèles associateurs. » Coran VI, 161. Abraham ne représente pas seulement la jonction entre le Judaïsme et l’Islam ; ce nom désigne tout un peuple agissant en parfaite conformité avec l’Ordre divin, en l’occurrence qu’il vive pleinement sa tradition. . « Certes Abraham était une communauté. » Coran XVI, - 120. « Qui donc si ce n’est l’insensé, s’écarte de la religion d’Abraham » Coran II, 130. Abraham constitue le rappel immuable entièrement axé vers l’Unité métaphysique. Citons les paroles du Prophète de l’Islam : « La chose la plus excellente que j’ai dite, moi et les prophètes qui m’ont précédé c’est Lâ ilâha ilia llâh. » — J’atteste qu’il n’y a pas de divinité si ce n’est Dieu. En relation avec ce que nous avons dit plus haut, Abraham opéra un redressement nécessaire par la situation résultant de la révolte des kshatriyas. Selon la généalogie biblique Abraham était l’un des descendants de Sem, l’un des trois fils de Noé, or Sem est considéré aussi comme le père de tous les fils d’Heber. Heber eut lui-même deux fils Péleg et Joktan ; la Genèse précise que la Terre fut partagée à cette époque, Péleg signifant division, il pourrait y avoir là une allusion à cette révolte. ' Il nous faut effectuer certains rapprochements, les apocryphes
bibliques tout comme les traditions islamiques nous .informent que le père d’Abraham, Térakh était un grand soldat, vizir du roi de Babylone Nemrod. Nous retrouvons l’élément féminin propre aux kshatriyas puisqu’il est dit que les habitants adoraient un dieu lunaire. On donne pour lieu de naissance d’Abraham Ur en Chaldée ce nom « désigne en réalité non pas un peuple particulier mais bien une caste sacerdotale »1. La venue d’Abraham en Babylonie coïncide avec le règne d’Amraphel roi de Schinear 8 ce roi peut-être identifié à Hammourabi. ’ Il ne faut voir là aucune opposition entre le roi et le prophète. Avant le règne d’Ammourabi le pays est divisé en petits royaumes, le pouvoir royal se désagrège dans la multiplicité, illustrée par les luttes incessantes entre roitelets. Nous assistons alors à une action conjuguée Abraham expulsant de Babylone la contre-initiation et neutralisant ainsi le principe Nemrodien pervertissant une aristocratie dégénérée. Babylone revient à sa fonction première, ancien centre initiatique en sommeil, revivifié il peut devenir à nouveau . opératif. Parallèlement le pouvoir temporel échoit à Hammourabi, représentant légitime de l’autorité royale. Sur la fameuse stèle d’Hammourabi on peut voir le roi recevoir de Shamash, dieu de la Lumière, la Législation sacrée. Les historiens grecs de l’Antiquité assimileront Shamash à Apollon. Tout comme Apollon détruit Python, Abraham rayon solaire perce les ténèbres nemrodiennes ; les premiers ' paragraphes du code d’Hammourabi visant particulièrement les magiciens noirs et autres sorciers ! D’après l’enseignement de Guénon « Bab-Ilu » signifie porte du Ciel ce qui est une des qualifications appliquées par Jacob à Luz, d’ailleurs il peut avoir aussi le sens de maison de Dieu comme Beith-El ; mais il devient synonyme de confusion (Babel) quand la tradition est perdue ; c’est alors le renversement du symbole, la Janua Inferni prenant la place de la Janua Coeli9. Babylone prit le rang de capitale et y fut construite la célèbre ziqqurat sur les ordres du maître des dieux Marduk dont les prêtres, souligne Hérodote, s’appellent les Chaldéens. L’édifice constitué de sept étages (de sept degrés) correspondant aux sept cieux, elle est analogue à l’échelle de Jacob.‘On retrouve dans les textes
babyloniens la ziqqurat sous les termes éloquents tels que : La maison des sept directions du Ciel et de la Terre ; la pierre fondamentale du Ciel et de la Terre. Ces dénominations ne pouvant être plus significatives, surtout si l’on sait que les premiers souverains de Babylone faisaient précéder leur nom de « roi du peuple à la tête noire ». Babylone devenant « Cœur du Monde ».' Lieu parfait de réflexion en concordance avec son archétype céleste, le grand sanctuaire de Babylone avait d’ailleurs pour nom le « Bosquet de Vie » du fait de ce rapport privilégié, ceci se retrouvant dans l’ontologie du « Buisson Ardent ». • La capitale de l’empire babylonien est le centre de la Terre Sacrée, le terme Porte du Ciel s’associe à celui de Porte des Dieux et par conséquent au Capricorne. Le sanctuaire principal de Marduk se trouvait à Babylone. Le nom du dieu signifiant en sumérien le Bouvillon brillant du Soleil ; le Capricorne est à la fois moitié-bouc et moitié dauphin. Pour cette tradition, la partie supérieure est représentée par Marduk, le « support » est constitué par le dauphin Shamash (Apollon).' En rapport avec la géographie sacrée et le Zodiaque, les sanctuaires secondaires mis à jour mesuraient tous douze mètres de hauteur. Les traditions sumériennes gardaient le souvenir d’un déluge abolissant le cycle précédant l’avènement d’Hammou- rabi. La destruction de cet ancien monde avait pour cause des usurpations royales répétées et dirigées contre l’autorité spirituelle. Le pays de Sumer étant ensuite sorti de la mer. A ce propos lors des fouilles en Mésopotamie, les archéologues ne purent aller plus loin que la couche de sable fin et de coquilles qu’ils rencontrèrent, témoignage de ce déluge. Il est amusant de constater que cette ultime couche fut datée du vie siècle avant Jésus-Christ, cette date correspond justement à l’une des barrières de l’Histoire signalée par Guénon 10. Le récit babylonien du Déluge présente d’étonnantes similitudes avec ce que nous en rapporte la Bible. A l’origine se trouvait le domaine de la Sagesse (la Pure Contemplation) où régnait Ea, il s’agit en l’occurence de l’Age d’or, Ea correspondant à Saturne ; mais peu à peu se produisit une dégénérescence, éloignement vis-à-vis de la Manifestation. Toujours à la suite des révoltes contre l’autorité spirituelle le monde s’enfonce inexorablement dans le chaos personnifié par Tiamat. Si nous nous référons aux correspondances traditionnelles suivantes : Occident, Automne, Vieillesse, Bilieux, Race Rouge, Terre,
nous constatons ceci : bien évidemment, - l’Occident est le lieu où le soleil se couche annonçant la fin de l’Age d’or, l’Automne confirme cet achèvement que concrétise, elle-même, la vieillesse. Le terme bilieux trouve une certaine résonance dans le fait que dans la tradition que nous étudions les démons sont dits provenir de la bile d’Ea. La bile présentement évoque l’acidité dont se dégage l’aspect dissolvant, corrosif des forces malsaines, les conditions cycliques permettant à celles-ci de s’introduire et de se former dans le corps d’Ea, de fissurer l’édifice traditionnel. Ce moment de vulnérabilité qui correspond à un affaiblissement et à une irrégularité dans l’accomplissement des actes rituels favorise donc l’intrusion des démons, les structures traditionnelles s’écroulent et il ne reste bientôt plus qu’un . cadavre psychique dont se revêt Tiamat ; le terme de Race Rouge, en ce cas, indique le courant Nemrodien, les géants et les kshatriyas révoltés ; la Terre souligne le temporel et la coupure d’avec le Ciel. Dans les derniers temps du cycle, Ea réussit par l’intermédiaire de Shamash à prévenir du Déluge imminent un juste du nom de UmNapishtim et lui conseille de construire un navire, dont il lui communique les mesures, afin de s’y réfugier avec les siens et d’y emmener les animaux. Du commencement et jusqu’à la fin du Déluge, l’embarcation est constamment guidée par le dieu-poisson Oannès. Tout d’abord si nous regardons le nom de Um-Napishtim et
t
que nous le décomposons, nous voyons l’indéniable analogie entre le premier terme Um et le monosyllabe Om, le second terme marquant, quant à lui, la présence de l’Elite initiatique, dépositaire de la Connaissance chiffrée et contenue dans les mesures du navire, qui est l’Arche transportant le noyau nécessaire à l’éclosion du nouveau cycle. Les animaux figurent l’innocence par la conformité avec leur nature propre. L’Arche est guidée par le dieu-poisson Oannès une des figurations d’Apollon ; les Napishtim sont les prêtres-marins (comme à Delphes) qui ont accompli avec succès la navigation périlleuse. On peut constater que malgré le temps, le symbolisme est inaliénable et immuable même à notre époque où les légendes ressemblent fort, à travers les interprétations profanes, aux restes éparpillés et flottants d’un navire abîmé dans la tempête moderne. Au Ciel, ils déchirent ; sur terre, ils répandent la destruction, ils sont les fils de l’Enfer. Au Ciel ils vocifèrent, sur Terre ils chuchotent, ils sont le crachat de bile des dieux n. Ainsi est décrite l’action des forces dissolvantes, nouvelle analogie avec « ceux qui ravagèrent le Paradis ». le chuchotement peut être interprété comme se rapportant à l’enseignement dérobé et transmis aux Géants. Les Anges rebelles ou les anciens dieux (attributs, noms divins) deviennent des démons. L’ordre des Hiérarchies célestes étant ainsi troublé, les dieux n’ont plus l’efficacité opérative de résister au chaos, celui-ci et ses hordes prenant alors possession du monde. . Les dieux pris de panique s’enfuirent ; seul Marduk représentant le Principe divin et régent du nouveau cycle qui allait s’instaurer osa s’opposer à Tiamat et au chef des démons Kingu.. Le récit babylonien de la Création retranscrit cette lutte. Marduk se munit d’un grand filet, d’un arc avec ses flèches, d’un sabre courbe et reçoit l’éclair, la foudre, les quatre vents et les tempêtes. Quant à Tiamat, elle est assistée de Kingu „ secondé par onze monstres. Marduk enveloppa Tiamat dans son filet, la magie employée par celleci fut balayée par une
formidable tempête. Ensuite, Marduk lança ses flèches, tua Tiamat et Kingu, les démons se dispersèrent. Marduk reprend alors les tablettes du Destin qu’avait volées Kingu, puis le dieu se saisit du cadavre de Tiamat, en lava les intestins, le fendit en deux moitiés, de l’une il fit le Ciel et de l’autre la Terre et à partir du sang de Kingu il créa l’homme. • Ceci nous amène aux constatations suivantes : si nous examinons les armes et les parures (attributs) de Marduk nous le voyons se servir en premier lieu d’un filet ; il stoppe l’action de Tiamat en l’enveloppant, le filet devient un substitut de l’Existence universelle, composée des différents mondes figurés par les Hiérarchies célestes, les Etats multiples. La révolte des Anges rebelles ayant provoqué une « déchirure » celle-ci doit être neutralisée et le passage entre les mondes rétabli avec de nouvelles mailles, les forces infernales sont expulsées et rejetées dans les ténèbres extérieures. C’est à cela que fait allusion l’extrait suivant de l’Evangile de Saint Matthieu : « Le Royaume des Cieux est semblable à un filet jeté dans la mer et qui ramasse des choses de toute espèce. Quand il a été rempli, l’ayant remonté sur le rivage et s’étant assis, ils ont recueilli les bonnes choses dans les corbeilles, et les mauvaises, ils les ont jetées dehors. »12 Les flèches coagulent l’aspect volatil incontrôlé. Tiamat exprime la multiplicité, tout comme les écailles sur le corps de Pythonl3. La foudre et l’éclair montrent la stabilisation, le retour à l’Unité. La foudre localise l’Axe du Monde, l’Arbre du Monde. La matérialisation se traduisant par le grand sanctuaire de Marduk. Le sabre courbe renforce l’aspect polaire et évoque la lettre arabe Qâf de même forme, hiéroglyphe du Pôle. Les quatre vents sont synonymes des quatre points cardinaux ; ceux-ci en relation avec le carré et le cube soulignent la stabilité et correspondent bien à la Paix revenue lors du redressement opéré et de l’apparition des nouveaux Cieux. C’est à partir du carré que se conçoivent les plans des villes et des édifices fondés de façon traditionnelle, le carré partagé ensuite en douze parties trouvera sa correspondance zodiacale. Marduk possesseur des quatre vents et recouvrant les tablettes du Destin peut donc ordonner le nouveau cycle. A la fin du cycle précédent (Ea) le temps va en s’accélérant, les démons détenant illégitimement les tablettes du Destin). L’accélération est corrélative à l’agitation des forces ténébreuses à l’instar des
soubresauts de Python. Kingu et ses onze séides sont une parodie contre-initiatique d’un centre spirituel. L’attachement acharné à la possession des tablettes du Destin montre par là même la limitation de ces forces, croyant dompter le Temps, elles en deviennent les proies et entraînent vers sa perte ce monde qu’elles prennent pour leur création, en le jetant en pâture au Temps-dévorateur, à « l’appétit » de plus en plus vorace, croyant le dominer. On ne peut s’empêcher de penser entre autres inepties aux courses acharnées contre le Temps qu’illustrent en général les compétitions sportives. En , conséquence, le règne sinistre ne peut durer bien longtemps.* Cette prise de pouvoir à l’aide des « pouvoirs » est pareille à un navire qui sombre et qui juste avant de s’engloutir dans les flots se redresse brièvement. Lorsque Marduk fend en deux le corps de Tiamat, il scinde en deux parties égales (yang et yin) l’Œuf du Monde et en extrait l’Embryon d’or resté protégé pendant la période cataclysmique et séparative des deux cycles. L’Embryon parallèlement au nouveau cycle peut se développer ; le Rayon dispense l’Illumination. « Et la Lumière fut » comme il est dit dans la Genèse. Mais avant de procéder à la Création, Marduk entreprend de nettoyer soigneusement les intestins de Tiamat. En effet, comme l’exprime Ibn Arabi « la faim procure la connaissance de Satan » ; ceci n’est pas sans rapport avec la forme serpentine des intestins, localisation du « moi » inférieur, le python que l’on doit combattre. Le jeûne est appelé en Islam la mort blanche. Le jeûne constitue non seulement une purification mais une domination, un piétinement des tendances inférieures. L’homme en tant que microcosme doit se délivrer de toutes les impuretés comme Jésus chassa les marchands du Temple selon l’enseignement de l’excellentissime Maître Eckhart. On retrouve différentes allusions à tout cela, dans des expressions familières sans que le sens profond en soit perçu : « se sentir le cœur léger » et pour le ventre les « lourdeurs » d’estomac. Les intestins deviennent un support, un cheval de .Troie dans l’organisme. « Avoir l’estomac noué » symptôme de l’angoisse qui ouvre une faille laissant le passage aux démons, conduisant à la folie et à la possession démoniaque. Le possédé est « fermé » à recevoir toute nourriture spirituelle, bloqué par les anneaux de Python, il est rempli de bile; Le Temple est soumis au pillage, au lieu d’être rempli d’or (influences spirituelles) et devient peu à peu submergé par la boue.
• Parodie du jeûne et du majdhûb, le possédé devient d’une maigreur effrayante.'Quant Dante arrive au troisième cercle de l’Enfer, il y trouve ceux dont les appétits ne furent jamais rassasiés, qu’il nomme « maudits profanes ». Il les trouve soumis à la garde de Cerbère, fils de Typhon. Le Prophète de l’Islam déclara dans un sermon : « Même si on lui donnait une vallée pleine d’or, le fils d’Adam en voudrait une seconde et si on lui en donnait une seconde, il en voudrait une troisième. La terre de la tombe seule donne la satiété au ventre du fils d’Adam. Il est cependant d’autres qui se tournent vers Dieu. » . L’Envoyé définit le jeûne ainsi : « Toute chose a son aumône purificatrice, l’aumône purificatrice du corps est le jeûne. » » On peut mesurer toute l’importance du jeûne que l’on présente comme les restes d’un fanatisme décadent voire d’une tendance au « masochisme ». Il reste aux médisants, aux « je-sais-tout » le jogging ou les cures d’amaigrissement et les produits « naturels ». Le tout pouvant être accompagné de mouvements blasphématoires récemment baptisés (à rebours) de prière à Allah !
Un « Ange » pourchassant un « démon » à l’aide du vajra (symbole du Verbe). Voici venue la Vérité et l’erreur a disparu. L'erreur finit toujours par succomber. Coran XVIII, 81.
Parallèlement au démembrement de Tiamat, Marduk crée l’homme avec le sang du démon Kingu, ceci ne pouvant s’interpréter qu’en effectuant le rapprochement qui s’impose avec le symbolisme du sang et sa correspondance avec l’élément feu. L’ambivalence de ces deux symboles permet d’expliciter le récit de la Création. Il nous est indispensable de recourir à plusieurs termes trouvant leur place dans deux énumérations différentes. Le premier groupe réunit : la lune, la chaleur, le sang (aspect inférieur), l’âme, le cerveau ; le second se décompose comme suit : lumière, souffle, Esprit, cœur. Le chaos indifférencié, Tiamat, masse lourde et aveugle, est mue et animée par le sang de Kingu. Le sang dont la fonction est de relier l’organisme corporel à l’âme est envisagé sous son aspect inférieur. L’âme non purifiée devient le support des passions, des démons. Au lieu d’avoir la maîtrise, l’homme s’assujettit à l’esclavage d’un « noir maître » antithèse du Maître spirituel et en conformité avec l’adage soufique « Qui n’a pas de maître a Satan pour maître ». Le sang vicié devient le véhicule des influences infernales ; comme le pacte avec le Diable est écrit avec le sang du signataire. L’homme château-fort doit être d’une vigilance constante sur ses remparts ; Tiamat aiguillonée par Kingu peut ?' se réveiller et par la moindre brèche s’immiscer et transformer la forteresse en ruine. Moins évident à un autre niveau, ceci explique l’acharnement d’un Richelieu et le « rasement » des châteaux. >» Le souci de se protéger se rencontre unamiment dans toutes les sociétés traditionnelles, ainsi, en Chine on neutralisait ces influences, considérées comme échappées du sol fendillé, en sacrifiant à la Terre, afin d’y faire rentrer les démons, en faisant s’écouler le sang animal provenant de morceaux de viande crue. Le sang impur parcourant l’âme non pacifiée fait influer celle-ci sur le cerveau et par voie de conséquence nous donne la raison cartésienne qui se veut une libération, similairement à l’idée d’évolution qui n’est en réalité qu’une régression que l’on retrouve dans la psychanalyse.
* Lumière,
Le redressement opéré par Marduk n’ayant pu s’effectuer que par le renversement des Pôles et l’écroulement de la tour de Babel. Celle-ci illustre parfaitement toutes les menées antitraditionnelles si elle en impose à ceux que le monde moderne impressionne, devenu leur miroir, la tour ne comporte pas d’escalier. La tour n’est qu’une accumulation de données scientifiques mélangées au vernis dit intellectuel, les découvertes donnant un semblant de brillance (la pyrite de fer s’appelle l’or des fous !). Si l’on pénètre dans cette tour à défaut d’escalier, on constate qu’elle repose sur un cul-de-basse-fosse. On sait qu’il s’agissait dans un sens originel et légitime de l’endroit où on reléguait ceux qui troublaient l’Ordre ; dans le cas présent, il s’agit d’une fosse humide, le fond des eaux où essaie de s’accrocher le monde moderne, on peut en constater les résultats. Mais puisque nous sommes en pleine inversion et pour revenir plus précisément à notre sujet, nous dirons que la tour de Babel est avant tout la parodie du Rayon solaire et illuminateur. Par ce Rayon se développe l’Embryon d’or ; la science profane, quant à elle, signe son enfoncement dans la multiplicité chaotique avec les références non pas à la mais au siècle des lumières. La tour s’enfonce inexorablement, l’Embryon d’or se trouvant parodié lui aussi par le noyau nucléaire. Profitant des procédés de la technologie moderne et des moyens hypnotiques dont elle dispose, la contre-initiation dans son entreprise mondiale de vampirisme vise à repeupler à sa façon la présente humanité par des cadavres psychiques, où les morts-vivants croient vivre ! * **
Le récit babylonien de la Création fait directement allusion au processus initiatique et par conséquent à la « Grande Guerre Sainte » et inclut aussi la réalisation ascendante.
Il existe une autre version de la Création, englobant le sens contenu dans la première, plus complète puisque envisageant ce que l’on dénomme la réalisation descendante. Mais citons d’abord le texte, pour créer l’homme, Marduk s’immole lui-même « Je solidifierai mon sang, j’en ferai l’os, je dresserai l’homme debout, en vérité l’homme sera, je bâtirai l’homme... » M. Si nous dégageons le symbolisme, nous voyons que l’immolation est à proprement parler un sacrifice, le sang pur au début un caillot synonyme de l’Embryon d’or que contient tout être et qui le relie au Principe. « J’en ferai l’os » la colonne vertébrale où se situent les centres subtils. « L’homme debout » à l’inverse d’une attitude pythonienne ; — « je bâtirai l’homme » référence au microcosme. L’homme devient habitant de la Terre, rappel du Pacte primordial et de la fonction de lieutenance divine qui est normalement dévolu à l’homme digne de ce nom ; si celui-ci devient renégat, il renie ses origines qu’il en soit conscient ou non. En ce qui concerne la réalisation descendante, il est dit dans l’Evangile selon saint Jean (III. 13) « Nul n’est monté au Ciel, sinon celui qui est descendu du Ciel ». La réalisation descendante comporte nécessairement un côté sacrificiel.' C’est un pont reconstruit, nouveau passage entre le Ciel et la Terre. Rétablissement opéré par la venue d’un être de Lumière en tant que prophète et envoyé. L’aspect sacrificiel est démontré le plus souvent par le refus, la haine et le rejet du Message, s’adressant à tous sans distinction ; ce n’est qu’après que le bon grain est séparé de l’ivraie. Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus.' D’ailleurs après le rayonnement correspondant à la présence d’un « Envoyé » la luminosité du Message semble s’estomper, s’éloigner progressivement, c’est ce qui peut paraître aux yeux, mais en réalité dans son « essence », dans son noyau elle reste identique à un vase seulement accessible par la vision du cœur, nimbée de la Foi. Il est bien connu que si les aveugles ne voient pas la lumière, le soleil n’en existe pas moins ! « Ils ont des cœurs avec lesquels, il ne comprennent rien. » (Coran VII, 179). Cycliquement le Maître des Mondes de par sa Clémence divine projette providentiellement en ce monde, sa Miséricorde qui se manifeste par la venue d’un Homme Universel qu’il s’agisse de Jésus, de Muhammad ou de Bouddha. Ces étincelles divines qui sont comme des larmes de feu s’écoulent toutes de la « Colonne de Lumière » immuable, celle de l’Avatâra éternel ; comme les traditions sont elles-mêmes les rayons de la Tradition
primordiale. D’après l’adage soufique l’eau prend la couleur du récipient, c’est pourquoi trouver des oppositions insurmontables qui n’existent pas en réalité, démontre pour le moins une vision faussée et restrictive. Caricature de l’Unité on assiste à un affinement méthodique de l’uniformité prônée par les bateleurs du mondialisme. . La descente de l’Homme Universel représente l’Alliance du sang. La Terre est alors nimbée d’une auréole de lumière. Le lien entre Ciel et Terre est rétabli,' les gouttes de sang embrassent la totalité de la Terre. Chaque goutte de sang remplit une coupe que boit le pèlerin pendant le voyage initiatique. Après avoir vidé une coupe, s’il n’est pas rassasié, il peut continuer selon ses possibilités et se désaltérer à une autre étape. Si les coupes ne libèrent toujours pas de la soif, il peut transformer la coupe en nef et partir sur le Grand Océan. A l’inverse, des extériorisations de la vie profane qui sont essentiellement fondées comme leur nom l’indique sur les apparences et dépendantes d’une activité basée sur les habitudes banales que l’on essaie de valoriser épisodiquement, malgré les turpitudes d’une morale chancelante, par les cérémonies d’une « religon » laïque. Alors que la vie terrestre devrait être sanctifiée à chaque instant en conformité avec la Loi divine. Loin de toute singerie, de toute robotisation, sans heurts et librement conduit par son « soi » l’être de toute sa volonté, bien orienté serait à sa juste place. Comme le Grand Homme, le Petit Homme doit répéter le sacrifice neutralisant son ego, il offre en oblation son « soi » libéré par le feu, son soi s’élevant par le feu du sacrifice et se mêlant au « Soi ». Le sacrifice attire la bénédiction qui se traduit par la descente des influences spirituelles. Dante en parlant de sang parfait dans son chant XXV du Purgatoire décrit ce processus qui transforme l’Homme et la Terre en Miroir céleste en y établissant le Paradis. Le sang du sacrifice amène à tous la prospérité. La pleine pratique des rites (vivification) permet la réinstauration du Paradis terrestre. Cette prospérité se trouve mise en relief dans les premières lignes de la lrc épître de saint Pierre qui s’adresse « à ceux qui ont été élus selon la prescience de Dieu le Père et sanctifiés par l’Esprit pour obéir à Jésus-Christ et être aspergés de son sang, à vous Grâce et Paix en abondance », et pour saint Paul « Nous avons accès au Sanctuaire par le sang de Jésus ». • On peut dire que le cœur du gnostique se nourrit des gouttes de sang de la Rosée céleste, tout comme il se doit de vivre selon ses possibilités chaque Nom divin. *
Le sang sacrificiel est le fil qui maintient entre eux les grains du rosaire, l’abandon des rites provoque la rupture du fil et inévitablement les Noms finissent par être considérés comme puissances indépendantes. La Queste sera de retrouver ces grains assimilés à des perles ou à des joyaux, dans d’autres légendes il faudra parvenir à réveiller une princesse., Lorsqu’il y a une volonté de détruire les structures traditionnelles, l’empêchement de pratiquer ou l’entretien du doute, les rites sombrent vite dans l’oubli, en Islam l’invocation ou Dhikr signifie rappel ou souvenir. L’acte d’adoration constitue un cercle de flèches lumineuses entre l’Adoré et l’adorateur. L’acte en tant que clef est le sésame, l’accès au Trésor divin, à la Connaissance. Le plan pour parvenir au Trésor est l’enseignement du Maître spirituel ; chaque voyageur pourra puiser dans le Trésor ce qui lui convient, à la mesure de son vase, de son cœur. L’acte d’adoration est aussi une protection, si les murailles sont soumises à rude épreuve, le donjon est le souterrain qui conduit au cœur, sous la protection de Son Seul Seigneur. Négliger l’adoration, c’est penser pouvoir arrêter une armée ennemie sans avoir d’armes et s’abriter derrière un château de sable. Les conséquences extrêmes s’extériorisant par la pulvérisation des défenses comme le S.I.D.A., maladie et reflet du monde actuel. Les origines embrouillées pouvant fournir les dés pipés aux « miracles » du Grand Imposteur et illusoire « sauveur ». Le S.I.D.A. est le véritable visage du monde moderne qui essaie de se cacher sous sa peau d’âne qui sera rongée inéluctablement par ses folies incontrôlables. « En vérité, Allah créa le Monde et quand il eût terminé ; le Lien du Sang se leva et dit « Ceci est la station de celui qui cherche refuge contre toute rupture » 16. Les rites constituant l’Essence de toutes les sociétés traditionnelles et le symbolisme étant immuable, s’applique aussi à la « société » babylonienne. Nous ne pensons donc pas nous éloigner du présent sujet de ce chapitre en développant maintenant la concordance existant entre le sang, la vigne et le vin. Il serait illusoire de vouloir résumer un tel symbolisme, nous nous appuierons sur les exemples suivants : — Dans la Genèse, Elohim désigne son arc (le Nûn supérieur) comme signe d’Alliance avec Noé. Ensuite Noé inaugurant un nouveau cycle y dépose la Connaissance, pour qu’elle puisse être profitable aux hommes, en y plantant la vigne. Noé but du vin, s’enivra et se dénuda dans sa tente.
Noé entra en contemplation, l’absorption de la Connaissance lui procura l’ivresse spirituelle. Le fait de se dénuder est une rupture vis-à-vis du monde profane, le vêtement est l’écorce. L’ivresse spirituelle ne peut être jugée d’après les appréciations profanes ou littéralistes, celles de la « lettre » sans l’Esprit, fondées sur les seules apparences. La nudité de Noé correspond à son « état » paradisiaque comme la tente est un rappel du Paradis et son mât devient l’Axe du Monde. Citons maintenant le texte : « Cham, père de Canaan vit la nudité de son père et en fit part à ses deux frères au-dehors. Sem et Japhet prirent un manteau et le mirent à eux deux sur leur épaule, puis marchèrent à reculons et couvrirent la nudité de leur père. Noé s’éveilla de son vin et apprit ce que lui avait fait son jeune fils. Il dit : Maudit soit Canaan ! Il sera pour ses frères l’esclave des esclaves ! Puis il dit Béni soit lahvé, le Dieu de Sem, et que Canaan lui soit esclave ! Qu’Elohim dilate Japhet et qu’il habite dans les tentes de Sem ! Que Canaan leur soit esclave ! » 17 Les attitudes seront donc déterminantes pour la succession du Prophète et l’ordonnancement hiérarchique des castes. Ceci apparaît sans équivoque dans l’emploi des Noms divins par Noé. Iahvé se réfère au Principe suprême mais en tant que Nom totalisateur, il comporte une fonction divine reliée à l’adoration générale, incluant toute société traditionnelle. Le Nom suprême contient les Qualités divines représentées par les Noms divins. Au niveau ésotérique, il s’agira d’abord pour l’adorant de s’assimiler ces Noms, ces « essences de l’Essence. » Par l’amour du vin supérieur, coupe après coupe le cœur se dilate par l’ivresse spirituelle. Les tentes de Sem sont les réceptacles des influences spirituelles. « Qu’Elohim dilate Japhet et qu’il habite dans les tentes insiste sur la préséance de l’Esprit sur la lettre et montre que Sem est le noyau et le gardien de l’ésotérisme. Japhet habitant les tentes montre un peuple bien guidé et bien orienté. En effet dans la Chaîne des Mondes, Guénon note l’équivalence entre Elohim et Allahumma et pour Michel Vâlsan le Nom divin Allahumma s’applique à une descente du Principe divin vers le cœur en relation avec l’Avatâra primordial18. La dilatation du cœur, conséquence de sa vivification, dispense les bénédictions transmises respectivement par les rites religieux et les rites initiatiques ; ces deux aspects se rejoignent dans la
notion de sacrifice. Nous prendrons commme second exemple la légende de DionysosBacchus. Les références Apolliniennes que l’on peut constater au cours de nos différents chapitres et présentement par cette légende nous amènent en tant que synthèse à ne négliger aucune correspondance symbolique, ne nous éloignant finalement pas de notre sujet. Notre approche nécessitant par elle-même une certaine dilatation de notre exposé ; loin des nouvelles approches analytiques des textes qui ne sont en réalité que les reculs causés par une myopie intellectuelle et mensongère. Il existe par ailleurs plusieurs versions de la légende de Dionysos- Bacchus chacune contenant sa part de symbolisme. L’assimilation de Jésus avec Dionysos ne constitue en aucune façon un syncrétisme mais montre bien au contraire la continuité par les manifestations successives de l’Avatâra éternel du Savoir initiatique. La version la plus connue, mais la plus brève rapporte la .naissance de Dionysos comme fruit de l’union entre Zeus et Sémélé, fille de Cadmos, roi de Thèbes. A la demande de Sémélé, Zeus se montra dans tout son éclat, sans voile ; Sémélé ne pouvant le supporter, mourut. De ses entrailles Zeus retira Dionysos et le garda dans sa cuisse, jusqu’au terme de sa naissance. * Une version plus complète était exprimée dans l’Orphisme, celle-ci trouvant sa forme définitive lorsque le culte du dieu arriva à Rome et s’adapta à la mythologie romaine avec quelques variantes, mais où nous constatons dès le début l’aspect sacrificiel. » Zeus (Ciel) féconde Sémélé (Terre) * aboutissant à la naissance de Dionysos ; sur les conseils d’Héra (Manifestation universelle) déguisée en nourrice, Sémélé obtient de Zeus qu’il lui apparaisse dans sa splendeur, l’écorce Sémélé se fendille, Zeus recueille l’embryon, . Sémélé était fille de Cadmos, roi qui fonda Thèbes, peu après avoir consulté à Delphes l’oracle d’Apollon. A l’emplacement futur de la ville se trouvait un dragon (Python) que tua Cadmos, après cette neutralisation il épousa Harmonie (la Paix) fille d’Aphrodite (Amour). Les Charités filles d’Hélios, membres du cortège d’Apollon tissèrent la robe de la mariée ; au nombre de trois, elles portent les noms significatifs suivants : Aglaé-la Lumineuse, Thalie-Celle qui fait éclore, fleurir ; Euphrosine-Celle qui réjouit le cœur ! • • Dans une légère variante, Zeus avait engendré avec Perséphone déesse des Enfers (ce qui renforce malgré les apparences le côté sacrificiel) un
enfant qui devint son favori, nommé Zagreus. Jalouse, Héra fait dévorer l’enfant par les Titans, ceux-ci le déchiquetèrent mais ils ne purent détruire le cœur qu’absorba Zeus. Le « cœur » après l’union avec Sémélé réapparaît comme Embryon. Après sa descente aux Enfers, Zagreus devint par sa seconde naissance Dionysos. Il est rapporté que Zeus foudroya les Titans., Sur ordre de Zeus, Hermès prenant l’enfant dans ses bras, l’emmena sur le Mont Nysa (Montagne Polaire), le déposa dans un berceau d’or, dans une grotte au cœur de la Montagne et le confia aux Nymphes (influences spirituelles). Nous trouvons réunis les symboles du cœur, de la montagne et de la caverne ; la sortie de la caverne suivie du retour qui constitue proprement dit le sacrifice de Dionysos. Le sacrifice étant à la fois communion, offrande et transmission. La grotte était recouverte de vigne, celle-ci grandissant simultanément à la croissance de l’enfant. Dionysos prit un jour des grappes de raisin, les pressa, en fit du vin qu’il mit dans une coupe d’or (Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang versé en votre faveur. Saint Luc XXII, 20). Dionysos voulut faire partager au monde les bienfaits de ce breuvage. Son Message fut souvent reçu avec hostilité et incompréhension. Plusieurs passages de la légende sont révélateurs à cet égard. Voyageant sur un âne, le dieu arriva à Thèbes afin d’y établir ses Mystères, le pouvoir temporel personnifié par le roi Penthée s’y opposa. Le dieu détruisit par la foudre le palais du rebelle. Le dieu enseigna la culture de la vigne à Icare, mais celui-ci ayant transgressé la discipline du secret en offrant du vin sans discernement à des non-qualifiés récolta en retour de la part des ivrognes « moult » bastonnades. Avant le déroulement des Bacchanales à Rome avaient lieu les fêtes du vin, dédiées à Jupiter. On présentait le vin nouveau Procession de Marduk à BabyloneOn reconnaît parmi les attributs du dieu : les cornes, la hache et le vajra..
