Insula Sacra : La loi Gabinia-Calpurnia de Délos (58 av. J.C) 272830002X, 9782728300020 [PDF]


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French Pages 164 [163] Year 1980

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Table of contents :
Edouard Cuq. L'inscription bilingue de Délos de l'an 58 av. J.-C. , Bulletin de correspondance hellénique, 1922, vol. 46, n° 1, pp. 198-215.......Page 0
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Avertissement, par Claude Nicolet......Page 3
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Chapitre I. Le texte, par Claude Nicolet......Page 6
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La pierre......Page 9
La longueur des lignes......Page 10
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Chapitre II. Nature et contenu du document, par Claude Nicolet......Page 14
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Chapitre III. Problèmes stylistiques, par Philippe Moreau......Page 26
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Chapitre IV. Problèmes chronologiques, par Jean-Christian Dumont......Page 29
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Chapitre V. Délos vers 58 av. J.-C., par Jean-Louis Ferrary......Page 38
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Chapitre VI. Les rogateurs de la loi, par Claude Nicolet......Page 48
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Gabinius, Pison et Délos......Page 51
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Les Gabinii Capitones......Page 56
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L. Calpurnius Piso Caesoninus......Page 61
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Chapitre VII. L'exposé des motifs et l'énoncé général de la décision, par Philippe Moreau......Page 65
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Chapitre VIII. Les clauses fiscales, par Claude Nicolet......Page 79
Les exemptions fiscales......Page 80
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Les vectigalia de Délos......Page 83
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1) La « locatio » de Délos......Page 86
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2) La « custodia » du blé public......Page 98
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Le statut fiscal de Délos avant 58......Page 101
Les clauses d'immunité pour l'avenir......Page 102
Les lignes 26 À 30......Page 103
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Chapitre IX. Les censeurs de 61 av. J.-C., par Claude Nicolet......Page 112
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Le second censeur de 61......Page 123
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Chapitre X. Les procédures offertes, par Philippe Moreau......Page 127
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COLLECTION

DE

L'ÉCOLE 45

INSULA

FRANÇAISE

DE

SACRA

LA LOI GABINIA-CALPURNIA DE DÉLOS (58 av. J.-C.)

Édition et commentaire sous la direction de Claude Nicolet PAR Jean-Christian DUMONT, Jean-Louis FERRARY Philippe MOREAU et Claude NICOLET

Index réalisé par Ségolène Demougin et Mouza Raskolnikoff

ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME PALAIS FARNESE 1980

ROME

© - Ecole française de Rome - 1980 ISSN 0223-5099 ISBN 2-783-0002-X Diffusion en France:

Diffusion en Italie:

DIFFUSION DE BOCCARD 11 RUEDEMÉDICIS 75006 PARIS

«L'ERMA» DI BRETSCHNEIDER VIA CASSIODORO, 19 00193 ROMA

TIPOGRAFIA S. ΡΙΟ Χ - VIA ETRUSCHI, 7-9 - ROMA

AVERTISSEMENT

L'autorité de la chose imprimée est un des pires obstacles auxquels se heurte l'historien, surtout s'il doit se faire épigraphiste. L'intérêt du docu ment que nous présentons et commentons à nouveau n'avait en général pas échappé aux spécialistes. Connu essentiellement par une première édition, d'ailleurs toujours très utile, d'Edouard Cuq, il en est resté marqué pendant plus d'un demi-siècle, à travers ses rééditions et ses mentions successives. Le CIL, en particulier - auquel on se réfère automatiquement et, à tort, exclusivement, puisqu'il s'agit d'une inscription principalement latine reproduisant, sans les critiquer, les lectures et les restitutions de Cuq, ajoute son écrasante autorité à celle du premier éditeur. Il y a maintenant plus de quinze ans, j'ai cité et utilisé ce texte comme preuve de la présence à Délos, avant 58, de vectigalia populi Romani perçus par des publicains. J'avais admis sans la discuter l'opinion de Cuq, reprise par Durrbach et Lommatzsch, selon laquelle ces vectigalia étaient affermés localement, sans doute par un questeur ou proquesteur de Macédoine. Tout au plus avais-je depuis longtemps noté - et signalé - une inadvertance de Cuq, et restitué, au début de la ligne 22, le mot lojcatione, qui s'impose, au lieu d'adiudijcatione. Mais si je m'étais reporté à l'époque - comme je l'aurais dû - à l'édition postérieure procurée par Roussel aux I.D., j'aurais constaté qu'une meilleure lecture d'une lettre (un L au lieu d'un I) devait mettre sur la voie de l'interprétation exacte de la ligne, avec de très importantes conséquences historiques. C'est en 1972, à Princeton, au vu d'un estampage de l'inscription aimablement communiqué par Chr. Habicht, que la solution globale du problème de la 1.22 me sauta aux yeux. Je décidai donc de reprendre entièrement, et à frais nouveaux, l'étude de ce texte. Grâce à l'amabilité de M. Pierre Amandry, Directeur de l'École d'Athènes, qui m'envoya toutes les photos dont il disposait, et de M. Roland Etienne, alors membre de l'École, qui voulut bien faire pour moi un nouvel estampage, les instruments de travail indispensables purent être réunis à Paris au début de 1974. Je pus vérifier mon hypothèse, identifier sur la pierre le début du nom d'un des deux censeurs de 61 av. J.-C. Je présentai ces résultats limités, mais détermin ants,dans une communication à la Société Nationale des Antiquaires de France en avril 1974. Le texte complet de cette communication, grâce à

VI

AVERTISSEMENT

l'obligeance de Marcel Durry, put paraître dès la fin de l'année dans la Revue des Études Latines. En août 1974, au cours d'une visite à Délos, je pus examiner la pierre et la photographier1. Entre temps, j'en avais fait l'objet d'une de mes conférences à ΓΕΡΗΕ (IVe Section). En 1975 et 1976, l'ensemble du texte fut lu, analysé et discuté. Certains problèmes, comme celui de la chronologie, ou la composition des «considérants», avec son arrière-plan idéologique, furent plus particulièr ement abordés. Plusieurs auditeurs, par exemple S. Demougin, E. Deniaux, Fr. Hinard ou J. Maurin, participèrent activement aux tentatives de restitu tion ou à la discussion. Mais très vite trois jeunes savants s'attachèrent plus spécialement à certains des principaux aspects du texte : J.-C- Dumont, pour les délicates questions de calendrier, J.-L- Ferrary, pour le contexte délien, Ph. Moreau, pour l'analyse de la langue, la phraséologie et la signification des «considérants», enfin pour l'interprétation, si délicate, des procédures juridiques offertes dans les dernières lignes. Philippe Moreau, en outre, s'est chargé de la tâche combien délicate de mettre la dernière main au manusc rit. Qu'il en soit bien vivement remercié. Je me réservai plus spécialement l'analyse de l'aspect fiscal de la loi, et les questions prosopographiques. C'est en fin de compte nos quatre contributions, chacune rédigée et signée par leur auteur, qu'on lira dans ce livre. Mais, si je me suis chargé de coordonner l'ensemble et d'en assurer l'élaboration, et s'il me paraît honnêt e que chacun signale son apport personnel, il ne serait pas juste de passer sous silence les innombrables discussions communes, les critiques et les améliorations dont chacun a fait, tour à tour, bénéficier tous les autres. Si bien que c'est véritablement une œuvre collective - la première de l'E.RA 757 du C.N.R.S. «Systèmes sociaux et politiques des mondes hellénistique et romain» que nous constituons depuis janvier 1977 - que nous publions aujourd'hui. J'en remercie bien sincèrement tous ceux qui l'ont rendue possible. Nos remerciements vont aussi à M. William Seston, membre de l'Institut, à M. André Magdelain, professeur de Droit Romain à l'Université de Paris II, à M. Yann Thomas, Maître-assistant à l'U.E.R. de S.P. de l'Univers ité de Paris I, et à M. J.-M. Bertrand, Maître-assistant à Paris I, qui ont bien voulu nous faire bénéficier de leurs conseils comme de leurs critiques. M. Georges Vallet, enfin, qui a bien voulu accueillir cet ouvrage dans ses collections, a droit à toute notre gratitude, ainsi que S. Demougin et M. Raskolnikoff qui ont accepté la lourde tâche de faire l'index. [C. N.] Paris, Février 1979 1 Une seconde visite à Délos, en Août 1979, me permit d'ultimes vérifications.

fil

PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

Broughton, MRR : T.R.S. Broughton, The Magistrates of the Roman Republic, Philological Monographs published by the American Philological Association, 15, 2 volumes, 1951-1952, et un supplément, 1960. Crawford, RRC : M. Crawford, Roman Republican Coinage, 2 volumes, Cambridge, 1974. Durrbach, Choix: F. Durrbach, Choix d'inscriptions de Délos, I (seul paru), Paris, 1921. E AD : Exploration archéologique de Délos, Paris, depuis 1909, 31 fascicules parus à ce jour. FIRA : Fontes Iuris Romani Anteiustiniani, éd. S. Riccobono, J. Baviera, C. Ferrini, J. Furlani, V. Arangio-Ruiz, 2e édition, Florence, 1941-1943. Frank, ESAR : T. Frank et alii, Economie Survey of Ancient Rome, 5 volumes + indices, Baltimore, 1933-1940. ID : Inscriptions de Délos. ILLRP : Inscriptiones Latinae Liberae Rei Publicae, a cura di A. Degrassi, Florence, 2 volumes. I, 2e édition, 1965; II, lère édition, 1963. Mommsen, DP : Th. Mommsen, Le Droit public romain, trad, française de 7 volumes, Paris, 1887-1891. Rostovtzeff, SEHHW: M. Rostovtzeff, Social and Economie History of the Hellenistic World, 3 volumes, Oxford, 1941. Sherk, RDGE : R. K. Sherk, Roman Documents from the Greek East, Baltimore, 1969.

/I CLAUDE NICOLET

CHAPITRE I LE TEXTE

La pierre sur laquelle est gravée l'inscription fut découverte à Mykonos par «le savant grec Stavropoulos» au cours de l'année 19071. M. Holleaux, Directeur de l'École d'Athènes, signala cette découverte en deux occasions (7.S., 1910, p. 569; CRAI, 1910, p. 652), dans les mêmes termes à peu près, parlant soit «d'un sénatus-consulte en grec et en latin, datant de l'an 65», soit «d'un document législatif en grec et en latin, dont l'original latin est seul en partie conservé, datant de l'an 65». P.Roussel en possédait en 1916 une «copie en caractères courants», qu'il utilisa assez longuement dans Délos Col. Athén., p. 333-334. Après avoir noté qu'il s'agissait plutôt d'un S.-C. que d'un édit promulgué par un gouverneur romain, il lisait «probable ment» A. Gabinius A. f. pro [cos à la ligne 3 du texte latin, oubliant ainsi le cognomen Capito. Il voyait bien que, durant son proconsulat, Gabinius n'avait rien eu à faire avec Délos. Lisant, aux premières lignes du texte grec, le cognomen Πίσων, il faisait le rapprochement nécessaire avec le consulat de Pison et Gabinius en 58, ce qui lui permettait de dater exactement le document de 58. Ses commentaires rapides, p. 334, n. 3 et 4, sont remplis d'excellentes intuitions : la mention d'Athènes, clarissima civitas, au début du document; le rapprochement avec «les expressions mêmes par lesquell es Cicéron, dans ses plaidoyers contre Verres, caractérisait la sainteté insigne de l'île»; l'identification, dans le mot Artemitam, de l'île où était le sanctuaire d'Artémis έν Νήσω. Il faut néanmoins attendre la publication exhaustive d'Edouard Cuq, grâce à une copie de M. Bulard communiquée à

1 A «Ano-Méros», dans l'église du couvent Της Τουρλιανής. «La plaque était maçonnée dans le hiéron, où elle servait de «χωνευτήρι,ον» (Ε. Cuq, art. cité ci-dessous, n. 1, p. 198). D'après Dimitrikos, Grand Diet. Langue Grecque, IX, 1951, il s'agit d'une «citerne dans l'église, où se déverse l'eau de la cuve baptismale» (terme de la langue populaire). D'où, en effet, l'incision circulaire et le canal d'écoulement signalés infra.

2

«INSULA SACRA»

l'Académie par Ch. Picard en 1921, dans BCH, 1922, p. 198-2152, pour avoir d'abord l'identification exacte de la nature du texte (une loi consulaire de 58 av. J.-C), enfin des restitutions poussées et un commentaire suffisam ment développé. Cet article doit être considéré comme Yeditio princeps de notre loi. Le texte de Cuq (transcrit seulement en caractères dits «épigraphiques») fut, comme toujours, reproduit tel quel par l'Année Êpigraphique, 1923, n° 19. F. Durrbach, en 1923, inséra le document au Tome I, seul paru, de son Choix d'inscriptions de Délos, sous le n° 163. Il ne fait que reprendre le texte de Cuq, avec un commentaire assez court (235-55) \ C'est le texte de Durrbach que reproduisent également Abbott et Johnson, Muri. Adm. in the Rom. Empire, I, 1926, n°21 avec un très court commentaire. En 1931, E. Lommatzsch (avec l'aide de Dessau), en donne une édition au supplé mentdu CIL F, n° 2500. Lui aussi s'inspire grandement du texte de Cuq, dans sa version de \'AE, mais il ajoute, p. 724, quelques restitutions de son cru, que l'on discutera en leur place. Il est le premier à signaler qu'il ne faut pas donner au consul de 58 le cognomen de Capito. D'importants progrès dans la lecture furent réalisés par P.Roussel, en 1937, qui le republia dans les Inscriptions de Délos, IV, n°1511. C'est là que se trouve la meilleure description de la pierre, et surtout, parmi d'autres améliorations de lecture, une exacte estimation («grâce au revers de la plaque»)4, de la largeur primitive, et de la longueur des lignes. Cet auteur est le premier à reconnaî2 Edouard Cuq, L'inscription bilingue de Délos de l'an 58 av. J.-C. dans, BCH, 1922, p. 198-215. 3 P. 252, n. 1 (à propos d'une autre inscription), il suit à tort E. Cuq dans l'identification erronée que celui avait faite, CRAI 1923, p. 129, de la loi êpigraphique de Delphes avec la lex Gabinia de piratis persequendis de 67 av. J.-C. P. 255, pour expliquer le caractère insolite de la rédaction (avec exposé des motifs), il soutient que la loi «avait eu pour objet d'introduire (dans la décision du Sénat) les clauses relatives à la juridiction, qui échappaient à la compétence du Sénat»; ce n'est pas tout à fait exact: cf. le S.C. de Stratonicensibus de 81 av. J.-C, OGIS 441 = Sherk, RDGE, 18, 11.114-117. 4 La pierre est un réemploi : on a utilisé le revers d'un compte des hiéropes du début du IIe siècle. Elle a donc été transportée de Délos à Mykonos. F. Durrbach a édité l'inscription grecque dans ses Comptes des Hiéropes, 2, en 1929 (= I.D., n°380), d'après une copie de Stavropoulos, vérifiée sur un estampage. Les lettres «grêles, ornées» ont 0,005 m; le texte conservé est donc beaucoup plus long que le texte de notre loi. Il date probablement de 198 av. J.-C. «Le bord de droite (qui correspond à la partie gauche du recto) est intact». Les plus longues lignes conservées sont les lignes 90 à 100. Durrbach, dans ces parages, propose à gauche (ce qui correspond à nos lacunes de droite) des restitutions de l'ordre de 39 lettres (1.91) ou 44 lettres (1.96) - pour des lettres, rappelons-le, beaucoup plus petites que celles de notre texte.

LE TEXTE

3

tre 1. 22 la présence d'un nom propre, avec le prénom L(ucius). Noter cependant, par exception, une mauvaise lecture 1. 23 : publica pour publici, qui est sûr. Le commentaire reste très court. Enfin, le texte a été réédité dans Les lois des Romains, (7e édition des Textes de P.-F. Girard, Tome II), Camerino, 1977, n° 15, p. 162-163. La présentation, par les soins de C(laude) N(icolet), avait été rédigée en 1970. Le texte suivi était celui du CIL F. L'auteur n'a pu que rajouter, sur épreuves, la mention de l'article de J. Linderski, et signaler l'article publié par lui en 1974 dans REL, 1974, p. 150-158; ainsi que la nouvelle lecture et restitutions proposée là pour les lignes 21-22 (cf. supra, Présentation, p. VI). Depuis, notre texte a été souvent cité ou utilisé, avec plus ou moins de bonheur. D'abord par E. Weiss, RE XII, 1925, 23615. Il figure dans les recueils de sources juridiques (L. Wenger, 374; Berger, 552)6, ou épigraphiques (Barbieri-Tibiletti, art. «Lex», Diz. Epigr. (1956), 722). Il est rapidement mentionné par Rostovtzeff, SEHHW, IL 947; III, 1562, n. 19 (cf. ci-dessous); par Tenney Frank, ESAR, I, 229; 323 (mais non par Larsen, au Tome IV); et, plus longuement, par Silvio Accame7, 25; 183. Tout récemment enfin par W. Dahlheim8. Tous ces auteurs s'intéressent à la fiscalité des provinces. C'est en revanche à la prosopographie, au nom exact d'Aulus Gabinius, ou à la procédure comitiale du primus scivit, que se sont attachés récemment E. Badian et J. Linderski9, qui tous deux sont revenus sur le début de notre texte. Le second, grâce à la photo d'un vieil estampage, a fortement amélioré la lecture et les restitutions des premières lignes du texte grec10.

'S.v. «Lex Gabinia», RE XII, I, 2360-61 (1925). Il traite d'abord de l'inscription de Delphes mentionnée ci-dessus, n. 3; puis mentionne notre texte de Delos parce qu'il contient une mention de la Lex Gabinia de 67. A L Wenger, Die Quellen des röm. Rechts, Wien, 1953, p. 374; A. Berger, Encyclop. Diction, of Roman Law, Philadelphie, 1953, p. 552, s.v. «Lex Gabinia de piratis persequendis (67 B.C.)» : «The identification of the statute with a Greek inscription found in Delos is not certain»: c'est le moins qu'on puisse dire! 7 S. Accame, // dominio Romano in Grecia dalla guerra acaica ad Augusto, dans Pubh. 1st. hai. Stor. An t., Roma, 1946. s Werner Dahlheim, Gewalt und Herrschaft. Das piovinziale Herrschaftssvstem der röm. Republik, Berlin, De Gruyter, 1977. * E. Badian, The earlv career of Α. Gabinius (cos. 58 B.C.), dans Phil., 1959, p. 87-99; J. et A. Linderski, A. Gabinius A. f. Capito and the Is' voter in the legislative comitia tributa dans, Zeitsch. Pap. u. Epigr., 1973, I, p. 247-252. Pour les circonstances dans lesquelles nous nous sommes intéressés à ce texte, cf. ci-dessus, p. V. 10 Actuellement au Musée de Délos (inv. Γ 753).

«INSULA SACRA»

4

La pierre La pierre se présente comme un fragment d'une plaque de marbre blanc épaisse de 10 cm, retaillée en biseau" à gauche, et brisée de façon à former un vaste demi-cercle à droite. Elle était remployée dans l'église du couvent Tes Tourlianès, où elle servait de table d'écoulement pour le baptistère. Un évidement, soigneusement poli, en forme de coupe, a été ménagé sur la face qui porte le texte grec. Il correspond, sur notre face, au centre, où une entaille circulaire de 22 cm de diamètre, creusée en V, a enlevé les lettres sur une largeur de 2 cm. Du centre de ce cercle vers le bas, un profond canal évidé, d'une largeur de 7 à 8 cm. Mais la pierre a souffert ailleurs aussi : sur le bord droit de ce canal, sur 32 cm de long et 3 ou 4 de large, la surface du champ épigraphique a sauté. Hauteur, 0,72; largeur max. de la surface inscrite, 0,42. Hauteur des lettres: 1 cm à 1,3 pour l'ensemble du texte latin. Les quatre ou cinq premières lignes sont en caractères assez nettement plus grands (jusqu'à 1,3 cm). La gravure se resserre vers le milieu du texte. Les lettres grecques, à partir de la ligne 36, sont plus larges et plus hautes que les lettres latines. 11 On a, du côté du texte grec (à droite pour ce dernier, donc) conservé sur trois centimètres d'épaisseur le bord original de la pierre. La taille du biseau (cf. le schéma ci-joint) a abouti à entamer le champ épigraphique du côté latin d'une largeur de 8 cm. Mais il est impossible d'imaginer une lacune aussi longue pour le début des lignes latines. Il faut donc admettre que le graveur avait ménagé une marge, de l'ordre de 4 cm. 8 cm Texte latin i\

marge * 4 cm

1

ι

Γ

S / 10cm

\/ 3 cm t

\

Texte grec

LE TEXTE

5

La gravure est, comme il est normal pour une inscription latine de cette époque, assez irrégulière. Mais elle est extrêmement correcte et l'on n'y relève pas une seule erreur. Le texte étant parfaitement daté et original, toute considération sur le style de la gravure est vaine : c'est un texte de ce genre qui servira plutôt de référence12.

La longueur des lignes Elle dépendra d'abord de la largeur de la lacune uniforme de gauche (retaille de la pierre), puis, pour chaque ligne, de l'estimation qu'on pourra faire de la longueur maximale des lignes vers le milieu de la pierre. Comme celle-ci a été grossièrement taillée en demi-cercle, c'est vers la région centrale, en effet, que de toute manière la mutilation a été la moins importante, que la longueur conservée des lignes est la plus grande, les lacunes les plus courtes. Si nous pouvons trouver deux ou trois lignes dont le sens et le langage s'enchaînent de façon suffisamment sûre, cela pourrait fournir un point d'appui solide pour vérifier les informations que Roussel tirait de l'examen du texte grec qui se trouve au revers de la pierre. La lacune de gauche. C'est elle qui va se déterminer le plus facilement, grâce aux premières lignes de la version grecque de la loi, l. 37 et suivantes. Le texte grec commence à la 1. 37, comme il faut s'y attendre, par le nom des deux rogatores de la loi. Il est impossible, en effet, qu'il ait commencé à la fin de la 1.36: cette dernière est entièrement consacrée à la «clause de constitutionnalité» dont nous reparlerons ci-dessous n. Elle n'est composée que d'une série de lettres initiales dont le nombre et le sens sont absolu mentsûrs, bien mise en valeur par un vacai au début, mais certainement aussi à la fin, car la dernière lettre lisible de la ligne (R) est aussi la dernière

12 On peut néanmoins, sous toutes reserves, faire quelques remarques. La gravure ne ressemble pas du tout a celle - plus régulière et soignee - des inscriptions bilingues des collèges deliens du IIe et du debut du Ier siècle av. J.-C. Elle est également assez differente (pour les S et les L) de l'inscription exactement contemporaine, la fameuse lex Furfonensis, CIL· F, 756 = 1LLRP, 508, qu'on peut trouver dans A. Degrassi, Auctarium, Ime. Lat. lib. reipubl. Imagines, Berlin, De Gruyter, 1965, n° 382; à mon sens, la graphie qui rappelle le plus celle de notre texte est celle d'un cippe du Tibre, CIL I2, 766 = 1LLRP, 482 = Auctarium, n° 306a, en particulier pour les Ν et les V, dont les hastes ont le même genre de courbure. Mais, à Delos, les S sont beaucoup plus étroits, les L ont une barre horizontale beaucoup plus courte, qui peut parfois les faire confondre avec des I. 13 Ci-dessous, p. 11.

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de la formule en question, attestée entre autres par Valerius Probus. Cette dernière lettre se trouve à peu près à la verticale de la partie de droite de l'évidement circulaire. Il est impossible qu'on ait commencé à graver le texte grec à la fin de cette ligne. Il commençait donc bien à la ligne 37. Or le nom de Gabinius, qui était en tête du couple consulaire (le cognomen du second consul n'apparaît qu'à la ligne suivante) se lit au début de la 1. 36 à partir du A du gentilice : ]ΑΒΕΙΝΙΟΣ. Or, en grec, les prénoms latins ne sont pas abrégés (le prénom de son père, ΑΥΛΟΥ, se lit immédia tementaprès en toutes lettres). Il est donc absolument nécessaire de restituer à gauche le prénom du consul, et la première lettre de son gentilice [ΑΥΛΟΣ-Γ] soit: 6 lettres grecques et un point. Ce qui détermine une lacune de 6 ou 7 cm au moins, c'est-à-dire la place de 6 à 8 lettres latines, selon la taille de celles-ci. La lacune de gauche est donc beaucoup plus importante que ne le pensaient Cuq et Lommatzsch. La lacune de droite. C'est à partir de la ligne 14 que la pierre comporte à droite, en surface, une brisure verticale bien alignée, se prolongeant jusqu'à la ligne 23, qui devait déterminer, sur la droite, des lacunes à peu près équivalentes. Pour toutes ces lignes, le texte conservé varie (je ne compte que les lignes sans lacune centrale et je ne tiens pas compte de la lacune initiale) entre 41 lettres (1. 14) et 50 (1. 18), avec 43 (1.20), 45 (1. 15), 47 (11. 17 et 19) et 49 (1. 16). Le cas de la ligne 14, avec seulement 41 lettres, s'explique par la fréquence des lettres rondes, Q et O, plus larges que les autres. En fait, la moyenne s'établit à 46 lettres, pour une longueur totale conservée de 38 à 39 cms. C'est dans ces parages, comme on verra plus bas (ci-dessous p. 72-73), qu'on trouve deux ou trois fois des expressions assez continues pour tenter l'expérience d'une restitution totale, qui, par inference, nous donnera la longueur des lignes. Le cas le plus net, à mes yeux, est celui des lignes 18-19 et 19-20. Reportons-nous au phrasé des «considérants» élucidé ci-dessous par Ph. Moreau14 : (1. 18) «attendu qu'il est digne du prestige et de la grandeur du peuple romain, l'État étant administré de la façon la plus admirable, l'empire ayant été agrandi, la paix assurée dans le monde entier, que cette île très fameuse et très sainte etc. ». La fin de la ligne 18 pourra donc être restituée de la façon suivante : dign[it]atis maiestatis[que sit re piiblica] [pulcerjrume administrata. Dans cette restitution, le seul élément d'incertitu de, mineur, réside dans l'éventuelle abréviation du que : on trouve, dans 14 Ci-dessous, p. 72-73.

LE TEXTE

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notre texte, les deux façons de faire. En revanche, il est certain que re publica était en toutes lettres (cf. 1. 15). Ce qui nous donne donc 14 ou 16 lettres pour la lacune de la fin de la ligne. Le mot [pulcerjrwne, au contraire, doit prendre place en entier au début de la ligne suivante. A la ligne 19, nous aurons un tout petit peu moins de certitude. Il s'agit de la paix «faite, réalisée» sur le monde entier: [p]ace per orbe[m terrarum facta]. La présence de l'expression orbem terrarum est sûre, d'après la ligne 14 1\ Mais au lieu de facta, on pourrait mettre conjecta. En effet, à la ligne suivante, il faut certainement restituer [ill]am avant insulam : mais trois lettres ne suffisant pas, il est probable que la fin du participe y figurait aussi : [-ta ill], ou même [fecta ill]. Nous aurons donc pour la fin de la ligne 19 : pace per orbe[m terrarum fac-] = 12 lettres, ou per orbe[m terrarum confec-] =15 lettres. La concordance de ces chiffres avec ceux obtenus pour la ligne 18 est frappante. Nous admettrons donc qu'il y avait une lacune de l'ordre de 15 cm à droite, ce qui laisse place pour 14 à 16 lettres. Ce qui nous donnerait 66 lettres pour la ligne 19, 68 pour la ligne 18. Ce sont là des résultats importants qui désormais devront nous servir de points de repère, avec cependant assez de souplesse pour tenir compte de la largeur variable des lettres (cf. 1. 9, la longueur exceptionnelle de la place tenue par le mot religiosissumum, 16 cm pour 15 lettres).

" Praedon[es qu]ei orbem t[err]arum. . .

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[6-7 1.] · IVVRE -R[ 44 l. ] [ JASTORADVIKC 39 1. ] [ ]A· GABINIVS · A· F '· CAPITO ■ PR[ 31 l. ] [ 1BEATIS · QVOM · RES · PVBLICÀ · POP[ 30 1. ] [ ]VS · AC · CONSILIEIS · SIT · AVCTA Q[ 28 l. ] [ ]ARISSVMAE · CEIVITAΉS · SIT ■ CONFIRMA[ 26 1. ] t ]DECORATA · IN · QVO · NVMERO · FANVM · A[ 24 1. ] [ ]VM · AC · RELIGIOSISSVMVM · SIT · CONSTITVTV[ 20 1. ] PR[-' [ ]ÈM ' ET · SANCTITATEM ■ CAERIMONIASQ · 18-19 1. ] [ ÜINSVLAM · IN · QVA· INSVLA · APOLLINEM · ET · DIANAM · N[ 15-16 1. ] [ ]VECTEIGALIBVS · LEIBERARI · QVAE ■ INSVLA · POST · HOMINVM · ME[ 14-15 1. ] [ 1REGVM · CEIVITATIVM · NAT[- -]NVM[-]VE · IMPERIEIS · SACRA · LEIB[ 15 I. ] [ ]MQVE · PRAEDON[- -]VEI · ORBEM[- - -]RARVM · COMPLVREIS[ 14 1. ] t 3NA· DELVBRA· SIMVLHÇRÀ· DEORVM · INMOR[-]ALIVM · LOCA · RELIGI[ 15-16 I. - - ] ·' [ lARINT · LEGE · GA[-]INIA SUPERATEI · AC · DELETEI · S[-]NT · ET · OMNEIS · REL[- - 15-16 1. ] [ IRAETER · INSV [-]AM · DELVM · SEDES · APOLLINIS · AÇ · DIANAE · IN · ANTEI[ 14 1. - - ] [ ]EM ' SIT · RESTE- -]VTA · POPVLEIQVE · ROMA[- -JDIGNE- -]ATIS · MAIESTATICE- - 15 L - ] [ ]RVME · ADM[-]NISTRATA · IMPERIO · AM[ ]FICATO[-]ACE · PER · ORBE[- - 14-15 1. - - ] [ ]LAM ■ INSVL[-]M · NOBILISSVMAM · AC '· SA[- -]TISSVM[-]M · DEIS · INMO[ 15 L ] [ ÜNSVLAM · L[- -]BERARI · NE · VE[ -]SIT · [ ]QVOM · VECTIGAL · EIVS[- 15 1. ] [ ÜCATIONE · Q[-]AM · L · CAE[ ]NSVL[- -JDELEI · FECERV[- - 15 L ] [ ]NEVE · QVID[-]LIVD · VE[]VS[-]ODIA · PVBLICI · FR[- - 15 1. - - ] [ ]E · QVIS ' POST[- -]INSVL[ ]AS[- -]AE · CIRCVM · DE[- 16 1. - - ] -" ]AS · LOCET · NEVE[- - 17 1. [ ]ARTEMITAM · C[-]LADEAM[ ] [ ]T · EAS · INSVLAS · F[-]CIAT N[ ]DELVM · INC[- - - 18-19 1. ] [ ]A · INCOLENT · VEC[ ]GAL[ ]N · IVRE · INSVL[ 19-20 1. ] [ ]VERVNT · FVERVNT[ ]MITRIDATES · IN[ 20-21 l. ] [ ]M · IVRE · INSVLA · DELVS[ -]COLENT · SINT · Q[ 21-22 1. ] [ ]VDEMVE · QVAM· INP[ ]LVMQVE · AD[ 22-23 1. ] ]VE· QVAE·S· S· S· [ [ lELVM · QVEIQ · EAM · IN[ 23-24 1. ] [ lEI · EIVS · FAMILIA · PE[ ]MINUSDIMI[ 25-26 ] [ ]E · R · [-]I ■ POPVLEI · PLEB[ - -]IT · MAGIST[ 26-27 1. ] [ ]M ■ IVDICATIOQVE[ ]INTERCED[ - 28-29 1. ] ' [ ]S · SETIVSVE · D · E · R · IV[ SSSEQ[.' 29-301. ] ]VE · I[- -]ICIVM[ ]NR [ 1ΑΒΕΙΝΙΟΣ · ΑΥΛΟΥ · Y[ 8 1. ]YK[ 25 1. ] ' [ ]Σ · ΠΕΙΣΩΝ · ΥΠΛΤΟ[35 1. ] [ ]ΩΣΕΚΥΡΩ[ [ ]ΩΝ·ΕΞ·ΚΑΛ[

CLAUDE NICOLET

CHAPITRE II

NATURE ET CONTENU DU DOCUMENT

C'est le mérite d'E. Cuq d'avoir le premier reconnu la nature exacte de notre texte : il s'agit d'une loi proposée par les deux consuls de 58. La preuve absolue en est donnée par la présence, au début et à la fin du texte latin (confirmée, en ce qui concerne le début, par ce qui reste de la traduction grecque), des deux formules qui encadrent normalement le texte d'une loi romaine : la praescriptio, et la sanctio. La. formule de la sanctio, 1. 37, est mise en valeur par un vacat de 4,5 cm au début, auquel il faut ajouter les 6 à 7 de la lacune, et par un autre sans doute équivalent à la fin. Elle est tout entière abrégée, mais il en subsiste les 5 premières et les 2 dernières lettres. Nous connaissons cette formule de diverses sources : aucune source épigraphique jusqu'ici, mais d'une part les Fragmenta de nods iuris de Valerius Probus1, 3, 13 : S(i) Q(uid) S(acri) S(ancti) E(st) Q(uod) N(on) I(ure) S(it) R(ogatum), E(ius) H(ac) Liege) N(ihil) Rfogatur); d'autre part, des allusions dans des textes littéraires2. Une sanctio équivalente figurait dans

1 On les trouvera dans FIRA, II, p. 453-460; et désormais dans Textes de Droit romain (7e éd. des Textes de P.-F. Girard), Tome I, Paris 1967, p. 9-16. 2 Caec. 95 : accepisse eumdem Sullam in eadem lege «si quid ius non esset rogarier, eins ea lege nihilum rogatum»; cf. Cic, De Domo, 79: Pop. Rom. L Sulla dictatore ferente comitiis centuriatis municipiis civitatem ademit, ademit eisdem agros; de agris ratum est: fuit enim populi potestas; de civitate ne tamdiu quidem valuit quamdiu illa Sullam temporis arma valuerunt. Il s'agit de la loi de Sylla de civitate Volaterranis adimenda : cfr. Rotondi, Leges pubi, 352. L'argument de Cicéron, dans le Pro Caecina, tend à prouver que la clause, apparemment contraire à la souveraineté populaire, montre que certaines choses, même votées, sont illégitimes, et donc ne seront pas «rata», c'est-à-dire valables. Par exemple, le retrait unilatéral de la liberté ou de la citoyenneté (la clause, pour Cicéron, est une «adscriptio». Cf. les commentaires d'E. Costa, Cicerone giurisconsulto, I, 321-322). Un autre exemple est fourni par la

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certains traités3. On aura reconnu sans peine dans notre loi, à une variante près - minime - la formule même donnée comme la plus courante par Valerius Probus : S(i) S(acro) S(anctwn) E(st), au lieu de S(i) Q(nid) S(acri) S(ancti) E(st). On peut donc, avec Cuq, restituer sûrement les 7 lettres qui manquent dans la lacune. Il s'agit en fait d'une formule générale, quoique peut-être récente, qui n'est pas, à vrai dire, tout à fait une sanctio, mais plutôt une sorte de «clause de constitutionnalité», en ce qui concerne le droit sacro-saint4. Ce terme, d'après l'étude récente et exhaustive d'A. Magdelain, doit s'entendre au sens restrictif, et désigne les lois fondamentales de la plèbe et les traités, eux aussi sacro-saints en vertu du serment. Il faut distinguer cette formule des formules voisines, mais différentes (dont celles plus haut citées du Pro Caecina et du De Domo, 106)5, qui consistent simplement à éviter ce qu'on pourrait appeler la contradiction des lois. En fait, l'abrogation des lois a toujours été possible à Rome, malgré le «dialogue de pure inanité» qui

discussion de Cicéron sur une clause équivalente maladroitement introduite par huit tribuns sur 10, en Novembre 58, dans leur rogatio pour le rappel de l'orateur. Cic, Au. III, 23, 2 : scis enim Clodium sanxisse ut vix aut omnino non posset nec per senatum nec per populum infirmari sua lex sed vides nunquam esse observatas sanctiones earum legum quae abrogarentur. Nam si quis esset, nulla fere abrogari posset; neque enim ulta est quae non ipsa se saepiat difficultate abrogationis. Sed cum lex abrogatur, illud ipsum abrogatur quo non eam abrogari oporteat. (3) hoc cum et re vera ita sit et cum semper ita habitum observatumque sit, octo nostri tribuni pi. caput posuerunt hoc : «Si quid in hac rogatione scriptum est quod per leges plebisve scita (hoc est quod per legem Clodiam ) promulgare, abrogare, derogare, obrogare sine fraude sua non liceat non licuerit, quodve ei qui promulgavit, , derogavit ob eam rem poenae multaeve sit, E.H.LN.R ». Cicéron s'élève contre cette précaution inutile de ses amis, qui n'étaient pas tenus par une loi tribunicienne (§ 4). Il n'y a rien à ajouter à ce texte très didactique. 3 Cic, Pro Balbo, 32, «Exception. . . est foedus, siquid sacrosanctum est». Mais Cicéron prétend {Pro Balb., 33) que seuls comportent cette clause les traités qui ont été ratifiés par le peuple ou passés sur l'ordre du peuple : primum enim sacrosanctum esse nihil potest, nisi quod populus plebesve; la formule est apparue aussi sur le nouveau fragment de la lex Latina tabulae Bantinae, découvert en 1967 (Adamesteanu-Torelli, dans Arch class., XXI, 1969, p. 3-4), dans sa partie finale, comme simple référence à une législation antérieure qu'on prétend ne pas vouloir abolir. 4 Sur ces formules, en général G. Rotondi, Leges publicae populi Romani, 1912, 151-152; J. Bleicken, Lex publica, Berlin, 1973, p. 339 et suiv.; et surtout A. Magdelain, La loi à Rome: histoire d'un concept, Paris, 1978, p. 60-61. 5 De Domo, 106: Quid, non exceperas ut, si quid ius non esset rogari, ne esset rogatum? Ici, comme dans Caec, 95 et Att, III, 23, 3, il ne s'agit plus du sacrosanctum, présent au contraire dans les traités, mais du simple conflit des lois.

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s'établit entre les clauses de la plus ancienne et de la plus récente, comme le montre Cicéron à l'évidence . Dans notre texte, selon cette interprétation, il est bien évident que le «droit sacro-saint» invoqué pieusement (et hypo critement) est celui des relations internationales. De toutes façons, il s'agit bien là du domaine formulaire des lois. La formule de la praescriptio, elle non plus, ne laisse pas de doutes sur le caractère législatif du texte. Nous connaissons les praescriptiones des lois, comme la sanctio, par les notae de Valerius Probus, 3, I : P(optilum) I(iire) R(ogavit) P(opuhis) Q(ue) Hure) S(civit) I(n) F(oro) P(ro) R(ostris) E(x) A(nte) D(iem) P(ridie)6. Mais également par des allusions littéraires7, et surtout, à la différence de la sanctio, par des textes épigraphiques ou littéraires reprodui sant sûrement un document d'archivé {lex Quinctia de Aquaed. apud Frontin, Aqu., 129; lex agraria de 111; lex Cornelia de XX Quaestoribiis; lex Antonia de TermessibusY. Il va de soi que, dans la mesure où cette praescriptio mention ne dans l'ordre le ou les noms des rogateurs, leur fonction, le lieu et la date où prit place l'assemblée qui a voté le texte, le nom de la tribu qui fut principium (cf. ci-dessous), le nom de celui qui, dans la tribu, a voté le premier, les indications données par Probus ne peuvent l'être qu'à titre d'exemple. Il est sans doute inexact de dire, comme Rotondi (p. 150), que cette praescriptio est la partie initiale du texte législatif : il est plus probable que ces mentions formulaires (ainsi que l'assurance que la proposition a été faite «selon le droit» {iure) et que le peuple l'a votée «selon le droit»),

6 Sur les noms des consuls, et le problème du principium et du primus scivit, cf. ci-dessous, p. 50 et suiv. Nous sommes sûrs que la loi a été votée au Forum par la mention, 1. 4, de Yaedis CJastor(is). Il s'agit donc d'une loi tribute, puisque les comices centuriates ne peuvent se réunir qu'au Champ de Mars (voir désormais L R. Taylor, Roman voting Assemblies, 1966, p. 34-58). Il est certain aussi que l'expression complète devait être pro Rostris aedis Castoris. Devant le temple de Castor avait été aménagée après 119 une «plate-forme» (appelée elle-aussi Rostra) (L. R. Taylor, o.e., p. 28 et p. 121-122, d'après les travaux de T. Frank, MAAR, 5, 1925, p. 79-102; cf. aussi p. 44-45; p. 108-109 pour la discussion archéologique). On trouve certes l'expression plus courte pro aede Castoris, par ex. dans la loi latine de Bantia (CIL I2, 582, 1. 17), mais pour le serment exigé des magistrats (Festus, 256 L, 2 : Jstor, à restituer peut-être pro aede Ca]stor(is), d'après T.Frank, Riv. fil. 1925, p. 105; L R. Taylor, o.e., p. 131). Le meilleur parallèle (pour les Rostra du temple de César) est donné par la lex Quinctia de aquaeductibus, Frontin, Aqu., 129 = FIRA, I, n° 14 : in foro pro Rostris aedis Divi Julii De toute façon, la restitution brève, pro aede Ca]stor(is) serait trop courte pour notre ligne 2. 7 Cic, Phil. I, 26 : Quid turn? quod ita sit gestion, id lex erit? et in aes incidi iubebitis, credo, ilia légitima «consules populum iure rogaverunt» - hocine a maioribus accepimus ius rogandi? «populusque iure scivit». 8 Cf. ci-dessous, p. 54.

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étaient propres aux transcriptions9 du texte faites pour leur dépôt aux archives (à Yaemriwn) ou, éventuellement, pour leur affichage. Elles avaient valeur de preuve d'authenticité et sans doute d'élément de classement10. Il est clair, en tout cas, qu'on retrouve en effet dans les passages, même lacunaires, des lignes 2 à 4 de notre texte (latin), ainsi que dans ceux des lignes 37-39 (grec), presque tous les éléments que l'on attend : le nom des deux rogateurs, et leur qualité de consuls (cf. ci-dessous), la formule hire r[ogaverunt, la traduction grecque, δικαίως έκύρω[σε", de hire scivit; le lieu: ...pro Rostris] \ [aedis C]astoris; la date: a(nte) d(iem) VI K(al.){2. Et surtout, comme on verra ci-dessous, le nom du primus scivit (1. 4). Il s'agit donc bien d'une loi. Seulement, on a remarqué aussi depuis Cuq que l'ensemble du texte, ainsi que certains détails de la praescriptio, offraient des étrangetés tout à fait exceptionnelles. D'abord, Cuq a reconnu bien vite le caractère para doxal du texte d'une loi qui, dans les parties conservées, ne présente aucun impératif futur - ce qui est pourtant le mode d'expression universel de toutes les lois connues, pas seulement les lois comitiales, mais bien, comme l'a montré tout récemment A. Magdelain, les leges templi, les leges édictées par les censeurs (la lex censui cernendo, les leges censoriae), les «lois» privées d'affermage citées dans Caton, etc.13. Cette absence lui a paru si dirimante, qu'il n'a pas hésité à restituer, à l'extrême fin du texte, un fiat[liceto], qui, nous le verrons, ne s'impose pas du tout (Cuq, p. 213). Mais il

9 Cf. l'expression significative de Cicéron (ci-dessus, note 7), et la notation intéressante dans De Domo, 80 : quod si non fuit, quid te audacius qui eius nomen incideris (il s'agit du nom du primus scivit, Fidulius, qui n'était peut-être pas présent le jour du vote; cf. ci-dessous, p. 55). Par parenthèse, cela prouve que la loi «de circonstance» de l'exil de Cicéron a bien été gravée. 10 Rotondi, Leges publicae, p. 168-170; sur la mauvaise conservation des lois aux archives, Cic, De leg., Ill, 46; il faut distinguer sans doute le dépôt de textes manuscrits, dont parle Cicéron, de la gravure et de l'affichage, fréquents mais non universels. Voir G. Tibiletti, Lex, dans Dit Ep., IV, p. 23 (1956), p. 707-710. Pour le classement des sénatus-consultes par années, cf. R. Sherk, RDGE, p. 8-10; cf. le décret d'Helvius Agrippa, ILS, 5947, et Sherk, n°23, lignes 56-59 (S.-C. de Amphiarai Oropiis agris). 11 M. William Seston, que je remercie bien vivement, me fait remarquer que nous n'avons pas d'autre témoignage pour la traduction grecque officielle de hire scivit : cela n'en donne que plus de valeur à notre texte. On restitue habituellement δικαίως. Mais on pourrait songer aussi à έννομ]ώς, si l'on se fonde sur l'expression έν νόμωι έκυρώθη qui figure dans la laudano funebris d'Agrippa (L, Koenen, «Die laudano funebris» des Augustus für Agrippa» dans ZPE, 1970, p. 226. Cf. Rev. Hist. Dr., 1971, 167). 12 Sur les questions de chronologie, cf. ci-dessous, p. 25. 13 A. Magdelain, o.e. (ci-dessus, note 5), p. 11.

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y a mieux : alors que les décisions formellement arrêtées par la loi ne commencent qu'à la ligne 21 avec la formule (sur laquelle on reviendra) ne vectigalis sit, elle aussi étrangère à la rédaction normale des lois, tout le début du texte, de la 1.5 à la 1.21 init., se présente comme ce qu'on peut appeler un «exposé des motifs». Il s'agit, comme on verra, d'une phrase très longue quoique très bien construite, de style parfaitement rhétorique, comprenant plusieurs subordonnées introduites par un quom + le subjoncti f, avec deux «principales», si l'on peut dire, à l'infinitif (1. 12: vectigalibus liberavi, et 1. 21 : insulam libemri). Dans les lois d'époque républicaine, l'insertion d'un tel exposé des motifs est absolument inconnu. Non qu'il n'y eût, comme on sait, des suasiones du projet de loi, de la part de son auteur ou de ses garants, prononcées dans les assemblées préparatoires (condones) prévues spécialement à cet effet. La dernière de ces assemblées préparatoir es pouvait bien se tenir (on en a des exemples) immédiatement avant qu'on entame la procédure régulière du vote - et la contio se transformait donc à cet instant en comitia. Mais jamais, à notre connaissance, aucun texte de loi transcrit après le vote (pour être envoyé aux archives, ou pour être publié et gravé) ne reproduit le tout ou même la partie de ces considérat ions14. Il est clair, par exemple, que la loi agraire de 111 commence immédiatement après la praescripdo (dont nous avons conservé la fin : pro tribu Q. Fabius Q. f. primus scivit), par une phrase comportant plusieurs relatives introduites par quei ager (exception cauitumue est), mais dont le verbe à l'impératif futur (priuatus esto) apparaît à la 1. 8 (sûrement restitué). De même la lex Quinctia de Aquaed. commence immédiatement après la fin de la praescripdo, par une phrase du type quiciimque. . . fecerit, is. . . dare damnas esto (1.5-17). On verra ci-dessous comment il faut interpréter la formulation et la présence de ces longs considérants. Enfin - et ce n'est pas le moindre intérêt de ce texte exceptionnel à tous égards - la praescripdo elle-même est suivie par une formule qui est presque totalement absente (à une exception près) des textes de lois conservés : les mots uelids iubeads, dont le second apparaît presque entier au début de la l. 5. Il s'agit là de la formule employée, lors de la procédure d'élaboration des lois comitiales, au moment de la formulation de la rogano par le magistrat qui en est responsable. On n'en avait jusqu'à ce jour qu'une seule autre attestation épigraphique, d'ailleurs peu connue15.

14 Ci-dessous, p. 65; D. Daube, Forms of Roman Legislation, Oxford, 1956, p. 78. " II s'agit d'une inscription d'Ephèse très lacunaire où il est question du culte de César. On y lit au début θέλετε κελεύετε (J.Keil, dans Forschungen in Ephesos, IV, 1951, dans Inschriften,

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II faut donc essayer de rendre compte de ces anomalies extraordinaires de rédaction d'un texte gravé. Cuq avait essayé de le faire en supposant que la première partie (de la 1. 5 à la 1.21) reproduisait un sénatus-consulte (celui en vertu duquel la loi a été soumise aux comices), qui aurait été, fait exceptionnel, conservé dans la rogano, et du coup dans le texte gravé. Il est tout à fait exact que beaucoup de sénatus-consultes étaient rédigés selon ce formulaire. Le parallèle le plus frappant, qui nous éclairera d'ailleurs sur la nature profonde de notre texte, étant celui des sénatus-consultes honorifi ques. Un magnifique exemple en est fourni par le texte de celui qui fut proposé par Cicéron en 43 en l'honneur de Ser. Sulpicius Rufus, Phil. IX, 15-1716, lui aussi composé - à l'exemple des décrets honorifiques grecs d'un grand nombre de subordonnées commençant par cum + le subjonctif (très justement traduits par «attendu que. ..»), et de plusieurs principales: senatui piacere suivi d'une proposition infinitive, puis d'une conjonctive commençant par inique + le subjonctif; plus loin «sénat um censere», suivi là

n°24, p. 280-281). Keil y a reconnu justement «mit ihnen irgendwie die für die Befragung des Volkes charakteristischen lateinischen Worte velitis iubeatis wieder gegeben sind», «eine römische Volksbeschluss...». On ne s'explique pas comment S. Weinstock, Diviis Julius, Oxford, 1971, p. 402, peut parler de «probably a letter from the Senate». Il est hors de propos de reproduire ici la suite du texte. Notons seulement que les mots latins velitis iubeatis (au subjonctif, avec sans doute valeur interrogative) sont compris par le grec comme des impérati fs. 16 Quas ob res, ita censeo : «Cum Ser. Sulpicius Q. f. Lemonia Rufus, difficillimo rei publicae tempore, grani periculosoque morbo adfectus, auctoritatem senatus salutemque rei publicae uitae suae praeposuerit contraque uim grauitatemque morbi contenderti ut in castra M. Antoni, quo senatus eum miserai, perueniret isque, cum iam prope castra uenisset, ni morbi oppressus, uitam amiserit maxime rei publicae tempore eiusque mors consentanea uitae fuerit sanctissime honestissimeque actae, in qua saepe magno usui rei publicae Ser. Sulpicius et priuatus et in magistratibus fuerit; (16) cum talis uir ob rem publicam in legatione mortem obierit, senatui piacere Ser. Stùpido statuam pedestrem aeneam in rostris ex huius ordinis sententia statui circumque earn statuam locum ludis gladiatoribusque liberos posterosque eins quoquo uersus pedes quinque habere, quod is ob rem publicam mortem obierit; eamque causant in basi inscribi; utique C. Pansa, A. Hirtius, consules, alter ambone, si Us uideatur, quaestoribus urbanis imperent ut earn basini statuamque faciendam et in rostris statuendam locent, quantique locauerint tantam pecuniam redemptori attribuendam soluendamque curent, dunque antea senatus auctoritatem suam in uirorum fortium funeribus ornamentisque ostenderit, piacere eum quam amplissime supremo suo die efferi. (17) Et, cum Ser. Sulpicius Q. f. Lemonia Rufus ita de re publica méritas sit ut Us ornamentis decorari debeat, senatum censere atque e re publica existimare aedilis curulis edictwn, quod de funeribus habeant, Ser. Sulpici Q. f. Lemonia Ruß funeri re[i]mittere. Vtique locum sepulcro in campo Esquilino C. Pansa, consul, seti quo in loco uidebitur, pedes triginta quoquo uersus adsignet, quo Ser. Sulpicius inferatur; quod sepulcrum ipsius, liberorum posterorumque eins esset, itti quod optimo hire publice sepulcrum datum esset».

