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Zitiervorschau

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L’impact de la crise de 1929 :  déséquilibres économiques et sociaux Le point sur le programme Objectifs du chapitre

Ce chapitre vise à montrer l’impact de la crise économique mondiale sur les sociétés et les équilibres politiques, à court, moyen et long terme. On peut mettre en avant : – les causes de la crise ; – le passage d’une crise américaine à une crise mondiale ; – l’émergence d’un chômage de masse.

Points de passage et d’ouverture

Les conséquences de la crise de 1929 en Amérique latine.



1933 : un nouveau président des États-Unis, F. D. Roosevelt, pour une nouvelle politique économique, le New Deal.





Juin 1936 : les accords Matignon.

Le programme invite à mettre en avant les causes de la crise, les modalités de passage d’une crise américaine à une crise mondiale et l’émergence d’un chômage de masse. Les trois points de passage concernent trois aspects de la crise en Amérique et en Europe : ses conséquences sur l’Amérique latine ; l’accès du démocrate Franklin Delano Roosevelt à la présidence des États-Unis en 1933 et les caractères de la politique de lutte contre la crise qu’il met en œuvre, le New Deal ; la signature, à l’initiative du gouvernement de Front populaire de Léon Blum, des accords Matignon par les représentants du patronat et du monde ouvrier. Ce chapitre s’intègre dans un thème 1 portant sur les fragilités des démocraties, l’affirmation des totalitarismes et la Seconde Guerre mondiale entre 1929 et 1945. Nous verrons que la crise de 1929 joue un rôle essentiel dans la fragilisation des démocraties (notamment en Amérique latine) et dans l’affirmation des totalitarismes qui mène à la Seconde Guerre mondiale.

La logique du chapitre Le chapitre suit un ordre logique fondé sur la chronologie. Faisant alterner études et points de passage, il évoque la crise de 1929 aux États-Unis, sa diffusion dans le monde puis en Amérique latine (point de passage) avant de mettre en avant deux de ses principales conséquences : la victoire électorale de Franklin Delano Roosevelt à l’élection présidentielle de 1933 et la mise en œuvre de la politique du New Deal (point de passage) ; la signature, en juin 1936, des accords Matignon au lendemain de la victoire de la coalition de Front populaire au printemps 1936 (point de passage). La leçon, placée à la fin des études et des points de passage, permet d’opérer la synthèse des informations et de faire un point méthodique sur la problématique d’ensemble du chapitre. Les trois doubles-pages qui suivent permettent à l’élève de mettre en œuvre les méthodes attendues pour le baccalauréat, sous la forme d’analyses de documents et de questions problématisées, mais aussi de réviser le chapitre à l’aide d’un schéma, de portraits des principaux acteurs, de dates clés, de notions à maîtriser mais aussi de questions permettant de mémoriser l’essentiel de la leçon.

Bibliographie – Olivier Dabène, L’Amérique latine à l’époque contemporaine, Armand Colin, coll. « U », 2016. L’un des rares ouvrages accessibles et donnant des informations sur la crise de 1929 en Amérique latine. – Pierre-Cyrille Hautcœur, La Crise de 1929, La Découverte, coll. « Repères », 2009. La dernière grande synthèse sur la crise. – Jean Heffer, La Grande Dépression. Les États-Unis en crise (1929-1933), Gallimard, « Folio Histoire », (1re éd. 1976) 1991. La crise américaine vue par un spécialiste. – Jacques Néré, La Crise de 1929, Armand Colin, 1968. Une des premières synthèses avec beaucoup de documents. – Jean Vigreux, Histoire du Front populaire, Tallandier, 2016. Une synthèse à jour au niveau bibliographique et élaborée par un spécialiste.

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CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux

Histoire Tle © Hatier, 2020.

Pour aller plus loin

Littérature – Horace McCoy, On achève bien les chevaux, 1935. – John Steinbeck, Les Raisins de la colère, 1939. Filmographie – Charlie Chaplin, Les Temps modernes, 1936. Un classique sur le travail en usine et sur la crise de 1929. – John Ford, Les Raisins de la colère, 1947. L’adaptation à succès du roman de John Steinbeck. – Sydney Pollack, On achève bien les chevaux, 1970. L’adaptation au cinéma du roman de Horace McCoy montre l’Amérique de la Grande Dépression à travers les marathons de danse. – Jean Renoir, La Vie est à nous,1936. Une évocation engagée de la France du Front populaire. Site internet www.histoire-image.org : des analyses d’images sur la crise de 1929.

Ouverture

La double-page d’introduction permet d’entrer rapidement dans le sujet à travers l’évocation par les unes de deux périodiques de deux aspects centraux de la crise. Document 1 Le premier document évoque l’événement « fondateur », le «  Jeudi noir  », en représentant la panique qui saisit les actionnaires confrontés à la chute spectaculaire et inédite du cours des actions à Wall Street, le 24 octobre 1929. Document 2 Le deuxième document met en avant les conséquences dramatiques de la crise : sa mondialisation, la multiplication des faillites et l’explosion d’un chômage de masse, symbolisée par l’image de ce travailleur appuyé sur les grilles de son usine fermée et cadenassée. Frise Une chronologie permet de repérer les principales étapes de cette crise et de mettre en avant deux de ses dynamiques fondamentales  : son origine étatsunienne et sa diffusion à l’ensemble de la planète  ; ses conséquences politiques, économiques et sociales aux États-Unis (le New Deal), en Amérique latine (la mise en place de nombreuses dictatures militaires), en France (les accords Matignon).

pp. 16-17

Étude

La crise de 1929 aux États-Unis La crise qui éclate aux États-Unis à partir du jeudi 24 octobre 1929, le «  Jeudi noir  », est la plus importante crise économique qu’a connu le pays. Crise liée à la spéculation, elle est d’origine boursière puis s’étend progressivement à l’ensemble de l’économie. Ses conséquences sur la société sont dramatiques : elle ruine des millions d’Étatsuniens et favorise l’émergence d’un chômage de masse. Près d’un quart de la population active est sans emploi en mars 1933.

1•2

VIDÉO La crise de 1929

Questionnaire 1. Dans quel contexte économique naît la crise de 1929 ? Dans un contexte d’euphorie et de croissance économique. La croissance dure de 1920 à 1928 et concerne l’automobile, le téléphone, l’électricité… La spéculation se développe à la bourse de New York. On achète les actions à crédit. 2. Pourquoi le jeudi 24 octobre est-il décisif ? Parce que les spéculateurs vendent leurs actions suivis par les autres détenteurs de titres : 12 millions d’actions sont vendues et les cours s’effondrent. 3. Citez quelques conséquences économiques de la crise de 1929. Les gens qui ont acheté des actions à crédit ne peuvent rembourser car ils sont ruinés  ; un quart des banques américaines ferment, 76  000 entreprises déposent leur bilan, le commerce extérieur s’effondre, la richesse nationale du pays diminue de moitié. 4. Pourquoi peut-on dire que ses conséquences sociales sont désastreuses ? Car le chômage de masse apparaît : le constructeur d’automobile Ford licencie les trois quarts de son personnel et, dans les villes, près de 25 % de la population active est au chômage ; les gens ont recours aux soupes populaires pour se nourrir et recherchent du travail à n’importe quel prix. 5. Jusqu’à quand dure la crise de 1929 ? Jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

Réponses aux questions p. 17 1. Le jeudi 24 octobre dans la matinée, plus de 12 millions d’actions sont vendues –  le volume usuel quotidien est de 4 millions de transactions – et les cours s’effondrent. La panique gagne la bourse puis l’ensemble des ÉtatsUnis. Une foule immense, inquiète, se rassemble devant la bourse de Wall Street à New York. Le krach s’amplifie le mardi 29 octobre, le « Mardi noir », avec 16 millions de

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transactions : la baisse des cours est telle qu’elle annule d’un coup les hausses pourtant rapides des douze derniers mois. 2. La Première Guerre mondiale a déstabilisé les économies mondiales et le système financier international. Depuis 1925, les prix agricoles sont à la baisse et une relative surproduction touche l’industrie. Mais, comme l’indique Paul Claudel dans le document 2, le krach est avant tout un produit de la spéculation et du développement incontrôlé du crédit aux particuliers. Ces derniers s’endettaient auprès des brokers, les courtiers, pour acheter des actions et rembourser avec les bénéfices. 3. Le krach entraîne l’effondrement de l’indice Dow Jones, du cours des actions puis du système bancaire (faillite de la Bank of the United States le 11 décembre 1930). En effet, au lendemain du krach, les particuliers sont incapables de rembourser leurs dettes et entraînent dans la ruine puis la faillite les brokers puis les banques. Cette situation provoque une rétraction du crédit, une chute des prix et un effondrement du commerce interna-

tional. Le tableau (document 3) montre l’ampleur de la chute de la production industrielle (indice 110 vers 1929, 55 vers 1932) et l’importance des faillites industrielles et commerciales : 22 500 en 1929, près de 32 000 en 1932. 4. Les conséquences sociales sont considérables. Dans les campagnes, les exploitants, incapables de rembourser leurs dettes, sont expulsés et doivent quitter leurs terres et leurs domiciles pour chercher du travail dans d’autres régions. Dans cet extrait issu du roman Les Raisins de la colère, John Steinbeck montre la détresse des familles chassées de leurs exploitations familiales par les représentants des banques. Dans tout le pays, les faillites commerciales et industrielles entraînent une forte progression du chômage. Alors que les États-Unis comptaient 1,5  million de chômeurs en 1929, ils sont 12,6  millions en 1933, soit un quart de la population active. Les manifestations de chômeurs durant lesquelles ces derniers offrent leur force de travail pour des salaires dérisoires sont l’une des traductions les plus emblématiques de cette situation.

Synthèse Les conséquences économiques

Doc. 1

« Jeudi noir » : chute des cours à Wall Street.

Ruine de millions de spéculateurs. Faillite des brokers et des banques qui ont fait des crédits pour acheter des actions.

Doc. 2

Une crise provoquée par la spéculation. Tournant du « jeudi noir » avec panique à Wall Street.

Effondrement du cours des actions des entreprises.

Doc. 3

Chute de la production industrielle. Hausse des faillites commerciales et industrielles.

Doc. 4

Banques en difficulté qui expulsent les paysans. Paysans chassés de leurs terres.

Les paysans endettés sont expulsés.

Doc. 5

Faillites en cascade.

Chômage de masse. Manifestations de chômeurs.

pp. 18-19

Étude

De la crise étatsunienne à la crise mondiale La crise de 1929, d’origine étatsunienne, se diffuse progressivement. Le retrait des capitaux américains et britanniques, la montée du protectionnisme et la fin du système financier international précipitent le monde dans une crise économique et sociale d’ampleur inédite. VIDÉO La propagation de la crise de 1929

Questionnaire 1. Quand apparaissent les premiers symptômes de la crise selon l’historien Jacques Marseille ? Dès 1928-1929, c’est-à-dire avant le krach boursier.

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Les conséquences sociales

2. Pourquoi la machine industrielle s’est-elle arrêtée aux États-Unis ? Car les plus riches ont été les plus touchés au début : ils ont arrêté de consommer. La baisse de la consommation des plus riches explique l’ampleur de la crise. 3. Pourquoi peut-on dire que le krach boursier de Wall Street n’est pas responsable de la diffusion de la crise en Europe ? Parce que les signes de la crise (faillites, chute de la production…) apparaissent en 1929 avant le «  Jeudi noir ». 4. Qu’est-ce que la crise de 1929 selon Jacques Marseille ? Une somme de crises nationales.

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Les origines de la crise

1. La diffusion de la crise étatsunienne est d’abord le résultat du rapatriement des capitaux américains investis dans le monde. Ce retrait massif de capitaux prive les États débiteurs, dont l’Allemagne et l’Autriche, des ressources financières nécessaires pour rembourser leurs dettes ou financer leurs projets. Cela provoque la faillite du Kredit Anstalt en Autriche (11  mai 1931) puis de la Danat Bank (13  juillet 1931) en Allemagne, faillites qui sèment la panique parmi les épargnants qui, comme l’indique le document 3, se ruent dans les établissements de crédit pour tenter de récupérer leurs avoirs. L’internationalisation de la crise est accélérée par la montée du protectionnisme et par la diminution, qui s’en suit, du commerce international. L’adoption aux États-Unis du tarif protectionniste Smooth-Hawley (17 juin 1930) a joué le rôle moteur dans l’élévation des droits de douane à l’importation, hausse qui pénalise durement les pays exportateurs de matières premières ou agricoles. Les effets de la crise sont amplifiés par la dislocation du système financier international consécutive à la dévaluation de la livre sterling, le Royaume-Uni quittant le système d’étalon-or le 21 septembre 1931.  2. La crise, partie des États-Unis, touche d’abord le Canada puis l’Amérique latine. Elle se diffuse en Europe, au Japon et en Australie à partir de 1930. La France n’est touchée qu’en 1931. Le Moyen-Orient, l’est de l’Afrique et l’Asie du Sud, territoires encore largement soumis à la tutelle coloniale européenne, subissent alors les contrecoups de la crise qui affecte leurs métropoles. L’ensemble de la planète, à l’exception de l’URSS, épargnée car à l’écart du système économique mondial, est touchée en 1932. 3. À l’échelle de la planète, la crise de 1929 se manifeste par un dérèglement financier, bancaire et monétaire, par une chute de la production industrielle et agricole, par une baisse des prix et par une chute du commerce international engendrée par la montée du protectionnisme et des politiques de contingentement des importations. Le document 1 souligne l’ampleur de la crise puisque la Société des Nations parle d’une chute de la production industrielle de 25 % (ligne 4), chute confirmée par le graphique (document 4) qui évalue à 30 % environ la baisse de l’indice de la production industrielle mondiale entre 1929 et 1932. 4. La multiplication des faillites industrielles et commerciales entraîne l’apparition d’un chômage de masse. Entre 1929 et 1932, le nombre de chômeurs aurait plus que doublé, passant de 13 à 30 millions (document 4). Cette explosion du chômage concerne « presque tous les pays » comme l’affirme le quotidien suisse Le Temps, le 6 juin 1933, qui évoque plus précisément dans son article le Royaume-Uni, la Suisse et l’Allemagne où le chômage atteint un record historique en janvier 1933 (6  millions de chômeurs), mois durant lequel Adolf Hitler accède au pouvoir. 5. Les États versent des secours aux chômeurs. Comme l’affirme l’auteur de l’article, les sommes versées permettent

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de maintenir « certaines possibilités de consommation » et donc de limiter l’ampleur de la crise. Mais comme il le précise à la fin du texte, ces secours ne sont que des expédients et seul le retour à l’emploi permettra, selon lui, de retrouver une situation économique viable.

Synthèse Née aux États-Unis, la crise s’étend progressivement à toute la planète. Cette diffusion s’explique par le dérèglement du capitalisme boursier étatsunien, le rapatriement des capitaux étatsuniens et britanniques investis dans le monde, mais aussi par la montée du protectionnisme et l’effondrement du commerce international consécutifs à l’adoption par les États-Unis du tarif protectionniste Smooth-Hawley (17  juin 1930). La diffusion de la crise est accélérée par la dislocation du système financier international provoquée par la dévaluation de la livre sterling, le 21 septembre 1931. La crise de 1929 est d’abord bancaire, financière et monétaire. La production industrielle diminue d’environ 30 % entre 1929 et 1932. Cette chute touche aussi la production agricole, les prix et le commerce international. La dégradation de la situation économique provoque une multiplication des faillites d’entreprises industrielles et commerciales. La crise a des conséquences sociales dramatiques. Les revenus baissent de manière durable et les fermetures d’entreprises entraînent l’émergence d’un chômage de masse. Entre 1929 et 1932, le nombre de chômeurs dans le monde est multiplié par plus de deux, passant de 13 à 30 millions.

pp. 20-21

Point de passage

Les conséquences de la crise de 1929 en Amérique latine En Amérique latine, la crise est avant tout liée à la fermeture des marchés extérieurs. La forte dépendance des pays latino-américains à l’exportation de quelques produits agricoles ou miniers explique la rapide baisse de revenus, consécutive à la diminution des importations dans le monde. Cette crise agricole est doublée d’une violente crise financière, la plupart des États s’étant fortement endetté dans les années 1920. Outre ses conséquences sociales désastreuses, la crise en Amérique latine affaiblit les démocraties et s’accompagne de multiples coups d’État.

Réponses aux questions p. 21 Parcours 1 1. En Amérique latine, la diffusion de la crise est d’abord liée à la chute du commerce international du fait de la fermeture des marchés occidentaux liée au protectionnisme. Comme le précisent les documents 1 et 4, les revenus des pays d’Amérique latine dépendent souvent d’un ou deux produits d’exportation comme le café au

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Brésil, l’étain en Bolivie… La fermeture des marchés extérieurs a des conséquences d’autant plus dramatiques que les prix des produits agricoles sont orientés à la baisse depuis 1925, qu’un certain nombre de produits, comme le café, connaissent une surproduction et que la renonciation du Royaume-Uni à l’étalon-or (21  septembre 1931) entraîne un effondrement du système monétaire international. Les difficultés sont amplifiées par la rétraction du crédit à l’échelle internationale. Les États latino-américains se trouvent dans l’impossibilité d’emprunter pour rembourser les dettes contractées lors des années de prospérité des années 1920. 2. En Amérique latine, la crise se traduit par un effondrement économique –  la chute du PNB est de 30,5  % au Brésil  – et une crise financière généralisée  : la grande majorité des États de la zone abandonnent l’étalon-or entre 1929 et 1933 (document 4). La crise est particulièrement marquée dans les secteurs agricoles et miniers, durement touchés par la fermeture des marchés extérieurs et par la chute des exportations (document 2). Nombre de produits agricoles ou de matières premières connaissent une surproduction et des stocks importants qui accentuent la chute des cours. Au Brésil, comme le montrent les documents 3 et 5, la surproduction est telle que l’on détruit le café ou qu’on l’utilise comme combustible pour les locomotives. 3. La crise engendrée par l’effondrement économique et le recul des exportations se traduit par une baisse générale des salaires et des revenus ainsi que par une forte hausse du chômage. L’ampleur de la crise sociale est mise en avant par Le Temps qui évoque le chiffre de 20  millions de sans-travail au Brésil en octobre 1931. Sur tout le continent, cette situation entraîne une forte agitation sociale. La multiplication des conflits sociaux accompagne l’essor des syndicats qui, comme la Confédération générale du travail en Argentine, voient leur nombre d’adhérents augmenter fortement. 4. La crise économique et sociale a des conséquences considérables car elle déstabilise profondément les sociétés et les systèmes politiques. Les années 1930 sont ainsi marquées par un net recul de la démocratie et par

une multiplication des coups d’État, comme au Brésil où Getúlio Vargas prend la tête du pays après un « pronunciamento  », le 24 octobre 1930, ou en Argentine où le général Uriburu renverse violemment le 6  septembre 1930 le président élu, Hipólito Yrigoyen. Partout sur le continent latino-américain, la crise économique renforce l’instabilité politique et affaiblit la démocratie, donnant naissance à des régimes se réclamant d’un nouveau courant politique : le populisme.

Synthèse Très dépendante des exportations agricoles et minières, comme le café ou l’étain, l’Amérique latine est particulièrement touchée par la chute du commerce international liée à la montée du protectionnisme et à l’effondrement du système financier. La crise est amplifiée par la rétraction du crédit à l’échelle internationale. Les États latino-américains se trouvent dans l’impossibilité d’emprunter pour rembourser les dettes contractées lors des années de prospérité des années 1920. La crise se traduit par un effondrement économique – la chute du PNB est de 30,5 % au Brésil – et une crise financière généralisée : la grande majorité des États de la zone abandonnent l’étalon-or entre 1929 et 1933. La crise est particulièrement marquée dans les secteurs agricole et minier car nombre de produits agricoles ou de matières premières connaissent une surproduction et des stocks importants qui accentuent la chute des cours. La crise économique a des conséquences sociales désastreuses. Elle entraîne une baisse générale des salaires et des revenus ainsi qu’une une forte hausse du chômage. Cette situation provoque une forte agitation et la multiplication des conflits sociaux. La crise de 1929 affaiblit les démocraties et s’accompagne d’une multiplication de coups d’État. Au Brésil, Getúlio Vargas prend la tête du pays après un « pronunciamento  » le 24 octobre 1930, tandis qu’en Argentine, le général Uriburu renverse violemment le président élu, Hipólito Yrigoyen, le 6 septembre 1930. Partout sur le continent latino-américain, la crise économique renforce l’instabilité politique et permet l’émergence de régimes dictatoriaux se réclamant d’un nouveau courant politique en Amérique latine : le populisme.

Parcours 2

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Informations tirées des documents

La diffusion de la crise de 1929 en Amérique latine

Fermeture des marchés d’exportations Fin du système financier international

Ses manifestations économiques et sociales

Effondrement économique Crise financière et abandon de de l’étalon-or Fermeture des marchés d’exportations et chute des exportations Baisse des revenus publics et fermeture des grands chantiers Surproduction Baisse des salaires Chômage de masse

Ses conséquences politiques

Instabilité politique Coups d’État Essor du populisme

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Arguments

Point de passage

Roosevelt et le New Deal aux États-Unis Aux États-Unis, la crise entraîne une alternance politique. Le démocrate Franklin Delano Roosevelt accède à la présidence en mars 1933 après avoir battu le président républicain sortant, Herbert Hoover, à l’élection présidentielle de novembre 1932. Appuyé sur son Brain Trust, un cercle de conseillers économiques, il élabore une politique originale de sortie de la crise de 1929 : le New Deal. Remettant en cause les dogmes du libéralisme, il fait de l’État l’un des acteurs majeurs de la lutte contre le chômage de masse. VIDÉO Roosevelt et le New Deal

Questionnaire 1. Comment expliquer la victoire électorale de Roosevelt à l’élection présidentielle de novembre 1932 contre le président républicain sortant Herbert Hoover ? Le dynamisme de Roosevelt ; le fait que Hoover n’a rien compris à la crise et que son action a été inefficace contre la crise. 2. Quelles sont les deux idées maîtresses du New Deal ? Soulager les plus fragiles et les plus pauvres ; assurer une répartition plus équitable des revenus et de la fortune nationale. 3. Citez les trois objectifs des mesures prises par Roosevelt pendant les trois premiers mois de son mandat. Développer la production ; garantir un salaire minimum ; définir un niveau maximal de durée de travail. 4. Relevez les domaines concernés par le New Deal. Le domaine bancaire et financier, l’agriculture, la mobilisation des ressources nationales et l’aménagement du territoire. 5. Pourquoi les réalisations de la Tennessee Valley Authority peuvent-elle être considérées comme la vitrine du New Deal ? Car c’est une entreprise considérable qui symbolise la politique des grands travaux  ; elle débouche sur la construction de nombreux barrages et d’une voie fluviale de plus de 1 000 km.

Réponses aux questions p. 23 Parcours 1 1. Les objectifs du New Deal sont de « remettre les gens au travail », par une action énergique de l’État. Roosevelt veut relancer l’économie nationale par une politique d’investissements massifs qui débouche sur une hausse des prix. Cette politique passe notamment par la mise en place d’un organisme de planification de l’économie, le financement public de grands travaux et la nationalisation des moyens de transport et de communication. Dans son discours d’investiture, Roosevelt insiste sur l’importance de l’aide à apporter aux campagnes et sur sa volonté de mieux mettre en valeur les ressources

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naturelles du pays. Il souhaite aussi mieux aider les personnes dans la détresse en favorisant l’unification des institutions de secours. 2. Roosevelt veut lutter contre le chômage «  par un recrutement direct du gouvernement » afin de « remettre les gens au travail  ». Rompant avec la logique libérale du marché autorégulé et de l’ajustement automatique entre l’offre et la demande de travail, il souhaite donner du travail aux chômeurs en les engageant sur des grands chantiers financés par l’État : les « grand projets ». 3. S’il reste attaché à l’équilibre budgétaire et au libéralisme, Roosevelt attribue un rôle central à l’État fédéral dans la politique de sortie de crise. Par exemple en mai 1933, il met en place l’Agriculture Adjustment Act pour favoriser la hausse des prix agricoles par une politique de contrôle et de restriction de la production. L’État doit réguler les marchés comme il le fait en juin 1933 avec les banques par le Glass Steagall Act, qui instaure une séparation entre banque d’affaires et banque de dépôt, ou avec le National Recovery Industrial Act qui vise à créer les conditions d’une concurrence loyale entre les entreprises. La Public Work Administration en juin 1933 permet de lancer des grands travaux avec le double objectif de moderniser le pays et de donner du travail aux jeunes et aux chômeurs. Comme l’indique le document 4, plus de trois milliards de dollars sont, au total, dépensés par l’État. Roosevelt est aussi entré dans l’histoire pour avoir posé les fondements de l’État-providence avec la création d’un système d’assurance-chômage et de retraites par l’adoption et la mise en application du Social Security Act le 14 août 1935. 4. C’est en 1932-1933 que la crise atteint son apogée aux États-Unis. La situation s’améliore après cette date, qui correspond au début du New Deal. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la situation de 1929 n’est cependant pas retrouvée, le chômage, les prix et le commerce international restant encore très en-deçà de leur situation initiale (1,5  million de chômeurs en 1929, 9,9 millions en 1938). Il faudra attendre la Seconde Guerre mondiale et la mise en œuvre du Victory Program pour que le pays sorte définitivement de la crise.

Synthèse Franklin Delano Roosevelt veut lutter contre la crise économique en relançant l’économie nationale par une politique d’investissements massifs qui débouche sur une hausse des prix. Cette politique passe par la mise en place d’un organisme de planification de l’économie, le financement public de grands travaux et la nationalisation des moyens de transport et de communication. Roosevelt veut lutter contre le chômage et redonner des salaires et du pouvoir d’achat à la population en recrutant les chômeurs sur les grands chantiers mis en place par le gouvernement. Les réalisations sont nombreuses durant le New Deal. L’État régule le marché, notamment dans le secteur bancaire avec le Glass Steagall Act, ou avec le National

CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux

Histoire Tle © Hatier, 2020.

pp. 22-23

Recovery Industrial Act qui vise à créer les conditions d’une concurrence loyale entre les entreprises. Roosevelt met aussi en place l’Agriculture Adjustment Act pour favoriser la hausse des prix agricoles par une politique de contrôle et de restriction de la production et crée la Public Work Administration pour lancer des grands travaux avec le double objectif de moderniser le pays et de donner du travail aux jeunes et aux chômeurs. Cette politique d’aide à l’emploi et aux personnes en difficulté est renforcée par la création du Civilian Corporation Corps et de la Civil Work Administration. Roosevelt pose aussi les fondements de l’État-providence avec la création d’un système d’assurance-chômage et de retraites par l’adoption et la mise en application du Social Security Act le 14 août 1935. Le bilan de la politique mise en œuvre par Roosevelt est contrasté. C’est en 1932-1933 que la crise atteint son apogée aux États-Unis. La situation s’améliore après cette date, qui correspond au début du New Deal. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la situation de 1929 n’est cependant pas retrouvée : le chômage, les prix et le commerce international restent encore très en-deçà de leur situation initiale. Il faut attendre la Seconde Guerre mondiale et la mise en œuvre du Victory Program pour que le pays sorte définitivement de la crise.

Parcours 2 Bilan mitigé

Régulation

Grands travaux

Mise en place d’un État-providence

Nationaliser les moyens de transport et de communication

Point de passage

Juin 1936 : les accords Matignon en France En France, la crise favorise la victoire électorale d’une coalition de partis de gauche, le Front populaire, lors des élections législatives d’avril-mai 1936. Alors qu’éclate, à partir du 11 mai, une vague de grèves avec occupation d’usines inédite dans le pays, représentants du patronat et du monde ouvrier signent, à l’invitation du gouvernement de Léon Blum, les accords Matignon. Ces accords amènent de grandes avancées sociales avec le double objectif de relancer l’économie par la consommation et de redonner confiance en l’avenir. Mais à l’image des 40 heures et des congés payés, ces lois sociales divisent fortement le pays. VIDÉO Le Front populaire

Questionnaire 1. Pourquoi la journée du 14 juillet 1935 est-elle décisive ? Parce que la journée organisée par les partis de gauche est un succès avec 500  000 manifestants  ; elle pousse Léon Blum pour les socialistes, Maurice Thorez pour les communistes et Édouard Daladier pour les radicaux à mettre au point un programme commun et une alliance électorale pour les prochaines élections législatives  : c’est le début du Front populaire. 2. Qui prend la tête du gouvernement de Front populaire ? Pourquoi ? Léon Blum car il est le principal dirigeant de la SFIO (le parti socialiste) qui a le plus de députés élus lors des élections législatives d’avril-mai 1936. 3. En quoi le mouvement social qui se développe à partir du 11 mai 1936 est-il original ? Il se distingue par son ampleur (deux millions de grévistes) et par les occupations d’usines.

Rôle central de l’État

Redonner du travail

pp. 24-25

Planification

4. Montrez l’importance des accords Matignon. Ces accords transforment les relations de travail avec l’augmentation des salaires, les contrats collectifs de travail et les délégués d’ateliers ; ils préparent les congés payés et les 40 heures.

Réponses aux questions p. 25

Élection de Roosevelt

Crise de 1929

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Parcours 1 1. C’est à la demande de la Confédération générale de la production française (CGPF), qui le contacte dès le 4 juin, que Léon Blum convoque syndicalistes patronaux et ouvriers à Matignon à partir de 15 heures, le dimanche 7 juin 1936. Les accords Matignon sont donc signés par trois catégories d’acteurs : – les représentants de la CGPF, principal syndicat patronal de l’époque mené par l’industriel de la chimie, René-Paul Duchemin, et Pierre-Ernest Dalbouze, dirigeant d’une entreprise de construction

CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux

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New Deal

– les dirigeants de la Confédération générale du travail (CGT), principal syndicat ouvrier, soit Léon Jouhaux, René Belin et Benoît Frachon ; – les membres du gouvernement de Front populaire, en premier lieu Léon Blum et deux personnalités majeures de son équipe ministérielle : Roger Salengro, ministre de l’Intérieur, et Charles Spinasse, ministre de l’Économie nationale. La signature survient alors que le pays connaît une vague massive de grèves avec occupation des usines. Ces grèves débutent entre le 11 et le 13 mai au Havre et à Toulouse, au lendemain de la victoire du Front populaire aux élections législatives du printemps 1936. Léon Blum, le principal dirigeant de la SFIO, est président du Conseil depuis le 4 juin 1936. 2. Les accords prévoient une augmentation des salaires de 7 à 15 % et la création, dans les établissements de plus de dix ouvriers, de délégués représentant les salariés auprès de la direction. L’article  3 rappelle la nécessité pour les patrons de respecter la liberté syndicale établie par la loi de 1884 – la loi Waldeck-Rousseau – autorisant la création de syndicats professionnels. L’article principal est l’article  1 qui, rompant avec la logique libérale et individualiste du contrat de travail, légalise l’établissement de contrats collectifs de travail par branches d’activité. 3. Le 20 juin 1936, l’Assemblée nationale vote la loi qui institue deux semaines de congés payés annuelles pour les salariés. Le lendemain, donnant corps à une vieille revendication ouvrière, elle établit la durée maximale hebdomadaire de travail à 40  heures, la diminuant de fait de huit heures par semaine. 4. Ces lois visent à améliorer les conditions de vie des ouvriers mais participent aussi du projet économique du gouvernement de Léon Blum. Ce dernier, refusant la déflation et la politique de rigueur privilégiées par ses prédécesseurs, fait le choix de la relance de la production par l’accroissement du pouvoir d’achat. Les augmentations de salaires, les congés payés, mais aussi les grands travaux qu’il souhaite mettre en œuvre visent à stimuler l’activité par la croissance des revenus disponibles. La loi sur les 40  heures répond plus directement au souci de lutter contre le chômage de masse. Il s’agit, par la réduction du temps de travail, de pousser les employeurs à recruter et, de fait, d’inciter à une forme de partage du travail disponible. 5. Les deux affiches montrent que les mesures sociales prises par le gouvernement de Léon Blum polarisent fortement et durablement le pays. Ces mesures donnent satisfaction aux revendications du monde ouvrier exprimées dans le document 5b par l’affiche de la CGT, syndicat majoritaire créé en 1895, qui légitime la réduction du temps de travail. L’affiche 5a montre néanmoins

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que ces mesures sociales suscitent une forte hostilité, à droite et dans les milieux patronaux en particulier. Réforme en trompe-l’œil pour ses opposants, la loi sur les 40 heures risque de se retourner contre les travailleurs en entraînant une augmentation du coût de la vie par le mécanisme de l’inflation et une hausse du chômage car les entreprises toujours en activité seront obligées de licencier du fait de l’augmentation du prix de revient. Si elles permettent le retour progressif au travail, les lois sociales provoquent une radicalisation du monde de la petite entreprise.

Synthèse Les accords Matignon sont signés dans la nuit du 8 juin 1936 à l’hôtel Matignon, siège de la présidence du Conseil. Ils sont paraphés par les représentants de la Confédération générale de la production française, principal syndicat patronal de l’époque dirigé par l’industriel de la chimie René-Paul Duchemin, par les dirigeants de la Confédération générale du travail (CGT), principal syndicat ouvrier, soit Léon Jouhaux, René Belin et Benoît Frachon, ainsi que par Léon Blum, président du Conseil depuis le 4  juin 1936, Roger Salengro, ministre de l’Intérieur, et Charles Spinasse, ministre de l’Économie nationale. La signature survient alors que le pays connaît une vague de grèves massive avec occupation des usines. Ces grèves débutent entre le 11 et le 13 mai au Havre et à Toulouse, au lendemain de la victoire du Front populaire aux élections législatives du printemps 1936. Ces accords entraînent des bouleversements importants dans les relations sociales. Outre une augmentation des salaires comprise entre 7 et 15 %, ils appellent les patrons à respecter la liberté syndicale établie par la loi du 21 mars 1884 et prévoient la création, dans les établissements de plus de dix ouvriers, de délégués représentant les salariés auprès de la direction. L’article principal est l’article 1 qui, rompant avec la logique libérale et individualiste du contrat de travail, légalise l’établissement de contrats collectifs de travail par branches d’activité. La signature des accords Matignon est suivie par l’adoption de la loi instaurant deux semaines de congés payés (20 juin 1936) et de la loi limitant la durée du travail hebdomadaire à 40 heures (21 juin 1936). Si l’œuvre du Front populaire est considérable en matière de réformes sociales, elle suscite des réactions contrastées dans la société. Accueillie avec enthousiasme dans le monde ouvrier, la politique de Léon Blum vise à lutter contre la crise par une augmentation de la demande. Elle est jugée catastrophique pour une partie de la droite conservatrice et par le monde patronal qui pense qu’elle ne fera qu’aggraver les conséquences économiques et sociales de la crise de 1929.