au dieu sans qu’il soit fait la moindre allusion à la culture de la vigne ainsi qu’aux vendanges. Le vin prenant alors la signification équivalente du Soma dans l’Hindouisme, breuvage spontané et originel. Le divin breuvage ne pouvant être goûté et savouré que par le processus initiatique. Nous citerons l’Evangile selon St Jean : « Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron » (XV, 1). Le processus débutant lors des Bacchanales où avaient lieu les initiations des « Amoureux du dieu » et de la Connaissance. L’Amour par le vin supérieur, sang du dieu était alors pleinement répandu à l’intention des
Fidèles d’Amour. C’est ainsi que l’on faisait s’écouler à partir du temple de Vénus, de grandes quantités de vin. Profitant du masque populaire, laissant la lie boire jusqu’à la lie, les Fidèles d’Amour pouvaient en paix savourer le divin breuvage, en buvant selon le degré de réalisation propre à chaque Fidèle. • A Dionysos étaient consacrés le Phénix, oiseau de la Montagne polaire et la Huppe similaire à ce dernier, en rapport avec la « Langue des oiseaux » désignant les états supérieurs. Le sacrifice dionysiaque rétablit le pont, facilitant le passage vers les états supérieurs. Ce passage ne pouvant rester ouvert qu’en perpétuant les rites, ceci étant valable pour toutes les traditions. . * ** D’après les chroniques babyloniennes, lorsque la période du Déluge fut passée la royauté redescendit du Ciel. Ainsi commença une nouvelle dynastie avec comme fondateur Hammourabi, ce roi se qualifiera de bon pasteur ayant rassemblé son troupeau dispersé et l’ayant fait paître dans l’abondance 19. Les premiers rois babyloniens n’auront d’autre but que de présider à la construction des temples. A chaque règne le sceau Clochette de bronze, on peut y voir un prêtre d’Oannès (le « Sauveur ») opérant un exorcisme. Musée de Berlin.
du souverain sera gravé sur les édifices, accompagné d’une dédicace non pour célébrer sa gloire, mais simplement pour témoigner de son amour au dieu. Le roi était le « Patési » terme signifiant « représentant du dieu sur la terre ». Le roi désigné ne pouvait véritablement entrer dans sa fonction avant d’avoir reçu son autorité des mains du Grand-Prêtre de Marduk. Vêtu en prêtre lors de son investiture, le futur souverain devait porter en procession une statuette du dieu tout le long des murailles de Babylone. Les rites les plus importants avaient lieu lors des fêtes du Nouvel An. Celles-ci se déroulaient dans la capitale, cœur de l’empire et le roi devait s’y rendre impérativement. Les fêtes duraient douze jours et débutaient par la lecture du texte de la Création par le Grand-Prêtre. Le roi avec sa suite venait faire acte d’allégeance à Marduk et déposait les insignes royaux aux pieds du dieu. A
la fin du rite, après avoir donné au roi un soufflet symbolique, le GrandPrêtre lui redonnait les insignes de sa fonction. Le roi purifié et en pleine conformité avec le Mandat du Ciel pouvait à nouveau régner pendant les douze mois de la nouvelle année. Cette revivification du roi coïncidait avec l’élimination de l’année écoulée. L’année est un petit cycle s’amoindrissant au fur et à mesure de son déroulement, courant vers la décadence pour finir dans le chaos. La fin de l’année comportant les résidus du cycle devient comme un corps malade en proie aux attaques des démons, il faut donc procéder à l’expulsion de ceux-ci. L’instauration d’une nouvelle année s’impose pour que le nouveau cycle apporte bonheur et prospérité. L’autorité spirituelle, les racines apportent à l’arbre de l’autorité royale la nouvelle sève (influences spirituelles), l’arbfe nourrit par ses fruits, le peuple. Afin d’assainir le royaume on déclenchait une « fête de l’âne ». On couronnait à Babylone, au milieu des mascarades, un roi des fous ; il se déroulait alors la représentation du combat de Marduk contre Tiamat, figurée par deux groupes d’opposants (comme en Egypte où l’on mimait la lutte entre Horus et Set) où le roi tenait le rôle principal,'ayant vaincu les ténèbres le souverain accompagnait à la suite des prêtres le cortège de Marduk. Après une purification générale le Grand-Prêtre hors de la ville, noyait un bouc noir, dont le corps devait s’enfoncer jusqu’au fond des eaux ! Puis après une nouvelle récitation de la Création, l’année commençait. • Le bouc noir pour les Babyloniens était l’animal du dieu de la peste.,La mise à mort de cet animal empêche rituellement la peste psychique et son cortège de malheurs de se répandre dans le royaume. On représentait aussi Nergal, dieu des Enfers sous la forme d’une timbale en cuivre, outre l’aspect maléfique attaché à ce métal, la timbale envisagée dans un sens « sombre » s’oppose au calice, le « pied » de ce dernier est axial, la timbale n’a pas de « racine », elle est restreinte par rapport au calice ou au vase. Le calice est la coupe sacrée, la timbale sert à boire le vin terrestre. Les rites ont donc pour but d’attirer les influences spirituelles et d’empêcher l’intrusion des forces malfaisantes. Le royaume tout comme chaque habitant se doit d’être préservé des forces du chaos, des démons. • L’intrusion des ennemis dans un royaume se caractérise par l’invasion, par les brèches ouvertes dans les murailles, le • Babylonien redoutait une autre intrusion, celle du « démon du mal de
tête » signe précurseur de la possession,'les douleurs lancinantes ressemblant aux tentatives de l’adversaire pour saper les murailles d’un château fort. Si le corps, si le royaume s’écroule c’est que la tête est malade ou vide. A la tête du royaume le souverain par suite d’une déficience n’est plus un support valable pour gouverner avec l’efficacité requise. Il se peut aussi que parmi les prétendants il n’y en ait aucun qui réunisse les qualifications nécessaires ; c’est pourquoi l’on cite souvent le refus de l’autorité spirituelle à nommer et à cautionner un roi sans véritable légitimité. Un prétendant peut toujours s’élire roi, cela peut tout au plus retarder une échéance, mais qui de toute façon sera fatale et inéluctable. De deux malades incurables, le moins touché par la maladie, apparaîtra trompeusement en meilleure santé ! . Dans le cas qui nous intéresse la chute du royaume babylonien fut provoquée lors de la célébration des fêtes du Nouvel An, en effet le déclenchement de cette « fête de l’âne » impliquait une ouverture aux forces malsaines'que l’on canalisait et encadrait ; entrées non par traîtrise mais envisagées comme des hôtes indésirables dont on finirait par se libérer. Dans la lutte rituelle contre Tiamat la présence du roi était non seulement importante mais indispensable. Or le roi parti pour faire cesser des troubles ne put revenir à Babylone pour y assumer son rôle. N’ayant pas été revivifié par les bénédictions, le roi privé du contact d’avec le Ciel perdait son royaume. Sans souverain le pays sombrait dans le chaos et devenait la proie des démons, ce qui se traduisit par l’invasion des Kassites dont la présence en Babylonie fut similaire à l’action des Hyksos en Egypte, qui date par ailleurs de la même époque. La couronne est tout autre chose qu’un objet de parade ou de décoration. Pas de roi sans couronne et pas de royaume sans roi. Le roi doit guider son peuple vers le Paradis Terrestre. Le Paradis est un jardin ; sans la vigilance du roi, l’ivraie peut y pulluler et étouffer le bon grain. Le royaume est le jardin du roi, dans les rites agraires celui-ci féconde la Terre en la labourant le premier. Le roi devra ensuite semer les graines qui lui ont été transmises par l’autorité spirituelle, sans graine la meilleure terre ne produit rien. Le jardin sans faille de forme parfaite est rond, abrité et protégé des prédateurs par des murailles ; et la présence des influences spirituelles qui circulent par les rites y forme un cercle continu et vivifiant. ... Que se soit une couronne ou un bandeau liseré de fils d’or, l’emblême
royal enserre la tête du souverain. Le roi est la tête du royaume, et le royaume est figuré par le sommet du crâne. La tête ceinte de la couronne « crénelée » est protégée par des murailles. En ceignant la couronne le roi se place dans l’Axe divin ; par sa position droite et axiale, il est bien « disposé » pour recevoir les bénédictions, source de prospérité dont profite le peuple (abondance des récoltes). . Comme la Terre se fatigue et arrive à s’épuiser, le souverain doit se régénérer, un monarque déficient apporte le malheur. Le souverain renaît tous les ans pour poursuivre son « Mandat ». Purifié intégralement, investi et béni de nouveau il sera le « Soleil » tout au long des douze mois de la Nouvelle Année. ' C’est pourquoi lorsque le peuple savait ce que représentait pour lui un bon roi, il ne se sentait nullement humilié, ni rabaissé en s’inclinant devant la couronne, même en l’absence du monarque. Lorsque la royauté ne sera plus que l’ombre d’elle-même et que le titre de roi deviendra un simple apparat, la survivance et le souvenir du monarque tel qu’il doit être au véritable sens du terme se traduira par un malheureux appel, un recours au roi, réminiscence confuse d’un bonheur perdu pour un peuple ne demandant finalement qu’à être guidé sur la Voie droite. Par ailleurs, la royauté sans l’aide de l’autorité spirituelle va à sa perte.'Les fils d’or soutiennent l’étoffe rouge du bandeau, si le roi s’approprie les fils d’or, sa cupidité toute matérielle est satisfaite, mais la royauté s’effrite peu à peu comme l’étoffe rouge qui n’est plus maintenue se désagrège au fil du devenir et en arrive à n’être plus de nos jours qu’un rideau de théâtre ! . L’empêchement de la revivification du roi et donc de la perpétuation de l’Alliance entre le Ciel et la Terre précipita le royaume babylonien dans le chaos.' On comprend mieux les menées antitraditionnelles, véritables cris de haine démoniaque contre l’accomplissement des rites. La non-pratique des rites parodie du Non-agir augmente la puissance des démons. Pourquoi l’acharnement contre de soi-disant vieux morceaux d’os que seraient les reliques ? Les profanateurs montrent qu’ils suivent une direction infra-humaine puisqu’ils se transforment en chiens enragés ! * La grande mascarade s’étendit, le royaume babylonien s’écroula et dut subir pendant plusieurs siècles l’invasion et la domination de peuplades,
dont l’élément principal était constitué par les Kassites, montagnards venus d’Iran. S’impo-
Les Assyriens pillant un temple.
Les statues des divinités en métal précieux sont ensuite brisées et
pesées. sant en véritables parasites les envahisseurs soumirent le pays à leur pénible joug. Sans art traditionnnel les Kassites laisseront comme seules traces de leur passage des bornes grossièrement sculptées divisant l’ancien empire en plusieurs petits royaumes qui ne tardèrent pas à s’opposer les uns aux autres. Cette période cessant à l’arrivée de nouveaux envahisseurs ; on serait tenté de dire que les hyènes s’enfuirent devant la venue du « peuple du Tigre ». Un nouveau cycle apparaît (après les ténèbres des forces dissolvantes et errantes donc incontrôlées) qui semble plus stable, mais qui comme descente cyclique n’en confirme pas moins la chute. L’établissement de la puissance assyrienne est le résultat d’une révolte contre l’ancienne caste sacerdotale babylonienne. Les Assyriens sont classés habituellement comme un peuple militaire terrorisant ses voisins géographiques, avec cet exemple il est facile de constater que le pouvoir coupé de sa légitimité s’enfonce dans l’orgueil et la brutalité et devient purement et simplement une puissance oppressive. Déjà Hammourabi s’était opposé victorieusement aux Assyriens et avait détruit par deux fois leur cité-forteresse de Mari en Syrie. Sans insister plus sur la réputation de férocité des Assyriens, nous examinerons plutôt quelques faits significatifs. - Le terme Assyrien provient de la ville d’Ashur, première capitale, mais il est intéressant de noter que le nom d’Ashur est le vocable de Marduk sous son aspect guerrier ce nom de rigueur est envisagé comme puissance indépendante. Il y a une transformation radicale entre la mythologie babylonienne et la religion de l’Etat assyrien. * En premier lieu, les temples blancs à l’origine furent recouverts de couleur rouge' Le monarque babylonien était le Patési, le représentant du dieu sur la terre, sous les Assyriens le terme, de singulier deviendra pluriel, les Patésis seront les différents gouverneurs. Le roi préside les rites ; le Grand-Prêtre nommé par lui n’a plus qu’un rôle accessoire, ce titre en viendra à disparaître au profit des GrandesPrêtresses souvent les propres filles des monarques. Les temples sont construits de façon différente. Dans le temple babylonien l’entrée du sanctuaire est dans l’axe de l’édifice, en ligne droite ; à l’opposé, l’accès et la circulation dans le temple assyrien s’effectuent selon une ligne brisée (sans aucun rapport avec le labyrinthe). La ligne brisée marque bien la coupure d’avec la Voie droite de la
légitimité ; malgré une apparence d’ordre, les Assyriens portent en eux l’insatisfaction de la révolte et par conséquent de l’éloignement. Ce qui se retrouvera par les nombreux changements de la capitale alors . que Babylone « Cœur du Monde » s’apparentait à la sereine stabilité. . Dans leur mythologie les Assyriens évinceront Marduk en lui attribuant un fils Nabu dont ils feront leur dieu principal. Ce dieu s’adaptait parfaitement avec la caste des Kshatriyas révoltés puisqu’il était avant tout un dieu des lettres (dans un sens juridique) il ne faut pas confondre cette attribution avec celle du dieu Thoth, en Egypte. Nabu par sa fonction légitimise l’ordre assyrien ; il s’agit en l’occurrence de la lettre mais sans l’Esprit, puisque la révolte entraîne une coupure qui ne laisse plus entre les mains des Kshatriyas qu’une possibilité de réalisation incomplète, l’accentuation caractéristique sur le Devenir fera de Nabu le possesseur des tablettes du Destin. Nous retrouverons ce trait dans les chroniques assyriennes où le souci du roi est de montrer à son peuple ses exploits guerriers et de devenir par là-même un héros immortel, vénéré par les futures générations. Ceci se traduisant dans l’art assyrien par la disparition progressive des scènes rituelles pour laisser place à la représentation naturaliste de scènes de la vie ordinaire, les rois ne manquant pas de se rendre hommage par les basreliefs où ils sont figurés chassant les bêtes féroces, ou bien couverts de bijoux brisant et pesant les statues en métal précieux des dieux des villes conquises. * ** Si le cas de lycanthropie de Nabuchodonozor, deuxième du nom est relativement connu par la description qui en est donnée dans la Bible au livre de Daniel (IV, 30, 31) son successeur Nabonide (Nabunide, Nabinidus selon les auteurs) ne fut pas épargné par cet état fâcheux. En effet, Nabonide lors de l’une de ses campagnes le menant à travers le Liban, la Syrie et l’Arabie tomba subitement malade et se sentit possédé par un démon. Durant sa maladie il séjourna plusieurs années dans le désert où il fit établir sa résidence. Après cette période d’isolement il revint dans son pays, complètement étranger aux affaires de son royaume qui allait à sa perte. Nabonide n’avait plus comme seule préoccupation que de faire
effectuer des fouilles archéologiques en Sumérie ! L’empire assyrien s’étant établi et maintenu par la cruauté la plus inouïe, celle-ci engendra une inéluctable réaction, implacable de la part des peuples alentour. A titre d’exemple l’historien grec Xénophon relate qu’il n’y avait à son époque (soit environ deux siècles après sa destruction) plus aucune trace visible de Ninive. Pour la tradition babylonienne les démons étaient les enfants des dieux qui s’étaient alliés avec Tiamat lors de sa lutte contre Marduk. On leur assignait comme domaine les bas-fonds de la Terre dont ils sortaient pour répandre la désolation et faire ainsi couler le sang afin de s’en abreuver (le sang dans son aspect inférieur est la liaison avec les entités infernales). Ces démons étaient invoqués par des magiciens noirs fréquentant et pratiquant dans d’anciennes ruines. De nombreux rituels d’exorcisme existaient à l’encontre des sorciers et des sorcières dont on ne mésestimait pas les actions funestes. * L’appelation qui revient sans cesse au sujet des démons est celle des « Sept ». Ces « Sept » démons principaux sont décrits dans un texte : De ces Sept, le premier est le Vent du Sud. Le deuxième est un dragon dont la gueule est béante, Le troisième est une panthère furieuse. Le quatrième est un serpent terrible. Le cinquième est un lion effrayant. . Le sixième est une masse rampante. Le septième est un ouragan funeste 20. On constate qu’avec cette description, la boucle est bouclée, .en effet nous trouvons premièrement cité le Vent du Sud, une des désignations de Set en Egypte et le septième démon est un ouragan synonyme de Typhon,les coïncidences ne s’arrêtent pas là ; la parèdre habituelle des démons la « lamashtu » avec comme monture un âne et assise grimaçante sur celui-ci, vogue en barque sur la rivière des Enfers (sinistre opposition à la barque de Janus). Il faut aussi signaler que dans l’art babylonien les démons sont représentés avec des dissymétries faciales. On figurait le Vent du Sud sous la forme du démon « Pazuzu ». Ce démon particulièrement horrible dont le Musée du Louvre possède une statuette bien connue se retrouve curieusement reproduit dans presque tous les manuels scolaires. Le louvre a maintenant sa pyramide, établie sur l’ancien chantier de fouilles au cœur de Paris, à six cent soixante-six facettes ! Un autre chaînon est présent avec le Panthéon laïque
originellement conçu comme église afin d’y recevoir les reliques de sainteGeneviève. Le « Pazuzu » fit une spectaculaire réapparition il y a quelques années dans le film « l’Exorciste ». La première partie se déroulant en Irak. Lors de fouilles archéologiques un prêtre catholique émule de Teilhard de Chardin exhume une statuette du Pazuzu, aussitôt les forces malignes entrent en action. Ces forces étant présentes pendant le tournage du film, émaillé de fâcheux incidents. Le film s’inspirait d’un cas de possession constaté dans l’Etat du Maryland aux Etats-Unis, sur un adolescent. La marque du film, il serait plus exact de dire la griffe de celui-ci ne laisse subsister aucun doute. Au début le film se déroule dans un « cadre » musulman et l’on veut faire croire que l’appel à la prière du muezzin est un appel aux forces infernales ! Nous ne saurions terminer ce chapitre sans revenir sur le livre de W.B. Seabrook Aventures en Arabie. Dans la quatrième et dernière partie de l’ouvrage intitulée « Chez les Yezidees » et comportant deux chapitres : « Dans la montagne des Adorateurs du Diable » et « Dans la cour du Serpent », l’auteur relate sa visite chez les Yezidees. Une conversation avec l’un de ses amis, ancien capitaine de l’armée turque, bien que lui semblant incroyable éveille sa curiosité, ayant déjà entendu parler des Sept tours du Diable qu’il considère comme une légende. Toutefois la possibilité de voir de ses yeux une de ces fabuleuses tours le pousse à entreprendre une expédition en territoire yezidee, près des -ruines de Ninive. (Souvent les archéologues ont été surpris des précisions apportées par les Yezidees sur tel ou tel fait d’histoire concernant les Assyriens),- Après avoir usé de ses relations, Seabrook réussit à se faire présenter un vieux professeur dont la « marotte » est l’étude du culte Yezidee ; lancé sur son sujet préféré, le vieil érudit prodigue à Seabrook quantité de renseignements, notamment „ ceux qu’il a lui-même puisé dans le « Livre Noir » des Yezidees où il serait dit que « Dieu créa successivement sept esprits dont le premier fut Satan, qu’il établit au gouvernement suprême de la Terre pour une période de dix mille années. En raison de quoi, les habitants de la T erre ne peuvent prospérer qu’en rendant hommage à Satan et en l’adorant. '• Seabrook prend comme guide le vieil homme pour l’accompagner dans son voyage. Pris pour un Anglais, il est accueilli avec bienveillance par le chef officiel des Yezidees, les Anglais protégeant ces derniers de l’hostilité
unanime et de l’exécration des populations alentour. Après avoir passé la nuit dans la forteresse yezidee, le chef des adorateurs les conduisit au sanctuaire de « Cheik-Adi », où ils virent un temple se dressant à flanc de montagne, cette dernière étant parcourue d’un réseau de souterrains que sera autorisé à entrevoir Seabrook. L’auteur arrive ensuite à la -fameuse tour dont il fait la narration suivante : « Derrière le temple surmontant une autre éminence plus élevée, était une tour blanche, semblable à la pointe finement taillée d’un crayon, et d’où partaient des rayons d’une éblouissante lumière qui nous venaient frapper les yeux.... » « Cette tour s’élevait du toit plat d’une voûte en maçonnerie, blanchie à la chaux, et le sommet brillant, d’où partaient dans toutes les directions des rayons de lumière, en était constitué par une boule de cuivre soigneusement polie... ». A une question il est répondu à Seabrook que les « prêtres » réguliers s’abstiennent de toute pratique dans la tour, seuls certains magiciens s’y réunissent pendant plusieurs jours, régulièrement. Avant de repartir, l’auteur a un entretien avec un « prêtre » régulier qui lui expose différents aspects des croyances de son peuple, du moins ceux dont il était autorisé à parler. Il est formellement interdit aux Yezidees de prononcer le nom de Satan car il est dit dans le « Livre Noir » « . . . Ne prononce jamais mon nom, ni ne parle de mes attributs, de peur de te rendre ainsi coupable, car tu n’as point de ceux-ci une vraie connaissance, mais vénère mon image et mes symboles ». Satan est adoré sous la forme d’une idole de grande dimension qui représenterait un oiseau, plus exactement un paon en airain, Satan étant appelé « l’Ange Paon ». Seabrook ne put voir cette idole, cachée dans un endroit secret dans la montagne d’où elle était apportée au temple, à l’occasion de célébrations. Une certaine hétérodoxie surgit lors des propos du « prêtre » puisque celui-ci déclare que les Yezidees croient en Dieu mais comme Celui-ci est trop loin de la Terre, il ne peut y avoir aucun contact et par conséquent puisque l’Ange Paon est maître de la Terre c’est à lui qu’il faut s’adresser, il n’est pas « l’esprit du mal » mais simplement « l’esprit de puissance ». C’est ainsi que Guénon disait justement (dans le compterendu de l’ouvrage de Seabrook) que « ...Comme beaucoup de sectes hétérodoxes, les Yezidees peuvent être utilisés pour faciliter l’action de forces qu’ils ignorent. » Il en est de même pour le chamanisme que nous nous proposons d’étudier dans le chapitre suivant.
1. Article sur Sheth, Symboles Fondamentaux. 2. Ce qui montre clairement qu’il existe toujours, même au sein d’un milieu hostile, un germe potentiel et rénovateur. Juger un peuple, une caste, au vu de ses éléments les plus néfastes et finalement les plus vulgaires, avec ou sans un masque intellectuel, ne peut engendrer que les fanatismes sous les formes les plus diverses mais qui ne sont, sans s’en douter constitués que par des exécutants manipulés. 3. Tout comme Pharaon pour Moïse et Hérode pour le Christ. 4. L’erreur s’efface devant la Vérité. C’est pourquoi il est dit que l’Antéchrist sera incapable de répondre à toute question d’ordre métaphysique. 5. Nemrod est borgne en un sens, mais au royaume des aveugles le borgne n’est-il pas roi ? 6. Le vautour est pris ici dans son aspect maléfique, opposé à l’aigle. 7. Place de la tradition atlantéenne dans le Manvantara. Voile d’Isis 1931, repris dans Formes traditionnelles et cycles cosmiques. 8. Genèse XIV, 1. 9. Roi du Monde, chapitre XI. 10. Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps. 11. Dhorme, Choix de textes assyriens et babyloniens, Paris, 1907. 12. Saint Matthieu XIII, 48-49. 13. On peut voir sur les bas-reliefs babyloniens, Marduk armé du double trident lançant la foudre sur Tiamat. Outre l’analogie avec le Vajra les scènes sculptées ressemblent fortement aux représentations de Saint Georges terrassant le Dragon. 14. Cf. Dhorme, déjà cité. 15. Epître aux Hébreux X, 19. 16. « La Niche des Lumières » Ibn Arabi, traduit par Muhammad Vâlsan Editions de l’Œuvre. 17. Genèse IX, 22-27, La Pléiade. 18. Les Hauts Grades de l’Ecossime. Editions Traditionnelles 1953. 19. Cf. Dhorme, déjà cité. 20. Idem.
LE CHAMANISME (L’U.R.S.S.)
- Après le Niger, le Soudan, la Syrie et l’Irak, nous traiterons maintenant des trois derniers centres de la contre-initiation,, ceux-ci étant établis dans des territoires faisant partie de l’U.R.S.S. difficilement identifiables ; ils sont néanmoins localisables grâce aux indications fournies par Guénon dans plusieurs de ses écrits et plus spécialement pour le présent sujet, dans le chapitre intitulé « Chamanisme et sorcellerie », inclus dans le Règne de la Quantité et les Signes des Temps que l’on peut considérer à juste titre comme le « Livre » du dévoilement du plan contre-initiatique. Afin de cerner plus directement notre sujet, nous citerons le Maître parlant des forces psychiques inférieures dont s’occupe en quelque sorte le chamanisme : « Il peut arriver que certains, opérant de façon plus consciente et avec des connaissances plus étendues, ce qui ne veut pas dire d’ordre plus élevé, utilisent ces mêmes forces pour de tout autres fins, à l’insu des chamans ou de ceux qui agissent comme eux, et qui ne jouent plus en cela que le rôle de simples instruments pour l’accumulation des forces en question en des points déterminés. Nous savons qu’il y a ainsi par le monde, un certain nombre de réservoirs d’influences dont la répartition n’a assurément rien de fortuit et qui ne servent que trop bien aux desseins de certaines puissances responsables de toute la déviation moderne. » Le fait que tous les centres se trouvent dans des régions difficilement accessibles ou peu hospitalières n’explique pas le
silence ni les explications stéréotypées, voire banales et confuses recouvrant les légendes et justement certains aspects historiques bien précis. Il ne reste qu’une pénible et ennuyeuse impression de vide devant les analyses savantes et artificielles. Cela n’étonne pas outre-mesure puisqu’il ne s’agit bien entendu que d’études n’envisageant que le seul aspect profane se rapportant à de soidisant coutumes, juste bonnes à être recensées afin de les faire figurer dans un patrimoine national. Entre les interprétations ethnologiques ou psychanalytiques, il convient d’étudier et de méditer les légendes en correspondance avec l’histoire sacrée et donc de faire ressortir le véritable sens symbolique afin de profiter judicieusement de la synthèse acquise. Si nous essayons de trouver les jonctions entre les deux derniers centres cités (Irak et Syrie) et celui le plus proche en Union soviétique à savoir dans le Turkestan, nous voyons comme un lieu de relais de passage le territoire correspondant à l’Iran actuel, bien que d’un nombre restreint on peut signaler .la présence de Yezidees dans cette partie du Kurdistan ; ils sont considérés comme les descendants des habitants de Ninive ayant réussi à s’enfuir lors de la chute de la ville. On trouve aussi des vestiges assyriens dans cette région du Kurdistan notamment l’ancien canal que fit creuser Sennache- rib. A propos de ce roi, il est dit dans la Bible que l’Ange de Iahvé envoya la peste à son armée qui assaillait Jérusalem. Sennachérib leva le siège de la ville et rentra à Ninive où profitant de l’affaiblissement de son prestige, il fut assassiné par ses fils. Il est bien précisé dans le Livre Saint que C’est Iahvé qui envoie les Assyriens comme épreuve à Israël, le roi n’est qu’un exécutant entre les mains de l’Eternel. Par ailleurs les Assyriens représentant aussi la contre-initiation ne peuvent dépasser une certaine limite et l’obtention d’une victoire toute matérielle ne peut les amener à s’immiscer dans le domaine spirituel. Ainsi selon certaines traditions lorsque les armées de . Nabuchodonozor détruisirent Jérusalem, les prêtres du temple de Salomon montèrent sur le toit du sanctuaire en flamme, en jetèrent les clefs vers le Ciel ; celles-ci furent recueillies par une main descendant des Cieux., Ce sont les Mèdes regroupant à l’origine diverses peuplades des
montagnes d’Iran qui feront s’écrouler l’empire Assyrien donnant ainsi naissance à leur propre empire. Leur sédentarisation simultanée amena en peu de temps leur chute, les chroniqueurs remarquèrent que la décadence des rois s’accompagnait d’un pouvoir oppressif, notant également l’apparence de plus en plus efféminée des souverains. A l’inverse, on peut dire que c’est un roi, un monarque au sens véritable du terme ,qui mit fin à la domination Mède, en l’occurrence Cyrus le Grand, fondateur de l’empire Perse.’Dans l’épopée Achémé- nide, Cyrus sera figuré comme un sanglier attaquant l’empire Mède, l’habit royal sera constitué de trois étoffes, une rouge et les deux autres l’entourant de couleur blanche. Légitimement, tout roi investi régulièrement était nimbé d’une auréole lumineuse le Xvarnah qu’il pouvait matérialiser sous la forme d’un bélier. Les bénédictions attachées au Xvarnah restant « rayonnantes », les corps des rois défunts étaient momifiés selon un rituel précis . c’est pourquoi lors de leur pleine puissance, profitant de leurs incursions en territoire Perse, les Assyriens cherchaient à s’emparer des momies des anciens souverains. Etant mandaté par l’autorité spirituelle comme le confirme son surnom de « sanglier », Cyrus le Grand fut un excellent monarque. Il s’empara de Babylone, les prêtres de Marduk avaient été particulièrement exposés aux outrages de l’Assyrien Nabonide, l’intolérance ayant continuée sous les Mèdes. Cyrus vint sacrifier dans le sanctuaire du dieu en s’y déclarant le serviteur. D’autre part, les Juifs fêtèrent avec allégresse la venue de ce monarque, les prédictions contenues dans les écrits du Second Isaïe s’accomplissaient par la venue d’un libérateur. En effet, Cyrus rendit la liberté aux exilés et leur permit de rentrer à Jérusalem et en Judée qui était devenue une satrapie (province perse) à la tête de laquelle il fit nommer un Davidide. Avant de laisser partir les exilés, il fit restituer tous les objets rituels, pris lors du sac de Jérusalem par les troupes de Nabuchodonozor, afin que ceux-ci puissent à nouveau être déposés dans le Temple de Salomon lors de sa reconstruction. Il faut noter aussi que lorsque l’école d’Athènes fut fermée (vie siècle après Jésus-Christ) sept sages dépositaires de cet enseignement partirent en Perse. Déjà depuis un certain temps
dans ce pays s’étaient réfugiés des Nestoriens. On peut se rendre compte que le déroulement historique lorsqu’il est mis en correspondance avec sa véritable signification permet à qui veut bien s’en donner la peine de retrouver le fil d’Ariane symbolique qui éclaire bien des choses comme on peut le constater. Nous parlerons maintenant des Scythes qui constituent le point commun à l’origine du chamanisme et de sa présence .toujours actuelle avec les peuples habitant le Turkestan, l’Oural et la Sibérie. " Nous n’ignorerons pas non plus les coïncidences existant avec certains événements de l’histoire des Mongols et de ses prolongements parfois inattendus. Il s’agit d’un courant dont les ramifications par le fait d’un nomadisme dévié se retrouvent bien souvent loin de leur lieu d’origine, c’est pourquoi nous ne manquerons pas de relever des éléments lointains mais toujours concordants.
Outre le folklore des descendants actuels des Scythes c’està-dire les Ossètes dont nous parlerons plus loin, nous disposons de plusieurs matériaux d’étude ceux-ci nous étant fournis par les auteurs anciens de la période dite antique comme Ovide et le chroniqueur-voyageur Hérodote. Nous commencerons par Ovide que l’on peut qualifier de Fidèle d’Amour, dont les écrits ont un aspect intérieur plus marqué, et force est de constater à nouveau la présence d’éléments contre-initiatiques. Borée régnait en maître en Scythie, celui-ci Vent du Nord était le responsable des tempêtes et du froid glacial, le Serpent habitait dans ce voisinage, situé non loin du pôle glacé.
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Le prophète haïe prédisant la chute de Jérusalem et sa ruine par Assyriens. Gravure de Holbein (xvf siècle).