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encore d'une proposition infinitive, puis d'un utique + subjonctif. Le parallé lismeavec notre loi est frappant, y compris pour la reprise du mouvement au milieu du texte (1. 14) avec les mots qiiomque praedones. D'ailleurs, si nous voulons être tout à fait précis, nous dirons que ce qui figure dans notre loi, ce n'est pas un sénatus-consulte, auquel il manquerait la praescriptio habituelle de ces sortes de documents, mais très exactement, à se fonder sur Cicéron, le texte d'une motion (quas ob res, ita censeó), soumise au Sénat, mais sans qu'elle soit forcément devenue un sénatus-consulte, ou avant qu'elle le devienne. Il manquerait seulement dans notre texte, ce qu'on trouve dans la motion de Cicéron, des mots comme senatui piacere ou senatwn censere. Première question à résoudre, donc : notre loi a-t-elle ou non été portée à la suite d'un débat au Sénat, et sur sénatus-consulte? Et si oui, quelles conclusions en tirer? Nous avons établi plus haut, avec le plus d'exactitude possible, la longueur probable des lignes. La première ligne est presque entièrement lacunaire; néanmoins, comme, au début de la 1. 2, on lit sûrement ]IWRE R[, ce qui ne peut correspondre qu'aux mots populum iure rogavit de la lex Quinctia de Aquaed. (ici : populum] hire r[ogaverunt, puisque nous sommes sûrs que les deux consuls agirent ensemble), la 1. 1 ne peut avoir contenu que les noms et la fonction des consuls et, à la rigueur, la première syllabe du mot po]\[pulum, quoique il y ait place, dans la lacune de gauche de la ligne 2, pour le mot entier. Or nous pouvons, à l'aide du texte grec, reconstituer avec suffisamment de précision la nomenclature et la titulature latine des consuls : en particulier (cf. ci-dessous) il est presque sûr que le mot consul y figurait au pluriel après le nom qui vient en second, celui de Pison. Nous restituerons donc : [A. GABINIVS A.F. L. CALPVRNIVS L.F. PISO COSS. . . .] [POPVLVM] IVVRE R[OGAVERVNT Reste à remplir la ligne : car notre restitution, avant populum, ne représente que 33 lettres. Or, nous avons vu que la longueur des lignes, vers le milieu du texte, devait être de 66 lettres à peu près. Il est vrai que les premières lignes de notre texte sont gravées en caractères nettement plus hauts et plus larges que les lignes suivantes. Elles devaient contenir moins de lettres. Néanmoins, il est peu problable qu'elles en aient comporté moins d'une cinquantaine, à moins que les caractères de la première ligne aient été beaucoup plus gros. Les 33 lettres de notre restitution sûre sont beaucoup trop peu nombreuses. Il est donc à peu près indispensable de remplir la lacune de la fin de la ligne avec une formule comme ex senatus consulto (16 lettres, soit en tout 33+16 = 49), ou de senatus sententia (17

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lettres, en tout 50). Si l'on trouvait de telles restitutions trop longues, on aurait toujours le loisir de supposer des abréviations (d.s.s., comme dans la lex Antonia de Termessibiis17 , et sans doute aussi, si l'on remplit ainsi une curieuse lacune d'un manuscrit de Frontin, dans la lex Quinctia de Aquaed.18). La ligne serait alors assez courte (36 lettres, peut-être 38). Mais peut-être aussi consules était-il écrit en toutes lettres (ce qui donnerait alors 40 ou 42 lettres). De toutes façons, cette longue lacune à combler par ce seul moyen, conjuguée à la présence de ces considérants rédigés comme une motion pour un sénatus-consulte, rend extrêmement probable, pour ne pas dire certain, le fait que notre loi a été portée sur l'avis du Sénat. A cela, aucun obstacle, au contraire. Si le passage préalable devant le Sénat pour le plébiscite n'est plus nécessaire depuis le rétablissement de la puissance tribunicienne en 70, si les autres magistrats ont toujours eu le droit de saisir le peuple sans l'approbation du Sénat (et César ne s'en est pas privé en 59 pour le vote de la loi agraire et de la loi de publicanis), rien, en revanche, n'a jamais interdit à ces magistrats de saisir d'abord le Sénat d'un projet. Le seul problème, en fait, est de savoir si les deux consuls de 58 ont saisi eux-mêmes le Sénat de l'affaire des Déliens, ou si c'est le Sénat qui leur a demandé d'en saisir le peuple19. Les deux procédures sont également possibles. Nous avons un excellent exemple de la deuxième avec l'élabora tion de la lex Tullia de ambitu de 6320, dont Cicéron fut le rogateur. Il existait alors une lex Calpurnia de 66, qui elle-même avait été proposée par les deux consuls de cette année, sur l'ordre du Sénat, pour faire obstacle à

17 CIL F, 589, 1. 2. La mention est, dans ce cas, beaucoup plus intéressante, car il s'agit d'un plébiscite, datant de la période post-syllanienne, vraisemblablement de 72 (cf. J. Béranger, dans Mél. Piganiol, 1966, II, p. 7 '23-7 37 = Ρ rincipatus, Genève, 1973, p. 61-76). M Une lacune dans le plus ancien mss (C = Cassinensis liber 361, saec. XI) a conduit Buecheler à restituer de s(enatus) s(ententia), dans son éd. chez Teubner, Leipzig, 1858. 19 On reviendra ci-dessous sur le raisonnement de E. Cuq, o.e., p. 213, qui pense que, de toutes manières, le passage devant le peuple était rendu indispensable par le fait que notre texte conférait à des peregrins (les Déliens) le droit d'invoquer les lois romaines, puisqu'ils pouvaient utiliser la procédure ordinaire (iudicii postulano) valable à Rome pour des citoyens, et pour les fonds italiques. C'est en effet possible, quoique les pouvoirs donnés par le S.-C. de Stratonicée au proconsul d'Asie soient très larges et lui permettent peut-être d'utiliser la procédure romaine. Mais surtout, il ne faut probablement pas utiliser comme le faisait Cuq ces mots populei pleb[isve iiissu ou scito] de la 1. 33, qui s'appliquent non aux lois définissant des procédures, mais vraisemblablement à une loi (la lex Clodia) étendant la sphère de compétence du proconsul de Macédoine. Sur cette expression et ce passage, cf. ci-dessous, p. 138. 20 Cicéron, Pro Murena, 47; 67; 89; Pro Sestio, 133; Pro Piando, 83; Asconius, p. 83; 88 C; Sch. Bobb., p. 269; 309; 324; 362 Or.; Dion, XXXVII, 29, 1.

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une proposition du tribun C. Cornelius. Néanmoins, en 63, Cicéron présenta une loi de ambitu plus sévère. Il n'y a pas à retenir la version de Dion, qui dit que Cicéron «pressa le Sénat» d'augmenter ces peines; la version donnée dans le pro Murena doit certainement être préférée; elle montre le détail de la procédure. C'est un sénateur de rang prétorien, Ser. Sulpicius Rufus, qui «réclama» au Sénat une aggravation de la loi sur la brigue; le Sénat ne le suivit qu'avec réticence, et c'est sur son ordre, et à contre-cœur également, que Cicéron, de son propre aveu, en fut le rogateur : denique is tulit cui minime proderant {Pro Mur. 47). Nous verrons ci-dessous qu'aucune réticence des consuls n'est à suppos er pour une loi comme la nôtre. Celui qui prit (par les vertus du calendrier, ou plutôt parce qu'il agit en véritable patron des Déliens) la responsabilité première de la loi, A. Gabinius, en profita pour rappeler avec complaisance les effets glorieux et bénéfiques de sa loi sur les pirates de 67. Il fera voter en premier un de ses proches parents, ce qui prouve sûrement qu'il prenait les choses à cœur. Il me semble donc beaucoup plus vraisem blabled'admettre que, si le Sénat intervint et vota un sénatus-consulte, ce fut sans doute à l'initiative même des consuls, Gabinius en tête. La seule question (dont on traitera ci-dessous) est de savoir si ce fut à la suite d'une requête des Déliens, par exemple en introduisant une de leurs ambassades, ou de leur propre mouvement. On verra plus bas les traces de patronage des Gabinii sur Délos, ou du moins sur des Déliens, ainsi que les questions de chronologie que poserait l'hypothèse d'une ambassade. Il est en tout cas très probable que le texte de l'avis du Sénat inclus aux 1. 5-21 de notre loi émanait des consuls eux-mêmes, et plus spécialement de Gabinius. Reste à rendre compte de la formule présente dans notre loi, velitis iubeatis. Elle a souvent été étudiée21, non sans confusion, jusqu'au beau livre récent d'A. Magdelain. Son introduction, à une date inconnue, dans la

21 Mommsen, D.P., VI, I, 448; cfr. aussi p. 346, note 1, où il relève le seul cas aberrant et certainement mal transmis, où la réponse qu'on invite le peuple à donner ne soit pas, apparemment, une simple approbation ou un simple refus, le débat sur le sort des Campaniens en 210 (Liv., 26, 33, 13 : de iis rebus quod fieri velitis vos rogo, Quintes, plèbes sic iussil : «quod senatus iuratus maxima pars censeat qui adsient, id volumus iubemusque»). Comme le remarque Mommsen, la réponse ne pouvait qu'avoir été rédigée d'avance; il ajoute - ce qui n'est qu'une formule brillante -: «le peuple règne, mais il ne gouverne pas»; Rotondi, Leges publicae, p. 140 et suiv.; A. De Francisci, dans Studi Arangio Ruiz, I, p. 21; Alvaro d'Ors, La ley romana acto de magistrado, dans Emerita, 1969, p. 137-148; D. Daube, Forms of Roman Legislation, 1956, p. 54; 109; A. Magdelain, La loi à Rome. . ., 1978, p. 74 et suiv.

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procédure législative implique deux choses : que l'élaboration de la loi passe désormais (contrairement à ce qui était le cas à l'origine) non seulement par une «énonciation à haute voix» (tel est le sens de legere), mais par une question posée au peuple pour savoir s'il accepte (accipere) la «proposition» faite par un magistrat. Que d'autre part la loi est considérée désormais comme l'expression de la volonté et de l'ordre du peuple. Au premier âge républicain, il ne s'agit encore que d'une simple ratification. Sous la république moyenne et tardive, sous l'effet de conceptions polit iques (la reconnaissance, au moins formelle, de la souveraineté du peuple), la responsabilité se déplace et «la fiction s'impose que dans la loi c'est le peuple qui parle». D'où, beaucoup plus tard, la définition d'Aulu-Gelle, lex est generale iussum populi aut plebis rogante magistratu21. A la question qui (sous une forme exacte à préciser) comprenait à coup sûr les mots velitis iubeatis, le peuple, pour le vote des lois, répondait, comme on sait, Vti Rogas ou Antiquo. Après l'introduction du vote écrit par les lois tabellaires (131, lex Papiria : Cic, De leg. Ill, 35), les tablettes distribuées portaient précisément à cet effet V(ti) R(ogas) ou A(ntiquo)2i. Mais l'introduction de la formule velitis iubeatis au temps du vote oral ne remonte peut-être pas plus haut, si nous suivons A. Magdelain, que le début du IIIe siècle. Malheureusement, si la formule abonde dans notre tradition littéraire, le plus souvent rapportée au style indirect dans un récit ou un raisonnement, nous n'en avons guère de transcription directe24. A. Magdelain, se fondant surtout sur le texte de la loi du ver sacrum (Liv., 22, 10, 2), qui maintient une rogano rédigée à l'impératif (comme toute lex) et qui l'introduit par la formule maladroite velitis iubeatis haec sic fieri, rejette l'hypothèse quelquefois avancée selon laquelle, dans la rogatio elle-même, l'infinitif, ou plutôt le subjonctif {velitis iubeatis uti) était de règle, et qu'on lui substituait, une fois la loi votée, l'impératif futur : dans ce cas, dit-il, le langage commun et même juridique ne saurait, comme il l'a fait, tenir pour interchangeables les mots lex et rogatio. En revanche, il note que la formule velitis iubeatis a été conservée (par notre tradition littéraire, mais sous forme de citations textuelles qui la rendent acceptable) pour des lois très particulières, des lois «de circonstan-

11 Aulu-Gelle, X, 20, 2. 2' Sur ces questions de procédure de vote législatif, L. R. Taylor, Roman voting Assemblies, 1966, p. 35 et suiv.; C. Nicolet, Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, Paris, 1976, p. 361-365. 24 Aulu-Gelle, V, 19, 9 (pour X'adrogatio); Liv. 2, 46, 1; 21, 17, 4; 22, 10, 2; 26, 33, 14; 30, 43, 2; 31, 6, 1; 36, 1, 5; 38, 54, 3; 44; 24, 4 etc.; Cic, De Domo, 44; 30; 80; in Pis. 79.

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ce» dépourvues de caractère normatif, «parce que le corps de la loi dépend d'elle soit au subjonctif, après ut, soit dans la forme d'une proposition infinitive» (ο. α, 79). Tel serait le cas de Yadrogatio (Gell, V, 19, 9); des propositions «de quaestionibus decernendis (Liv., 38, 54, 3-5; 42, 21); des leges de bello indicendo (avec unanimement l'infinitif)25; surtout des lois sur Yaquae et ignis interdictio, dont le texte est conservé par Cicéron, et pour cause : velitis iubeatis ut M. Tullio aqua et igni interdictus sit (De Domo, 47 etc.). Et A. Magdelain range dans cette catégorie de «lois de circonstance» notre loi de Deh insula, ainsi que le seul autre exemple épigraphique connu où subsiste une telle formule. Pour lui, le dispositif de la loi se trouve déjà à la ligne 14 (vectigalibus liberari). Il était d'autre part très rare qu'on prît la peine de graver de telles lois de circonstance. Nous admettrons l'essentiel de cette démonstration rigoureuse, qui s'insère d'ailleurs dans une beaucoup plus vaste étude diplomatique du langage, et donc du concept, de la loi, bien évidemment caractérisée par cet emploi quasi-général de l'impératif futur. Néanmoins il faut examiner les choses en détail. Il faut déterminer d'abord si dans notre texte le velitis iubeatis command e l'infinitif ou le subjonctif. La réponse probable est qu'il commande d'abord l'infinitif, facilement inclus dans l'exposé des motifs, qui retrouve en cela le mouvement normal de la motion dans le Sénat qu'il démarque ou reproduit. Ensuite, le subjonctif, qui subsistera jusqu'à la fin du texte. D'autre part, nous avons vu que le mot iubeatis apparaît presque entièr ementau début de la 1. 5. Etant donné la largeur de la lacune à gauche, devait s'y trouver aussi la fin du mot velitis, soit -litis iujbeatis. Nous retrouvons donc, pour la ligne précédente, un problème équivalent à celui que nous avons résolu pour la 1.1. La fin de la praescriptio, à cette ligne, qu'il faut lire tribu Α.] Gabinius A.f. Capito pr[eimus scivit, ne réclame que 35 lettres. Pour cette ligne, dans laquelle les lettres sont plus petites qu'à la 1. 1, c'est nettement trop court. Il y aurait un vacat gigantesque entre scivit et les deux premières lettres de velitis. Je suis donc presque sûr qu'on devait trouver dans cette lacune une formule du genre rogamus vos Quintes, ou rogamus Quirites (18 ou 15 lettres), qui, ajoutées aux 37 lettres déjà placées, donneraient 52 ou 54 lettres, qui conviendraient très bien. Hapax pour hapax, celui-là n'est pas plus choquant que le maintien dans un texte gravé des simples mots velitis iubeatis. Notons au passage que des «lois de

Liv.( 36, 1, 5; 45, 22, 5; 33, 25, 6; 30, 43, 2 et 1, 46, 1.

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circonstance», comme dit A. Magdelain, devaient être plus souvent gravées qu'il ne le pense : tel est certainement le cas de la seconde loi de exsilio Ciceronis, dont la gravure est attestée par De Domo, 80 (même si le nom de Fidulius, qui figurait comme primus scivit sur cette gravure, n'eût pas dû figurer, cf. ci-dessous, p. 55). Le texte a sûrement été gravé à Délos même, puisqu'on a utilisé à cette fin une ancienne inscription retournée. Il est très correctement gravé, et l'on n'y relève pas d'erreur : c'est donc très vraisemblablement un Italien, d'ailleurs bilingue, car il n'y a aucune erreur en grec non plus, qui a fait le travail. La gravure sur pierre prouve sans doute qu'elle fut faite aux frais des autorités de l'île, et même du temple (pour avoir pu disposer d'un vieux compte des hiéropes). Il n'y avait, avant la praescriptio de la loi, aucun autre texte, lettre d'envoi, décret de reconnaissance, etc. L'initiative locale paraît donc strictement limitée à la gravure d'un texte officiel sans aucun doute envoyé de Rome, peut-être en latin seulement, peut-être à l'initiative d'un des deux consuls. Ce n'est donc pas une maladresse locale qui expliquerait la confusion éventuelle d'un sénatus-consulte préliminaire et d'une loi distincte dans sa rédaction - qui le compléterait. Le texte est cohérent. C'est donc la chancellerie romaine qui a pris l'initiative d'envoyer un texte ainsi rédigé. La raison peut en être devinée : ce texte envoyé de Rome était destiné aux Déliens en tout premier lieu, peut-être pour servir les ambitions des consuls. Il fallait que le pompeux éloge de l'île sainte que le Sénat avait sans doute voté fût reproduit. On ne l'a pas fait sous forme d'un «dossier», mais en envoyant un texte aussi proche que possible des décrets honorifi ques des cités grecques, tout en soignant particulièrement le style. Le problème de savoir si ce texte est exactement celui de la rogatio proposée au peuple reste ouvert.

PHILIPPE MOREAU

CHAPITRE III

PROBLÈMES STYLISTIQUES

Du point de vue stylistique, le texte se divise nettement en trois parties : la praescriptio et la sanctio (1. 1-5 et 36) sont composées, on l'a vu, de formules immuables, bien connues par d'autres lois épigraphiques ou par les Notae de Valerius Probus; on peut donc les restituer mécaniquement sans difficulté. Le dispositif proprement dit (1.21-35) est rédigé dans le style habituel des lois romaines : la composition est sans recherche, monotone et uniquement accumulative, consistant en une suite de propositions introduit es par ne (1. 21), puis par neue (1. 23, 24, 25). La répétition (insula Delus, 1. 22, 24, 26, 29, 30; quei insidam Delum incoiimi, 1. 26, 27-28; les restitutions seront discutées plus bas) et l'accumulation {insidam Delum et insidas quae circum Delum sunt, 1. 24) y ont leur fonction traditionnelle : éliminer toute ambiguït é par une enumeration minutieuse et exhaustive des réalités juridiques mentionnées. Les dates y sont nettement précisées (référence à la locatio de deux censeurs nommés 1. 22, et, par rapport à cette première date, postea 1. 24; référence à la guerre de Mithridate, 1. 28) et les rares adjectifs que permettent la sécheresse et l'objectivité du style juridique renvoient à des faits géographiques (uicinas, 1.25) ou juridiques (publici, 1.23; uectigales, 1.25). Le caractère technique du passage invite donc à se fonder, pour les restitutions, sur des textes juridiques et fiscaux. Au contraire, l'exposé des motifs (1.5-21) présente l'aspect d'un texte littéraire, fortement teinté de rhétorique, comme le prouvent la composit ion ternaire (les considérants sont organisés en deux groupes de trois; les ablatifs absolus de la 1. 19 vont par trois, ainsi que certains substantifs ou adjectifs : religionem, sanctitatem, caerimonias, 1. 10; regum, ceiuitatium, nationum, 1. 13; peut-être sacra, leibera, immunis, 1. 13), l'abondance des adjectifs qualificatifs impliquant une appréciation subjective (clarissuma, 1. 7; religiosissumus, 1.9, 15 et 16; nobilissumam, sanctissumam, 1.20; l'adverbe pulcerrume, 1. 19; on notera l'abondance des superlatifs de supériorité, qui accen-

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tuent l'aspect emphatique du texte), et enfin la conception du temps, qui n'est plus le temps historique ou administratif, mais le temps mythique (post hominwn memoriam, 1. 12). L'accumulation n'a pas ici pour but d'empêcher la caiiillatio, elle vise un effet esthétique d'ampleur et de solennité, en multipliant les paires de termes quasi-synonymes et de sens d'ailleurs assez vague (religionem et sanctitatem, 1. 10; dignitatis maiestatisque, 1. 18; superatei ac deletei, 1. 16). C'est donc dans d'autres textes que les lois épigraphiques ou les œuvres de jurisconsultes qu'il faudra chercher des parallèles à ce morceau de rhétori que, qui n'est d'ailleurs pas sans efficacité ni sans beauté (cf. le tableau, en trois ablatifs absolus, de la «pax Romana», 1. 19-20, celui de l'antique ind épendance de Délos, 1. 12-13, enfin celui des ravages des pirates, dont l'am pleur est rendue sensible par l'accumulation des substantifs, 1. 15-16)', mais bien chez les auteurs «littéraires». Il serait vain de chercher une source à proprement parler à ce texte, simple exemple de style soutenu, que tout sénateur cultivé devait être capable de pratiquer. Il se trouve que l'on relève un double parallèle, pour le genre littéraire et pour le contenu, dans l'œuvre de Cicéron. On lit en effet dans Phil. 9, 7, 15-17, une proposition de sénatus-consulte, due à Cicéron, en l'honneur de Ser. Sulpicius Rufus, qui présente de nombreux caractères stylistiques communs avec les considérants de notre loi : motivation rhétorique assez grandiloquente, mêlée au dispositif proprement dit, abondante en adjectifs, en superlatifs et en doublets quasi-synonymes (grani periculosoque, uim grauitatemque, sanctissime honestissimeque)', ce texte nous montre que la motivation de la lex Gabinia appartient sans doute à un genre littéraire officiel assez répandu, le sénatus-consulte honorifique (cfr. ci-dessus, p. 14). Quant au contenu, l'éloge de Délos, il a été traité par Cicéron dans le passage des Verrines (2 Verr. 1, 17, 46-18, 48) où est racontée la tentative de pillage par Verres du sanctuaire d'Apollon : outre les parallélismes de contenu, qui seront cités plus loin, on peut relever, encore une fois, l'identité de ton et de style (groupes binaires : aut uiolare aut attingere,

1 Deux commentateurs du texte ont été sensibles à ses qualités littéraires : P. A. Brunt, Laus imperii, in Imperialism in the Ancient World, Cambridge Mass., 1978, p. 168 : «an admittedly rather grandiloquent preamble», et A. Magdelain, plus nuancé, La loi à Rome, Histoire d'un concept, Paris, 1978, p. 79 n. 112: «un très beau style proche parfois de la rhétorique (surtout dans l'exposé des motifs); il se peut que sa rédaction ait été conçue comme une exercice de style». A notre sens, ce devait être le cas de tous les s.-c. honorifiques.

PROBLEMES STYLISTIQUES

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impias ac sacrilegas, religio atque antiquitas; superlatifs : pulcherrima atque antiquissima, improbissime atque amentissime; groupes ternaires : quam impius quam sceleratus quam nefarius, tam antiquo tam sancto tam religioso). Ces deux rapprochements, en plus du fait que Cicéron fournit, de toute manière, le corpus de textes contemporain le plus abondant, expliquent que c'est surtout dans son œuvre que l'on a recherché les parallèles nécessaires aux restitutions. On repoussera néanmoins la tentation, pourtant naturelle, de lui prêter une part dans la rédaction d'un texte dû à ses ennemis du moment : la chronologie peut-être et la vaisemblance s'y opposent, hélas!

JEAN-CHRISTIAN DUMONT

CHAPITRE IV

PROBLÈMES CHRONOLOGIQUES En ce qui concerne l'année, la datation de la loi ne pose évidemment pas de question puisqu'elle résulte directement de la lecture des lignes 37 et 38 de notre inscription, dont les fragments désignent sûrement A. Gabinius et L. Pison, le titre de consul du second apparaissant aussi ligne 38. Il s'agit du couple consulaire de l'année 58, bien attesté par des sources épigraphiques1 et littéraires2, en particulier par de nombreux passages de discours cicéroniens3. C'est le jour de l'année qui fait problème. Il figurait en latin à la ligne 3 (A D. VI KA) et en grec à la ligne 40 (-ΩΝ ΕΞ ΚΑΛΑΝΔΩΝ) : dans les deux cas le mois a disparu. Des douze ou très probablement treize mois qu'a comptés l'année s'excluent d'emblée tous ceux où le sixième jour avant les calendes avait le caractère néfaste4 : six des calendes de mars (24 février ou plus probablement 23 du mois intercalaire : Regifugium, N)5; de mai (25 avril, Robigalia, Î*P)6; de septembre (25 sextile, Opiconsiuia, N*)7. Au contrai re le caractère comitial est parfaitement attesté pour le sixième jour avant les calendes de février (25 janvier)8, de juin (27 mai)9, de quintile (25 juin)10, 'C7L P, 756 (= IX, 3513); 919; 920; 963 (?); 2512; A. Degrassi, Inscr. ltd, XIII1, p. 236; p. 493. 2 Caes. B.G. I, 6, 4. Dio, XXXVIII, pr. ' Cf. Münzer, R.E. III, p. 1387-88, 5. η. Calpumius (n° 90) et VII, 425-426, 5. η. Gabinius (n° 1 1). 4 A. Degrassi, Inscr. ltd. XIIP, p. 332; A. K. Michels, The Cdendar of the Roman Republic, Princeton, 1967, p. 61-83. 5 A. Degrassi, Inscr. liai, XIIP, p. 415 et p. 546. 6 Ibid., p. 448. 7 Ibid., p. 502. *Ibid., p. 402. 4 Ibid., p. 462. Les Fasti Antiates Maiores ne l'attestent pas, mais il n'y a pas à mettre ne doute les renseignements donnés par les fastes postérieurs, puisque l'Empire a supprimé et non ajouté des jours comitiaux (A. Degrassi, Inscr. Itai, XIIP, p. 362). 10 Ibid., p. 473. (Même remarque que précédemment).

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de sextile (27 juillet)11, d'octobre (25 septembre)12, de novembre (27 octo bre)13, de décembre (25 novembre)14, de janvier (25 décembre)15. La législa tion de Clodius contraint à ajouter le sixième jour avant les calendes d'avril ou 27 mars, si celui-ci avait bien le caractère faste16. Il faut y adjoindre le sixième jour avant les calendes intercalaires : l'année 58 a dû comporter une intercalation. Le Verrier en plaçait une cette année-là sans grand argu ment17. Il était indifférent à P. Groebe pour son système qu'un mois intercal aire prît place en 59 ou 58 18. Il renvoyait à Holzapfel, lequel indiquait à tout hasard 59 en soulignant que 58 était également possible19. Une adhésion aux systèmes d'Holzapfel et de Groebe, globale et fondée sur la lecture rapide de leurs conclusions sans entrer dans le détail de leur discussion, a généralement fait préférer 59. P. Stein20 et J. B. Marsh21 ont pu fournir des arguments : César, consul plus jeune, aurait eu les faisceaux les mois pairs; en tant que grand pontife, il influait sur la décision d'intercaler; le mois intercalaire inclus dans le mois de février prolongeait un mois qui lui revenait. On ne sait rien de certain sur les âges respectifs de César et de Bibulus mais T. R. S. Broughton et L. R. Taylor22 ont établi sûrement que, au moins pour l'époque cicéronienne, c'était le consul nommé le premier par les fastes qui présidait la séance de janvier et avait donc les faisceaux le premier mois, ce qui (César venant avant Bibulus) ruine l'argumentation précédente23. Bibulus avait les faisceaux le 18 octobre 5924, date qu'il avait 11 Ibid., p. 488. 12 Ibid, p. 514. 13 Ibid, p. 526, (d'après les fastes impériaux). 14 Ibid, p. 533. 15 Ibid, p. 545. 16 Lata lex est «ne auspicia ualerent, ne quis obniintiaret, ne quis legi intercederet, ut omnibus fastis diebus legem ferri liceret, ut lex Aelia, lex Fufia ne ualeret» (Sest. 33). Cf. Prov. Cons. 46. Le 27 mars est devenu fp à époque impériale (commémoration de la prise d'Alexandrie), il ne figure pas dans les fragments des Fasti Antiates Maiores; il aurait été faste d'après A. Degrassi (ibid., p. 432), et comitial d'après A. K. Michels, The Calendar. . ., 175. La loi clodienne rend cette divergence sans conséquence pour notre propos. 17 In Napoléon III, Histoire de Jules César, Paris, 1867, II, p. 522. 18 W. Drumann, P. Groebe, Geschichte Roms. . . 2e éd., III, p. 729-85. 19 L Holzapfel, Römische Chronologie, Leipzig, 1888, p. 319-320 et p. 322-333. 20 P. Stein, Die Senatssitzungen der Ciceronischen Zeit, p. 25. 21 J. B. Marsh, The Chronology of Caesar's consulship, dans Class. Journ. XXII, 1926. 22 T. R. S. Broughton, L. R. Taylor, The Order of the Two Consuls' Names in the Yearly Lists, Mem. Am. Acad in Rome XIX, Princeton, 1949, p. 3-14. 23 L R. Taylor, On the Chronology of the first Caesar's consulship, dans Am. Journ. Ph., 1951, p. 254-269. 24 Att. II, 20, 6.

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choisie pour mettre fin à son obstruction, et en février25, donc les mois pairs : ou bien le mois intercalaire était un mois comme les autres, entraî nantchangement de faisceaux et on n'avait donc pas intercalé cette annéelà, ou bien, comme il semble assuré26, le mois intercalaire était inclus dans celui de février et n'amenait pas de changement de faisceaux, auquel cas, si César grand pontife pouvait empêcher les intercalations, il a dû également en éviter une l'année de son consulat et ne pas rallonger les pouvoirs de son collègue. En revanche, pour 58, P. Grimal a excellemment montré que la progression des manœuvres et des mesures de Clodius, en particulier à propos de Chypre, la suite de deux lois, une première qui déposséderait le roi Ptolémée, une seconde qui y enverrait nommément Caton en mission, compte tenu entre autres des délais légaux qui séparent la promulgano du vote, se laissait mieux comprendre avec le surcroît de temps apporté par un mois intercalaire27. A. W. Lintott a apporté un argument décisif à nos yeux. S'il n'y avait pas eu de mois intercalaire, les nondines seraient tombées dès le début de l'année sur les jours marqués A, l'année précédente sur les jours marqués D. Bibulus eût reporté les comices à un jour de nondines, donc faste, ce qui aurait été étrange pour un conservateur. Surtout, le premier janvier 58 aurait été, lui aussi, jour de nondines, ce qu'on évitait et qui, quand on n'avait pas su l'éviter, n'était pas passé sous silence28. On doit en conclure qu'il y eut, l'année 58, dix sixièmes jours des calendes comitiaux ou assimilables et donc, au départ, dix restitutions possibles pour le mot qui manque devant VI KAL. On exclura toutefois le 25 décembre car on sait que les consuls avaient quitté Rome avant la fin de leur mandat, pressés de gagner leurs provinces. Le récit que donne Cicéron de ce départ dans le Pro Sestio se situe avant l'entrée en charge des tribuns, soit avant le dix décembre29. On ne peut savoir si Gabinius et Pison étaient encore à Rome le 25 novembre30.

25 César, premier nommé dans les Fastes Capitolins avait donc les faisceaux en janvier. En outre, il semble que Bibulus ait décidé le renvoi des comices en avril (Au. II, 15, 2), autre mois pair. 2A P. Grimai, Études de chronologie cicéronienne, Paris, 1967, p. 9-10; p. 23-25; p. 111 : Pison avait les faisceaux en janvier (Pis. 11; Ad Sen. 17), mois impair, Gabinius en août (Asconius, In Mil. 41 Clark.), mois pair: la présence d'un mois intercalaire n'a pas modifié l'alternance. 27 P. Grimai, op. cit. p. 139. 2S A. W. Lintott, Nundinae and the Chronology of the Late Republic, dans Class. Q. n.s. 18, 1968, p. 189-194, p. 192. ^Sest. 71. 10 P. Grimai, éd. Cicéron, In Pisonem (Budé), p. 53 et 169.

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Pour éliminer d'autres possibilités il faudrait pouvoir reprendre une hypothèse de T. R. S. Broughton et L. R. Taylor". Dans notre inscription Gabinius est nommé premier, Pison second. On attendrait l'ordre inverse. Dans les Fastes Capitolins, le nom de Pison, seul conservé, figure sans aucun doute dans une colonne de gauche, donc en première place, l'ordre «Pison, Gabinius» revient dans toutes les autres sources". On sait d'autre part que Pison présida le sénat du premier janvier, eut donc les faisceaux en janvier, était donc le consul prior. Au nominatif, Gabinius et Pison figurent dans la praescriptio non comme éponymes de l'année, mais dans un ordre inversé en tant que rogatores de la loi. T. R. S. Broughton et L. R. Taylor s'appuient sur la définition du maior consul donnée par L. Caesar : nel eum penes quern fasces sint nel eum qui prior factiis sit™ pour supposer que Gabinius avait les faisceaux lors du vote de la loi de Délos, ce qui voudrait donc dire que cette loi a été votée un mais pair. Si cette hypothèse n'était pas la bonne, il conviendrait alors que la première place traduisît une initiative de Gabinius, pour des raisons, par exemple, de clientèle, à laquelle il n'aurait fait qu'associer son collègue, ce qui paraîtrait parfaitement concevable. Pourtant, l'alternance mensuelle des faisceaux, tombée en désuétude34, a été rétablie par César l'année d'avant35, à moins même qu'il ne s'agît d'une innovation camouflée en restauration. Les précédents contraires ou concordants qu'étudient T. R. S. Broughton et L. R. Taylor manquent donc de pertinence car ils sont antérieurs à 5836. L'exemple du S.-C. des Bacchanales n'en mérite pas moins considération. Marcius vient en tête alors que les fastes nomment Postumius en premier". Il est certainement vain de calculer que Postumius, entré en charge le 15 mars, aurait donc dû avoir les faisceaux du 15 septembre au 15 octobre. Les règles de 58 ne jouent pas. En revanche, il faut souligner que c'est le consul Postumius qui dans toute l'affaire des Bacchanales a eu le premier rôle. On

" T. R. S. Broughton, L. R. Taylor, The Order. . ., p. 9. '-A. Degrassi, Inscr. Ital, XIII1, p. 23; p. 492-493. " Festus P. 154 L. 54 Mommsen, Droit public, I, 44 sq. " Antiquwn etiam rettulit morem ut quo mense fasces non haberet accensus ante eum irei, lictores pone sequerentur, Suet. Caes. 20. Le texte de Suétone est équivoque mais la réforme césarienne ne peut avoir simplement porté sur la forme, elle visait évidemment à restreindre le rôle de son collègue. 56 The Order..., p. 8-9. "Q. Marcius L f. Sp. Postumius L f. cos. senatum cosoluerunt nonis octob. apud aedem Duelonai. . .

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en déduira que ce n'est pas l'engagement personnel d'un consul en faveur d'une mesure qui semble déterminer formellement l'ordre dans lequel figurent les deux collègues en tête du sénatusconsulte ou de la loi qui concrétise cette mesure. Ce ne peut plus guère être, en effet, que l'alternan ce des faisceaux, assurée d'une façon qui nous échappe avant 58, après, par la suite des mois. Il en découle une assez forte probablité pour que Gabinius ait eu les faisceaux lors du vote de notre loi : soit le 20 février, soit le 25 juin, soit le 27 octobre38. Le contenu de la loi permet-il de choisir entre ces trois dates? Le lien probable entre la mention de la custodia frumenti et la loi frumentaire de Clodius ne fournit pas d'indication. La loi frumentaire a dû être promulguée dès le 10 décembre 59, votée le 4 janvier 5839. Les effets en étaient prévisibles dès la promulgation. Il n'y a pas forcément lieu de supputer les délais entre celle-ci, l'arrivée des nouvelles à Délos, les délibérations des Déliens sur ses conséquences, l'envoi à Rome d'une délégation délienne ou athénienne. On ne peut en effet exclure que des envoyés déliens ou des défenseurs officieux des intérêts déliens se soient trouvés sur place à Rome eL aient tenu compte des effets évidents de la nouvelle législation sans en référer à Délos. Un texte des Verrines nous apprend que les ambassades étrangères arrivaient parfois dès l'été en prévision de leur réception au mois de février40. Le mare clausum n'y était pas étranger. Il reste que la loi consiste en une mesure d'exemption fiscale sur laquelle le sénat a eu à délibérer, après rapport sans doute du consul, mais probablement après requête d'une ambassade officielle. Le S.C. de Amphiarai Oropii agris offre un parallèle : les attendus mentionnent l'audition par les consuls des ambas sadeurs oropiens, la veille des ides d'octobre41; le texte a été rédigé le 17 avant les calendes de novembre42, soit deux jours après. L'affaire des Oropiens diffère de celle des Déliens dans la mesure où les premiers réclament la confirmation de décisions déjà prises tandis que la requête des seconds implique le vote d'une loi. Les envoyés des premiers ne comparaiss ent peut-être que devant les consuls. Faut-il envisager la même éventualité pour les seconds - et alors nous ne pourrons pas choisir entre les trois

" V. supra n. 26. w P. Grimai, Études. . ., p. 28-29. M Sunt Romae legati Milesii, hommes nobilissimi ac principes ciuitatis qui tametsi mensem februarium et consulum designatorum nomen exspectant. . . 2 Verr. 1, 90. Le plaidoyer est censé avoir été prononcé en août (/ Verr. 31). 41 F.I.R.A. I, 36, p. 260-266 : -pò μιας είδυών Όκτωμβρίων. (1. 5-6). 42 Προ ήμερων δεκαε-τα καλανδών Νοεμβρίων.; (ibid. 1. 60).

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dates - ou admettre qu'une ambassade délienne avait dû être reçue par le Sénat? Selon toute vraisemblance la procédure aura été analogue à celle que Cicéron décrit à propos des Tyriens, aux ides de février 54 : eodem igitur die Tyriis est senatus frequens ; fréquentes contra Syriaci publicani; uehementer uexatus Gabinius. . ,43. Si l'on retient cette hypothèse, probable mais non nécessaire, il con vient d'en discuter les conséquences chronologiques puisque l'on sait qu'une lex Gabinia de legationibus obligeait le sénat à consacrer aux ambass adesses séances durant le mois de février44. Le nom et le contenu de la lex Gabinia ne sont connus que par un unique texte de Cicéron daté de 54 : Comitialibus diebus, qui Quirinalia sequuntur, Appius interpretatur non impediri se lege Pupia quo minus habeat senatum, et quod Gabinia sanctum sit, edam cogi ex Κ. Febr. usque ad Κ. Manias legatis senatum cotidie dari. Ita putantur detrudi comitia in mensem Martium45. Y fait écho un texte de 56 : Senatus haberi ante kalendas Februarias per legem Pupiam, id quod scis, non potest neque mense Februario toto nisi perfectis aut reiectis legationibus46. Les séances de février devaient être consacrées aux ambassades qui seraient menées à leur terme ou reiectae, repoussées. Le terme du premier février admet beaucoup d'élasticité : en 56 les ambassades sont repoussées aux ides de février47, la répartition des questeurs, la dotation des préteurs, mesures dont l'urgence primait, n'étant pas encore faites; en 61 le sénat n'a pas encore réparti les provinces des préteurs aux ides de février et décide de ne s'en occuper, ainsi que des ambassades, qu'après le vote d'une rogatio48. En revanche le terme du premier mars doit être rigide, reicere peut signifier repousser à une nouvelle date ou sine die et sans doute faut-il l'entendre de la seconde façon pour que la lex Gabinia garde une raison d'être. Les ambassades après le 1er mars, ou du moins leur réception au sénat, sont exclues. Il paraît impossible que cette loi ait été portée en 58 par Gabinius lors de son consulat : consul second, il n'eût pu la faire voter qu'en février, trop tard pour qu'elle eût un effet; elle doit, comme le veut Mommsen, dater du tribunat de Gabinius en 67 ou même, comme le pensent Willems49

43 G fr. II, 11,33. 44 Vonder Mühll, R.E. s. n. Gabinia. 45 G fr. II, 11, 33. 46 Fam. I, 4, 1. 47 G fr. II, 3, 1. 48 Ait. I, 14, 5. 49 P. Willems, Le Sénat de la République Romaine, II, p. 156.

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ou L. R. Taylor50 remonter au second siècle. Mommsen a bien vu qu'il s'agissait de la survivance d'un usage très ancien qui voulait qu'au temps où les consuls, chefs de guerre, quittaient Rome au printemps, la réception des ambassades eût nécessairement lieu avant51. La logique serait que dans l'heureux cas où le sénat se serait débarrassé vite de la répartition des provinces et de Yornatio des magistrats, il commence à recevoir les ambas sadesavant février. Il semble en sens inverse ressortir des textes précédem ment cités que la lex Pupia, quel que soit par ailleurs son contenu, s'y opposait durant la longue suite de jours comitiaux du 16 au 29 janvier. Une éventuelle réception de l'ambassade délienne durant la première quinzaine de janvier paraît bien difficile. Aussi l'hypothèse d'un vote de la loi de Délos le 19 ou le 20 février, selon que le mois intercalaire comptait cette année-là 22 ou 23 jours52, fait intervenir le délai du trinum nundinum nécessaire entre la publication du projet et son vote53. Sur la durée de ce délai trois théories s'affrontent : vingt-quatre ou vingt-cinq jours, ce qui rendrait improbable notre hypothès e en rejetant ambassade et séance du sénat en janvier; dix-sept jours54, ce qui conviendrait; une période contenant au moins trois jours de nondines, ce qui conviendrait également (jours marqués H pour le VI des calendes = 20 février, soit les 3, 11, 19 février; jours marqués G pour le VI des calendes = 19 février, soit les 2,10 et 18 février). La première théorie considère qu'un nundinum serait une période de huit jours53 et un trinum nundinum un délai de trois fois huit jours ou de trois fois huit jours plus un56. La

so L R. Taylor, On the Chronology.. . 261, η. 27. 51 Th. Mommsen, Droit public, VII, p. 375. " A. W. Lintott (Nundinae. . . 192) a montré que le mois intercalaire de 58 avait eu 23 jours. M. P. Brind' Amour, qui prépare un important ouvrage sur les problèmes du calendrier romain, a bien voulu nous faire bénéficier de sa compétence sur plusieurs points. En particulier M. P. Brind'Amour nous a fait part d'une hypothèse inédite selon laquelle la datation par rapport aux calendes intercalaires correspondrait aux mois intercalaires de 23 jours, la datation par rapport aux Terminalia à ceux de 22 jours. " M. P. Brind'Amour a eu la gentillesse de nous communiquer le manuscrit du chapitre qu'il a consacré au trinundinum, chapitre qui nous a été fort utile, même si nous ne partageons pas toutes ses conclusions : M. P. Brind'Amour défend la thèse des dix-sept jours. ■>4 Tel est le chiffre généralement donné. Pour que la théorie reste cohérente (et puisse s'appuyer sur le précédent des XII Tables) le délai doit être, selon la façon moderne de compter, de seize jours. 55 C'est la thèse défendue par Mommsen, Römische Chronologie1, p. 240 sq., Kroll, RE., XVII, 2, 1467, s.a. Nundinae, P. Grimal, Etudes.. ., p. 16-21. 56 A. K. Michels, The Calendar, p. 203-205.

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seconde57 et la troisième théorie font du trinwn mindimim (génitif pluriel archaïque pour trinarum nundinarum)5* une période comprenant à l'origine trois jours de nondines, soit l'équivalent en durée de 17 jours, depuis que les nondines, devenues jour non comitial, ne sont plus le point de départ du délai; A. W. Lintott, ce qui fait la variante de la troisième théorie, considère que la présence effective de trois jours de nondines reste nécessaire et que le délai minimum est donc de 17 jours plus le laps de temps qui sépare la promulgano des nondines suivantes59. Ces deux dernières théories offrent plus de vraisemblance linguistique60, elles paraissent historiquement plus satisfaisantes puisqu'elles font du délai entre vote et promulgation des lois une extension de celui qui est attesté en droit civil depuis les XII tables61. Il aurait fallu, pour pouvoir définitivement trancher, montrer si le délai contenu entre 17 et 24 jours était suffisant ou non62. La rogatio Manilia, promulguée sans doute par Manilius, puisqu'il était pressé de la faire aboutir, dès son entrée en charge le 10 décembre 676Î, votée le 29 et cassée par le sénat, au premier chef, pour «précipitation» (celeritas)M ne permet pas de conclusion : la précipitation consistait, comme l'a bien vu A. W. 57 Théorie défendue par Ideler et d'autres. Références dans A. K. Michels, The Calendar, p. 197, n. 3. 58 Sic «caelicolum» pro «caelicolarum» et «trinundinum» pro «trinundinarum» Priscien, p. 292 (Keil). «Ubi promulgano trinum nundinum?» Cic. Phil. V, 8. «Si quod in ceteris legibus trinum nundinum esse oportet, id in adoptione satis est trium esse horarum, nihil reprehendo». De dont 41. 59 A. W. Lintott, Trinundinum, dans Class. Q. 1965, p. 281-285. 60 II est nié dans Leumann, Hofmann, Szantyr, Grammatik, II, 2, 1, p. 279, que nundinum soit un génitif pluriel, les formes en -um n'ayant subsisté que par hellénisme après les thèmes en -a (ce qui est faux : agricolum, caelicolum). Kroll, R.E. . ., en tire argument. Affirmation contraire chez A. Ernout, Morphologie Historique, 35 et P. Monteil, Éléments de Phonétique et de Morpholog ie du Latin, p. 171. Les exemples cicéroniens cités plus haut laissent peu de possibilité de doute. 61 Tertiis nundinis partis secanto, XII Tables, III, cité dans A. Gelle, Ν. Α., 20, 1, 47-49 : le débiteur insolvable ayant été produit devant le préteur au comitium trois jours de marché de suite est exécuté si personne, le troisième, ne l'a libéré de sa dette. 62 Seuls les votes, terme du délai, doivent avoir lieu, par définition, les jours comitiaux. Le point de départ, la promulgano, n'a pas à tenir compte du caractère du jour. On sait, par exemple, que C. Caton, en 56, a affiché sa proposition de loi de imperio Lentuli abrogando entre les calendes et le septième jour avant les nones de février (0. fr. IL 3, 1), donc pendant une série de jours néfastes. 63 Mommsen, Droit public, VI, 1, p. 431, n. 1. L'affirmation de J. Carcopino, Jules César, p. 91, n. 1, selon laquelle Manilius aurait déposé son projet quelques jours après son entrée en charge repose sur une lecture trop rapide d'Asconius, cité de façon tronquée. 64 Asconius ad or. in Corn, 57 (Clark.).

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Lintott65, non à violer la lex Caecilia Didia mais à faire voter le jour des Compitatici66 sans attendre le prochain jour comitial. En revanche les rogationes Clodiae, déposées sans doute le 10 décembre et votées le 4 janvier67 n'ont pas soulevé l'objection de leur celeritas : il semble qu'il s'en faille d'un jour pour que la première théorie soit admissible68. En prenant le tnnundi num pour une durée de 17 jours, la loi votée le 20 février a été promulguée au plus tard le 4 ou le 3 février, une ambassade des Déliens ayant été reçue le jour même ou l'un des jours qui précèdent jusqu'au 1er février inclus. Les quatre premiers jours de février, tous néfastes, sont sans contestation tous propres aux séances sénatoriales et, en février, à la réception d'ambassad es. On a vu le caractère hypothétique de plus d'une de nos déductions. Cette date du 20 février n'est pas, en l'état des connaissances, la seule possible, mais seulement la plus probable. Si l'on devait la retenir, elle aurait l'intérêt de montrer en Gabinius, qui introduisit au sénat l'ambassade délienne ou athénienne parmi les premières et se ménagea la possibilité de présider les comices qui décideraient en faveur des Déliens, un protecteur zélé et efficace. 65 A. W. Lintott, Tnnundinum, p. 282. 66 Les compitalia sont fériés (Varron, Ling. Lat. 6, 29). 67 Telle est la date donnée par Lintott, op. cit., p. 282, J. M. Flambard, Clodius, les Collèges, la Plèbe et les Esclaves, dans MEFRA, 1977, p. 120, etc. P. Grimai, Études. . ., p. 18-19 l'a établie avec certitude. L'hypothèse de A. K. Michels (The Calendar. . ., p. 205), qui, d'après Festus (P. 304, L.) fait durer les jeux compitalices plusieurs jours et voter la loi le 7 repose sur des données tardives. 68 L'inclusion du point de départ dans le compte ne paraît pas compatible avec la théorie qui fait du tnnundinum trois fois une période de huit jours. P. Grimai montre {Etudes. . ., p. 18) qu'un triduum, par exemple, exclut le point de départ. *

JEAN-LOUIS FERRARY

CHAPITRE V

DÉLOS VERS 58 av. J.-C.

Délos, qui avait atteint son apogée comme place commerciale après la création de la province d'Asie en 129, connut au 1er siècle un déclin spectaculaire, dont témoigne le texte même de la loi de 58'. Selon Strabon (10, 5, 4), l'île ne se serait jamais relevée de la catastrophe de 88 : après le ralliement d'Athènes à Mithridate devenu maître de l'Asie, et à l'évidente instigation des hommes d'affaires italiens, Délos avait fait sécession; une expédition athénienne pour reprendre possession de l'île s'était soldée par un échec, mais Délos ne tarda pas à tomber aux mains d'Archélaos, général de Mithridate, qui aurait tout ruiné et saccagé2. De son côté Phlégon de Tralles, dont l'épigraphie et l'archéologie ont confirmé le témoignage, nous apprend que Délos fut de nouveau prise et pillée en 69, par le pirate Athénodore alors allié de Mithridate3. Soulignant dans une importante

1 Sur Délos au Ier siècle av. J.-C, on se reportera encore avant tout à l'excellent chapitre de P. Roussel dans Délos colonie athénienne (DCA), Paris, 1916, p. 315-340. 2 Sur le ralliement d'Athènes à Mithridate et l'échec de l'expédition athénienne contre Délos, connus par Posidonius (Fr. Gr. H. 36 = Athen., 5, 211d-215b), voir, depuis W. S. Ferguson, Hellenistic Athens, Londres, 1911, p. 415-459, les études de E. Candiloro, Politica e cultura in Atene da Pidna alla guerra mitridatica, dans SCO, 1965, p. 134-176, E. Badian, Rome, Athens and Mithridates, dans Assimilation et résistance à la culture gréco-romaine dans le monde ancien, Actes du VIe Congrès International d'Etudes Classiques, Madrid, septembre 1974, Bucarest-Paris, 1976, p. 501-521 et C.Habicht, Zur Geschichte Athens in der Zeit Mithridates' VI, dans Chiron, 1976, p. 127-142. La sécession de Délos put être la réponse à l'élection de Mithridate lui-même comme archonte éponyme d'Athènes en mai-juin 88 (hypothèse de Habicht, p. 127-135). Sur la prise de Délos par les forces de Mithridate, outre Strabon (10, 5, 4), cf. App., Mithr., 28, et Paus., 3, 23, 3-4. » Phlégon de Tralles, Fr. Gr. H. n" 257, c. 12; cf. ID, 1621 et 1855-1858. Le mur par lequel le légat C. Valerius Triarius fortifia, à la suite de cette nouvelle catastrophe, une partie de la ville, a été retrouvé: voir C.Picard, CRAI, 1911, p. 872-877; C.Avezou et C.Picard, Mélanges M. Hol-

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étude parue en 1968 combien il est difficile d'apprécier l'importance réelle des destructions de 88 et de 69 à la lumière d'observations archéologiques qu'on est souvent tenté de surinterpréter, Philippe Bruneau4 estime que «les historiens antiques et beaucoup d'érudits modernes ont manifestement exagéré l'importance des sacs de 88 et de 69»: ainsi que l'avait déjà remarqué P. Roussel, les fouilles ont permis de constater, bien plutôt qu'une brusque et systématique destruction, un abandon «partiel et progressif»; les catastrophes connues par les textes n'ont pu être que «l'occasion, la cause secondaire du départ des commerçants installés à Délos depuis près d'un siècle»; les vraies causes sont à rechercher ailleurs, et si les négociants ne se réinstallèrent pas à Délos ou ne le firent qu'en petit nombre, lorsque Pompée, deux ans seulement après le coup de main d'Athénodore, eut en 67 rétabli la sécurité des mers, c'est que cela ne les intéressait plus. L'épigraphie atteste en effet le retour au moins partiel de ces négo ciants après que Délos eut été, en 85 probablement5, évacuée par les forces de Mithridate. Sans doute vaut-il mieux ne pas trop faire fond sur une liste de souscriptions trouvée dans l'agora des Italiens, et que l'on avait lors de sa publication rapportée aux réparations rendues nécessaires par le pillage de 88, car la date en est finalement très incertaine6. Du moins savons-nous que l'agora des Italiens fut restaurée, y compris les statues qui avaient été mutilées7. Les Italici apparaissent dans une dédicace à L. Licinius Lucullus

leaux, Paris, 1913, p. 12-16; J. Delorme, EAD XXV (Us Palestres), 1961, p. 151-152; Ph. Bruneau, BCH, 1968, p. 674 et 685-686; BCH, 1975, p. 280. 4 Ph. Bruneau, Contribution à l'histoire urbaine de Délos, dans BCH, 1968, p. 633-709, notamment 671-691. 5 Sans doute pas (cf. Roussel, DCA, p. 328) avant les négociations de Délion entre Sylla et Archélaos (hiver 86-85), mais au plus tard après la paix de Dardanos (août 85). 6 ID, 2612, inscription utilisée comme principal témoignage sur le retour des negotiators après 88 par Roussel, DCA, p. 329-330, et J. Day, An Economie History of Athens under Roman Domination, New York, 1942, p. 118, note 379 et p. 160. Mais on sait que la mention de Δήλιοι ne prouve pas, comme on l'avait d'abord cru, que l'inscription soit postérieure à 88 : cet ethnique figure déjà dans une liste éphébique de 119/118 (ID, 2598, 1.55). Hatzfeld (BCH, 1912, p. 114-115) avait souligné l'absence d'un grand nombre de familles importantes attestées à Délos avant 88, mais l'argument est considérablement affaibli s'il est vrai que le tiers à peine de la stèle inscrite nous est parvenu (Roussel, DCA, p. 129, note 8), et l'on peut remarquer inversement que l'on n'y trouve non plus aucun des huit gentilices attestés en 74 dans ID, 1758. Republiant l'inscription en 1937 dans les ID, Roussel et Launey en considéraient finalement la date comme «très incertaine». UD., 1695-1697; ILLRP, 359-360 (L. Munatius Plancus) - Choix, 150; ID, 1710 (C. Billienus légat) - ID, 2494 (dédicataire inconnu). Il s'agit dans les trois cas de statues dues à Agasias d'Ephèse, et qui furent restaurées par Aristandros de Paros.

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des années 84-8080; surtout, une dédicace des Hermaïstes, Apolloniastes et Poseidoniastes, datée des consuls de 749, montre que la communauté italienne (ou plutôt, depuis la guerre sociale, romaine) de Délos avait retrouvé ses structures traditionnelles. On notera que cette liste de 12 noms fait apparaître quatre gentilices non attestés précédemment à Délos, et que certaines de ces nouvelles familles semblent avoir acquis une position de première importance : un M. Calvius A. f. est en tête de la dédicace de 74, et un A. Calvius est synagogue à vie de la nouvelle association des Pompéiastes, qui se constitua sans aucun doute pour célébrer en Pompée le vainqueur des pirates10. Après 69 encore, nous avons une dédicace des Hermaïstes datée du proconsulat de Pison en Macédoine, c.-à-d. de 57-56", mais une inscription honorifique datée avec certitude de 54/53 est la dernière qui fasse mention, à côté des Athéniens, des «Romains qui habitent Délos»12. On attribue souvent la décadence de Délos à «la concurrence des ports italiens, en particulier de Pouzzoles, et à l'établissement de relations direc-

8 Choix, 154; ID, 1620; ILLRP, 362. La date d'une dédicace des Italici et Graecei quei Delei negotiantur à A. Terentius Varrò (Choix, 155; ID, 1698; ILLRP, 369), qui paraissait fixée ca 83/82, a été remise en question par E. Badian, JRS, 1968, p. 245-246. 4 Choix, 157; ID, 1758. Sur l'organisation de la communauté italienne de Délos, cf., contre Hatzfeld (BCH, 1912, p. 146-196; Les Trafiquants italiens dans l'Orient hellénique, Paris, 1919, p. 256-281), F. Salviat, Dédicace d'un τρύφακτος par les Hermaïstes déliens, dans BCH, 1963, p. 252-259; en dernier lieu, F. Cassola, Romani ed Italici in Oriente, dans DdA, 1971, p. 314-317. 10 Choix, 162 (restituant à tort Αυλού Καλο[υίν]υυ : cf. déjà la correction de Hatzfeld dans BCH, 1912, p. 24); ID, 1641. On est tenté de mettre ces Calvii en rapport avec l'une des principales familles de Cora, dans le Latium (ILLRP, 60 et 1 11). Autre mention des Pompéiastes dans ID, 1797. - Une liste des inscriptions déliennes postérieures à 69 a été dressée par Ph. Bruneau, dans BCH, 1968, p. 695. 11 Choix, 164; ID, 1737. D. Van Berchem, (Les Italiens d'Argos et le déclin de Délos, dans BCH, 1962, p. 305-313; cf. BCH, 1963, p. 322-324) a proposé de voir dans les Italici d'Argos, connus par deux inscriptions de 67, les héritiers de ceux de Délos, par suite d'un «transfert du siège social sur le continent» après le sac de l'ile en 69. Cette hypothèse nous paraît supposer une conception trop unitaire (et peut-être trop moderne) des Italici de Délos. La dédicace des Hermaïstes montre en tout cas qu'il n'y eut pas un départ systématique des Italici en 69. 12 Choix, 165; ID., 1662. - Une phrase d'une lettre de Cicéron à Atticus (9, 9, 4, du 17 mars 49 : sciebam enim te quoto anno et quantum in solo solere quaerere, neque solum Romae, sed edam Deli tiiiiin digamma uideram) semble indiquer qu'en 51 (quand Cicéron passa à Délos: Au., 5,12), Atticus avait des intérêts économiques à Délos; mais le texte reste malheureusement très obscur, en dépit des efforts des commentateurs (qui le plus souvent corrigent digamma en διάγραμμα) pour l'éclairer.

