Jean Carteret - Politica Hermetica N°2 1988 [PDF]

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Zitiervorschau

UN ÉVEILLEUR : JEAN CARTERET

Esquisser une biographie de Jean Carteret, voire tenter de suggérer en quelques lignes une synthèse de sα pensée et de son oeuvre, paraît relever du paradoxe, sinon du contre-sens. Parlant peu de lui-même, de ses rencontres et de ses expériences les plus marquantes, considérées comme anecdotiques, purement individuelles et donc sans importance quand elles ne servaient pas à illustrer l'idée du moment, Jean Carteret n'a pas non plus laissé derrière lui, à quelques exceptions près, de ces oeuvres écrites permettant de repérer aisément sources et étapes d'une évolution intellectuelle. Divers témoignages directs aideront cependant à restituer, fragmentairement, les facettes d'un tempérament essentiellement oral, peu soucieux de s'enfermer ni de se répéter dans une rouvre construite selon les genres en vigueur. Né le 27 mars 1906 à Charleville, patrie de Rimbaud dont il a bien des traits, Jean Carteret, fils d'un industriel qui s'installa ensuite à Nancy, fit ses études au collège de cette ville, puis au conservatoire dans la classe de violon, Contrarié dans sα vocation musicale par son pére à l'âge de seize ans, il est envoyé à Lyon en stage de formation commerciale dans une chemiserie en vue de travailler avec son père puis lui succéder. Conséquence de sa vocation contrariée, une grave crise psychologique . il entre l'amène à quitter Lyon au bout d'un an. Arrivé à Paris en 1926, alors en relation aveu des représentants du mouvement surréaliste qui le marquera profondément. Avant d'abandonner définitivement ses activités commerciales en 1928 et de commencer des études de psychologie à la Sorbonne en 1929, Jean Carteret approfondit ses intérêts, surgis au moment de la crise de 1924 et révélés par elle, en matière de graphologie et de typologie. En réaction contre une graphologie trop humaniste, il élargit le champ de cette discipline en y incluant la relation de l'homme non seulement avec son milieu mais avec le monde. Sa maîtrise en cet art se révéla dans les nouveaux principes qu'il dégagea pour relier l'étude du geste, dans son rapport avec le corps, à la forme linéaire, Parallèlement, J. Carteret travaille à l'élaboration d'une phénoménologie du costume et du geste dans leur signification psycho-sociologique, qu'un ouvrage en collaboration pour les éditions Grasset, malheureusement jamais paru, devait illustrer. Méthodique et rigoureuse, l'observation visant à .dégager la signification psychologique des attitudes corporelles et leurs rapports avec le vêtement ou avec l'objet n'avait, contrairement aux apparences, aucun caractère de «voyance » mais renouait avec les principes plus anciens de

l'analogie. C'est dans cet ordre de préoccupations qu'il anime à la Sorbonne de 1935 à 1938 un groupe d'études psychologiques ouvert au public, en collaboration avec son ami le docteur Roger Frétigny, qui devait s'intéresser plus tard à l'imagerie mentale dans l'onirothérapie. Il avait également fait partie des groupes de recherches métapsychiques qui fonderont avant la guerre l'Institut du même nom. En 1937, Jean Carteret se trouve déjà en relation avec le père de l'école française de psychanalyse René Allendy, historien de Paracelse, et donne à « Idées et tendances nouvelles » une conférence notée par la romancière Anaïs Nin, patiente d'Otto Rank et amie de Henry Miller. D'Allendy que J. Carteret rejoindra à Montpellier en juin 1941, celui-ci se reconnaîtra toujours le « fils spirituel ». Son analyse avec Allendy fut cependant interrompue peu après par la mort de ce dernier. Au nombre des sources intellectuelles également repérables avant la guerre, figure celle, non négligeable, de Vivian Du Mas, l'auteur d'un Schéma de l'archétype social. Le livre des principes de l'harmonie sociale (Paris, s.d.), dont le « collège des élites » mettait en pratique des conceptions de type rousseauïste et naturiste annonciatrices des mouvements de libération hippies d'après-guerre. L'un des axes les plus durables de la recherche de Jean Carteret reste sans aucun doute l'astrologie qu'il aborde en 1928 et pratique pendant plus de quarante ans, selon les mêmes méthodes et les mêmes principes à l'ceuvre dans sa typologie, sa phénoménologie du costume ou dans son maniement de la graphologie. Dans son langage propre, il y transpose les intuitions paracelsiennes et dénonce les justifications faussement scientifiques données par certains à ce mode de connaissance (il est de l'ordre du langage et ne relève pas de la matérialité des faits physiques) pour parvenir à le sauver dans le contexte scientiste contemporain. C'est dans les groupes surréalistes dont il fait partie vers le milieu des années 30 (il fête à la Sorbonne en 1937 le vingtième anniversaire du dadaïsme) que s'épanouira sa recherche en ce domaine, stimulée par de brillants interlocuteurs : son ami suisse, astrologue et occultiste, Conrad Moricand (l'auteur du Miroir d'astrologie, contenant les portraits astrologiques de Picasso, P.-J. Jouve et Max Jacob) que dépeignit Henry Miller dans Un diable au paradis ; André Breton avec qui il entretint des relations dès 1936. Sur les positions astrologiques de ce dernier, J. Carteret publia en 1968 un article dans L'Astrologue (n° 4), qui reprenait une parution antérieure dans Astrologie moderne n° 12 (1954), bulletin peu accessible du Centre international d'astrologie. Dans le cadre de ce Centre, il exposait deux fois par mois régulièrement de 1945 à 1965 les résultats de ses travaux. Certaines de ses conférences ou de ses interventions, toujours très remarquées, ont fait l'objet d'enregistrements ou de publications, notamment son Analogie de la dialectique Uranus-Neptune du 23 juin 1950 (éd. Section psychologique du CIA, réédité en 1974 et en 1981). Ce furent encore ses intérêts astrologiques qui motivèrent des relations épistolaires avec C.G. Jung dont il consigna les vues en la matière dans le numéro cité d'Astrologie moderne, reprises dans la revue La Tour Saint-Jacques n° 4 (1956). Plus tard parurent enfin deux textes, « L'homme dans le monde » et « Astrologie » dans Horizons du fantastique N° 20 (1972) J. Carteret fit école, mais point toujours avec gratitude ; toutefois l'astrologue A. Barbai* reconnut çà et là, dans son Traité pratique dastrologie (1961) et dans quelques opuscules consacrés aux différents signes du zodiaque, une dette qui fui de l'ait très importante. Enfin. une notice nécrologique parue dans t'Astrologue n' Si

(1980) salua son rôle déterminant dans le renouveau de cette discipline. Explorateur, J. Carteret le fut aussi au sens propre du terme. A partir de 1933, il effectua, chaque année cinq mois durant, de grands voyages solitaires, avec peu de moyens, à une époque où ce mode de déplacement n'avait pas encore cours. Cherchant à vivre entièrement la vie quotidienne des autochtones, jusque dans leur costume, il note significativement à propos du Maroc en novembre 1937: « Au Maroc, on se fond dans l'universel, on se perd dans les autres.» Le séjour de dix mois en Laponie (1937-1938), « le monastère en dehors », joua pour lui, de loin, le rôle le plus exceptionnel, celui fulgurant d'une « nouvelle naissance », au sens mystique d'un nouveau rapport au monde dans une unification intérieure. Expérience d'un autre type, qui revêtit également la forme d'une révélation, un séjour de trois mois en prison à Montpellier en 1942 pour des menées anti-fascistes fut l'occasion d'une prise de conscience révolutionnaire aiguë, sous l'influence d'un co-détenu communiste, qui le fit passer du plan politique, qui était le sien avant la guerre, au plan social. Bien qu'il eût gagné depuis lors la conviction que le capitalisme ne pouvait être accepté sans mauvaise foi (« il n'y a pas de bons patrons »), il ne se rallia pourtant jamais au marxisme théorique dont le matérialisme scientifique lui paraissait une impasse. La clef de sa pensée sociale est à trouver plutôt dans l'idée judéo-chrétienne de justice et dans la conception paulinienne de la charité dont la triple dimension résume le cosmos et la vie même. S'affirmant volontiers chrétien, sous l'influence initiale de sa mère et de sa tante, mais retrouvée par la suite au second degré, puis sous celle d'un pasteur protestant rencontré assez longuement en Laponie, à qui il dut en partie ses connaissances en théologie, Jean Carteret refusait le pessimisme des conceptions cycliques de l'Histoire dans la pensée indienne ou chez René Guénon. S'il reconnaissait la pertinence des analyses de ce dernier sur « le monde de la quantité », il n'en considérait pas moins que « l'Histoire passe à travers la quantité » réservant le triomphe de la qualité quand l'humanité se réveillerait intelligente. Il ne se borne cependant pas à reproduire du christianisme la foi optimiste dans la temporalité, partagée par toute une tradition évolutionniste dont Teilhard de Chardin et Sri Aurobindo sont chacun à sa manière les représentants les plus caractéristiques à la même époque. Si pour Carteret tout est grâce et « va quelque part », la fin de l'Histoire ne se situe pas seulement dans les lendemains qui chantent, dans une dimension événementielle et matérielle : le temps est également celui de la parousie que chacun peut trouver à chaque instant. Les intuitions des mystiques rhénans, qu'il aimait citer ainsi qu'une christologie élaborée et vivante au sens où l'humanité-personne constitue le corps mystique du Christ, rendent compte à deux niveaux différents de son prophétisme. Cette vision globale de l'Histoire (dont offrait un premier aperçu son,court article sur « Judaïsme et christianisme dans leur devenir » paru dans La Tour Saint-Jacques, n° 9 (1957), suivi d'une réponse du P. J. Daniélou) explique son opposition aux groupuscules ésotériques et autres phalanstères qui prétendent construire des paradis marginaux, seule étant exceptée la communauté monastique moyeu immobile de la roue du monde. Ainsi, la pensée politico-sociale de Carteret, inséparable de son substrat métaphysique, se situe par-delà tous les systèmes connus et ce n'est point un hasard si elle trouva dans'les thèmes des mouvements de mai 1968 un nouvel aliment et