Par l’intermédiaire de son élu, Triptolème, la déesse Cérès désirant faire profiter de ses bénédictions les Scythes adressa à leur roi des présents. Celui-ci fit un semblant de bon accueil à l’envoyé, mais jaloux de n’avoir pas été directement élu, il tenta de tuer l’envoyé pendant son sommeil à l’aide d’une épée. Cérès intervint et changea le roi en lynx, animal tacheté et au pelage roux ! A titre anecdotique la plupart des personnages ‘de diverses époques ayant joué un rôle contre-initiatique et que nous citons dans les différents chapitres de notre ouvrage avaient les cheveux de cette couleur, habituellement donnée pour celle de Set-Typhon ! ' Cérès en envoyant Triptolème agit de façon miséricordieuse afin de permettre une régénération. La contre-initiation s’y oppose farouchement imbue de ses prérogatives terrestres par l’intermédiaire du roi scythe, kshatriya révolté. En rapport avec l’Embryon d’or, Triptolème était le roi légendaire d’Eleusis auquel la déesse avait confié le premier grain de blé. Lorsque Thésée vainqueur du Minotaure revendiqua légitimement son droit à régner, Médée tenta de l’empoisonner avec un breuvage mortel provenant de Scythie fabriqué avec la bave de Cerbère, celui-ci étant fils d’Echidna sœur de Typhon ! On donne pour lieu d’origine des Scythes les steppes d’Iran et d’Asie Centrale, peuple éminemment nomade on trouve des traces de sa présence en des endroits aussi éloignés que le Caucase, le Danube ou le Proche-Orient. Les Scythes ravagèrent la Palestine conformément à ce qu’avait prédit dans la Bible le prophète Jérémie les désignant comme le « loup des steppes » en compagnie des Assyriens symbolisés quant à eux par le léopard (toujours un animal tacheté). Les Scythes n’hésitant pas à s’attaquer aux Assyriens, ces derniers mentionnant dans leurs chroniques l’incroyable cruauté de leurs adversaires ce qui mérite d’être souligné venant de leur part. Les Scythes après avoir massacré en grande partie les habitants de Cimmérie commencèrent à s’établir dans cette • région située au Nord de la Mer Noire" et poussèrent tout d’abord leur migration le long des côtes. Ce pays appelé par les anciens le Pont-Euxin était censé se trouver aux extrémités du monde, territoire d’Hypnos et frère de Thanatos (la mort) considéré comme un lieu de ténèbres. Le chamanisme emploie les anciens objets rituels des Scythes concourant ainsi à
répandre la suggestion, hypnose caractéristique du monde moderne. Hypnos était donné pour fils d’Erèbe, transformé en fleuve des Enfers pour avoir soutenu les titans dans leur lutte contre Jupiter. „ Dès l’époque des tsars on commença officiellement à exhumer les vestiges scythes. Les fouilles commencèrent en Ukraine vers l’année 1763. Elles furent effectuées de façon intensive lors de la seconde moitié du XIXe siècle (le Manifeste du Parti Communiste date de 1848) et en 1912-1913 juste donc avant la Première Guerre mondiale qui devait entraîner la chute du régime tsariste et aboutire à la révolution de 1917. Quels que soient les changements de régime ou de dirigeants les archéologues continuent sans relâche à déterrer les restes de la civilisation Scythe qui sont enfouis sous les innombrables tumuli (dont il n’est pas rare que la hauteur avoisine les vingt mètres). A titre d’exemple, rien que pour la région de Nikopol, près du Dniepr, on dénombra près de trois cents tumuli qui furent explorés... . Dans le premier livre de son Enquête, Hérodote nous parle de la fameuse malédiction des Enarées.Jl revient en détail sur les Scythes dans son quatrième livre et relate les traditions des peuples alentours, certaines observations étant particulièrement dignes d’intérêt. Le nomadisme dévié se traduit par des conquêtes par la force brutale alliée à la soif de possession ; il en était autrement à l’origine comme le montrent les légendes citées par l’historien grec. Les Scythes disaient venir d’un pays désertique, ils faisaient remonter leur origine à Targitaos fruit de l’union entre Zeus et la fille du fleuve Borysthène (Dniepr). Targitaos eut trois fils dont il est facile d’établir la correspondance avec les castes. Il est dit qu’il tomba du Ciel plusieurs objets d’or : une charrue et un joug, une hache et une coupe. L’aîné voulut prendre ses objets, mais ceux-ci s’enflammèrent à son approche, il en fut de même pour le second fils, seul le plus jeune put librement prendre les objets. Ses deux frères reconnurent son élection, son Mandat du Ciel pour se trouver à la tête du royaume. Par réflexion sur le plan terrestre, le plus jeune n’en est pas moins le premier, le véritable aîné en tant que noyau désigné par la coupe symbole de la caste sacerdotale et réceptacle des influences spirituelles qu’elle dispense aux autres castes. Que l’on constate progressivement un affaiblissement du système des castes, de son éclatement puis de sa suppression
on ne doit jamais oublier la conformité originelle de toutes les traditions et l’immutabilité des symboles. Ainsi, Hérodote parle de l’antique Olbia (surnommée la ville heureuse) où était édifié un temple consacré à Cérès. Olbia est phonétiquement proche du latin Alba, nom du premier emplacement de Rome, ce vocable s’applique à un vêtement blanc (sacerdotal!) ou à une perle blanche ; les trois significations se complétant. Le nom d’Albe se rattachant à l’idée d’un centre spirituel.'Olbia ville fondée à l’embouchure de PHypanis (l’actuel Boug) avec donc le temple de Cérès déesse du premier grain, le grain est l’Embryon d’or, la perle symbolise elle aussi le « noyau » d’immortalité, le coquillage représentant l’Œuf du monde. Saint Jean (fils du tonnerre) parle du Christ comme du Grain par excellence,''•la perle est dite née de l’éclair ou de la chute des gouttes de rosée (influences spirituelles). En se basant sur les correspondances qu’offre la géographie sacrée, le site d’Olbia avait été jugé remarquable. Olbia centre spirituel est donc le « cœur », et le sang le fleuve Hypanis véhiculant les influences spirituelles. L’eau du fleuve réputée pour sa saveur par les anciens devenait à un certain endroit subitement saumâtre. L’Hypanis finit dans une région se transformant progressivement en désert et aboutissant au pays de ceux que nomme Androphages (mangeurs d’hommes) Hérodote. Il y a coupure avec les influences spirituelles, il ne reste que les influences psychiques inférieures, agissant à rebours vers l’infra-humain avec le cannibalisme assimilable à la lycanthropie tendant vers la désintégration, le désert. Les Neures voisins directs des Androphages avaient la possibilité de se transformer en loup et les Agathyrses peuple le plus proche étaient appelés les « efféminés ». Les descendants actuels et en ligne directe des Scythes sont donc les Ossètes, ce peuple forme actuellement deux républiques de l’Union soviétique, respectivement l’Ossétie du nord et l’Ossétie du Sud. Entre ces deux républiques se trouve le mont Kazbeck ; c’est sur ce mont que d’après diverses légendes fut enchaîné Prométhée. Celui-ci fils dejapet l’un des titans voulut faire des statues d’hommes avec du limon. Ne pouvant leur donner vie il déroba selon plusieurs versions une étincelle au char du Soleil, et selon d’autres une étincelle de la forge d’Héphaïstos (Vulcaïn). De même dans les traditions islamiques il est dit qu’un sinistre personnage doué de pouvoirs,
put à l’aide de ceux-ci déceler la présence de l’Ange Gabriel ; et profitant de l’absence de Moïse, il prit des poignées de terre touchées par l’Ange et les lançant ensuite sur le « veau d’or » lui donna une apparence de vie. Les Ossètes ont bien conservé un corpus de légendes où l’on peut constater la présence d’éléments concordants et similaires avec d’autres traditions. Il est fait mention en premier lieu d’une ère de bonheur présidée par la caste sacerdotale avec à sa tête ceux désignés comme les « Intelligents ». Arrive ensuite un cycle de Héros en lutte contre les Géants. Le chef des Géants ayant réussi à obtenir par ruse quelques bribes éparses de la Connaissance, ce qui l’encouragea dans l’utilisation et l’illusion des pouvoirs. La légende est explicite puisqu’elle rapporte que les Géants construisirent une citadelle en un lieu élevé où ils s’établirent avec leur père, celui-ci étant de surcroît borgne et lycanthrope ! L’accentuation est mise sur les actes malveillants et tyranniques exercés sur les populations voisines. Un héros monté sur un fabuleux cheval osa s’opposer à leur règne et au terme d’une terrible lutte parvint à les détruire ; mais suivant l’ordre de leur père « loup garou », les Géants avant de succomber réussissent à tuer le merveilleux cheval. Malgré la victoire sur les Géants commence une chute inexorable. Sans le cheval intermédiaire et guide céleste les kshatriyas par leur seul bon vouloir n’ont pas les moyens efficaces pour stopper la chute. Eux-mêmes soumis à la dégénérescence après avoir rétabli la justice deviendront des oppresseurs. Le roi pourfendeur de Géants avant de mourir, pressentant les calamités futures jeta son épée dans la mer Noire, celle-ci devant réapparaître et être remise à « l’élu » qui rétablira à nouveau l’Ordre. On songe bien évidemment à la mort du roi Arthur et à la célèbre épée Excalibur. Dans d’autres légendes, il est fait allusion à un peuple de nains les C’Ans animés d’une force redoutable. Ils vivaient à une époque où le soleil brillait continuellement et où étaient inconnus le vent et la neige. Se refusant à reconnaître l’Autorité divine, ils se considéraient les maîtres de la Terre. Il leur fut envoyé comme signe avertisseur un enfant (descendu du Ciel dans un berceau d’or) grandissant d’heure en heure. Interprétant cette venue comme une soumission et une reconnaissance à leur propre autorité, ils continuèrent leurs actes sacrilèges et leurs propos blasphématoires. Lorsque « l’avertisseur » remonta au Ciel ils décidèrent qu’il était aussi en
leur pouvoir d’arriver au Ciel. Ils commencèrent à construire un escalier monumental de roches et d’arbres afin d’y accéder. Leur entreprise dura sept jours, alors le soleil disparut, des flocons de neige se mirent à tout recouvrir puis il y eut un formidable embrasement et les C’Ans disparurent *. Il subsiste néanmoins des vestiges nommés enclos des C’Ans, ceux-ci consistant en des ruines de pierres calcinées ! Les terres alentour gardant encore la trace d’un feu violent que ne peuvent expliquer les archéologues... Est-il nécessaire de rappeler que chaque peuple lorsque cela est nécessaire reçoit un avertisseur dont la majorité (la quantité) rejette le message et lui témoigne de l’hostilité, voire une haine virulente. En complément nous ajouterons le fait suivant : le Prophète de l’Islam en compagnie de Fidèles Compagnons passa par l’endroit désolé et désertique où étaient les ruines des habitations de l’ancien peuple des Thamoudes, châtiés par le feu pour avoir, malgré les avertissements de leur propre prophète Çalih, persisté dans des agissements semblables à ceux des C’Ans. Arrivant à proximité de ce lieu résiduel et maudit : « Le Prophète recouvrit son visage d’une aile de son manteau, afin d’éviter la vue de ces vestiges de l’impiété. Il voila sa bouche et ses narines pour ne point respirer l’air impur qui s’exhalait de ces ruines et poussa sa monture afin de s’en éloigner au plus vite. »2 La mentalité actuelle se chargeant de transformer ces endroits en curiosités archéologiques et en sensations touristiques ! * **
De nombreux travaux ont été consacrés au chamanisme. Celui-ci étant plus que largement répandu, en de nombreux points, diversement selon les peuples constituant l’Union soviétique. Plusieurs endroits et particulièrement ceux qui nous intéressent sont des foyers assez vivaces pour servir de supports aux centres contre-initiatiques. Le mot chaman tel qu’il est communément orthographié fit son apparition sous cette appellation à partir du xvne siècle dans les langues européennes à la suite des récits de voyages d’explorateurs. Le mot est d’origine Toungouse (peuplade de Sibérie Orientale) chan-man. Le chamanisme remonte fort loin outre les analogies
symboliques, on retrouve reproduits sur les tambours des chamans les dessins ornant les gravures rupestres de plusieurs régions, surtout la Mongolie et la Sibérie. Les légendes concernant l’origine du chamanisme font tout d’abord état d’une légitimation du premier chaman envisagé comme prêtre et sacrificateur, la Connaissance lui ayant été octroyée par un aigle blanc. Les chamans sont dits originellement « enfants du Soleil » offrant les sacrifices afin d’éviter l’action des esprits malveillants, mais il semble qu’il y ait eu rapidement dégénérescence ; à ce propos les traditions les plus récentes considèrent que la femme chamane est antérieure au chaman et que ses pouvoirs lui sont supérieurs, allusion à l’aspect passif du chaman. D’ailleurs, dans la plupart des cas la relation du chamane avec son « esprit familier » (zoomorphe) l’oblige à se transformer en femme, le chaman devenant l’épouse de cet esprit. Ainsi chez une peuplade les Tchouk-tches les chamans sont les « hommes mous » que les esprits obligent à s’habiller et à vivre comme des femmes. Quant à la dégénérescence proprement dite on peut en trouver certains échos qui font d’ailleurs penser au chapitre VI de la Genèse. Différentes légendes parlent de l’union d’êtres venus de la constellation des Pléiades avec les filles des hommes. Au début la cosmologie mentionne seulement le Ciel, la Terre et l’Homme conçu comme médiateur. La notion ajoutée que l’on peut faire correspondre aux Enfers est tardive et par là même beaucoup plus récente. Les hommes doivent consacrer les lieux appropriés comme autant de « nombrils » de la Terre afin que ceux-ci soient dans l’axe du « nombril du Ciel » symbolisé par l’Etoile polaire ; celle-ci étant appelée le Pilier d ’or permettant l’accès à la Montagne d’or, or ces appellations changeront et deviendront désormais le Pilier de fer et la Montagne de fer. Si il n’y a pas véritablement de traditions apocalyptiques dans le chamanisme, il est cependant fait allusion à la destruction de ce monde du fait de fissures de la Terre, or en dessous de la Terre se trouvent les Enfers domaine d’Erlik-Khan ancien guerrier céleste chassé du Ciel alors qu’il commençait à percer les étoiles avec ses flèches, ne voulant rien admettre au-dessus de sa puissance. Echo de cette révolte des kshatriyas les dénominations dans plusieurs dialectes de Pèrelune et Mère-soleil, les mots désignant la lune et l’ours étant pratiquement les mêmes. On fait naître habituellement le chaman d’un aigle ayant des
plumes de fer, l’enfant est ensuite confié à une sorcière borgne qui éduque le futur chaman dans un berceau de fer et en le nourrissant de lait caillé ; puis trois esprits dépècent le corps et remplacent les os par du fer. Les chroniques mongoles donnent la date de l’An Mil de notre ère comme début de la volonté de puissance des chamans avec comme seule préoccupation la recherche de pouvoirs de plus en plus grands. En relation avec ceci, plusieurs peuplades divisent les chamanes en deux classes, respectivement les chamans blancs guérisseurs et les chamans noirs entretenant des contacts avec les démons et n’agissant que pour répandre le malheur. Le chamanisme est devenu la pratique de sciences traditionnelles les plus inférieures, plus ou moins déviées, voire dévoyées et employées aux fins que l’on sait. Bien qu’omniprésent le chamanisme n’a jamais eu à supporter les tracasseries, les persécutions qu’ont eues ou que subissent encore les croyants des trois religions du Livre. Dans des périodes difficiles pour lui le régime marxiste n’a pas hésité à jouer de la plus hypocrite bienveillance envers les représentants des autorités religieuses. Ces autorités de façade n’ont d’ailleurs jamais abusé les vrais croyants à quelque confession qu’ils appartiennent. Les soi-disant changements actuels confirment que le marxisme termine de jouer son rôle, le fait d’adapter les valeurs démocratiques montre simplement le resserrement et l’établissement mondial d’un pouvoir hiérarchisé contre-initiatique. Le chamanisme bénéficie donc d’une certaine bienveillance alors que l’Islam gêne de plus en plus les dirigeants communistes. Se faisant le porte-parole de cet embarras M. Gorbatchev déclarait dans un discours prononcé à Tachkent capitale de l’Ouzbékistan : « Nous devons mener une lutte résolue et impitoyable contre les phénomènes religieux. Nous devons intensifier parmi les masses l’agitation politique et la propagande en faveur de l’athéisme... Certains membres du Parti croient pouvoir participer à des cérémonies musulmanes, ils doivent savoir que le Parti ne tolérera plus le moindre décalage entre les mots et les actes... »3 Les événements d’Afghanistan n’ont pas dû arranger la mentalité de M. Gorbatchev à ce sujet. Si le retrait des troupes communistes de ce pays résulte pour une bonne part de la peur d’un soulèvement général parmi les républiques soviétiques à dominante musulmane il ne faudrait pas oublier d’autre part que l’Armée rouge a fait connaissance avec la « Guerre Sainte » sous
les traits notamment de celui que la presse occidentale a nommé le commandant Massoud et dont M. Du Pasquier donne un juste portrait : « Ahmad Shad Massoud, le célèbre chef de guerre auquel la Résistance doit certains de ses plus beaux succès militaires, est lui-même fervent soufi et outre les devoirs religieux incombant à tout musulman, pratique assidûment la voie spirituelle de l’Ordre nasqshbandi. C’est sans doute ce qui ajoute à son autorité le rayonnement personnel dont parlent tous ceux qui l’ont approché. » 4 * **
Nous ne développerons aucune considération sur la militarisation à outrance qui accompagne inévitablement le marxisme et lui sert de base. Cet aspect guerrier à outrance et totalement inversé est l’aboutissement ultime de la révolte des Kshatriyas ; en ce sens l’U.R.S.S. est bien la terre de l’Ourse. L’un des trois centres se trouverait être situé dans le Turkestan. Ce nom recouvre aujourd’hui un territoire fort vaste constitué par : l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Tadjikistan, le Kirghizistan et le Kazakhstan. Ces régions étant peuplées par les ethnies Turco-mongole Kirghize et Ouzbek ainsi que par les Turcomans ; mais le territoire exact qui nous intéresse est précisément le Turkestan Occidental, région en grande partie occupée par un désert le Kyzyl-Koum. C’est dans cette région que s’arrêta la progression des hordes mongoles. On sait que Gengis-Khan essaya vainement d’attaquer le royaume du Prêtre-Jean, Saint-Yves d’Alveydre parle dans son livre Mission de l’Inde de la Terre Sainte n’ayant jamais été profanée par l’action entre autres du royaume Touranien de Haute-Tartarie, ce qui se réfère à l’empire de Gengis-Khan. Le terme Touranien englobant aussi les Huns sur lesquels nous reviendrons plus loin à propos d’Attila. Le Turkestan est le lieu d’arrêt de la « poussée » mongole. C’est non loin de là, à Samarkand, que Tamerlan établira sa capitale. Les croyances chamanistes se mélangeant avec celles des tribus nomades turques. Tous ces événements sont rapportés dans « l’Histoire secrète des Mongols » 5 regroupant les chroniques de ce peuple et contenant de très précieuses indications. Gengis-Khan naquit non loin du lac Baïkal, surnommé le Lac
des Esprits, dans une tribu bouriate, or c’est justement chez les Bouriates que l’on signale pour la première fois la très nette division entre chamans blancs et chamans noirs. Lorsque Gengis succéda à son père il reçut la visite de trois mystérieux personnages (c’est-à-dire l’ambassade envoyée par le PrêtreJean) qui lui prédirent : nous te ferons Khan. Mais il apparaît que le futur khan des Mongols n’ait jamais voulu reconnaître d’autre autorité que la sienne. La réalisation spirituelle ne lui était pas inconnue mais du fait d’une instabilité renforcée par son orgueil il se révélera vite indigne de mener à bien sa mission de restaurateur et d’unificateur ce qui l’entraînera (« horizontalement ») a juguler son instabilité dans un désir de conquêtes. Son règne coïncida avec une recrudescence du chamanisme. Signe d’éloignement et de multiplicité les croyances Bouriates substituent aux noms divins 99 dieux se répartissant en 55 dieux bons et en 44 mauvais. Les chroniques parlent de Gengis-Khan comme s’adonnant à la magie et de ses entretiens avec les démons. Gengis-Khan était entouré par les chamans d’une même famille. Parmi celle-ci, celui qui avait le plus d’importance, le devait au fait d’avoir transgressé les tabous en se rendant auprès du père mourant de Gengis-Khan ; ce dernier avant d’expirer avait confié au chaman le soin d’éduquer son fils. Gengis-Khan desserrera de façon brutale l’emprise de ce groupe de chamans toujours plus puissant qui voulut même à un moment le supplanter. Ce groupe restant par la suite dans l’ombre des pérégrinations mongoles. Avant de porter le nom de Gengis-Khan, le futur chef des Mongols s’appelait Temüdjin du nom d’une ville des Tatars conquise par son père, au moment de sa naissance. Plus tard, lorsqu’ils le verront « possédé » à intervalles réguliers par les « esprits » consécutivement à la recherche de pouvoirs, les Mongols relieront ce fait avec les attitudes habituelles des forgerons « noirs ». Un proverbe de ces régions mentionne que le chaman et le forgeron sont du même nid. La prédominance étant octroyée au forgeron qui n’a rien à craindre de l’adversité d’un chaman. Le forgeron pouvant capturer l’âme du chaman et la brûler. C’est peut-être pourquoi certains chamans dont nous avons parlée plus haut ne purent se débarrasser de Gengis-Khan ; l’assimilation avec un forgeron se renforçant, car le nom de
Temüdjin est fort proche du mot mongol Temürdjin désignant un forgeron, le mot fer se disant par ailleurs Temür. * Dans plusieurs légendes, les Mongols se donnaient pour les descendants d’un peuple de forgerons travaillant à l’intérieur de montagnes de l’Altaï et c’est en extrayant un filon de fer qu’ils seraient sortis du monde souterrain. * Tamerlan lui sera connu sous le surnom de Timur-Leng littéralement « Fer-Boiteux », fer par rapport aussi à ses pouvoirs et à son entourage chamaniste ; et boiteux parce qu’il était affligé de cette infirmité. Gengis-Khan insatisfait malgré sa puissance, eut un moment comme seule préoccupation la recherche d’une médecine d’immortalité, dans le but d’obtenir justement une immortalité.... terrestre ! Les chroniques mentionnent une rencontre avec un sage taoïste, cela ne surprendra guère de savoir que GengisKhan fut éconduit. Amer, il se lança à nouveau dans la guerre et tâcha d’oublier sa déception dans les plaisirs terrestres. Gengis-Khan avait pris comme emblème un loup d’or mais bien vite c’est le loup sous son aspect sinistre qui devait caractériser son règne. Le loup étant généralement la forme de prédilection de certains chamans. Nous avons évoqué à plusieurs reprises la lycanthropie dans ce livre, ce terme est relaté en détails dans la mythologie grecque. Connu pour sa tyrannie, le roi Lycaon se livrait à l’anthropophagie. Il reçut la visite de Zeus, sous un déguisement. Il fit servir au repas les restes d’un enfant, devant cette monstruosité Zeus le changea en loup. Ovide en fait une description saisissante dans ses Métamorphoses : « Lycaon terrifié s’enfuit et réfugié dans le silence de la campagne il pousse de longs hurlements, fait de vains efforts pour retrouver la parole ; c’est de tout son être qu’afflue à sa bouche la rage... Ses vêtements se muent en poils, en pattes ses bras ; il devient loup, mais il garde encore des vestiges de sa forme première ; même couleur grisâtre du poil, même furie sur ses traits, même yeux luisants ; il reste l’image vivante de la férocité. »6 Les cas, voire les épidémies de lycanthropie accompagnent toujours la manipulation de résidus psychiques situés bien souvent à l’ancien emplacement de centres spirituels. Ainsi la localisation du Turkestan n’est pas fortuite puisque Hérodote y signale la présence d’hommes aux crânes rasés « les Chauves », ceci s’appliquant aux membres d’une organisation initiatique.
Ces hommes étant entourés du plus grand respect, reconnus comme juges incontestés par toutes les populations et pouvant octroyer le droit d’asile. Ils habitaient sous des tentes de feutre blanc, couleur qui évoque l’aspect sacerdotal. Le Turkestan n’est pas un hasard, ni le fait d’un choix arbitraire. Hérodote précise que ces hommes vénéraient Argimpasa équivalent d’Aphrodite déesse de l’Amour et de la Beauté, Amour sacré, Amour de la Connaissance nous constatons bien de la sorte la présence de Fidèles d’Amour. Lors de leurs différentes migrations, les Huns entrèrent en contact avec les descendants d’anciennes tribus Scythes. C’est dans une contrée Scythe qu’Attila pût recouvrir sa cupidité (son amour de l’or était bien connu) d’une soi-disant élection du Ciel afin d’établir son royaume sur toute la Terre ! C’est un berger qui découvrit, recherchant la cause des blessures de ses bêtes, une épée enfoncée dans le sol. D’après les tribus Scythes, il s’agissait d’une épée tombée du Ciel, l’épée de leur dieu de la guerre (assimilé à Arès-Mars) et dont seuls pouvaient se servir les rois Scythes légitimes. L’appropriation de cette épée par Attila fut considérée comme le signe d’une mission div.ine par son peuple, alors que les descendants des Scythes prédirent que l’emploi détourné de cette épée amènerait la ruine des Huns qui commença effectivement par leur défaite des Champs Catalauniques. On songe aux paroles du Christ à propos de « ceux qui prennent le glaive et périront par le glaive ». Sans mandat du Ciel tout pouvoir se disqualifie et l’appui sur la seule force est bien éphémère. Ainsi dans les premiers temps de Rome, en rapport avec la nature dangereuse des influences de Mars le temple du dieu était en dehors de la cité. On invoquait Mars seulement pendant la durée d’un combat. Les forces mises en action étaient dirigées par des membres du Collège des Saliens (institué par Numa), spécialement instruits à cet égard. Accompagnant les légions ils « opéraient » lors des batailles, revêtus de robes blanches tenant des boucliers consacrés en argent. Les défaites étant attribuées à des fautes, à des transgressions devant être effacées avant le combat par des expiations et des purifications de la part des autorités militaires, sinon les légions devenant en conséquence des supports imparfaits. Malgré l’aspect guerrier de Rome il faut savoir que c’est le prêtre de Jupiter qui lançait le javelot de Mars sur le territoire ennemi afin
de signifer le début des hostilités et c’est toujours à Jupiter seul qu’était attribuée la victoire. * *
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Nous avons dit que le chamanisme est implanté pratiquement sur tout le territoire soviétique avec dans plusieurs régions des foyers plus ou moins virulents, ceci autour des « réservoirs d’influences psychiques inférieures ». Il nous restait à localiser les deux derniers centres, nous nous sommes référés aux traditions et aux légendes. Parallèlement, l’appui d’indications contenues dans les écrits de René Guénon nous confirmait dans nos recherches. Sans plus attendre, nous pouvons dire que les deux centres en question se trouvent en Sibérie Occidentale : l’un à l’embouchure du fleuve Ob et l’autre plus au Nord à savoir l’île de Belyy vers la mer de Kara ; entre ces deux points nous avons la presqu’île de Iamat, appelée presqu’île des Samoyèdes. Ce peuple habite les régions des « deux réservoirs ». On reconnaît aux Samoyèdes de pratiquer le chamanisme le plus ancien. A cet égard on a pu constater que le language samoyède se compose d’environ quatre mille mots, alors que le chaman, lui, utilise un vocabulaire de près de douze mille mots. Lors des rites chamaniques, les paroles prononcées sont incompréhensibles pour l’assistance. Expliquant l’emploi de , ces termes archaïques, les chamans disent qu’ils parlent le language d’un Age d’or où les hommes et les animaux vivaient et parlaient ensemble ! Outre les vestiges mis à jour sur la presqu’île des Samoyèdes que l’on date d’une période fort ancienne, il faut noter à l’extrémité de cette terre maintenant désolée l’île de Belyy, or Belyy signifie blanc et l’on sait qu’île Blanche est la désignation d’un centre spirituel. René Guénon dit à ce propos : « Toute Terre des Dieux siège d’un centre spirituel devient une terre des morts lorsque ce centre a disparu. » 7 Citons aussi à cet égard l’extrait de l’article « Chamanisme et sorcellerie » : « ...On y rencontre également des rites comparables à quelque-uns de ceux qui appartiennent à des traditions de l’ordre le plus élevé : certains, par exemple, rappellent d’une façon frappante des rites védiques, et qui sont même parmi ceux qui procèdent le plus
manifestement de la Tradition primordiale. » Dans les régions voisines, ces endroits ont la réputation d’être le pays des maladies et des maléfices. Sans nous étendre plus que de raison, nous pouvons dire que les actes de sorcellerie sont semblables à ceux pratiqués par certains groupes soudanais des monts Nuba, ils offrent aussi les plus grandes similitudes avec ceux pratiqués par les sociétés « Léopards ».
\ Parmi les peuples habitant l’embouchure de l’Ob, les plus anciennes croyances se sont perpétuées chez quelques tribus Samoyèdes, ainsi que chez les Ostiaks et les Vogoules ; l’ensemble de ces populations ne dépassant pas environ trente mille individus. Au sujet de ces croyances l’on ne peut parler d’un « Au-delà » mais plutôt de données confuses. On tient en grande crainte le dieu des Enfers, les chamans « descendent » au septième cercle de l’Enfer où est situé son palais, afin de demander sa protection contre les calamités. Les divers objets employés lors des rites remontent à l’époque Scythe. . Il est célébré les fêtes de l’Ours, un culte est rendu à cet animal considéré comme supérieur à l’homme. En tant qu’esprits auxiliaires du chaman, l’ours est associé au tigre. -Il est dit qu’avant que l’ours soit considéré comme le roi des animaux, avaient droit à ce titre seulement le sanglier et l’élan ! On remarquera encore une fois par ce symbolisme la référence à une révolte de kshatriyas. Selon différentes légendes l’ours, malgré l’interdiction de son père, regarda vers la Terre lorsqu’une fissure se forma dans la Voûte céleste. Il fut alors envoyé sur la Terre dans un berceau d’or, et tenu en laisse par une chaîne d’argent accrochée à son museau. On retrouve la trace du Déluge dans .les récits Samoyèdes ; seuls sept sages furent épargnés et trouvèrent refuge dans une barque. S’il arrive que le chaman n’ait pas à sa disposition ni son habit ni ses instruments il lui suffit de s’accompagner de son miroir, seule chose obligatoire et indispensable. Le chamanisme sous son aspect le plus funeste n’est plus ou
moins consciemment qu’une nécromancie déguisée. A propos de ce genre d’évocations, on retrouve le mot Ob dans la Tradition hébraïque (avec bien entendu des équivalents dans les autres traditions). Les conséquences et les dangers de ces évocations ont été mis en relief dans l’Erreur spirite au chapitre intitulé « L’explication des phénomènes » auquel le lecteur pourra se reporter. A titre d’exemple, Guénon cite la Bible : le Premier Livre de Samuel, XXXVIII. Le roi Saül s’étant vu retirer le Mandat du Ciel et par là même les bénédictions inhérentes, en arrive à demander l’aide d’une nécromancienne afin d’évoquer le prophète Samuel mort depuis peu. Le péril Philistin figure son châtiment ainsi qu’il l’apprendra par l’évocation. Nous voyons donc Saül réprouvé offrant l’image d’une royauté sans support spirituel, cette déchéance s’accompagnant du recours à de basses pratiques, en totale contradiction avec les prescriptions formelles contenues dans le Lévitique. Saül s’est coupé lui-même du Ciel, son royaume devenant une terre stérile. La Miséricorde divine choisissant le roi David comme vivificateur. > Lorsqu’un centre spirituel a cessé de remplir sa fonction pour différentes raisons d’ordre cosmologique les « résidus » ne peuvent plus intéresser que ceux qui pensent accumuler les pouvoirs; dont la recherche si elle nous fait penser à un sinistre tonneau des Danaïdes n’empêche pas pour beaucoup de s’y noyer irrémédiablement !
NOTES 1. Pour l’ensemble des légendes Ossètes, le lecteur pourra se reporter à l’ouvrage de Heinrich von Klaproth, Mémoire dans lequel on prouve l’identité des Osses, peuplade du Caucase avec les Alains du Moyen Age Paris, 1868, et M. Emile Benveniste Etude sur la langue des Ossètes, Paris 1959. 2. M. Etienne Dinet, La vie de Mohammed Prophète dAllah. 3. Cf. Le spectacle du Monde, mars, 1987. 4. L’Islam entre tradition et révolution, Edition Tougui. 5. Traduction Pelliot, Paris, 1949. 6. Traduit par M. Chamonard, Gamier-Flammarion. 7. Le Symbolisme des Cornes : Symboles Fondamentaux.