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mécanique, centralien et président de l’Association des présidents de chambre de commerce ;

Parcours 2 Le bouleversement des accords Matignon

Doc. 1

Les lendemains de la victoire électorale du Front populaire Léon Blum

Doc. 2

Grèves massives : 9 000 établissements touchés les grèves sont « joyeuses » et s’accompagnent d’occupations d’usines

Les accords sont signés 4 jours après l’accession de Léon Blum au pouvoir

Doc. 3

Représentants de la CGPF Représentants de la CGT Léon Blum et deux membres du gouvernement

Augmentation des salaires Conventions collectives Liberté syndicale Délégués ouvriers

Doc. 4

Une dizaine de jours après les accords Matignon Assemblée nationale

Deux semaines de congés payés Maximum de 40 heures de travail hebdomadaire

Doc. 5

pp. 28-30

Maximum de 40 heures de travail hebdomadaire

Exercices BAC

Analyse de document p. 28 Introduction Le document est extrait d’un livre publié en 1947 par Paul Reynaud. L’auteur, né en 1878 à Barcelonnette dans les Basses-Alpes, est alors âgé de 69  ans. Connu pour avoir été le dernier président du Conseil avant le maréchal Pétain, qui le remplace le 16  juin 1940, Paul Reynaud, avocat de profession, est un homme politique modéré qui a siégé dans plusieurs ministères sous la IIIe  République. Spécialisé dans l’étude des questions économiques et de défense nationale, il est nommé ministre des Finances dans le deuxième gouvernement Tardieu, de mars à décembre 1930. Ce diplômé de l’École des hautes études commerciales doit alors faire face à la chute boursière et à la crise financière qui s’ensuit. C’est fort de cette expérience qu’il évoque, dans cet extrait, les origines mais aussi les conséquences économiques, sociales et politiques de la crise de 1929 aux États-Unis et dans le monde. I. Les causes et les débuts de la crise aux États-Unis Comme nombre d’observateurs, Paul Renaud souligne le rôle de la spéculation dans le déclenchement de la crise. Il relève ainsi l’essor du cours des actions entre 1927 et octobre 1929, évoquant des «  bénéfices prodigieux faits en dormant » (l. 2-3). Son constat renvoie au climat d’euphorie qui règne aux États-Unis à la fin des années 1920, au terme d’une décennie presque ininterrompue de croissance stimulée par le développement des industries automobile, électrique ou chimique, mais

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Poursuite des réformes et réactions de la société

Patrons : pas de sanction pour fait de grève Ouvriers : appellent à reprise du travail

Des mesures sociales perçues comme une victoire par les ouvriers et les syndicats : elles reprennent d’anciennes revendications Hostilité de la droite libérale et du patronat

aussi à la frénésie d’investissement boursier qui touche la population du fait de la possibilité offerte aux particuliers d’acheter des actions à crédit, le remboursement s’opérant mécaniquement grâce aux gains offerts par la hausse anticipée du cours des actions. Les cours de la bourse de New York auraient en effet été multipliés par trois dans la décennie 1920, soit une croissance d’environ 12 % par an. S’il ne fait aucune référence aux effets de la Première Guerre mondiale –  coût de la guerre pour les États européens, déséquilibres monétaires et budgétaires  –, Paul Reynaud signale la surproduction qui touche certains secteurs et provoque une chute des prix agricoles et des matières premières à partir de 1925 (l. 5-6) ainsi que les difficultés de certains secteurs, comme l’industrie automobile (l. 8), l’une des activités pourtant les plus dynamiques depuis le début des années 1920 (la production passe de 2 à 5 millions entre 1920 et 1929). C’est ainsi dans un ciel où s’amoncellent «  les nuages noirs » qu’éclate « l’orage » (l. 7). Au-delà de l’usage de cette métaphore climatique, Reynaud reprend à son compte la chronologie classique qui fait du « Jeudi noir », le jeudi 24 octobre, le début de la crise, omettant néanmoins d’évoquer le record de transactions que connaît Wall Street le mardi 29  octobre  : il s’échange alors 16,4  millions d’actions contre 12  millions lors du Black Thursday. Le député du Nord insiste, pour terminer, sur l’importance des événements de Wall Street. Il parle de « coup de gong » et n’hésite pas à parler du krach boursier comme d’« un des plus grands événements de l’histoire du monde  » (l. 13). On reconnaît ici l’observateur avisé de la vie économique et internationale, celui qui, dès

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Le contexte et les acteurs

II. Le développement de la crise aux États-Unis À partir de la ligne 13, Paul Reynaud concentre son analyse sur les conséquences économiques de la crise. Il évoque ainsi la chute de la production en prenant l’exemple de l’acier (l. 20), l’effondrement des prix (l. 14-15, 21, 24-25) mais aussi la chute des exportations qui, comme il le précise, « tombèrent de 5,2 milliards de dollars à 1,6 milliard » (l. 19-20). Le député du Nord mentionne aussi les difficultés du secteur financier et bancaire. Il fait allusion (l. 23-24) aux milliers de banques qui, à l’image de la Bank of the United States le 11 décembre 1930, ont fait faillite, ruinées par la banqueroute des fermiers ou par celle des spéculateurs et des courtiers. En effet près de la moitié des établissements de crédit ferment entre 1930 et 1933, le nombre de banques étant passé de 25 000 à 12 000 en trois ans. C’est tout un système qui s’écroule à partir d’octobre 1929, le krach boursier entraînant une crise financière et bancaire provocant à son tour une crise économique générale marquée par la chute des ventes et des revenus, une multiplication des faillites industrielles et commerciales et un recul du commerce international, lui-même accentué par le développement de politiques protectionnistes. Paul Reynaud ne néglige pas les conséquences sociales de la crise de 1929. À l’image d’un John Steinbeck dans Les Raisins de la colère, il souligne la gravité de la crise dans les campagnes. Les fermiers, ruinés par la chute des cours agricoles, sont incapables de rembourser leurs dettes hypothécaires et sont condamnés à assister, impuissants, à la saisie de leurs biens (l. 22-23). De manière plus générale, le parlementaire insiste sur le chômage de masse qui frappe, sans distinction, l’ensemble du monde du travail  : «  Ces deux géants, le travailleur agricole et le travailleur industriel, se trouvèrent debout, face à face, les bras croisés, avec à leurs pieds, leurs stocks invendus » (l. 27-28). L’ampleur du phénomène décrit par l’auteur a été largement commentée par les contemporains mais aussi par les économistes et les historiens. Inédit par son ampleur, le chômage touche aux États-Unis près d’un quart de la population active en 1933, soit au total 12,6 millions de personnes contre 1,5 million en 1929. La détresse est immense pour des chômeurs prêts à tout pour survivre, y compris à s’improviser « marchands de pommes dans les rues de New York » (l. 33). III. La crise dans le monde Américaine dans ses origines, la crise se diffuse à l’échelle de la planète. Évoquant la mondialisation de la crise («  La crise atteignit le monde entier  », l. 35), Paul Reynaud souligne l’interdépendance des économies et les mécanismes de diffusion de la crise (l. 15-16 : « Autour du globe, les pays agricoles ruinés ne purent acheter les produits des pays industriels qui furent ruinés à leur

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tour »). Le tournant pris par la politique économique des pouvoirs publics et des entreprises aux États-Unis après le krach boursier – rapatriement des capitaux investis en Amérique latine et en Europe ; fermeture du marché américain par le biais de l’adoption du tarif protectionniste Smooth-Hawley du 17 juin 1930 – a en effet des conséquences désastreuses pour l’économie internationale. À la fin de l’extrait, Reynaud relève le caractère mondial du chômage de masse. Il le décrit touchant l’ensemble des travailleurs, que ce soit « le planteur du Brésil, l’artisan de Paris et le banquier de Londres » (l. 35-37). Paul Reynaud a conscience de la possible traduction politique de cette crise économique et sociale. S’il fait référence à l’essor d’une violence sociale qui prend parfois la forme de la délinquance (l. 28-29, « Des agressions avaient lieu dans les jardins publics »), il relève surtout la radicalisation des fermiers et l’atmosphère de lutte des classes et de guerre civile qui règne aux États-Unis : « La révolution grondait » (l. 28). La menace ne se concrétise pas. Mais, alors qu’aux États-Unis la crise permet l’accès au pouvoir du démocrate Franklin Delano Roosevelt en 1933, qu’en France elle facilite la victoire électorale du Front populaire en 1936, la dégradation de la situation économique et sociale est contemporaine de la multiplication des coups d’État en Amérique latine et de la prise de pouvoir par Adolf Hitler en Allemagne en 1933. Comme le laisse entendre Paul Reynaud, la déstabilisation des économies et des sociétés fait ainsi planer une lourde menace sur des sociétés démocratiques affaiblies. Conclusion Observateur privilégié et avisé de la crise de 1929, Paul Reynaud livre un témoignage d’une grande qualité et d’une grande lucidité sur l’événement. Attentif à ses origines américaines, il souligne le caractère systémique et mondial d’une crise inédite par son ampleur et ses conséquences économiques, sociales mais aussi politiques. Dans les années 1930, Paul Reynaud, partisan de la dévaluation, n’a eu de cesse d’alerter la classe politique et l’opinion sur la gravité de la situation et sur les menaces qu’elle fait peser sur les démocraties. C’est d’ailleurs aux premières loges, en tant que président du Conseil de la IIIe République, du 22 mars au 16 juin 1940, qu’il assiste à l’effondrement de la France, victime de la puissance militaire d’une Allemagne nazie forgée dans le creuset de la crise économique et sociale de 1929.

Analyse de documents p. 29 Introduction Le dossier comprend deux documents de nature différente : un extrait du quotidien Paris-Soir et une affiche. Si l’identité du journaliste est inconnue, l’affiche a été réalisée par Léon Blot pour le compte de l’organisation Ordre et bon sens, proche de la droite libérale et des milieux patronaux. Les deux documents sont contemporains des débuts du Front populaire et de la mise en place du gouvernement de Léon Blum. L’article est publié le

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le début des années 1930, alors qu’il était ministre des Finances, avait alerté l’opinion et la classe politique sur la gravité de la crise et plaidé, de manière précoce mais isolée, pour une dévaluation du franc.

lendemain de la signature des accords Matignon, le lundi 8  juin 1936 à l’hôtel Matignon, par les représentants de la CGPF et de la CGT en présence de Léon Blum. L’affiche est quant à elle publiée au lendemain de la victoire électorale du Front populaire –  le second tour a lieu le dimanche 3 mai 1936. Alors que le journaliste de Paris-Soir évoque les réactions, plutôt positives, du gouvernement et du patronat à la signature des accords Matignon, Léon Blot souhaite alerter l’opinion publique sur les conséquences désastreuses qu’il attend de la mise en œuvre de la politique du Front populaire, notamment en matière de réduction du temps de travail.

8 juin, l’ensemble des mesures sociales prises au mois de juin ont une dimension de lutte contre la crise. Rompant avec les politiques des gouvernement précédents qui avaient privilégié la rigueur et la politique de déflation, Léon Blum envisage de stimuler le retour de l’activité par une politique de relance de la consommation et par une dynamique d’embauche liée à la réduction du temps de travail individuel.

Comment ces documents rendent-il compte de la nouvelle politique économique et sociale mise en place en France par le gouvernement du Front populaire de Léon Blum ?

L’affiche de Léon Blot témoigne, en effet, de la forte hostilité que suscite cette législation économique et sociale parmi le monde patronal et la droite libérale et conservatrice.

Les deux documents font référence à la législation sociale adoptée par le gouvernement et la majorité législative de Front populaire. L’article rend compte de la signature des accords Matignon (l. 3-12). Ces accords ont été signés dans la nuit du lundi 8  juin par les délégués de la Confédération générale du travail, Léon Jouhaux, René Belin et Benoît Frachon, représentants du monde ouvrier, et les délégués de la Confédération générale de la production française, représentants du monde patronal. Le texte évoque ligne 5 l’un des quatre délégués patronaux, Étienne Lambert-Ribot, secrétaire général du Comité des forges, l’un des syndicats les plus puissants de la CGPF, qui accompagne René Paul-Duchemin, le président de la CGPF, Pierre-Ernest Dalbouze, président de la Chambre de commerce de Paris et de l’Assemblée des présidents de chambres de commerce, et Pierre Richemond. La signature s’est opérée en présence de Léon Blum, chef du gouvernement, et de deux ministres importants  : Charles Spinasse, ministre de l’Économie nationale, et Roger Salengro, ministre de l’Intérieur. Comme l’affirme l’article (l. 5-8, 12), la négociation a pour objet de permettre la reprise du travail et de mettre fin au mouvement de grèves avec occupation d’usines qui touche le pays depuis la mi-mai. Les accords Matignon se traduisent en effet par de nombreuses conquêtes sociales : hausse de salaires, représentation des salariés auprès de la direction par des délégués ouvriers, reconnaissance du droit syndical, établissement par branche de conventions collectives. Comme il est précisé dans le texte à la ligne 7, une « ère nouvelle » s’ouvre en effet dans les relations sociales. De son côté, l’affiche de Léon Blot fait allusion à une grande revendication du monde ouvrier  : celle de la réduction à 40 heures de la durée maximale hebdomadaire de travail, au lieu des 48 heures en vigueur. La loi est votée le 21 juin 1936 au lendemain de l’adoption du texte sur les deux semaines de congés payés. Comme le montre la présence de Charles Spinasse à Matignon le

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II. Des lois en débat

L’affiche, qui s’adresse aux travailleurs et est centrée sur les 40 heures, a été réalisée peu de temps après la victoire électorale du Front populaire. Elle comprend trois parties. En haut à gauche, on distingue un ouvrier au bord du précipice. Un poing rouge (symbole du communisme) placé dans son dos, représentant la CGT et la SFIO, pousse le travailleur vers l’abîme. En haut à droite, la réforme des 40  heures est inscrite sur fond de soleil couchant, prélude à la nuit et à l’obscurité. En bas, dans le précipice, sont inscrits les mots annonciateurs de lendemains qui déchantent : « chômage », « misère », « vie plus chère », etc. L’affiche opère une critique sévère de la politique envisagée par le Front populaire. L’auteur laisse penser qu’instaurer les 40  heures serait une erreur majeure. Il affirme que la mesure donnerait certes satisfaction à une vieille revendication du monde ouvrier, de la CGT et de la SFIO. Mais cela se ferait au prix d’une aggravation de la situation économique et sociale des travailleurs du pays : il évoque donc un « mirage ». Comme l’indique le texte en bas à gauche de l’affiche, Léon Blot voit dans cette proposition la main de Moscou et de l’URSS de Staline : « Une fois de plus, fourvoyé par l’Internationale, le travailleur français se laissera-t-il prendre au mirage ? » L’affiche fonctionne ainsi comme une interpellation : elle appelle les ouvriers français à ne pas se laisser tromper, une nouvelle fois, par les «  rouges  », qu’ils soient membres de la CGT, communistes ou socialistes. Paris-Soir porte un regard plus positif sur les accords Matignon. Il souligne la satisfaction, légitime, de Léon Blum qui, fort de sa victoire électorale, apparaît comme le véritable maître d’œuvre des accords. Le nouveau président du Conseil socialiste avait en effet été saisi dès le 4  juin par les organisations patronales inquiètes du développement pris par le mouvement de grèves à travers le pays. C’est à ce titre qu’il loue « la volonté de conciliation » et « l’intelligence dont avait fait preuve le patronat » (l. 13-15). Plus surprenante est la position de Lambert-Ribot, le représentant du puissant Comité des Forges. Le métallurgiste, qui fait référence à l’expérience du New Deal

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I. La nouvelle législation sociale du Front populaire

Cette politique divise néanmoins le pays : les lois adoptées sont en débat.

On peut néanmoins remarquer que le journaliste de Paris-Soir manifeste un optimisme excessif quant à la suite des événements. Appelant de ses vœux une reprise rapide de la vie économique, il envisage la fin des grèves deux à trois jours après la signature des accords (l. 25-31). La fin du mouvement a pris beaucoup plus de temps puisqu’il a fallu attendre le mois d’août 1936 pour que les dernières grèves cessent, tandis que des mouvements sociaux continuent à toucher de manière sporadique le pays jusqu’en 1937. Conclusion Les deux documents mettent donc en valeur l’importance de la rupture occasionnée par la nouvelle politique économique et sociale mise en œuvre par le gouvernement de Léon Blum à partir du mois de juin 1936. Ils témoignent de la diversité des regards portés sur cette politique mais aussi de la radicalisation qu’elle occasionne dans les milieux de la droite conservatrice et dans le monde patronal. Si elle ouvre la perspective d’une amélioration des conditions de vie des ouvriers, si elle permet d’expérimenter une sortie de crise par le biais d’une politique de la demande, la nouvelle politique économique et sociale polarise durablement la société française entre partisans et adversaires, souvent irréconciliables, du Front populaire.

Question problématisée p. 30 Partie I. D’une crise mondiale… La crise de 1929 est une crise mondiale car elle part des États-Unis et se diffuse progressivement à l’ensemble de la planète. A. La naissance aux États-Unis Elle débute le jeudi 24 octobre 1929 à la bourse de

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New York : c’est le « Jeudi noir ». Wall Street connaît alors un krach boursier retentissant  : plus de 12  millions de titres sont vendus en une journée contre environ 4  millions par jour habituellement. Le mardi 29 octobre, ce sont de nouveau 16  millions de titres qui sont échangés, provoquant un effondrement du cours des actions. La crise boursière dégénère en crise bancaire et financière puis en crise économique générale. La crise se diffuse ensuite sur l’ensemble de la planète B. La diffusion dans les pays européens Déjà fragilisé par la chute des prix qui touche les marchés agricoles depuis 1925 et par les déséquilibres monétaires et financiers engendrés par la Première Guerre mondiale, le monde bascule progressivement dans la crise. Ruinés par le krach boursier, les Étatsuniens rapatrient les capitaux investis en Europe et ferment leur marché aux produits étrangers par l’adoption du tarif protectionniste Smooth-Hawley (17  juin 1930). Le retrait des capitaux étatsuniens entraîne les faillites du Kredit-Antstalt en Autriche (11  mai 1931) et de la Danat Bank en Allemagne (13  juillet 1931). Progressivement tout le continent européen est touché par les conséquences de la crise américaine. Le 21 septembre 1931, le Royaume-Uni renonce à l’étalon-or, décision qui provoque l’effondrement du système monétaire international et accentue le désordre financier international. Dans toute l’Europe, le scénario étatsunien se reproduit  : effondrement des banques et du système financier, chute de la production et des prix, multiplication des faillites commerciales et industrielles, effondrement du commerce extérieur et montée du protectionnisme. C. La diffusion en Amérique latine En Amérique latine, la chute des prix et la fermeture des marchés américains et européens jouent le rôle central. Elles entraînent un effondrement dramatique des exportations de matières premières ou de produits agricoles alors que ceux-ci constituent l’essentiel de la richesse nationale  : café au Brésil, sucre à Cuba, viande bovine en Argentine… La crise est renforcée par les difficultés financières, les États lourdement endettés se trouvant dans l’incapacité de rembourser leurs créanciers. Partie II. … à une crise globale La crise de 1929 est une crise globale car elle affaiblit considérablement les sociétés et les systèmes politiques. A. Les conséquences sociales Les conséquences sociales sont dramatiques. John Steinbeck a immortalisé dans Les Raisins de la colère la détresse des fermiers étatsuniens ruinés par la chute des prix agricoles et des matières premières. Aux États-Unis, un quart de la population active est sans emploi en 1933.

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dans les États-Unis de Roosevelt, a conscience des transformations apportées par ces accords dans le fonctionnement de l’économie nationale et dans les relations de travail. Il évoque ainsi deux des principales mesures actées à Matignon  : la hausse des salaires  ; l’obligation d’établir des conventions collectives de travail avec définition de normes minimales de salaires, de congés ou de salaires par branche. Il parle, à juste titre, de « conditions de travail différentes » (l. 20), la légalisation des contrats collectifs rompant avec la logique libérale et individualiste qui prévalait jusque-là dans le domaine des relations professionnelles. Le pragmatisme du représentant de la CGPF, qui comprend « très bien que le gouvernement se soit comporté dans les circonstances actuelles comme il s’est comporté » (l. 22-24), témoigne de la panique qui frappe le patronat français face à un mouvement social inédit par son ampleur : 12 000 entreprises touchées par la grève, 9 000 établissements occupés, deux millions de grévistes. C’est en position de faiblesse que la CGPF négocie avec un gouvernement et des syndicats de gauche, pour tenter de mettre un terme à la mobilisation ouvrière.

B. Les conséquences politiques En Amérique et en Europe, le contexte économique et social favorise la prise de pouvoir par la gauche. Aux États-Unis, le démocrate Franklin Delano Roosevelt remporte l’élection présidentielle en novembre 1932 tandis qu’en France, les élections législatives du printemps 1936 portent au pouvoir le gouvernement de Front populaire dirigé par le socialiste Léon Blum. En Amérique latine, la crise économique et sociale affaiblit la démocratie. Elle favorise l’émergence d’une nouvelle idéologie politique, le populisme, ainsi que la multiplication des coups d’État, sur le modèle de celui organisé au Brésil par Getúlio Vargas qui prend la direction du pays avec le soutien de l’armée le 24 octobre 1930. La crise économique et sociale a des effets encore plus dramatiques en Allemagne où elle permet l’accession au pouvoir en janvier 1933 d’Adolf Hitler, représentant du NSDAP, parti qui ne réalisait que des scores marginaux aux élections législatives avant le début de la crise. C. De nouvelles politiques économiques et sociales La crise débouche sur une remise en cause du libéralisme économique. Aux États-Unis, Roosevelt met en place la politique de New Deal. L’État est mobilisé pour réguler le marché, relancer l’activité et fournir des emplois et des revenus aux travailleurs touchés par la crise. En France, le gouvernement de Léon Blum prend une série de mesures sociales qui visent à améliorer les conditions de vie des ouvriers tout en augmentant la capacité de consommation de la population. Conclusion La crise de 1929 est donc bien une crise mondiale et globale. Au lendemain du krach boursier de Wall Street, le jeudi 24 octobre 1929, elle se diffuse progressivement sur l’ensemble de la planète, atteignant le maximum d’intensité en Amérique latine et en Europe. Les conséquences de la crise de 1929 sont autant sociales que politiques. La chute des cours des matières premières et des produits agricoles ruine les paysans tandis que la multiplication des faillites commerciales et industrielles entraîne un essor du chômage de masse. En Amérique latine et en Europe, la dégradation de la situation économique et sociale met en péril la démo-

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cratie. Son déclenchement favorise la multiplication des coups d’État sur le continent américain et la prise de pouvoir par Hitler en Allemagne. Aux États-Unis et en France, elle favorise la prise du pouvoir par des partis de gauche ainsi que l’expérimentation de politiques économiques originales fondées sur l’intervention économique et sociale de l’État. Déstabilisant profondément et durablement les économies, les sociétés et les systèmes politiques, la crise de 1929 a souvent été analysée par les historiens comme une étape décisive dans la marche du monde vers la Seconde Guerre mondiale.

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Sujet blanc

Première partie : question problématisée Le devoir peut être organisé en trois parties autour de trois idées principales. Partie I. Les modalités d’entrée dans la crise sont différentes Aux États-Unis, la crise est d’origine endogène. Elle débute à Wall Street, puis la crise boursière devient financière et bancaire et gagne l’ensemble de l’économie. En Amérique latine, la crise est exogène puisqu’elle est importée. L’Amérique latine est très dépendante des marchés extérieurs pour vendre ses produits agricoles et ses matières premières mais aussi pour financer ses projets. La crise est donc essentiellement déclenchée par la montée du protectionnisme, la désorganisation du système financier international et le départ des capitaux britanniques et étatsuniens. Partie II. Les conséquences économiques et sociales de la crise se ressemblent mais présentent des différences importantes Aux États-Unis et en Amérique latine, les conséquences économiques de la crise sont dramatiques : effondrement de la production, faillites commerciales et industrielles, recul du commerce extérieur, crise financière et bancaire. Les conséquences sont tout aussi dramatiques au niveau social  : chômage de masse accompagné d’une paupérisation des populations qui perdent progressivement leurs sources de revenus. On peut néanmoins noter que les conséquences de la crise sont plus marquées dans les campagnes d’Amérique latine dans la mesure où l’économie y est plus axée sur la production de biens agricoles et l’exploitation des produits miniers. Les conséquences politiques diffèrent aussi. Si aux ÉtatsUnis la crise économique favorise la victoire de Roosevelt et de la gauche, en Amérique latine elle s’accompagne d’une multiplication des coups d’État. La démocratie reste solide aux États-Unis, mais elle vacille dans un continent latino-américain tenté par les dictatures.

CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux

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En Amérique latine, l’apparition d’un chômage de masse qui touche indistinctement les travailleurs agricoles et les salariés urbains entraîne une dégradation du climat social avec une multiplication des grèves et des conflits dans les entreprises et les exploitations agricoles. En Europe comme aux États-Unis, les marches de chômeurs, qui se multiplient, témoignent de la détresse d’un monde du travail durement affecté par la réduction massive de l’emploi.

Aux États-Unis et en Amérique latine, le libéralisme est mis en cause et l’État fortement mobilisé pour sortir de la crise. En Amérique latine, les gouvernements rompent avec la logique du développement extraverti axé sur les cultures d’exportation. Ils s’efforcent de favoriser la naissance d’industries nationales dans le cadre de politiques de substitution aux importations. Pour canaliser les mouvements sociaux qui se multiplient, ils s’efforcent d’intégrer les classes populaires par l’exercice d’un contrôle de l’État sur les syndicats (Brésil) ou par la création de partis politiques populistes, proches du gouvernement (Argentine, Colombie). Les États-Unis se distinguent par l’ampleur de la politique du New Deal mise en place par Roosevelt. L’État régule le marché, finance des grands travaux pour donner du travail à la population et met en place l’embryon d’un État-providence

Deuxième partie : analyse de document Introduction Il faut présenter Franklin Delano Roosevelt, faire remarquer que c’est un discours prononcé lors de la campagne présidentielle de 1932, trois années après le déclenchement de la crise. L’analyse peut se mener en deux parties autour de deux idées principales : I. La crise de 1929 plonge les États-Unis dans une situation économique et sociale désastreuse l. 6 à 12 : Roosevelt évoque les mécanismes de la crise économique ; vous pouvez faire remarquer qu’il n’évoque pas ici le krach boursier. Il fait référence aux conséquences sociales de la crise dans les campagnes : l. 14-17, il parle de « sans-emplois », de « fermes abandonnées ». II. La crise de 1929 doit pousser les dirigeants à mettre en œuvre des solutions nouvelles et volontaristes : l’annonce du New Deal Roosevelt note que les questions économiques sont un enjeu majeur de l’élection présidentielle de 1932 (l. 5-6). Il critique la politique libérale, injuste et rétrograde selon lui, de son adversaire républicain, le président sortant Herbert Hoover (l. 2-4).

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Il évoque certains aspects de cette nouvelle politique  : « plan de conversion des terres pauvres et inutilisées… » (l. 15), « reforestation » (l. 20). Conclusion Le discours de Roosevelt a porté puisqu’il remporte une large victoire lors de l’élection présidentielle de novembre 1932 (57,4 % des voix contre 39, 6 % pour Hoover). Roosevelt va mettre en œuvre la politique annoncée avec des résultats contrastés. La situation s’améliore après 1933 mais à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la situation de 1929 n’est pas retrouvée.

p. 33

Révisions

Répondre et mémoriser 1. Qu’est-ce que le « Jeudi noir ? » Le jeudi 24 octobre 1929, jour où a eu lieu le krach boursier à Wall Street. 2. Quels mécanismes entraînent la diffusion de la crise dans le monde ? Le système boursier occidental  ; le retrait des capitaux américains et britanniques  ; la montée du protectionnisme aux États-Unis ; la fin du système de l’étalon-or. 3. Citez quatre pays particulièrement touchés par la crise dans le monde. Les États-Unis, l’Allemagne, la France, le Brésil. 4. Quelle est la principale conséquence sociale de la crise ? L’apparition d’un chômage de masse. 5. Donnez la définition de « coup d’État ». Renversement d’un pouvoir politique légitime de manière illégale. 6. Quel rôle économique doit jouer l’État selon Roosevelt ? L’État doit être très actif en régulant le marché et en finançant des grands travaux pour moderniser le pays et donner du travail aux chômeurs. 7. Quel bilan peut-on établir du New Deal ? Un bilan contrasté car la situation s’améliore après 1933 mais, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis n’ont pas retrouvé la situation économique et sociale qui existait avant la crise.

Il annonce le New Deal (l. 30-33) qu’il présente comme une « croisade ».

8. En quelle année la France est-elle touchée par la crise ? La crise est relativement tardive puisqu’elle ne touche la France qu’à partir de 1931.

La gravité de la situation est telle qu’il invite, usant d’une rhétorique guerrière, les Américains à «  prendre les armes ».

9. Comment se nomment les accords signés entre le patronat et le monde ouvrier en France le 8 juin 1936 ? Ce sont les accords Matignon.

Il met en avant sa différence avec Hoover et les républicains : « Oui, j’ai un programme très clair pour créer de l’emploi… » (l. 23) puisque l’État va jouer un rôle central dans l’emploi.

10. Citez trois avancées sociales votées par le Front populaire en 1936. Les conventions collectives, les deux semaines de congés payés, la semaine de travail de 40 heures.

CHAPITRE 1 L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux

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Partie III. Les solutions adoptées ont des points communs mais divergent par leur ampleur

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Les régimes totalitaires Le point sur le programme Objectifs du chapitre

Ce chapitre vise à mettre en évidence les caractéristiques des régimes totalitaires (idéologie, formes et degrés d’adhésion, usage de la violence et de la terreur) et leurs conséquences sur l’ordre européen On peut mettre en avant les caractéristiques : – du régime soviétique ; – du fascisme italien ; – du national-socialisme allemand.

Points de passage et d’ouverture

1937-1938 : la Grande Terreur en URSS.



9-10 novembre 1938 : la nuit de Cristal.



1936-1938 : les interventions étrangères dans la guerre civile espagnole : géopolitique des totalitarismes.



L’objectif de ce chapitre est de souligner «  les caractéristiques des régimes totalitaires (idéologie, formes et degrés d’adhésion, usage de la violence et de la terreur) et leurs conséquences sur l’ordre européen  ». Il s’agit alors de mettre en avant « les caractéristiques du régime soviétique, du fascisme italien et du nationalsocialisme allemand ». Contrairement au précédent programme de la classe de Première (2010) qui demandait d’étudier ensemble les régimes totalitaires dans l’entre-deux-guerres (« genèse, points communs, spécificités »), ce nouveau programme de Terminale demande explicitement d’étudier séparément les trois formes de totalitarisme. Les points de passage et d’ouverture sont : « 1937-1938 : la Grande Terreur en URSS », « 9-10 novembre 1938 : la nuit de Cristal », « 1936-1938 : les interventions étrangères dans la guerre civile espagnole : géopolitique des totalitarismes ». Aucun point de passage et d’ouverture n’est prévu pour le totalitarisme en Italie, où la terreur fut moins intense (selon Hannah Arendt, « les condamnations politiques y furent très peu nombreuses et relativement légères »). En revanche la violence fasciste est évidemment travaillée dans le point de passage et d’ouverture sur la guerre d’Espagne. Il ne s’agit pas non plus de commencer le chapitre aux débuts de la prise de pouvoir fasciste de 1922, au basculement vers la dictature totalitaire fasciste des années 1925-1926 ou à la prise du pouvoir en URSS par Staline en 1927. Ces trois événements ne doivent être qu’évoqués sous forme de repères chronologiques, d’où l’importance des documents chronologiques dans ce chapitre.

La logique du chapitre Le chapitre propose une structure efficace pédagogiquement : une double-page d’ouverture contenant la problématique du chapitre (« Quelles sont les caractéristiques des régimes totalitaires et leurs conséquences sur l’ordre européen ? »), deux grandes et riches images ainsi qu’une frise interactive. Puis, une double-page « repères » propose deux cartes sur les régimes politiques et l’affirmation des tensions en Europe dans les années 1930. Les élèves y verront clairement la poussée des régimes autoritaires et totalitaires ainsi que la marche vers la Seconde Guerre mondiale.

Suivent un point de passage sur « les interventions dans la guerre civile espagnole », un dossier étude sur « la marche vers la guerre  » ainsi qu’une seconde leçon permettant de comprendre comment les totalitarismes mènent le monde vers la guerre. Quatre pages « exercices bac » sont proposées : deux analyses de documents et une question problématisée partiellement guidées, ainsi qu’un sujet blanc brut contenant une question problématisée (première partie) et une analyse de documents (deuxième partie) correspondant aux attentes des E3C. Le chapitre se termine par une double-page « révisions » comportant un schéma de révision synthétisant les leçons, les biographies illustrées des principaux acteurs, les dates clés, les notions à maîtriser et dix questions permettant aux élèves de commencer à réviser.

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CHAPITRE 2 Les régimes totalitaires

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Le chapitre propose ensuite un point sur le régime soviétique (étude présentant « le régime totalitaire soviétique  » puis un point de passage sur «  1937-1938  : "la Grande Terreur" en URSS  »), un dossier étude sur «  le fascisme italien », deux autres sur « l’arrivée d’Hitler au pouvoir » et sur « le régime national-socialiste », enfin un point de passage sur « 1938 : la nuit de Cristal ». Une première leçon présente alors les « trois régimes totalitaires ». Cette leçon permet aux élèves de retrouver sous une forme synthétique les éléments travaillés dans les pages précédentes.

Pour aller plus loin Bibliographie • Livres d’histoire – Johann Chapoutot, Le Nazisme. Une idéologie en actes, « Documentation photographique » n° 8 085, La Documentation française, janvier 2012. – François Godicheau, La Guerre d’Espagne, Gallimard, coll. « Découvertes », 2006. – Guy Hermet, La Guerre d’Espagne, Seuil, 1989 (rééd. 1996). – Paul Preston, Une Guerre d’extermination, Espagne, 1936-1945, Belin, 2016. – Rémi Skoutelsky, L’Espoir guidait leurs pas. Les volontaires français dans les Brigades internationales 1936-1939, Grasset, 1998. • Articles – François Godicheau, « Guerre d’Espagne : la fin des légendes », L’Histoire n° 427, septembre 2016, p. 32-61. • Romans et témoignages – Margarete Buber-Neumann, Prisonnière de Staline et d’Hitler, T. 1 : Déportée en Sibérie, 1949 ; T. 2 : Déportée à Ravensbrück, Seuil, 1988 (rééd. 2004). – Ernest Hemingway, Pour qui sonne le glas, 1940. – André Malraux, L’Espoir, 1937 (en film aussi). Films – Charlie Chaplin, Le Dictateur, 1940. – Isabelle Clarke et Daniel Costelle, Apocalypse. Hitler, 2011. – Isabelle Clarke et Daniel Costelle, Apocalypse. Staline (1re et 2e parties), 2015. – Ken Loach, Land and Freedom, 1995. – Leni Riefenstahl, Le Triomphe de la volonté, 1935. – Leni Riefenstahl, Les Dieux du stade, 1938. – Frédéric Rossif, Mourir à Madrid, 1963. Site Internet www.ina.fr

Ouverture

Cette double-page d’ouverture permet de commencer à problématiser le chapitre. La question posée ici est : « Quelles sont les caractéristiques des régimes totalitaires et leurs conséquences sur l’ordre européen ? ». L’affiche soviétique permet aux élèves de faire le lien avec le programme de Première grâce au buste de Lénine devant le drapeau rouge. Ensemble, les deux images éclairent la volonté de contrôler totalement la société mais aussi la propagande, l’embrigadement des foules, le culte du chef, la violence et la marche vers la guerre (par les uniformes et les SA du congrès de Nuremberg). La frise permet de placer les grands repères et notamment les trois points de passage et d’ouverture qui portent sur la violence de ces régimes. Des éléments clés du totalitarisme soulignés par l’historien Bernard Bruneteau (Les Totalitarismes, Armand Colin, coll. « U », 2014) apparaissent : il s’agit d’un régime souhaitant édifier «  une humanité nouvelle par l’élimination de toute différenciation au sein d’un grand Tout sacralisé (nation, race ou classe)  ». Que ce soit dans un totalitarisme de gauche ou dans un totalitarisme de droite, un culte est rendu au chef (Staline ou Hitler) par une foule censée être unanime (une classe unique à gauche, une race et une nation unique à droite). On

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peut noter toutefois que contrairement aux totalitarismes nazi et fasciste qui mettent en avant une figure seule (Hitler ou Mussolini), le totalitarisme stalinien doit faire obligatoirement référence à la figure initiatrice de Lénine, ce que l’on remarque bien sur l’affiche de propagande p. 34. Par ailleurs la photographie du congrès du parti nazi à Nuremberg fait clairement le lien entre totalitarisme nazi, embrigadement, militarisme et marche vers la guerre, association confirmée par les éléments de la frise.

pp. 36-37

Repères

Les tensions en Europe Ces deux cartes permettent de comprendre les processus en cours en Europe dans l’entre-deux-guerres : un affaiblissement politique et numérique des démocraties au profit des régimes autoritaires ou totalitaires d’une part, une marche vers la Seconde Guerre mondiale d’autre part. Les élèves doivent prendre conscience que l’espoir de paix durable forgé après 1918 disparaît peu à peu.

Réponses aux questions p. 37 Carte 1 1. Les régimes totalitaires sont l’URSS, l’Italie, l’Allemagne. Les élèves vont, en lien avec le document fourni

CHAPITRE 2 Les régimes totalitaires

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pp. 34-35

2. Démocraties au début   des années 1930 France, Royaume-Uni, Irlande, Islande, Belgique, Luxembourg, Danemark, Norvège, Suède, Finlande, Tchécoslovaquie, Albanie

Régimes   autoritaires Portugal, Espagne, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Autriche, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Yougoslavie, Grèce (+ URSS, Italie, Allemagne)

3. La dynamique globale est à l’affirmation des régimes autoritaires et totalitaires comme l’indiquent les dates d’instauration de ces régimes. Peu à peu les démocraties deviennent minoritaires en Europe et tendent à se faire remplacer par des régimes politiques forts : autoritaires, dictatoriaux ou totalitaires. Carte 2 1. L’Allemagne est alliée à l’Italie dans le cadre de l’axe Rome-Berlin (1er novembre 1936). Elle est aussi membre du pacte anti-Komintern aux côtés du Japon (1936), de l’Italie (1937), de la Hongrie et de l’Espagne (1939). Enfin elle signe un pacte de non-agression avec l’URSS le 23 août 1939. De leur côté, la France et le Royaume-Uni signent en mars 1939 une alliance garantissant l’indépendance et le soutien de la Pologne en cas d’agression militaire. 2. L’Allemagne (Rhénanie en mars 1936, Anschluss en mars 1938, Sudètes en octobre 1938, Bohême-Moravie et Memel en mars 1939), l’Italie (invasion de l’Albanie le 7 avril 1939) et la Hongrie (progressive occupation du sud de la Slovaquie entre novembre 1938 et mars 1939) réalisent des coups de force. 3. On peut parler de « marche vers la guerre » dans les années 1930 puisque les régimes autoritaires et totalitaires préparent peu à peu la guerre en tissant des alliances, en menant une politique belliciste et en n’hésitant pas à braver l’ordre international défendu par la Société des Nations (SDN), le traité de Versailles et les démocraties occidentales.

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pp. 38-39

Étude

Le régime totalitaire soviétique La double-page permet de comprendre les caractéristiques du totalitarisme soviétique dans les années 1930 : le dictateur Staline (doc. 1), le culte de la personnalité et la propagande de masse (doc. 2), la collectivisation et la volonté de forger une économie et une société communistes sans les ennemis de classe (doc. 3), la quête d’un « homme nouveau » dans les usines et les kolkhozes (doc. 5) mais aussi une résistance populaire à la collectivisation (doc. 4). Il ne faut évidemment pas croire que la théorie totalitaire est appliquée totalement et sans heurts dans les trois pays étudiés  : «  Tout totalitarisme est un totalitarisme manqué » (Michael Walzer). VIDÉO Staline assiste à une grande

parade militaire à Moscou à l’occasion du 1er mai 1937 Questionnaire 1. Quels éléments montrent la puissance de l’URSS ? L’ampleur du défilé militaire (nombre de soldats, chars, avions…). 2. Qu’est-ce qui indique l’embrigadement du peuple ? Komsomols, défilés de travailleurs, enthousiasme de la foule, panneaux de Staline, Lénine et Marx. 3. En vous aidant de vos connaissances personnelles, pourquoi la fête du 1er mai est-elle importante pour ce régime communiste ? Fête des travailleurs et journée de lutte instaurée par la IIe Internationale communiste en 1889.

Réponses aux questions p. 39 1. Staline parvient progressivement à diriger seul l’URSS. Né en Géorgie en 1879, il devient un militant bolchevique auprès de Lénine. En 1922, il est élu secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS). Après 1924, il se présente comme l’héritier de Lénine et élimine tous ses adversaires au sein du parti (Léon Trotski est chassé du PCUS en 1927, exilé en 1929 et assassiné en 1940) ou ceux qu’il accuse être des « ennemis de classe ». Ainsi en 1927 il dirige seul le parti communiste et l’URSS. Il peut alors utiliser la propagande, l’embrigadement et la surveillance comme outils de gouvernement dans un régime de terreur. 2. Staline se montre comme un chef charismatique, visionnaire et bienveillant. L’affiche de propagande de 1938 le montre comme le guide (le « Vojd ») d’un peuple enthousiaste et volontaire, qu’il s’agisse des Komsomols, de l’armée, des ouvriers et des paysans qui défilent devant lui à Moscou. Le slogan signifie «  gloire au majestueux Staline  !  ». Évidemment cette affiche de propagande a pour objectif de stimuler le culte de la personnalité. Elle tait toutes les violences commises depuis 1927, dont la Grande Terreur en cours en 1937-1938.

CHAPITRE 2 Les régimes totalitaires

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dans le livre, choisir respectivement les dates suivantes : 1917, 1922 et 1933. Pour autant les dates d’instauration des régimes totalitaires sont sujettes à débat. Certes la révolution bolchevique a lieu en 1917 et Lénine n’hésite pas à éliminer ses opposants, tandis qu’en Italie la marche sur Rome a lieu en 1922 et Hitler accède au pouvoir en Allemagne en 1933. Mais pour Hannah Arendt par exemple, l’URSS n’est totalitaire qu’à partir de 1929 avec le début de la collectivisation des terres, tandis que l’Allemagne n’est «  véritablement totalitaire que pendant la guerre qui a fourni de grandes masses humaines et rendu possibles les camps d’extermination ». D’autres chercheurs pensent qu’il faut attendre les lois fascistissimes de 1925-1926 pour parler de totalitarisme en Italie. C’est d’ailleurs en 1925 que le Duce affirme «  la farouche volonté totalitaire » fasciste.

3. Staline souhaite transformer l’économie et la société pour donner naissance à un pays pleinement marxisteléniniste. L’objectif est de façonner un Homme nouveau, totalement communiste, qu’il s’agisse du modèle kolkhozien dans les campagnes ou ouvrier en ville. Pour cela l’économie doit être transformée, planifiée, collectivisée sous la direction de l’État communiste soviétique (plan quinquennal en 1928 et collectivisation forcée en 1929). Cette mutation doit permettre de transformer l’URSS en un pays de « grande agriculture » et en « un pays industriel et puissant, parfaitement libre et indépendant des caprices du capitalisme mondial » (une grande partie du monde subit les conséquences de la crise de 1929).

(1,8  million de déportés) et la grande famine favorisée par l’État en Ukraine et au Kazakhstan en 1932-1933 (8  millions de morts). Parallèlement ont lieu de grands procès et des purges à Moscou permettant à Staline d’éliminer tous ses adversaires politiques. La population tente de résister, notamment au sud-ouest de la Russie en se révoltant, en prenant les armes pour récupérer les outils agricoles et les terres collectivisés. Mais la répression soviétique est terrible pour les ruraux, accusés d’être des koulaks, des bourgeois ennemis de la classe et réfractaires au changement.

4. La terreur stalinienne s’accentue en 1929 avec le début de la collectivisation des terres, la déportation et l’élimination des koulaks à partir de 1930 (1,8 million de déportés) et la grande famine favorisée en Ukraine et au Kazakhstan en 1932-1933 (8 millions de morts). Parallèlement ont lieu de grands procès et des purges à Moscou permettant à Staline d’éliminer tous ses adversaires politiques. La population tente de résister, notamment au sud-ouest de la Russie en se révoltant, en prenant les armes pour récupérer les outils agricoles et les terres collectivisés. Mais la répression soviétique est terrible pour les ruraux, accusés d’être des koulaks, des bourgeois ennemis de classe et réfractaires au changement.

1937-1938 : la « Grande Terreur » en URSS

L’URSS est dirigée par un dictateur communiste, Joseph Staline, au pouvoir à partir de 1927. Il se présente comme l’héritier de Lénine (qui avait déjà commencé à éliminer les «  ennemis du peuple  » dès 1917) et écarte tous ses adversaires au sein du parti (Léon Trotski est chassé du parti communiste en 1927, exilé en 1929 et assassiné en 1940) ou ceux qu’il accuse d’être des «  ennemis de classe ». Ainsi en 1927 il dirige seul le parti communiste et l’URSS. Il peut alors utiliser la propagande, l’embrigadement, la surveillance et la répression comme outils de gouvernement dans un régime de terreur. L’un de ses objectifs est de transformer l’URSS pour donner naissance à un pays totalement marxiste-léniniste. Il veut façonner un Homme nouveau, totalement communiste, correspondant au modèle kolkhozien dans les campagnes ou ouvrier en ville. L’économie doit être transformée, planifiée, collectivisée sous la direction de l’État communiste soviétique (plan quinquennal en 1928 et collectivisation forcée en 1929). Cette mutation doit permettre de transformer l’URSS en un pays de « grande agriculture » mais aussi en « un pays industriel et puissant, parfaitement libre et indépendant des caprices du capitalisme mondial » (une grande partie du monde subit alors les conséquences de la crise de 1929). Mais pour tenter de soumettre totalement le pays, Staline impose la terreur. Selon Hannah Arendt, le totalitarisme commence en 1929 en URSS avec le début de la collectivisation des terres. La terreur se prolonge avec la déportation et l’élimination des koulaks à partir de 1930

2•4

Point de passage

Pour atteindre son objectif de mainmise sur le Parti communiste d’Union soviétique et sur l’URSS, Staline exerce une terreur. Ces années 1937-1938 sont un tournant permettant de comprendre comment s’est durablement façonné l’appareil répressif soviétique. Pour autant la terreur est légitimée en URSS depuis 1922 et l’article 58 du code pénal. Cette Grande Terreur est décidée par Staline (doc. 1), elle donne lieu à des arrestations arbitraires (doc. 2) qui aboutissent à des crimes de masse (doc.  3) dans toute l’URSS (carte 4 sur les goulags et les fosses communes) et pour toutes les catégories de population (doc. 5). Le bilan du document 6 permet de souligner l’ampleur de la « purge ». VIDÉO La Grande Terreur

Questionnaire 1. Pourquoi les bourreaux du NKVD photographient-ils les victimes avant leur mise à mort ? Pour ne pas se tromper d’individus. 2. Combien de victimes sont fusillées ? 750 000 exécutés et 800 000 déportés dans les camps du Goulag. 3. Combien y a-t-il d’exécutions par jour en moyenne pendant la Grande Terreur ? 1 600 exécutions par jour pendant 500 jours. 4. Quel est l’objectif de Staline ? Purger la société soviétique de tous les mauvais éléments supposés. 5. Que font au quotidien les condamnés au Goulag ? Du travail forcé.

Réponses aux questions p. 41 Parcours 1 1. L’État soviétique met en place la Grande Terreur selon une procédure secrète. C’est en imposant un secret d’État que l’État soviétique planifie les arrestations d’opposants réels ou supposés. Les corps des victimes doivent être camouflés pour réduire la résistance populaire. La Grande Terreur donne aussi lieu à des arrestations

CHAPITRE 2 Les régimes totalitaires

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Synthèse

pp. 40-41

2. La salle applaudit Staline puisqu’une motion de fidélité au camarade Staline vient d’être adoptée par des représentants du parti dans une subdivision administrative soviétique. Le chef de la fabrique est arrêté puisqu’il a cessé le premier d’applaudir au bout de 11 minutes, ce qui est vu comme la preuve de son manque d’attachement à la politique de Staline. 3. La Grande Terreur de 1937-1938 vise les opposants réels ou supposés de Staline et de sa politique : hommes et femmes, jeunes et vieux, membres du parti communiste ou non, prolétaires ou bourgeois, militaires, paysans, soviétiques ou étrangers, innocents ou non. La Grande Terreur stalinienne peut finalement viser tout le monde… L’objectif est de purger la nouvelle société communiste des éléments perçus comme nuisibles. 4. Les victimes peuvent être jugées arbitrairement ou condamnées sans forme de procès. Elles peuvent être emprisonnées, déportées dans les camps du Goulag où elles subissent le travail forcé (construction de canaux…), tuées par le NKVD, placées dans des orphelinats lorsqu’il s’agit d’enfants de condamnés à mort, etc. Les historiens évaluent qu’1,6  million d’individus ont été arrêtés et environ 750  000 tués, de l’été 1937 jusqu’en novembre 1938.

Synthèse La Grande Terreur est organisée par Staline et l’État soviétique durant l’été 1937 selon une procédure secrète. C’est un secret d’État qui permet de planifier les arrestations des ennemis réels ou supposés de la société communiste imaginée par Staline. La Grande Terreur stalinienne est fondée sur l’exclusion et sur la croyance que la politique active et violente guidée par le chef peut changer la société. Les corps des victimes doivent être camouflés pour réduire la résistance populaire. Certains historiens pensent que « la terreur serait un moyen pour le stalinisme », c’est-à-dire un outil pour Staline pour éliminer des opposants et se maintenir au pouvoir. C’est la Grande Terreur de 1937-1938 qui donne durablement à Staline des moyens répressifs jamais atteints jusqu’alors en Russie-URSS. La violence stalinienne est arbitraire. Elle est destinée à éliminer tous les adversaires réels ou supposés. La Grande Terreur donne lieu à des arrestations planifiées ou plus pragmatiques, comme le souligne le document 2

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tiré de L’Archipel du Goulag d’Alexandre Soljenitsyne. Les victimes sont variées : hommes et femmes, jeunes et vieux, membres du parti communiste ou non, prolétaires ou bourgeois, militaires, paysans, soviétiques ou étrangers, innocents ou non. La Grande Terreur stalinienne peut finalement viser tout le monde. Staline se lance dans une grande entreprise de remplacement politique des cadres soviétiques en tentant de purger la société à son avantage. La répression est de grande ampleur. Les historiens évaluent qu’1,6  million d’individus ont été arrêtés et environ 750  000 tués, de l’été 1937 jusqu’en novembre 1938. L’Armée rouge est particulièrement touchée par la violence puisque 3 maréchaux sur 5, 8 amiraux sur 9 et 14 généraux sur 16 sont tués. Ces purges fragiliseraient dangereusement l’URSS en cas de conflit armé extérieur. Des régions d’URSS sont couvertes de fosses communes ou de camps du Goulag. Pourtant certains territoires résistent particulièrement à la Grande Terreur, à l’ouest de la Russie.

Parcours 2 Le développement peut être le même que la synthèse du parcours 1.

pp. 42-43

Étude

Le fascisme italien Si certains intellectuels comme Hannah Arendt estimaient que le fascisme n’était pas un totalitarisme, les historiens d’aujourd’hui démontrent le contraire. D’ailleurs Benito Mussolini utilise pleinement le terme « totalitaire », pour justifier notamment la mort du socialiste Giacomo Matteotti en 1924 par l’apologie de l’État totalitaire fasciste. Pour autant il est vrai que la répression est moindre qu’en URSS ou qu’en Allemagne et que l’Italie bénéficie du contrepoids de l’Église et de la monarchie, permettant de réduire la volonté totalitaire fasciste. Par la chronologie et le document 1, l’élève est à même de comprendre l’origine du régime fasciste ainsi que les éléments clés de la vie de Mussolini. La doctrine fasciste (doc. 2) et son implication dans la vie quotidienne italienne sont présentées, notamment son implication économique en lien avec la crise de 1929 étudiée dans le chapitre 1 (doc. 3). La page de droite porte davantage sur l’embrigadement (doc. 4), la dimension nationale du fascisme (doc. 5) et la propagande militariste (doc. 6).

Réponses aux questions p. 43 1. L’union nationale est fondamentale pour les fascistes car ceux-ci pensent que la nation italienne, guidée par Mussolini, est supérieure aux autres nations. Les fascistes sont donc guidés par le nationalisme et la volonté de créer « les Italiens nouveaux » sans clivages de classes mais à partir d’un « regroupement des Italiens » (doc. 5). Les fascistes se perçoivent «  au service de la nation  » (doc. 5). En cela, le fascisme s’inscrit dans la continuité de l’union nationale de la Première Guerre mondiale.

CHAPITRE 2 Les régimes totalitaires

Histoire Tle © Hatier, 2020.

et éliminations plus pragmatiques comme le souligne le document 2. Cette terreur stalinienne est fondée sur l’exclusion et sur la croyance qu’une action politique violente guidée par le chef peut changer la société. Bernard Bruneteau rappelle que « la terreur serait un moyen pour le stalinisme, une finalité pour le nazisme » (Les Totalitarisme, 2014)  : ce serait un outil permettant à Staline d’éliminer des opposants et de se maintenir au pouvoir. Comme l’écrit Jean-Lambert Tallien, adversaire de Maximilien de Robespierre pendant la Révolution, « la terreur ne peut être utile qu’à la minorité qui veut opprimer la majorité ».

3. Le fascisme s’oppose à la démocratie (puisque pour les fascistes la majorité ne possède ni la raison ni la légitimité à gouverner, contrairement à une minorité agissante), au socialisme (dont l’idéologie repose sur la lutte des classes, surtout dans sa forme radicale communiste). Le fascisme s’oppose donc aux démocraties occidentales telles que la France ou le Royaume-Uni, ainsi qu’à l’URSS. 4. Le régime fasciste tente d’embrigader les Italiens dès le plus jeune âge : groupement des Balillas de 8 à 14 ans, poids du Parti national fasciste, affiches de propagande, culte du chef, surveillance et répression. 5. Le régime fasciste est fondamentalement agressif. Sa devise est « croire, obéir, combattre », son idéologie est profondément militariste et belliciste (« le fascisme repousse le pacifisme. Seule la guerre porte au maximum de tension toutes les énergies humaines et imprime un sceau de noblesse aux peuples qui l’affrontent », doc. 2). À l’intérieur du pays, la police politique OVRA (Organisation de vigilance et de répression de l’antifascisme) mène la répression.

Synthèse Le régime totalitaire italien est une dictature dirigée par Benito Mussolini. Il devient président du Conseil italien en 1922 et proclame les « lois fascistissimes » en 19251926 qui instaurent un État totalitaire de droite. C’est à l’État dirigé par Mussolini de guider totalement la politique, l’économie, la société dans le pays. « Pour le fasciste, tout est dans l’État… En ce sens, le fascisme est totalitaire » (doc. 2) selon Mussolini. Une autre formule plus ancienne de Mussolini confirme ce texte  : «  Tout pour l’État, rien hors de l’État, rien contre l’État  » (discours de 1927). Son idéologie valorise la nation italienne. L’union nationale est fondamentale car Mussolini pense que la nation italienne est supérieure aux autres nations. Les fascistes sont donc guidés par le nationalisme et la volonté de créer « les Italiens nouveaux » sans clivages de classes mais à partir d’un « regroupement des Italiens » (doc. 5). Ils se perçoivent « au service de la nation » (doc. 5). En cela, le fascisme s’inscrit dans la continuité de l’union nationale de la Première Guerre mondiale. Le régime fasciste tente d’embrigader les Italiens dès le plus jeune âge : groupement des Balillas de 8 à 14 ans, poids du Parti national fasciste, affiches de propagande, culte du chef, surveillance et répression menée par l’OVRA. Ce régime est fondamentalement agressif.

2•6

Sa devise est « croire, obéir, combattre », son idéologie est profondément militariste et belliciste (« le fascisme repousse le pacifisme. Seule la guerre porte au maximum de tension toutes les énergies humaines et imprime un sceau de noblesse aux peuples qui l’affrontent » (doc. 2). Ainsi le fascisme s’oppose aux démocraties occidentales telles que la France ou le Royaume-Uni (imprégnées de pacifisme) mais aussi à l’URSS communiste marquée par la lutte des classes.

pp. 44-45

Étude

L’arrivée d’Hitler au pouvoir Cette double-page permet de comprendre comment les nazis obtiennent tous les pouvoirs en Allemagne. La chronologie et la biographie d’Hitler (doc. 1) explicitent l’accession au pouvoir du dictateur. Son idéologie raciste, eugéniste, antisémite et militariste est présentée dans le document 2. La violence du NSDAP (doc. 3) ainsi que le rapport entre la crise économique et les succès électoraux nazis (doc. 4) font le lien avec la nomination d’Hitler à la chancellerie (doc. 5) et l’établissement rapide de la dictature (doc. 6).

Réponses aux questions p. 45 1. Hitler s’engage en politique après la Première Guerre mondiale parce que, ancien soldat sur le front, il est indigné par l’armistice et le traité de Versailles (mythe du « coup de poignard dans le dos »). 2. Les nazis souhaitent lutter contre tous ceux qui ne correspondent pas à leurs critères raciaux aryens. Ils s’attaquent particulièrement aux Juifs et aux marxistes parce qu’ils représentent pour eux le métissage, l’internationalisme et « la destruction raciale de l’Allemagne » à l’origine de la défaite de 1918. Hitler développe une pensée raciste  : il «  ne croit nullement à l’égalité des races  » (doc. 2). Les Aryens auraient créé la civilisation mais les populations jugées inférieures souhaiteraient la détruire. C’est pourquoi les nazis refusent le métissage et souhaitent l’acquisition d’un espace vital permettant au peuple allemand d’assurer ses moyens d’existence. Les historiens estiment que le nazisme est un mouvement « biopolitique », c’est-à-dire défenseur d’une vision biologique du citoyen et de la nation. 3. Plus les chiffres du chômage augmentent –  en lien avec la crise de 1929 – plus les résultats électoraux nazis s’accroissent, passant de 2,6 % en 1928 à 37,7 % en 1932 car les partis républicains au pouvoir (SPD, parti démocrate PPD, le centre catholique du Zentrum et le parti populiste du DVP) ne réussissent pas à résoudre le chômage et la crise économique. Au contraire, le NSDAP promet un programme de lutte contre le chômage et la crise économique. 4. Les nazis accèdent au pouvoir légalement par le biais des élections législatives. À partir de 1932, le NSDAP est le premier parti au parlement. Le pré-

CHAPITRE 2 Les régimes totalitaires

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2. L’État fasciste est totalitaire comme l’explique Mussolini : « Pour le fasciste, tout est dans l’État… En ce sens, le fascisme est totalitaire » (doc. 2). C’est à l’État de guider totalement la politique, l’économie, la société dans le pays. Ainsi Mussolini lance des « batailles économiques » pour répondre à la crise de 1929 (assainissement de marais, mise en valeur agricole notamment céréalière, urbanisation, chantiers ferroviaires et autoroutiers…).

5. Hitler transforme la république de Weimar en dictature en faisant passer des ordonnances et des lois  : le 28 février 1933 les libertés individuelles sont limitées en Allemagne, le 24 mars les lois du Reich peuvent déroger à la Constitution, le 14 juillet le NSDAP devient le parti unique et, à la mort du président Hindenburg, Hitler est seul au pouvoir et se proclame Reichsführer.

Synthèse Les nazis parviennent à contrôler rapidement tous les pouvoirs en Allemagne. Jeune parti fondé en 1920 par Adolf Hitler indigné par l’armistice et le traité de Versailles, le NSDAP propose une idéologie raciste. C’est un mouvement «  biopolitique  », c’est-à-dire défenseur d’une vision biologique du citoyen et de la nation. Les nazis souhaitent lutter contre tous ceux qui ne correspondent pas à leurs critères raciaux aryens. Ils pensent trouver les causes de la défaite de 1918 dans le métissage et la dégénérescence raciale allemande. Ils s’attaquent particulièrement aux Juifs et aux marxistes parce qu’ils représentent pour eux le mélange des races, les apatrides, l’internationalisme et « la destruction raciale de l’Allemagne ». Hitler « ne croit nullement à l’égalité des races  ». Les Aryens auraient créé la civilisation, les populations jugées inférieures souhaiteraient la détruire. C’est pourquoi les nazis refusent le métissage et souhaitent l’acquisition d’un espace vital permettant au peuple allemand d’assurer ses moyens d’existence. Dans un contexte de crise économique et sociale intense, le NSDAP conquiert démocratiquement le pouvoir. Les partis républicains au pouvoir (SPD, PPD du parti démocrate, le centre catholique du Zentrum et le parti populiste du DVP) ne réussissent pas à résoudre le chômage et la crise économique. De son côté, le NSDAP promet un programme radical de lutte contre le chômage et la crise économique. Ainsi plus les chiffres du chômage augmentent –  en lien avec la crise de 1929  : 600 000 chômeurs en 1928 et 6 millions en 1932 – plus les résultats électoraux nazis s’accroissent, passant de 2,6  % en 1928 à 37,7  % en 1932. Les nazis parviennent alors à instaurer une dictature en accédant légalement au pouvoir par le biais des élections législatives. À partir de 1932, le NSDAP est le premier parti au parlement. Le président de la République Hindenburg nomme alors Hitler chancelier, c’est-à-dire chef du gouvernement allemand, le 30 janvier 1933. Rapidement la dictature est instaurée. Les nazis peuvent s’appuyer sur une intense violence physique, verbale et

2•7

psychologique. Les SA commettent de nombreux actes d’intimidation et de violence à l’encontre des adversaires politiques dans les rues allemandes. Les adversaires politiques sont éliminés dans des camps de concentration dès mars 1933. Hitler fait passer des ordonnances et des lois antidémocratiques : le 28 février 1933 les libertés individuelles sont limitées dans le pays, le 24 mars les lois du Reich peuvent déroger à la Constitution, le 14 juillet 1933 le NSDAP devient le parti unique et, à la mort du président Hindenburg, Hitler est seul au pouvoir et se proclame Reichsführer.

pp. 46-47

Étude

Le régime national-socialiste L’étude du régime nazi doit être approfondie ici pour bien comprendre la suite de l’histoire et particulièrement le chapitre 3 sur la Seconde Guerre mondiale. Les documents répondent à la question  : «  En quoi le IIIe  Reich est-il un régime totalitaire et antisémite  ?  ». Le document 1 montre le culte de la personnalité, le militarisme nationaliste et la quête de l’espace vital. Des lois antisémites (doc. 2), l’éducation de la jeunesse (doc. 3 et 4), la fanatisation des foules (doc. 5) ainsi que la violence contre les adversaires (doc. 6) permettent de souligner la dimension totalitaire et antisémite du régime nationalsocialiste. VIDÉO Le congrès de Nuremberg

Questionnaire 1. Combien y a-t-il de membres du parti nazi à ce congrès de Nuremberg ? Le congrès de 1935 rassemble plus de 20 000 représentants du NSDAP. 2. Quel cadeau Hitler reçoit-il ? Hitler reçoit une épée de Charlemagne. 3. Pourquoi peut-on dire qu’il s’agit d’un cadeau nationaliste ? Car cela fait le lien entre l’empire de Charlemagne et le futur empire allemand en Europe. 4. Quels éléments montrent le fanatisme et l’embrigadement des participants à ce congrès de Nuremberg ? Les défilés, l’enthousiasme collectif, les chants, la discipline collective montrent le fanatisme et l’embrigadement.

Réponses aux questions p. 47 1. Hitler organise son culte de la personnalité grâce à la propagande. L’affiche de 1935 le montre en tenue militaire, portant le drapeau à la croix gammée, devant une troupe de SA fanatisés et un ciel duquel émerge l’aigle allemand. Hitler représente clairement le guide censé conduire l’Allemagne vers la victoire. À Nuremberg, près de 500 000 membres du parti nazi sont réunis chaque année au mois de septembre pour acclamer le Führer. Ici la scénographie très travaillée montre Hitler

CHAPITRE 2 Les régimes totalitaires

Histoire Tle © Hatier, 2020.

sident de la République Hindenburg nomme alors Hitler chancelier, c’est-à-dire chef du gouvernement allemand le 30 janvier 1933. Pour autant, la violence physique, verbale et psychologique des nazis est intense dans ces années de conquête du pouvoir. Les SA commettent de nombreux actes d’intimidation et de violence à l’encontre des adversaires politiques dans les rues allemandes.

2. Le IIIe Reich cherche à embrigader la population grâce à un programme éducatif nazi et à des outils de surveillance. Dans son souci de régénérer la race aryenne, Hitler veut que la jeunesse allemande soit essentiellement athlétique mais peu intellectuelle. Les Jeunesses hitlériennes doivent façonner les jeunes allemands selon des principes militaires et sportifs. Sur le document  4 nous voyons des membres des Jeunesses hitlériennes qui chassent des «  êtres nuisibles  » répondant aux clichés physiques antisémites des nazis. Après 1934, il est très difficile pour les parents de ne pas envoyer leurs enfants dans cette association, sous peine de passer pour des opposants au régime nazi. Au-delà des Jeunesses hitlériennes, les nazis surveillent l’éducation des jeunes allemands dans la famille, à l’école, dans toutes les autres associations de jeunesse (par exemple la Ligue des jeunes filles allemandes) et à l’armée. Le cœur du message est que les nazis pourront régénérer l’Allemagne. 3. Le IIIe Reich est fondamentalement militariste puisque la jeunesse doit être formée selon des cadres militaires (Jeunesses hitlériennes). Par ailleurs la SA est structurée comme une organisation paramilitaire dotée d’un état-major, d’un uniforme, etc. Enfin Hitler se considère comme un chef militaire à la tête d’un peuple allemand invincible. 4. Les Juifs sont peu à peu exclus de la société allemande par des lois antisémites couplées à des persécutions qui commencent dès 1933. Le 1er avril 1933, une campagne de boycott des boutiques juives est lancée par Goebbels. Le 7  avril 1933, les non-Aryens sont exclus de la fonction publique. Cette loi définit comme aryen celui dont les quatre grands-parents ne sont pas juifs. Mais les principales lois antisémites sont celles de septembre 1935 : « lois de Nuremberg » (les Allemands juifs perdent notamment leur nationalité, les mariages ou les relations sexuelles entre Juifs et Aryens sont interdits) et les ordonnances proclamées de juillet à novembre 1938. 5. Le IIIe Reich est un régime répressif puisqu’il enferme dans des camps de concentration ses opposants réels ou supposés. Le premier camp de concentration est ouvert en Bavière à Dachau dès le 20 mars 1933. Le 21 mars un tribunal spécial est créé pour juger les crimes politiques et dès le 10 mai ont lieu les premiers autodafés de livres déconsidérés par les nazis.

Synthèse Le IIIe Reich est un régime totalitaire et antisémite. Il est d’abord structuré par l’admiration du Führer. Hitler organise son culte de la personnalité grâce à la propagande.

2•8

L’affiche de 1935 le montre en tenue militaire, portant le drapeau à la croix gammée, devant une troupe de SA fanatisés et un ciel duquel émerge l’aigle allemand. Cette image annonce le triomphe futur. Hitler représente clairement le guide censé amener l’Allemagne vers la victoire. À Nuremberg, près de 500 000 membres du parti nazi sont réunis chaque année au mois de septembre pour acclamer le Führer. La scénographie très travaillée montre Hitler comme le chef naturel et incontesté d’une Allemagne fanatisée. De telles mises en scène sont fréquentes en Allemagne sous l’action du ministère de la Culture et de la Propagande créé dès mars 1933 et dirigé par Joseph Goebbels. Ainsi la culture officielle diffusée est nazie. La volonté d’encadrement idéologique est totale. Le IIIe Reich cherche à embrigader la population grâce à un programme éducatif nazi et à des outils de surveillance. Dans son souci de régénérer la race aryenne, Hitler veut que la jeunesse allemande soit essentiellement athlétique et fort peu intellectuelle. Les Jeunesses hitlériennes doivent façonner les Allemands selon des principes militaires et sportifs. Sur le document  4 nous voyons des membres des Jeunesses hitlériennes qui chassent des « êtres nuisibles » répondant aux clichés physiques antisémites des nazis. Après 1934, il est très difficile pour les parents de ne pas envoyer leurs enfants dans cette association, sous peine de passer pour des opposants au régime nazi. Au-delà des Jeunesses hitlériennes, les nazis surveillent l’éducation des jeunes allemands dans la famille, à l’école, dans toutes les autres associations de jeunesse (Ligue des jeunes filles allemandes) et à l’armée. Le cœur du message est que les nazis pourront régénérer l’Allemagne. Pour élaborer «  l’Homme nouveau  », Hitler agit en excluant et en réprimant. Les opposants réels ou supposés sont enfermés dans des camps de concentration (opposants politiques communistes ou sociaux-démocrates, Juifs, Tsiganes, homosexuels…). Le premier camp de concentration est ouvert en Bavière à Dachau dès le 20 mars 1933. Le 21 mars un tribunal spécial est créé pour juger les crimes politiques et dès le 10 mai ont lieu les premiers autodafés de livres déconsidérés par les nazis. Les Juifs sont peu à peu exclus de la société allemande par des lois antisémites couplées à des persécutions qui commencent dès 1933. Le 1er avril 1933 une campagne de boycott des boutiques juives est lancée par Goebbels. Le 7 avril 1933 les non-Aryens sont exclus de la fonction publique. Cette loi définit comme aryen celui dont les quatre grands-parents ne sont pas juifs. Mais les principales lois antisémites sont celles de septembre 1935 (« lois de Nuremberg ») et les ordonnances proclamées de juillet à novembre 1938.

pp. 48-49

Point de passage

1938 : la nuit de Cristal Ce point de passage et d’ouverture éclaire sur le fonctionnement et la nature profonde du IIIe Reich. Il explique

CHAPITRE 2 Les régimes totalitaires

Histoire Tle © Hatier, 2020.

comme le chef naturel et incontesté d’une Allemagne fanatisée. De telles mises en scène sont fréquentes en Allemagne sous l’action du ministère de la Culture et de la Propagande créé dès mars 1933 et dirigé par Joseph Goebbels. Aussi la culture officielle diffusée dans le pays est-elle nazie.

comment se déroule la persécution des Juifs lors de la nuit de Cristal du 9-10 novembre 1938. Le prétexte de l’attentat contre Ernst vom Rath (doc. 1) est à lire avant de constater la violence du pogrom (doc. 2, 3, 4, 5, 6). Une chronologie permet à l’élève de bien comprendre l’enchaînement des faits. VIDÉO La nuit de Cristal

Questionnaire 1. Que se passe-t-il le 7 novembre 1938 ? Ernst vom Rath est assassiné par le Juif polonais Herschel Grynszpan dont la famille habitant en Allemagne vient d’être expulsée. 2. Que se passe-t-il dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 ? Un vaste pogrom se déroule en représailles contre les Juifs d’Allemagne  : synagogues, appartements, magasins pillés, presqu’une centaine de morts, environ 30 000 déportés. 3. Pourquoi peut-on parler d’une manipulation des nazis à l’occasion de la nuit de Cristal ? Hitler utilise l’assassinat de vom Rath comme un prétexte à ce pogrom et il tente de faire croire à une manifestation spontanée des Allemands contre les Juifs. 4. Quelles sont les conséquences de la nuit de Cristal pour les Juifs en Allemagne ? Durcissement dans l’acharnement antisémite du IIIe Reich pour isoler et exclure les Juifs d’Allemagne.

Réponses aux questions p. 49 Parcours 1 1. La nuit de Cristal du 9-10 novembre 1938 a plusieurs causes  : fondamentalement l’antisémitisme profond du IIIe Reich et précisément l’attentat commis sur le secrétaire à l’ambassade d’Allemagne à Paris (Ernst vom Rath) le 7 novembre 1938 par un jeune Juif polonais (Herschel Grynszpan). Cet acte sert de prétexte au déclenchement d’un pogrom organisé par Goebbels contre les Juifs allemands. 2. Cette violence est surtout commise par les SS et les SA, en civil ou en uniforme. L’idée de Hitler était d’essayer d’entraîner la population allemande dans une émeute populaire antisémite spontanée. 3. Lors de ce pogrom, des synagogues, des boutiques, des grands magasins, des appartements possédés par des Juifs sont arbitrairement incendiés ou détruits. 91 Juifs sont tués tandis que de nombreux autres sont blessés, emprisonnés et torturés. Un climat de terreur physique et psychologique s’installe durablement en Allemagne. 4. À la suite de cette nuit de Cristal, plus de 30 000 Juifs innocents sont déportés dans des camps de concentration. Les Juifs qui survivent à ce pogrom doivent payer une contribution inique d’un milliard de reichsmarks imposée par Hitler. De nombreux Juifs, pris de peur, décident dès lors d’émigrer pour quitter cette Allemagne antisémite et répressive (multiplication par deux du nombre de Juifs émigrés entre 1938 et 1939).

Synthèse

Antisémitisme du IIIe Reich et dynamique d’exclusion des Juifs étrangers (exclusion de plus de 16 000 Juifs polonais en octobre 1938)



Attentat à Paris contre vom Rath le 7 novembre 1938





91 morts, nombreux blessés, prisonniers, torturés.



Synagogues, boutiques, grands magasins, appartements détruits





Jours suivants : plus de 30 000 déportés dans des camps de concentration



Contribution d’1 milliard de reichmarks payée par les Juifs (12 novembre 1938)





2•9

CHAPITRE 2 Les régimes totalitaires

Organisation du pogrom par l’État nazi

Organisation du pogrom par l’État nazi

Organisation du pogrom par l’État nazi

Climat de terreur et hausse de l’émigration juive

Histoire Tle © Hatier, 2020.



Parcours 2

Réponses aux questions p. 53

La nuit de Cristal du 9-10 novembre 1938 est un pogrom organisé par l’État nazi et notamment par Hitler et Goebbels. Il a plusieurs causes  : fondamentalement l’antisémitisme profond du IIIe  Reich et précisément l’attentat commis contre le secrétaire de l’ambassade d’Allemagne à Paris (Ernst vom Rath) le 7 novembre 1938 par un jeune Juif polonais (Herschel Grynszpan).

Parcours 1

Ce pogrom donne lieu à un déferlement de violence mais la majorité des Allemands n’y participe pas. Des synagogues, des boutiques, des grands magasins, des appartements possédés par des Juifs sont arbitrairement incendiés ou détruits. 91 Juifs sont tués tandis que de nombreux autres sont blessés, emprisonnés et torturés. Un climat de terreur physique et psychologique s’installe durablement en Allemagne. Le bilan et les conséquences sont dramatiques pour les Juifs. À la suite de cette nuit de Cristal, plus de 30  000 Juifs innocents sont déportés dans des camps de concentration. Les Juifs qui survivent à ce pogrom doivent payer une contribution arbitraire d’un milliard de reichsmarks imposée par Hitler. De nombreux Juifs, pris de peur, décident alors d’émigrer pour quitter cette Allemagne antisémite et répressive (multiplication par deux du nombre de Juifs émigrés entre 1938 et 1939).

pp. 52-53

Point de passage

Les interventions dans la guerre civile espagnole (1936-1939) Les trois totalitarismes sont issus plus ou moins directement de la Première Guerre mondiale. Ils s’inscrivent dans un culte de la violence et se transforment rapidement en idéocraties (Waldemar Gurian, 1953), c’est-à-dire en des régimes cherchant à appliquer leur idéologie coûte que coûte. La guerre d’Espagne (1936-1939) offre la possibilité aux trois régimes totalitaires de s’engager militairement dans la défense de leurs idéologies et aux totalitarismes fasciste et nazi de préparer la Seconde Guerre mondiale. Cette guerre d’Espagne permet aussi de mettre en parallèle la victoire des franquistes avec la faillite des démocraties en Occident. L’intervention des volontaires des Brigades internationales cesse en 1938, sur décision unilatérale du gouvernement républicain, qui tente de favoriser enfin l’intervention militaire de la France et du Royaume-Uni, méfiants à l’égard de la présence de révolutionnaires communistes dans le camp républicain espagnol. Mais c’est un échec.

2•10

2. Les fascistes italiens et les nazis allemands interviennent en raison de leur proximité idéologique avec Franco, mais aussi parce qu’ils souhaitent mettre en place un dictateur allié dans le bassin occidental de la Méditerranée, afin de réduire l’influence francobritannique en mer Méditerranée. Italiens et Allemands interviennent dès le 25  juillet 1936 en fournissant des armes (avions, chars, blindés, canons, munitions), des hommes (75  000 Italiens, 6  000 Allemands), en lançant des offensives (Baléares en 1937…) et en commettant des bombardements et exactions (Guernica le 26 avril 1937 : plus de 2 000 morts). L’aide militaire italo-allemande est décisive pour Franco et ses troupes. 3. L’URSS intervient plus tardivement que les Italo-Allemands. Son éloignement géographique, les purges au sein de l’Armée rouge qui commencent dès 1936 et la Grande Terreur lancée en 1937 ralentissent son intervention. Mais Staline organise dès le 1er octobre 1936 l’arrivée des Brigades internationales ainsi que la livraison de matériel et de cadres soviétiques du 7 octobre 1936 au printemps 1938. La France et le Royaume-Uni n’interviennent pas par pacifisme (ils refusent de déclencher une guerre mondiale) et par méfiance envers les communistes révolutionnaires qui se battent du côté du Frente Popular. En France, le socialiste et président du Conseil Léon Blum est d’abord favorable à une aide apportée à la république espagnole, mais il doit céder face à l’opposition parlementaire de la droite, de l’extrême droite et du parti radical. De son côté, le gouvernement britannique est profondément hostile au Front populaire espagnol et particulièrement au communisme. 4. Les quelque 35 000 à 40 000 combattants volontaires des Brigades internationales ont des opinions politiques variées mais leur point commun est leur refus de la victoire des franquistes. Ces combattants étrangers peuvent être socialistes, communistes, républicains modérés, anarchistes, membres ou non de partis politiques. Cette intervention des Brigades internationales ne doit pas faire oublier que les combattants étrangers ont été plus nombreux et plus efficaces du côté franquiste que du côté du Frente Popular.

CHAPITRE 2 Les régimes totalitaires

Histoire Tle © Hatier, 2020.

Cet acte sert de prétexte au déclenchement du pogrom dans les grandes villes allemandes. Cette violence est surtout commise par les SS et les SA habillés en civil ou en uniforme. L’objectif est de susciter une émeute populaire antisémite par le ralliement de la population allemande à cette action nazie.

1. Les origines de la guerre civile résident dans le refus des forces nationales catholiques menées par le général Franco d’accepter la victoire politique du Front populaire espagnol (réunissant communistes, socialistes et républicains de gauche) aux élections législatives du 16  février 1936. Le coup d’État, commencé le 17 juillet 1936 par un groupe d’officiers menés par Franco à partir du Maroc espagnol, naît dans un contexte compliqué pour la république espagnole, instaurée en 1931. La situation économique liée à la crise de 1929 est très difficile. Les réformes menées par les républicains ne permettent pas de résoudre la crise.

Synthèse La guerre d’Espagne est autant une guerre civile entre Espagnols qu’une guerre européenne. À la suite du coup d’État commis par Franco et une partie de l’armée le 17 juillet 1936 contre le gouvernement républicain du Frente Popular, les fascistes italiens et les nazis allemands interviennent dès le 25 juillet aux côtés de Franco. Italiens et Allemands sont proches idéologiquement des rebelles et souhaitent mettre en place un allié dans le bassin occidental de la Méditerranée, afin de réduire l’influence franco-britannique en mer Méditerranée. Fascistes et nazis fournissent des armes (avions, chars, blindés, canons, munitions), des hommes (75 000 Italiens, 6 000 Allemands), lancent des offensives (Baléares en 1937…), commettent des bombardements et exactions (Guernica le 26 avril 1937  : plus de 2  000 morts). L’aide militaire italo-allemande est décisive pour Franco et ses troupes qui parviennent à déborder les troupes gouvernementales espagnoles. L’aide étrangère aux républicains est moindre. L’URSS organise dès le 1er  octobre 1936 l’arrivée des Brigades internationales et la livraison de matériel et de cadres soviétiques du 7 octobre 1936 au printemps 1938. Les 35  000 à 40  000 combattants volontaires des Brigades internationales ont des opinions politiques variées mais leur point commun est leur refus de la victoire des franquistes. Ces combattants étrangers peuvent être socialistes, communistes, républicains modérés, anarchistes, membres ou non de partis politiques. La France et le Royaume-Uni gardent leur neutralité par pacifisme : ils refusent de déclencher une guerre mondiale et respectent le pacte de non-intervention du 8 août 1936. En France, le socialiste et président du Conseil Léon Blum est d’abord favorable à une aide apportée à la république espagnole mais il doit céder face à l’opposition parlementaire de la droite, de l’extrême droite et du parti radical. De son côté, le gouvernement britannique est profondément hostile au Frente popular et particulièrement au communisme. Le conflit est très violent  : plus de 600  000 soldats et civils sont tués jusqu’à la victoire finale des franquistes le 1er avril 1939. Les exactions sont commises des deux

2•11

côtés : aux annonces d’atrocités commises par les adversaires répondent des vengeances réalisées par l’autre camp. Dans les territoires aux mains des républicains, les premières victimes sont des prêtres, des propriétaires, des patrons, des militants de droite et d’extrême droite (exactions autour de Madrid…). Les franquistes favorisent l’extermination des syndicalistes, francs-maçons, élus et militants de gauche (massacre à la mitrailleuse dans les arènes de Badajoz du 15 au 17 août 1936…). On estime que l’épuration commise par les républicains a fait près de 50 000 victimes, celle des franquistes entre 130 000 et 150 000 victimes.

Parcours 2 La présentation orale reprend en grande partie les informations contenues dans la synthèse du parcours 1. Arguments

Informations tirées des documents

L’insurrection franquiste soutenue par les fascistes et les nazis

• Insurrection des 17-18 juillet 1936 • Italie : 75 000 hommes, 700 avions, 170 blindés, 1 000 canons et munitions • Allemagne : 6 000 hommes, 800 avions, 120 blindés, 600 canons et munitions • Proximité idéologique entre dictatures • Offensives importantes : Baléares, Pays basque, Andalousie, Madrid • Préparation, entraînement, test de l’armement et des tactiques en vue de la future guerre mondiale

Les républicains et leurs soutiens

• URSS, par proximité idéologique avec les communistes espagnols : 2 000 hommes, 670 avions, 500 blindés, 1 500 canons et armements • Brigades internationales : communistes, socialistes, républicains modérés, sans parti… mais opposés aux franquistes, fascistes et nazis. Près de 40 000 volontaires à l’armement insuffisant • Rôle important pour défendre Madrid ou Barcelone.

La violence de la guerre et la victoire franquiste finale

• Exactions des deux côtés : bombardements civils et mises à mort arbitraires • Avril 1937 : Guernica bombardée par l’aviation allemande et italienne • Fin 1937 : la moitié de l’Espagne est aux mains des franquistes • 1939 : derniers bastions républicains en Nouvelle-Castille et Catalogne • 1er avril 1939 : victoire finale de Franco • Plus de 600 000 morts soldats et civils en tout

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Étude

La marche vers la guerre La dernière double-page d’étude mène à la veille de la Seconde Guerre mondiale à l’aide d’une chronologie,

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5. Le conflit est très violent : plus de 600 000 soldats et civils sont tués jusqu’à la victoire finale des franquistes le 1er avril 1939. Des exactions sont commises des deux côtés : aux annonces d’atrocités commises par les adversaires répondent des vengeances réalisées par l’autre camp. Dans les territoires aux mains des républicains, les premières victimes sont des prêtres, des propriétaires, des patrons, des militants de droite et d’extrême droite (exactions autour de Madrid dès l’été 1936…). Les franquistes favorisent l’extermination des syndicalistes, francs-maçons, élus et militants de gauche (massacre à la mitrailleuse dans les arènes de Badajoz du 15 au 17 août 1936…). On estime que l’épuration commise par les républicains a fait près de 50 000 victimes, celle des franquistes entre 130 000 et 150 000 victimes.

Réponses aux questions p. 55 1. Selon Hitler, la guerre est nécessaire car tous les germanophones («  85  millions d’hommes  ») doivent être réunis en un même pays, au sein d’un «  espace vital  » «  vaste  » à conquérir. Seule «  la violence  » pourra « apporter une solution au problème allemand ». Grâce à son armée moderne, le IIIe  Reich se tient prêt à agir rapidement pour éviter l’obsolescence de ses armes et le renforcement militaire de ses adversaires. La référence aux autres pays qui «  se barricadent  » renvoie directement à la ligne Maginot française (commencée en 1928-1929 et achevée en 1939) destinée à protéger la France de toute invasion allemande. 2. Entre mai 1936 et le 1er septembre 1939, les coups de force réalisés par Mussolini sont l’annexion de l’Éthiopie le 9 mai 1936 et de l’Albanie le 7 avril 1939. De son côté, après avoir remilitarisé la Rhénanie le 7 mars 1936, Hitler annexe l’Autriche le 12 mars 1938, la région des Sudètes le 1er octobre 1938 (en Tchécoslovaquie), la Bohême-Moravie le 15 mars 1939 ainsi que le territoire de Memel le 22 mars 1939. 3. Les démocraties occidentales laissent faire dans une logique d’apaisement destinée à éviter tout nouveau conflit mondial. Ainsi, en septembre 1938, lors de la conférence de Munich réunissant Hitler, Mussolini, Chamberlain (Premier ministre britannique) et Daladier (président du Conseil français), ni le Royaume-Uni ni la France ne souhaitent, par pacifisme, déclencher une guerre mondiale pour «  une petite nation  » comme celle des Tchécoslovaques, habitant un territoire si lointain. Il s’agit d’une démission des grandes démocraties occidentales qui refusent la défense de l’ordre mondial instauré après 1918. 4. En 1939, des alliances sont prêtes en cas de conflit mondial. L’Allemagne et l’Italie sont alliées au sein de l’axe Rome-Berlin. Le Japon, l’Allemagne, l’Italie, la Hongrie et l’Espagne font partie du pacte anti-Komintern destiné à empêcher l’expansion du communisme et de l’URSS. Enfin l’Allemagne et l’URSS sont alliées par le pacte germano-soviétique de non-agression du 23 août 1939. De leur côté, la France et le Royaume-Uni font partie depuis mars 1939 d’une alliance garantissant l’indépendance et le soutien de la Pologne en cas d’agression militaire. 5. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne nazie vise d’autres cibles : la Pologne et Dantzig. Par ailleurs Hitler, dans son livre Mein Kampf (1925), énonce clairement la nécessité de soumettre militairement la France et le Royaume-Uni pour permettre au peuple aryen d’obtenir durablement son espace vital.

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Synthèse Les totalitarismes entraînent l’Europe dans la guerre en commettant des coups de force. Parmi les trois pays totalitaires, le plus radical est l’Allemagne. Selon Hitler, la guerre est nécessaire car tous les germanophones («  85  millions d’hommes  ») doivent être réunis en un même pays, au sein d’un «  espace vital  » «  vaste  » à conquérir. Seule «  la violence  » pourra «  apporter une solution au problème allemand  » (doc. 1). Grâce à son armée moderne, le IIIe  Reich se tient prêt à agir rapidement. Après avoir remilitarisé la Rhénanie le 7 mars 1936, Hitler annexe l’Autriche le 12 mars 1938, la région des Sudètes le 1er octobre 1938 (en Tchécoslovaquie), la Bohême-Moravie le 15 mars 1939 ainsi que le territoire de Memel le 22 mars 1939. De son côté, Mussolini annexe l’Éthiopie le 9 mai 1936 et l’Albanie le 7 avril 1939. Les démocraties française et britannique se montrent faibles. Elles ne se donnent pas les moyens de stopper la marche vers la guerre mondiale. La France et le Royaume-Uni laissent faire dans une logique d’apaisement destinée à éviter tout nouveau conflit mondial. Ainsi, en septembre 1938, lors de la conférence de Munich réunissant Hitler, Mussolini, Chamberlain (Premier ministre britannique) et Daladier (président du Conseil français), ni le Royaume-Uni ni la France ne souhaitent, par pacifisme, déclencher une guerre mondiale pour « une petite nation » comme celle des Tchécoslovaques, habitant un territoire si lointain. Il s’agit d’une démission des grandes démocraties occidentales qui refusent la défense de l’ordre mondial instauré après 1918. Ainsi à la veille de la guerre, les alliances militaires sont prêtes en cas de conflit mondial. L’Allemagne et l’Italie sont réunies au sein de l’axe Rome-Berlin. Le Japon, l’Allemagne, l’Italie, la Hongrie et l’Espagne font partie du pacte anti-Komintern destiné à empêcher l’expansion du communisme et de l’URSS. Enfin l’Allemagne et l’URSS sont alliées par le pacte germano-soviétique de non-agression du 23 août 1939. De leur côté, la France et le Royaume-Uni font partie depuis mars 1939 d’une alliance garantissant l’indépendance et le soutien de la Pologne en cas d’agression militaire.

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Exercices BAC

Analyse de document p. 58 Introduction Ce document est un texte rédigé en 1938 par le prêtre catholique et professeur de philosophie italien, Luigi Sturzo (1871-1959). C’est un observateur clé du totalitarisme puisqu’il est le premier à parler d’une « conception totalitaire de l’État  » en 1922, dans ce pays touché de plein fouet par la crise économique, sociale et politique de l’entre-deux-guerres. Adversaire déclaré du président du Conseil Mussolini, Sturzo est contraint à l’exil en 1924 car sa vie est menacée. Mais il poursuit sa réflexion et met en parallèle les trois totalitarismes soviétique, fas-

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du projet militariste hitlérien (doc. 1), d’une carte de la politique nazie agressive (doc. 2), de la préparation du camp de l’Axe à l’affrontement armé avec leurs adversaires (doc. 3 et 4), d’un document présentant la faillite des démocraties et du camp de la paix à Munich en 1938 (doc. 5), enfin du pacte de non-agression germano-soviétique du 23 août 1939.

Partie I. Un régime totalitaire est contrôlé par un pouvoir central absolu et un parti unique. À la suite de la révolution bolchevique de 1917 puis de la prise du pouvoir par le Vojd Staline en 1927, de la marche sur Rome du Duce Mussolini en 1922 puis des lois fascistissimes de 1925-1926 et de la nomination du Führer Hitler à la chancellerie en 1933, un parti unique est imposé dans chaque pays : le PCUS en URSS, le PNF en Italie, le NSDAP en Allemagne. « L’accession au pouvoir » diffère mais, dans les trois cas, un pouvoir central absolu et un parti unique sont imposés. L’économie est contrôlée par l’État afin de répondre aux besoins idéologiques. Dans les trois cas, l’économie libérale capitaliste est fortement critiquée dans le contexte de crise économique d’entre-deux-guerres et les trois pays se lancent dans une politique économique protectionniste voire autarcique. Mais l’économie est davantage militarisée en Allemagne et en Italie, fortement collectivisée en URSS. Trois « pénibles expériences » se développent. La chasse aux boucs émissaires fait rage, qu’il s’agisse des purges staliniennes de 1936 ou de l’action du NKVD en URSS, de la lutte des Chemises noires fascistes contre les opposants en Italie, des violences de rue des SA et des SS en Allemagne. Partout la «  faction armée  » impose une autorité de fer au service de la dictature dans la « Russie bolcheviste », dans « l’Italie fasciste », dans « l’Allemagne nazie » (« un peuple, un État, un chef »). Ces dictatures ont une volonté expansionniste mais leur cadre politique premier est national  : ce sont bien des «  États totalitaires nationaux  ». D’ailleurs, pour Staline la révolution prolétarienne mondiale doit partir d’URSS, pour Mussolini la supériorité de la nation italienne ne fait pas de doute, et pour Hitler les Aryens, et parmi eux en priorité les Allemands, représentent une race supérieure qu’il s’agit de mener vers la victoire. Partie II. La violence est au cœur des trois régimes totalitaires. L’ennemi supposé ou réel est à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de chaque pays. Le militarisme domine en Allemagne ou en Italie, où la devise du Parti national fasciste est « Croire, obéir, combattre  ». En s’appuyant sur un État policier, Mussolini élimine ses adversaires, notamment le catholique Sturzo qui est contraint à l’exil pour échapper à la violence, et les militants socialistes sont pourchassés.

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En Allemagne, les boucs émissaires sont surtout les Juifs, persécutés au nom de la défense de l’aryanisme. Les magasins juifs sont boycottés dès avril 1933, les lois de Nuremberg de 1935 les privent de la nationalité allemande et leur interdisent tout mariage avec des citoyens allemands. En 1938 ils sont exclus de nombreux emplois et subissent le pogrom de la nuit de Cristal (91  morts, plus de 30 000 déportés dans des camps de concentration, 267 synagogues détruites…). En URSS, toute opposition envers l’État, le PCUS ou Staline est passible d’une répression. Au nom de la lutte des classes et de la volonté de faire disparaître les «  bourgeois capitalistes malfaisants  », près d’1,8  million de koulaks sont déportés dans les camps du Goulag dès 1929 lorsque la collectivisation est imposée. Le NKVD fait régner la terreur, pourchassant les adversaires réels ou supposés. Lors de la Grande Terreur, environ 750 000 personnes sont tuées en 16 mois (1937-1938). Finalement, dans chacun de ces régimes totalitaires, des groupes sociaux « de citoyens sans droits » sont combattus. Partie III. La société doit être embrigadée. L’objectif des trois dictateurs est de soumettre totalement leur pays. La seule liberté qui existerait encore dans le IIIe Reich serait celle de rêver selon le dirigeant nazi Robert Ley  : «  La seule personne en Allemagne qui a encore une vie privée est celle qui dort. » La jeunesse est embrigadée et le contenu de l’enseignement est contrôlé par l’État. Les Jeunesses hitlériennes, les Balillas et les Komsomols sont destinés à former de futurs serviteurs de l’ordre totalitaire et national. Ces garçons et ces filles doivent devenir des adultes au service des ambitions dominatrices  : «  ambitions de revanche  » vis-à-vis de la France et du Royaume-Uni pour Hitler et Mussolini, conquête de l’«  espace vital  » pour les Allemands, restauration du prestige national italien, révolution communiste mondiale en URSS. Tous subissent la propagande totalitaire marquée par le culte de la personnalité  : chaque dictateur est montré comme le sauveur de son peuple, de sa race ou de sa classe. Tout citoyen est destiné à devenir un croyant, fidèle à sa nouvelle religion civile totalitaire  : «  Croire, obéir, combattre » est la devise du fascisme italien ; sous le IIIe Reich, le mot « fanatique » passe d’un sens négatif à un sens positif. Et chaque totalitarisme a ses martyrs et ses apôtres : de Stakhanov pour les ouvriers soviétiques aux 16 compagnons d’Hitler morts en connaissant selon lui un martyre en 1923 lors de l’échec de son putsch de la Brasserie (Mein Kampf leur est dédié et chaque 9 novembre a lieu une fête en l’honneur de ce martyre). Conclusion En somme, Sturzo nous montre bien que les trois régimes totalitaires ont des points communs, à savoir la défense d’un pouvoir central absolu symbolisé par un dictateur,

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ciste et nazi, dans cet article de 1938 intitulé « Politique et morale  » et tiré de la revue française Cahiers de la nouvelle journée, afin de mettre en évidence leurs points communs et leurs différences. Comment ce fin observateur de la vie politique de l’entredeux-guerres analyse-t-il les trois régimes totalitaires ? Il explique que ces régimes sont contrôlés par un pouvoir central absolu et un parti unique qui imposent une violence extrême afin d’embrigader et de soumettre totalement la population.

un parti unique, une violence extrême, un embrigadement de la population et la volonté de la soumettre totalement à l’autorité du chef. Pour autant, Sturzo est amené à accentuer certains points et il ne perçoit pas certains éléments mis en évidence depuis par les historiens. Par exemple, malgré la volonté dominatrice totale exprimée par Staline, Mussolini et Hitler, ceux-ci n’ont jamais pu construire une adhésion totale de la population à leur idéologie. Les degrés d’adhésion varient en fonction du temps, des acteurs et des lieux. Partout les habitants peuvent s’opposer avec plus ou moins de pouce-blanc.pdf

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succès et de durée, comme le montrent par exemple la résistance des koulaks à la collectivisation dans le sud de l’URSS ou les difficultés de Mussolini à contrôler totalement la population au sein d’une Italie où l’Église catholique et la tradition régionaliste pèsent d’un poids important. «  L’accomplissement totalitaire n’existe peut-être que dans le monde imaginé par Orwell » dans le roman 1984 selon l’historien Bernard Bruneteau (Les totalitarismes, 2014).

16:38

Coup de pouce !

Parties

Connaissances tirées du texte

Connaissances personnelles que l’on peut mobiliser

I. Un pouvoir central absolu et un parti unique

Circonstances d’accession au pouvoir de 1917 à 1933

Révolution de 1917, marche sur Rome de 1922, nomination d’Hitler par Hindenburg en 1933

Trois pénibles expériences

Souffrances, violence des SA ou des Chemises noires fascistes dans la rue

Russie bolchevique, Italie fasciste, Allemagne nazie

Régimes dirigés par les dictateurs Staline, Mussolini, Hitler

États totalitaires nationaux

Régimes développés dans le cadre de chaque pays : par exemple le totalitarisme fasciste n’est pas exportable car fondé sur la supériorité historique de la nation italienne

États centralisés

« Ein Reich, Ein volk, Ein Führer », Duce, Vojd

Économie fermée

Tendance protectionniste dans le cadre de la crise des années 1930

Pouvoir central absolu

Terreur stalinienne, capacité d’Hitler à prendre des décisions anticonstitutionnelles dès 1933

Parti unique

PNF, PCUS, NSDAP

Suppression des libertés

1933 en Allemagne...

Faction armée

NKVD, SA/SS, Chemises noires

Suppression/exclusion des adversaires

Purges staliniennes, nuit des Longs Couteaux, Mussolini contre les socialistes, nécessité de trouver un ennemi intérieur/bouc émissaire

Militarisme

IIIe Reich, « Croire, obéir, combattre », etc.

Suppression des classes en URSS

Marxisme-léninisme contre les koulaks et les bourgeois

Refus des partis d’opposition en Italie

Contre le parti socialiste

Refus des races différentes en Allemagne

Pour les Aryens

Criminalisation des mariages avec des Juifs

Lois de Nuremberg

Création de citoyens sans droits

Apatrides, dénaturalisés, Juifs

Violence et tribunaux d’exception

Grande Terreur, arbitraire de la nuit de Cristal…

Camps, internement, prisons, déportations, travaux forcés

Goulag, camps de concentration dès 1933…

Exilés, bannis

Sturzo…

Meurtres et disparitions

Bilan de la nuit de Cristal…

II. Une violence extrême

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Voici un tableau qui permet de puiser les connaissances tirées du texte et de les relier à des connaissances personnelles. Vous voyez qu’à l’intérieur des trois grandes parties, il est impossible car illogique de suivre la progression du texte d’une manière totalement linéaire.

Monopole de l’enseignement

Italie : éducation nationaliste, exclusion des enseignants juifs en Allemagne, pensée unique

Jeunesse militarisée

Jeunesses hitlériennes, Balillas, Komsomols

Ambitions de revanche

Italie, Allemagne après 1918

Ambitions de domination et de luttes extérieures

« Espace vital », « révolution communiste mondiale », prolongement de l’Empire romain en Italie

Ambitions de luttes intérieures, guerres civiles

Élimination des koulaks et résistance à la Grande Terreur, contre les Juifs en Allemagne, contre les socialistes en Italie

Soumission complète

Seul le rêve est libre dans le IIIe Reich : « La seule personne en Allemagne qui a encore une vie privée est celle qui dort », selon le dirigeant nazi Robert Ley…

Trois religions

Nuremberg, culte de la personnalité, fanatisme

Analyse de documents p. 59 Introduction Le premier document est une affiche de propagande antisémite réalisée en novembre 1937 pour l’exposition nazie tenue à Munich « Le Juif éternel » (Der ewige Jude), titre d’origine du document intitulé ici «  La propagande antisémite ». Le second document est un témoignage de Karl E. Schwabe, un commerçant allemand confronté à la violence de la nuit de Cristal des 9-10 novembre 1938. Ce récit est tiré du livre d’Uta Gerhardt et de Thomas Karlauf, Jamais nous ne retournerons dans ce pays, publié en 2010. Ces deux sources renvoient au contexte de l’Allemagne nazie de l’entre-deux-guerres : un régime totalitaire antisémite, dirigé par Adolf Hitler depuis le 30 janvier 1933. L’idéologie d’État cherche à soumettre totalement la société et à exclure tous les éléments censés mettre en danger la race aryenne. Selon la philosophe Hannah Arendt (Les Origines du totalitarisme, 1951), le totalitarisme doit toujours être en mouvement  : c’est «  un mouvement constamment en mouvement ». Cela signifie qu’il doit toujours aller plus loin dans son application idéologique et violente afin de se maintenir au pouvoir. Les Juifs servent alors de boucs émissaires au service de la « révolution permanente » nazie : en 1937-1938 la répression antisémite s’accentue et le totalitarisme nazi s’affirme à l’extérieur (conférence de Munich de septembre 1938) et à l’intérieur (nuit de Cristal). «  Il n’y a que la violence qui puisse apporter une solution au problème allemand » déclare Hitler le 5 novembre 1937 lors d’une réunion à la chancellerie (Les Archives secrètes de la Wilhelmstrasse, T. I, 1950). Comment dès lors la politique antisémite du régime nazi est-elle appliquée en Allemagne en 1937-1938 ? Nous verrons qu’elle diffuse une idéologie antisémite, puis qu’elle donne lieu à de véritables pogroms tels que la nuit de Cristal, enfin que les Juifs servent de boucs émissaires. Partie I. Le régime totalitaire nazi diffuse une idéologie antisémite comme le souligne le document 1.

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Cette affiche, validée par le ministère de l’Information et de la Propagande du Reich, dirigé par Joseph Goebbels, montre une caricature dépréciative d’un Juif éternel. Le terme est noté en rouge en bas du document  : Der ewige Jude. Le Juif est vêtu d’un long manteau noir, propice à la dissimulation, porté sur une chemise sale et en mauvais état, signe de sa bassesse sociale. Son nez est crochu et ses yeux à demi fermés soulignent sa fourberie. Si sa longue barbe mal taillée renvoie à une habitude de certains rabbins imprégnés de tradition religieuse kabbalistique et biblique (« Tu ne supprimeras pas le bord de ta barbe », Lévitique, 19, 27), les nazis utilisent cette pratique culturelle pour rabaisser le Juif, identifié à un mendiant incapable de soigner son apparence. Nous retrouvons ici les clichés sur le Juif errant, apatride et dégénéré. Les mains du Juif apparaissent énormes, disproportionnées et comme dangereuses. Sa main droite contient des pièces d’or qui renvoient à sa cupidité héritée de Juda, apôtre ayant trahi Jésus pour 30 deniers. La partie occidentale de l’URSS (c’est-à-dire européenne) est portée sous son bras gauche tandis que sa main tient fermement le manche d’un fouet. Ces deux attributs renvoient à la certitude nazie que les Juifs sont des outils de diffusion du communisme et de sa violence à travers le monde, et prioritairement à destination de l’Europe. Cette caricature est bien en accord avec la pensée d’Hitler qui explique dans Mein Kampf que « la presse des boursiers juifs et des marxistes a attisé systématiquement la haine contre l’Allemagne ». Ces clichés antisémites sont destinés à embrigader le public afin d’accentuer l’exclusion sociale et nationale des Juifs en Allemagne. Partie II. C’est ce qui se produit particulièrement lors de la nuit de Cristal relatée dans le document 2. Ce témoignage particulièrement éloquent aborde la question des origines, du déroulement et des conséquences du pogrom. Il est intéressant de noter d’abord que le fils du Juif allemand Karl E. Schwabe, vivant à Francfort, est bouleversé par l’action décidée par Hitler les 27 et 28 octobre 1938 d’expulser vers la Pologne environ 16  000  Juifs polonais d’Allemagne. Ici l’auteur s’égare dans ses souvenirs

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III. L’embrigadement et la soumission totale de la population

Mais l’événement déclencheur du pogrom de la nuit de Cristal est l’attentat contre le secrétaire de l’ambassade d’Allemagne à Paris, Ernst vom Rath, par le Juif polonais habitant à Paris Herschel Grynszpan le 7 novembre 1938. Karl E. Schwabe n’en parle pas. Pourtant l’action de Grynszpan est directement liée à l’expulsion de Juifs polonais d’Allemagne puisque les parents de Grynszpan font partie de ces expulsés. C’est donc par vengeance que le Juif polonais agit. Schwabe raconte qu’il ne connaît initialement rien des exactions de la nuit de Cristal. Il les apprend des autres Juifs arrêtés (« nous avons appris là que les synagogues avaient été incendiées… »). Cela signifie que le pogrom à l’origine de la mort de 91  personnes, de la destruction de 267  synagogues, de nombreux grands magasins, boutiques et appartements n’est pas généralisé à toute l’Allemagne. Schwabe n’en est informé que le lendemain, au matin du 10 novembre 1938. C’est alors que des policiers viennent le chercher et le déportent arbitrairement, sans aucune raison ni jugement, dans le camp de concentration de Buchenwald (camp créé en 1937 en Thuringe, près de Weimar). Près de 30 000 Juifs subissent alors le même sort. Schwabe ne comprend pas bien la cause de cette violence subite. En réalité elle est organisée par Hitler et Goebbels qui mobilisent les SS, les SA et les Jeunesses hitlériennes pour s’attaquer aux lieux symboliques et aux Juifs qui leur tombent sous la main. Cette «  nuit de Cristal  », comme la nomment avec euphémisme les hauts dignitaires nazis, est un tournant dans la violence de masse exercée par les nazis à l’encontre des Juifs. Elle est destinée à favoriser dans la population allemande une participation massive au massacre (ce qui n’a pas eu lieu par refus de la majorité de la population allemande) et de favoriser l’émigration des Juifs puisqu’Hitler s’inscrit encore à cette date dans la volonté d’exclure les Juifs. Il n’a pas encore mis en place de plan d’extermination en 1938 selon les historiens. Le passage suivant : « les événements bien plus graves qui se préparaient » ne renvoient pas encore au génocide mais bien au pogrom de la nuit de Cristal.

2•16

de la cupidité est un moyen pour les nazis d’identifier le Juif au capitaliste étranger et rapace. Finalement apparaît clairement le double cliché nazi du Juif errant et oriental, dont le destin est d’affaiblir l’Allemagne tant à travers sa participation à un complot judéo-bolchevique anti-allemand qu’au capitalisme mondial à l’origine de la crise économique et sociale des années 1930. Dans le document 2, Schwabe écrit que les Juifs arrêtés sont vus comme de « dangereux criminels » par les fonctionnaires de la Gestapo (la « police secrète d’État », abréviation de Geheime Staatspolizei, créée en 1933). Ceux-ci sont donc arbitrairement accusés d’être à la fois collectivement responsables de l’assassinat de vom Rath (comme l’indique aussi la contribution d’un milliard de reichsmarks imposée le 12 novembre à l’ensemble des Juifs) et eux-mêmes responsables de ce pogrom. C’est un moyen machiavélique trouvé par Hitler pour poursuivre tant le dénigrement que l’exclusion sociale des Juifs. De même, l’insulte de « bande de cochons » utilisée par les SS pour forcer les prisonniers à descendre du camion les menant à Buchenwald est une injure fréquemment utilisée par les nazis pour humilier les Juifs. Le cochon étant perçu comme impur par les Juifs, traiter ainsi un Juif est évidemment un moyen de le rabaisser, de le moquer et de l’accuser de l’impureté de l’Allemagne. Conclusion En somme nous voyons que la politique antisémite appliquée dans le IIIe  Reich en 1937-1938 évolue vers plus de radicalité, allant jusqu’à l’organisation d’un vaste pogrom par Hitler et Goebbels. La défense de la race aryenne s’affiche de plus en plus dans ces années-là en Allemagne. Ainsi en 1937 a lieu une double exposition artistique à Munich  : l’une destinée à montrer le génie de l’art aryen à l’aide notamment des statues monumentales du sculpteur Arno Breker, l’autre consacrée à « l’art dégénéré  » et destinée à dénigrer les œuvres d’un art moderne « judéo-bolchevique ».

Question problématisée p. 60 Partie I. Des points communs A. Un pouvoir unique et dictatorial

Partie III.

Les trois totalitarismes ont comme premier point commun d’être des dictatures. Benito Mussolini accède au pouvoir comme président du Conseil après la marche sur Rome de 1922. Il instaure ensuite une dictature en 1925-1926 grâce aux lois fascistissimes. Joseph Staline prend seul la tête de l’URSS à partir de 1927, après avoir éliminé ses concurrents au sein de l’appareil communiste (Léon Trotski est exclu du parti communiste en 1927). Adolf Hitler devient chancelier le 30 janvier 1933 sur décision du président Hindenburg, avant d’instaurer la dictature dès le 27 février 1933 en suspendant les libertés individuelles.

Dans tous les cas, les Juifs jouent le rôle de boucs émissaires. Nous le voyons dans le document 1 où le cliché

Chaque régime totalitaire est instauré dans un contexte de crise, dans une «  situation de détresse  »

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puisqu’il croit se rappeler que cela a eu lieu au début du mois d’octobre. Dans tous les cas, cela s’inscrit dans la politique antisémite hitlérienne destinée à purger l’Allemagne de la « race inférieure » juive. Cela montre aussi le climat d’inquiétude dans lequel vivent les Juifs en Allemagne depuis les premières persécutions de 1933. Il est intéressant de noter que toute la population allemande, juive ou non, n’adhère pas à cette expulsion : « il s’était même trouvé des non-Juifs pour manifester leur indignation  ». Les historiens comme Saul Friedländer (L’Allemagne nazie et les Juifs, 1997) montrent que dans des villes où les mariages mixtes sont fréquents et où les Juifs sont bien intégrés, la population allemande se désolidarise en majorité de cette violence nazie.

Ces dictateurs gouvernent grâce à un parti unique (PCUS en URSS, PNF en Italie, NSDAP en Allemagne) et à une idéologie qui rejette le système démocratique et particulièrement le parlementarisme. Leur idéologie condamne le pluralisme, le libéralisme et la tolérance. Les dictateurs se voient comme des chefs charismatiques qui s’affirment comme des guides infaillibles, gardiens de la doctrine et capables de construire ou de redonner sa grandeur à chaque pays. Ils flattent et galvanisent les foules lors de grandes manifestations (congrès du parti nazi à Nuremberg, défilés sur la place Rouge, anniversaire de la naissance de Rome le 21 avril associé au « jour du travail fasciste ») destinées à susciter et à montrer l’adhésion populaire envers un dictateur fusionnant avec son peuple. Dès lors toute concurrence dans la représentativité populaire disparaît (14 juillet 1933 : le NSDAP devient le parti unique ; 2 mars 1939 : suppression de la Chambre des députés en Italie). B. Un encadrement total pour construire un «  Homme nouveau » L’objectif des trois dictateurs est de soumettre totalement leur pays pour construire un « Homme nouveau ». Ils le font en utilisant notamment la propagande. En URSS, l’accent est mis sur le dévouement productiviste des ouvriers. Le modèle est Stakhanov, capable, selon un discours officiel s’arrangeant avec la réalité, d’extraire tout seul 14  fois plus de charbon que le quota individuel demandé. En Allemagne, la puissance visuelle de la photographie et du cinéma est particulièrement utilisée pour affirmer la discipline, l’ordre, la grandeur du peuple aryen guidé par le Führer (film de Leni Riefensthal, Le Triomphe de la volonté sur le congrès de Nuremberg de 1934 et sorti en 1935). En Italie, l’objectif est de faire aimer la nation, la patrie et la grandeur historique italiennes. La couverture d’un cahier d’école des années 1930 demande aux jeunes Italiens : « Aime ta patrie, étudie l’histoire, parce qu’aucune au monde n’est plus belle, plus intéressante, plus grande que celle de notre Italie ». Formatés par cette propagande, les modèles du véritable communiste, du parfait aryen et de l’Italien nouveau sont censés s’affirmer dans chaque société. Partout la jeunesse est embrigadée. Hitler veut façonner les futurs combattants du IIIe  Reich dans ses Jeunesses hitlériennes fondées en 1926 et destinées aux jeunes de 15 à 18  ans. Y appartenir devient une obligation à partir de 1936  : l’organisation regroupe alors 5,5  millions de membres dévoués au régime. En Italie, l’Opera Nazionale Dopolavoro (OND) structure l’embrigadement de la population de 6 à 21 ans :

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7,8  millions d’Italiens sont ainsi réunis dans la Jeunesse italienne du Licteur en 1939. En URSS ce sont les Komsomols qui organisent la jeunesse du Parti communiste d’Union soviétique depuis 1918. Pour les adultes, le totalitarisme encadre le monde du travail avec de nouvelles structures censées réconcilier ouvriers et patrons (syndicat en URSS, corporations en Italie, Front allemand du travail). Les loisirs, la vie familiale et l’école n’échappent pas non plus à la mainmise officielle. La société est contrôlée : la seule liberté censée encore exister dans le IIIe Reich serait celle de rêver selon le dirigeant nazi du Front du travail Robert Ley : « La seule personne en Allemagne qui a encore une vie privée est celle qui dort ». La jeunesse est embrigadée et le contenu de l’enseignement est contrôlé par l’État. Enfin les régimes totalitaires reconstruisent des structures productives dans le cadre d’une politique autarcique. En URSS, l’industrialisation se fait à marche forcée. L’Italie et l’Allemagne relancent l’emploi avec une politique de grands travaux (« bataille du blé » en Italie, construction d’autoroutes en Allemagne…) et de réarmement massif. C. La répression et l’usage de la violence Tout adversaire est combattu, pourchassé et violenté. Ces régimes sont des « idéocraties » (Waldemar Gurian, 1953), c’est-à-dire des régimes cherchant à appliquer leur idéologie coûte que coûte. En URSS, toute opposition envers l’État est passible d’une répression arbitraire sous la forme de procès, d’arrestation, de condamnation, de mise à mort ou de disparition. Environ 1,8  million de koulaks sont déportés dans les camps du Goulag dès 1929 et la collectivisation provoque en Ukraine une grande famine entretenue par l’État (plus de 8 millions de morts en 1933). La police politique Guépéou, remplacée par le NKVD en 1934, sert de fer de lance de la répression. En Italie, l’OVRA (Organisation de vigilance et de répression de l’antifascisme) réprime les opposants en s’appuyant notamment sur une réforme répressive du code pénal (le communiste Antonio Gramsci meurt en prison en 1935). L’État subit une épuration des fonctionnaires démocrates, les journaux sont censurés ou supprimés. En Allemagne, la terreur nazie pèse sur tous les adversaires. Dès mars 1933, le camp de concentration de Dachau est ouvert pour emprisonner les opposants politiques, initialement surtout les sociaux-démocrates du SPD et les communistes du KPD. Dans chaque régime totalitaire, la violence est montrée comme la solution aux problèmes, dans la continuité de la dynamique de « brutalisation » en œuvre depuis la Première Guerre mondiale. Pour autant, les trois régimes totalitaires ont d’importantes différences d’ordre idéologique. Les boucs émissaires divergent et la politique extérieure n’est pas toujours la même.

CHAPITRE 2 Les régimes totalitaires

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(Pierre Milza) qui pousse à chercher dans chaque pays une nouvelle voie politique : en 1917 en Russie en profitant des troubles provoqués par la Première Guerre mondiale pour les bolcheviques, en 1922 en Italie à la faveur d’une crise économique et sociale qui fait suite à la Première Guerre mondiale, en 1933 en Allemagne en profitant des succès électoraux obtenus dans un contexte de troubles économiques et sociaux suscités par la crise de 1929.

A. Idéologiques En URSS, le régime totalitaire de gauche célèbre les valeurs d’égalité et d’union sociale autour du prolétariat. Pour cela les Soviétiques essentialisent les classes (alors que les nazis par exemple essentialisent les races). L’objectif est de purger la future société socialiste des éléments nuisibles. La révolution permanente doit permettre d’abolir la domination bourgeoise et d’établir une société égalitaire sans classes sociales. En Italie, Mussolini exalte la nation et l’État au sein d’un totalitarisme de droite. Le fascisme veut créer une société unanime qui aurait réglé une fois pour toutes la question des luttes sociales. Le fascisme est une idéologie communautaire luttant contre l’individualisme libéral et contre le matérialisme marxiste. Il veut résoudre l’atomisation de la société moderne par une vision organique du peuple. La primauté de la nation est alors le fil conducteur du régime. L’État tout-puissant doit aussi affirmer la grandeur du pays. Mussolini déclare en 1927 : « Tout pour l’État, rien hors de l’État, rien contre l’État ». Une nouvelle Rome est à construire avec à sa tête son nouveau César  : Mussolini avec une armée de croyants que seraient les « Italiens nouveaux ». L’unité de la nation derrière son chef est donc indispensable. En Allemagne, le régime totalitaire de droite glorifie la race aryenne à laquelle appartiennent les Allemands. Il attribue les échecs économiques, militaires et politiques récents de l’Allemagne aux mélanges génétiques opérés entre les Allemands purs et les Juifs. Il veut alors régénérer l’Allemagne et lui offrir un espace vital en suivant une idéologie raciste, antisémite, militariste et eugéniste. B. Des boucs émissaires différents Ainsi les Juifs subissent en priorité la fureur nazie. Les magasins juifs sont boycottés dès avril 1933, les lois de Nuremberg de 1935 les privent de la nationalité allemande et interdisent tout mariage entre Juifs et citoyens allemands, de nombreux emplois leur sont interdits. Lors du pogrom de la nuit de Cristal du 9 au 10 novembre 1938, 267 synagogues, des centaines de boutiques et d’appartements occupés par des Juifs sont incendiés ou détruits par des SA et des SS aux ordres de Hitler et de Goebbels. 91 Juifs sont tués et plus de 30 000 sont déportés arbitrairement dans les camps de concentration. Face à cette violence étatique, les Juifs qui le peuvent émigrent pour fuir l’Allemagne nazie (525  000 Juifs en Allemagne en 1933, 200 000 en 1939 – dans les frontières de l’Allemagne de 1933). En Italie les Juifs ne sont pas les principaux boucs émissaires, ce sont les démocrates. Certes en 1938 des universitaires fascistes publient le Manifeste de défense de la race dans lequel ils exaltent l’italianité

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pure et écrivent que « les Juifs n’appartiennent pas à la race italienne ». Des mesures d’exclusion des Juifs sont alors prises par Mussolini en octobre-novembre 1938 : exclusion de l’armée, de la fonction publique, de la propriété, interdiction des mariages mixtes…). Mais aujourd’hui les historiens pensent que Mussolini n’est pas fondamentalement antisémite  : il fait plutôt un choix antisémite final dans la recherche permanente d’un ennemi permettant d’offrir au régime de nouvelles batailles sous l’influence de l’allié allemand. En URSS, les «  bourgeois  » sous toutes leurs formes sont stigmatisés. Mais sous ce vocable se cachent tous les adversaires réels ou supposés de Staline. Ainsi tout «  déviationniste  » est nommé bourgeois, qu’il s’agisse des koulaks de la campagne ou des communistes partisans d’une autre ligne politique que celle de Staline. Lors de la Grande Terreur de 1937-1938, environ 1 600 000 personnes sont arrêtées et 750 000 sont tuées en 16  mois dont 3 maréchaux, 8  amiraux, 14 généraux et 98 membres du Comité central du Parti communiste. C. Des politiques extérieures opposées durant la guerre d’Espagne Les trois puissances totalitaires participent à la guerre d’Espagne (1936-1939) : l’Italie et l’Allemagne du côté des nationalistes de Franco, l’URSS du côté du gouvernement du Frente Popular. Mussolini et Hitler se reconnaissent logiquement dans la lutte de Franco contre le bolchevisme et la démocratie. Ils jugent aussi qu’une alliance avec une future dictature espagnole permettrait d’étendre leur influence en Méditerranée occidentale aux dépens de la France et du Royaume-Uni. Dès juillet 1936, ils soutiennent les franquistes en envoyant des hommes et du matériel (75  000 Italiens et 6  000 Allemands, des milliers d’avions, des centaines de blindés…). L’URSS soutient les républicains espagnols à l’aide du Komintern qui organise dès octobre 1936 le transfert de volontaires internationaux vers les zones de combat. Près de 40 000 hommes participent ainsi au conflit au sein des Brigades internationales. Plus de 2  000 hommes, 670 avions, 500 chars et 1  500 canons sont fournis par l’Armée rouge aux troupes républicaines. Mais en vain puisque ce sont les franquistes et leurs alliés italo-allemands qui remportent la guerre le 1er avril 1939. Pour autant, afin de préparer la guerre mondiale à venir, des alliances diplomatiques sont tissées entre les trois régimes totalitaires. L’Italie et l’Allemagne s’allient logiquement au sein de l’axe Rome-Berlin du 1er  novembre 1936 puis du pacte anti-Komintern en 1937. Mais l’URSS et l’Allemagne nouent une alliance plus surprenante le 23 août 1939 afin de se donner mutuellement un répit : il s’agit du pacte de non-agression germano-soviétique qui prévoit le partage futur de la Pologne, dépecée entre l’URSS et le IIIe Reich.

CHAPITRE 2 Les régimes totalitaires

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Partie II. Des différences

Sujet blanc

B. La propagande

Première partie : question problématisée Partie I. Des dictatures dangereuses (début des années 1930-1936) A. Des idéologies violentes

Partie II. Une terrible violence

– URSS : éloge de la révolution armée universaliste. – Allemagne et Italie  : éloge de la force militaire (Jeunesses hitlériennes et Balillas), nationalisme belliqueux, volonté de revanche et de conquêtes militaires (espace vital allemand, Empire romain italien). B. Des régimes totalitaires de droite militaristes Réarmement allemand, restauration du service militaire obligatoire en 1935, remilitarisation de la Rhénanie (7  mars 1936)  ; Italie  : conquête et terreur en Éthiopie. C. Des régimes en opposition-tension idéologique (droite vs gauche) Anti-marxisme des nazis et des fascistes, axe RomeBerlin (1er novembre 1936), pacte anti-Komintern (Allemagne-Japon en 1936) ; antifascisme de l’URSS. Partie II. Une participation à la guerre d’Espagne (1936-1939) A. Les fascistes et les nazis Proximité idéologique avec Franco, soutien militaire et logistique des franquistes, exactions et actions militaires. B. L’URSS et les Brigades internationales Proximité idéologique avec le Frente popular, soutien militaire et logistique des républicains, mobilisation des Brigades internationales, actions militaires et échec. Partie III. Une marche vers la guerre dans le reste de l’Europe (1936-1939) A. Les coups de force Allemagne : Anschluss, Sudètes, conférence de Munich, Bohême-Moravie, Memel ; Italie : Albanie ; échec de la SDN. B. Les alliances Pacte d’acier germano-italien en mai 1939, pacte anti-Komintern, pacte de non-agression URSS-Allemagne et projet de partage de la Pologne, prétentions italiennes sur la Corse et Nice.

Deuxième partie : analyse de documents Partie I. Une action organisée par l’État A. La planification «  Plan de collecte  », organisation de l’action par le parti (PCUS), le gouvernement (Staline), le NKVD et leurs représentants locaux (doc. 2).

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Contexte de planification, mobilisation des foules rurales par les représentants locaux du Parti communiste au service de la propagande officielle (doc. 1) ; action discrète (doc. 2).

A. La volonté d’éliminer les koulaks «  Liquidation des koulaks  », construction de boucs émissaires nécessaires à la défense de l’idéologie officielle et au maintien du PCUS et de Staline au pouvoir (doc. 1). B. Une violence sans limites Faux témoignages et manipulation des aveux, politique arbitraire du chiffre, victimes jeunes ou vieilles, concurrence entre les différents comités de ville du NKVD, 7-10 affaires ou 12-15 affaires par jour (doc. 2).

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Révisions

Répondre et mémoriser 1. Qu’est-ce que la collectivisation des terres ? La collectivisation est la mise en commun des terres agricoles dans les kolkhozes d’URSS à partir de 1929. 2. Qu’est-ce qu’un koulak ? Un koulak est un mot russe utilisé par les communistes pour désigner théoriquement les paysans aisés mais en réalité tout paysan opposé à la collectivisation des terres. 3. Combien y a-t-il de morts lors de la Grande Terreur de 1937-1938 ? La «  Grande Terreur  » provoque la mort de plus de 750 000 morts de 1937 à 1938. 4. Qu’est-ce que le fascisme en Italie ? Fascisme vient de l’italien fascismo. C’est une forme de totalitarisme fondée sur la dictature d’un parti unique et d’un guide (le Duce) cherchant à soumettre et guider la population à travers l’exaltation de la nation italienne. 5. Que sont les Balillas ? Les Balillas désignent les garçons italiens âgés de 8 à 14  ans, membres de la principale organisation de jeunesse fasciste : l’Opera Nazionale Balilla (ONB). 6. Que signifie « Führer » ? Führer est un mot allemand signifiant « guide ». Il est utilisé pour désigner Hitler sous le IIIe Reich. 7. Où les nazis enferment-ils les individus jugés dangereux à partir de 1933 ? À partir de 1933, les nazis enferment les individus jugés dangereux dans des camps de concentration. 8. Combien de synagogues sont incendiées ou détruites lors de la nuit de Cristal ? 267  synagogues sont incendiées ou détruites en Allemagne lors de la nuit de Cristal du 9 au 10 novembre 1938.

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9. Que sont les Brigades internationales ? Les Brigades internationales désignent les groupes de volontaires étrangers (communistes, socialistes, anarchistes) encadrés par Moscou qui viennent combattre les nationalistes de Franco lors de la guerre d’Espagne.

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10. Que se passe-t-il à la conférence de Munich en 1938 ? Les 29 et 30  septembre 1938, les représentants de la France (Édouard Daladier), du Royaume-Uni (Neville Chamberlain), de l’Italie (Benito Mussolini) et de l’Allemagne (Adolf Hitler) réunis à Munich acceptent l’annexion des Sudètes par les Allemands au nom d’une politique d’apaisement.

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CHAPITRE 2 Les régimes totalitaires

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La Seconde Guerre mondiale Le point sur le programme Objectifs du chapitre

Ce chapitre vise à montrer l’étendue et la violence du conflit mondial, à montrer le processus menant au génocide des Juifs d’Europe, et à comprendre, pour la France, toutes les conséquences de la défaite de 1940. On peut mettre en avant : – un conflit mondial : protagonistes, phases de la guerre et théâtres d’opération ; – crimes de guerre, violences et crimes de masse, Shoah, génocide des Tsiganes ; – la France dans la guerre : occupation, collaboration, régime de Vichy, Résistance.

Points de passage et d’ouverture

Juin 1940 en France : continuer ou arrêter la guerre.





De Gaulle et la France libre.

Le front de l’Est et la guerre d’anéantissement.



Juin 1944 : le débarquement en Normandie et l’opération Bagration.



6 et 9 août 1945 : les bombardements nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki.



La logique du chapitre Ce long chapitre sur la Seconde Guerre mondiale est divisé en trois temps qui correspondent aux termes du programme : les phases de la guerre et les théâtres d’opération, la violence et les génocides durant la guerre, la France dans la guerre. Le conflit comprend deux grandes périodes : les offensives de l’Axe de 1939 à 1942 puis la contre-offensive des Alliés de fin 1942 à 1945. Les points de passage et d’ouverture (PPO) du programme sont concentrés sur cette deuxième phase : le débarquement en Normandie et l’opération Bagration au printemps et à l’été 1944 sur le théâtre européen ; les bombardements nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki en Asie qui expliquent la capitulation japonaise. La violence et les génocides sont abordés dans un deuxième temps. La violence sur le front de l’Est concerne les militaires (combats à mort, massacres ou maltraitance des prisonniers de guerre dans les deux camps sur le front de l’Est) et les civils (incendies de villages, déportation des habitants, viols…). Pour tenir compte de l’intérêt nouveau pour le monde asiatique, une page est consacrée aux violences du Japon en guerre, peu connues en Europe alors qu’elles sont encore aujourd’hui un enjeu dans les relations diplomatiques en Asie (entre la Corée et le Japon, entre la Chine et le Japon).

La troisième partie concerne enfin la France et elle débute par le dernier point de passage et d’ouverture : « Juin 1940 : arrêter ou continuer la guerre ». Ce point de passage et d’ouverture évoque les deux options politiques en débat au moment de l’invasion allemande. Pétain choisit l’armistice alors que de Gaulle décide de continuer le combat. On oppose ensuite la France sous Pétain (Révolution nationale, collaboration) à la « France libre » du général de Gaulle et aux luttes de la Résistance. « La France libre » est un point de passage obligatoire, mais on étudiera aussi la Résistance intérieure qui rallie de Gaulle en 1943. On évoquera à cette occasion la naissance du Conseil national de la Résistance (CNR) dont le programme est à étudier dans le chapitre suivant.

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CHAPITRE 3 La Seconde Guerre mondiale

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Les génocides sont traités à part. Distinguer le génocide des Juifs de celui des Tsiganes pose un problème pédagogique, dans la mesure où le processus d’extermination est le même pour les deux communautés : camps de concentration en Allemagne, ghettoïsation en Pologne et dans les pays baltes, fusillades en URSS, camps d’extermination. Une page est donc consacrée au génocide des Tsiganes pour bien montrer que leur extermination n’est pas programmée comme celle des Juifs et qu’elle est différente dans son ampleur, dans le cadre d’un processus d’extermination semblable.

Pour aller plus loin Bibliographie Il s’agit ici de proposer quelques ouvrages récents qui permettent d’approfondir les points de passage et d’ouverture, ainsi que quelques livres faciles à lire qui peuvent être conseillés aux élèves. • Ouvrages généraux et opérations militaires – Claude Quétel, La Seconde Guerre mondiale, Perrin, coll. « Tempus », 2018. Une synthèse complète, l’auteur traitant tous les aspects de la guerre (questions militaires, diplomatiques, économiques, Shoah…), allant d’un front à l’autre et émaillant son texte de portraits enlevés. – Jean Lopez, Opération Bagration. La revanche de Staline, Economica, 2014. Un ouvrage complet sur l’opération Bagration, le seul en français. Mais très centré sur les opérations militaires. – Carlo D’Este, Histoire du débarquement, Perrin, 2013. – Christian Grataloup, Atlas historique mondial, L’Histoire - Les Arènes, 2019. Présente de nombreuses cartes précises et très lisibles sur le conflit (Europe, France, Asie). • Violences et génocides – « Auschwitz : la Solution finale », Les Collections de L’Histoire, n° 3, novembre 1998. Ce dossier spécial de L’Histoire laisse parler les meilleurs spécialistes du sujet sur tous les aspects du génocide et de sa perception durant la guerre ainsi que sur l’aspect mémoriel (histoire et mémoire du génocide). Il ne tient cependant pas compte des travaux les plus récents sur la Shoah par balles en URSS. – Christopher R. Browning, Des Hommes ordinaires, Tallandier, coll. « Texto », 2007. La Shoah par balles par un bataillon de réserve de la police allemande : elle ne fut pas l’apanage des Einsatzgruppen et interroge sur la capacité d’un homme « ordinaire », pas nécessairement raciste, de tuer des êtres humains, hommes, femmes, enfants. – Martin Gray, Au Nom de tous les miens, Pocket, 2019 (1re édition 1971). Très apprécié des élèves (contrôle de lecture possible), ce livre permet d’aborder différents aspects de la Shoah et de la résistance à l’Est par la médiation d’un témoignage. Adapté au cinéma en 1983. – Art Spiegelman, Maus, Flammarion, 1991. Bande dessinée qui raconte l’histoire vraie d’une famille juive pendant la guerre. – Jean-Louis Margolin, L’Armée de l’empereur. Violences et crimes du Japon en guerre, 1937-1945, Armand Colin, 2007. Ouvrage contestable sur certains aspects (notamment statistiques), qui apporte néanmoins des informations nombreuses sur les violences et les crimes de l’armée japonaise en Asie pendant la guerre. – Michaël Prazan, Le Massacre de Nankin. 1937, le crime contre l’humanité de l’armée japonaise, Tallandier, coll. « Texto », 2014. Intéressant à lire. – John Richard Hersey, Hiroshima. Lundi 6 août 1945, 8 h 15, Tallandier, coll. « Texto », 2019. Le témoignage d’un journaliste américain correspondant de guerre en 1946 publié dans The New Yorker.

Films – Steven Spielberg, Il faut sauver le soldat Ryan, 1998. – Ken Annakin, Andrew Marton, Bernhard Wicki, Le Jour le plus long, 1962. Le film le plus pédagogique sur le débarquement. – Jean-Pierre Melville, L’Armée des ombres, 1969. Sur la résistance intérieure française. – David Lean, Le Pont de la rivière Kwaï, 1957. La construction d’un pont par des prisonniers de guerre américains sous la surveillance des Japonais. – Steven Spielberg, La Liste de Schindler, 1993. Évocation des années de guerre d’Oskar Schindler qui a sauvé de nombreux hommes et femmes du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. – Roselyne Bosch, La Rafle, 2010. Sur la rafle du Vel’ d’Hiv’ en juillet 1942. Site Internet La Fondation Charles de Gaulle : http://www.charles-de-gaulle.org/ Voir la rubrique « Espace pédagogique » sur les années de guerre.

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CHAPITRE 3 La Seconde Guerre mondiale

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• La France pendant la guerre – Robert Paxton, La France de Vichy, 1940-1944, Le Seuil, coll. « Points Histoire », 1999. Un ouvrage de référence sur la période. – Philippe Burrin, La France à l’heure allemande, 1940-1944, Le Seuil, coll. « Points Histoire », 1995. – Jean-Pierre Azéma et François Bédarida (dir.), La France des années noires, Le Seuil, coll. « Points Histoire », 1993.

Ouverture

Les documents permettent d’évoquer les deux théâtres d’opération (européen et asiatique), le retournement de la guerre en faveur des Alliés (1942-1943) mais aussi la violence de guerre qui est le deuxième thème à aborder dans ce chapitre. Le document 1 est un photomontage réalisé à partir de photographies de 1942.

pp. 66-67

Repères

L’offensive de l’Axe (1939-1942) Les deux cartes présentent les offensives de l’Axe en Europe et en Asie. La guerre en Asie a commencé avant la Seconde Guerre mondiale (massacre de Nankin, 1937). Les principales violences abordées dans l’étude « Violences et crimes du Japon en guerre » p. 87 sont cartographiées sur la carte de l’Asie p. 67.

Réponses aux questions p. 67 Carte 1 1. En 1939 : la Pologne ; en 1940 : le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg ; la France (situation particulière puisque seuls le Nord et l’Ouest sont occupés). L’Allemagne renonce au débarquement au Royaume-Uni et commence une campagne de bombardement des villes, en particulier de Londres, qu’on appelle le Blitz. 2. Les offensives de l’Axe en 1941 et 1942 ont lieu en URSS (opération Barbarossa à partir de juin 1941) mais aussi dans les Balkans et en Égypte à partir de la Libye italienne.

Carte 2 1. En 1932, le Japon est un empire qui possède des territoires en dehors de l’archipel nippon (de nombreuses îles dans le Pacifique dont Formose). Depuis 1931, il occupe la Mandchourie à la tête de laquelle il a placé Puyi, le  dernier empereur de Chine qui appartenait à une dynastie mandchoue mais qui a été détrôné par la révolution en 1909 (voir le film Le Dernier Empereur de Bernardo Bertolucci, 1987). Il s’agit donc d’un protectorat. La réalité du pouvoir revient en fait à l’armée qui impose ses décisions et dirige ce territoire. C’est à partir de la Manchourie que l’armée japonaise va partir à la conquête du littoral chinois. 2. De 1937 à 1940, le Japon se lance donc à la conquête de la Chine mais se cantonne à une large bande littorale alors que l’intérieur reste tenu par l’armée du Kuomintang et le parti communiste de Mao Zedong. Le Japon s’empare aussi de l’Indochine puis il continue sa progression vers l’ouest (Siam, Birmanie) et se lance à la conquête des îles du Pacifique. Le bombardement de la flotte américaine dans les îles Hawaï (Pearl Harbor) lui permet de progresser vers le sud et l’est. On pourra relever les lieux des principales

3•3

batailles. Au milieu de l’année 1942, le Japon contrôle presque toute l’Asie-Pacifique.

pp. 68-69

Repères

La contre-offensive des Alliés (1942-1945) Après le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord et les victoires soviétiques de Stalingrad puis de Koursk sur le front Est, les armées libèrent le territoire européen par l’ouest et par l’est. Durant l’été 1944, le débarquement de Normandie et l’opération Bagration sur le front de l’Est accélèrent la reconquête. En Asie-Pacifique, les Américains donnent un coup d’arrêt à l’offensive japonaise dès l’été 1942 (Midway, mer de Corail) et commencent leur reconquête, qui est lente car il faut reprendre une à une les îles que les Japonais défendent corps à corps. Les Américains et leurs alliés avancent peu à peu vers l’archipel nippon, mais en 1944 seule une partie de l’Asie a été libérée. Au début de 1945, la perspective de victoire est beaucoup plus lointaine qu’en Europe, ce qui explique en partie l’utilisation de l’arme atomique en août 1945.

Réponses aux questions p. 69 Carte 1 1. De 1942 à 1944, la reconquête alliée passe par le débarquement en Afrique du Nord et sa reconquête (défaite de l’Axe en Égypte), puis le débarquement en Sicile et en Italie. Les débarquements en Normandie et Provence permettent de libérer rapidement la France dès 1944. À l’Est, en 1943, les victoires de Stalingrad puis surtout de Koursk affaiblissent le moral des Allemands qui subissent leurs premières grandes défaites et perdent du matériel et de nombreux soldats. La grande offensive commencée en Biélorussie en juin 1944 (opération Bagration), peu après le débarquement de Normandie, ouvre les portes de la Pologne mais aussi des pays baltes et des Balkans ; la reconquête s’accélère donc durant l’été 1944. 2. En 1945, les Alliés occidentaux entrent en Allemagne par l’ouest et le sud. Les Soviétiques libèrent Varsovie et entrent en Allemagne par l’est. Ce sont eux qui reprennent Berlin, le général Eisenhower laissant faire, essentiellement pour sauvegarder la vie de ses hommes. Une rencontre entre les deux armées est organisée sur l’Elbe à Torgau. La capitulation allemande est signée le 7  mai à Reims, puis de nouveau le 8  mai à Berlin à la demande de Staline ; ce sera la date officielle de la fin de la guerre.

Carte 2 1. Les coups d’arrêt aux offensives japonaises ont lieu au printemps et à l’été 1942 à Midway (voir la photographie en entrée de chapitre), dans la mer de Corail, à Guadalcanal.

CHAPITRE 3 La Seconde Guerre mondiale

Histoire Tle © Hatier, 2020.

pp. 64-65

3. En 1945, les Américains bombardent massivement le territoire japonais, puis ils font usage de l’arme atomique en août. Peu après, le 2 septembre 1945, le Japon signe sa capitulation. Les autres territoires sont alors délivrés et plus de 6 millions de soldats et civils japonais quittent les territoires occupés pour rentrer dans l’archipel (voir carte p. 113).

pp. 70-73

Point de passage

Juin 1944 : le débarquement en Normandie et l’opération Bagration Les opérations Overlord et Bagration sont deux opérations conjointes qui ont été décidées à Téhéran par les Trois Grands (Churchill, Roosevelt et Staline). Elles sont un succès à l’Est comme à l’Ouest et elles ouvrent quelques mois plus tard les portes de l’Allemagne aux Alliés.

A Le débarquement en Normandie (juin-août 1944) VIDÉO Le D-Day

Questionnaire 1. Par qui a été décidé le débarquement ? Roosevelt, Churchill, Staline. 2. Quel intérêt stratégique représente le débarquement en Normandie plutôt que sur d’autres côtes françaises ? Les bunkers sont assez peu nombreux et le débarquement n’y est pas attendu. 3. Pourquoi y a-t-il eu tant de morts à Omaha Beach ? Les bombes américaines sont tombées trop loin dans les terres, et les bunkers n’ont pas été détruits, les Allemands sont « intacts ». Environ 1 000 soldats ont été tués. 4. Quel est le principal problème à résoudre pour débarquer de gros navires sur cette côte et quelle solution trouvent les Alliés ? Il n’y a pas de port en eau profonde. D’où la création de deux ports artificiels (dont Arromanches) qui serviront dans les semaines qui suivent à débarquer les hommes et le matériel. 5. Où se rendent les présidents des États-Unis qui viennent commémorer le débarquement ? Beaucoup de soldats américains sont enterrés à Colleville et c’est là que se rendent les présidents des États-Unis à chaque commémoration. 6. Quel intérêt trouvent les présidents américains à venir commémorer le 6 juin ? Ils apparaissent comme les libérateurs et cela leur permet de commémorer une victoire qui flatte l’orgueil national.

3•4

Réponses aux questions p. 71 Parcours 1A 1. À Téhéran, il est décidé qu’une opération aura lieu en Normandie et dans le sud de la France, conjointement à une opération sur le front Est dont la position exacte n’est pas évoquée. Par ailleurs, il est convenu que l’on chercherait à tromper l’ennemi sur le lieu de l’offensive pour l’empêcher d’y concentrer ses troupes. Enfin, il est prévu que les Alliés occidentaux et les Soviétiques resteraient désormais en contact pour planifier les opérations en Europe. 2. Les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada participent au débarquement. Les Alliés sont commandés par le général américain Eisenhower qui a été nommé commandant en chef des armées alliées. Dans un premier temps, placé sous l’autorité d’Eisenhower, le Britannique Montgomery commande l’ensemble des forces terrestres du débarquement. 3. Le débarquement a lieu dans le Cotentin. Des forces sont parachutées à l’arrière des côtes pour tenir les ponts et permettre l’avancée des troupes alliées ; il s’agit aussi de prendre les Allemands à revers. La marine bombarde les fortifications allemandes sur les côtes mais aussi les villes de l’arrière-pays. Les troupes débarquent ensuite sur les plages, chaque pays ayant ses propres plages de débarquement. Mais celles-ci sont protégées par des fortifications allemandes (blockhaus), des mines, des chevaux de frise. À Omaha Beach, le débarquement fait de nombreux morts parmi les Américains. Néanmoins les plages sont conquises dès le 6 juin. Les armées et le matériel de guerre débarquent alors de façon continue et des ports sont aménagés pour le permettre (ports artificiels d’Arromanches et de Vierville). 4. La Normandie est reconquise jusqu’à Falaise le 21 août et Paris sera libéré le 26 août. Les pertes humaines sont supérieures pour les Allemands du fait du grand nombre de prisonniers, mais pour le nombre de morts et de blessés, il est assez proche (250  000 côté allemand contre 220 000 côté allié si l’on tient compte des pertes civiles). Près de 20 000 civils ont été tués, surtout du fait des bombardements. Ainsi le bilan est très favorable aux Alliés, et l’armée allemande semble désormais affaiblie alors qu’un nombre toujours plus important de soldats britanniques et américains débarque sur le sol européen.

Synthèse La bataille de Normandie est une étape importante de la libération de l’Europe. L’opération Overlord est prévue par la conférence de Téhéran au même moment que l’opération Bagration à l’Est pour empêcher les Allemands de se regrouper sur le même front. Les opérations commencent dans la nuit du 5 au 6 juin par le parachutage en arrière de la côte pour tenir les voies de communication (ponts…). Puis les navires

CHAPITRE 3 La Seconde Guerre mondiale

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2. La reconquête se fait île par île en avançant vers l’archipel nippon, mais en oubliant les territoires les plus au sud et à l’ouest.

La reconquête de la Normandie est progressive, du 6 juin au 21  août. Cette «  bataille de Normandie  » fait près de 220 000 morts et blessés du côté des Alliés (avec les pertes civiles) contre 250  000 du côté des Allemands, avec des batailles meurtrières pour la reprise des principales villes : Cherbourg, Caen, Saint-Lô, Falaise. Ainsi le bilan est très favorable aux Alliés. C’est le début de la reconquête par l’ouest de l’Europe. L’armée allemande semble désormais affaiblie alors qu’un nombre toujours plus nombreux de soldats alliés débarque sur le sol européen. Les États-Unis, accueillis comme des libérateurs, renforcent leur influence dans les territoires libérés.

B L’opération Bagration (22 juin-19 août 1944) VIDÉO L’opération Bagration Sur l’opération Bagration, de 2  min 38 à 11 min, soit environ 9  minutes de visionnage. L’ensemble du documentaire correspond à la reconquête de l’Est par les Soviétiques en 1944 et 1945. Le questionnement cidessous ne porte que sur l’opération Bagration.

Questionnaire 1. Quelle est la longueur du front lors de l’opération Bagration ? 560 km avec 250 canons soviétiques par kilomètre dans certaines zones.

7. Près de quelle grande ville s’arrête l’opération Bagration ? Près de Varsovie. 8. Combien de soldats de l’Axe ont péri, combien ont été faits prisonniers ? 300 000 morts, 150 000 prisonniers.

Réponses aux questions p. 73 Parcours 1B 1. L’opération Bagration a lieu durant l’été 1944, du 22  juin au 19  août 1944 en URSS, plus précisément en Biélorussie, puis en Pologne et dans les pays baltes. 2. Le rapport est très favorable aux Soviétiques aussi bien du point de vue des effectifs (3 contre 1) que du matériel (de 3 à 6 contre 1). Les explications sont multiples : poids démographique de l’URSS, obligation des soldats allemands de rester dans les pays occupés, débarquement allié en Normandie qui empêche le déplacement des troupes vers le front russe, réarmement massif en URSS à partir de 1942 avec l’aide des États-Unis (loi prêt-bail). 3. Les Soviétiques reprennent la tactique allemande de la Blitzkrieg  : bombardements aériens d’autant plus faciles que les Allemands ont peu d’avions pour les contrer ; avance rapide des chars suivis ou accompagnés de l’infanterie en laissant des troupes autour des villes tenues par les Allemands jusqu’à leur reddition (ce qui est possible grâce aux effectifs soviétiques bien plus importants). 4. Le bilan est très positif pour l’URSS.

2. Qu’est-ce qui permet aux Soviétiques d’avancer rapidement ? Canons, «  torrent de chars soviétiques  » suivis par l’infanterie, bombardements aériens alors que le nombre d’avions allemands est très faible car « ils défendent le sol allemand ». Les avions soviétiques frappent loin des villes allemandes, empêchant l’arrivée de renforts, et bombardent les unités de Panzer qui sont détruites.

– Bilan territorial : reconquête de la Biélorussie (libération du territoire soviétique)  ; reprise d’une partie des pays baltes et de l’est de la Pologne jusqu’aux portes de Varsovie.

3. Quelles sont les principales étapes de la reconquête des villes de Biélorussie encerclées et reprises par les Soviétiques durant cette opération ? Vitebsk, d’autre villes, puis Minsk la capitale de Biélorussie où plus de 100 000 soldats allemands sont piégés.

– Bilan politique  : poids politique renforcé de Staline et de l’URSS dans les relations avec les Alliés  ; renforcement de l’État soviétique pour lequel la victoire est un élément de propagande (défilé des prisonniers allemands à Moscou).

4. Vers quels autres territoires se dirigent ensuite les Soviétiques ? Les pays baltes, la Pologne. 5. Que font les Allemands en quittant les régions occupées ? Les Allemands « dévastent les villes et les campagnes » et commettent des « atrocités » sur les habitants.

3•5

6. Que découvrent les Soviétiques en Pologne le 23 juillet 1944 ? Le camp d’extermination de Maïdanek, «  preuve de la Solution finale » pour le meurtre des Juifs à une échelle industrielle.

– Bilan humain  : le nombre de soldats soviétiques tués ou disparus (178 500) est bien inférieur à celui des Allemands (290  000) mais on ne connaît pas le nombre de blessés allemands ni de prisonniers soviétiques.

Synthèse L’opération Bagration a duré du 22  juin jusqu’au 19  août  1944. Les Soviétiques sont beaucoup plus nombreux que les Allemands et leur offensive a été facilitée par le débarquement en Normandie qui a fixé les armées allemandes à l’Ouest. Ils ont aussi plus de

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alliés bombardent les fortifications allemandes. Plus de 150 000 soldats étatsuniens, britanniques, canadiens débarquent ensuite sur les plages du Cotentin. Le débarquement a été parfois meurtrier, notamment à Omaha Beach. Une fois la côte prise, le débarquement d’hommes et de matériel se fait en continu sur les plages reconquises mais surtout dans le port de Cherbourg et dans les deux ports artificiels de Vierville et Arromanches.

matériel (chars, avions, canons). Les avions bombardent les troupes ennemies, puis les tanks avancent, suivis ou accompagnés de l’infanterie, encerclant sur leur passage les troupes ennemies. Le bilan est très favorable aux Soviétiques  : libération

de la Biélorussie, d’une partie des pays baltes et de la Pologne  ; pertes importantes des Allemands (près de 300 000 morts et 150 000 prisonniers) ; victoire psychologique et politique essentielle pour les Soviétiques.

Parcours 2 1. À Téhéran, il a été décidé que deux opérations conjointes auraient lieu en France et sur le front Est en mai 1944 ; les Alliés occidentaux et soviétiques resteraient désormais en relation ; enfin, il a été convenu qu’ils chercheraient à tromper l’ennemi sur le lieu du débarquement. 2.  Débarquement et bataille de Normandie Dates et lieu   des opérations

– 6 juin 1944 : débarquement. – 6 juin-21 août 1944 : bataille de Normandie.

– 22 juin-19 août 1944 : Biélorussie.

Forces engagées (Alliés et Allemands)

– 2 millions pour les Alliés occidentaux. – 500 000 pour les Allemands.

– 2,4 millions pour les Soviétiques. – 800 000 pour les Allemands.

Opérations militaires

– Bombardement des fortifications et des villes les 5 et 6 juin, parachutage à l’arrière des côtes, débarquement sur les plages, aménagement de ports. – Avancée des troupes vers le sud et l’est, siège et reprise des villes.

– Offensive soviétique rapide (aviation, tanks, infanterie) selon la tactique de la Blitzkrieg. – Siège des villes tenues par les Allemands.

Bilan (territorial, humain, politique)

– Reconquête de la Normandie ouvrant les portes de Paris. – 450 000 pertes pour l’Allemagne (contre 200 000 pour les Alliés), renforçant la position des Alliés. – Renforcement du prestige des États-Unis dans les pays libérés.

– Libération de la Biélorussie, d’une partie de la Pologne et des pays baltes. – Nombreuses pertes allemandes (290 000 tués ou disparus et 150 000 prisonniers). – Rôle politique renforcé de l’URSS au sein de l’Alliance ; renforcement de l’État soviétique (propagande autour des victoires).

Point de passage

Août 1945 : les bombardements nucléaires de Hiroshima et Nagasaki Il s’agit d’expliquer la décision d’utiliser l’arme atomique et de présenter ses conséquences humaines, matérielles et politiques. Le discours de Truman (doc.  3) est reproduit dans une version beaucoup plus longue page 102 du manuel (doc. 1). Il y justifie le bombardement atomique. VIDÉO Hiroshima, la grande explication

Questionnaire 1. Qu’est-ce qui a poussé les États-Unis à entreprendre un programme de recherche pour fabriquer l’arme atomique ? Albert Einstein avait alerté le président Roosevelt de l’existence probable d’un programme nucléaire en Allemagne nazie. 2. Quel est l’intérêt de l’usage de la bombe atomique selon Truman ? Mettre fin à la guerre, sauver des vies américaines, expérimenter une nouvelle arme, faire la « démonstration de sa puissance militaire ».

3. Qu’est-ce qui explique le choix d’Hiroshima comme cible ? C’est une base militaire japonaise qui n’a jamais été bombardée. 4. À quoi conduit la capitulation du Japon le 2 septembre 1945 ? Au désarmement total du Japon et à son occupation militaire par les États-Unis. 5. Quelles sont les conséquences humaines de l’usage de la bombe atomique ? 70  000 morts immédiats à Hiroshima. Il faut y ajouter de nombreux morts par radiations dans les années qui suivent alors que les blessés sont stigmatisés et exclus.

Réponses aux questions p. 75 Parcours 1 1. Les bombes sont larguées par les États-Unis sur Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9  août 1945 par deux bombardiers partis de Tinian dans les îles Mariannes. L’escale du bombardier Bockscar à Okinawa s’explique par l’insuffisance de carburant pour son retour. 2. D’après Truman, il s’agit ainsi d’écourter la guerre et d’éviter la mort des soldats américains qui auraient dû se

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pp. 74-75

3•6

Opération Bagration

battre au Japon si la guerre avait continué. Par ailleurs, il justifie cet acte par la violence de l’armée japonaise qui n’a eu aucune pitié pour les Américains (Pearl Harbor, violences sur les prisonniers de guerre). Néanmoins il laisse ainsi entendre par cette comparaison que le bombardement est sans pitié, n’est pas moral, voire qu’il ne respecte pas les «  lois internationales » ; il est vrai que l’accord de Londres signé la veille (concernant les chefs d’accusation à Nuremberg) pourrait assimiler ce bombardement nucléaire à un crime de guerre (voir texte 4 p. 121). Mais il y a une autre raison qui explique l’utilisation de l’arme nucléaire et qui n’est pas mentionnée par Truman. Depuis le 8  août, l’URSS est en guerre contre le Japon et il faut vite mettre fin au conflit avant que cette dernière impose sa domination sur la région. Par ailleurs l’utilisation de la bombe permet à Truman de montrer à l’URSS la nouvelle puissance dont il dispose, et d’être en position de force face à celle-ci alors qu’elle apparaît comme son futur rival. 3. Les documents sont parlants (utiliser aussi leurs légendes)  : destruction d’une grande partie de la ville d’Hiroshima  ; mort immédiate de 70  000  personnes à Hiroshima et 40 000 à Nagasaki ; blessures et irradiations entraînant la mort de dizaines de milliers de personnes après coup (voir aussi le document 2 p. 102). Le texte 5 permet de montrer les effets concrets et immédiats de la bombe – la mort, les blessures profondes, la peau arrachée – et aussi à court et moyen termes (irradiation de Nori Tohei avec saignement et perte de cheveux). 4. Hirohito annonce la capitulation le 15  août. D’après le texte, il semble bien que cela soit le bombardement atomique qui l’y pousse (une «  bombe nouvelle d’une extrême cruauté […] qui entraînerait l’anéantissement de la nation japonaise »). Il met aussi en avant la situation militaire du Japon qui lui est défavorable. En effet, les Américains se rapprochent inexorablement de l’archipel nippon et le Japon reste le seul pays de

l’Axe en guerre (l’Allemagne a capitulé le 8 mai). Mais le discours ne dit pas tout. Pour Hirohito et sans doute pour le gouvernement japonais, il vaut mieux tomber sous le joug des Américains que sous celui des Soviétiques. Ces derniers risquent de démanteler le territoire, d’en annexer une partie (ils vont d’ailleurs s’emparer des îles Sakhaline et Kouriles, voir p.  113), d’installer le communisme. Pour le Japon, il vaut mieux terminer la guerre avant que le rapport de force soit trop favorable à l’URSS.

Synthèse Le bombardement nucléaire est décidé par le président américain Harry S. Truman. Le 8  août, un bombardier appelé Enola Gay, parti de Tinian dans les îles Mariannes, largue une bombe à l’uranium (Little Boy) sur Hiroshima. Le 9 août, un autre avion du nom de Bockscar largue une bombe au plutonium sur Nagasaki (Fat Man). Celle-ci provoque un champignon nucléaire qui monte à plus de 18 km d’altitude. Dans son discours du 9 août 1945, Truman explique l’utilisation de l’arme nucléaire par sa volonté de mettre fin rapidement à la guerre, de sauver des vies américaines et la justifie par la cruauté des Japonais à l’égard des prisonniers américains et le manque de respect des lois de guerre internationales. Il ne dit pas qu’il s’agit aussi de terminer la guerre avant que l’Armée rouge n’occupe un trop large territoire en Asie. Les conséquences des bombardements nucléaires sont terribles : un grand nombre de morts immédiats (70 000 à Hiroshima, 40 000 à Nagasaki) et des dizaines de milliers de blessés graves qui mourront ensuite de leurs blessures et des irradiations ; destruction presque totale d’Hiroshima (90 %) et d’une grande partie de Nagasaki. Le bombardement accélère la fin de la guerre : l’empereur Hirohito décide après quelques jours de réflexion de demander la capitulation du Japon, qui est signée le 2 septembre 1945.

Parcours 2 1.  Les raisons données et possibles

– Décision du président américain Harry S. Truman. – Bombardier américain Enola Gay sur Hiroshima le 6 août 1945. Explosion de Little Boy à 600 mètres au-dessus de la ville. Bombe à l’uranium. – Bombardier Bockscar sur Nagasaki le 9 août. Explosion de Fat Man à 550 mètres au-dessus de la ville. Bombe au plutonium. – Champignon nucléaire de 18 km d’altitude à Nagasaki.

– Par Truman : écourter la guerre et sauver des vies américaines ; les Japonais font preuve d’une violence extrême à l’égard des prisonniers et ne respectent pas les lois de guerre internationales. – Autres raisons possibles : montrer la puissance des États-Unis à l’URSS ; éviter la poussée soviétique et communiste en Asie ; tester une nouvelle arme et ses effets.

2. Reprendre la synthèse du parcours 1.

3•7

CHAPITRE 3 La Seconde Guerre mondiale

Les conséquences – Destructions matérielles : 90 % d’Hiroshima sont détruits. – Bilan humain : 70 000 morts immédiats à Hiroshima ; 40 000 à Nagasaki ; nombreuses irradiations et morts postérieures. – Conséquences politiques : capitulation du Japon (annoncée par Hirohito et effective le 2 septembre).

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Les bombardements nucléaires

Point de passage

Le front de l’Est et la guerre d’anéantissement La guerre sur le front de l’Est a été une guerre d’anéantissement. On a exclu de cette étude les fusillades des Juifs en URSS par les Einsatzgruppen. Ces massacres sont étudiés dans l’étude plus globale de la Shoah qui suit ce dossier. En dehors de l’extermination des Juifs, des Tsiganes et des cadres communistes par fusillades, beaucoup de civils ont été massacrés, avec souvent pour prétexte qu’ils aidaient les partisans (résistants) qui harcelaient les troupes allemandes derrière la ligne de front. La violence de guerre a aussi eu lieu entre les combattants, chaque camp essayant non seulement d’atteindre la victoire, mais aussi d’anéantir l’adversaire. La violence – qui entraîne donc une très forte mortalité (doc. 6) – s’explique en partie par l’idéologie nazie. VIDÉO Sur le front de l’Est

Questionnaire 1. À quoi voit-on qu’il s’agit d’un film de propagande ? Les Allemands sont en forme, souriants, même et surtout après la bataille. Ils représentent parfaitement la jeunesse aryenne telle que la dépeint l’idéologie nazie. Seuls les Allemands sont filmés. Les blessés sont soignés aux «  postes de secours  », «  soignés dans des hôpitaux de l’arrière », on ne voit pas de morts du côté allemand. Commentaire favorable aux Allemands. 2. Qu’est-ce qui montre la violence des combats ? Armement considérable (chars, avions bombardiers et stukas, canons), champs de bataille «  criblés de trous d’obus ». 3. Montrez que les civils sont aussi des cibles pour les Allemands. Villages brûlés à l’arrière-plan.

Réponses aux questions p. 79 Parcours 1 1. Le document 1 est un ensemble de recommandations faites à l’armée allemande sur le front de l’Est par le général Erich von Manstein. Le document 2 est une affiche de propagande pour recruter les Waffen-SS. Pour les nazis, l’URSS est dirigée par les judéo-bolcheviques (Juifs et communistes) et notamment par les Juifs qui sont à la base de la « terreur soviétique ». De plus, les Soviétiques occupent l’espace vital européen dont ont besoin les Allemands. L’affiche de recrutement le confirme : l’URSS, qui porte l’étoile de David et l’étoile rouge avec faucille et marteau du communisme, est comparée à un dragon qui dévore les hommes (ossements). La Waffen-SS, représentée par le simple contour d’un soldat brandissant une grenade et le sigle de la SS, tue le dragon pour sauver l’humanité.

3•8

2. L’affiche révèle qu’il s’agit non seulement de conquérir un territoire mais aussi de détruire ce que les nazis considèrent comme le mal absolu : le « judéo-bolchevisme ». Les prisonniers de guerre soviétiques sont parqués dans des camps en plein air où ils meurent de faim et de froid. À Stalingrad, les deux armées se battent des mois dans les ruines de la ville dans un combat sans merci. Les pertes militaires soviétiques de la guerre sont considérables  : 10,2  millions de morts et disparus parmi les militaires soviétiques et parmi eux 3,5 millions de prisonniers (soit 70 % des prisonniers soviétiques). 3. Les violences subies par les civils sont aussi très importantes. Les instructions de Manstein (doc.  1) indiquent bien que le pillage du pays est conseillé (une partie de la population « devra avoir faim »). Par ailleurs, il ne doit y avoir aucun «  témoignage d’humanité  » à l’égard de la population. Les villages sont pillés et incendiés, en représailles des actes de la résistance (doc. 4 et 5), mais il s’agit souvent d’un prétexte pour terroriser la population. Les habitants sont parfois massacrés y compris les femmes et les enfants, et déportés pour le travail dans le Grand Reich (plus de 5,3 millions de déportés en Allemagne). La mortalité des civils est donc très importante, sans doute plus de 16 millions de personnes, dont celle des Juifs qui sont systématiquement exterminés (plus de 1,1 million de morts sur le front de l’Est).

Synthèse Les nazis veulent montrer la supériorité du nazisme sur le communisme, et détruire le « système judéo-bolchevique  ». Ils veulent aussi étendre et purifier «  l’espace vital européen  » nécessaire aux Allemands selon eux et enfin anéantir les Juifs accusés non seulement de pervertir la race aryenne, mais aussi d’être les vrais instigateurs du communisme et du régime bolchevique. Du côté soviétique, il faut absolument libérer le territoire et montrer aux yeux du monde la supériorité du régime stalinien. En raison de ces idéologies, la violence de guerre est extrême sur le front de l’Est. Chaque camp essaie non pas seulement d’atteindre la victoire, mais aussi d’anéantir l’adversaire. Lorsqu’ils ne sont pas tués, les prisonniers de guerre soviétiques sont parqués dans des camps en plein air où ils meurent de faim et de froid ou sont envoyés en camps de concentration dans le Grand Reich (exemple Mauthausen). Les prisonniers allemands sont envoyés dans les camps du Goulag. La guerre entraîne donc une très forte mortalité parmi les militaires : 10,2 millions de soldats soviétiques sont tués, soit 34 % des soldats mobilisés. Le front de l’Est est aussi un lieu où le massacre des civils a été fréquent, avec le prétexte qu’ils aidaient les résistants qui harcelaient les troupes allemandes derrière la ligne de front. Mais la population civile est aussi volontairement affamée (« elle devra avoir faim », doc. 1). De nombreux civils sont aussi déportés vers l’Allemagne pour y travailler et souvent dans des conditions

CHAPITRE 3 La Seconde Guerre mondiale

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pp. 78-79

très dures (5,3 millions de déportés dont 2,2 millions de morts). Les Juifs sont par ailleurs systématiquement massacrés (plus d’1,1 million de morts). Ainsi la mortalité est

considérable parmi les civils : 16,8 millions de morts et disparus au total.

Parcours 2 L’idéologie nazie

La violence entre combattants

La violence sur les civils

– Le système judéo-bolchevique « doit être éradiqué ». – Les Allemands doivent livrer un « combat à mort » contre ce système. – Les Juifs qui « sont les forces intellectuelles derrière la terreur bolchevique » doivent être châtiés. – Le « système judéo-bolchevique », qui arbore les insignes du judaïsme et du communisme, est comparé à un dragon qui dévore l’humanité et qu’il faut tuer. – L’espace vital européen nécessaire aux Allemands doit être préservé de l’influence judéo-bolchevique.

– Le combat doit être « à la vie, à la mort » (doc. 1). – Combat dans les ruines de Stalingrad pendant plusieurs mois. – À Stalingrad, disparition des prisonniers de guerre allemands dans les camps du Goulag. – Prisonniers de guerre soviétiques parqués dans des camps en plein air où ils meurent de froid et de faim. – Conséquences : 10,2 millions de militaires sont tués ou disparaissent (34 % des mobilisés) dont 3,5 millions de prisonniers.

– Réquisitions et pillages pour ravitailler l’armée allemande entraînant des famines. Affamer la population (« elle devra avoir faim »). – Destruction de villages en représailles des actes de résistance. – Massacres de civils (y compris femmes et enfants) et déportations en représailles des actes de résistance. – Lutte terrible contre les partisans (résistants). – 16,8 millions de morts parmi les civils. Massacres de nombreux Juifs. 5,3 millions de déportés (dont 2,2 millions disparaissent).

Voir la synthèse du parcours 1.

pp. 80-81

Repères

La Shoah et le génocide des Tsiganes Les deux cartes permettent de resituer les lieux où ont été organisés les génocides, mais aussi d’aborder le processus d’extermination mis en place.

Réponses aux questions p. 81 Doc. 1 et 3

pp. 82-83

1. Les Juifs sont morts en camps de concentration (Allemagne) dans les ghettos (Pologne, pays baltes), fusillés à l’Est (URSS) puis dans les camps d’extermination ouverts à partir de décembre 1941 (partie polonaise du Grand Reich). 2. La mortalité est très forte en Pologne et en URSS. Cela s’explique d’abord par le plus grand nombre de Juifs dans ces régions. Mais c’est aussi là qu’a commencé le génocide proprement dit, c’est-à-dire l’extermination programmée et systématique des Juifs  : fusillades par balles à partir de juin 1941 en URSS, camps d’extermination à partir de la fin de 1941 dans la partie polonaise du Grand Reich pour y tuer avant tout la population des ghettos polonais. Doc. 2 et 4 1. Les procédés d’extermination sont les mêmes : camps de concentration, fusillades sur le front de l’Est, ghettos (dans les ghettos juifs), camps d’extermination. Mais à la différence des Juifs, les Tsiganes ont été avant tout conduits dans les camps de concentration. Par ailleurs, la mortalité des Tsiganes est bien moins forte que celle des Juifs, ce qui s’explique par leur plus faible nombre mais aussi par la décision plus tardive de les tuer (encore

3•9

faut-il se méfier des statistiques, peu fiables concernant une population encore souvent nomade). Il y a aussi une grande différence de mortalité des Tsiganes entre les pays. En Europe de l’Ouest, ils sont assez peu nombreux à avoir été massacrés (à l’exception de la France)  ; en revanche dans les pays d’Europe centrale et orientale, où leur nombre est plus important, et où ils ont été envoyés dans des camps de concentration locaux, leur mortalité est beaucoup plus forte (Roumanie, Croatie). Il en est de même dans le Grand Reich où leur extermination est plus facile.

Étude

Ghettos et fusillades L’enfermement des Juifs et aussi de Tsiganes dans les ghettos commence après l’invasion de la Pologne. Si la mortalité y est forte (doc.  2), ce n’est pas à proprement parler le début de la Shoah car il n’y a pas encore la volonté claire d’exterminer les Juifs. Celle-ci débute réellement en juin 1941 avec la fusillade systématique des Juifs sur le front de l’Est par les Einsatzgruppen, ces unités  SS qui suivent la Wehrmacht. Elle se renforce ensuite lors de la « Solution finale » avec la construction des camps d’extermination, où l’intention génocidaire (gazage immédiat des population) est manifeste. VIDÉO La Shoah par balles Avant de visionner ce passage du grand documentaire télévisé Apocalypse, on rappellera aux élèves que la Shoah par balles commence réellement en 1941 avec l’invasion de l’URSS. Ces images concernent le front de l’Est, ce qui n’est pas évident lors du visionnage de l’extrait.

Questionnaire 1. Comment sont tués les Juifs ? Ils sont tués d’une balle et enterrés dans les trous qu’ils

CHAPITRE 3 La Seconde Guerre mondiale

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Synthèse

2. Où se trouve le ravin de Babi Yar ? Combien y a-t-il eu de Juifs tués dans ce ravin en quelques jours ? Le ravin de Babi Yar se trouve près de Kiev en Ukraine. En trois jours, plus de 33  000  Juifs ont été assassinés (hommes, femmes, enfants). 3. Qui sont les photographes des clichés visibles dans le documentaire ? Les bourreaux qui envoient les photographies à leurs familles. 4. Qui décide de changer de méthode pour assassiner les Juifs et pourquoi ? Himmler qui trouve le procédé répugnant, trop primitif et pas assez rapide. 5. Quel est le nouveau procédé inventé par les nazis ? Les camions à gaz puis plus tard les chambres à gaz.

Réponses aux questions p. 83 1. Les conditions de vie sont difficiles du fait du manque de place (promiscuité), de lieux d’hygiène et de nourriture (faim, affaiblissement), ce qui entraîne le développement rapide d’épidémies telles le typhus. À cela s’ajoute la peur de la déportation, de plus en plus « massive » à partir de 1942 vers le camp d’extermination d’Auschwitz (Auschwitz-Birkenau). 2. Les Juifs d’URSS ont été fusillés par les unités Einsatzgruppen qui suivaient la Wehrmacht à mesure qu’elle avançait vers l’est. Ils étaient rassemblés par les SS et leurs auxiliaires, puis conduits à l’écart des villes et des villages pour être fusillés dans des fosses recouvertes ensuite de terre. Dans le texte 4, les auteurs de ces massacres sont des SS de l’Einsatzgruppe A (commando 3, EK3) et leurs auxiliaires locaux, des Lituaniens. 3. a. Le document est un extrait du journal de Hans Frank, Gouverneur général de Pologne, écrit en décembre 1941 (c’est-à-dire après les débuts de l’invasion de l’URSS et peu avant la mise en activité des camps d’extermination). b. La décision est celle d’anéantir les Juifs du Gouvernement général de Pologne. Ce projet est qualifié « d’extraordinaire » et de « gigantesque ». c. Pour lui, le problème est le nombre de Juifs : 3,5 millions. Le procédé d’extermination utilisé sur le front de l’Est (les fusillades) lui semble impossible à mettre en œuvre dans ces conditions. Il sous-entend donc que d’autres mesures vont être mises en place « au niveau du Reich ». Hans Frank connaissait déjà sans doute les décisions d’exterminer les Juifs par le gaz. Le camp d’extermination de Chelmno commence à fonctionner en décembre 1941 (mois du discours). Les camps de Belzec, Sobibor et Treblinka, destinés à tuer les Juifs du Gouvernement dans le cadre de l’« Aktion Reinhard », sont mis en service dans le courant de l’année 1942.

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Synthèse Dès 1939, les Allemands enferment les Juifs de Pologne dans des ghettos, où beaucoup meurent de faim et de maladies comme le typhus. L’extermination programmée et systématique des Juifs commence en 1941, lors de l’invasion de l’URSS par l’armée allemande. Des unités SS, les Einsatzgruppen, suivent la Wehrmacht dans sa progression avec pour but d’éliminer les Juifs, les Tsiganes et les cadres communistes. La décision d’anéantir les Juifs de Pologne et sans doute du reste de l’Europe est prise à la fin de l’année 1941. À partir de décembre, les nazis mettent en service les camps d’extermination dans la partie polonaise du Grand Reich.

pp. 84-85

Étude

Auschwitz, un camp de la mort Le cas d’Auschwitz est particulier. Il a tout d’abord été un camp de concentration (Auschwitz I est ouvert en mai 1940) puis, lorsqu’il s’est agi d’exterminer les Juifs d’Europe, les Allemands ont ouvert le camp d’Auschwitz II-Birkenau au début de 1942. Le camp d’Auschwitz III-Monowitz est mis en service en octobre 1942 afin de fournir une maind’œuvre gratuite et proche à l’usine chimique IG Farben. Le camp d’extermination est donc celui de Birkenau  ; mais lui-même concentre de très nombreux Juifs destinés au travail, hommes et femmes, ainsi que des Tsiganes. Il dispose donc de nombreux baraquements ; c’est un camp gigantesque à la différence des camps d’extermination de l’« Aktion Reinhard » (Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka) où les Juifs étaient presque tous tués à l’arrivée et qui ont été détruits une fois les Juifs de Pologne disparus. VIDÉO Le témoignage de Ginette Kolinka

Questionnaire 1. Que se passe-t-il pour Ginette Kolinka le 13 mars 1944 ? Elle fuit la capitale en juillet 1942 et se réfugie à Avignon où elle est arrêtée avec sa famille sur dénonciation le 13 mars 1944. 2. Par quel camp français passent Ginette et sa famille avant d’être envoyés à Auschwitz-Birkenau ? Par Drancy près de Paris. 3. Par quel moyen sont-ils transportés jusqu’au camp ? Ils ont été transportés dans des trains à bestiaux. 4. Qu’advient-il de son frère et de son père à l’arrivée ? Ils sont gazés  : son père a 61  ans et son petit frère a 12 ans. 5. Qu’est-il advenu des chambres à gaz au départ des nazis ? Elles ont été détruites. 6. Quels vestiges du camp nous montre ce reportage ? Des baraquements, l’entrée du camp (la «  porte de la mort  »), les toilettes collectives, des tas de chaussures, les vestiges des chambres à gaz dynamitées par les nazis.

CHAPITRE 3 La Seconde Guerre mondiale

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ont creusés  ; puis fusillés dans des fosses communes  ; enfin tués dans le vaste ravin de Babi Yar.

1. Auschwitz est situé en Pologne (partie polonaise du Grand Reich). 2. Auschwitz-Birkenau est le principal camp d’Auschwitz ; on y trouve aussi les crématoires (chambres à gaz et fours). 3. Les détenus viennent de débarquer du train. C’est la sélection  : à gauche, femmes, enfants et vieillards qui vont être conduits à la chambre à gaz  ; à droite, les hommes en majorité ainsi que des femmes valides pour le travail. Au milieu, un homme semble perdu sans pantalon, une chaussure en moins. Sur les côtés, en tenue rayée, des détenus du camp aident les SS dans leur travail de sélection. 4. Les chambres à gaz sont camouflées en douches  ; après y avoir fait pénétrer nues les personnes, les portes sont verrouillées et on y jette les boîtes contenant le gaz par les lucarnes ou le plafond ; une demi-heure plus tard, les cadavres sont sortis, leurs dents et les cheveux des femmes sont récupérés. Placés dans l’ascenseur, les cadavres sont montés jusqu’au crématoire, traînés sur le sol volontairement couvert d’eau jusqu’aux fours où ils sont incinérés. Presque tous les corps sont ceux de femmes et d’enfants. 5. Les détenus qui échappent à la mort immédiate sont conduits dans les baraquements du camp pour travailler. Ginette Kolinka casse et transporte des pierres. Les membres des Sonderkommandos s’occupent des morts des chambres à gaz. Les déportés travaillent aussi dans les annexes du camp ou dans l’usine chimique IG Farben. Ils sont à peine nourris, sont maltraités et peuvent être à tout moment sélectionnés pour la chambre à gaz s’ils sont trop maigres ou malades.

Synthèse Reprendre les réponses aux questions dans l’ordre de celles-ci.

p. 86

Étude

Le génocide des Tsiganes (Samudaripen) Le génocide des Tsiganes suit le même processus que celui des Juifs. Mais comme le montrent les documents, les nazis sont plus hésitants sur leur extermination. Ces documents peuvent être mis en relation avec la carte 2 page 81.

Réponses aux questions p. 86 1. Il y a trois groupes de Tsiganes : les Roms en Europe centrale, les Sinti en Allemagne et dans l’est de la France, les Gitans dans le sud de la France et en Espagne. 2. Le texte 1 (qui n’est pas un texte source mais un ouvrage d’historien qui a eu un grand succès) montre

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que les Tsiganes sont discriminés dès 1933 du fait de leur race présumée. Trollmann perd ainsi son titre de champion d’Allemagne. Mais le texte montre bien que la politique nazie à leur égard est encore mal définie puisque les frères de Trollmann sont déportés en camp de concentration alors que celui-ci combat dans l’armée allemande jusqu’en 1942. En 1942, il subit néanmoins le sort de ses frères (l’idéologie l’emportant sur la logique de guerre, car les Allemands avaient besoin d’hommes sur le front Est)  : il est arrêté et envoyé à son tour en camp de concentration, à Neuengamme. Le texte 2 montre que certains Tsiganes sont envoyés en camp d’extermination. À Auschwitz-Birkenau, leur sort est particulier. Ils ne sont pas directement assassinés contrairement aux Juifs, peuvent vivre en famille avec leurs enfants alors que les enfants juifs sont gazés à l’arrivée, et apparemment ils ne travaillent pas. De nouveau, les nazis sont indécis  : doivent-ils gazer les Tsiganes, alors que leur infériorité n’est pas certaine selon leurs études (ils seraient de souche « aryenne ») ? La solution de les assassiner est prise tardivement et cela se fait durant la nuit du 31 juillet au 1er août 1944. La photographie 3 permet d’évoquer les expériences médicales sur les enfants tsiganes. Ici, il s’agit de jeunes garçons castrés. 3. Les différences entre l’extermination des Tsiganes et celle des Juifs sont indiquées dans la réponse précédente  : ils sont persécutés selon les mêmes procédés que les Juifs (séparation d’avec les « Aryens », camps de concentration et d’extermination), mais l’indécision des nazis rend leur extermination plus tardive (Trollmann est envoyé en camp de concentration en 1942, les Tsiganes de Birkenau sont gazés en juillet 1944 après plusieurs années dans le camp) et la mort a lieu avant tout dans les camps de concentration. Le corpus idéologique nazi était antisémite, ce qui explique que l’anéantissement des Juifs a été plus rapide que celui des Tsiganes dont le sort n’avait pas été évoqué par Hitler dans Mein Kampf et dont l’infériorité raciale n’était pas évidente pour les nazis  : mort de 22  % des Tsiganes d’Europe sans doute (bien que les statistiques soient floues les concernant puisqu’ils étaient souvent nomades et non recensés) contre 60 % des Juifs d’Europe.

p. 87

Étude

Violences et crimes du Japon en guerre Cette étude présente un aspect moins évoqué en Occident de la violence de guerre, celle du Japon en Asie-Pacifique. Les violences de l’armée japonaise durant la Seconde Guerre mondiale sont reconnues partiellement par le Japon, et encore absentes de leurs manuels scolaires. Elles jouent un rôle dans les relations diplomatiques entre le Japon, la Corée et la Chine. Le sort des « femmes de réconfort » est encore évoqué dans la presse coréenne et internationale (ici dans le journal Libération) alors que les massacres des soldats japonais

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Réponses aux questions p. 85

Réponses aux questions p. 87 1. Les violences japonaises décrites dans cette page sont localisées sur la carte 2 p. 67. L’armée japonaise a massacré les habitants de Nankin (sans doute plus de 200  000  morts) avec une violence extrême : sur la photographie, on voit les militaires japonais en train d’enterrer vivants des civils chinois. Les témoignages des crimes commis par l’armée dans cette ville sont terrifiants. Il s’agissait de violer et de tuer en faisant souffrir le plus possible les victimes, avec l’aval du commandement qui a laissé faire (même si aucun ordre précis n’a été donné dans ce sens). On pourra lire avec intérêt l’ouvrage de Michaël Prazan, Le Massacre de Nankin. 1937, le crime contre l’humanité de l’armée japonaise, Tallandier, coll. « Texto », 2014. L’armée a aussi réduit de nombreuses femmes coréennes et chinoises à l’état d’esclaves sexuelles. Elles devaient suivre l’armée dans ses déplacements pour «  servir  » les soldats japonais. Il s’agissait peut-être pour le commandement de réduire ainsi la fréquence des viols qui étaient systématiques au début de la guerre contre la Chine, et qui ont été massifs à Nankin en 1937. L’armée a aussi persécuté les prisonniers de guerre, en les tuant, en les nourrissant à peine ou en leur faisant réaliser des travaux mortels (construction du chemin de fer entre la Thaïlande et la Birmanie). Durant la guerre, la mortalité des prisonniers de guerre a été de plus de 30 %. Enfin des unités de l’armée japonaise ont été chargées de produire des armes bactériologiques en se servant de cobayes humains. L’unité 731 n’est pas la seule mais les témoignages, les documents et photographies découverts sur ce laboratoire japonais situé en Mandchourie suscitent l’effroi et l’incompréhension (une recherche sur Internet mènera à de nombreux documents sur ce sujet parmi lesquels des photographies d’époque authentiques). 2. Les causes de la violence japonaise sont multiples et citées en leçon page  88  : le nationalisme qui faisait penser aux Japonais qu’ils étaient supérieurs aux autres peuples asiatiques  ; le mépris pour la mort, pour euxmêmes et donc aussi pour les autres  ; la nécessité de gagner par nationalisme mais aussi pour glorifier leur empereur qu’ils vénéraient ; la discipline et la violence au sein même de l’armée japonaise, qu’ils faisaient subir en retour à leurs prisonniers ou aux civils lorsque le commandement fermait les yeux ou les y autorisait.

pp. 90-91

Point de passage

Juin 1940 en France : arrêter ou continuer la guerre Le chef du gouvernement Paul Reynaud était partisan de continuer la guerre à partir de l’Afrique du Nord où

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il aurait transféré la flotte et l’aviation alors que l’armée de terre aurait capitulé en métropole, mais le commandement militaire s’y oppose et il démissionne. Il est remplacé par Philippe Pétain, partisan de l’armistice, auquel l’opinion publique et les parlementaires font confiance du fait de son passé glorieux pendant la Grande Guerre. Néanmoins Charles de Gaulle, qui a rejoint Londres le 17  juin au moment de l’arrivée de Pétain au pouvoir, est partisan de continuer le combat. Le 18 juin, avec l’accord de Winston Churchill, il répond à la radio britanique aux arguments pétainistes. Le discours de Charles de Gaulle du 22 juin 1940 (sujet blanc page  105) reprend les mêmes arguments que ceux du 18  juin, mais le général connaît alors en partie les conditions de l’armistice (ce qui n’est pas le cas le 18  juin). Les élèves pourront ainsi l’analyser en réinvestissant leurs connaissances, tout en s’adaptant à un nouveau document. VIDÉO Juin 1940, la défaite française

et l’armistice Questionnaire 1. Que demande Pétain le 17 juin 1940 ? L’armistice (les Parisiens n’ont pas l’air heureux au contraire des Allemands !). 2. Comment réagit de Gaulle ? De Gaulle s’élève contre l’armistice le 18  juin puis, quelques jours après, il demande que l’honneur des Français consiste à « continuer la guerre ». 3. Par quel chef d’État Hitler est-il félicité après sa victoire ? Expliquez-le à partir de vos connaissances. Par Staline, allié de Hitler depuis le pacte germanosoviétique de 1939. 4. Où est signé précisément l’armistice de juin 1940 ? Dans le wagon qui a servi à la signature de l’armistice du 11 novembre 1918. 5. Quelle est la cause inacceptable pour la France qu’elle finit par accepter ? Elle accepte de livrer les Allemands antinazis réfugiés en France. 6. Quels sont les monuments profanés par les Allemands et pourquoi ? Les monuments rappelant la victoire française dans la Première Guerre mondiale comme ceux de Verdun.

Réponses aux questions p. 91 Parcours 1 1. En mai-juin 1940, la France est envahie par l’Allemagne et des millions de civils sont sur les routes pour fuir l’avancée de la Wehrmacht. 2. Philippe Pétain, défenseur de Verdun en 1916 et maréchal de France, est nommé président du Conseil le 16 juin au soir alors qu’il est favorable à l’armistice avec

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en Chine, et en particulier à Nankin, sont encore utilisés par l’État chinois lorsqu’il cherche à monter son opinion publique contre le Japon.

3. a. L’auteur de cet appel est Charles de Gaulle, un général peu connu des Français mais qui est entré comme sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la Défense dans le gouvernement de Paul Reynaud au moment de l’invasion. Quand Pétain arrive au pouvoir, de Gaulle rejoint Londres et prononce un discours à la BBC le 18  juin. Il s’agit d’une réponse au discours du 17 juin de Pétain. b. Pour de Gaulle, la défaite de la France est essentiellement due à la supériorité en armes modernes de l’ennemi (sa «  force mécanique  ») et à sa tactique. Les «  chefs  » qui sont à la tête de l’armée française depuis « de nombreuses années » sont coupables puisqu’ils sont à l’origine de choix tactiques néfastes. Il vise sans doute Pétain qui a toujours été partisan d’une stratégie de guerre « défensive » (et non offensive comme celle des Allemands). c. Il faut continuer le combat parce que la France est amenée à gagner à long terme. Elle a son empire colonial que les Allemands n’ont pas envahi. Elle a un allié de poids, le Royaume-Uni, qui continue le combat. Elle peut avoir des armes en nombre produites par les États-Unis alors que la supériorité en armement des Allemands explique selon lui leur victoire en 1940 et que celle-ci sera dépassée un jour. d. De Gaulle appelle la France à se battre, à continuer le combat. Mais très peu de Français sur les routes de l’exode peuvent entendre son discours, qui plus est diffusé sur la radio britannique. Il vise d’abord les Français installés ou réfugiés en Angleterre : les officiers et soldats français (ceux qui ont pu gagner l’Angleterre notamment à partir de Dunkerque en 1940), mais aussi les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement. Il les invite à se mettre en «  rapport avec lui  ». En fait, il cherche à créer une petite armée qui prendra ensuite le nom de FFL (Forces françaises libres). 4. Le gouvernement de Pétain signe l’armistice le 22 juin 1940. Les dispositions de l’armistice ne sont pas toutes défavorables à la France. Celle-ci conserve son gouvernement, la zone sud est libre, l’empire colonial reste sous l’autorité du gouvernement français qui conserve aussi sa flotte et son aviation. Les Français peuvent ainsi croire que la France reste une puissance souveraine. Mais ces quelques faveurs permettent à l’Allemagne de leur faire accepter les autres clauses de l’armistice, en particulier les lourds frais d’occupation et le maintien des prisonniers en captivité.

Synthèse Pour l’opposition des arguments, voir le tableau du parcours 2.

3•13

La guerre s’achève par l’armistice. La France garde son gouvernement, son empire, son aviation et sa flotte. Mais ces quelques concessions cachent la dureté de ses clauses  : occupation d’une grande partie du territoire par les Allemands  ; maintien des prisonniers de guerre en activité ; entretien des troupes d’occupation. L’armistice introduit aussi le début d’une collaboration entre les deux pays avec la livraison par l’État français des ressortissants allemands réfugiés en France.

Parcours 2 1. Philippe Pétain, défenseur de Verdun en 1916 devenu maréchal de France, très populaire dans le pays, est nommé président du Conseil le soir du 16 juin alors qu’il est favorable à l’armistice avec l’Allemagne. Le 17 juin, il tient un discours à la radio où il annonce qu’il va demander l’armistice à l’Allemagne. Charles de Gaulle en revanche est un général peu connu des Français. Il est entré comme sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la Défense dans le gouvernement de Paul Reynaud en 1940. Quand Pétain arrive au pouvoir et s’apprête à signer l’armistice, de Gaulle rejoint Londres. Avec l’accord de Churchill, il répond au discours de Pétain à la radio britannique le 18 juin. 2.  Arguments de   Philippe Pétain

Arguments de   Charles de Gaulle

Les causes de la défaite : un ennemi supérieur en nombre et en armes.

Les causes de la défaite : la force mécanique de l’ennemi ; la tactique des chefs de l’armée.

Les raisons pour arrêter   le combat : le « malheur de la France » (envahie), les « malheureux réfugiés » dans le dénuement.

Les raisons pour continuer le combat : ressources de l’empire français, alliance du Royaume-Uni, production d’armes par les États-Unis qui permettra de vaincre par une force mécanique supérieure.

Comment arrêter : l’arrêt des combats, c’està-dire l’armistice avec les Allemands.

Comment continuer : regrouper les Français derrière lui (tout d’abord ceux présents en Angleterre) et continuer la lutte.

3. Ainsi, alors que Pétain choisit l’armistice et l’arrêt des combats, de Gaulle propose de continuer la lutte dans un discours qui fonde la résistance extérieure.

pp. 92-93

Étude

Le régime de Vichy Notre choix a été de séparer ce qui est de l’ordre du régime politique de Vichy de celui de la collaboration dans deux études successives. Ainsi l’élève comprendra que la dictature, la répression politique ou le statut des Juifs (décret antisémite) n’ont pas été le fait des Alle-

CHAPITRE 3 La Seconde Guerre mondiale

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l’Allemagne. Le 17 juin, il tient un discours à la radio où il annonce qu’il va demander l’armistice à l’Allemagne. Pour lui, la défaite est due à la supériorité de l’ennemi en nombre et en armes. Il faut cesser le combat pour mettre fin au malheur de la France (en partie envahie) et aux souffrances des Français qui « sillonnent les routes » dans un «  dénuement extrême  ». Il fait ici allusion à l’exode des Français fuyant l’avancée allemande (doc. 1).

Réponses aux questions p. 93 1. L’Alsace et le nord de la Lorraine sont annexées par l’Allemagne qui récupère ainsi les territoires perdus en 1919 lors du traité de Versailles. Le nord et l’ouest de la France sont occupés. 2. Les Actes constitutionnels donnent la totalité du pouvoir exécutif et militaire au chef de l’État, à savoir Pétain. En théorie, le Sénat et la Chambre des députés disposent du pouvoir législatif mais ils sont « ajournés jusqu’à nouvel ordre » (Acte constitutionnel 3) et, en leur absence, le chef de l’État dispose de ce pouvoir (Acte 2, article 1, point 2). Les deux pouvoirs ne sont donc plus séparés et sont aux mains de Pétain. 3. L’affiche montre la France du passé idéalisée à laquelle Pétain aspire : le paysan et l’artisan, au travail, sont au premier plan ; l’usine et le monde ouvrier, le grand commerce ne sont pas absents, mais situés à l’arrière-plan. L’Église est bien visible et souligne l’importance de la religion catholique. La femme ne travaille pas, elle s’occupe des enfants qui sont nombreux. Au premier plan, le coq, symbole de la Gaule. Pétain est à la tête de cette France et son immense portrait rappelle le culte de la personnalité des régimes totalitaires. Il est soutenu par la francisque étoilée, « emblème du maréchal Pétain, chef de l’État français » depuis octobre 1941. En costume militaire, décoré de médailles, son portrait est entouré de feuilles de chêne (symbole de force) et de lauriers (signe de victoire dans l’Antiquité). La devise «  Travail, Famille, Patrie  » remplace la devise républicaine. Mais la rupture avec la France révolutionnaire n’est pas totale : de chaque côté flotte le drapeau tricolore (et les trois couleurs sont partout). Il ne s’agit donc pas d’un retour à l’Ancien Régime. 4. Les partis politiques et les élections sont supprimés et les syndicats remplacés par un système corporatif. Mais Pétain n’a pas créé un nouveau parti unique qui pourrait l’appuyer comme dans les régimes totalitaires. Il s’appuie sur les fonctionnaires qui doivent désormais lui prêter serment de fidélité, sur les organisations de jeunesse et sur les anciens combattants de la Première Guerre mondiale qu’il regroupe dans la Légion française des combattants. Il jouissait d’une immense popularité auprès de ces derniers par le rôle qu’il a joué pendant la guerre de 1914-1918. 5. Pétain décrète le statut des Juifs sans avoir subi la pression de l’occupant. Les Juifs sont exclus de la vie politique, de l’administration et de l’enseignement, de la magistrature, de la radio. La définition du Juif (trois

3•14

grands-parents juifs ou deux grands-parents et un conjoint) est la même qu’en Allemagne. Lors du deuxième statut des Juifs du 2 juin 1941, Vichy interdira aux Juifs d’autres professions, commerciales et industrielles. Le statut des Juifs est donc antisémite. On pourra aussi montrer que l’État français fait interner les Juifs (essentiellement étrangers mais pas uniquement) aussi bien dans la zone libre que dans la zone occupée (doc. 4). 6. Les responsables sont des dirigeants de la IIIe  République marqués à gauche  : Léon Blum, président du Conseil sous le Front populaire  ; Édouard Daladier, radical, président du Conseil à la veille de la guerre ; le général Maurice Gamelin, ancien chef de l’état-major. Il leur est reproché d’avoir mal préparé le pays à la guerre, en particulier de ne pas l’avoir suffisamment réarmé. Mais Hitler met fin au procès, tout d’abord parce que Léon Blum en fait une tribune pour critiquer le régime antirépublicain de Vichy et aussi parce que l’accusation d’avoir mal préparé le pays à la guerre présente l’Allemagne comme une ennemie.

Synthèse Après l’armistice, l’Alsace et le nord de la Lorraine sont annexés par l’Allemagne qui récupère ainsi les territoires perdus en 1919 lors du traité de Versailles. Le nord et l’ouest de la France sont occupés. Très populaire, Pétain s’empare de la totalité des pouvoirs exécutif et législatif par les Actes constitutionnels du 11  juillet 1940 et prend le titre de chef de l’État français. Il fait juger les grands dirigeants de la IIIe République sous prétexte qu’ils auraient affaibli la France et mal préparé à la guerre. Le maréchal Pétain souhaite un retour à la France du passé tel qu’il l’imagine, celle des villages, des familles nombreuses et de la religion catholique. Il met en place une politique antisémite en interdisant aux Juifs de très nombreuses professions.

pp. 94-95

Étude

Vichy et la collaboration La collaboration démarre officiellement après l’entrevue de Montoire en octobre 1940. Nous abordons ici essentiellement la collaboration d’État, mais la collaboration des entreprises qui fournissent l’Allemagne, le travail volontaire en Allemagne ou l’entrée dans la milice sont des formes de collaboration individuelle.

Réponses aux questions p. 95 1. Laval a organisé une rencontre entre Hitler et Pétain en gare de Montoire-sur-Loir à l’ouest de Vendôme, le 24 octobre 1940. Cette rencontre amorce le début de la collaboration d’État entre la France et l’Allemagne. Elle connaît un écho considérable en raison de la poignée de main entre Hitler et Pétain qui sera abondamment reproduite. En collaborant, Pétain espère une amélioration du sort des prisonniers, la baisse des frais d’occupation, un

CHAPITRE 3 La Seconde Guerre mondiale

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mands mais de décisions françaises qui ont été prises sans pression allemande. Il s’agit d’un nouveau régime politique antirépublicain qui trouve ses sources dans l’idéologie française d’extrême droite née avec l’affaire Dreyfus et continuée après la Première Guerre mondiale par celle des ligues.

2. La collaboration économique concerne essentiellement les entreprises industrielles qui travaillent pour l’Allemagne. En 1942, dans les secteurs cités, plus de 50 % de la production est exportée vers l’Allemagne. Elle concerne aussi les Français qui partent volontairement travailler en Allemagne. À partir de 1943, le travail en Allemagne devient obligatoire pour les hommes de 20 à 23 ans. L’affiche de l’État français incite les travailleurs à y travailler. En 1942, le travail obligatoire n’existe pas et il se fait sur la base du volontariat. « Pour la relève » : pour inciter les Français à partir, il avait été institué avec l’accord des Allemands que pour trois ouvriers qualifiés partant en Allemagne, un prisonnier serait libéré et pourrait rentrer en France (décision obtenue de Laval en mai 1942). 3. L’État français fait arrêter les Juifs aussi bien dans la zone libre que dans la zone occupée. Les fonctionnaires français (policiers, gendarmes) mènent les arrestations et administrent les camps d’internement (voir carte  4 p. 93). Puis ils livrent les Juifs aux autorités allemandes qui les conduisent jusqu’aux camps d’extermination (presqu’uniquement Auschwitz pour les Juifs de France). La rafle du Vel’ d’Hiv’ est la plus connue des grandes opérations d’arrestation. Elle a eu lieu le 16 juillet 1942 et a été menée par la police française à Paris et dans sa banlieue. Elle a conduit à l’arrestation de près de 13 000 Juifs étrangers mais de très nombreux enfants étaient nés sur le sol français. Hommes, femmes et enfants ont été parqués dans le Vélodrome d’Hiver avant d’être envoyés à Drancy puis conduits à Auschwitz. 4. La milice a été fondée en 1943. Les miliciens sont des volontaires. D’après ce témoignage, le milicien cherche les maquisards qu’il dénonce ensuite aux soldats allemands. Les miliciens mènent aussi leurs propres opérations. Ainsi ils arrêtent eux-mêmes les maquisards, qu’ils tuent ensuite avec plaisir, ce qui démontre l’ampleur de leur haine. 5. La collaboration s’est intensifiée durant la guerre. En  1944, les livraisons à l’Allemagne représentent une part beaucoup plus importante de la production que durant l’année 1942. Le STO se met en place en 1943 et les travailleurs français sont donc beaucoup plus nombreux en Allemagne à partir de cette date. La Milice, fondée en 1943, aide les Allemands contre la résistance et dans l’arrestation des Juifs. Cette intensification est liée au retour de Pierre Laval à la tête du gouvernement en avril 1942 à la demande des Allemands (il avait été renvoyé par Pétain le 12  décembre 1940), et à l’arrivée de ministres collaborationnistes au gouvernement

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après l’invasion de la zone libre par la Wehrmacht en novembre 1942, la France étant vassalisée à l’Allemagne à partir de cette époque.

Synthèse Pétain engage la collaboration en octobre 1940 à la suite de sa rencontre à Montoire avec Hitler. Selon lui, la collaboration améliorera le sort des Français et réduira leurs souffrances. De nombreuses entreprises travaillent avec l’Allemagne et des travailleurs français partent y travailler volontairement. L’État français fait aussi arrêter les Juifs qu’il livre aux Allemands. Après l’invasion de la zone libre, la collaboration s’intensifie  : augmentation des livraisons à l’Allemagne, Service du travail obligatoire en Allemagne, constitution d’une milice pour traquer les résistants et les Juifs.

pp. 96-97

Point de passage

De Gaulle et la France libre En juin 1940, de Gaulle rejoint le Royaume-Uni et fonde la France libre. L’armée de la France libre, les FFL, combat sur différents théâtres d’opération sous commandement britannique. Mais la France libre est aussi une organisation politique qui finit par regrouper toutes les tendances de la Résistance. Elle prépare le rétablissement de la République et donne à de Gaulle une forte légitimité pour représenter la France auprès des Alliés.

Réponses aux questions p. 97 Parcours 1 1. L’appel du 18 juin est adressé aux Français présents en Angleterre. L’idée est de constituer une petite armée qui continue la lutte. 2. L’AEF se rallie en 1940 (ainsi que le Cameroun qui n’en fait pas partie) ainsi que les comptoirs indiens et quelques territoires océaniens (Nouvelle-Calédonie…)  ; les colonies du Proche-Orient (Syrie, Liban) ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon en 1941  ; l’AOF, Madagascar, ainsi que le Maroc et l’Algérie en 1942 ; enfin la Tunisie en 1943. Ainsi toutes les colonies, à l’exception de l’Indochine, sont sous l’autorité de la France libre en 1943, avec leurs armées coloniales et leurs ressources. Les colonies apportent donc leurs armées  : près de 30 000 FFL sont des soldats coloniaux originaires essentiellement d’Afrique noire. Les colonies apportent aussi leurs ressources. 3. Les FFL forment une petite armée qui se met au service des Britanniques. La carte montre qu’ils participent à de nombreuses batailles en Afrique du Nord et au ProcheOrient, puis en Italie et en Provence. En France, ils forment des réseaux de renseignement du BCRA (Bureau central de renseignements et d’action de la France libre). On pourra mettre en relation le document  3 avec le document 4 p. 99 qui montre l’intensification de l’activité de ces réseaux (forte augmentation des télégrammes

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assouplissement de la ligne de démarcation divisant la France. Mais après avoir étudié le régime de Vichy (Étude pp. 92-93), on peut aussi penser que celui-ci partage certains fondements idéologiques de l’Allemagne nazie, ce qui lui rend la collaboration plus facile (antisémitisme, régime dictatorial et pouvoir fort, etc.).

envoyés au service central du BCRA en 1943 et surtout en 1944). 4. Les directions (ministères) du CNF sont celles d’un gouvernement normal avec bien sûr une grande importance donnée à la guerre, mais pas seulement. Il s’agit de montrer aux Alliés que le CFLN encadre toutes les activités d’un État  : information et presse, marine marchande, administration et finances, colonies et affaires économiques, armements, affaires politiques, intérieur, affaires étrangères. Des personnalités fortes de la Résistance sont placées à la tête de chacun de ces ministères. Cet embryon d’État est chargé de préparer l’après-guerre et de légitimer de Gaulle. 5. Le gouvernement gaulliste commence par la formation d’un pouvoir exécutif, le CNF, composé de plusieurs directions. Puis, il est remplacé par le CFLN en 1943, assisté d’une Assemblée consultative représentative de la Résistance. Le CFLN défend la République française (Marianne, RF). De Gaulle se présente donc comme le restaurateur de la République. On notera la présence de femmes, les FFL regroupant aussi des femmes.

Synthèse De Gaulle fonde la France libre en 1940 par le discours fondateur du 18  juin. Il recrute au début surtout des Français ayant rejoint l’Angleterre. Les colonies se rallient progressivement à la France libre de 1940 à 1943, fournissant des combattants mais aussi des ressources (alimentaires, matières premières). La France libre dispose d’environ 75  000  membres qui combattent surtout dans l’Armée de terre et la Marine, mais dont certains font partie des réseaux de résistance sur le sol français. Les FFL combattent sous commandent britannique en Afrique du Nord, en Syrie et participent au débarquement. De Gaulle prend la tête d’un premier gouvernement de la France libre, le Conseil national français (CNF), en 1941 ; en 1943, le CNF est remplacé par le CFLN assisté d’une Assemblée consultative regroupant toutes les instances de la Résistance. C’est une organisation républicaine. De gaulle assoit ainsi sa légitimité auprès des Alliés, devient un partenaire important et prépare son gouvernement de l’après-guerre.

Parcours 2 1. Un chef, des effectifs, des territoires

2. Une France combattante

3. Un embryon d’État

– Un chef : de Gaulle, chef de la France libre. – Des effectifs : des Français ayant rejoint l’Angleterre, des soldats des colonies (surtout d’Afrique noire), quelques milliers d’étrangers et de légionnaires ; des hommes et des femmes. – Les colonies françaises : AEF dès 1940 ; puis mandats (Syrie, Liban) en 1941 ; AOF, Afrique du Nord et colonies d’Afrique de l’Est en 1942 ; Tunisie en 1943.

– De nombreux soldats dans l’Armée de terre et dans la Marine. – Participation aux combats au Proche-Orient (Syrie) et en Afrique du Nord (Bir-Hakeim), puis en Italie et en Provence (1943). – Réseaux de résistance sur le territoire français au service de la France libre (renseignement et sabotage).

– Création d’un gouvernement   en 1941 : Conseil national français (CNF), dirigé par de Gaulle, avec des directions dans tous les domaines (1941). – Le CFLN remplace le CNF en 1943. Il est assisté d’une Assemblée consultative représentant les différentes tendances de la résistance extérieure et intérieure. – Cette organisation politique légitime de Gaulle auprès des Alliés.

Questionnaire

Étude

La Résistance intérieure La Résistance intérieure, sur le territoire français, est composée de plusieurs mouvements de résistance et de réseaux. Elle se développe, se regroupe et reconnaît de Gaulle comme chef en 1943. VIDÉO Témoignage de Lucie et Raymond

Aubrac

Raymond et Lucie Aubrac fondent le mouvement Libération-Sud, et ils font ensuite partie de ses membres dirigeants. Le 21  juin 1943, Raymond Aubrac est arrêté par la Gestapo avec d’autres représentants de la Résistance et Jean Moulin, dans la salle d’attente du docteur Dugoujon à Caluire, près de Lyon, où se tient une réunion clandestine de la Résistance. Torturé, il parvient à s’échapper grâce à Lucie.

3•16

1. Où Raymond Aubrac est-il arrêté ? À Caluire près de Lyon. 2. Par qui Raymond Aubrac est-il interrogé  ? Comment est-il torturé ? Par Klaus Barbie. Il est frappé (et s’évanouit à chaque fois). 3. Comment Lucie Aubrac parvient-elle à sauver Raymond Aubrac ? Elle demande à l’épouser, ce qui entraîne son transfert vers la prison Montluc. Des voitures suivent le camion et ils libèrent les prisonniers (Raymond Aubrac est blessé par les tirs). 4. Comment les deux époux rejoignent-ils l’Angleterre et quand ? Ils doivent se cacher et un avion de Londres vient les chercher en atterrissant dans un champ dans la nuit du 8 au 9 février 1944 avec le soutien du village.

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pp. 98-99

Réponses aux questions p. 99 1. Le mouvement Libération-Sud imprime un journal pour informer la population et dénoncer l’occupant et l’État français. L’exemplaire du 1er  mars 1943 montre la photographie de la fusillade d’un résistant avec une légende qui dénonce son injustice, mais il dénonce aussi le Service du travail obligatoire (« Sabotez la conscription des esclaves au service d’Hitler  »). Le mouvement Libération-Sud mène aussi des actions armées et de sabotage. 2. Les réseaux de résistance sont rattachés à la France libre, puisque leurs télégrammes s’adressent au BCRA. Le graphique montre que l’action des réseaux est de plus en plus importante à partir de 1943. 3. Le développement des maquis s’explique essentiellement par le refus du Service du travail obligatoire par de nombreux jeunes. Ils mènent des actions de guérilla contre l’armée allemande ou le régime de Vichy. 4. Jean Moulin a été envoyé en France par de Gaulle pour unifier la résistance. Il a réussi à regrouper les délégués des différents mouvements ainsi que des représentants des anciens partis et syndicats dans le Conseil national de la Résistance qui reconnaît de Gaulle comme chef. Le choix de de Gaulle s’est imposé. De Gaulle s’est lancé dans la résistance dès le 18 juin 1940 et n’a pas cessé son combat depuis. De plus il semble un défenseur des libertés républicaines. Par ailleurs, on peut penser qu’avec l’aide des Britanniques, il pourra aider la Résistance intérieure, notamment en lui faisant livrer des armes.

Synthèse La Résistance est formée de plusieurs mouvements qui impriment des journaux, des affiches contre l’occupant et le régime de Vichy. Elle comprend aussi de nombreux réseaux qui apportent des renseignements aux Britanniques ou à la France libre où ceux-ci mènent des actions de sabotage. En 1941, les communistes entrent dans la résistance et commettent des attentats contre l’occupant. En 1943, de nombreux jeunes fuyant le STO rejoignent les maquis qui lancent des actions militaires ciblées contre l’armée allemande. Les mouvements de résistance engagent aussi des actions militaires alors que les réseaux se multiplient et accroissent leurs missions de renseignement. En 1941, Jean Moulin est chargé par de Gaulle d’unifier la résistance sous son autorité. En 1943 se tient la première réunion du Conseil national de la Résistance (CNR) qui réunit les mouvements de résistance, y compris communistes, ainsi que d’anciens partis et syndicats. Ils reconnaissent de Gaulle comme chef de la Résistance.

3•17

pp. 102-104

Exercices BAC

Analyse de documents p. 102 Introduction Le document 1 est un discours radiodiffusé du président américain Harry S. Truman le 9 août 1945 sur les bombardements nucléaires. À cette époque, la guerre est achevée en Europe, mais elle continue en Asie et le Japon ne veut pas se rendre. Le document 2 est la photographie d’un Hibakusha (Japonais irradié à Hiroshima) quelques années après l’explosion nucléaire d’Hiroshima, le 8 août 1945. Comment s’explique l’usage de la bombe atomique par les États-Unis en août 1945 ? Truman décrit et annonce le bombardement atomique du Japon. Mais il essaie aussi de justifier l’usage de l’arme nucléaire. Partie I. L’usage de l’arme atomique contre le Japon A. Les États-Unis ont utilisé l’arme nucléaire. Truman rappelle la puissance de cette nouvelle arme. «  Les Japonais ont vu ce dont notre bombe atomique était capable ». Elle a été lancée sur Hiroshima parce qu’il s’agissait d’une «  base militaire  ». Il envisage de lancer d’autres bombes sur des « industries de guerre ». Il insiste donc sur l’aspect militaire et stratégique du combat. B. Truman minimise les conséquences de la bombe atomique sur les civils pour rendre son usage acceptable par l’opinion. Selon lui, l’impact de la bombe est « tragique » et le nouveau bombardement entraînera « malheureusement » la mort de « milliers » de civils. Mais Truman camoufle les effets réels de la bombe comme le montre le document 2. L’arme nucléaire par sa puissance tue indistinctement militaires et civils. Elle fait aussi beaucoup plus de morts que ce que dit Truman : 70 000 morts immédiats à Hiroshima et les nombreux morts qui suivent (80 000 à Hiroshima dans les mois suivants). Et les souffrances des survivants sont considérables comme le montre le document 2 : peau brûlée et arrachée, irradiation, ce qui n’est pas du tout évoqué par Truman. C. Il annonce des bombardements atomiques jusqu’à la victoire alliée. Truman annonce qu’il continuera ses bombardements jusqu’à la destruction totale des forces militaires du Japon et sa capitulation. Les mots utilisés ne laissent pas la place au doute. Truman veut montrer au Japon sa fermeté pour obtenir sa reddition  : «  Nous continuerons à l’utiliser  », «  Seule une capitulation nous arrêtera ». Partie II. Truman cherche à justifier l’usage de l’arme nucléaire A. Les ennemis des États-Unis « faisaient des recherches » sur l’arme nucléaire et il fallait aller plus vite qu’eux. Si les Allemands avaient utilisé cette arme en premier, cela aurait été un désastre pour le monde entier,

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5. À quelle assemblée appartient ensuite Lucie Aubrac ? Expliquez de quoi il s’agit. Elle travaille à la BBC, puis à l’Assemblée consultative du CFLN au nom de la Résistance intérieure.

B. Le bombardement nucléaire permet de sauver des vies américaines et de mettre fin à la barbarie du Japon. Les Japonais ne respectent pas les lois de la guerre. Ils ont bombardé Pearl Harbor sans déclaration de guerre. Ils «  affament  » et «  exécutent  » des prisonniers de guerre américains (on pourra donner quelques exemples en utilisant le manuel). C. Le bombardement nucléaire est utilisé en dernier recours. Les gouvernements alliés ont « mis en garde » le Japon. L’avertissement des Alliés est resté «  sans réponse  » (Truman cite le Royaume-Uni, la Chine et les États-Unis, dans cet ordre, l’URSS n’étant entrée en guerre contre le Japon que la veille). L’usage de la bombe atomique se fait après en avoir averti l’ennemi. En effet, Truman ne veut pas être accusé d’utiliser les mêmes moyens qu’un régime totalitaire (crimes de guerre ou contre l’humanité). Conclusion Dans son discours, Truman annonce qu’il utilisera l’arme nucléaire jusqu’à la capitulation du Japon. Il en justifie l’utilisation pour ne pas être accusé de crimes comme ceux des régimes totalitaires qui ne se soucient pas de la vie humaine. Mais Truman n’évoque pas toutes les raisons qui amènent les États-Unis à utiliser la bombe. Il s’agit aussi d’accélérer la victoire pour éviter que l’URSS, qui vient de déclarer la guerre au Japon, étende son influence sur la région. Il veut aussi faire la démonstration de la puissance étatsunienne. Ces deux dernières idées peuvent faire l’objet d’une troisième partie critique sur le texte (III. D’autres raisons expliquent l’utilisation de l’arme nucléaire)

Analyse de documents p. 103 Deux plans sont possibles. Le plan proposé par le manuel, en deux parties, implique d’évoquer la guerre idéologique lors de la première partie. Le plan suivant, en trois parties, est plus complexe à mettre en œuvre, mais plus efficace et plus académique. Introduction En 1939, l’Allemagne envahit la Pologne qui est vaincue en quelques mois. La guerre sur le front de l’Est ne débute qu’en juin 1941 avec l’invasion de l’URSS par la Wehrmacht. Elle va durer quatre ans sur le territoire soviétique contre l’Armée rouge puis en Europe de l’Est. Sur ce front, la violence est extrême et il ne s’agit pas seulement de vaincre l’adversaire mais aussi de le détruire. C’est une guerre d’anéantissement. Le document 1 est un graphique qui présente les pertes militaires (de soldats) comparées de l’Axe et des Alliés

3•18

en Europe, sur le front de l’Est et sur le front de l’Ouest. Le document 2 présente les massacres des civils à l’Est, à travers deux documents  : un extrait de Kaputt, un ouvrage de fiction de l’écrivain italien Curzio Malaparte, qui s’appuie sur sa propre expérience et qui est écrit en 1944 ; l’extrait d’un rapport de Karl Jäger, membre d’un commando d’un Einsatzgruppe en Lituanie en décembre 1941 (attention, le manuel spécimen contient une erreur sur la source première de ce document). Qu’est-ce qui fait de la guerre sur le front de l’Est une guerre d’anéantissement ? Nous montrerons que la guerre sur le front de l’Est est une guerre longue où s’affrontent des idéologies opposées (I). La violence entre les combattants est extrême (II) mais elle touche aussi les civils qui sont en nombre les premières victimes du conflit (III). Partie I. Une guerre longue et idéologique A. La guerre à l’Est est plus tardive qu’à l’Ouest mais beaucoup plus longue À l’ouest de l’Europe, la guerre commence en 1940, mais elle est très courte et aboutit à une victoire des forces de l’Axe. À l’Est, elle débute en juin 1941 et elle est beaucoup plus longue car l’Axe se heurte aux Soviétiques qui, à partir de 1943, lancent leur contre-offensive. Elle dure donc environ 4  ans (juin 1941-mai 1945) (document 1). La guerre se joue sur le territoire soviétique mais aussi, à partir de 1944, dans les pays d’Europe centrale et orientale lors de la contre-offensive de l’Armée rouge. B. L’idéologie nazie renforce la violence de guerre La violence de guerre s’appuie sur l’idéologie (connaissances personnelles). Pour les nazis, le régime soviétique est tenu par le « judéo-bolchevisme » qu’il faut abattre car il représente le mal absolu. Par ailleurs, les territoires de l’Est doivent servir «  d’espace vital » pour les Allemands. Inversement, les Soviétiques cherchent à défendre leur territoire, résistent par patriotisme ou par peur de leurs propres chefs (celui qui recule risque l’exécution) tout en défendant une idéologie opposée à celle des nazis, le communisme. Partie II. Une guerre pour anéantir l’adversaire A. La mortalité est très forte parmi les militaires La mortalité des militaires est beaucoup plus élevée qu’à l’Ouest (document 1) : plus de 2 millions de morts par an avec des pics de plus de 3  millions de 1942 à 1944 (années pleines alors que celles de 1941 et de 1945 ne concernent qu’une partie de l’année). Du côté Ouest, les pertes militaires approchent 1 million en 1944 et 1945, après les débarquements alliés et la reconquête du territoire, mais restent très en dessous les autres années. La mortalité chez les Alliés est aussi plus forte que celle des forces de l’Axe  : sur le front de l’Est, il y a 10,6  millions de morts contre 5,2  millions pour les

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pour les pays pacifiques et pour la civilisation. Selon Truman, c’est donc l’Allemagne qui a poussé les ÉtatsUnis à produire cette bombe meurtrière (en effet, Einstein avait averti Roosevelt que l’Allemagne nazie faisait des recherches).

B. La violence des combats Les combats sont impitoyables (connaissances personnelles). À Stalingrad, où les Allemands et les Soviétiques se battent pendant plusieurs mois dans les ruines de la ville, il y a 1 à 2 millions de morts. La bataille se termine par une victoire russe en février 1943.  La violence sur le front concerne aussi les prisonniers de guerre. Les Allemands fusillent les prisonniers soviétiques ou les parquent dans des camps en plein air où ils meurent de faim et de froid, ou les envoient dans les camps de concentration du Grand Reich (par exemple celui de Mauthausen). Les prisonniers de guerre allemands sont aussi massacrés par les Soviétiques. Les 95 000 prisonniers allemands de Stalingrad sont envoyés dans les camps du Goulag où ils meurent presque tous. Ainsi le front de l’Est fait de nombreux morts parmi les soldats. Mais le bilan est encore plus lourd chez les civils. Partie III. Une guerre qui cible aussi les civils A. De nombreux civils sont massacrés Les partisans soviétiques harcèlent les troupes allemandes à l’arrière du front ou commettent des sabotages pour empêcher les communications entre les Allemands. La Wehrmacht mène la guerre contre les partisans et ils s’en prennent souvent aux civils soupçonnés de les soutenir, surtout dans les campagnes. Dans le texte de Malaparte (document 2a), les Allemands tuent des partisans, mais n’hésitent pas non plus à incendier le village. Les civils sont aussi parfois fusillés en représailles d’actes de résistance, ou alors ils sont déportés en Allemagne pour y travailler dans des conditions très dures (2,2 millions de morts sur les 5,3 millions de déportés). B. Des unités SS exterminent les Juifs et les Tsiganes Des unités SS, les Einsatzgruppen, suivent aussi la Wehrmacht avec pour mission d’exterminer les Juifs, les Tsiganes, les cadres communistes. Le rapport de Karl Jäger (document 2b) fait le bilan des actions du commando  3 de l’Einsatzgruppe  A qui suit l’armée allemande dans les pays baltes. Ce commando de 141 hommes, aidé d’auxiliaires locaux sans doute nombreux (appelés « patriotes lituaniens »), massacre 133 346 personnes, presque toutes juives, entre juillet et novembre 1941, soit presque tous les Juifs de Lituanie. Les seuls rescapés sont ceux que les Allemands utilisent pour le travail («  tâches spéciales  »). De nombreux témoignages nous renseignent sur les massacres : les Juifs (hommes, femmes et enfants) étaient

3•19

regroupés, puis conduits à l’écart devant de grandes fosses où ils étaient fusillés. Le génocide des Juifs est donc bien à l’œuvre dès 1941 en URSS. Ainsi le nombre de civils tués en URSS, y compris les Juifs et les Tsiganes exterminés, dépasse sans doute les 15 millions, davantage que le nombre de militaires (connaissances personnelles). Conclusion La guerre à l’Est est donc bien une guerre d’anéantissement. La violence nazie s’appuie sur une idéologie raciste et guerrière alors que les Soviétiques luttent pour défendre leur territoire, par patriotisme et poussés par leurs chefs, ou par une idéologie communiste opposée à l’idéologie nazie. La violence est extrême entre les militaires qui ne respectent plus les lois de la guerre. Mais elle cible aussi les civils considérés par les nazis comme des populations inférieures qu’il ne faut pas hésiter à supprimer pour disposer de l’espace vital nécessaire aux Allemands.

Question problématisée p. 104 1. Exemple de partie rédigée Partie I. L’occupation de la France et la fin de la République L’invasion de la France commence en mai 1940. L’armée allemande passe par les Ardennes et refoule les armées françaises et britanniques sur les bords de la mer du Nord en y faisant des dizaines de milliers de prisonniers, et progresse ensuite vers le sud de la France. Elle entraîne l’exode de millions de civils. Le 16 juin 1940, le maréchal Pétain, favorable à l’armistice, succède à Paul Reynaud à la présidence du Conseil. Le 17 juin, il prononce un discours à la radio dans lequel il appelle à l’arrêt des combats. Les conditions de l’armistice signé le 22 juin sont difficiles. Le pays est occupé au nord et à l’ouest. Les prisonniers de guerre français restent en captivité en Allemagne pour y travailler au service du Reich et les ressortissants allemands réfugiés sont livrés à l’Allemagne. La France doit entretenir les troupes d’occupation allemandes et livrer son armement. Mais elle maintient son gouvernement, une zone libre, conserve son aviation et sa flotte, et l’empire colonial reste sous l’autorité du gouvernement français. Installé à Vichy et fort de sa popularité, le maréchal Pétain met fin à la République. Il se fait d’abord accorder par le Parlement les pleins pouvoirs pour modifier la Constitution le 10 juillet. Puis, les 11 et 12 juillet, il signe les Actes constitutionnels qui lui donnent les pouvoirs exécutif et législatif et lui permettent de gouverner seul. Il supprime la devise républicaine et prend le titre de chef de l’État français. 2. Transition partie I. à II. L’occupation de la France a ainsi entraîné la fin de la République. Pétain met ensuite en place un nouveau régime autoritaire et réactionnaire.

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forces de l’Axe (rapport 2/1). Ces chiffres laissent penser que les Allemands étaient mieux préparés et mieux armés que leurs adversaires (avec des chars et une puissante aviation). La forte mortalité à l’Est s’explique aussi par les choix de l’URSS qui, disposant d’une population beaucoup plus nombreuse, n’hésitait pas à sacrifier des hommes dans les combats.

Le maréchal Pétain a établi un régime autoritaire et a choisi de collaborer avec l’Allemagne nazie. Mais les choix de Pétain entraînent le développement de la résistance. 3. Conclusion La défaite française a donc eu d’importantes conséquences. À partir de 1940, la France est occupée. Le maréchal Pétain en profite pour obtenir les pleins pouvoirs du Parlement et renverser la République. Il entreprend ensuite une politique de collaboration avec l’Allemagne nazie. Mais la lutte continue, des résistants combattent les occupants et le gouvernement de Pétain. De Gaulle réussit à regrouper la résistance derrière lui. À la libération, de Gaulle prend la tête du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Son gouvernement rétablit la République, restaure l’image de la France et met en œuvre des réformes qui s’appuient sur le programme de la Résistance.

p. 105

Sujet blanc

Première partie : question problématisée On peut ici reprendre le plan et le contenu du cours  2 pp. 88-89. Mais d’autres plans sont possibles, par exemple : I. La guerre est idéologique et vise à détruire II. La guerre est d’une violence extrême (y compris en Asie) III. La guerre est marquée par deux génocides

Deuxième partie : analyse de document Introduction En mai 1940, Charles de Gaulle remporte un des rares succès français à la tête d’une division blindée. Nommé général, il entre le 6 juin 1940 dans le gouvernement de Paul Reynaud. Mais lorsque Pétain, partisan de l’armistice, arrive au pouvoir, il part pour l’Angleterre. Il lance un premier appel à la résistance à la BBC le 18 juin 1940, qui est peu entendu. Le 22 juin, il lance un nouvel appel alors qu’il connaît les grandes lignes de l’armistice. Pourquoi et comment le général de Gaulle appelle-t-il à continuer le combat contre l’Allemagne ? De Gaulle dénonce les conditions de l’armistice qui entraînent l’asservissement de la France (I). Il développe des arguments pour montrer que la guerre n’est pas perdue (II). Il appelle les Français à s’unir derrière lui pour continuer le combat (III). Partie I. La France est asservie A. Les conditions de l’armistice asservissent la France. Le 22  juin, lorsqu’il tient ce discours, de Gaulle connaît les conditions de l’armistice qui selon lui asservissent la France et justifient encore davantage de continuer la lutte. B. On peut néanmoins relever quelques approximations («  nos armes seraient livrées  », ce qui n’est pas vrai

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pour la flotte et l’aviation  ; «  notre territoire serait totalement occupé », ce qui n’est pas vrai). De Gaulle connaît imparfaitement les conditions de l’armistice ou les exagère pour dramatiser la situation. C. La France est non seulement asservie mais déshonorée (elle a déposé les armes et a trahi son alliance). Partie II. La guerre n’est pas perdue A. Beaucoup de Français sont contre la capitulation (cet argument est absent de l’appel du 18 juin). B. La défaite est surtout due à la conduite des opérations et à l’esprit d’abandon du gouvernement, ce qui peut être rectifié (de Gaulle n’évoque plus la supériorité en armes de l’Allemagne, qu’il avait mise en avant dans l’appel du 18 juin : il s’en prend ainsi plus directement au gouvernement de Pétain). C. La France a de nombreux atouts : un allié (le RoyaumeUni)  ; les ressources de ses colonies  ; l’industrie américaine qui peut produire une grande quantité d’armes  ; d’autres pays qui peuvent entrer en guerre à ses côtés (les pays neutres) alors que certains pays alliés de l’Allemagne peuvent changer d’alliance. Partie III. Il faut continuer le combat A. De Gaulle appelle les Français à continuer le combat (les militaires, les spécialistes de l’armement, les Français dans leur ensemble). Il faut que les combattants se regroupent et s’organisent pour être plus forts. B. De Gaulle propose aux forces de la résistance de se regrouper derrière lui. Conclusion Pour de Gaulle, les conditions de l’armistice ont donc asservi et déshonoré la France. Mais pour lui la France n’a pas perdu la guerre mais seulement une bataille. Les Français doivent donc continuer le combat et se regrouper derrière lui car ils disposent de nombreux atouts qui leur permettront de l’emporter.

p. 107

Révisions

Répondre et mémoriser 1. Quel événement (et date) provoque l’entrée en guerre des États-Unis ? Le bombardement de Pearl Harbor par les Japonais le 7 décembre 1941. 2. Quelle est l’action militaire conjointe décidée par les Alliés lors de la conférence de Téhéran ? Le débarquement des Alliés en Normandie (opération Overlord) en même temps qu’une grande offensive soviétique à l’Est (opération Bagration). 3. Qu’est-ce qui a pu motiver les bombardements atomiques de Hiroshima et de Nagasaki ? Terminer rapidement la guerre, éviter les pertes humaines américaines, montrer la nouvelle puissance américaine aux Soviétiques.

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Transition partie II. à III.

4. Pourquoi Hitler décide-t-il d’envahir l’URSS en 1941 ? Hitler hait le communisme, pense que les Juifs dirigent le pays («  judéo-bolchevisme  »), souhaite conquérir un espace vital pour les Allemands, et craint la puissance soviétique à la frontière orientale du Grand Reich. 5. Quels sont les crimes de guerre sur le front de l’Est ? Massacres de prisonniers de guerre, massacres de civils et incendies de villages, génocide des Juifs et des Tsiganes. 6. Que sont les ghettos ? les Einsatzgruppen ? la Solution finale ? – Ghettos  : quartiers des villes de Pologne et des pays baltes où les nazis enferment les Juifs à partir de 1939. – Einsatzgruppen : unités de soldats SS chargées de tuer les Juifs, les Tsiganes et les cadres communistes sur le front de l’Est à partir de 1941. – Solution finale  : nom donné par les nazis à leur plan d’extermination de tous les Juifs d’Europe.

8. Comment Pétain installe-t-il un régime autoritaire en France en 1940 ? Pétain se fait accorder les pleins pouvoirs par le Parlement pour changer la Constitution le 10 juillet. Puis les 11 et 12 juillet, il signe les Actes constitutionnels qui lui donnent les pouvoirs exécutif et législatif. Il supprime les élections, interdit les partis politiques et les syndicats. 9. Citez trois mesures de collaboration de l’État français avec l’occupant nazi. Arrestation des Juifs pour les livrer à l’Allemagne ; organisation du Service du travail obligatoire en Allemagne ; création de la Milice pour arrêter les Juifs et lutter contre les résistants aux côtés des Allemands ; livraisons de produits agricoles et industriels à l’Allemagne. 10. Par quels moyens de Gaulle organise-t-il la résistance à l’Allemagne nazie ? De Gaulle crée les Forces françaises libres qui luttent aux côtés des Alliés. Il cherche à unifier la résistance intérieure et à la placer sous son autorité.

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7. Citez trois camps d’extermination et leur fonction commune. Auschwitz-Birkenau, Treblinka, Sobibor, Chelmno, Maïdanek, Belzec. On y extermine les Juifs et les Tsiganes à leur arrivée par le gaz.

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CHAPITRE 3 La Seconde Guerre mondiale

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La fin de la Seconde Guerre mondiale  et les débuts d’un nouvel ordre mondial Le point sur le programme Objectifs du chapitre

Ce chapitre vise à mettre en parallèle la volonté de création d’un nouvel ordre international et les tensions qui surviennent très tôt entre les deux nouvelles superpuissances (États-Unis et URSS). On peut mettre en avant : – le bilan matériel, humain et moral du conflit ; – les bases de l’État-providence ; – les bases d’un nouvel ordre international (création de l’ONU, procès de Nuremberg et de Tokyo, accords de Bretton Woods) ; – les nouvelles tensions : début de l’affrontement des deux superpuissances et conflits au Proche-Orient.

Points de passage et d’ouverture

15 mars 1944 : le programme du CNR.





Naissance de l’État d’Israël.

25 février 1948 : le « coup de Prague ».



La logique du chapitre Le chapitre présente tout d’abord le bilan de la Seconde Guerre mondiale (Repères pp.  112-113 et Étude pp.  114-115) et la naissance de l’État-providence en France au lendemain de la guerre. L’État-providence s’appuie sur le programme du Conseil national de la Résistance rédigé en 1944 (Point de passage pp. 116-117). Les puissances victorieuses tentent de mettre en œuvre un nouvel ordre international avec les accords de Bretton Woods et la création de l’ONU (Étude pp.  118-119). Elles créent aussi une justice internationale (Étude pp. 120-121 sur les procès de Nuremberg et de Tokyo). Mais avec le soutien de l’URSS, les partis communistes s’emparent du pouvoir dans les pays d’Europe de l’Est (Point de passage pp. 122-123 sur le coup de Prague). Les tensions s’accroissent entre les États-Unis et l’URSS (Étude pp. 124-125). De nouvelles tensions apparaissent aussi au Proche-Orient. La naissance de l’État d’Israël en 1948 débouche sur la première guerre israélo-arabe (Point de passage pp. 126-127).

Pour aller plus loin Bibliographie

• Sur les points de passage et d’ouverture – Claire Andrieu, « Les réformes économiques et sociales du lendemain de la guerre », in Jean-François Muracciole et Guillaume Piketty (dir.), Encyclopédie de la Seconde Guerre mondiale, Laffont, coll. « Bouquins », 2015. Pour comprendre la naissance de l’État-providence. – François Fejtö, Le Coup de Prague, 1948, Le Seuil, 1976. – Élie Barnavi, Une Histoire moderne d’Israël, Flammarion, coll. « Champs », 1998 (1re éd. 1991). L’ouvrage présente l’histoire du sionisme, les étapes de la formation de l’État d’Israël et les problèmes posés dès sa création. Filmographie – Gilles Perret, Les Jours heureux, 2013. Sur la formation du CNR et la constitution du programme.

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• Ouvrages généraux – Jean-Baptiste Duroselle et André Kaspi, Histoire des relations internationales, tome 2 De 1945 à nos jours, Armand Colin, 2017 (16e édition). – Serge Berstein et Pierre Milza, Histoire du xxe siècle, tome 2 Le monde entre guerre et paix, 1945-1973, Hatier, 2017. Très concret. – L’état du monde en 1945, La Découverte, coll. « La Découverte/Poche », 2005. Un recueil d’articles signés par les spécialistes et qui font le point sur chaque question (« L’hécatombe humaine », « Les procès de Nuremberg et ses suites », « La naissance de l’ONU », « L’année du triomphe du communisme », etc.).

Ouverture

La comparaison des deux images permet de présenter l’évolution des relations entre les Alliés occidentaux et l’URSS durant les années 1945-1946. La première est une photographie des Trois Grands lors des accords de Yalta au moment de la Grande Alliance. La seconde est une caricature sur le discours prononcé par Winston Churchill à Fulton en 1946, quand celui-ci a dénoncé l’apparition d’un « rideau de fer » en Europe.

pp. 112-113

Repères

L’Europe et l’Asie orientale en 1945-1946 Les deux cartes présentent les changements frontaliers et les déplacements de population à la fin de la guerre, ainsi que l’extension de la sphère d’influence des Deux Grands  : la présence de l’Armée rouge en Europe de l’Est ; les influences soviétique et américaine en Asie.

Réponses aux questions p. 113 Carte 1 1. Les territoires annexés par l’URSS en Europe sont  : les pays baltes qui étaient indépendants entre les deux guerres (voir carte p. 37) ; l’ouest de la Biélorussie qui appartenait à la Pologne (carte p. 37) ; la Ruthénie qui faisait partie de la Tchécoslovaquie ; la Bessarabie qui appartenait à la Roumanie. La Pologne qui perd ses territoires orientaux obtient en compensation les territoires allemands jusqu’à l’OderNeisse. L’Allemagne perd donc ses régions les plus orientales au profit de la Pologne. 2. Les zones d’occupation soviétiques de l’Allemagne et de l’Autriche sont les régions occupées par l’Armée rouge en 1945, les plus à l’est. Les zones des Alliés occidentaux sont situées à l’ouest. On notera que la France a obtenu une zone d’occupation proche de son territoire, ce qui permet de protéger sa frontière. L’URSS laisse ses armées dans les régions qu’elle a libérées, préparant ainsi la vassalisation de l’Europe de l’Est. 3. Les conquêtes entraînent des déplacements de population : les Polonais présents en Biélorussie partent vers la Pologne ; les Polonais se rendent dans les territoires allemands que la Pologne vient d’annexer ; les Allemands quittent les territoires perdus mais aussi la BohêmeMoravie qu’ils avaient commencé à coloniser.

Carte 2 1. Le Japon perd tous les territoires qu’il avait conquis à partir de 1931, mais aussi des territoires plus anciens  : Formose (Taïwan) cédé à la Chine ; le sud de Sakhaline et les îles Kouriles rattachées à l’URSS. La Corée est occupée au nord par les Soviétiques et au sud par les Américains.

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2. Les Américains et les Soviétiques sont en contact en Corée où ils se partagent l’occupation de la péninsule. Les deux armées sont aussi très proches dans le nord du Japon où les Soviétiques occupent Sakhaline et les îles Kouriles. La Corée sera indépendante et divisée en deux États distincts en 1948 : la Corée du Nord communiste et la Corée du Sud alliée des États-Unis.

pp. 114-115

Étude

Le bilan de la Seconde Guerre mondiale Le bilan territorial de la guerre a été étudié avec les cartes du dossier précédent. On aborde dans cette étude les bilans humain (mortalité), matériel (destruction des villes et des infrastructures) et moral (découverte des camps de concentration, premiers questionnements sur l’utilisation de l’arme nucléaire). Les États-Unis se sont enrichis durant la guerre et consolident leur position de leader du monde occidental. VIDÉO La découverte des camps de la mort

Questionnaire 1. À quelle date et par qui est découvert le camp de Dachau ? En 1945 par les Alliés. 2. Que font les médecins nazis dans le camp de Dachau ? Des expériences médicales sur des cobayes humains. 3. Pourquoi y a-t-il tant de morts dans le dernier train arrivé à Dachau ? Un voyage de 10 jours sans eau et sans nourriture  : 600 morts. 4. Quelles sont les violences subies à Buchenwald ? Les détenus sont frappés, pendus, assommés, exécutés, les Juifs meurent directement par injections d’essence (piqués dès leur arrivée). 5. Qu’est-ce qui a pu choquer les spectateurs de ces actualités cinématographiques ? Le nombre de cadavres (les Allemands n’ont pas pu tous les incinérer), la maigreur des détenus, les traitements inhumains, la peau tatouée qui sert d’abat-jour.

Réponses aux questions p. 115 1. Les pertes humaines sont très importantes en URSS où la guerre a duré le plus longtemps (quatre ans) et où l’affrontement a été le plus violent pour les raisons que l’on a déjà étudiées. La Pologne a presque 6 millions de morts. Parmi ces morts, il faut compter les trois millions de Juifs polonais qui ont été exterminés par les Allemands dans les ghettos et les camps d’extermination. La mortalité est aussi très importante en Chine, en guerre contre le Japon. L’Allemagne et le Japon ont eu de nombreuses pertes durant les combats ou sous les bombardements alliés.

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pp. 110-111

3. Les États-Unis sont dans une situation favorable à la sortie de la guerre : – ils ont moins de morts que les autres grands pays  : 400 000 environ, ce qui correspond à 0,3 % de la population américaine (l’URSS a perdu 16 % de sa population, l’Allemagne 12,5 %) ; – ils ont fortement augmenté leur production par rapport à celle de 1939 alors que la production des autres pays a fortement baissé (URSS, Allemagne) ou faiblement augmenté (Royaume-Uni) ; – selon de Gaulle, l’activité aux États-Unis est débordante et les usines étatsuniennes produisent des biens de consommation en quantité. La reconversion des industries de guerre est donc déjà bien avancée. Ils peuvent aussi profiter des besoins du monde pour exporter leur production (vastes débouchés) ; – enfin, la bombe atomique leur donne un avantage incomparable sur le plan militaire. 4. Le traumatisme moral s’explique d’abord par le bilan effroyable de la guerre. La libération des camps, photographiée et filmée par les Américains et montrée lors des actualités, fait découvrir l’horreur de la déportation (mais à cette époque on ne distingue pas le cas spécifique des Juifs, ni les camps de concentration des camps d’extermination). Une nouvelle angoisse apparaît avec les bombardements atomiques en août 1945. Mais comme le souligne le texte 5, l’optimisme, la joie de vivre, la foi en l’avenir l’emportent largement aux ÉtatsUnis au lendemain de la guerre.

Synthèse Le bilan humain de la Seconde Guerre mondiale est très lourd, avec plusieurs millions de morts en URSS et en Chine et aussi des déplacements humains liés aux changements frontaliers, notamment des Allemands qui quittent les régions occupées ou annexées (cartes pages  112 et 113). À cela s’ajoutent d’importants dommages matériels avec la destruction de villes et de voies de communication due aux bombardements aériens des forces de l’Axe ou des Alliés. Le traumatisme moral s’explique par la violence extrême de la guerre, surtout sur le front Est et en Asie (URSS, Chine), mais aussi par la découverte des camps de concentration qui démontre le degré d’inhumanité que l’on a atteint. L’arme atomique fait naître une nouvelle angoisse. Mais les États-Unis, qui n’ont pas connu la guerre sur leur territoire ni de destructions, se sont enrichis durant la

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guerre. L’optimisme, la joie de vivre et la foi en l’avenir l’emportent largement au lendemain de la guerre.

pp. 116-117

Point de passage

Le programme du CNR et l’État-providence En 1944, le Conseil national de la Résistance (CNR) rédige un programme destiné à être appliqué à la Libération. Le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), dirigé par de Gaulle, est composé de résistants. Il réalise des réformes économiques et sociales fortement inspirées du programme de CNR, qui donnent naissance à un État-providence.

Réponses aux questions p. 117 Parcours 1 1. Le Conseil national de la Résistance a été créé en 1943 sous l’impulsion de Jean Moulin envoyé en France par de Gaulle. Le CNR réunit les différents mouvements de résistance, même communistes, ainsi que des syndicats et partis interdits par le régime de Vichy. Pendant la guerre, il élabore un programme qui doit être celui de la France à la Libération. Dans le domaine économique, il s’agit de nationaliser certains secteurs de l’économie (sources d’énergie et richesses du sous-sol  ; compagnies d’assurance et grandes banques) et de s’appuyer sur un plan quinquennal défini par l’État. Dans le domaine social : augmenter les salaires, reconstituer le syndicalisme, créer un système de sécurité sociale visant à aider tous ceux qui ne peuvent pas travailler, verser des retraites aux vieux travailleurs. 2. Les réformes de l’après-guerre s’inspirent largement de ce programme. Les secteurs nationalisés sont le transport aérien (création d’Air France, le chemin de fer ayant été nationalisé en 1938) ; les banques et les compagnies d’assurance ; le secteur de l’énergie (électricité, gaz) ; les mines de charbon. L’entreprise Renault est nationalisée pour fait de collaboration. Dans le domaine social, les réformes concernent la création des comités d’entreprise, le retour des 40 heures de travail hebdomadaire, et surtout la Sécurité sociale. 3. Il s’agit ici de la deuxième ordonnance de la Sécurité sociale (19 octobre 1945), qui précise le champ d’application et les prestations de la Sécurité sociale. Les risques couverts sont les maladies et l’invalidité, les charges de maternité (accouchement, congé maternité) et la vieillesse par le versement d’une pension de retraite à partir de 60 ans. «  Tous solidaires, tous bénéficiaires  » signifie que tout le monde participe financièrement à la Sécurité sociale en fonction de ses moyens (plus on a un revenu élevé, plus on cotise), alors que chaque cotisant en bénéficie en fonction de ses besoins.

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2. Les bombardements des villes et des voies de communication ont causé des dommages considérables. À Dresde, en quelques jours, les bombes alliées ont détruit plus du tiers de la ville. La photographie montre l’ampleur des ruines, mais aussi la reprise de la vie, avec le fonctionnement du tramway électrique. Les destructions des infrastructures en France (chemins de fer, routes et ponts, ports) et des moyens de transport (locomotives, véhicules divers) sont décrites par de Gaulle dans ses Mémoires de guerre.

4. Le libéralisme est considéré comme responsable de la crise des années 1930, et la politique keynésienne aux États-Unis – le New Deal – comme un succès. Puis, pendant la guerre, l’État est beaucoup intervenu dans le domaine économique (production de matériel de guerre, approvisionnement en matières premières importées, affectation de la main-d’œuvre) et aussi social (assistance aux victimes). Enfin, après la guerre, la société aspire à vivre mieux. Cela pousse les États, dont la France, à continuer sur la voie de l’intervention économique et sociale et à réaliser des réformes sociales.

Synthèse Pendant la guerre, en France, le Conseil national de la Résistance (CNR) rédige un programme de gouvernement à appliquer après la Libération. Il s’agit de rétablir la république et la démocratie, mais aussi de mettre en œuvre des réformes économiques et sociales. En 1945 et 1946, le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) réalise donc un certain nombre de réformes qui donnent naissance à un État-providence  : nombreuses nationalisations, meilleure défense du monde salarié, création de la Sécurité sociale qui couvre les risques de la vie (maladie, invalidité, vieillesse) ainsi que les charges de maternité.

Parcours 2 1. Les réformes sociales de la Libération s’inspirent fortement du programme du Conseil national de la Résistance. Programme du CNR (mars 1944) Domaine économique

• Planification étatique. • Nationalisation des sources d’énergie. • Nationalisation des richesses du sous-sol. • Nationalisation des compagnies d’assurance. • Nationalisation des grandes banques. • « Confiscation des biens des traîtres ».

• Nationalisation des sources d’énergie (gaz, électricité) et de leur distribution. • Nationalisation des mines de charbon. • Nationalisation des compagnies d’assurance. • Nationalisation de la Banque de France et des grandes banques. • Nationalisation des transports aériens. • Nationalisation de Renault pour fait de collaboration.

Domaine social

• Augmentation des salaires. • Reconstitution du syndicalisme. • Sécurité sociale pour assurer un revenu à ceux qui ne peuvent pas travailler. • Retraites.

• Institution des comités d’entreprise. • Rétablissement de la loi des 40 heures. • Sécurité sociale couvrant les risques de maladie, d’invalidité, de vieillesse (retraite), et les charges de maternité.

pp. 118-119

Étude

La création de l’ONU et les accords de Bretton Woods En 1944, les accords de Bretton Woods ont pour but de rétablir la stabilité financière du monde et de faciliter les échanges internationaux. En 1945, l’ONU succède à la SDN. Elle se donne pour objectif de maintenir la paix dans le monde mais aussi d’assurer le progrès économique et social. Après les années de guerre et de rivalités entre les États du monde, c’est l’affirmation du multilatéralisme.

VIDÉO Les accords de Bretton Woods

Questionnaire 1. Où est situé Bretton Woods ? Aux États-Unis, dans le New Hampshire. 2. Combien de nations signent les accords de à Bretton Woods ? 44 3. Quels sont les objectifs de la conférence ? Ne pas revivre la crise de 1929, favoriser la reconstruction économique. 4. En quelle monnaie sont définies toutes les monnaies ? Le dollar 5. Quel est le rôle du Fonds monétaire international ? Surveiller les politiques économiques, venir en aide aux États membres grâce à « un fonds de réserve commun ».

Réponses aux questions p. 119 1. L’ONU a pour principal objectif de maintenir la paix dans le monde. Mais elle souhaite aussi favoriser le progrès économique et social.

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2. Le libéralisme est considéré comme responsable de la crise des années 1930 et la politique keynésienne aux États-Unis (le New Deal) comme un succès. Pendant la guerre, l’État intervient beaucoup dans les domaines économique (production de matériel de guerre, approvisionnement en matières premières importées, affectation de la main-d’œuvre) et social (assistance aux victimes). Enfin, après la guerre, la société aspire à vivre mieux dans une plus grande sécurité. Cela pousse les États à continuer sur cette voie et à réaliser des réformes sociales.

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L’État-providence (1945-1946)

2. L’Assemblée générale élit les membres des différentes institutions de l’ONU : les membres non permanents du Conseil de sécurité, le secrétaire général, les membres du Conseil économique et social, du Conseil de tutelle et de la Cour internationale de justice. Elle vote aussi le budget de l’ONU.

objectifs le maintien de la paix dans le monde et le progrès économique et social. Le Conseil de sécurité de l’ONU est chargé de prendre les décisions pour maintenir la paix. Les 5 pays vainqueurs de la guerre (dont la France) y sont membres permanents et disposent d’un droit de veto.

Son rôle est consultatif pour les questions touchant au maintien de la paix. Un État peut saisir l’Assemblée générale, mais ses conclusions n’ont qu’une valeur de recommandation  : au final, c’est le Conseil de sécurité qui décidera.

Les États-Unis jouent un rôle majeur dans les grandes institutions internationales. L’ONU et le FMI y ont leur siège.

3. Le Conseil de sécurité prend donc les décisions concernant le maintien de la paix. Il comprend 5  pays membres permanents (les vainqueurs de la guerre, dont la France) et 6  membres (puis 10) élus pour deux ans par l’Assemblée générale. Il peut prendre des sanctions économiques, envoyer des Casques bleus fournis par les États membres pour qu’ils s’interposent entre les belligérants. Il peut aussi permettre à un pays ou une coalition de pays d’intervenir militairement contre le pays fautif.

Les procès de Nuremberg et de Tokyo

4. Le premier objectif du SMI est d’éviter le désordre monétaire en fixant le taux de change entre les monnaies. Le FMI prête de l’argent aux États en difficulté financière (en partie pour éviter l’effondrement de la monnaie), alors que la BIRD finance des projets précis de développement pour assurer le progrès économique et social.

1. Où sont retransmises ces images ? Aux actualités cinématographiques françaises.

6. Les États-Unis sont au cœur du nouvel ordre international. L’Assemblée générale de l’ONU siège à New York (ainsi que le secrétaire général et le Conseil de sécurité). Le FMI et la BIRD sont financés par les pays membres en fonction de leur PIB, donc en grande partie par les États-Unis qui disposent, du fait de leur contribution plus importante, de plus de voix que les autres contributeurs (cela n’apparaît pas dans les documents). Le FMI et la BIRD siègent à Washington.

Synthèse Après la guerre, les États du monde cherchent à maintenir la paix et la sécurité économique mondiales en mettant en place un nouvel ordre international. Les accords de Bretton Woods assurent la stabilité financière de la planète et créent deux organismes financiers  : le Fonds monétaire international (FMI) qui prête de l’argent aux États en difficulté et la BIRD pour financer les projets de développement. En 1945, la Charte de San Francisco crée l’Organisation des Nations unies qui se donne pour

4•5

Étude

Le procès des criminels allemands a lieu en 1945 et 1946 à Nuremberg. Les criminels japonais sont jugés à Tokyo de 1946 à 1948. C’est la naissance d’une justice internationale. VIDÉO L’ouverture du procès de Nuremberg

Questionnaire

2. Pourquoi la ville de Nuremberg a-t-elle été choisie par les Alliés ? La ville du parti nazi (congrès du parti nazi à Nuremberg), stade immense où Hitler faisait des discours, « orgueil du Troisième Reich ». 3. Combien y-a-il de langues officielles utilisées pour le procès ? Quatre langues officielles. 4. Combien y-a-t-il d’accusés  ? Qui est le principal accusé ? 20 responsables ; Hermann Goering. 5. Les accusés plaident-ils coupable ou non coupable ? Non coupable.

Réponses aux questions p. 121 1. La déclaration de Moscou date d’octobre 1943. En les menaçant de procès, les Alliés espèrent empêcher les officiers et soldats allemands ainsi que les membres du parti nazi de commettre de nouvelles atrocités. 2. Les signataires sont les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l’URSS. Ils s’expriment au nom des Nations unies. Il est décidé que les grands criminels nazis, dont les crimes n’ont pas de localisation géographique précise, seront jugés par un tribunal militaire international. 3. Les crimes contre la paix concernent la décision d’entreprendre une guerre d’agression. Les crimes de guerre sont les crimes et mauvais traitements sur les civils ou les prisonniers de guerre. Les crimes contre l’humanité sont des crimes «  inhumains » contre les civils qui sont ainsi définis : assassinats,

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5. Les avantages des accords de Bretton Woods sont tout d’abord d’assurer la stabilité financière sur la planète, ce qui facilite les échanges financiers et commerciaux. Par ailleurs, les petits pays pourront s’adresser à une institution financière internationale (FMI ou BIRD) pour obtenir un prêt, et seront donc moins dépendants politiquement des pays les plus riches auxquels ils étaient contraints jusqu’alors de s’adresser. Il n’y aura plus de subordination politique entre pays.

pp. 120-121

4. Voir le site de TRIAL International (ONG qui lutte contre l’impunité des crimes internationaux). Hans Frank, nommé Gouverneur général de la Pologne, a sous sa juridiction la partie de la Pologne que ni les Allemands, ni les Russes ont annexée (appelée «  Gouvernement général de Pologne  »). Il est arrêté par les troupes américaines le 4 mai 1945. Il est condamné pour crimes de guerre (règne de terreur avec tribunaux sommaires, exécution de nombreux otages, déportation de travailleurs forcés en Allemagne) et crimes contre l’humanité (à l’encontre des Juifs de Pologne : ghettoïsation et extermination des Juifs des ghettos dans les camps de la mort). Pour ces raisons, le Tribunal condamne Hans Frank à mort. Il est exécuté par pendaison le 16 octobre 1946. Alfred Rosenberg est accusé d’avoir permis l’accession au pouvoir des nazis et d’avoir participé à la construction idéologique menant à la guerre d’agression (crime contre la paix). Il a commis des crimes de guerre et contre l’humanité (pillage des objets d’art dans les pays envahis, participation à l’extermination des Juifs en tant que commissaire pour les territoires de l’Est, pillage des produits alimentaires et matières premières dans les territoires de l’Est). À ce titre, il est reconnu coupable de tous les chefs d’accusation, condamné à la peine de mort le 1er  octobre 1946 et exécuté par pendaison le 16 octobre 1946. 5. Les nations juges sont les pays alliés qui ont fait la guerre dans la région concernée (d’où la présence de onze nations juges à Tokyo, certains États étant présents du fait de leurs colonies dans la région ; et quatre à Nuremberg). Les chefs d’accusation à Nuremberg et à Tokyo sont les mêmes mais aucun criminel japonais ne sera jugé pour crime contre l’humanité. Les juges sont plus sévères à Nuremberg car les crimes contre l’humanité y ont été plus nombreux qu’en Asie. Par ailleurs, le Tribunal est plus clément parce que les États-Unis ne veulent pas s’aliéner la population japonaise. L’empereur n’est pas jugé suite à l’intervention de Douglas MacArthur qui supervise l’occupation du Japon.

Synthèse Par les accords de Londres, les Alliés décident de mettre en place une justice internationale. Le tribunal militaire international de Nuremberg pour juger les criminels allemands se tient de novembre 1945 à octobre 1946 et le tribunal international pour l’Extrême-Orient pour les criminels japonais de janvier 1946 à novembre 1948. Les accusés sont jugés et condamnés pour trois chefs d’accusation : crime contre la paix, crime de guerre et crime contre l’humanité.

4•6

pp. 122-123

Point de passage

25 février 1948 : le coup de Prague Le coup de Prague est la prise du pouvoir par les communistes en Tchécoslovaquie le 25  février 1948. Il se place dans un processus de prise du pouvoir des communistes dans les pays d’Europe de l’Est, commencée dans les pays les plus proches de l’URSS (Pologne, Roumanie, Bulgarie). Les communistes tchécoslovaques s’emparent du pouvoir par un coup de force, ce qui entraîne des protestations occidentales et renforce la division Ouest-Est déjà bien engagée. VIDÉO Le coup de Prague

Questionnaire 1. Qui se réunit sur la place de Prague ? Les ouvriers rassemblés par le parti communiste. 2. Que veut Klement Gottwald ? Il veut éliminer les ministres non communistes. 3. Comment s’y prend-il pour l’obtenir ? Il crée des comités (armés) « chargés d’appuyer son action ». 4. Qu’est-ce que le président Benes accepte-t-il avec hésitation ? La formation d’un gouvernement communiste.

Réponses aux questions p. 123 Parcours 1 1. L’Europe de l’Est bascule dans le communisme entre 1945 et 1949. La Tchécoslovaquie est un des derniers pays à devenir une démocratie populaire, c’est-à-dire un pays communiste (le cas de la RDA – devenu un État en 1949 – est particulier). La prise de pouvoir se fait par un coup de force. On pourra comparer cette carte avec la carte 1 p. 112, qui figure la présence militaire soviétique en Europe de l’Est. À l’exception de l’Albanie et de la Yougoslavie, le basculement s’est opéré sous la menace de l’Armée rouge. À l’aide du document 2, on pourra préciser le processus mis en place. En ce qui concerne la Tchécoslovaquie, on passe directement d’une union nationale (où prédominent les communistes qui ont obtenu environ 40 % des suffrages lors des élections de 1946, et où le communiste Klement Gottwald a été nommé chef du gouvernement par Benes) à la phase 5, c’est-à-dire la prise du pouvoir par les communistes. 2. Après les élections de 1946, le gouvernement est dirigé par le communiste Gottwald et les ministres communistes sont nombreux au gouvernement, mais les autres partis sont représentés. Benes, démocratiquement élu, héros de la Tchécoslovaquie, est toujours président. Les ministres non communistes démissionnent parce que le ministre de l’Intérieur communiste nomme des commissaires de police communistes, continuant ainsi son œuvre de noyautage de la police.

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extermination, esclavage, déportation. Il s’agit aussi des persécutions pour des raisons politiques, raciales ou religieuses. Ces crimes concernent aussi l’avant-guerre

3. Les communistes montrent leur puissance par l’organisation de manifestations armées. Comme l’indique le texte, ils disposent désormais du soutien de la police et de la neutralité de l’armée. Benes, qui craint la guerre civile et une intervention de l’Armée rouge, accepte alors un gouvernement composé de communistes et de quelques autres ministres inféodés. Les communistes ont désormais tout le pouvoir. 4. Maîtres du gouvernement, les communistes imposent des listes uniques aux élections législatives. Benes est désormais impuissant et il démissionne avant d’être remplacé par Gottwald à la présidence. 5. Les puissances occidentales réagissent. Elles dénoncent le coup de force et la mise en place d’une dictature à parti unique. «  Déguisée en gouvernement d’union nationale » fait allusion aux quelques ministres non communistes qui sont, comme l’indique le texte 3, « prêts à accepter l’hégémonie du parti communiste ». Pour les Alliés occidentaux, c’est la plus ancienne démocratie d’Europe centrale qui est ici renversée. Rappelons que, pendant la guerre, