JDR Mag N°62 Été 2023 [PDF]

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Zitiervorschau

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JEUDERÔLE MAGAZINE N062 | ÉTÉ 2023 | SCÉNARIOS : DONJONS & CIE, QUANTIQUES, IRON KINGDOMS...

JEUDERÔLE N 62 MAGAZINE

62

ÉTÉ 2023 | 14,90 €

JEUDERÔLE MAGAZINE DOSSIER Tendance des FP 2023

SCÉNARIOS Donjons & Cie Quantiques Iron Kingdoms

QUANTIQUES

titam-france.fr

t i am

EN BOUTIQUE À LA RENTRÉE !

ISBN : 979-10-90160-27-9 n° 62 - 14,90 €

UN OVNI DANS LA GALAXIE

RETOUR SUR :

CATS ! LA MASCARADE / OKIMBA / QUANTIQUES / LOGOS / HUNTER : LE JUGEMENT...

INSPI La guerre des clans

ENTRETIENS Damien Coltice Vincent Mathieu Xavier Brault

E UN N I R I ASP T ÉCRIREJEU

N E E D M O M I O C CÉNAR LE ? S DE RÔ

MICHAEL MOORCOCK’S

JEUDE RÔLE MAGAZINE

AUTOMNE 2023 DANS LE PROCHAIN NUMÉRO : DOSSIER : CYBER TODAY ON Y AURA (ENFIN) JOUÉ ? TRIBUTE, MALÉFICES, WÜRM SAGA, AGAINST THE DARK MASTER... DES SCÉNARIOS : D & D, LES HÉRITIERS, MEDIUM ÆVUM...

L’île des cités pourpres

ASPIRINE : RPG ET JDR : MÊME COMBAT ?

ET DES TAS D’AUTRES ARTICLES DONT ON NE PEUT PAS ENCORE VOUS PARLER. https://titam-france.fr

EDITO

D

JEUDE RÔLE

epuis le début de l’année, le petit monde du jeu de société a vu plusieurs sociétés mettre la clé sous la porte. Parmi celles qui ont résisté, on compte évidemment celles qui se distribuent elles-mêmes. La raison en est simple : leur marge est plus importante (~ 54-60 % contre ~ 39-42 % pour une simple maison d’édition, mais que 30 % pour un studio intégré à un distributeur). Ce n’est sûrement pas la seule. La distribution de jeu est un marché opaque pour ses éditeurs. Les chiffres des écoulements sont en effet jalousement tenus secrets par les distributeurs quand ils sont accessibles sur d’autres secteurs culturels. Les distributeurs façonnent donc le marché main dans la main avec les boutiques de jeux spécialisés, les premiers clients. En effet, contrairement à d’autres productions culturelles, le monde du jeu n’est pas un marché non faussé de l’offre pour les consommateurs-joueurs. Les points de vente, qui sont un peu comme les bistrots de nos aïeuls, achètent leur stock pour le revendre quand d’autres espaces de vente reçoivent des stocks, touchent ~ 33 % du prix de vente et renvoient les invendus aux distributeurs. Mais… Pour combien de temps encore ? Les libraires s’intéressent en effet peu à peu aux jeux de rôle et autres story games. Elles sont habituées aux « retours » et au 33 % de marge. D’ici que le monde change, les artisans du JdR tirent leur épingle du jeu et attirent même de nouveaux entrepreneurs de l’internet participatif. Les opérations se multiplient aussi vite que les sauterelles. Des actual play donnent lieu à des dérivés, voire sont commandés pour lancer de nouveaux jeux. Cependant, si nos artisans du JdR résistent, ils ont besoin de notre engagement pour faire face au nouveau coût du papier et du carton, sans parler de celui de l’énergie nécessaire pour imprimer, alors que l’inflation menace de muer en une violente stagflation. Heureusement, le JdR est souvent un livre. Il est donc protégé par la Loi Lang. Bon nombre d’entre eux, déjà imprimés, ne verront donc pas leur prix augmenter. Et le numérique permet désormais de se procurer des jeux à moindre coût qu’un Beau Livre. Des Beaux Livres, oui, car c’est ce que sont devenus ces ouvrages, des illustrés au prix plutôt élevé.

Sébastien Célerin

MAGAZINE

Jeu de Rôle Magazine est publié par Titam, 95 rue Sedaine, 75011 Paris. N0 62, été 2023. Direction de la publication : Jean-Luc Boukhari Président d’honneur : Guillaume Besançon Direction artistique : Sébastien Lhotel Rédacteur en chef : Sébastien Célerin Secrétaire de rédaction : Nicolas Bernard Relecture : Ludovic Chevalier et Nicolas Dausse Fabrication : centSucres Couverture : Tous droits réservés © Nice Creadream. Ont collaboré à ce numéro : Nicolas Bernard, Vincent Blanchard, Xavier Brault, David Camus, Damien Coltice, Pierre-Olivier Cervesi, David Chapoulet, Arnaud Cuidet, Marie-Charlotte Damasco, Nadège « Miss Mopi » Debray, Éric Dédalus, Didone, Guillaume Follet, Antoine Jaqueton, Pierre Le Pivain, Rémy Lucot, Florent Martin, Vincent Matthieu, Mano Quante et Nicolas Tauzin. Contact : http://titam-france.fr/contact/ ou sur notre page Facebook : www.facebook.com/JDR.magazine Imprimerie : Imprimé chez Jouve Print à Mayenne (France) Diffusion Presse : Novalis Games Diffusion Boutique de jeux : Novalis, 91 rue Tabuteau, BP 245, 78532 Buc Cedex. Il faut demander Lionel au 01 84 73 09 21 ou via [email protected]. Toutes les illustrations sont ® leurs auteurs et éditeurs. Les manuscrits et illustrations non-sollicités ne sont pas renvoyés. Toutes les illustrations originales et les noms des produits mentionnés sont la propriété pleine et entière de leurs auteurs et éditeurs respectifs. Toute reproduction ou diffusion, même partielle, est interdite sans accord écrit de leur éditeur. Certificat d’inscription CPPAP : 0223K89640 Dépôt légal : à parution

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NOTULES LUDIQUES 5 NOTULES LUDIQUES

DOSSIER

16 DOSSIER 16 Tendance des financement participatifs

18 ENTRETIEN

ENTRETIEN

18 Rencontre avec Damien Coltice 50 Rencontre avec Vincent Mathieu 60 Rencontre avec Xavier Brault

26 ON Y A JOUÉ, ON A AIMÉ !

ON Y A JOUÉ, ON A AIMÉ !

26 Hunter : le Jugement 31 Quantiques 36 Logos 46 Cats ! La Mascarade 55 Okimba

SCÉNARIOS & AIDES DE JEU

4| Jeu de rôle magazine n°62 - Été 2023

14 Billets d’humeur

62 SCÉNARIOS & AIDES DE JEU 62 Scénario Iron Kingdoms : Aucune lueur dans les abysses 74 Scénario Donjon et Cie : Les doigts dans le nez 84 Scénario Quantiques : En veine…

INSPIRATIONS

94 INSPIRATIONS 94 Expo : La haine des clans 100 Roman Quand l’écrit se met au service de l’immersion

102 ASPIRINE

ASPIRINE

102 Comment écrire un scénario de jeu de rôle ? 110 Se battre encore et toujours

114 VOUS ENTREZ DANS UNE AUBERGE 114 Ep. 13 - L’épisode à ne pas lire car il porte malheur

Bonne nouvelle pour les fans de Rôle’n’Play, l’actuelle précommande participative pour Shadowrun 6 et Shadowrun Anarchy est accompagné de quatre épisodes hors-séries joués en version Anarchy depuis le 20 juin. L’intrigue s’inscrit dans le cadre des suppléments récents (Seattle, Cité d’émeraude et Jeux de pouvoir notamment). Elle se concentre sur une rivalité entre corpos à Seattle et sa tristement célèbre arcologie. Du pur bonheur pour les runners ! Pour détailler la France, BBE a commandé à des auteurs tricolores deux suppléments : • Anarchistes de Mathieu Thivin rassemblera tout ce qui fait la richesse de Shadowrun et qui manquait à Shadowrun Anarchy. Le Sixième Monde y sera davantage détaillé : métatypes, alchimie, esprits, secrets de la Matrice et la mystérieuse Résonance. • La France des Ombres décrira la France deux ans après la Néo-Révolution. Ce supplément fera le tour de l’Hexagone, décrivant les conflits internes à la Bretagne, les règlements

de compte entre organisations criminelles marseillaises, les manigances de la Loge Noire auvergnate et les tribulations des derniers restes de l’oligarchie niçoise, sans oublier la description détaillée de l’enclave corporatiste de Lille. À cela, une kyrielle d’aventures est ajoutée. C’est le collectif Ombres Portées 2.0, autour de Romain Pelisse, qui s’est attelé à l’écriture de La France des Ombres qui deviendra sans doute un classique. Compatible pour les deux éditions de Shadowrun.

Un troisième supplément est en traduction : Vise juste. Conçu par des runners pour des runners, il compile des conseils dans tout un tas de domaines, des opérations clandestines aux escroqueries de haut vol, en passant par le fait de ne pas flamber le fruit d’un gros coup. Il est compatible pour les deux versions du jeu.

NOTULES LUDIQUES

LA FRANCE EN RÉALITÉ AUGMENTÉE

https://www.gameontabletop.com/ cf1431/shadowrun-supplements-sr6anarchy.html

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NOTULES LUDIQUES

SEULES LES LÉGENDES PERMETTENT DE PERPÉTUER CE QUE LA NATURE CONDAMNE. L’écrivain Alain T. Puysségur ne cesse de nous surprendre par sa connaissance de l’univers du Witcher, qu’il participe à étendre en francophonie. Cette fois, il nous propose un fac-similé pour ainsi dire, une grosse aide de jeu comme on croyait seuls les Anglo-Saxons capables : Le Manuel du Sorceleur, ou plutôt de l’apprenti sorceleur ! Cet ouvrage ne laisse rien au hasard : potions, signes magiques, entraînement et épreuve des Herbes, tout y est détaillé et magnifiquement illustré par Mathilde Marlot (que l’on reconnaît depuis les suppléments de la nouvelle édition de Wastburg, ainsi que pour de nombreux autres univers, notamment au sein de Casus Belli). Riche et didactique, leur livre narre l’histoire des premiers elfes, l’arrivée des hommes ou encore la Conjonction des sphères. Ses qualités en font une œuvre incontournable de votre bibliothèque rôliste.

BÉNIS OU DAMNÉS ? Les XII Singes jouent avec le feu de l’enfer avec une nouvelle campagne d’horreur contemporaine : Arcane XV. Ce jeu sera accompagné d’un jeu de tarot original à plus d’un titre. Les lames magnifiquement illustrées serviront non seulement les règles du jeu (inspirées de celui du mythique Miles Christi) mais également d’aides de jeu. En effet, les indices à la bonne résolution de l’intrigue sont finement glissés dans les représentations. Les joueurs incarnent de jeunes espoirs du cinéma à qui est proposé le casting de leur vie. Les lames de tarot qui reçues en guise de convocation leur procurent des capacités hors du commun. Et elles attisent la convoitise de factions très déterminées. Entre La Neuvième Porte et Angel Heart, l’ambiance d’Arcane XV se veut proche de celles des œuvres citées : angoissante, horrifique et onirique. En précommande participative sur gameontabletop.com du 27 juin au 11 juillet.

6| Jeu de rôle magazine n°62 - Été 2023

LE RENOUVEAU DE WITHIN

Surprise ! Le JdR d’horreur contemporaine de Benoît Attinost revient avec trois suppléments : La Fondation Mercurius (une aide de jeu sur cette organisation et 3 scénarios), Tableau de chasse : Kath (grand scénario aux origines de l’univers de Within déjà sorti mais désormais réédité) et Urban Legends : Detroit (la description de la ville, de nombreuses accroches et 2 scénarios de Fabien Fernandez). Le financement… À voir

FLASH GORDON LE HÉROS DE L’UNIVERS

RUMEURS DE TAVERNES Cocorico Vermin 2047 : Survival Kit (la version anglaise du kit d’initiation de Vermine 2047) et Creatures : Netherworld (aussi connu sous le nom de Créatures 2 pour Dragons) sont nommés aux UK Game Expo Award. Bonne chance à l’équipe Agate Studio !

Édition augmentée d’INS/MV In Nomine Satanis / Magna Veritas : Génération perdue avait surpris plusieurs acquéreurs (rupture dans la timeline de la gamme, envie assumée de se détourner des anciennes éditions). Ce nouveau jeu a également conquis de nombreux nouveaux joueurs. Raise Dead Éditions préparerait une réédition, augmentée, de la boîte de base.

Les Éditions du Troisième Œil adaptent en JdR Flash Gordon. Ce JdR haut en couleur sera développé autour d’une campagne épique. L’écriture est terminée. La maquette quasi-bouclée. Le financement participatif aura donc un délai de livraison très court. Par ailleurs, Yuigahama Bad Seeds, le jeu de voyous japonais, est sorti récemment en boutique, après Against The Darkmaster (la vrai-fausse réédition de JRTM d100). La réimpression de l’écran de ce dernier arrive également pour l’été.

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NOTULES LUDIQUES

VOUS REPRENDREZ BIEN UN PEU D’ABSINTHE Après les jolis succès qu’ont été Dominion : Jeux de pouvoir et Maisons nobles et Sig : La Cité des Lames, Khelren prévoit deux nouveaux projets alléchants : • Cet été devrait sortir Magus est la version française de The Magus. Il s’agit d’un JdR solo (parfait pour la saison estival) dans lequel on incarne un magicien dont l’ambition n’aura de cesse de le mener à sa perte, ou provoquer un cataclysme ! Jouer avec des forces obscures comprend des risques ! Tout au long d’une partie, le magicien crée des liens avec des PNJ et apprend des sorts ; le joueur rédige son histoire dans une sorte de journal intime. • La traduction de Through the Looking Glass est également au programme. Ce supplément rajoute des événements différents, avec des thèmes cette fois centrés sur les réalités alternatives et les anomalies temporelles. • Devrait suivre le curieux et intriguant Monster Care Squad. Ce jeu propose d’incarner un groupe de spécialistes qui soignent les gardiens du monde d’Ald-Amura, c’est-à-dire des monstres majestueux et parfois colossaux. Il reprend les mécaniques des jeux Propulsés par l’Apocalypse et apparaît idéal pour jouer en famille.

SHAAN 2.0 Shaan arrive sur Foundry VTT. Les développeurs prévoient un module gratuit contenant tout ce qu’il y a sur le site (c’est-à-dire beaucoup, beaucoup de choses). Plus tard devraient suivre des campagnes, éventuellement payantes. Que du bon pour les amateurs de jeu en ligne. Parallèlement, le travail sur les suppléments annoncés se poursuit. On attend notamment le Manuel d’influence qui permettra de jouer au niveau politique.

8| Jeu de rôle magazine n°62 - Été 2023

DES NOUVELLES DE LA BRUME

Le très bon City of Mist est sorti en boutique depuis quelques semaines, mais le travail des Barbu Inc, ne s’arrête pas là, puisque, pour la suite, Shadows & Showdowns (supplément de contexte et dévoilant les secrets de la Brume) est parti à la maquette début mai ! Tout comme Nights of Payne Town (supplément de campagne) qui est à la maquette en ce moment. Tout ça pour organiser un financement sur GameOn pour le mois de septembre avec tout le matos prêt pour livrer les contributeurs avant la fin 2023 ¡ándale!

NOTRE MAISON BRÛLE, ET NOUS REGARDONS… AILLEURS ?

RUMEURS DE TAVERNES Magie, magie… Nos héritiers ont du génie Les magiciens sont rares dans le monde des Héritiers. Les nécromanciens, druides ou autres faéromanciens (qui se nourrissent d’organes d’êtres féeriques pour acquérir leurs pouvoirs) sont essentiellement des PNJ. Vous découvrirez tous les secrets des magies et de nombreuses accroches de scénario dans le prochain supplément de cette gamme. Celui-ci contiendra en outre les règles pour permettre à vos PJ de s’initier aux mystères de la magie.

L’expansion Au-delà des Anneaux pour The Expanse est disponible en pack précommande (PDDF immédiat et livre plus tard) sur le site de Black Book Éditions. De quoi étendre la zone de jeu après la lecture des Vaisseaux de The Expanse tout juste sorti. Aux armes beltalowda !

À peine annoncé dans la langue de Shakespeare, Arkhane Asylum Publishing prend sa forme crinos et hurle à la lune son désir de sortir la v5 de Loup-Garou avant la fin de l’année… Oui, oui… 2023 ! Affûtez vos griffes et vos crocs, les serviteurs du Ver ne manquent pas à notre Belle Époque post-moderne. Tout comme Vampire La Mascarade, Werewolf L’Apocalypse V5 (titre en franglais please), devrait connaître de nombreux petits changements d’univers et de règles. Vampire avait su séduire les fans de la première heure et les noobs. En sera-t-il de même pour les bêtes à poils ?

DE NOUVEAUX MALÉFICES ? Un de nos espions a participé aux Carrousel des Maléfices (convention autour du jeu Maléfices). Il a pu y entendre certaines des intrigantes. Deux scénarios emblématiques du jeu qui sent le soufre seraient en réédition : Le Dompteur de volcans et La musique adoucit les meurtres. Le Club Pythagore, supplément annoncé lors du financement participatif de la quatrième édition, Le Guide de la France Maléficieuse et Le Carrousel des Maléfices (contenant deux scénarios des Carrousels des Maléfices) sont en approche. Concernant ce dernier, ce supplément pourrait initieé une collection dédiée aux créations de la fameuse convention.

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NOTULES LUDIQUES

POUR ROME !

Les livraisons aux souscripteurs des suppléments Rome, Magna Germania et Septimontium pour Imperator devraient arriver en boutiques d’ici la fin de l’année. Le jeu de Bruno Guérin s’installe comme un classique du JdR français, tout comme son aîné : Antika. Signalons que JdR Éditions sort également, avec une régularité exemplaire ses Chroniques des Terres-Dragons. Ces fascicules peu onéreux en sont au sixième ce mois de juin. Intitulé Une Cage dorée, il contient un scénario qui s’adresse à des personnages de niveau 6 à 10. Disponible dans toutes les bonnes boutiques et sur le site www.JdReditions.com.

UNE SECONDE ÉDITION POUR C.O. Qui ne connaît pas Chroniques Oubliées, le jeu étendard de Black Book ? Ce dérivé, maintenant très éloigné de la 3.5 de D&D, reviendra en précommande participative pour sa seconde édition. Les règles déjà bien rodées sont affinées et éclaircies. Au cours de la même opération, leur univers sera actualisé grâce au supplément Atlas des Terres d’Osgild. Rendez-vous le 29 août 2023 sur leur plateforme : www.gameontabletop.com.

DES BARBUS AFFAIRÉS ! Si vous croyez que les Barbu se limitent à travailler sur City Of Myst, vous avez tout faux. Ils ont, par exemple, signé la traduction de Ruthless Blade, Righteous Blood, un jeu de rôle d’aventures dans lequel on incarne des wuxia, des spécialistes des arts martiaux dans la Chine ancienne. Castagne et cascades aériennes en vue. Les Barbus préparent également un projet secret avec Fabien Fernandez et Julien Delval. Rendezvous en 2024 pour en savoir plus. Enfin, ils continuent de développer la gamme Spire avec la traduction des petits suppléments Eidolon Sky, Kings of Silver et Shadows Operation, qui seront proposés à la vente uniquement en pdf.

10| Jeu de rôle magazine n°62 - Été 2023

RUMEURS DE TAVERNES

POUR TOUS LES ENFANTS

Démos en boutique et en assos

Tikokh prépare un nouveau projet au sein de son Galion Fringant. Après le Okimba, il proposera une précommande participative www.gameontabletop.com dans les jours qui viennent. Il accueille dans son studio Jérémy Macedo, un dessinateur de personnages dans le monde du dessin animé. Ce dernier a de nombreux projets dont le premier est Le jeu des 7 familles étranges, avec des zombies, des pirates, des fantômes, des sorciers, des poupées vaudoues, etc. Imprimé sur des grandes cartes (format tarot), on apprécie le soin et les détails donnés aux illustrations ! Une belle idée cadeau !

Durant tout le mois de juin 2023, les boutiques et les associations partenaires du Studio Agate vous permettront de tester et découvrir Iron Kingdoms: Requiem ainsi que le Prix de l’arrogance, une campagne pour 7e Mer, à travers toute la France. Ces animations célèbrent la parution de ces deux ouvrages.

Après les flamants roses, le flamenco

JAMAIS DEUX SANS TROIS

Dans la gamme Hawkmoon du Département des Sombres Projets, le supplément sur l’Espanyia est arrivé dans les boutiques. Il clôt les Chroniques européanes. À vous les paysages ibériques ravagés par l’Empire Ténébreux des Granbretons !

Après les boîtes d’initiation au JdR Elfes et Nains, les Terres d’Arran auront une boîte Orcs & Gobelins. Cette précommande participative permettra d’acquérir également la campagne Chroniques des Terres mortes. Toujours motorisés par les Chroniques Oubliées, ces jeux ont trouvé leur public, dépassant les simples fans des BD. La qualité BBE sera encore au rendez-vous : aide de jeu, plans et sans doute pions illustrés.

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NOTULES LUDIQUES

L’ENFER ARRIVE

Dante’s Inferno, le jeu de rôle de l’équipe de brigands ayant déjà créé Brancalonia, est en cours de traduction chez Agate Studio. D’ailleurs, le PDF du Kit d’Initiation devrait arriver tout bientôt (ou être arrivé) pour les souscripteurs de Brancalonia.

DES PRIX SAVOUREUX C’est la saison des prix ! Commençons par le Prix Rolistes 2022 : • Meilleure boîte de découverte : L’Anneau Unique – Boîte d’initiation (Edge Studio) • Meilleure couverture : Forbidden Lands (Arkhane Asylum Publishing) • Meilleur écran : Les Chroniques de l’Étrange (Antre Monde Edition) • Meilleur graphisme : L’Anneau Unique (Edge Studio) • Meilleur système : Genesys – Le Jeu de Rôle des Univers Infinis (Edge Studio) • Meilleur univers : NOC – Livre de base (Sethmes Edition) • Meilleur supplément : Le Châtiment du Corbeau, pour Forbidden Lands (Arkhane Asylum Publishing) • Meilleur jeu indépendant : Noir est le sceau de l’enfer (Association Didaskalie) • Meilleure création francophone : NOC (Sethmes Edition) Et le Prix de l’année L’Anneau Unique – Livre de base (Edge Studio)

Pour le Grog le palmarès est plus resserré : Dune : Aventures dans l’Imperium (Arkhane Asylum Publishing) reçoit le Grog d’Or 2023 et Donjon & Cie (coédition par John Doe et Black Book Éditions) arrive en seconde place et reçoit le Grog d’Argent.

12| Jeu de rôle magazine n°62 - Été 2023

ELDERCRAFT

PARIS, PARIS… Que ce soit en 1888 ou 1979, les prochains JdR d’Elder-Craft commenceront à Paris. Hydre… Au cœur de l’exposition universelle, une société secrète a besoin de vous. Près d’une ville nommée Hilla, à environ 100 km de Bagdad, des ouvriers ont creusé la terre lors d’un chantier jusqu’à tomber sur une étrange structure… Une prison très ancienne… Un monolithe retenant une centaine de divinités vengeresses depuis 10 000 ans. Au sein d’un club de chasseur, vos PJ combattent les plus terribles créatures car ils sont les derniers gardiens du salut d’un monde où steam punk et dark fantasy s’entremêlent. Paris 1979… Tout est dans le titre ? Non. Grand amateur d’art devant l’éternel, Jacques Chirac, compte ouvrir un musée. Il vous charge de mettre la main sur le joyau de la collection : le Sceau de l’héritage du royaume, un artefact dont le détenteur serait le souverain légitime de l’Empire du Milieu. Course-poursuite, duel d’agents secrets, infiltration, diplomatie, espionnage sont bien entendu au menu pour cette proposition originale à jouer au rythme de Boogie Wonderland. Pour ces deux étonnants projets, l’éditeur nous surprendra sans doute une fois encore par des innovations de façonnage, sa marque de fabrique en somme.

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NOTULES LUDIQUES

BILLETS D’HUMEUR

« La définition du “billet d’humeur” que l’on a communément est celle d’un article d’opinion, souvent court et généralement en première page dans la presse, qui présente de façon sarcastique ou humoristique un événement ou un sujet d’intérêt général susceptible d’attirer l’attention du lecteur, d’apporter une piste de réflexion. Il est par définition le lieu de l’indignation, du coup de colère. L’auteur du billet prend parti. Le ton peut être volontairement excessif, voire violent, afin d’en renforcer l’impact, puisque la quantité d’informations est telle que l’outrance semble nécessaire pour qu’un message soit remarqué. C’est une prise de parole individuelle – ou collective encore que sous un même pseudonyme – qui porte la marque d’un auteur. Le billet d’humeur est parfois proche en longueur de la chronique mais l’auteur y est plus présent. L’un comme l’autre peuvent appeler une réaction. Le lien fort avec le lecteur relève de la complicité. Celui-ci suit un chroniqueur et vient là pour rechercher sa marque, mélange de vision et ton. » – Les Cahiers de narratologie Humour et modernité dans les littératures de langues romanes du XIXe au XXIe siècle (2013), par Christine Di Benedetto, Maître de Conférence à l’Université Nice-Sophia Antipolis

JDR EN BOÎTE ET BOÎTE À JDR

PIERRE-OLIVIER CERVESI

Depuis quelques années, le JdR en boîte a fait un retour en force, notamment pour les déclinaisons « initiation » de jeux appelés à paraître en gros livres dans leur version complète. Parallèlement, les boîtes à livres, ces petits box où l’on peut déposer et/ou emprunter des livres ont aussi fait florès un peu partout. De là à imaginer des boîtes à jeux de rôles il n’y a qu’un pas. Sauf que, contrairement aux JdR, les livres mis en dépôt n’ont plus de valeur marchande. S’il est fréquent de tomber sur un Guide du Routard du Mexique de 1986 ou un roman à l’eau de rose, on imagine mal y trouver un bon vieux Strombringer ou un Monster Manual. Certains se réjouissent de l’existence de ces boîtes à livres quand d’autres n’y voient que l’antichambre de la poubelle car nous rebute encore (mais pour combien de temps ?) l’idée de jeter un livre. La démocratisation du JdR pourrait nous faire envisager de le voir partagé de la sorte, mais une telle idée se heurte à une réalité commerciale : petits tirages = rareté = valeur. Reste plus qu’à imaginer qu’un Windows 95 pour les nuls puisse être une source d’inspiration pour une campagne rétro de Cyberpunk. C’est pas gagné.

ÉTÉ EN VUE ! L’été approche à grands pas ! Il faut donc préparer… Les JdR que nous ferons découvrir lors d’un moment de détente ludique. La belle saison estivale, c’est l’occasion de profiter d’un cadre inhabituel et sortir de nos vieilles habitudes : initier des jeunes, rencontrer de nouveaux joueurs et tester de nouveaux jeux. L’exercice nécessite un peu de préparation (pré-tirés, scénario court et simple, scènes fortes, règles allégées etc.) afin d’offrir aux participants l’expérience la plus agréable possible. Pour moi, c’est l’occasion d’essayer différentes formes de narration, tester de nouvelles techniques ludiques et (faire) découvrir les grands classiques du JdR (L’Appel de Cthulhu) ou au contraire tester les dernières livraisons issues des financements participatifs (Awaken). C’est dépaysant, enrichissant et tellement agréable… Et vous, pensez-vous tester vos dernières acquisitions ?

14 | Jeu de rôle magazine n°62 - Été 2023

NICOLAS « YODAMISTER » TAUZIN

TOUJOURS PLUS On ne compte plus le nombre de gammes de JdR et de nouveaux financements participatifs. Ces derniers remplissent plusieurs pages dans nos articles consacrés. Certains obtiennent de jolis succès, d’autres des semiéchecs, et une petite partie n’aboutissent pas. La surconsommation se limitait jusque-là aux produits à la durée de vie réduite. J’achète, j’utilise, je vends ou je jette. On peut donc se poser quelques questions sur la saturation du marché des JdR, coûteux et censés durer des années. FLORENT MARTIN Dans l’absolu, un Guide du Maître, un Manuel des Joueurs de D&D et un peu d’imagination suffisent à alimenter une vie de jeu. Et pour celles et ceux qui n’aiment pas l’heroïc-fantasy, ajoutons une ou deux gammes par genre (L’Appel de Cthulu pour l’épouvante, Kult et Vampire pour l’horreur contemporaine, Cyberpunk Red et Shadowrun pour la SF...). Admettons quelques nouvelles versions de temps en temps, histoire de les dépoussiérer un peu. Mais a-t-on vraiment besoin d’une pléthore d’ersatz de ces jeux, profitant souvent d’un phénomène d’achat compulsif ? Combien de packs se retrouvent sur Ebay le lendemain de leur livraison après cinq ans d’attente, car l’envie est passée ? « Oui, mais mon jeu n’a rien à voir avec D & D : il n’y a pas d’elfes. » Un argument justifiant sans doute ma marotte : le déboisement des forêts et la pollution des transports. Ou bien servant de prétexte à la satisfaction des ego.

UN AVENIR RADIEUX ? Nicolas : « Crois-tu que tu puisses mener une partie de jeu de rôle ? Être le meneur de jeu ? » ChatGPT : « Absolument ! En tant qu’IA, je suis tout à fait capable de mener une partie de jeu de rôle. Bien que je n’aie pas la capacité de voir ou d’entendre les joueurs en temps réel, je peux fournir des descriptions, gérer les règles du jeu, créer des scénarios et incarner les personnages non-joueurs (PNJ) pour enrichir l’expérience de jeu. Je peux également répondre aux questions des joueurs, proposer des défis et des énigmes, et aider à maintenir le déroulement fluide de la partie. Cependant, il est important de noter que je n’ai pas d’intelligence émotionnelle ni la capacité de réagir de manière dynamique aux actions des joueurs. Néanmoins, je serais ravi de participer en tant que meneur de jeu virtuel et de vous aider à vivre une aventure de jeu de rôle. » La révolution est en marche. Des programmeurs ont inventé des algorithmes qui posent des questions à ChatGPT. Les réponses de celui-ci affinent les questions suivantes, afin de résoudre des problèmes complexes. Où en est l’armée ? Et les labos des GAFAM ? NICOLAS BERNARD A Brave New World is coming.

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DOSSIER

TENDANCE DES FINANCEMENT PARTICIPATIFS S

i vous suivez JdR Mag avec assiduité, vous avez une (très) bonne connaissance de l’état des Financements participatifs en France. Pour les retardataires, sachez simplement que globalement, une croissance est observée chaque année. Eh bien, sachez que 2023 pourrait être une année exceptionnelle… Jugez plutôt.

Vous avez bien lu ; au 30 avril 2023, ce n’est pas moins de 1 480 204 € qui ont été levés sur les plateformes gameontabletop.com et Ulule  ! Soit + 157 % par rapport à 2022 (940 880 €). Et pour le coup, nous avons de la chance, car le nombre de projets présentés en 2022 et 2023 est exactement le même (26 projets).

FP MENSUELS ENREGISTRES DEPUIS 2015 : ANNÉE 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023

16 | Jeu de rôle magazine n°62 - Été 2023

JANVIER FÉVRIER MARS AVRIL 31 968 € 31 968 € 593 095 € 593 095 € 55 362 € 425 706 € 569 421 € 571 195 € 71 513 € 160 095 € 595 859 € 668 966 € 70 964 € 119 825 € 300 673 € 331 856 € 17 510 € 207 956 € 241 988 € 462 821 € 6 161 € 309 590 € 771 127 € 911 947 € 70 841 € 151 220 € 356 905 € 750 294 € 239 892 € 420 056 € 794 388 € 940 880 € 63 281 € 236 227 € 1 238 735 € 1 480 204 €

FP MENSUELS ENREGISTRES DEPUIS 2015 (ULULE + GOT) 3 500 000 € 3 000 000 € 2 500 000 € 2 000 000 € 1 500 000 € 1 000 000 € 500 000 €

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NOMBRES DE PROJETS MENSUELS CUMULÉS (ULULE + GOT) 80 70 60 50 40 30 20 10 0

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Nous vous laissons deviner les raisons de cette évolution notable. Ceux qui ont participé récemment à l’un de ces financements savent déjà pourquoi. Et parce qu’on est généreux chez JdR Mag, on vous rappelle aussi les FP de mars 2023… deviez pourquoi ? Vivement le 1er janvier 2024 que nous puissions analyser tout ça en détail.

NICOLAS « YODAMISTER » TAUZIN

FP DE MARS 2023 : PROJET Les Lames du Cardinal Te deum pour un massacre Kingmaker Encyclopédie volume II : Inframonde pour la 5E Donjons & Chatons Le Cabinet des murmures – Hantises The Heist ANTIKA Grekopolis L’île aux fleurs Bucherons & loups-garous Ruines

ÉDITEURS Elder Craft Open Sesame Games Black Book éditions Studio Agate Studio Deadcrows Les XII singes Antre Monde Indépendant Indépendant Posidonia Editions Indépendant

FONDS LEVÉS 273 758 € 201 309 € 167 405 € 128 185 € 118 948 € 46 483 € 29 751 € 25 298 € 5 933 € 3 192 € 2 246 €

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NOTULES LUDIQUES

“DAMIEN COLTICE RENCONTRE AVEC

ENTRETIEN

PARTI DE ZÉRO POUR DEVENIR UN PILIER DE L’ÉDITEUR LEADER DU MARCHÉ, DAMIEN COLTICE SE LA JOUE MAINTENANT SOLO ET TENTE LE CHALLENGE ZOMBI EN COMPOSANT UN JDR TOTALEMENT SELFMADE. UN GENRE A PRIORI DÉJÀ TRAITÉ SOUS TOUS LES ANGLES, MAIS PLUS ON L’ÉCOUTE ET PLUS ÇA DONNE ENVIE…

B

onjour, Damien. Pour commencer, une première question traditionnelle : comment as-tu découvert les jeux de rôle ? Damien  : bonjour. J’ai découvert le JdR vers l’âge de dix ans grâce à mon frère, plus vieux de trois ans, lors d’une partie d’Hawkmoon restée gravée au fer rouge dans mon esprit. On jouait un scénario de Tristan Lhomme issu du magazine Tatou, à l’époque publié par Oriflam et que j’ai retrouvé trente ans après. En vérité, j’avais déjà joué une fois avant cette expérience mémorable, plus précisément à L’Œil Noir (je me souviens encore de l’écran !), mais j’étais trop petit. Je n’ai rien capté et je ne me souviens de rien, si ce n’est la sensation diffuse d’avoir incarné un nain guerrier…

DAMIEN COLTICE

En arrière-plan : la Vallée de la Mort, tout un symbole...

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Difficile de résumer ta carrière dans le JdR : dix-huit ans de bons et loyaux services chez Black Book, de Midnight à Chroniques Oubliées, sur à peu près tous les postes… Comment as-tu commencé cette aventure ? Damien : j’ai rencontré David Burckle (le futur fondateur et gérant de Black Book Éditions) et sympathisé avec lui. Il travaillait alors dans une boutique de jeux de rôle, à côté du local de mon petit boulot de l’époque. Il montait BBE et nous avons commencé à jouer ensemble régulièrement. Et puis il a rapidement rencontré

un problème avec la traduction de Midnight. J’avais fait une fac d’anglais, je lui ai proposé mon aide et c’est ainsi que débuta une aventure complétement folle, dans ses aspects positifs comme négatifs. Ce fut tellement difficile… mais passionnant !

Et voilà qu’en cours d’année 2022, tu annonces la fin de cette collaboration dans un communiqué tout en sobriété. Souhaitais-tu vivre ta propre épopée (pour rester dans la métaphore du JdR) ? Damien : oui. Il était temps pour moi de passer à autre chose. Au moment de mon départ, les choses demeuraient encore confuses dans ma tête. Il est très difficile de quitter tout ce que l’on a aidé à construire avec des efforts personnels considérables, déraisonnables même, d’un certain point de vue. Quitter mes collègues fut très éprouvant. Et puis… sans parler du fait d’arrêter de travailler sur tous ces jeux que j’adore, et avec certains partenaires avec qui j’ai développé des relations importantes à mes yeux. Quelques mois plus tard, les choses sont devenues plus claires : j’ai tout fait à BBE, mis à part être mon propre chef et avoir la possibilité de publier un JdR de ma création. En partant, j’avais un grand besoin de me ressourcer. Mon but était d’essayer de trouver une solution pour n’accomplir pendant un temps que des choses

personnelles et qui me passionnent, en mode solo et en toute indépendance.

Ce qui nous amène à ton projet. Tu es en train de créer ton propre JdR : Contamination, un jeu de zombis, et de façon autoéditée si j’ai bien compris. Pourquoi ne pas le faire en partenariat avec Black Book, avec qui tu as l’habitude de travailler ? Damien : il porte le nom provisoire de Zombies d100 System et ne s’appellera pas Contamination. Ce sera le titre du premier volume de la gamme, qui je l’espère en comportera plusieurs. Il sera effectivement auto-édité et je souhaite m’occuper de presque tout, pour répondre à ce besoin de me ressourcer. Auparavant, j’ai déjà proposé d’autres projets à BBE qui était

a priori intéressé, mais je serais resté dans un cocon et les impératifs financiers de la société ne m’auraient pas permis de faire certains choix vis-à-vis de mes jeux. Le plus simple était donc de couper le cordon, au moins pendant cette période, pour pouvoir me consacrer à cent pour cent à mes envies.

Army of the Dead. Promis, on aura aussi droit à des zombis rapides.

Quelles sont tes inspirations principales ? Damien  : pour les films  : Romero (forcément), 28 Jours Plus Tard. Pour les séries : The Walking Dead, The Last of US, In the Flesh,

L’ASPECT SURVIVALISTE SERA SURTOUT DÉVELOPPÉ À TRAVERS LES ÉPISODES ET LES AIDES DE JEU POUR LA CAMPAGNE « BAC À SABLE ».

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NOTULES LUDIQUES

QUAND IL Y A DES ZOMBIS PARTOUT, L’ASPECT TACTIQUE PEUT S’AVÉRER COMPLÈTEMENT GÉNIAL.  Black Summer, Resident Evil. Pour la littérature : World War Z de Max Brooks. En JdR : All Flesh Must Be Eaten… et bien d’autres. The Walking Dead date de 2010. Ne crains-tu pas que la « mode » des zombis soit un peu passée (bien que le succès de The Last of Us nous ait prouvé le contraire) ? Damien  : disons qu’en sortant Zombies d100 System il y a sept ou huit ans (période à laquelle j’ai commencé à travailler dessus), je pense qu’il aurait été assez novateur dans ses mécaniques  ! Mais pas de chance, de nombreuses idées originales que j’ai eues à l’époque ont depuis été publiées dans d’autres jeux… Plus sérieusement, peu m’importe  : je me concentre sur ce besoin de réaliser le JdR de mes rêves avec pour thème les zombis, en exploitant ce dé « spécial » qu’est le d100. Ce sera un jeu très personnel dans tous ses aspects, et j’espère juste rassembler suffisamment de gens pour me permettre de le concrétiser. Et pourquoi pas un autre, qui utiliserait le même système de résolution.

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Tes zombis, ils vont marcher lentement ou courir comme des cabris ? Damien : ceux du premier volume seront plutôt lents (avec des variations). Ils seront développés par la suite sous toutes les formes du genre (rapides, champignonesques, obéissant à une intelligence collective, techno-zombies, zombis mutants, etc.). Pourquoi le Basic System1, lui aussi un peu daté ? Damien : justement, le défi qui m’intéresse c’est de moderniser ce d100, qui le mérite. En réalité, plein d’autres JdR l’ont fait évoluer ces dernières années, mais ce ne sont pas toujours les plus connus, et ils sont par ailleurs rarement développés pour un univers contemporain. J’espère y arriver, mais il est évidemment plus facile de dire qu’on veut créer un système de résolution moderne que d’y parvenir… Le public jugera ! All Flesh Must Be Eaten (1999), Zombies (2000), Z-Corps (2010), Apocalypse Zombie (2016), bientôt Zombicide Chronicles en VF… Le JdR de zombis n’est pas une nouveauté : quelle est la « valeur ajoutée » du tien ? Damien : mon but est de proposer un JdR en mesure de simuler tous les « genres zombis », et de développer un système de résolution d100 très fluide et ludique permettant de jouer dans un esprit survival horror. Je suis un frustré du d100, et j’ai envie depuis des lustres d’appliquer à ce dé – que je trouve parfait pour l’ambiance contemporaine – ce que j’ai fait avec le d20 en co-écrivant les règles de Chroniques Oubliées. Je parle ici de la première boîte, la suite ayant été développée avec brio par l’excellent Laurent Bernasconi. • Je dirais donc que la première plus-value sera dans ses règles. • La seconde résidera dans les scénarios que je proposerai. J’ai l’impression que c’est le domaine dans lequel je suis le plus performant. J’ai beaucoup réfléchi et travaillé dans l’ombre sur cet aspect du jeu. Je compte apporter des choses intéressantes à faire jouer, mais aussi proposer une prise en main particulièrement aisée pour faciliter le travail des MJ. • La dernière plus-value se révélera au fur et à mesure du développement de mon univers

World War Z: Aftermath

et de ses secrets. Le premier ouvrage ne permettra sans doute pas d’en saisir tout l’intérêt et la richesse ludique, mais je ne veux pas mettre la charrue avant les bœufs.

Concernant les scénarios, j’imagine que ton approche sera très premier degré, sans humour décalé ? Damien : elle sera plutôt sérieuse, mais décontractée. Il pourra y avoir de l’humour ici ou là. J’ai déjà en tête une histoire que je souhaite très fun, satirique et, justement, décalée. À voir quand elle sortira… Visiblement, tu as prévu un suivi de gamme en cas de succès… Damien : mon rêve est d’avoir la possibilité de publier quatre à cinq ouvrages dans les deux ou trois années qui viennent, avec peut-être une déclinaison du système de résolution sur un autre thème. On verra si j’en suis capable, et surtout s’il y a suffisamment de public pour le permettre d’un strict point de vue financier. J’ai bon espoir qu’il y ait assez de rôlistes intéressés pour assurer le financement de ces ouvrages mais, pour être honnête, je n’en sais rien et je

serai soumis à la dure loi du marché, comme n’importe quel auteur ou éditeur.