LA CONTRE-INITIATION EN OCCIDENT
La contre-initiation se cache sous de multiples aspects et sous les masques les plus divers, n’hésitant en aucune façon à se revêtir d’une couverture « soi-disant » traditionnelle pour qui s’en tiendrait uniquement aux apparences. Les personnages, les fonctions, les attributs se heurtent, s’opposent en surface, mais convergent inexorablement à la réalisation du but fixé. Lorsque nous nous pencherons sur tel ou tel fait significatif, il ne faudra pas oublier que le Traditionnel et le Légitime se rattachent toujours au Principe. Seule la métaphysique est audelà de l’illusoire dualité. Malheureusement le titre ou la fonction d’un personnage ne correspond guère souvent à ce qu’il devrait être en réalité. Toute généralisation est un piège, notamment en ce qui concerne la caste guerrière. La véritable noblesse ayant eu sa large part de victimes ; quant à l’autorité spirituelle, elle ne fut bien souvent au niveau humain que piteusement représentée. L’habit ne faisant pas le moine, la tiare un pape ou l’épée un chevalier. Un titre acheté n’apportant aucune vertu de transformation. A chaque fois, la déviation et la dégradation proviennent inévitablement de l’orgueil et de la cupidité.. « La Renaissance marque sous tous les rapports la consommation de la rupture du monde occidental avec ses propres doctrines traditionnelles \ Le terme Renaissance (rinacista) apparaît pour la première fois en Italie vers 1550. Ce terme sera repris en France par les auteurs de l’Encyclopédie pour signifier, selon eux, l’épanouissement des lettres et des arts du quatorzième au seizième siècle. La Renaissance s’appuie sur une résurgence, une exhumation des résidus psychiques de l’Antiquité dite « classique ». Pour l’Occident, il s’agissait avant tout de l’Antiquité romaine (les débris de cette religion se transformant en
superstition pour aboutir à la plus basse sorcellerie). Le Christianisme venant recouvrir providentiellement toutes ces dangereuses et néfastes émanations. Curieusement le point de départ ne se trouve pas à Rome mais à Florence jouant un rôle de condensateur. Dante se définit Florentin de naissance, non de mœurs. Il décrit Florence comme « un rejeton de celui qui fut ingrat à son faîteur »2, soit en terme direct une ville luciférienne. Traditionnellement, toute ville est fondée d’après les lois que revêt la géographie sacrée et des rites appropriés qui en découlent. La fondation de Florence, anciennement étrusque, ne fut pas accomplie selon le rite normal, comportant la consécration du lieu et l’établissement des limites de la cité. Le rituel donc ne fut pas opéré par un « Lucumon » prêtre étrusque ; sans entrer dans les détails, le prêtre devait tracer le sillon sacré, à l’origine de la cité, au moyen d’un soc « préparé » que tiraient une génisse et un taureau blancs. A la fois anomalie et inversion, la cité se trouvait marquée et prédisposée à jouer un rôle des plus funestes. Dès le début du Moyen-Age l’usure y est de pratique courante. Les marchands, véritables maîtres de la cité, n’hésitent pas à s’attribuer comme enseigne l’aigle (détourné de son symbolisme premier en devenant en ce cas synonyme de rapacité). A cette époque, Florence tend à devenir le principal centre des financiers, une capitale de l’argent. L’histoire de Florence offre un résumé de l’obscurité actuelle ainsi qu’une répétition de ce qui allait advenir des bouleversements antitraditionnels nous menant inévitablement à la situation présente. La classe marchande supplante l’aristocratie terrienne en s’appuyant sur les anciens serfs, véritablement déracinés, ne jouissant plus d’aucune protection que leur accordait la féodalité, transformés en ouvriers, soumis sans protection aux caprices des riches marchands. Ces pauvres êtres manipulés feront obstacle à un juste retour, que pourrait leur procurer tout sursaut de l’aristocratie. Les nobles devenant dans
l’opinion populaire les fauteurs de misère et empêchant la prospérité économique pour tous. S’il y eut bien quelques nobles comme garniture au conseil de Florence, les décisions sont prises par les marchands 3. Une famille marquera le pas sur les autres, en l’occurrence les « Médicis ». Elle s’établissait en fixant les impôts ridicules pour ses auxiliaires, exorbitants et ruineux pour les aristocrates. Ainsi s’établit la suprématie des marchands, protégés par des ouvriers (non plus des artisans) entièrement à leur merci. Dante, outre sa fonction ésotérique, n’en était pas moins un polémiste qui visait juste. S’adressant au pouvoir : « Vous qui outrepassez les lois divines et humaines » et au peuple : « Ainsi là où vous vous regardez comme les chevaliers servants d’une fausse liberté, vous allez choir dans les prisons d’un esclavage certain. » 4 Lors de divers troubles, ses ennemis triomphent grâce à l’appui des troupes de Charles de Valois (frère de Philippe le Bel), ils le condamnent à l’exil et à une forte amende. Vraiment très gênant, il est à nouveau appelé à comparaître à Florence pour y être jugé. Devant son refus de se présenter, le tribunal prononce la sentence du bûcher. La contre-initiation est véritablement obsédée par le feu, s’en servant et jouant avec lui. Elle ne sera sûrement pas déçue, ultimement dirons-nous ! Aussi bien Dante que son frère et ses enfants seront sans cesse aux prises avec des créanciers et des usuriers. Ceux-ci se vantant même, en faisant répandre des rumeurs calomnieuses, de l’avoir acheté avec leur or. Comme si cela ne suffisait pas on essaya de le mêler à une histoire d’envoûtement concernant le pape. La famille Visconti instigatrice du projet et déçue des résultats d’un sorcier, se proposait de contacter Dante, lequel ayant été en Enfer saurait très certainement s’y prendre ! L’œuvre incontournable et irrécupérable est méprisée, ignorée, étouffée sous un lourd silence par la Renaissance. * *
*
L’ascension des Médicis commence exactement l’année ou
Averardo de Médicis se retrouve à siéger au sein du conseil des marchands. Nous sommes en 1314, année du supplice des templiers. Dès 1295, Philippe le Bel retire peu à peu le trésor royal de la sauvegarde du Temple. Ceci sur l’intervention de ses conseillers financiers, les banquiers florentins Francesi et Musciatto. Avec cet argent, Philippe le Bel envoie ses troupes à Courtray dans les Flandres, où les nobles et le petit peuple se révoltent contre la tyrannie des marchands. L’armée sera mise en déroute. Le trésor royal vide, le roi toujours conseillé par le chevalier Nogaret5 et ses Florentins, se retournera contre le Temple. Il pourra alors rassasier sa cupidité (avant de mourir d’une chute de cheval due à la charge d’un sanglier). Nogaret assumera son rôle contre-initiatique et les Florentins ne seront plus gênés dans leurs transactions (outre le contrôle spirituel des monnaies, le Temple gardait en dépôt les étalons des poids et des mesures). .. C’est donc à l’époque des Médicis que se développe et se propage le courant humaniste, caractérisé par une attaque contre la religion. Il est animé d’une volonté de se séparer du Ciel. Apparaissent les « umanisti », dont le savoir se base sur l’érudition, uniquement préoccupés de recherches sur le genre humain, avec comme seule directive la raison. Les critères de référence seront ceux de l’Ancienne Grèce et de la Rome Antique. Leur importent surtout comme faits anciens ceux dont on peut retirer gloire et considération. Ils ne s’intéressent à aucune doctrine ésotérique, les racines sont coupées. Il n’est jamais question de salut, bien moins encore de délivrance. Ils se substituent à la légitimité, c’est le règne de l’appréciation profane, fondé sur les apparences et les sensations. Retranchés du divin, ils n’en professent pas moins la croyance à une immortalité, mais ce sont eux écrivains qui veulent la conférer. Par leur écrits, ils désigneront les hommes auxquels doivent s’adresser les louanges ou bien le mépris dans la mémoire populaire. A l’appui de ses théories, la Renaissance veut des faits, des preuves et puis, l’Antiquité est une obsession, il faut la faire
ressurgir ; c’est le début de l’archéologie moderne. Cette fascination des fouilles sera financée par les Médicis, acharnés et avides de se faire admirer au vu de leurs collections 6. Aux pièces découvertes s’attachent des « conglomérats psychiques dont s’emparent pour les manœuvrer à leur gré et en obtenir des effets conformes à leurs dessins, les magiciens noirs » 7. L’un d’eux fut sans conteste Ruggiero Ruggieri, toujours dans l’ombre de Cosme de Médicis D’autre part, les Médicis organisèrent avec insistance des fêtes carnavalesques qui sont comme « une parodie du retournement... qui se produit à un certain degré du développement initiatique, parodie disons-nous et contrefaçon vraiment satanique, car ici ce retournement est une extériorisation, non plus de la spiritualité, mais tout au contraire, des possibilité inférieures de l’être et il n’est pas difficile de comprendre que la mascarade elle-même semble figurer en quelque sorte l’apparition de « larves » ou de spectres malfaisants8 ». Les doctrines traditionnelles de l’Antiquité sont incomprises et négligées par les humanistes. A part l’intérêt que suscite l’historiographie, l’on assiste à une recherche déviée et superficielle des mystères antiques, visant l’obtention de pouvoirs. Le Fidèle d’Amour Boccace insistera sur l’apport enrichissant des doctrines antiques au niveau supérieur, métaphysique (Dante n’a-t-il pas pour guide Virgile ?) puis mettra en garde contre les dangers du paganisme représentant la tendance inférieure se muant en sorcellerie. Il expliquera par ailleurs la mission que l’Eglise se doit de remplir en tant que religion forte et puissante pour endiguer les assauts naturalistes et paganistes. Le Christianisme joua un rôle de garde-fou, pour nous protéger de dangereuses errances. Les fouilles, en réalité, servent à provoquer des fissures d’où pourront se répandre les influences maléfiques du domaine subtil inférieur. C’est pourquoi l’on commence à attaquer les murailles : l’Eglise et la religion, en ayant beau rôle de se servir d’exemples de membres dévoyés et corrompus du clergé. Déjà au Moyen Age, un pape, Innocent III (reçu dans l’Ordre du
Temple, à titre honoraire) les dénoncera sans pitié : « Ces aveugles, ces chiens muets qui ne savent plus aboyer, ces simoniaques qui vendent la justice, absolvent le riche et condamnent le pauvre, n’observent même pas les lois de l’Eglise. » L’homme devient un créateur en perpétuel devenir. Le Faust est une créature de la Renaissance, le personnage décrit par Marlowe préfigure le mythe du surhomme. C’est un « intellectuel » égocentrique, assoiffé de pouvoir et de domination sur le monde. Un Pic de la Mirandole dans son Discours de la dignité de l’homme va jusqu’à parodier les premiers versets de la Genèse : « Nous ne t’avons assigné, ô Adam ni une place déterminée, ni une figure propre, ni un héritage particulier, afin que tu crées et possèdes, selon tes vœux et décision, toujours la place, toujours la figure, toujours les biens par toi élus. Je ne t’ai fait ni céleste, ni terrestre, ni mortel, ni immortel, d’après ton propre honneur, modeleur et sculpteur de toi-même, imprime- toi la forme que tu préfères 9. Voilà un édifiant aperçu de la prose contreinitiatique. Près de la moitié de la littérature de la Renaissance est anticléricale. Les humanistes considèrent la terre comme leur ciel et eux-mêmes s’assimilent à des dieux. Considérant les religions basées sur des présomptions et des mythes. Ces derniers étant toutefois acceptables s’ils contribuent à maintenir l’ordre social. Au début, l’humanisme constitue un phénomène isolé, il n’a qu’une influence minime dans les universités qui continuaient à enseigner les arts libéraux. Il ne parvient à s’implanter que dans des académies, fondées par les princes mécènes de Florence. L’érudition remplace la Connaissance intuitive ; la critique (étude analytique des textes sacrés) le symbolisme. La littérature revendique une place égale à celle de la théologie ; un Erasme, qui se félicitait de vivre à cette époque prometteuse, selon ses propres dires, d’être un « Age d’or » s’il y en eut jamais, était surpris de constater qu’à Rome, les doctrines fondamentales de la foi chrétienne étaient le sujet de
discussions sceptiques parmi les cardinaux qui jugeaient absurde la croyance à une vie future, et qui plaisantaient sur le Christ et les Apôtres 10. C’est aussi l’époque de Machiavel et son exhortation de la division pour régner. Une politique basée sur la force et la coutume, comme système de gouvernement n. Pour l’humaniste, la religion doit être la servante de l’Etat. L’Etat remplace Dieu et confère une immortalité mémorisée par la renommée et la célébrité. * ** L’art de la Renaissance n’est qu’une imitation des formes antiques : l’on vit à Florence placer de fausses façades grécoromaines sur des églises gothiques. Les artistes sculptent et peignent le plus souvent les effigies des mécènes et des condottiere. La Renaissance et ses artistes cultivent une véritable haine contre la culture médiévale. Le gothique est donné pour horrible et méprisable. Tout ce qui peut servir de base et de support de contemplation est regardé comme répugnant. L’artiste n’a plus aucune notion de réalisation intérieure d’où la négation du chef-d’œuvre (en son sens originel). Le fil conducteur est le naturalisme. C’est aussi le refus de l’anonymat : l’art pour l’art, seules importent la fortune et la célébrité. L’art n’est plus une réalisation intérieure, ce sont des productions sorties d’un « moi exalté » lui-même à son tour déchiré par des aspirations désordonnées, recherches d’un prétendu raffinement poussé à l’excès. Au sens traditionnel, une œuvre d’art permet à l’artiste un cheminement secret et personnel avec ses degrés de réalisation. L’œuvre réussie est le reflet extérieur de la « queste » de l’artiste et de son aboutissement. De plus, il permet par sa contemplation d’élever chacun selon son degré de compréhension du symbolisme. L’Œuvre en tant que beauté est un fruit de la magnificence divine en ce monde.
L’artiste de la Renaissance, lui, est agité par des soubresauts du besoin d’innover, jamais satisfait, tiraillant sa création ou s’abandonnant à la reproduction bâtarde en de pâles copies antiques 12. Outre son insatisfaction, il doit faire face, puisqu’il se complaît dans l’extériorité, aux plagiats et aux contrefaçons sans qu’il puisse s’y opposer. La Renaissance reconnaît comme parfaitement légal de reproduire les œuvres d’un artiste. Seule est condamnable l’imitation de la signature. On comprendra dès lors que pour l’artiste écartelé entre toutes ces viscissitudes, celui-ci doive alterner le mouvement du pinceau ou du ciseau avec le maniement de la dague. Outre la perte de l’art sacerdotal, les églises cessent d’être orientées régulièrement 13. La rupture sera véritablement consommée lors du Concile de Trente (en Italie) où il est décidé d’exclure tout symbolisme des églises, sous prétexte que celui-ci est un égarement pour les fidèles, et parallèlement toute représentation du diable devra disparaître des édifices religieux. La peur de la mort remplace celle du diable. D’ailleurs de nombreux humanistes virulents renieront leurs idées lorsqu’ils seront saisis d’une certaine angoisse, à l’approche des derniers instants. Le style baroque a désormais toute latitude pour la platitude. Quant au terme baroque, il ne pouvait pas mieux correspondre à ce qu’il représente, ni nier ses origines. Employé pour la première fois au Portugal, le « Barroco » correspond à une pierre mal taillée, à l’eau impure. En espagnol, barrueco a le même sens, toutefois la variante berrueco est le nom donné à des rochers de forme irrégulière se dressant dans les déserts de pierre (berrocal). Le baroque est une excroissance monstrueuse. Style grotesque, ambitieux jusqu’à l’absurde. Il s’en dégage une impression d’étouffement, d’indéfinissable malaise. Un soidisant raffinement qui s’enlise dans le ridicule. Même la musique devient dissonante. Avec son symbolisme inversé, nous sommes en présence d’une exhibition tendue vers le monumental, ayant pour seul but celui d’impressionner. - L’église baroque n’est pas un lieu consacré au divin, mais un
endroit où le constructeur et le mécène peuvent montrer par l’or et les richesses leur puissance et leur soif de gloriole, t L’Eglise, du moins celle digne de ce nom, n’a plus le droit d’intervenir pour faire cesser l’arbitraire. La cupidité des oligarchies marchandes se cache derrière le moralisme des fondations et de la charité organisée. Elles confortent leur pouvoir en finançant les dictatures militaires dirigées par des êtres motivés par un orgueil démesuré. L’Eglise est en pleine décadence, à de rares exceptions, la corruption est généralisée. Les nominations des hauts dignitaires sont vendues aux enchères des familles bourgeoises. Le commerce des indulgences est en pleine expansion. Pourtant, un Calvin autorisera les prêts à intêrêt et un Michel Servet, bien qu’attaquant lui aussi le catholicisme, commettra l’erreur de critiquer Calvin, qui l’enverra promptement sur le bûcher. Quant à Luther, son action a été parfaitement décrite par le regretté Louis Charbonneau-Lassay dont nous nous permettrons de citer le texte ci-après, empreint de la plus remarquable lucidité. « En 1528, il n’était plus en effet dans les troubles premiers de sa révolte contre l’Eglise ; il y avait alors douze années que sans mission, donc sans les grâces d’état nécessaires, il s’était posé en champion d’une réforme de l’Eglise, réforme opportune à la vérité sur le terrain de la discipline et des coutumes ecclésiastiques, mais qui ne devait être entreprise qu’en collaboration étroite avec l’autorité romaine légitime et dans le respect absolu de l’intégralité intangible du dogme apostolique et seize fois séculaire.... Le pseudo-réformateur... n’offrant vraiment aux âmes, à la place de ce qu’il détruisait, rien de précis, ni de solide, puisqu’il établit chacune d’elles juge ce qu’elle doit ou peut croire. » 14 *
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Les spécialistes noircissent des pages sur ce qu’ils appellent le ténébreux Moyen Age, ils ne font en réalité et c’est le moins que l’on puisse dire qu’ânonner. Il serait plutôt exact de dire »
que le Moyen Age a été sciemment recouvert de ténèbres. Alors qu’il suffirait de prendre simplement connaissance des textes de l’époque, il en existe Dieu merci, suffisamment correctement présentés et traduits. Si le Moyen Age était si rempli de tares, pourquoi le dénigre-t-on au lieu de le citer comme exemple à notre époque de l’apologie du débilisme sous toutes ses formes ? En réalité, le parti pris systématique de la critique s’appuie surtout sur des faits déformés et qui datent tous de la fin du Moyen Age. S’il y eut des « pailles » que penser de la « poutre » actuelle ? L’exemple mensonger et le plus répandu est la figure du seigneur détruisant consciencieusement ses propres récoltes, en ayant comme seules occupations la chasse et la guerre. Au Moyen Age, tout le monde peut chasser librement et de ce fait, le braconnage est totalement inconnu. Seul le seigneur, plus apte et mieux équipé, chasse le gros gibier (qui lui saccage les récoltes) à la demande de ses serfs. Le produit de cette chasse étant par ailleurs équitablement partagé. Le véritable tort que l’on impute au Moyen Age, du point de vue moderne, est son ordonnance traditionnelle. Tout d’abord, la seigneurie est basée sur la protection et la fidélité. La Mesnie, grande famille dont tous les membres sont unis, du seigneur au serf le plus humble. C’est une communauté dont l’existence repose sur une solidarité à tous les degrés hiérarchiques. Cette saine ordonnance en même temps que la vitalité du domaine est indispensable à tous ses membres, sans exception. Comme le faisait justement remarquer M“e Régine Pernoud, dont les ouvrages sans prétention, nous changent agréablement des
Le Saint-Sépulcre. D’après une gravure du xV siècle.
stupidités habituelles, les mots manoir, mas (demeure du paysan), la manse (la terre qu’il cultive), le manant (paysan) proviennent tous du latin manere dans le sens de demeurer, de stabilité. La communauté, de par son ordonnance, se trouve protégée de toutes les influences malsaines. Aucune intrusion si néfaste soit-elle ne peut s’effectuer, il n’y a aucune faille. L’homme du Moyen Age peut se définir au plein sens du terme comme un enraciné. Les influences de désagrégation seront propagées par un nouveau type d’homme : le bourgeois dont la principale caractéristique est de ne plus se contenter du lieu où il vit. A l’inverse, c’est un être instable et déraciné. Le bourgeois est un marchand, se déplaçant sans cesse à la recherche de nouveaux profits. L’homme du Moyen Age n’ignore pas
les déplacements, mais s’il entreprend un voyage (et ce même en tant que simple serf et aucun seigneur ne peut s’y opposer) ce sera pour accomplir un pèlerinage à Tours, Compostelle, Rome ou bien en Terre Sainte. Cette soif de profit, associée à un curieux mélange de littéralisme biblique et de fanatisme, sera le fil conducteur des expéditions vers les pays lointains et des soi-disant découvertes géographiques et scientifiques. Un Ronsard, dans son élégie à Nicolas de Nicolay, géographe du roi, ne déclare-t-il pas : « A l’homme comme seigneur et prince de toute la ronde terrienne, et marine, toutes terres et mers sont ou doivent estre par droict de nature ouvertes, patentes et découvertes — l’habitation de l’homme est par tout l’univers : la demeurance n’est point terminée en l’estroicte closture d’une maison, d’une ville ou d’un pays natal, mais luy est estendue et descouverte par toutes les terres habitables et mers naviguables. » 15 L’exemple le plus connu de ce type d’aventurier conquérant est le personnage de Christophe Colomb ou Colon (d’où vient le terme de colonisation). Pour entreprendre ses expéditions, Colon se servira des calculs ainsi que d’une carte rédigée par le physicien florentin Paolo del Pozzo Toscanelli. Parallèlement, il collectera un maximum d’informations et de renseignements sur l’or et les pierres précieuses. A cette soif de richesses, s’associe un « biblisme plutôt inversé ». A chaque étape, il espérait trouver le Paradis et l’Age d’or. S’il lui sembla plusieurs fois avoir abordé des paradis, son premier soin consistait à faire revêtir aux habitants des chemises et des gants ! Or, c’est après leur transgression qu’Adam et Eve eurent honte de leur nudité primordiale. Le contact avec l’Age d’or consistait à se procurer par tous les moyens le métal du même nom. Colon légitime l’esclavage; L’on aurait bien proposé aux premiers habitants de leur verser un salaire mais devant leur incompréhension, vis-à-vis du travail, ils durent extraire l’or gratuitement. Colon continuera ses exactions, et n’étant guère partageur, même avec ses compatriotes, se mit aussi à faire pendre des Espagnols. La couronne soudainement offusquée envoya un enquêteur gentilhomme de la maison royale et chevalier de l’Ordre militaire de Calatreva 16. Après une inspection minutieuse, Colon et ses frères furent ramenés en Espagne, enchaînés, pour y être jugés.
Mais Colon ayant l’or comme argument décisif, reçut des excuses et le chevalier le conseil de se retirer sur ses terres. La colonisation à outrance était née, recouverte d’un moralisme, borné, à prétention religieuse. Le modernisme pourra, dès lors, lancer ses idées empoisonnées à travers le monde. Notons que les conquistatores furent horrifiés par les sacrifices humains que pratiquaient les Aztèques et dénommèrent cette religion celle du diable et les dieux, des démons. Or , comme le souligne justement M. Soustelle : « Le sacrifice est un devoir sacré envers le soleil et une nécessité pour le bien même des hommes. Sans lui, la vie même de l’univers s’arrête. Toutes les fois qu’au sommet d’une pyramide un prêtre élève dans ses mains le cœur sanglant d’une victime et le dépose dans la calebasse de l’aigle, la catastrophe qui menace à chaque instant le monde et l’humanité est encore une fois différée. Le sacrifice humain est une transmutation par laquelle on fait de îa vie avec de la mort. Et les dieux ont donné l’exemple au premier jour de la Création. » '! Il ne faut pas oublier que dans les civilisations traditionnelles l’or est réservé au culte, travaillé et consacré rituellement. C’est pour éviter la fonte et la profanation que les objets sacrés furent soigneusement cachés. Effectivement l’or profané tombé entre les mains des conquistadores ne pouvant être envisagé que sous un aspect maléfique, devenait celui du diable. . Un fait, non négligeable de la Renaissance, est l’apparition de la syphillis. La légende se passe de commentaires. Syphilus était un berger qui décida d’adorer non pas les dieux qu’il ne pouvait voir mais le roi, unique seigneur de son troupeau, sur quoi Apollon, furieux infecta l’air de vapeurs nocives. Syphilus devint alors malade et son corps se recouvrit d’éruptions ulcéreuses. > *
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La géographie sacrée est la science des lieux ; en vertu de l’analogie entre le microcosme et le macrocosme. Elle permet la localisation précise, en dehors de tout motif esthétique ou utilitaire des endroits favorables, en tant que supports à la manifestation des influences spirituelles. Cette science situe d’autre part les endroits néfastes, où
sont particulièrement concentrées les influences maléfiques. La fondation d’édifices sacrés : leur orientation et leur consécration étant soumises à des lois précises. Ceci ne changeant rien quant aux diverses . adaptations du même endroit ou du même édifice. Un temple égyptien devenant une église copte, puis une mosquée 1S. Il n’y a là aucun syncrétisme, mais une continuation légitime et bénéfique. Nous pouvons citer comme exemple significatif la basilique Sainte-Sophie devenue mosquée et dédiée à Seyyidat- nâ Maryam (la Vierge Marie). Dans le soufisme, Maryam représente la Sagesse et Sophie ne provient-elle pas de Sophia, la Sagesse ? - i Si la vivification cesse, du fait des conditions cycliques, il ne reste plus que des résidus psychiques. Il peut exister aussi des lieux communément appelés « bouches de l’enfer », réservoirs d’influences malsaines et dangereuses, ainsi le palais de Pluton entouré de tours menaçantes dont on plaçait l’entrée près du lac Averne, et le mont Etna désigné comme soupirail de l’enfer, où furent ensevelis les titans en révolte contre Jupiter. Chez les Grecs, le cap Ténare était particulièrement redouté. Pour canaliser et isoler ces influences négatives, on leur attribuait, notamment dans les pays celtiques, des champs volontairement laissés en friche. Sans nous y attarder, quelques tentatives d’appropriation moderne donnèrent lieu à de . fâcheux accidents. Ces endroits sont désignés comme terres du diable. De l’Italie de la Renaissance, le courant contre-initiatique se déplace ensuite vers la France. Il faut rappeler que le Christianisme constituait une barrière contre l’action des forces dissolvantes attachées aux résidus de l’Antiquité. Cette protection fut édifiée par de saints personnages. L’action de deux d’entre eux intéresse particulièrement notre propos à savoir saint Martin et saint Benoît. - La destruction d’anciens lieux de culte païens n’est pas le fait d’un fanatisme, mais celui d’une neutralisation salutaire. D’autres lieux se trouveront en quelque sorte purifiés, puis rendus à leur utilisation bénéfique et opérative première. Le Christianisme, protection et vivification, verra s’épanouir au Moyen Age les sciences traditionnelles. La Renaissance, elle, s’adonne à la nécromancie et commence à ouvrir la fosse que ne cesse d’agrandir le monde moderne, qui s’appuie comme on le voit sur une instabilité croissante. L’on sait les analogies existant entre la fonction de Dante et celle de
René Guénon. Elles s’éclairent singulièrement si l’on se souvient que Dante est natif de Florence' (un des berceaux .de la contre-initiation) et qu’en France, les lieux de « passage » du « serviteur de l’Unique » furent Blois et Paris. Dante voyagea jusqu’à Paris où son maître Brunetto Latini avait été exilé.*D’après Boccace, Dante, à l’université de Paris19 assista à quatorze discussions sur des thèmes divers, au terme de joutes oratoires, il réfuta les points controversés et présenta ses thèses avec une telle clarté qu’il suscita l’admiration de toute l’assistance. (Dante n’invite-t-il pas le lecteur à participer au . Convito et en savourer les quatre sens ?) C’est à Paris qu’eut lieu le supplice de Jacques de Molay. S’y situe aussi l’épisode de l’Ordre du Temple Rénové, dont Guénon fut le Grand Maître. N’oublions pas non plus que Dante appartenait à la Fede Santa, Tiers-Ordre de filiation templière.Tl est important aussi de souligner les multiples analogies dans les œuvres de Dante et du Cheikh-al-Akbar, Muhyi-d-dîn ibn Arabi, Guénon se référant souvent à ses écrits. M. Charles-André Gilis signale fort opportunément, dans son livre20 que pour Guénon « la présence de la baraka akbarienne s’actualise pendant quelques mois par l’intermédiaire d’Abd al-Hâdi, nom islamique du peintre suédois John Gustave Agelii. Il s’agit d’un autre côté de l’émir Abd al-Qâdir l’Algérien qui séjourna en France de 1848 à 1852 et dont la fonction à l’égard de l’Occident apparaît du point de vue islamique, comme celle d’un véritable précurseur du Cheikh Abd-al-Wâhid ». Il est à noter que l’émir repose à Damas, à côté de son maître Muhyi-d-dîn 21. La contre-initiation italienne passant en France s’implanta dans les régions qu’englobent le Val de Loire notamment la Touraine, le Blésois et POrléannais. Nous y constatons les lieux de naissance, de passage ou d’activités de personnages de la contre-initiation (Richelieu, Descartes, Cosme Ruggieri, Benjamin Franklin...). Les différentes villes citées présentant . bien entendu une ambivalence ne serait-ce que Blois, où naquit Guénon, située sur le même axe et de part et d’autre de Tours et de saint-Benoît-sur-Loire. Ces deux dernières villes directement en corrélation avec les vies de saint Martin et de saint Benoit‘dont nous nous proposons d’étudier les « missions » stabilisatrices et protectrices. Bien qu’originaire de Pannonie, dans la plaine de Hongrie, c’est à Pavie que saint Martin ressent les prémices de sa vocation, dès l’âge de douze ans, en devenant catéchumène. Plus tard, après avoir partagé
son manteau de soldat avec un
La charité de Saint-Martin (xV siècle). Ecole Nationale des Beaux-Arts (Parts)
mendiant ; le Christ, la nuit suivante, lui apparaît vêtu de l’autre moitié. Il se rend ensuite auprès de l’évêque saint Hilaire de Poitiers (venu au christianisme après la lecture de l’Evangile de saint Jean) surnommé la lumière de l’Occident qui veut l’ordonner diacre, refusant cet honneur saint Martin assume néanmoins la charge d’exorciste. Puis il repart en Pannonie afin d’y convertir ses parents. Il parvient ensuite à l’île d’Albanga en Italie, où il fait un long séjour (à la désignation de centres spirituels comme « l’île blanche »... il faut rattacher les noms de lieux, de contrées ou villes, qui expriment pareillement l’idée de blancheur.22 ) Il revient ensuite vers saint Hilaire, duquel il reçoit les ordres majeurs et qui le nomme abbé. Il opère de nombreux miracles (résurrections). Le peuple l’arrache à sa solitude et le presse d’accepter une nomination d’Evêque à Tours. (L’Evêque d’Angers jaloux de l’enthousiasme populaire, essaya de s’y opposer, prétextant l’apparence misérable du candidat ! ) Une fois évêque. Saint Martin fonde le Majus Monasterium (le grand monastère) Marmoutier où il enseigne à des moines soigneusement choisis pour répandre la pure doctrine chrétienne. Luimême refera par la suite de nombreux voyages. En l’occurrence, il s’attacha particulièrement à faire disparaître les supports d’influences néfastes. Par sa seule présence il fait s’écrouler une tour à Amboise, où il fonde sa première paroisse. D’ailleurs, dans un sermon, saint Martin déclara que l’Antéchrist vivait, bien qu’il ne fut encore que dans l’enfance. C’est avec saint Martin que commença en Touraine la dévotion à Notre-Dame. Les reliques du saint le plus vénéré de la Gaule reposaient dans la basilique de Tours (détruite à la Révolution) dans une châsse vermeille entourée d’une grille en argent massif que fera enlever et fondre François Ier pour son usage personnel. Les restes des disciples de saint Martin étaient vénérés à l’époque carolingienne dans une grotte, appelée, Caverne des Sept Dormants 23.. Délimitant le Val de Loire, située sur le même axe et à l’autre extrémité par rapport à Tours, nous trouvons Saint- Benoît-sur-Loire. Anciennement Médiolanum et omphalos des Gaules dont parle César : « chaque année les druides tiennent leurs assises en un lieu consacré qui passe pour occuper le centre de la Gaule aux confins du Pays des Carnutes »24. Avant de porter le nom de saint Benoît-sur-Loire, l’abbaye avait été construite au lieu dit le « Val d’Or », elle prit son nom actuel lorsqu’y furent transférées les reliques de saint
Benoît « les reliques sont précisément un véhicule d’influences spirituelles là est la véritable raison du culte dont elles sont l’objet, même si cette raison n’est pas toujours consciente chez les représentants des religions exotériques, qui semblent parfois ne pas se rendre compte du caractère très “positif” des forces qu’ils manient, ce qui d’ailleurs n’empêche pas ces forces d’agir effectivement, même à leur insu, quoique peut-être avec moins d’ampleur que si elles étaient mieux dirigées techniquement » 25. On y ajouta au ix* siècle, celles de saint Denis et de saint Sébastien. Durant tout le Moyen Age, l’abbaye, outre centre de pèlerinage était célèbre par la qualité de l’enseignement des arts libéraux. Le haut de la tour occidentale qui dominait l’église abbatiale fut partiellement détruit sur ordre de François Ier. en 1525, devant le refus des moines de recevoir un nouvel abbé désigné et à la solde du roi. Nous reviendrons plus loin sur le rôle de François Ier. Intéressons-nous maintenant à la vie de saint Benoît. Se sentant très tôt attiré par la vie contemplative, le futur saint Benoît de Nursie rencontre un moine appartenant au monastère de Vivocaro. Sans en aviser l’abbé, celui-ci lui transmet et l’investit du froc. Saint Benoît descend ensuite au fond d’une caverne pendant trois ans, où le moine lui apporte sa nourriture au moyen d’une corde. Passé ce délai, les moines de Vivocaro lui demandent de les enseigner. Mais devant la méthode ascétique, qui leur déplaît, ils n’hésitent pas à vouloir se débarrasser du saint. Celui-ci déjouera leur tentative d’empoisonnement. Traçant un signe de croix, il fait éclater le récipient contenant le breuvage préparé à son intention, laissant les prétendus moines stupéfaits et piteux. Il ne tarde pas ensuite à fonder avec des disciples sincères, douze prieurés comportant chacun douze moines. Sa renommée provoque la jalousie d’un prêtre qui emploiera les moyens les plus insidieux pour faire obstacle à sa mission. Saint' Benoît ignorant ces attaques, partira fonder le monastère du mont Cassin. C’est en se lançant à sa poursuite que le prêtre tenace mourra de façon brutale. Le moine qui remet la bure à saint Benoît s’appelait Romain. Ce prénom désigne quelqu’un venant de Rome, et Benoît vient de benedictus, béni. On peut d’ailleurs voir sur une fresque du prieuré clunisien de Brézé-la-ville, Romain bénissant saint Benoît et le revêtant de la bure. Témoignant d’une présence effacée au milieu de l’abbé et des moines de Vivocaro (tenants de l’exotérisme pour le moins
dégénéré et corrompu), Romain véritable noyau spirituel transmet à « l’élu » par la Providence la pure doctrine ésotérique, saint Benoît continuant la chaîne initiatique dans son adaptation chrétienne. Cet aspect présente une analogie évidente avec la transmission de la baraka en Islam et parallèlement de l’investiture de la Khirqa (manteau). L’apprentissage de la caverne est nécessaire et Romain dans ce lieu caché (nécessairement au vu de la mentalité prédominante) nourrit spirituellement saint Benoît au moyen d’une corde. Celle-ci pouvant être assimilée au fil à plomb du Grand Architecte qui marque la direction de l’axe du monde telle que le représente la montagne26. A la sortie de la caverne, saint Benoît débute sa fonction d’enseignement. (Quant au nombre douze, il est corrélatif de la fondation des centres spirituels.) Après les moines de Vivocaro, succède l’opposition du prêtre curieusement nommé Florentius. Les persécutions du prêtre cessent lorsque celui-ci monté sur un âne se lance en vain à la poursuite de saint Benoît commençant l’ascension du mont Cassin. Florentius représentant la contre-initation et le côté psychique ne peut plus rien contre saint Benoît gravissant les Etats supérieurs : la montagne. Devenant dès lors inutile, l’âne le désarçonne et le tue, on ne peut trouver plus significatif ! - Saint Benoît accède au mont Cassin, lieu d’un ancien temple de Jupiter. Or la dédicace habituelle était représentée par I. O. M. (abréviation de Jovi : datif de Jupiter, Optimo Maximo. La séparation des lettres nous donne deux termes, l’un composé de I, l’autre de O. M. « La lettre I de l’alphabet latin est aussi tant par sa forme rectiligne que par sa valeur dans les chiffres un symbole de l’Unité »27. Le mont Cassin est le cœur de l’Ordre bénédictin. « La lettre I représente le premier nom de Dieu pour les Fideli d’Amore » 2S. D’autre part, O. M. symbolise le centre du monde et abréviation d’Ordo Mundi (tout comme le mantra O. M. désigne l’Unité Principielle. Du mont Cassin à saint-Benoît-sur-Loire, les deux cœurs « centres spirituels » se fondent dans l’Unité Transcendante. Saint- Benoît fondateur de l’ordre bénédictin inspire à l’Occident médiéval la fameuse Règle qui porte son nom. Dante l’appelle respectueusement « mon père » dans le chant XXII du Paradis 29 le saint déclare : « Pour gravir l’échelle que vit le patriarche Jacob personne aujourd’hui ne détache les pieds de la terre, et ma Règle ne sert plus qu’à abîmer du papier. » Rappelons que saint Bernard fut d’abord bénédictin à l’abbaye de Clairvaux, justement