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tes entre l'Orient et l'Italie»13. Des réserves ont été formulées contre cette interprétation, par A. J. N. Wilson en particulier14. Il faut en effet se rappeler que la prospérité de Délos reposait dans une large mesure sur sa fonction de plaque tournante dans le trafic des esclaves entre l'Asie Mineure et surtout la Syrie d'une part, l'Italie et la Sicile de l'autre (Strabon, 14, 5, 2), et que ce trafic se trouva frappé, à la fois dans ses pourvoyeurs et dans ses sources d'approvisionnement, par l'écrasement de la piraterie et par la création des nouvelles provinces de Cilicie, puis de Bithynie et de Syrie15. Le nouvel ordre romain établi en Orient par Pompée assurait la sécurité de Délos, mais impliquait également son déclin : il faudrait désormais chercher ailleurs des esclaves, peut-être dans les pays danubiens comme l'a récem mentsuggéré M. Crawford16, sans compter ceux que mirent sur le marché, de Marius à César, les campagnes contre les Gaulois, les Germains et les Bretons. Privée de sa principale activité commerciale, Délos déclinante était vouée de ce fait à perdre également son rôle d'escale dans l'acheminement vers Rome des produits précieux de l'Orient. L'existence de relations directes entre Alexandrie ou les ports phéniciens et Pouzzoles n'est bien attestée que vers le milieu du Ier siècle av. J.-C.17, et il est difficile de

"Roussel, DCA, p. 330 (à la suite de A. Lebègue, Recherches sur Délos, 1876, p. 322); cf. Durrbach, Choix, p. 255; J. A. O. Larsen, ESAR, IV, p. 337; Ph. Bruneau, BCH, 1968, p. 689-690. 14 A. J. N. Wilson, Roman Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, Manchester, 1966, p. 142-143. Cf. également E. Maróti, Der Sklavenmarkt auf Delos und die Piraterie, dans Helikon, 1969-1970, p. 24-42, et déjà, J. Day, o.e., p. 118. '' Ce second point est négligé par Wilson (mais a été bien vu par M. Crawford, JRS, 1977, p. 121). Il est aussi important que l'écrasement de la piraterie: c'est au-delà des limites des provinces que les Romains cherchaient le gros de la main-d'œuvre servile dont avaient besoin l'Italie et la Sicile. 16 M. Crawford, Republican Denarii in Romania : the Suppression of Piracy and the SlaveTrade, dans JRS, 1977, p. 117-124. 17 Sur Pouzzoles, cf. C. Dubois, Pouzzoles antique, Paris, 1907, et M. W. Frederiksen, RE, s.v. Puteoli (1959); pour les relations commerciales entre Alexandrie et l'Italie, P.M. Fraser, Ptolemaic Alexandria, Oxford, 1972, p. 154-157. L'essor de Pouzzoles est contemporain de l'apogée de Délos (cf. Pol., 3, 91, 4; Lucil., fr. 123 M.). Ni le voyage d'Eudoxe vers 117 (Strab., 2, 3, 4) ni la construction avant 105 d'un temple de Sérapis (ILS, 5317; ILLRP, 518) ne prouvent l'établissement de relations commerciales directes avec Alexandrie dès la fin du 2e siècle, à un moment où les commerçants italiens installés à Alexandrie sont encore en rapports très étroits avec Délos (Fraser, o.e., p. 155-156, mais la dédicace retrouvée à Délos des Alexandreae Italicei qui fuere - Choix, 107; ID, 1699; ILLRP, 343 - n'a sans doute rien à voir avec Marius : E. Badian, JRS, 1968, p. 244, ni d'ailleurs avec la statue du Gaulois blessé qui confortait cette hypothèse: J. Marcadé : Au Musée de Délos, 1969, p. 1 19-127). En revanche, les navires de Rabirius Postumus viennent directement d'Alexandrie à Pouzzoles, en 55 ou 54 (Cic, Rab. Post., 40), et des

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préciser dans quelle mesure elle doit être considérée comme une cause du déclin de Délos, ou seulement comme sa conséquence. Les négociants romains et orientaux, obligés de se passer de Délos tant qu'elle fut occupée par Mithridate, effarouchés ensuite par l'insécurité de l'île, ne pouvaient être que médiocrement incités, à partir de 67, à retourner s'établir dans un port qui de toute façon ne retrouverait jamais dans les nouvelles conditions économiques son ancien éclat. Le déclin de Délos et l'essor de relation directes entre l'Italie et l'Orient apparaissent comme deux phénomènes à peu près contemporains et interdépendants, dont le point de départ reste la prise de Délos par Mithridate en 88, mais dont les causes ultimes sont plutôt la trop grande puissance acquise par la piraterie cilicienne dans la seconde moitié du 2e siècle et son audace croissante, la prise de conscience par les autorités romaines de ce qu'elle était devenue plus dangereuse qu'elle ne pouvait être utile, et leur décision, esquissée dès 102, d'en finir avec elle. On peut se demander si les uectigalia auxquels le peuple romain renonçait par la loi de 58 l8, et qui ne peuvent guère avoir été imposés à Délos que par Sylla, avaient contribué au moindre attrait de l'île auprès des marchands après 88 l9. Il est malheureusement difficile de dire en quoi consistaient ces impôts, et en particulier s'il s'agissait de taxes ancienne ment payées à Athènes, et dont Rome aurait seulement confisqué le profit20,

Nabateens sont installés vers 54 dans le port italien quand ils élèvent un temple à leur dieu Dusarès (CIS, II, 1, 158; cf. V. Tran Tarn Tinh, Le culte des divinités orientales en Campanie, en dehors de Pompéi, de Stables et d'Herculanwn, Leyde, 1972, p. 127 sq.; les cultes syriens et phéniciens ne sont pas attestés avant l'époque impériale). IS Cf. ci-dessous, p. 79-80. 19 En ce sens S. Accame (// dominio romano in Grecia, Rome, 1946, p. 183), qui pense que Sylla aurait rétabli les portoria abolis en 167/166; cf. cependant les doutes de Wilson, o.e., p. 143. On accordera cependant à Accame que, compte tenu de l'exiguïté de l'île, de l'importan ce de l'implantation urbaine, et du fait qu'une grande partie des terres, y compris à Rhénée, appartenaient au sanctuaire d'Apollon dont Sylla ne menaça probablement pas les franchises, l'hypothèse selon laquelle les vectigalia abolis en 58 auraient été un impôt foncier (E. Cuq, BCH, 1922, p. 207-208) n'est pas la plus séduisante. Le publiewn fr[wnentwn] dont il est question 1. 23 n'était pas nécessairement prélevé à titre de dîme sur les maigres récoltes de Délos et des îles voisines. Il est vrai qu'un esclave d'une societas decumarum figure dans une liste de Compétaliastes, en 93 d'ailleurs, c.-à-d. avant Sylla (ID, 1764, 1. 5 : 'Αλέξανδρος κοινωνών δεκ[άτης] - cf. Herzog, RE. s.v. mimmulariiis, 1441, η" 15; L. Robert, Bull, 1950, n°36 et Ant. Ci, 1968, p. 436-439), mais il n'y aurait rien de surprenant à ce qu'une puissante société comme celle des dîmes d'Asie ait eu à Délos un bureau et quelques employés, étant donné l'importance des rapports économiques entre la province et l'île. 20 C'est une mesure de ce genre que les Cauniens implorèrent du Sénat, entre 84 et 59 (Cic,

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ou de contributions nouvelles qui, d'une façon ou d'une autre, auraient porté atteinte à l'immunité dont l'île jouissait depuis 166. De façon générale, nous ne savons rien de la manière dont Athènes, malgré son ralliement à Mithridate, recouvra sa suzeraineté sur Délos. Ainsi que l'a montré Roussel21, on peut faire l'économie de l'hypothèse d'une brève période d'indépendance de l'île, que l'épigraphie ne confirme pas, et admettre qu'il parut plus simple à Sylla d'en laisser l'administration «à une Athènes maintenant soumise à sa volonté que de constituer un groupement inorganique en communauté indépendante». Un épimélète athénien est attesté en tout cas de nouveau à la tête de l'île dès l'année 80/7922. On peut toutefois se demander si le rétablissement de l'administration athénienne ne s'accompagna pas d'un renforcement de fait de la tutelle romaine. Le Sénat s'était toujours réservé une espèce de droit de regard sur les affaires déliennes, dont témoigne en particulier le S.-C. sur le culte de Sérapis23, mais il s'agissait d'un contrôle indirect et distant. De leur côté, ainsi que l'a très justement noté Roussel24, «les Athéniens de Délos évitèrent

Q. fr., 1, 1, 33 : Caunii miper omnesque ex insults quae erant a Sulla Rhodiis attributae confugerunt ad senatum, nobis ut potius uectigal quam Rhodiis penderent). En rendant aux Rhodiens la suzeraineté sur Caunos (dont le Sénat avait proclamé la liberté en 167), Sylla récompensait la fidélité de l'île, qui avait courageusement résisté à Mithridate. Il put inversement punir Athènes en la privant de revenus qu'elle tirait de sa suzeraineté sur Délos. ί'άτέλεια dont parlent nos sources (Pol., 30, 31, 10; Strab., 10, 5, 4), et qui implique au moins l'absence de droits de douane sur les marchandises transitant par Délos, ne signifie pas nécessairement qu'Athènes n'ait levé aucune forme d'impôts à Délos entre 166 et 88 (comme le pensent Roussel, DCA, p. 14-15, et, semble-t-il, Ferguson, o.e., p. 329-330 et Day, o.e., p. 51-54): cf. M. Rostovtzeff, SEHHW, p. 742, qui rappelle d'autre part que, selon Appien (B.C., 1, 102), Sylla n'épargna pas les cités «libres et jouissant de l'immunité»: χώρας τε k'vicu και λιμένων κατά συνθήκας σφίσι δεδομένων άφχιροϋντο; les vectigalia imposés à Délos pourraient illustrer cette «confiscation des revenus portuaires de cités alliées» (o.e., p. 947). 21 P. Roussel, DCA, p. 321-323 et 328-329. Un passage de Sylla à Délos, sans doute en 84, de retour d'Asie, paraît attesté par des dédicaces portant son nom (Choix, 147-149; ID, 1850-1853). " Nicanor, dont la magistrature est contemporaine de l'archontat d'Apollodore (Choix 156; ID, 1935), daté lui-même avec une très grande probabilité de 80/79 (S. Dow, Archons of a period after Sulla, dans Studies T. L Shear, Hesperia, Suppl. VIII, 1949, p. 116-125; J.A. Notopoulos, Studies in the Chronology of Athens, dans Hesperia, 1949, p. 24; A. E. Raubitschek, Sylleia, Studies A C. Johnson, Princeton, 1951, p. 49-57; B.D. Meritt, Athenian Archons, 347/6-48/7 B.C., H isto ria, 1977, p. 189). "Choix, 77; ID, 1510; RDGE, 5 (ca 164 av. J.-C). Cf. Roussel, Le sénatus-consulte de Délos, BCH, 1913, p. 310-322. Voir aussi Pol., 32, 7. 24 Roussel, DCA, p. 319 et note 2. A côté des statues assez nombreuses qui furent élevées avant 88 à des magistrats romains par les Italici, divers groupements d'hommes d'affaires, des

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avec soin toute manifestation particulière, par quoi ils auraient reconnu leur subordination à l'autorité de Rome. Avant 88, ils ne s'associèrent jamais aux Italiens pour élever une statue à un magistrat romain». Il n'en va plus de même après 85. Entre 84 et 80, une statue est élevée à L. Licinius Lucullus proquesteur (d'Asie) par «le peuple athénien, les Italiens et les Grecs qui font du commerce dans l'île»25. En 80/79, deux autres statues sont décernées par «les Athéniens, les Romains et les autres Hellènes qui résident à Délos, et les négociants et armateurs qui y sont en séjour», à M'. Aemilius M', f. Lepidus proquesteur26 et à T. Manlius27 : honneurs officiels, puisque les statues ont été élevées par les soins de l'épimélète. M'. Aemilius Lepidus était sans doute alors proquesteur d'Asie, charge dans laquelle il put succéder à Lucullus28; Manlius l'accompagnait peut-être sans exercer de magistrature29. Une dernière inscription intéressante est la dédicace d'une

groupes ethniques ou des particuliers, une seule le fut d'ailleurs, à notre connaissance, par le peuple athénien (agissant seul) : elle honorait un L. Caecilius Ai. Metellus consul, qui peut être celui de 142 ou celui de 117, et fut restaurée officiellement par les soins d'un épimélète après 88 {Choix, 152; ID, 1604 bis). 25 Choix, 154; ID, 1620; ILLRP, 362 : [populus Athejniensis et Italicei et Graece[i que]i in insula negotiantur (une formule «nouvelle et unique à Délos», comme le remarque Roussel, DCA, p. 328, note 4). 26 Choix, 153; ID, 1659 : Αθηναίων καί 'Ρωμαίων και / των άλλων 'Ελλήνων οί κα/τοικοΰντες έν Δήλωι και, / οι παρεπώημοϋντες εμ/ποροι και, ναύκληροι. . ./ Προνοηθέντος της κατασ/κευής και αναθέσεως τοΰ έπι/μελητοϋ Νικάνο/[ρ]ος Λευκονοέως. Pour la date, cf. supra, note 22. 27 ID, 1660 (mêmes dedicante). 2li II s'agit du futur consul de 66. Son identification avec le M'. Aemilius M', f. Lepidus proquesteur de /. Priene, 244 a été proposée par Münzer {Römische Adelsparteien und Adelsfamil ien, Stuttgart, 1920, p. 318-319) et reprise par D.Magie {Roman Rule in Asia Minor, Princeton, 1950, II, p. 1589). Broughton {MRR, II, p. 86) omet la référence à l'inscription de Priène, comme avant lui Sobeck {Die Quaestoren der römischen Republik, 1909, p. 32). 29 G. V. Sumner {The Orators in Cicero's Brutus, Toronto, 1973, p. 130-131) l'identifie comme le T. Manlius Torquatus de Cic, Brut., 245, et voudrait restituer 1.7 άντιταμίαν, comme dans la dédicace jumelle à Lepidus; mais il ne connaît que la publication de Homolle dans BCH, 1879, p. 156. La lecture de Roussel et Launey dans ID. ( )A ION αρετής ενεκ[εν) semble exclure cette hypothèse, d'autant que l'on attend un cognomen après la filiation (on pense bien sûr à Torquatus). Notons également que l'éloge de Lepidus (αρετής ένεκεν και δικαιοσύνης και τής προς τους Ηους εύσεβείας) est beaucoup plus circonstancié et précis que celui de Manlius (αρετής ένεκεν τής εις εαυτούς). Deux Romains seulement, en dehors de Lepidus, sont loués à Délos pour leur «justice» : mais ID, 1845 (= Choix, 130) est une dédicace d'un simple particulier (à Ser. Cornelius Lentulus, proconsul), et ID, 1688 (= Choix, 131 : dédicace des Italici à C. Ofellius) doit être rapprochée de ID, 1722 (dédicace parallèle au banquier Philostrate d'Ascalon), et honore un homme d'affaires (Hatzfeld, BCH, 1912, p. 58-60), peut-être un banquier. Il est plus intéressant de noter que l'inscription en l'honneur de Lepidus reprend un

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statue élevée à un Billienus questeur (ou proquesteur) par «le peuple athénien et ceux qui habitent l'île»30. Roussel et Launey l'ont rapprochée de deux autres dédicaces de statues, l'une à un C. Billienus légat, élevée par les «négociants de Délos», l'autre à un C. Billienus proconsul (peut-être le même personnage), élevée par son ami Midas d'Héraclée, l'une et l'autre restaurées, et donc probablement antérieures à 8831. Ce C. Billienus est généralement identifié avec un homme dont Cicéron écrit que les consulats successifs de Marius (104-100) l'empêchèrent de parvenir à la magistrature suprême: il dut être préteur ca 107, et aurait été questeur ca 117 au plus tard32. Or la formule utilisée pour la dédicace de la statue du questeur est d'un usage sensiblement plus tardif33. Il paraît donc préférable de distin guerle Billienus questeur du C. Billienus légat et proconsul de la fin du 2e siècle : il pourrait s'agir d'un Billienus connu par ailleurs, qui fut préteur peu avant 67, et donc questeur peu avant 7634. Ainsi voyons-nous dans les années 84-76 des statues être élevées officiellement par l'ensemble de la

formulaire attesté par certaines dédicaces de l'ensemble de la population de l'île en l'honneur d'épimélètes (ID, 1650, 1657 et 1658, datées respectivement de 123/2 ou à la rigueur 101/0, ca 96/5, et 94/3; cf. également ID, 1656, en l'honneur d'un prêtre d'Apollon), et que la formule plus brève αρετής ένεκεν και δικαιοσύνης est très fréquente dans les dédicaces de la population délienne en l'honneur des épimélètes (ID, 1619; 1643; 1651; 1652; 1654; 1662; 1663; 1665; ajouter 1703, dédiée par les «négociants et armateurs») ou autres magistrats athéniens (épimélète du port : ID, 1647; agoranomes : ID, 1648 et 1649). 3U ID, 1632 (très mutilée) : ύ δήμος [ύ 'Αθηναίων] / και υί την ν[ήσον κατοικούντες - (6 à 8 lettres) -] / Βιλλιήνυν / ταμίαν [πρεσ] / βεύσαντ[α εύ]/εργεσίας [ένεκεν ] / επί έπιμελητ[οϋ . " Choix, 150; ID, 1710 - et Choix, 151; ID, 1854; ILLRP, 358. Cf. Broughton, MRR, II, p. 475 et 538. «Cic, Brut., 175. Cf. Broughton, MRR, I, p. 551 et 552 note 3. L'intervalle moyen entre questure et consulat était alors de 16 ans (cf. Sumner, o.e., p. 52 et 79). 33 Sa plus ancienne attestation paraît être la dédicace d'une statue de Polyclète, épimélète en 99/98 (ID, 1619 - sous l'archontat de Proclès: cf. Meriti, Historia, 1977, p. 187). On la retrouvera ensuite pour honorer C.Valerius Triarius en 69 (ID, 1621), Q. Hortensius ca 43 (1622) etc. 34 Le Βελλίνος ou Βελλήνος (selon les manuscrits) de Plut., Pomp., 24, 6, capturé par les pirates peu avant la campagne de Pompée: sans aucun doute un Bellienus (Klebs, RE, s.v. Bellienus n° 1; Broughton, MRR, II, 138 et 141 note 3 - Wiseman pense au cognomen gaulois Bel(l)inus, mais cette hypothèse nous paraît très improbable). Peut-être le même que C. Annius Bellienus (un Bellienus adopté par un Annius, selon l'hypothèse de Shackleton-Bailey?), légat de Fonteius en Gaule en 74-72 (Cic, Font., 18). Sur ces Bellieni ou Billieni, cf. les notices de Klebs et de Henze dans la RE; T. P. Wiseman, New Men in the Roman Senate, Oxford, 1971, p. 217; C. Nicolet, L'ordre équestre à l'époque républicaine, II, Paris, 1974, p. 804-805; D. R. Shackleton-Bailey, éd. de Cicéron, Epistulae ad familiäres, Cambridge, 1977, I, p. 489490.

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population de l'île y compris les Athéniens, à des Romains; dans trois cas sur quatre il s'agit de magistrats, questeurs ou proquesteurs; et les deux fois où nous savons dans quelle province ils exerçaient leur charge, il s'agit de l'Asie. Peut-être se contentèrent-ils de s'arrêter quelque temps à Délos, alors qu'ils se rendaient dans leur province ou en revenaient. Certains de leurs prédécesseurs du second siècle avaient dû faire de même, sans qu'on eût pourtant cru bon, à notre connaissance, de les honorer officiellement d'une statue. Aussi peut-on se demander si, dans les années délicates qui virent la restauration de l'ordre romain en Egée et dans l'Asie, ces magistrats n'eurent pas l'occasion, bien que l'île ne fit pas partie de leur province, d'y exercer un certain contrôle, une certaine activité, qui justifieraient les honneurs dont ils furent l'objet. Pour des raisons géographiques évidentes, les magistrats d'Asie se trouvaient les mieux placés, pour surveiller l'île comme pour veiller sur elle : en 69, après l'attaque du pirate Athénodore, la ville fut relevée et fortifiée par un légat du proconsul d'Asie, C.Valerius Triarius, qui commandait des navires et des hommes de Milet et de Smyrne35. Mais on peut en tout cas exclure que les questeurs ou proquest eurs honorés à Délos s'y soient occupés de l'affermage des revenus de l'île : selon la nouvelle restitution de la ligne 23 proposée par C. Nicolet36, ils avaient fait l'objet en 61 d'une locano censoriale, et P. Brunt37 a montré que selon toute vraisemblance la perception des revenus de l'ensemble de la partie orientale de l'empire avait de nouveau été confiée aux publicains par Sylla dès que cela était redevenu possible. Jusqu'en 58, en tout cas, Délos n'avait aucun lien particulier avec la province de Macédoine et ses magistrats, dont Athènes elle-même, puis qu'elle avait conservé son indépendance, ne dépendait pas38. Tout à fait

" Cf. les dédicaces au légat des équipages de deux birèmes : Choix, 159-160; ID, 1855-1857 (cf. L. Robert, Gnomon, 1970, p. 590-591). '6 C. Nicolet, La loi Gabinia-Calpumia de Délos et L Julius Caesar, censeur en 61 av. J.-C, dans REL, 1973, p. 150-158. Cuq (BCH, 1922, p. 207) avait auparavant pensé à une locano faite sur place par un questeur. 37 P. A. Brunt, Sulla and the Asian Publicans, dans Latomus, 1956, p. 17-25. Avant 70, la locatio put être faite par les consuls (cf. celle des dîmes mineures de Sicile par les consuls de 75 : Cic, Verr., 2, 3, 18), et pour la première fois en 80 par Sylla lui-même (Brunt, I.e.). 13 Aucun des magistrats honorés à Délos ne peut avec certitude être intégré dans les fastes de la province de Macédoine (à l'exception de Q. Hortensius, qui fut proconsul de Macédoine en 44-42, mais que «le peuple athénien et ceux qui habitent l'île» célèbrent en raison de sa parenté avec Brutus, alors doté d'une autorité suprême sur la Macédoine, l'Illyrie et toute la

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nouvelle apparaît donc la datation d'une dédicace des Hermaïstes par le proconsulat, en Macédoine, de L. Calpurnius Piso39 : mais nous savons précisément que Pison s'était fait accorder par la loi Clodia une autorité exceptionnelle sur la Grèce libre, y compris Athènes40. C'est sans aucun doute la principale raison de cette indication insolite. Peut-être aussi, comme l'écit Durrbach, «le choix qui est fait du proconsul comme magistrat éponyme trahit(-il) la gratitude de la colonie romaine pour le bienfait de la loi Gabinia Calpurnia». Un bienfait qui était cependant bien incapable de redonner à l'île sa prospérité d'antan.

Grèce: Choix, 168; ID, 1622 - cf. Cic, Phil, 10, 26). Dès avant 88 en revanche les olearii (et peut-être les Δήλιοι) honorent un C. Iulius C. f. Caesar proconsul (Choix, 140-141; ID, 1701, 1712 et 1847; ILLRP, 344-345), qui ne peut être que le père du dictateur, proconsul en Asie (CIL, F, 2, 705 et 706) à la fin des années 90 (G. V. Sumner, GRBS, 1978, p. 148-150); Cyriaque d'Ancóne atteste la présence dans l'épigraphie délienne d'un M. Aurelius M. f. Scaurus questeur (ID, 1858 bis; ILLRP, 373), qui dut être questeur en Asie ca 95-90 (Cic, Verr., 2, 1, 85 - cf. G. V. Sumner, Orators, p. 79-82 et GRBS, 1978, p. 140-150). Sans compter M.Antonius questeur pro praetore, honoré en 113 par des Pisidiens de retour peut-être d'une ambassade à Rome (Choix, 123; ID, 1603 - cf. L. Robert, Hellenica, XIII, p. 83, note 1). Sous Auguste encore, L Calpurnius Piso proconsul de Choix, 175; ID, 1626 est un gouverneur d'Asie (qu'il s'agisse du consul de 1 av. J.-C. - Durrbach et Roussel- Launey, le. -, ou de celui de 15 av. J.-C. - J. Scheid, Les Frères arvales, Paris, 1975, p. 81, note 3). Dans ces conditions, les proconsuls Ser. Cornelius Ser. f. Lentulus (Choix, 130; ID, 1845), C.Cluvius L. f. (ID, 1679) et C.Billienus (Choix, 151; ID, 1854; ILLRP, 358) nous paraissent avoir très probablement gouverné l'Asie plutôt que la Macédoine. »Choix, 164; ID, 1737. 40 Cic, de domo, 60; Pis., 37 (lege autem ea. . . omnis erat tibi Achaia, Thessalia, Athenae, cuncîa Graecia addicta). Note additionnelle : H. B. Mattingly (L Julius Caesar, Governor of Macedonia, dans Chiron, 1979, p. 166-167) vient de proposer une nouvelle datation de IG IF 1039, qui placerait en 65/64 et non plus en 80/79 l'archontat d'Apollodore, sous lequel Nicanor fut épimélète de Délos.

CLAUDE NICOLET

CHAPITRE VI

LES ROGATEURS DE LA LOI

Figurant au nominatif en tête de la praescriptio, les noms des deux consuls de 58 av. J.-C. n'ont pas seulement valeur chronologique : les deux magistrats sont, au contraire, les responsables officiels de la mesure, dont ils ont soumis conjointement le texte, dans les formes d'usage (hire) aux comices tributes (comme le prouve le local électoral, le Forum, devant le temple de Castor). Comme on le sait, les lois d'origine consulaire sont des événements fort rares. Elles ont en général une signification politique spéciale. Mais il s'agit là d'une vérité statistique, fondée sur la pratique observée, non d'un point de droit1 : bien évidemment les consuls ont le droit d'agere cum populo. C'est, en particulier, ce qui rend certaine la restitution populujm iure rfogavere au début de la ligne 2. Avant d'envisager cet aspect politique, il faut dire un mot des personnag es en question et de leur onomastique. Les noms des consuls, en fait, n'apparaissent de manière relativement sûre que dans les premières lignes (lacunaires) du texte grec. Le nom A. Gabinius A. f. Capito, qui se lit au début de la 1.4 du texte latin, n'est que celui du personnage qui a voté le premier (pr[eimus scivit, cf. ci-dessous) dans la tribu appelée la première (dont le nom, malheureusement, n'a pas été conservé). A la ligne 1, audessus du mot IWRE, on ne distingue que le bas de quelques hastes

1 Mommsen, D.P., I, p. 221-223; III, 146, en particulier note 4. Exemples de lois consulaires votées par les tribus dans la période envisagée : la lex Calpurnia de 67, Asc. 69 et 88 C; la lex Papia de 62, Cic, Au. 1, 14, 5; la lex Julia agraria de 59, etc. Cette liste est, à coup sûr, incomplète : on peut y ajouter, au moins, la lex Julia de publicanis de 59, certainement tribute : Cic, Pro Plancio, 35, et beaucoup d'autres lois consulaires. Sur le rapport entre lois tributes et lois centuriates, cf. par exemple les discussions de Cicéron à propos de sa «loi de retour», Cic, In Pis. 35-36; Dion, XXXIX, 8, 2; Au., IV, 1, 4; Pro Sest., 109; 128; Post red. sen., 27; Quir., 17; De Domo, 75; 90.

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verticales, dont on ne peut rien tirer. Les premiers éditeurs et commentat eurs du texte avaient déduit des conséquences très vraisemblablement erronnées de ce nom qui se lit clairement et entièrement à la ligne 4. Le premier, E. Cuq avait bien vu qu'il s'agissait du primus scivit. Mais il semble croire (bien qu'il ne le dise pas formellement) que ce personnage ne fait qu'un avec l'un des deux rogateurs, le consul de 582. C'est pourquoi il donne à celui-ci, dans sa restitution, le nom de Gabinius Capito, avec le cognomen. Le premier à s'être avisé de la difficulté est E. Badian3. Elle est double. D'abord d'ordre constitutionnel : nous ignorons s'il était possible pour un magistrat rogator (et qui, en principe, devait présider les comices électo raux), de participer lui-même au vote et, à plus forte raison, de voter le premier (nous en reparlerons ci-dessous). Ensuite d'ordre onomastique : autant que nous le sachions d'après les mentions fort abondantes du consul de 58 dans notre tradition, le cognomen Capito n'est pas attesté pour lui4. Il faut donc examiner de près la question. Beaucoup de choses vont dépendre de la longueur des lignes et des lacunes. Nous avons vu ci-dessus que, tout au long de la pierre, devait exister une lacune de l'ordre de 6 ou 7 cm à gauche (et d'ailleurs la restitution de 6 lettres grecques à gauche est précisément indispensable et nécessaire à la 1. 37). On a vu que les lacunes totales de 20 à 22 lettres des lignes 18 et 19 devaient être réparties entre 14 ou 15 lettres à droite, 6 ou 7 à gauche, ce qui donnait bien, dans ces parages, pour les lignes latines, une

2 E. Cuq, o.e., p. 202-203. 3 E. Badian, dans Phil. 1959, p. 98: «The constitutional anomaly needs not detain us: A. Cabinius was no stickler for constitutional propriety and would not necessarily refrain from casting the first vote for his own law, whether or not law and custom gave him the right to do so (a point which we cannot establish)». En fait je ne connais pas d'exemple d'un président de comices électoraux, lui-même rogator, votant le premier. Au contraire, on connaît au moins un cas où le rogator d'une loi (sur l'ordre du Sénat), le consul M. Pupius Mi. Piso Frugi Calpurnianus, parlait contre elle (dans une contio) : Piso autem consul lator rogationis eidem erat dissuasor. Il s'ensuivit un nouveau décret du Sénat, ordonnant aux consuls de tenir un langage plus cohérent (Cic, Au., 1, 14, 5). 4 RE, s.v. Gabinius, n° 11 (Vonder Miihll); P. Gabinius Capito, n° 15 (Münzer); DrumannGroebe, III, 38-59. Notons que le fils de notre Gabinius s'appelait Sisenna : mais sans doute par adoption dans la gens Cornelia (Münzer, dans RE, IV, 1510, n°371; contra D.G., p. 58) : Val. Max., VIII, 1, 3 : filius Gabinii Sisenna. . . ad pedes se Memmii supplex prostravit (en 54). Pour les témoignages épigraphiques sur le nom de Gabinius, voir surtout la lex aedis Furfensis, CIL I2 796, (1. 1 : L Pisone A Gabinio cos.), avec le commentaire récent de U. Laffi, dans La cultura italica, dans Atti del Conv. Soc. hai. Glottologia, Pisa, 1978, p. 121-144. Et les tessères nummulaires CIL I2 919; 920; 963, qui présentent la date consulaire exactement de la même manière.

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longueur de 66 à 70 lettres, comme l'avaient calculé Roussel et Launey. Le texte grec, tel qu'il apparaît dans les premières lignes de la praescriptio, est vraiment gravé en lettres notablement plus larges et plus hautes que celles du texte latin. Il faut donc diminuer sensiblement le nombre de lettres à la ligne (peut-être dans la proportion d'1/6), ce qui donnerait, pour une longueur moyenne de 68 lettres pour le texte latin, à peu près 56 lettres pour le texte grec dans ces parages, ou même un peu moins. Le texte grec, on l'a vu, commence certainement à la ligne 36, et par l'énoncé du nom de Gabinius. Or, nous constatons que le nom du second rogator, celui du consul L. Calpurnius Pison, empiétait sur la 1. 38, qui commence par les traces vraisemblables d'un sigma, puis le cognomen ΠΕΙΣΩΝ, suivi par les lettres ΥΠΑΤ[- sans qu'on puisse dire a priori si ce mot était là au pluriel ou au singulier. C'est en tenant compte de ces faits qu'il faut tenter de restituer. La lacune eu début de la 1. 37 comportait certainement 6 lettres : les cinq du prénom ΑΥΛΟΣ, le Γ initial du gentilice ΠΑΒΕΙΝΙΟΣ (le A se lit encore clairement, dans sa moitié droite). Suit, au génitif, le patronyme: ΑΥΛΟΥ, suivi par le Y initial de Υ[ΙΟΣ, dont on lit clairement la barre supérieure gauche. Suit une lacune très importante : je mesure, compte non tenu de cet Y, 9 centimètres avant un autre Y qui apparaît au milieu de la ligne. Soit, compte tenu de la largeur moyenne des lettres grecques, 8 ou 9 lettres au maximum. Cela élimine presque à coup sûr la restitution de Cuq, qui exigerait 1 1 lettre, et celle de Lommatzsch : υ[ίύς ύπατος και Λε]ύ[κιος qui, elle, en exigerait 14. Une partie de la solution dépend en fait, outre la longueur de la lacune, de la lettre qui suit le second Y du milieu de la ligne. On lit à coup sûr une haste verticale. Mais ni la pierre, ni l'estampage, ni les photos ne permettent de décider si l'on doit lire la barre horizontale du Π. Dans le doute, l'hypothèse présentée par J. Linderski5 paraît, à première vue, excellente. Il supprime à la fois la mention du cognomen (non attesté ailleurs pour Gabinius) et celle du consulat, et restitue seulement υ[ίύς και Λε]ύ[κιος ce qui, pour le nombre de lettres, convient parfaitement. Il faut pourtant voir plus en détail. Car si le prénom du second rogator apparaît déjà à cette place à la ligne 37, nous devons nous demander si nous n'avons pas trop d'espace à la fin de cette ligne et au début de la ligne suivante. Au début de la 1. 38, la restitution [ου υίύ]ς Πείσων (cinq lettres) paraît tout à fait sûre. Nous aurions donc à restituer, pour la fin de la 1. 37, à partir de la lacune centrale, [ιος Καλπούρνι,ος Λεύκ], soit 19 lettres, ce qui 5J. Linderski, art. cité, ZPE 1973, 1, 250 (mais ses crochets ne sont pas tout à fait exactement placés).

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porterait le nombre de lettres de la ligne à 49 - ce qui est un peu court, mais après tout possible, compte tenu des lettres larges. Tout compte fait, nous pouvons donc accepter la restitution de Linderski, qui a deux consé quences. La première, très minime, est de nous obliger à lire ύπατοι à la 1. 38. La seconde est d'éliminer définitivement le cognomen Capito pour Gabinius, ce qui doit nous obliger à distinguer le consul lui-même du personnage mentionné à la ligne 4. Gabinius, Pison et Délos La personnalité et la carrière d'Aulus Gabinius, fidèle ami de Pompée, ont été abondamment étudiées, depuis Drumann-Groebe et Vonder Miihll, jusqu'à Eva Stanford, R. Syme et récemment E. Badian6. Nous savons sûre ment de lui qu'il fut tribun de la plèbe en 67 (et alors l'auteur d'au moins une loi importante)7, consul en 58 (ce qui nous vaut, grâce aux témoignages de et sur Cicéron, une documentation exceptionnelle), proconsul de Syrie de 57 à 55. Accusé dans plusieurs procès et condamné en 54, il passe plusieurs années en exil, est rappelé par César8, commande à nouveau comme légat en Illyricum, où il meurt de maladie en 47. C'est bien entendu une malchance pour un général et un homme politique de ce temps d'avoir croisé le chemin de Cicéron : en 58 d'abord, l'année de l'exil (et l'orateur ne pardonnera jamais aux deux consuls leur entente avec Clodius). A son retour de Syrie ensuite : il eut à faire face à trois accusations différentes, et 6 Ci-dessus, note 4; E. Badian, The early career of A Gabinius (cos. 58 B.C.), dans Phil. 1959, p. 87-99; Eva Matthews Sanford, The career of Aldus Gabinius, dans Trans. Amer. Philol. Ass., 1939, p. 64-92; E. Fantham, The trials of Gabinius in 54 B.C. dans Historia, 1975, p. 425-443; R. Syme, Roman Revoi, 1939, part. p. 66 suiv.; 149 suiv.; la récente dissertation de R. S. Williams, A. Gabinius, a Political Biography, Un. of Mich. 1973 (part. p. 27-30), n'apporte rien de neuf. 7 Bien entendu, la principale est la fameuse lex Gabinia de bello piratico, mentionnée précisément, et pour cause, dans notre texte (l'article de S. Jameson, Pompey's Imperium in 67 : Some constitutional fictions, dans Historia, 1970, p. 539-560, donne l'essentiel de la bibliographie antérieure; la mise au point la plus récente, par J.-M. Bertrand, est dans C. Nicolet, Rome et la conq. du monde méditer. Tome 2, Genèse d'un empire, Paris, PUF, 1978, p. 811-814). Mais peut-être également une lex Gabinia de senatu legatis dando (dont la date et la paternité sont cependant très discutées, cf. ci-dessus p. 30), et une lex Gabinia de versura (Cic, Att. V, 21, 12; VI, 1, 5), vraisemblablement de 67, plutôt que de 58. Il n'est pas question de citer ici toutes les sources, extrêmement nombreuses, qui mentionnent ce fameux personnage. 8 Sur l'amnistie : Dion, XXXIX, 63, 5 : ύστερον ύπύ τοϋ Καίσαρος κατήχθη; sur le comman dementconfié par César, Bell. Alex., 42-43; Cic. Att. XI, 16, 1; App. B.C., II, 58; 59; Dion, XLII, 11, 4 (sa mort). Une via Gabiniana en Illyrie a peut-être un rapport avec lui (CIL, III, 3200 = ILS, 2478).

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Cicéron le ménage d'autant moins qu'il fut honteusement obligé, comme on sait, de le défendre dans le second de ses procès, ce qui n'empêcha pas sa condamnation. Il nous apparaît donc dans notre tradition unanime (Cicéron d'abord, mais aussi Plutarque et Dion Cassius) comme un démagogue, flagorneur de Pompée, exploiteur des provinces et responsable de la fameus e expédition d'Egypte de 559 qu'il entreprit, soudoyé par Ptolémée Aulète. C'est trop pour un seul homme : c'est sans doute la raison pour laquelle les modernes - d'abord Heichelheim10, puis Eva Stanford et enfin Badian - ont tenté de le réhabiliter, à la fois comme «vir militaris», comme un des «maréchaux de Pompée», si l'on peut dire, et comme gouverneur de province, en particulier pour ses conflits marqués avec les publicains". Ces appréciations diverses n'auraient guère d'intérêt, si elles ne s'accompa gnaient pas de faits nouveaux. Les plus notables sont les rapprochements et les identifications auxquels a procédé E. Badian. Pour comprendre les raisonnements de ce savant, et surtout les rap ports éventuels entre notre consul et les autres Gabinii12 ou Gabinii Capitones connus, il n'est pas inutile de récapituler les données du problème : 1) Nous connaissons deux GABINII au IIe siècle : l'un, qui fut préfet à Scodra sous le propréteur L. Anicius Gallus en 167 (Liv., XLV, 26, 2), sans prénom attesté (D.G., n° 1; Münzer, RE, n° 2, qui pense qu'il s'agit d'un non-citoyen ou d'un tout nouveau citoyen). C'est vraisemblablement le père de: 2) A. GABINIUS, qui servit en 146 sous Q. Metellus en Macédoine (Pol., XXXVIII, 10,1; 11,9) et qui fut trib. pleb. en 139, auteur de la lex Gabinia tabellarian (Cic, De leg., Ill, 35; Lael. 41; Liv., Oxy. Per., 54 : A Gabi nius vernale nepos rogationem tulit] suffragium per ta[bellam ferri] : accusa tion traditionnelle et peu probante). 9 Sources dans Broughton, MRR, II, 218; mise au point récente de J.-M. Bertrand, op. cit., p. 831-833; Ed. Will, Histoire pol. du monde hellen., tome II, Nancy, 1967, p. 439-442. 10 F. Heichelheim, Roman Syria, dans Tenney Frank, Ec. Surv. Ane. Rome, IV, 1938, 231 et suiv.; E. Badian, Rom. Imperialism2, 1968, p. 74-75. 11 Cf. surtout R. Syme, Rom. Rev., p. 66; «(he) had been an admirable governor of Syria, as the clearest of testimony, that of his enemies, so convincingly reveals». Permettons-nous, quand même, un peu moins d'optimisme. 12 Le gentilice est peut-être un ethnique (W. Schulze, Ζ. Gesch. lat. Eigennamen, 532). Le nom se rencontre à Calés, en Campanie : des potiers, ce qui est intéressant {ILS, 8566 a-d; 8557 = ILLRP, 12011-12016); pour le Vaalus Gabinius sur un cippe funéraire bilingue d'Avignon {CIL l2, 2280), cf. E. Badian, For. Client., p. 307; 323, qui le rapproche du P. Gabinius Capito Cimber, dont il sera question ci-dessous. 15 Elle concernait le vote secret dans les comices électoraux (cf. C. Nicolet, dans Historia, 1970, p. 39-66; et Le métier de citoyen, 361-385).

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Vers le début du Ier siècle sont attestés plusieurs autres personnages, que l'on distingue ordinairement: 3) A. GABINIUS, «questeur», qui servit sous un Marcus Antonius «στρατηγός ανθύπατος» (c'est-à-dire, en fait, proconsul, alors qu'il n'avait été que préteur) en Cilicie. Il n'est connu que par une inscription de Rhodes, très lacunaire, en l'honneur d'un officier de marine rhodien. En voici les passages intéressants : 11. 4 : και | [στρατευσάμενον επί. Μ]άρκου 'Αντω νίουστραταγοΰ άνθυπά[του ποτι τους λαι,στας και επί,] Αύλου Γαβεινίου ταμία 'Ρωμαίων ίς [Κ]ΐλοααν (Th. Reinach, dans REG 1904, p. 210, avec retractatio, p. 392 = IGR IV, 1116). Comme l'a montré Foucard contre Th. Reinach, suivi sur ce point par M. Holleaux14, il ne peut s'agir ici que du M. Antonius de 102 (P. Foucard, «Les campagnes de M. Antonius Creticus contre les pirates, 74-71 », Journ. Sav. 1906, 575-576 : le M. Antonius Creticus de 74 s'est canton né en mer Egée et n'est jamais allé jusqu'en Cilicie, au contraire du proconsul de 102. Noter qu'Hiller von Gaertringen, dans Syll.5, 748, n. 14, à propos de l'inscription de Gytheion qui mentionne bien le second M. Anto nius en 72, renvoie toujours à l'interprétation de Th. Reinach, tout en citant Foucard). 4) Un AULUS GABINIUS qui fut légat pendant la guerre sociale, combattit en Lucanie et mourut devant l'ennemi (Liv. Per. 76 : A. Gabinius legatus rebus. . . prospere gestis. . . cecidit; Florus, II, 6, 13 : Cato discussit Etruscos, Gabinius Marsos, Carbo Lucanos, Sulla Samnites; Orose, V, 18, 25 : C. Gabinius legatus. . .) (l'erreur sur le prénom est sans importance). Münzer le premier (RE, n° 9), suivi depuis par E. Badian et Broughton, l'a identifié très vraisemblablement avec notre n° 3, le questeur de 102. Les légats parmi lesquels il figure durant la guerre sociale étaient au moins de rang préto rien; il faut donc, entre sa questure de 102 et son commandement de 89, placer - vers 91? - une preture. 5) Un P. GABINIUS fut préteur en 89 (Münzer et Broughton) ou plutôt 88 (Badian)15. Il est mentionné par Cicéron (Pro Archia, 9: Gabinii, 14 P. Foucard, Les campagnes de M. Antonius contre les pirates, dans Journ. Savants, 1906, p. 569-581, part. 575-576; M. Holleaux, ΣΤΡΑΤΗΓΟΣ ΥΠΑΤΟΣ, 1918, p. 11; 29; p. 32-36; Hiller v. Gaertrigen, dans Dittenberger, Syll.* p. 748, n. 15 : «ad hune (le Creticus de 74-72) pertinet basis Rhodia»; en dernier lieu, A. N. Sherwin-White, Rome, Pamphylia and Cilicia, 133-70 B.C. dans JRS 1976, 4-5, note 11 (qui revient, à tort, à la datation de 74, car il ignore Foucard); J.-L. Ferrary, La lex de piratis des inscr. de Delphes et de Cnide, dans MEFRA, 1977, p. 619-660 (surtout 640-642). 15 E. Badian, Notes on prov. governors from the social war down to Sulla's victory, dans Proc. Afr. class. Associations, 1958 = St. Greek and Roman Hist., Oxford, 1968, p. 71-104, part. 74-82.

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quamdiu incoliimis erat, levitas, post damnationem calamitas omnes tabulanim fidem resignasset) parmi les trois préteurs (avec Appius Claudius et Q. Metellus) qui eurent - plus ou moins complètement - à recueillir les professiones des Italiens autorisées par la loi Plautia Papiria. Celle-ci datant de la fin de 89, ces préteurs sont mieux placés en 88 qu'en 89. Ce même Gabinius fut très certainement gouverneur de Macédoine, car il fut accusé, au nom des Achéens, par L. Calpurnius Piso16, qui fut préteur en 74 (Cic, 2 Verr. I, 119). Comme il est encore mentionné comme quindecimvir s. f. en 76, à la tête d'une ambassade envoyée consulter les livres sibyllins à Erythrée (Fenestella, fgt 18 Peter = Lact. Div. Inst. 1, 6, 14), il faut sans doute, comme le veulent Münzer et Badian, placer sa condamnation juste avant 70. 6) Un A. GABINIUS est mentionné comme χιλίαρχος (trib. mil.) sous Sylla en Grèce en 86 et prit part à la bataille de Chéronée (Plut., Syll. 16, 8; 17, 6-7; 18, 1, 17, sans le prénom, donné par Appien, Mithr. 66, qui pour une autre occasion en 81 av. J.-C, précise Αύλος Γαβίνιος)17. Il a donc servi sous Sylla au moins de 86 à 81. Quels sont les liens de tous ces Gabinii que Münzer distingue prudem ment?E. Badian, qui est revenu à plusieurs reprises sur ce problème18, a proposé un certain nombre d'identifications. D'abord celle, plus que probab le, entre nos numéros (3) et (4) : le questeur de 102 a dû être préteur avant 89, et légat à cette date. Il ne serait autre, d'ailleurs, que le père de notre Aulus Gabinius, consul de 58 (comme le disait déjà Orelli, Onom. Tuli, 264). Reprenant en détails des considérations d'âge et de carrière, Badian propos e en outre, avec des arguments convaincants, d'identifier (comme le faisait 16 Cicéron, Div. Caec, 64 : nuper cum in P. Gabinium vir fordssimus et innocentissimus L. Piso delationem nominis postularet, et contra Q. Caecilius peteret. . . De quel Pison s'agit-il? Orelli (Pnom. Tuli. 123) et Münzer (RE, n" 98), ainsi que E. S. Gruen, Calif. Stud. Class. Ant. 1968, 162; Last Gener., 527, l'identifient avec L. Calpurnius Piso Frugi, petit-fils du consul de 133 (tribun en 149), lui-même préteur collègue de Verres en 74 (2 Verr. 1, 119; 4, 56). E. Badian (o.e., p. 71) pense, au contraire, à notre L. Piso Caesoninus, précisément le futur consul de 58, ce qui ne manquerait ni d'intérêt, ni de piquant. Ce Pison- là, en effet, ne serait, vers 71, pas encore questeur, ce qui conviendrait bien à une accusation. Il y a cependant deux objections : dans Div. Caec. 64 et dans 2 Verr., 1, 119 et 4, 56, Cicéron appellerait de la même manière deux personnages distincts. Mais surtout il me semble que si notre consul de 58, collègue de Gabinius, avait fait condamner l'oncle de ce dernier pour devenir ensuite son complice, Cicéron, qui ne l'épargne point et l'a si souvent mentionné, n'aurait pas manqué de le rappeler. Il faut, je crois, renoncer à cette séduisante hypothèse. 17 D'après Plut., Syi, 18, 1, Juba, au lieu de Gabinius, nommait en cette occasion Erucius (attesté par ailleurs). 18 The early career of A. Gabinius, dans Phil. 1959, p. 87-99.

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encore Orelli, ibid., mais contre Münzer) le tribun militaire et envoyé de Sylla n° 6 et notre consul. Ce dernier a dû être questeur vers 7019. Son long service militaire le caractérise bien comme un de ces homines militares que l'on rencontre autour de Sylla avant de les retrouver autour de Pompée - ce qui expliquerait entre autres ses liens attestés avec Catilina, qui fut syllanien (Cic, Post, red., 10; De domo, 62; in Pis., 20; 23; Plane, 87). D'autre part, le P. Gabinius préteur (en 88 sans doute) était presque certainement le frère d'A. Gabinius, préteur vers 90, donc le fils du tribun de 139 et l'oncle du consul de 58. Plus importants pour nous sont les liens éventuels des Gabinii avec l'île de Délos. Une inscription publiée par T. Homolle en 188420, trouvée dans l'agora des Italiens, vers l'angle sud-ouest, figurait sur une base de statue : Αύλον και Πόπλιον Γαβινίους Αύλου υίους, [Γ]οργίας Δαμοξένου 'Ηράκλειος και 'Αρίστων Γοργίου 'Αθηναίος, τους εαυτών φίλους II s'agit donc d'une dédicace privée, en l'honneur de leurs «amis», faite par deux personnages, un Héracléote d'Héraclée de Lucanie, et sans doute son fils, devenu, lui, citoyen d'Athènes. Les deux personnages honorés sont visiblement deux frères, Aulus et Publius Gabinius, fils d'Aulus. Aucun titre ne leur est donné. Homolle pensait, pour Aulus, au tribun militaire de 86, envoyé de Sylla en 81, et pour Publius, au préteur de 89 ou 88, cité dans le Pro Archia, 9. Mais on a vu que Badian fait du tribun de 86 le futur consul de 58 lui-même. Dès lors, le Publius en question ne pourrait être son frère, mais seulement son oncle : or à cela s'oppose la rédaction même de l'inscription, puisqu'il s'agit bien d'un couple de frères, tous deux «Auli filii». La seule identification possible est donc la suivante : Aulus serait le ques teur de 101, futur légat de la guerre sociale (père de notre consul de 58), et Publius son frère, futur préteur en 88. Mais s'agit-il bien de personnages aussi importants? L'absence de toute titulature est un peu gênante. Elle 19 Art. cité, p. 96-97. 20 T. Homolle, Les Romains à Délos, dans BCH, VIII, 1884, p. 142-43; L. Pernier, Delus, dans De Ruggiero, D.E., II, 1608; 1612; BCH, 1912, p. 39 et p. 113; E. Lapalus, L'agora des Italiens (Expl. Arch. Délos, XIX, 1939, p. 50); I.D., 2002. L'absence de cognomen, la filiation commune (Auli filii) rendent quasiment certaine l'identification avec les deux frères (nos numéros 4 et 5); P. Rouss el,Délos col. Athen., 330, n. 3, situe notre statue après la catastrophe de 88, dans les années de restauration. Notons une dédicace de magistri des 3 associations, datée de 74, à «Apollon et aux Italiens»; parmi des affranchis ou fils d'affranchis aux gentilices romains, un Διογένης Πρωτογέν[ου] 'Ηράκλειος (T. Homolle, BCH VIII, 1884, p. 145-147; Roussel, Dél, 330, n. 1); sur la valeur de cet ethnique, J. Hatzfeld, Les Italiens résidant à Délos dans, BCH 1912, p. 130 (il s'agit d'Héraclée de Lucanie).

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s'expliquerait à la rigueur si les personnages n'avaient encore chacun exercé que des charges relativement mineures, comme la questure, si bien qu'il faudrait dater l'inscription des années 100-90. S'il s'agit bien de magistrats romains, nous serions donc en présence du père et de l'oncle du consul de 58. Sans doute, la dédicace est d'origine privée, et faite par des Athéniens de fraîche date. Mais, située dans Yagora des Italiens, elle montre du moins que ces deux Gabinii comptaient des amis riches et influents au sein de la colonie délienne. Les Gabinii Capitones Nous avons vu, par une analyse épigraphique, qu'il n'y a sans doute pas de place, à la ligne 37, pour le cognomen Capito, qui d'ailleurs, rapellons-le, n'est pas attesté pour le consul de 58, ni par la tradition littéraire, ni par l'épigraphie (ILS 4906 = CIL F 756). Or, à la 1. 4, apparaît pourtant le nom d'un A. Gabinius A. f. Capito. A quel titre, et de qui s'agit-il? Il s'agit du personnage qui, dans la tribu tirée au sort pour voter la première (principium)21 , a voté le premier. L'enregistrement du nom de ce premier votant était régulier dans la procédure du vote comitial, et ce nom figurait normalement dans la praescriptio de la loi (Rotondi, p. 150). Il y avait à cela une double raison : d'une part, c'était une garantie d'authenticit é, un témoignage supplémentaire (au niveau de la rédaction, de la publica tion et de la conservation du texte). Mais d'autre part, c'était aussi, étant donné le caractère ominal de ce premier vote, un élément politique import ant,du moins dans certains cas: le premier vote avait un caractère entraînant, sinon contraignant. La formule complète de cette partie de praescriptio est donnée par la combinaison du texte de la lex Quinctia de Aquaediictibus22, transmis par Frontin (Aqu. 129), mais assez malmené par la tradition manuscrite, et par quelques textes épigraphiques :

21 Sur le mot et l'institution, Mommsen, D.P. VI, 1, 473 (pour les comices curiates, Liv., IX, 38); G. W. Botsford, The Rom. Assemblies, New- York, 1909, 466, qui précise Mommsen et, ajuste titre, montre que la tribu principiimi est bien appelée à voter la première (Plut., Aem. 31; Appien, B.C. 1, 52); P. Fraccaro, La procedura del voto nei comizi tributi romani, dans Atti Accad. Tor., 1913-1914, p. 600-622 = Optiscula, II, p. 235-254, part. 246-249; L. R. Taylor, Roman Voting Assemblies, 1967, p. 75 suiv.; E. S. Staveley, The role of the first voter in Rom. legist assemblies dans Historia, 1969, p. 511-520 (exemples incomplets); J. et Α. Linderski, A Gabinius A.f. Capito and the first voter in the legisl. comitia tributa, dans ZPE 1973, 1, p. 247-252; C. Nicolet, Le métier de citoyen, 383-385. 22 FIRA, I 14, p. 152; pour l'établissement du texte, cf. P. Grimai, éd. de Frontin, Aqu., Paris, Belles Lettres, 1961, p. 62.

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«INSULA SACRA» Frontin, Aqu. 129: T. Quinctiiis Crispinus consul populum ime rogavit populusque hire scivit in Foro pro rostris aedis divi Iuli prid. Kalendas hdias. Tribus Sergia principium fuit pro tribu Sex(. . .) Lf. Vino < primus scivit > Lex agraria de 111 (CIL F 585) 2Î : ... [tr. pi. plebem ioure rogaverunt plebesque ioure scivit. . . Tribus. . . princijpium fuit, pro tribu Q. Fabius Q.f. primus scivit Lex Cornelia de XX q(uaestoribus) (CIL F 587)24 : . . Jprincipium fuit, pro tribu.[. . . Lex Antonia de Termessibus (CIL F 589)25 : ... C. Fundanius C. /. tr(ibunei) pl(ebei) de s(enatus) s(ententia) plebem [rogaverunt. . . Jpreimus scivit

II ressort clairement de la combinaison de ces textes que la mention du primus scivit était tout à fait formulaire (et, en particulier, que les deux mots pro tribu figurent toujours avant la mention du nom propre, ce qui nous permettra de corriger la restitution de Cuq)26. Nous sommes mieux renseignés sur l'aspect politique de ces votes prioritaires par plusieurs témoignages de Cicéron. Il s'agit d'abord de Cn. Plancius le père qui a voté le premier,' en 59, pour la lex Julia de publicanis11 , présentée par César consul contre l'avis du Sénat. A cette occasion, Cicéron, comme on reprochait à son client ce vote de son père, fait le raisonnement suivant : Si (crimen est) quia primus scivit, id sortis esse vis, an eins qui legem ferebat? (Pro Plancio, 35) II ne ressort pas clairement du texte, qu'on le comprenne comme ironique ou non, s'il existait une règle, et laquelle. «Si c'est un effet du tirage au sort, ajoute Cicéron, aucun grief dans ce qui n'est qu'un fait fortuit. Si c'est la volonté du consul, cela ajoute à la splendeur de Plancius que

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23 FIRA, I, 8, p. 103. 24 FIRA, I, 10, p. 132. 25FIRA,1, 11, p. 135. 26 E. Cuq, op. c, p. 199: Capito pro; suivi par Roussel-Launey : Capito pr[o tribu primus scivit]; Lommatzsch : pro [tribu primus; la bonne lecture a été faite par Linderski, o.e., p. 252 : pro tribu] A. Gabinius A/. Capito pr[imus scivit. 27 Nicolet, Ordre éq. II, n° 273, p. 982 (Sch. Bobb., 259 Or). Plancius le père avait été le porte-parole des publicains d'Asie au Sénat en 61; cf. Nicolet, Deux remarques sur l'organisation des sociétés de publicains à la fin de la République, dans Points de vue sur la Fiscalité Antique, Centre G. Glotz, Pubi, de la Sorbonne, 1979, p. 77.

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d'avoir été considéré, par un très haut personnage, comme le premier de son ordre». Peut-être le président des comices avait-il, en fait, le choix entre les deux procédures. Le second exemple connu est celui de Fidulius qui, d'après Cic, De Domo, 79-80, a voté le premier la loi de exsilio Ciceronisls. Ou plutôt, dont le nom a été inscrit : qui eins nomen incideris. Mais ce Fidulius jurait ne pas avoir été présent à Rome ce jour là (Fidulio principe, qui se ilio die confirmât Romae non fuisse). Si cela est vrai, ajoute Cicéron, quelle audace d'avoir fait graver (sur la table de bronze portant le texte de la loi) son nom? Si au contraire il a bien «voté le premier», ce qu'il a pu faire aisément lui qui, faute d'un gîte, a passé la nuit au Forum, pourquoi ne jurerait-il pas qu'il était à Gadès (ou Gabies?), puisque toi (Clodius) tu as «prouvé» que tu étais à Interamna? (c'était l'alibi invoqué par Clodius en 61 pour l'affaire de la Bona Dea). De tout cela il ressort clairement que Fidulius, en tout cas, était un ami de Clodius et que c'est pour cela qu'il a voté ou qu'il a été enregistré comme ayant voté. Il n'est plus question de tirage au sort, et en tout cas Cicéron veut représenter Fidulius comme un comparse (iure munitam civitatem et libertatem nostram putas esse oportere, ut si, tribuno plebis rogante «velitis iubeatisne», Fiduli centum se velie et iubere dixerint, possit unus quisque nostrum amittere civitatem?). On est donc en droit de s'interroger, à propos de notre loi, sur la personnalité de cet A. Gabinius Capito, et sur son rôle de premier votant. Et d'abord, si on le peut, sur son statut civique et social. Il faut le comparer à celui des autres «premiers votants» connus. Cn. Plancius le père est un chevalier, père d'un sénateur et magistrat, un des publicains les plus influents de son temps, qui avait d'ailleurs, depuis 61, pris la tête des délégations des publicains d'Asie réclamant la révision des baux. L'identité de Fidulius est plus difficile à déterminer. Cependant, Cicéron, dans le in Vatinium, 31, cite un C. Fibulus qui, en même temps que Vatinius, a tenté d'empêcher la célébration des supplicationes en faveur de C. Pomptinus, le prédécesseur de César en Gaule (Schol. Bobb., p. 322 Or. = 149 St.; R. Syme, in Broughton, M.R.R., Additions, 7). Or, si telle est la leçon retenue par les éditeurs, il faut noter que deux des manuscrits du in Val, G et E, reconnus comme souvent meilleurs que Ρ et H, donnent Fidulo. Si on admettait l'identification des deux personnages, la figure de Fidulius, séide de Clodius et Vatinius, se préciserait. Le nom est rare, non attesté, autant que je sache,

2* RE VI, 1, 2316 (Münzer, qui l'identifie avec C. Fibulus); Orelli déjà suggérait le rapproche :* ment {Qnom. Tuli, 253); cf. le gentilice Fidustius (le proscrit de 81 et 43) Pline, N.H. VII, 134; Dion, XLVII, 11,4.

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à l'époque républicaine (absent du CIL F et de Degrassi). Mais peut-être le personnage était-il de statut plus relevé (chevalier?) que ne le laisse enten dre Cicéron. Celui qui a voté le premier la lex Quindici de 9 avant J.-C. peut être assez aisément identifié. Si l'on retient la lectio diffidilo r du manuscrit C (Virro au lieu du banal Varrò donné par les autres), on est en effet sur une voie intéressante. Ce cognomen rare évoque le nom du sénateur Vibidius Virro29, exclu du Sénat par Tibère en 17 ap. J.-C. pour s'être ruiné. Il est difficile, étant donné la chronologie, d'identifier les deux personnages. Mais le Virro de la lex Quindici pourrait être le père de notre sénateur, et déjà lui-même sénateur. Qu'en est-il de Gabinius Capito? Nous ne connaissons jusqu'ici qu'un seul autre personnage de ce nom : P. Gabinius Capito30, un des conjurés de 63 av. J.-C. (Sail., Cat, 17 : praeterea ex equestri ordine M. Fulvius Nobilior, L Statilius, P. Gabinius Capito, C. Cornelius). Il devait mettre le feu à la Ville; il négocie avec les Allobroges; dénoncé, il est arrêté, confié à la garde de Crassus, exécuté au Tullianum. Partout, sauf la première fois qu'il le mentionne, Salluste le nomme simplement Gabinius. Cicéron le mentionne, pour les mêmes circonstances et d'accord avec Salluste, deux fois sous le simple nom de Gabinius {Cat. Ill, 14; IV, 12), mais, la première fois, avec l'expression curieuse : omnium scelerum improbissimum machinatorem Cimbrum Gabinium31. Comme on l'a supposé à juste titre, il ne s'agit pas d'un second cognomen, ni d'un autre personnage, mais d'un sobriquet, justifié sans doute par le rôle joué par ce Gabinius tout spécialement à l'égard des Allobroges.

29 Outre Tacite, ce Vibidius Virro est connu par deux inscriptions d'Athènes : CIA, III, 603 (avec comm. de Dittenberger faisant le rapprochement) = IG II/III2, 3532; et CIA III, 875 = IG Il/IIP, 4161 : sa fille, une Vestale, connue aussi par Tacite, XI, 32; cf. PIR\ V, 375; R. Syme, «Personal names in Annals I-VI», JRS, 1949, 17 (cf. Juvénal, V, 39; Hor., Sat. II, 8, 22; CIL IX, 3228; 3274; 3828 pour le gentilice Veibidius; T. P. Wiseman, New Men in the Roman Senate, p. 273). 10 C'est le seul Gabinius Capito connu de Münzer (RE, n° 15); E. Badian, The early career. . ., 97-99; C. Nicolet, Ordre éq., n° 164-165, p. 893-895. " Pour Münzer, Cimber est un sobriquet d'autant plus justifié que Gabinius a négocié avec les Allobroges (Festus, 37 L : Cimbri lingua gallica latrones diciintiir). Badian se fonde essentie llementsur l'identité du prénom pour faire du catilinien le fils du préteur de 88. Une autre hypothèse, aussi plausible, serait de faire de nos deux Gabinii Capitones les fils d'un même personnage, qui serait donc un Aulus Gabinius (Capito?).

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P. Gabinius est mort en 63, ce qui, de toute manière, interdit de l'identifier, au prix d'une correction du prénom P. attesté par Salluste, avec le «premier votant» de 58. Rappelons que pour Badian, il est le fils du préteur de 88, resté dans l'ordre équestre. A. Gabinius A. f. Capito, dans ce cas, n'aurait rien à voir avec lui ni avec cette branche, puisqu'il est précisément Auli filins. Mais l'identification de Badian est plausible, sans plus : nous ignorons la filiation du catilinien. Ce même savant, on l'a vu, a voulu identifier l'Aulus Gabinius tribun militaire en 86 (dont le prénom est bien précisé par Appien, Mithr. 66), avec notre futur consul, ce qui est certes possible et séduisant. Mais dans ce cas nous ne pouvons absolument pas rattacher aux Auli Gabinii connus (le questeur de 102, le consul de 58 son fils) notre Aulus Gabinius Auli filius Capito. Ce dernier ne peut non plus être le fils du conjuré qui se prénommait Publius. En revanche, si l'on distinguait le tribun de 86 du consul, on pourrait à la rigueur supposer qu'il ait porté le cognomen Capito, et notre Auli filius «premier votant» pourrait être son fils, comme d'ailleurs le conjuré de 63. C'est un stemma qui n'est pas plus invraisemblable qu'un autre (V. infra, p. 151). Nous dirons seulement, avec prudence, que ce premier votant était très vraisemblablement chevalier, et devait, de près ou de loin, être apparenté avec le consul, comme d'ailleurs avec le conjuré. Mais, à notre avis, cela est suffisant pour décider au moins d'une question de quelque importance : le sort n'a pas dû jouer dans ce choix, ou, s'il a joué, c'était un sort habilement sollicité. On a voulu «faire voter» en faveur de la loi, et cela prouve que les deux consuls, ou surtout l'un d'entre eux, bien qu'agissant sur l'ordre du Sénat, tenaient au succès de leur proposition. Nous avons noté plus haut des liens (assez minces, mais sûrs), entre des Gabinii et des grecs de Délos. Le consul Aulus Gabinius apparaît en tête du couple consulaire en tant que rogato r. Le «premier votant» est un de ses parents; d'autre part, comme on verra, la lex Gabinia de 67, sa grande œuvre, est célébrée avec emphase dans le texte lui-même. Tout semble prouver que, des deux consuls, c'était Gabinius qui avait pris le plus à cœur cette affaire32.

'2 Le problème de l'ordre de préséance dans l'énoncé des rogateurs d'une loi a été récemment posé par Miriam Griffin, The Tribune C. Cornelius, dans Journ. Rom. Stua 1973, p. 210, n. 139, à propos de celle d'Antonius dans la lex Antonia de Termessibus. Elle allègue de façon très ingénieuse le cas de Rullus en 63 (Cic, leg. agr. II, 22; II, 13 : ei locus primus in indice et in praescriptione legis concessus est). En l'occurrence, il s'agit bien d'une raison politique. Mais le cas est tout différent pour un couple consulaire.

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L. Calpurnius Piso Caesoninus Son cognomen apparaît au début de la ligne 38, après la dernière lettre de la formule patronymique. Il n'y a aucun doute à avoir sur l'identification du consul de 58, collègue de Gabinius, et comme lui fort bien connu grâce à Cicéron et aux sources concernant la période33. C'était le petit-fils de L. Calpurnius Piso Caesoninus, consul en 112, et le fils d'un homme qui, à notre connaissance, n'a pas dépassé la questure34, attestée d'ailleurs seule ment par une monnaie, sur laquelle il apparaît comme le collègue de Q. Caepio, celui qui a empêché le vote de la lex Appuleia fnimentaria. Cet homme - ce qui est d'ailleurs curieux, mais hors de propos ici - avait épousé, si nous en croyons Cicéron, la fille d'un «marchand» d'origine gauloise, Calventius35. Nous ignorons la suite de sa carrière : mais, en 90-89, durant la guerre sociale, il ne fut pas, comme on le dit quelquefois36, entrepreneur, à titre privé, de la fourniture d'armes pour les armées romaines, mais chargé, à titre officiel, de s'occuper de ces fournitures (Cic, In Pis. 87 : cum pater armis faciendis Unis praefuisset) : ayant été questeur, il 33 Drumann-Groebe, II, 50 (n° 7); Münzer, RE, n° 90; G. Nisbet, Ciceronis in Pisonem, Oxf. 1961, en part. p. X et suiv.; P.Grimal, Cicéron, Contre Pison, CUF 1966, en part. p. 44-63; E Scuotto, Realtà umana e atteggiamenti politici e culturali di L Calp. Pisone Cesonino, dans Rend. Ace. Arch. Nap., XLVII, 1972, p. 149-166; Η. Β loch, L. Calpurnius Piso Caesoninus in Samothrace and Herculanum, dans Arn. Journ. Arch, 1940, p. 485-493, a attiré l'attention sur une inscr. de l'île qui prouve sans doute que Pison s'est fait initier; il revient sur l'identification de la villa de Pison à Herculanum (proposée par Comparetti en 1879, rejetée par Mommsen) avec la villa où l'on a retrouvé la bibliothèque de Philodème, et donne des arguments en sa faveur. L'inscr. de Samothrace se lit : [ή Βουλή και ύ δήμος Λευκίον Καλπυύρνιυν] | Λευκίου υ[ίύν Πεισ]ώνα τον αύτοκράτορ[α και πατ]ρώνα τής πόλεως; Pison est aussi mentionné sur une inscr. de Polla, CIL P, 2512 : L. Calpurnius L f.] | Piso Ca[esoninus] | co[s. 34 Münzer, RE, n° 89; pour la monnaie: Sydenham, 603-603 a, Crawford, RRC, n° 330, p. 330-331, qui, suivant une suggestion rapide de R. Syme, Missing senators, dans Historia 1955, p. 58, identifie notre questeur avec L. Calpurnius Piso (Caesoninus?), auteur d'une lex Calpurnia concernant les Italiens et les tribus (Sisenna, fgt. 17 et 120 P.) qui, pour lui, serait préteur en 90, et non tribun en 89, et serait peut-être le père de notre consul. Ce serait lui qui serait mentionné, avec deux autres στρατηγοί, C. Labeo et M. Hypsaeus, dans une inscr. de Priène (Inschr. v. Priene, 121), à dater d'environ 83, et non des années 100-90. Tout cela reste très conjectural. 35 Cic, In Pis., fgt. 11 = Asc. 5 C = fgt. 15 Grimai: Insuber quidam fuit, idem mercator et praeco. Is cum Romam cum filia venisset, adulescentem nobilem, Caesonini hominis furacissimi filium, ausus est appellare. . . homini levi et subito filiam conlocavit. Calventium ahmt e um appellatimi. D'autres fragments prouvent qu'il était originaire de la colonie de Plaisance (R. Syme, Rom. Rev., 74, note 5; qui se contredit d'ailleurs p. 150, notes 5-6; cf. p. 357); CIL I2, 2121 (Assise?); 1043 (vigne de St Césaire: un affranchi). '6 E. g. M. Crawford, RRC, I, 331; P. Grimai, o.e., p. 47.

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était membre du Sénat, et n'aurait pu soumissionner lui-même. Ce qui ne l'empêcha certes pas de s'enrichir à cette occasion. Notre Pison, son fils, grandis puer en 90 (in Pis. 87), devait être né vers 105. Il fit une carrière relativement brillante, puisque, jusqu'au consulat y compris, il ne subit jamais aucun échec (In Pis. 1-2), ce qui a conduit Broughton (d'après Cadoux)37 à placer sa questure, son édilité et sa preture respectivement en 70, 64 et 61. D'après Syme38, il fut peut-être propéteur en Espagne Citérieure. Au début de 59, Pison devient le beau-père de César : les raisons qu'avait celui-ci de souhaiter cette alliance tenaient à la fois sans doute aux liens de la famille avec Plaisance et la Gaule Cisalpine, à laquelle, on le sait, César s'était très tôt intéressé (dès 65) pour y asseoir des clientèles, et à la perspective des élections consulaires pour 58 : Pison devait y être candidat, en même temps que Gabinius qui était, lui, un ami de Pompée; dans le cadre des accords du premier triumvirat, César et Pompée tenaient à compter chacun un ami «sûr» au consulat. C'est peut-être au retour de sa propréture que doit se placer son procès de repetundis, auquel Valére Maxime, VIII, 1, 639 fait allusion : il était accusé par P. Clodius (encore Claudius à cette date) et fut acquitté. Les élections consulaires de 59 pour 58 furent retardées du fait de l'opposition de Bibulus à César40, jusqu'au 18 octobre. Pison, on le sait, eut les faisceaux au premier janvier 58 (cf. ci-dessous) : il était donc consul prior41. Dans les Fastes Capitolins, il figure certainement en première place. On a peu souvent cherché la raison de cette precedence : il ne s'agit pas, vraisemblablement, de l'âge respectif des

"MRR, II, Ada and Corr. 13. w R, Syme, Piso and Veranius in Catullus, dans Cl. Med., 1956, p. 129-34. w Item L Piso a P. Claudio Pulchro accusatus, quod graves et intolerabiles injuras sociis intulisset (ajouter E. S. Gruen, Ath. 1971, 56; Last, gener., p. 529). 40Cic, Att. II, 15, 2; 20, 3; 21, 5; qui cum comitia in mensem Octobrem distulissef, II, 20, 6: comitia Bibulus cum Archilochio edicto in a. d. Kal. Nov. distulit.. 41 Cic, In Pis., 8 : Tu cum in Kalendas Ianuarias Compitaliorum dies incidisset, Sex. Clodium. . . ludos facere. . . passus es', Post Red. Sen., 17 : tu. . . me. . . quem kalendis Ianuariis tertio loco sententiam rogaras; Asc. 6-7 C. Gabinius, en revanche, avait bien les faisceaux en août, donc les mois pairs (Asc. 46 C); sur tous ces points, cf. P. Grimai, Etudes de chronologie cicéronienne, Paris, 1967, p. 24-26; 111. Sur l'expression consul prior, Festus, 154 L: maiorem consulem L. Caesar putat dici, vel eum penes quem fasces sint, vel eum, qui prior factus sit. Sur ce point, Mommsen, D.P. III, 102, est trop rapide et peu précis, (cf. I, 44-46). Les conclusions de l'article fondamental de T. R. S. Broughton et L. R. Taylor, The order of the two consul's names in official republican Itets, dans Historia, 1968, 166 suiv., n'ont pas été réellement ébranlées, pour la fin de la Rép., par A. Drummond, Some observations on the order of consuls names, Athen. 1978, 80-108. Cf. p. 86, note 41.

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deux consuls, mais de leur ordre d'élection, c'est-à-dire de leur succès respectif aux comices. L'élection de Pison fut particulièrement brillante : nous en avons une preuve indirecte par le fait qu'il avait confié la surveil lancedu «premier registre», c'est-à-dire du registre de la centurie prérogativ e, à Cicéron lui-même (Post Red. Sen., 17; In Pis., 11)42. D'ailleurs, l'entraîn ement des électeurs s'explique fort bien : Pison, qui était noble, avait bénéfi cié durant toute sa carrière des avantages de son genus et de ses maiores (In Pis., 2), et il dut facilement l'emporter sur un homme nouveau comme Gabinius. Le rôle politique de Pison pendant l'année de son consulat est trop connu pour qu'on y insiste ici. Il concerne d'ailleurs esentiellement, en tout cas tel que nos sources l'éclairent, le problème de l'exil de Cicéron et de l'activité de Clodius43. Le seul fait qui importe pour la compréhension de notre texte est peut-être l'extension considérable des compétences du proconsulat de Macédoine44 que Pison s'était fait nommément attribuer par la lex Clodia, contrairement aux stipulations de la lex Sempronia (pour l'attribution nominale) et de la lex Julia repetundarum (pour l'extension de la juridiction à l'ensemble de la Grèce continentale). Il faut en effet se demander si l'intervention de Pison en faveur des Déliens (même si elle eut lieu en seconde ligne, le plus intéressé à l'affaire étant évidemment Gabin ius, et même si elle fut ex senatus consulto) est liée à son futur gouverne ment, et en particulier si elle précède ou suit le vote de la loi. Si l'on en croit Cicéron, Post Red. Sen., 1845, le vote de la loi sur les provinces suivit, de très peu il est vrai, le vote de la loi d'exil (la première), si bien que Nisbet a certainement tort de la dater de «late January or February», mais qu'elle doit dater, comme le pense P. Grimai, du lendemain du départ de Cicéron, soit le 8 mars (d'une année intercalaire, rappelons-le). Comme on a 42 C. Nicolet, Le livre III des R.R. de Varron et les allusions au déroulement des comices tributes, dans REA, 1970, p. 113-137, part. 130-131. 4' P. Grimai, Études, passim. Il est étrange, cependant, que Cicéron ne mentionne jamais l'éventuelle accusation de Clodius contre lui (cf. ci-dessus, note 40). Nous avons vu d'autre part que ce n'est sans doute pas lui qui a accusé P. Gabinius, oncle du consul de 58 (Cic, Caec, 64). 44 Je me réfère à une étude encore inédite de J. M. Bertrand, Le gouvernement de Pison en Macédoine, qui cite et critique les divers travaux de Th. Sarikakis, dans Platon, 1966, p. 317-336, et dans 'Ρωμαίοι άρχοντες τής Μακεδονίας επαρχίας, Thessal., 1971; sur ces dérogations à la loi Sempronia, J. P. V. D. Balsdon, Consular provinces under the late Rep., dans JRS, 1939, p. 57-73, part. 65. Cf. Cic, De domo, 24; 60; In Pis. 37. La première étude est celle de A. W. Zumpt, De Maced Rom. prov. praesidibus, dans Comm. Ep., II (1854), p. 151-278, spec. p. 197. 45 Cf. aussi Pro Sestio, 54; P. Grimal, Études. . ., p. 47; Nisbet, o.e., p. X.

LES ROGATEURS DE LA LOI

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vu, rien ne permet de déterminer avec certitude la date de notre loi fiscale, qui peut être du 20 février, du 25 juin ou du 27 octobre. Les deux dernières dates, pour diverses raisons, sont cependant moins probable que la premiè re. On peut en donner ici une raison supplémentaire : si la question des exemptions fiscales à accorder à Délos n'avait été soulevée qu'après le vote de la loi qui assurait la Macédoine à Pison, il est possible que celui-ci aurait préféré régler lui-même la question, comme les termes de la lex Clodia lui en laissaient le droit, l'année suivante. Pourtant on verra ci-dessous que l'action en réparation de dommages prévue par les dernières lignes de notre texte, semble être offerte «en vertu d'une décision du peuple ou de la plèbe», ce qui est peut-être une allusion à la lex Clodia déjà votée. Si bien qu'en fin de compte la participation de Pison à la rogano de notre loi, d'ailleurs très effacée, n'apporte pas d'indice chronologique déterminant. En fin de compte, voici les restitutions que l'on peut proposer pour les premières lignes du texte : 1 [A. Gabinius · A-f- L. Calpurnius-L-f- Piso· consules-de-sienatus^sCententia)] 2 [populum] · iuure - r[ogauerunt · populusq(ue) · iuure · scivit · in · Foro · pro · rostris] 3 [aedis-C]astor(is)#a(nte)#d(iem)#VI'K(alendas). . . tribus. . .principium· fuit -pro] 4 [tribu]A· Gabinius· A-f· Capito -pr[eimus· scivit -Rogamus vos Quirites-ve-] 5 [litis-iu]beatis.

PHILIPPE MOREAU

CHAPITRE VII

L'EXPOSÉ DES MOTIFS ET L'ÉNONCÉ GÉNÉRAL DE LA DÉCISION

On ne trouve pas, dans les sénatus-consultes épigraphiques, de vérita ble parallèle au s.-c. intégré dans la lex Gabinia : leur motivation est soit inexistante, soit beaucoup moins développée. Cependant, un texte littéraire nous fait connaître le contenu et l'ordre traditionnel des motivations dans un cas extrêmement voisin de celui de Délos: Tacite, Ann. 12, 61, rapporte qu'en 53 ap. J.-C. Claude, désireux de faire exempter d'impôts l'île de Cos, à la demande de son médecin Xénophon qui en était originaire, obtint un sénatus-consulte dans ce sens : «II fit ensuite un rapport au sénat sur l'attribution d'une exemption fiscale aux habitants de Cos, et évoqua longuement la période ancienne de leur histoire : les Argiens ou Céus, père de Latone, avaient été, à une époque très reculée, les premiers habitants de l'île ; puis l'arrivée d'Esculape y introduisit l'art médical, qui connut un vif éclat parmi ses descendants : Claude rapporta le nom de chacun, et à quelle époque il avait vécu. Mieux encore, il déclara que Xénophon, à la science duquel lui-même avait recours, était issu de cette même famille, et qu'il fallait accorder ce qu'il demandait : que les gens de Cos soient à l'avenir exemptés de l'impôt direct, et que l'île soit consacrée au service exclusif du dieu. Il ne fait pas de doute qu'il aurait pu mentionner les nombreux mérites des gens de Cos envers le peuple romain et les guerres victorieuses où ils furent nos alliés, mais, avec son habituelle bonne composition, Claude ne dissimula sous aucune justif ication d'emprunt la faveur qu'il avait accordée à un seul homme»1. 1 Rettulit dein de immunitate Cois tribuenda midtaque super antiquitate eorum memorauit: Argiuos uel Cœwn Latonae parentem uetustissimos insidae cultores; inox aduentu Aesculapii artem medendi inlatam maximeque inter posteros eins célèbrent fuisse, nomina singulonun referens et

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L'affaire, à un siècle de distance, est tout à fait comparable : une île, illustrée par un sanctuaire, reçoit l'exemption fiscale et voit confirmer sa consécration à son dieu. Tacite nous donne ici, selon son habitude, un résumé de Yoratio principis, sans doute d'après les Acta senatus2 : les atten dusde Yoratio ont dû ensuite passer dans le s.-c. lui-même. On a donc un parallélisme presque complet avec la partie centrale de notre texte épigraphique. On peut même, en tirant partie de la remarque aigre-douce de Tacite sur le caractère inhabituel d'une partie de la motivation avancée par Claude, reconstituer ce qui était normalement le contenu d'un tel s.-c. d'exemption (assez fréquent, à n'en pas douter, et dont la formulation avait dû devenir figée et répétitive). Köstermann3 note justement que Tacite est choqué du caractère individuel et personnel de la justification donnée par Claude. Ajoutons qu'en bon sénateur, il précise ce qu'auraient dû contenir Yoratio et le s.-c. : au lieu de services rendus au prince, les merita in populum Romanum, et les sociae uictoriae. Avec le correctif apporté par Tacite, nous avons donc le contenu habituel d'un s.-c. d'exemption à une clarissima ciuitas : la mention de son antiquité mythique4 et de son illustration religieuse, le rappel des services rendus à Rome, et en particulier l'alliance en temps de guerre. Ce rapprochement avec le texte de Tacite donne un cadre général : il faut à présent étudier la construction même du texte, et sa logique interne. On relève tout d'abord trois causales en quom et subjonctif parfait, avec auxiliaire antéposé : 1. 5 quom res publica. . . 1. 6 sit aucta 1. 6 q[uomque?]. . . 1. 7 sit confirma [ta?] 1. 7 [quomque? un relatif?] . . .1. 8 [sit] decorata dont la dernière est pourvue d'une relative : quibiis quisque aetatibus uiguissent. Quin etiam dixit Xenophontem, cukis sdentici ipse uteretur, eadem famdia ortum, precibiis eins dandum ut omni tributo uacui in posterum Coi sacram et tantum dei ministram insulam colerent. Neque dubium habetur multa eonimdem in populum Romanum merita sociasque uictorias potuisse tradi: sed Claudius, facilitate solita, quod uni concessemi nullis extrinsecus adiumentis uelauit. 2 Voir G. May, L'activité juridique de l'empereur Claude, RHDFE, 15, 1936, p. 92-3; R. Syme, Tacitus, 1, Oxford, 1958, p. 278, 280-1, 295; E. Köstermann, C. Taciti Annalen, 3, Heidelberg, 1967, p. 213, 215. Wp. cit., p. 215. 4 Une confirmation de ce point est donnée par Ann. 12, 58, 2, où Tacite résume le discours par lequel le jeune Néron obtint du sénat l'exemption fiscale pour Ilion : Romanum Troia demissum et Iuliae stirpis auctorem Aeneam aliaqiie haud procul fabulis uetera facunde execiitus perpétrât ut Ilienses omni publico munere soluerentur.

ENONCE GÉNÉRAL DE LA DECISION

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1. 8 in quo numero fanum. . . sit constitutu[m], puis une proposition infinitive exprimant en termes généraux une partie de la décision : 1. 11 insulam. . . 1. 12 uecteigalibus leiberari, au sujet de laquelle se rattachent deux relatives : 1. 11 in qua insula Apollinem et Dianam n[atos esse + verbe au subjonct if 1. 12 quae insula. . . 1. 13 leib[era fuerit?], puis une nouvelle série de causales en quom (les deux dernières coordon nées à la première, qui est pourvue d'une relative) : 1. 14 quo]mque praedon[es. . . l. 16 superatei ac deletei sint 1. 14 q]uei. . . 1. 16 jarint 1. 16 et omneis. . . 1. 17 sedes. . . 1. 18 sit rest[it]uta 1. 18 populeique Roman[ei] dign[it]atis maiestatis[que + verbe au sub jonctif Cette dernière causale est développée par deux infinitives : 1. 20 insul[a]m deis [verbe à l'infinitif présent passif: sacrari?] 1. 21 i]nsulam l[ei]berari5 qui lui sont très probablement rattachés par une tournure du type dignitat is, maiestatis est + infinitive sujet6. A ce groupe causales + infinitives se rattachent trois ablatifs absolus : 1. 18-9 . . .pulcerjrume adm[i]nistrata l. 19 imperio am[pli]ficato 1. 20 [place per orbe[m + participe parfait passif. Il est préférable de restituer ici un participe accordé à pace, pour garder au style son caractère ternaire7, et pour éviter de faire de pace le complément de moyen de imperio amplificato : malgré Durrbach8, on voit mal les Romains prétendre que leur empire s'est agrandi par des voies pacifiques.

s Les deux infinitives des 1. 20-1 ne sont donc pas, à notre sens, sur le même plan que celle des 1. 11-2 : elles appartiennent aux considérants, alors que la précédente exprime la décision elle-même. 6 Comme dans Cic, Chi. 17, 49 : suae dignitatis esse arbitrabantur eum. . . defendere; Cat. 4, 4, 8 : non patent esse suae dignitatis recusare; Fin. 1, 1, 1 : genus hoc scribendi. . . personae tarnen et dignitatis esse negent; Din. 1, 38, 82 : aut non censent esse suae maiestatis praesignificare hominibus quae sunt futura; 2, 49, 101 (même texte). 7 On a, par deux fois, trois considérants; voir, sur ce goût de la composition ternaire, banale à la fin de la République, Rhet. Her., 4, 19, 26 : ex duobus membris suis haec exornatio polest constare, sed commodissima et absolutissima est, quae ex tribus constat. Wp. cit., p. 253-4.

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«INSULA SACRA»

Puis suivent les mesures techniques, énoncées en ne + subjonctif. Ce simple survol du texte permet déjà de rendre compte en partie de la division des considérants en deux groupes de trois : les trois premiers renvoient à des justifications religieuses à caractère général et permanent, tandis que les trois suivants font référence à des faits historiques précis et à des événements concrets. Outre le parallélisme de contenu et de composition déjà mentionné, on dispose, pour proposer des restitutions de détail, de parallèles cicéroniens déjà signalés par Durrbach9. Le premier considérant (1. 5-6) mentionne l'accroissement de l'État romain10, et c'est très probablement aux dieux qu'il en attribue le mérite : la mention des dieux en tête de texte correspond bien à une pratique romai ne", et, dans la logique interne de la motivation, il faut justifier les décisions prises en faveur du sanctuaire d'Apollon; au texte diuinis . . .b]us ac consilieis de Durrbach, il faut préférer celui d'Abbott et Johnson : deorum inmortaliwn opibjus ac consilieis, qui convient mieux par le nombre de lettres. Le lien entre ops et consilium est d'autre part fréquent, ainsi que la mention de Yops des dieux12.

9 P. 253. On y ajoutera le s.-c. proposé par Cicéron en l'honneur de Ser. Sulpicius Rufus, cité dans Phil. 9, 7, 15-17, qui intègre également l'énoncé de la mesure proposée (§ 16: senatui piacere Ser. Sulpicio statuam. . . statut), à l'infinitif, dans la série des considérants, (introduits par cum. . . ciimqué), divisant ceux-ci en deux groupes, et contient une autre décision, exprimée en fin de texte par un infinitif (§ 17 : aedilis curulis edictum. . . Ser. Sulpici Q.f. Lemonia Rufi funeri remitiere). 10 Le texte poti donné par Cuq (et repris dans X Année épigraphique), Durrbach, AbbottJohnson, est inexact, comme on peut s'en persuader en examinant un estampage de l'inscrip tion. On a seulement une haste après le Ο : POI. Voir déjà le Suppl. epigr. Graec. 1, fase. 2, 1924, p. 80-1 : poti On avait, très probablement, res publica popiulei Romani. 11 Voir la lettre de M. Valerius aux habitants de féos (193 av. J.-C; CIG. 3045 = Sherk, RDGE, n° 34, p. 214-5, invoquée par Cuq, p. 204), dans laquelle la piété romaine à l'égard des dieux est mentionnée en préambule comme principe de leur action politique, 1. 11-15 : και cm μεν διόλου πλείστον λύγον ποιούμενοι διατελοΰμεν τής προς τους θεούς ευσέβειας, μάλιστ' αν τις στοχάζυιτυ εκ τής συναντωμένης ήμεΐν εύμενείας δια ταύτα παρά του δαιμονίου, et par laquelle est maintenue la consécration à Dionysos de la ville et de sa χώρα, 1. 17-21 : διό και διά τε ταύτα και δια την πρύς υμάς εϋνοιαν καί δια τον ήξιωμένυν πρεσβευτήν κρίνυμεν είναι την πύλιν και την χώραν ίεράν, καθώς καί νυν έστιν, καί άσυλυν καί άφυρολόγητυν άπύ τοΰ δήμου του Ρωμαίων. 12 Voir par exemple Cic, Rab. perd. 5, 14-15: an pietas tua maior quant C. Gracchi, an animus, an comilium, an opes, an auctoritas, an eloquential Nat. deor. 3, 30, 74, citant les termes d'une action prétorienne, ce qui atteste le caractère officiel de l'expression : ope consilioque tuo furtum aio factum esse. Pour Yops d'une divinité, voir Cic, Har. resp. 27, 57 : earum. . . dearum (se. les Nymphes) quarum ope etiam aliis incendiis subuenitur.

ÉNONCE GÉNÉRAL DE LA DÉCISION

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II est ensuite fait mention d'une cljarissuma ceivitas (l. 7) qui, malgré Cuq, Durrbach et Abbott-Johnson, ne saurait être Délos, ainsi que l'avait bien vu Roussel13 : l'île appartient toujours à Athènes, et n'a pas le caractère de ciuitas. Lorsque, à la même époque, Cicéron la mentionne, il parle simplement d'oppidum14 (agglomération sans autonomie) ou d'insula; enfin, le texte épigraphique lui-même dit toujours insula : 1. 1 1, 12, 17 : insulam Delum, 20, 21, 29 : insula Delus. La clarissima ciuitas ne peut être qu'Athènes, métropole de Délos, dont il aurait été difficile de passer les droits sous silence. Le sujet singulier de sit confirma. . . peut être, comme le veulent Abbott et Johnson, fides15 : la fidélité d'Athènes, depuis 88, ne s'est plus démentie. La proximité du premier considérant, et la mention des sanctuair es, qui suit immédiatement, incite à penser que les rédacteurs attribuaient aussi aux dieux ce renforcement de l'alliance avec Athènes, mais cette hypothèse n'a rien de nécessaire. En revanche, il paraît obligatoire de rétablir l'expression d'une fidélité d'Athènes envers le peuple romain : la longue lacune de la ligne 6 le permet. Le verbe [si/] decorata (1. 8) est très probablement celui du troisième considérant, pour lequel il faut rétablire un quomque dans la lacune de la 1. 7, plutôt qu'un relatif quae, comme le font Abbott et Johnson16 : une troisième causale conserve le rythme ternaire qui semble être celui du texte, et une relative [.quae. . . sit] decorata aurait l'inconvénient d'introduire une relative au second degré, in quo numero (1. 8) . . sit constitution (1. 9). Le sujet féminin de la proposition causale peut être la ciuitas précédem ment mentionnée, l'expression decorare ciuitatem étant bien attestée17. Cette

1

' La restitution djarissumae ceiuitatis est extrêmement probable, l'expression appartenant à la langue courante quand il s'agit de désigner une cité ou ville étrangère, voir Cic, 2 Verr. 1, 24, 63 : Oppidum est in Hellesponto Lampsacum, indices, in primis Asiae prouinciae darum et nobile; 2, 35, 86 : oppidum Himeram. . . quod fuerat in primis Siciliae darum et ornatimi; Imp. Cn. Pomp. 7, 20: urbemque Asiae clarissimam nobisque amicissimam Cyzicenorum; Phil. 11, 3, 7: nocturnwn impetum in urbem Asiae clarissimam (Smyrne). 14 Cic, 2 Verr. 1, 18, 46 : sed uix in oppido consisterei (à propos de la tentative de pillage de Vérrès); 1, 18, 48: qua ex opinione hominum illa insula eorum deorum sacra putatur; Imp. Cn. Pomp. 18, 55 : insula Delus tarn procul a nobis in Aegaeo mari posila. ^Op. cit., p. 724. Cf. la mention de la πίστις des gens de Stratonicée envers Rome, comme justification d'une mesure prise en leur faveur par Sulla, dans le s.-c. de Stratonicensibus, Sherk, RDGE, n° 18, p. 106, 1. 5 : και, έν[ταυτί xcupiLt, την προς ή] μας ι:ί[σ]"Π,ν είλυφι,νώς τετηρηκύτας. 16 Ibid. 17 Cic, 2 Verr. 2, 46, 112: Sthenius. . . qui oppidum non maximum maximL· ex pecunia sua locis communibus monumentisque decorauit.

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«INSULA SACRA»

même causale devait nécessairement mentionner les fana qui faisaient la parure de la cité en question (plutôt que les templa restitués par E. Lommatzsch18, puisque la relative in quo numero fanum A[. . . (1. 8) en distingue un parmi tous les autres. Quant à la relative, elle mentionnait certainement le nom de Délos, puisque le fanum A[. . .est visiblement celui d'Apollon Délien19, et que l'insula mentionnée sans nom propre 1. 11 exige que le nom de Délos ait été antérieurement prononcé. L'indication du caractère particulièrement vénérable du sanctuaire délien (également rappelé par Cicéron20) est faite au moyen de deux adjectifs, dont le premier est peut-être antiquissimjum, nobilissirnjum, ou sanctissimjum, fréquemment associés à religiosissimum quand il est question d'un temple21. La proposition relative se terminant avec le verbe sit constitutu[m, comme il est normal dans un texte où rien d'autre ne peut marquer la séparation entre les phrases (cf. 1. 6 : sit aucta, qluomque; 1. 8 : sit decorata, in quo numero; 1.16: deletei s[i]nt et omneis', 1.18: sit rest[it]uta, populeique Romani), la fin (perdue) de la 1. 9 et les noms à l'accusatif de la 1. 10 appartiennent à la proposition suivante, l'infinitive insulam (1. 11) .. leiberari (1. 12). Ces trois accusatifs, ]em et sanctitatem caerimoniasq(ue) pr[, (l. 10) peu vent s'expliquer par la chute d'un propter (lacune de la 1. 9), leur donnant valeur d'explication de la mesure exprimée par le verbe leiberari. Le terme initial, mutilé, peut être religio, pietas ou antiquitas, que l'on trouve fréquemment associés à sanctitas et à caerimoniae22. Le mot qui suit caerimonias (1. 10) et commence par pr[ n'est pas aisé à restituer. On

18 Op. cit., p. 724. 19 Cette hypothèse est celle de tous les éditeurs et commentateurs. 20 Voir le passage consacré par Cicéron à l'éloge de Délos, 2 Verr. 1, 17, 46 : ex fano Apollinis religiosissimo. . . Est enim tanta apiid eos eins fani religio atque antiquitas, ut in eo loco ipsum Apollinem nation esse arbitrentur. 21 Voir par exemple Cic, 2 Verr. 1, 17, 46 : tempio tarn antiquo, tarn sancto, tarn religioso; 1, 20, 54 : fanum antiquissimum et sanctissimum (ces deux textes se rapportent à Apollon Délien); 4, 49, 109 : ex aere fuit quoddam (se. simulacrum) omnium illorum quae sunt in eo fano multo antiquissimum; Font. 14, 31 : postremo his quicquam sanctum ac religiosum uideri potesti Har. resp. 6, 11 : ex hoc haruspicum responso décrétât senatus ut de locis sacris religiosis ad hunc ordinem referretis (ce texte montre un exemple d'emploi dans la langue des s.-c); 14, 30: sequitur de locis sacris religiosis; Sest. 26.56: fanumque sanctissimarum atque antiquissimarum religionum uenditum (est); cf. Pis. 12, 28. 22 Voir Cic, 2 Verr. 1, 17, 46 : eius fani religio atque sanctitas (sanctuaire de Délos); Off. 2, 3, 11: deos plaçâtes pietas efficiet et sanctitas; Nat. deor. 1, 2, 3 : quae potest esse pietas, quae

ÉNONCE GÉNÉRAL DE LA DECISION

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pourrait à la rigueur songer à une formule courante (mais uniquement appliquée au culte romain) : priuatas publicasque2^ , ou à pro populo Romano factas24, mais il n'y a aucune attestation de sacrifices célébrés à Délos pour le compte du peuple romain. Ces lignes 9 et 10 ont été restituées d'une façon très différente de celle qui est proposée ici par Lommatzsch : 1. 9 sit constitiitii[m, qui deus castita1. 10 t]em et sanctitatem caerimoniasq(ue) pr[imus edocuit. Cette reconstruction n'est pas reprise par Abbott et Johnson25, et les deux auteurs renoncent à combler la lacune. L'idée est d'ailleurs assez faible (surtout castitatem. . . edocuit) et cette restitution aurait, une fois encore, l'inconvénient de rattacher une relative (qui deus, 1. 9) à une première relative (in quo numero, 1. 8). La proposition infinitive des l. 11 et 12, insulam. . . leiberari, exprime donc la mesure générale : dans le s.-c, cette formule dépendait d'un censuere, et, dans la rogatio, de uelitis iubeatis, alors que dans la rédaction définitive de la loi, elle a dû être transposée en insula leibera esto, l'inscrip tion de Délos, fondée sur le s.-c. et la rogatio, conserve l'infinitive et la fait dépendre de uelitis iubeatis. A cette proposition infinitive se rattachent deux relatives qui, elles aussi, justifient indirectement la mesure, en faisant ressortir les caractères particuliers de l'île qui en est l'objet : - la première (1. 11), in qua insula Apollinem et Dianam n[, recoupe une formule de Cicéron26, et reprend une tradition dont on peut considérer qu'elle appartient à la mythologie commune, depuis Y Hymne homérique à Apollon27 : la naissance d'Apollon et Diane à Délos. Le début de la restitu-

sanctiias, quae religio? 1, 16, 14: quid de religione pietate sanctitate caerimoniis fide hire turando... existimandum sit; 1, 41, 115: de sanctitate, de pietate aduersus deos libros scripsit Epicurus. 2Î Cf. Cic, Har. resp. 7, 14: pontifices. . . quorum auctoritati fidei prudentiae maiores nostri sacra religionesque et priuatas et publicas commendarunt; Leg. 2, 12, 30. 24 Cic, Att. 1, 12, 3 : cum sacrificium pro populo fieret; 1, 13, 3 : cum apud Caesarem pro populo fieret; Har. resp. 17, 37 : sacrificium. . . quod fit pro populo Romano; cf. 6, 12. « New-York, 1968, p. 285. 26 Cic, 2 Verr. 1,17, 46, cité n. 20. 27 Voir Hymne homérique à Apollon, éd. J. Humbert, ν. 25-133; Callimaque, Hymne à Délos, éd. E. Cahen, v. 4 et 59. Ce titre de gloire était cependant contesté à Délos par Ephèse, comme nous l'apprend Tac, Ann. 3, 61, 1 : primi omnium Ephesii adiere, memorantes non, ut uulgus crederei, Dianam atque Apollinem Delo genitos, esse apud se Cenchreum amnem, lucum Ortygiam,

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tion d'Abbott et Johnson est donc acceptable dans son principe : n[atos esse arbitrantur (les deux accusatifs appelant un verbe à l'infinitif), à condition de mettre le verbe au subjonctif, comme dans les autres relatives, et de remplacer arbitror par constat, ou une forme personnelle {homines arbitrentur, par exemple), puisque, comme le fait observer J.-C. Dumont, arbitror n'est pas employé impersonnellement à cette époque. - la seconde subordonnée énonce, non plus un événement mythique, mais un fait historique (on aura la même opposition entre la première et la seconde série de considérants) : Délos fut toujours indépendante des pou voirs politiques; la restitution post hominwn me[moriam (1. 12) est sûre28, mais la suite du texte est moins évidente : omnium] regum, ou semper] regum29, ce qui ne modifie d'ailleurs guère le sens. Enfin, 1. 13 (où il faut restituer un verbe, probablement fuerit, plutôt que fuit™, on attendrait peut-être, après sacra leib[era, immunis, qui y est souvent joint". Commence ensuite, séparée de la première série par la proposition infinitive et les deux relatives qui en dépendent, la seconde série de considérants, qui énoncent des faits historiques récents. La première causale, quo]mque praedones (1. 14) . . .lege Ga[b]inia superatei ac deletei s[i]nt (1. 16), et la relative qui y est attachée, font allusion aux

ubi Latonam. . . edidisse ea numina. Ce texte fait allusion à un débat au sénat, en 22 ap. J.-C, concernant le maintien ou la suppression du droit d'asile à divers sanctuaires d'Asie. Tacite note, 3, 60, 2 : midtae uetustis superstitionibus aut mentis in populum Romanum fidebant, ce qui confirme que l'illustration religieuse, tout autant que les services rendus, pouvait être invoquée par les cités, et servir de justification au sénat, quand il accordait des traitements de faveur. Ce texte montre également que le sénat pouvait être amené à prendre position dans un débat opposant des versions concurrentes d'une même légende (sur la naissance d'Apollon à Ephèse, voir C.Picard, Ephèse et Claws, Paris, 1922, p. 398-9). L'acquiescement donné à la version délienne, dans un texte officiel du peuple romain (sans qu'on en puisse mesurer le degré exact, la fin de la 1. 11 manquant), est la preuve de la volonté de Gabinius d'être agréable aux gens de l'île. 2li Cette formule appartient à la langue courante (elle est très fréquente chez Cicéron, voir par exemple Cat. 1, 7, 16; 2, 13, 28; 3, 10, 25), et tous les éditeurs la rétablissent. ^Semper est restitué par Abbott et Johnson. L'ablatif imperieis dépend peut-être d'un adjectif, comme iiacuus ou solutiis, à restituer dans la lacune de la fin de la 1. 12. !0 Fuit est l'hypothèse de Durrbach et Abbott-Johnson. " Voir Cic, 2 Verr. 2, 69, 166 : Quid? Qui agros immunes liberosque arant, cur oderunt? Caes., Bell. Afr. 7, 1 : peritemi ad oppidum Leptim liberam ciuitatem et immunem', Liv., 33, 32, 5 : Senatus Romanus et T. Quinctius imperator Philippo rege Macedonibusque deuictis, liberos, immunes, suis legibus esse iubet Corinthios, etc. C'est la fameuse proclamation de Flamininus en 196, qui atteste le caractère officiel de l'expression liber immunis; 45, 26, 13 : non solum liberos, sed etiam immunes fore Issenses et Taulantios.

ÉNONCÉ GÉNÉRAL DE LA DECISION

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graves destructions et aux pillages dûs aux pirates dans de nombreux endroits, en particulier dans les sanctuaires (ce que d'autres sources nous font connaître plus précisément'2), et à la victoire définitive remportée par Pompée, en vertu de la loi Gabinia de 67 (ce qui, de la part du consul Gabinius, qui est visiblement le principal inspirateur du texte, est une manière de s'associer aux succès militaires de Pompée et de se rappeler à la reconnaissance des Déliens). La relative dépendant de praedones (l. 14) doit avoir deux verbes, l'un (dans la lacune de la 1. 14), dont le complément est orbem terrarum (1. 14; c'est aussi l'avis de Durrbach, qui restitue uexarintn), l'autre, dont la fin est conservée au début de la ligne 16: Jarint, et dont les compléments sont: ? fan]a, delubro,, simulacra, loca religio[sissuma? (1. 15), que l'on ne peut mettre sur le même plan, ni donc faire dépendre du même verbe, que orbem terrarum, de sens beaucoup plus général. Pour ce second verbe, Roussel, Durrbach, et Abbott- Johnson proposent deuast]arint, Cuq, uast]arint, ce qui est possible, ansi que expiljarint ou compiljarint, spoli]arintu. Le second considérant, relié à la subordonnée précédente par et (1. 16) fait allusion à une «remise en état» (sit restituta, 1. 18) générale (omneis, 1. 18), dont a été exclue l'île de Délos, considérée comme demeure d'Apol lon et de Diane35. On peut combler la lacune des 1. 17-8 par in ante[iquom splendorjem, comme le veulent Roussel, Cuq, Durrbach et Abbott- Johnson, mais la dimension de la lacune conduit à restituer un autre complément, p. ex. statum. L'idée du passage est ainsi rendue par Cuq'6 : seule Délos n'a pas bénéficié de la liberté et de l'immunité accordées par Rome à d'autres cités

'2 Sur les pillages et destructions dont les pirates s'étaient rendus coupables, voir Cic, Imp. Cn. Pomp. 11, 32; 18, 55; Appien, Mithr. 62; Plut, Pomp. 24. Il ressort de ces textes que quatre sanctuaires apolliniens au moins avaient été victimes des pirates : ceux de Claros, Actium, Leucade, et le Didymeion (situé près de Milet), ainsi que le temple d'Artémis à Ephèse. Arnobe, Adii. pag. 6, 23, citant peut-être une Satire Ménippée de Varron (le texte d'Arnobe est peu sûr), fait allusion au pillage d'un sanctuaire oraculaire d'Apollon, qui est peut-être le Didymeion, cf. B. Haussoullier, Histoire de Milet et du Didymeion, Paris, 1902, p. XXI (pour le texte de Varron, voir A. Riese, M. T. Varronis Saturarum Menippeanim reliquiae, Leipzig, 1865, p. 240). " Durrbach, op. cit., p. 253. 34 Cf. Cicéron, 2 Verr. 1, 17, 46: cum fanum spoliation uiderent H qui Delum incolebant; 1, 18, 47 : Apollinemne tu Delium spoliare ausus es? 4, 13, 30 : fanum expilasse; 5, 72, 185 : Deli. . . fanum . . .compilaidt; Nat. deor. 1, 31, 86 : fana compilant; 3, 34, 83 : cum fana expilauisset; Off. 3, 23, 90 : s/ pater fana expilet. 3i Roussel indique au contraire, p. 334, et à tort selon nous, que «l'île sainte, demeure d'Apollon et d'Artémis, a retrouvé son ancien éclat» grâce à l'administration romaine. p. cit., p. 205-6.

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qui lui étaient restées fidèles pendant la guerre contre Mithridate, pour réparer les dommages qui y avaient été occasionnés par les pirates; Durrbach, plus dubitativement, semble partager cette interprétation37. Il semble plutôt qu'il soit question du but poursuivi, et non du moyen administratif et fiscal de l'atteindre : rétablir la beauté et la richesse du sanctuaire (cf. decorata, 1. 8), le restaurer matériellement, comme on avait déjà dû le faire pour d'autres sanctuaires d'Apollon et Artémis dévastés et pillés". La restitution du sujet de sit restituta (1. 18) est délicate : c'est un féminin, détermine par omneis rel[, qui, étant donné le contexte, peut être complété par rel[iqua, religiosa ou rel[igiosissumai9. Le sujet peut être soit sedes (1. 17), soit un mot à rétablir dans la lacune de la 1. 16-7 (et, dans ce cas, sedes peut être un accusatif pluriel en apposition à insidam Delum). Une restitution vraisemblable est : et omneis rel[igiosissuma et sanctissuma p]raeter insu[l]am Delum sedes. Le troisième considérant (également coordonné à celui qui le précède : -que, 1. 18) invoque la dignitas et la maiestas du peuple romain (1. 18). Le génitif de ces deux mots se justifie plutôt par une tournure du type maiestatis est + proposition infinitive sujet40 (ici, le double sujet serait : ]am insulam + verbe, insulam l[ei] berari), que par le causa avancé par Durrbach et Lommatzsch41. Cette tournure semble bien avoir deux propositions infinitives pour sujet, puisque le texte présente deux fois l'accusatif insidam (1.20 et 21); le second verbe, leiberari, conduit à rétablir un premier infinitif à valeur passive ou d'état, qui, ayant deis inmortalibus pour complément, peut être reddi, restituì (avancé par Roussel, Durrbach, le Suppl. epigr. Graec. et Abbott- Johnson), ou sacrari, consecrari, sacrant essen, cette dernière expres sion rappellerait le sacra de la 1. 13, toutes deux ayant la valeur juridique indiquée par C. Trebatius Testa, le juriste contemporain de Cicéron, et des

57 Op. cit., p. 253, n. 1. ÎS Pour les indications données par les sources sur les destructions dans d'autres sanctuai res apolliniens, cf. supra n. 32. w Pour la tournure omnis reliquiis, voir, parmi de nombreux exemples cicéroniens, Plane. 13, 80; et 41, 99; Leg. Man. 4, 9. Pour l'idée elle-même, cf. 2 Verr. 5, 71, 185 : teque, Latona et Apollo et Diana, quorum iste Deli non fanum, sed ut hominum opinio et religio fert, sedem antiquam diuinumque domicilium. . . compilami. 40 Voir les textes cités supra n. 6. 41 Durrbach, op. cit., p. 253; Lommatzsch, op. cit., p. 724. 42 Cf. Cicéron, 2 Verr. 1, 17, 48 : qua ex opinione hominum illa insula eorum deorum sacra putatur, 4, 48, 106 : insulam Siciliani totam esse Cereri et Liberae consecratam. Leg. 2, 18, 45.

ENONCE GENERAL DE LA DECISION

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jurisconsultes plus récents : un territoire est dit sacer lorsqu'il est la propriét é d'un dieu céleste4'. Dans le cas de Délos, il ne s'agit pas à proprement parler d'une consécration, qui ne serait pas valide, d'après le droit pontific al, puisqu'il ne s'agit pas du sol romain, mais de la simple reconnaissance d'un état antérieur : le rappel de la 1. 13, sacram esse, le marque nettement. Restent à expliquer les ablatifs de la 1. 19, dont un seul groupe est resté entier: imperio am[pli]ficaio. Il s'agit très visiblement d'un ablatif absolu décrivant la situation politique et militaire à l'époque de la rédaction du texte. On est donc amené à restituer un nom accordé à administrata (l'adverbe au superlatif étant sans doute, comme le veulent Abbott et Johnson, pulcerjrume, 1. 18-9) : plusieurs textes parallèles font penser à res publica44, vu le caractère très général du passage (imperium, pax). Le mot n'était pas abrégé, étant donné la dimension de la lacune. Le dernier ablatif, pace, doit également avoir appartenu à un goupe à l'ablatif absolu, pour les raisons déjà indiquées45. Bien préférable à la restitution de Durrbach est celle de Lommatzsch : pace per orbe[m parta, qui bénéficie du parallèle des Res gestae diui Augusti40; on peut aussi bien songer à pace. . . facta, confecta ou confirmata47. Ces trois ablatifs absolus, associant l'idée de la paix à celle de l'exten sion de l'empire aux dimensions de Yorbis terranim^, sont, assez nettement,

4Î Sur le sens de sacer, voir C. Trebatius Testa ap. Macrobe, Sat. 3, 3 : sacrum est, ut Trebatius libro primo de religionibus refert, quidquid est, quod deomm habetur, Aelius Gallus ap. Festus, p. 348 L. : sacrum aedificium, consecratum deo; Gaius, 2, 2; 2, 5 : sacrae sunt quae dus superis consecratae sunt; 2, 7a. 44 Cf. Cic, Fin. 3, 20, 68 : ut sapiens uelit gerere et administrare rem publicam; Off. 1, 25, 87: uter potins rem publicam administrait; 2, 21, 73: qui rem publicam administrait; 1, 21, 71; 126, 92. 45 Cf. supra n. 7 et 8. 4ή Res gestae diui Augusti, 13 : cum. . . esset parta uictoriis pax. 47 Pour l'expression pacem facere, voir Cic, Phil. 2, 36, 90; 12, 4, 11; 12, 6, 13; pour pacem conficere, Cic, Flacc. 12, 29; pour pacem confirmare, Cic, Phil. 1, 1, 2. 48 L'emploi d'orbis terrarum dans un contexte impérialiste est relativement récent à Rome : Rhet. Her. 4, 9, 13 : imperium orbis terrae, cui imperio omnes gentes reges nationes partim ni partim uoluntate consenserunt. Ce texte, d'après G. Calboli, éd. Bologne, 1969, p. 291 n. 37 et 292 n. 40 fait allusion à des débats contemporains des premiers moments de la Guerre Sociale. Voir aussi J. Vogt, Orbis Romanus, Zur Terminologie des römischen Imperialismus, Tübingen, 1929, p. 11 et suiv., et P.A. Brunt, Laus imperil, in P. Garnsey et C. Whittaker, Imperialism in the Ancient World, Cambridge Mass., 1978, p. 162 et η. 9; 163-4; 168 et n. 34. Il n'y a presque rien à tirer de P. Rutilius Rufus, De uita sua, fr. 11 Peter (= Charisius, p. 139 K. = p. 176 Barwick): ex orbi terrarum. Ce thème de Yorbis terrarum, qui connaît un grand succès à la fin de la

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des thèmes de propagande pompéienne, que l'on voit apparaître surtout après le retour d'Orient et le triple triomphe d'octobre 61. Le mieux attesté est la coïncidence entre imperium Romamim et orbis terrarwn : lors de son triomphe, Pompée fit porter un titidus indiquant qu'il triomphait de Γοίκουμένη49. Il fit aussi, à cette occasion, placer sur un temple une αναγραφή rappelant «qu'il avait porté les frontières de l'empire jusqu'aux limites de la terre»50. Son gendre, Faustus Sulla, fit frapper en 56 un denarius51 sur lequel trois petites couronnes triomphales et une couronne de plus grande taille rappelant celle que Pompée avait reçu le droit de porter aux jeux, entourent un globe terrestre. L'idée est enfin fréquemment exprimée par Cicéron, dans les passages où il se fait le panégyriste de Pompée, dès le De imperio Cn. Pompei, puis dans le Pro Sestio et le Pro Balbo^2. Et Pompée lui-même, lorsqu'il veut faire, en mars 60, l'éloge de Cicéron, vainqueur de Catilina, attribue au consulaire «le salut de l'empire et de l'univers»53. Quant au thème de la paix rétablie, on en a un écho dans la Correspon dance™ : Cicéron y fait mention d'une lettre officielle de Pompée victorieux, qui se prépare à rentrer en Italie (ex litteris tuis, quas· publiée misisti, avril 62), dans laquelle il promet la paix: tantam enim spem otii.ostendisti. Idée

République et au début de l'Empire (voir Res gestae, titre et § 3), est analysé par Vogt, p. 12-19 et A. La Penna, Orazio e l'ideologia del principato, Turin, 1963, p. 69. 49 Dion Cassius, 37, 21 : και έπί πάσιν εν μέγα, πολυτελώς τε κεκοσμένον και γραφήν έχον δτι της οικουμένης εστίν. Plut., Pomp. 45, 7 : οίκουμένην έδόκει τοις τρίσιν ύπήχθαι θρίαμβοις. 50 Diodore de Sicile, 40, 4 (= Exc. Vatic, p. 128) : καί τα opta της ηγεμονίας τους öpou; τής γης προσβιβάσας. Sur les diverses inscriptions, mobiles ou fixes, composées à l'occasion de ce triomphe, voir E. Pais, Fasti triumphales populi Romani, 1, Rome, 1920, p. 252-260, et J. van Ooteghem, Pompée le grand. . ., Bruxelles, 1954, p. 280-281, 288-289. 51 M. Crawford, Roman Republican Coinage, 1, Cambridge, 1974, p. 450 n°426 4b. Le rapprochement entre le globe figurant sur cette monnaie et l'idée du triomphe sur Γοίκουμε'νη est dû à A. Alföldi, cf. van Ooteghem, p. 286 et n. 2, et est également présent dans l'article cité de P. A. Brunt, p. 179, qui se fonde cependant sur un texte selon nous discutable de notre inscription : imperio amplificato pace per orbe m terrarwn, où pace est apparemment rattaché a amplificato, comme complément de moyen. 52 Imp. Cn. Pomp. 22, 64 : hoc orbis terrarwn imperium teneremus? Sest. 31, 67 : ille uir. . . qui omnibus bellis terra manque compressis imperium populi Romani orbis terrarwn terminis definisset; 61, 129 : uir is qui tripertitas orbis terrarum oras atque regiones tribus triumphis adiunctas huic imperio notauit; Balb. 4, 9 : qui tot habet triumphos quoi orae sunt partesque terrarwn; 6, 16 : cuius très triumphi testes essent totum orbem terrarum nostro imperio teneri. Cf. Dom. 42, 1 10. " Cic, Att. 1, 19, 7 : Pompeium adduxi in earn uoluntatem ut in senatu non semel sed saepe multisque uerbis huius mihi salutem imperii atque orbis terrarum adiudicarit. "Fam. 5, 7, 1.

ÉNONCÉ GÉNÉRAL DE LA DÉCISION

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qui sera reprise par Cicéron dans un grand discours d'apparat, en février 61, lors de la première contio à laquelle assista Pompée55. La formule re publica pulcerjmme administrata associe les qualités politiques de Gabinius aux mérites militaires de Pompée, et l'ensemble du passage tend à présenter aux Déliens la politique impérialiste de Rome comme la meilleure garantie de la paix. Les deux infinitives, qui présentent comme nécessaires et opportunes56 les deux mesures de consécration de l'île aux dieux et d'exemption fiscale, sont suivies de plusieurs propositions en ne + subjonctif, qui indiquent les moyens pratiques de leur réalisation. On aboutit donc, au terme de cette étude, au texte suivant, dont il est inutile de souligner que certaines restitutions sont hypothétiques, et pour raient être remplacées par d'autres, en gardant le même sens général au texte. Nous proposerons donc les restitutions et la traduction suivantes : 5 [litis · iu]beatis · Quom · res · publica · pop[ulei · Romanei · deorum · inmortalium] 6 [opib]us · ac · consilieis · sit · aucta · Q[uomque · in · populum · Romanum · fides1 · Athena] 7 [rum · cl]arissumae · ceiuitatis · sit · conh'rma[ta · Quomque · ea · ceiuitas • multis · fa] 8 [nis · sit · ]decorata · in · quo · numero · fanum · A[pollinis · in · insula · Delo · anti] 9 [quissum]um · ac · religiosissumum · sit · constitutu[m · propter · eius · fani · re] 10 [ligion]em · et · sanctitatem · caerimoniasq(ue) · pr[ 11 [illam · ]insulam · in · qua · insula · Apollinem · et · Dianam · n[atos · esse • homines · ] 12 [putent · ]uecteigalibus · leiberari · quae · insula · post · hominum · me[moriam · semper · uacua2]

1 ou : societas. 1 ou : soluto.. 55 Au. 1, 4, 14 : etenim 56 Pour une tournure la proposition de décret censere atque e re publica

haec erat ύπόθεσις : de grauitate ordinis. . . de otio. assez comparable à populei Romani dignitatis maiestatisque esse, voir honorifique pour Ser. Sulpicius Rufus, Cic, Phil. 9, 7, 17 : senatum existimare.

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13 [omnium · ]regum · ceiuitatium · nat[io]num[q]ue · imperieis · sacra · leib[era · immunisque · fue] 14 [rit · Quo]mque · praedon[es · q]uei · orbem · [ter]rarum · complureis[ · annos · uastarint · ] 15 [et · fa]na · delubra · simul[a]cra · deorum · inmor[t]alium · loca · religi[osissuma · ] 16 [compil]arint · lege · Ga[b]inia · superatei * ac · deletei · s[i]nt · et * omneis · rel[igiosissuma et sane] 17 [tissuma · pjraeter · insu[l]am · Delum · sedes · Apollinis · ac · Dianae · in • antei[quom · statum · et] 18 [splendor]em · sit · rest[it]uta · populeique · Roma[nei] · dign[it]atis.maiestatis[que · sit · re · publica · ] 19 [pulcer]rume · adm[i]nistrata · imperio · am[pli]ficato · [p]ace · per • orbe[m · terrarum · con] 20 [fecta· il]lam · insul[a]m · nobilissumam · ac · sa[nc]tissum[a]m · deis · inmo[rtalibus · sacram] 21 [esse · i]nsulam · l[ei]berari.

«Nous vous demandons, Quirites, si vous voulez et ordonnez, attendu que l'Etat du peuple romain a été renforcé par l'aide et la volonté des dieux immortels, attendu que la fidélité de la très illustre cité d'Athènes envers le peuple romain s'est confirmée, attendu que cette cité est embellie de nombreux sanctuaires, au nombre desquels le temple d'Apollon dans l'île de Délos est le plus antique et le plus vénérable, eu égard au caractère vénérable et saint de ce sanctuaire, aux cérémonies. . . que cette île, dans laquelle on pense que naquirent Apollon et Diane, soit exempte d'impôts, île qui, de tout temps, a toujours été indépendante de l'autorité de tous les rois, cités et peuples, propriété divine et exempte d'impôts; attendu que les pirates, qui plusieurs années durant, ont ravagé le monde et ont pillé les sanctuaires, les temples, les statues des dieux immortels et les lieux les plus saints, ont été vaincus et exterminés en vertu de la loi Gabinia, et que toutes les demeures très saintes et très sacrées d'Apollon et de Diane ont été rétablies dans leur ancien état et dans leur ancienne splendeur, à l'exception de l'île de Délos, et que, l'Etat étant administré de la façon la plus admirable, l'empire ayant été agrandi et la paix assurée à travers le monde, il est digne du prestige et de la grandeur du peuple romain que cette île très fameuse et très sainte soit propriété divine; que l'île soit exempte».

CLAUDE NICOLET

CHAPITRE Vili LES CLAUSES FISCALES

A la ligne 21, commence l'énoncé des mesures proposées en faveur des Déliens. Il s'étendra jusqu'à la ligne 34. La ligne 35, mise en valeur par un vacai de 15 cm au début (on ignore la longueur de celui de la fin, mais il devait être équivalent), est tout entière consacrée à la formule qu'on peut appeler de «constitutionnalité», si fréquente, par laquelle les rogatores se prémunissent contre l'éventuelle sancito d'une loi antérieure (ci-dessus, p. 9-10). S'il est clair que le début de ces lignes traite plus précisément de questions fiscales (le mot vectigal apparaît au moins trois fois jusqu'à la ligne 27), et que la fin, comme l'avait bien vu Cuq, concerne la ou les procédures mises à la disposition des habitants de Délos dont les biens avaient subi des atteintes depuis la guerre de Mithridate, en revanche l'étendue des lacunes rend très difficile la restitution exacte. En particulier, on détermine très mal comment s'articulait le passage des clauses fiscales aux clauses judiciaires. Le mot vectigal apparaissant encore sûrement 1. 27, le nom de Mithridate à la 1. 28, c'est entre les deux sans doute qu'il faut placer la formule de transition, s'il y en a. On a déjà dit plus haut les raisons pour lesquelles il n'est sans doute pas nécessaire, comme le voulait Cuq, de penser que cette seconde partie, normative, de notre loi, devait être rédigée selon le formulaire normal, comme un ordre donné à l'impératif futur (c'est la raison pour laquelle Cuq restituait, de façon bien entendu arbitraire, un liceto à la fin de la 1. 35). Les anomalies de la rédaction de notre texte sont suffisamment grandes, pour qu'on ne s'étonne pas, en réalité, de se trouver devant ce qui n'était sans doute que la rogano elle-même, non le texte du iussus du peuple. Dépendant toujours du velitis inbeatis indûment ou bizarrement conservé de la 1. 5, nous n'avons en réalité que des dispositions introduites par ne, neve (et peut-être, dans une lacune, ut), + le subjontif. En tout cas, on chercherait en

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vain dans le texte conservé le moindre impératif. En revanche (et si l'on met à part les verbes des propositions relatives) on compte certainement 4 subjonctifs dépendant à coup sûr directement d'un ne ou d'un neve (sit, 1. 21; locet, 1. 25; f[a]ciat, 1. 26; sint, 1. 29; et peut-être . . .lit, 1. 33).

Les exemptions fiscales1 II est difficile, mais non impossible, de comprendre l'économie générale des clauses d'exemption. Elles commencent en effet par un ordre formel ne ve[. .]sit, qui, quelle que soit sa forme précise sur laquelle on reviendra, exprime normalement une exemption générale. Suit une proposition tem porelle introduite par un quom, qui devait être suivi d'un verbe à l'indicatif futur (cf. lex agraria, 1. 87) : cette proposition, comme on verra, concerne l'échéance ou la perception de redevances ou d'impôts qui résultent, au moment de la rédaction du texte, d'une obligation antérieure (qu'on peut dater avec précision). Le verbe au futur ne peut trouver place que dans la lacune de la fin de la 1.22. De cette proposition temporelle, dépend une relative tout entière contenue dans la 1. 22 : quam. . . fecenmt. Suit, à la 1. 23, un autre neve (neve quid aliud ve[ctigal, très certainement), qui appelle lui aussi un verbe au subjonctif, qui ne peut trouver place qu'à la même ligne 23, puisque un autre neve se trouve presque certainement au début de la ligne 24. Nous sommes toujours, à cette place, dans les circonstances temporelles présentes, déterminées par le quom de la ligne 21. A la ligne 24, en revanche, commence une série d'autres dispositions, toujours introduites par neve, mais qui concernent cette fois l'avenir : postea. Le sujet des verbes change également : le quis de la 1. 24 ne peut se rattacher qu'au locet de la 1.25, qui a déterminé toute une série de compléments d'objet à l'accusatif dont le dernier précède immédiatement le verbe (. . Jas locet). Il ne s'agit plus cette fois de celui ou de ceux qui doivent payer des vectigalia, mais (comme dans la relative de la 1. 22) de celui qui met en adjudication (locet, qui a exclusivement ce sens actif) les revenus des îles, ou, comme on le dit

1 II manque un ouvrage à jour sur la fiscalité romaine dans son ensemble, et en particulier à l'époque républicaine. Voir mes deux mises au point : Tributwn, dans la série Antiquitas, I, 21, Bonn, 1976; et Les finances publiques de l'État romain, dans Les structures de l'Italie romaine, Coll. Nouvelle Clio, 8, 1978, p. 49-52 (Bibliogr.), et 236-269. Des vues originales dans E. Badian, Publicans and Sinners, Ithaca, 1972.

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normalement en sous-entendant les mots qui les désignent, les îles ellesmêmes. Bien que non tout à fait symétrique, l'expression est donc néan moins claire : non seulement on exempte Délos et les îles voisines de redevances ou impôts qui résultent de l'obligation antérieure dont nous avons parlé, mais encore on interdit pour l'avenir {posted) à une autorité responsable de créer des obligations de ce genre. Suivait d'ailleurs encore une autre clause, introduite toujours par neve (1. 25) dont le verbe au subjonctif (facial) se trouve 1. 26. L'intention des rogatores à déjà été énoncée à la ligne 12 sous sa forme la plus générale : vectigalibus leiberari2. C'est là une formule pour laquelle on connaît plusieurs parallèles. Le plus frappant concerne précisément une loi affichée par Antoine après la mort de César, qui conférait l'immunité à des cités Cretoises et déclarait que, dans l'avenir, l'île ne serait plus une province : Nuper fixa tabula est, qua civitates locupletissimae Cretensium vectigali bus liberantur statuitque ne post M. Brutum pro constile sit Creta provincia (Phil. Π, 97)3. Liberare s'emploie fréquemment dans ce sens fiscal : on retrouve le mot, lié à vectigalis, dans cette phrase de Cicéron (sur laquelle on reviendra) à propos des exemptions de Sylla : 2 L'expression civitates (ou populi) vectigales se rencontre, parallèlement à celle, plus courante, de stipendiariae (fréquente chez Tite-Live, cf. aussi Cic, De leg. Ill, 41, et bien d'autres exemples; tributarius, beaucoup plus rare, est absent de Tite-Live et de Cicéron) pour désigner des sujets qui paient des redevances non précisées au peuple romain. Le mot s'emploie, en particulier, pour désigner un peuple soumis à une indemnité de guerre (Liv., 38, 53, 3), ou une province qui «rapporte» vraiment un bénéfice au Trésor (Liv., 23, 48, 7). En Sicile, on rencontre une catégorie de terrains appelés vectigales (2 Verr., 3, 12; 103; 119; 122). S. Calderone (Kokalos, 1960, p. 3-25; 1964-65, p. 63-98) a tenté de prouver qu'il s'agissait des agri publici, et que leurs revenus constituaient les fameux sex publica (Cf. Cic, leg. agr. II, 64). En fait, l'adjectif vectigalis (comme vectigal lui-même) est très large et imprécis. A l'époque impériale, on appelle agri vectigales tous les terrains dont les occupants ou les «possesseurs» donnent à une collectivité (État, colonie, municipe, voire collèges de prêtres) un loyer récognitif (Hyg., De cond agr., 116-117 Lachmann = 1.1. 79-80 Thulin). Sur ce problème, Lucio Bove, Ricerche sugli «agri vectigales», Napoli, 1960, 23. 3 Sur cette «loi» posthume, Dion, XLV, 32, 4; XLVI, 23, 3 (deux versions, l'une cicéronienne, l'autre attribuée à Fufius Calenus venant sans doute d'Asinius Pollion). Antoine avait, semble-t-il, prodigué des «immunités» (payantes?) : Cic, Phil. I, 3, 24; II, 35, 91-92; III, 10; V, Π; XII, 12; Π, 43; III, 22 (à un individu); c'est déjà ce que Cicéron reprochait à Gabinius d'avoir fait en Syrie (Prov. cons., 10 : vectigalis multos ac stipendiarias liberavit). La lex de César mentionnée au Dig. XXXIX, 4, 15 (Caesar cum insulae Cretae cotorias locaret, legem ita dixerat) est une lex locationis, un cahier des charges pour une adjudication, et n'a rien à voir avec nos lois d'exemption fiscales.

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«INSULA SACRA» Non igitur utilis Ma Philippi4 Q.f. sentential quas civitates L. Sulla pecunia accepta ex senatus consulto liberauisset, ut eae rursus uectigales essent neque Us pecuniam quam pro liberiate dederant, redderemus {De Off. Ili, 87).

De même, à propos du vectigal aedilicium (les bêtes fauves) dans Q. fr. I, 1, 26 : Asiam . . . liberasti. Pris absolument, liberare populos ou civitates signifie d'abord leur donner l'immunité, et les deux expressions doivent être consi dérées comme synonymes (cf. TLL, VII, 1308, 73). On dira aussi liberare s'agissant de Yager publiais qu'on dispense précisément de payer un vectigal (Cic, leg. agr. II, 10 : lex iubet ut idem possint liberare agros; Att. I, 19, 4 : liberabain agnini eum qui. . . publiais fuisset)5. L'emploi constant de liberare avec un complément dans notre texte doit donc, dès le départ, nous avertir qu'il ne s'agit pas exactement de l'octroi du statut de civitas libera, même si le plus souvent ce statut comportait aussi une immunité fiscale du type de celle qu'on rencontre ici. Les civitates liberae6, qu'elles tirent cette liberté d'un traité (donc d'un acte bilatéral en principe intangible) ou de l'initiative du peuple romain ou du Sénat, bénéficiaient aussi d'une autonomie d'ordre constitutionnel, législatif et judiciaire, garantie par une formule du type suis legibus uti, qui est total ement absente de notre texte. Et cela s'explique d'autant mieux, comme on verra, que le statut pour le moins ambigu de Délos depuis 167 (disons celui de ville «attribuée» à Athènes) n'est, semble-t-il, pas modifié par notre texte. Le lien avec Athènes semble être toujours évoqué, du moins par allusion, si la restitution proposée plus haut pour la ligne 7 est la bonne. Il s'agit donc seulement, dans notre loi, de l'octroi d'une immunité fiscale. Tout le problème sera d'en déterminer la nature et la portée. 4 L. Marcius Q.f. Q.n. Philippus, cos. 91, cens. 86; cf. J. Van Ooteghem, L. Marcius Philippus et sa famille, dans Mém. Ac. Roy. Belg., 1961, p. 154-157; P.Willems, Le Sénat de la Rép., II, 363 (Appien, Iber. AA; Cic, 2 Verr. 3, 82; César, Bell. Hisp., 42). 5 Cf. aussi de -leg. agr. II, 57 : privata publicare, piiblica liberare; Fatti. XV, 4, 2 : militas civitates acerbissimis tributis et gravissimis mûris et falso aere alieno liberavi (en Cilicie; il s'agit sans doute d'impôts locaux : cf. Broughton, dans Tenney Frank, ESAR, IV, 577-578; 797-798; D.Magie, Roman Rule in Asia Minor, H, 1251, η. 51); César, B.C. V, 27, 2. 6 Sur ces expressions, depuis la vieille dissertation de W. Henze, De civitatibus liberis, Berlin, 1892, et le manuel de E. Taübler, Imperium Romanum, 1913, voir les discussions de S. Accame, // dominio romano in Grecia dalla guerra acaica ad Augusto, Roma, 1946, p. 46-74 (pour la Grèce), et les diverses contributions de W. Dahlheim, en dernier lieu Gewalt und Herrschaft, Berlin, 1977, part. p. 255-277; sur la différence éventuelle entre liberté et immunité, de bonnes remarques de A. H. Jones, Civitates liberae et immunes iti the East, dans Studies Buckler 1939, 103-117; R. Bernhardt, Imperium u. Eleutheria, Hambourg, 1971.

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Les vectigalia de Délos Une chose est claire, qu'il faut noter sur le champ, quitte à y revenir : les vectigalia dont notre loi libère Délos devaient jusque-là revenir au peuple romain lui-même, puisque c'est une décision du peuple qui les abolit7. Sans doute, on pourrait admettre (car le cas peut se rencontrer) que Rome intervienne dans les affaires intérieures d'une cité, ou dans les rapports entre deux cités, et dispense les Déliens, par exemple, de payer ces «redevances» à Athènes8. Mais d'une part, rien dans le texte ne le précise; non seulement dans les quelques lignes (bien sûr lacunaires) qui traitent spécialement de la question, mais surtout, dans l'exposé des motifs, beau coup mieux conservé, à la 1. 12. D'autre part, comme on verra, ces vectigalia ont toute chance d'avoir été affermés directement à Rome dans les années précédentes, et ne peuvent donc qu'avoir fait partie des revenus du trésor romain9. Malheureusement, le mot vectigal est à la fois général et imprécis. Quelle que soit son étymologie, il désigne d'abord un revenu, public ou privé : la formule de Cicéron optumum et in privatis familiis et in re publica vectigal duco esse parsimoniam (Rep., IV, 7; cf. Par. 49 et 51) atteste suffisam ment le sens privé, dès l'époque républicaine (cf. aussi Off. II, 88). Mais son emploi de loin le plus fréquent concerne les finances publiques. Il est frappant que le sens privé n'apparaisse par exemple, chez Cicéron, que quatre ou cinq fois dans les œuvres philosophiques, alors que tous les emplois des Discours (103 occurrences, sauf erreur) désignent des revenus publics, à l'exception d'une allusion aux revenus des Luperques Juliens

7 Ce qui implique une réforme antérieure du statut fiscal de Délos, comme l'ont vu en général les commentateurs (en dernier lieu W. Dahlheim, Gewalt und Herrschaft, p. 306, note 44). 8 C'est, d'une façon générale, le problème de Vattributio d'un revenu ou d'un territoire à une cité, qui est faite par Rome, et bien entendu révocable; par exemple le Caunie «attribuée» à Rhodes par Sylla, et qu'il est question de lui enlever en 59 (Cic, 0. fr. I, 1, 33); Vitruve, VII, 7, 2 : ita nibricae copiosae. . . non minus etiam Lemno, cuius insulae vectigalia Atheniensibus senatus populusque Rom. concessit fruenda (il s'agit du minium, en 17 vraisemblablement; cf. S. Accame, // dominio romano. . ., p. 239-240; Lemnos est encore liée à Athènes en 75/4, cf. Ann. Scuoi. Arch. Atene, N.S. III-IV, 1941-42, p. 84). Cf. ci-dessus (Ferrary) p. 39 note 20. 9 On a d'autres témoignages des contributions payées par des îles de l'Egée ou des cités de Grèce au trésor romain (Accame, Dominio, 24-26) : par ex. à Andros, la présence d'un publicain, Γούυς Ούαρηιος (IG XII 5, p. 128, n°261); cf. aussi le «tribut» de 150 dr. annuelles payé par Gyaros (Strabon, X, 485). Ces îles d'ailleurs dépendaient de la province d'Asie.

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(Phil. XIII, 31). Et, dans la quasi totalité des cas, il s'agit des revenus du peuple romain (exceptions : ceux de Tusculum, leg. agr. III, 9; ceux des cités d'Asie, Flac. 20; 44; pour les vectigalia des municipes, Cicéron emploie d'ailleurs couramment le mot : Fam. XIII, 11, 1, pour les revenus d'Arpinum en Gaule Cisalpine)10. Au sens le plus général de revenus d'un État", vectigalia, au pluriel, se rencontre souvent chez Tite-Live (pour Carthage, XXXIII, 47, 1; pour les mines de Macédoine, XLV, 18, 3). Mais il est certain que le mot se rencontrait dans la ou les formules officielles qui fixaient les règles de la comptabilité publique ou les devoirs des magistrats chargés des finances. Dans la «constitution» fictive, mais si vraisemblable, du De legibus, Cicéron définit ainsi les devoirs des censeurs : Urbis templa vias aquas aerarium vectigalia Mento (III, 7). Et chez Tite-Live se rencontre à deux reprises l'expression publica vectigalia et nitro tributa locare (ou, inversement conduc ere)(43, 16, 2; 16, 7; cf. aussi 39, 44, 7, à propos de la censure de Caton). Cicéron (De leg. agr. I, 7; II, 55; 2 Verr. 3, 19) confirme l'expression vectigalia locare : il est sûr qu'elle était officielle. C'est en effet l'expression qui est utilisée dans la Table d'Héraclée (CIL F 593, 1. 73), à propos de l'adjudica tion de l'usage de certains lieux publics à Rome même : Quibus locis ex lege locationis, quam censor aliusve quis mag(istratus) piibliceis vectigalibus idtrove tributeis fruendeis tuendeisve dixit dixerit, eis quei ea fruenda tuendave conducta habebunt. . . etc. Elle apparaît d'ailleurs dans l'expression societas vectigalium (Cic. Pro Sest., 32) pour désigner celles des sociétés de publicains qui affermaient précisément les revenus de l'État. Et c'est de la même manière que la très officielle lex Antonia de Termessibus, des années 71/68, désigne, pour les faire exempter des droits de douane locaux que les Termessiens sont autorisés à rétablir, les publicains romains : quei publica populi Romani vectigalia redempta habebunt12. Voilà donc pour les vectigalia, au pluriel. Mais le mot apparaît dans notre loi au singulier, certainement à la 1.21 et à la 1.27, et très probable10 De même, les agri vectigales d'Atella en Gaule également, Cic. Fam. XIII, 7, 1-2. 11 Sur les revenus de l'État romain, à défaut d'études complètes (dont certaines sont en cours), l'exposé le plus utile est encore celui de J. Marquardt, L'organis. financ. chez les Romains {Manuel. . ., tome X), trad, française 1888, p. 189-377; mais on trouvera en fait la meilleure mise au point dans V. Ivanov, De societatibiis vectigal. pubi. pop. Romani, St Pétersbourg, 1910. R. Cagnat, Et. Hist, sur les impôts indirects chez les Romains. ... Paris, 1882, et S. J. De Laet, Portorium, Bruges, 1949, ne se sont occupés, avec plus ou moins de bonheur, que de certaines recettes. 12 CIL, F 589 = FIRA, I, n° 11, p. 135, 1.34-35. Sur la datede ce document, J.Béranger, dans Mél. Piganiol, II, 1966, 723 = Principatus, Genève 1973, 61-76.

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ment 1. 23. Bien entendu, le singulier conserve encore le sens de revenu, et même du revenu fiscal, du moins pour chacune des catégories d'impôts qui constituaient les vectigalia d'une province; par exemple dans Pro lege Manilla, 15 : Ita neque ex portu neque ex decumis neque ex scriptum vectigal conservari potest. Si bien que vectigal (surtout au singulier) prend aussi le sens contraire de «revenu», celui de «redevance» ou, d'une façon générale, de «taxe» ou d'« impôt». Il s'agit tout simplement d'un changement de point de vue, la même réalité désignant pour l'un (le trésor) un «revenu», pour les assujett is, une «charge». C'est ainsi qu'on dira vectigal imponere, aussi bien pour une imposition générale sur une province ou un district entier (S.C. de Asclepiade, CIL F 588, 1. 6Π sur lequel on reviendra; Cic, 2 Verr. III, 12: ceteris provinciis impositum vectigal est certum)14, que plus particulièrement pour un vectigal spécial, celui qui pèse sur Yager publicits. (Tite-Live, 31, 13, 7; lex agraria CIL F 585, 26, 27, 36, 82, etc.). Inversement, du point de vue du «contribuable», on dit vectigal pendere, dare, debere, etc.'\ Avant de discuter sur le fond la nature des redevances ou impôts dont Délos est désormais dispensée, il faut considérer de près le texte lui-même ou ce qu'il en reste. a) il est sûr que vectigal est employé au pluriel 1. 12, mais au singulier 1. 21 et très certainement 27. b) à la ligne 23, il est presque certainement question d'un aliud vectigal (neve quid aliud ve[ctigal) qui vient donc sans doute s'ajouter à celui dont il vient d'être question. n FIRA, I, n° 35, p. 255 : magistratjus nostri queiquomque Asiam Euboeam locabimt vectigalve Asiae [Euboeae importent, restitution rendue sûre par le texte grec : άρχοντες ημέτεροι, οϊτινες άν ποτέ Άσίαν Εύβοίαν μισθώσιν ή προσόδους 'Ασία Εύβοια έπιτιθώσιν. 14 C'est le fameux passage où Cicéron oppose, à grands traits, le régime fiscal de la Sicile, aussi bien aux provinces qui connaissent le vectigal certain (il cite l'Espagne et les cités puniques; peut-être faut-il ajouter la Grèce, Accame, Dominio. .., p. 24-25) qu'à celles qui connaissent la locatio censoria - comme par exemple l'Asie. Texte souvent commenté : par Marquardt et Ivanov, par J. Carcopino, La loi de Hiéron et les Romains, 1919; par S. Calderone (art. cité ci-dessus, note 2), E. Badian, etc. Pour un catalogue de societates de publicains attestées (avec locatio à Rome), C. Nicolet, Deux remarques. . ., p. 89-95 (cité ci-dessus, p. 54). La decuma peut être considérée comme un vectigal; mais son produit est variable, et non pas «fixe». ^Pendere: Cic. Leg. agr. II, 80; III, 9; Liv., 38, 39, 8; 8, 11, 6; emplois nombreux dans l'épigraphie : vectigal dare/ debere, dans la Sent. Minuciorum (CIL I2 584, 24; 29; 35), pour une redevance sur des terrains; dare debere, dans la lex agr. de 111 (CIL V 585, 19; 26; 36; 82).

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c) à la ligne 23, il est certainement question, comme on verra, d'une locano de l'île de Délos (le verbe locet réapparaît, au subjonctif, 1. 25), qui ne peut être que l'adjudication par des magistrats du peuple romain de la perception d'un vectigal ou des vectigalia de Délos. d) à la ligne 23, il est très vraisemblablement question d'une imposi tion concernant l'entrepôt (custodia) du blé public, pour laquelle on a des parallèles en Asie. La conclusion la plus prudente est qu'en 58 les Déliens payaient ou devaient payer en fait diverses «redevances» ou «impôts», dont l'une au moins peut être identifiée à peu près certainement, celle afférente à l'entre pôt du blé public. L'ensemble de ces redevances était à cette date affermé, vraisemblablement à Rome même, globalement, sous le nom de locano Delei insulae. Établissons d'abord ces deux points, avant de nous demander quel était le statut fiscal et diplomatique exact de Délos à cette date. 1) La «locano» de Délos : E. Cuq avait bien vu qu'il était question d'une locatio d'un impôt par des magistrats romains16. Mais, à partir de cette excellente intuition, il a commis deux erreurs. «Le Sénat vise d'abord, dit-il, l'impôt qui a été l'objet de la locatio faite à Délos par les questeurs provinciaux, et qui est sans doute l'impôt foncier»; et il ajoute en note: «les noms des magistrats qui avaient fait la locatio étaient indiqués, il ne reste que le prénom et les premières lettres du gentilice de l'un d'eux: C. Α.». Ayant identifié à juste titre une locatio, c'est certainement par étourderie qu'il a restitué dans son texte, à la fin de la 1. 21 et au début de la 1. 22, non pas lojcatione, mais (par une confusion avec le mot français) : adiu]\[di]catione17 . Adiudicatio est certes un mot latin. Mais c'est un terme technique du droit, qui désigne une phase de la procédure formulaire, celle, d'après la définition de Gaius IV, 42, qui permettait au juge «d'adjuger une chose à quelqu'une des parties»18. Dans un paragraphe consacré aux vectigalia, le mot n'a rien à faire. Il faut donc certainement restituer lojcatione, et presque sûrement, pour justifier l'abla-

16 E. Cuq, art. cité, p. 207. 17 Ibid, p. 200; tous les éditeurs successifs, sans exception, ont repris cette erreur. 18 Heumann-Seckel, Handlex., 14; A. Berger, Enc. Diet. Rom. Law, 349. Gaius, IV, 42 : adiudicatio ea pars formulae qua permittitur indici rem alieni ex litigatoribus adiudicari; E. Cuq ne l'ignorait certes pas: cf. Man. Inst. Jur. des Romains, 1928, p. 278-279. Il a, par inadvertance, pense au mot français «adjudication» (cf. ibid., 258), qui se dit précisément locatio (ou addictio).

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tif, ex ou in locatione. Nous discuterons ci-dessous de la répartition du mot entre les lignes 21 et 22. Le mot est suivi d'une relative dont le verbe est conservé: quam. . . fecerunt dont le sujet était donc au pluriel (plusieurs magistrats sont donc intervenus). En parlant des magistrats qui en sont responsables, on dit normale ment locationem facere. Le parallèle le plus sûr se trouve dans la Table d'Héraclée19 : (aedilis) eamque locationem palam in foro per q(uaestorem) urb(amim) eumiie quei aerario praeerit, facito. mais aussi dans la lex Malacitana, 63 : (duumvir) quasque locationes fecerit20. Et, au passif, cum locano fieret, pour désigner l'opération même de la mise aux enchères, à Rome, des dîmes mineures de Sicile (2 Verr. 3, 18), ou locano facta (Pomp., Dig. XIX, 2, 4). On restituera donc sans hésiter : ex lojcatione q[u]am (noms de plusieurs magistrats) (. . .) fecerunt. Le mot fecerunt est précédé sur la pierre du mot Delei. Mais les trois lettres qui précèdent celui-ci ont été mal comprises par tous les éditeurs du texte. Cuq, Durrbach, Lommatzsch lisaient sup, qu'ils faisaient, selon le cas, suivre d'un point marquant une lacune (précaution que Lommatzsch a

"CIL Ρ 593 = FIRA, I, 13, p. 140, 1.35; quelles que soient la date et la nature de ce document, il n'y a pas de doute que le règlement édilitaire contenu dans ce paragraphe soit directement inspiré du règlement romain. 20 CIL, II, 1964 = FIRA I, 24, p. 208, 215: quasque locationes fecerit quasque leges dixerit (locano, la mise en adjudication; lex, le règlement ou cahier des charges édicté avant le contrat lui-même). Sur ces contrats, malgré la dissertation de G. Hahn, De censorum locationibus, Leipzig 1879, et les chapitres de F. Kniep, Societas publicanorum, léna, 1896, spec. pp. 93-143 (qui traite surtout de l'époque impériale), la meilleure étude reste celle de V. Ivanov, citée ci-dessus, note 11. Cependant récemment A. Magdelain, La loi à Rome: histoire d'un concept, Paris, Les Belles Lettres, 1978, est revenu longuement, entre autres, sur l'étude de la lex censoria (qui peut parfois, exceptionnellement, être édictée» par un autre magistrat adjudicateur, par ex. un consul, comme L. Papirius en 113, lex agr. de 111, 1.89; un préteur, comme Verres en 75 pour l'entretien du temple de Castor, Cic, 2 Verr. I, 143-146; César vers 46, Dig. 39, 4, 15). Il montre qu'il s'agit en fait d'un règlement, créateur de droits et de procédures, édicté impérativement et unilatéralement par le magistrat, au nom de l'État, avant la locano ellemême (qui se fait par adjudication, addictio, sur enchères, licitano), laquelle ne porte, en fait, que sur le prix, et implique l'acceptation par le contractant, de ses stipulations. Souvent tralatice, c'est-à-dire constituant une sorte de «code» de la fiscalité et des travaux publics, le règlement pouvait cependant être modifié ou complété par tel magistrat. Il s'exprime, comme la lex en général, à l'impératif futur. Il est parfois désigné par l'expression lex locationis. On trouvera dans Magdelain toutes les références et la bibliographie juridique sur ces questions.

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omise) et d'un prudent point d'interrogation21. Une révision de la pierre permet de lire sûrement une haste verticale, qui ne peut être que la partie droite d'une lettre, avec l'amorce d'une barre oblique qui part de la base vers la gauche : donc sûrement la partie droite d'un N. Puis un S à demi effacé, mais encore visible sur certaines photographies. Puis le V. Enfin une haste verticale, sans la moindre boucle à droite (l'erreur des premiers éditeurs est due à une altération de la pierre). Enfin, ce qu'il faut noter, une lacune de 2,5 cm, qui laisse la place pour deux lettres avant le point de séparation qui précède Delei. On aura remarqué que dans notre texte, Délos, qui est nommée 7 fois, est précédée ou suivie au moins trois fois par le mot insula (1. 10-11 probablement, 1.17; 1. 29)—. Il est évident qu'il faut aussi le restituer 1.21, au génitif, comme complément de quam, c'est-à-dire de locano : ex lojcatione q[u]am (untel et untel) insulae Delei fecerunt. C'est là une façon de s'exprimer qui n'a rien d'étonnant. On dit en effet couramment locare Asiani, par exemple, pour signifier : mettre en adjudica tion les impôts ou les revenus de l'Asie. C'est la formule qu'on rencontre dans un texte déjà cité, le S.C. de Asclepiade : magistratiis nostri queiquomque Asiam Euboeam locabunt vectigalue Asiae Euboeae imponent. . .2\ Ce parallèle prouve qu'en effet une adjudication pouvait ne concerner qu'un district géographique et fiscal, de taille très variable : dans le sénatusconsulte, si l'Asie constitue bien une province, on ne peut dire la même chose de l'Eubée, qui n'est citée que parce qu'un des personnages à qui l'on accorde une immunité personnelle est de Carystos, cité de l'île, dans un territoire qui à cette date, en principe, est du ressort (au sens large) du proconsul de Macédoine. Il s'agit donc dans notre loi d'une locano qui a porté globalement sur l'ensemble des vectigalia que devait payer ou produire Délos. Les trois lettres qui suivent le quam sont certainement, comme l'avait bien vu Cuq, l'abréviation d'un prénom et le début d'un gentilice : le point est très apparent après la première des lettres qui, comme on verra, est un L. Ainsi les magistrats n'étaient pas désignés seulement par leurs fonctions, mais identifiés par leur nom en toutes lettres. Il est important de le noter, car,

21 l · C · ΑΓ. . .] sup. (-) Cuq; idem Abbott- Johnson; idem Durrbach; l · C · Λ sup., Lommatzsch; L CA. . . VI, Roussel. 22 Sur estampage et photo, et par «autopsie» de C. Nicolet en août 1974. 23 CIL Ρ 588 = FIRA I, 35, 1. 6.

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comme presque toujours dans ce cas, la mention des noms prendra valeur de date : la loi veut toucher des vectigalia qui ont déjà été affermés effectivement (et non pas seulement qui auraient pu l'être)24. De quels magistrats s'agit-il? On conçoit l'importance de la question. Non seulement, si nous en décidons, nous pourrons peut-être les identifier, mais il est clair que l'identification de ceux qui ont eu à un moment la charge d'affermer les revenus de Délos risque de nous donner des indices sérieux pour déterminer la nature de ces derniers. Cuq, suivi par tous les modernes, a tranché, sans d'ailleurs poser sérieusement le problème, en faveur des questeurs de la province de Macédoine. D'une part, parce qu'il savait, ce qui est sûr, que Délos continue à être administrée par les Athéniens au Ier siècle av. J.-C, comme elle l'était depuis 167 (cf. le décret athénien de 49 av. J.-C. la concernant, Josephe, AJ XIV, 231-232)25, et qu'Athènes, ville libre et alliée, est pourtant dans la mouvance du proconsul de Macédoine. D'autre part, parce qu'il prenait le mot Delei comme un locatif et supposait donc, comme le fera encore plus nettement après lui Accame (p. 184)26 que le texte spécifiait que la locano avait eu lieu à Délos même. Il faut donc ouvrir le dossier, et se demander où avaient lieu, ou pouvaient avoir lieu, à cette époque, les locationes du type de celle-ci. En règle générale, les vectigalia du peuple Romain doivent être affermés à Rome même, par le soin des censeurs ou de magistrats qui leur soient spécialement substitués, publiquement et sur enchères ouvertes. Cicéron l'affirme par deux fois, solennellement, dans le De lege agraria : censorious vectigalia locare nisi in conspectu populi Romani non licet U, 7) vectigalia locare nusquam licet nisi in hac urbe (II, 55) 24 Sur ces districts financiers et l'ordre dans lesquels ils apparaissaient dans les documents comptables du Trésor et dans les opérations censoriales, E. Fallu, Cicéron et les finances publiques, Thèse 3e cycle, Paris, 1974; Les rationes du proconsul Cicéron, dans ANRW I, 3, 1973, p. 209-238. 25 Josephe, A.J., XIV, 10, 14, 231-232 : ΈπΙ άρχοντος Βοιωτοϋ μηνός Θαργηλιώνος εικοστή. Daté en outre par la légation de M. Pupius Mi. Piso Frugi Calpurnianus de 49 av. J.-C; P. Roussel, Délos, col. Ath., 94; p. 379-380 (dispense du service militaire pour les Juifs). 26 S. Accame, o.e., p. 184: une des causes principales de la décadence de l'île «dev'essere l'introduzione del portorium ad opera forse di Siila, portorium la cui locano ancora nel 58 avveniva in Delo, secondo quanto si può dedurre dal testo mutilo della nostra legge. In tal modo Siila, se lasciava ad Atene Delo, in realtà per mezzo dell'evasione dei vectigalia se ne serviva a profitto di Roma». Rien à reprendre à la conclusion de ce passage - sauf l'idée que la locano avait lieu dans l'île.

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Mais le contexte prouve précisément que la rogatio de Rullus autorisait ses decemvirs agraires à «vendre» des terrains et des édifices appartenant au peuple quibuscumque in locis uideatur (II, 55). Cicéron lui oppose donc la règle générale s'appliquant aux vectigalia. Mais cette règle ne souffrait-elle pas d'exceptions27? L'exception la plus connue est bien entendu celle qui concerne la locano des dîmes frumentaires de Sicile. Notons qu'il s'agit bien d'une double exception, dont l'origine remonte certainement à la fameuse lex Hieronica, que le règlement provincial de Rupilius ne faisait que suivre de près. Jusqu'en 75 en effet, toutes les dîmes, y compris celles de fruits et légumes (vin et huile compris) étaient aussi adjugées localement, par les soins du proconsul ou des questeurs, cité par cité28 : L. Octauio et C. Cotta considibus senatus permisit ut uini et olei decumas et frugiim mimitarum, quas ante quaestores in Sicilia uendere consuessent, Romae venderent, legemque de his rebus quam ipsis uideretur dicerent (2 Verr. 3, 18). D'autre part, nous savons de source sûre que les autres vectigalia de Sicile, le portorium, la scriptum (et peut-être les taxes qui portent le nom de sex publica, si elles sont différentes du portorium) sont affermés à Rome même, par les censeurs, ou du moins en vertu de la lex censoria, à des sociétés vectigaliennes du type «anonyme», dont le siège est et ne peut être qu'à Rome, et qui n'avaient en Sicile que des représentants, des agents d'exécution, incapables de passer des contrats avec l'État29. La situation exceptionnelle de l'adjudication locale des dîmes de Sicile (ou plutôt de l'ensemble de ses «revenus fonciers», car il faut peut-être y inclure le vectigal de Yager publicus) semble bien définie dans un célèbre passage de Cicéron qui, à première vue, semble formel, et nous renseigner ait donc pour les autres provinces : Inter Siciliam ceterasque prouincias, indices, in agrorum uectigalium ratione hoc interest, quod ceteris aut impositum uectigal est certum,

27 Sur les détails de la licitano (enchères), cf. provisoirement C. Nicolet, dans Ann. Ec. Pr. Htes Et, IVe Sect., 1974, p. 279-282. 28 Rien à ajouter, aujourd'hui, à la lumineuse démonstration de J. Carcopino, La loi de Hiéron et les Romains, Paris, 1914, p. 77-107. 29Societas scripturae: 2 Verr., 2, 169; 173; 175; 180; 3, 166; scripturae et portus, 2, 171; scripturae et sex publicorum, 3, 167; voir le tableau que j'ai donné dans Deux remarques sur l'organisation des sociétés de publicains, dans Points de vue sur la Fiscalité antique, ParisSorbonne, 1979, p. 90.

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quod stipendiarium dicitur (ut Hispanis et plerisque Poenorum quasi uictoriae pmemium ac poena belli), atit censoria locatio constituta est, ut Asiae lege Sempronia (2 Verr. 3, 12). La censoria locatio, qui a lieu à Rome, régirait donc toutes les provinces (sauf la Sicile) qui ne connaissaient pas le régime du uectigal certum. C'est le cas de la Macedonie, apparemment. Mais les choses ne sont pas si simples. D'abord, aucune règle n'empêchait le législateur de modifier les règles antérieures et de donner compétence aux promagistrats pour mettre en adjudication des revenus jusque là affermés par les censeurs. C'est ce que prouvent (et c'est le plus ancien exemple) deux passages successifs de la loi agraire de 111 concernant le vectigal, les dîmes et la scriptum afférents à Yager publions d'Afrique. Dans un premier temps, la loi fait référence à la dernière locatio, qui a été faite à Rome en 115 av. J.-C. : «En ce qui concerne le montant de la redevance, des dîmes et du droit de pâturage que (celui qui «possède») devait verser au publicain pour ce terrain, cet édifice ou ce local, en vertu du cahier de charges de l'adjudication qu'ont édicté L. Domitius et Cn. Domitius censeurs pour la vente, l'affermage et la jouissance des territoires, édifices, locaux et revenus publics, le même montant devra être versé par celui qui, après le vote de cette loi, possédera terrain, bâtiment ou local public en Afrique...» (1.85-86). La référence aux censeurs de 115 est donc très nette, dans une phrase qui, par son mouvement, est très proche du texte de notre loi. Mais le législateur veut aussi se couvrir pour l'avenir. Il va donc édicter des règles pour les adjudications futures. Mais alors, il ne nommera plus seulement les censeurs, mais magistratus prouemagistratus, queiue pro imper ioiudicio potestateue erit, . . .queicumque (. . .) quom ea uectigalia fmenda locabit uendetue. . . (1. 88). Il prévoit donc formellement la possibilité théori que pour un magistrat autre que les censeurs et même un promagistrat ou ses représentants, de conduire une telle adjudication. Et de fait, la 1. 89 de la même loi prouve qu'en 113 (sans que nous voyions bien pourquoi), le consul Cn. Papirius avait eu l'occasion de «vendre et de louer» la percept ion de vectigalia en Afrique : à ceux-là, la présente loi ne touche en rien. Sans doute Papirius avait-il simplement complété des adjudications que les deux censeurs de 115 n'avaient pas eu le temps de terminer30. i0 CIL F, 585 = FIRA I, 8, p. 119, 1. 85-89 : [Quantum uectigal decumas scripturamue pecoris eum, quei agrum locum aedificium in Africa possidebit, quei ager] locus populorum leiberorum, perfugarum non fuerit, pro eo agro aedificio locoque ex l(ege) dicta, q[uam L Caecilius Cn. Domitius cen]s(ores) agri

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D'autres textes prouvent également que la compétence des censeurs, générale et permanente en principe, pouvait être transférée à d'autres magistrats. En 78 J.-C, le sénatus-consulte de Asclepiade Clazomenio, qui accorde l'immunité personnelle à trois navarques originaires de Carystos en Eubée, de Clazomène et de Milet en Asie, déclare : Magistratus nostri queiquomque Asiam Euboeam locabunt uectigalue Asiae Euboeae importent, curent ne quid ei dare debeant (1. 69). Ici, les promagistrats ne sont pas formellement prévus, mais le «quicumque» ne les exclut pas31. Mais cinq ans plus tard, le sénatus-consulte de Amphiarai Oropiis agris cite un extrait du cahier de charges d'une adjudication {lex locationis) où il est constaté qu'un imperator ou que des imperatores ont pu donner ou

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aedificii loci uectigalibusue publiceis fruendeis locandeis uendundeis legem deixerunt, publicano dare oportuit : [tantundem post h. l. rog. quei agrum locum aedificium in Africa possidet possidebit, publicano uectigal decurnas scriptura]mque pecoris dare debeto, neiue amplius ea aliubeiue aliterue dare debeto, pequsque ne[i aliter alieisue legibus] in eo agro pascito. Quae uectigalia in Africa publica populi Romani sunt, quae L. Caecilius Cn. Domiti(us) censCores) fruenda | [locauerunt uendideruntue, queiquomque mag(istratus) post h. l. rog. ea uectigalia locabit uendetue, quominus publicano earn legem dicat. quo /?/]us populo dare debeat soluatque, e(ius) h. 1. n(ihilum) r(ogato). Mag(istratus) proue mag(istratu), queiue pro eo inperio iudicio [potestateue erit, queiquomque, quae] publica populi Romani in Africa sunt eruntue, uectigalia fruenda locabit uendetue, quom ea uectigalia fruenda locabit uendetue, | [nei eis uectigalibus legem deicito, quo inuiteis ieis, quei eum agrum possidebunt, publicano quid facere liceat, quod ei non licuit facer]e ex lege dicta, quam L. Caec(ilius) Cn. Dom(itius) cens., quom eorum agrorum uectigalia fruenda locauerunt [uendideruntue. eis agris lege]m deixerunt; neiue quod in eis agris pequs [pas]cetur, scripturae pecoris legem de[/]cito, quo inuiteis eis, quei eum agrum posside bunt,| [aliter pascatur quam pastum est ex lege dicta, quam L· Caecilius Cn. Domitius censores, quom eorum agrorum uectigalia fruenda locauerunt uendideruntue, legem deixerunt. Quae uectigalia fruenda in Africa Cn. Paperius cos. uendidit locauitue, qu]ominas ea lege sient pareantque, quam legem Cn. Paperius cos. eis uendundeis [locandeis deixit], e(ius) h. [/.] n(ihilum) r(ogato). Sur ce passage de notre loi, le plus lumineux commentaire reste celui de S. Gsell, Hist. Ane. Afr. Nord, VII (1930), p. 87-91, cité, mais non utilisé, par K. Johannsen, Die lex agraria des Jahres 111 ν. Chr., Munich, 1971, p. 379-392. Bien noter qu'à la ligne 89 la lex du consul Papirius Carbo est bien une lex locationis, non une loi comitiale (pour la date de 112, inadmissible, Hinrich, ZSS, 1966, p. 290). 31 CIL F, 588 = FIRA, I, n° 35, p. 257; le meilleur commentaire historique reste celui de Gallet, Rev. Hist. Dr. 1937, p. 241-293; p. 387-425; cf. p. 389.