Ça se passera en France ? Damien  : le jeu se situera à une époque contemporaine (années 1980-2020, en gros), dans notre monde (ou une version proche  !). Il sera possible de jouer des «  éruptions zombis » dans n’importe quel endroit. Chaque volume proposera au moins trois scénarios : un one-shot pour varier les plaisirs et les styles de jeu, un épisode d’une campagne « bac à sable » consistant à survivre dans une zone à explorer et à y installer une communauté de survivants, et enfin l’épisode d’une campagne storyline qui se concentrera sur mon univers et permettra de découvrir tous les secrets de la pandémie zombie de 2025. En termes de lieu, on passera donc aussi bien des USA à la France qu’à n’importe quel autre endroit dépaysant du monde ! Comment traduiras-tu la tension propre au genre ? Damien : trois aspects seront au cœur de cette tension :

Zombies d100 System Vol. 1 : Contamination 2023

1. Système de règles apparu avec L’Appel de Cthulhu en 1980. Le jet d’un d100 représente le destin, et la valeur de la compétence du PJ (exprimée en pourcentage) doit être égale ou supérieure au résultat pour réussir le test.

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NOTULES LUDIQUES

• les règles régissant le comportement des zombis, • le duo « dramatique » adrénaline et panique qui interviendra via une mécanique de jeu, • un mode qui sera proposé dans le volume II de la gamme, Survival Horror, avec une approche beaucoup plus tactique et stratégique des affrontements. Je sais que le JdR un peu tactique n’est pas plébiscité par le public des jeux d100 et/ou d’ambiance type Cthulhu mais justement, je trouve cela dommage. Quand il y a des zombis partout, cet aspect peut s’avérer complétement génial. Sinon, c’est le MJ qui vous sauve la mise, avec pour conséquence peu de stress à prévoir autour de la table de jeu. La tactique

peut même être propice au narratif, au roleplay et à l’ambiance, que je ne perds jamais de vue à titre personnel. Encore faut-il arriver à proposer un jeu intéressant sur ce plan, sans être trop compliqué non plus. C’est un sacré défi, et ça me passionne !

À voir les nombreuses stratégies imaginées par les survivants de The Walking Dead pour se faufiler entre les zombis, je ne peux que confirmer ton point de vue. Des figurines seront-elles nécessaires pour visualiser cet « aspect tactique » ? Pas forcément. Il n’y aura pas de plan à cases. L’idée, c’est de mettre en scène un truc tactique

QUELQUES RÉFÉRENCES ZOMBIESQUES

Return of the Living Dead: part II 1988

All Flesh Must Be Eaten (Eden Studio) - 1999

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28 Jours Plus Tard 2022

The Walking Dead 2010-2022

Z-Corps - éd. révisée (7eme Cercle) - 2013

Zombicide: Chronicles (CMON) - 2021

World War Z 2006

Apocalypse Zombie (Edge Entertainment) - 2016

mais sans cases car je n’aime pas ça, cela n’est pas immersif pour moi. La gestion du déplacement sera simplement gérée grâce à un stylo ou une règle. La longueur du stylo égalera dix mètres (ou cinq, si la table est grande).

J’ai par ailleurs l’impression qu’il s’agira d’un jeu survivaliste, qui prendra en compte les besoins primaires d’un être humain… Damien : il s’agira avant tout de s’amuser avec le genre zombi, et d’exploiter un système de résolution permettant d’en explorer les facettes facilement. L’aspect survivaliste sera surtout développé à travers les épisodes et les aides de jeu pour la campagne « bac à sable » dont j’ai parlé. Ne crains-tu pas que le background soit un peu trop anxiogène, après l’épisode du Coronavirus ? Damien  : c’est une bonne question. Je pense que j’éprouve le besoin d’évacuer des choses liées à cette période traumatisante. D’un certain point de vue, l’année 2020 de l’épidémie m’a aidée à envisager mon départ de BBE et à me lancer dans cette aventure personnelle, mais elle s’est accompagnée – comme pour la plupart des gens – d’un grand stress. Dans mon univers de jeu, c’est une pandémie provoquée par un virus zombi qui lancera la grande intrigue. L’idée manque considérablement d’originalité, évidemment, mais je pense que c’était nécessaire pour moi. Cela ne sera toutefois qu’un point de départ, mais qui me sert à exorciser cette période. J’espère que cela fonctionnera de la même manière pour les rôlistes qui découvriront le jeu. Mais si le thème paraît trop anxiogène, déjà que le sujet des zombis peut l’être à la base, passez votre chemin… sauf si vous souhaitez utiliser le «  système d100  » pour faire du contemporain, mais avec autre chose qu’un virus et des morts-vivants.

Tu es aussi graphiste : assureras-tu les illustrations ? Es-tu tenté de recourir à l’IA et à Midjourney ? Damien : je dessine un peu, mais pas à un niveau professionnel. Comme je voulais tout faire de A à Z, il aurait été tentant de recourir aux IA. Mais j’ai un souci par rapport au droit d’auteur et à la manière dont le marché US développe cet outil de manière sauvage, façon Far West. Au-delà de la problématique du moment qui met sous pression de nombreux travailleurs de l’image (et pas que), quand j’ai imaginé ce jeu, j’ai tout de suite pensé à un illustrateur et deux illustratrices en particulier pour travailler dessus. Je ne conçois pas ce projet sans eux. Sinon, en mettant à plat mes connaissances dans mes vidéos sur ma chaîne Rôliskatonic, je me suis aperçu que j’avais des faiblesses évidentes sur la direction artistique, qui pourtant me passionne. J’ai eu par exemple le bonheur de discuter avec Loïc Muzy pour la chaîne (je vous invite à découvrir cette interview  !), qui a fait tant de merveilles avec Sans-Détour notamment, et aujourd’hui avec

Ruée de zombis sur les soldes (création Midjourney non tirée du jeu, certifié sans IA)

Pourra-t-on incarner des zombis ? Damien : pas dans les premiers volumes. L’intérêt principal est de jouer des survivants aux prises avec les morts-vivants… et les humains, parfois plus dangereux ! Mais je développerai la possibilité d’incarner des zombies si un succès permet plusieurs ouvrages. Je croise les doigts !

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NOTULES LUDIQUES

Chaosium. En outre, je partage ma vie avec l’illustratrice Stephanie Böhm, connue pour la couverture de la boîte d’initiation Chroniques Oubliées Fantasy. Je peux donc aborder ce travail de direction artistique en bénéficiant des conseils de professionnels, ce qui me permet d’essayer de progresser sur cet aspect en profitant de mes liens avec des artistes.

Tu communiques sur le jeu de façon assez originale sur Tipeee, qui te permet de le financer tout en constituant une communauté. Pourquoi ce choix ? (À la réflexion, la réponse est peut-être dans la question…)

The Walking Dead The Last of Us

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Damien : en fait, mon besoin de me recentrer sur moi s’est formalisé sur un projet double  : faire des vidéos en live pour continuer de partager cette passion avec le public, et écrire mon JdR. Du coup, j’ai essayé de le fusionner dans une page Tipeee. J’ai été très agréablement surpris par le démarrage, qui cumule actuellement plus de huit cents euros par mois de dons. J’ai même été parfois très ému et honoré puisque des clients de longue date, des amis du milieu ou des auteurs reconnus m’ont apporté leur soutien. Il faut savoir que ma situation financière n’est pas fantastique, car l’allocation-chômage ne me permet pas de vivre. L’apport que constitue l’argent récolté sur Tipeee modifie donc complètement mon niveau de stress du point de vue financier. Ma gratitude est énorme pour toutes ces personnes qui me soutiennent financièrement, je les en remercie encore ! Pour revenir à la question, quand on quitte une grosse société comme Black Book Éditions, on se demande un peu si les gens de l’entourage et le public vont continuer à s’intéresser à nous. C’est très humain. C’est en partie pour cela que j’ai pensé qu’il était important pour mes projets de lancer ma chaîne de vidéos. Je voulais garder ce lien avec les gens qui a été si bénéfique pour

moi pendant dix-huit ans. Cela me permet aussi de faire passer des messages, de transmettre mes connaissances sur l’édition pour en faire profiter la nouvelle génération. Et enfin, cela m’oblige à ne pas rester sur mes acquis : je dois sans cesse décortiquer de nouveaux jeux, m’intéresser aux choses dont me parlent les gens, prendre du recul, ne pas ignorer certains pans de notre loisir, etc. C’est très stimulant. Pour finir, expliquer en vidéo toutes les étapes de création d’un JdR et publier des exemples où j’explique comment j’ai appliqué ces connaissances à la création de Zombies d100 System permet de le faire découvrir petit à petit, et de partager son processus créatif. On dit souvent que dans un projet, le chemin est plus important que l’arrivée. Eh bien, là, c’est totalement vrai. Cela permet de construire une communauté, mais cela décuple le plaisir que j’ai à écrire ce jeu. Je profite à la fois du côté solitaire de cette aventure éditoriale, mais aussi du versant collectif. C’est très plaisant pour moi.

Tes « tipeurs » ont eu accès à une bêta à tester. Cela signifie que le jeu est terminé ? Damien  : les règles de base contenues dans le premier volume sont écrites, tout comme celles du mode de jeu Survival Horror pour le second volume. La phase de playtest des règles devrait débuter courant juin sur le Discord des personnes qui soutiennent le projet sur Tipeee. Il est pratiquement impossible de proposer un jeu un peu équilibré sans un large playtest. J’ai eu la chance de bénéficier de retours très instructifs d’amis autrices et auteurs de jeu auparavant. Je tiens à les remercier profondément pour leurs retours constructifs et pertinents. Entre Tipeee, les vidéos, le Discord… Ta stratégie marketing est impressionnante, surtout si l’on considère que tu es seul. Exploites-tu tes années d’expérience chez Black Book, ou as-tu suivi des études en ce sens ? Damien  : on peut dire que mes études, au sens scolaire, se sont arrêtées au bac. Je n’ai obtenu aucun diplôme par la suite, malgré quelques années en fac d’anglais puis à l’école de musique de Villeurbanne où j’ai participé à un cursus diplômant sur les musiques contemporaines (je voulais être musicien !). Donc oui, je mets à profit dans cette aventure toutes les

CHAQUE VOLUME PROPOSERA AU MOINS TROIS SCÉNARIOS : UN ONE-SHOT POUR VARIER LES PLAISIRS ET LES STYLES DE JEU, UN ÉPISODE D’UNE CAMPAGNE « BAC À SABLE » CONSISTANT À SURVIVRE DANS UNE ZONE À EXPLORER ET À Y INSTALLER UNE COMMUNAUTÉ DE SURVIVANTS, ET ENFIN L’ÉPISODE D’UNE CAMPAGNE STORYLINE. compétences que j’ai développées au cours de mes années dans le JdR. J’ai fait toutes les erreurs possibles et imaginables et mon apprentissage s’est fait sur le tas. D’ailleurs, mes vidéos me permettent de remettre de l’ordre dans toutes ces idées confuses. Ça me fait le plus grand bien !

Le lancement officiel de Zombies d100 System passera-t-il par un financement participatif, avec des paliers à débloquer et tout le tralala ? Damien  : oui. A priori, ce sera une précommande participative aux objectifs limités. La forme physique que je veux donner au jeu est l’un des aspects les plus motivants de ce projet. Je veux donc qu’elle en fasse partie dès le départ, prioritairement à des objectifs secondaires qui ne seront, peut-être, pas atteints. Cela implique une prise de risque supplémentaire mais je crois que le bénéfice, en termes d’expérience de jeu et d’immersion, en vaut la chandelle. Trouves-tu toujours le temps de jouer ? Damien : oui. Je ne joue pas chaque semaine, loin de là, mais j’ai deux campagnes en permanence, une comme MJ d’Earthdawn et une comme joueur d’Advanced Dungeons & Dragons (3.5-isée !). Elles se déroulent sur des week-ends entiers, environ trois à six fois par an en fonction des années. Je participe de plus en plus souvent à des Actual Play, que j’aime aussi beaucoup pratiquer. J’ai monté deux petits groupes près de chez moi pour playtester en soirée. C’est pour le moment très instructif, en plus d’être plaisant ! Merci Damien !



Propos recueillis par Florent Martin

LES RÉSEAUX DE DAMIEN  https://linktr.ee/damien_c

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ON Y A JOUÉ

HUNTER : LE JUGEMENT

QUI VA À LA CHASSE… VAN HELSING, VAMPIRE HUNTER D, LES GHOSTBUSTERS, SIMON BELMONT, BUFFY, LES FRÈRES GRIMM… BEAUCOUP DE CHASSEURS SONT ENTRÉS DANS LA LÉGENDE, MAIS D’AUTRES SONT RESTÉS DANS L’ANONYMAT. ÇA TOMBE BIEN : C’EST EXACTEMENT CE QU’ILS SOUHAITAIENT. LES HUNTERS SONT POURTANT TOUJOURS LÀ, TAPIS DANS L’OMBRE, ET ILS NOUS REVIENNENT PLUS REMONTÉS QUE JAMAIS. Hunter : le Jugement Type : livre de base Auteurs : divers Éditeur: Arkhane Asylum Publishing Disponibilité : disponible Genre : horreur contemporaine TRAITS Background :

• JdR complet ancré dans le Monde des Ténèbres • Contexte horrifique contemporain

Gameplay :

• PJ obligatoirement mortels • Les PJ obéissent à une Pulsion • Ils suivent l’un des cinq credo • Collaboration teintée de méfiance avec les orgas

Produit :

• Troisième ouvrage consacré aux Chasseurs • Grand format, couverture rigide • 288 pages

Quand les rôles s’inversent Dans le Monde des Ténèbres, les mortels n’ont pas toujours été réduits au rôle de proies. Dès 1992, The Hunter Hunted relatait comment certains avaient percé à jour l’existence des créatures surnaturelles, avant de les chasser. Des bikers chevauchant le bitume aux intellectuels des bibliothèques interdites, leurs profils divergeaient, mais tous avaient pour point commun la lutte contre les mêmes ennemis : vampires, loup-garous, mages, fantômes… La logique inversée de ce JdR permettait ainsi de jouer les gammes de White Wolf « de l’autre côté du miroir ». En 1999, Hunter: the Reckoning (Exterminateur  : le Jugement) s’orientait vers des individus lambda devenus chasseurs malgré eux, les «  Imprégnés  ». Ces derniers étaient lancés dans une véritable croisade où une sorte de don leur conférait des pouvoirs, un peu à la manière d’un paladin. Époque oblige,

le JdR surfait sur la hype du moment : l’apparition de l’Internet et les théories du complot façon X-Files. C’est à travers la toile que les Imprégnés communiquaient, et ils nous étaient présentés via leur pseudo. En 2013, The Hunter Hunted fut révisé dans une suite, à l’occasion de l’édition 20e anniversaire de Vampire. Plus anecdotique, trois adaptations en jeux vidéo ont vu le jour en 2002 et 2003. Axées sur l’action et sans élément de RPG, elles n’ont pas laissé un souvenir impérissable. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts. Hunter  : le Jugement est contemporain de notre époque, et s’inscrit dans notre quotidien. Notons d’ailleurs que le sous-titre du jeu prête un peu à confusion, puisque le Jugement Dernier du Monde des Ténèbres est censé avoir déjà eu lieu dans les suppléments Time of Judgement (non traduit) et Géhenne (centré sur les vampires) en 2004.

Retour aux basiques Dissipons tout de suite les ambiguïtés  : il s’agit là d’un JdR à part entière, avec son propre background assorti des règles générales du Monde des Ténèbres. Pas d’un supplément. Première impression : formellement, Hunter est un livre de base « à l’ancienne », ce dont

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on ne se plaindra pas. Paradox Interactive1 a semble-t-il pris en compte les critiques des fans déconcertés par la récente orientation artistique de Vampire : la Mascarade. Une maquette propre et carrée nous présente une nouvelle d’ambiance et un sommaire clair et complet avant une liste de PNJ, un index et des fiches PJ vierges dans les dernières pages. Pas d’expérimentation «  tendance  », d’organisation où une chatte ne retrouverait pas ses petits, d’effet de style  : juste l’essentiel, tout en efficacité, à l’image d’un manuel de chasse. « À l’ancienne » mais stylé, avec de très belles illustrations dessinées tout droit sorties des 80’s/90’s aux couleurs chaudes dominantes, qui évoquent le feu cher aux Chasseurs (jusqu’au signet orange  !). Hunter tranche donc avec les partis pris de Vampire V52. Exit les photographies de mauvais goût, mais aussi l’écriture inclusive qui rendait les noms d’archétypes quasiment illisibles (mention spéciale au « vétéran.e invalide » du LdB et à l’« agent.e secret.ète à louer » du Compagnon). On y perd en cohérence de gamme, mais on y gagne en qualité et en lisibilité. Sur le fond, Hunter s’appuie sur un background simplifié par rapport aux anciennes versions. Facile à mettre en œuvre, quitte à énoncer beaucoup d’évidences sur la façon de mener une enquête et de traquer une proie. Le LdB nous décrit bien sûr ce qu’est un Chasseur, mais il insiste particulièrement sur trois axes : sa Pulsion, son credo et son Ascendant, sur lesquels nous reviendrons. Notons une nouveauté au niveau des règles, qui prend en compte la notion de danger et de détresse chez les Chasseurs. Là encore, nous y reviendrons.

Le B.A. BA du Chasseur Un Chasseur est donc un pisteur et un exécuteur de créatures surnaturelles, et pas seulement de vampires. Précisons d’ailleurs que le combat n’est pas forcément

physique : il peut être psychologique, financier… Tous les moyens sont bons pour faire sortir l’ennemi de son trou et le neutraliser. Il en existe plusieurs types, mais Hunter s’intéresse aux indépendants. Non liés aux organisations officielles (les «  orgas  », comme l’Ordre de Saint-Léopold), ils s’organisent en «  cellules  », sans nécessairement partager les mêmes motivations et convictions. Le jeu définit ainsi les Chasseurs comme des agents perturbateurs, et préconise de jouer le genre gothique-punk cher à Vampire. Les orgas comme les monstres sont donc ici considérés comme les tenants de l’ordre établi, et les Chasseurs représentent le « caillou dans leur chaussure ».

1. Précisons que le reboot d’Hunter est une création de Renegade Game Studios sous license. Le studio de jeux vidéo a toutefois racheté White Wolf Publishing en 2015, et supervise donc le Monde des Ténèbres. 2. Le LdB commençait et se terminait en effet par une liste de cinquante victimes découpées en deux listes, et l’index se trouvait en page 424 (sur 438), entre autres étrangetés...

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ON Y A JOUÉ

C’est la taca-taca-taca-tac-tactique du Chasseur… Cette édition laisse de côté les pouvoir des Imprégnés de The Hunter: Reckoning et son approche ésotérique pour, à l’image de sa forme, revenir aux fondamentaux. La vocation du Chasseur répond à une Pulsion initiale  : le «  déclic  » qui l’a incité à engager le combat, la motivation qui perdure durant toute sa carrière. Le credo détermine les convictions précédemment évoquées, et par conséquent la méthode de chasse. Les Chasseurs de Hunter sont assez «  terre-à-terre  » et utilisent les moyens à leur disposition, selon la pratique de leur credo. Il s’agit donc aussi bien d’une philosophie que d’une méthodologie. Il en existe cinq différents, qui permettent de constituer un groupe de PJ hétérogène et d’éviter de jouer avec une meute de fanatiques endoctrinés obsédés par leur quête. Ce qui ne présenterait pas grand intérêt. • Les Entreprenants sont un peu les créatifs du lot. Ils gèrent leurs traques comme une petite entreprise, et se consacrent à l’innovation à la manière d’un département «  recherche & développement  ». Logiquement, les Entreprenants sont à l’affût de techniques et d’outils expérimentaux pour perfectionner la Chasse. • Les Croyants pensent qu’une puissance supérieure guide et soutient leur combat. Ils se rapprochent des Imprégnés de Hunter: the Reckoning. • Les Investigateurs observent, récoltent des informations sur leur proie et patientent en attendant le bon moment. • Les Martiaux sont un peu les « bourrins » du lot, spécialisés dans l’usage de toutes sortes d’armes et de techniques paramilitaires. • Les Clandestins cultivent l’art de la discrétion et de l’information.

« Y A LE BON CHASSEUR, ET Y A LE MAUVAIS CHASSEUR… » – Les Inconnus

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Nous le voyons, la limitation et la variété des «  classes  » permettent de composer rapidement un joli groupe qui n’a pas fini de se disputer sur la technique à utiliser pour traquer la même proie, ou bien de collaborer intelligemment en exploitant les compétences des uns et des autres. La description des credo fournit d’ailleurs des pistes pour

varier le schéma du Van Helsing un pieu à la main (par exemple : un Chasseur propriétaire immobilier privant un vampire de son refuge…). Bien entendu, un credo couvre un large spectre de profils, de l’Entreprenant influenceur au Martial tireur d’élite. Le jeu propose quelques archétypes, mais rien ne vous empêche de créer les vôtres. Les Ascendants, quant à eux, sont les moyens dont dispose le Chasseur en fonction de son passé, son métier, son credo… Il s’agit d’une sorte de « bonus », assimilable à un réseau ou une ressource. Notions que le LdB propose pour chaque credo, en plus des archétypes, des Pulsions et des Ascendants applicables au PJ.

La création de perso Nous avons vu les fondamentaux d’un Chasseur  : la Pulsion et le credo, qu’il vous faut choisir. Comme dans les autres gammes du WoD, il est toutefois possible de le «  peaufiner  » avec un concept, une Ambition et un Désir, et des Attaches. Ces précisions permettent surtout d’étoffer son background, et de faciliter le roleplay. La composition d’un personnage repose sur l’habituelle distribution de points du système propre au Monde des Ténèbres. Les attributs et compétences sont les mêmes, je ne vous ferai pas l’offense de les réciter. Les avantages (à différencier des Ascendants propres à Hunter) sont également présents, à travers les atouts et les historiques. Contrairement

aux Ascendants, qui servent la narration, des points sont attribuables aux avantages car ils peuvent intervenir lors des tests. Ils sont contrebalancés par les handicaps (7 pts en avantage, 2 pts en handicap). Admettons toutefois qu’Ascendants et avantages peuvent paraître un peu doublons. En outre, le principe de l’Ascendant ressemble à une fausse bonne idée aux airs d’usine à gaz. Jugez plutôt… Celui-ci est divisé en trois catégories : Dotations, Aptitudes et Facultés. Il permet d’acheter des Extras, qui améliorent les Ascendants. Pourquoi ne pas se contenter des avantages ?

Highway to the danger zone Les règles sont celles du Monde des Ténèbres. Pour résumer, attributs et compétences sont déterminés par un nombre de d6 à lancer. Chaque 6 représente un succès. Le seuil de difficulté fixé par le conteur détermine le nombre de réussites à obtenir lors du test. Une petite nouveauté permet d’accentuer le sentiment de danger et de risque dans l’univers des Chasseurs, un peu à la manière du stress et de la panique dans Alien. • Le Danger est représenté par une jauge de 1 à 5. Il est fixé à 0 au début du scénario et va crescendo lors du déroulement de la traque, quand les Chasseurs sont trop imprudents. Le conteur l’utilise à son bon vouloir, en fonction des situations (chaque credo a sa propre notion du Danger, précisée dans sa description). Par exemple, il peut ajouter sa valeur (entre 1 et 5) en nombre de d6 supplémentaires lancés sur un test tendu, ou déterminer qu’au niveau  3 atteint les PJ sont repérés par la proie, etc. Il s’agit donc d’une sorte de baromètre du risque encouru. • La Détresse, également une jauge de 1 à 5, est commune à toute la cellule. Elle baisse ou augmente en fonction du niveau d’anxiété du groupe, après des événements positifs ou négatifs. Un PJ peut recourir à la Détresse quand il agit sous l’effet de sa Pulsion. Si son test correspond au champ d’action de son credo (le LdB en propose une pour chacun), il peut y ajouter un nombre de d6 égal à la valeur du Danger.

Il s’agit, en somme, d’un acte désespéré commis sous l’effet de l’exaltation.  Un « 1 » sur un dé de Détresse, en cas de victoire, permet le choix entre « viser trop haut » (le Danger augmente pour chaque «  1  » obtenu, et la proie est alertée) ou le Désespoir (le PJ devient dépressif et ne peut plus utiliser la Détresse avant sa Rédemption).  Un «  1  » sur un dé de Détresse, en cas d’échec, entraîne le Désespoir.

Mettre en scène la Chasse Hunter propose un gros chapitre consacré à l’écriture et la gestion d’un scénario. Il n’évite malheureusement pas les éternelles redites sur la nature du JdR, ou la façon de mener une partie. Pour cela, nous vous renvoyons à l’article « Comment écrire un scénario de jeu de rôle ? ». Ce segment, un peu trop prépondérant, peut donner l’impression de faire office de remplissage. Un nombre de pages plus réduit aurait permis de diminuer le coût du livre, et il est peu probable que des joueurs s’initient au JdR avec Hunter… Vous auriez toutefois tort de le zapper car il s’attarde parfois, au détour d’une phrase, sur les spécificités de Hunter. Comment préparer une chasse  ? Comment gérer un climax  ? Des exemples très précis vous aideront à comprendre ce qui démarque Hunter des autres JdR. Précisions que le LdB ne contient pas de scénario complet, seulement quelques idées de pistes à développer. Toutefois, une aventure officielle pour Vampire : la Mascarade V5 axée sur des Chasseurs (Réveillon Sanglant) est disponible au format PDF, en prix libre, sur le site DriveThruRPG.

Hunted Un chapitre entier concerne les autres forces en présence (créatures surnaturelles et organisations rivales). Le jeu a la bonne idée de nous y présenter les « chassés », et leurs différences. Traquer un loup-garou haut de trois mètres s’avère en effet une autre affaire que de s’attaquer à un vampire dandy. Des PNJ légendaires sont présentés dans chaque

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partie, afin d’alimenter vos scénarios avec une Némésis. Leurs caractéristiques vous aideront à organiser un face-à-face. Toutefois, Hunted est un jeu aux intentions réalistes. Les cellules sont donc prévenues qu’elles n’ont aucune chance contre un loupgarou dans la force de l’âge, et elles ne doivent pas s’attaquer à n’importe quelle proie. Dans l’idéal, elles devraient se spécialiser dans un type de créature, regrouper des credo complémentaires, et se concentrer sur des cibles faciles pour avoir la moindre chance. Afin de faciliter les choses, le jeu attribue des points de Volonté aux PNJ présentés. L’utilisation d’un pouvoir coûte un point de Volonté. La puissance du pouvoir (le groupement de d6) correspond à deux fois le niveau de danger (ou bien le seuil de difficulté équivaut au danger). Le chapitre liste tous ces pouvoirs, comme la Domination des vampires. Les faiblesses des créatures (elles en ont) sont également notifiées. C’est l’occasion de préciser que les Chasseurs peuvent être spécialisés dans un type de créature, mais qu’ils peuvent aussi traquer plusieurs gibiers. Une cellule polyvalente est plus improbable, mais elle permettra de varier les aventures.

Les orgas Dans le même ordre d’idée, Hunter liste les différents types d’orga (politiques, religieuses…) en décrivant les plus connues

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(du moins des initiés). Leurs objectifs sont plus ambigus que ceux des Chasseurs. Plus cyniques, elles n’obéissent en effet pas à une Pulsion, et ont parfois tout intérêt à laisser vivre les créatures surnaturelles tout en prétendant les combattre. Chacune poursuit son propre but. Les Chasseurs collaborent avec ces orgas conservatrices et corrompues sans leur faire confiance, et exterminent les monstres. À raison, car ces dernières considèrent souvent les Chasseurs comme de la chair à canon chargée des basses besognes. Ils sont en quelque sorte les «  sous-traitants  » de la grande Chasse. Là également, le conteur dispose de tout ce qu’il lui faut : PNJ, mode de fonctionnement, complications avec les PJ, canevas de scénarios… Du concret, donc.

Le contrat social Le LdB se clôt par une piqûre de rappel sur l’obligation de bienveillance et d’empathie du conteur envers ses joueurs et ses joueuses. On appréciera qu’elle ne soit pas située en début d’ouvrage, à la manière d’une injonction agressive et donneuse de leçons. Il y est question de « maladresses » à éviter à la table (ce qui devrait relever du bon sens) et qui pourraient être perçues comme racistes, sexistes, homophobes, transophobes, etc. Il est également rappelé que Hunter n’est pas un jeu pour « fascistes  », bien que les PJ puissent en croiser dans les orgas. Cela peut paraître évident, mais pour les nouveaux joueurs le distinguo entre la réalité et le jeu n’est pas toujours facile à assimiler. Plusieurs techniques de narration sont proposées pour éluder, suggérer, etc. afin d’éviter le malaise, tout en évitant d’édulcorer ou de censurer le background du jeu. Reconnaissons que le sujet est plutôt bien traité, en laissant assez de latitude au conteur pour ne pas le frustrer, lui et ses joueurs. Une longue liste de liens est d’ailleurs fournie pour FLORENT MARTIN approfondir la question.

QUANTIQUES, RÉALITÉ ALTÉRÉE, LE JEU DE RÔLE

UN OVNI DANS LA GALAXIE RÔLISTE ? AMATEURS DE SF, CYBERPUNK ET AUTRES UNIVERS TECHNOLOGIQUES (ET PAS QUE…), FAITES DONC UNE PAUSE DEVANT CETTE ÉTAGÈRE DE VOTRE MAGASIN PRÉFÉRÉ POUR EXAMINER QUANTIQUES. TROIS LIVRES, C’EST BEAUCOUP D’ACCORD, MAIS À N’EN PAS DOUTER, VOUS RISQUEZ FORT DE NE PAS REGRETTER VOTRE ACHAT. LES AUTEURS N’ONT PAS MÉGOTÉ POUR NOUS PROPOSER UN UNIVERS COMPLET ET UN SYSTÈME DE JEU EFFICACE POUR… DES CENTAINES D’HEURES DE JEU ! Premier contact établi En premier lieu, le titre du jeu peut susciter des réactions de type «  oulà  ! Un jeu pour ceux qui ont fait Math Spé’  ?  » Eh bien, non ! Gardez-vous d’une telle opinion, car le terme « quantiques » est issu du background et n’oblige pas du tout à vous racheter une calculette scientifique.

Feuilleter les trois livres en met plein les mirettes. Les ouvrages sont denses, très bien illustrés et très détaillés. C’est d’ailleurs en ce sens que nous ne pouvons pas ici vous proposer un article exhaustif tellement ce JdR est foisonnant de contenus. Par conséquent, nous nous en tiendrons aux grandes lignes qui semblent toute-

Quantiques, réalités altérées Auteur : Mano Quante Contenus additionnels : DIDragonson, Vince Colon Illustrateurs : Vince Colon, Guillaume Follet, Mano Quante Éditeur : Nice Creadream Disponibilité : oui Genre : Science-Fiction, Cyberpunk TRAITS Background :

• Densité et détails des contenus • Intrigue principale originale • Immersion garantie

Gameplay :

• Simple et progressif • Multiples moteurs d’intrigue possible • Temps de préparation pour le MJ

Produit :

• Bon rapport qualité / prix • De bonne facture • Illustrations immersives

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ON Y A JOUÉ LE BON CONSEIL DU MAG Exercez-vous souvent en mode basique et sur des one shot de préférence. La guerre secrète devrait alors rester en toile de fond pour mieux exploser au cours d’une campagne que vous aurez mûri avec soin mais plus tard.

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fois largement suffisantes pour titiller votre curiosité de lanceur de dés.

Trois livres, un objectif… …vous permettent de vivre des aventures passionnantes et diversifiées dans le futur de ce que nous appelons encore aujourd’hui la Voie lactée. Car, oui, Quantiques nous propose de jouer dans l’avenir incertain de notre humanité qui se trouvera au beau milieu de Solaris en 2399 de notre ère. Une race extraterrestre a débarqué avec dans ses bagages des connaissances jusqu’alors inaccessibles à l’humanité, des révélations extraordinaires et surtout le pouvoir d’altérer notre réalité. Les Quantiques, car c’est leur nom, ont par ailleurs révélé l’existence d’une autre forme de vie (si l’on peut dire) qui restait cachée jusqu’alors, les Mythes capables d’influencer les humains au travers des idées… En 2399, les humains se sont donc réorganisés autour d’un nouveau Système solaire, occupant les planètes et, pour certains, évoluant biologiquement pour former la Néohumanité. Au sein de cette nouvelle espèce comprenant divers embranchements (homo-métallicus, Sélénite, Stellaire…), vos joueurs incarnent des Nov-Quantas, des êtres d’exception capables de «  plier la réalité à

leur volonté dans leur domaine de prédilection ». L’objectif de leurs alter ego est de découvrir la véritable nature de la réalité qui est largement soumise à la puissance des Quantiques et des Mythes. Une guerre secrète est en cours, et vos personnages y prennent part. Pour résumer, vous incarnez des êtres dotés de pouvoirs aberrants au sein d’une masse populaire inconsciente de son état (les Lambdas) et vous vous retrouvez au cœur d’une lutte mystique qui dépasse l’entendement.

Oubliez vos cours de physique et de Géo. L’univers déployé dans Quantiques comporte des voyages spatiaux (mais pas encore de vitesse lumière), des équipements technologiques de pointe, des organisations spatiales complexes, de la cybernétique, 11 dimensions au lieu des trois actuelles, de la dystopie, etc. Bref, tout ce qui fait la magie du cyberpunk et de la science-fiction. L’univers de Quantiques a vraiment été conçu avec des éléments d’anticipation très réalistes qui, bien qu’étant rattachés à nos connaissances réelles, y dérogent de manière notable et vraiment très intéressante. Sachez toutefois que Quantiques comportent également des éléments plus «  archaïques  » (de type antiquité ou sociétés contemporaines) qui permettent de varier les intrigues à l’infini (et au-delà… hum, dsl).

Les Livres 2 et 3, ce dernier étant réservé au MJ, détaillent tout cela de manière cohérente et agréable à lire. Tout au long de la lecture, vous trouverez des nouvelles présentant l’univers et son ambiance. Une bonne manière cinématographique de visualiser l’ambiance.

Un système de règles et un gameplay loin d’être lunaire Dans Quantiques, une phrase pourrait retenir notre attention : : « La règle d’or de ce jeu. Choisissez les règles qui vous plaisent. »

Et là, on souffle… Quantiques vous permet de commencer par un système de résolution rapide et basique, puis vous permet de progresser au fil de vos campagnes vers des systèmes de règles plus complexes. Un kit de démarrage rapide (utilisé lors de la partie test) permet de plonger directement dans le grand complot interplanétaire. Les d10 sont à l’honneur, et la règle de l’inférieur à la compétence testée s’applique d’une manière générale dans le jeu. À présent, arrêtons-nous quelques minutes sur certaines notions principales développées dans Quantiques :

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ON Y A JOUÉ Quantiques Livre I - Créativité

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• Les combats entre PJ et adversaires  : dans ce domaine, les règles sont plutôt classiques même si vous imaginez bien que des spécificités apparaissent toujours au sein d’un univers SF / Cyberpunk. Notons qu’il existe un système de localisation et de gravité des blessures avec un tableau croisé de “coups critiques” au D100. • Les combats spatiaux  : deux modes de combat existent. Un mode Dogfight où le

Quantiques Livre II - Altération et Métal

Quantiques Livre III - Les secrets de Solaris

joueur est pleinement investi de l’entière capacité de son vaisseau face à un adversaire et un mode coopératif où chaque joueur assume son “poste” au sein du vaisseau. Quantiques propose également deux systèmes de visualisation du combat. Le premier est classique et plutôt adapté à une prise en main du jeu tandis que le second propose d’utiliser une “grille” spatiale qui permet de situer le combat dans l’espace et le temps. Tout dépendra du niveau d’immersion que vous souhaitez donner à ces situations de combat dignes des meilleurs space opera. • L’équipement et les armes  : des lieux d’achat spécifiques sont proposés aux joueurs pour s’équiper et disposer de ressources particulières à l’univers de Quantiques. Les effets des armes sont divers (acide, tranchant, sonique, plasma…) et il existe évidemment de nombreuses possibilités de les modifier, améliorer, bref de les personnaliser. Notons que certaines armes nécessitent, selon les territoires fréquentés, de disposer d’une autorisation légale. Les joueurs partagent également l’univers de jeu avec les «  Bots  » (sorte de droïds) pouvant assurer plusieurs types de services (sécurité, mécanique…). Les véhicules spatiaux ou atmosphériques sont nombreux et répondent de manière innovante aux canons des univers science-fiction et cyberpunk. En dernier lieu, notons que les héros peuvent être soignés, améliorés par le biais des “laboratoires” qui réunissent des « Régencuves » (sorte de cuve à bacta version Quantiques) et des modules de cybernétiques. • Magie moderne  : les pouvoirs d’altération de la réalité constituent la pierre angulaire de vos joueurs qui incarnent des Nov-quantas. Il faut retenir que les Nov-quantas détiennent plusieurs “cristaux” qui représentent leur nature extraordinaire. Ces cristaux associés au “Fluide” leur permettent de contrôler, de modifier la trame du réel. À leur mort, un de ces cristaux peut d’ailleurs être récupéré par un autre personnage. Pour rester synthétique, les Nov-quantas se répartissent en sept natures. Chaque nature

permet de maîtriser quatre sphères englobant elles-mêmes un certain nombre de “failles” (sorts). Activer ces failles nécessite de dépenser des points dits de “quantum”. Chaque faille, chaque pouvoir est original et caractérise à merveille l’univers de Quantiques. Ainsi, si vous incarnez un Nov-quanta de nature “corpus”, vous maîtrisez la sphère “polymorphe” qui vous permet d’activer la faille “adaptation au milieu”. Dans cet exemple, si votre héros est enfermé dans une salle saturée de gaz mortel, son corps s’adapte grâce à cette faille et lui permet d’y vivre comme un poisson dans l’eau.

M’enfin ? Ce jeu n’a-t-il donc aucun défaut, aucune faille ? « Rien n’est idyllique » pourrait vous rétorquer un Nov-Quanta. Quantiques est un jeu que l’auteur a vraiment beaucoup investi. Trop ? Non. Mais un peu quand même. Les détails du contexte sont nombreux et multiples. Quantiques ne fera donc pas partie de ces jeux fast-food qui proposent un cadre trop large, trop lisse et ça, me direz-vous « c’est plutôt une qualité, non  ?  » Oui, mais il faut bien comprendre que ce JdR risque de vous aspirer telle l’attraction puissante d’une planète. Le one shot y est bienvenu et largement possible,

mais la campagne semble presque obligatoire une fois qu’on met les pieds dans l’intrigue générale. Ce qui signifie qu’il vous faudra y consacrer pas mal de temps. Pour un MJ et/ou un scénariste, Quantiques peut offrir des années de jeu. Devenir rolistico-dépendant à ce jeu est, de facto, une option à ne surtout pas négliger. En conclusion, sans forcément parler d’un OVNI pur et dur, gageons que Quantiques trouvera de nombreux fans. Son système de résolution progressif est bien adapté, son univers et son ambiance sont particuliers et attirants. RÉMY « THE STORYTELLER » LUCOT Laissez-vous tenter !

PAROLES DE JOUEURS Pour recueillir l’avis de mes joueurs, j’ai lancé ma table à partir d’un one shot du Livre 3, à savoir « Lame de (bas)-fonds ». Ce scénario s’appuie sur une aire géographique peu étendue et deux moteurs bien connus : la protection de personne et l’enquête. « Alors, comment dire ? j’aurais préféré que tu maîtrises un peu plus les codes de cet univers qui me semble extraordinaire, mais copieux. La partie était sympa, mais ce petit bémol… » – Philippe

« Inception, Matrix, Star-Wars, Blade-runner, Tron… J’ai retrouvé un paquet de références cinématographiques dans Quantiques, mais ça n’a pas biaiser la visualisation originale des scènes. Très sympa comme univers. Une petite campagne ? » – Céline

« J’adore tout ce qui est cyberpunk et univers dans ce genre-là. Celui-là a vraiment un gros potentiel, je trouve. La partie ? Top ! C’est encore moi le meilleur comme d’hab. » – Laurent

« Moi, je suis pas trop fan… C’est pas vraiment les univers où je me sens à l’aise, mais comme on dit “les goûts et les couleurs”. » – Jean-Pierre « Druide »

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LOGOS

LANGUAGE ORIENTED GAMING OPERATING SYSTEM

AU COMMENCEMENT, IL Y AVAIT LE VERBE, ET LE JEU FUT ! Logos Type : jeu sans hasard, jeu narratif, jeu du Mot Auteurs : Mathias D’aval, Boris Sirbey, Cyril Blin, d’après un concept de Manuel Rabaté. Illustrateurs : Boris Sirbey. Éditeur : Les XII Singes. Disponibilité : En ligne et en boutique. Genre : Ésotérique, narratif, systémique. TRAITS Background :

• Contemporain fantastique • Une campagne Demiurgia, la campagne des LettresMères vendue séparément Gameplay : • Des cartes à jouer, des mots. Produit : • 208 pages couleur avec un scénario d’intro • Un jeu à accessoires disponible en VPC : un deck pour chaque joueur et un autre pour le MJ (seul indispensable !), un bloc de feuilles de PJ et un plateau Losange. • Un écran du MJ vendu séparément avec la campagne

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Language Orien… quoi ?

Créer son Verbemage

Logos est à la fois un système de gestion de la magie du Verbe, la magie en elle-même, et un univers. Tout est dans le titre, Logos est un jeu de mots. Tout d’abord parce que le Logos est un concept philosophique et ésotérique connu, souvent présent dans nombre de jeux de rôles. La Parole, parfois le Réel, parfois transfigurer le Réel par la Parole, ce qui est le cas dans le jeu. Ensuite parce que Logos est un acronyme qui pourrait se traduire par « Système d’Exploitation Ludique Basé sur le Langage  ». En somme, pour verser dans la métaphore informatique, un plug-in ludique qu’on viendrait connecter sur un autre jeu pour y intégrer au choix tout son lore, un système de gestion de la magie en général, uniquement la magie des mots. La justification est simple : tous les jeux, tous les univers sont faits de mots, et au commencement des mots était le Logos. C’est le Magiverse.