fondée par Robert de Molesme pour endiguer le relâchement spirituel dans l’Ordre. Nouvelle vivification, saint Bernard avec douze moines de Clairvaux fonde à son tour Citeaux et l’Ordre Cistercien. * - Les liens qui unissent saint Benoît, saint Bernard, l’Ordre du Temple, Dante, on le voit sont forts étroits. * Mais dirigeons nous maintenant vers Blois. On connaît l’étymologie de Blois, Bleiz ou Beleiz, nom celtique du loup, symbole de Belen, l’Apollon gaulois (auquel entre autre offrandes on déposait des clefs dans ses sanctuaires). Le loup est pris ici dans son aspect lumineux, nous avons aussi l’exemple de la louve allaitant les jumeaux Romulus et Rémus. L’ambivalence des symboles dégage l’aspect négatif, ténébreux. La louve s’oppose à Dante au début de son « voyage ». Dans l’Enfer.30 Virgile la désigne en ces termes : « Elle a une nature si perverse et si cruelle que jamais elle n’assouvit son désir vorace, mais après le repas elle a plus faim qu’avant » ; et Dante luimême au Purgatoire : « Maudite sois-tu louve antique, qui engloutis plus de proies que toutes les autres bêtes dans le gouffre sans fond de ta faim. »31 La louve représente alors les passions les plus inférieures de l’être, ces dernières devant s’effacer par une purification intérieure les dominant puis les expulsant. Sinon ces forces désagrégeantes concourent à la déstabilisation et entraînent vers le bas. Pour compléter notre propos, nous ferons appel à la tradition « nordique » où Loki est l’équivalent de Set. Loki, caricature de l’androgyne primordial devient tantôt mâle, tantôt femelle. Il a le pouvoir de se métamorphoser en animal, notamment en loup destructeur. Il est le maître du mensonge et de la duperie. Il a des rapports avec le feu souterrain. Ses épithètes courantes sont le calomniateur ou le premier auteur des tromperies. Une géante lui assure sa descendance et lui donne entre autres enfants le loup Fenrir et le serpent Hel (ennemi de Heimdallr, le bélier). Au début du Ragnarôk (Kali-yuga) Loki est enchaîné par les dieux à la suite de ses multiples forfaits 32. Comme signe annonciateur de la fin de notre monde, Loki se libère et déclenche les puissances démoniaques. Cellesci avancent sur un navire, fait des ongles des morts ”, piloté par un géant. A son bord se trouve le loup Fenrir, la gueule béante, touchant de ses mâchoires le Ciel et la Terre, et le serpent Hel remplissant l’espace de son venin. Propageant sa haine, Loki dirige les forces dissolvantes, s’attaquant aux dieux. Nous retrouverons les mêmes
analogies de la fin d’un monde, comme d’ailleurs dans les diverses traditions. Lors des duels opposant les dieux aux démons, ces derniers semblent triompher, ils sont alors subitement détruits par un embrasement purificateur, le soleil s’obscurcit, les étoiles tombent et la terre s’enfonce dans la mer. C’est seulement après qu’apparaît un nouvel Age d’or. Le feu correspond à la réintégration finale, et tout passage d’un état à un autre doit s’effectuer dans l’obscurité symbolisant le non-manifesté d’où découlent l’aspir et l’expir divins. Revenons plus précisément à l’étude d’Apollon. Apollon naît au sommet de la montagne de l’île de Délos, à l’ombre d’un palmier. Peu après, il érige un autel avec les cornes d’animaux qu’il sacrifie. Ensuite, parcourant la Grèce sur son char, conduit par des cygnes, il se rend à Pytho, lieu de manifestation d’un ancien oracle, où avait pris place le serpent Python. Apollon le divin archer tue le monstre de ses flèches. Peu après, apercevant un navire crétois, le dieu se mue en dauphin, guide les marins jusqu’au rivage. Après les avoir instruits, il les institue prêtres de son culte. La légende, véritable enchaînement de symboles, est riche d’enseignements. La montagne de Délos devient une représentation de la montagne sacrée du Pôle ; le palmier est l’arbre du monde et dispensateur de la Connaissance, de la nourriture spirituelle (le palmier en Islam est considéré comme la sœur d’Adam, que celui-ci fut autorisé à emmener lors de sa sortie du Paradis). Le palmier est une réminiscence, une clef et une voie d’accès vers le retour à l’état primordial tout d’abord. Les cornes d’animaux sont les rayons de la lumière provenant de la source initiatique (l’Apollon Karneios des hyperboréens). Pytho et Python expriment les idées de pourrissement et corruption. Pytho ancien centre spirituel abandonné par l’Esprit n’est plus qu’un réservoir d’influences négatives ; se nourrissant du cadavre psychique Python prospère de par cette décomposition. Le serpent empêche tout retour à la fonction normale du site. Il est aussi le gardien du seuil que tue Apollon en lançant ses flèches. La flèche symbolise le rayon solaire apollinien, dans sa fonction de justice il met fin au chaos, dans celle de miséricorde, il réduit à néant l’action des forces ténébreuses, obstacle à la vivification du lieu, et par là même à l’expansion des influences spirituelles. Le navire vient de Crète, pays de Minos. Guénon indique . que
Minos est l’appellation dans la tradition grecque du « Roi du Monde ». « Ce nom d’ailleurs, ne désigne nullement un personnage historique ou plus ou moins légendaire. Ce qu’il „ désigne en réalité, c’est un principe, l’intelligence cosmique qui réfléchit la lumière spirituelle pure 'et formule la Loi (Dharma) propre aux conditions de notre monde ou de notre cycle d’existence, et il est en même temps l’archétype de l’homme considéré spécialement en tant qu’être pensant » 34. Nous pouvons dire que le centre spirituel établi en Crète à l’époque pré-hellénique n’étant plus opératif est transposé à Delphes. Il ne s’agit pas pour les marins d’une conversion mais d’une adaptation traditionnelle. N’ayant pas sombré au fond des eaux, du fait de leur excellente navigation, ils sont qualifiés pour recevoir un enseignement direct. Se trouvant donc à la surface des eaux, ils sont providentiellement guidés par le dieu-dauphin qui par son rayon solaire leur donne l’illumination leur permettant ainsi de passer du spéculatif à l’opératif. Le cygne associé à Apollon représente le souffle divin. Les cygnes quant à eux ont le rôle de messagers, et évoquent aussi les influences émanant du Centre Suprême. Pytho, ancien sanctuaire de l’Apollon hyperboréen devient donc Delphes, de delphus, dauphin ; le site primordial élu par Zeus, centre de l’univers, où s’étaient rencontrés deux aigles lâchés par le Père des dieux en même temps, l’un de l’est, l’autre de l’ouest. Une autre étymologie fait dériver Delphes du mot Delphys signifiant matrice. Cette deuxième étymologie complète en réalité la précédente. Delphes est le centre spirituel de la Grèce, la matrice « l’œuf du cygne », synonyme de l’Œuf du Monde. L’embryon d’or correspond au Soleil spirituel (Apollon-Phoebus) il est même le point où passe le rayon proprement axial. Ceci a bien entendu un rapport avec les mystères de la lettre Nûn ; le point-soleil figurant le germe d’immortalité. La fonction d’Apollon découle du Principe. Comme Janus, ce dieu dispense l’autorité spirituelle et le pouvoir temporel. Illustrant notre propos et extrait de la légende, Apollon épris de la fille d’un roi doit se soumettre à une épreuve qu’il réussit en attachant au même joug un sanglier et un lion. - Toujours selon Guénon, le nom même de Pythagore est en réalité un nom d’Apollon : « Celui qui conduit la Pythie ; de Pythagore à Virgile et de Virgile à Dante, la “chaîne de la tradition” ne fut sans doute pas rompue sur la terre d’Italie. »35 _
D’après Ovide, Pythagore originaire de Samos, s’était exilé pour se soustraire à la tyrannie d’un gouvernant nommé Polycrate. Il se fixa à Crotone (ville dont la fondation avait été prédite par Apollon) où il dispensa son enseignement. C’est auprès de lui que Numa Pompilius (le Manu romain) acquit sa science et sa sagesse. La tradition pythagoricienne se trouvait largement répandue parmi l’élite de Rome, cette dernière assimilant le Maître à un concitoyen fort honorable. L’on érigea d’ailleurs à sa mémoire une statue sur le Forum. Plusieurs familles patriciennes faisaient remonter leurs origines . à Marmakos, le fils de Pythagore. » , Numa était considéré comme un roi pythagoricien. * Il accomplissait fréquemment des retraites dans une caverne (cœur, centre de l’être) où jaillissait une source (la source de vie où séjourne le prophète Elie, Khidr en Islam). L’association du cœur avec la source symbolise la Grande Paix. Au niveau du gouvernement exotérique, le règne de Numa s’identifie à une époque d’harmonie, d’équilibre et donc de paix. Sous son règne, les guerres n’existent pas. Après une prédominance des Kshatriyas, tel que Romulus, engagés dans des conflits perpétuels, nous assistons à un redressement opéré par l’Autorité Spirituelle. En tant que Chef de la hiérarchie initiatique, Numa fonda le collège pontifical. A sa tête le Grand Pontife, le constructeur de ponts. C’est sous l’égide de ce dernier que l’on construisit le premier pont de Rome, le Sublicius (entièrement fait de bois, . avec l’interdiction formelle d’y employer le fer).* Numa institua tous les rituels, ceux-ci étant renfermés dans douze livres ; d’ailleurs appelés livres des Pontifes. Il établit un nouveau calendrier où le dieu Janus a la primauté. Le premier temple de ce dieu sur le Forum lui est attribué. On situait généralement le tombeau de Numa au pied du Janicule. Janus préside au commencement de tous les actes, qui tous ont un caractère sacré, ce qui est l’ordre normal des choses dans toute société traditionnelle. De l’étymologie de Janus se dégage l’idée de passage, de gué ; donc en relation avec le pont médiateur reliant le Ciel et la Terre. Janus est aussi assimilé au 4 premier roi du Latium, celui de l’Age d’or où les hommes et les dieux vivaient ensemble .'L’or figure le soleil et le pont en tant que représentation de l’Axe du monde peut s’appliquer au rayon solaire et illuminateur. Pour compléter notre propos, signalons qu’Apollon,
principe de la manifestation sous son aspect potentiel (Prakriti dans l’Hindouisme), a bien son plan de réflexion dans Numa, Intelligence cosmique. Il s’agit de l’actualisation des virtualités. L’analogie illustrant ce passage à l’acte, se trouve donc confirmée en tant que plan de réflexion par la localisation du tombeau de Numa au pied du Janicule. Tout ceci nous amène naturellement à la fonction de René Guénon ; nous essaierons de l’expliquer le plus sincèrement et le plus exactement possible, grâce aux indications puisées à la source même de l’Œuvre. Le lecteur pourra se reporter aux chapitres traitant du symbolisme de la forme cosmique, inclus dans le recueil des Symboles Fondamentaux. En nous basant sur la géographie sacrée nous constatons l’importance de Blois. Nous invitons donc le lecteur à se reporter au schéma suivant.
NORD (SOLSTICE lTHIVEKi
Blois se situe sur l’axe vertical joignant le Nord au Sud. Cette position axiale détermine le passage du symbolisme polaire au symbolisme solaire. Le Nord primordial est Jupiter, Hyperborée ; les cygnes d’Apollon offerts par le Maître des dieux sont le rayon de lumière (Lykos) projeté sur Blois. Lors de sa naissance, Apollon érige un autel avec les cornes d’animaux (précisément des chèvres) or le solstice d’hiver correspond au Capricorne. Si nous nous référons au cycle annuel, nous constatons que la phase ascendante, marche du soleil vers le Nord, du solstice d’hiver au solstice d’été donc du Nord à l’Est et de l’Est au Sud, passe par SaintBenoît-sur-Loire. Cette phase relève de saint Jean PEvangéliste. Nous connaissons la relation entre les Bénédictins, les Cisterciens et les Fidèles d’Amour. Pour saint Jean, Dieu est Amour ; le cri de guerre des Templiers est « Vive Dieu Saint-Amour » et Dante est un Fidèle d’Amour. Saint-Benoît-sur-Loire localisé à l’équinoxe de Printemps, époque des initiations dans la Fede Santa. La ville est à droite de Blois, or la droite correspond à la Sainte Foi et par elle on arrive au ciel de Jupiter (Tsedek le juste) ceci nous prouve indéniablement le lien avec le Roi du Monde. Nous trouvons Tours sur le côté gauche, de la Justice, ceci par rapport à la Janua Inferni, en corrélation avec la fonction de saint Martin de neutraliser les influences négatives (exorcismes) et de ce fait de rétablir l’équilibre en vertu de la Justice. Les actions complémentaires de saint Martin et de saint Benoît sont liées au symbolisme de Janus. La ligne droite allant de Tours à saint Benoît est figurée par la Loire, or la translation des corps des saints personnages s’est effectuée sur le fleuve sur une barque. Suivant que l’on se place à partir de l’ouest ou de l’est, la barque va vers l’avant ou l’arrière en correspondance avec les deux visages de Janus. Blois se trouve sur un promontoire rocheux assimilable à la montagne et que nous représentons par un triangle, et vis-à-vis de ce dernier, nous en traçons un plus petit et inversé, figurant la caverne. A l’intérieur se trouve le point de réflexion du rayon axial. Contenu dans la montagne et occulté dans la
t
Ecusson des régents et secrétaires de l'Hospice SaintMartin d’Utrecht. Centraal Muséum der Germeente Utrecht.
caverne, ce point, au milieu du cercle formé de ses deux parties (d’une part les Eaux supérieures le Grand Nûn, et d’autre part les Eaux inférieures le Petit Nûn) désigne le moyeu indestructible, l’Embryon d’or. Ce germe d’immortalité symbolise lui-même le Christ en tant que « germe ». L’éclosion du germe et de la venue du Christ est contenue dans le message du Précurseur. Le triangle caverne a l’aspect d’une coupe, d’un vase, il se trouve dans les Eaux inférieures qui représentent les germes des possibilités et le principe passif de la Manifestation. Ce
calice contenant donc le germe d’immortalité figuré par le point soleil (l’hostie) est vivifié par la projection du rayon polaire-céleste (l’élévation) rayon passant au milieu de la caverne faisant apparaître la lettre Y dont les deux branches sont la voie des ancêtres (pitriyâna) les petits mystères d’une part et la voie des dieux (dêva-yâna) les grands mystères d’autre part. C’est proprement le troisième visage de Janus, celui de l’éternité, de l’éternel présent. Lorsque l’on passe de l’enseignement préparatoire du Précurseur donc du germe vivifié (initiation, illumination) au lever du soleil (le Christ « nul n’arrive au Père si ce n’est par Moi ») commence ce que l’on peut appeler le voyage initiatique qui peut aboutir jusqu’à la phase de la Délivrance, de la sortie du cosmos. Nous avons donc vu l’équilibre de Janus-Jean. Après « René », Guénon a comme deuxième prénom celui de Jean. C’est celui-ci qu’il prendra en devenant le cheikh Abd Al-Wâhid Yahyâ, Jean le serviteur de l’Unique. Le cheikh acheva sa mission terrestre en Egypte, pays du Sphinx, il signa certains articles sous le pseudonyme du Sphinx. Sans nous lancer dans des explications verbeuses, il convient tout justement de nous reporter à ce que Guénon nous enseigne sur le Sphinx et l’analogie évidente avec Janus-Jean36. « Le Sphinx représente Harmakhis ou Hormakhouti, le “seigneur des deux horizons” c’est-à-dire le principe qui unit les deux mondes, sensible et suprasensible, terrestre et céleste, et c’est une des raisons pour lesquelles, aux premiers temps du Christianisme, il fut en Egypte, regardé comme un symbole du Christ. Une autre raison de ce fait, c’est que le Sphinx est comme le griffon dont parle Dante, « l’animal à deux natures, représentant à ce titre l’union des natures divine et humaine dans le Christ, et on peut encore trouver une troisième dans l’aspect sous lequel il figure, comme nous l’avons dit, l’union des deux pouvoirs spirituel et temporel, sacerdotal et royal, dans leur Principe suprême. » En Islam, Yahyâ et Sayyidunâ Aïssa, Notre Seigneur Jésus (que le Coran nomme Rûh Allah, Esprit de Dieu, 4 : 171)37 sont dans le même ciel. Quant à Yahyâ lui-même, il signifie « celui qui vit ». Ceci n’est pas sans rapport avec le témoignage du Docteur Katz, cité par Paul Chacomac : « Il déclara à sa femme qu’il désirait que son cabinet de
travail fut maintenu avec ses meubles tel quel et qu’invisible il y serait quand même. » 38 Yahyâ est aussi une théophanie du nom divin AlMuhyi, Celui qui vivifie (le cheikh Al Akbar, Muhyi-d-dîn Ibn’Arabi le Vivificateur de la Religion). Le Cheikh Abd al-Wâhid Yahyâ signa certains de ses écrits de ses initiales A.W.Y. soit respectivement les trois lettres arabes Alif, Wâw, Yâ’. La lettre Alif a pour valeur 1, le nombre de l’Unité. Dans son Traité sur le nom d’Allâh w, le Cheikh Shadhilite Ibn’Atâ’Allâh al-Iskandari donne d’intéressantes précisions à ce sujet : « Sache que celui à qui est dévoilée la connaissance du secret du Alif et qui se réalise par lui, a été gratifié de la connaissance du secret de la réalisation de l’Unicité ; il accède ainsi à la station de la connaissance du secret de la solitude (Wahda) de l’Unité ». N’oublions pas que la réalisation initiatique du Cheikh Abd-al-Wahid est celle des Afrâd (les solitaires)40. La lettre W (médiatrice) reliant l’Alif et la Yâ’ a pour valeur numérique 6. Elle symbolise l’Homme Universel (al Insân al Kâmil) dont l’exemple par excellence est le Prophète de l’Islam, qui déclara : « Nul ne rencontrera Allâh avant de m’avoir rencontré. » Rappelons par ailleurs les paroles des trois premiers califes : Abu Bakr : « Je n’ai pas vu une chose sans voir Allâh avant la chose » ; Othmân : « Je n’ai pas vu une chose sans voir Allâh après la chose » ; Omar : « Je n’ai pas vu une chose sans voir Allâh avec elle ». Toutes choses sont donc envisagées vis-à-vis de leur dépendance à l’égard du Principe. Il s’agit de l’unicité dans l’Unité. Le Principe est l’arbre, les aspects de la Manifestation les branches. Si l’on coupe une branche et si l’on prend cette dernière pour l’arbre, la coupe se transforme en dualité. La branche pourrit et se fixent dessus les germes destructeurs et antitraditionnels de la contre- initiation. Le nom divin Wâhid se rattache donc directement à l’Unité, le Principe. Il exalte la Seigneurie d’Allâh. En relation avec ce que nous avons dit précédemment sur le prénom Yahyâ, la lette Yâ a pour valeur numérique le nombre 10. Elle est formée de yâ (10) -t- alif (1) = 11 et l’on sait l’importance dans l’œuvre de Dante du nombre 11 et de ses multiples. Dans la tradition pythagoricienne, le nombre 10 contient la monade 1 ; la dyade 2 ; la triade 3 et la tétrade 4 soit donc un total de 10. A la lettre A (l’Unité) correspond le chiffre 1 et à la lettre X (figure de la croix) le 10. Si nous revenons à notre schéma, nous constatons la présence des
trois figures suivantes : le cercle, la croix, et le carré ; termes de la Triade à savoir le Ciel, l’Homme et la Terre. D’autre part, Guénon a magistralement démontré le rapport entre la Tétraktys et le carré de quatre41. Le quaternaire avec ses deux aspects l’un statique, le carré et l’autre dynamique, la croix, cette dernière tournant autour du centre (le cœur, l’Embryon d’or) engendre la circonférence qui avec le centre représente le dénaire. Le centre de la croix se situe juste sur l’axe polaire, au Zénith. Le Zénith au milieu de l’Orient et de l’Occident. L’Islam représente l’ultime tradition pour notre cycle présent. Cette tradition est l’Arche de Noé providentielle, faisant fonction de médiatrice (de pont) entre l’Orient et l’Occident. La Kaaba, de forme carrée est indissociable du Roi du Monde. René Guénon arriva sur la terre du Sphinx qu’il ne devait plus quitter. Les deux années suivantes parurent le Symbolisme de la Croix et les Etats multiples de l’Etre. Paul Chacomac nous donne les précisions suivantes : « A vrai dire, ces deux ouvrages étaient le fruit d’une longue maturation. Le premier jet du Symbolisme de la Croix, ayant paru dans la Gnose en 1910-1911, et une première rédaction des Etats multiples de l’Etre avait été faite en 1915, mais non publiée, ainsi qu’il en résulte d’une lettre de Guénon à M. Jean Reyor 42. Le recueil posthume Mélanges, articles réunis par M. Jean Reyor comporte justement un chapitre intitulé « Connais-toi toi-même », il s’agit d’un article traduit de l’arabe publié dans la revue El-Ma’rifah numéro 1, de mai 1931 ; et El-Ma’rifah est l’équivalent arabe de la Gnose. Cet article montre la relation de la mission de René Guénon et du passage à l’Islam. Deux extraits sont significatifs à cet égard : « Quant aux “mystères” qui étaient spécialement rattachés au culte d’Apollon et à Apollon lui-même, il faut se souvenir que celui-ci était le dieu du soleil et de la lumière, celle-ci étant dans son sens spirituel la source d’où jaillit toute connaissance et d’où dérivent les sciences et les arts. » Et parlant de l’omphalos de Delphes : « L’on aurait une idée exacte du sentiment des Grecs à l’égard de cette pierre en disant qu’il avait quelque similitude avec celui que nous éprouvons à l’égard de la pierre noire sacrée de la Kaabah. » Nous constatons comme précédemment une allusion évidente au Roi du Monde. Avant de poursuivre notre propos sur Blois, à partir de la Renaissance nous ajouterons qu’au Moyen Age le pèlerinage vers SaintJacques-de-Compostelle pouvait s’effectuer à partir de quatre villes : Vézelay, Le Puy, Arles et Paris. Seul l’itinéraire à partir de cette
dernière ville était appelé « Grand chemin de Saint-Jacques », avec entre autres étapes importantes Blois et Amboise (séjour de l’Emir Abd-al-Qâdir).- D’autre part, signalons la présence de nombreux mégalithes dans l’arrondissement de Blois. Outre la conservation des mégalithes, les établissements templiers se situaient fréquemment dans leur voisinage. Saint Jean l’Evangéliste est appelé le « fils du Tonnerre » or selon certaines légendes les mégalithes sont des pierres provenant du Ciel ; le menhir en général est une des sept formes du tonnerre qui tombe 43.. * ** Dès le règne de Louis XII, le château de Blois prend l’aspect type du château de la Renaissance. Le côté esthétique prime avant tout, seule importe l’impression à donner, par le faste et la splendeur. La véritable fonction royale se trouve quelque peu reléguée au second plan. Toute réminiscence gothique est recouverte ou détruite. Le terme gothique fut inventé par le Florentin Giorgio Vasari, élève de Michel-Ange. Ce style confus et grossier selon lui provenait d’Allemagne et, donc, inventé par les Goths devait s’appeler gothique, bien sûr il fallait y penser ! Ce qui donna cette inoubliable et érudite déduction. Seule la noblesse alentour reste fidèle à l’institution féodale, en conservant ses châteaux intacts, regardant les innovations comme futiles, et se sentant parfaitement à l’aise dans ses demeures. . Louis XII (né à Blois) fait de la ville la résidence principale de la cour royale ; elle le restera effectivement jusqu’en 1588, année de l’assassinat du duc de Guise.' Le roi, petit fils de Valentine Visconti guerroya en Italie, revendiquant le duché de Milan. Il rapporta de son expédition un goût marqué pour tout ce qui avait trait à la Renaissance italienne, goût partagé par son cousin, chevauchant à ses côtés, le futur François Ier qui devait lui succéder à sa mort en 1515.» Le nouveau roi reconquiert le Milanais avec la victoire de Marignan. Son premier acte officiel consiste en la signature scellant le Concordat de Bologne en 1516 avec le Pape Léon X. Par ce fait, le roi seul procède à la nomination des évêques français et assujettit les membres du clergé à son autorité, les assimilant à des fonctionnaires. Il sévira malgré tout contre les auteurs d’un manifeste visant à l’abolition de la messe. Mais la sévérité royale
fut peut-être plus motivée par la stupéfaction et donc vis-à-vis de l’insolence de ceux qui avaient placardé leur manifeste jusque sur la porte de la chambre du roi, au château d’Amboise que contre le contenu proprement du manifeste. Devant la réticence de l’Université de Paris, aux idées humanistes le roi décide en 1530, la création du Collège de France 'M. La méthode d’introduction des idées subversives est la même que celle inaugurée lors de la fondation des académies en Italie. En 1539, c’est la promulgation de l’ordonnance de Villers-Cotterêts qui impose le français au lieu du latin (langue de la Chrétienté) dans les activités administratives, judiciaires ou diplomatiques. Nous sommes encore loin de Vatican II, et la messe en latin est épargnée. Sans nous éloigner de notre sujet, notons qu’à cette époque paraît le « De révolutionibus orbium coelestium », de Nicolas Copernic, attaque dirigée contre le système de Ptolémée, ayant prévalu durant tout le Moyen Age. Copernic nullement désireux de communiquer ses travaux, se laissa finalement convaincre par un mystérieux personnage de faire publier ceux-ci en 1543, par ailleurs année de sa mort. François Ier reprit à son service le trésorier de Louis XII, Florimond Robertet. Ce dernier au-delà de ses missions diplomatiques en Italie entretenait d’étroites et fructueuses relations avec les banquiers florentins. A leurs ordres, largement rémunéré, il devint le conseiller écouté du roi, qu’il finança à de nombreuses reprises, ce dernier devenant d’autant plus manipulable que le train de vie fastueux laissait le plus souvent le trésor royal vide. Dante parle de la monnaie florentine en tant qu’elle porte et répand la fleur maudite. Le florin est à l’origine le nom des pièces d’or de Florence, il fut créé en 1252 aux types de Saint-Jean-Baptiste à l’avers et d’une grande fleur de lis" (dite florencée) au revers. Dante déclare aussi : « Je fus de la cité qui au Baptiste voua l’autel de son premier patron dont l’art la poindra toujours par vengeance45. Effectivement, les fonctions de Dante et de Guénon en tant que dispensateurs de la Véritable et Unique Doctrine Initiatique balaient toutes les inepties occultistes. Phares spirituels attirant à eux les hommes qui refusent de se laisser pétrifier dans les moules de la modernité. Providentiels rassembleurs au milieu de l’éparpille- ment général, ils contrarient (c’est un des sens du verbe poindre) les menées contre-initiatiques. C’est pourquoi arborant les masques les plus divers se déchaînent contre eux
les attaques les plus perfides. Que l’on se souvienne des violentes réactions, lors de la parution du Symbolisme de la Croix. A ce sujet, on peut citer le cas de paul Le Cour, qui par une curieuse ambivalence, et c’est le moins que l’on puisse dire, était natif de Blois. Donnons un extrait de la réponse que Guénon fit à ce dernier : « Nous écrivons pour instruire ceux qui sont aptes à comprendre, non pour solliciter l’approbation des ignorants. » * Visant tout aussi juste dans l’avantpropos de l’Homme et son devenir selon le Vêdanta : « Ces gens ne peuvent, eux aussi, être à nos yeux que de simples “profanes” et même des “profanes” qui aggravent singulièrement leur cas en cherchant à se faire passer pour ce qu’il ne sont point, ce qui est d’ailleurs une des principales raisons pour lesquelles nous jugeons nécessaire de montrer l’inanité de leurs prétendues doctrines chaque fois que l’occasion s’en présente à nous. » La ressemblance des procédés à l’encontre des Vivificateurs est partout la même, qu’il s’agisse de Muyi-d-dîn Ibn’ Arabi, où en Inde de Shankarâchârya. En retrait des attaques verbales, l’emploi d’une magie des plus inférieures procure d’appréciables résultats à leurs utilisateurs pour le contrôle du monde moderne. Cette sensation de puissance démesurée montre bien l’autosuggestion générale, à laquelle n’échappent pas ses instigateurs inclus dans la foule des hypnotisés. Cette pseudo-puissance cache une réelle limite quant à son mode d’action. Ce qui n’a pas de racine ne survit jamais bien longtemps. La contre- initiation qui obéit, ne lui en déplaise à la Volonté Divine, assemble sans s’en rendre compte les troncs du bûcher cosmique. Ses membres que nous n’irons pas jusqu’à plaindre, ne se préparent pas moins à leur insu à un sort des moins enviables. Contaminés au plus profond d’eux-mêmes par l’embryon de la dissolution, ils ne pourront guère envisager de se mettre à l’abri des « Tours » de sable qui se dissoudront elles aussi. La présence des Vivificateurs et leur continuité à travers leurs œuvres, dérangent les élucubrations de ceux qui considèrent le monde moderne comme leur jouet. Ces œuvres peuvent non seulement réveiller des fidèles robotisés et, plus ennuyeux, servir de ferment pour ceux qui se déplacent à travers les mailles du filet psychique. Après cette nécessaire mise au point, reprenons le cours de notre exposé. En France, la mode des antiquités et du style italien fut parrainée par le principal ministre de Louis XII, le cardinal Georges d’Amboise. C’est lui qui invita plusieurs artistes d’Italie, afin de mettre au goût du
jour « l’art renaissant italien ». Son frère Charles II d’Amboise, vice-roi de Milan acheva de transformer à la nouvelle mode et en totalité le château familial de Chaumont-sur-Loire. Par l’intermédiaire du cardinal, le futur François I" fit la connaissance de Léonard de Vinci (fils naturel de l’avocat florentin Pierro d’Antonio) qui viendra s’installer en France à la fin de sa vie. Il sera affublé des surnoms de « père de la pensée scientifique » et au vu de ses inventions de « prophète laïc ». En compulsant les carnets de ce savant, nous voyons qu’il haïssait l’alchimie et l’astrologie et souhaitait l’avènement d’une ère où tous les astrologues seraient châtrés. La mécanique se devant de devenir le « paradis » des sciences mécaniques. Toujours selon ses déductions Sodome et Gomorrhe n’auraient pas été détruites par un châtiment divin mais tout simplement par un glissement de terrain entraînant ces deux villes au fond de la mer Morte. Un bouleversement n’excluant pas un châtiment, les scientifiques modernes restent souvent perplexes devant les « traces géologiques » et a priori inexplicables des lieux de châtiments divins. Tel qu’en Grèce les endroits où Zeus foudroya les géants. • Le roi François Ier tout d’abord grand amateur de tableaux, finira par devenir un collectionneur acharné de sculptures antiques. Cette passion lui fut transmise par un autre cardinal, un Médicis qui lui faisait parvenir des objets de fouilles en guise de cadeaux: Fait non dénué d’importance, à l’époque de la Renaissance, l’organisation de la fête des fous ou fête de l’âne échappa au contrôle (à la canalisation de l’Autorité Spirituelle). L’organisation de la fête passa entre les mains des sociétés laïques qui se chargèrent d’organiser des mascarades. Cette passation par étapes s’effectuera par des édits royaux. L’un des approbateurs de ce retournement définitif à partir de 1454 fut l’évêque de Langres, Jean d’Amboise. A Chaumont séjourna le mage noir Cosme Ruggieri, personnage sur lequel nous reviendrons en détails lors des pages suivantes. Bien qu’il ne s’agisse pas de la même époque, il faut y signaler la présence de Benjamin Franklin, de même qu’au château d’Ussé. Ces deux résidences considérées comme territoires américains servaient en province de lieux de réunion à Franklin et à son entourage. Il est à noter qu’aucun des châteaux de type renaissance ne subirent de dommage à la Révolution. C’est donc dans ce château que fut réuni et brûlé un nombre considérable de documents et d’archives régionales
antérieures à la Révolution. « En ce qui concerne le rôle étrange de Franklin qui tout en étant maçon... semble bien avoir été surtout dans la Maçonnerie et en dehors d’elle, l’agent de certaines influences extrêmement suspectes. La Loge les Neuf Sœurs dont il fut membre et même Vénérable, constitue par la mentalité spéciale qui y régnait un cas tout à fait exceptionnel dans la Maçonnerie de cette époque ; elle y fut sans doute l’unique centre où les influences dont il s’agit trouvèrent alors la possibilité d’exercer effectivement leur action destructrice et antitraditionnelle, et, suivant ce que nous disions plus haut, ce n’est certes pas à la Maçonnerie elle-même qu’on doit imputer l’initiative et la responsabilité d’une telle actiôn. » 47 Ussé renfermait à l’époque de nombreuses momies provenant de Haute-Egypte. A l’époque révolutionnaire, Notre- Dame devint le temple de la déesse Raison, remplaçant l’autel, l’on avait dressé une estrade en forme de montagne sur laquelle figurait un temple orné de quatre bustes où se trouvait en évidence celui de Franklin. *
** Nous retrouvons les Médicis intimement liés à la Cour de France par l’intermédiaire tout d’abord de l’épouse de Henri II, Catherine de Médicis. Dans la suite de la reine se trouvait le célèbre Cosimo Ruggieri, officiellement astrologue mais qui semble avant tout avoir mis en pratique les enseignements de son père, le mage noir Ruggiero Ruggieri conseiller personnel en son temps de Cosme Médicis. ' Cosimo Ruggieri, agent de la contre-initiation, exerça ses sombres activités à Chaumont, Blois et Paris. C’est dans cette dernière ville où il possédait un hôtel particulier que Ruggieri se servit le plus directement de ses pouvoirs. Outre la bienveillance de la souveraine, Ruggieri fut secondé et appuyé dans son action par de multiples personnages gravitant dans l’entourage royal. Mêlé à des machinations sans fin, contrairement à ses acolytes, il s’en sortit toujours sans dommage. Dans son livre de la Démonomanie des sorciers Jean Bodin (que la critique moderne bien évidemment recouvre et affuble de l’étiquette d’un maniaque et d’un fanatique) relate une ' séance de magie
effectuée par Ruggieri dans une tour du château de Vincennes où à l’issue de celle-ci le roi Charles IX sombra définitivement dans la folie. Impliqué dans des affaires de sorcellerie et d’envoûtement48, il sera condamné aux galères mais sa soi-disant peine se passa en tant qu’hôte dans la maison même de celui qui devait faire appliquer la sentence. Au bout de quelques mois de captivité, la mort de Charles IX lui permit de revenir en force à la Cour, où le nouveau roi Henri III lui laissa ses prérogatives. Mais c’est surtout sous le règne de Henri IV et celui de sa femme Marie de Médicis que Ruggieri connut son apogée. Henri IV qui fut par ailleurs loin d’être un roi aussi populaire que l’on veut essayer de le faire croire, ne se préoccupait en réalité aucunement de la religion, excepté pour servir ses fins politiques. Ruggieri se trouva impliqué à nouveau dans une affaire d’envoûtement à l’encontre du souverain. Henri IV commençait à ouvrir les yeux sur certaines choses lorsqu’on les lui ferma définitivement, lui qui durant son règne, éclatait de rire dès que l’on abordait le sujet de la sorcellerie. Croyant d’ailleurs s’en moquer, il institua lui-même des fêtes appelées « mascarades des sorciers » que Ruggieri et ses acolytes s’empressèrent avec zèle d’organiser. Après l’assassinat du roi, la procédure judiciaire engagée contre Ruggieri s’arrêta net. Dès la mort du roi en 1610, Marie de Médicis remit le pouvoir entre les mains de son favori Concino Concini qu’elle nomma Premier ministre et fit anoblir, en lui faisant accorder le titre de Maréchal d’Ancre. Sa femme Léonora Dori dite la Galigaï était la sœur de lait de la Reine. Tous ces personnages se transformaient en pantins par les manipulations de Ruggieri, indispensable à tous, il avait de l’ascendant sur chacun. Dominant tous ces êtres au psychisme fragile, il exerça plus particulièrement son emprise sur la Reine et le favori par . l’intermédiaire de Léonora Dori. Cette dernière captivait la Reine par son magnétisme, même un Henri IV avouera avoir peur et perdre toute assurance sous le regard de la Florentine. La Galigaï ne sortait jamais de ses appartements du Louvre sauf pour des entretiens privés avec Marie de Médicis. Elle évitait de paraître à la Cour ne pouvant contrôler de multiples et fréquentes crises de démence. Confinée dans son antre, elle se contentait d’y amasser l’or et les objets d’art que venait lui apporter régulièrement son mari. Fait d’importance : c’est elle qui choisissait personnellement (avec l’aide discrète de Ruggieri) ceux qui devaient être nommés aux plus hautes charges du royaume.