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laisser la jouissance de revenus pour l'entretien des sanctuaires (1. 36-37)32. Il semble bien que là encore l'initiative de promagistrats (les imperato res ne peuvent être que Sylla lui-même ou des hommes revêtus d'un pouvoir similaire) soit prévue. Sans doute ces deux textes se situent-ils dans une période de troubles et d'exception en ce qui concerne les finances de la Grèce et de l'Asie. Le règlement syllanien de 83, qui fait encore sentir ses effets, avait dû compter avec l'interruption de fait des communications avec Rome. Mais la locano censoriale pour l'Asie avait été rétablie dès que possible. Et l'on a vu qu'au contraire en 75 un sénatus-consulte transfère de Sicile à Rome l'adjudication des dîmes mineures. Un autre texte, de très peu postérieur à notre loi, mentionne également l'initiative locale d'un gouverneur en matière fiscale : il s'agit de Pison en Macédoine en 57 : Quid? vectigalem provinciam, singulis rebus quaecumque venirent certo portorio imposito, servis tuis pro publicanis a te factam esse meministi? {In Pis. 87). Mais précisément il s'agit d'une part d'abus caractérisés que Cicéron ment ionne dans un véritable réquisitoire. Et d'autre part, ce qu'il reproche à Pison, n'est-ce pas précisément, ayant décidé de son propre chef d'imposer dans toute la province un nouveau portorium, de ne l'avoir pas affermé aux publicains, mais de l'avoir fait percevoir par ses propres esclaves? Une contre-épreuve est possible. Cicéron n'emploie jamais le mot locare que pour des magistrats à Rome (censeurs, consuls ou préteurs dans l'exercice de la tuitio censoriale), à la seule exception, bien entendu, du proconsul de Sicile.

32 Syll.\ 747 = FIRA I, n° 36, p. 260, 1. 19; 25; extrait du νόμος της μισθώσεως, 1. 35 : Έν τω τής μισθώσεως νόμω ύπεξειρημεν[ο]ν δοκεϊ είναι ούτως εκτός τε τοιήων η εϊ τι δόγμα συνκλη'του αΰτοκρα'τωρ αυτοκράτορες τ[ε] ημέτεροι καταλογής θεών αθανάτων ιερών τεμενών τε φυλακής [ένεκεν] καρπίζεσθαι έδωκαν κατέλιπον, εκτός τε τούτων. Les documents en notre possession sont de 73 av. J.-C. L'adjudication dont il est question (1. 19) a été faite postérieurement à l'octroi par Sylla des terrains contestés au dieu, c'est-à-dire entre 85-81 et 74. La censure était supprimée de fait pendant cette période. On peut penser à une adjudication faite à Rome en 75 (comme pour les dîmes mineures de Sicile). Il faut désormais renoncer à l'idée longtemps répandue d'après laquelle Sylla aurait systématique ment exclu le recours aux publicains pour la perception des revenus provinciaux. Ce ne fut vrai, à la rigueur, que pendant ses campagnes en Grèce et en Asie, lorsqu'il était coupé de Rome. Voir la mise au point définitive de P. Brunt, Sulla and the Asian publicans, dans Latomus 1956, p. 17-25; C. Nicolet, L'ordre équestre I, 1966, p. 325-353; E. Badian, Publicans and Sinners, 1972, p. 95.

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Sans doute, comme on verra, nous sommes en fait mal renseignés sur la fiscalité de la province de Macédoine, et de la Grèce propre, qui en dépendait plus ou moins. Pour l'époque qui nous occupe S. Accame suggère sans apercevoir la contradiction que le Stipendium fixe que devaient payer les territoires de Grèce qui n'avaient pas de traité, de liberté ou d'immunité spéciale (ce qui, en fait, était le cas d'Athènes) était affermé à Rome par les censeurs, mais que les publicains ne devaient pas y attacher beaucoup d'importance puisque, par définition, la perception d'une somme fixe n'au torisait pas la spéculation (p. 25; cf. p. 184, où il exclut les impôts fonciers de nos vectigalia de Délos33). Mais supposons, contre toute évidence, que ces «revenus» de Délos aient été affermés, avant 58, par les soins des autorités romaines locales. Il s'agirait vraisemblablement, Délos étant encore possession athénienne, du proconsul de Macédoine. Mais imaginons même qu'il puisse, pour des raisons de commodité, s'agir de celui d'Asie. Le pluriel fecerunt nous oblige absolument à restituer au moins deux noms dans la lacune de la ligne 21. De deux choses l'une : ou bien cette adjudication locale aurait été faite par le proconsul lui-même, ou bien par un de ses légats ou questeurs : mais certainement pas par deux magistrats à la fois, dont l'un subordonné à l'autre. En Sicile, les questeurs dont il est question agissent chacun séparé mentdans son ressort. Raisonnons par l'absurde. Imaginons qu'il s'agissait bien de deux promagistrats de la même province (un proconsul et un questeur, ou proquesteur, deux questeurs ou proquesteurs). Avons-nous la place de restituer à la fois leur nom et leur fonction dans la lacune? Celle-ci est de 13 cm, soit, à cette ligne, de 14 à 15 lettres (y compris les 3 lettres ins de insula). S'il y était mentionné deux magistratures différentes (par ex.: procos. et q(uœstor) ou proq(uœstor), cette titulature prendrait au minimum 7 lettres, au maximum 10. Il ne resterait visiblement pas assez de place pour la fin du premier gentilice et le prénom et le gentilice du second personnag e. Le raisonnement reste d'ailleurs valable même si nous supposions, ce qui est absurde, deux questeurs : au pluriel, le mot est le plus souvent abrégé en quaest. ou quaestor(es), ce qui est beaucoup trop long34.

33 Je doute qu'aucun vectigal stipendiarium, c'est-à-dire fixé d'avance en valeur absolue (certum), comme dit Cicéron (2 Verr. 3, 12) ait jamais été affermé sur enchères : on ne voit pas d'où aurait pu naître le profit pour les publicains. Néanmoins des publicains sont attestés en Espagne - mais pour les fournitures aux armées, les mines, ou l'ager publions; cf. E. Badian, Pubi, and Sinners, p. 28; 32. 34 Cf. CIL F, indices, p. 783. L'abréviation q marque toujours un singulier.

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Ainsi le droit public comme l'épigraphie nous conduisent à rejeter l'interprétation de Cuq. Il ne s'agit pas d'une adjudication locale, mais, tout au contraire, de la locado par excellence, celle accomplie à Rome par les deux censeurs. On lira donc dans un premier temps : quam L Ca[. . . ce(n)s(ores) i]nsul[ae] Delei fecenmt. Il va sans dire que le texte en prend un nouveau relief, puisque nous devrons restituer dans la lacune les noms d'un couple censorial antérieur à 58. On reviendra ci-dessous sur les problèmes prosopographiques et historiques soulevés par cette restitution. Comme on verra ci-dessous, cette locatio n'a pu avoir lieu qu'en 61 : c'était la dernière en date au moment où la loi est votée, et, en principe, le bail courait toujours; la fameuse dénonciation du bail de 61 par les publicains, qui n'aboutit à une remissio mercedis en 59 que grâce à l'action de César, ne concernait que les publicains d'Asie. Le sens de la relative est donc désormais clair: «d'après la locatio qu'ont accomplie pour l'île de Délos untel et untel, censeurs (en 61)». N'oublions pas qu'elle est incluse dans une subordonnée temporelle : quom vectigal eius[. . ., dont le verbe est très certainement au futur, comme à la 1. 87 de la lex agraria de 1 1 1 : magistratus. . . quom ea vectigalia fruenda locabit vendetve. . .35. Ce verbe doit presque certainement être restitué à la fin de la ligne 22. On ne peut malheureusement déterminer si le mot vectigal est son sujet ou son complément. A vrai dire, la construction dépendra de celle qu'on adoptera pour le début de la phrase, c'est-à-dire de la lecture des mots qui suivent insulam liberari. On lit NE · VE, avec sans doute un point entre E et V, puis une lacune de 10 cm jusqu'au V de quom, soit, à cette ligne, la place de 12 à 13 lettres, ou un peu moins si les espaces sont plus nombreux. Vers le milieu de la lacune, les premiers éditeurs lisaient SIT, qu'on croit lire en effet sur de vieilles photos, mais très mal sur la pierre elle-même et sur l'estampage. En revanche, après le Τ qui est encore le plus visible, une rainure de la pierre détermine une lacune de 2 ou 3 lettres. Une première hypothèse consisterait à remarquer les trois neve des lignes 23, 24 et 25 et, sans tenir compte du point de séparation qu'on croit distinguer, à restituer aussi un premier neve 1.21. Il pourrait être suivi de " Mag(istratus) proue mag(istratu), queiue pro eo inperio iudicio [potestateue erit, queiquomque, quae] publica populi Romani in Africa sunt eruntue, uectigalia fruenda locabit uendetue, quom ea uectigalia fruenda locabit uendetue, | [nei eis iiectigalibiis legem deicito, quo inuiteis ieis, quei e um agriim possidebunt, publicano quid facere liceat, quod ei non licuit facer]e ex lege dicta, quam L. Caec(ilius) Cn. Dom(itius) cens., quom eorum agrorum uectigalia fruenda locauerunt [uendideruntue eis agris lege]m deixerunt.

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quis, mais on ne pourrait alors que deviner le verbe qu'il commanderait. Le premier membre de phrase nous échapperait complètement. On peut aussi supposer que la conjonction est tout simplement Ne, auquel cas le mot qui suit serait très certainement ve[ctigal] ou ve[ctigalis]. Pour ce dernier adjectif, on aurait un parallèle intéressant dans la proposi tion (sans doute au Sénat) de L. Philippus citée par Cicéron : quas civitates L. Sulla pecunia accepta ex senatus consulto liberavisset, ut eae rursus vectigales essent, neque Us pecuniam quam pro liberiate dederant, redderemus (De Off. Ill, 87). On pourrait donc proposer une restitution comme ne ve[ctigalis]sit[ea], qui, on le voit, remplirait exactement la lacune, mais qui cependant n'est pas assurée. Cette exemption ne couvrirait pas les impôts en cours, si l'on peut dire : quom vectigal eius[. . ., ex lojcatione quam (untel et untel) fecerunt. Il faut restituer un verbe au futur antérieur, et on peut penser au terme technique exigere, qui signifie exactement «recouvrer», et s'emploie en parlant de la dîme (2 Verr. 3, 42), du blé public (2 Verr. 3, 47; In Pis. 90), d'un portorium (Pro Font. 19), et très généralement des vectigalia (Pro lege Man. 16)36. On peut donc restituer exactum erit, 1 1 lettres (ce qui convient largement dans une lacune totale de 18 à 19 lettres à peu près). La place est d'ailleurs suffisante pour introduire une précision temporelle : hoc anno ou in hune annum37.

36 Sur ce vocabulaire, C. Nicolet, Tributum, p. 20, note 34; sur exigere TLL, V, 2, 1454. Dans l'épigraphie républicaine, 9 exemples, concernant par exemple le recouvrement des cautions (lex repet., CIL F 583, 1. 67), des corvées (lex Ursonensis, CIL I2 594, III, 3, 32); des vectigalia sur Yager publions (lex agr. CIL I2 585, 20; 71; 72); plusieurs exemples chez Tite-Live, pour un Stipendium (38, 16, 13), des dîmes (36, 2, 13), le tributum (23, 31, 2) etc. A l'emploi de ce mot dans notre texte, une difficulté : si, comme je crois, l'exemption fiscale porte sur la prochaine échéance d'une redevance due par l'île, il faut que cette redevance soit perçue en une seule fois, annuellement. Cela est-il compatible avec un portorium, qui, par définition, est perçu au jour le jour? Pour exigere, noter un excellent parallèle, quoique dans un contexte municipal : une inscription de Veii (26 ap. J.-C), CIL XI, 3805 = ILS 6579 = Sherk, Municipal Décrets. . ., n° 52 : Itemque placere\ne quod ab eo liberisque eins vectigal municipii\\ Augusti Veientis exigeretur. 37 On peut songer aussi au verbe consistere, qui apparaît dans la lex agraria, 1. 19-20 et 70, malheureusement dans un contexte controversé, comme on sait : 1. 20 : nei quis mag(istratus) prove mag(istratu). . . facito. . . quo quis populo aut pjublicano pequniam scripturam vectigalve det dareve debeat, neive quis [facito. . .] quove quid ob earn rem populo aut publicano detur exigaturve, neive quis quid postea quam [vecjtigalia consistent,

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Quelle était la nature de ce vectigal? Elle était peut-être déterminée dans la lacune de la fin de la ligne 21 : vectigal eius[, elle aussi de 12 à 13

quae post h. l. rog. primum constiterint, ob eos agr[os locos aedificia populo aut publicano dare debeat. . .] Tel est le texte communément adopté depuis Mommsen. Mais on sait que C. Saumagne, «Sur la loi agraire de 111», Rev. Phil., 1927, p. 50-80, part. 62-63, a voulu, avec des arguments très convaincants, introduire dans la lacune une négation (sententiam dicito neive inferto quo quis minus aliterve uti ex lege plebeive scito débet debebit, populo aut publicano etc.) ce qui aboutit à penser que la loi, loin de le supprimer, maintient le vectigal sur Yager publicus. Il a pour lui le mouvement de la 1. 70, qui en effet maintient le paiement des redevances en Afrique. Il traduit donc (p. 63) : «après que seront venus à échéance les vectigalia qui [doivent échoir en premier lieu] après la présente loi. . .». Mais le sens exact de consistere est «arrêter», d'où, par ex., en parlant des intérêts (usura), «s'arrêter de courir» (sens 'd'ailleurs attesté, à ma connaissance, une seule fois : Cic, Au. VI, 1, 7) du fait du remboursement du capital. C'est assez différent de «venir à échéance». Cependant, dans la loi agraire, tel est peut-être bien le sens (cf. la trad, de K. Johannsen, o.e., p. 117: «nachdem die vectigalia fällig sein werden», cf. p. 159). Mais remarquons que cette clause est introduite par un postquam, alors que dans notre texte nous avons un quom. Je ne pense pas qu'on, puisse donc y transposer la formule. De toutes façons, la différence serait mince : une dette «venue à échéance» devient, de ce fait, exigible comme le vectigal de Délos. La précision temporelle (hoc anno, ou in hune annum), me paraît doublement indispensab le, d'une part à cause de la longueur des lacunes de la fin de la 1.22 (12 à 13 lettres) et du début de la 1. 23 (6 ou 7 lettres), d'autre part pour la logique du texte : on annule d'abord les effets de la locatio en cours pour l'année prochaine; puis, comme on verra, les effets immédiats d'une disposition fiscale récente (la lex annonaria de Clodius), survenue depuis le contrat de 61; enfin, on légifère pour le futur (neve quis postea locet). Nous possédons un parallèle intéressant chez Josephe, A.J. XIV (10, 5), 200-201 : Γαίυς Καίσαρ ύπατος τύ πέμπτον έκρινε τούτους εχειν και. τειχίσαι την Ίεροσυλυμιτών πύλιν, και, κατέχειν αυτήν Ύρκανύν 'Αλεξάνδρου, αρχιερέα Ιουδαίων και έθνα'ρχην ώς αν αύτύς προαιρήται * ϋπως τε Ίουδαίοις έν τώ δευτέρω της μισθώσεως ετει της προσόδου κόρον ύπεξελώνται και μήτ' έργυλαβώσι τίνες μήτε φόρους τους αυτούς τελώσιν. (Le kóron vaut 1 1 boisseaux : Westermann, AJPh, 1938, p. 9). Cf. la traduction d'Heichelheim, dans T. Frank, ESAR, IV, p. 232 «and that the Jews be allowed to deduct from their tribute every second year the land is let (in the sabbatic period) a cor of that tribute; and that the tribute they pay be not let to tax-farmers; nor they pay always the same tribute». Cette précision temporelle peut-elle donner une indication chronologique? Quand payaiton les «impôts annuels»? Nous n'avons que de brefs renseignements sur ce point, en particulier Lydus, De mens. 4, 144: Κίνκιος έν τώ περί εορτών λέγει, τύν Νυέμβριον παρά τοις παλαιυΐς Μερκηδϊνυν ύνυμασθήναι ώσανεί μισθοφύρυν' έν αύτώ γαρ τοις κτήτορσιν οί μισθωτοί τας προσόδους είσέφερυν τυΰ παρελθόντος κύκλου, έτερων καρπών αύθις επερχομένων. Mais, dans les calendriers, la veille des ides de Juillet, le XIIe jour des Kal. d'Octobre et le XIVe des Kal. de Décembre sont aussi appelés Merk. (cf. Festus, 111 L; Plut., Numa, 18, 3). Mais il s'agit là des paiements privés. La loi agraire de 111, pour les vectigalia de Yager publicus d'Afrique, à la 1.70, cite les ides de Mars. Si nous adoptions cette date, il faudrait placer notre loi en février. Les comptes de l'Etat avec les publicains se faisaient en juin/juillet (Cic, Au. IV, 11, 1).

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lettres à peu près. Si la construction proposée pour la phrase est exacte, eins ne peut se rapporter qu'au sujet de la principale, ea (= insula Delus). On pourrait simplement admettre une redondance, du genre : quom vectigal eins insulae, ce qui, compte tenu des 6 lettres dont on dispose au début de la ligne suivante, est beaucoup trop court, et ne déterminerait en rien la nature de ce vectigal Pour remplir la lacune, au lieu de la formule ex locatione suggérée plus haut, on pourrait restituer une formule du genre ex lege dicta in locatione, pour laquelle on trouve, dans la loi agraire de 111, un excellent parallèle : quod si non licuit facere ex lege dicta quam L. Caecilius Cn. Domitius cens., quom eorum agrorum uectigalia fruenda locauerunt uendideruntue. . . eis agris legem deixenint (1. 88). Mais on peut aussi penser que la nature du vectigal en question était spécifiée dans la lacune. Les vectigalia consistent généralement soit en revenus d'un territoire public (vectigal agri), soit en portoria, scriptum et decumae (Cic, Pro Leg. Man. 15). La restitution qu'on proposera alors dépendra, en fait, de l'idée qu'on peut se faire, historiquement, de la fiscalité de Délos dans la période immédiatement précédente à notre loi. Avant d'en décider, il faut poursuivre l'examen du texte, et voir les rense ignements complémentaires qu'il fournit. 2) La «custodia» du blé public La ligne 23 commence par un neve extrêmement net, compte tenu de la lacune de 6 ou 7 lettres à gauche. On lit très sûrement neve quid aliud ve[, et le dernier mot a, on l'a vu, toutes chances d'être aussi ve[ctigal. La lacune centrale, comme à la ligne 22, a 13,5 cm, et peut donc comporter elle aussi 14 à 16 lettres. Elle se termine, à droite du cercle incisé au centre de la pierre, par les lettres ODIA38, de lecture certaine. A gauche du cercle incisé, on distingue nettement un V, puis l'amorce d'une boucle supérieure qui pourrait être un S. D'où la restitution de Cuq, adoptée par tous les éditeurs : custodia. On lit ensuite sur la pierre PUBLICI-FR, le R étant quasiment certain: on voit l'amorce de la boucle à droite. Il faut donc éliminer le publicei de Lommatzsch comme le publica de Roussel. Cuq restituait donc pro publicei (sic) fr[umenti, et disait: «le texte défend ainsi d'exiger toute autre taxe, en particulier celle qui était perçue

38 Malgré une éraflure de la pierre, la seconde lettre ne peut être qu'un D (non un R).

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pour la garde du blé public». Mais il ajoute : «l'existence de cette taxe était ignorée jusqu'ici»39, ce qui ne l'empêche pas d'en dire quelques mots fort judicieux au paragraphe suivant, en citant des références des Verrines et de Sénèque sur les horrea. S. Accame (p. 184), trompé par la mauvaise lecture de Roussel ipublica je. . .), surenchérit: «con ciò va messa da parte quella tassa per la custodia del grano pubblico che il Cuq aveva creduto di poter stabilire, che per altro era del tutto sconosciuta in altri documenti». Tout cela est inexact : une telle taxe existait bel et bien, et l'intuition de Cuq est parfaitement justifiée. Un passage du Pro Fiacco, en effet, nous montre, pour la province d'Asie, comment fonctionnait l'entrepôt du frumentum publicum, c'est-à-dire du blé appartenant au peuple Romain et provenant de la dîme, destiné au ravitaillement et aux distributions frumentaires à Rome. Avant d'être transporté vers l'Italie, ce blé était entreposé, dans les provinces, dans des horrea. A Rome et en Italie, depuis Caius Gracchus au moins, existaient des greniers publics qu'on appellait précisé menthorrea Sempronia, comme l'apprend une notice de Festus 370. L: Sempronia horrea, qui locus dicitur, in eo fuerunt lege Gracchi, ad custodiam frumenti publia. Mais, dans les provinces, on n'avait pu ou voulu prévoir de tels entrepôts, et l'État romain entreposait le blé chez des particuliers, selon la procédure qui s'appelle précisément, en droit privé, la custodia*®. Il fallait payer pour cela. En Asie, en 65, le gouverneur disposait d'un crédit à cet effet, puisque Cicéron nous apprend que sous le préteur T. Aufidius, on avait «constitué gardien du blé public», dans la ville de Temnos, un nommé Héraclide (un des adversaires de Cicéron dans le procès de Flaccus). Or l'année suivante : Héraclide a reçu de l'argent de P. Varinius : Custos T. Aufidio praetore in frumento publico est positus; pro quo cum a P. Varinio 39 Cuq, art. cité, p. 208; pour le pro avant custodia, excellent parallèle donné par Cuq, Cic, Au. I, 3, 2 : misimiis qui pro vectura solveret. Pro peut avoir le sens de «à la place de», ou «en proportion de». C'est d'ailleurs l'expression qu'emploie précisément Cicéron pour la garde du blé public (Pro Fiacco, 45, cité ci-dessous : pro quo, cum a P. Varinio praetore pecuniam accepisset). 40 Sur l'aspect juridique de la custodia, cf. Cl. Alzon, Problèmes relatifs à la location des entrepôts en droit romain, Paris, 1966; J. A. C. Thomas, Custodia and Horrea dans RIDA 6, 1959, p. 371-385; Return to Horrea, dans RIDA, 1966, p. 353-368; M. Rostowtzeff, SEHHW, p. 1562, note 19, qui cite les σιτοφύλακες, le Pro Fiacco, 45, et une inscr. de Tauromenion, et ajoute curieusement: «this however does not explain the Delian text». Pour des leges horreorum, FIRA, III, p. 455-457. On ne trouvera malheureusement presque rien - sinon une bonne étude archéologique - sur l'aspect juridique et économique du «blé public» dans G. E. Rickman, Roman granaries and store buildings, Cambridge, 1971 (cf. pourtant p. 204, note 4, l'expression mercedem pro custodia, Dig. IV, 9, 5). Sur tous ces points, cf. désormais notre communication, à paraître CRAI, 1980.

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praetore (en 64) peciiniam accepisset, celaiiit suos ciuis ultroque iis sumptum intulit (Flac. 45). On voit que si, en principe, le promagistrat pouvait indemniser le propriétaire d'un horrewn, il pouvait arriver aussi qu'une cité tout entière ait à régler les frais d'entrepôt : c'est ce qu'Héraclide prétend faire payer à Temnos (et il y réussit en cachant à ses concitoyens avoir été payé par le trésor romain). Il faut donc croire que, dans d'autres circonstanc es, il pouvait paraître normal à une cité de régler une telle dépense, qui représentait en somme une sorte d'impôt. Nous savons qu'en Sicile, comme d'ailleurs en Asie41, s'ajoutaient à la dîme, pour les contribuables, les frais de transport (vectura) nécessaires pour livrer leur blé en certains lieux fixés soit par la lex censoria, soit par l'arbitraire du gouverneur (2 Verr. 3, 191-192). Ils s'en tiraient d'ailleurs par une compensation en argent, aestimatio. On peut imaginer que les frais d'entrepôt pouvaient aussi être mis à la charge des contribuables ou des cités par le pouvoir romain (même si en 64, sans doute exceptionnellement, c'est le contraire qui aurait dû se produire, mais ne se produisit pas à cause de la malhonnêteté d'Héraclide). Mais il y a plus. Notre texte date au plus tôt, on l'a vu de février, ou du mois intercalaire de 58. Or, à cette date, une nouvelle loi, qu'Asconius qualifie justement d'annonaire plutôt que de frumentaire42, vient de bouleverser le rigoureux mécanisme de la livraison de «blé public» afin d'assurer d'une part le ravitaillement de Rome, de l'autre la gratuité complète du blé à un nombre accru de bénéficiaires : la lex Clodia, qui date sans doute de décembre 59 ou de janvier 58 (Asconius p. 8 C; Schol. Bobb. 300-301 Or.; Dion 38, 13; Pro Sestio, 55). Or, cette loi confiait en fait le soin du ravitaill ement à un curator, Sex. Clodius ou Clœlius, scribe et ami de Clodius, avec des pouvoirs considérables : omne frumentum prillatimi et publicum, omnis prouincias frumentarias, omnis mancipes, omnis horreorum clauis lege tua tradidisti {De domo, 25). Il est possible que la loi ait renouvelé ou aggravé les charges de la custodia pour les cités où se trouvait un horreum. Et c'est de ces charges nouvelles que la loi consulaire, de quelques semaines ou de quelques mois postérieure, décharge les Déliens. La seule objection à cette restitution de Cuq viendrait de l'ordre des mots publicum fr[umentum. Il est certain qu'on dit ordinairement frumen tum publicum, en particulier dans les inscriptions frumentaires urbaines de

41 Cic, 2 Verr. 3, 95; 192; 195. 42 Asconius, 8 C. Voir en dernier lieu C. Nicolet, Le temple des Nymphes et les distributions frumentaires à Rome. . ., dans CRAI 1976, p. 29-51, part. p. 44; J.-M. Flambard, Clodius, les collèges, la plèbe et les esclaves. . ., dans MEFRA, 1977, p. 115-156, part. p. 145-149.

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l'époque impériale (par ex. CIL VI, 220 : ii qui frumento publico incisi sunt), mais aussi dans les textes. Je trouve cependant deux ou trois fois l'ordre inverse : Liv., IV, 61, 7; Cic, 2 Verr. 3, 203 : istam rem in publico frumento Sicilia non ferret. Ainsi, quoique beaucoup moins fréquent, cet ordre est attesté. Il est certain toutefois, si l'on admet notre hypothèse, que le blé public entreposé à Délos ne pouvait être seulement celui éventuellement livré par l'île sur sa propre production, certainement dérisoire. Cela prouve au contraire, à mon sens, que Délos jouait encore dans une certaine mesure, vers les années 60-50, le rôle d'entrepôt et de plaque tournante du commerc e du blé qu'elle avait rempli au IIe siècle. Ce blé public devait provenir des provinces frumentaires voisines, et en particulier d'Asie. Comme on l'a vu ci-dessus (p. 39, n. 19), un esclave de la société de la dîme, très certainement d'Asie, figure en 93 sur une liste de compétéliastes (ID, 1764, 1. 5).

Le statut fiscal de Délos avant 58 Notre loi prouve à coup sûr que Délos, en 58, et en tout cas depuis la locatio censoriale de 61 (mais sans doute déjà avant) payait des vectigalia divers au peuple romain. Pourtant, à cette époque, Délos dépend toujours d'Athènes et est toujours administrée par les épimélètes athéniens. Cette situation fiscale ne peut guère dater que de Sylla, après le passage d'Athè nes aux côtés de Mithridate et sa reconquête. Comme on a vu plus haut, Appien mentionne le fait que Sylla enleva non seulement à des cités stipendaires, mais à des cités libres immunes et même fédérées, «des territoires et des ports qui leur avaient été attribués par leur traité d'allian ce» (Appien, B.C. I, 475) : cela conviendrait parfaitement à Délos, et prouver ait que Délos rapportait, dès avant 81, des revenus à Athènes. On s'en est étonné, à cause de la fameuse atélie accordée à son port par le règlement de 167, qui fut à l'origine de sa fortune pour trois-quarts de siècle (Pol. XXX, 31, 10; Strabon X, 5, 4). Mais l'atélie qui faisait de Délos un port-franc ne supprimait que les droits de douane, peut-être les droits sur l'achat et la vente. Il existait, avant 167, bien d'autres impôts (taxes d'habitation, impôts fonciers, etc.). Dans le port lui-même, existaient des droits d'accostage, etc. Il ne faut pas oublier que, pour Strabon, c'est en réalité la destruction de Corinthe en 146, plus que l'atélie de 167, qui a déterminé le «boom» de Délos. Toute fiscalité n'avait donc pas disparu à Délos en 167. Et, bien entendu, à partir de cette date, c'est Athènes qui en recueillit les fruits. En

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85/81, Sylla, pour punir cette dernière, en fit passer le produit directement au trésor du peuple Romain, selon une procédure dont on a d'autres exemples, comme le montre la demande des Cauniens entre 84 et 59 (Cic. Q. fr. 1, 1, 33; cf. ci-dessus, p. 39). Inversement, les Romain, on le sait, ne se gênaient pas pour attribuer à une cité, pour la récompenser, les revenus ou certains revenus (dont jusqu'alors ils disposaient) d'une autre : par exemple, ceux du minium de Lemnos (entre 166 et 81 sans doute : Vitruve, VII, 7). Il n'est donc pas nécessaire d'accepter l'hypothèse d'Accame selon laquelle Sylla aurait en 85 ou 81 rétabli le portorium de Délos (appelons ainsi les droits de douane abolis en 167), en quoi consisteraient donc, en partie du moins, les vectigalia que la loi Gabinia Calpurnia de 58 abolirait à nouveau (il faudrait, dans ce cas, restituer à la fin de la 1. 21 : quom vectigal eins portus ou portoni?). D'abord parce que Strabon n'en dit rien (ni en X, 5, 4 ni en XIV, 5,2). Ensuite, parce que les vectigalia dont il est question concernaient aussi l'entrepôt du blé public (peut-être en vertu de la lex elodia de 59-58?). Enfin, si les portoria avaient été rétablis en 84/81, cela n'aurait pu que gêner le relèvement du port et de la cité, pourtant probable entre cette date et le raid du pirate Athénodoros en 69 (Roussel, p. 330 suiv.)4'.

Les clauses d'immunité pour l'avenir A la 1. 24, un autre neve détermine une réglementation pour l'avenir: nev]e quis post[ea. Il est alors question des îles (au pluriel) qui sont autour de Délos (circum De[lum) et dont une au moins, Artemita Celadea, est nommée 1. 25. A la fin de la lacune centrale de cette ligne, encore un accusatif pluriel féminin en . . as, puis le verbe locet, au futur. Il s'agit très certainement d'une seule phrase. J. Tréheux a démontré qu' 'Artemitam Celadeam, comme le dit Pline, IV, 6744, est le double nom de Rhénée. Il faut sans

4' On doit rejeter aussi l'hypothèse de W. Dahlheim, Gewalt und Herrschaft, p. 306, note 44, selon laquelle les vectigalia abolis en 58, «étaient ceux qui, à la suite de la guerre des pirates, avaient été là aussi exigés» - c'est incompatible avec ce que nous savons de la politique de Pompée, envoyé pour soulager des ports comme Délos, non pour les accabler. On ne peut tirer argument du pillage par Verres, en 80, du temple d'Apollon pour penser que ce dernier était alors à l'abandon (Cic, 2 Verr. I, 47-48) : car il a aussi enlevé de l'or au temple d'Athéna à Athènes, il a emporté des statues d'Achaïe {ibid., 45), et a sévi de même à Chios, Erythrae, Halicarnasse, Ténédos, etc. {ibid., 49). 44 Pline, N.H., IV, 67 : Proxima ei (se. Delo) Rhene quant Andclides Celadusam vocat, item

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doute restituer, 1. 24 : quae circum Delum sunt inter quas ou in quarum numero. Dans la lacune centrale, plutôt que insulas Mas vicinas, un peu court, je répéterais volontiers le nom de Délos : insulam Delum et insulas, car il me semble évident que l'interdiction pour l'avenir de mettre en adjudication les vectigalia doit couvrir aussi bien Délos elle-même que les îles voisines. Ligne 25, après locet, un autre neve introduit une nouvelle interdiction, dont le verbe au subjonctif ne peut guère être que faciat, 1. 26. On peut supposer un complément à faciat, du genre de vectigales (neve vectigales insulam Delum), soit 22 lettres, ce qui remplit les lacunes. La phrase en effet s'arrête après faciat, car on distingue très nettement sur la pierre, après le T, la partie gauche d'un N, certainement un autre n(eve). Ce dernier neve détermine une clause qui, cette fois, cite nommément les habitants : quei insulam Delum inco. . . Comme, au début de la 1. 27, on rencontre encore incolent (au futur), on trouvait certainement dans la lacune de la 1. 26 incoluerunt incoiimi (19 lettres, un petit peu court. On peut donc peut-être ajouter à la fin de la ligne : aut). Au début de la 1. 27, on lit certainement un A: d'où presque sûrement [posteja incolent. Les trois lettres qui suivent incolent. . . sont sûrement VEC, suivies d'une lacune de 2,5 cm, puis d'un A suivi d'une barre verticale encore lisible: donc sûrement vec[tig]al. Une nouvelle exemption pour les habitants, qui semble donc faire double emploi avec les précédentes, à moins, ce qui est possible, qu'une spécification de ce dernier vectigal n'ait figuré dans la lacune de 12 cm qui suit. On ne peut rien dire à ce sujet45.

Les lignes 26 À 30 Ce sont les plus lacunaires du texte conservé. A la lacune de gauche, de 6 ou 7 lettres, à celle de droite, plus longue désormais à chaque ligne, s'ajoute la profonde incision centrale de 12 à 14 cm, qui détermine des

Artemitem, Celadinen. Kéladiné est un nom d'Artémis chez Homère (//. XVI, 183; XX, 20; XXI, 511) («qui crie, qui vagit»); J. Tréheux, Ortygie, dans BCH 1947, p. 599, a montré, de ce fait, que Rhénée était bien la ιερός νήσος d'Artémis, où se trouvait le second sanctuaire délien de cette déesse. 45 Exemple parallèle d'immunité générale conférée pour l'avenir, le S.-C. de Aphrodisiensibtts, FIRA I, p. 272 (B, 15) = Sherk, n° 28, pp. 163-166 : μηδέ τίνα] | [φόρο ν δ]«χ τίνα αίτίαν εκείνων δώύναι. μηδέ υνεϋτφέρει.ν ύφείλωσιν. . .

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lacunes de 12 ou 14 lettres ou plus. Alors qu'à partir de la 1. 32, comme l'avait bien vu Cuq, (cf. ci-dessous), il est certainement question de procédur e en réparation de dommages ou répétition de biens, il est très malaisé de dire si, dans ces quatre lignes, on aborde déjà ce domaine, ou s'il est toujours question de fiscalité. Le fait le plus intéressant est la présence 1. 28, du nom de Mithridate {Mithridates) qui doit certainement marquer une limite temporelle : il s'agit de sauvegarder ou de rétablir une situation qui est antérieure à la guerre de Mithridate. Mais, cela mis à part, il est assez difficile d'établir la signification générale du passage. En revanche, l'examen de la pierre permet quelques vérifications ou améliorations de lecture précieuses, et, 1. 30, l'identification certaine d'un mot non encore compris apporte d'importantes précisions. Ligne 26 : on lit nettement ET EAS INSVLAS, comme l'imprime Lommatzsch, au début de la ligne conservée. A la fin de la lacune centrale, plutôt M DELUM INC, que I DELUM, comme le veut Roussel : donc plutôt quei insulajm Delunt inc[olunt. Ligne 27 : au début, nettement A INCOLENT : donc vraisemblablement, comme le veut Roussel : posteja incolent. A la fin de la lacune centrale, plutôt que I V · IVRE, IN * IVRE donc quelque chose comme quo] in iure insul[am Delum et insulas. . .46. Ligne 28 : au début, VERVNT FVERVNT, donc sans doute incoljuerunt fuemnt. Ligne 29 : au début M. IVRE, suivi de INSVLA DELVS au nominatif, ce qui interdit de penser à «des gens qui résident ou occupent Délos «iure», comme à la 1.27. On pensera donc plutôt à quelque chose comme eodejm iure, ablatif se rapportant au verbe sint, à la même ligne, dont le sujet ne peut être, comme l'a bien vu Roussel, que : insula Del us [quelque earn injcolent, 12 lettres pour 1 1 cm, ce qui est très possible. Après le Τ de SINT une lettre ronde où je verrais un Q, sans doute q[uei. 46 La construction de la phrase se laisse en effet désormais saisir. A la principale (au subjonctif) eodejin iure insula... [quelque. ..] sint, doit correspondre une relative, dont le pronom initial ne peut être que dans la lacune centrale de la 1. 27, et dont le verbe est fuerunt. Les sujets de ce verbe sont insula Delus quelque. . . insulam incoljuerunt, que l'on retrouve en effet 1. 29 dans la principale. Il ne faut donc pas de ve après fuerunt à la 1. 27. On trouve des exemples d'emploi de eodem iure esse, ou de constructions voisines, dans la lex Papiria de sacramentis, FIRA, 1, p. 80 : eodemque iure sunto itti ex legibus plebeique scitis exigere iudicareque esseque oportet; la lex Antonia de Termessibw;, FIRA, 1, p. 137, 1. 18 sq.: quae leges quodque tous quaeque consuetudo. . . fuit, eaedem leges eidemque ious eademque consuetude esto (où la relative complément de comparaison précède la principale exprimant l'ordre, comme dans notre restitution de la lex Gabinia); le s.-c. de Aphrodisiensibus, FIRA, 1, p. 271, 1. 10 sq. : [το δέ] τέμενος Θεάς 'Αφροδίτης έν πο'λει Πλαρασεών και Άφροδεισιέω[ν άσυλον ε]στω ταύτώ τώ δικαίω ταύτη τε δεισιδαιμονία, ω δικαίω και χ) δεισιδαιμονία, το ΐερον θεάς Έφε]σίας εστίν έν Έφέσω; ainsi que dans la rogano agraria de Rullus citée par Cicéron : leg. agr. 2, 29 : turn ex Xuiri. . . eodem iure sint quo qui optima lege; cf. 2, 31; Caec. 63 et 102; Har. resp. 11; Phil. 5, 45. La préposition in avec iure dans ces tournures est peu fréquente, mais très possible, comme le prouve leg. agr. 2, 61 : uolt se in communi atque in eodem quo ceteri iure versari. Quant à la lecture IV (quamditt?) elle n'offre pas de sens.

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Toute cette phrase, dont on dégage ici le sens général pour la première fois, est intéressante. Il s'agit du rétablissement intégral (eodejm hire) du «statut» de Délos et de ses habitants avant la guerre de Mithridate. Quel est le sens de iîî5? A première vue, et si l'on pense aux spécifications d'ordre procédural des lignes 32-35, on est tenté de lui donner un sens judiciaire. A la réflexion, c'est une erreur. La phrase résume et conclut des dispositions fiscales. Elle précède immédiatement, comme on verra, une phrase, très lacunaire, où il doit être cependant question de l'introduction ou du maintien d'une franchise de droits sur l'importation (et peut-être l'exporta tion) de têtes de bétail ou d'esclaves. Il est donc plus logique de donner à ius un sens plus particulier, celui de «statut fiscal», qu'il a bien souvent, par exemple dans le fameux exposé des «droits» des Siciliens, donné par Cicéron, 2 Verr. 3, 12 : Siciliae chutâtes sic in amicitiam fidemque accepimus ut eodem hire essent quo fuissent. Il s'agit donc bien d'affirmer, par un principe général et définitif, le retour à une situation antérieure à 88, c'est-à-dire à cette situation que nos sources qualifient d'atélie et qui durait depuis 167. Ligne 30: au début, VDEMVE ne saurait être que la fin d'un mot de la troisième déclinaison en us, udis. J'en dois la liste, très courte, à l'obligeance de mon collègue J. André : pecus, la tête de bétail; palus, le marais; incus, l'enclume; subscus, la queue d'aronde. De toute évidence, seul le premier convient. On lira donc pecjudemve quam. . . Malheureusement, il est difficile de préciser le sens de cette allusion. Je vois trois explications possibles. Ou bien il s'agit de dépaissance de têtes de bétail domestique (tel est le sens de pecus); le mot apparaît trois fois dans la lex agraria de 1 1 1 (ligne 14) : Quei in agnini compascuum pequdes maiores non plus pascei. . . is pro pequdibus. . . populo aut publicano uectigal scripturamue nei debeto, neue de ea re satis dato, nehie, soluito. Il s'agit donc là d'une exemption de la scriptum, d'une sorte de droit de vaine pâture pour les petits usagers de Yager publiais. (ligne 26) : Quod quique pecudes in calleis uisue publicas itineris causa induxerint. . . pro eo pecore. . . nei quid populo neive publicano dare debeto. Là encore, il s'agit de l'exemption de quelque taxe pour le pâturage sur les voies de transhumance pendant les déplacements. L'expression pecudes in calleis. . . induxerit est évidemment intéressante pour nous, car le mot qui suit le quam, sur notre texte, commence par IN, suivi d'une lettre comport ant une haste verticale, qui pourrait être un Τ (comme l'ont cru les éditeurs) ou un D, et on pourrait restituer IND[uxit, ou quelque chose

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d'équivalent. Il faudrait donc admettre que notre loi, qui a pourtant affirmé plusieurs lignes plus haut le principe d'une exemption totale de droits, taxes ou impôts sur les Déliens, revient, à cette ligne, sur ce qu'on peut appeler une scriptum, pour en dispenser aussi les habitants. Mais Délos comptait-elle tant de terrains de pacage? La seconde interprétation est peut-être moins banale. Le mot pecudem (tête de bétail, par opposition à pecus, le troupeau) apparaît en effet dans un des plus anciens textes du droit civil romain, la lex Aquilia de damno iniuria datum47, de date malheureusement controversée - 286? -, mais certainement antérieure à notre texte. Elle punissait, entre autres délits, la mort des esclaves ou des ammalia quae pecudum numero sunt, accomplie iniuria, c'est-à-dire sans excuse légale (légitime défense, etc.) : 5/ quis servum servamve alienum alienamve quadrupedemve pecudem iniuria occident . . Il serait tentant de voir dans la barre verticale qui suit le IN un I, et de penser à in[iuria : pecjudemve quam ini[uria. Cependant P. Moreau (cf. ci-dessous) présente, à l'encontre de cette hypothèse, de très fortes objections. Reste possible alors une troisième hypothèse. Un fragment, malheureu sement très lacunaire, de l'inscription de Rhosos48, accorde très vraisembla blement au navarque Séleucos une exemption de droits de douane (aussi bien ceux levés par la ville que ceux affermés par des publicains romains) pour l'importation ou l'exportation de tout produit, y compris les têtes de bétail : 1. 50 : είσαγηι ή]έξαγηι έκ τε των ίδιων των θρεμμάτων τε Ι [της ίδίαΐς χρ[εί]ας [ε]νεκε[ν. . .] τούτων τών πραγμάτων τέλος οίίτε πολειτείαν ου Ι [τε δημοσι]ώνην παρ' αύτ[οΰ είσπράττειν] L'idée d'une exemption des droits d'importation ou d'exportation sur du bétail (ou d'autres marchandises) est assurément plus vraisemblable, à Délos, peu propice à l'élevage, qu'une scriptum ou droit de dépaissance. On pourrait donc penser à un mot latin comme intfroducere (peu probable: Plaut., Aul. 452), inferre (TLL, VII, 1375 - je ne le trouve employé dans l'épigraphie que pour des soldats, lex Anton. II, 9-10; Caes., B.G. 11, 15, 4; Donat, ad Ter. Ph. 150; Cod. Theod. 4, 13, 2) ou importare (Varr., RR I, 16, 2;

47 Bruns, 45, n° 2; Gaius, III, 210-214; Dig. IX, 2, 2; IX, 2, 27, 5. Peu importent ici les discussions sur la date et l'origine de cette loi (cf. Pringsheim, Mél. Lévy Bruhl, 1959, p. 223). 48 Ces lignes du texte, lacunaires, sont absentes de FIRA I, n°55, p. 312; se reporter à l'édition Seyrig-Roussel, Syria 1934, 33 suiv.; R. Sherk, RDGE, n°58, p. 294 (296); Les lois des Romains (= Girard, Textes, 2eédition), Camerino, 1977, p. 352, où le passage est donné, mais sans traduction, p. 360; Jalabert-Mouterde, I.G.L.S., III, 718.

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Cic, Rép. II, 8; nombreux exemples chez Pline), plutôt que inuehere, qu'on rencontre dans quelques inscriptions de Rome, mais qui ne convient pas ici, car on ne peut absolument pas lire INV (CIL, VI, 1035; 8594, à nous signalées par S. Panciera). Si notre hypothèse est exacte, il faut rendre compte de cette précision, qui intervient après ce qui semble bien être une immunité générale et le retour formel à la situation antérieure à 88. Si, entre 88 et 58, on avait rétabli à Délos des portoria (ce qui nous a paru improbable), leur annulat ion par notre loi aurait concerné aussi bien l'importation des têtes de bétail. Mais, comme on l'a dit, l'atélie (de 167 à 88) ne concernait peut-être que les marchandises en transit : d'autres taxes avaient dû, même durant cette période, subsister. D'autre part, nous avons vu que les vectigalia dont notre loi prévoit la suppression, s'ils tombaient dans les caisses du peuple Romain, étaient sans doute de nature variée. En conséquence, la 1. 30 doit assurer ou confirmer une exemption toute spéciale pour certains cas d'importation ou d'exportation (qui n'étaient donc pas couverts par l'immun ité générale). On pense immanquablement à cet article bien connu du «règlement douanier de Sicile» cité par Alfenus Varus (pour la fin de la République, donc) : in lege censoria portiis Siciliae ita scriptum erat : servos quos domwn quis ducet suo usa, pro is portorium ne dato (Dig. L, 16, 203, 1). Les Déliens ont peut-être toujours payé - même entre 167 et 88 - des droits pour les objets qu'ils importaient, pour leur consommation personnelle, ou pour être revendus sur place. Notre loi exempte peut-être de ces droits les têtes de bétail (et, sans doute, les esclaves) qu'il importaient suo usu, pour leur utilisation domestique49.

En fin de compte, il faut noter le caractère solennel et tout à fait exceptionnel de la procédure comitiale employée - le vote d'une loi consul aire- pour accorder un privilège fiscal. On a noté depuis longtemps (Marquardt, Mommsen, Lange; Willems, Sénat, 2, 332) qu'en matière finan cière et fiscale, la liberté d'action des magistrats et du Sénat avait toujours été très grande50. Surtout, bien entendu, lorsqu'il s'agissait de créer des 49 Pour une réglementation concernant les marchandises en transit et les biens personnels, cf. les restitutions et les commentaires de G. E. Bean, Notes and Inscriptions from Caiinus, dans Journ. Hell. Stud. 1954, p. 97-105, spec. p. 100-102, qui fait le rapprochement avec le portorium circumuectionis mentionné par Cicéron, Att. II, 16, 4. 50 Mommsen, D.P. VII, p. 323-324; 329-334, etc.; G. Rotondi, Leges publicae, p. 92, n° 1.

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ressources nouvelles : ce n'est guère qu'avec Caius Gracchus qu'on voit utiliser la procédure comitiale (une rogatio tribunicienne) pour créer de nouveaux portoria51 : jusqu'alors la décision relevait du Sénat ou des cen seurs. Les aliénations de biens ou de ressources publiques (et les exempt ionsfiscales peuvent bien apparaître comme telles) étaient en revanche plus surveillées. Il semble que pour les aliénations à titre onéreux l'autorisa tion du Sénat suffisait (la seule mention d'une loi est celle du plebiscitwn ut servi publici emerentur, Val. Max. VII, 6, 1, en 215). En revanche, Pernice et Mommsen (D.P. IV, 120; VI, 1; 387) pensent que pour les aliénations à titre gratuit - les exemptions fiscales entre autres - l'autorisation du peuple était indispensable52. Mais en réalité, quand on cherche des exemples histori ques,on ne peut qu'être frappé par leur extrême rareté. On ne peut guère citer que la fameuse lex Caecilia de 60, proposée par le préteur Q. Caecilius Metellus Nepos, contre l'avis du Sénat, pour abolir les portoria italiens (Dion, XXXVII, 51, 3; Cic. Q. Fr., I, 11, 33; Att. II, 16, l)53, la lex Julia invoquée et publiée par Antoine en 44 d'après les acta Caesaris (Cic. Phil. II, 97; Dion, XLV, 32, 4; XLVI, 23; 3) et qui libérait de leurs vectigalia les cités de Crète dont nous avons parlé plus haut. Il faut ajouter la lex Antonia de Termessi bus, CIL I2 589 = FIRA I, n° 11, d'ailleurs portée d(e) s(enatus) s(ententia). Faut-il faire entrer dans la même catégorie des lois annulant ou corrigeant certaines adjudications normalement faites par des censeurs? Elles sont d'ailleurs presque aussi rares: la rogatio Rutilia de 169 (qui aurait, si elle avait été votée, eu pour effet de diminuer certaines rentrées fiscales) n'aboutit pas54. La lex Julia de 59, beaucoup plus importante, proposée par César, mais peut-être seulement parce ce que l'opposition de Caton et de la majorité du Sénat l'empêcha d'obtenir le même résultat grâce à un simple sénatus-consulte, représentait pour l'État une perte d'un tiers sur les reve nus de l'Asie, mais plus sûrement en faveur des publicains eux-mêmes que des contribuables asiatiques. Elle fit d'ailleurs scandale, aux yeux mêmes d'un Cicéron. Encore faut-il remarquer que le recours à la procédure comitiale fut peut-être justifié, dans ce cas précis, par le souci qu'eut César d'insérer dans sa loi des stipulations beaucoup plus générales, tendant à préciser et à moraliser la réglementation des enchères publiques55. Remar51 Veil. H, 6, 3, Sch. Bob. 259 Or.; Cic, 2 Verr. 3, 12. 52 Liste des rogationes ou lois concernant les entrées et les dépenses, Rotondi, le. p. 92. 53 Encore le Sénat est-il intervenu : il était opposé à la loi malgré les avantages individuels, et a essayé de faire effacer le nom de Metellus Nepos pour le remplacer par un autre. 54Liv., XLffl, 16, etc. 55 C. Nicolet, Deux remarques. . ., dans Points de vue sur la fiscalité antique, Paris-Sorbonne, 1979 p. 85.