Toutes les Genèses débutent par le Verbe, il en va de même pour un PJ  : le joueur doit choisir le Clairnom de son personnage, son Vrai Nom, celui qui fait que sa nature profonde existe, et ce qui fait qu’on peut avoir du pouvoir sur lui. Ce Clairnom, communiqué au MJ, est inscrit sur l’un des deux jokers du paquet du joueur et rejoindra sa main ultérieurement. La création peut commencer. La fiche de PJ est assez simple. Passées les informations civiles (nom, genre…), on arrive au Losange. A chaque angle de cette figure géométrique, le joueur dispose une carte de chaque Couleur qui déterminera ses points forts et son domaine de prédilection. Chaque couleur sera associée à une loi cosmique, un élément naturel, un ensemble de compétences et enfin un avantage tactique et magique. • Les piques pour le Langage. Associés à l’air, leurs caractéristiques sont de l’ordre de l’intellect. En outre, les piques déterminent la puissance magique. Plus la valeur du pique est élevée, plus le PJ peut utiliser des mots différents dans son sort. • Les carreaux pour la Vibration. Associés à la terre, au métal, les carreaux jouent sur les caractéristiques physiques. La valeur de carreau est un indicateur de santé et

Tout cela se joue avec des cartes de jeu classique. Ces dernières sont présentes dans à peu près tous les foyers mais sont, historiquement, également utilisées pour la divination et la prestidigitation, ce qui les relie déjà à une forme de magie quotidienne.

permet de savoir combien de sorts le PJ peut lancer. • Les trèfles pour la Dégradation. Liés au feu, leurs caractéristiques tournent autour de l’habileté et la chance. C’est également la couleur qui permet de calculer l’initiative du tour de jeu. • Les cœurs pour l’Équilibre. Liés à l’eau, on va jouer sur le charisme, l’intuition, mais également l’empathie. C’est avec les cœurs que l’on perçoit la magie, que l’on calcule le nombre de mots disponibles et qu’on calcule sa récupération magique. La somme des valeurs du Losange permet de calculer le niveau (la puissance) du Verbemage. Il y a treize niveaux, comme pour le jeu de cartes, allant dans l’ordre croissant de l’As au Roi. Une fois la salade de points touillée, le joueur rajoute une ou deux Compétences, un équipement sommaire, un encart de notes (origines, particularité…). Deux cases sont intéressantes à commenter : la Voix, la spécialité ésotérique du PJ qu’il arpentera plus tard, et les Magiphrases, des sorts que le PJ utilise fréquemment avec son lexique de départ. Jouer sur les mots Le PJ nouvellement crée va ensuite sélectionner dans son jeu de cinquante cartes (quatre sont immobilisées sur le Losange)

cinq cartes sur lesquelles il inscrira à chaque fois un mot au marqueur permanent. Ce sont ses premiers Magimots. Il faudra évidemment choisir soigneusement la valeur de la carte et la couleur (plus il existe d’affinité entre le Magimot et la symbolique de la couleur, mieux ça fonctionne). Enfin, le PJ choisira deux Magimots supplémentaires liés à l’origine du personnage (par exemple Ferler et Drisse pour un ancien marin).

 La feuille de personnage  Le plateau de jeu

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Ce lexique atypique ajoutera une coloration au style de jeu du PJ et une petite difficulté supplémentaire. Même si les Magimots peuvent être pris au hasard (une table de sélection aléatoire est disponible à la fin du livre), il est plus intéressant de choisir un lexique qui corresponde à l’origine du personnage. Il faudra correctement alterner les natures grammaticales et probablement jouer sur la polysémie pour accroître le champ des possibles lexicaux. • Les noms peuvent être déclinés en nombre et au sein de leur famille (sorcier, sorcière, sorcellerie…) ; • Les adjectifs peuvent être déclinés en genre, en nombre et sous leur forme adverbiale ; • Les verbes peuvent être déclinés en genre, en modes, en temps et en formes. Avec tout cela, on est fin prêts. Un peu de multiplications permettent de préparer la main du personnage : • La valeur de cœur x 2 donne le lexique, le nombre de Magimots dont dispose le PJ. • La valeur de carreau x 3 donne le registre,

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le nombre de cartes que le PJ peut avoir dans sa main. Les cartes « neutres » pourront servir de Magiliens (articles, pronoms, déterminants, prépositions). • La valeur de pique indique le souffle, le nombre de mots (Magiliens compris) qu’un PJ peut utiliser dans sa Magiphrase. Les cartes qui ne sont pas dans la main vont dans une réserve et ne seront pas utilisées de la partie. Fin de création. Le joueur a devant lui son Losange, avec au centre le joker où est inscrit son Clairnom, sa réserve, son registre et une zone de défausse. Même si elles contiennent un Magimot, il est impossible de jouer ou déplacer les cartes du losange. Notons que le livre de base propose des petites scènes pour créer les personnages et leur Logophanie (leur éveil au Logos)  : séance de spiritisme, trip sous acides, expérience de mort imminente, rite initiatique, il y en a pour tous les mondes et toutes les ambiances. De même, un scénario introductif, «  Le Centre  », permet d’introduire les PJ dans l’univers par une création de leur personnage progressive.

Lancer un sort Un lancer de sort ressemblera fort à un tour de jeu de JdR classique : le PJ annonce son intention, suite à cela le MJ annonce un seuil de difficulté, quantitatif ou approximatif, ou garde le silence et invite son joueur à agir. Ce dernier prend sa main et dispose ses Magimots, qu’il lie avec des Magiliens. La somme des cartes des Magimots donnera la puissance du sort, limitée par la puissance initiale du Verbemage. Si un Magimot essentiel (par exemple Feu pour le sort préféré de la plupart des dungeon crawlers) est manquant, le sort sera inopérant ou pire, aura un effet inattendu, laissé à la discrétion du MJ. On vérifie ensuite si son sort est suffisamment efficace pour dépasser le seuil de réussite, et le MJ résout. Dans un monde merveilleux, il y a le bon nombre de Magiliens et les Magimots sont correctement employés. Dans un monde plus réaliste, le joueur a composé avec les moyens du bord et a enlevé quelques Magiliens (« je / brûle / … / obstacle »), ou utilisé des Magimots approximatifs («  Mais siiiiiii, « feu » et « lumière » c’est pareil. »). Le MJ appliquera des malus pour les différentes approximations commises par l’orateur imprécis. Des malus peuvent également être appliqués si le rôle-play du joueur laisse à désirer, si le PJ a eu besoin de murmurer sa Magiphrase, s’il y avait un boucan d’enfer durant la scène… Bref, la cuisine habituelle du meneur. Enfin, si le PJ a écrit le Magimot « feu » sur une carte cœur, il y a des chances que les effets soient accompagnés de malus, cette couleur étant associée à l’eau. Plus le sort est puissant, plus il entraîne de la fatigue, c’est-à-dire un nombre de cartes à défausser de sa Magiphrase. S’il n’y a plus de cartes, le joueur doit enlever des cartes de sa main. S’il ne peut pas payer le prix, il perd connaissance. Les cartes défaussées se récupèrent en se reposant, à une vitesse qui varie en fonction de son score de cœur sur son Losange (sans doute que Rodrigue se remettait très vite). Le PJ est invité à négocier ou proposer des éléments de détails qui viendraient amplifier l’effet de son sort. On peut citer en exemple

d’utiliser un « 6 » pour « scier » (avec un jeu sur la paronymie), ou, plus prosaïquement, un effet particulier lié à la Voix du PJ. Si, à la place d’un neutre « je », le PJ utilise son Clairnom, il gagnera en bonus son niveau dans l’action, mais cela n’est pas sans conséquence  : certaines Voix seront capables, même à distance, d’entendre le Clairnom et le réutiliser contre le joueur. Qui plus est, les Clairnoms étant puissants, le PJ sera fatigué plus rapidement. Comme la parole est magie, les Magimots peuvent également être employés lors d’un discours. Il ne s’agira pas là de jeter un sort à proprement parler, mais plutôt de donner du poids à ses mots au bon moment, à la discrétion du MJ. C’est l’occasion de créer de belles scènes et d’éviter le triste «  j’ai fait un 18 à mon dé, donc je fais un grand discours héroïque où j’harangue les foules ». Cet effet rhétorique apparaîtra dans toute scène sociale (séduction, négociation, interrogatoire…).

NOMMÉ POUR LE GRAAL D’OR 2023 Même s’il n’a pas remporté le fameux Graal d’or. Logos s’est fait remarqué et faisait parti de la shortlist 2023, dans la catégorie « Création Francophone ».

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En dehors de la magie Handicaps divers Le Losange sert de points de vie au PJ. S’il reçoit une blessure de 3, cela veut dire qu’il doit recouvrir sa carte carreau de la carte correspondante (de «  7  » il passe à «  4  »…). Si malheureusement cette carte n’est pas disponible (si elle est dans la main ou dans la défausse), il doit mettre la valeur inférieure disponible. Si le PJ tombe à «  0  », il est mis hors jeu. Bien évidemment, les autres couleurs peuvent être touchées selon le type de blessure. Diminuer le losange diminue également la puissance  : un joueur qui reçoit une blessure psychique (en pique) perd en souffle : il pourra utiliser moins de mots dans ses Magiphrases. Il n’y a pas que la magie dans la vie… Si vous utilisez Logos comme univers et pas simplement comme système de magie, vos actions non magiques seront déterminées par votre Losange (les piques quand il faut réfléchir, les carreaux pour encaisser, taper, pousser, les cœurs pour le social et les trèfles pour jouer au rôdeur/voleur/monte-en-l’air/ insérer nom de classe basée sur l’agilité). Il existe une liste de compétences non magiques. Si l’action entreprise est liée à une de ces compétences, la valeur du losange correspondant est confrontée au seuil de difficulté. Si le PJ possède une valeur supérieure ou égale à la difficulté, il réussit automatiquement. Si en revanche la valeur n’est pas assez élevée, il défausse autant de cartes de sa main que le différentiel x4 (ça fatigue d’enfoncer une porte quand on pèse 30 kg…). Il vaudra peut-être mieux utiliser un sort, ça sera moins fatigant mais plus risqué.

Évoluer Sans surprise, évoluer dans Logos signifie renforcer sa maîtrise de la langue. Comme beaucoup de jeux ésotériques de bon cru, la progression passe par l’initiation. Comme disent les vieux sages, ou les MJ riant de

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la déconfiture de leurs joueurs  : le voyage compte autant que la destination. Parfois, le progrès ne viendra pas du joueur, mais d’un artefact récupéré dans quelque temple obscur au milieu de la jungle. Un Verbobjet se présente sous la forme d’une carte tirée du jeu du MJ sur laquelle il aura inscrit un ou plusieurs Magimots en lien avec l’effet désiré. Plus c’est gros, plus ça fatigue, et plus c’est puissant, moins on arrive à s’en passer. Sans doute que l’Anneau Unique est un Verbobjet incroyable, mais… Dans quel état ça a mis ce pauvre Sméagol ! Améliorer le Losange jouera sur la puissance, le registre ou le souffle du joueur et est à doser avec modération. L’apprentissage de Magimots est l’axe de progression le plus intéressant et doit se faire au travers d’une initiation et d’une expérience particulière. Si un joueur apprend un mot à la va-vite, celui-ci sera pour la suite affaibli et ne pourra être exploité à son plein potentiel. L’apprentissage doit être la conséquence d’actions fortes, réussies ou subies. Proposition intéressante, le MJ pourra également imposer un mot, selon les mésaventures ou traumatismes du joueur, voire un tic de langage qui serait revenu trop souvent. Imposer des mots a l’attrait de pousser les joueurs à faire avec ou chercher à effacer ou permuter les mots de leurs cartes. C’est faisable mais coûteux car cela affaiblit la valeur de la carte ainsi modifiée. Enfin, dernière amélioration possible, les Voix, que l’on pourrait appeler dans d’autres univers des classes, des arcanes, des métiers, des spécialités… Elles peuvent être accessibles à la création, apprises en jeu, voire durant la campagne Demiurgia. Chaque voix s’accompagne d’une histoire particulière et de nouvelles règles spécifiques, une façon d’approfondir le rôle-play du personnage tout en laissant la porte ouverte à la création de sociétés ou groupes secrets et les luttes intestines qui les accompagnent inévitablement. Quelques exemples : • Les Alchiverbes  : savant mélange de Nicolas Flammel et des Bene Gesserit, les

Alchiverbes transmutent leurs cartes, ils changent leurs valeurs ou leurs couleurs. • Les Briseverbes  : inspirés de Shiva, le Joker, Atila, ils considèrent que la transformation naît de la destruction. Ils altèrent (plier, griffer, brûler, déchirer) leurs cartes pour amplifier leurs sorts. • Les Conteverbes  : ce sont les artistes, Baudelaire, Mozart, Villon. Ils peuvent utiliser les homonymes sans malus, gagnent des bonus s’ils jouent de prosodie, décorèrent leurs cartes pour les rendre plus puissantes (même si ce faisant, ils les orientent). • Les Mnémoverbes  : archivistes en puissance et en acte, ils peuvent écrire plusieurs Magimots sur leurs cartes.

Bon, ce Magiverse, c’est quoi ? Au commencement, la soupe originelle, le Paradigme, et à sa source, le Logos. Le Paradigme en s’étendant a donné treize vibrations différentes, treize Voix. Un jour, cataclysme cosmique, une partie de la Tambouille universelle s’est coupée du Logos, s’est manifestée physiquement, et a donné le Syntagme. Ainsi, naît le concept d’Aphasie  : plus un monde est proche du Logos, plus il est possible d’y utiliser le Verbe pour modeler la réalité. Dans le but de créer un groupe où tous les Verbemages puissent se réunir, les premiers mages ont créé le Nexus dans un des plans du Paradigme.

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Ainsi, dans le Syntagme, le Nexus tente de faire vibrer à nouveau les mondes pour les rapprocher du Paradigme et s’oppose à une organisation, la Main, qui cherche au contraire à maintenir et agrandir l’Aphasie. Le Paradigme Le Paradigme est un environnement de magie pure, accessible uniquement aux éveillés. Ce n’est pas un environnement physique, voyons plutôt cela comme le code de la Matrice. C’est un lieu hautement malléable par les pensées et émotions. Il est composé de six plans : • Le Logos  : ineffable et inaccessible, le Logos est la source de toute réalité.

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• Les Lettres-Mères : ces treize lettres sont les différentes émanations du Logos et chacune est liée à une des quatre lois du Logos. Certains pensent qu’elles sont l’origine du premier langage et qu’elles seraient conscientes. Elles sont également inaccessibles. • Les Mots-Racines  : les treize premières lettres ont donné les treize premiers mots à partir desquels les mondes et les choses deviennent intelligibles. Chaque carte du deck du MJ contient 2 mots-racines. Un être qu’y accèderait au plan AMOUR se verrait submergé par une vibration pure d’amour. • Les Phrases premières  : lorsque les mots-racines se mélangent, on obtient

des principes fondateurs de différents mondes. Un mode de jeu qui s’inspire de cette idée est proposé. Si les mots-racine FEU, TERRE et MÉLANGER s’associent, on obtient « le feu et la terre se mélangent », donc un monde composé majoritairement de volcans. Les plus puissants Verbemages ont accès à ce plan. On raconte même que certains ont modifié certaines Phrases… • Les Récits originels  : lorsque les phrases se combinent, on accède à la narration, à la création d’évènements. • Les Livres-Mondes  : ce plan est la résultante de la construction de tous les plans précédents. Lorsque suffisamment de Récits originels se sont associés dans un Livre-Monde, ce dernier finit par basculer dans la réalité (la Matrice est prête…). Un sort lancé par un Verbemage modifie le code-source du Livre-Monde où il se trouve. Côté Syntagme Le Syntagme est la partie incarnée du Magiverse, lui aussi réparti en six plans différents • L’Hyperbole est le plan le plus proche du Paradigme. La réalité est physique mais fortement marquée et influençable par la magie. • L’Assonance est un plan où les éléments du langage vibrent particulièrement bien ensemble. Les conflits sont rares et les Verbemages nombreux. • L’Allégorie est un plan où les Verbemages sont minoritaires. Le merveilleux y abonde cependant. C’est un plan où l’heroic fantasy se joue fort bien. • Dans le plan de la Métaphore, il existe un sentiment de séparation entre la conscience et le réel. La magie y est superstition, mythe. La Terre fait partie de ce plan. • Les mondes issus de la Dissonance sont particulièrement bien investis par la Main. La technologie et les IA y sont omniprésents. • Dans le plan de l’Antithèse, le Logos et donc la magie sont presque inexistants. La pensée est matérialiste, déterministe et centrée sur le premier degré des choses.

Aphasie et Nexus L’Aphasie est à la fois un lieu et un concept. C’est un lieu où tout déplacement est impossible, puisque le Verbe est action, mais c’est également le fait d’avoir moins bien accès au Logos. Quant au Nexus, c’est un lieu artificiel, créé par des mages dans le plan des Récits originels. C’est un Phare dans le Paradigme où se trouve l’Arcaneum, où se trouve le Conseil Jedi (comment ça, c’est pas la bonne licence ?). Le Nexus a été fondé par les treize Primo-Rétheurs, les fondateurs des treize Voix. Quant à l’Arcaneum, c’est une assemblée de sages et de savants qui discutent pour savoir qui a raison sans jamais prendre de décision. Côté factions Logos propose quelques factions. La plus importante est La Main, sorte d’Empire Galactique sous Palpatine, opposé au Logos. Plus puissante organisation du Syntagme, son QG est le monde d’Agathon et s’appuie principalement sur la technologie et les IA. Installée principalement sur les mondes où l’aphasie est forte, elle intègre de force les rares Verbemages à s’éveiller. Ces derniers, présentés comme une police hyper-technologique, sont contrôlés via une puce électronique. Les mensonges de la Main ont par ailleurs donné naissance aux Simulacres, une poignée de fanatiques technophiles persuadés que l’Univers n’est qu’un programme informatique dont il faudrait trouver le code-source. Opposés violemment à la Main, des oligarques suprémacistes, élitistes convaincus

LES JEUX DU VERBE Des jeux qui font du Verbe une magie sont nombreux, à raison. Après tout, le JDR explore déjà le pouvoir performatif de la parole : nos personnages et nos aventures existent car nous les verbalisons. Parmi eux, il faut avant tout citer Ars Magica (1997), Mage : L’Ascension (1993) et Mage : l’Éveil (2005) car ce sont les références qui ont inspiré Logos. Les créateurs du jeu ont récupéré le postulat que la magie est une formulation de phrases structurées d’Ars Magica, puis l’idée qu’un système de croyances modèle la réalité de Mage. Proposons entre autres Les Héritiers (2021) dont la magie du Grand Langage est un élément essentiel de l’univers et ses intrigues et une forme de magie dont les personnages auront à se saisir à un moment ou un autre. Une occasion de tester Logos en plug-in ?

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recherchent à préserver le Logos, mais seulement pour ceux qui le valent bien. Injectez une petite secte de fanatiques de l’Apocalypse, des Épiloguistes, Saupoudrez de quelques Verbemages-maçons qui explorent le Logos au sein d’une quête ésotérique, des anarcho-libertariens et cela donne un bel ensemble de courants et idéologies prêts à se sauter à la gorge au moindre PJ actif dans les parages.

Entrer dans le Logos : Le Centre et Demiurgia

Demiurgia

Deck du Maître

Deck du Joueur

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L’univers et la mécanique qui le sous-tend sont atypiques et peuvent être désorientants. Les créateurs du jeu en ont conscience et proposent pour leurs joueurs un scénario introductif, Le Centre et une campagne en quatre actes, Demiurgia. Le Centre est la porte d’entrée dans Logos, c’est un scénario sur une ambiance contemporaine de type plutôt thriller dans laquelle les personnages, aux mains d’un Centre qui fait des expérimentations douteuses, vont s’éveiller au Logos et créer progressivement leurs PJ. Le premier acte de Démiurgia, qui suit les évènements du Centre, envoie les PJ dans le passé et leur fait effleurer les enjeux des conflits entre le Nexus et La Main. Suite au premier acte, les PJ vont vivre une expérience initiatique inspirée de la descente de Dante aux enfers. Au cours de cette dernière, les PJ vont, de salle en salle, être mis face à des situations et des problèmes dont la résolution permet d’effleurer le fonctionnement et la philosophie derrière chaque Voix. Au terme de cette initiation intense, les PJ pourront choisir la Voix à laquelle ils adhèrent. Dans le troisième acte, les PJ, fraîchement recrutés, sont envoyés dans un monde contrôlé par la Main. Le scénario, d’ambiance futuriste et dystopique, permettra de se confronter au fonctionnement désincarné et froid de l’organisation qui a juré la perte du Logos. Enfin, le troisième acte tournera autour du Nexus, de ses guerres intestines et des intrigues entre les Voix et les Rhéteurs. Au terme de ces aventures, les PJ auront ainsi pu créer leurs personnages, effleurer le Magi-

verse, voyager dans le temps mais également dans l’espace, s’initier à leurs Voix, approcher les deux principales factions de Logos et leurs particularités, et voir en actions quelques mécaniques ou procédés, comme le palimpseste, la transposition, l’effet des Magimots dans un discours rhétorique, tout cela en découvrant des époques, mondes et genres divers.

A la croisée des jeux Puisque Logos se veut être un système, le jeu propose une série de modes de jeux pour en explorer les possibilités. On vous les classe du plus mécanique au plus narratif : • Le duel  : chaque joueur a son paquet de cartes, des points forts et des points faibles et cherche à surpasser l’autre grâce au lexique à sa disposition et surtout grâce à son imagination. A mi chemin entre le jeu de rôle, le jeu de plateau et le duel de rhétorique, ce petit mode de jeu permet d’explorer et tester le système, ou occuper une demi-heure d’attente au débotté. • La création et la résolution de scénarios : une série de tables aléatoires permet de créer les bases d’un scénario avec son cadre spatiotemporel, son ou ses PNJ au cœur de l’intrigue, l’interaction que les joueurs devront mener, et leur objectif. Avec ou sans concertation selon le niveau de difficulté choisie, les joueurs utiliseront leurs Magimots pour résoudre les défis qu’ils ont à résoudre. • La création de monde  : après avoir tiré au hasard 13 Magimots, les démiurges en herbe, qui représentent chacun le concept d’une Lettre-Mère, ont un temps limité pour créer les principes fondateurs de leurs mondes.

Le mot de la fin Logos sort des sentiers battus en proposant un système sans aléatoire et en le basant sur la force créatrice du langage. C’est une proposition ludique qui mérite qu’on se penche dessus, ne serait-ce que pour se demander ce qu’on pourrait en récupérer dans son propre univers.

Jouer avec les cartes, les disposer, écrire dessus voire les déchirer ou dessiner dessus permet de jouer sur le concret  : de même que les mots sont réels, les Magimots le sont également puisque les joueurs les manipulent. Cette matérialité ouvre un champ des possibles qui ne sera limité que par l’imagination des participants. Les créateurs du jeu ont par ailleurs fait en sorte de toujours être force de proposition sans être restrictifs. Libre à vous de ne récupérer que la mécanique, la magie, le système en entier… Il y a peu de mondes, peu de PNJ, peu de trames narratives pour la simple et bonne raison qu’il est attendu que le lecteur s’empare du matériel mis à sa disposition et se l’approprie. Si le Paradigme, le Syntagme et le Magiverse qui est derrière sont trop complexes ou trop ésotériques, il est également possible de faire comme s’ils n’existaient pas et faire du Logos une magie liée au monde où se trouvent les PJ. C’est un jeu qui aura les faiblesses de ses forces  : puisqu’il n’y a pas d’aléatoire, tout repose sur la capacité imaginative des joueurs et l’aisance qu’ils auront à combiner leurs mots pour arriver à leurs fins. C’est un jeu qui nécessite un dialogue et un esprit ouvert en permanence. Des joueurs débutants ou timides seront en difficulté. Des joueurs qui cherchent une expérience simulationiste seront déçus du système Logos : c’est une mécanique qui se concentre principalement autour des sorts, et donc plier le réel à ses besoins. Les compétences non magiques sont faites pour être occasionnelles et coûtent tellement cher au joueur qu’il aura presque toujours intérêt à faire une Magiphrase à la place, sauf s’il a déjà défaussé ses Magimots ou s’ils ne sont pas du tout cohérents, même avec beaucoup d’imagination. Enfin, Logos appartient pleinement à la famille des jeux ésotériques  : l’initiation, les questions existentielles, les fausses pistes sont des ressorts de jeux passionnants qui ne plaisent pas à MARIE-CHARLOTTE DAMASCO tout le monde.

EXPLORER LE MAGIVERSE Les créateurs du jeu ayant explicitement annoncé être trans-univers, ils mettent également à disposition un site. Ce dernier, pour le moment, propose des aides de jeu liées à la gamme : un générateur de personnage (pratique quand on veut s’essayer au mode duel ou à la cosmogonie), les fiches de personnages et de magimots, et une version automatisée de la table de création de scénarios disponible à la fin du livre de base. Peut-être qu’au fur et à mesure du temps d’autres aides viendront pour aider à l’intégration de Logos au sein d’autres mondes, créées par les auteurs ou par les joueurs.

http://magiverse.net

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CATS ! LA MASCARADE

ÇA VA MIAULER DANS LES CHAUMIÈRES IL EXISTE DES CRÉATURES NOCTURNES AVEC DES LONGUES CANINES EXPLOITANT LES HUMAINS À LEUR INSU… CE SONT LES CHATS. L’espion à pattes de velours

Cats! La Mascarade Type : jeu de rôle Auteurs : Vincent Mathieu Illustrateurs : Maxime Teppe Éditeur : Black Book Disponibilité : Disponible Genre : Intrigues et aventures à quatre pattes TRAITS Background :

• Les chats dominent le monde • En rapport avec… L’Atlantide ! • Des Rose+Croix comme adversaires Gameplay : • Des D10 • La discrétion est de rigueur • Humour à la table Produit : • Format mook. • Couverture souple ou rigide • Paravent rigide au format mook

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Les joueurs interprètent des chats évolués, parlant entre eux par télépathie, dotés de pouvoirs et répondant à l’appel du Conseil local pour maintenir la Mascarade auprès des pauvres bipèdes que nous sommes. Sauver un chaton, faire disparaître les preuves de l’existence de chats plus évolués, venir en aide à un allié humain ou encore mener des enquêtes qui révèlent la longue histoire des chats sont des exemples de scénarios proposés par ce jeu. Le piment de l’histoire est de trouver des solutions à hauteur de matous, passer d’une ville à l’autre devient Un Incroyable Voyage 1 lorsqu’on a quatre pattes et la taille d’un greffier. Heureusement les chats possèdent divers pouvoirs tel que le contrôle d’un humain, cela ne résout pas pour autant tous les problèmes : avoir deux bras et deux jambes ne signifie pas savoir conduire une voiture. L’humour n’est alors plus seulement dans le jeu mais également à la table. Car le jeu ne manque pas d’humour, de clins d’œil notamment au septième art et à l’attitude de nos panthères miniatures domestiques. L’auteur aime les chats, il les connaît et ça se voit. Ne croyez pas pour

autant interpréter de jolis petits chatons inoffensifs qui ne font que jouer avec des ficelles entre deux gamelles de croquettes. Intrigues et politiques sont au menu de ce jeu notamment avec le Conseil des chats, leurs factions politiques et les faveurs. Le jeu peut alors se faire incisif, rapide et manipulateur, comme nos minets finalement !

Ce n’est pas le chat que vous cherchez Oubliez tout ce que vous savez sur l’histoire de l’humanité et l’histoire des chats, ceux-ci manipulent l’homme afin qu’il oublie qu’il a été modifié génétiquement pour les servir. Intelligents, doués de nombreux talents, les chats ont vu leur apogée avec la mystérieuse Atlantide disparue sous les flots, éclatant la communauté féline à travers le monde. Le monde félin est depuis divisé en deux : les chats dégénérés et les chats intelligents, les

premiers plus prompts à se reproduire que les deuxièmes. D’autres enjeux se mêlent alors au quotidien de nos amis félins, la sauvegarde du patrimoine génétique et de la race évoluée – chaque faction et chaque conseil local ayant sa propre opinion à ce sujet. Enfin, il n’y aurait pas de Mascarade sans adversaires, elle prend ici les traits des Roses+Croix qui soupçonnent l’existence d’un Ennemi manipulateur sans se douter que l’adorable petite chose qui se lave les pattes à côté d’eux en fait partie.

Moi vouloir être un chat Naturellement vous pouvez jouer un chat. De race, de gouttière, à poils courts, à poils longs, joueur, gourmand, bagarreur ou ronronnant, pro-humain ou esclavagiste.

Vous pouvez aussi jouer l’un des rares êtres humains allié aux chats à connaître la Mascarade. Vous pouvez enfin jouer un Bastet, un chat dont l’esprit est resté coincé dans le corps d’un humain et dont les esprits ont fusionné. Le jeu propose aujourd’hui un magnifique livre de base à couverture rigide et une version souple sous forme de hors-série Casus, un écran trois volets et un livre de scénarios contenant plusieurs intrigues dont des mini-campagnes. De quoi ronronner au coin du feu pendant de longues soirées.

1. Voir le film de 2003 qui raconte les aventures d’un chat et de deux chiens qui cherchent à rejoindre leurs maîtres.

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Tout le monde veut devenir un Cat Il faut bien être conscient que le système possède un héritage lointain, déjà de son modèle (on jette une poignée de D10) et de la date de création (ce jeu a presque vingt ans). S’il reste fidèle à sa première version, il a su se moderniser : une difficulté qui passe de «  semi-logarithmique  » (pour

citer l’auteur) à une version plus linéaire et logique (notamment pour les combats) et une gestion des faveurs dynamisée par des cartes à utiliser par les joueurs : coup de bol, chat ninja, matou des rues, amore, amore… Le système est assez simple : le joueur lance Chance D10 ; il garde celui qu’il veut (même le pire s’il souhaite un échec), il ajoute une compétence afin de battre un niveau de difficulté. La Chance augmente et diminue à coups de réussite ou échec critique… Ce qui donne des situations épiques ou cocasses. Si les innovations fantasques sur les noms des caractéristiques dans les JdR ne sont pas de notre goût (appelons un chat, un chat !), celles de Cats! sont justifiées par l’esprit du jeu. Ainsi l’intelligence est représentée par Ronronnement, la sociabilité par Coussinet, la force devient Griffes, Vibrisses représente l’intuition, … L’analogie entre les caractéristiques classiques et celles de Cats ! permet une appropriation rapide des concepts.

Viens mon chat sur mon cœur amoureux Bourré d’humour tout en permettant de jouer des intrigues sérieuses, Cats! permet de lâcher la bride au félin qui est en nous. Cet OVNI du JdR francophone méritait grandement une nouvelle édition, et les illustrations de Maxime Teppe lui font véritablement honneur. Grande amoureuse des chats, je ne peux pas totalement être objective vis-à-vis de ce jeu d’autant que j’ai eu la chance de faire une nuit blanche Cats! La Mascarade à la dernière CJDRA2 avec Vincent Mathieu, l’auteur du jeu. Jeu de rôle tout d’abord amateur, si vous pouvez l’avoir entre vos mains, c’est grâce à l’amour qu’il porte à son jeu. Avec le soutien de sa communauté, cela fait près de vingt ans que l’auteur écume les conventions pour partager avec nous cette pépite rôlistique. Et n’oubliez pas ! Ce n’est pas votre chat qui vit chez vous. C’est vous qui vivez chez lui !

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NADÈGE « MISS MOPI » DEBRAY

LET’S PLAY! En une heure trente de jeu maîtrisée par le créateur de Cats!, cet actual play publié pour le lancement du financement participatif vous permet de vous familiariser agréablement avec l’univers et le système du jeu. Avec un clin d’œil à notre loisir favori. www.youtube.com/watch?v=Zl7SmXftg_I MIAOU La team Rôle’n Play joue à Cats! La mascarade sur un scénario de Vincent Mathieu. www.youtube.com/watch?v=532OpJTfbHk

PAROLES DE JOUEUSES « En MJ manquant de pratique, après la lecture du livre de base, j’ai pu faire jouer très rapidement le premier scénario de Cats! (Il faut sauver le chaton Ryan) en exploitant le grand choix de prétirés à disposition. Seul écueil, la longue liste de talents. Cette richesse de jeu peut paraître compliquée au départ mais petit conseil : faites comme moi et laissez à vos joueurs la liste des talents possibles, après tout leur chat est censé les connaître mieux que vous. Ce conseil vaut pour plein d’autres jeux, laissez les joueurs en capacité de maîtriser leurs capacités et ils sauront vous étonner tout en vous libérant de la charge de les gérer pour eux. » – Nadège, MJ « Comme le dit la chanson, “tout le monde veut devenir un chat !” C’est l’expérience que j’ai pu vivre l’espace d’une soirée grâce au jeu de rôle Cats! La mascarade, et c’était aussi drôle que de prendre de l’herbe à chat. Pas que j’ai essayé mais... Interprétant le charismatique et attrayant M’riw (ou Jean-Gabin pour ses maîtres), un chat doté d’une intelligence supérieure aux humains et de pouvoirs qu’on ne soupçonnait pas. J’ai effectué une mission de sauvetage avec trois autres félidés. Malheureusement, tous les chats ne sont pas doués de conscience, certains se sont abaissés à être de simples animaux de compagnie, tout juste bons à accepter leur pâtée quotidienne. Cats! nous permet de jouer trois grandes familles de personnage : des chats intelligents, des bastets c’est-à-dire des chats coincés dans un corps d’humain et des humains. Ce qui augmente grandement le panel des possibilités. Si ces trois familles sont marrantes à jouer, j’en essayerai une autre la prochaine fois. Le gameplay et les fiches personnages sont très faciles d’accès, très lisible mais également très mignonnes avec les deux patounes. » – Albane, humaine de Flammèche, chat soit dégénéré soit hautement machiavélique et comédien

Razeyk partage également ses parties sur Twitch et en replay sur Youtube ! Attention… Spoilers sur les scénarios du jeu ! www.youtube.com/watch?v=gqTmjvANoOc Une communauté active depuis la première édition www.facebook.com/ CatsLaMascarade/ Un auteur présent et actif https://www.facebook. com/vincent.mathieu.18

2. Convention de Jeux de Rôle Amateur, cf interview de Vincent Mathieu.

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“VINCENT MATHIEU RENCONTRE AVEC

ENTRETIEN

CATS  ! RONRONNE SA SECONDE VIE DEPUIS PEU DANS UN MAGNIFIQUE PELAGE. INCAPABLES DE RÉSISTER À CES ADORABLES BOULES DE POILS (À CROIRE QUE CES HISTOIRES DE DOMINATION SECRÈTE DU MONDE PAR LES CHATS NE SONT PAS QUE DES HISTOIRES…), NOUS AVONS OUVERT LES PORTES DU MAGAZINE À VINCENT MATHIEU, SON AUTEUR, POUR DÉCOUVRIR COMMENT LES CHATS S’Y PRENNENT POUR PRENDRE LE CONTRÔLE DES RÔLISTES !

M

eow ! Bon, je vois que les adorables boules de poils semblent avoir réussi à faire de toi un agent de leur domination sur le monde. Tu es sous leur joug depuis longtemps ? Vincent  : depuis l’école primaire pour être précis. La maîtresse avait ramené en classe un magnifique jeune chat entièrement blanc pour nous faire découvrir l’espèce féline et (surtout) pour lui trouver une famille d’adoption. Je suis rentré chez moi avec la ferme intention de faire adopter ce chat par mes parents. Après d’âpres discussions, nous sommes arrivés à un compromis : si j’étais premier de la classe à la fin du trimestre, le chat venait chez nous. Mes parents ont ainsi découvert que motivé, leur dernier rejeton était prêt à renverser des montagnes pour atteindre son but. Et c’est ainsi qu’Antigone (car c’était une chatte) est devenue mon premier compagnon félin avant mon entrée au collège. Qu’est-ce qui t’a poussé à dédier un jeu entier aux félins ? Tu trouvais qu’ils n’étaient pas assez présents ? Vincent  : outre sa classe visuelle et sa distanciation sociale innée, qui fait qu’on doit à chaque fois recommencer à amadouer son chat pour lui

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procurer quelques caresses, je suis persuadé qu’il existe une «  félinothérapie  » innée lorsqu’un être humain interagit avec un chat. On acquiert une quiétude qui oscille entre la méditation zen et la béatitude mystique. Cats ! est en grande partie un hommage à ces petits félins qui ont réussi à cohabiter avec les hommes sur une base sociale proche de l’entente cordiale. L’autre grande idée qui m’a poussé à créer ce jeu de rôle était de trouver une réponse à cette question qui m’a taraudé pendant des années : «  Pourquoi est-ce que l’humanité donne un tel rôle prépondérant aux chats domestiques dans leurs maisonnées alors qu’il n’a plus aucune utilité dans notre monde moderne  ? (comme chasser les rats et protéger les récoltes auparavant)  ». Cats  ! apporte une réponse argumentée à cet état de fait.

VINCENT MATHIEU

Tu as envisagé d’autres animaux pour un jeu de rôle ? Vincent : j’avais envisagé un moment d’inclure les dauphins dans le jeu, mais je me serais trop dispersé. Autant faire un jeu sur les chats en se concentrant uniquement sur eux et axer les mécaniques et l’univers de jeu sur ces petits félins domestiques.

Tu t’es inspiré de tes chats pour le développer ? Vincent : oui, notamment en ce qui concerne les chats que les éveillés qualifient de dégénérés. J’avais deux chattes à la maison à l’époque. L’une d’elles était manipulatrice en diable et redoublait d’imagination pour arriver à ses fins, et j’étais scotché par ses trouvailles pour régler un problème ou obtenir ce qu’elle voulait. Quant à l’autre, elle était très gentille, mais ultra-naïve et facilement bernée par sa sœur retorse. Ce sont elles qui m’ont amené à scinder les chats dans Cats ! entre les « éveillés » et les « dégénérés ». As-tu cherché à éviter l’anthropomorphisme dans le jeu ? Est-ce d’ailleurs possible ? Vincent : oui, c’est même un de mes premiers arguments de développement ludique du jeu.

Je me souvenais de vieilles parties d’AD&D avec un voleur félys, une espèce d’hommechat avec des bonus en Dextérité à cause de ses ascendances félines. Sauf que ce n’était pas comme jouer un véritable chat. Le personnage avait une tête, un torse, deux bras et deux jambes et faisait exactement ce qu’aurait fait un voleur humain, quelques bonus en plus. Tandis que se mettre dans la peau d’un véri-

SE METTRE DANS LA PEAU D’UN VÉRITABLE CHAT, C’EST CHANGER ENTIÈREMENT SA FAÇON DE VOIR LE MONDE ET SON ÉCHELLE DE DIFFICULTÉ POUR ENTREPRENDRE DES ACTIONS. IL EST BEAUCOUP PLUS FACILE POUR UN CHAT DE SE PLANQUER SOUS UN CANAPÉ OU UNE VOITURE STATIONNÉE DEHORS, MAIS LE MONDE ACTUEL EST FAIT POUR LES HOMMES.

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EN REVANCHE, IL ME SEMBLAIT IMPORTANT DANS CETTE NOUVELLE ÉDITION D’Y INCLURE BEAUCOUP DE SCÉNARIOS AUX THÈMES DIFFÉRENTS POUR BIEN DONNER AU LECTEUR TOUTES LES POSSIBILITÉS LUDIQUES DES PARTIES POTENTIELLES À JOUER AVEC SES AMIS. table chat, c’est changer entièrement sa façon de voir le monde et son échelle de difficulté pour entreprendre des actions. Il est beaucoup plus facile pour un chat de se planquer sous un canapé ou une voiture stationnée dehors, mais le monde actuel est fait pour les hommes. Les objets sont généralement hors de portée, car trop hauts ou conçus pour une main humaine avec un pouce préhenseur. Interpréter un chat, c’est bousculer les repères des rôlistes humains, car se faufiler via une fente minuscule devient facile alors qu’ouvrir une porte devient compliqué. Dans Cats  !, les rôlistes comprennent vite qu’il va falloir gamberger et se creuser la tête pour résoudre des problèmes qui n’existent pas quand on est un être humain. C’est ce qui fait en grande partie tout le sel de ce jeu de rôle. Et je ne parle même pas de la vision biaisée du monde des hommes perçue par les chats…

Y a-t-il des caractères des chats que tu aurais souhaité développer davantage, mais qui étaient trop compliqués à retranscrire en jeu de rôle ? Vincent  : j’ai essayé de retranscrire les principaux caractères félins dans le jeu. Les chats sympas envers leurs propriétaires ont donné lieu à la faction des progressistes alors que ceux qui leur font une vie de misère ont inspiré la faction des esclavagistes. Certains talents psychiques reflètent aussi la propension des chats à piquer la nourriture dans la maisonnée comme la téléportation ou le passe muraille. Le plus compliqué a toujours été de faire comprendre cette mentalité féline du « pas vu, pas pris  ». Un chat comprend sans problème qu’il n’a pas le droit de boulotter du saumon frais sur la table de la cuisine quand vous l’engueulez. Lorsqu’il recommencera une fois que vous avez quitté la cuisine, il comprendra qu’il peut le faire quand vous n’êtes pas là puisqu’il ne subit pas vos reproches. C’est le caractère félin le plus difficile à traduire en terme ludique. J’ai essayé de l’esquisser dans le livre de jeu. Le jeu ronronne depuis peu dans sa très belle seconde édition. Comment a-t-il évolué depuis la première ? Vincent  : grâce à la défunte Convention des Jeux de Rôle Amateurs (CJDRA), j’ai appris deux choses essentielles à la conception d’un jeu de rôle. La première, c’est que c’est un processus long et ardu, où on remet cent fois son ouvrage sur le métier avant de trouver la bonne formule ludique. Et la seconde, c’est qu’on a jamais mieux fait que le test en réel avec des joueuses inconnues pour valider si ça fonctionne ou pas. J’ai écumé les conventions rôlistes de France avec Cats ! Bien avant sa première édition, et j’ai continué à la faire après. Si prendre son bâton de pèlerin pour faire jouer son jeu est coûteux et fatigant, toutes les parties jouées

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m’ont aidé à corriger, peaufiner ou modifier des mécanismes de jeu pour les fluidifier ou les éclaircir. Les deux principales modifications par rapport à la première édition sont l’échelle de difficulté des actions qui passe de logarithmique à linéaire (ce qui est mentalement plus simple et facilite les mécanismes de défense lors des combats félins) et l’ajout de cartes de faveurs qui donnent un élément tangible dans les mains des joueuses pour faciliter les échanges de faveurs entre leurs personnages (et quelques petits bonus en cours de partie aussi). Côté contenu, j’étais d’accord avec Black Book pour que Cats  ! garde un petit format (il est édité au format «  mook  ») parce que je l’ai toujours vu comme un petit jeu de rôle. En revanche, il me semblait important dans cette nouvelle édition d’y inclure beaucoup de scénarios aux thèmes différents pour bien donner au lecteur toutes les possibilités ludiques des parties potentielles à jouer avec ses amis. Et aussi d’être le plus didactique possible concernant les mécanismes de jeu pour aider et guider les nouveaux venus qui découvriraient le jeu de rôle à travers ce livre

de jeu (d’où les nombreux encarts descriptifs dans la première partie du bouquin).