Les désignés qu’ils soient religieux ou laïcs n’en devaient pas_moins payer leurs titres à Concini (celui-ci étant fort à l’aise dans son rôle, n’était-il pas un ancien acteur de la commedia dell’arte !). • - Ruggieri,' qui s’était toujours donné pour bon chrétien, proféra les plus abominables blasphèmes au moment de recevoir Pextrêmeonction.» Il mourut en pleine folie. Malgré l’intervention de Concini, son corps fut jeté à la voirie.'Outre la dissymétrie faciale, remarquée par les chroniqueurs, ceux-ci interprétèrent curieusement la fin du mage noir d’après les paroles du prophète Jérémie parlant des ennemis de Dieu « qu’ils reçoivent la sépulture de l’âne, gisant et pourrissant hors des portes de Jérusalem ». Deux ans après la disparition de Ruggieri en 1615, fait suite la chute de Concini, exécuté sur les ordres de Louis XIII, et la mort de sa femme la même année consécutivement au procès instruit à son encontre pour sorcellerie. Si nous insistons sur les défauts corporels de tel ou tel personnage, il faut se rappeler que ces défauts ont leur signification.'S’ils correspondent à des disqualifications initiatiques, ils sont par ailleurs pris en grande considération par la contre-initiation qui peut s’attacher ainsi de fidèles auxiliaires. » L’envahissement de la laideur sous toute forme est une caractéristique du monde moderne.. * ** Malgré la décision du roi à l’égard de Concini, motivée avant tout par une querelle de personne et d’intérêts, nous constatons la poursuite du même plan sous d’autres aspects. * Nous voyons donc apparaître maintenant le roi Louis XIII, affligé de bégaiement (une des principales disqualifications initiatiques) en compagnie de Richelieu au psychisme pour le moins tourmenté et le fameux Père Joseph manipulant les premiers. Louis XIII régna mais ne gouverna pas. René Guénon attira particulièrement l’attention sur le rôle de Richelieu 49. Mais intéressons-nous d’abord à celui qui est habituellement - désigné comme l’éminence grise. Né le 4 novembre 1577, François Leclerc du Tremblay, le Père Joseph, était en faveur auprès de Marie de Médicis à laquelle il servait de porte-parole officieux. L’amitié dont
l’honorait la reine venait du fait que celui-ci parlait couramment l’italien ayant fait un long séjour de jeunesse à Florence ! Destiné en premier lieu à la carrière des armes, il choisit de devenir religieux. Cette subite vocation lui vint à la suite d’étranges visions perçues pendant de violentes fièvres. Il devait d’ailleurs tout au long de sa vie, rester animé d’une incessante exaltation. Rares étaient les actes que prenait Richelieu sans les soumettre à l’acquiescement préalable de son conseiller. Le roi lui-même essaya de lui faire obtenir le titre de cardinal par le pape Urbain VIII. Il obtint le titre de Provincial des Capucins de Touraine. Il s’occupa spécialement de la fondation des religieuses du Calvaire. A cet effet il prescrivit des « exercices psychiques » dans le but de développer certains pouvoirs, plusieurs religieuses commencèrent à avoir des visions et de prétendues révélations. Le Père Joseph faisait intensifier les exercices dans le but de favoriser divers projets ou bien d’obtenir des réponses quant à l’aboutissement de décisions prises par Richelieu. Il décrivit ses propres visions dans un livre intitulé « La Turciade ». . L’ouvrage fait allusion au Grand Monarque. L’Europe devant être détruite par les Turcs, seule la France guidant les douze princes de l’Europe mettrait fin à la guerre. Sous son égide naîtrait un nouvel Age d’or et régnerait une paix universelle.. Les révolutionnaires français se sentiront eux aussi investis d’une mission. N’oublions pas que la nouvelle Europe des douze n’est qu’une caricature de la Chrétienté.» René Guénon précisait même : « C’est pourquoi on voit s’esquisser notamment dans des productions diverses dont l’origine où l’inspiration n’est pas douteuse, l’idée d’une organisation qui serait comme la contrepartie, mais par là même la contrefaçon d’une conception traditionnelle telle que celle du « Saint-Empire » organisation qui doit être l’expression de la “ contre-tradition” dans l’ordre social. » 50 Non loin de Strasbourg siège du conseil de l’Europe et de l’assemblée européenne, la ville de Haguenau dans sa forêt (qui subsiste péniblement à notre époque) appelée la Sainte Forêt au Moyen Age où vivaient de nombreux ermites, abritait un château impérial construit par Frédéric Barberousse renfermant les attributs impériaux : couronne, sceptre, globe, épée ainsi que les sceaux du
Saint-Empire. Dans la Turciade, le Père Joseph attaque violemment l’Islam, ce qui n’est pas nouveau et qui ne surprend guère surtout à notre époque où ce que l’on présente comme Islam n’est que puritanisme étroit ou fanatisme déguisé. Ces deux tendances habilement exploitées ne servent qu’à dissimuler l’Islam véridique. Il ne faudrait pas oublier que le Chiisme comporte un ésotérisme véritable. Ses représentants authentiques ignorent le prosélytisme. Les soufis persans ayant eu à subir eux-mêmes les tracasseries parfois violentes d’un exotérisme borné. Nous constatons aussi que la Turciade comporte un monstrueux renversement qui constitue la version contre- initiatique du Mi’râj du Prophète de l’Islam. Le Mi’râj correspond à l’ascension céleste de Muhammad. Cette ascension, modèle de la réalisation spirituelle pour les soufis, est constituée en l’occurrence par l’imitation du Prophète. Dans la biographie inversée proposée par ce sulfureux personnage, le Prophète près de la Mecque, trouve une caverne au milieu de laquelle un passage donne directement accès aux Enfers. Ensuite, Lucifer instruit le Prophète et lui ordonne de retranscrire son enseignement dans le Coran. Cette prose blasphématoire ne pouvait provenir que d’un serviteur du « mudhamman » le réprouvé contre l’Envoyé de Dieu, Muhammad le Louangé. - Passons maintenant à l’étude de Richelieu. Son père François de Richelieu, grand prévôt d’Henri III avait vu sa fortune chanceler à la mort de ce roi. Il épousera alors une demoiselle Laporte, fille d’un avocat fort riche. De ce mariage naîtront plusieurs enfants. Le jeune Armand-Jean du Plessis, en tant que fils cadet était destiné à la carrière des armes. Il prendra la place de son frère Alphonse, enfermé au vu de ses crises de folie où il exigeait qu’on l’appelât par son nom réel... Soit la Première Personne de la Trinité !!! Le futur cardinal, grimant son âge afin d’obtenir sa nomination du Pape Paul V, se vieillira un peu en falsifiant son acte de baptême. Par ailleurs, Richelieu avait fait de brillantes études. Auteur de trois thèses de doctorat, cachant déjà mal son orgueil démesuré, il avait inscrit en épigraphe de ses travaux, sous prétexte de citer les Ecritures, la phrase : « Quis erit similis mihi ? » (Qui sera pareil à moi). Mais Richelieu, comme les autres membres de sa famille ”, corrélativement à une « déficience intérieure » avait à supporter les « soubresauts » d’un déséquilibre psychique. .
Au vu du rôle joué par le personnage, il fallait bien que ses « infirmités » et inconvénients deviennent des opportunités pour la contre-initiation. L’hérédité de Richelieu était celle d’un kshatriya (guerrier) par son père et d’un shûdra (bourgeois) par sa mère. Nous retrouverons ces deux tendances dans l’action du Cardinal. La tendance kshatriya est inversée, à l’encontre de sa fonction. La révolte prendra la forme d’une rébellion contre l’autorité spirituelle, et de celle d’une destruction à l’encontre de sa propre caste. L’élément féminin y prédomine et pour ce singulier personnage, il se _ traduira par la régularité mensuelle des périodes où le Cardinal s’enfermait dans ses appartements. Là injoignable, il était la proie de crises de démence, saccageant tout et s’identifiant à un âne ! . S’abritant derrière son statut de Cardinal, donc normalement d’une fonction spirituelle52, il commencera à détruire la véritable noblesse en s’appuyant sur la bourgeoisie. Son intégrité de façade ne l’empêchera pas d’accumuler une fortune colossale dans un pays réduit à la misère. Voyons maintenant les étapes successives de la subversion orchestrée en apparence par Richelieu. Richelieu avait commencé sa carrière à la Cour en faisant preuve de condescendance envers Concini et s’attirant la sympathie de Léonora Dori, ce qui était loin d’être banal, ne négligeant pas non plus Marie de Médicis. Trahissant ensuite Concini et à travers de nombreuses intrigues, il parviendra à se faire nommer en quelques mois Premier ministre de Louis XIII et dissuadera les postulants « sérieux » s’opposant à lui. Richelieu, maître du pays, peut commencer son œuvre de destruction. Dès 1618, dans ses « Instructions du Chrétien », Richelieu reprend l’idée du Grand Monarque en l’occurrence le roi de France. Si Louis XIII eut les apparences d’un roi, il n’hésitera pas à user du prestige royal pour cautionner le Cardinal. Pour l’instant le roi personnifie l’Etat tel que le désire Richelieu ; toujours selon les mêmes idées, le roi de France est supérieur aux autres monarques. Sans appel possible le vouloir du roi est au-dessus des lois humaines et divines. Avec ses membres fonctionnarisés, le clergé n’a plus que pour seule fonction que celle de seconder l’Etat. A cet effet, Richelieu fera répandre des manifestes, mêlant le droit divin et l’absolutisme. Faisant donc subitement appel à la monarchie de droit divin, toute révolte contre le roi devient œuvre du diable. Richelieu représentant soi-disant l’autorité spirituelle, ne pourra que faire condamner par tous
les moyens tous ceux qui oseront légitimement s’opposer à lui ; il n’hésitera pas à les considérer comme des possédés ! Idéologiquement comblé et approuvé sans réserve par le Roi, le Cardinal pourra commencer à édifier l’Etat moderne tel que nous le connaissons actuellement. Un véritable acharnement vise à détruire tout ce qui peut rester des structures féodales. Richelieu rédigera un recueil de lois qui amèneront la chute de la royauté et serviront de prétextes aux réformes sociales que proposeront les révolutionnaires. L’apparition de la nouvelle fiscalité deviendra le pilier de la centralisation. Le processus engagé constitue un véritable bouleversement. Le pouvoir central et lui seul, nomme les intendants de police, de justice et des finances pour toutes les provinces du royaume. Les impôts directement perçus par les représentants du monarque seront décidés sans tenir compte de l’avis des Parlements. Les commissaires chargés de la perception seront les précurseurs des Fermiers Généraux. Les abus des receveurs ainsi que l’accroissement incessant des impôts entraîneront des émeutes quasi générales u. Cellesci fourniront le prétexte à une répression sans précédent à l’encontre des structures traditionnelles. Dans toutes les provinces, le peuple réclamera un retour à la féodalité qui seule le protégeait contre les exactions. Louis XIII imputa donc la responsabilité des révoltes à une rébellion des noblesses locales, opinion que se garda bien de démentir Richelieu. Le Cardinal enverra des séides munis de pouvoirs exceptionnels et aux jugements sans appel, pour écraser les opposants par la terreur. Ces hommes exécrés connurent la fortune en raison des services rendus à l’Etat. Le fameux « rasement » à savoir l’abolition des murailles des châteaux féodaux était demandé aux nobles. En l’occurrence, il s’agissait purement et simplement de la destruction de la demeure seigneuriale, symbole omniprésent et fortement gênant ; rappel dangereux du Moyen Age. Devant cette aberration, les nobles résistèrent. Dans toutes les régions, plusieurs centaines de gentilshommes furent pendus, leurs biens saisis, d’autres envoyés aux galères ; les moins dangereux pour le pouvoir connurent le bannissement. Les zélés fonctionnaires-bourreaux parfois en fort mauvaise posture reçurent l’appui de la bourgeoisie. Cette dernière remerçiait ainsi le pouvoir central d’avoir écarté les corporations et d’avoir traité le
Compagnonnage comme un empêchement à la création d’industries (la qualité empêchant la quantité et les spéculations). Ce qui n’empêchera pas Richelieu, toujours par de nouveaux impôts, de ruiner les industries dont il avait encouragé le développement. La misère se répandait à travers toute la France, le Cardinal accumulait les richesses et chargeait Philippe de Champaigne de lui acheter, à travers l’Europe, des « Antiques » pour sa collection. En cette triste période pour son prestige personnel, Louis XIII décidait la création de la pièce dite « Louis d’or »; Richelieu en compagnie du Père Joseph, joua un rôle extrêmement important pendant la guerre de Trente ans. N’hésitant pas à s’allier aux Etats protestants55 afin de raviver avec une obstination forcenée le conflit. Pour le Pape, Richelieu sera le seul obstacle au repos de la Chrétienté. Le but du Cardinal aura été de détruire les restes du Saint Empire56. Durant la guerre, Louis XIII interdira toute relation avec le Saint-Siège. L’appartenance à une Chrétienté unie sera remplacée par la Nation française ainsi que l’indépendance spirituelle prônée par Richelieu. Le Roi jugeant selon son bon vouloir les prescriptions papales. Le Cardinal envisagera de convoquer un concile national à l’issue duquel il aurait prétendu à sa nomination de partriarche de l’Eglise gallicane. Certains ordres religieux ayant réussi à échapper plus ou moins à sa tutelle, il les taxera de lourdes charges, grâce à des lois à effet rétroactif qu’avaient préparées ses légistes. Sans toucher à sa fortune personnelle cette nouvelle source de profit lui permettra de financer la guerre. Les indications de Guénon montrent l’importance cfe l’action de Richelieu. Le lien traditionnel unissant l’Occident à l’Orient, extérieurement rompu par la destruction de l’Ordre du Temple, continua néanmoins, mais de façon discrète à exister par l’intermédiaire des Rose-Croix. A la fin de la guerre de Trente ans ils se retirèrent en Orient. « La date précise de cette rupture est marquée, dans l’histoire extérieure de l’Europe, par la conclusion des traités de Westphalie qui mirent fin à ce qui subsistait encore de la “Chrétienté” médiévale pour y substituer une organisation purement “politique” au sens moderne et profane de ce mot. » 57 Richelieu désignera comme successeur Mazarin, celui-ci poursuivra la politique du Cardinal en continuant la guerre. Il rédigera lui-même le texte du traité de Westphalie lors de la cessation des hostilités. Giulio Mazzarini commença sa carrière en tant que capitaine dans
une compagnie d’infanterie au service du Pape. Au cours de négociations entre les belligérants, Richelieu le remarqua et noua d’utiles contacts avec lui. Peu après, Mazarin, subitement inspiré prenait l’habit religieux. Très habile et diplomate, il réussira à se faire nommer Nonce apostolique pour la France dès 1634. Il sera naturalisé en 1639. Richelieu, un an avant de mourir, lui fera obtenir la dignité de cardinal et le recommandera auprès du roi comme son successeur. En quelques mois, Mazarin deviendra un des principaux ministres. A la disparition du monarque, la reine Anne d’Autriche fit annuler le testament royal. Le conseil qui devait assister la Régente fut dissous Mazarin devint Premier ministre. Vivement contesté, il alla chercher refuge à plusieurs reprises auprès de l’Electeur de Cologne. Il parviendra à s’imposer en 1653 et accentuera le processus centralisateur. Il n’omettra pas comme son prédécesseur d’accumuler des richesses ; administrateur de la fortune personnelle de Mazarin, le futur ministre Colbert sera chargé de la faire fructifier. Le Cardinal grand collectionneur de livres reprit à son service le bibliothécaire de Richelieu Gabriel Naudé auteur de l’ouvrage « Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement soupçonnés de magie » qui constitue une attaque déguisée contre le Christianisme, l’apologie étant réservée à ses confrères en contreinitiation. *
** Edifice visible et projection du programme de Richelieu et de Mazarin se dresse le château de Versailles. L’ancienne seigneurie de Versailles (dont il existe une charte remontant à 1075) fut achetée par Louis XIII en 1636 à l’archevêque de Paris : Jean-François de Gondi. Descendant de la famille florentine des Gondi, ces derniers anoblis et devant leur fortune à Catherine de Médicis. Les Gondi étant, par ailleurs, grands collectionneurs « d'Antiques ». Pour Richelieu, Versailles doit être la résidence du Roi-Solaire, le Grand Monarque, trouvant une de ses manifestations en Louis XIV. Le règne de ce roi préfigurant un nouvel Age d’or. Certaines peintures des plafonds de Versailles décorés par Le Brun (ayant voyagé en Italie et créateur en France du style baroque « académique » et officiel) très
ressemblantes à celles du Palais Pitti à Florence, représenteront le roi identifié à Apollon. Louis XIV envisagera dans un projet démesuré de détourner la Loire pour la faire passer à Versailles ! Cette extériorisation du Grand Monarque ne germa point spontanément dans les pensées du Cardinal ; elle figurait déjà dans les ouvrages de Tomaso Campanella. Campanella reprendra les idées de l’humaniste Bernardino Télésio (critique et violemment hostile à l’aristotélisme) dont les théories sont subordonnées à la raison et à l’idée de matière. Campanella rencontrera Giovanni Batista délia Porta, un des tenants de la prétendue alchimie dévoyée et naturaliste de la Renaissance, professant un système magique, la raison contrôlant l’expérimentation et la production des phénomènes. Campanella, ancien dominicain jugé pour hérésie est avant tout l’auteur de la Citta del Sole : la Cité du Soleil qu’il appelle non Héliopolis mais Héliaca. La cité est soumise au Grand Monarque nommé le Métaphysicien. L’extériorisation du Grand Monarque à l’époque moderne et par rapport à l’Occident, pourrait-être concrétisée par la nomination du personnage placé à la tête de l’Europe du modernisme et de la technologie. Campanella cautionnera l’idéologie absolutiste, préfiguratrice du totalitarisme moderne. Toujours selon lui la France est missionnée et son monarque un monarque universel ! ! ! Fourvoyé dans des intrigues et des complots sans fin, fuyant l’Italie, il sera accueilli avec grande estime par Louis XIII. Richelieu se l’attachera comme astrologue. Son arrivée en France ayant été organisée par les soins de Naudé. La maison royale donnera naissance par l’intermédiaire de Louis XIV, au mal nommé « Siècle des lumières ». Campanella proposera à Richelieu d’établir en France sa cité du Soleil. Dans son palais baroque, aux allégories naturalistes et pseudomythologiques, Louis XIV devient le roi du monde. Il s’agit bien en l’occurrence d’une vulgaire parodie du Véritable Roi du Monde. La signature de l’inspirateur de l’entreprise est évidente quand on voit l'esthétisme officiel et caricatural ainsi que l’omniprésente et grotesque étiquette de la Cour. La Cité du Soleil a souvent été reconnue comme le modèle d’une cité moderne, gouvernée par les savants elle n’est qu’une sinistre ruche infra-humaine. Sans nous joindre au délire sciemment entretenu relevant des « prophéties » allusives au Grand Monarque, nous sommes obligés de constater dans les livres de
Campanella, la présence d’un plan concernant l’établissement d’une contre-hiérarchie. Sont inclus dans ce programme, pouvant bien entendu s’accomplir en plusieurs résurgences, tous les éléments préparatoires à l’établissement du règne d’un monarque universel « à rebours ». La contrefaçon vise les trois fonctions suprêmes exposées par le cheikh abd-Al Wâhid dans le Roi du Monde (chapitre IV). Le fonctionnement de cette société anti-traditionnelle est assuré par trois personnages parodiant respectivement le Brahâtma, le Mahatma et le Mahangâ. A sa tête se trouve le Sin représentant la Science ; l’idéologie scientifique, sociale et profane est enseignée par le Mor ; et le Pon dirige la force armée chargée de faire « appliquer » l’idéologie. Le règne de Louis XIV est un règne dominé par l’égocen- trisme. Le roi n’a plus aucun contact normal avec son peuple. La Cour se transforme en tremplin d’une idolâtrie forcée et associée à une lutte sournoise dans le but d’attirer l’attention du roi. Pour tenir son rang à la Cour, la noblesse devient entièrement dépendante des pensions et des faveurs que le roi veut bien lui accorder. La noblesse est obligée à un train de vie ruineux et à un faste extérieur obligatoire pour ne pas être discréditée. Le courtisan fardé avec sa perruque remplace le véritable aristocrate. Un portrait fort pertinent du courtisan nous est donné par Jean de La Bruyère (VIII, 2) : « Un homme qui suit la Cour est maître de son geste, de ses yeux, de son visage : Il est profond, impénétrable, il dissimule les mauvais offices sourit à ses ennemis, contraint à son humeur, déguise ses passions, dément son cœur, parle, agit contre ses sentiments. Tout ce grand raffinement n’est qu’un vice, que l’on appelle fausseté. » Voici une description qui aurait fait la joie d’un Machiavel ! En réaction à la monotonie de la vie de Cour, d’une abrutissante banalité, le jeu où se dilapident des sommes considérables achève de ruiner ce qui peut rester des domaines familiaux. L’engrenage des dettes permettra l’ascension de la bourgeoisie qui pourra racheter les terres à bas prix, s’octroyer les offices et viser l’anoblissement en offrant de riches mariages. Démunie de la protection féodale, la paysannerie devra subir le joug des financiers et des spéculateurs. Cachant sa médiocrité intellectuelle derrière le masque d’un classicisme figé, le « Siècle des lumières » privilégie avant tout la Raison. Ce qu’exprime clairement Boileau : « Aimez donc la raison : que
toujours vos écrits empruntent d’elle seule et leur lustre et leur prix. »(Art poétique I, 37, 38.) Il sera donc de bon ton de se moquer de la religion et de rire des miracles. A la Cour de Versailles, cette façade officielle et prétendument bien pensante ne résista guère lorsque éclata la fameuse Affaire des Poisons. En marge de la vogue du rationalisme se produisit une recrudescence de sorcellerie, de basse magie et d’alchimie dévoyée. Le recours à ce genre de pratique, de plus en plus répandues à la Cour et la découverte de ténébreuses intrigues amenèrent le Roi à ordonner une enquête. Cette dernière permit de découvrir les agissements de groupements suspects dont l’un des plus dangereux semble avoir été dirigé par des prêtres apostats. A la tête de ce groupe, l’abbé Guibourg borgne et d’un physique monstrueux, grand organisateur de messes à rebours, plus connues sous le nom de « messes noires ». L’ampleur des ramifications aboutit à la création d’une juridiction extraordinaire, nommée la « Chambre Ardente ». Elle siégeait depuis trois ans, lorsque sur ordre du Roi, elle dut cesser ses activités. Les révélations des accusés, impliquant les plus grands noms de la Cour : Guibourg et certains de ses acolytes ne passèrent jamais en jugement, ayant probablement pris des précautions avant leur arrestation. A l’inverse des autres accusés, ceci leur évita d’être envoyés aux galères ou de subir la peine capitale. Il fut décidé de les mettre au secret dans des forteresses de province, là, emprisonnés ils disparurent justement avec leurs secrets ! A la mort du lieutenant-général de police Gabriel Nicolas de la Reynie, le Roi se fit apporter tous les dossiers de l’affaire et se chargea de les brûler lui-même dans une cheminée du château de Versailles. Louis XIV finira ses jours non sans amertume. Versailles se voulut le berceau d’une monarchie artificielle, il en sera le tombeau. * ** « De même que les comédiens, attentifs à couvrir le rouge qui leur monte au front, se vêtent de leur rôle, de même au moment de monter sur la scène de ce monde, où je me suis tenu jusqu’ici en spectateur je
marche masqué. » Ainsi s’exprimait Descartes, dans ses « Cogitationes Privatae ». Né en Touraine à la Haye, relativement proche de l’agglomération de Richelieu 5S. Nous éviterons au lecteur un exposé ennuyeux de la philosophie profane de Descartes, basée sur la raison associée à une physique mécaniste, qui se résume en fait et simplement en la négation de toute connaissance métaphysique. Dans un compterendu d’un ouvrage de M. Persigout intitulé Rosicrucisme et Cartésianisme, Guénon parlant de l’auteur de la Méthode donne les indications suivantes : « Si certaines influences s’exercèrent sur lui d’une autre façon, consciemment ou plus probablement inconsciemment, la source dont elles émanaient était en réalité tout autre chose qu’une initiation authentique et légitime, la place même que tient sa philosophie dans l’histoire de la déviation moderne n’est-elle pas un indice amplement suffisant pour justifier un tel soupçon ? » 59 En effet, les scientifiques satisfaits ou les admirateurs béats de la pensée cartésienne pourraient être singulièrement surpris quant à l’inspiration, somme toute peu rationnelle de leur maître à penser. Descartes se sentit missionné pour fonder une science nouvelle permettant non seulement de répondre, mais de résoudre toutes les interrogations que l’homme est censé se poser. Cette mission lui fut révélée au cours de trois songes ; il les décrira dans un manuscrit appelé Olympica qu’il détruira par la suite. Le contenu nous en est néanmoins connu par la relation détaillée qu’en fait son biographe et confident Adrien Baillet60. Quant à nous, nous nous contenterons d’en faire un résumé suffisamment significatif. Dans son premier songe, Descartes voit des fantômes qui l’épouvantent. Un vent impétueux l’oblige à marcher en se penchant du côté gauche, tandis qu’une douleur lancinante le fait souffrir du côté droit, il se trouve ensuite en présence d’une assemblée composée de mystérieux personnages. Il doit effectuer ensuite une circumambulation en sautant sur le pied gauche. A son réveil, Descartes souffre toujours du côté droit et en attribue la cause à un mauvais génie ! Sans plus de précision, il confiera à Baillet qu’étant irréprochable aux yeux des hommes, il était l’auteur d’actes relativement graves pour lui attirer les foudres du Ciel sur sa tête. Le deuxième songe le terrifiera, lors d’une parodie de l’Eucharistie, son psychisme est ouvert aux influences maléfiques du monde subtil.