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quons au passage que notre loi fiscale est le second texte législatif qui vient, dans un bref espace de temps remettre en cause les adjudications des censeurs de 61, attaquées en 59 pour l'Asie, en 58 pour Délos. Mais notons sur le champ que, par d'autres voies plus courantes (l'arbitrage d'un gouverneur, par exemple) ces adjudications seront aussi fortement ébranl ées,par exemple par Gabinius en Syrie - dans un sens, il est vrai, tout opposé à la mesure césarienne de 59. Autant César, soutenu par Crassus, avait pris le parti des publicains contre l'État, autant Gabinius prendra le parti des provinciaux contre les publicains dans sa province. Sur ce point, la cohérence entre ce que nous savons de sa politique financière en Syrie et la mesure en faveur de Délos dont il assume sans aucun doute la paternité solennelle, comme en témoigne le recours exceptionnel à la procédure comitiale et l'emphase de la rédaction, est remarquable. Si, dans la période 61-57, César et Crassus peuvent faire figure d'amis des publicains, Gabinius (et sans doute derrière lui Pompée) prennent nettement leurs distances, au profit tout au moins de leurs clientèles grecques et orientales. En regard de ces rarissimes exemples de recours à la loi pour régler, dans un sens ou dans l'autre, des questions fiscales, la masse des privilèges ou exemptions accordés par sénatus-consulte ou par décision des magist rats(d'ailleurs le plus souvent sur l'ordre du Sénat) est frappante. Si l'on considère les 58 textes épigraphiques antérieurs à l'Empire réunis par Sherk (à l'exclusion des lois ce sont donc des sénatus-consultes, des décrets ou arbitrages de magistrats), on constate qu'il n'y en a pas moins de 13 qui comportent, sous quelque forme que ce soit, un privilège fiscal, une exempt ion ou une asylie56. Si nous y ajoutons de nombreux témoignages épigra phiques ou littéraires qui ne transmettent pas, mais mentionnent seulement par allusion, des «bienfaits» de ce genre, on constate que la part des individus au pouvoir et du Sénat est décidément déterminante dans cette sorte d'affaires57. Ce dont il faut essayer de rendre compte, au contraire, c'est donc le recours si rare (quatre cas seulement, dont notre loi) à la procédure législative. Dans un certain nombre de cas, l'opposition du Sénat suffit à l'expliquer : par exemple pour la loi Caecilia de portoriis, ou la lex Julia de publicanis de 59. Mais la lex Antonia de Termessibus, comme notre loi de Délos, fut votée de s(enatus) s(ententia). Certes, c'est dans une période où, quoique très ébranlée, la «constitution» syllanienne concernant les tribuns est toujours en vigueur et où l'avis préalable du Sénat est nécessaire

56 Ce sont les n° 12; 18; 22; 23; 25; 28; 30; 32; 34; 52; 53; 54; 58. 57 C. Nicolet, L'ordre équestre I, p. 351-353.

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pour toute rogano tribunicienne. Nous ne savons, en fait, d'où vint l'initiati ve : du Sénat, ou des tribuns, en tête desquels figure C. Antonius, frère de M. Antonius Creticus. Bien que celui-ci n'ait pas quitté l'Egée, on peut se demander si ce n'est pas à son instigation que fut solennellement renouvelé le statut privilégié des Termessiens. C'est en fin de compte dans les circonstances politiques du moment que nous trouverons sans doute l'explication la plus vraisemblable du recours, par nos deux consuls de 58, à la procédure comitiale, sur l'ordre ou non du Sénat (mais en accord avec lui). Il s'agissait d'engager fortement le peuple romain à manifester clairement sa piété envers les dieux. Mais surtout, de donner à l'un des deux rogateurs - A. Gabinius, et derrière lui, Pompée - l'occasion de rappeler publiquement les heures glorieuses de la campagne contre les pirates et ses heureux résultats. Ces derniers n'étaient peut-être pas inutiles à rappeler, au moment où la loi annonaire de Clodius, récemment votée, allait entrer en application, non sans imposer aux provin ciaux de nouvelles charges. Faire voter le peuple sur cette exemption accordée à l'île sainte, c'était faire d'une pierre plusieurs coups : rappeler d'abord que sans Gabinius et Pompée, on en serait peut-être encore aux heures tragiques de 67, lorsque le ravitaillement de Rome était aussi compromis que son prestige. Donner un avertissement aux publicains, qui avaient obtenu l'année précédente de César de scandaleux avantages. S'atti rerla reconnaissance des Déliens et des habitants de l'île, avec qui Pompée et Gabinius avaient des liens antérieurs, ce qui ne pouvait d'ailleurs qu'inté resser par avance Pison, futur gouverneur de Macédoine. Enfin, faire voter le premier un A. Gabinius Capito (bien évidemment parent du consul mais parent également d'un catilinien condamné et exécuté sur l'ordre de Cicéron moins de cinq ans auparavant), c'était, quelle que soit la date exacte de la loi (avant ou après l'exil de l'orateur), rappeler les jours sombres de la conjuration et se rapprocher de Clodius, qui se présentait en vengeur de ses victimes. Sous l'emphase formulaire et pieuse d'un document qui, certes, intéress ait au premier chef les Déliens et leur apportait d'immédiates satisfactions, par delà l'énumération minutieuse des exemptions ou des voies de droit offertes à de «fidèles sujets» et aux Italiens qui résidaient dans l'île, ce texte nous apporte donc, sur la politique romaine elle-même, des renseignements précieux. L'année 58 fut suffisamment dramatique, dans tous les sens du terme, pour que nous n'en soyons pas surpris. On peut donc proposer les lectures et les restitutions suivantes pour les lignes 21 à 30 :

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( ) Ne ve[ctigalis]sit[. Jquom yectigal eius[. . . ex lege die-] [ta in lo]catione q[u]am L. Cae[sar C. Curio cens i]nsul[ae] Delei feceru[nt hoc anno exae-] [turn erit] neve quid [ajliud ve[ctigal neve pro c]us[t]odia publici fr[umenti pecunia de-] [tur nev]e quis post[ea] insul[am Delum et insul]as [qu]ae circum De[lum sunt in quarum] [numero] Artemitam C[e]ladeam [et insulas vicin]as locet neve [vectigales insulam] [Delum e]t eas insulas f[a]ciat n[eve quei insulam] Delum inc[olunt incoluerunt aut] [poste]a incolent vec[tei]gal [debeant quo i]n iure insul[a Delus quel que insulam] [incol]uerunt fuerunt [antequam bellum] Mithridates in [populum Romanum intulit] [in eode]m iure insula Delus[queique earn in]colent sint. q[ [. . .pec]udemve quam inp[ortant. . .

Traduction : «Que cette île ne soit pas assujettie à l'impôt lorsque (son?) imposition, en vertu du cahier des charges de l'adjudication qu'ont faite, pour l'île de Délos, les censeurs Lucius César et C. Curion pour l'année en cours aura été perçue; qu'aucune autre imposition, ni aucune somme d'argent pour l'entrepôt du blé public ne soit payée; que, dans l'avenir, personne ne mette en adjudication (les impositions de) l'île de Délos et des îles qui sont autour de Délos, parmi lesquelles Artemita Celadea et les îles voisines; et que personne ne rende l'île de Délos et ces îles (de nouveau) assujetties à l'impôt; et qu'aucun de ceux qui habitent, ont habité ou habiteront l'île de Délos ne soit redevable d'une imposition; le satut que possédaient l'île de Délos et ceux qui l'habitaient avant que Mithridate ne fasse la guerre au peuple romain, que l'île de Délos et ceux qui l'habiteront le possèdent à l'identique. Que ceux qui. . . ou (pour) la tête de bétail qu'ils (auront importée). . .»

CLAUDE NICOLET

CHAPITRE IX

LES CENSEURS DE 61 AV. J.-C.

Si nos restitutions et notre hypothèse concernant une locano censoriale mentionnée dans notre texte sont exactes, ce sont donc les noms d'un couple censorial qui se trouvaient dans la lacune de la ligne 22'. La vérification d'une telle hypothèse devrait être extrêmement facile. Malheu reusement, une lacune couvrant les années 72 à 61 incluses des Fasti Capitolini fait que précisément, dans la période qui nous intéresse, s'acc umulent nos ignorances concernant les Fastes censoriaux2. Alors que nous connaissons tous les censeurs du IIIe siècle depuis 280, tous ceux du IIe et ceux du Ier siècle jusqu'en 70, nous ignorons les noms d'un des deux censeurs de 64 et, jusqu'ici, des deux censeurs de 61 3. Comme le remarque 1 Je reprends ici, avec quelques ajouts et modifications, mes remarques présentées dans REI, 1974, p. 150-158. 2 Outre l'édition canonique d'A. Degrassi, dans Inscr. ItaL, XIII, 1, Fasti consulares et triumphales, Roma, Libreria dello Stato, 1947, cf. Yeditio minor, du même auteur, Turin, Paravia, 1954, Intr., p. 1-25 (lacune, p. 76-77). Pour les censeurs, Index n° 5, p. 186-191. Degrassi donne, pour 61 : [C. Scribonius C.f.-n. Curio?]. Pendant longtemps, on a cru faussement à la présence de censeurs en 62, à cause d'un des fameux «fragments» des Acta Diurna, daté du 1111e jour des Kal. de sept : Censores locaverunt reficiendum tectum Ai loquentis HS XXV. Ces fragments supposés, connus de différents auteurs du XVIe siècle par des manuscrits (Juste Lipse, éd. de Tacite, 1581, p. 455, par ex.) furent imprimés pour la première fois dans les Annales de Pighius, 1615, tome II, p. 378, mais utilisés surtout, pour son malheur, par Dodwell (Praelectiones Camdenianae, 1692, Append, p. 665; 690; 779; de veterïbus cyclis, Oxford, 1701, p. 483, etc.), mais aussi par beaucoup d'autres. Le premier à avoir démontré leur fausseté est Wesseling {Probabilia, Utrecht, 1731, 354), suivi entre autres par L de Beaufort, Dissertation sur l'incertitu de. . ., 1750, p. 87 = p. 62 de l'édition A. Blot, 1866. Borghesi, dans son mémoire sur les censeurs cité ci-dessous, p. 12, en fait justice. La meilleure discussion critique, qui elle aussi conclut à un faux, est celle de J.-Victor Le Clerc, Des Journaux chez les Romains, Paris, 1838, p. 261-341 (qui en redonne commodément le texte). 3 Sur les censeurs, on dispose de C. De Boor, Fasti censorii, Berlin, 1873 (p. 27 et suiv.); R.Cram, The Roman censors, dans Harv. Stud Cl. Phil, 1940, p. 71-110; mais il faut lire surtout

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justement J. Suolahti, cette ignorance ne provient pas uniquement d'un hasard épigraphique : à une époque pour laquelle les documents sont relativement nombreux, elle témoigne aussi du peu d'importance de la censure dans la période post-syllanienne. Ces ignorances, en tout cas, compliquent notre tâche. Car, si notre hypothèse est exacte, nous n'aurons au mieux que le praenomen (Lucius) et les deux ou trois premières lettres du gentilice ou du cognomen du censeur nommé en tête - et peut-être, compte tenu de la longueur exacte de la lacune, une idée de la longueur du nom ou du surnom du second. D'autre part, si nous songeons naturellement, étant donné la date de notre loi, à la plus récente des locationes avant 58, celle de 61 (sur laquelle précisément nous avons certains renseignements), ce n'est là, en bonne méthode, qu'une hypothèse parmi d'autres, et il ne faut pas exclure a priori la référence à une locano plus ancienne, qui serait citée pour sa valeur initiale, par exemple une locano postérieure à Sylla. Si nous pensons avoir affaire à des censeurs, il faut donc chercher sur un assez large espace de temps. La lecture de la ligne 22 donne, on l'a vu, très certainement L. CAE. Le point que les éditeurs ont cru voir entre le C et le A n'est qu'une altération de la pierre. Quant au E, on distingue une barre verticale et la barre horizontale supérieure, sans la moindre boucle; la lecture est donc quasi ment certaine. Une première vérification s'impose donc : ces quatre lettres, dont les trois dernières peuvent aussi bien appartenir à un gentilice qu'à un cognomen, s'insèrent-elles dans les noms des censeurs attestés de la pério de?Voici, (pour faire bonne mesure) dans l'ordre des Fasti, la liste des censeurs depuis 92 av. J.-C. : 92 : Cn. Domitius Cn.f.Cn.n. Ahenobarbus (plébéien) L. Licinius Lf.C.n. Crassus (plébéien) 89 : P. Licinius M.f.P.n. Crassus (plébéien) L. Iulius Li.Sex.n. Caesar (patricien) 86 : L. Marcius Qi.Q.n. Philippus (plébéien) M. Perperna M.f.M.n. (plébéien) 70 : .Cn. Cornelius Cn.f.-n. Lentulus Clodianus (patr.)

cos. cos. cos. cos. cos. cos. cos.

96 95 97 90 91 92 72

l'admirable mémoire de B. Borghesi, Sull'ultima parte della serie de' censori romani, dans Dbsert. della pontificia Accad. rom. di Arch., VII, 1836, p. 123-261, republiée, avec notes de Mommsen, au tome IV de ses Œuvres Complètes, éditées à Paris (1865), à l'initiative de Napoléon III; et, récemment, J. Suolahti, The Roman censors, a study on social structure, Helsinki, 1963, 837 p., en part. p. 402-495, et Append. 4, «The unknown censors of 64-61 », p. 644-672. Sans oublier naturel lement Broughton, MRR, passim.

LES CENSEURS DE 61 AV. J.-C. L. Gellius L.f.L.n. Poblicola (plébéien) (ordre probable : cf. cependant Cic, Cluent. 120) 65 : Q. Lutatius Q.f.Q.n. Catulus (plébéien) M. Licinius P.f.M.n. Crassus Dives (plébéien) (abdiquèrent sans compléter le census) 64 : L. Aurelius M.f.-n. Cotta (plébéien) (le nom de son collègue est inconnu) 61 : inconnus tous les deux.

113 cos. 72 cos. 78 cos. 70 cos. 65

L'établissement de cette liste, que j'emprunte aux travaux prosopographiques récents de Broughton et de Suolatiti, appelle quelques remarques liminaires de type heuristique. Nous avons vu que pour la période de 70 à 61 manque le document épigraphique officiel incontestable, les Fasti Capitol ini, qui donne en particulier, outre l'onomastique réelle, un ordre hiérarchi que dont la raison n'apparaît pas toujours (ce n'est en tout cas ni le patriciat, ni l'ancienneté du consulat, ni l'ordre alphabétique qui le fixaient; peut-être, comme dans le cas des consuls, le nombre de voix obtenues à l'élection) mais qui était certainement l'ordre officiel. Pour les censeurs que nous ne pouvons identifier par les Fasti, il faut tenir compte des autres sources. Or, ce qui frappe, c'est le caractère relativement hasardeux des mentions des censeurs pour cette période. Par exemple, Cicéron fait allu sion de nombreuses fois dans sa Correspondance aux censeurs de 61, soit durant l'exercice de leurs fonctions (Att. I, 18, 8; II, 1, 11), soit plus tard à propos de l'affaire considérable de l'annulation de la locado demandée par les publicains. Dion mentionne aussi l'affaire : ni l'un, ni l'autre cependant ne donnent les noms des censeurs4. Autre exemple remarquable : si le censeur plébéien de 64 est connu (L. Aurelius Cotta), c'est en somme un peu par hasard, d'abord par une notation très furtive de Cicéron en 57 (De domo, 84), puis par un de ses «bons mots» en 645, transmis par Plutarque (Cic. 27, 3). Dion, qui pourtant mentionne la rapide abdication des censeurs

4 Att. I, 18, 8: Nam ne absens censeare curabo. . . (cf. T. P. Wiseman, The census in the Ist cent. B.C., dans JRS, 1969, p. 59-75); Att. II, 1, 11 : (litterae) quas ad me de censu tuo miseras; sur l'affaire de la locatio de 61 que les publicains d'Asie voulaient faire annuler dès le mois de décembre, cf. ci-dessus, p. 106 (Cic, Att. I, 17, 9). 5 De domo, 84 : Me L. Cotta, homo censoriits, in senatu iitratus dixit se, si censor turn esset cum ego aberam, meo loco senatorem recitaturum fuisse; Plut. Cic, 27, 3 : Λευκίου δε Κόττα τιμητικήν έχοντος αρχήν, φιλοινοτάτου δ' οντος, ύπατείαν μετίων ύ Κικέρων έδίψησε, και των φίλων κύκλω -περιστάντων, ώς επινεν, «'Ορθώς φοβεΐσθε, ειζεν, μη μυι γένοιτο χαλε~ος ύ τιμητής, οτι ϋδωρ πίνω». Dans Pro Sestio, 73, Cicéron dit seulement: turn princeps rogatus sententiam L Cotta dixit.

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de cette année, ne les nomme pas6. L. Aurelius Cotta est cité plus de dix-huit fois par Cicéron ou ses scoliastes, il a eu une carrière bien remplie (préteur en 70, auteur de la lex Aurélia, cos. en 65) : sa censure n'est pourtant mentionnée que dans les deux allusions que j'ai citées. On voit donc que les quatre lettres L Cae[ ne peuvent convenir, pour tous les personnages de la liste ci-dessus, qu'à L. Iulius Caesar, censeur en 89 av. J.-C, consul en 90. Mais deux objections s'opposent à cette identifica tion : d'une part, la mention de la censure de 89 av. J.-C, vieille de 3 1 ans, semble bien peu vraisemblable dans un texte de 58 qui traite d'une situation fiscale immédiatement antérieure. D'autre part, la lacune de 12,5 cm entre le E du nom propre et le S du mot in]sul[ae que nous avons restitué ci-dessus, ne laisse place qu'à 12 ou 13 lettres au maximum. Si nous restituons L. Cae[sar P. Crassus ce(n)s(ores) injsulae, cela fait au minimum 16 lettres, qui ne pourraient vraiment trouver place dans la lacune. Il faut donc chercher autre chose. Les censeurs de 89 étant exclus, ceux de 86, 70 et 65 le sont aussi, par leur prénom, leur gentilice ou leur cognomen. On pourrait en revanche se demander s'il ne s'agirait pas des censeurs de 64 (le nom de L. Aurelius Cotta, sous la forme L. Cotta, figurant dans la lacune)7. Mais nous savons par Dion Cassius que ces censeurs abdiquèrent «sans avoir rien accompli de leur tâche habituelle» (XXXVII, 9, 4). Restent donc - ce qui est d'ailleurs logique - ceux de 61. Et notre inscription lève donc une partie au moins du voile de leur anonymat. On s'est essayé sérieusement depuis Borghesi à combler les lacunes des Fastes Capitolins et à identifier les trois censeurs inconnus de notre période. De 204 à 42 exclusivement, tous les censeurs connus sont d'anciens consuls : loi ou coutume, il y a là une règle pratique quasiment absolue, qui limite les candidatures possibles pour 64 et 61 à un nombre relativement restreint d'individus. Dans sa longue étude de 1835, Borghesi s'étendait plus particu lièrement sur le cas de deux personnages : M'. Acilius M'.f.M'.n. Glabrio, qu'il pensait pouvoir identifier avec le deuxième censeur, inconnu, de 64, se fondant sur deux lettres de la correspondance de Fronton et de Marc Aurèle (Fronto, Ad Marc. 5, 45; ibidem, 5, 42)8. Et surtout C. Scribonius Curio 6 Dion, 37, 9, 3 : (les censeurs de 65) : Ταύτα τε εν έκείνω τω ετει συνέβη, και οί τιμηταί περί, τών υπέρ τον Ήρώανύν οίκούντων διενεχθέντες (τω μεν γαρ ές την πολιτείαν αυτούς έσάγειν έδόκει, τω δέ ου) ουδέν ουδέ τών άλλων έπραξαν, άλλα και την αρχήν άπεΐπον. 7 Orelli, Onom. Tuli, 90; sur la lex Aurelia de 70, J.-L. Ferrary, Cicéron et la loi judiciaire de Cotta, dans MEFRA 1975, p. 321-348; c'est contre lui et son collègue LManlius Torquatus qu'était dirigée la «première» conjuration de Catilina (Broughton, MRR, II, p. 157). * Borghesi, art. cité, p. 32-39; Suolahti, o.e., p. 646-50; il s'agirait du consul de 67 (préteur de

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le père, le consul de 76, sur lequel nous reviendrons. C'étaient, parmi tous les consulaires que l'on pouvait envisager pour les censures inconnues de 64 et 61, les deux seuls pour lesquels quelques textes semblaient fournir quelques indications concordantes. Reprenant à frais nouveaux le dossier, J. Suolahti, sans repousser de façon formelle les conclusions de Borghesi, montre cependant que les «preuves» que ce dernier pensait trouver dans les textes ne sont jamais absolument convaincantes. Cependant, au terme de leur longue recherche, Borghesi comme Suol ahti sont l'un et l'autre d'accord pour recevoir comme un candidat possible pour la censure de 61 un personnage dont le nom et l'identité concordent parfaitement avec les indications nouvelles fournies par la pierre de Délos. Il s'agit de L. Iulius L.f.L.n. Caesar, fils du censeur de 89 dont nous avons parlé plus haut, et consul en 649. En effet, de tous les consulaires patriciens, il est le seul dont le prénom, nom ou cognomen conviennent; et, parmi les consulaires plébéiens, L. Caecilius Metellus, consul en 68, dont l'onomasti que pourrait convenir, mourut l'année même de son consulat (Dion, 36, 4, 1) et se trouve donc éliminé. Ce L. Caesar était l'arrière petit-fils de Sex. Caesar, consul en 157, dont le frère, un C. Caesar, était, d'après DrumannGroebe, l'arrière grand-père du Dictateur. Les branches étaient donc appar entées, mais, à cette génération, de cousinage lointain. Il faut considérer désormais d'un peu plus près la carrière de ce personnage considérable, à la lumière du texte de Délos. Il fut peut-être questeur d'Asie en 77 av. J.-C, si une inscription d'Ilion, dont il sera question ci-dessous, le concerne bien. repet. en 70, pour le procès de Verres). Fronto, ad Marc. V, 26 (42) = Naber, p. 83 = Haines (LCC), I, 214 : (Marc-Aurèle) nomen tribuni plebis, cui imposuit notam Acilius censor. . . mitte mihi; (Fronton), V, 27 (42) = Naber, p. 83 = Haines, 214 : M. Lucilius tr. plebis. . . ob earn rem a censoribus notatur. Rappelons qu'on n'a qu'un seul mss. de Fronton, découvert en 1815 par A. Mai. Les deux noms propres peuvent avoir été altérés; Mai et Borghesi proposaient de lire Atilius pour Acilius (ce qui nous placerait au IIIe siècle). D'un autre côté, Borghesi, proposant M'. Acilius comme censeur pour 64 av. J.-C, suggère d'identifier le tribun Lucilius avec le monétaire M. Lucilius Rufus (o.e. p. 36-37); mais M. Crawford, RRC I, p. 327, date ce monétaire de 101, et du coup l'identification avec notre hypothétique tribun de 64 devient impossible; cf. Broughton, MRR II, p. 470, qui donne les références aux travaux de Cichorius. Une difficulté : il n'y eut pas de lectio senatus en 64 (Dion, 37, 9, 4); put-il y avoir une nota? 9 Drumann-Groebe G.R.2 III, p. 117-120; Münzer, RE X, I, n° 143; on pensait qu'il avait été monétaire vers 90; mais Crawford, RRC I, p. 325, place l'émission en 103, et l'attribue donc à son père, le futur consul de 90. Cic, Mur. 71 (à propos des cortèges électoraux): itaque. . . et senatus consulto quod est L· Caesare constile factum restiterunt; in Pis. 8 : Ludi Compitalicii turn primum facti post L· Julium et C. Marcium consules. . . ; Asc. 7 C : L Julio C. Marcio consulibus. . . S.-C. collegia sublata sunt.

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Broughton place sa preture en 67, mais seulement parce que c'est la date la plus tardive possible d'après la loi Cornelia sur les magistratures : en fait nous en ignorons tout. Il était candidat au consulat en 65 (Cic. Att. I, 1, 2 : de his qui mine pettini Caesar certiis putatur). Il fut consul en 64 avec C. Marcius Figulus, et fit sans doute voter un sénatus-consulte contre les sodalicia (Cic. Pro Mur. 71; in Pis. 8; Asc. 7 C). En 63, il fut choisi (par le préteur, peut-être Metellus Celer lui-même, Dion 37, 27, 2) comme duumvir, en même temps que son cousin C. Julius Caesar, pour le procès de perduellio de C. Rabirius. Dion, qui est le seul à nous fournir ce renseignement, insiste bien sur le fait en général reconnu que le véritable instigateur de cette «comédie judiciaire», pour reprendre le mot d'A. Magdelain10, était César lui-même. Le choix de son lointain cousin, consul de 64, ne devait cependant pas avoir de signification politique dans le contexte catilinien: car, quelques mois plus tard, en décembre 63, notre César fit, au contraire de Caius, preuve de la plus antique sévérité à l'égard des conjurés. Il avait en effet voté la mort contre P. Cornelius Lentulus Sura, qui était le second mari de sa sœur, donc le beau-père de Marc Antoine, tout en assortissant ce vote d'une approbation rétrospective de la mort de son propre grand-père maternel, M. Fulvius Flaccus, en 121. Cicéron à cette occasion le qualifie (en 63) de vir fortissimus et amantissimi^ reipublicae {Cat. IV, 13). Cette fermeté contre les Catiliniens est célébrée encore bien plus tard par Cicéron, Phil. II, 14; et VIII, 1, dans ce dernier passage pour l'opposer à la relative mansuétude dont il fit preuve en 44 à l'égard de son neveu Marc Antoine : enfin, dans une lettre à Atticus de 45 (XII, 22) où, en réponse à Brutus, l'affaire de 63 est encore envisagée sur le plan historique : nous y revien drons. En 52, il est légat de César en Narbonnaise et le restera jusqu'en 49 (B.G. VII, 65, 1; B.C. I, 8, 2 : L. Caesar, cuius pater Caesaris erat legatus). Si son fils joue un certain rôle dans la guerre civile" (S.B., Cic. Letters IV, p. 442), on n'entend pas parler du père jusqu'en 47. Cette année-là, Antoine, Maître de la cavalerie, obligé de s'absenter de Rome pour mater une mutinerie en Campanie, le désigna comme Praefectus Urbi (Dion, XLIL 30, l)12. C'était en pleine agitation tribunicienne, menée par L. Trebellius et Dolabella : le 10 A. Magdelain, Remarques sur la perduellio, dans Historia, 1973, p. 405-422, spec. p. 411. 11 Cf. Shackleton Bailey, Cicero's letters to Att., IV, p. 442; sur ce jeune César, ami de Pompée et de Caton, César, BC I, 8; II, 28; Bel Afr. 88; 89; sur sa mort, Cic, Fam. IX, 7, 1; Dion, 45, 12; Suét., Caes. 75. 12 Κάν τούτω 'Αντώνιος πυθόμενος τα στρατόπεδα, α μετά την μάχην ύ Καίσαρ ες την Ίταλίαν ώς και έφεψόμενός σφισι προέπεμψε, μηδέν υγιές δράν, καΐ φοβηθείς μή τι νεωτερίσωσι, το μέν άστυ τω Καίσαρι τω Λουκίω επέτρεψε, πολίαρχον αυτόν άποδείξας, ö μηπώποτε προς ίππαρχου έγεγονει, αυτός δέ πρύς τους στρατιώτας έξώρμησεν.

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grand âge du praefectus Urbi l'empêcha de faire preuve d'une grande efficacité. Il joue de nouveau un certain rôle - dans la mesure où sa santé le lui permet - en 44 et 43, lors des négociations et de la rupture entre le Sénat et Antoine. Il est désigné en particulier pour prendre part à une ambassade auprès de ce dernier, dont Cicéron devait faire partie, mais qui n'eut pas lieu (Phil. XII, 18; Dion XLVI, 32, 2-4). Des cinq consulaires qu'elle devait compter, il est alors le plus ancien. Auparavant, il s'était opposé à l'insertion du mot bellum dans la motion votée par le Sénat contre Antoine, rappelant que ce dernier était son neveu (Phil. VIII, 1). Il fut mis en 43 sur la seconde liste des proscrits par Antoine, mais sauvé par l'intervention de sa sœur, mère du triumvir : épisode sur lequel nos sources insistent en lui donnant une couleur qui évoque nettement le roman de Coriolan, comme l'a remar qué Münzer13. Il meurt peu après. Célébré comme é vergete à Athènes, il fut augure de 80 à sa mort, et fut sans doute l'auteur (malgré Bremer, I, p. 106) des Libri augurâtes cités par Macrobe et Priscien14. Personnage considérable, donc, et carrière bien remplie, dans laquelle il y a parfaitement place pour une censure en 61. Néanmoins, Suolahti, qui n'en exclut pas absolument la possibilité, la met en doute, essentiellement parce qu'elle n'est mentionnée par aucune source. Mais nous avons vu que la censure certaine de L. Cotta en 64 n'est mentionnée que par deux notations tout à fait fortuites. Raisonnons par l'absurde : il nous manque trois censeurs pour 64 et 61 : sur ces trois, qui devaient tous être consulair es, un ou deux au moins doivent bien avoir été des personnages connus, souvent mentionnés, dont on pourrait donc certainement dire, comme de L. Caesar, qu'il est «surprenant» que leur censure ne soit pas mentionnée ailleurs. En l'occurrence, l'argument e silentio ne peut jouer. Une objection un peu plus forte, à première vue, proviendrait d'une lettre de Cicéron à Cassius, de février 43 (Tyrrell- Purser, n° 821) : Erat firmissimus Senatus, exceptis consularibus, ex quibus unus L. Caesar firmus et rectus (Farn. XII, 5, 2). Cette phrase pourrait être considérée comme la preuve que L. Caesar n'a pas été censeur. Mais Cicéron veut stigmatiser le groupe des consulaires, dans lequel il range a priori un censorien. Et c'est là son habitude courante. Deux exemples le montreront. D'abord, l'importante

13 Münzer, RE, col. 471; Liv., Per. 120; Appien, BC IV, 156-158; Dion. 47, 6, 3; 8, 5 etc. 14 F. Bremer, Iurispr. anteiustinianae, I, p. 106; H. Bardon, Litt, lai inconnue, I (1952), p. 308; dans le même sens, Schanz-Hosius, I, 600; cf. Shackleton Bailey, Cicero, Ep. ad Fam., II, p. 504 (sans commentaire).

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lettre Ait. XII, 21, l15, où Cicéron revient sur les événements historiques de son consulat, mis en cause par Brutus : Catonem primum sententiam putat de animadversione dixisse, quam omnes ante dixerant praeter Caesarem, et, cum ipsius Caesaris tarn severa \uerit qui turn praetorio loco dixerit, consularium putat leniores fuisse, Catuli, Servili, Lucullorum, Curionis, Torquati, Lepidi, Gelli, Vulcati, Figuli, Cottae, L· Caesaris, C. Pisonis, M'. Glabrionis, edam Silani, Murenae designatorum consulum. Comme on l'a remarqué depuis Tyrrell et Purser au moins, une liste comparable se retrouve dans Phil. II, 12. Sauf précisément le nom de L. Caesar - mais parce que l'avis de ce dernier est repris en détail plus loin {Phil. II, 14), et avec en plus le nom de Crassus. Or ces listes, deux fois désignées comme celles des consulaires par Cicéron, comportaient en fait, dès 63, plusieurs anciens censeurs : Q. Lutatius Catulus (Cic. Bail·., 50), L. Gellius Publicola, censeur en 70, L. Aurelius Cotta, censeur en 64, et Crassus, censeur en 65. Il est clair que Cicéron les inclut a fortiori parmi les consulaires. Il n'est donc pas étonnant qu'en 43, dans des circonstances tout à fait similaires, Cicéron puisse ranger également un L. Caesar, même s'il a été censeur en 61, parmi les consulaires. Faut-il d'autre part s'étonner qu'un ancien censeur ait été, neuf ans après cette magistrature, choisi comme légat par le proconsul des Gaules? Là encore, il suffît de citer quelques précédents presque contemporains. Cn. Cornelius Lentulus Clodianus, cos. en 72, censeur en 70, fut légat de Pompée en 67 pendant la guerre des pirates (Appien, Mithr. 95). Son collègue L. Gellius Poblicola également (ibidem), et l'était encore en 63 (Cic, Ad Pop. 17). D'autre part, L. Caesar est qualifié en 43 de principem senatorem, civem singularem {Phil II, 15). C'est dans les mêmes termes que Cicéron parle en 56 de L. Lutatius Catulus, censeur en 65 (In Pis. 6 : me Q. Catulus, principem huius ordinis, parentem patriae nominavit). Cependant, la preuve n'est pas absolue, parce que la même expression est employée pour P. Cornelius Lentulus, Princeps Senatus en 125 (Phil. VIII, 14), qui, lui, ne fut pas censeur. La quasi-certitude, à laquelle nous sommes parvenus, d'une censure de L. Julius Caesar en 61, nous oblige à reconsidérer le dossier des trois "Shackleton Bailey, Cicero's letters to Atticus, V, comm. p. 317; Phil. II, 12: non placet M. Antonio consulatus meus. At plaçait P. Servilio ut e um primum nominem ex illiiis temporis consularibus qui proxime est mortuus, placuit Q. Cattilo. . ., duobus Lucullis, M. Crosso, Q. Hortensio, C. Curioni, C. Pisoni, M'. Glabrioni, M'. Lepido, L Volcacio, C. Figlilo, D. Sitano, L Murenae, qui turn erant consules designati.

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inscriptions d'Ilion16 qui, à coup sûr, le mentionnent, lui-même ou des personnages de sa famille. Nous avons déjà parlé de celle qui, très vraisem blablement, le concerne lui-même. Il s'agit d'une convention des cités de Troade pour le règlement de la Panégyrie d'Athéna Polias (Bruckner, dans Dörpfel, Troia und Ilion, II, p. 454, n° XV; OGIS 444, lignes 4 et 6) : (.....) έτους ενά του μηνός Σελευκείου ώς Ίλι,εΐς άγουσιν ένδημήσαντος τοΰ ταμίου Λευκίου Ίΐουλίου Λευκίου υίοΰ Καίσαρος τάδε έποι/ησαντο έν έαυτοϊς ομολογά και συμφ]ωνα παραγενόμενοι είς το ιερόν της 'Αθηνάς και έπί τον ταμίαν Λεύκιον Ίουλίον Λευκίου υίον Καίσαρα . . . Si l'année 9 était celle de l'ère provinciale qui commence en 133 (donc 124), il faudrait supposer une questure de L. Caesar, consul de 90, en 124, ce qui est beaucoup trop tôt. Les éditeurs ont donc pensé, à juste titre sans doute, à l'ère syllanienne, qui part de 85, ce qui donnerait 77, et conviend rait donc très bien au contraire pour la questure du futur consul de 64. Cette date, et donc cette identification, sont confirmées par l'étude prosopographique des noms des délégués des diverses cités, dont Ilion, menée en détail par L. Robert17, à propos de la publication du corpus des monnaies de Troie par A. R. Bellinger. Il faut donc admettre une questure en Asie de L. Caesar junior en 77. Une seconde inscription, connue elle aussi depuis la publication de Bruckner, est plus directement intéressante pour nous, car elle mentionne un L. Caesar censeur (A. Bruckner, dans Troia und Ilion, p. 453, n° XIV; OGI, 440; ILS 8770; IGR IV, 194; Abbott- Johnson, 14; P. Frisch, Die Inschriften von Ilion, 1975, p. 172) : ό δήμος |Λεύκιον Ίούλιον | Λευκίου υίον Καίσαρα | τιμητήν γενόμε-

16 On les trouvera désormais dans Peter Frisch, Die Inschriften von Ilion (Komm, für die arch. Erforsch. Kleinasien, Oest. Akad und Inst. Alt., Univ. Köln), Bonn, Habelt, 1975 ; pour la première, p. 172; mais cela ne dispense pas de recourir à W. Dörpfel, Troja und Ilion (18701894), partie rédigée par A. Bruckner, histoire et inscriptions, II, 453-457; OGIS, 444. 17 L Robert, Monnaies antiques en Troade, Pubi, de la IVe sect, des Htes Études, Paris/ Genève 1966, passim, part. p. 16-17 (qui donne le texte complet, augmenté d'un second fragment cité par E. Preuner, Hermès, 1926, 113-132: non vidi); p. 67-78 (où il donne une liste des monétaires d'Ilion où l'on reconnaît plusieurs magistrats cités dans l'inscription) (à propos de A. R. Bellinger, Troy, Siippl. Monograph, 2: the coins, Princeton, 1961).

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«INSULA SACRA» vov| και άποκατασή- 1 σαντα τήν ίεραν| χώραν τηι Άθηναι| τηι Ίλιάδι και έξελόμενον | αυτήν έκ της δημοσιωνίας Ι8.

Comme, à l'époque où cette inscription fut publiée et commentée, on ne connaissait qu'un censeur du nom de L. Caesar, celui de 89, cette dernière date a été unanimement adoptée pour cette inscription. L. Caesar maior est mort en 87, dans les guerres civiles, et rien dans l'inscription ne laissant entendre que la nouvelle de sa mort ait été connue, la base serait à dater de l'année 89 ou 88. Mais nous sommes à peu près certains, désor mais, qu'un autre L. César - son fils - fut censeur vingt-huit ans plus tard. Il faut donc, en tout état de cause, se demander si par hasard cette autre identification et cette seconde date ne conviendraient pas mieux pour notre inscription. Sans doute, l'activité des censeurs de 89 est-elle bien attestée. Les Fasti Antiates (= AE 1922, 88, p. 27) précisent même : P. Licini(iis) M.f. Crass(us) L. Iuli(us) L.f. Cae[sar] / Lu[st]nim fec[er]unt, et les Fasti Consulares devaient, dans la lacune correspondant à cette année, porter la mention [lustrum fiecerunt) LXVI~\ (Degrassi p. 75). Mais ils ne purent mener à bien le census : et cela s'explique parfaitement par les circonstances de la Guerre Sociale (Cic. Arch. 1 1 : primis (se. censorious) lidio et Crasso nullam populi partem esse censam). Ils avaient commis une faute religieuse, en anticipant un acte qu'ils avaient annoncé (mais sans doute pas la clôture du Lustre elle-même), ce qui, d'après Veranius, était religiosum; et Festus ajoute : idque exemplo comprobat L. lidi et P. Licini censorum, qui id fecerint sine ullo decreto augurimi, et ob id Lustrum parum felix fuerit (366 L). Leur activité s'étendit cependant - comme il est normal - au domaine des mœurs : taxation du prix des denrées de luxe. A ce sujet, on peut noter une curieuse erreur de Pline que les éditeurs ont en général passée sous silence. Au livre XIV, 95, à propos des crûs italiens, il note : P. Licinius Crassus L. Julius Caesar censores anno urbis conditae DCLXV edixerunt «ne quis vinum Graecum Aminniumque pluris octonis aeris singula quadrantalia venderei» : haec enim verba sunt. Mais au livre XIII, 24, à propos de parfums exotiques, il écrit : quando id primiim ad Romam penetravit non facile

18 Cette intervention (d'un censeur il est vrai) en faveur d'un sanctuaire entre en série pour cette période: cf. C. Nicolet L'ordre équestre I, p. 351-358. Le mot rare, mais clair, δημοσιωνία, est bien restitué par R. Sherk dans IG XII, suppl., n° 11, p. 208 (G.R.B.S., 1963, p. 217-301 = Sherk, RDGE, n° 25, p. 143 : ταύτην την] | [χώραν έξελομένων τών] τιμητών έκ τής δημοσιων ίας. . .); c'est, je crois, une traduction libre de lex censoria, pour des grecs qui la voient du point de vue des publicains.

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dixerim. certum est Antiocho rege Asiaque deviens urbis anno DLXV P. Licinium Crassum L. Iulium censores edixisse ne quis venderei unguenta exotica : sic enim appellavere. Il est clair que Pline lui-même, ou sa source, a commis l'erreur qui consiste à faire tomber le C du chiffre DCLXV : la date des censeurs de 89 s'est trouvée anticipée d'un siècle, et, se fondant étourdiment sur le chiffre, Pline (ou sa source) a maladroitement glosé sur cette date, qui évoquait pour lui la victoire sur Antiochus. Cette explication est plus probable que celle qui imagine une simple erreur sur les noms des censeurs de 189. Dans les deux cas, en effet, Pline a eu sous les yeux le texte d'un édit, qu'il cite textuellement, concernant les produits étrangers19. Notre problème est de savoir si les censeurs de 89 eurent le temps de mener à bien les adjudications, et en particulier la locatio de l'Asie, formelle ment mentionnée par notre inscription. Il faudrait que l'adjudication fiscale (avec la dispense en faveur d'Athèna) ait eu lieu assez tôt dans l'année, car dès la seconde moitié de 89, l'action diplomatique du proconsul d'Asie et des légats sénatoriaux en faveur de Nicomède et d'Ariobarzane, lancés contre Mithridate, avait eu les plus graves conséquences, et la guerre était certaine, sinon même engagée. Si ce que dit Cicéron en 66 (pro leg. Man. 15-16) sur l'effondrement fiscal et financier que provoque une simple menace de guerre est vrai, on peut se demander s'il y eut seulement, en 89, un appel d'offres pour les impôts de l'Asie. Enfin, on sait qu'Ilion fut férocement saccagée par Fimbria en 85 (Appien, Mithr. 53, etc.), et l'on peut se demander si la statue de L. Julius Caesar et la base qui la portait auraient pu survivre à ces événements. En revanche, nous savons de source sûre que la locatio de 61 avait bien eu lieu, une fois l'Orient pacifié et réorganisé par les victoires de Pompée, et que les publicains cupiditate conlapsi avaient fait monter très haut les enchères. Il est parfaitement concevable que L. Caesar, qui s'était rendu comme questeur à Ilion en 77, ait «exclu de l'adjudication» les terres de la déesse. Un «bienfait» de sa part envers ses anciens administ rés est même, a priori, plus vraisemblable que de la part de son père qui, à notre connaissance, avant sa censure de 89, n'a été proconsul en 94 qu'en Macédoine (?)20. Mais il y a des arguments contraires. D'abord, les liens mythiques entre la gens lidia et Troie, attestés par des monnaies depuis la fin du IIe siècle au

19 A noter que Hardouin (1685) et Lemaire (1829), qui ont vu l'erreur des manuscrits, ont malencontreusement choisi de lire dans les deux cas DLXV. Je dois ce renseignement à l'obligeance de J.André. Pour l'intelligence de quadratiteli, cfr. T.Frank, dans AJPh 1931, p. 278. 20 Broughton, MRR, II, p. 13.

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moins21, pourraient bien expliquer, même sans contact géographique, le geste du censeur de 89. Ensuite, l'inscription d'Ilion en l'honneur d'une Julia (P. Frisch, n° 72 = CIG 3608b)22, qui mentionne τας ευεργεσίας τας εκ | τ]οΰ πατρός αυτής ne peut s'appliquer qu'à la seule Julia fille d'un L. Julius Caesar connue, c'est-à-dire à la fille du censeur de 89, sœur de celui de 61, épouse successivement de M. Antonius Creticus et de P. Lentulus Sura, et mère de Marc-Antoine. Le consul de 64, à notre connaissance, n'a pas eu de fille. Dès lors, les «bienfaits paternels» rappelés par cette inscription doi vent sans doute être rapprochés de l'immunité accordée à la déesse par un censeur, qui ne peut être que celui de 89.

Le second censeur de 61 Si notre restitution du prénom et du cognomen de L. Caesar est exacte, elle implique quelques conséquences pour le nom du deuxième censeur qui devait être nommé immédiatement après lui. D'abord un point de vue strictement épigraphique. La lacune, depuis le E de Cae[sar exclu, jusqu'au V de insjulae également exclu, mesure exactement 13 cm. A cette même ligne, les 15 lettres (depuis -Jcatione jusqu'à L Cae[) du début occupent exactement 14 cm, ce qui fait une moyenne de 0,933 cm par lettre. On voit qu'on ne peut vraiment pas placer plus de 14 ou 15 lettres dans la lacune. Il faut en retrancher les trois dernières de Cae[sar, les trois premières d'insjula (3 + 3 = 6), et l'abréviation du titre censores. Or, ce mot n'est abrégé, dans l'épigraphie républicaine, que sous la forme cens(or), ou cens(ores), en particulier dans les lois (loi latine de Bantia, CIL F 582, 15; loi agraire de 111, CIL I2 585, 28, 35, etc.; Table d'Héraclée, CIL F 593, 82). Sans doute on rencontre la forme plus courte ce(n)s(or), mais une fois seulement, à Rome sur un des cippes des rives du Tibre (CIL F 766), qu'on ne connaît que d'après une lecture ancienne, sans doute fautive, car dans tous les autres c'est la forme cens, qui se rencontre. Et, pour le reste, il s'agit exclusivement d'inscriptions municipales, dont une série connue de Ferentinum mention-

21 M. Crawford, RRC, II, p. 727. 22 fH Βο]υλή και, ό δήμος | [Ίου ]λίαν θυγατέρα |[Λε]υκίου 'Ιουλίου Καίσαρος | [δια] τας ευεργε σίαςτας έκ | [τ]οΰ πατρός αυτής εις τον | [δ]ήμον γενομενας. Sur cette Julia, Drumann-Groebe, G.R.1 Ill, n° 12, p. 122; elle épousa d'abord M.Antonius Creticus (Plut., Ant. 2; Appien, IV, 32; V, 52; 63); puis P. Lentulus Sura, cons. 71, conjuré en 63 (Plut., Ant. 2). L. Caesar, cons. 64, n'a eu, à notre connaissance, qu'un fils.

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nant les travaux affermés par les ces. locaux vers l'époque de Sylla {CIL I2 1522, 1523, 1524, 1525). L'hésitation n'est guère permise : nous restituerons cens. C'est donc en réalité 10 lettres de la lacune qui sont sûres. Il n'en reste que 5 ou 6 à la rigueur pour l'initiale du prénom, et le nom ou cognomen du second censeur. Nous avons vu que Borghesi, suivi par J. Suolahti et Broughton, ont avancé de manière presque catégorique le nom de C. Scribonius Curio le père, le consul de 76, après celui de M'. Acilius Glabrio, consul de 67. Même si une censure de ce dernier, qui reposerait sur le renseignement non daté et assez sujet à caution de Fronton et Marc-Aurèle, est possible, nous ne pouvons le retenir pour 61, car sa dénomination ne pourrait tenir en 4 ou 5 lettres, et en demande au moins 8, ce qui est absolument impossible. Parmi les consulaires plébéiens dont la liste a été retenue par Suolahti (p. 666-667), seuls conviendraient, pour la longueur de leur gentilice ou cognomen, ou parce qu'ils ne sont pas éliminés pour une autre raison, C. Calpurnius Piso (sous la forme C. Piso), consul en 67, et bien entendu Curion lui-même (sous la forme C. Curio), le premier exigeant 5 lettres, le second 6, ce qui est un maximum. Les probabilités penchent cependant très fortement en faveur de Curion le père, retenu par Borghesi pour des raisons indépendantes de toute considération épigraphique23. Borghesi s'appuyait sur quelques textes, de Cicéron et de ValèreMaxime. Dans le De officiis, écrit en 44, Cicéron rappelle que L. Marcius Philippus (qui fut censeur en 86) se glorifiait «d'avoir obtenu tous les honneurs considérés comme les plus importants, sans avoir jamais donné de jeux». Et il ajoute : Dicebat idem C. Curio. Nobis quoque licet in hoc quodam modo gloriari (II, 17). L'interprétation est possible, sans plus. Le fait que Cicéron se cite ensuite lui-même n'interdit sans doute pas d'imaginer un rapprochement plus étroit entre Philippus et Curion. Le texte de Valère-Maxime est moins convaincant encore : dans un chapitre consacré au luxe et à la débauche, après avoir cité l'exemple de Q. Caecilius Metellus Pius, consul en 80, qui avait oublié «la discipline observée dans le camp de son père en Numidie», il passe aux Curions : Consimilis muîatio in domo Curionum exstitit. Si quidem Forum nos trum et patris gravissimum supercïlium, et filii sexcenties sestertium aeris alieni adspexit, contractum famosa injurìa nobilium juvenum (IX, 1, 7).

23 Borghesi, art. cité, p. 41-45 (avec la mention proprement divinatoire de L Julius!); Suolahti, o.e., p. 650-672.

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Borghesi avait remarqué que Valère-Maxirne emploie deux autres fois le mot supercilium pour signifier «la sévérité d'un censeur» : aut censorium supercilium adversus fraternam caritatem destringere (II, 7, 5); ita probitas et continentia censorio supercilio exanimata est (II, 9, pr.). Il en déduisait que dans le cas des Curions, l'expression, quasi formulaire, impliquait aussi la dignité censoriale. Remarquons toutefois que, dans les deux derniers exemp lescités, Valère-Maxime précise bien : censorium. Là encore, le texte ne fait pas d'objection à une censure de Curion, mais ne la prouve pas. Fils d'un ancien préteur, C. Curion le père24, tenu pour un des grands orateurs de son temps, comme d'ailleurs son père et son fils, eut une carrière dans laquelle une censure s'intégrerait fort bien - malgré les commentaires irrévérencieux que peut inspirer à R. Syme la longue insis tance, bien évidemment malicieuse, de Cicéron, dans le Brutus25, sur son manque de mémoire, pour ne pas dire plus. Tribun de la plèbe en 90, consul en 76, il s'opposa à Q. Sicinius qui bataillait pour la restauration du tribunat. Proconsul en Macédoine jusqu'en 73, il mena d'importantes cam pagnes sur le Danube et obtint le triomphe en 72. On a quelques renseigne ments dispersés sur son action politique dans les années suivantes, contre 'l'octroi du droit de cité aux Transpadane par exemple (Cic. De Off. Ill, 88), ou son intervention contre les Catiliniens. Il réprouvait l'amitié de son fils envers Marc-Antoine et interdisait sa maison à ce dernier (Phil. II, 44-46; Val-Max. IX, 1, 6). Mais en 61, il défendit Clodius, aussi bien au Sénat que devant les juges, comme patronus. En 58, il prit parti pour Cicéron et si l'on en croit Dion, il prit la tête de la délégation à'equites qui, avec Lamia et Hortensius, vint trouver les consuls, et fut durement repoussée par Gabinius (Dion, 38, 16, 2 et 5), puis vilipendée par Clodius dans une contio. Pontifex depuis au moins 57, il avait écrit, comme on sait, plusieurs pamphlets contre César. A un moment de sa carrière (peut-être en 74) on lui avait donné le surnom de Burbuleius, qui était le nom d'un acteur (Val.-Max. IX, 14, 5). A ce sujet, il faut noter que Val-Max, le cite après M. Messala, consularis et censorius, dans les termes suivants : Curioque

24 Miinzer, RE, n° 10; La tribu des Curiones a été victorieusement établie, grâce à L. Ross Taylor, et malgré les mauvaises lectures ou hésitations de C. Dunant et J. Pouilloux, Études Thasiennes V (1958), n° 174, p. 37-45; et de R. Sherk, RDGE, n° 20, p. 116, 1.6 (LRoss Taylor, Voting Districts (1960), p. 268-270; E. Badian, The tribes of the Curiones, dans Athen. 1962, p. 356-359); il s'agit de la Pomptina (Πομετίνας). 25 Cic, Brutus, p. 216-220; il n'a ni promptitude, ni ordre - ni surtout mémoire, d'où l'acharnement cruel de Cicéron. Cf. W. C. Mac Dermott, Curio pater and Cicero, dans AJPh, 1972, p. 381-411.

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omnibus honoribus abundans - phrase où Borghesi a voulu, bien sûr, voir une confirmation de son hypothèse. Tous ces indices convergent fortement. Un dernier, qui me paraît déterminant, est signalé par P. Moreau26. Dans la longue lettre à Atticus (I, 16, 3) qu'il consacre à raconter le fameux procès a'incestus de Clodius en 61 dont j'ai parlé plus haut, Cicéron décrit ainsi la scène de la récusation des juges par l'accusateur (L. Cornelius Lentulus Crus) et le défenseur (Curion le père) : nom ut reiectio facta est clamoribus maximis, cum accusator tanquam censor bonus homines nequissimos reiceret, reus tanquam clemens lanista frugalissimum quemque secerneret (I, 16, 3). Le passage prend beaucoup de sens, et de sel, si l'on suppose que Cicéron fait allusion au fait que les rôles sont pour ainsi dire inversés : Curion le père, qui est effectivement censeur (et patronus) se conduit avec trop de laxisme, d'indulgence envers les juges corrompus (et pour cause!), et c'est l'accusateur qui, lui, se conduit tanquam censor bonus. 26 P. Moreau, Le procès d'incestus de P. Clodius Pulcher en 61 av. J.-C. (Thèse de IIIe cycle, Paris, 1973, dactylogr., p. 122).

PHILIPPE MOREAU

CHAPITRE X LES PROCÉDURES OFFERTES

Les dernières lignes du texte, très lacunaires (1.31-35), constituaient visiblement la partie proprement juridique et judiciaire de la loi, comme l'ont noté les précédents commentateurs1 : le mot familia (1. 32) prouve qu'il y était question de biens privés, et les mots iudicatio (1. 34), indicium (1. 35), termes de procédure, montrent qu'il s'agissait d'organiser une instance, très probablement de caractère formulaire (la iudicatio est l'activité du index ou des indices - et des recuperatores, par opposition à la iurisdictio, qui appartient au magistrat2). On a donc logiquement supposé qu'il s'agissait d'ouvrir aux Déliens une voie judiciaire leur permettant de recouvrer les biens qu'ils avaient perdus du fait des pirates, et ce, au moyen d'une procédure typiquement romaine. On pourrait s'étonner d'un tel souci, onze ans après l'attaque d'Athénodoros : quel espoir les habitants de Délos pouvaient-ils conserver de retrouver les biens volés, et quel secours pouvaient-ils espérer d'une procédure assez complexe? Une réponse à ces questions est fournie par trois textes qui, dans les vingt-cinq années précédant la lex Gabinia, concernent eux aussi les dommag es subis par les alliés de Rome lors de la guerre contre Mithridate : le s.-c. de Stratonicensibus de 81 (Sherk, n° 18, p. 106-9), le s.-c. de Asclepiade de 78 (FIRA, 1, n° 35, p. 255-9), et la lex Antonia de Termessibus de 71 (FIRA, 1, n° 11, p. 135-7). Ces trois textes prévoient en effet des restitutions par voie judiciaire, ou du moins avec intervention d'un promagistrat romain, de

1 Cuq, p. 204, 211-212; Durrbach, p. 254; Abbott et Johnson, p. 286. 2 Voir sur ce point G. Pugliese, // processo civile romano, II, 1, Milan, 1963, p. 114 et F. Schulz, Classical Roman Law, Oxford, 1951, p. 13.

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biens perdus par les alliés, et peuvent donc fournir d'utiles indications sur les questions posées par la lex Gabinia : quels biens ou droits étaient, a posteriori, protégés? Qui pouvait introduire l'action? Contre qui était-elle dirigée? Quelle procédure devait être suivie? Enfin, quelle règle de droit fallait-il appliquer? 1 Le s.-c. relatif aux gens de Stratonicée mentionne d'abord, en termes généraux, «les bien perdus par eux lors de la guerre» (1.60: [περί τε των ά]π[ολωλ]ότ[ων αύτοϊς εν τώι πολέμων]), et «tout ce qui leur manque» (1. 115 : ατινα αύτοϊς ά[πε]στιν), mais utilise aussi une expression peu claire, τα εμφανή, (1. 62), que Viereck3 traduit par manifesta, et que K. M. T. Atkin son4interprète, à la suite de Dittenberger, comme «les biens qui manifeste ment leur appartiennent»5. Le texte mentionne encore les gens de Stratoni cée faits prisonniers, et dont il faut obtenir la libération et le retour (1. 63 : τους τε αιχμαλώτους; cf. 1.115). Le s.-c. de Asclepiade se limite au cas d'aliénation de biens et d'immeubles, sans doute par confiscation (1. 13-15: ζί τέ τίνες αγροί οίκίαι υπάρχοντα αυτών πέπρανται μετά το έκ της πατρίδος τών δημωσίων πραγμάτων τών ημετέρων χάριν). Quant à la lex Antonia, on y relève (c. II, 1. 2) le mot ameiserunt, qui correspond à τών άπολωλύτων du s.-c. de Stratonicensibus, et la mention des hommes libres et des esclaves perdus du fait de la guerre contre Mithridate {ibid. : quos Thermenses maiores Pisidae leiberos seruosue bello Mitridatis ameiserunt). Dans le cas de Délos, on peut tenter d'imaginer les dommages subis, en s'aidant des textes mentionnant les incursions des pirates. On sait que l'île était un véritable comptoir, où abondaient les marchandises de toute sorte6. Outre les meurtres d'hommes libres et d'esclaves, les destructions et incen diesd'édifices privés7, les pirates ont dû voler des objets précieux et des marchandises8, enlever des hommes libres pour en tirer rançon ou les vendre comme esclaves9. Mais, puisque l'une des principales richesses de

3 P. Viereck, Sermo Graeciis. . ., Göttingen, 1888, p. 28. 4 Κ. M. T. Atkinson, «Restituito in integrimi» and «iussum Caesaris Augusti» in an Inscription at Leyden, dans RIDA, 7, 1960, p. 265. 5 Dittenberger, OGIS, II, 441. 6 Cic, Imp. Cn. Pomp. 18, 55 : (Délits) quo omnes undique cum mercibus atque oneribus commeabant, referta diuitiis. 7 Cf. supra p. 71 n. 32. 8 En particulier des matériaux de construction, des métaux, etc. : App., Mithr. 92 : και ϋλην ξύλου καί χαλκοϋ καί σώήρου συμφέροντες οϋποτε έπαύοντο. Et ibid., 96. 9 Sur la pratique de la rançon : Plut., Pomp. 24, 10; sur la vente des prisonniers comme

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Délos était son marché d'esclaves10, il est très probable qu'un nombre important de ceux-ci fut razzié et vendu ailleurs". La 1. 32 de la lex Gabinia est lacunaire après familia, et le texte reprend avec les mots ]minus.dimi[, qui ont été ainsi restitués par Cuq: sei eins familia pe[cuniaue plus] minus dimi[nuta sit, restitution adoptée par d'autres commentateurs12. Cuq établit bien en effet le fréquent emploi de familia pecuniaque (ou -ue) pour désigner des biens privés13, de même que le sens de diminuere, «porter atteinte à l'intégrité des biens ou droits de quel qu'un14. Quant à l'expression plus minus, que Cuq n'établit pas expressé ment par des parallèles, on peut la défendre au moyen de quelques attestations15. 2 Dans les trois textes épigraphiques mentionnés, le droit d'agir est accordé à des peregrins : l'ensemble des citoyens de Stratonicée, cité libre alliée de Rome, les trois navarques de Clazomènes nommément désignés, leurs femmes et descendants, l'ensemble des citoyens de Termesse de Pisidie, cité libre et alliée16. Dans le cas de la lex Gabinia, le justiciable est indiqué 1.31 : queiq(ue) earn in[. ] e quae s. s. s. On reconnaît au moins, derrière les mots

esclaves: Cic, Imp. Cn. Pomp., 11, 31 et 12, 33; Phlégon de Tralles, FHG, 3, p. 605, fr.66 (à propos de l'incursion de 69) : και 'Αθηνόδωρος πειρατής έξανδραποδισάμενος Δηλίους; App., Mithr. 96. 10 Strabon, 14, 5, 2. 11 Cuq, p. 211, pense à «des biens meubles et immeubles appréhendés sans droit», sans préciser, et Durrbach, p. 254, à des conflits entre occupants sans titre et propriétaires revenant dans l'île qu'ils avaient fuie. 12 Cuq, p. 211; Durrbach, p. 253; Roussel et Launey, p. 19; Abbott et Johnson, p. 285. 13 Outre les références au Digeste données par Cuq, p. 211, on peut citer Rhet. Her. 1, 13, 23; Cic, Leg. 3, 3, 7 : familias pecuniasque censeto; Fest., p. 422 Ls.u. sacratae leges; Gaius, Inst. 1, 104. Voir le Thesaurus, 6, 1, col. 237-8, Leonhard, RE, 6, col. 1980-1, et P. Voci, Diritto ereditario romano, 1, Milan, 1967, p. 24-32. 14 Cuq, loc. cit. Ajouter à ses références: Cic, Fam. 11, 28, 2; Q.Fr. 1, 2, 3, 10; Sull. 20, 56; Flacc. 34, 84. 15 XII Tab., 3, 6: si plus minus secuerunt; Ter., Phorm. 554: ne quid plus minusue faxit; Ulpien, FV, 166; Paul, D., 16, 3, 26, 2. Cf. Thesaurus, 8, 11, col. 1611, s.u. multus. 16 Dans le s.-c. de Stratonicensibus, les bénéficiaires des diverses mesures sont toujours les Στρατονικεϊς en général; s.-c. de Asclepiade, 17-18 : ϋσα τε αν αύτυί, τέκνα, εκγυνυι γυναίκες τε αυτών παρ' ετέρου μεταπορεύωνται, έάν τέ τι παρ' αυτών τέκνων, έκγύνων γυναικών τε αυτών 'έτεροι, μεταπυρεύωνται, ϋπως τούτων, τέκνων γυναικών τε αυτών εξουσία και αϊρεσις ; lex Antonia de Termessibus, II, 1-4 : Qiios Thennenses maiores Pisidae leiberos seruosue bello Mitridatis ameiserunt, magistratus pr[oue] magtitratu quota de ea re iuris dictio erit, qu[oque] de ea re in ious aditum erit, ita de ea re ious deicunto, iudicia recuperationes danto.

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queiq(iie) earn in[sidam. . . .incolet]17, la formule fréquemment attestée dans l'épigraphie délienne : οί την νήσον οίκοΰντες ou κατοικοΰντες, qui englobait indifféremment à cette époque les citoyens romains, les Déliens citoyens d'Athènes et les Grecs d'autres cités18. La restitution de Cuq: earn in[sulam?], adoptée par Lommatzsch, est préférable à celle de Durrbach, Roussel et Abbott- Johnson : earn in[colent], car le texte pratique régulièrement la répétition du substantif (1. 12: quae insula; 1.20: illam insulam; 1.26: et eas insulas) et d'autre part, le verbe de la proposition introduite par quelque doit être placée à la fin de celle-ci, et après la relative incise qui en dépend : quae s. s. s. (on comparera la phrase des 1.11-12: illam insulam, in qua insula. . . putent, . . .leiberari), donc immédiatement avant le subordonnant sei, 1. 32. Quant au verbe de la proposition introduite par queique, il doit être au singulier, puisque eius reprend visiblement queique. On peut donc proposer le texte : queiq(ue) earn in[sulam ]e quae s(upra) s(criptae ou -a) s(unt) [incolet incolueritue (cf. 1. 27 : incolent; 1. 29 : injcolent). La suite du texte est délicate à reconstituer, à cause de la première lettre partiellement conservée après la lacune centrale : Cuq, d'après Pippas et Bulard, donnait [. . .lue, d'où la restitution, correspondant parfaitement à la longueur de la lacune, et extrêmement plausible pour le sens, proposée par Lommatzsch : earn in[sulam ins nias] ne quae s(upra) s(criptae) s(unt). La lecture de Roussel, ]ae, est démentie par un examen récent de la pierre (effectué en août 79 par M. C. Nicolet) : on voit bien sur la pierre une barre oblique se dirigeant vers la gauche, mais il ne saurait s'agir de la trace d'un A, car elle s'interrompt visiblement au bout de 3 mm, avant la cassure. En revanche, la cassure de gauche pourrait bien être alignée sur la b^rre droite d'un V : la lecture la plus probable est donc : -ue. D'ailleurs, si on lisait -ae, on ne voit pas à quel mot, visiblement mis sur le même plan que l'accusatif insulam, pourrait correspondre cette désinenc e. Il est en tout cas certain, en raison de la présence de eius, 1. 32, qu'un mot se terminant par -ae ne pourrait être un substantif au nominatif coordonné à queique, et définissant donc une nouvelle catégorie de bénéfi ciaires de la loi, car on aurait alors, comme antécédent du relatif quei, non pas eius, mais un pluriel. Le mot tronqué doit donc être un accusatif

17 Cuq, p. 211. 18 P. Roussel, Délos, colonie athénienne, p. 335 : «tous les habitants sont désignés d'une manière générale comme «οίκοΰντες ou κατοι,κοΰντες την νήσον» (pour le milieu du Ier siècle av. J.-C.)· Cf. Cuq, p. 209. Sur le caractère composite de la population de Délos, voir Roussel, op. cit., p. 56-96.

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coordonné à earn insulam, et précisant donc la définition de «l'habitant de cette île». L'examen de la pierre comme celui du contexte syntaxique confirment donc l'hypothèse de Lommatzsch : earn in[sulam insidasuje quae s. s. s. On voit que Rome étendait, entre autres, à des peregrins, un droit n'appartenant qu'à des citoyens romains, puisqu'il ne s'agit plus seulement de procès entre Romains et peregrins, tranchés, à Rome, selon le droit romain, mais bien d'étendre à des étrangers, sur le territoire d'une cité libre, la protection juridique de Rome. On peut y voir, comme Gallet19, une faveur faite aux provinciaux et aux alliés, mais il y a là aussi ce que l'on pourrait appeler un impérialisme juridique (qui est d'ailleurs confirmé par une autre loi de la même année)20. 3 Quant à savoir contre qui l'action pouvait être engagée, le s.-c. de Asclepiade est vague, ainsi que la lex Antonia. Le s.-c. de Stratonicée fournit un renseignement utile pour la compréhension du mécanisme juridique créé par la loi Gabinia, en distinguant «ceux qui ont pillé ces biens et ceux qui les détiennent» (1.116-117: οι τέ τίνες ταΰτα δι/ηρπασαν οϊ τέ τι,νείς δ]ιακατέ[χουσιν αυτά}). Dans le cas de Délos, il ne s'agissait évidemment pas de poursuivre en justice les pirates (tués par les soldats de Pompée, ou pacifiés et installés dans diverses cités21, et de toute manière difficilement identifiables par leurs victimes), mais bien plutôt les possesseurs, de bonne ou de mauvaise foi, des biens appartenant aux Déliens spoliés. Quant aux objets précieux volés (dont Plutarque nous apprend qu'ils les avaient entassés dans leurs fortins)22, il est probable qu'ils tombèrent dans le butin de Pompée23, et que leurs anciens propriétaires durent renoncer à les récupérer. Restaient les terres, les maisons, et les esclaves ou les hommes libres réduits en servitude, et vendus avant la défaite des. pirates : les occupants sans titre et les acheteurs d'esclaves volés pouvaient faire l'objet d'une demande de restitution, puisque, selon un principe remontant à la loi des XII Tables, la possession des biens volés ne pouvait jamais se transfor mer en propriété par l'effet de l'usucapio24 . Dans le cas de familiae d'escla-

w L. Gallet, Essai sur le s.-c. «de Asclepiade sociisque», dans RHDFE, 16, 1937, p. 291, qui parle de «justice de grâce». 20 Voir infra ce qui est dit de la lex Clodia de prouinciis. 21 Pompée établit les pirates en Cilicie, en Achaie, à Soles: Plut, Pomp. 28, 1; App., Mithr. 96. 22 Plut., ibid. 23 Sur le butin de Pompée, voir App., Mithr. 96. 24 Sur ce principe, voir Gaius, 2, 45 : sed aliquando etiamsi maxime quis bona fide aliénant

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ves volées et revendues, la valeur des biens contestés pouvait être très importante, et l'organisation de procédures n'était donc pas dépourvue d'objet. 4 Reste à préciser devant quelle juridiction et selon quelle procédure la restitution de ces biens pouvait s'effectuer, et c'est sans doute le point le plus délicat à établir, puisque les juristes ne s'accordent par sur la nature des instances possibles dans les provinces25. Le s.-c. de Stratonicée indique que le sénat chargera le proconsul d'Asie de procéder à la restitution26, sans que, semble-t-il, il y ait à proprement parler d'instance : le promagistrat prendra une mesure administrative en vertu de son Imperium. Mais Atkin son27 veut y voir une procédure d'in integnim restituito semblable à celle qui, plus nettement, est organisée par le s.-c. de Asclepiade2S, où les mots όπως ταΰτα πάντα αύτοΐς εις άκέροαον άποκατασταθη (1. 14-15 et 22-23) traduisent iitei in in[tegrum restitujantur (1. 10); mais il s'agit d'annuler des décisions judiciaires (l. 21 : εΐ' τίνα κρντήρια περί, αύτΰν απόντων . . .γεγονότα εστίν · ) ou des actes de vente (1. 4 : seine quae praedia aedificia [bona eorum uenierunt]). Ce qui correspond bien au mécanisme de Yin integnim restitiitio, destinée à supprimer un acte ou un effet juridique. Le cas des Déliens est différent29, puisqu'ils sont victimes d'actes délictueux de particuliers. Les renseignements que l'on peut tirer des textes déjà invoqués ne sont pas nets quant à la nature de la juridiction envisagée : une lecture incertai-

rem posòideat, non tarnen Uli usiicapio procedit, uelut si quis rem fiirtiuam aut ni possessam possideat; nain furtiuain lex XII Tabularum usucapì prohibet, ui possessam lex lidia et Piatitici. Cuq, p. 211, et Durrbach, p. 254, pensent que les actions visaient des possesseurs sans titre. 25 Le débat oppose les tenants de la cognitio administrative du promagistrat romain, et ceux du procès formulaire, en deux phases, tel qu'il se déroulait à Rome même. Sont favorables à la seconde thèse : A. H. J. Greenidge, The Legal Procedure of Cicero's Time, Oxford 1901, p. 132; J. Partsch, Die Schriftsformel in mm. Provinzialprozesse, Breslau, 1905, p. 49-50; G. Pugliese, op. cit., p. 33-34; 93-95 (avec prudence); M. Käser, Das röm. Zivilprozess, Munich, 1966, p. 119 et 368. Au contraire, Pernice, Festgabe fur G. Beseler, Berlin, 1885, excluait la procédure formulaire dans les provinces. 26 L. 60-65 : ΰπως] ή σ[υγ]χλ[ητος τώι άρ]χοντ[ι τ]ώι εις Άσίαν πορευομένωι, έντολας 5ώι 'ίνα φρον[τίσ]ηι και έπιστροφήν ποιήσηται, όπως τα εμφανή αύτοϊς άποδοθήναι, φροντίσηι.. 27 Atkinson, art. cit., p. 265. 28 Sur la procédure d'in integnim restitiitio, voir L Gallet, art. cit., p. 407 sq.; Sherk, op. cit., p. 130; Atkinson, art. cit., p. 258 à 271; M. Sargenti, Studi sulla «restitiitio in integnim», dans BIDR, 8, 1966, p. 193-298. 29 Pour un exemple d'in integrimi restitiitio dans la province d'Asie à la même époque, voir J. Duquesne, Cicéron, Pro Fiacco, eh. 30-32 et l'in integrimi restitiitio, dans Annales de l'Université de Grenoble, 20, 1908, p. 285-323. Voir aussi M. Kaser, op. cit., p. 331.

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ne du s.-c. de Asclepiadei0 fait que l'on ne sait pas s'il y avait un choix offert aux gens de Clazomènes entre une cognitio par le promagistrat et un procès en deux phases, in hire devant le promagistrat, in iudicio devant des juges romains, ou si seule la seconde solution était possible. La lex Antonia, dont c'est le texte latin qui nous est conservé, est plus nette : la terminologie (iurisdictio du magistrat ou promagistrat, qui doit donner des indicia ou des reciiperationesY{ implique une instance en deux phases. Dans ce débat sur l'extension aux provinces, à l'époque républicaine, de la procédure formulaire, la lex Gabinia fournit un argument qui, à notre connaissance, n'a jamais été invoqué. Pourtant, les termes iudicatio (1. 34), indicium (1. 35), le magis[tratus de la 1. 33 (la restitution est rendue certaine par intercedere, 1. 34, qui implique bien une intervention possible de deux magistrats)32 prouvent qu'il s'agit d'un procès de type urbain, en deux étapes, où le magistrat désigne un ou plusieurs juges, et leur prescrit une règle de conduite en leur délivrant une formula. Ce magistrat était proba blement, vu l'appartenance de Délos à la cité athénienne, et le fait que Pison, co-rogator de la présente loi, était, en 58, le prochain gouverneur d'une province de Macédoine élargie par la lex Clodia et incluant entre autres Athènes, le proconsul de Macédoine : c'est sa future sphère d'autorité que le consul définit ici. Nous avons d'ailleurs connaissance d'une intervention judiciaire, exac tement parallèle à celle qu'autorise la lex Gabinia, du même proconsul de Macédoine dans des affaires de droit privé entre Grecs et Romains : dans ce cas également, c'est une loi romaine qui, unilatéralement, étend la compét ence du promagistrat, en terre étrangère, à des litiges engageant des peregrins. Cicéron relève en effet avec indignation que, contrairement à la lex lidia de pecuniis repetundis due à César, son beau-père Pison, futur gouverneur de Macédoine, avait reçu de la lex Clodia de prouinciis le droit de juger les procès pour dettes, y compris dans les cité libres". Le même

30 L. 19 : ή έί τών ήμετε'ρων αρχόντων έπί Ιταλικών κριτών, selon Mommsen, dans Bruns, Fontes1, p. 41, ou: ή έί τών ημετέρων αρχόντων ή έπί Ιταλικών κριτών, d'après Kaibel, IG, 14, 951; Gallet, art. cit., p. 396-397; voir un résumé de la discussion dans Sherk, p. 130, n. 6. 31 Texte cité supra n. 16. " Voir dans ce sens Cuq, p. 200 et 212; Durrbach, p. 252; Roussel et Launey, p. 19; Abbott et Johnson, p. 285. '3 Cic, Prou. cons. 3, 6 : omino iurisdictionem in libera ciuitate contra leges senatusque consulta; ibia, 4, 7 : emisti a foedissimo tribuno plebis. . . grandi pecunia, ut tibi de pecuniis credids ius in liberos populos contra senatus consulta et contra legem generi tui dicere liceret. Voir sur

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Cicéron fournit un exemple précis d'intervention judiciaire de Pison, en vertu de cette compétence élargie : le procès pour dettes intenté par le chevalier Fufidius à la cité d'Apollonie34. Le parallélisme des deux lois, à quelques mois ou semaines d'intervalle, conduit à penser à un véritable train de mesures, à une harmonisation entre la législation de Clodius et celle de Gabinius et Pison, à une politique concertée, élargissant, à chaque fois sur un point précis, mais dans le cadre d'un plan d'ensemble, les pouvoirs judiciaires des futurs proconsuls. Peutêtre s'agissait-il, comme le laisse croire Cicéron, de procurer à Gabinius et Pison des moyens de s'enrichir en vendant leurs sentences (procès pour dettes, qui impliquaient également des possibilités de pression sur les prêteurs, souvent des chevaliers, comme Fufidius, mêlés à ces procès), ou de s'attirer la reconnaissance et la clientèle de peregrins (cas des procès en restitution de biens)35, mais il y a là aussi, et surtout, la preuve d'une nette tendance à un impérialisme juridique croissant : après s'être appliquée aux peregrins à Rome, puis dans les provinces, la juridiction romaine s'étend aux étrangers dans les cités libres, apparemment sans même qu'il soit nécessaire qu'un Romain soit impliqué dans l'affaire à trancher. On peut tenter de reconstituer ainsi la procédure prévue par la loi : le Délien, qu'il fût ciuis Romanus, Athénien ou Grec d'une autre cité, devait se rendre devant le proconsul ou plutôt devant un de ses questeurs, puisque le texte épigraphique mentionne une éventuelle intercessio, qu'il interdit d'ai lleurs comme le font d'autres lois épigraphiques, ce qu'a très bien établi

cette extension de la juridiction de Pison: Greenidge, op. cit., p. 112-113; G. Rotondi, Leges publicae populi Romani, Milan, 1912, p. 393-394; F. Durrbach, Choix d'inscriptions de Délos, 2, Paris, 1922, p. 256. La prouincia de Pison comprenait Athènes, donc aussi Délos: Cic, Pis. 16, 37 : omnis erat tibi Achaia, Thessalia, Athenae, cuncta Graecia addicta. Peut-être la formulation plus générale de Prou. cons. 3, 6, implique-t-elle que le droit de juridiction de Pison était très étendu, et dépassait les seules affaires de dettes : en ce cas, la lex Gabinia ne représenterait qu'un cas particulier de la lex Clodia. 34 Cic, Pis. 35, 86 : nonne, cum C talenta tibi Apolloniatae Romae dédissent ne pecunias créditas soluerent, ultro Fufidium, equitem Romanian, hominem ornatissimum, creditorem debitoribus suis addixisti? Voir sur cette affaire les notes de l'éd. P. Grimai, Paris, Belles-Lettres, 1966, p. 191. Il est probable que l'affaire fut jugée par Pison lui-même à Apollonie, port de la côte adriatique où débarquaient les troupes romaines se rendant en Macédoine. 35 L'inscription délienne publiée par P. Roussel et M. Launey, ID, Paris, 1937, p. 110, n° 1737 exceptionnellement datée par référence au proconsulat de Pison, est peut-être, comme le pense F. Durrbach, op. cit., p. 256, une marque de reconnaissance pour la faveur que constituait la lex Gabinia Calpurnia. On peut aussi songer à une intervention judiciaire de Pison pour assurer une restitution de biens.

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Cuq36. Où ce magistrat tenait-il ses assises? On peut penser à Délos même, où le grand nombre de résidents romains fournissait aisément les indices, quand un citoyen était en cause. Le Délien qui s'estimait spolié pouvait aussi se rendre dans la ville d'assises la plus proche de la résidence de son futur adversaire, dont il fallait assurer la comparution37. Un ensemble de règles assez complexe fixait la nationalité des juges, en tenant compte de la nationalité respective du demandeur et du défendeur38. Dans le cas de la lex Gabinia, il est très probable que le promagistrat devait désigner des juges romains quand une des parties l'était, et laissait aux Grecs le soin de juger leurs compatriotes, selon la règle généralement attestée39, à laquelle on se trouve réduit pour reconstituer les faits, étant donné que rien dans l'inscription elle-même ne nous indique comment on sélectionnait les juges. Seul un des textes précédemment utilisés, le s.-c. de Asclepiade, offre le choix aux navarques entre juges locaux et 'Ιταλικοί κρντοά40. Ce silence de la lex Gabinia implique que la composition du tribunal était réglée par un autre texte. La loi interdisait au proconsul d'empêcher le déroulement normal de la procédure, en bloquant par intercessio les actes exécutés par son questeur, en vertu d'une délégation à'imperium (p. ex. la iudicis datio). On a plusieurs exemples de telles clauses (cf. n. 36) et, dans la lex de piratis de Delphes, on

36 Cuq, p. 212-213, se fondait sur la lex Acilia, 70 (FIRA, 1, p. 98) : nei quis magistratas proue magistratu proue [quo imperio potestateiie erit facito] quo minus sedusue fiat iudiceturiie. On peut y ajouter, en exact parallèle, la lex Rubria, XX, 50 {FIRA, 1, p. 173) : neiue quis magdstratus) proue mag(istratu) neiue quis pro quo imperio potestateiie erit, intercedito neiue quid aliud facito quo minus de ea re ita indicium detur iudiceturque; et la lex de piratis, C, 7 (FIRA, 1, p. 127) : μήτε τις άρχων μ[ήτε τις άνταρχων αύτο]ν κα[τακωλυέτω, όπως έν οίς τα]ϋτα κατά τον νόμον τοΰ[τον δεϊ γείνεσθαι, έλασσον ö έστι [τεταγμένον, γένητα]ι. Voir, pour une restitution légèrement différente de ce passage, JRS, 64, 1974, p. 205. La restitution de Cuq, p. 113, pour les 1.34-35: intercedere quominujs setiusue d(e) e(a)r(e) i[udicetur si]ue iudicium [fiat liceto] est donc, à de menus détails près (liceto) sûrement correcte, et a été acceptée par Durrbach, p. 253, Roussel et Launey, p. 20, Abbott et Johnson, p. 285. 37 Sur l'organisation de ces «tournées» judiciaires, voir (à propos du cas comparable de la province d'Asie) D. Magie, Roman Rule in Asia Minor, 1, Princeton, 1950, p. 172-3, et Greenidge, op. cit., p. 129-131, qui traite également des délégations d'imperium dans le domaine judiciaire. P.Roussel, Délos colonie athénienne, Paris, 1916, ne dit rien d'une éventuelle présence de magistrat romain venant tenir ses assises à Délos. 38 Voir à ce sujet Greenidge, op. cit., p. 114-117, et S. Accame, // dominio romano in Grecia, Rome, 1946, p. 36-39, ainsi que, pour le cas le mieux connu, celui de la Sicilie, L. D. Melano, Sui rapporti tra governatore provinciale e giudici locali alla luce delle Verrine, Milan, 1977. 39 En Sicile, à Chypre, en Cilicie, en Asie, cf. Greenidge, op. cit., p. 117-118. 40 Voir le texte cité n. 30.

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relève l'interdiction faite aux promagistrats d'Asie et de Macédoine d'inter férerdans l'activité financière et quasi-judiciaire de leurs questeurs, ce qui est donc le cas le plus semblable à celui que prévoit la lex Gabinia {lex de piratis, C, 1-2 = JRS, 64, 1974, p. 205 : [Ταμίας η άντι]ταμίας, ω ή 'Ασία Μακεδο[νία τε ταμιεία έγένετο ]φροντιζέτω των δημο[σίων χρημ]άτων, και ζημιούτω παρ[ · Le texte est mutilé, mais il est clair qu'il s'agit du pouvoir d'un magistrat à compétence financière (δημο[σίων χρημ]άτων) et aussi judiciaire (ζημιούτω), très probablement donc le [ταμίας ή άντιτ]αμίας mentionné précédemment). Le magistrat ou son délégué, en même temps qu'il désignait un ou plusieurs juges, ou des recuperatores, leur remettait la formula rédigée d'après son édit41. 5 Reste à se demander, après avoir tenté de reconstituer les grandes lignes de la procédure, quelle(s) loi(s) le proconsul ou son délégué devait appliquer dans les procès intentés en vertu de la lex Gabinia*2. E. Cuq a voulu voir dans les mots populei plebi de la 1. 33 la trace de lois précises dont l'application était étendue aux Déliens par la loi de Gabinius et, d'après l'idée qu'il se faisait de la nature des litiges possibles, il a proposé d'y voir une référence à la lex Plautia de ui et à la lex Atinia de rebus subreptis4i. Les deux éléments de cette hypothèse: 1) les mots populei pleb[eisue scita se réfèrent à des lois judiciaires de droit privé, 2) ces lois sont la lex Plautia et la lex Atinia, peuvent être mis en question. Remar quons tout d'abord qu'outre les procès contre les possessores de biens volés, très justement supposés par Cuq, p. 211, d'autres affaires ont pu se présent er : il est ainsi très probable que le promagistrat a organisé des procès de uindicatio in libertatem, certains Déliens ayant pu être enlevés et réduits en esclavage : on a d'ailleurs un exemple d'une semblable procédure, à la même époque à peu près, dans la province d'Asie44. L'hypothèse de Cuq sur 41 Voir infra. 42 Un exemple de formula concernant une revendication de biens entre particuliers et ayant pour effet de transférer la propriété d'une terre, est fourni par Cic, 2 Verr. 2, 13, 31; il s'agit d'un cas théorique attribué à Verres, à titre d'illustration de ses activités judiciaires de gouverneur provincial. Dans ce cas, le juge (unique) est un ciuis Romaniis, et les deux parties le sont également, si l'on se fie à leurs noms : L Octauius index esto. Si paret fundum Capenatem, quo de agitur, ex jure Quiritium P. Sendli esse, neque is fundus Q. Catulo restituetur. . . 43 Cuq, p. 214-5, expliquant que la première interdisait l'acquisition de la propriété sur des biens occupés par force, la seconde Yusucapio des biens volés. 44 Voir Cic, Flacc. 17, 40 : atque huic eidem nuper très équités Romani honesti et graues, cum in causa liberali e um qui adserebatur cognatum suum esse diceret, non crediderunt. Les trois chevaliers jugeaient le cas d'un Grec de Phrygie. Voir sur cette affaire A. Watson, The Law of Persons in the Later Roman Republic, Oxford, 1967, p. 218.

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les deux lois est donc, au minimum, incomplète. D'autre part, il est très probable que si les auteurs de la loi Gabinia avaient voulu faire référence à certaines lois, ils les auraient nommément désignées (mais on ne voit pas dans ce cas comment une telle désignation pourrait prendre place dans la brève lacune du milieu de la 1. 33). Enfin, la lex Atinia interdit bien Yiisucapio, mais celle-ci est liée à la propriété quiritaire, donc limitée aux citoyens romains et au sol italique (l'extension de Yiisucapio aux peregrins, et l'apparition d'un équivalent en province, la longi temporis praescriptio, sont des phénomènes d'époque impériale)45. Quant à la lex Piatitici, elle assimilait les res id possessae aux biens volés, et appartenait aussi au système de la propriété quiritaire. L'acquisition de la propriété par des peregrins, en province ou dans une cité libre ne pouvait donc pas être réglée par ces lois. Il semble plus logique de supposer que la règle de droit applicable n'était pas une loi romaine précise, mais que le gouverneur indiquait dans son édit que, conformément à la loi Gabinia, il accorderait aux Déliens des actions dans certains cas (détention d'objets ou d'esclaves volés, occupation d'immeubles, homme libre retenu en esclavage), en adaptant de manière souple aux peregrins les règles juridiques en usage à Rome. Le laconisme de la loi quant au détail juridique semble s'expliquer de manière satisfaisant e, s'il était convenu que c'est dans son édit provincial que le gouverneur fixerait les règles de ses interventions46. Si l'on abandonne le deuxième élément de l'hypothèse de Cuq, on peut également renoncer au premier : il n'est pas nécessaire que les mots populei pleb[eisue renvoient à une loi judiciaire. Une autre solution semble plus satisfaisante : la place des deux mots, au début d'une ligne dont la fin mentionne un magist[ratus incite à les rapporter pour le sens à ce mot qui les suit. Or, la mention d'une décision populaire correspond très bien à une particularité dans la désignation du proconsul de Macédoine pour 57 : au lieu de tenir ses pouvoirs du sénat, il les reçut de deux leges Clodiae de prouinciis*1 . C'est donc à notre sens une allusion à la législation de Clodius qu'il faut voir dans ces mots. L'expression générale populei pleb[eisue scitum

45 Cf. M. Käser, Das rom. Privatrecht1, 1, Munich, 1975, p. 419 et 424. 46 Sur l'édit provincial, voir W.W. Buckland, RHDFE, 13, 1934, p. 81-96; G. Pugliese, op. cit. p. 93-95; A. J. Marshall, Am. J. Ph., 85, 1964, p. 185-191; R. Martini, Ricerche in tema di editto provinciale, Milan, 1969. Le cas de Verres prouve la relative liberté laissée au préteur dans la rédaction et l'application de son édit. 47 Les références chez Cicéron à ces faits connus sont dans Rotondi, op. cit., p. 393-4, et dans Broughton, MRR, 2, p. 193-4.

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ou scita, dans son apparente imprécision, peut fort bien s'expliquer par une habitude de formulation bien attestée48, ou encore par le fait qu'au moment du vote de la lex Gabinia, Clodius, Gabinius et Pison étaient déjà décidés à faire attribuer la prouincia (élargie) de Macédoine par une loi, mais n'avaient pas encore choisi de la présenter comme loi consulaire ou comme plébiscite, ce qui impliquait qu'on ne pouvait donc désigner par son nom {lex Clodia) cette mesure législative encore en projet, ou à l'état de simple rogano. Cette dernière hypothèse fournirait une intéressante «fourchette» chronologique, mais reconnaissons que rien ne vient l'appuyer. Notre texte, avec la restitution de Cuq, ne correspond pas exactement à la formule attestée : lex plebisue scitum, mais populei scitum est un synonyme très acceptable de lex, dont Festus prouve qu'il était effectivement utilisé49. La conséquence d'une telle interprétation est que les procédures autori séespar la lex Gabinia n'étaient possibles que devant le promagistrat dont on prévoyait la nomination par loi ou plébiscite, et ne le seraient plus ensuite, devant son successeur, désigné de façon habituelle, en vertu d'un s.-c. (l'espace de 12 lettres environ de la lacune, 1.33, et le fait que cette lacune doit contenir scitum, aux cas et nombre voulus, ainsi que le début du verbe se terminant par ]it, interdisent de rétablir à cet endroit senatusue consulto, comme par exemple dans la loi de Cnide (cf. infra n. 48). Cette durée de validité limitée serait à mettre au compte du caractère exceptionnel (exorbitant, selon Cicéron), des pouvoirs de Pison, en particul ier de ses pouvoirs judiciaires. Il ne faut pas oublier, d'autre part, que les procès organisés par la loi Gabinia étaient liés aux incursions des pirates, se trouvaient donc en nombre limité : il s'agissait de liquider les conséquences d'un événement qui n'était plus appelé à se reproduire. Ces points étant éclaircis, on peut tenter de proposer quelques restitu tions, hypothétiques étant donné l'étendue des lacunes, et sans espoir de 48 Sur cette pratique terminologique, voir Rotondi, op. cit., p. 13 n. 4, citant plusieurs exemples, auxquels on peut ajouter lex de piratis, 19 (FIRA, 1, p. 125) : εϊτε νύ]μυς έστιν είτε δήμου γνώμη εστίν. L'exemple de la lex Bantiae, 2 (FIRA, 1, p. 82) : ex hac lege plebeiue scito (cf. ibid., 3, p. 83) prouve que cet hendiadyn était utilisé même pour designer un texte dont on savait nécessairement dans quelle catégorie il entrait. Voir aussi la loi de Cnide, JRS, 64, 1974, p. 204, col. 4, 1. 7-8 : κατά [τούτον τον ν]ύμυν ή ψήφισμα ή συγκλήτου δύ[γμα, et les parallèles rassemblés par les auteurs, p. 210. La loi de Bantia et la loi de Cnide montrent que si les mots populei plebisue scito désignaient la loi Gabinia elle-même, on aurait certainement un démonstr atif:hoc], ce qui n'est pas le cas. Ces trois mots renvoient donc nécessairement à un (ou plusieurs) autre(s) texte(s). 49 Fest., p. 442, 18 L. s.u. scitum populL La glose est mutilée, mais semble opposer le scitum populi, lié au magistratus patricius, et le [plebijscitum, lié au tribunus.

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reconstituer en totalité la suite du texte. On se fondera, pour reconstituer la structure du passage, sur deux lois contenant également des clauses organi sant des procès privés : la lex Antonia de Termessibus, dont le c. 2 est très proche de notre passage, et la lex agraria de 111. On y relève une composit ion constante du type de clause qui nous occupe : 1) la définition du justiciable {lex Ant, FIRA, 1, p. 136, II, 1 : Thermenses maiores Pisidae; lex agr., FIRA, 1, p. 106, 18: [si quis eomm, quorum age]r s(upra) s(criptus) est); 2) la définition de l'objet ou de l'origine du litige {lex Ant, FIRA, 1, p. 136, II, 1-2 : quos. . . leiberos seruosue bello Mitridatis ameiserunt; lex agr., loc. cit. : ex possessione id eiectus est)', 3) l'indication de l'autorité judiciaire appelée à se prononcer, avec mention de sa iurisdictio dans l'affaire {lex Ant, FIRA, 1, p. 136, II, 2 et 137, 3 : magistratus proue magistratu quota de ea re iurisdictio erit; lex agr., FIRA, 1, p. 106, 18: [quem ex hac lege de ea re ious deicere oportebit], restitution assurée par p. 106, 17); 4) l'autorisation donnée au justiciable de in ins adire {lex Ant, FIRA, 1, p. 137, 3-4 : qu[oque] de ea re in ious aditum erit; lex agr., FIRA, 1, p. 106, 18 : [ad eum de ea re in ious adierit], restitution fondée sur p. 106, 17); 5) la permission donnée au magistrat d'accorder l'action {lex Ant, FIRA, 1, p. 137, 4-5 : ita de ea re ious deicunto indicia recuperationes danto; lex agr., FIRA, 1, p. 107, 18 : facito, utei is, quei ita id eiectus e[st, in earn possessionem unde id eiectus est, restituatur], cf. p. 107, 17 : is de ea re ita his deicito). Figure ensuite, comme dans notre texte, l'interdiction d'intercéder (cf. supra p. 135 et n. 36). Tel devait donc être aussi l'ordre d'énonciation employé dans notre loi. Si l'on se fonde sur ces parallèles et d'autres, qui seront rappelés ou cités au fur et à mesure, on voit que notre loi devait comporter trois types d'indications, articulées autour du mot magis[tratus] : 1) l'indication de la compétence juridictionnelle qu'il possède dans ces affaires; 2) la mention de l'origine de ce pouvoir (ce qui correspond, à notre avis, à populei pleb[eisue scito]; 3) l'ordre donné aux bénéficiaires de la loi d'introduire l'instance devant ce magistrat ou promagistrat. Les formules désignant le magistrat recevant une compétence sont les suivantes : - lex Antonia de Termessibus, II {FIRA, 1, p. 136-7, 2-4) : magistratus proue magistratu quoi de ea re iurisdictio erit quo [que] de ea re in ions aditum erit, ita de ea re ious deicunto. - lex Rubria, XX {FIRA, 1, p. 171, 16-8) : magistratus proue magistratu Unir IHuir praefectusue qiioquomque d(e) e(a) r(e) in ious aditum erit, d(e) e(a)

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r(e) ita ins deicito50. Le parallèle le plus proche de notre texte est la lex Mamilia Roscia Peducaea, qui indique comment est désigné (par la loi elle-même) le curator recevant une iurisdictio : lex Mamilia, KL. V (FIRA, 1, p. 139) : deque ea re curatoris, qui hac lege erit, iurisdictio reciperatorumque datio addictio esto. L'état de la pierre rend très incertaine la lecture des premières lettres de la 1. 33. Cuq, Durrbach, Lommatzsch et Abbott- Johnson donnent le texte : ]ere, sans proposer ni interprétation ni restitution. Roussel lisait au contrai re : ]erei51. L'examen de la pierre, de photos et de l'estampage ne permet pas de trancher absolument. On croit lire : ]E.R, puis un espace suffisant pour deux lettres. On distingue, pour la première, une haste à gauche et une barre horizontale en bas, dirigée vers la droite. Le plus probable est donc un E. La seconde lettre semble être un I. Le point, visible sur les photos et l'estampage entre E et R, ne l'est plus sur la pierre. Si l'on adopte la lecture ]erei (sans point), il faut supposer un datif (foederei?), mais ce cas s'explique mal pour ce mot dans ce contexte, mais sûrement pas un infinitif passif ou déponent, dont la désinence est notée -ri dans notre texte (1. 12 : leiberari; 1. 21 : l[ei]berari). Si au contraire on adopte la lecture ]e· r· et, il serait très tentant de restituer: d(e) · ]e(a)- r(e)ei, la formule est en effet présente à la 1.35 du texte, également abrégée, et l'on sait qu'elle se rencontre toujours en série, dans des phrases en diptyque (voir par exemple les passages de la lex Antonia et de la lex Rubria cités plus haut : dans une première proposition, de ea re porte sur la iurisdictio, ou sur l'objet de l'instance, et dans une seconde proposition répondant à la première, la même formule est employée pour désigner l'affaire à trancher par le magistrat. Voir également n. 52). Il est donc presque obligatoire de restituer, avant le de ea re de la 1. 35, portant sur l'objet du litige, un autre de ea re, indiquant le domaine de validité de la juridiction, et ce, soit dans une lacune, soit plutôt au début de la 1. 33. On peut aussi songer, si l'on adopte la lecture ei, interprétée comme le datif de is, à une formule semblable à celles de la lex coloniae Genetiuae,

50 Voir encore la loi de Delphes, FIRA, 1, p. 125, 20; p. 126, 27; p. 127, 8; et la loi de Cnide, JRS, 64, 1974, p. 204, 6-9 : Στράτη[γος άντιστρά]τηγος ανθύπατος ος τε ά[ν] κατά [τούτον τον ν]ύμον ή ψήφισμα ή συγκλήτου δό[γμα; le s.-c. de Asclepiade, Sherk, p. 128, 29; le s.-c. de Stratonicensibus, Sherk, p. 109, 114-5: ανθύπατος όστις αν αεί Άσίαν έπ[αρχείαν] δωχκατέχηι,, έπιγνώτω ατινα etc. 51 Cuq lit : ]ere, Roussel et Launey, p. 19 : Jerei.

LES PROCÉDURES OFFERTES

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FIRA, 1, p. 188, 1. 36 : post ei earum renim, quanim h(ac) liege) quaestio erit, actio ne esto, ou de la lex de imperio Vespasiani, FIRA, 1, p. 156, 1. 39 : neue cui de ea re actio neue iudicatio esto. On aurait alors une formulation du type : 1. 32 [. . .actio. . .] · ]e(a) · r(e) · et · populei · pleb[eisue · scito · s]it 1. 33 [d(e) dans laquelle ei désignerait non le magistrat, mais le bénéficiaire de la loi. Il faut aussi remarquer une différence de construction entre la lex Gabinia et les trois textes épigraphiques précédemment cités : alors que dans ceux-ci, le sujet grammatical est magistratus, ou iurisdictio52, dans notre texte, c'est le demandeur qui joue ce rôle, désigné par une relative, complét ée par une conditionnelle : queique earn in[sulam insulas]ue quae supra scriptae sunt [incolet incolueritue], sei eius familia pe[cuniaue plusjminus diminuta sit. On peut donc supposer que, pour exprimer l'autorisation d'engager l'instance devant le magistrat, la loi contenait une formule com mead eum in ius adeat, et non la formule au passif impersonnel quo in ius aditum erit, plus fréquemment attestée53. La loi devait encore comporter, on l'a vu, l'indication du pouvoir juridictionnel du promagistrat, et de son origine. Les formules habituell ement attestées sont : - lex agraria, 17 (FIRA, 1, p. 106) : ad eum, quem ex h.l. de eo agro ius dicere oportebit; - lex Antonia de Termessibus, II (FIRA, 1, p. 136-7) : magistratus pr(oue) magistratu, quota de ea re iuris dictio erit - lex Mamilia Roscia, K. LV (FIRA, 1, p. 139) : eius magistratus de ea re iurisdictio iudicisque dado addictio esto. Peut-être faut-il donc restituer : eum, cuius iurisdictio. . . (de ea re?). . . populei pleb[eisue scito erjit magist[ratum proue magistratu]. Le début de la 1. 34 ne permet pas non plus de lecture certaine : le mot initial se termine, d'après les précédents éditeurs, par ]a, ]ia, ou ]ua54. Mais

52 Voir encore lex agraria, 35 (FIRA, 1, p. Ill) : co(n)s(ulis) pr(aetoris) cens(om) queiquom[que turn erit, de ea re iu]risdictio iudicis recuperatorumque dado esto; et 93, p. 120-1. 53 Lex agraria, FIRA, 1, p. 106, 17 : in tous adierit ad eum, quem ex h. l. de eo agro ius deicere oportebit; p. 110, 30: magUstratus) proue magUstratu) quo de ea re in tous aditum erit; p. 120, 93: magistratus quo de ea re in tous aditum erit; lex Antonia de Termessibus, FIRA, 1, p. 137, 4: qu[oque] de ea re in ious aditum erit; Table d'Héraclée, FIRA, 1, p. 144, 44 : is, quoquomque de ea re aditum erit; lex mtinicipii Malacitani, FIRA, 1, p. 217, 66 : ad quem, de ea re in ius aditum erit. 54 Cuq, p. 200, et à sa suite Durrbach, p. 253, Abbott et Johnson, p. 285, donnent le texte ]ua; Roussel et Launey, p. 19, lisent ]a.

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l'examen de la pierre exclut la lecture ]a, et permet la lecture ]m. La coordination iudicatioque peut s'interpréter de deux manières : ou bien elle indique le début d'une phrase (la précédente se terminant dans ce cas avec le mot dont la finale est ]m, ou bien elle marque la liaison de deux substantifs. La première solution étant la moins probable, puisque dans notre texte les propositions se terminent par une forme verbale, on doit rechercher les noms auxquels est le plus fréquemment associé le mot iudicatio. Ce dernier est d'ailleurs assez rare dans les textes épigraphiques, et c'est iudicium qui semble le mieux convenir55. On doit aussi rétablir, dans la brève lacune qui suit iudicatioque, une forme de sum, non pas à l'impérat if comme dans les parallèles épigraphiques ou littéraires56, mais au sub jonctif, mode utilisé dans notre loi. La formule interdisant l'intervention d'un magistrat ou promagistrat, pour laquelle on a déjà signalé des parallèles (cf. n. 36), peut être reconsti tuée plus précisément que ne le faisait Cuq, si l'on tient compte d'autres textes57, et de la longueur des lignes (la restitution de Cuq, p. 213, est nettement trop courte). On aboutit alors au texte suivant, bien entendu très hypothétique : 31 JDelum . queiq(ue) . earn . in[sulam . insulasjue . quae . s(upra) . s(criptae) . s(unt)[ . incolet . incolu] 32 [eritue . s]ei . eius . familia . pe[cuniaue . plus . Jminus . dimi[nuta . sit . iurisdictio?] 33 [d(e) . ]e(a) . r(e) . ei . populei . pleb[eisue . scito . er]it . magist[ratum . proue . magiistratu) . in . ious . adeat?] 34 [iudiciujm . iudicatioque[ . sit . neue . quis . ]interced[at . neue . quid . aliud . faciat] 55 Lex repetundarum, FIRA, l, p. 86, 4 et 6 (même texte) : ioudicium ioudicatio leitisque aestumatio. Pour l'emploi du mot au pluriel, voir lex Antonia de Termessibiis, FIRA, 1, p. 137, 5 : ioudicia recuperationes danto. Comme dans la lex repetundarum, iudicium doit désigner l'ensem ble de l'instance devant le iudex (par opposition à la pr(aetoris) quaestio, mentionnée dans la lex repetundarum) ioudicatio et leitis aestimatio désignant les phases successives de celle-ci. Une première mention d'un iudicium, 1. 34, est rendue très probable par l'interdiction d'empêcher le déroulement du iudicium, formulée 1. 35. 56 Lex Sulpicia riualicia (= Festus, s.u. sifus, p. 458 L), FIRA, 1, p. 81 : ]s iudicatio esto; lex coloniae Iuliae Genetiuae, FIRA, 1, p. 179, 10: exactio iudicatioque esto; p. 181, 4-5: iurisdictio iudicatioque esto. 57 La lex Bantiae, FIRA, 1, p. 83, 18 : neque sese facturum neque intercesurum; lex municipii Malacitani, FIRA, 1, p. 212, 69 : ne quis intercedilo neue quit aliut facito', ainsi que la lex Acilia et la lex Rubria montrent que l'on rencontre fréquemment associés les verbes facere et intercedere dans de telles clauses (voir les textes cités n. 36).

LES PROCEDURES OFFERTES 35

[quominujs . setiusue . d(e) . e(a) . r(e) . iu[dicetur . si]ue . iudicium[

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«Que celui qui habite ou a habité cette île ou les îles sus-mentionnées, au cas où ses biens ont subi une atteinte de quelque importance qu'elle soit (introduise une instance devant?) le magistrat ou promagistrat qui, en vertu d'une loi ou d'un plébiscite (aura juridiction?) sur cette affaire. . . Qu'il y ait jugement et intervention d'un juge. Que personne n'intercède ni ne fasse quoi que ce soit pour empêcher que l'affaire ne soit jugée ou que jugement ne soit rendu dans cette affaire». Ou bien, en adoptant pour les 1. 32-33 une autre construction : 32 [eritue . s]ei . eius . familia . pe[cuniaue . plus . minus . dimi[nuta . sit. . .aedo?] 33 [d(e) . ]e(a) . r(e) . ei . populei . pleb[eisue . scito . s]it . magist[ratus . proue . mag] «au cas où ses biens auront subi une atteinte de quelque importance qu'elle soit (qu'il ait une action?) relativement à cette affaire, en vertu d'une loi ou d'un plébiscite. Le magistrat ou promagistrat. . .».

APPENDICES LES ÉDITIONS PRÉCÉDENTES L'Année épigmphique, 1923, p. 6, n° 19 :

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ΙΠΛΙ / · IVVRE ί pro aede îastor · a · D · vi · KAlend a · GABiKivs A · F · capito pro tribu primus sciuit uelitis /«BEATIS · QVOM RES PVBLICA POT VS AC CONSILIEIS SIT AVCTA Q. r/ARISSVMAE CEIVITATIS SIT COKFIRMA/a DECORATA IN QVO NVMERO FANVM ApolHmS VM AC RELIGIOSISSVMVM SIT CONST1TVTVW EM ET SANCTITATEM CAERIMONIAS Q. · PR INSVLAM IN QVA IN'SVLA APOLLINEM ET DIANAM XdtOS olìtìl CSSC arbitratltlir VECTEIGAL1BVS LEIBERARI QVAE INSVLA POST H0M1NVM MEtnoriam REGVM CEIVITATIVM NATIONVMQVE IMPERIEIS SACRA LUtera quOMQVE PRAEDONES O.VEI ORBEM TErRARVM COMPLVREIS fank DELVBRA SIMV/aCRA DEORVU IKMOR/ALIVM LOCA *S.UG\OSÌSSuma MSI ARIKT LEGE CAMINI A SVPERATEI AC DELETEI SiNT ET OMNEIS REI... PRAETER INSV/AM DELVM SEDES APOLLINIS AC DIANAE IN AiiTEiquOtH Splat SIT REST// VTA POPVLEIQVE ROMANI DIGNZ/ATIS MAIESTATICE pH I ADMIN1STRATA IMPERIO ΑΜ/ί/iFICATO pACE PER ORBEM ///am INSVLflM NOBILISSVMAM AC SAffHlSSVMaM DEIS IKUOrtaltbllS fKSVLAM U/BERARI · NE VECtigal SIT. . . QVOM VECTIGAL EIVS. . . ad II/i/CATIONE C«AM . I · C · Α Γ SVP · DELEI FECERVn/ NEVE QVID ALIVD VEZtìgal MUC pro fVS/ODIA PVBLICEI TKttmcnti neuE avis posTffl insvläj Was uicitiAS quAE circvm όέΙμπ sunt ARTEM1TAM · C · IADE · ΑΛ AS LOCET NEVE ET EAS INSVLAS /izClAT DELVM INC IN'COLENT VEC/f/GAL IVRE INSVLflJ VERVNT FVERVNT MITRIDATES IN M IVRE INSVLA DELVS /»COLENT SINT C VDEMVE Q.VAM INT LVMQVE AD DELV.M · QSEIQUC EAM itiStllaill VE QVAE · S · S · S · sei Eivs FAMiLiA pecuittaue pins minvs Oimnuta sit ERE POPVLEI PLEBÌHK SCltO IT MAGIS/ΓΛΖ. . . VA IVDICATIOaVE 1UC INTERCEDERE qUO mittUS SETIVSVE D · E · R · tudicctur j/VE IVDIC1VM fiat l'icetû s · s · s · e · a «. /· s. r. e. h. 1. ν · r. αυλ:; γΑ BEI ΝΙΟΣ ΑΤΛΟΤ Ύ:ζς χαζε-.των Ύτ.χ-.ζ; χτ. λευχκς y.a*/^:jpvtc; υ·.5Σ ΠΕΙΣΩΝ ΤΠΑΤΟς ΐι·/.α:ΩΣ ΕΚΥΡΩσε -ρο ημερίΙΝ ΕΞ ΚΑΛΑΝΔΩΝ

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APPENDICES

E. Lommatzsch, CIL, Ρ, 2 (1931), p. 723, 724, η° 2500 : ΙΙΙΛΙ / · IVVRE ASTOR'A'D'Vl A'GABINIVS'A'F· CAPITO 5 BEATIS · Q_VOM · RES'PVBLICA · POT( VS-AC'CONSILIEIS-SIT-AVCTA ARISSVMAE· CEI VITATI S · SIT «CONFIRMA1 DECORATA· IN· QJ/O· Ν VM ERO -FAN VM VM · AC· RELIGIÖS ISS VMVM· SIT· CON STITVT 10 EM'ET-SANCTITATEM'CAERIMONIAS'QjP INSVLAM'IN«QyA«INSVLA«APOLLINEM«ET«DIANAM'N VECTEIGALIBVS'LEIBERARI'QVAE'INSVLA'POST-HOMINVM'MÎi REGVM «CEI VITATI VM· Ν ATIONVMQVE· IMPERI EIS· SACRA· LEI OMQyE'PRAEDONES'QVEI'ORBEM'TErRARVM'COMPLVREIS] A-DELVBRA· SIM VlaCRA· DEORVM· INMORi ALI VM· LOCA· RELIGI ARINT· LEGE-GAtlNIA'SVPERATEI'AC'DELETEI· SiNT· ET'OMNEIS· REI PRAETER · INSVI AM · DELVM · SEDES · APOLLINIS · AC · DIANAE · IN · ΑΝΤΙ EM · SIT · REST il VTA · POPVLEIQVE · ROMANI · DIGNiiATIS · MAIESTATIS RRVME-ADMINISTRATA'IMPERIO'AMpIiFICATO'pACE'PER'ORBE 20 AM'INSVLoM'NOBlLISSVMAM'AC'SAneTISSVMaM'DEIS-INMO NSVLAM»L«iBERARl-NE«VE SIT QVOM VECTIGAL · EIVS| CATIONE· Qj/AM·!· C'A SVP · DELEI · FECERVNT, NEVE'QyiD-ALIVD'VECieifa! neue pro eVSTODIA · PVBLICEI · F E'QVIS'POSTea* INSVLA« illai u