La gamme est-elle close ou de nouvelles aventures félines vont-elles voir le jour ? Vincent : j’ai encore quelques billes dans ma besace pour proposer des aventures félines avec Cats  !, que ce soit des formats courts (environ deux heures) comme ce que j’ai fait jouer au cours de l’actual play lors du lancement du financement participatif réalisé par Black Book ou en format de mini-campagne (mais c’est encore en cours de développement). Et je fais aussi confiance à la communauté de rôlistes bâtie autour du jeu pour proposer des aventures inédites sorties de leurs imaginations fertiles. En bonus pour nos lecteurs, as-tu un synopsis de scénario qui n’a pas encore trouvé sa place dans la gamme ? Vincent  : j’ai un scénario écrit que je n’ai jamais fait jouer ni en convention ni avec des amis, car il tranche avec le ton léger et

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comique du jeu. Il s’intitule «  Cat l’éventreur  », et c’est l’équivalent d’une enquête policière en version féline. Il est beaucoup plus sombre par rapport à tous les autres scénarios que j’ai publiés ou fait jouer en convention. Il me faudrait un avertissement disant : « Attention, vous allez jouer un polar version hard-boiled dans l’univers de Cats  !  », et j’ai des doutes quant à sa pertinence. Le synopsis part d’un chat amoureux devenu fou parce que sa dulcinée a été séquestrée, torturée et tuée par de jeunes humains malsains. La chatte décédée possédant le talent de télépathie, son compagnon a littéralement vécu et ressenti tout son horrible calvaire dans sa propre chair. Et il décide de traquer les meurtriers pour se venger et leur faire subir ce qu’ils ont infligé à son ex-compagne, quitte à briser la Mascarade dans sa folie vengeresse. Il y a deux enquêtes parallèles dans cette aventure :

celle des hommes qui sont face à des situations échappant à toute logique et celle des félins qui tentent de retrouver et stopper l’expédition sanglante du chat fou de douleur.



Propos recueillis par Éric Dedalus

OKIMBA

SURVIE ET ONIRISME À L’ÂGE DE PIERRE Okimba

« NATURE IMPITOYABLE, MYSTÈRES ONIRIQUES ET VOYAGES INITIATIQUES ». NE VOUS Y TROMPEZ PAS, IL NE S’AGIT PAS D’UNE ACCROCHE PUBLICITAIRE POUR UN STAGE SHAMANIQUE AU FIN FOND DE LA SIBÉRIE, MAIS BIEN L’INVITATION PROPOSÉE PAR OKIMBA. SI VOUS APPRÉCIEZ LES JDR QUI SENTENT LA BÊTE, COMME SAPIENS OU WÜRMS, OKIMBA VOUS PROPOSERA UNE EXPÉRIENCE RAFRAÎCHISSANTE. I will survive! Si vous n’êtes pas très à l’aise avec les organisations tribales et le poids des traditions, et surtout, si vous avez boudé les émissions de télé-réalité de survie sur une île déserte ces dernières années, Okimba a pensé à vous. La découverte du continent de N’taro s’inscrit d’emblée comme la transmission d’un savoir précieux, transformant le lecteur en un néophyte qui recueille la parole initiatique des anciens.

N’taro est une vaste île-continent semblable à la Pangée. Le shaman narrateur décrit avec sagesse les traditions et cultures tribales du continent et prodigue des conseils de survie en plus de sa compréhension du monde des esprits. Ainsi, commence un plaisant voyage initiatique parmi les douze régions au nom exotique, comme le désert de Moukoubé, les glaces de Gourou Moukou ou encore les lumières de N’tchiti, sans oublier les spécificités de la faune et de la flore, ainsi que

Auteur : Tikokh Illustrateurs : Tikokh, Jason Adjiwanou, Florent de la taille Éditeur : Galion sauvage Disponibilité : pack Yapluka 75 €, mais livre de Base seul à 39,99 € Genre : survie, exotique, préhistorique, shamanisme TRAITS Background : • Tribal • Survie • Shamanique

Gameplay :

• D12, ça fait toujours plaisir • Simple et diablement efficace • Gestion des vivres du personnage

Produit :

• 184 pages couleur très immersives grâce à leurs illustrations • Chapitrage clair et cohérent • Un scenario dans le livre de base

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les tribus qui y vivent. Le tout fourmille de bonnes idées qui donnent sa couleur à chaque région : habitats particuliers, histoire et mystères. Nos alter ego ne disposent d’aucune avancée technologique qui leur procurerait une supériorité quelconque et fiable sur la nature environnante. Ainsi, si un joueur désire disposer d’une hache, elle ressemblera à un silex précieusement attaché à un morceau de bois. Trouver à manger et à boire sera l’une de leurs préoccupations principales dès qu’ils seront éloignés d’une communauté ou d’une tribu. Selon où ils se trouvent, chasser ou cueillir des plantes pourra s’avérer mortel car dans le monde d’Okimba il n’est pas rare que le prédateur devienne une proie. Un monde féroce donc, mais aussi destiné à un destin tragique qui sera la toile de fond des aventures : le réveil du dieu vengeur Okimba.

La dimension magique et onirique du monde passe par la présence d’esprits et l’expression d’une philosophie shamanique. Les esprits sont en effet omniprésents pour les habitants. Il en existe des plus ou moins bienveillants avec qui ces derniers passent des pactes mais aussi des cruels pour les personnages. L’avantage obtenu auprès d’eux peut être un simple service ou un sortilège qu’un shaman utilisera presque à sa guise. L’inspiration principale de ce JdR semble très influencée par la culture africaine, notamment par la présence de masques qui sont les artefacts les plus puissants de ce monde. Les PJ évoluent par conséquent dans un univers où la rudesse côtoie des mystères poétiques qui invitent au voyage. C’est dans cet environnement fécond et inspirant que les joueurs auront grand plaisir à incarner ce qui fait l’originalité du jeu : les animains.

Born to be wild Les animains ne sont pas vraiment des hybrides animal-humain. Il s’agit de bêtes anthropomorphes qui ont acquis la conscience d’elle-même à l’âge de pierre. Ces étranges créatures se sont adaptées biologiquement, chacune à leur façon à leur environnement pour survivre. Crocs, griffes, poison, carapace, hormones… font partis de leur attirail. Doués de parole, d’intelligence et de capacités sociales, les animains vivent en tribu, commercent, s’entre-aident, esclavagisent et s’entre-tuent. Il existe ainsi douze lignées d’animains, en comptant celle honnie des Saharoux (jouable également), qui proposent chacune une expérience de jeu différente Ces spécificités marquées et les superbes illustrations donnent vraiment envie de toutes les jouer. Sans tous les citer, mais pour le plaisir de vous donner un aperçu, imaginez les minuscules Tiguet (0,70 mètre en moyenne), très rusés, venimeux et adaptés à la survie, provoquant les gigantesques Lourpah (des buffles bedonnants de 2m50 en moyenne !) avec leurs quatre bras, leurs deux cornes et leur amour de l’alcool. Ou encore une

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rencontre entre les diplomates Gankou (des girafes sur deux pattes) très bavards et fornicateurs et les terribles Zékay (ils ont des écailles) élevés comme des Spartiates et qui ont la réputation de manger leurs propres enfants. Bref, de quoi combler les attentes de tous les joueurs. Les lignées sont décrites en un peu plus d’une page et sont superbement illustrées. On y trouve leurs capacités spéciales, leur quotidien, leurs traditions et surtout leur régime alimentaire. Là où dans la plupart des jeux, l’alimentation est un détail, ici il s’agit d’un des critères les plus importants à prendre en compte. Ainsi, si votre joueur le plus « baston ! » souhaite incarner un très violent et redoutable Krinier, il devra non seulement s’alimenter à raison de 8 rations d’eau et de 4 rations de nourriture par jour (c’est beaucoup), mais aussi se limiter à un seul type d’animal choisi à la naissance par ses parents comme le veut la tradition de cette lignée. Le minuscule Tiguet, quant à lui, n’impressionnera jamais personne mais ne consommera qu’une ration de nourriture et deux d’eau par jour. Les animains sont ainsi très originaux à incarner. De plus, on est loin d’une recherche d’optimisation. En effet, même s’il reste toujours plus efficace de se répartir des fonctions entre les personnages (toi tape, lui parle, moi magie), l’adaptabilité du personnage et du groupe sera bien plus déterminante que la super optimisation d’une compétence. Mais surtout, il faut souvent se débrouiller tout seul pour se nourrir. Notre Krinier non-chalant ne sait que chasser un seul type d’animal et sera bien en difficulté s’il devait aider à pêcher des mollusques pour l’Alombek (sorte de ptérosaure capable de voler).

Walk on the wild side La première règle pour survivre est de ne pas rester seul. Sinon votre personnage deviendra une proie et il mourra sans doute sous les griffes d’un prédateur, ou de faim, voire de maladie. Pour faire face aux dangers permanents d’une nature hostile, les animains vivent en

tribu où se mélangent les lignées décrites précédemment. Le manque d’eau ou de nourriture a évidemment des conséquences néfastes sur leur santé. Il occasionne des faiblesses, puis des maladies pouvant entraîner la mort. La gestion des rations est donc centrale en cours de partie, une véritable épée de Damoclès qui menace les PJ. La survie est donc au cœur du jeu. Le système de résolution s’articule autour de cinq caractéristiques nommées «  réserves  » pouvant aller de 2 à 12 : le Sang (la force), la Grâce (le mouvement), le Cœur (la bravoure), l’Âme (la spiritualité) et la Chair (la survie). Plus les réserves sont hautes, plus il est facile de réussir les actions désirées, mais aussi de mieux résister aux blessures de tout type (physiques, spirituelles, mentales). Pour réussir son action, le joueur lance toujours 5d12. Chaque résultat strictement inférieur à la valeur actuelle compte pour une réussite. Une difficulté moyenne exige deux réussites Ainsi, si un personnage (Sang de 8) n’a pas d’autre choix que de sauter par-dessus un ravin en prenant son élan, le joueur doit obtenir deux réussites à un test de Sang de difficulté moyenne. S’il échoue, la chute

LES SAHAROUX Les Saharoux sont des croisements « contre nature », de véritables abominations dans le monde d’Okimba. Il est nécessaire de bien saisir la différence entre une lignée et une tribu pour comprendre le rejet du Saharoux. La lignée correspond aux animains qui sont semblables (Lourpah, Rikäne, Kizaali…), tandis que la tribu est une communauté assemblée qui comporte très souvent des animains de lignées différentes. Il n’y a pas de rejets ou de tensions entre les animains (ou presque). En revanche, le mélange de lignées donne des créatures considérées comme monstrueuses. Les joueurs pourront imaginer à loisir le résultat de ces métissages, en adoptant une partie des caractéristiques morphologiques de chaque géniteur. Par exemple, le croisement entre une Rikäne de 100 kg (avec sa gueule de hyène et ses cornes qui lui sortent latéralement du nez) et un Pikpik de 30 kg (qui n’est autre qu’un gros hérisson très teigneux) pourrait engendrer une grosse tête de hyène sur un petit corps d’hérisson ou pourquoi pas une hyène avec une tête d’hérisson bardée d’épines. On est parfois plus proche du ridicule que du monstrueux. Ces animains sont cependant très rares car la fécondation entre différentes lignées est généralement vouée à l’échec. De plus, leur naissance est traditionnellement annonciatrice d’un grand malheur à venir. C’est pourquoi ils sont au mieux mal aimés, au pire chassés et tués. Et… Ils n’ont aucun atout ou superpouvoir qui les rendraient attrayants pour un joueur appréciant les personnages avec un lourd handicap, mais disposant d’une caractéristique originale et puissante. On imagine donc mal un Saharoux trouver sa place dans un groupe de PJ, comme un drow parmi un groupe de Bon. Jouer un groupe de Saharoux condamne les parties à éviter toute interaction sociale. Leur intérêt est plutôt, à n’en pas douter, au niveau des scénarios dont ils peuvent être des protagonistes essentiels.

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ON Y A JOUÉ MYTHOLOGIE Le dieu Okimba est un Wibé, comprendre un esprit premier capable de façonner le monde physique par sa simple imagination. On ne sait comment, mais il est le seul rescapé d’une guerre qui éclata entre les Wibés. Ce conflit engendra un immense chaos dans le monde de N’taro, alors il décida de séparer son âme en autant de Géants afin de ramener l’ordre. Okimba, épuisé, s’endormit. Les Géants réussirent leur mission, mais les Katmains (les premiers animains) refusèrent leur place inférieure par rapport aux Géants. Les Katmains finirent par leur livrer une guerre qui mena les deux peuples au bord de l’extinction. S’ensuivit ensuite l’apparition de nouvelles lignées d’animains qui ont peuplé N’taro. C’est l’âge dans lequel évoluent les joueurs. Et Okimba alors ? Les shamans présagent la fin d’un cycle avec le réveil d’Okimba qui signifierait l’anéantissement pur et simple de tous les animains. Cette crainte est d’autant plus fondée qu’il existe toujours des Géants qui exécutent les ordres donnés par Okimba, ainsi que la présence de forces mystérieuses qui tentent de le réveiller par de sanglants rituels. Après tout, « n’est pas mort ce qui a jamais dort » n’est-ce pas ?

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occasionne à son personnage deux dégâts, ce qui réduit sa réserve de Sang à 6. Les prochaines actions nécessitant cette réserve seront par conséquent bien plus difficiles à réaliser  : une réussite est dorénavant obtenue avec un résultat sur son jet de 5 ou moins (contre 7 ou moins avant cette chute désastreuse). Pour corser la difficulté, le MJ est libre d’imposer des malus selon son appréciation. Il peut ainsi décider d’infliger des états comme «  saignement  » qui infligeront une perte de 1 en Sang et en Chair par jour tant que le joueur n’a pas trouvé une solution pour guérir sa blessure. Le système a le mérite d’être très simple, souple et efficace. Il se complique cependant légèrement pour les confrontations. Le jeu propose que l’ordre d’initiative des personnages soit donné arbitrairement par le MJ selon la situation. Une façon de faire que l’on retrouve dans certains PbtA mais qui risque de ne pas faire l’unanimité. D’autant que la réserve de Grâce semble tout indiquée pour résoudre l’initiative. Le combat se déroule en tests en opposition. Le joueur de l’attaquant doit tester le Sang et obtenir plus de succès que celui du test en Grâce de son adversaire. Si tel est le cas, il lui inflige les dégâts de son arme moins les succès du défenseur. Cette règle de gestion des oppositions n’est pas la plus rapide qui soit. Elle peut être également trop simpliste pour celles et ceux qui apprécient plus de réalisme lors des combats notamment. Pour y remédier, l’auteur propose des règles avancées pour plus de « simulation », comme l’ajout de modificateurs en fonction de la taille des pugilistes. Les combats se veulent cependant surtout narratifs. Le rapport de force est très souvent en défaveur des personnages qui se doivent d’être inventifs. Les joueurs prennent en effet surtout plaisir à triompher grâce au style propre de la lignée de leur alter ego. Les confrontations directes sont réservées aux plus guerriers équipés d’armes et d’armures naturelles, alors qu’un Alombek prend son envol pour s’enfuir ou attaquer depuis le ciel, ou qu’un Katmain gagne la cime des arbres pour mieux évaluer la situation.

Wild thoughts

Okimba, c’est frais ! Tous les joueurs rencontrés sont sortis ravis de leur partie d’Okimba. Le jeu est original à la fois par son univers et les personnages proposés, sans parler de l’expérience de survie face à la nature qu’il procure. L’auteur parvient également à donner une profondeur philosophique et ésotérique à la condition des animains. Le scénario proposé dans l’ouvrage contraint les personnages à collaborer pour se libérer d’une emprise bien handicapante. Le retour annoncé du dieu maléfique Okimba devrait faire passer ce monde dans un nouveau cycle. Aux joueurs de saisir les implications que ce profond changement pourrait occasionner sur l’avenir de leur tribu, des animains et même de N’Taro. L’absence d’animosité ou de querelles séculaires entre les animains favorise l’entente entre les PJ, malgré leurs différentes lignées. Cette situation de paix et de bonne entente générale peut être le socle parfait pour plus de dramaturgie. En effet… Comment ces sociétés tribales réagiront-elles si l’une des lignées ou tribus acquiert une technologie avancée comme le travail du bronze ou du fer ? Quel terrible chaos serait engendré si le dieu Okimba venait à privilégier une lignée d’animains ? La philosophique tribale est magnifiquement servie par de superbes illustrations et un vocabulaire imaginaire poétique qui rend la lecture très agréable Okimba s’annonce comme un bac à sable riche qui ne se laisse pas engluer par un lore écrasant et verbeux. En plus du scénario présent dans le livre de base, trois scénarios sont d’ores et déjà disponibles sur le site de l’éditeur. On attend cependant impatiemment une campagne qui dévoilerait les mystères mis en place autour du retour annoncé du dieu maléfique Okimba. En effet, l’enjeu principal de ce réveil n’est peut-être pas assez inscrit dans le jeu. Les animains sont pensés entièrement autour des leurs attributs physiques pour survivre et de leur culture tribale pour faire société. Rien ne les relie à l’intrigue principale à la création de personnage. Surtout, ils ont déjà beaucoup à faire pour tout simplement survivre dans ce monde

hostile (sur les quatre scénarios disponibles, trois font commencer les joueurs prisonniers ou traqués…) et le jeu est très bien pensé à ce niveau. L’intrigue de fond du sanglant retour d’Okimba trouve donc difficilement sa place sans demander un investissement important de la part du MJ pour l’intégrer à ses aventures.

Young, Wild & Free Cinq joueuses de 15-16 ans, qui ont totalement accroché au jeu et ses illustrations, ont été réunie à deux reprises pour deux heures. Elles ont beaucoup aimé principalement parce qu’elles se sont très vite attachées à leurs animains qu’elles ont pu incarner facilement. Elles ont trouvé également que la gestion de la nourriture et de l’eau était « sans prise de tête » (Clara) et faisait bien monter la pression. Je me suis aperçu qu’il leur était très difficile de penser et d’agir comme un animal. La bestialité n’était pas leur fort, elles favorisaient plutôt la négociation et l’utilisation de l’intelligence. Assez drôle quand vous avez une Zékaÿ et une Krinier dans le groupe. La Katmain a été particulièrement maline. Sa capacité d’empathie n’est pas à négliger. Le scénario a été suivi à la lettre, ainsi que les recommandations*. Ce huis clos oppressant (comme dans des JdR d’horreur ou policier) a une saveur particulière. On y découvre avec volupté que les animains sont vraiment pensés pour survivre à de nombreuses situations différentes. Il a été très grisant pour les joueuses de comprendre l’intérêt de leurs capacités dans les moments difficiles. La seule capacité d’un animain ne suffit pas à la résolution des embûches rencontrées. Les

joueuses ont toujours eu besoin de l’aide des autres membres du groupe pour mener leurs actions à bien. Il est vraiment très agréable pour le MJ de sentir cette cohésion de groupe se créer naturellement. Okimba parvient à créer d’autres moments particulièrement savoureux. [Spoil] L’attaque d’un insecte géant de nuit a mis une pression monstre sur les joueuses qui ont vite compris que ce n’était pas avec

* NdlR : Antoine a choisi tout de même de les faire moisir dans la crevasse où les joueuses étaient retenues prisonnières pour les affamer, afin de créer un climat de tension maximale, surtout palpable après les premiers jets ratés de survie. Cette situation extrême les a poussés à trouver des solutions pour éviter de s’entre-dévorer. [Spoil] Notamment grâce à la capacité de la Kizaali qui, en s’affamant, pouvait réduire sa taille pour se libérer des pinces Tchoka. [Fin du spoil]

PAROLES DE JOUEURS « Ma rencontre avec Okimba a été en tant que joueur. J’ai eu la chance de vivre une partie menée par un ami qui a participé comme joueur à la genèse du jeu. J’ai tout adoré dès les premiers instants. La présentation des différentes lignées donnait le ton du jeu. Le système de règles était on ne peut plus simple et le très bon scénario d’initiation (« Les liens de la tribu », celui dans le livre de base) a été conduit de main de maître. J’étais enchanté par l’originalité et l’accessibilité de l’univers. J’ai trouvé ce jeu parfait pour des joueurs débutants.» – Antoine

« J’ai adoré tout d’abord l’univers très coloré, les graphismes des personnages et des décors vraiment incroyables qui permettent une totale et super rapide immersion. En gros l’univers entier fait que c’est un réel plaisir de jouer tout au long de la partie. » – Clémence « J’ai été très imprégnée par l’univers sauvage et sa féérie. Mais surtout, j’ai bien rigolé avec mon personnage. » – Ana

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leurs dispositions guerrières d’animain, mais avec l’environnement que leurs alter ego pouvaient vaincre cet ennemi. Ce combat a été très jouissif, car la victoire permet de fabriquer des armes et armures avec les pattes et la carcasse de cette énorme libellule. «  On craft direct dans Okimba, Monsieur  !  ?  » (Iris). On regrettera cependant qu’il n’y ait pas de caractéristique, ni d’illustration pour la créature du scénario d’initiation. Comme le propose le scénario, le jeune Zékaÿ est venu à leur secours car il est important pour le dilemme de fin de scénario que les personnages se sentent très proches de lui. Un esprit leur propose son aide pour les libérer des pinces tchoka. En retour, les PJ doivent lui livrer le jeune et sympa-

thique Zékaÿ promis à une mort cruelle. Nos joueuses ont choisi d’affronter cet esprit maléfique, tout en ayant conscience de leur fragilité dans un combat incertain à cause de leurs caractéristiques en berne. [fin du spoil] Le système de caractéristique puissance/ réserve fonctionne donc bien, car des joueuses débutantes ont compris rapidement que les réussites devenaient de plus en plus difficiles à obtenir. Une pression salutaire et un final avec son épilogue qui a suscité une satisfaction générale. Décidément, Okimba sait ANTOINE JACQUETON séduire.

RENCONTRE AVEC SON AUTEUR ET ILLUSTRATEUR

eux-tu te présenter à nos lecteurs ? Je m’appelle Xavier Brault. Je suis surtout connu sous le pseudonyme Tikokh. Je suis le président de la petite maison d’édition Galion Sauvage et je suis aussi l’auteur et l’illustrateur d’Okimba, le jeu de rôle financé en 2021 et qui est désormais en boutiques (physiques, mais surtout en ligne xD). Comment t’es venu l’idée de ce Jdr ? Quelle démarche derrière la création de Galion Sauvage ? Xavier : Cela vient d’un parcours très chaotique qu’il serait trop compliqué à expliquer en quelques lignes, mais disons que le projet Okimba vient d’une succession d’échecs, de projets commencés mais jamais finis, de problèmes d’équipe et d’argent. À chaque projet raté, je suis devenu meilleur, plus aiguisé. Okimba, lui, devenait plus pertinent, plus original, plus optimisé en parallèle. Au début, je parle d’il y a plusieurs années, en 2014, j’y avais mis tout ce que j’aimais :

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les grands espaces de mon enfance (l’île de la Réunion), la magie et les superstitions et l’influence des cultures africaines. Avec le temps, de nombreuses retouches ont donné au jeu son identité actuelle, plus exotique. Après de nombreuses années, j’ai sorti le livre en financement participatif et alors que personne ne connaissait ni le projet ni l’auteur ni leur maison d’édition, ce fut un succès ! Grâce aux merveilleux participants qui ont rameuté du monde et grâce aux super vidéastes qui ont passé le mot, on a fait 600 % de notre modeste objectif. J’avais proposé à plusieurs éditeurs mais soit ils préféraient des licences déjà existantes et connues, soit ils étaient déjà débordés avec leurs propres projets. Du coup, un matin, j’ai décidé de créer Galion Sauvage pour héberger mon projet. On est indépendant, ce qui veut dire qu’on n’a pas d’actionnaires externes qui contrôlent le créatif. On est donc libre. Mais cela veut aussi dire qu’on est fragile et très dépendant du soutien des joueurs. Cela a été, et c’est toujours, un sacré parcours du

combattant, mais c’est une belle aventure qui me donne envie de me lever tous les matins !

Tu as illustré presque entièrement ton jeu. Certains disent que tu ne dessinais pas il y a encore 4-5 ans. C’est vrai ou c’est une légende ? Xavier : totalement, vrai  ! J’avais fait une école d’art numérique. J’avais donc des notions, mais c’était que de la 3D, pas de dessin traditionnel. Les illustrations sont sans aucun doute ce qui prend le plus de temps dans la conception d’un jeu de rôle. J’avais des dessinateurs pour Okimba, mais ils tombaient comme des mouches. Un projet comme ça, aussi modeste soitil, représente énooormément de travail, et ce sur plusieurs années. C’est donc très dur de demander à quelqu’un de sacrifier son temps de libre et sa vie sociale au service d’un projet sans même pouvoir lui promettre que ça marchera. Du coup, j’ai décidé d’apprendre à dessiner en autodidacte pour faire les illustrations moi-même. Cela m’a rajouté deux ans de travail sur le projet. C’est difficile et approximatif d’apprendre par soi-même, car généralement on apprend mal et aujourd’hui, je reprends des formations très académiques pour corriger mes mauvaises bases. Je suis quand même très fier de ce qui a été fait et je suis pressé que vous voyez la suite ! Je continue de m’améliorer ! Chapeau pour tout le travail accompli. C’est quoi la suite ? Est-ce qu’il y aura une gamme ? Xavier  : merci beaucoup  ! On a que de super retours de notre côté aussi, et ça nous booste. Vraiment  ! Là, Mesdames, Messieurs, on est parti pour toute une gamme ! Elle n’arrivera pas en deux jours, car le bon travail prend du temps, mais… Un énorme scénario nommé Caravane sera baigné dans l’épique et l’émotion. On le sortira normalement en septembre  2023, si tout se passe bien. Du grand cru, je peux vous le garantir ! L’écriture est finie et on a déjà commencé les parties tests qui nous confirment la qualité de l’aventure. On prévoit également deux suppléments régionaux nommés Les Codex pour 2023 qui détailleront chacun leur région. Fiouuu ! Du travail… Tout ça !

Vous avez d’autres projets chez Galion Sauvage ? Xavier  : Galion Sauvage a toujours été pensé comme une société transmédia, ça veut dire une boîte qui a plusieurs domaines. Nous, ça sera, le jeu de rôle, le jeu de plateau, le jeu vidéo, les livres et l’animation. Plusieurs projets sont dans les tiroirs, à plusieurs niveaux d’avancement. Mais pas plus vite que la musique ! Pas à pas… Petit à petit… Projet après projet… Nous grandirons et nous nous diversifierons. N’hésitez pas à nous rejoindre sur les réseaux sociaux pour voir la montée difficile et semée d’embûches de Galion Sauvage !

Parlons de ta pratique du jeu de rôle : tu joues à quoi en ce moment ? Xavier  : Pour être honnête, je ne joue malheureusement plus depuis un bon moment car le temps file trop vite. Du coup, la moindre soirée que j’arrive à débloquer pour le JDR, je la passe à un futur scénario ou supplément sur Okimba ou à faire découvrir le jeu de rôle. J’y mets tout mon cœur et mon énergie. Par contre, le dernier Jdr auquel j’ai joué était Tales from the loop que j’ai adoré et j’aimerais bien qu’on me fasse tester L’anneau unique dans l’univers de Tolkien.

Qu’elle est le jeu et/ou la campagne qui est mythique pour toi ? Xavier  : J’ai une petite nostalgie d’une campagne faite maison que j’avais jouée étant jeune sur Vampire : la mascarade. Je jouais un nosferatu mal aimé mais protégé par son clan. C’était mon premier Jdr et c’était il y a très longtemps (genre au lycée) mais j’en garde un super souvenir. J’aime vampire parce qu’il y a beaucoup de lore, de roleplay et de magie et moins de système. Nous étions baignés dans l’intrigue et de temps en temps nous avions droit à un combat épique. Je trouvais à l’époque et je trouve toujours que c’est un super dosage. Peux-tu nous dévoiler ta dernière bonne surprise en Jdr ? Xavier : C’est Tales from the loop  ! J’ai aimé la simplicité et les mécaniques mises en place. Personnellement, j’ai tendance à mettre en premier la cohérence. Si quelque chose n’est pas logique, je ne le mets pas. Mais j’ai découvert avec Tales from the loop, qu’on peut tricher un peu avec la sacrosainte cohérence si ça apporte une bonne mécanique. Ludique et roleplay. Ça a été une partie découverte intéressante.



Propos recueillis par Nicolas Bernard

GALION SAUVAGE, L’ÉDITEUR  https://galionsauvage.com

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SCENARIO

IRON KINGDOMS

AUCUNE LUEUR DANS

LES ABYSSES SYNOPSIS

Ce scénario d’introduction aux Royaumes d’Acier qui compte entre deux et trois heures de jeu donnera à vos héros l’occasion de se rafraîchir les idées sur les côtes septentrionales du Khador. Idéal pour passer le cap du niveau 2, cette histoire semi-linéaire vous permettra d’enchaîner sur une campagne digne de vos futurs exploits. Les héros ont été mandatés par l’ordre du Mur pour rapatrier, Lorkan Firal, un ancien éclaireur du Khador désormais chef d’un village perdu sur la côte ouest. Ils devront gagner sa confiance pour qu’il accepte de remplir, en quelque sorte, ses devoirs de « réserviste ». Les événements à venir sur place leur donneront l’occasion de le convaincre.

PUBLIC Niveau de maîtrise du meneur : initié Niveau des personnages : à partir du niveau 2 Nombre de joueurs : 3 à 4

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AUTEURS : Rémy The Storyteller Lucot ILLUSTRATEURS : Chris Bourassa, Carlos Cabrera, Brian Despain, Brian ‘Chippy’ Dugan, Mariusz Gandzel, Alberto Dal Lago, Sean Andrew Murray, Marek Okon, Néstor Ossandón, Mateusz Ozminski, Miroslav Petrov, Karl Richardson, Greg Smith, Brian Patrick Snoddy, Florian Stitz , Keith Thompson, Andrea Uderzo, Chris Walton et Matthew D. Wilson. Cartographie : Sébastien Lhotel ÉDITEUR : Privateers Press / Studio AGATE pour la VF. L’histoire

Le Mur intensifie sa traque des infernalistes dans le Khador et tous les moyens pour y parvenir sont mis en œuvre. Quand ce ne sont pas les chevaliers eux-mêmes qui se chargent de réunir ces moyens, des compagnies sont envoyées dans les coins les plus reculés du royaume pour s’acquitter de certaines tâches mineures. Tel est le cas des PJ à qui il a été demandé de remettre un ordre de rapatriement à un ancien spécialiste de l’armée vivant désormais en marge de la société Khadoréenne. Lorkan Firal était un des meilleurs éclaireurs du pays et sa connaissance de l’ennemi avait souvent été mise à contribution dans le cadre d’actions stratégiques contre les infernalistes. Il vit désormais dans un village de la côte ouest septentrionale du Khador nommé Glaznec. Remettre cet ordre est à la portée

des PJ, mais la situation présente cependant quelques complexités… En premier lieu, il est de notoriété publique que Lorkan s’est retiré ici pour ne plus avoir à faire au pouvoir royal et qu’il sera donc très difficile à convaincre. Ensuite, des événements étranges vont se produire en cours de mission. En effet, lorsque les PJ arrivent à proximité du village, ils sont confrontés au naufrage d’un bateau de commerce sur la côte. C’est le deuxième en quelques jours. Les PJ apprennent alors que le phare qui se trouve face au village et qui est censé diriger les navires entre les récifs meurtriers ne fonctionne plus depuis une semaine. Les villageois et Lorkan, devenu leur chef, ne veulent pas s’y rendre. Ils pensent que le gardien du phare, un homme rustre et violent, y cache de sombres secrets tout

ECHELLE DE CONFIANCE -2 -1 0 1 aussi dangereux que les récifs qui entourent son île. En réalité, c’est une tout autre menace qui a pris possession des lieux. Le gardien du phare a tué sa femme au cours d’une nuit tragique et celle-ci s’est «  réincarnée  » en poltergeist vengeur. À son tour, elle l’a éliminé et hante désormais les couloirs de leur ancienne demeure. S’ils veulent que Lorkan les accompagne jusqu’à Vladovar, les PJ doivent gagner sa confiance tout au long de l’aventure. Certaines situations leur permettent de gagner des  points de confiance que vous notez sans les signaler aux PJ. Il leur en faut 11 pour que Lorkan soit prêt à les suivre. L’objectif est de remettre le phare en marche. Pour y parvenir, il leur faut se débarrasser du Poltergeist de la pauvre femme en utilisant un rituel libératoire.

Introduction

Les héros de cette aventure ont été recrutés à Skrovenberg par la guilde locale des chevaliers de l’ordre du Mur. En échange d’une lettre de marque et de quelques pièces d’or qui leur seront remises à Port Vladovar, ils doivent convaincre Lorkan Firal, un éclaireur vétéran, de rejoindre pour un temps les rangs de l’ordre et guider les chevaliers dans leur traque contre les infernalistes. Alors qu’ils arrivent près des collines de Kulvorn et que le village de Glaznec apparaît au loin, les PJ assistent au naufrage violent d’un navire de commerce sur les récifs côtiers.

Scène 1 – Un naufrage dans la nuit

618 A.R, deuxième semaine du mois de Goloven. L’automne dans le Khador ressemble déjà au plus froid des hivers que l’on pourrait connaître dans les terres du sud. Vous avez quitté Skrovenberg voilà une semaine et depuis, vous longez les côtes à la recherche d’un village nommé Glaznec. C’est là que vous êtes censés trouver un ancien éclaireur du nom de Lorkan Firal que les chevaliers de l’ordre du Mur réclame avec insistance. Cet homme est censé les aider dans leur traque contre les infernalistes, mais tout porte à croire qu’il n’a pas l’intention de bouger de sa retraite et encore au moins de travailler pour la sécurité du royaume. Malgré tout, vous n’avez pas l’intention de laisser passer l’occasion de vous faire un nom. Le périple dans cette région reculée du Khador n’a pas été de tout repos, mais bien heureusement, vous n’avez rencontré pour le moment aucun danger digne de ce nom… Le soleil amorce sa longue descente sous la ligne d’horizon et au loin, vous apercevez les premiers toits argileux d’un groupe de maisons. Avec un peu de chance, il s’agit du village que vous recherchez. Vous entamez les derniers kilomètres qui vous séparent des habitations… BRAKAAMMM !!! Cette nuit-là, les héros sont au nord de la piste à environ un kilomètre de Glaznec. Un bateau de commerce vient de s’échouer dans les récifs. Il est littéralement coupé en deux.

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SCENARIO

IRON KINGDOMS

JEUNE REQUIN DE RÉCIFS Bête de taille M, non-alignée Classe d’armure : 12 Points de vie : 18 Vitesse : nage 12 m FOR DEX CON INT SAG CHA 13 11 12 1 10 3 (+ 1) (0) (+ 1) (-5) (0) (-4) Compétences : Perception + 2 Facteur de puissance : 1/4 (50 PX). Actions : • Morsure. Attaque d’armes au corps à corps : + 4 pour toucher, allonge 1 m 50, une cible. Réussite : touché : 1D8 + 2, dégâts perforants

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Un groupe de trois hommes nage vers la côte, mais d’autres marins hurlent à l’aide. Ils sont une dizaine à se débattre dans les remous. Au loin, un phare sur un îlot ne diffuse aucune lueur. Note  : ce navire venant de Skronenberg devait faire une halte à Glaznec, mais sans la lumière du phare, il n’a pas pu contourner les récifs. La mer est agitée. Le phare se trouve à deux bons kilomètres à la nage. • Si les héros décident d’aider les naufragés, ils doivent descendre les falaises sans chuter, nager et parvenir à ramener un ou deux marins à terre. L’eau est glacée et des Requins de récifs commencent à approcher du lieu du naufrage. Descendre les falaises nécessite un test de Force (athlétisme) DD 12. En cas de chute, le héros perd 1 PV. Nager et ramener un marin nécessite un test de Force DD 13 et un test de Dextérité DD 12. En cas d’échec à la Force, le héros

est attaqué par un Requin. En cas d’échec à la Dextérité, le marin secouru panique et se noie. Les villageois arrivent ensuite. Si les PJ parviennent à ramener au moins un marin sur les berges, les héros gagnent 3  points de confiance. • Si les héros décident de ne pas intervenir, à un moment ou un autre, ils seront repérés par Lorkan et les villageois qui leur demanderont de l’aide. S’ils persistent à refuser d’intervenir, les PJ commencent avec un malus de -1 sur l’échelle de confiance de Lorkan . • Si les héros veulent savoir qui sont les nageurs aperçus lors du naufrage, ils peuvent découvrir des empreintes se dirigeant vers le village à condition de réussir un test d’Intelligence (investigation) DD 14.

Scène 2 – Le village

Glaznek est constitué d’une petite communauté de pêcheurs d’environ deux cents

âmes. Ces derniers vivent également des échanges avec les navires de passage qui se dirigent vers le sud. Les équipages de ces derniers en profitent pour faire une halte dans l’auberge reconnue de Glaznek, tenue justement par Lorkan, À la pinte d’argent. Hormis la pêche et l’auberge, la seule autre activité du village est la forge. Les relations avec le gardien du phare sont complexes et tendues depuis plusieurs mois. Sa femme est toutefois très appréciée des villageois pour sa gentillesse et sa discrétion. Aucun habitant de Glaznek ne souhaite se rendre sur le phare depuis son extinction voilà une semaine. Note : les trois rescapés du naufrage sont des malfrats qui cherchaient à rejoindre Glaznek pour piller sa forge ; Forge qui, d’après leurs informations, contient des minerais précieux. Alors que les héros sont sur place, ils entreprennent de cambrioler les lieux. Pour les héros, les objectifs à atteindre dans le village pour gagner la confiance de Lorkan peuvent se résumer ainsi : • Envisager de se rendre sur le phare pour remédier à son extinction ; • Stopper les trois cambrioleurs avant qu’ils ne mettent la forge sans dessus-dessous. En revanche, les réactions hostiles à l’encontre de Lorkan et/ou de n’importe quel habitant de Glaznek occasionnent une perte de 1 à 3 points de confiance selon le Roleplay de vos joueurs.

À la Pinte d’argent L’auberge comprend trois constructions indépendantes. La première est la salle commune où les repas et les boissons sont servis. Richement décorée par les souvenirs de voyage de Lorkan, elle est lumineuse et réchauffée par une grande cheminée. Des parfums de ragoût et de soupes de poissons parviennent de la cuisine. Une trentaine de pêcheurs s’y retrouvent régulièrement après la pêche et au cours de longues soirées durant lesquelles leurs familles peuvent les rejoindre. Lorkan gère l’établissement avec une grande rigueur et bénéficie de l’aide de jeunes villageois.

INFORMATIONS SUR LE PHARE 1d4

Informations

1

Wisgorm Tellim est le gardien du phare. C’est un homme brutal au passé trouble. Il vient une fois par mois pour récupérer des vivres au port de pêche et cherche souvent la bagarre avec les pêcheurs.

2

Lyvia, la femme de Tellim est tout le contraire de son mari. Elle vient fréquemment au port pour apporter son aide aux villageois. Elle est très appréciée. Beaucoup s’inquiètent pour elle depuis l’extinction du phare.

3

Lyvia est très croyante. Elle voue un culte très pieux à Ménoth.

4

Un navire s’est déjà échoué voilà deux semaines près du phare. Visiblement, il n’y a eu aucun survivant.

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SCENARIO

IRON KINGDOMS

LORKAN FIRAL Lorkan a œuvré toute sa vie pour la gloire du Khador en participant de manière active à la traque des infernalistes au sein de l’ordre du mur. Sa retraite étant venue, il a décidé de se retirer à Glaznec pour y couler des jours tranquilles et hors de portée de toutes civilisations et de toutes autorités politiques. C’est un individu serein, mais qui n’accorde pas sa confiance au premier venu. Il dirige à présent À la Pinte d’argent et vit notamment du troc avec les navigateurs de passage dans la hanse. Il n’est plus aussi téméraire que jadis et ne souhaite pas savoir ce qu’il se passe dans le phare même si la situation le dérange au plus haut point. L’arrivée des héros et leur proposition ne l’intéresse pas vraiment, même si depuis sa retraite, il ressent une sorte de manque. Vigilant quant à tous les étrangers qui traversent Glaznec, il est pourtant prêt à suivre les PJ si ceux-ci lui démontrent leur bravoure et leur sens de l’humanité.

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La seconde construction est réservée aux chambres. Au moment où les héros sont à Glaznec, elles sont toutes libres. La troisième petite construction est la demeure de Lorkan. L’établissement fonctionne de préférence sur le système du troc. Note  : les villageois de Glaznec refont le monde À la Pinte d’argent. De grandes discussions autour du pouvoir et de son organisation y ont lieu sous l’œil approbateur de Lorkan qui profite de ce lieu pour endoctriner les habitants (voir l’encadré « Lorkan »). • Si les héros prennent part à ces discussions, leurs avis seront scrutés par le vétéran. S’ils abondent dans son sens, ils peuvent gagner 2 points de confiance. En revanche, s’ils défendent d’autres  points de vue, ils peuvent perdre jusqu’à 3 points de confiance (en fonction du roleplay). À condition d’être sympathique et de réussir un test d’Intelligence DD  14, les héros peuvent également obtenir quelques informations sur le phare et ses habitants (voir l’encadré « Informations sur le phare  ») et s’ils envisagent de s’y rendre, ils gagnent 1 point de confiance. • En cours de soirée, vous pouvez faire intervenir le forgeron qui a remarqué que trois individus rôdaient autour de sa forge. Si les héros refusent d’apporter leur soutien, ils

perdent 3 points de confiance. Il n’y a rien à trouver dans les chambres vides de l’auberge et les visiter peut même leur faire perdre un point de confiance. Dans sa demeure, Lorkan cache Orage écarlate, son lance-foudre, dans un coffre cadenassé.