Descartes pourra dès lors servir de support à ces influences « techniquement dirigées par la contre-initiation ». Les restes de Descartes ont été rapatriés en France précisément en 1666, alors qu’il était décédé depuis seize ans. On s’aperçut que son cercueil avait été ouvert pendant son transfert, des ossements ayant été prélevés. Il est vraisemblable que ses restes furent utilisés comme des reliques à rebours. Le troisième songe fut calme. Par l’intermédiaire d’un personnage inconnu, Descartes reçoit en quelque sorte l’abrégé du système qu’il développera dans ses écrits. Ces trois songes successifs eurent lieu en Allemagne dans la nuit du dix au onze novembre 1619, veille de la Saint-Martin. Dans ce pays comme en France, on organisait des fêtes carnavalesques la nuit précédant la fête du saint (souvenons- nous de la fonction d’exorciste de celui-ci). Descartes, financé efficacement, sera totalement disponible pour propager les idées qui lui avaient été inspirées. Il entrera en contact avec des personnages de même acabit que lui. Nous citerons, entre autres, l’Anglais Thomas Hobbes, auteur du Léviathan. Ce manifeste se compose des attaques habituelles contre la Tradition ; Hobbes y préconise la suppression de toute hiérarchie légitime (munie donc d’une investiture régulière), en remplacement il propose une société matérialiste. La subordination totale à l’Etat étant garante du bonheur social ! A la suite de Descartes, nous voyons les Encyclopédistes développer la pensée analytique, s’appuyant sur un moralisme coutumier. La littérature scientifique retranscrit les réflexions et les expériences sur l’étude de la nature et de la matière. L’idéologie politique se doit d’élaborer un projet social. Les Encyclopédistes se réunissaient dans des salons féminins tels que ceux de la duchesse du Maine ou de la marquise de Lambert, il y régnait par là même ce qu’il est convenu d’appeler un régime matriarcal. Parmi les plus connus nous trouvons Denis Diderot qui s’était destiné à la prêtrise, mais qui après de violentes fièvres s’enthousiasma pour les sciences nouvelles et se prit d’un dégoût pour la théologie selon ses propres termes. Jean Le Rond dit d’Alembert, quant à lui, était un expérimentaliste convaincu, jugeant comme seule connaissance valable, celle pouvant être démontrée par des
phénomènes observables. Diderot, lui, acceptait de croire en Dieu, si on Le lui faisait toucher du doigt ! L’abbé Etienne Bonnot de Condillac, auteur du Traité des Sensations attribuait la présence de l’intellect à l’ensemble des sensations. Participent aussi à l’élaboration de l’Encyclopédie, Voltaire et Montesquieu. L’entreprise trouvera un allié de poids en la personne de Turgot (fils du prévôt des marchands) devenu ministre des finances sous Louis XVI. Adversaire acharné du Compagnonnage, il obtiendra du roi un édit visant la suppression des maîtrises et des jurandes. Elles seront rétablies seulement quelques mois après la chute de Turgot. Les réformes sociales de ce dernier ayant été désastreuses sauf pour les spéculateurs. Corrélativement à cette époque d’expansion de la bourgeoisie apparaissent des théories économiques annonçant une société et un monde uniquement préoccupés des aspects commerciaux. Ceci n’étant pas sans rapport quant à l’appartenance sociale de la presque totalité des Encyclopédistes. A l’origine de cette tendance François Quesnay, médecin de Louis XV, créateur de la Physiocratie et considéré comme le promoteur de l’économie politique moderne. Ses idées reprises par les Encyclopédistes, le seront ensuite par les révolutionnaires, membres du groupe des Physiocrates tel que Mirabeau. Ce sont les Encyclopédistes qui préparèrent les événements de 1789. Robespierre appellera ce courant d’idées « la préface de la Révolution ». Il faudra tout le machiavélisme contreinitiatique pour en faire attribuer la paternité à la FrancMaçonnerie et créer un climat soigneusement entretenu de déchirement avec l’Eglise. Mais comme toujours la grande majorité dresse l’oreille aux vociférations de quelques braillards dévoyés et déguisés. D’ailleurs, les usurpateurs de la devise Liberté, Egalité, Fraternité avaient une conception bien à eux quant à son application dans le domaine social. Ils montreront une rare intolérance, n’admettront aucune contestation de leurs
idéaux de bienfaiteur. Se refusant à admettre le droit le plus élémentaire à des aspirations différentes, ils réprimeront avec la plus incroyable violence ceux qui ne désiraient en aucune façon vivre selon les idées qu’on leur imposait de force. A l’appui de notre propos, les guerres de Vendée en fournissent l’exemple le plus tragique. Elles viseront à faire disparaître un mode de vie traditionnel ayant réussi à se maintenir dans la continuation du Moyen Age. Au seizième siècle, la Réforme n’arrivera pas vraiment à s’implanter en Vendée. A l’exception de quelque nobles, le mouvement toucha surtout une importante partie de la bourgeoisie. Le clergé et la noblesse assument légitimement leurs fonctions respectives. Loin de ressembler aux abbés de cour, toujours disponible le prêtre vendéen est respecté et reconnu par tous comme le « père spirituel ». Le seigneur se montre attentif à tout ce qui touche la vie du paysan et réciproquement ce dernier lui assure sa fidélité61. „ La noblesse vendéenne représente l’antithèse de la noblesse versaillaise. Elle ignore la Cour et n’aime pas ceux qui s’y font représenter. Il y règne une grande solidarité, toutes les familles sont unies par les liens de parenté et ce sans attacher d’importance à l’inégalité des fortunes. La Vendée ne s’était pas soulevée lors de la mort de Louis XVI, ni n’avait tenté de faire libérer Louis XVII, tout comme elle ignorait la Cour elle ignore la Révolution. Ce sont les mesures visant à la destruction d’un monde qui n’aspirait qu’à vivre en paix, qui déclencheront les insurrections. A l’origine la loi du 12 juillet 1790 sur la constitution civile du clergé. Les prêtres constitutionnels sont rejetés, véritables traîtres à leur sacerdoce, désignés sous le terme d’intrus ils ne peuvent se déplacer sans la protection des autorités révolutionnaires qui profitant de l’exaspération grandissante exerceront leur répression en commettant des exactions, profanant les églises et volant les objets du culte. Un décret d’août 1791 voue le métal des cloches à la fabrication de la monnaie. Comble de cynisme il est demandé aux Vendéens de verser leur sang aux frontières
pour sauver la patrie en danger. Les églises continuent d’être saccagées, des femmes vociférant représentant la Déesse Raison parcourent les rues en habits sacerdotaux en parodiant la messe, multipliant en l’occurrence les fêtes de l’âne a. La noblesse refusant cette atteinte à la légitimité spirituelle et déjà largement suspecte aux révolutionnaires sera déclarée rebelle et ses biens seront spoliés arbitrairement. Les bourgeois, les négociants ou les fonctionnaires tous acquis aux nouvelles idées pourront racheter à bas prix toutes les terres. Ces parvenus se montreront d’une insolence rare vis-à-vis du peuple dont ils étaient pourtant sortis. Ils se rendront odieux à la paysannerie et aux artisans qui se joindront à la noblesse. Devant le refus du bien-être révolutionnaire et de la conscription nationale, les opposant vendéens devront disparaître. Le texte du 1er Août 1793 rédigé par la Convention est instructif à cet égard : « Il sera envoyé en Vendée des matières combustibles de toutes sortes pour incendier les bois, les taillis et les genêts. Les forêts seront abattues, les repaires de rebelles anéantis, les récoltes coupées et les bestiaux saisis. La race rebelle sera exterminée, la Vendée détruite » 63. L’application de ce vibrant plaidoyer démocratique et républicain sera effectuée par les armées révolutionnaires auxquelles s’attachera bientôt le surnom de Colonnes infernales. Responsable des noyades de Nantes, un Carrier n’avait-il pas déclaré : « Nous ferons de la France un cimetière plutôt que de ne pas la régénérer à notre façon. » En 1794, on libéra du bagne de Brest, plusieurs centaines de galériens, déguisés en chouans, portant scapulaires et chapelets afin d’y commettre les pires atrocités dans les régions insoumises et de discréditer la Chouannerie. A la demande du Comité de salut public (Robespierre, Collot d’Herbois, Barère, Fouché) le chimiste de Fourcroy rédigea un rapport sur les possibilités scientifiques d’extermination des Vendéens. La démonstration de cette volonté de détruire tout ce qui pouvait subsister des structures traditionnelles sous le couvert de l’instauration d’un bonheur social, nous a donc été fourni par la pénible relation des guerres de Vendée. Les révolutionnaires
ayant fini par s’entre-tuer, la bourgeoisie sera la grande bénéficiaire du bouleversement opéré. L’ère de la finance et de l’industrie pourra se développer sans discontinuer, sans soucis des différentes formes de gouvernement apparemment contraires. * ** La philosophie rationaliste accompagne l’ère industrielle. L’envahissement du matérialisme subjugue la société moderniste. Une fois solidifiée, celle-ci se trouve transformée en « materia prima » inversée, coupée du Ciel, il reste pour la contre-initiation à y opérer les fissures nécessaires. Les forces de dissolution réduisent progressivement le monde moderne en poussière qui s’écoule inexorablement comme dans un gigantesque sablier. La continuation de ce courant destructeur se servira de la révolte contre l’industrialisation (semblant de l’ordre et du progrès) que constitua le Romantisme. Déjà la préfiguration se trouvait dans l’œuvre d’un Jean-Jacques Rousseau qui dès 1775 employait le terme de romantique, le définissant par rapport aux sensations, mélange de rêverie et de sentimentalisme. Le terme Romantique repris à l’anglais Romantic venant lui-même du substantif français Roman, désignant un récit médiéval. Toujours en réaction contre la société éprise de classicisme, les romantiques se passionneront pour le Moyen Age, mais ils feront preuve à son égard d’une incompréhension totale. Les premiers signes d’intérêt pour le passé « gothique » viendront de longues contemplations de ruines telles que celles des monastères en Angleterre. Il restait en effet plusieurs centaines de ruines datant du règne d’Henri VIII où les hommes de Cour s’intitulant les « hommes nouveaux » transformèrent les édifices religieux en carrières, s’appropriant à bon compte les pierres pour servir à la construction de leurs manoirs. Ces méditations se muent en mélancolie profonde et en sensibilité larmoyante. Ce qui aboutira au style funéraire néo-gothique. Le germe de
désagrégation que porte le Romantisme s’épanouira sous ce que l’on désigne habituellement le « Romantisme Noir ». La nature n’est pas prise comme symbolisant l’Ordre divin, elle se résout seulement en une contemplation figée ; elle devient de ce fait vite banale, et à court de sensations. Les peintres romantiques créeront des œuvres toujours plus exagérées, grandissant la nature, amplifiant les paysages dont la réalité première ne leur suffisait plus pour assouvir un émerveillement devant être renouvelé continuellement. Ce besoin de nouveaux paysages donnera naissance à l’Orientalisme. L’Orient se doit d’offrir de nouvelles visions, donc de nouvelles sensations plus intenses. Cet attrait du pittoresque suscitera ensuite l’intérêt pour les découvertes archéologiques. Etouffant dans la société désacralisée, marginal, le romantique, en dehors des masses ouvrières se veut individualiste. Ses aspirations confuses le poussent vers une vie errante à la campagne. Solitaire et déraciné, il trouve refuge dans les Paradis Artificiels ou s’évade par le suicide. Le mouvement romantique sans aucune foi religieuse est la recherche d’un paradis perdu ; se lançant dans une débauche morbide, fasciné par le laid et le grotesque, il s’oriente vers un spiritualisme sulfureux. La révolte contre la société prend les traits d’un Lucifer libérateur. Ces croyances hybrides amèneront le spiritisme et le messianisme révolutionnaire de 1848, à travers les idées d’un Fourier qui considérera sa mission par rapport au Christianisme comme celle d’un post-curseur, rien de moins ! Le Romantisme, comme d’autres courants de dissolution à leurs débuts, se voudra avantgardiste. D’après Guénon, le chapitre VI de la Genèse pourrait peutêtre fournir, sous une forme symbolique, quelques indications se rapportant à ses origines lointaines de la contre-initiation M. ' Le thème de la révolte des anges apparaît dans la littérature romantique peu après la traduction du livre d’Enoch en 1821 par l’évêque anglican Richard Laurence. „ Dans le manuscrit Ethiopien, les anges révoltés descendus sur le mont Hermon (Mont de l’anathème) s’unissent aux filles des hommes, de cette union naissent les géants (kshatriyas
révoltés). Les anges rebelles enseignent leur descendance, l’un d’eux, Hermoni leur apprend la sorcellerie et la façon de construire les tours ! Un peu plus loin dans le texte, Hénoch parle de sa fonction qui est de contrecarrer les plans et les actions des Veilleurs (anges révoltés).'En Islam, Idrîs, Hénoch peut être identifié au mystérieux Khidr. Quand on sait le lien unissant le Cheikh Yahyâ Abd Al-Wâhid et Khidr, on comprend la teneur précise d’ouvrages tels que le Règne de la Quantité et les Signes des Temps. Les Romantiques interpréteront le livre d’Hénoch d’une curieuse façon, mélangeant allègrement spiritualisme douteux et mysticisme social, le tout formant un édifiant exemple d’inversion. Les anges déchus se sacrifiant pour apporter le bonheur à l’humanité donnent ensuite leurs sciences aux Géants, ces nouveaux élus devant par ces moyens supplanter Dieu. Il n’y aurait pas eu le péché originel si Dieu (la société, la bourgeoisie) refusant le bien-être au plus grand nombre, avait accepté d’être PEgal de tous. D’après donc ce genre de raisonnement la seule voie pouvant amener au salut du monde, serait celle de la révolte contre l’Ordre divin. Le Romantisme, comme tout mouvement soi-disant innovateur, n’aura été qu’une étape accentuant le déséquilibre allant toujours croissant du monde profane. Nous arrêterons là notre étude que nous ne considérons point comme exhaustive sur la contre-initiation en Occident. On se sera rendu compte néanmoins que sous le flot apparemment clair et sirupeux déversé par l’histoire officielle, se cache en réalité une boue fétide.
NOTES 1. René Guénon : Autorité Spirituelle et Pouvoir Temporel, chapitre II. 2. Dante La Divine Comédie, Paradis, chant IX, 127 (P). Pour Dante, nous
nous servons des traductions de M. Pézard, La Pléiade, et celle de M. Masseron Editions Albin Michel. Nous ferons suivre l’extrait cité par rapport aux traductions respectives soit de la lettre (P) ou de la lettre (M). 3. Cosme Médicis déclarera qu’il suffisait de quelques mètres de drap rouge pour créer de nouveaux aristocrates. 4. Dante, Epître VI (P). 5. Afin de les rendre plus présentables, Philippe le Bel avait nommé ses conseillers « chevaliers » ce qui ne lui coûtait rien, par contre il faisait un commerce lucratif des anoblissements achetés fort cher par les postulants qui furent d’ailleurs particulièrement nombreux sous son règne. 6. A partir d’objets de fouilles un Guillaume Budé codifiera les idées humanistes et justifiera la création de sciences et d’études profanes. 7. René Guénon : Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, chapitre XXVIII. 8. René Guénon : Symboles Fondamentaux de la Science Sacrée, chapitre XXI. 9. M. Schmidt : La poésie scientifique en France au xvf siècle, Editions Bordas. — Surnommé le Fléau des astrologues, il attendait avec véhémence son heure dernière, annoncée avec précision par trois astrologues, pour mieux réfuter cette science qu’il méprisait. Il mourut au moment annoncé, se faisant ainsi le meilleur argument de la cause qu’il avait voulu abattre. Il acheva ses « prédications » âgé de 33 ans. 10. Epistole XXVI. 34. 11. Machiavel idéalisera son protecteur César Borgia mais il sera un des premiers à le trahir et ne manquera pas de le désigner à la vindicte populaire. Machiavel se retirera de la scène entouré du mépris général. 12. Michel-Ange connut la notoriété en ayant fait passer une de ses « créations à l’antique » pour véritablement ancienne, celle-ci avait été vendue comme objet de fouilles à Rome. 13. -1- René Guénon : Autorité Spirituelle et Pouvoir Temporel, chapitre 2.
-2- Le pape Nicolas V, ancien bibliothécaire de Cosme Médicis n’aura comme seule préoccupation pour passer à la postérité que de collectionner tous les livres existants. 14. La rose emblématique de Martin Luther : article paru dans Regnabit 1924, réédition Gutembert reprint 1981. 15. Ronsard : Œuvres Complètes, La Pléïade. 16. L’ordre de Calatreva fut fondé en 1158 par le bienheureux Raymond Serrât, abbé cistercien. L’Ordre du Christ au Portugal et celui de Montesa dans le royaume de Valence, adoptèrent la règle de Calatreva. Ces deux ordres avaient été créés pour continuer l’action du Temple aussi bien que faire se peut, après la suppression officielle de de ce dernier. 17. La vie quotidienne des Aztèques à la veille de la conquête espagnole, Editions Hachette.
18. D’anciens lieux de la Grèce Antique devenant des sanctuaires chrétiens tel qu’à Delphes le temple d’Apollon ou le Parthénon, église consacrée à la Vierge. 19. Jean de Meung appelait la Sorbonne, à cette époque qui paraît fort lointaine : clé de la Chrétienté. 20. Introduction à l’enseignement et au mystère de René Guénon, Editions de l’Oeuvre. 21. A Damas se trouve dans une autre mosquée celle des Omeyyades, le tombeau de saint Jean-Baptiste. 22. René Guénon : Le Roi du Monde. 23. Son principal disciple, saint Mexme de Chinon, était invoqué pour faire tomber la pluie (la pluie symbolise aussi la descente des influences spirituelles). Il existe une chape de saint Mexme brodée de formules en lettres koufiques ! 24. De Bello Gallico VII, 13. 25. René Guénon : Aperçus sur l’Initiation, Editions Traditionnelles, chapitre VII. — Saint-Martin était loin d’ignorer le côté opératif. Dans sa Vie de SaintMartin (Paris 1699), le Sieur Gervaise nous relate : « Saint-Martin fit une nouvelle dédicace de la basilique de Saint-Lidoire de Tours. Après l’avoir accrue, il la consacra à Dieu sous l’invocation de saint Maurice et de ses compagnons dont il y mit les reliques. Le saint, dit-on passant à son retour d’Italie par le monastère d’Agaune où il ne voulait pas être reconnu, demanda aux religieux qui y étaient déjà établis des reliques de ces saints martyrs. Le refus qu’ils lui en firent l’obligea de se transporter dans le champ où cette glorieuse légion des Thébains avait mieux aimé souffrir le martyre sous Maximilien que de se souiller par les sacrifices impies que le reste de l’armée offrait aux faux dieux. Y ayant passé la nuit en prières, pour demander à Dieu où il y avait de leurs reliques, il vit le matin ce champ couvert d’une rosée de sang qu’il recueillit dans des fioles avec beaucoup de respect. Les historiens ajoutent qu’il consacra avec l’une de ces fioles l’église de Tours, avec la seconde celle d’Angers et qu’il laissa en mourant à l’église de Candes la troisième qu’il s’était réservée et qu’il avait toujours portée sur lui jusqu’à sa mort. » 26. René Guénon : Symboles Fondamentaux, chapitre XXXI. 27. René Guénon : La Grande Triade, chapitre XXV. 28. René Guénon : Symboles Fondamentaux, chapitre XVI. 29. Ibid. Masseron. 30. Ibid. Masseron I, 97, 99. 31. Ibid. Purgatoire XX, 10-12. 32. Selon cette tradition, le venin d’un serpent s’écoule goutte à goutte sur Loki enchaîné. Il est néanmoins protégé par un récipient que tient sa femme. Le poison l’atteint lorsqu’elle s’absente pour vider le récipient et sous la brûlure Loki sursaute provoquant les tremblements de terre.
33. C’est pourquoi la fatale échéance, pouvait être retardée, en empêchant la construction du terrible navire, en n’omettant pas de couper les ongles des personnes décédées, 34. René Guénon : Le Roi du Monde. Si Messieurs Ossendowski et d’Alveydre ont fait allusion au Roi du Monde dans leurs ouvrages, seul René Guénon a su donner un aperçu authentique et légitime sur ce sujet. Notons que la contre-initiation, essaya de lancer la confusion ténébreuse entre Roi du Monde et le Prince de ce monde. 35. René Guénon : Symboles Fondamentaux, chapitre XXVI et l’Esotérisme de Dante. 36. René Guénon : Autorité Spirituelle et Pouvoir Temporel. 37. Voit notre chapitre sur l’Islam. 38. Paul Chacornac : La vie simple de René Guénon, Editions Traditionnelles. 39. Traduction et commentaires de M. Gloton, Editions Les deux Océans. 40. La Science des Lettres entraînant de multiples et fertiles commentaires, ne pouvant se développer en quelques lignes, nous renvoyons le lecteur au livre précédemment cité, ou à l’ouvrage de M. Gilis : le Coran et la fonction d’Hermès, Editions de l’Œuvre. 41. René Guénon : Symboles Fondamentaux, chapitre XIV. 42. Paul Chacornac : la Vie simple de René Guénon. 43. Dans une étude régionale sur les mégalithes de l’açrondissement de Blois, M. Jean Cartaud relate la prudence paysanne de ne pas détruire les pierres sacrées, ceci entraînant la mort du destructeur dans la nuit. La prudence étant justifiée puisque sont cités des faits précis sur des accidents survenus à des passants outre. 44. C’est là qu’enseigna pendant vingt ans Henri Bergson un des pères de la philosophie moderne. Voir à ce sujet le Règne de la Quantité et les Signes des Temps. 45. Dante : Enfer, chant XIII (P.). 46. Réponse au numéro d'Atlantis de janvier-février 1932, repris dans le Théosophisme, Editions Traditionnelles. 47. René Guénon : Etudes sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, Tome 1, Editions Traditionnelles. 48. Le processus d’envoûtement étant désigné à l’époque par le verbe emmasquer. 49. René Guénon : Autorité Spirituelle et Pouvoir Temporel, chapitre VIII. 50. René Guénon : Le Règne de la Quantité et des Signes des Temps, chapitre XXXIX. 51. Sa sœur Nicole, épouse du Maréchal du Brézé, devint folle, se croyant en cristal. De cette union naîtra une fille naine et à moitié folle. Elle sera épousée malgré tout par le duc d’Enghien, fils du Prince de Condé, ce dernier avant tout soucieux de sauver sa vie, fortement menacée par
Richelieu. Le mariage détournera la vengeance du Cardinal tout en le flattant par l’union inespérée avec l’illustre famille. Selon certains, cette union apporta la folie dans la famille de Condé. En effet, leur fille Marie-Clémence sera atteinte par la folie, son fils à son tour se prendra pour différents animaux, le petit-fils sera difforme, son arrière petit-fils sera borgne. Il y a tous les éléments pour former un véritable vivier de la contre-initiation. 52. Ceci n’a rien d’exceptionnel, Gassendi (abbé Pierre Gassand) théologal de Digne en relation avec Galilée, grand promoteur de la physique expérimentale, s’acharnera contre les écrits d’Aristote, mais ne tarira pas d’éloges envers Képler et Copernic. 53. Richelieu fit réimprimer les œuvres de Machiavel. Le Cardinal fondateur de l’Académie Française, dont les membres appointés par ses soins, lui donneront vis-à-vis de l’extérieur une soi-disant approbation « d’intellectuels ». 54. Pascal inventa la machine arithmétique pour simplifier le travail de son père, envoyé à Rouen par Richelieu en qualité de commissaire pour l’impôt. 55. Richelieu indifférent à la Réforme, s’en prendra aux protestants français uniquement coupables à ses yeux de vouloir constituer un Etat dans l’Etat. L’empereur, lui, se chargera de rendre à l’Eglise les biens sécularisés à leur profit, par les ex-dignitaires passés à la Réforme. 56. Napoléon parachèvera l’action de Richelieu en supprimant définitivement tout ce qui pouvait rappeler le Saint Empire, en ordonnant la formation de la Confédération du Rhin, lors du protectorat de 1806. 57. René Guénon : Aperçus sur l’Initiation, chapitre XXXVIII, Editions Traditionnelles. 58. La ville de Richelieu, construite sur ordre du Cardinal, qui désirait qu’elle devienne la capitale de ses domaines. 59. Article de janvier 1939. Repris dans Etudes sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, Tome I. 60. Adrien Baillet : Vie de Monsieur Des Cartes, 1691. 61. Colbert achètera des terres dans la région de Cholet, sans jamais y venir et sans se soucier de la paysannerie qui sera livrée à des régisseurs sans scrupule. 62. Cette volonté de parodier et d’instituer une « religion laïque » s’étendra à toute la France. La croix de la flèche de la cathédrale de Strasbourg fut coiffée d’un énorme bonnet phrygien en tôle. Après l’assassinat de Marat, on lui vouera un culte en l’assimilant à Jésus ! 63. Les exemples ne manquent pas sur cette folie exterminatrice et les procédés employés peu avouables. Tous ces faits ont été relatés dans la somme considérable que constituent les ouvrages de M. Chassin. « Etudes documentaires sur la Révolution française », Paris, 1892-1900. 64. Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, Chapitre XXXVIII. I
LA MISSION DIVINE D’ALEXANDRE LE GRAND
Il ne nous paraît pas inutile pour faire suite aux précédents chapitres de nous intéresser à la vie d’Alexandre le Gr^nd, ceci non pas à la façon historico-profane mais de sorte à en démontrer l’aspect symbolique. La mère d’Alexandre, Olympias d’Epire, de naissance royale, faisait remonter son origine à Néoptolème, fils d’Achille. La nuit précédant son mariage, elle rêva que la foudre descendait en elle et la mettait toute en feu; L’oracle de Delphes ayant été consulté il était enjoint à son père Philippe de Macédoine d’honorer Amon par-dessus tous les autres dieux. Or à l’exception de Delphes, les deux oracles les plus consultés par les Grecs étaient ceux de Dodone en Epire et de Siouah dans le désert d’Egypte. Le sanctuaire de Dodone était situé dans les bois et celui de Siouah dans une oasis, en égyptien « sekhetiemy » l’endroit des arbres. Amon était le dieu du sanctuaire de Siouah et Zeus à Dodone était honoré sous le nom de Zeus Amon *. En Egypte Amon était identifié avec Min, le hiéroglyphe de ce dernier étant la foudre. * Pendant la naissance d’Alexandre deux aigles étaient restés perchés ensemble sur le toit de l’appartement de la reine. L’interprétation de ce présage fut que l’enfant régnerait un jour sur deux empires. • Nous ne nous attarderons pas sur sa prime jeunesse, sinon en signalant que sa prédestination le singularisait déjà des autres enfants de son âge. Le premier signe de cette prédestination commence avec l’épisode de Bucéphale. Alexandre était alors âgé de douze ans. Bucéphale n’était pas seulement un simple coursier noir, d’une taille exceptionnelle mais il se distinguait surtout par deux marques précises : l’une blanche sur le front et la seconde sur le flanc en forme de tête de bœuf qui lui avait valu son nom2. En ce qui concerne cet aspect du cheval nous rappellerons « que celui qui est initié doit être assis sur une peau aux poils
noirs et blancs symbolisant respectivement le non-manifesté et le manifesté » ’. D’autre part, Alexandre ne pourra monter son cheval qu’en lui tournant la tête en face du soleil, celui-ci était effarouché par son ombre. Un coursier solaire, pour un cavalier royal, pour chevaucher la voie solaire, la voie royale. Simultanément, Aristote4 devient son précepteur. Il est opportun en cette occasion de citer l’adage traditionnel « Quand le disciple est mûr, un maître apparaît ». Les entretiens entre le maître et son disciple qu’ils soient verbaux ou épistolaires, vu P éloignement d’Alexandre ne cesseront qu’avec la mort de celui-ci. Quant à son âge (douze ans), dans son acception présente, il correspond à un point de stabilisation dans son existence : celle-ci étant due bien évidemment au contact d’Aristote. Cette virtualité tendant vers la réintégration de l’état primordial ne sera réellement effective et parachevée que lorsque les différentes possibilités extracorporelles que l’être porte en lui seront épuisées. Un fait significatif surviendra lorsque Alexandre, ayant fait installer sa tente sous un chêne majestueux 5 participera peu après à sa première bataille et ce d’une manière qui suscitera l’admiration et le fera considérer, du moins officieusement par ses compatriotes, comme leur véritable roi. • Après l’assassinat de son père Philippe, Alexandre monta sur le trône de Macédoine à l’âge de vingt ans.* Il commença à vouloir réunir tous les peuples grecs mais se trouva confronté avec les autorités officielles de Thèbes, assimilables avec un certain exotérisme littéral. Celui-ci se tenait comme seul dépositaire de la culture et de l’autorité. Les Macédoniens étant considérés comme des « barbares ». Malgré ses tentatives d’apaisement et de réconciliation sans cesse répétées, il donna l’assaut à la cité. Il s’agissait de remettre à sa place l’exotérisme, la lettre morte devenant de plus en plus étouffante pourrait-on dire pour l’Esprit, l’ésotérisme. C’est pourquoi Alexandre ordonna de ne pas détruire les temples des dieux et d’épargner la maison où avait habité le poète Pindare ; ce dernier ayant composé une ode en l’honneur
d’Amon, ainsi que sa famille et tous ceux qui pouvaient prouver qu’ils s’était opposés à la rébellion. Il n’oubliait pas non plus que Thèbes était considérée comme la patrie de Dionysos. Il faudra douze mois à Alexandre pour dominer la Grèce. Il est le soleil et les douze mois correspondent au cycle annuel de cet astre à travers les signes du zodiaque. Avant de partir pour l’Egypte, il ordonnera son royaume en douze parties et laissera le général Antipater comme son substitut, ayant autorité sur les douze régents gouvernant les « douze maisons ». Calqué sur le zodiaque, Alexandre donne à son pays un gouvernement en parfaite conformité avec son archétype céleste. Il est à noter que durant son absence, qui fut en fait définitive, puisqu’il ne revint jamais en Grèce, il n’y eut aucune contestation de l’ordre institué. * Alexandre put alors songer à aller en Egypte, au sanctuaire de Siouah la demeure de son père Amon. A l’époque de sa naissance, l’Egypte venait d’être reconquise par les Perses et Olympias voyait en son fils le futur conquérant qui devait chasser les envahisseurs du pays sacré et venger le dieu Amon dont les sanctuaires avaient été dépouillés et les autels profanés. Avant son départ, il consulta l’oracle de Delphes ; il lui fut répondu « tu es invincible ». Un fait peu mis en évidence est qu'Alexandre avant de quitter la Macédoine se dépouilla de ses terres, de son argent et de ses objets précieux, se remettant à la seule volonté du Ciel. Ceci est en parfaite conformité avec ce que dit Plotin6 : « Ceux qui montent par les degrés des mystères sacrés se purifient et déposent les vêtements dont ils étaient revêtus auparavant et s’avancent nus. » Après avoir passé l’Hellespont, il fit sa première halte à Ilium, cité grecque considérée comme ayant été construite sur les ruines de Troie et où reposaient les princes qui moururent au combat. Il fit des libations sur le tombeau d’Achille pour lequel il avait une vénération spéciale, n’oublions pas que sa mère se donnait comme descendante du héros. Alexandre avait d’ailleurs constamment avec lui un exem-
plaire de l’Illiade, annoté par Aristote dont il citait des passages à ses compagnons à chaque étage. A ce sujet \ Guénon nous indique : « ... Certains livres auraient été chargés d’influences... chacun de ces exemplaires devant être exclusivement destiné à tel disciple à qui il était remis directement non pas pour tenir lieu d’une initiation que ce disciple avait déjà reçue, mais uniquement pour lui fournir une aide plus efficace lorsque, au cours de son travail personnel, il se servirait du contenu de ce livre comme d’un support de méditation. » Comme support d’influences 8 il prit aussi dans le temple d’Athéna un bouclier ayant appartenu à l’un des héros grecs. Il fit toujours porter ce bouclier auprès de lui dans les batailles. Alexandre reprit la mer et aborda de nouveau en Lycie, le fait qu’ü eût pu longer cette côte sans encombre fut considéré par les Anciens comme une faveur divine, la navigation y étant réputée impossible au vu des innombrables récifs à fleur d’eau dont elle était parsemée. Il n’y avait aucune possibilité d’accostage à cause des falaises abruptes. Malgré tout il aborda sans problème en trouvant une plage magnifique. Ce monde, celui de la manifestation peut être considéré comme une mer séparant le Ciel et la Terre. L’eau occupe la région intermédiaire (domaine du psychisme), elle est assimilée à l’ignorance et est de tendance descendante. Le but des petits mystères étant le retour à l’état primordial, il faut d’abord maîtriser ses passions et vaincre par lui-même l’obstacle périlleux de la navigation au risque de tomber au fond des eaux, assimilé à l’obscurité9. Cet obstacle étant surmonté, l’être peut commencer à gravir « l’échelle » dans un mouvement ascendant et se diriger d’échelon en échelon à travers les différents mondes selon ses capacités. Or le lieu où aborda Alexandre s’appelait justement l’Echelle. Il se dirigea ensuite vers la ville de Gordium où se trouvait un chariot sacré confié à la garde des prêtres de Zeus. Le timon était attaché au joug par un nœud extrêmement compliqué. Au sujet de celui-ci, Poracle de Zeus avait précisé que celui qui le trancherait serait le maître de l’Asie. Alexandre, quelque temps après son arrivée dans la ville, entra dans le
temple où se trouvait le chariot et trancha le nœud. Selon Guénon « en ce qui concerne le dais et le plancher, ceux-ci représentent respectivement le Ciel et la Terre, le mât étant la figure de l’Axe du Monde 10 » et le nœud peut être interprété comme symbolisant les conditions limitatives qui lient l’être vivant et le retiennent dans son état particulier d’existence manifestée. Avant d’atteindre l’Egypte, il dut faire le siège de Tyr. Certains habitants, ayant rêvé qu’Apollon voulait s’en aller audevant d’Alexandre à cause de leur refus de se soumettre, attachèrent dès le lendemain la statue de leur dieu avec des chaînes en la traitant d’Alexandriste 11. La cité conquise, il put enfin se diriger vers l’Egypte. Il y fut accueilli avec allégresse comme libérateur des Perses, le fils d’Amon prédit par les oracles. Alexandre fut rituellement intronisé pharaon sous le nom de MERI-AMON SATEP-ENRE, ce qui signifie Bien Aimé d’Amon, Elu du Dieu Soleil. Il alla ensuite vers l’oasis de Siouah. Ses proches essayèrent de l’en dissuader, vu l’extrême danger de traverser le désert pendant plusieurs jours, sans aucun point d’eau avant l’arrivée et le risque du vent brûlant du désert. Effectivement, c’est un désert pourrait-on dire absolu : pas la moindre trace de végétation, pas une colline, pas une dune, pas un brin d’herbe, pas un point de repère, c’est une gigantesque étendue recouverte d’une croûte de pierre. L’oasis présente un contraste saisissant : le sol est littéralement imprégné d’eau par de nombreuses sources se comptant par dizaines d’où une floraison et une fructification presque ininterrompues, d’un bout de l’année à l’autre, des nombreuses variétés de palmiers dattiers 13. Mais revenons plus particulièrement à notre sujet. Alexandre resta inébranlable et ils reprirent le voyage. La bienveillance divine ne tarda pas à se manifester ; les Anciens parlèrent des grandes eaux qui tombèrent du Ciel et les pluies continuelles qui rafraîchirent l’air. Malgré les guides, à chaque fois qu’ils risquaient de se perdre, il apparaissait des oiseaux qui les orientaient et qui avec leurs chants, la nuit, rappelaient ceux
qui s’étaient égarés u. Comme nous pouvons le constater la Providence ne fit point défaut. Les pluies continuelles signifiant la descente des influences célestes et spirituelles et la douceur de l’air confirmant ces présences bienfaisantes. Quant aux oiseaux, ils sont les auxiliaires et les messagers divins. Il arriva enfin au temple situé au cœur de l’oasis où le Grand prêtre le salua de la part du dieu, comme de son père. Amon était représenté, semble-t-il, par une météorite incrustée de pierre précieuses, installée dans la barque du dieu. L’oracle lui annonce qu’il lui est accordé l’empire du monde et lui confirme que son père est Amon. Dès lors, Alexandre adopta les deux cornes du bélier, symbole du dieu. Il les portait attachées par un bandeau sur la tête 15. D’ailleurs dans l’Islam, et en premier lieu dans le Coran (sourate de la Caverne), Alexandre est appelé El-Iskandar Dhûl-Qarnein ; « aux deux cornes ». D’autre part, si nous traçons le périple d’Alexandre, du sanctuaire de Dodone en Macédoine en reliant l’oasis de Siouah nous obtenons la représentation des cornes. Avant de quitter l’Egypte, il fit restaurer le sanctuaire d’Amon à Louxor où il se fit représenter en pharaon. Il vint ensuite en Mésopotamie jusqu’à Babylone où il fut accueilli là aussi comme un libérateur du joug des Perses qui avaient volé la statue en or du dieu Marduk et détruit son temple. Il fut proclamé roi de Babylone et dès son investiture il célébra entouré des prêtres de Marduk des rites en faveur de ce dieu connu sous le nom de Zeus-Belos, autre nom de son père Zeus-Amon. A l’instar de l’Egypte, il ordonna la reconstruction du sanctuaire. Ensuite commença véritablement la guerre contre Darius et l’empire perse, considéré comme le pays des profanateurs en raison des actes irréligieux commis par ces derniers dans les pays occupés, y compris en Grèce lors de l’invasion aux époques précédentes. Avant l’engagement, lors de l’ultime bataille contre son ennemi Darius, Alexandre, sa
main gauche tenant sa javeline et levant la droite vers le Ciel, requit l’aide de son père Zeus-Amon. Au même moment apparut un aigle 16 au-dessus de sa tête qui se dirigea ensuite contre les Perses 17. Nous rappellerons que la main gauche est la main de Justice correspondant à la Rigueur, qui est d’ailleurs un des attributs de la royauté. La main droite étant la main bénissante, symbole de l’autorité sacerdotale (celle-ci étant d’ailleurs affirmée par la présence quasi continue du devin Aristandre vêtu d’un manteau blanc). Alexandre démontre sa totale soumission au Principe divin et par là même la légitimité de son combat pour rétablir l’Ordre. D’autre part, en ce qui concerne le parcours initiatique nous n’oublierons pas ce que dit Guénon : « Tout ce qui sert à la guerre extérieure peut-être pris comme symbole de ce qui concerne la guerre intérieure. » 18 Après avoir donc conquis définitivement la Perse, après la mort de Darius, Alexandre s’affirme comme souverain d’Asie et monte sur trône de Perse prenant le titre de Lion-Griffon. . Il se lança ensuite à la conquête de l’Inde. Lors de ses pérégrinations, et ce fait nous est relaté par Quinte-Curce, se trouvant aux frontière du Cachemire, il se sépara de son armée avec une petite troupe afin de récupérer des éléphants de guerre abandonnés par ses adversaires. Il rencontra une mystérieuse cité nommée Nysa dont le chef des anciens lui raconta qu’elle avait été fondée par Dionysos lui-même. D’autre part, Diodore de Sicile (III, 67 à 71) nous relate que Dionysos, fils d’Amon et d’Amalthée, fut élevé à Nysa, dans une île entourée du « fleuve Triton » en Libye. Dans Le Roi du Monde, Guénon nous indique qu’il peut avoir simultanément, outre le Centre Suprême, plusieurs autres centres qui s’y rattachent et qui en sont comme autant d’images et qui peuvent porter le même nom. Alexandre fut donc en contact avec le Centre Suprême, Quinte-Curce nous précise plus loin que dans le nom d’une montagne voisine, il reconnut le mot Meros, la cuisse. Nous citerons à nouveau Guénon qui écrivait : « Dionysos
ou Bacchus a des noms multiples, correspondant à autant d’aspects différents, sous un de ces aspects au moins, la tradition le fait venir de l’Inde. Le récit suivant lequel il naquit de la cuisse de Zeus repose sur une assimilation verbale des plus curieuses : le mot grec mêros, « cuisse » a été substitué au nom de Mêru, la montagne polaire, auquel il est presque identique phonétiquement. » A propos des éléphants (représentant le dieu Ganêsha équivalent de Toth en Egypte), ils symbolisent le principe d’inspiration de la caste sacerdotale dont celle-ci tient son autorité et au nom duquel elle communique la connaissance initiatique (ce n’est pas une coïncidence fortuite si Guénon fit représenter le dieu Ganêsha sur la couverture de certains de ses ouvrages). D’autres précisions de source islamique, nous sont indiquées par le chroniqueur Tabari. Alexandre, est-il dit, serait allé jusqu’au Tibet et il construisit un mur contre les hordes de Gog et Magog (correspondant aux influences maléfiques du domaine subtil inférieur). Ce qui confirme sa fonction de restauration et de consolidation de l’Ordre Traditionnel. Les hordes de Gog et de Magog sont les fils de Japheth, fils de Noé qui se fixèrent en Orient après le déluge (leur apparence serait semblable à celle des hommes mais leur taille est de deux coudées, et ils ont des oreilles d’ânes sic). Ensuite Alexandre reprit son périple et voulut passer le Gange Supérieur. Diodore de Sicile nous relate qu’il se produisit des déluges d’eau et que le tonnerre gronda sans arrêt. Le Gange Supérieur représentant le passage aux grands mystères ; alors qu’il était dévolu à Alexandre de parvenir seulement au terme des petits mystères et d’être effectivement le Monarque Universel, établi dans « l’invariable Milieu » représentant le pouvoir temporel. Les avertissements, tel que le tonnerre, lui enjoignent de ne point empiéter sur le domaine sacerdotal. C’est d’ailleurs à cette époque que mourut Bucéphale et Guénon nous indique : « Qu’en sanscrit que le mot ASHWA-STHA est interprété comme signifiant la station du cheval, celui-ci qui est le symbole d’Agni ou du soleil, ou de
l’un et l’autre tout à la fois devant être considéré comme parvenu au terme de sa course et s’arrêtant quand l’Axe du monde a été atteint ». Il faut se rappeler que c’est Dieu qui donne l’empire du Monde, et comme il est dit dans le Coran au sujet d’Alexandre (XVIII, 8) : « Nous avions affermi sa puissance sur la terre et nous l’avions comblé de toutes sortes de biens. » Cet empire a été symboliquement fixé à des limites qu’il est interdit de dépasser. Alexandre le Grand remplit parfaitement bien sa mission en combattant les ennemis de Dieu. Par ailleurs, il ne s’agit pas uniquement du monde terrestre mais aussi du monde intermédiaire ou subtil, domaine des petits mystères. Parallèlement, bien que ceci soit contesté par certains... nous citerons Flavius Josèphe dans ses Antiquités Judaïques (XI, 8) qui nous dit à propos de Jérusalem : « En 336 avant Jésus-Christ, le jeune Alexandre s’était présenté devant ses portes, lui demanda de capituler. Le Grand Prêtre refusa tout d’abord, mais le matin suivant, à la suite d’un songe qu’il avait eu pendant la nuit, il s’exécuta. Il ordonna au Clergé de revêtir ses plus beaux ornements et au peuple de s’habiller entièrement de blanc immaculé, puis il sortit de la ville suivi du peuple pour implorer la paix. Alexandre s’inclina devant le Grand Prêtre, exprima son admiration pour le peuple et pour son dieu et il accepta le don de Jérusalem. » La mission étant achevée, l’existence terrestre d’Alexandre Représentation de Jérusalem avec au premier plan le Dôme du Rocher (Qubbat as-Sakhra) Gravure du xvf siècle. . allait s’arrêter. Parmi les signes annonciateurs de sa mort, un fou prit sa robe et son diadème, interrogé, il répondit avoir agi sur les ordres du dieu Sérapis21. Enfin, deux faits semblant porter la même signature : « Il y eut un âne privé qui alla assaillir le plus beau et le plus grand des lions de Babylone et le tua d’un coup de pied. »22 • Et selon certains, Alexandre aurait été empoisonné, et ce poison était tellement dangereux qu’il ne pouvait être transporté que dans la
corne du pied d’un âne25. » . Alexandre mourut au coucher du soleil, le treizième jour de juin, en la treizième année de son règne. Les signes étaient accomplis, le lion (emblème du pouvoir royal) était mort.-Le lion s’était couché dans le domicile du Soleil. L’ouest étant en correspondance avec la Porte des hommes, reliée aux petits mystères. Ainsi s’achevait le passage terrestre de celui qui écrivait à Aristote : « J’aimerais mieux surpasser les autres dans la connaissance de ce qui est excellent que par l’étendue de mon pouvoir et de ma domination ». Comme Achille, Alexandre avait eu le choix entre une vie courte et glorieuse ou une longue et sans gloire. Il choisit la première.
NOTES 1. Athénée, XI, 76. A Thèbes se trouvait un des sanctuaires d’Amon. En Macédoine même se situait un célèbre oracle d’Amon, à Aphytis. 2. Saint Denys PAréopagite, Hiérarchie céleste XV, 8. « La forme du cheval indique l’obéissance et la docilité. Si l’animal est blanc, il signifie l’éclat le plus voisin de la lumière divine ; s’il est noir, l’arcane ; s’il est bai, la puissance et l’activité du feu ; s’il est pie, la capacité de servir de médiateur unitif entre les extrêmes et de joindre providentiellement tour à tour, le supérieur et l’inférieur et l’inférieur au supérieur. En Islam, la monture céleste du Prophète s’appelle Al-Bourâq signifiant l’Eclair.
3. René Guénon : Symboles fondamentaux de la Science sacrée, chapitre XLVII. 4. Aristote était disciple de Platon et était appelé par ce dernier « l’intelligence » de l’école qu’il dirigeait. Athénée, V. Du côté paternel, il descendait de la célèbre lignée de médecins qui faisaient remonter leur origine au dieu Asclépios (Esculape). 5. Plutarque : Alexandre le Grand. 6. Plotin : Ennéades I, vi, 7. 7. René Guénon : Initiation et réalisation spirituelle. Editions Traditionnelles, chapitre V, page 59, note 2. 8. René Guénon : Le Roi du Monde, page 90, note 1. 9. Pour un exposé complet voir René Guénon : Etudes sur l’Hindouisme, chapitre IV. 10. René Guénon : La Grande Triade, chapitre XXIII, page 192, note 2. 11. Par le rite de l’évocatio, chez les Romains, on engageait le dieu de la cité ennemie à abandonner celle-ci, en échange de quoi il aurait un temple et des offrandes supérieurs à Rome. 12. Signalons que Solon d’Athènes, Pythagore de Samos et Platon vinrent étudier en Egypte. 13. Nous citons la description d’un voyageur contemporain, Attilio Gaudio A travers l’Afrique Blanche. Julliard. 14. Plutarque, chapitre L. 15. Arrien : Vie d’Alexandre. 16. René Guénon : Symboles fondamentaux de la Science sacrée, chapitre- LXX. L’aigle pouvant regarder le soleil en face représente souvent l’intelligence intuitive ou la contemplation directe de la lumière intelligible. 17. Plutarque : chapitre LXi. 18. René Guénon : Symboles fondamentaux de la Science sacrée, chapitre XXVII. 19. René Guénon : Le Roi du Monde, chapitre VI, note 2. 20. René Guénon : Symboles fondamentaux de la Science sacrée, chapitre LI. 21. Le culte de Sérapis avait été institué à Alexandrie par les pharaons. Il sera désigné plus tard comme « l’Unique Zeus Sérapis ». 22. Plutarque : chapitre CXVII. 23. Plutarque : chapitre CXXIII.
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A PROPOS DE L’ISLAM
Les opinions qui prévalent sur l’Islam proviennent le plus souvent d’un mélange hétéroclite fondé à la fois sur les travaux des orientalistes et d’après les « avis autorisés » de journalistes spécialisés. Ces diverses personnes données pour compétentes, lorsqu’elles parlent de l’Islam, ne retransposent que la façon dont elles le conçoivent et par là même le déforment intentionnellement ou non. Le fait que certains résident depuis longtemps dans les pays dits « Musulmans » ou même y soient nés ne changeant en rien leurs interprétations superficielles. Les exceptions provenant de rares individus attirés et motivés par une véritable sincérité, celle du cœur, et non par mode ou curiosité ou encore pour satisfaire un quelconque « vague à l’âme ». Ceux-là ne doivent pas se laisser dévier lors d’approches avec des « occidentalisés » ou bien avec des groupes bornés et fanatiques faisant abondance de prosélytisme. Le rôle de ces manipulés est, à leur insu, de faire office de méchant épouvantail devant les foules occidentales horrifiées. Ceci servant aussi à constituer une barrière caricaturale et déformante de l’Islam. Si l’occidentalisation pénètre de plus en plus profondément dans les pays orientaux et si les masses de ces pays se trouvent à leur tour fascinées par le « miroir aux alouettes », il existe et il existera toujours un véritable Islam, le noyau étant éternel. Par analogie aux autres traditions, les temps actuels et leur désordre étaient prévus dans l’Islam et ce dès les origines '. Rien ne pouvant échapper au vouloir divin, ceci contribuant, malgré les apparences, à l’Ordre total. « De même que Nous avons procédé à la première Création Nous la recommencerons » (Coran XXI - 104). Il s’agira bien de la fin d’un monde, non du monde. Malgré cette « noire période », il ne convient pas de s’attacher à la perspective de la fin des temps. Ce qui doit s’accomplir s’accomplira. Le reste ne servant qu’a se perdre en « vaines conjectures ». Si certaines confréries musulmanes ont subi des dégénérescences, cela suit le cours inévitable des choses et certains « cheikhs », et ce malheureusement
pour les personnes ferventes qui les entourent, n’ont rien à leur apporter. Nous avons parlé de dégénérescence, mais ce terme n’étant pas synonyme de décomposition, les possibilités de rattachement valable sont encore possibles. L’Islam jouant le rôle providentiel d’« Arche de Noé » pour cette fin de cycle, « Pont » entre l’Orient et l’Occident. « Pont » providentiel pour l’Occident depuis la destruction de l’Ordre du Temple (ce qui explique pour l’essentiel la dénigration systématique du véritable Islam). Le terme de conversion est impropre et inadéquat. Celui qui recherche la lumière a besoin d’un flambeau et le moins que l’on en attende soit qu’il éclaire. Tout être est musulman, soumis au Principe par pleine acceptation, refus ou ignorance. Si René Guénon fut accusé de syncrétisme, voire d’hétérodoxie de par son entrée en Islam, ne soyons pas étonnés : il ne s’agit que du lot habituel de médisance de la part, pourrions-nous dire, des contre-initiateurs de service. « Les voilà les fauteurs de discorde, êtres psychiques, qui ne possèdent pas l’Esprit » (Epître de saint Jude 19). Allah guide qui II veut sur la voie droite. Il restera toujours, ne leur déplaise, des êtres de par leur constitution intérieure qui ne porteront aucun intérêt aux mascarades psychiques ou à l’exploration des bas-fonds psychanalytiques. L’Islam comporte deux aspects : l’un extérieur, exotérique (zâhir) et l’autre intérieur, ésotérique (bâtin)2. Pour un occidental, c’est l’aspect le plus extérieur et donc le plus visible qui se trouve mis en évidence. Dans une situation normale, l’extérieur (l’écorce) et l’intérieur (le noyau) sont en parfaite harmonie. L’aspect religieux et forcément limité commença à manifester dès les premiers temps de l’Islam une vive opposition aux représentants de l’ésotérisme, ceci menant jusqu’à des actes de violence nourrie par un puritanisme confessionnel et étroit. Les docteurs de la Loi (foqahâ) s’attaquent par là même à l’Esprit voulant l’étouffer par des interprétations tendancieuses. « Traitent de mensonges ce dont ils ne possèdent pas la science » Coran X, 39.
« Vous êtes de ceux qui argumentez sur une chose dont vous avez la science. Pourquoi donc argumentez-vous sur une chose dont vous ne savez rien ! (Coran III, 66)3. Le « pouvoir » religieux sombrant vers un pouvoir politique, fanatique. Cette prétendue légitimité s’abaissant au niveau profane se trouve dans l’obligation de recourir à la force ; d’employer les mêmes procédés issus du monde moderne, alors qu’elle est censée s’y opposer. Ceci ayant abouti pour l’Islam au même processus des Nationalités qui désagrégea la Chrétienté. Inévitablement la lettre sans l’Esprit se met au rang de ses adversaires. Un autre courant, celui des innovateurs (as-salafiyyah), relativement récent reprenant à bon compte les attaques des littéralistes contre les représentants de l’ésotérisme, prône une réforme de l’Islam pour l’adapter au monde moderne considérant le soufisme comme superstition. Ce dernier les empêchant d’effacer leur complexe d’infériorité vis-à-vis du monde « civilisé » et d’apporter à leurs compatriotes l’extase scientifique. L’adaptation devenant purement et simplement une dénaturation. « Et quand on leur dit : Ne causez pas de corruption sur la terre ils répondent : nous sommes seulement des réformateurs. En réalité sans le savoir ils sont les artisans de la corruption. » (Coran II, 10, 12.) Cette mise au point concerne tous ceux qui tentent de déformer l’Islam et n’en présentent qu’une caricature que leur dictent leur vanité et leurs ambitions. Ces fâcheuses individualités ne doivent pas faire oublier qu’il existe heureusement des docteurs de la Loi fort capables et intègres qui méritent le respect4. Les pratiques exotériques sont susceptibles des plus profondes « implications » métaphysiques. D’après un proverbe soufi « Rien n’empêche la réalisation du but que le fait d’avoir négligé les fondements » et par conséquent les piliers de l’Islam (arkân). Ceux-ci sont le double témoignage de la foi (shahâda), la prière canonique (çalat, cinq fois par jour), le jeune du Ramadan (çiyâm), la dîme (zakât) et le pèlerinage (hajj). La pratique régulière et sincère s’assimilant à l’arche de Noé. L’aspect intérieur, l’ésotérisme islamique habituellement désigné en
Occident comme le Soufisme5, est clairement désigné dans le Coran : « O vous qui croyez ! Craignez Allâh, et cherchez un moyen d’accès vers lui, et luttez sur Sa voie peut-être parviendrez- vous au succès » (Coran V, 35). « Certes, la prière empêche les trangressions passionnelles et les péchés graves, mais l’invocation d’Allâh est plus grande » (Coran XXIX,45). L’invocation étant le dhikr, le souvenir d’Allâh. René Guénon précise que « le dhikr qui dans l’ésotérisme islamique s’applique à des formules rythmées correspondant exactement aux mantras hindous, formules dont la répétition a pour but de produire une harmonisation des divers éléments de l’être, et de déterminer des vibrations susceptibles, par leur répercussion à travers les séries des états, en hiérarchie infinie d’ouvrir une communication avec les états supérieurs, ce qui est d’ailleurs d’une façon générale, la raison d’être essentielle et primordiale de tous les rites »6. Le dhikr al’am correspond à l’initiation virtuelle par la transmission de formules, établissant le rattachement à une « silsila » chaîne initiatique dont la lignée doit être sans défaut et remontant jusqu’au Prophète Muhammad. C’est le côté spéculatif, le sirr (secret spirituel) n’étant ou ne pouvant plus être transmis bien qu’il subsiste virtuellement (en germe). Cette voie « Tariq Et Tabbaruk » n’en véhiculant pas moins l’aspect potentiel à savoir la « Baraka ». Le côté opératif s’effectuant par la transmission du Cheikh au disciple du dhikr al khass, en l’occurrence la récitation d’un des noms divins, pour un temps déterminé et selon le degré de réalisation du disciple. C’est la voie du « Tariq Es-Sirr », la voie du secret spirituel. Dis « Appelez Allâh de quelque manière que vous l’invoquiez, à Lui sont les plus beaux noms » (Coran XVII, 110). Le dhikr ésotérique est assimilé à l’invocation du cœur, l’exotérique à celui de la langue. Le prophète Muhammad est considéré comme le « Sceau de la Prophétie ». Selon un hadith, l’Envoyé de Dieu a dit « J’étais un prophète alors qu’Adam était entre l’eau et l’argile ». Ceci est à rapprocher de la parole christique « En vérité, en vérité je vous le dis, avant qu’Abraham parût, je suis » (Saint-Jean 8, 158). La Science mohammédienne, en tant que synthèse totale, englobe les
autres sciences prophétiques1. Par là même, le Prophète est le « noyau » en tant que quintessence ésotérique. Si l’on découvre le noyau en dernier, il n’en est pas moins le premier créé. Les autres prophètes figurant en quelque sorte les enveloppes. L’être d’ailleurs portant en lui-même les prophètes à l’intérieur de lui. La localisation des prophètes correspondant aux centres subtils (les chakra dans l’Hindouisme). Le Prophète Muhammad se trouvant au centre du cœur de l’homme, il est le but vers lequel, tout d’abord, doit tendre tout croyant. Le Prophète est « l’Homme Universel » par excellence. Comme d’ailleurs pour les autres religions, l’opposition apparente entre le Christianisme et l’Islam ne se situe qu’au niveau religieux. L’incompréhension du littéralisme borné n’engendrant que fanatisme et atrocité. Seul le véritable ésotérisme est pur et par conséquent, l’Esprit est au-delà de toutes souillures. « Nous avons établi pour chaque nation des rites qu’elle suit » (Coran XXII, 66). « Nous avons donné à chacun d’entre eux une loi et une règle. Si Dieu l’avait voulu, Il aurait fait de nous une seule communauté. Mais II a voulu nous éprouver par le don qu’U nous a fait. Cherchez à vous surpasser les uns les autres dans les bonnes actions. Votre retour à tous se fera vers Dieu, Il vous éclairera, alors au sujet de vos divergences » (Coran V, 48). L’ésotérisme chrétien est inclus « dans l’Arche Islamique ». Les principaux prophètes en Islam sont au nombre de vingt-sept. Certains saints, de par leur identification à un prophète particulier (parfois à plusieurs) au cours du voyage initiatique, héritent donc de l’aspect de ce prophète ainsi que de la science correspondant à leur degré de réalisation ainsi que des charismes attribués traditionnellement à ce prophète. Dans le cas d’un saint de type christique « aïssawi », il s’opérera donc l’obtention de la science de sayyidunâ Aïssâ (Notre Seigneur Jésus) dont d’ailleurs le « Symbolisme de la Croix » est omniprésent. Celui que l’Islam appelle le cheikh al-Akbar (le plus grand des cheikhs) Muhyi-d-dîn Ibn’Arabi nous expose clairement ceci : « Quand tu entendras quelqu’un des gens de notre Voie, traiter des Lettres (Hurûf) et dire que telle “lettre” a tant de brasses ou d’empans
en “hauteur” et tant en “largeur” comme l’ont fait Al-Hallâj et d’autres, sache que par “hauteur” il veut dire sa vertu opérative dans le monde des esprits, et par “largeur” sa force opérative dans le monde des corps : la mesure mentionnée alors en est la caractéristique distinctive. Cette terminologie technique a été instituée par Hallaj.8 » Au vingtième siècle, un saint de type christique fut le Cheikh
]ésus donnant la vie à des oiseaux d’argile en vertu du « souffle » Rahmânien (Evangile
arabe de l'Enfance)
Ahmad al-Alawi, fondateur de la Tariqa Alawiyya9. A ce propos, il est utile de citer le témoignage du docteur Carret : « Ce qui me frappa de suite, fut sa ressemblance avec le visage sur lequel on a coutume de représenter le Christ. Ses vêtements si voisins sinon identiques de ceux que devait porter Jésus, le voile de très fin tissu blanc qui encadrait ses traits, son attitude enfin, tout concourait pour renforcer cette ressemblance. L’idée me vint à l’esprit que tel devait être le Christ recevant ses disciples, lorsqu’il habitait chez Marthe et Marie. » Le Cheikh, d’autre part, est l’auteur d’un traité : le Modèle Unique de la Pure Unicité (inhérent à la science des Lettres) dans lequel il démontre la signification ésotérique du point qui se trouve sous la lettre BA (B) dans la formule « Bismil-lâh R-Rahmân R-Rahîm » (“Au nom de Dieu, le Tout- Miséricordieux, le Très Miséricordieux”) ; ainsi que “la manifestation des évidences dans l’introduction des Principes”, cet ouvrage étant un rappel pour l’Occident désireux de découvrir une partie de l’Enseignement de Sayyiduna Aîssa. Il ne faudrait pas insinuer pour autant que le Cheikh était christianisé, à l’instar des Orientalistes, faisant force récupération du cas de Al-Hallâj. Pour clore ce chapitre, nous ne pouvons que conseiller la lecture ou la relecture toujours aussi profitable de René Guénon sur les Mystères de la lettre Nûn 10.
NOTES 1. Les ahadîth que nous citerons sont extraits du recueil d’El-Bokhâri (traduction de messieurs Houdas et Marçais). Adrien-Maisonneuve, Paris. Le hadîth.est une sentence, une parole du Prophète transmise en dehors du Coran par une chaîne d’intermédiaires connus. Il existe deux sortes d’ahâdith : le hadîth qudsî (sentence sacrée qui désigne une révélation directe où Dieu parle à la première personne par la bouche du Prophète et le hadîth nabawi (sentence prophétique) qui désigne une révélation indirecte où le Prophète parle en sa propre personne. Premier hadîth cité : LX. III, 3. « Ne vous ai-je pas annoncé au sujet de l’antéchrist un fait qu’aucun prophète n’avait signalé à son peuple ? Il est borgne et il apportera avec lui une image représentant le Paradis et une autre représentant l’Enfer. Et celle qu’il vous dira être
le Paradis sera l’Enfer. Je vous signale ce danger comme Noé l’avait signalé à son peuple. » . Deuxième hadîth cité : XCII, XXV, 2. Abou-Horaïra rapporte que l’Envoyé de Dieu a dit : « L’Heure dernière n’arrivera pas avant que deux personnages n’en viennent aux mains, et qu’un grand combat ne soit livré entre eux ; tous deux prêcheront la même chose. Elle n’arrivera pas avant que n’apparaissent de faux antéchrists au nombre . d’environ trente, qui tous prétendront être l’Envoyé de Dieu ; elle n’arrivera pas avant que la science n’ait disparu, que les troubles ne se soient multipliés, que la durée du jour ne se soit rapprochée de la durée de la nuit, que les troubles ne se manifestent et que le herdj, c’est-à-dire le meurtre, ne devienne fréquent ; elle n’arrivera pas avant que la richesse, devenue si grande parmi vous, ne déborde au point que l’on ne trouve plus personne qui accepte une aumône. Celui à qui on offrira une aumône dira à celui qui la lui offre : Je n’en ai pas besoin. Elle n’arrivera pas avant que les gens ne construisent des édifices d’une hauteur exagérée et que celui qui passera auprès d’une tombe ne dise : Plût à Dieu que je fusse à la place de celui qui est enterré ici. » • - « Elle n’arrivera pas avant que le soleil se lève à l’occident. Quand le soleil se lèvera ainsi, et que les peuples le verront, ils deviendront tous croyants mais leur foi ne leur sera alors d’aucune utilité s’ils n’ont pas cru auparavant ou s’ils n’ont, dans leur foi, accompli de bonnes œuvres. L’Heure dernière arrivera si subitement, que si deux hommes ont placé entre eux un vêtement pour que l’un d’eux l’achète, ils n’auront pas le temps de conclure leur marché, ni même de plier leur étoffe. L’Heure dernière arrivera si subitement que l’homme qui rapporte le lait de sa chamelle n’aura même pas le temps de le boire. L’Heure dernière arrivera si subitement que celui qui est en train de rendre étanche son bassin n’aura pas le temps de s’y abreuver. L’Heure dernière sera si soudaine, que celui qui sera en train de porter un mets à sa bouche n’aura pas le temps de le manger. » • 2. Selon El-Bokhâri, Abû Horaïrah (compagnon du Prophète) a dit : « J’ai gardé précieusement en ma mémoire, deux dépôts de connaissance que je reçus de l’Apôtre de Dieu. J’ai divulgué l’un, mais si je divulguais l’autre, vous me couperiez la gorge. » ^ Dans l’Evangile Apocryphe de Thomas. Ce dernier répondant aux questions de ses compagnons « Qu’est-ce que Jésus t’a dit ? » « Si je vous dis une seule des paroles qu’il m’a dites, vous prendriez des pierres et me les jetteriez, et un feu sortira des pierres et vous consumera ! » * 3. Saint Luc, 11, 52. « Malheur à vous légistes parce que vous avez enlevé la clé de la Science ! Vous mêmes n’êtes pas entrés et ceux qui voulaient entrer, vous les avez empêchés. » 4. Une fonction exotérique d’enseignement n’empêche nullement la même personne d’être par ailleurs un guide spirituel, les propos ésotériques n’ayant lieu, et ce pour des raisons d’opportunité, qu’entre les « gens du goût ». 5. Le terme soufisme est le terme habituellement employé, mais celui qui est entré dans la Voie est seulement « mutaçawwuf ». Le terme soufi ne s’appliquant légitimement qu’à celui ayant réalisé l’Identité Suprême (tel que le Yogi dans l’Hindouisme).
6. René Guénon : Symboles fondamentaux de la Science Sacrée, chapitre VII « le langage des oiseaux ». 7. Voir à ce sujet la Sagesse des Prophètes de Muhyi-d-dîn Ibn Arabi, traduction partielle de Titus Burckhardt. Albin-Michel. 8. Références islamiques du Symbolisme de la Croix et la Science propre à Jésus. Commentaire et traduction de Michel Vâlsan. Etudes Traditionnelles, 1971. 9. Le lecteur pourra se reporter avec profit à l’ouvrage de Monsieur Lings Un Saint Musulman du vingtième siècle. Etudes Traditionnelles. Il existait dès les années vingt une zaouïa des alaouïas à Paris (destinée exclusivement aux Arabes et aux Kabiles). M. Schuon, résidant à Paris, se rendit ensuite à Mostaganem pour prendre contact avec cette Tarîqa. René Guénon entretenait des relations épistolaires avec Monsieur Eugène Taillard, interprète judiciaire à Tunis, affilié à la Tarîqa Alawiyya. Il enverra d’ailleurs à Jean Reyor un article de ce dernier, pour le faire publier sous les pseudonymes de « Jaafar » ; la « Présence Divine à la lumière de Qurân ». (N" spécial sur le Soufisme du Voile d’Isis. Août-septembre 1934). 10.René Guénon : Symboles Fondamentaux de la Science Sacrée, Chapitre XXIII.
CONCLUSION
Nous voici au terme de notre ouvrage, nous avons tâché dans une modeste mesure de donner quelques aperçus sur les menées des forces antitraditionnelles, nous dirons simplement que les illusions ne peuvent longtemps faire illusion pour tout être qui refuse de consentir à la contre-vérité, qui use de tous les moyens possibles afin de s’attaquer aux âmes, de les égarer et de les entraîner dans l’abîme. Nous savons qu’il est rare, sinon impossible de n’être pas marqué même involontairement et superficiellement par les contingences et les diverses activités plus ou moins obligatoires du monde moderne à proprement parler « domaine de la bête », que ce soit en Occident ou en Orient. On peut d’ailleurs palabrer longtemps sur ce sujet et perdre ainsi de précieux instants de tranquillité et de paix en vue du seul but acceptable qui ne peut être que la recherche et la pratique de la « Voie ». Même si les réactions du milieu ambiant deviennent continuellement de plus en plus écrasantes et contraignantes. La contre-initiation semble la maîtresse du jeu, mais elle n’est qu’un pion sur l’Echiquier divin ; le reconnaître, même si cela est pénible, ne détermine ni un
sentiment de défaite, ni un fatalisme imprégné d’angoisse ; mais, tout au contraire, la volonté dans son sens supérieur, accompagnant une pure intention animée par la Foi, et, en ce cas, il ne peut être question de vaines interrogations, ni de discours sans fin. Ceux qui ne peuvent ou ne veulent malgré tout comprendre que le désordre est un engrais nécessaire à la floraison du nouvel et véritable Age d’or, se rebellent et font ainsi le jeu de l’adversaire. Nous avons employé le terme de pion, un pion prenant l’apparence d’une gigantesque tour toujours plus haute et projetant sans cesse davantage son ombre. La Miséricorde divine envoya celui qui allait symboliser le « Phare » de la Tradition, au milieu des ténèbres. On comprendra la formidable bénédiction dont est empreinte l’œuvre que transmit de la plus parfaite façon le Cheikh Abd al-Wâhid, puisque celle-ci est plus que jamais vivifiante et ce en dépit des manœuvres les plus incroyables pour tenter de stopper l’intérêt qu’elle suscite et les éveils qu’elle déclenche. Nous assistons aux phénomènes répétitifs de dénigrement, en passant par tous les stades de l’hypocrisie bien pensante et des manifestations de haine en s’évertuant à trouver des failles qui n’existent pas. Entre les conclusions fantaisistes ou les déformations malveillantes, nous dirons que l’Oeuvre doit être pleinement acceptée ou totalement refusée. On peut constater que les détracteurs ne manquent pas de se servir d’extraits « découpés » et commentés à leur manière ; mais pourquoi excluent-ils les passages de l’Oeuvre qui les concernent directement car leur façon d’agir et de penser sont pourtant clairement décrites dans celle-ci, mais la Vérité est un mot qui doit troubler leurs rêveries et résonner douloureusement dans leurs oreilles, ce qui est compréhensible puisqu’ils sont les serviteurs de l’inique. « C’est pourquoi je vous le dis, tout péché, tout blasphème sera remis aux hommes mais le blasphème contre l’Esprit ne sera pas remis » (Evangiles : Matthieu 12, 31). « Au jour du Jugement dernier, tout ceci apparaîtra et le
mystère sera alors dévoilé, pour la terreur de ceux qui l’auront bafoué ». Anne-Catherine Emmerich (les Mystères de lAncienne Alliance). « L’Autorité spirituelle... participe de l’éternité et de l’immortalité des principes et c’est pourquoi, dans tous les conflits qui mettent le pouvoir aux prises avec l’autorité spirituelle, on peut être assuré que, quelles que puissent être les apparences, c’est toujours celle-ci qui aura le dernier mot ». René Guénon (Autorité spirituelle et pouvoir temporel). « Ne dites pas de ceux qui sont tués dans le chemin de Dieu : “Ils sont morts ! ” Non ! Ils sont vivants, mais vous n’en avez pas conscience ». Coran II, 154.
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TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos ........................................................... 7 I Quelques éclaircissements .............. ............... ........... ............................................................. 8 II Les tours du Diable .................................................. ....................................................................................19 III L’Egypte (Soudan, Niger) ...................................... 31 IV Syrie........................................................................... 63 V Irak ...................................................... ................... 79 VI L’U.R.S.S. (le Chamanisme) .............. ........ ........... .................................................................... 117 VII La Contre-initiation en Occident .. ............. . ......... 139 VIII La mission divine d’Alexandre le Grand ............... 203
IX A propos de l’Islam ....................... ......................... 215 Conclusion ................................................................ 225 ACHEVÉ D’IMPRIMER EN AOUT 1990 SUR LES PRESSES DE L’IMPRIMERIE SZIKRA
90200 GIROMAGNY
IMPRIMÉ EN FRANCE
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