Jean Klein!! [PDF]

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Zitiervorschau

En ouverture

« Toute action s’accomplit totalement dans la connaissance. » Bhagavad-Gîtâ, IV, 33

« On ne peut jamais connaître la vie, on ne peut qu’être la vie. », dit Jean Klein. Les orateurs de la quête spirituelle se tiennent toujours aux confins de la pensée. Ils marchent perpétuellement sur le fil d’un rasoir. Ils sont toute ouverture d’esprit. Leurs paroles pointent vers une réalité dont aucun mot n’est capable de rendre compte. Nous sommes dirigés vers le Silence, la source originelle de toute conscience, notre seule et unique patrie. Comment alors, dans ces conditions en apparence extrêmes, est-il possible de « transmettre la lumière » ? Nita Klein nous conduit dans un espace où l’on découvre que le regard de la spiritualité, de la Non-Dualité, peut être d’une étonnante fécondité quand il se pose sur l’art du comédien. Voir comment Jean Klein dessine les rapports entre le personnage de théâtre et l’artiste qui doit lui donner vie est une véritable leçon de mise en scène, où c’est le personnage qui doit s’emparer du comédien, simple témoin, et non le comédien qui doit s’approprier le rôle.

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« Voyez clairement que votre personnage apparaît dans votre silence, dans votre tranquillité, dans votre absence ; il y surgit, il y meurt. Soyez immobile. » Concevoir, en effet, le personnage, c’est en soi-même le conditionner, lui imposer les projections d’une idée, c’est l’enfermer dans une image, et par là, c’est valider l’intervention du « moi » du comédien au détriment de l’apparition réelle du personnage venu des mots de l’auteur. On découvre alors qu’il n’est pas nécessaire de conceptualiser cette approche tactile de la vérité du personnage, pas plus qu’il n’est utile d’invoquer les grandes lignes de force philosophiques de l’investigation non-duelle de la réalité. Et c’est là que nous voyons à l’œuvre une dimension dont Jean Klein a souvent fait état dans ses entretiens : la capacité de transposer, comme en musique on peut transposer un thème dans la tonalité adaptée à la voix qui va le chanter ou à l’instrument qui va le jouer. Et c’est bien ce à quoi nous assistons lors de ces leçons de théâtre. Les grands thèmes philosophiques prennent naturellement le visage d’une exploration concrète de la relation entre le personnage et le comédien. La vacuité, émancipée de la structure psychologique, devient immédiatement l’espace où la création va déployer dans l’instant sa liberté naturelle. Le sans-forme permet la justesse de la forme. Aussi nous plaît-il de voir Jean Klein sous les traits d’un accordeur patient et confiant de l’instrument qu’est le corps, le véhicule de notre conscience. Et c’est au moment où l’être est à l’unisson de sa propre musique que le Maître s’efface devant le disciple. Alain Porte

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I Naître

« … Ma mère m’a mis au monde en 1912 à Berlin. La plus grande partie de la famille vivait à Brno, c’est là que j’ai grandi. C’était alors la Bohême. Chaque été j’allais à la ferme de mon grand-père, j’y montais à cheval, c’était aux environs de Brno. J’y étais très heureux ; mon grand-père jouait de l’alto, mes parents aimaient la musique, la sculpture, la peinture. Quand j’ai eu six ans mon oncle m’a fait cadeau d’une guitare et m’a appris à travailler, et quand j’ai eu sept ans mon père m’a donné mon premier violon, et j’en ai joué toute ma vie. J’aimais être seul avec la musique. Il y a toujours eu de la musique chez nous… » « …Tout repose sur l’idée que nous sommes nés et que ce quelque chose ou cette personne qui est née, finit par mourir. Naître n’est rien de plus que l’idée, une information. Si nous nous demandons « est-ce que je sais si je suis né ? » et que nous examinons cette question de plus près, nous voyons en effet, qu’une perception naît et meurt, mais nous ne pouvons pas affirmer « je suis né ».

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Qui ou qu’est-ce qui naît puis meurt ? Les manifestations de la vie apparaissent et disparaissent dans notre Conscience. Nous savons ce qu’est le temps, l’espace, une expérience. Comment pourrionsnous le savoir si nous ne connaissions également ce qui est en dehors du temps, de l’espace, et de l’expérience ? Pouvons-nous connaître le blanc sans faire référence au noir ? Connaissons-nous les ténèbres sans nous référer à la lumière ? Nous connaissons l’impermanence parce que d’une certaine manière nous «  connaissons  » la permanence. Cette permanence n’est pas une expérience dans le temps et dans l’espace, elle n’appartient pas à l’existence, l’existence se situe dans le temps et dans l’espace. Essentiellement ce n’est rien, et pourtant, d’une certaine manière nous nous référons très souvent à cette vacuité. Toutes les perceptions (dont notre corps fait partie) sont ressenties comme apparaissant et disparaissant dans la Conscience. Cette apparition-disparition est la véritable signification de la naissance et de la mort. Nous naissons chaque fois qu’une pensée ou une sensation apparaît, et nous mourons chaque fois que la pensée ou la sensation disparaît. Nous mourons chaque soir en nous endormant, et nous naissons chaque matin en nous éveillant. Nous devons nous accoutumer à cette mort, à ce lâcherprise du monde objectif. Nous devons nous demander, au plus profond de nous-même : « Qu’y a-t-il avant l’apparition de la pensée ? Qu’y a-t-il lorsqu’elle disparaît ? » Lorsque nous observons avec attention, nous découvrons non pas l’absence que nous escomptions mais une Présence, une Présence qui ne peut cependant « s’objectifier ». Elle est trop proche, au plus près de nous. Jusqu’à ce que nous découvrions, avant l’éveil du corps le matin, que nous sommes cette présence : la « Présence » est déjà là.

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Ce que nous sommes est au-delà du temps et de l’espace. C’est l’éveil de la vie, et cet éveil est notre réelle naissance. La naissance phénoménale n’est qu’un accident et le demeure aussi longtemps que notre nature réelle, notre naissance réelle, reste inexplorée. On ne peut jamais connaître ce qu’est la vie, on ne peut qu’être la vie, être ce qui connaît. En l’absence de « moi », il y a seulement la vie. Ici, maintenant, dans l’instant même. »1

1. Le Grand Oubli, Revue 3e Millénaire, n° 17, automne 1990, page 14.

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