La forge Le bâtiment est constitué d’une grande pièce d’environ 80 m2 assez encombrée. La forge constitue la seule activité autre que la pêche à Glaznec. Le forgeron aidé de deux apprentis y fabrique des outils nautiques ainsi que quelques armes afin de prévenir d’éventuelles attaques de Trollkins sauvages. Note  : contrairement à ce que pensent les trois malfrats, le forgeron ne détient aucune sorte de minerai précieux. Les brigands attendent la nuit pour visiter la forge. Si les héros les surprennent d’une façon ou d’une autre, le combat s’engage. Ces trois hommes sont des spécialistes et font preuve d’une grande discrétion. Ils n’attaquent de front que s’ils y sont obligés. Munissez-vous du plan et jouez avec les différents accès à la forge ainsi qu’avec le mobilier pour rendre les attaques des malfrats plus furtives. Si les héros remportent le combat sans avoir cassé du matériel dans la forge, ils gagnent

6  points de confiance auprès de Lorkan, le forgeron leur donne deux dagues de sa conception pour les remercier et ils gagnent également la confiance des villageois à qui ils peuvent, par exemple, demander une embarcation pour se rendre sur l’île du phare. Si les malfrats parviennent à fuir, les héros ne gagnent que 4 points de confiance. S’ils ont cassé du matériel dans la forge, ils perdent 2 points de confiance.

Scène 3 – Vers le phare

Si les héros décident de se rendre sur l’île au phare, ils doivent traverser ce bras de mer qui fait environ 400 m de large et dont les eaux sont très agitées. Note  : deux moyens existent pour réussir cette traversée : la nage ou l’utilisation d’une embarcation. • Si les héros choisissent la nage, le bras de mer gonfle sous l’influence du poltergeist et la traversée devient une véritable épreuve physique. Chaque joueur doit réussir un test d’Athlétisme DD  18. Si le test est raté, le héros parvient à se raccrocher à des récifs émergeants à mi-parcours du phare. Il pourra retenter un test avec un DD 21 ou bien attendre que quelqu’un vienne le récupérer. Dans ce cas, la situation se complique avec l’apparition d’un requin de récif (voir l’encadré «  Requin de récifs  »). Si le héros rate un nouveau test de nage, il risque fort d’être emporté par le courant et se retrouver sur une berge plus au nord avec seulement quelques points de vie. • Si les héros empruntent une embarcation, ils doivent réussir un test de Survie DD  15 pour manœuvrer sous la houle. S’ils ratent le test, la barque est emportée vers les restes du premier navire qui s’est échoué près du phare voilà une semaine. Rendez-vous alors à la scène « Le Robuste du Khador ».

Scène 4 – Le Robuste du Khador

Ce petit navire de commerce transportait des cargaisons d’huile inflammable et du matériel des forges du nord. Il se dirigeait vers Port Vladovar avant de s’échouer près du phare. Il

a été coupé en deux et la proue s’est enfoncée dans les profondeurs. Seule la poupe, dressée à la verticale, est encore visible. Note : il n’y a eu aucun survivant. Dans le périmètre du naufrage flottent encore quelques caisses sans grand intérêt (petit équipement que les PJ peuvent récupérer le cas échéant). Si les héros veulent visiter la poupe, ils peuvent y pénétrer en nageant sous la surface. À l’intérieur, ils tombent sur une sangsue géante qui les attaque par surprise. Sur les parois du bateau sont accrochés une grande hallebarde, ainsi qu’un grappin et une corde (10  m). Si les PJ veulent visiter la cabine du capitaine encore apparente au niveau du pont, ils doivent tout d’abord en fracturer la serrure et faire attention à ne pas glisser à cause de l’inclinaison du bateau. À l’intérieur, ils peuvent trouver le coffre du capitaine (test d’Investigation DD 20).

Scène 5 – L’île du phare

Un ponton de bois permet d’accéder à l’île depuis une embarcation. L’endroit est désert et battu par les vents. Les PJ y repèrent le phare, un grand bâtiment carré en pierre qui compte deux étages et un dôme d’éclairage. Il y aussi un abri en bois dont la

LE COFFRE DU CAPITAINE Il contient… • 1 bandoulière à grenades avec 3 grenades (5 PO pour la bandoulière et 30 PO pour les grenades, • 4 cigares raffinés de la société « Brumes et Tabac Corp » (1 PA pour un cigare), • 1 médaille à l’effigie de Thamar (valeur estimée : 2 PO), • 1 laissez-passer nautique pour le port de Vladovar (valeur contractuelle à 10 PO), • 2 PO.

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SCENARIO

IRON KINGDOMS L’HISTOIRE DU PHARE Wisgorn Tellim, le gardien du phare était un baroudeur des océans. Peu après avoir rencontré sa femme, il décida de reprendre le site en l’achetant à son propriétaire pour une coquette somme. Lyvia, son épouse, était si belle qu’il pensait ainsi pouvoir la tenir hors de portée d’autres prétendants. Pendant plus de cinq ans, il s’occupa du phare et devint de plus en plus irascible. Lyvia qui était à l’opposé de son mari résistait chaque jour à ses colères et souvent à ses accès de violence. Aussi, pour ne pas sombrer dans la folie, elle visitait en cachette les habitants de Glaznec et leur proposait quelques petits services (apprentissage de la lecture notamment). Lyvia était une femme très pieuse et passait beaucoup de temps à honorer le culte de Ménoth. D’ailleurs, son seul droit fut de réserver une pièce du phare à la pratique de son culte. Deux semaines avant l’arrivée des héros, tout bascula. Un soir, Wisgorn reprocha à sa femme ses visites au village des pêcheurs et prétexta à un amant pour la rouer de coups. C’est au cours de cette tragique soirée que Lyvia mourut dans l’indifférence de tous. Peu de temps après, Wisgorn fut confronté à d’étranges événements sur le phare. La mort de Lyvia n’avait pas été accompagnée du rituel traditionnel des dévots de Menoth et son esprit se manifestait au travers d’un Poltergeist vengeur et meurtrier. Le mort-vivant attaqua Wisgorn en lui projetant une dague dans la gorge et le gardien se traîna jusqu’au jardin avant de succomber à ses blessures. Ce qui n’apaisa pas la volonté de l’esprit qui éteignit toutes les lueurs du phare. À présent, le Poltergeist hante les lieux, attendant d’être libéré par celui ou celle qui accomplira le rituel conformément aux pratiques de l’église de Ménoth.

SANGSUE GÉANTE Bête de taille petite, non alignée Classe d’armure : 12 Points de vie : 16 Vitesse de déplacement : 3 m, nage 9 m FOR DEX CON INT SAG CHA 13 14 12 1 10 3 (+ 1) (+ 2) (+ 1) (-5) (0) (-4) Compétences : Perception + 3, Discrétion + 4 Sens : vision aveugle 9 m, Perception passive 13 Facteur de puissance : 1/4 (50 PX). Actions : • Contorsion violente : (Attaque d’arme de corps à corps) : + 2, 1 m 50, deux cibles. Réussite : 1D4 + 1 • Morsure (Attaque d’arme de corps à corps) : + 4, allonge 1 m 50, une cible. Réussite : 1D8 + 2, • Bonus – Absorption de sang : quand la sangsue attrape sa victime, cette dernière doit réussir un jet de sauvegarde en Force DD 16 pour s’en débarrasser. En cas d’échec, elle absorbe le sang de sa victime et cause une perte de 1D4 PV par round. Pendant qu’elle absorbe le sang, la sangsue ne peut pas attaquer un autre adversaire.

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porte claque au gré du vent. Sur la droite du phare se trouve un jardin potager en friche à peine protégé par un grillage. À 100  m sur les récifs à l’est de l’île, les PJ peuvent apercevoir les restes du « Robuste du Khador  », premier navire naufragé à cause de l’extinction du phare. Note : les héros peuvent visiter le site dans l’ordre qu’ils veulent. S’ils approchent du phare, le poltergeist de la femme du gardien fait éclater des vitraux du dome. Les PJ doivent réaliser une esquive pour ne pas être blessé par les éclats (2 PV en cas d’échec). Les héros peuvent repérer les traces de quelqu’un qui s’est traîné vers le jardin potager (test d’Investigation ou de Perception DD 14). Attention ! Si un des PJ a récupéré la médaille à l’effigie de Thamar dans le «  Robuste du Khador  », le Poltergeist qui hante les lieux multipliera ses attaques. Cette option est proposée dans chaque endroit à explorer.

La potager en friche C’est ici que la femme du gardien, Lyvia, cultivait quelques légumes et plantes aromatiques. Depuis deux semaines, le jardin n’est plus entretenu et des plantes étranges y ont poussé. Une odeur putride est rabattue par le vent.

Note  : à condition de réussir un test de SAG (perception) DD 13, les héros peuvent découvrir les traces qu’a laissées Wisgorn avant de mourir au milieu de la végétation en friche. Le corps du gardien est en état de décomposition avancée. Si les PJ cherchent le corps, un Buisson éveillé les attaque. Il s’agit d’un arbuste épineux qui est contrôlé par le Poltergeist. Les PJ peuvent apercevoir subrepticement le visage d’une femme se dessiner dans les entrelacs de branche. Le corps du gardien est enchevêtré dans le buisson. Autour de son cou pend la clef donnant accès à la chambre du phare.

L’abri en bois Une lanterne éteinte se balance au plafond de cette remise dans une obscurité totale. À condition d’éclairer les lieux, les héros trouvent de l’outillage rouillé et des tonneaux remplis d’eau et d’huiles d’éclairage. Il y a également un tonnelet marqué du sceau de l’église de Ménoth. Ils peuvent également repérer une grande bâche de jute dans le coin droit de la pièce. Note : sous la bâche se trouve un très vieux scaracier de type «  pêcheur  » qui appartenait au gardien avant qu’il ne s’installe sur le phare. Il est inutilisable, en tous cas de prime abord, car le scaracier peut être activé par le Poltergeist de Lyvia à tout

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moment. Le tonnelet de Ménoth enferme de l’eau bénite qui servait à la femme du gardien pour ses rituels. Cette eau constitue un ingrédient pour le rituel de libération du Poltergeist.

Scène 6 – Le phare

L’objectif de nos héros au cours de ce dungeon crawling classique est de découvrir ce qu’il est advenu à la femme du gardien, comprendre que son esprit s’est incarné dans un Poltergeist et effectuer le rituel libératoire de Ménoth. Ensuite, ils pourront rallumer le phare et passer à l’épilogue du scénario. Si un héros a récupéré le médaillon à l’effigie de Thamar dans le Robuste du Khador, celui-ci sera particulièrement visé par le Poltergeist. Ainsi, à chaque étape de l’exploration, rendez-vous au tableau «  attaques de rage du Poltergeist » et lancez 1D8 à son encontre.

L’entrée du phare La porte du phare est ouverte, mais si les héros veulent la pousser, une étrange force les en empêche dans un premier temps.

Note  : le poltergeist de Lyvia tente de les empêcher de rentrer. Pour y parvenir, il faut réussir un test de Force DD 17. Si le test est raté, il est possible de le retenter avec un DD 19. En cas de nouvel échec, le Poltergeist parvient à refermer l’entrée et la verrouille de l’intérieur. Les PJ doivent alors envisager une autre solution pour entrer dans le phare (comme par exemple, briser les volets sur le côté et entrer par une fenêtre). Reportez-vous alors au tableau aléatoire « attaques de rage du Poltergeist » et lancez 1D8. Il est également possible pour les héros de repérer des traces de sang séchées sur le pas de la porte (test d’Investigation DD 14). Elles ont été laissées là par le gardien du phare au moment où il se traînait vers le potager.

Le hall (1) Cet espace d’environ 50  m2 donne sur un escalier de marbre incurvé. Un souffle d’air s’y engouffre sans que l’on puisse en deviner l’origine. Des murmures se font entendre. D’un côté pend un rideau. De l’autre, une porte condamne l’accès à une autre salle.

LE BUISSON ÉVEILLÉ Plante de taille M Classe d’armure : 8 Points de vie : 10 Vitesse : nage 12 m FOR DEX CON INT SAG CHA 3 7 11 1 1 3 (-4) (-2) (0) (-5) (-5) (-4) Facteur de puissance : 1/8 (25 PX). Actions : • Lacération de branches épineuses (Attaque d’arme de corps à corps), allonge 1 m 50, une cible. Réussite : 1D4

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SCENARIO

IRON KINGDOMS Sur le sol, des traces de sang se dirigent vers le salon (6). Sur un mur, il y a un tableau sur lequel est peint l’océan. Note  : en entrant dans le phare, un pratiquant de Mékamagie peut très vite percevoir la présence d’une magie obscure et oppressante (sort détection de la magie). Les murmures sont perçus par certains PJ, mais pas par d’autres. Les traces de sang ont été laissées par une personne qui s’est visiblement traînée jusqu’à la sortie. Si un joueur s’approche du tableau, il doit réussir un jet de Sauvegarde en Intelligence DD 16. Si le test est raté, le PJ a l’impression que la surface de l’océan figuré bouge. La panique que cette vision illusoire provoque confère au PJ un malus de -1 à sa prochaine action. Le rideau de la première salle (3) est orné d’une broderie évoquant une prière commune consacrée à Ménoth.

La salle de prière (3)

RATS-DIABLES (2) Classe d’armure : 13 Points de vie : 4 Vitesse : 12 m, nage 6 m FOR DEX CON INT SAG CHA 3 15 11 2 10 3 (-4) (+ 2) (0) (-4) (0) (-4) Compétences : discrétion + 5 Sens : vision dans le noir 18 m, perception passive 10 Facteur de puissance : 1/8 (25 PX). Actions : • Morsure (Attaque d’arme de corps à corps), + 4 pour toucher, dégâts : 1, jet de sauvegarde en Constitution pour ne pas contracter la fièvre du Rat-Diable (-1 en Force et en Constitution chaque journée d’infection).

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Cette pièce d’environ 20 m2 sert visiblement de lieu de prière. Sur le sol, un grand tapis est orné de plusieurs symboles consacrés à Ménoth. Des étagères remplies de livres sont contre les murs. Dans un coffre ouvert sont entassés des objets rituels tels que des bols, de l’encens, une flasque d’eau bénite, etc. Note  : l’ambiance est ici très oppressante, comme si les PJ étaient observés par quelqu’un. Si les héros compte un pratiquant de magie dans le groupe et qu’ils réussissent un test de Détection de la magie, ils sont certains que cette pièce est surveillée par un esprit. Les héros se trouvent dans le salon de prière de la dame Lyvia. Tant que les héros ne montrent pas d’irrespect par rapport à ce lieu, le Poltergeist se contente de faire chuter les livres lorsque les héros s’en approchent. La plupart de ces ouvrages sont consacrés à de vieilles légendes connues dédiées à Ménoth, mais parmi eux, un livre liturgique peut attirer l’attention (test d’Investigation ou de Perception DD 16). Il est titré « Rites funéraires Ménothiens  ». En étudiant un

peu cet ouvrage, les PJ peuvent découvrir un rituel permettant d’apaiser les esprits des dévots de Ménoth qui auraient subi une fin tragique et brutale (voir l’encadré « « Le rituel »). La flasque d’eau bénite est vide, mais un tonnelet rempli de cette eau se trouve dans la remise (cf. L’abri en bois). Si les héros se comportent violemment dans cette pièce, lancez 1D8, puis consultez la table « Attaques de rage du Poltergeist ».

LE RITUEL Certains de nos fidèles ne connaîtront pas une fin digne de leur dévotion et devront affronter la brutalité d’une mort aussi subite qu’injuste. Mais le Seigneur Ménoth nous apprend qu’il n’y a point de salut sans effort, et cet effort peut être accompagné par quiconque aura de l’empathie en de telles circonstances. L’esprit décharné d’une âme en peine attendra que soit accompli ce rituel que nous nommons « de rétablissement ». Il nécessite les objets suivants : de l’eau sanctifiée par les dévots de Ménoth versée dans un bol de porcelaine, un bijou personnel de la personne défunte et deux bâtons d’encens. Tout cela devra être jeté dans un feu ardent en prononçant la phrase antique Wizunkila, tarasembur Menothen, aartissia.

La salle des tonneaux (2) Cette salle de 8  m2 contient plusieurs tonneaux. Note  : ces derniers sont remplis d’eau potable, mais non sanctifiée. Le Poltergeist fait exploser un tonneau au visage des héros en donnant à son eau la couleur du sang. La victime de cette attaque doit réussir un jet de sauvegarde en Intelligence DD  16 pour éviter de paniquer et de subir un malus de -1 à sa prochaine action.

Le garde-manger (4) Dans cette pièce d’environ 15 m2 règne une odeur de pourri. Des petits couinements se font entendre. Ici se trouve toute la nourriture que stockait le gardien du phare.

Note : Les bruits proviennent de deux Ratsdiables qui se délectent de la nourriture avariée. En cherchant bien (test d’Investigation DD 13), les héros peuvent trouver un bol en porcelaine tel que le rituel l’exige.

La chambre (5) L’épaisse porte en bois massif de cette pièce est fermée à clef (celle pendue au cou du gardien mort). Il est impossible de l’enfoncer. La serrure complexe peut être crochetée avec de la patience et un test de Dextérité DD 19. En cas d’échec, cela passe à 21. S’il est raté une nouvelle fois, la clef se casse dans la serrure. Il faut alors se débrouiller pour passer par l’extérieur et la fenêtre.

En entrant, l’odeur pestilentielle d’un cadavre en décomposition vous agresse. Le corps putréfié d’une femme se trouve au bord des latrines de cette chambre qui contient outre le lit… Un bureau. Note : Le corps qui se trouve dans la chambre est celui de Lyvia. • S’ils s’en approchent, les héros doivent résister aux sifflements lugubres du Poltergeist qui se transforment en hurlements grâce à un jet de sauvegarde Constitution DD  14 à chaque tour (ou perdre 1 PV). • Un test de Médecine DD  13 permet de remarquer que la femme est morte à la suite de nombreux coups. En outre, elle porte un collier avec un médaillon en grenat autour du cou. • Si un PJ tente de l’enlever, la main squelettique du cadavre se referme sur son avant-bras et sa bouche s’ouvre dans un rictus de douleur. Insistez sur la sensation de pitié que ressent le héros et observez sa réaction. S’il retire son bras avec dégoût, le Poltergeist entre dans une colère noire. Reportez-vous alors à la table «  Attaque de rage du Poltergeist  ». Si le héros fait preuve de pitié et mieux encore, explique à l’esprit qu’il la libérera, les attaques cessent pour tout le temps où ils sont au rez-de-chaussée.

Le collier en grenat peut faire office de bijou personnel pour l’accomplissement du rituel de libération de l’esprit (voir l’encadré « Aide de jeu - Le rituel »). Dans le tiroir du petit bureau, les héros peuvent trouver les livres de comptes du gardien du phare qui précisent que « la cassette est cachée loin de cette traînée… Ah, mon vieux serviteur, rends-moi ce dernier service  ». Cette fameuse cassette se trouve dans le Scaracier qui se trouve dans l’abri.

La salle commune (6) Vous pénétrez dans une vaste salle de 40 m2 où l’air est pesant, électrique. Des bibliothèques pleines et des armoires l’occupent, ainsi qu’une cheminée. Ici ou là, des babioles sont disposées en avant des ouvrages. Les livres et les babioles que le gardien a ramené de ses expéditions sont sans intérêt. Note  : le Poltergeist déclenche une attaque télékinésique brutale en utilisant les objets des armoires et en jetant les meubles à travers la pièce. Cette attaque correspond à 2 coups au corps à corps portés à chaque PJ qui doit alors réussir un test de sauvegarde en CON DD 15 pour ne pas subir une perte de 2 PV.

L’escalier de marbre Un escalier de marbre conduit au premier étage en formant un coude. Une grande tristesse s’empare des héros qui rate un jet de sauvegarde en Charisme DD 15. Celles et ceux en échec ont une vision presque palpable, une scène de violence sans précédent  : un homme rouer de coups une femme magnifique. Elle le supplie d’arrêter, mais il n’en fait rien… Une nouvelle sauvegarde en Charisme DD 16 est nécessaire pour ne pas subir un malus de -2 aux prochaines actions. Note  : c’est là que Lyvia a été tuée par Wisgorm Tellim avant d’être traînée jusqu’à

LE VIEUX SCARACIER POSSÉDÉ Il s’agit d’un vieux scaracier à vapeur qui a accompagné Wisgorm pendant ses années de voyages. Sous le contrôle du Poltergeist, il se déplace avec difficulté. Si les héros l’évaluent (test de Perception DD 15), ils remarquent que sa Mékarotule droite est en très mauvais état. Par ailleurs, Wisgorm a retiré son cortex et l’a remplacé par une cassette remplie de 20 pièces d’or. Classe d’armure : 14 Points de vie : 35 Vitesse : 6 m FOR DEX CON INT SAG CHA 3 15 11 2 10 3 (-4) (+ 2) (0) (-4) (0) (-4) Compétences : résistance aux dégâts contondants, perforants et tranchants d’armes non magiques. Immunités aux dégâts de type poisons. Facteur de puissance : 1 (200 PX). Actions : • Ce vieux scaracier peut encore porter deux coups simultanés. Attaque au corps à corps, + 4 pour toucher, une cible. Réussite : 1D8 + 2

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SCENARIO

IRON KINGDOMS la chambre où elle fut enfermée. Si les héros montent cet escalier sans avoir les ingrédients du rituel de rétablissement, le Poltergeist active le scaracier de l’abri en bois afin qu’il les combatte.

Le premier étage Cette pièce intermédiaire de 30 m2 comporte un bureau (vide), une échelle permettant d’accéder à la trappe du dôme et une vieille arbalète sur pieds, armée, mais qui n’a visiblement pas servi depuis longtemps. Il y a également deux tonneaux. Ces derniers contiennent de l’huile d’éclairage. Note  : si les héros parviennent dans cette pièce sans être en possession des objets

du rituel de rétablissement, le Poltergeist va actionner l’arbalète contre un héros de votre choix. Heureusement le tir ne part pas et l’arbalète va même se briser eu égard à l’usure du mécanisme. La trappe du dôme est retenue par la force de l’esprit et celui qui souhaite l’ouvrir doit effectuer un test de Force DD 16. Si le test est raté, la difficulté augmente de + 1 à chaque tour. Si l’ouverture devient impossible, il faudra envisager d’escalader les quelques mètres de parois qui séparent les deux étages.

Le dôme Un système de lentilles d’éclairage se trouve au centre de cette salle circulaire de 15 m2. Les canaux permettant de faire circuler l’huile d’éclairage sont complétement à sec. Le phare fonctionne à partir de cette pièce.

ATTAQUES DE RAGE DU POLTERGEIST Le meneur peut utiliser ce tableau pour pimenter l’exploration du phare, soit car un héros transporte la médaille de Thamar (dans le navire échoué près de l’île), soit car le scénario l’exige. Dès qu’un héros se débarrasse de la médaille, il n’est plus l’objet des attaques du Poltergeist. 1d8

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Resultat

1

Le Poltergeist réalise un coup percutant contre sa victime qui doit réussir un jet de sauvegarde en Constitution DD 15 pour résister à l’impact ou perdre 1D4 PV.

2

Le Poltergeist projette un grand miroir sur sa victime qui doit l’esquiver en réalisant un jet de sauvegarde en Dextérité DD 16 ou perdre 1D4 PV.

3

Le Poltergeist fait sortir 1D4 Rats-Diables qui combattent les héros.

4

Le Poltergeist hurle sa complainte si fort qu’elle fait souffrir les héros. Un jet de sauvegarde en Constitution DD 15 est nécessaire pour ne pas perdre 1 PV et subir un malus de - 1 à la prochaine action.

5

Le Poltergeist effectue une puissante poussée télékinétique sur et projette sa victime à 1D10 mètre(s). Un jet de sauvegarde en Constitution DD 16 est nécessaire si le héros ne veut pas perdre 1D4 PV par trois mètres de projection.

6

Le Poltergeist tente de contrôler le bras d’attaque de sa victime afin qu’il s’en prenne à un de ces partenaires. Un jet de sauvegarde en Sagesse DD 15 est nécessaire si le héros ne veut pas attaquer un autre joueur (résolution d’attaque classique).

7

Le Poltergeist utilise une corde pour enlacer et étouffer sa victime. Le héros doit réussir un test de sauvegarde en Constitution DD 14 et un test de Force DD 15 pour se sortir de l’étreinte de la corde. Les deux tests doivent être réussis à la suite pour ne pas perdre 1D4 PV par tour d’étranglement.

8

Le Poltergeist convoque 2 Chiroptrazes qui attaquent les héros.

Pour allumer un feu, il faut utiliser de l’huile d’éclairage que l’on trouve soit au premier étage du phare, soit dans l’abri en bois. Les héros n’étant pas forcément habitués à ce type de manœuvre doivent passer un test de Sauvegarde en DEX DD 14 pour éviter de subir un retour de flamme (si le test est raté, le héros perd 3 PV). Note  : c’est dans cette pièce que doit être accompli le rituel de rétablissement. Cela étant fait, lisez leur paragraphe suivant.

Les flammes du brasier s’élèvent soudain jusqu’aux poutres du toit. Alors que vous terminez de lire la phrase rituelle, vous craignez que le feu ne se répande autour de vous. Des bourrasques s’engouffrent à l’intérieur du dôme. C’est alors que l’esprit du Poltergeist se matérialise sous vos yeux et s’approche. Son visage apparaît, un visage magnifique, au regard triste. Elle vous fixe un instant avant de se tourner vers le ciel et peu à peu, sa silhouette vaporeuse disparaît. Le feu se calme et le bruit des vagues finit par reprendre le dessus. À l’horizon, un rayon de soleil transperce le ciel orageux et fait scintiller l’océan… La dame Lyvia a été libérée et le phare fonctionne à nouveau… Vos héros gagnent immédiatement 8 points de confiance. Si toutefois les héros parviennent à allumer le phare sans combattre le Poltergeist et qu’ils reviennent au village, ils ne gagnent que 3  points de confiance. Le lendemain, lorsqu’ils repartent vers Vladovar (avec ou sans le vétéran), le phare s’éteint à nouveau.

Épilogue

Si les héros sont parvenus à accumuler entre 11 et 20 points de confiance, Lorkan organise une fête en leur honneur et prépare son sac pour les accompagner jusqu’à Vladovar. Par ailleurs, il confie son lance-foudre à l’un des héros en guise de remerciement. Si les héros n’ont pas cumulé les 11 points de confiance nécessaires, laissez-leur une chance pendant la fête pour tenter de convaincre Lorkan une dernière fois (roleplaying) et laissez la décision en suspens jusqu’à la prochaine partie. N’oubliez pas de distribuer les PX selon le tableau suivant :

PX ATTRIBUABLES PAR THÈME La moyenne de PX par héros pour un groupe de 4 est de : 705 PX. N’hésitez pas à en donner ou en retrancher selon votre propre évaluation de l’aventure.

CHIROPTRAZE (2) Classe d’armure : 14 Points de vie : 6 Vitesse : 1 m 50, vol 9 m FOR DEX CON INT SAG CHA 6 15 9 1 10 3 (-2) (+ 2) (-1) (-5) (0) (-4) Sens : vision aveugle 18 m, perception passive 11 Facteur de puissance : 1/4 (50 PX). Actions : • Morsures (Attaque d’arme de corps à corps), + 4 pour toucher, Jet de sauvegarde Constitution DD 10, dégât : 1 PV nécrotique par tour (médecine DD 10 pour arrêter l’hémorragie).

Exploration La forge : 50 PX par héros Le Robuste du Khador : 100 PX par héros L’îlot : 400 PX par héros Le Phare : 800 PX par héros Combat En fonction des créatures combattues et tuées (voir encadrés correspondants) Interaction sociale Les villageois à l’auberge : 100 PX par héros Lorkan : 800 PX par héros

Et la suite… • Vous pouvez envisager une prochaine séance qui insistera sur le voyage jusqu’à Vladovar ; • Lorkan pourrait aussi décider de fuir au milieu du périple ; • Une fois à Vladovar, des personnes pourraient être tentés de s’en prendre au vétéran. Mais ceci est une autre histoire qui sera contée une autre fois…

L’AUTEUR Rémy pratique le jeu de rôle dans tous les domaines depuis l’âge de 13 ans (1988) et n’a jamais cessé d’occuper son bon vieux fauteuil de MJ. Scénariste depuis peu, passionné d’écriture et d’imaginaire, il porte avec fierté le surnom que ses joueurs lui ont donné : « The Storyteller ».

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SCENARIO

DONJON ET CIE

LES DOIGTS DANS LE NEZ AUTEUR : Rémy « The Storyteller » Lucot ILLUSTRATEURS : Nydenlafee et Thierry Ségur PLANS : Sébastien Lhotel ÉDITEUR : Black Book Editions - John Doe Editions.

SYNOPSIS Les hôtes d’accueil sont mandatés pour une mission en détachement par le Département du Trésor. Il s’agit de faire découvrir à deux jeunes princes orques les joies du travail pour Donjon et Cie. Il faut dire que le « papa » est un grand mécène de la société et Monsieur Noir attache donc du prix à ce que ce stage de découverte soit une réussite. Cela tombe bien car, l’aire client qui a été choisie est connue pour son côté paisible et standard, en tout cas selon la Division des Opérations…

PUBLIC Niveau de maîtrise du meneur : débutant ou confirmé Niveau des personnages : à partir du rang d’ancienneté 3 Nombre de joueurs : 2 à 4

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Les résultats de vos dernières sorties sont bons, félicitations ! Toutefois, la société Donjon et Cie souhaite confirmer ces excellentes dispositions en vous confiant une mission, comme qui dirait, un peu différente… Cette aventure sous le sceau de la responsabilité. L’histoire L’histoire pour le MD Comme cela est dit dans le synopsis, les hôtes d’accueil sont recrutés pour faire découvrir le monde du travail à deux jeunes orques issus d’une puissante famille. Le père est un des meilleurs mécènes de la société Donjons et compagnie. Il s’agit donc de prendre soin de ces stagiaires de renom en leur faisant découvrir les ficelles du métier. De façon plus précise, il faut savoir que les deux frères Orques sont très différents l’un de l’autre. Le premier, Gloumph le Magnifique, n’est pas très dynamique et ne pense qu’à sa présentation physique (colliers de doigts osseux, coupe de cheveux…). En outre, c’est un couard de la pire espèce et la peur lui fait perdre tous ses moyens. Le second, Garbeuk le tyrannique, est un jeune capricieux et têtu. Il veut tout contrôler et use de son titre à la moindre occasion. Il est

téméraire et peut créer de gros problèmes lorsqu’il prend des décisions à la volée. En second lieu, l’aire d’accueil a légèrement été oubliée par la Direction de la Maintenance depuis, disons… Ces quatre dernières années. « Ben en fait, Les Crevasses dorées ne présentaient plus vraiment d’intérêt commercial et le manque de moyens à la maintenance a fait que…  » Tels auraient pu être les arguments des employés de la Direction si on leur avait posé la question. Mais justement, on ne leur a rien demandé alors… Résultat : les crevasses de l’aire sont occupées depuis peu par un groupe de Nain Gris décérébrés, certains pièges ne fonctionnent plus et cerise sur le gâteau, le sorcier (gardien-contractuel) de l’aire a décidé de mener ses propres affaires au détriment de la société. C’est d’ailleurs lui qui dirige la bande de clients novices qui approchent. Les hôtes auront donc fort à faire pour revenir de la mission avec leurs deux stagiaires sains et saufs.

Introduction Après quelques missions fructueuses, le Département du Recrutement vous invite à un petit repas bien mérité à la Flûte de Cristal en compagnie de quelques « huiles » du Département des Relations Mécènes. Un chargé de relation vous y rejoint. Il s’agit de Brogav Beauparleur, un elfe noir réputé pour son sens commercial affûté. Au cours du repas, il vous explique ce que la société attend de vous : Il s’agit de faire découvrir le métier à deux jeunes princes orques, héritiers du Roi Blosht. Ce dernier est un des grands mécènes de la société et il souhaite confronter ses enfants à la dure réalité du travail. Votre objectif est donc principalement pédagogique. Toutefois, Brogav vous prévient : «  Monsieur Noir s’est personnellement engagé sur la valeur de ce stage dans son entreprise. Il vous faudra être rigoureux et motivés. » Vous êtes donc conviés dès le lendemain à récupérer les deux princes ainsi que le matériel nécessaire pour arpenter les

Crevasses dorées, une aire d’accueil qui ne présente aucun risque et pour laquelle on annonce l’arrivée d’une troupe d’aventuriers novices. Si vous atteignez l’objectif fixé, vous serez récompensés par une promotion et la garantie d’obtenir des missions moins ardues dans l’avenir. Note : Le contremaître de la mission n’est autre que l’elfe noir Brogav Beauparleur. C’est lui seul qui supervise le stage des deux orques et qui s’occupe de donner tous les éléments aux hôtes. L’entretien a lieu à la Flûte de Cristal, dans une alcôve discrète évidemment. L’ordre de mission étant assimilé, l’elfe noir leur remet directement la carte de l’aire (Annexe  I) et les invite à se rendre chez l’économe (mandaté par l’elfe noir) pour récupérer leur paquetage ainsi que les deux princes. Après quoi, ils se rendent à l’élévateur.

ORDRE DE MISSION Contexte : mission discrète en détachement commandée par le Département des Relations Mécènes. Aire client : les Crevasses Dorées - Des résidents y sont sous contrat avec la société et notamment un sorcier du nom de Lorgan. L’aire est diversifiée (voir carte). Il faut éviter de descendre dans la crevasse, on ne sait jamais… Objectifs : accompagner les deux princes orques sur l’aire et leur faire découvrir le travail effectué par Donjon et Cie. Quatre clients sont en approche de l’aire, des novices visiblement. Il s’agit de les éliminer et de récupérer leurs biens. Avant tout, la mission doit avoir une visée pédagogique et, bien entendu, il ne faut pas abîmer les deux princes. Chef de mission : au choix du MJ, mais attention, c’est lui qui porte l’entière responsabilité du stage in situ.

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SCENARIO

DONJON ET CIE

Note au MJ : laissez 5 minutes à vos joueurs pour étudier la carte et faire connaissance avec les princes. Munissez-vous également de votre carte (Annexe II). Une première embûche surviendra dans l’élévateur. Le Gobelins en charge de les diriger sur l’aire d’accueil se trompe de destination à deux reprises, preuve que l’aire a été un peu oubliée depuis quelque temps. Brogav Beauparleur

UNE NOTE D’AMBIANCE Pendant l’installation de la table, j’ai lancé en musique de fond le titre Two Princes du groupe Spin Doctors - Album Pocket full of Kryptonite (1991).

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Chapitre I - Arrivée sur l’aire d’accueil, les Crevasses Dorées. L’élévateur vous laisse à l’intérieur d’un gros tronc d’arbre creux au cœur du boissous-terre. La mission commence… Enfin presque ! Le gobelin n’a pas les bonnes clefs pour ouvrir la porte du tronc d’arbre. Que faîtes-vous ?

Dans cette scène, les lieux sont détaillés. Conformément à l’esprit Old School, il vous appartient désormais de jouer la partie selon les trois paramètres suivants : le détail des lieux, les possibles réactions des PNJ (les deux princes, les résidents de l’aire au Chapitre II) et pour finir la progression des clients sur l’aire d’accueil que vous trouverez au Chapitre III.

L’entrée pour les clients et le pont de corde Une lanterne éternelle est accrochée à la paroi. Une pancarte indique « Non, n’entrez pas ici, il n’y a pas d’or ! Et encore moins celui des anciens adeptes de la déesse Thisna la Dorée. » Un air chaud s’échappe de la crevasse et s’en réchappent de lointains grognements. Note au MJ : le pont de cordes était censé être piégé, mais le mécanisme ne fonctionne plus

Le Bois-sous-terre, généralités Le Bois-sous-Terre occupe le premier plateau de l’aire. Vous y trouvez des arbres noueux aux feuilles noires et aux branches crochues. Un délicat parfum de terre pourrie vous titille les narines. Sur des buissons difformes poussent des baies pourpres. Vous apercevez quelques champignons rabougris aux chapeaux constellés de pustules écarlates. Non loin de l’arbre par lequel vous êtes arrivés coule un ruisseau à l’odeur nauséabonde. Selon votre plan, des pièges auraient été installés dans le coin et devaient être entretenus par un certain Lorgan… Note au MJ : les baies peuvent constituer un repas par joueur. Les champignons gris peuvent quant à eux servir à la préparation de poisons. Le ruisseau n’est autre que le conduit d’évacuation d’eaux usées de l’arbre aux fées. Pour les pièges dont le sorcier devait assurer la maintenance,

voir l’annexe  III. Seules les flèches se déclenchent encore, mais de manière aléatoire. Le guerrier mécanique ne s’anime pas (en raison de l’absence du sorcier), le piège du pont est irréparable, la fosse peut quant à elle bénéficier de réparations au niveau du tableau de commande de l’arbre aux fées.

L’arbre aux fées L’arbre par lequel vous êtes arrivés appartient au peuple des fées obscures. Il s’agit de l’arbre le plus haut et le plus touffu du bois. Au cœur de son réseau de branches emmêlées, vous devinez des constructions à peine visibles. Vraisemblablement des habitations de fées. Une canalisation d’évacuation qui descend le long du tronc de l’arbre est à l’origine du ruisseau qui court dans le bois. Tout en haut de l’arbre, vous apercevez la boîte de commande des pièges de Bois-sous-Terre.

L’AUTEUR Rémy Lucot pratique le jeu de rôle depuis l’âge de 13 ans (L’Œil Noir, Mournblade, Star Wars, L’Anneau Unique, L’Appel de Cthulhu, Défis fantastiques, Dungeons and Dragons, Chroniques Oubliées Fantasy et Contemporain, Labyrinth…). Il n’a jamais cessé d’occuper sa place de MJ. Scénariste, passionné d’écriture et d’imaginaire, Rémy porte avec fierté le surnom que ses joueurs lui ont donné : The Storyteller.

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SCENARIO

DONJON ET CIE Note au MJ  : la boîte de commande est squattée par une araignée de belle taille. Pour accéder au mécanisme de fils entremêlés et détériorés, il faut la tuer. Concernant les pièges, seule la fosse peut faire l’objet de réparations. Si les hôtes veulent obtenir des renseignements, ils doivent discuter avec les fées.

Le pont de pierre Alors que vous traversez ce pont de pierre recouvert d’une mousse grise d’aspect visqueux, vous percevez d’étranges grognements en provenance de la crevasse. Ces grognements sont accompagnés de coups de pioche et de marteau. Note au MJ : le pont mesure 5 m de large pour 8 de long. Il semble solide et permet aux hôtes de rejoindre sur le second plateau. La mousse grise est faite de petits champignons qui libèrent des spores dès que l’on s’approche de trop près. L’effet de leur inhalation entraîne une surexcitation chez la victime (10 doses de caféine d’un coup) et déclenche des réactions involontaires telles que  : pleurs, hurlements de rire, course effrénée, logorrhée, etc.

Le plateau Vous rencontrez des difficultés pour progresser sur ce plateau rocheux à cause des nombreuses stalagmites pointues et tranchantes qui jalonnent la zone. Et comme si cela ne suffisait pas, vous avez l’impression en marchant ici que votre vue est plus ou moins floue… 1d4

Les illusions de la zone sud du plateau

1

Le personnage est persuadé que l’un de ses coéquipiers (ce qui comprend les stagiaires) lui en veut personnellement. Il cherche la confrontation.

2

Le personnage perçoit des bruits énormes. Un dragon ? Un géant des cavernes ? Il panique.

3

Le personnage pense qu’il est désormais investi du pouvoir de voler ! Il va donc tenter sa chance en se précipitant vers la crevasse.

4

Le personnage est confronté à une de ces peurs les plus absurdes (exemple : s’étouffer avec un cafard grillé à la cantine).

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Note au MJ : la zone sud du plateau a été piégée par le sorcier avant son départ du site afin que personne ne trouve l’échelle permettant d’accéder à la crevasse et donc à la seconde échelle qui permet quant à elle de remonter au niveau du dédale. Il a lancé ici un sort d’illusions aléatoires. Pour traverser cette zone et résister au sortilège, il faut, soit avoir bu une potion spéciale préparée par le sorcier, soit connaître le sort lui-même pour élaborer un contre-sort, soit faire preuve d’une résistance psychique hors du commun (tests). Les hôtes qui progressent dans la zone sans précautions peuvent subir les effets suivants :

La maison du sorcier Vous voilà face à une cahute brinquebalante en bois pourri couverte tuiles grossières. La porte est ouverte. Il n’y a personne. Une table, deux chaises, une armoire, un bureau avec tiroirs, un fauteuil, un escabeau, deux placards et une odeur de vieux. L’habitant n’est plus là depuis quelques mois manifestement. Note au MJ  : c’est ici que vivait Lorgan le terrible, un sorcier maudit qui a été contractualisé par la société afin de surveiller et d’animer l’aire d’accueil. Il est possible de trouver les ressources suivantes : • Les cahiers intimes du sorcier  : dans une malle, il y en a des dizaines. Chaque jour a été consigné. Une étude des cahiers permet de repérer les différentes phases par lesquelles Lorgan est passé durant ces cinq dernières années, à savoir : engouement et investissement dans le rôle assigné par Donjon et Cie, le doute clairement matérialisé par la phrase récurrente «  mais qu’est-ce que je fous là  ?  », l’espoir après avoir trouvé des statuettes dorées dans les crevasses et un nouveau projet au détriment du contrat et qui consiste à faire venir des hôtes de l’extérieur et leur faire payer très cher ce voyage organisé. • La formule pour désactiver la zone d’illusions au sud du plateau (test pour trouver le parchemin dans ce fourbi). • Des potions permettant de traverser la zone (1D6) étant donné que le sorcier en

avait marre d’être obligé de la désactiver à chaque fois. Elles sont dans les placards. Attention ! La demeure du sorcier n’est pas aussi inoffensive qu’elle en a l’air. En effet, Lorgan a laissé quelques objets ensorcelés afin de défendre son territoire. Ainsi, le fauteuil peut s’animer pour paralyser celui ou celle qui a décidé de s’y vautrer. Les placards s’ouvrent à la volée et tentent d’assommer les petits curieux et enfin l’escabeau peut prendre vie pour se jeter sur les hôtes (combat).

La crevasse Vous voilà désormais plonger dans une obscurité quasi-totale. Les parois rocheuses semblent étroites. Une odeur de brûlé stagne ici. Note au MJ : la crevasse fait 10 m de profondeur et contourne l’aire d’accueil  ; l’endroit n’est pas très intéressant à vrai dire. Par ailleurs, il ne vaut mieux pas y rester plus de vingt minutes, car les gaz qui s’échappent de la roche sont très irritants (toux persistante, éternuements intempestifs, troubles digestifs et flatulences… En roleplay, SVP !). Ensuite, depuis le départ de Lorgan, une équipe de prospecteurs nains gris s’est installée au fond de la crevasse. Les gars analysent si des filons de pierres précieuses existent ici et semblent s’acharner, notamment dans des secteurs à fort risque d’effondrement. Si les hôtes tentent de leur parler, ils ne comprennent pas un traître mot et choisissent forcément la violence pour signifier qu’ils n’entendent pas partager leurs trouvailles (combat).

Le dédale de Thisna Selon les indications du Département de l’arpentage, ce secteur de l’aire correspond à un ancien temple dédié à la déesse Thisna qui n’existe qu’à travers la puissance de l’or. Selon l’ancienne coutume et les annotations du plan, à l’époque, seul le grand prêtre de la tribu avait le droit d’arpenter le dédale pour se présenter, les bras chargés d’or, devant la statue de Thisna.

Les grands murets de pierre effrités sont agencés de façon peu logique. La statue est censée se trouver au centre de ce fatras directionnel. Note au MJ  : il n’est pas rare de trouver au cœur du dédale quelques pièces ou de petits objets en or (le grand prêtre s’étant dit qu’il pouvait, ma foi, avoir perdu quelques offrandes… Et qu’il serait toujours temps de les récupérer). En revanche, Malgré le plan fourni par le Département de l’Arpentage, la carte n’indique pas forcément le bon emplacement des murets, ce qui oblige les hôtes à faire preuve de beaucoup de discernement dans leur progression. Jouez le jeu à fond  ! Demandez-leur des directions et répondez… n’importe quoi  ! Vous créerez ainsi un sentiment de lassitude

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SCENARIO

DONJON ET CIE dans le groupe. Une fois que vous vous serez bien amusés, vous pouvez toujours leur faire découvrir la superbe statue en pierre de la déesse. S’ils parviennent jusqu’à elle, il faut lui faire une offrande contenant au moins quelques grammes d’or. Dans le cas contraire, elle envoie ses sbires fantomatiques châtier ceux qui ont osé la flouer. En revanche, si les hôtes s’acquittent de cette offrande, elle leur concède un service (à exprimer par le chef de mission et dans la limite de ce que vous voudrez bien accepter).

Chapitre II - PNJ et autres squatteurs

Cette section vous permettra de mieux appréhender les personnages que les hôtes rencontreront sur l’aire d’accueil.

GLOUMPH LE MAGNIFIQUE • adore discuter avec les fées, peut-être trop et risque de retarder la progression du groupe. • ne veut pas entrer dans la maison du sorcier. • dans la zone d’illusion, pense qu’il peut voler. • ne veut pas descendre dans la crevasse. • dans le dédale, se met à chercher d’éventuels objets précieux. • ne veut pas participer à l’élimination des clients.

GARBEUK LE TYRANNIQUE • veut faire taire les fées obscures, des « petits insectes insignifiants » selon lui. • est certain qu’il peut réparer les pièges. • veut mettre le feu à la maison du sorcier (sans rien dire aux hôtes bien sûr). • tient vraiment à défoncer les nains gris. • aimerait bien écrire un graffiti sur la statue de Thisna. • veut directement se battre contre les clients.

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1d6

Les princes orques Les informations sur ces PNJ sont livrées en début de scénario notamment. Toutefois, voici quelques réactions qui pourraient vous aider à gérer leur accompagnement dans l’aire.

Les fées obscures Elles vivent sur l’aire depuis une bonne centaine d’années et n’ont pas connu les précédents habitants qui vénéraient la déesse Thisna. Cependant, elles connaissaient bien Lorgan le sorcier et qui selon elles n’était pas si terrible que ça finalement. Il leur a proposé de s’occuper des pièges de la forêt par une sorte de contrat de sous-traitance qui n’est d’ailleurs pas du tout valide au regard des statuts de Donjon et Cie. Elles ont finalement abandonné la mission depuis que Lorgan a quitté les lieux il y a six mois. Elles ne diraient pas non à un vrai contrat avec la société, mais après négociations qui porteraient notamment sur la solde. En effet, l’entretien de l’arbre principal du bois engendre beaucoup de frais et patati et patata… Les fées adorent discuter. Elles peuvent autoriser les hôtes à accéder au boîtier de contrôle des pièges, à condition qu’ils leur donnent quelque chose (armes, objets…). En revanche, s’ils se montrent discourtois, voire carrément agressifs, elles leur réservent quelques-uns de leurs tours.

Les tours des fées obscures

1

Mététouadon : ce sort empêche la cible d’émettre la moindre vocalise pendant 10 minutes.

2

Dentafasse : ce sort fait tomber une incisive à la cible.

3

Kestufaila : la cible de ce sort se gratte le derrière de manière compulsive pendant une heure de jeu.

4

Labeugère : la cible a mal au cœur pendant vingt minutes de jeu et subit un malus de -1 à son prochain test.

5

Guymove : les armes de la cible deviennent molles et inefficaces pendant vingt minutes de jeu.

6

Sama-jesté-déchemou : une horde de mouches volettent autour de la cible pendant 20 minutes de jeu réduisant ainsi son champ visuel.

Lorgan, le terrible vieux sorcier Lorgan était venu ici avec les meilleures intentions après quelques déconvenues à l’extérieur du Donjon. Il était motivé par sa mission qui consistait à animer l’aire face aux clients. Mais il s’est vite rendu compte que celle-ci était peu attractive et ce n’est pourtant pas faute de l’avoir signalé à la maintenance et au Département de la Réclame. Peu à peu, il a perdu foi dans son travail et s’est abîmé dans une véritable dépression, un « BhorHaout » comme ils disent… Par chance, au détour d’une de ses promenades funesto-mélancoliques, il a trouvé deux statuettes en or, certainement abandonnées par le peuple qui vivait là autrefois et qui vénérait la vénale Thisna. Il a alors décidé d’acheter du nouveau matériel et quelques grimoires qu’il n’avait pas pu se payer avant, avec la fabuleuse idée de se mettre à son compte. Rompant de fait ses relations contractuelles avec la société Donjon et Cie, il a alors décidé d’organiser, à prix coûtant, ses propres circuits de visite de la Crevasse Dorée. Le voilà d’ail-

leurs qui arrive avec ses premiers clients, des novices de l’académie des aventuriers de Strutiana (une ville de l’extérieur). Lorgan n’a aucune conscience de la gravité de ses actes concurrentiels envers la société. Il peut toutefois se montrer très dangereux s’il se

PNJ FÉE OBSCURE

LE GUERRIER MÉCANIQUE

ESPRITS VENGEURS

• DV : 4 • ARM : 4 • ATT : Lanceline (mini-lance) ou Glands taillés d4 • COU : 4

• Points de vie : 4 • Armure : 10 • Attaque : marteau de pierre d10 • COU : -

• Points de vie : 6 • Armure : 12 • Attaque : étreinte 2d8 • COU : -

ARAIGNÉE SQUATTEUSE DE BOÎTIER

LES NAINS GRIS

LA NAINE PALADIN (CLIENT)

• DV : 3 • ARM : 4 • ATT : morsure d4 (poison qui donne un malus) • COU : 8

• Points de vie : 4 • Armure : 6 • Attaque : pioche d6, piolet d8 • COU : 6

LORGAN LE TERRIBLE

LE BARBARE HUMAIN (CLIENT)

• Points de vie : 35 • Armure : d10 • Arme : hache 2xd10 • Matériel : 1 bourse (10 PO), 1 armure de plaque, 1 rasoir et 1 hache

• Point de vie : 9 • Armure : 4 • Attaque : dague D4 • Sorts : charme, missile magique, repérer la magie.

• Points de vie : 2d10 • Armure : – • Arme : Arc barbare 2xd8 • Matériel : 1 besace (8 repas), corde magique, 1 outre de rhum des plaines, 2 bottes de cuir de buffle des plaines (35 PO).

L’ELFE EXPLORATEUR (CLIENT) • Points de vie : 36 • Armure : 8 • Arme : épée elfe 3xd10 • Matériel : du matériel d’exploration, 1 ceinture à potions, 1 bracelet en argent elfique (100 PO), 1 livre de poèmes de guerre.

81

SCENARIO

DONJON ET CIE sent coincé. Par exemple, il peut animer le guerrier mécanique qui se trouve au nord du Bois-sous-terre.

Les nains gris de la crevasse Ceux-là débarquent de l’extérieur en comité réduit avec l’espoir de trouver ici des filons de cailloux-rouges-et-brillantsqui-se-vendent-bien-dehors (des rubis). Ils sont au nombre de 6 et parlent un dialecte incompréhensible. Arrivés après le départ du sorcier, ils n’entendent pas partager leur zone de prospection avec quiconque. Sales et affublés d’une mauvaise haleine extraordinaire, ils sont évidemment enclins à se battre dès que possible.

Les esprits vengeurs de la déesse Thisna Il s’agit tout simplement de quelques âmes en peine d’aventuriers morts en se perdant dans le dédale. Selon la nature des hôtes, ils peuvent entendre raison. Par contre, s’ils décident d’attaquer, c’est une autre paire de

manches, comme le suggèrent les caractéristiques qui suivent.

Chapitre III – La progression des clients,

Ou plutôt des clients de Lorgan. Enfin… On se comprend. Les clients de Lorgan qui deviennent de facto les clients de Donjon et Cie sont des novices issus d’une académie d’aventuriers de la ville de Strutiana (bon, en même temps, on s’en fout un peu). Ils sont au nombre de trois et sont accompagnés par Lorgan en personne. Le sorcier s’est autoproclamé guide et sorcier du groupe, histoire - comme il le dit lui-même - de joindre l’utile à l’agréable. On compte parmi ces trois aventuriers : une naine paladin, un elfe explorateur et un barbare humain. Ils progressent très lentement dans l’aire d’accueil et sont constamment sur leurs gardes malgré les conseils de Lorgan qui leur demande de rester confiants. Leur seul point faible  : si le sorcier meurt, ils fuient. Ils hésitent à se disperser dans l’aire et préfèrent évaluer tous les dangers avant de faire un pas.

Épilogue et Retex

Une mission totalement réussie consiste à cocher tous les objectifs suivants : • Les deux orques sont heureux d’avoir participé à cette mission et sont sains et saufs ; • Le sorcier a été tué (punition qui s’impose pour pratique anti-concurrentielle) ; • Les clients sont morts et les hôtes ont récupéré leurs effets ; • un rapport complet sur l’état d’abandon de l’aire sera produit sous peu. Une mission partiellement réussie consistera à cocher au moins deux des objectifs précédents. Une mission ratée consistera à ne pouvoir cocher qu’un seul ou aucun des objectifs. Par ailleurs, si un des princes a été grièvement blessé, c’est un échec automatique. Et autant le dire, ça sent la commission disciplinaire… Mais ceci est une autre histoire, qui sera contée une autre fois.

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Un donjon sur 500 m sous Paris SUIVEZ L’AVENTURE DU PROJET SUR 2

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SCENARIO

QUANTIQUES

EN VEINE… SYNOPSIS

Dans le Système solaire, le Fluide est une substance rarissime. Un contremaître en a découvert sur un astéroïde minier. Envieux des biens de son employeur, il décide de l’éliminer. Il a alors l’idée de recourir à une bête robotique. Contre toute attente, cette dernière ne s’attaque pas à la cible prévue. S’ensuit la propagation de la terreur dans la mine. Appelés à la rescousse, les PJ découvrent que nombreux sont celles et ceux qui trouvent un intérêt à cette situation.

PUBLIC Niveau de maîtrise du meneur : initié à confirmé Niveau des personnages : moyennement expérimentés Nombre de joueurs : 2 à 5

84| Jeu de rôle magazine n°62 - Été 2023

AUTEURS : Dldone et Mano Quante ILLUSTRATEURS : Guillaume Follet, Dldone pour les plans. ÉDITEUR : Nice Creadream

Un crime odieux au cœur d’un astéroïde suscite une vive émotion, réveillant les travers des habitants de la mine qu’il abrite. Une bête rôderait dans le labyrinthe minier, mais la cruauté s’avère ne pas être l’apanage de ce monstre tant redouté. 1 – Les principaux protagonistes

Thomas Zwilling (53 ans, Stellaire) est l’employeur. Il est veuf et est l’héritier d’une famille aisée. N’ayant pas réussi à faire fructifier son patrimoine, il a décidé, il y a trente-cinq années de cela, d’investir ce qui lui restait dans une concession minière de la ceinture d’astéroïdes (cf. Les Secrets de Solaris, p. 58). Il y a transporté tous ses gens ainsi que l’ensemble de ses possessions. Si dans les premiers temps les mineurs trouvèrent de nombreux filons de nickel ceux-ci se firent rapidement extrêmement rares. Aujourd’hui, les ressources de la mine suffisent à peine à la survie de tous et les conditions de vie sont précaires. Impuissant face à cette réalité, Thomas préfère l’occulter. Il se comporte comme un self-made-man ayant réussi grâce à son intelligence et à son sens développé des affaires. Fier de l’éducation qu’il apporte à ses enfants, il estime que les mineurs ne doivent leur situation qu’à leur inculture, et aussi à leur manque de foi dans la science pure. Il a des réticences

à laisser Josiah, son contremaître, faire la cour à sa fille, Louisa, car il lui cherche un meilleur parti. Il ne le sait pas mais la mine contient des veines de Fluide, une substance rarissime. S’il le découvre, il cherchera à l’exploiter pour redorer son blason. La bête robotique (Bot) est un robot militaire, dit « Canid66 ». Il a été conçu comme un monstre afin d’avoir un impact psychologique fort sur l’adversaire. Il traque ses cibles le plus discrètement possible en prenant son temps et les élimine en les attaquant au corps à corps. La bête a un système de camouflage optique et peut pirater les accès sécurisés. Le bot s’actionne ou est mis en veille grâce à une télécommande associée à un code. Elle peut être réglée pour cibler l’ADN exact d’une cible ou sur toutes les cibles avec un ADN proche ou apparenté. Josiah Bedrunken (51 ans, Stellaire, Tangible servant le Quantiques Cérès (cf. Les Secrets de Solaris, p.  55) est le contremaître. Il

travaille pour la famille Zwilling depuis plusieurs décennies. L’exploitation est sous sa responsabilité, c’est le vrai gestionnaire de la concession. Il n’aime pas trop les mineurs qu’il considère comme des outils. Il est tout le temps sur leur dos. Pourtant, il est apprécié de tous, plus particulièrement de la gent féminine. Il a secrètement entretenu des liaisons avec certaines de ses employées et a eu de nombreux enfants sans en reconnaître aucun à l’exception de son fils Linus. En son temps, il a même entretenu une relation avec Frieda Zwilling, la défunte femme de son employeur. Actuellement, il vit une romance avec Louisa, la fille aînée des Zwilling. Récemment, il a découvert des traces de Fluide (cf. Les Secrets de Solaris, p. 78) dans le P-04. Il y a vu la chance de sa vie, une vraie opportunité de devenir riche et de prouver à son maître Quantique qu’il mérite d’être promu Vaporeux (cf. Les Secrets de Solaris, p. 75), à condition de s’emparer de la mine. Josiah est intelligent, cupide et patient. Il pense que sa prise de contrôle sera facilitée par la faible influence de la République Impériale dans la région. Pour l’aider dans sa tâche, il y a quelques mois, il a embauché deux mineurs sans scrupule, Bratak et Arniphel. Ils ont réussi à faire stopper la prospection grâce à des sabotages. En parallèle, il a planifié la disparition de la famille Zwilling, à l’exception de Louisa, sa future femme, car il compte bien profiter de sa naïveté et surtout de son futur héritage minier. Grâce à des contacts chez les pirates, Josiah a secrètement fait l’acquisition du bot militaire qui terrorise actuellement les mineurs. Il l’a fait acheminer en douce sur l’astéroïde, puis il l’a camouflé au milieu du matériel de forage (H-11). Son plan est d’exterminer toute la famille Zwilling, en activant le ciblage « ADN apparenté » de la bête. Il ne veut cependant pas faire de mal à Louisa, sur laquelle il prévoit de veiller en utilisant la télécommande pour empêcher qu’elle soit tuée.

Frieda Zwilling (Stellaire, décédée à 41 ans) était la femme de Thomas Zwilling. Elle est décédée en accouchant de Jane.

Protagonistes dont l’ADN est ciblé par la bête Louisa Zwilling (27 ans, Stellaire  ; cible potentielle de la bête) est la fille aînée, elle est très cultivée, mais très discrète, presque effacée. Elle aime entretenir le jardin/serres. Les interventions incessantes de son père ne lui permettent pas de s’exprimer. Elle est amoureuse de Josiah et aimerait l’épouser. Elle ne va toutefois pas à l’encontre des décisions de son père. Ted Zwilling (32 ans, Stellaire  ; cible de la bête) est officiellement le fils du propriétaire, Thomas Zwilling. Avant la venue des PJ, Linus, le fils de Josiah a utilisé l’ADN de Ted pour que la bête commence sa traque. Tout le monde ignore qu’il est le fils adultérin de Josiah et de feu Frieda Zwilling. Il n’est pas très apprécié des mineurs à cause de son comportement. Il n’a en effet aucune considération pour eux. Intelligent, égoïste, sournois, il a des tendances à la psychopa-

QUELQUES MOTS POUR LE MENEUR Nous vous conseillons de consulter vos joueurs pour savoir s’ils sont à l’aise avec le thème science-fiction horrifique. Si c’est le cas alors ce scénario est fait pour vous. Ce scénario expose d’abord les protagonistes de l’intrigue. Au cours de cette présentation, l’intrigue vous est révélée. Dans un second temps, le décor est détaillé. Enfin, les événements à mettre en scène vous sont expliqués. Selon les actions des PJ, vous devrez apprécier les moyens adéquats mis dans cette boîte à outils scénaristique pour faire avancer le cours de la fiction et conserver le rythme d’un récit horrifique. Cette enquête se déroule dans un cadre angoissant. Pourquoi ne pas vous inspirer d’Alien 3, du Pacte des loups, voire d’un peu des deux, avant de le proposer à vos joueurs ?

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SCENARIO

QUANTIQUES thie. Il a grandi avec l’idée qu’il est supérieur aux autres. Accompagné de sa hyène, il adore la chasse aux rats mutants dans les galeries. Les mineurs le connaissent bien. Ils craignent son animal de compagnie. Après la découverte des premières victimes, ils affirment cependant qu’elle n’est pas responsable des attaques. Ces dernières lui semblent une bonne occasion de se débarrasser d’Anne Schlagen, l’institutrice, qu’il déteste.

DES NOMS DE PNJ IMPROVISÉS STELLAIRES Xi andromedae Tau eridani Zeta leonis Eta bootis Epsilon corvis Nu librae Iota virginis Theta Aquarii

AUTRES Brius Coman Tania Goldviz Rouzia Kenenburg Zinio Felgodren Anius Belphan Metilius Anguen Melisse Sando

INFLUENCER LES MINEURS Les mineurs font les trois-huit et ne sortent pas de leur rôle car le complexe est en sous-effectif. Il faudrait vingt personnes de plus mais la mine n’a pas les moyens d’embaucher. L’ensemble des services est sous-traité à des compagnies extérieures rarement présentes. Par conséquent, il n’est pas rare que des techniciens soient affectés à des réparations. Thomas : Rhétorique 4 Josiah : Commandement 6 Anne : Rhétorique 7 Le MJ peut accorder des modificateurs à chacun selon les actions des PJ.

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Jane Zwilling (10 ans, Stellaire ; cible de la bête) est la cadette de la famille, elle a eu la même éducation que ses aînés cependant elle a passé plus de temps avec les mineurs et elle s’est fait des amis parmi eux, dont la jeune Cécilia Rock. Elle est aussi cultivée que les autres membres de la famille et elle est curieuse. Linus Bedrunken (31 ans, Stellaire ; première victime de la bête) est le fils de Josiah, le contremaître. Sans le savoir il est aussi le demi-frère de Ted. Il n’a pas connu sa mère et son père l’a élevé avec rudesse car il désespérait de son manque d’ambition. Garçon quelque peu effacé, les mineurs n’ont jamais fait trop attention à lui, malgré son poste de superviseur. À la demande de son père, il a activé la bête qui l’a pris pour cible et tué car il partageait un ADN apparenté à celui de Ted Zwilling. Cécilia Rock (14 ans, Stellaire  ; cible de la bête) est une adolescente travaillant dans les mines. Elle est orpheline et a été élevée par l’institutrice, Anne Schlagen. Là où elle va, elle apporte de la gaîté. Elle passe du temps avec Jane à échanger sur la poésie ou la littérature. Elle ignore que Josiah est son géniteur.

Protagonistes mineurs Les mineurs (85, principalement Stellaires) travaillaient déjà sous forme de quasi-servage pour les Zwilling avant leur installation dans l’astéroïde. Ils sont venus en famille pour avoir une meilleure vie, pensant profiter de la réussite de la mine. Lorsque les veines de nickel se sont taries ils n’avaient plus les moyens

de recommencer une vie ailleurs. Au fil des années, quelques nouveaux mineurs se sont installés, mais leurs espoirs ont aussi été vains. Certaines familles travaillent dur afin d’économiser suffisamment pour envoyer leurs enfants (une dizaine) sur des planètes plus hospitalières. En attendant, la plupart d’entre elles ont à cœur de les envoyer à l’école tenue par Anne Schlagen, une institutrice volontaire. S’il ne s’agit que de quelques heures difficilement grappillées en fin de journée, les élèves développent leur culture générale. De temps en temps, Thomas Zwilling impose sa présence pendant un cours et critique le choix des matières enseignées, arguant qu’elles ne sont d’aucune utilité pour l’avenir de mineurs. Thomas Zwilling et les mineurs  : la plupart des mineurs sont fidèles à leur employeur. Ils défendent la mine contre des étrangers si Thomas le leur demande. Anne Schlagen et les mineurs  : seule Anne est capable de leur faire entendre raison face à Thomas. Il faut cependant qu’elle soit convaincue par les actions des PJ. Josiah Bedrunken et les mineurs  : Josiah n’hésite pas à les rallier à sa cause. Les mineurs le suivent contre Thomas, à moins qu’ils ne découvrent que c’est un meurtrier. Arniphel Kami (25 ans, Sélénite) est le premier mineur infiltré. Josiah l’a embauché, il y a huit mois, pour avoir un complice. C’est un observateur très doué avec les machines. Bratak Cloud (30 ans, Gaïan) est le second mineur infiltré. C’est aussi un complice de Josiah, il est d’un naturel très calme et gère habilement l’usage de la force. Piers Sanftbruck (51 ans, Sélénite  ; meurtrier) revendique souvent des améliorations des conditions de travail au nom des mineurs. Malgré tout, il a la réputation de fouiner dans les affaires d’autrui. De ce fait, il n’est pas forcément apprécié. Néanmoins, beaucoup le trouvent utile. Observateur et débrouillard, il attend l’occasion d’acquérir des avantages ou des biens, quitte à utiliser la violence.

Lorsque la bête a fait sa première victime, Linus Bedrunken, Piers et Anton Meyer étaient présents. Après qu’elle s’est enfuie, Piers a pu récupérer sa télécommande sur le cadavre. Avec sa grosse clé à molette fétiche, il a tué Anton qui l’a vu en train de fouiller Linus. Il a paré au plus pressé en cachant le corps, mais il attend le bon moment pour le faire définitivement disparaître.

Indice 1 : tout le monde sait que Piers se balade toujours avec sa grosse clé à molette fétiche. Si les PJ l’interrogent au sujet de son absence, il prétend l’avoir égarée. L’outil est caché dans R-01. Anne Schlagen (28 ans, Neo sapiens) est l’institutrice. Membre à part entière du personnel minier, elle s’implique pour aider ses semblables dès la fin de son service. Autodidacte, cultivée, déterminée et généreuse, elle rêve d’améliorer la situation des mineurs. Elle est appréciée au sein de la communauté. Chaque jour, elle donne un cours de culture générale aux enfants et aussi aux adultes qui le désirent. Elle prend plaisir à enseigner des matières variées  : mathématiques, littérature, histoire, etc. Exaspéré, Thomas Zwilling a essayé à plusieurs reprises de mettre fin à cette activité qu’il trouve inutile car elle n’améliore en rien la production. Avant l’arrivée des PJ, elle faisait travailler ses élèves sur un de ses livres préférés : La Bête du Gévaudan. Ce sont ses cours qui ont inspiré Josiah pour l’acquisition de la bête. Anne reste à distance de Piers Stanfbruck dont elle se méfie intuitivement. Elle est aussi très attachée à Cécilia Rock qu’elle considère comme sa fille. Cette femme de caractère exerce une influence sur une bonne partie des mineurs. Elle peut devenir une alliée des PJ.

Protagonistes alliés aux PJ Anton Meyer (49 ans, Stellaire, décédé) est un technicien, mineur. Il est membre de l’organisation des PJ. Il a été porté disparu le soir où le corps de Linus a été retrouvé lacéré. Assassiné par Piers Sanftbruck, son

ARBRE RELATIONNEL

corps est dans le R-02. Son assassin compte le balancer dans le recycleur (10) la nuit suivante.

Indice 2 : Anton a reçu un coup mortel d’une arme contondante sur l’avant du crâne (Médecine 3R). Adrian Fromm (41 ans, Neo Sapiens  ; contact des PJ) est un technicien et aussi l’adjoint du contremaître. Il est là incognito. Membre de l’organisation des PJ, il est leur contact sur place. Il utilise sa fonction pour transmettre des messages cryptés, l’astéroïde sert de relais de communication. Il a des contacts avec d’autres exploitations minières. La disparation de son ami Anton l’angoisse d’autant plus que ce dernier lui a dit avoir des indices sur la présence d’un filon de Fluide. Il veut savoir ce qui se trame et est soulagé à la vue des PJ. Sa priorité est de conserver sa couverture. Il limite donc ses interventions.

2 – Le décor : l’astéroïde Kholebourg

La seule installation de l’astéroïde est la station reliée à la mine. Étant donné sa masse, les résidents s’y déplacent en apesanteur ou grâce à des bottes-gecko. Les lieux sont sombres et mal entretenus car l’exploitation s’appauvrit depuis une trentaine d’années. La pénombre règne en permanence. Plus personne ne distingue plus de différence entre le jour et la nuit. Des chariots autonomes inopérants traînent dans des galeries abandonnées et des carcasses de véhicules depuis longtemps hors-service sont démantelées par des mineurs à la recherche de la moindre pièce pour aménager leur domicile.

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SCENARIO

QUANTIQUES • Les escaliers (E) relient les étages et peuvent servir de refuge en cas de besoin. • Les monte-charges (M) sont des plateformes capables de transporter véhicules et conteneurs.

Niveau 0 (environ 300 m de long) • Les hangars (H) sont dans la pénombre (Sens  -1). Actuellement presque vides, ils servent à stocker les cargaisons prêtes au départ. On y trouve des conteneurs, des outils oubliés et quelques anciennes pièces de rechanges. H-01 est le seul hangar qui peut être éclairé, les luminaires des autres hangars ont été déconnectés par souci d’économie. • La plateforme extérieure à l’astroport (1) peut accueillir 2 vaisseaux moyens. Le vaisseau des Zwilling n’est pas là car il est en réparation sur Cérès (à l’initiative de Josiah). • Le sas (2) relie l’intérieur et l’extérieur pour le passage des personnels et des conteneurs. • Les dispositifs de la salle de contrôle (3) permettent de guider les vaisseaux en approche et de communiquer avec l’extérieur. Il y a toujours un technicien sur place. • Le garage (4) abrite 4 véhicules de manutention (dont 2 sont en panne) qui servent au chargement et déchargement des vaisseaux. • Les différents appareils du système de survie (5) recyclent l’oxygène, l’eau et d’autres éléments nécessaires à la vie dans l’astéroïde. Par sécurité, ces systèmes sont redondants. • Une immense pièce (6) contient d’impressionnantes machineries capables d’alimenter l’astéroïde en énergie. Certaines sont en pannes ou éteintes. Cela explique que la luminosité dans l’astéroïde est très faible ou inexistante dans de nombreux secteurs. • De style victorien, la résidence Felsenhaus (7) est imposante. En s’approchant, on

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comprend qu’elle est surannée et partiellement délabrée. Un énorme mur de plexi verre l’isole du reste de l’astéroïde, il la protège de la dépressurisation, du bruit et de la poussière. Contrairement au reste de l’astéroïde, elle est illuminée en permanence. Les Zwilling y suivent un rythme de vie très strict, basé sur les exigences de Thomas qui considère que la ponctualité et la régularité sont des bases du savoir-vivre. Depuis la mort de Frieda, l’entretien laisse à désirer et certaines pièces sont laissées à l’abandon. Josiah, une cuisinière et trois serviteurs vivent aussi sur place.

Indice 3 : dans la chambre conjugale, un petit meuble contient les affaires de Frieda : une tablette de métal. Ce journal intime est protégé par un code (Sécurité 3R). Il témoigne des détails de sa relation adultérine avec Josiah et sa conséquence secrète : Ted est le fruit de leur union. Indice 4 : dans la chambre de Josiah, un terminal (Sécurité 5R) trône sur son bureau. Il permet d’accéder à ses derniers achats. Le mois précédent, il a dépensé 200 000 Solars pour un conteneur de matériel de forage, numéro 257372, en provenance de Cérès. • Les serres (8) abritent le jardin privé des Zwilling qui est composé de magnifiques parterres de fleurs et d’un potager. Il nécessite d’importantes ressources. Un coût justifié selon Thomas. Louisa l’entretien activement. • Tous les outils nécessaires à l’entretien et la réparation des véhicules de manutention, de forage ou des bots sont disponibles dans l’atelier (9). Néanmoins, il n’en va pas de même pour les pièces de rechange. • Le refuge d’urgence (R-01) est résistant aux dépressurisations et aux incendies. Des recycleurs d’air, scaphandres, trousses de secours, rations de nourriture et réserves d’eau étaient à disposition, du moins, à l’origine…

Niveau -1 (environ 300 m de long) • Les hangars (H) sont dans la pénombre (Sens -1). De nombreux conteneurs vides,

enchevêtrés et parfois endommagés encombrent les lieux. H-16 sert de garage pour les wagons de transport de minerai et pour les foreuses. H-15 sert de casse pour les véhicules et les matériels usagés. H-11 (où la bête était en veille) contient les pièces de rechange et matériels pour le forage. (Fouille).

Indices 5 : le corps déchiqueté de Linus se trouve devant un conteneur vide. Ici et là, du sang a imprégné les surfaces du hangar. Des gouttelettes restent en suspension.  L’analyse des blessures de Linus (Médecine 1R ou Sens 2R) montre qu’elles proviennent de griffes d’une taille anormalement grande.  De profondes rayures marquent le sol et le plafond du conteneur (Sens 3R). Des traces d’un autre métal se trouvent profondément en leur sein.  Le conteneur porte le numéro 257372.  Un gant gauche d’homme (haut de gamme, ergonomie stellaire) marqué des lettres « ZT » est coincé dans une grille du système de ventilation avec un amalgame de sang coagulé. • Les puits (P) sont dans la pénombre, il est difficile de voir loin dans les galeries (Sens  -3). Bratak et Arniphel sont préposés au rangement et au positionnement des chariots devant leurs accès. À tour de rôle, ils en profitent pour surveiller discrètement l’entrée du P-04. Chaque puits possède sa propre histoire :

P-01 fut le premier puits creusé. Il est désormais abandonné. Il s’enfonce très profondément dans l’astéroïde. Il a été colonisé par quelques champs de Mucus Fongus et un élevage de rats (Sens 2R). P-02 a été abandonné à cause de poches de gaz issues de mucus qui s’y trouvent. Ces derniers ont en outre muté. Les PJ doivent être prudents (Athlétisme 2R), car il y a un risque d’explosion. P-03 est abandonné car ses filons de nickel y sont insuffisants. En profondeur, il est possible de rejoindre le P-05 (Sens 4R), ses champs de Mucus Fongus et ses élevages de rats (Sens 2R).

Indice 6 : la bête se trouve ici (Sens 7R). Pour éviter les confrontations elle se réfuge dans le P-05. Si elle est acculée, elle passe à l’attaque afin d’éliminer celles et ceux qui la menacent. P-04 a été abandonné à la suite d’éboulements meurtriers. Sur la porte une pancarte « Interdiction d’entrer, risque d’éboulements ».

Indice 7 : il s’agit de sabotages organisés (Explosif 6R) par Josiah et ses deux complices. Le puits contient du Fluide (Sens 7R). P-05 est le seul puits exploité, et les mineurs y prospectent avec beaucoup d’espoirs. Ouvert récemment, il s’enfonce profondément dans l’astéroïde. Il est connecté au Puits 3.

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SCENARIO

QUANTIQUES • Les déchets organiques des habitants sont insérés dans le recycleur (10) pour obtenir des barres protéinées. C’est la ressource de nourriture principale que les mineurs achètent avec leur maigre revenu.

Indice 8 : depuis que le corps d’Anton Meyer y a été « recyclé », la machine donne plus de barres et de meilleure qualité qu’à l’habitude. En ouvrant le capot, des tissus déchiquetés non recyclés peuvent être découverts. Parmi eux, il y a une étiquette d’identité à scratch où l’on peut encore lire « yer ».

Y’A BON Lorsque des rats ont un contact prolongé avec le Fluide du Puits 4, ils mutent atrocement, prennent en taille et deviennent difformes.

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• La qualité des habitations du village (11) est mauvaise car ce sont de vieux conteneurs aménagés, délabrés et rafistolés. Pour économiser l’énergie, les lieux sont plongés dans l’obscurité. Par manque de place, plusieurs familles partagent la même habitation. Toutes s’éclairent à la bougie ou grâce à des lampes bricolées. Les barres protéinées du recycleur sont insuffisantes pour remédier au manque de nourriture. C’est

pourquoi les enfants descendent à la mine pour y chasser les rats (il y a même quelques élevages). Ils s’enfoncent profondément dans ce dédale pour y récolter du Mucus Fongus (cf. Les Secrets de Solaris, p. 58). Les habitants gardent cette ressource secrète car ils savent que Thomas Zwilling en ferait commerce sans même leur en laisser.

Indices 9 : à proximité de l’école, une petite maison sert de morgue. Elle est recouverte de jouets, de souvenirs, de mots et de dessins à la mémoire de deux enfants décédés dans la mine. Les corps déchiquetés (par la bête) de ces derniers y reposent. Malgré les blessures, les PJ peuvent leur trouver un air de famille avec Josiah (Sens 5R) et Linus (Sens 7R). • L’école (12) est l’une des plus grandes maisons. Elle est en service en fin d’après-midi. • Le refuge d’urgence (R) est semblable à celui du niveau 0. Comme personne ne s’y

rend jamais, Piers y a dissimulé le corps d’Anton Meyer dans le R-02 (Sens 4R).

Indice 10 : les PJ peuvent éventuellement découvrir à temps le cadavre flottant d’Anton, le crâne fracassé.

Les dessous de l’histoire

Josiah a dérobé un gant à Thomas Zwilling pour que sa bête puisse le traquer via son ADN. Malheureusement pour lui ce gant appartenait à Ted, le fils Zwilling. Puis il envoya Linus, son propre fils, auprès de la bête cachée afin qu’il l’active et lui présente le gant. Josiah ignore que Ted Zwilling est le fils adultérin qu’il a eu avec Frieda, l’ex-femme de Thomas. La bête activée avec ce gant et le ciblage « ADN apparenté  » traque tous ceux qui partagent l’ADN de Josiah (le coureur de jupons) et de Frieda. Lorsque Linus lui présente le gant il se fait immédiatement éliminer, ensuite la bête se met en chasse de ses autres proies, laissant pour indices le gant et le corps de Linus. Le mineur Piers Sanftbruck a suivi Linus, intrigué par son comportement suspect. Il a été témoin de sa mort. La bête a ignoré Piers, et ce dernier en a profité pour s’emparer de la télécommande de ciblage que Linus avait sur lui. C’est alors que le technicien Anton Meyer a surpris Piers. Paniqué, ce dernier l’a mortellement frappé, puis il a dissimulé le corps. Ce n’est que plus tard, que Piers comprend que commander à la bête nécessite un code en plus de la télécommande. Le jour suivant la disparition de Linus, Josiah tente d’organiser des recherches qui sont rapidement suspendues par suite d’attaques contre deux enfants. Après ces premières victimes, Josiah comprend qu’il y a un imprévu, il tente le tout pour le tout afin de reprendre le contrôle.

Indice 11 : bientôt, la rumeur de la présence d’une bête infernale se répand dans l’astéroïde…

Introduction

Dans les environs de Cérès, les PJ sont de retour d’une mission lorsqu’ils sont

contactés en urgence. Adrian Fromm un membre de leur organisation (méta-personnage) a demandé de l’aide, et les PJ se trouvent être non loin de l’endroit où il faut se rendre. Il s’agit d’un astéroïde exploité par des mineurs. Le méta-personnage dispose de deux agents sur place dont la mission est d’avoir un œil sur les différentes exploitations locales, cependant l’un des deux a disparu, il faut le retrouver. De plus, il y aurait des soupçons de la présence de Fluide dans la mine. Si cela se révélait exact, les PJ devraient trouver le moyen de s’emparer de la mine ou de négocier son exploitation exclusive et secrète à destination de leur organisation. Les PJ débarqueront en tant que techniciens envoyés pour résoudre des soucis techniques dans le système de survie. En fait, Adrian a déréglé le système pour justifier la venue des PJ. Un vaisseau les dépose avant de repartir, il revient les chercher dans 72 heures.

TED ZWILLING Race : stellaire RAI CHA ENE FOR ADR CON 13 14 9 10 10 10 Points de Vie : 20 Armure : -3 SC : 10 Compétences : Astrosavoir 4, Illégalité 5, Sécurité 5, Superstructure 4, Survie (Mine spatiale) 7, Baratin 6, Style 7, Psychologie 6, Arme d’épaule 7, Contact léger 6, Athlétisme 6, Gravité zéro 7, Furtivité 8, Vaisseau Moyen 5, Sens 7. Armes : Fusil Perce coeur (laser) + 18; Wakizachi : + 8. Équipement : 1 hyène-bot « Julie » (mêmes caractéristiques que le bot chien d’attaque d’Altération et Métal en page 67, sauf dégâts morsure + 12).

Chronologie

Les heures sont fournies, il est néanmoins vivement conseillé de les adapter aux circonstances.

Jour 0 4 h 00 – Mort de Linus et d’Anton 5 h 00 – Premier(s) disparu(s). Linus ne s’est pas présenté à son poste, personne ne s’inquiète car c’est le fils du contremaître. 17  h  30 – Recherche de Linus. Quelques volontaires se dispersent dans les galeries pour s’assurer qu’il n’y a pas eu d’accident. 18 h 00 – Attaque de cinq enfants en P-03. Deux stellaires morts, deux frères, 7 et 5 ans. Découverts par une des équipes de mineurs partis à la recherche de Linus. Les survivants traumatisés disent qu’ils jouaient (en réalité, ils allaient récupérer du Mucus Fongus pour manger à l’insu de Josiah et des Zwilling) quand ils ont été attaqués par un « loup mécanique  ». Depuis, Thomas a exigé que

LES MINEURS Race : Stellaire en majorité, Sélénite, Neo-Sapiens, Gaïan RAI CHA ENE FOR ADR CON 8 8 7 11 9 9 Points de Vie : 18 SC : 8 Compétences : Elles diffèrent suivant la spécialisation de chacun, cependant tous ont : Superstructure (mine) 4, Survie (Mine spatiale) 6, Corps à corps 4, Athlétisme 4, Gravité zéro 5, Sens 5, certains ont : Contact léger 5. Armes : barre à mine + 7 ; pioche : + 8. Note : Les mineurs attaquent en groupe et fuient si 6 d’entre eux tombent au combat. morsure + 12).

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SCENARIO

QUANTIQUES

CANID66 Race : bot militaire, 2 m 25 au garrot. RAI CHA ENE FOR ADR CON 14 10 10 22 16 24 Points de Construction : 48 Armure : - 10 SC : 18 Compétences : Sécurité 7, Morsure 6, Griffes 7, Athlétisme* 7, Gravité zéro 7, Furtivité 8, Sens 7. Armes : Morsure + 18 Pv ; Griffes + 14 Pv. Nombre d’attaques : égal au nombre de PJ combattants -1. Capacités : Vision nocturne, système de piratage d’accès sécurisé, système de camouflage (20 Qm hors jauge sur Furtivité). Points faibles : système d’autodestruction (dégâts + 12 Pv, rayon 3 mètres). Il s’actionne si ses Pc sont entre 0 et 5 ou si elle est capturée. Sous une patte elle possède une prise de connexion pour mises à jour. En l’immobilisant, elle est piratable (Sécurité 7R). La télécommande permet de la contrôler.

les mineurs travaillent en groupe et qu’ils ne puissent accéder aux puits en dehors des horaires de travail. Tout le monde sait que les enfants sont morts, ce qui angoisse les mineurs.

tant que cela affecte leur productivité ou les empêche de se reposer.

Jour 1

18  h  00 – Signalement de la disparition d’Anton. Adrian déclare qu’il ne s’est pas présenté à son poste, il était supposé reprendre son service.

14  h  00 – Premier contact. Arrivée des PJ à l’astroport. Adrian les réceptionne à la sortie du sas, il fait semblant de reconnaître celui qui ressemble le plus à un technicien. Thomas et Josiah sont aussi présents. Le 1er interroge les PJ pour voir s’ils ont l’esprit scientifique, tandis que le second évalue la menace potentielle qu’ils représentent pour ses plans. Ensuite, Adrian les emmène dans le secteur des systèmes de survie (5) où il discute sans crainte. Il parle de la disparition d’Anton, de Linus et des attaques d’enfants. Il est paniqué. Il répond à quelques questions mais part assez vite. C’est un sympathisant de la cause novquanta, mais il redoute de se faire repérer et de disparaître comme Anton. Il leur dit qu’il souhaite minimiser les contacts trop fréquents ou prolongés. La couverture de techniciens des PJ leur permet de se déplacer dans l’astéroïde car les systèmes de survie (par exemple, le système de ventilation pour une répartition homogène de l’oxygène, les systèmes électriques) sont partout. Tout se passe bien tant qu’ils ont un comportement adapté à cette fonction et qu’ils n’interrogent pas les mineurs. Si le contraire vient aux oreilles de Josiah, celui-ci interdit aux mineurs de leur répondre, prétex-

15 h 00 – Découverte du cadavre de Linus. Au -1, dans le H-11 les cris d’un mineur retentissent.

20 h 00 – Invitation à dîner. Si les PJ ont fait bonne impression sur Thomas (en louant les bienfaits de la science par exemple), il les invite à souper. Ils participeront à un moment long et ennuyeux où Thomas déblatère sur ses théories. Tous les Zwilling sont présents. Ted affiche son habituelle attitude rebelle. Il arrive en retard avec sa hyène appelée Julie. Au cours du dîner, il fait une allusion à Josiah en l’appelant le « coureur ». Thomas le sermonne alors que Louisa baisse les yeux. En fonction des réactions des PJ, Thomas leur propose de loger dans une chambre de la résidence (7), ou de profiter de l’hospitalité des mineurs. 00  h  00 – Piers déplace le corps d’Anton. Piers profite de la nuit (dès que possible) pour amener Anton au recycleur (10). Il est difficile à repérer (Sens 5R) car il connaît très bien les lieux.

Jour 2 05  h  00 – Proposition d’assassinat. Ted propose à son père de le débarrasser d’Anne en utilisant les événements actuels. Il veut envoyer sa hyène lorsqu’elle sera isolée. Selon lui, personne ne fera la différence (Médecine 4R). Il aura une occasion au moment de l’attaque de l’école (voir 14 h 00). 14  h  00 – Attaque de la bête. Les familles veillent sur les enfants. Elles les ont regroupés dans l’école (12). Il reste 2 enfants illégitimes de Josiah (dont Cécilia Rock). Furtivement (Sens 6R), la bête s’approche, puis saute sur le toit qui s’effondre sous

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l’impact. La panique gagne les enfants qui courent en tous sens. Cécilia, poursuivie par la bête, se cache dans le P-05. Anne Schlagen la suit. Dès lors, Ted a l’occasion qu’il attendait. Sans intervention des PJ, ces femmes ne reviendront pas du puits. Si la bête constate qu’il y a trop d’adversaires, elle s’enfuit (elle est capable de rapidement distancer n’importe qui).

Indice 12 : un jet en Robotique 4R (3R pour un PJ militaire) permet de reconnaître le modèle de robot militaire Canid66 et de savoir qu’il est actionné par une télécommande. Pour chaque R supplémentaire, donnez une de ces informations : il existe un ciblage de l’ADN ; il faut présenter un échantillon ADN à la bête pour cibler une personne ; il y a une option de ciblage ADN apparenté. 20 h 00 – « Ciblage apparenté » réorienté sur les Zwilling, si la bête est encore active. Piers fait le lien entre les victimes et Josiah. Il rencontre ce dernier afin de négocier des parts de la mine. Il obtient le code d’activation et un nouvel échantillon d’ADN, celui de Thomas. Piers conserve la télécommande et redirige le « ciblage apparenté » sur les Zwilling. Si Josiah n’a pas confiance en Piers, il sait que la présence de la télécommande sur Piers lui permettra de plaider son innocence le moment venu. Si les PJ deviennent trop entreprenants au goût de Josiah, il demande à Arniphel et Bratak de garder un œil sur eux et d’intervenir si nécessaire. En cas de complications, il récupère l’ADN de l’un des PJ et lance la bête sur lui. 21 h 00 – Attaque contre Ted. Une fois que le nouvel échantillon d’ADN est enregistré par le bot. Josiah cible Ted qui est capable d’opposer une résistance farouche. Le bot se met en embuscade dans le P-03 où sa cible finira par passer. En effet, Ted traque la bête à l’aide de sa hyène. Il est sûr de lui. Sans intervention des PJ, ces deux-là ne réapparaîtront plus. 23  h  00 – Attaque de la bête, si elle est encore active. Elle s’attaque aux Zwil-

ling (sauf si les actions des PJ ont changé le cours des événements). La bête se rend furtivement (Sens 6R) à leur résidence. Une fois sur place, elle traverse portes et cloisons. Josiah et Piers sont sur le lieu de l’attaque. Ils protègent Louisa tant qu’ils le peuvent.

Jour 3 16 h 00 – Arrivée des mineurs de Vesta. Si les Zwilling (Louisa exceptée) ne sont plus de ce monde, Josiah lance un appel de détresse auquel répond un cargo « de passage ». En réalité, il a fait appel à ses nouveaux associés dont il a besoin pour injecter des fonds dans l’exploitation et rembourser les pirates pour l’achat de la bête. Une vingtaine de mineurs débarquent pour l’aider. Quelques-uns évacuent discrètement la bête. Cette opération peut être repoussée, voir annulée si les Zwilling survivent.

La conclusion

Une fois la bête disparue, Josiah épouse Louisa, puis prend le contrôle de l’astéroïde. Il annonce la découverte du Fluide. De nouveaux mineurs s’installent. Ils disposent de meilleures conditions de vie que les anciens mineurs qui ne voient cependant pas leur situation s’améliorer. Les actions des PJ peuvent évidemment tout changer. Dans l’idéal, elles neutralisent la bête et permettent de démasquer Josiah et ses complices. Les PJ peuvent négocier un accord (secret) commercial exclusif avec Thomas Zwilling portant sur le Fluide. Ils peuvent en outre s’emparer de la mine par la force. Dans ce cas, la plupart des mineurs tentent de déserter l’astéroïde.

ARNIPHEL KAMI Race : Sélénite RAI CHA ENE FOR ADR CON 10 7 8 10 12 8 Points de Vie : 16 SC : 8 Compétences : Gemmotronique 6, Illégalité 5, Mécanique 7, Réseau Génius 5, Robotique 6, Sécurité 4, Survie (Mine spatiale) 6, Arme de poing 5, Athlétisme 4, Gravité zéro 4, Arme de poing 5, Cacher 4, Sens 6. Armes : Pistolet Voanad + 8 Pv, Compact + 2.

BRATAK CLOUD Race : Gaïan RAI CHA ENE FOR ADR CON 8 8 7 11 9 9 Points de Vie : 28 SC : 18 Compétences : Survie (Mine spatiale) 6, Illégalité 5, Arme de poing 5, Contact léger 5, Corps à corps 6, Athlétisme 6, Gravité zéro 5, Arme de poing 5, Cacher 5 (6), Sens 4. Arme : Couteau rétractile commando + 10 Pv, Compact + 1.

À vous de personnaliser la fin de ce scénario en fonction des points suivants : • Y a-t-il des survivants dans la famille Zwilling ? Qui en hérite ? • Qui commande le bot  ? Fonctionne-t-il encore ? • Adrian peut-il conserver sa couverture ? • Qui connaît l’existence des veines de Fluide ? • Qui contrôlera l’astéroïde ?

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INSPIRATIONS

LES GUERRES DE RELIGION ENTRE 1559 ET 1610

LA HAINE DES CLANS

LA NOUVELLE EXPOSITION DU MUSÉE DES INVALIDES À PARIS SE PENCHE SUR LES GUERRES DE RELIGION DE LA FIN DE LA RENAISSANCE. CETTE PÉRIODE PARTICULIÈREMENT TROUBLÉE S’ÉTENDANT DE 1550 À 1598 VIT DES AFFRONTEMENTS TERRIBLES SE RÉPANDRE DANS TOUT LE ROYAUME DE FRANCE. L’EXPOSITION, AU TRAVERS DE LA PRÉSENTATION DE MAGNIFIQUES ARMURES ROYALES, D’ARMES RICHEMENT DÉCORÉES, DE TAPISSERIES ET DE TABLEAUX ÉVOQUANT LES BATAILLES EMBLÉMATIQUES NOUS TRANSMET UN PEU DE LA FUREUR ET DU BRUIT DES ARMES. La part sombre de la Renaissance La seconde moitié du XVIe  siècle est marquée en France par les querelles religieuses, les troubles civils et une profonde remise en cause du pouvoir royal. C’est un âge de désordre et de déraison, qui, en quarante ans et huit guerres de Religion,

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embrase le royaume en une succession d’affrontements, de répressions, de scandales et de massacres, bouleversant l’équilibre du pays de façon inédite. C’est aussi un moment clef de l’histoire nationale, peutêtre la plus grave crise subie par l’Ancien Régime. Tout commence par la publication

des 95 thèses de Martin Luther, à l’origine de la doctrine protestante, qui trouvent des échos en France dès 1521, où des opuscules du moine allemand sont imprimés et diffusés. À la cour, Marguerite de Navarre, sœur de François Ier et protectrice des «  évangéliques  » favorables à la réforme de l’Église romaine, s’oppose au conservatisme religieux des conseillers du roi. Le roi oscille quant à lui entre tolérance et sévérité, lors des attentats commis contre des statues de saints ou au moment de l’affaire des placards, en 1534, qui voit des affiches contre la messe fleurir jusque dans les résidences royales. Le réformateur Jean Calvin lui dédie son Institution de la religion chrétienne en 1536. Le roi négocie volontiers des alliances avec des princes protestants opposés à Charles Quint. Depuis Genève, Calvin organise dès 1541 l’Église reformée française, mais les premières communautés se mettent en place vers 1555 et leur nombre croît considérablement à la fin du règne d’Henri II. En 1562, elles sont autour de mille quatre cents, regroupant près de 2 millions de fidèles, soit 10 % de la population du royaume.

Violences et massacres. La Saint-Barthélemy Le règne d’Henri II inaugure une période de violences au cours de laquelle assassinats et tueries se multiplient. Le début des guerres de Religion est marqué par des actes d’iconoclasme et les destructions, perpétrées par les huguenots, d’objets ou d’images liés au culte. Les catholiques répondent à ces saccages par des massacres en vue d’exter-

miner les « hérétiques » comme à Wassy, Sens, Tours et Orange. Il faut attendre la deuxième guerre de Religion pour que des catholiques soient massacrés par des protestants (Nîmes, 1567). Ces tueries trouvent leur paroxysme dans l’épisode le plus connu et le plus violent des guerres de Religion, la Saint-Barthélemy, en août 1572. Elle débute par l’assassinat de l’amiral de Coligny et des chefs protestants présents à Paris au lendemain du mariage d’Henri de Navarre, futur Henri  IV, et de Marguerite de Valois, sœur du roi Charles IX, puis dégénère en un massacre généralisé qui ensanglante Paris pendant trois

CATHOLIQUES ET PROTESTANTS La doctrine protestante, élaborée par Martin Luther au début du XVIe siècle se fonde sur un triple principe : sola scriptura, sola gratia, sola fide (l’Écriture seule, la grâce seule, la foi seule). La doctrine protestante repose exclusivement sur la Bible, l’Ancien et le Nouveau Testament, invalidant la tradition ecclésiastique et réduisant ainsi les sacrements à deux : le baptême et la communion. En outre, chaque baptisé est « prophète, prêtre et roi » sous la seule seigneurie du Christ. Ce concept anéantit les principes de hiérarchie au sein de l’Église et supprime la différence entre clercs et laïcs. Chaque baptisé a une place de valeur identique. Enfin Luther considère que seule la grâce de Dieu peut sauver l’homme en lui donnant la foi contrairement à la vision catholique qui confère un rôle décisif à l’accomplissement des bonnes œuvres et aux actions du chrétien pour influer sur son destin. Luther dit que le Purgatoire est une invention de l’église romaine et que par conséquent les cultes de la Vierge, des saints de même que des reliques et des images sont inutiles voire condamnés. En réaction, les catholiques réaffirment leur foi en la Vierge et les saints comme intercesseurs auprès de Dieu et de son Fils. La contre-réforme catholique renforce le sentiment de sécurité des croyants obéissants par des rites et des dévotions nouveaux et le respect de la hiérarchie ecclésiastique.

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INSPIRATIONS

LES PERSONNAGES CLÉS LA MAISON ROYALE • Henri II (1519-1559) : arrivé au pouvoir en 1536, ce fervent catholique prend de sévères mesures face aux Protestants en promulguant de nombreux édits répressifs. • Catherine de Médicis (1519-1589) : épouse d’Henri II et mère de Charles IX et d’Henri III. Partisane d’une politique de conciliation, elle est l’instauratrice en France de la liberté de conscience pour les protestants, et a tenté à plusieurs reprises de faire accepter le concept de tolérance civile sans parvenir toutefois à empêcher le déclenchement des hostilités. • François II (1544-1560) : il ne règne qu’un an et cinq mois et il confie le gouvernement aux Guise, farouchement opposés aux protestants. Des protestants tentent de l’enlever pour le soustraire à l’influence des Guise. • Charles IX (1550-1574) : il accède au trône à l’âge de 10 ans et sa mère assure la régence. C’est sous son règne qu’ont lieu les massacres de la Saint-Barthélemy. Son implication, de même que celle de Catherine de Médicis dans l’évènement font toujours débat.

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• Henri III (1551-1589) : roi de Pologne puis roi de France à partir de 1574, il est forcé par Henri de Guise de participer à la guerre contre Henri de Navarre, chef des protestants et futur Henri IV. • Henri IV (1553-1610) : au pouvoir en 1589 il se convertit au catholicisme en 1593. C’est lui qui met fin aux guerres de religions avec la signature de l’édit de Nantes en avril 1598.

LES PROTESTANTS • Louis Ier de Bourbon-Condé (1530-1569) : il est le principal chef protestant pendant les trois premières guerres de Religion. Il meurt assassiné sur le champ de la bataille de Jarnac. • L’amiral Gaspard II, comte de Coligny (15191572) : ce militaire très bien en vue à la cour pousse Catherine de Médicis à adopter une politique de conciliation à l’égard des réformés. Son assassinat en 1572 déclenche les massacres de la Saint-Barthélemy • Michel de l’Hospital, chancelier de France (1503-1573) : protestant dissimulé aux yeux des catholiques de son temps, il est partisan de l’unité et de la tolérance. Ses efforts et ceux de Catherine de Médicis sont ruinés par

le massacre de Vassy le 1er mars 1562 qui marque le début des guerres de Religion.

LA LIGUE • François Ier de Lorraine, duc de Guise (1519-1563) : François Ier de Lorraine fut l’un des meilleurs chefs d’armée du roi Henri II et le principal chef catholique pendant la première guerre de Religion. • Le connétable Anne de Montmorency (14931567) : ancien ennemi des Guise, il se rallie pourtant à François Ier de Lorraine pour former avec Jacques d’Albon, un triumvirat catholique pour lutter contre les protestants. • Le maréchal Jacques d’Albon de SaintAndré (1512-1562) : troisième homme du triumvirat catholique, il remporte de nombreuses victoires contre les chefs protestants avant d’être tué sur le champ de bataille. • Henri Ier de Lorraine, duc de Guise (1550-1588) : fils de François de Lorraine, il poursuit la guerre contre les protestants et est le chef de la seconde ligue catholique. Il s’allie au roi d’Espagne pour tenter d’empêcher Henri de Navarre de monter sur le trône mais il est fait assassiner par Henri III.

jours et se répand dans d’autres villes. Le nombre cumulé de victimes est estimé à dix mille morts. Aujourd’hui encore, les historiens s’interrogent sur le déroulement exact et les responsables de ces débordements, et l’historiographie récente tente de mettre un visage sur leurs acteurs, bourreaux comme victimes.

L’exposition L’exposition nous plonge dans les nombreux événements de cette période troublée de manière immersive et didactique. Les deux premières parties évoquent la naissance du protestantisme et sa diffusion dans la société française dont elles brossent un état politique, économique et social. La troisième partie entre dans le vif du sujet avec les premiers affrontements qui surviennent lors de la régence de Catherine de Médicis, suivis, en quatrième

partie par les massacres en vue d’éliminer les «  hérétiques  ». Il faut attendre la deuxième guerre de Religion pour que des catholiques soient massacrés par des protestants à Nîmes en 1567. La cinquième partie est particulièrement intéressante car elle nous rappelle qu’audelà des violences physiques dues aux affrontements, les guerres de Religion étaient des guerres «  de l’esprit  ». Grâce à l’imprimerie, de nombreux pamphlets, placards – ancien nom des affiches – et opuscules sont diffusés aussi bien par un camp que par l’autre. Ce conflit devient ainsi le premier conflit médiatique de l’histoire. En outre, l’antagonisme religieux devient une guerre de partis, animée par des ambitions politiques ou des haines personnelles. En 1574, Les Malcontents, conduits par François d’Alençon, frère d’Henri III, s’allient militairement avec les protestants pour contrer l’influence des Guise.

LA HAINE DES CLANS

GUERRES DE RELIGION - 1559-1610 Musée de l’armée - Invalides Du 5 avril au 30 juillet 2023

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INSPIRATIONS INTERVIEW L’interview de Olivier Renaudeau par Jean-Philippe Jaworski  https://www.youtube.com/ interview + Renaudeau + Jaworski

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La sixième partie de l’exposition étend le conflit en dehors des frontières du royaume par la nécessité des alliances avec les souverains tantôt protestants comme les princes allemands ou catholiques comme le roi d’Espagne. Pour tenter d’apaiser les esprits, la couronne organise des fêtes pour prôner l’harmonie retrouvée et la réconciliation autour du roi comme le montre la septième partie. En effet, tout au long de cette période troublée l’administration royale ne va avoir de cesse que de rétablir l’autorité du roi, à un moment où cette dernière est contestée comme jamais. Pendant quarante

ans, malgré la pression des partis ou les ingérences estrangères, l’État royal tente de maintenir la paix, comme l’illustrent les tentatives de conciliation de Catherine de Médicis, avec le colloque de Poissy (1561), les convocations des états généraux, ou la promulgation d’édits de tolérance et de pacification qui garantissent aux protestants des droits politiques ou une certaine liberté de culte. La fin de l’exposition évoque la signature de l’édit de Nantes qui met un terme à plus de quarante ans de guerre civile et de la paix de Vervins qui met fin à la guerre contre l’Espagne. Cependant cette paix n’est que de courte durée car en 1685 Louis XIV signe la révocation de l’édit de Nantes, provoquant l’exil massif des Huguenots, autre nom donné aux protestants de France et de Navarre.

Inspis Amateurs du jeu Te Deum pour un massacre, cette exposition est incontour-

nable pour vous ! Surtout si vous attendez impatiemment la nouvelle édition et que vous avez participé à son financement sur Ulule. Sachez d’ailleurs que Jean-Philippe Jaworski, l’auteur du jeu a interviewé Olivier Renaudeau, l’un des commissaires de l’exposition et évoque les liens entre l’histoire et le jeu de rôle. L’exposition vous permettra de nourrir vos descriptions, notamment de l’armement et des magnifiques armures portées par les différents protagonistes de ces conflits. Bien entendu cette exposition est particulièrement intéressante aussi pour tous les amateurs de jeux médiéval-fantastique ou historique. La description des luttes politico-religieuses, du déclenchement soudain de la violence, des retournements d’al-

liances et des conspirations sont autant d’histoires transformables en scénarii. Le thème de l’exposition est plus particulièrement adapté à Warhammer Fantasy, dont la 4e édition fait en ce moment notre bonheur. Les querelles religieuses entre catholiques et protestants peuvent être transformées en querelles entre adorateurs de Sigmar et adorateurs d’Ulric même si la tension n’est pas aussi forte, quoique… Et ces querelles religieuses peuvent cacher des antagonismes politiques, détournant les ducs, comtes et chevaliers des vrais ennemis, les Puissances de la VINCENT BLANCHARD Ruine.

INSPIS

LE CAISSON-ORGUE D’ARQUEBUSES

Un véhicule militaire pour Warhammer Fantasy RPG L’exposition nous présente une maquette au 1/6e d’un véhicule militaire de la Renaissance dont on avait uniquement des descriptions livresques. Cette maquette fabriquée en 1882, restitue un véhicule de transport décrit en 1574 par le capitaine Vasselieu. Il s’agit d’un caisson permettant le transport de l’armement et de l’équipement de six arquebusiers  : demi-armures, piques, arquebuses à croc et munitions. Il mesurait 8 mètres de long pour 2 mètres de large. Il pouvait être utilisé comme retranchement en cas d’attaque du convoi, notamment par la cavalerie : montées sur pivot, les arquebuses sont immédiatement aptes au tir. On imagine sans peine une Objet coût Enc. Contenu Disponibilité troupe d’arquebusiers nains traversant les Caisson-orgue d’arquebuses 300 CO 60 Rare routes de l’empire en provenance de Nuln avec ce véhicule tiré par un énorme animal cornu. Vos PJ peuvent Chacune des six arquebuses est une arquebuse du tableau de les croiser sur la route, retranchés derrière le véhicule face à des la page 295 de Warhammer Fantasy le jeu de rôle. Il contient guerriers à cheval, peut-être des elfes irrités qu’ils passent sur également six piques (voire la p. 294) et des demi-armures (voire leurs terres. Deux des nains sont morts et il faut les remplacer plastron p. 300). à leur poste de tir… Nul doute qu’un PJ sachant manier ce genre d’arme ne se fera pas prier.

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INSPIRATIONS

ROMAN

QUAND L’ÉCRIT SE MET AU SERVICE DE L’IMMERSION VOILÀ PLUS DE QUARANTE ANS, L’ÉCRIVAIN BRITANNIQUE J. G. BALLARD, DYSTOPISTE PRÉCOCE (IL AVAIT ÉCRIT UNE SÉRIE DE ROMANS CATASTROPHES DÈS LES ANNÉES 1960, LES QUATRE APOCALYPSES), ÉVOQUAIT AVEC SALUT L’AMÉRIQUE ! LA REDÉCOUVERTE D’ÉTATS-UNIS ABANDONNÉS DEPUIS UN SIÈCLE À LA SUITE D’UNE PÉNURIE D’ÉNERGIES FOSSILES (À BON ENTENDEUR…). SA LECTURE POSE LA QUESTION DE CE QUE POURRAIT ÊTRE LA PLACE DE L’ÉCRIT DANS UNE PARTIE DE JEU DE RÔLES – QUESTION QUELQUE PEU PARADOXALE APPLIQUÉE À UN LOISIR QUI A FAIT DE L’ORALITÉ ET DE LA SPONTANÉITÉ SA MARQUE DE FABRIQUE. OUI, MAIS… Sept pages aussi brillantes qu’effrayantes

SALUT L’AMÉRIQUE

Auteur : J. G. Ballard Éditeur : Présence du futur / Denoël Disponibilité : en occasion Genre : roman TRAITS Produit : • Poche • 256 pages • Prix : variable (ne se trouve plus qu’en occasion)

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La lecture des premières pages est une démonstration en soi, une master class pour MJ peinant à ne pas aligner trois «  heu…  » par phrase, enfilant les approximations, les détails inutiles et une syntaxe proche de celle d’un orc. Ballard décrit en effet avec un sens de la narration qui laisse rêveur des scènes sidérantes  (accostage dans un New York désert et ensablé, échouage sur la statue de la Liberté immergée) et multiplie les visions d’un après où règne l’incertitude et le danger. Voilà comment débute Salut l’Amérique ! : en douceur mais sans rien omettre de la dure réalité dans laquelle vont évoluer les personnages. Loin, très loin du fameux in media res, lequel excite moins l’imagination qu’il ne sollicite la (sur)réaction. À l’excitation promise par la redécouverte d’un monde oublié (et aux pillages qui immanquablement en découleront, comme au bon vieux temps de la conquête de l’Ouest) se mêlent des interrogations justifiant ce débarquement en terra néo-incognita  : d’où proviennent ces

radiations détectées depuis l’Europe  ? Qu’est-il arrivé à la précédente expédition ? Pour quelles raisons a-t-elle dévié de sa route et s’est-elle ensablée Dieu sait où pour ne plus jamais donner signe de vie  ? Devant ces tableaux post-apocalyptiques et ces questions laissées en suspens, le lecteur se demande inévitablement pourquoi et comment l’Amérique a-t-elle été abandonnée. Ballard y répond magistralement en sept pages qui sont également une leçon de littérature. Courez les lire et faites-vous peur : c’est peut-être le monde de 2030 entrevu cinquante ans plus tôt. Et donc un très bon setting de JdR. Sauf que ce qu’il ressort de ces sept pages, c’est surtout leur capacité à installer une ambiance et à provoquer l’imagination du lecteur. On se pose en effet moins la question de ce que les personnages vont faire que ce que nous, lecteurs, sommes déjà en train d’imaginer, ce qui signifie bien que nous sommes davantage dans un livre qu’en ouverture d’une partie de jeu de rôles. N’y a-t-il pourtant rien à en tirer pour nos tables ?

« À lire aux joueurs » Il arrive que l’on rencontre, notamment dans les JdR d’initiation, des paragraphes «  À lire aux joueurs  ». Il s’agit d’une aide proposée au MJ visant à lui éviter toute improvisation et à ne rien oublier des informations qu’il doit communiquer aux joueurs. À lire les sept pages dont il vient d’être question, force est de reconnaître que leur puissance d’évocation, la cohérence qui émane du récit de l’enchaînement ayant conduit à la catastrophe devraient faire réfléchir tout MJ au sujet des descriptions et des données de contexte qu’il soumet à l’imagination de ces joueurs. Pourquoi cela  ? Tout simplement parce qu’à l’écrit la pensée précède la narration bien plus qu’à l’oral. La pensée élabore, analyse, écarte ou retient pour choisir tel ou tel élément et se faire plus précise, plus exhaustive et, in fine, plus évocatrice. (Rappelons-nous que les dialogues qui semblent si spontanés dans les films et les séries, punchlines comprises, ont été écrits avant d’être dits.) Si l’écrit fait plus facilement mouche, il ne s’agit pas pour autant de revenir aux livres dont vous êtes le héros ou d’écrire à l’avance toute description et toute explication nécessaire à la partie – est-ce seulement possible ou même tout simplement souhaitable ? Mais on le sait, les descriptions sont souvent le point faible d’une partie de jeu de rôles et les explications régulièrement poussives, incomplètes, voire incohérentes. Dans ces sept pages, Ballard évite tous ces écueils. On dira  : c’est un écrivain, il dispose d’un savoirfaire qui n’est pas l’apanage de tout le monde, loin s’en faut. Certes, et cet écueil avait déjà été abordé dans ces pages1. Mais ces sept pages, par leur qualité, se révèlent incroyablement immersives. Il serait donc dommage de priver les joueurs de leur lecture.

L’écrit, une aide de jeu en temps réel Professoral  ? Artificiel  ? C’est le risque si le MJ se contente d’une lecture hors contexte et qui tomberait alors comme un cheveu sur la soupe, à l’image d’un acteur de théâtre en proie à un trou de mémoire et sortant son texte de sa poche. Mais si les personnages découvrent le texte en question dans le journal tenu par un témoin de la catastrophe au cœur L’Amérique, cent ans plus tard... d’un building abandonné de Boston et le lisent par bribes tour à tour, l’effet sur la partie sera étendue l’échec et l’humiliation de l’Amétout autre. Idem s’il s’agit d’un briefing de rique. » Quel MJ serait en mesure de sortir mission reçu par chacun avant le départ de une telle description au débotté  ? … Et l’expédition (cela peut aussi être présenté pourtant, quoi de mieux pour se lancer comme un extrait de livre d’histoire, un à l’aventure  ? Cette phrase n’y invite-treportage paru dans la presse, etc.). Ainsi, elle pas mille fois mieux, par le mystère l’écrit peut ne pas seulement précéder la qu’elle évoque, que le traditionnel envoi partie et se réduire à une lecture de règles en mission de PJ mandatés par quelque et d’un scénario ou lui succéder (sous la nabab pour récupérer un artefact forme d’un compte rendu) mais prendre quelconque  ? Or des phrases comme une place déterminante pendant. Ce qui celles-ci, Salut l’Amérique  ! en fourpourrait être perdu en spontanéité ouvrira mille. On imagine aisément que le jeu de la porte à une compréhension plus fine des rôles qui en serait tiré ouvrirait chacun enjeux du scénario et renforcera la crédi- de ses chapitres par l’une d’entre elles bilité d’un contexte qui sera ainsi moins et en trufferait ses scénarios, reprises perçu comme hors sol ou simple prétexte telles quelles ou s’en pour partir à l’aventure. inspirant largement, Un exemple  ? La phrase de sept lignes mises dans la bouche qui est la dernière de ces sept pages de PNJ au prix de édifiantes  : «  Les derniers rapports en petites adaptations. provenance de Las Vegas décrivaient l’ex- Les MJ entreprenants capitale du jeu à demi submergée dans peuvent d’ores et un lac fouetté par la pluie, ses roulettes déjà investir dans un PIERRE-OLIVIER CERVESI immobilisées, les lumières mourantes prompteur… de ses hôtels reflétées dans l’immensité d’un désert englouti sous les eaux, miroir 1. « Le jeu de rôle est-il littéraire? », Jeu de rôle violent qui réfléchissait dans toute leur magazine n° 51.

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ASPIRINE

COMMENT ÉCRIRE

UN SCÉNARIO

DE JEU DE RÔLE ?

CET ARTICLE S’INSCRIT DANS LA CONTINUITÉ DE MES RÉFLEXIONS SUR LE STORYTELLING DU N°59, AFIN DE LES COMPLÉTER. IL M’A EN EFFET ÉTÉ REPROCHÉ UNE ORIENTATION TROP GÉNÉRALISTE, PAS ASSEZ CONCRÈTE, ET SURTOUT PAS SUFFISAMMENT AXÉE SUR LES JDR (VOIRE HORS SUJET). DONT ACTE.

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Déjà-vu

Il est vrai que Jeu de Rôle Magazine concerne essentiellement… les jeux de rôle. Admettons, toutefois, qu’une approche globale de la narration était nécessaire pour saisir ses mécanismes. Les bases d’une histoire plurimédia ayant maintenant été traitées, intéressons-nous au cas spécifique du JdR. Nous ne reviendrons pas sur les conseils d’écriture, déjà largement vus, pour nous concentrer sur la gestion de la forme propre aux scénarios non-linéaires. Par définition, une intrigue de JdR impose un organigramme et des ramifications. Pour rappel : une pensée en arborescence et une capacité à l’empathie, c’est-à-dire

«  à vous mettre à la place des joueurs  », sont indispensables à sa création. En outre, n’hésitez pas à confronter des idées sans rapport entre elles afin d’aboutir à un résultat original. L’objectif consiste à obtenir un tout, cohérent avec l’univers du jeu, présenté « proprement » et facile à assimiler pour le MJ. Ne soyez pas trop littéraire, sauf pour décrire l’atmosphère souhaitée. Un scénario se doit d’être pragmatique, comme une notice technique. Vous aurez beau être aussi doué que Victor Hugo, vos effets de style ne seront pas retranscrits par la narration orale du MJ, et les joueurs ne sont pas là pour écouter une récitation lyrique.

Le choix du jeu Tout dépend de vos objectifs. S’il s’agit de jouer avec vos amis, votre JdR habituel, que vous connaissez tous par cœur, est logiquement indiqué. Si votre ambition est d’être publié, des conseils s’imposent. De toute évidence, il vaut mieux écrire pour un jeu que vous aimez, et qui vous est familier. Cela ne suffit pourtant pas. Produire quoi que ce soit en destination d’un marché implique des contraintes. • Donjons & Dragons restant le mastodonte de l’édition, vous multipliez vos chances en utilisant son univers. En matière d’héroïc-fantasy, reconnaissons-le : il est devenu difficile de faire du neuf. Tout semble avoir été dit, et les joueurs aguerris espèrent autre chose qu’une énième exploration de cavernes après l’invasion d’un village par des orques. C’est pourquoi il vaut parfois mieux s’orienter vers des univers étendus (officiels ou non) comme Midnight et sa dark fantasy, ou Ravenloft et son approche gothique à la Hammer. La refonte des règles de la «  5e  », plus simples sans être simplistes, est tout à fait accessible aux néophytes, notamment grâce aux boîtes d’initiation L’Essentiel (qui porte bien son nom) et Les Dragons de l’Île aux Tempêtes1. Le Guide du Maître et le Manuel des Joueurs, fort bien conçus, ne sont pas en reste. L’approche du background et des règles y est pédagogique, via une organisation claire où les informations se trouvent facilement. Attention, cependant. D&D est un JdR où les scénarios sont entièrement pensés selon le niveau des PJ, et ce bien plus que dans les autres. Vous devrez donc garder en tête cette particularité en choisissant les antagonistes dans le Manuel des Monstres, et préciser au MJ le niveau requis des personnages pour ne pas « aller dans le mur ». La magie, omniprésente, vous invite aussi à prendre en compte l’utilisation de sorts par un PJ en cours de jeu. Ces derniers peuvent invalider le synopsis, voire toute l’intrigue d’une histoire cohérente dans d’autres circonstances. Le concept d’alignement y est également capital, car il conditionne toutes les actions morales des PJ. Si vous

écrivez pour des personnages préexistants (ceux de vos joueurs ou des prétirés), prenez en compte leur Historique et les Avantages qu’ils offrent. Ils permettent de deviner leurs intentions éventuelles, dans la mesure où ils augmentent leur chance de réussite lors de certains tests. Le MJ pourra ainsi anticiper les actions prévisibles, à la manière des manœuvres imposées d’un PbtA2. • L’Appel de Cthulhu reste également une valeur sûre. Ses dérivés (Achtung ! Cthulhu, Cthulhu Hack, Delta Green ou Le Règne de la Terreur) permettent de s’éloigner du cadre répétitif des années vingt pour s’orienter vers une approche historique, contemporaine, conspirationniste, gore, etc. Il serait toutefois dommage de se limiter. Hors jeux obsolètes ou peu connus, il existe bon nombre de JdR très pratiqués et peu exploités, malgré leurs rééditions dans des versions actualisées. • Kult ou Vampire  : la Mascarade, par exemple, de façon tout à fait objective*. En raison de leur background sulfureux, ou de la difficulté à traiter toutes leurs subtilités  ? Peut-être, mais les scénarios pour Star Wars ou Torg ne sont pas non plus si courants. La faute, sans doute, à des univers et/ou des règles si complexes qu’ils ne souffrent pas la moindre incohérence. Le moindre faux-pas dans un scénario Star Wars vous attirera la colère des fans. Quoi qu’il en soit, la vie est faite de risques. Si «  vous le sentez  », n’hésitez pas à vous lancer un défi en écrivant un scénario pour un jeu populaire peu exploité.

LEXIQUE JdR : jeux de rôle LdB : livre de base MJ : Maître du Jeu PJ : personnage joueur PNJ : personnage non-joueur D&D : Donjons & Dragons Univers étendu : œuvre conçue pour développer un univers préexistant TOC : compétence « Trouver Objet Caché »

Le choix du format : plage ou campagne ? Par défaut, les magazines publient des « one-shots » prêts à l’emploi, parfois assortis de PJ prétirés et de plans. Ils s’adressent à des MJ en recherche d’un matériel rapide à jouer. Cela évite de se lancer dans une publication étalée sur plusieurs numéros, qui laisserait de côté les lecteurs ne pratiquant pas le jeu concerné. Néanmoins, il existe d’autres options plus sophistiquées, que vous envisagerez peut-être d’adopter une fois votre écriture « rôdée ».

1. Comptez une quinzaine d’euros pour des boîtes ultra-complètes. 2. Système narratif « Powered by the Apocalypse », voir article « le narrativisme dans les jeux de rôle » du N°57. * NdlR : les tests et les scénarios de Florent parus dans nos colonnes attestent de son obsession incurable pour ces deux JdR.

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ASPIRINE

Le bac à sable Sortez votre pelle et votre râteau, il est temps de s’essayer au « bac à sable ». Ce modèle de scénario n’est pas forcément plus facile, ou difficile à maîtriser. Tout dépend de vos goûts. L’enjeu consiste à poser les bases d’un environnement en décrivant précisément des lieux, les PNJ qui les peuplent, quelques événements aléatoires… Il appartient au MJ de laisser les PJ suivre un fil rouge en gérant leurs interactions. Il s’agit un peu de l’« open world » du JdR, débarrassé de ses scripts. Pour aborder mon expérience, ma contribution à Trois Fois Paris, un supplément pour Wasteland, comporte un scénario «  bac à sable  ». Celui-ci m’a permis de décrire les différentes zones d’Olympia à travers la fuite d’Éco, une nymphe du Président de l’ancienne capitale. Dans ce cas, sa fugue sert d’alibi à l’exposition d’un lieu à visiter. Le résultat paraît plus vivant, et évite le risque du « syndrome Wikipédia ».

La campagne

LES JDR GÉNÉRIQUES Une petite astuce permettant de toucher un plus large public consiste à utiliser un jeu multigenre au système générique. Elle vous évite aussi de décortiquer les spécificités d’un JdR. Les règles de GURPS ou de BaSIC sont désormais un peu dépassées (bien que le D100 soit toujours d’actualité dans des jeux récents comme Poudre Noire ou Zweihänder). La plupart d’entre eux sont basés sur des règles sous licence libre comme l’OSR, ou bien celles dites de la « 5e ». Par exemple, le scénario cyberpunk Falling Star publié dans le N°56 empruntait le système de Chroniques Oubliées Contemporain, pour permettre au MJ de l’adapter facilement à Cyber Age, Cyberpunk Red, Interface Zéro, Shadowrun, The Sprawl…

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Celle-ci s’avère, en revanche, plus compliquée à mettre en œuvre, et nous ne la traiterons pas ici. Pensez à L’Iliade, où Homère enchaîne des épopées de natures différentes, mais inscrites dans une continuité (La Guerre de Troie et L’Odyssée). Inspirez-vous des séries, où un ensemble d’épisodes composent une saison.

Le choix du contexte Le monde d’un JdR plante le décor, mais parmi les possibilités offertes l’éventail de choix reste large pour le MJ. Celui-ci englobe une époque, des lieux, des personnages, des accessoires... un peu comme au théâtre. Par conséquent, ciblez vos joueurs comme un metteur en scène cible son public. Adaptez-vous à leur expérience, et pas seulement à celle de leurs PJ. Des débutants seront ravis de pratiquer du donjon crawling dans D&D, et d’explorer un manoir hanté ou un phare maudit dans L’Appel de Cthulhu. Des vétérans se demanderont si vous vous ne moquez pas d’eux (sauf dans le cas d’un trip nostalgique). C’est la raison pour laquelle les

scénarios sont classés en trois catégories  : débutant, amateur et expérimenté.

Du respect de l’univers N’oubliez pas les fondamentaux. Ne prenez pas un scénario d’horreur lambda pour y ajouter quelques monstres lovecraftiens en pensant ainsi l’adapter à l’Appel de Cthulhu. Posez-vous la question : « quel est le concept de ce JdR ? Son ADN ? » L’œuvre de Lovecraft implique une notion de sidération et de «  vertige mental  » face à des horreurs cosmiques innommables. Un scénario pour Kult repose sur le dualisme Éros/Thanatos et sur le concept d’attraction/répulsion. Il doit comporter une scène où le voile de la réalité se déchire, et faire référence à un ange déchu manipulant des pions humains. Restez dans les clous des intentions, et surtout de l’atmosphère voulues par les auteurs ! En outre, certains JdR nécessitent des connaissances dépassant le cadre ludique. Si vous pratiquez Vampire  : l’Âge des Ténèbres, de sérieuses notions en Histoire médiévale sont indispensables. Et mieux vaut avoir lu l’œuvre de Michael Moorcock pour pratiquer Mournblade ou Hawkmoon, afin de « savoir de quoi on parle ».

Un plan parfait Vous avez maintenant choisi votre jeu, en étant conscient de ce qui le démarque des autres. Avant toute chose, il est nécessaire d’avoir une idée globale de votre histoire  : difficile d’improviser un scénario où chaque élément fait écho à l’autre… Il s’agit ensuite d’organiser ses différents éléments. Tracez trois colonnes. Découpez votre intrigue en trois grands Actes, selon un ordre chronologique. Les Actes sont composés de Scènes à la «  temporalité parallèle  ». Celles-ci représentent des lieux visités, indiqués dans des cases (« Scène du restaurant », « Scène du bowling »...). En dessous, listez tous les PNJ, informations et objets à découvrir. Parmi eux, des éléments-clés surlignés servent de liens entre les Scènes. Ces « nœuds » permettront aux PJ de naviguer entre elles. Plus ils seront nombreux

et plus vos joueurs auront une impression de liberté, mais plus la partie sera difficile à gérer. Voyez-les comme des outils de transition, les pancartes d’un jeu de piste. Les liens s’effectuent généralement entres les Scènes d’un même Acte, pour éviter que les joueurs court-circuitent l’intrigue. Il peut parfois arriver, quand le scénariste n’a pas d’autre choix, qu’un élément-clé conduise directement à l’Acte suivant, mais cela doit rester l’exception. Une fois la partie commencée, la difficulté pour le MJ consistera à savoir en permanence «  où en sont les joueurs  » dans leur enquête, et déterminer le moment où clore l’Acte pour enchaîner sur la suite. Soyez donc clair dans la schématisation de votre histoire. Facile à dire, mais comment choisir et agencer les éléments à placer dans vos Actes  ? C’est ce que nous allons voir, au risque de répéter certaines choses énoncées dans l’article sur le storytelling.

L’introduction du scénario Vous ignorez, par définition, la classe ou le métier des PJ, mais votre rôle consiste à aider le MJ en vous posant la question  : «  Qu’est-ce qui pourrait amener un groupe d’individus à œuvrer dans le même objectif, compte tenu des enjeux de mon histoire ? » Il existe plusieurs écoles, avec lesquelles vous pouvez effectuer des «  mixs  » pour éviter les clichés. • Les PJ se connaissent. Ils forment un groupe, et ont déjà travaillé ensemble. • Les PJ ne se connaissent pas. Ils se rencontrent par hasard, à la demande d’une relation en commun ou à l’occasion d’un événement. • Dans tous les cas, ils peuvent se retrouver dans un lieu public, où il est facile de trouver une mission, un contrat… Il s’agit souvent d’une auberge dans un cadre d’héroïc-fantasy. • Un contact (un supérieur, un client…) convoque le groupe ou les PJ individuellement, et leur expose le job proposé (cf. Mr Johnson dans Shadowrun). • Une projection dans le feu de l’action est pratique pour réunir des PJ sans liens entre

eux. Ils doivent alors comprendre rapidement la situation, et réagir vite. Dans ce cas, veillez à trouver des prétextes pour les introduire dans votre scénario. Un incident va les précipiter dans l’intrigue, et ils n’auront d’autre choix que de la suivre. Les PJ sont souvent des aventuriers ou des enquêteurs. Ils exercent donc leur métier dans l’espoir d’une récompense, par bonté d’âme, ou tout simplement pour suivre un ordre. Dans les JdR comme Vampire ou Cyberpunk Red, les choses sont plus compliquées. Le premier est un jeu politique très hiérarchisé, et le second prône l’anarchie. Les archétypes y ont souvent des intérêts divergents, et leur morale est si ambiguë qu’il vaut mieux miser sur la recherche de l’intérêt personnel que sur l’obéissance aveugle ou l’altruisme.

UN SCÉNARIO SE DOIT D’ÊTRE PRAGMATIQUE, COMME UNE NOTICE TECHNIQUE. VOUS AUREZ BEAU ÊTRE AUSSI DOUÉ QUE VICTOR HUGO, VOS EFFETS DE STYLE NE SERONT PAS RETRANSCRITS PAR LA NARRATION ORALE DU MJ, ET LES JOUEURS NE SONT PAS LÀ POUR ÉCOUTER UNE RÉCITATION LYRIQUE.

Acte I : Je Pose mon Jeu Le premier Acte a valeur d’exposition. Généralement, il repose sur un ensemble d’endroits à visiter suggérés par un PNJ, ou bien des déductions évidentes. Ils sont peuplés d’individus ou d’indices physiques, qui pour certains vont renseigner les PJ. Encore faut-il pour cela qu’ils parviennent, via des tests de compétence, à user de séduction, de manipulation, d’intimidation, de violence… Les interrogatoires sont souvent liés au «  Charisme  », un Attribut parfois dénommé autrement («  Aura  », « Charme », « Social », etc.). Laissez le choix de l’approche aux joueurs, tant qu’il est conforme à l’alignement de leur personnage (non, un paladin ne peut pas torturer un PNJ). Le lieu est souvent pittoresque, et représentatif de l’atmosphère du jeu, afin de mettre les joueurs dans certaines dispositions. Visite d’un port où des pêcheurs vident des poissons de leurs entrailles dans L’Appel de Cthulhu… Exposition d’œuvres d’art contemporaines malaisantes dans Kult… Cimetière contrastant avec les salons feutrés de Vampire… Les joueurs doivent commencer à ressentir l’impression qu’«  ils n’auraient pas dû mettre les pieds ici. »

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ASPIRINE

Il est possible que les PJ fouillent des pièces désertes. C’est souvent le cas dans les jeux d’enquête, notamment lors du recours au fameux TOC un peu arbitraire de L’Appel de Cthulhu3. Si votre scénario opte pour ce cas de figure, accompagnez le MJ dans la gestion de la Scène. S’ils n’y sont pas autorisés, il peut jouer sur la tension palpable. Des tests de discrétion peuvent être envisagés, si les règles le permettent. À ce sujet, attention aux inspections ayant tendance à s’éterniser, et aux joueurs prenant des tonnes de notes sans interaction avec

UN CAS D’ÉCOLE On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, prenons donc pour exemple l’un de mes scénarios. Celui-ci est intéressant, car il repose sur les principes énoncés, tout les mêlant et en les « tordant » un peu pour sortir des sentiers battus. Dans Elysium X-17, un scénario pour Alien (voir le N°59), le vaisseau d’un commando de Marines est percuté par un astéroïde (attention spoilers). • Dans cette intro, nous sommes dans le cas où les PJ se connaissent (même si les joueurs n’ont jamais joué ensemble), et sont confrontés à un événement qui les projette dans l’intrigue. • L’Acte I est basé sur l’exploration d’une planète inconnue, où les PJ se sont crashés. Ils doivent évaluer les dégâts du vaisseau, explorer les lieux, et trouver de quoi survivre. Cela permet de répartir et diversifier les tâches, et d’éviter l’« effet de groupe » où tout le monde fait la même chose. Au passage, des indices suggèrent la présence d’une menace, ce qui permet de poser les bases de l’Acte II. • Dans l’Acte II, après avoir rencontré une indigène, celle-ci conduit les PJ à son village. La nuit, ils sont attaqués par des xénomorphes. C’est l’occasion de résumer les règles de combat. Les PJ doivent ensuite rejoindre une île pour trouver le moyen de quitter la planète (notions d’action et de mouvement). • Dans l’Acte III, un orage se déclenche. Les gentils indigènes qui ont aidé les PJ révèlent leur fourberie en les piégeant. Ils sont aussi trahis par leur androïde à l’aspect angélique, qui leur expose tous les détails de l’intrigue. Les PJ sont sauvés par la jeune autochtone de l’Acte I. Un commando de Weyland-Yutani vient faire le ménage. Bref, les retournements de situation et les révélations s’accumulent. • Lors du final, des choix sont offerts aux PJ. Leur imprudence a pu entraîner leur infection par un agent pathogène. Ils peuvent prendre le risque d’être opérés, « vendre » l’indigène qui les a secourus, etc. Des pistes ouvrent la porte à un autre scénario. L’intrigue respecte les codes d’Alien (voyage spatial, xénomorphes, androïde traître, paranoïa manigances d’une compagnie,...), tout en prenant leur contre-pied (planète paradisiaque, environnement ouvert, extra-terrestres...). Nous retrouvons donc ici le concept d’idées sans rapport entre elles réunies dans un tout cohérent.

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des PNJ. Malgré le caractère «  passif  » du premier Acte, vous pouvez ainsi faire intervenir un imprévu, et mettre la pression aux joueurs. Notez que la récolte d’indices concerne surtout les jeux d’enquête. Le même principe s’applique à un groupe d’aventuriers lancés dans l’exploration d’une terra incognita. Le but consiste alors à trouver de quoi survivre, et à se renseigner sur la présence éventuelle d’indigènes. Rappelons-le  : les informations récoltées (listées en dessous des cases) mènent à d’autres lieux et d’autres PNJ via des flèches. Le but, dans un premier Acte, est de faire un peu «  tourner en rond  » les PJ jusqu’au point où le MJ estime qu’ils ont obtenu assez d’indices pour passer à l’Acte suivant. Il est important que les joueurs n’aient pas l’impression de suivre un script, un jeu de piste dirigiste. Un endroit et un PJ peuvent mener à deux, ou trois autres endroits et PJ pour multiplier les possibilités. Ils doivent ainsi ressentir une impression de liberté. Laissez-les donc visiter les lieux suggérés au début de votre histoire dans l’ordre qu’ils souhaitent. Ne donnez pas l’impression à vos joueurs qu’ils font ce que vous attendez d’eux (même si c’est le cas). Laissez-les évoluer à leur guise et livrez-leur, l’air de rien, L’INFORMATION CAPITALE qui ouvre la porte à la suite, lors d’une fouille ou d’une discussion anodine. Répétons-le : tout consiste à « retomber sur ses pattes », et de savoir à tout moment où en sont les PJ dans l’enquête (quelles sont les infos obtenues).

Acte II : Bouge de Là ! Le second Acte accélère le rythme. Après avoir patiemment fouillé et interrogé tout ce qui pouvait l’être, vos joueurs veulent de l’action. Elle peut se traduire par un voyage, en train, en vaisseau spatial… Cette partie nécessite de potasser les règles, car les choses doivent avancer vite et le MJ être réactif, notamment en ce qui concerne les combats et les poursuites. N’oubliez pas de lui indiquer la tactique utilisée et les dégâts (DG) infligés par l’adversaire, cela lui évitera de feuilleter son LdB en pleine fusillade.

Notez qu’un scénario tout entier, et même une campagne peuvent être basés sur la notion de mouvement. Par exemple Terreur sur l’Orient-Express, une aventure de L’Appel de Cthulhu située dans un train, ou bien Eurotour, qui emmène les PJ de Cyberpunk dans une tournée de rock à travers l’Europe. Un déplacement implique du dépaysement et des événements aléatoires pour rythmer la linéarité monotone du trajet. Inspirez-vous par exemple de Bons Baisers de Russie, de Mort sur le Nil, ou d’une référence du roadmovie comme Mad Max 2.

Acte III : Joue-là comme Shakespeare Le troisième Acte est une conclusion théâtrale, en mode dramatique. Tout est dévoilé en public, par exemple lors d’un opéra ou d’un scandale télévisé. Il peut aussi s’agir d’une bataille épique, mais le mot d’ordre reste : « spectaculaire ». Pensez à cette scène du Joker où (spoiler) le prince du crime abat un animateur TV d’une balle dans la tête, en direct. Toutes les vérités sont révélées, en public. L’avantage du théâtral est qu’il permet aussi bien d’être intimiste (La Jeune Fille et la Mort) qu’héroïque et épique (Le Retour du Roi). Pensez à la fin des Misérables, où Victor Hugo réussit le tour de force de réunir ses personnages sur les barricades. Tout réside dans la résolution ultime de l’intrigue lors d’une scène intense, un climax qui « prend le spectateur aux tripes ». Les joueurs doivent ressentir un changement de registre, devenu plus sérieux et solennel, qui fait suite au trip fun du second Acte. Il ne s’agit donc pas de surmonter une épreuve banale un peu plus ardue que les autres, mais d’impliquer émotionnellement les joueurs en leur faisant ressentir le caractère exceptionnel de ce que leurs personnages « vivent ». Des choix audacieux entraîneront des tests difficiles, dont les réussites critiques pourront témoigner de leur triomphe.

CHAQUE GENRE A SON « JOKER », SON ASTUCE SCÉNARISTIQUE : UN INDIC’ OU LES FICHIERS DE POLICE DANS UNE ENQUÊTE, UN PIRATAGE INFORMATIQUE, LES NOSFERATU OU UNE VISION DE MALKAVIEN DANS VAMPIRE, UN CAUCHEMAR DANS KULT, UN FIXER DANS UN JEU CYBERPUNK… CES PNJ SAVENT TOUT, ON TOUT VU, ET SE FONT UNE JOIE DE RENSEIGNER LES PJ CONTRE ESPÈCES SONNANTES ET TRÉBUCHANTES... juger) les conséquences de leurs actes. Toutes les histoires ne finissent pas bien, et dans L’Appel de Cthulhu c’est rarement le cas. Récompenserez-vous, ou punirez-vous les prises de risque inconsidérées, ou les actes immoraux  ? Ce dilemme revient également au MJ. La question est de savoir si la fin justifie les moyens. Une fois encore, tout est question de cohérence, de compréhension du background, et d’interprétation du PJ. Un joueur a le droit d’agir stupidement, si son personnage est stupide. Il ne doit pas être sanctionné pour cela. Seul l’« anti-jeu » d’un groupe de joueurs ayant intentionnellement « pourri » la partie devrait mener à un carnage. • Quoi qu’il en soit, le scénariste propose, et le MJ dispose. Son rôle consiste à présenter toutes les options envisageables, même les plus farfelues. • La fin doit être ouverte. Vous n’écrivez pas un roman. N’imposez pas le happy end que vous souhaitez, vous risqueriez de frustrer les joueurs. En outre, cela permet aux MJ courageux de développer une campagne en développant les pistes du final. • Dans l’idéal, utilisez un PNJ pour relater toute l’intrigue aux PJ, dans l’esprit Scooby-doo. Cela permet de leur notifier tout ce qu’ils ont «  raté  », et d’éviter un long explicatif du MJ hors-jeu.

La conclusion d’un scénario Happy end ou tragédie ?

Les « trucs en plus » d’un bon scénario

Le choix ne vous appartient pas.4 Le comportement des PJ aura forcément influencé le final, et le MJ devra jauger (et

Les PNJ Leur personnalité est capitale, et ils doivent être originaux.

Terreur sur l’Orient-Express (Descartes) - 1994

Eurotour (Oriflam) - 1995

3. Pour caricaturer : pas besoin de savoir quoi chercher, et où le chercher. Mettezvous au milieu d’une pièce et multipliez les TOC. C’est la raison pour laquelle des dérivés comme Cthulhu Hack ont opté pour un autre système de fouille. 4. Exception faite du cas particulier des JdR pour enfants, comme Tails of Equestria. Ne traumatisez pas les bouts de chou !

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ASPIRINE

N’hésitez donc pas à jouer sur les clichés, les faux-semblants et les retournements de situation en faisant d’un PNJ désagréable le sauveur du groupe (et inversement avec un PNJ charismatique, qui le trahira). Essayez de les varier, sans verser dans l’«  inclusif à tout prix », qui peut donner un aspect artificiel à l’intrigue. Les PNJ doivent être cohérents avec le contexte, en regard du lieu et de l’époque. Déterminer leurs caractéristiques est un travail souvent fastidieux, mais très utile au MJ. Inspirez-vous de suppléments ou de scénarios officiels pour estimer, grosso modo, les Attributs, les compétences et l’équipement d’un homme de main, d’un avocat, d’un artiste… Personne ne vous repro-

CE QU’IL FAUT RETENIR Certains points ont déjà été abordés, mais il vous faut également connaître quelques règles de mise en forme. Si vous êtes familier de nos scénarios, ces recommandations vous paraîtront évidentes. Il s’agit des fondamentaux à connaître. • Un scénario de JdR compte 35 000 signes espaces compris. • Il est découpé en trois Actes, voire quatre. • Les Actes proposent des Scènes parallèles à explorer. • L’usage veut que tout soit écrit au présent. • Pour commencer, vous pouvez notifier quelques détails techniques utiles au MJ. Le niveau requis, pour lui et ses joueurs, les œuvres à consulter pour son inspiration, les livres nécessaires pour exploiter pleinement le scénario… Le restant du texte sera entièrement consacré à votre histoire, c’est donc le moment de livrer tous les éléments « hors-jeu ». • Ensuite, un résumé plus complet doit expliquer au MJ tout ce qu’il lui faut savoir. Il n’est pas censé découvrir votre histoire à sa lecture, comme dans un roman. Son rôle consiste à tout anticiper, et pour cela il lui faut connaître votre intrigue comme sa poche. Spoilez-le sans vergogne, ne lui épargnez aucun twist : il doit TOUT savoir. • Une introduction destinée aux joueurs lui permet ensuite, fort de ces informations, de « mettre les PJ dans le bain », et de démarrer l’intrigue. Évitez les lourdeurs (« En ce temps-là, le royaume de blablabla était en guerre contre blablabla… ») et n’hésitez pas à les immerger rapidement dans l’atmosphère souhaitée. Ne craignez pas d’utiliser des clichés (une lettre envoyée par un lointain parent censé être mort, un imprévu survenu devant les PJ…). Le but est de s’amuser. • Une fois la « machine lancée », le premier Acte peut commencer. Trouvez un titre percutant, par exemple celui d’une œuvre connue en rapport avec son contenu, un proverbe, un jeu de mots… et résumez l’Acte en 2-3 lignes. • Une conclusion doit passer en revue toutes les fins possibles suivant les actions des PJ. Elle n’est pas forcément morale, mais doit rester ouverte sur d’autres options d’aventures.

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chera un écart d’un ou deux points, tâchez seulement d’être cohérent. Un gangster sait utiliser une arme, et une danseuse possède souvent un Charisme important.

Encadrés et aides de jeu Il va de soi que, pour en arriver à la conclusion, les joueurs auront dû comprendre la logique de votre intrigue, et ne pas avoir raté ses éléments-clés. Or une partie ne se déroule jamais comme prévu. C’est pourquoi un scénario doit comporter des aides sous forme d’indices implicites, pour le cas où «  les choses partiraient en vrille  ». Elles sont un peu comme les théoriques trous de ver, qui permettent de sauter d’un point de l’univers à l’autre. Ou le deus ex machina du théâtre, qui fait intervenir un événement improbable pour résoudre d’un seul coup toutes les questions en suspens. Chaque genre a son «  joker  », son astuce scénaristique  : un indic’ ou les fichiers de police dans une enquête, un piratage informatique, les Nosferatu ou une vision de Malkavien dans Vampire, un cauchemar dans Kult, un fixer dans un jeu cyberpunk… Ces PNJ savent tout, on tout vu, et se font une joie de renseigner les PJ contre espèces sonnantes et trébuchantes ou, comme dans Le Parrain, en échange d’un service (cela peut faire l’objet d’un futur scénario). Tricherie ? Peut-être. Le JdR est un loisir où le but n’est pas de gagner mais de passer un bon moment. Les joueurs se rendront compte de la supercherie, mais le pire consisterait pour les PJ à être bloqués indéfiniment dans l’histoire, comme dans un jeu buggé. Soyez judicieux en plaçant les encadrés d’aide aux endroits où le MJ a immédiatement besoin d’une information. Cela facilitera sa narration, et accessoirement le travail du maquettiste. Pour le «  gros  » du supplément d’infos (PNJ, lettres manuscrites…), casez-le à la fin du scénario, sans oublier des renvois dans le corps du texte. Un aller-retour n’est jamais agréable à la lecture, mais une trop grosse quantité d’informations fondue dans l’intrigue n’est pas recommandée. Essayez de jouer la carte du

« véridique », avec des lettres manuscrites, des cartons d’invitation ou des accessoires que le MJ pourra découper et utiliser en jeu.

Les plans Il est toujours fastidieux de décrypter la géographie d’un lieu en fonction de sa description. Les MJ aiment les plans. Il existe des logiciels gratuits plus ou moins ergonomiques pour en dresser, souvent axés sur des donjons. Inkarnate et Campaign Cartographer offrent de bons rendus, mais restent limités dans leur version d’essai. N’oubliez pas qu’une publication commerciale est soumise aux droits d’auteur, ne recyclez donc pas des plans trouvés ici et là. Créez-les, au besoin à la main sur du papier froissé. Cela leur donnera un cachet plus crédible.

Le game design Facilitez la vie du MJ. Indiquez-lui entre parenthèses les tests à effectuer aux moments-clés. Ne compliquez pas les

choses non plus, et ne provoquez pas un test dès qu’un PJ ouvre une porte. Le tout consiste à identifier les actions nécessitant un certain savoir-faire. Une scène ne doit jamais être interrompue trop longtemps pour une question de règles, et un renvoi à la page pertinente du LdB permettra au MJ de se renseigner rapidement en cas de doute. N’oubliez pas les spécificités de certains jeux comme le traitement de la folie dans L’Appel de Cthulhu ou Kult, géré par un barème représentant l’évolution de la santé mentale. En outre, Star Wars permet le recours à la Force, et les JdR cyberpunk impliquent souvent un ride dans la Matrice. Comme pour la magie dans D&D, ces options de jeu peuvent totalement déstabiliser un MJ mal préparé. Multipliez les aides dans les situations où vous estimez qu’un PJ peut utiliser la « capacité spéciale » du JdR pour résoudre un problème d’une «  manière parallèle  ». Faites en sorte que cette approche soit possible, mais de façon encadrée, selon la façon dont vous l’avez prévue.

Florent Martin Dans le domaine du JdR, Florent a surtout œuvré sur la première édition de Crimes. Il est aussi l’auteur d’un scénario officiel de Trinités. On le retrouve aux crédits du supplément Trois Fois Paris pour Wasteland, en tant que coauteur. Plusieurs de ses nouvelles ont été publiées par des revues. Il a également été critique pour le site nooSFere et anime un blog consacré à l’actualité de la culture populaire, Balades Cosmiques.

QUELQUES CONSEILS DE LECTURE Afin de « comprendre comment ça marche », n’ayez pas peur de lire des scénarios de découverte. Certains suppléments officiels des années quatre-vingt-dix sont très bien conçus. Je ne suis pas fan des kits d’initiation plus récents, souvent grand public (voir dossier « les jeux de rôle se sont-ils assagis avec le temps ?  » du N°60) et aux intrigues « téléphonées ». Par exemple, Le Seigneur des Liches, une aventure de Warhammer V1 pour débutants. Les recueils Les Demeures de l’Épouvante et Terreurs de l’Au-delà pour L’Appel de Cthulhu, ou encore Aventures Instantanées pour Star Wars D6 et la Collection 6 des XII Singes (en référence au D6) contiennent des scénarios qui vous offriront des trames claires et bien découpées, en huis clos ou en extérieur. Sachez toutefois que certains de ces suppléments sont devenus difficiles à trouver. Du côté de Casus Belli, « canal historique », les jeux d’initiation Basic (HS 19) et Simulacres (HS 1 & 10) sont consacrés aux novices, et proposent des scénarios courts que vous pourrez « décortiquer » rapidement. Le HS 25 : Manuel Pratique du Jeu de Rôle, contient aussi quatre petites pages, brèves mais riches en conseils, sur l’écriture de scénarios. Et pourquoi pas, les livres dont vous êtes le héros ?, qui pour beaucoup de rôlistes furent été une première approche des aventures non-linéaires à choix multiples...

Les Demeures de l’Épouvante (Descartes) - 1991

6 Trésors Légendaires (Les XII Singes) - 2012

Terreurs de l’Au-delà (Sans Détour) - 2010

Star Wars - Aventures Instantanées (Descartes) - 1998

Casus Belli HS N°10 1994

Casus Belli HS N°19 1997

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ASPIRINE FAITES LE TEST EN OUVRANT UN LIVRE DE RÈGLES À TROIS ENDROITS DIFFÉRENTS : IL Y A DE FORTES CHANCES POUR QUE VOUS TOMBIEZ SUR DES RÈGLES DE BASTON, UN CATALOGUE D’ARMES OU LES CONSÉQUENCES QUI EN DÉCOULENT, LE CHAPITRE « GUÉRISON ». POURQUOI CETTE OMNIPRÉSENCE DE L’AFFRONTEMENT VIOLENT ? LE JEU DE RÔLE SERAIT-T-IL UN DÉRIVATIF À UNE VIE DÉSORMAIS POLICÉE OÙ LES CONFLITS SONT CENSÉS SE RÉGLER DE MANIÈRE DIPLOMATIQUE ? JOUERAIT-T-ON À WARHAMMER COMME D’AUTRES JOUENT AU RUGBY, PRATIQUENT LA BOXE OU LES RÉSEAUX SOCIAUX, POUR CANALISER LA VIOLENCE TAPIE EN CHACUN DE NOUS ?

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SE BATTRE ENCORE ET TOUJOURS De quelques angles morts du jeu de rôle Une des caractéristiques essentielles du jeu de rôle est que tout y est possible – ou presque. C’est ce qui le différencie de beaucoup d’autres loisirs ludiques, notamment du jeu vidéo et du jeu de plateau. Fondamentalement, tout peut arriver dans une partie de JdR, même avec un meneur directif et un scénario ultra-scripté. Les joueurs peuvent faire ce qu’ils veulent, ce qui conduit parfois à des scènes surréalistes et de grands fous rires – de belles surprises aussi, d’heureux accidents. Mais alors que la marge de manœuvre est immense, le fait est que plusieurs fois par partie, et pour des durées non négligeables, on se retrouve à en venir aux mains. Les situations dans lesquelles les personnages-joueurs sont plongées ne manquent pourtant pas de possibilités de se comporter

autrement, même s’il est par exemple rare qu’un scénario propose un huis clos, où la tension, voire l’affrontement, ne serait que psychologique. De fait, on est souvent plongés dans une série de péripéties, de rebondissements, de twists. Bien que les changements de lieux soient nombreux, les PJ pensent rarement à les explorer si rien ne leur laisse penser qu’il y aura à la clé quelque chose de nature à faire avancer le scénario. Idem pour le voyage : voyagent-ils autrement qu’à la vitesse de la lumière ou au moyen d’une ellipse ? Vivent-ils vraiment des scènes de nature contemplative ? S’interroger de la sorte revient à se poser une question toute bête  : le jeu de rôle leur en donne-t-il les moyens  ? Et quinze secondes de réflexion nous obligent à admettre que non, le JdR ne permet pas de tout jouer. Par exemple,

les scènes d’exploration se réduisent bien souvent dans nos parties à une chasse au trésor, c’est-à-dire à une succession de lancers de dés car il y a quelque chose à trouver (un indice, un objet, une personne, une trappe, un piège, etc.) mais rien à admirer, rien à vivre, rien à ressentir. Bref, ça ressemble beaucoup à une descente de police ou à une épreuve de Fort Boyard.

Des règles limitantes Le fait est que, dans sa version traditionnelle avec un MJ, le jeu de rôle est encore majoritairement tributaire de son origine, c’est-à-dire de D&D et de ses innombrables avatars. Soit un jeu évoluant dans des univers dont le niveau de civilisation aboutit à des interactions généralement conflictuelles : le danger, omniprésent, impose aux PJ vigilance et réactivité, c’est-à-dire d’évoluer dans une temporalité courte, un temps qui leur est toujours compté, peu propice à l’exploration, à la discussion ou à l’introspection. Il faut réagir, pas le temps de s’appesantir. Ajoutons à cela que les scènes se déroulent la plupart du temps en intérieur (le fameux donjon labyrinthique et ses nombreuses déclinaisons, plus ou moins souterraines), ce qui laisse peu de place, de perspective pourrait-on dire, à des descriptions et des évocations susceptibles de travailler l’imagination des joueurs. Si l’on reprend l’exemple de l’exploration, force est de constater que celle-ci implique trois choses  : du temps, de l’imagination et l’acceptation qu’il puisse ne rien se passer (pas de rencontres, rien à trouver). Et si l’on se penche sur les compétences censées simuler une exploration, on s’aperçoit vite qu’elles ne permettent qu’une chose, séquencer l’exploration  : survie (trouver un bon lieu de bivouac), chasse (se nourrir), Orientation (choisir le meilleur itinéraire). Bref, il y a toujours un truc à faire, un enjeu immédiat et un danger à la clé en cas d’échec (tomber dans une embuscade, encaisser des points de fatigue, se perdre). Un défi, une solution, répétés inlassablement. Action/réaction. C’est ludique mais au risque de ne pas retranscrire l’ambiance que

l’on cherche à recréer1. Si une exploration ne permet pas ce séquençage et les jets de dés qui en découlent, on considère qu’il ne se passe rien à ce moment-là du scénario, et que ce rien est en conséquence traduit par une ellipse : « Vous séjournez dans cette ville pendant deux jours, refaisant vos forces et complétant votre équipement.  » Ou bien  : «  Le manoir est délabré et a été pillé par tout ce que compte la région de malfrats. Il n’y a rien qui puisse retenir votre attention.  » (Dommage pour la petite scène qui aurait permis d’en reconstituer l’histoire en l’explorant…) Péripéties, dangers, réactivité  ; tout cela n’est pas inintéressant, est ludique en diable et même parfois tout à fait nécessaire pour faire avancer la partie. Mais on voit bien que la place laissée à l’imagination, aux impressions est faible. Jeu d’imagination, le jeu de rôle permet-il de la stimuler quand son fonctionnement même vise à provoquer des réactions en chaîne : « Que faites-vous ? » – ce qui fait moins du MJ un conteur, comme on l’entend souvent dire, qu’un bon sparring-partner ou un animateur de table ronde. Il y a comme une peur du vide (sinon pourquoi les tables aléatoires de rencontres et d’événements ?…). Allons au bout du raisonnement  : et s’il n’y avait rien de particulier à faire  ? À quoi ressemblerait un jeu de rôle qui aurait pour thème l’urbex2, une activité certes physique mais surtout propice à la rêverie, à une déambulation curieuse, qui stimule beaucoup l’imagination ? En quoi consisterait un JdR où l’on jouerait de jeunes Américains attendant leur incorporation pour aller se battre au Vietnam ? Existe-t-il un jeu de rôle permettant de vivre autrement que par d’incessants jets d’athlétisme des aventures spéléologiques ? Ces quelques exemples laissent à penser que cela demanderait aux joueurs d’être capables de jouer sur un registre étendu d’émotions et (surtout) un système en mesure de les y aider – de les y aider, pas de se substituer à l’incarnation de leur personnage par une succession de jets de dés. Pas ou peu de combats mais du conflit psychologique, de l’errance, des descriptions qui auraient de la valeur en soi et ne seraient pas réduites à n’être que des

LE JEU DE RÔLE PERMET-IL DE STIMULER L’IMAGINATION QUAND SON FONCTIONNEMENT MÊME VISE À PROVOQUER DES RÉACTIONS EN CHAÎNE : « QUE FAITES-VOUS ? » – CE QUI FAIT MOINS DU MJ UN CONTEUR, COMME ON L’ENTEND SOUVENT DIRE, QU’UN BON SPARRING-PARTNER OU UN ANIMATEUR DE TABLE RONDE. IL Y A COMME UNE PEUR DU VIDE (SINON POURQUOI LES TABLES ALÉATOIRES DE RENCONTRES ET D’ÉVÉNEMENTS ?…)

1. Un problème rencontré par les règles de voyage de L’Anneau Unique, qui ont cependant le mérite d’exister. 2. Contraction d’urban exploration (exploration urbaine en français). Pratique (le plus souvent illégale) visant à explorer des lieux abandonnés (châteaux, usines, hôpital, parc d’attraction, etc.) et donnant lieu à de nombreux partages de photographies sur les réseaux sociaux. Si certains en profitent pour tenter de retracer l’histoire de ces lieux, la plupart y cherchent une ambiance, le silence, la solitude. À titre d’exemple emblématique on pourra visiter le site https://urbexsession.com.

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ASPIRINE

leviers pour agir. Quelque chose qui ressemblerait moins à une succession de casse-têtes et ne ferait pas d’une partie de jeu de rôle un escape game autour d’une table.

L’ambiance : circulez, y a rien à voir

3. C’est d’ailleurs là l’écueil sur lequel bute depuis des décennies un jeu comme L’Appel de Chtulhu. 4. Cette phrase est extraite de Salut l’Amérique! de J. G. Ballard, dont il est question dans la rubrique « Inspirations » p. 104.

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Traduire l’inaction dans un jeu qui mise (à peu près) tout sur l’action reste compliqué. De manière générale – et même en tenant compte qu’une mise en route poussive ou divers cafouillages (de règles, d’organisation) peuvent toujours plomber un début de partie –, l’immersion est un moment, relativement court, que tout MJ avec un peu d’expérience maîtrise, justement parce qu’il est court. Mais aussi parce qu’il l’a travaillé et sait que la partie, pour bien débuter, a besoin de cette accroche pour impliquer les joueurs. C’est vrai de la scène d’exposition de Polyeucte (Corneille) comme de tout James Bond. L’ambiance, qui implique de se développer sur une durée plus longue, est autrement plus difficile à maintenir puisqu’elle ne repose pas sur l’application d’un système de règles3. Quand on parle d’un jeu d’ambiance, on pense souvent musique, bougies, déguisement : un dispositif qui n’a rien à voir avec quelques règles que ce soient. C’est bien, utile même, mais cela peut aussi bien s’appliquer, pour peu que le thème s’y prête, à une partie de jeu de rôle qu’à un jeu de plateau, une murder party ou… un goûter d’anniversaire. Cela n’a rien de spécifique à tel ou tel jeu. Jouer des situations où l’ambiance est fondamentale est-il possible  ? Prenons un exemple : «  Comme l’air se faisait encore plus froid et qu’ils commençaient à respirer avec difficulté, ils firent halte dans une ancienne station de ski pour fracturer les serrures d’un magasin et s’approvisionner en couvertures, gants de ski, lourds manteaux de tweed pour les hommes et fourrures [les femmes et les enfants]4.  » On imagine assez bien la scène, la vapeur d’eau sortant des bouches, l’interrogation sur l’opportunité d’utiliser des skis vieux d’une centaine d’années, le grincement sinistre de télésièges dans la nuit… Mais c’est

en vain qu’on chercherait les jets de dés correspondants. O.K., il est écrit qu’il faudra «  fracturer les serrures d’un magasin  », donc éventuellement procéder à un test de crochetage, mais hormis ça… Tout MJ se croirait obligé d’inventer un plancher pourri (jet de détection de piège, de vigilance, d’acrobatie, etc.), de faire apparaître un gardien mal embouché (jet de présence, de baratin, voire d’attaque), de déclencher une tempête de neige (jet de survie, de bivouac, de nature) ou de rendre inutilisable des lampes de poche (jet de bricolage). On comprend bien que rendre l’ambiance qui se dégage de cette scène par des mécaniques de jeu n’est pas évident. Alors que faire… Puisqu’il n’y a rien à faire  ? C’est là que la tentation d’une bonne baston prend forme – ou, dit autrement par Maupassant dans Boule de suif : « L’angoisse de l’attente fait désirer la venue de l’ennemi.  » L’angoisse de l’attente. La peur du vide. (« Donc… Que faites-vous ? — On fout le feu pour voir ce qui se passe ! » : mauvaise réponse.) Ce type de situation sera de fait souvent perçu comme une perte de temps, un intermède servant à planter le décor (qui, par la brièveté de la description et le peu d’interactions qu’elle générera, ne sera jamais que cela : un décor). Les joueurs les plus entreprenants y verront peut-être une possibilité d’incarner leur personnage, mais globalement peu estimeront qu’il y a là quelque chose à jouer.

San filet mais tous ensemble Dans un jeu de rôle classique, ce qui peut être résolu par un jet de dé et l’interprétation d’un meneur de jeu existe : un jet de Force pour défoncer une porte, s’il est réussi, fait que la porte est défoncée. Rien de neuf sous le soleil : pour qu’il y ait un jet de dé, il faut un enjeu, une tension, un risque d’échec. S’il n’y a rien de tout cela, la scène sera traitée en quelques mots ou phrases par le meneur («  Tu te réceptionnes sans problème de l’autre côté du fossé  »  ; «  Le souterrain est humide, l’odeur nauséabonde et tu es quitte pour t’être trempé jusqu’aux genoux »), sera passée sous silence ou plus

ou moins bien improvisée de part et d’autre de l’écran. Par conséquent, les dés et le hasard (dont ils sont la matérialisation) ont peu de chance de nous être utiles. Mais si l’on prend ces JdR, nombreux de nos jours, qui fonctionnent sans MJ, parfois sans jets de dés et encouragent ainsi le partage de la narration et le roleplay, on peut raisonnablement estimer qu’ils peuvent être d’une grande utilité pour jouer ce qui ne peut être pris en charge par un système de règles. Quand il n’est pas indiqué par les règles comment convaincre, marchander ou tendre une embuscade, on est bien obligés d’avoir recours à la parole et rien qu’à elle. Pas de petit baratin pour la forme en attendant le jet de dé qui résoudra tout, quelle que soit la performance d’acteur qui a précédé. C’est là où le roleplay prend tout son sens puisqu’il faut alors puiser en soi, se creuser la tête et proposer quelque chose de crédible. C’est la dimension la moins ludique du jeu de rôle, celle qui fait le plus appel aux ressources propres aux joueurs et le moins aux capacités de leurs personnages, derrière lesquelles il n’est plus possible de se retrancher. Ce n’est pas facile, on est bien d’accord. C’est pour cela que le partage de narration est aussi d’une grande aide : dans la scène de station de ski abandonnée décrite plus haut, il faut pouvoir compter sur chacun pour donner vie à l’endroit. On peut alors se répartir les rôles, par exemple en utilisant les cinq sens : Johanne décrira l’univers sonore du lieu, ces grincements métalliques causés par toute cette machinerie à l’abandon, le bruit du vent, celui du crissement de la neige sous les pas, en les imitant au besoin. Thomas décrira ce qu’il y a à voir, ces rangées interminables de ski et d’équipement divers qui pourrissent depuis des lustres, et constatera que le système d’attache et les matériaux utilisés permettent de déterminer quand la station a été abandonnée. Franck décrira ce que son personnage sent, cette odeur de renfermé dans les chambres désertes du grand hôtel de la station, de moisi émanant de la mousse en décomposition des sièges de téléski, celle, entêtante, de la graisse des remonte-pentes. Louise décrira la répugnance qu’inspire à son personnage la nécessité de toucher ces

meubles gras de saleté, d’enfiler ces vieilles combinaisons, ces gants, de dormir sur cette moquette jaunâtre et saturée d’humidité. Et ainsi de suite, le MJ (si MJ il y a) se contentant d’introduire les personnages dans différents lieux, libéré de devoir donner vie seul à tout un ensemble immobilier au sujet duquel il aura vite épuisé ses quelques adjectifs, toujours les mêmes ou peu s’en faut. Il pourra distiller quelques indices sur l’histoire du lieu, les possibles causes de son abandon, bref enrichir la narration et guider les PJ selon ce que propose le scénario (si scénario il y a, car dans le cas de ces scènes où il n’y a rien de particulier à faire, on peut tout à fait envisager que tout soit improvisé). Et à quatre ou cinq joueurs, faire tout cela ne va pouvoir se faire que dans une certaine durée, ce qui installera aussi plus durablement une ambiance. Roleplay et narration partagée ne sont en rien des manières de jouer révolutionnaires mais des outils fort utiles pour vivre des scènes que les règles n’ont pas prévu de prendre en compte, un genre de hors piste où leur auteur n’a pas voulu s’aventurer. Avec un peu d’expérience et de lâcher prise, on peut transposer l’exemple de la station de ski abandonnée assez facilement et même, ô stupeur, vivre toute une partie sans un coup de feu ni avoir dégainé une épée. Et si les dés ne servaient vraiment qu’à faire du bruit derrière le paravent du meneur ? Pierre-Olivier Cervesi

QUAND IL N’Y A RIEN À FAIRE, C’EST LÀ QUE LA TENTATION D’UNE BONNE BASTON PREND FORME – OU, DIT AUTREMENT PAR MAUPASSANT DANS BOULE DE SUIF : « L’ANGOISSE DE L’ATTENTE FAIT DÉSIRER LA VENUE DE L’ENNEMI. » L’ANGOISSE DE L’ATTENTE. LA PEUR DU VIDE.

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ÉPISODE 13

Illustration : David Chapoulet.

VOUS ENTREZ DANS UNE AUBERGE barbare en fantôme, le — Même l’illustration de cet épisode, prêtre en zombie, le mage ironise votre MJ en pointant le doigt en squelette et le roublard vers le dessin en haut et à gauche de en tas de poussière ! fait-il la page où vos aventures sont repréen plaçant les figurines sentées. appropriées sur le tapis — C’est parce qu’il n’y avait pas de de jeu. budget pour la couleur  ! vous indi— Un tas de poussière, ça gnez-vous. se déplace  ? interroge le — Il y en avait pour cet épisode, mais roublard. la couleur a disparu. Dommage. Que —   S o u r n o i s e m e n t , faites-vous ? » répond votre MJ. Vous regardez autour de vous. La —  La chair est faible », Karen, ses 2d6 bardes garde du corps s’apitoie votre prêtre en et les vingt-neuf chevaliers du Cliqueregardant ses bras, où tout – ça fait beaucoup. D’autant plus des lambeaux de chair que ceux-ci sont également transpendent mollement. formés en monstres putrides. Pendant ce temps-là, « Bon, mugit votre barbare, on redesvotre barbare fait tournoyer son boulet cend chercher les bagages de la dame. dans les airs, tandis que votre mage — Peut-être qu’après on pourra enfin cherche dans sa carcasse un endroit où monter de niveau ? cliquette le mage. ranger sa baguette. — Faudra bien remonter si on trouve Mais ce qui vous frappe le plus, c’est les bagages… », gémit le barbare. qu’autour de vous le monde semble Dans la salle principale, il n’y a que s’être transformé en noir et blanc. des morts-vivants. Vous repérez à une « Vous ne voyez plus les couleurs », table un vampire gnome, que vous vous apprend votre MJ. « Vous souffrez identifiez comme Gaston – l’agent donc tous d’un malus de -1 en percep- d’assurances des premiers épisodes1  ; tandis que derrière le comptoir se tion.  —  C’est discriminant  ! vous révol- dresse l’aubergiste, transformé quant à lui en squelette, comme la plupart des tez-vous. — Mais vous bénéficiez d’un bonus de clients. +1 pour percevoir les objets en noir et « Qu’est-ce que je vous sers  ? vous blanc, ce qui vous ramène à 0, poursuit demande-t-il. votre MJ. Dans ce monde tout est en — Nous venons pour les bagages de la noir et blanc, même les objets, même Karen, cliquette votre mage. —  C’est plus bas, répond la nature, même vous.  l’aubergiste en pointant le — Même le ciel ? bave le prêtre. doigt vers une trappe de —  Même l’or  ? soupire le service ouverte dans le sol. roublard. Faut descendre. Ordre de — Même mes sorts  ? cliquette marche ? » le mage, craignant de ne plus réussir à déchiffrer les formules Choupette 1. Voir JDR MAG 50 & 51. inscrites dans son grimoire.

L’ÉPISODE À NE PAS LIRE CAR IL PORTE MALHEUR !

V

os dès roulent sur le tapis de jeu que votre MJ a déployé devant vous et où il a prédessiné la chambre de la Karen, avec ses bardes et ses chevaliers du Cliquetout. Comme la chambre n’est pas assez grande, des figurines de chevaliers s’entassent devant la porte en trépignant. Vous frémissez en regardant vos dès rouler, priant pour que ceux-ci ne viennent pas renverser de figurines – vous n’avez pas envie de fâcher les monstres. Trois 13 et un 1 s’affichent au sommet de vos d20. « Oh, oh », fait votre MJ en se frottant les mains. « Comme c’est approprié, pour un épisode 13 ! » Il ricane. Un filet de sueur vous coule entre les omoplates, et vos regards se tournent vers votre roublard, qui vient de faire un échec critique. « C’est grave ? » s’inquiète le roublard. Trop tard, les lumières s’éteignent, et votre MJ vous dit  : « Vous êtes transformés en morts-vivants, TOUS  ! Le

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MICHAEL MOORCOCK’S

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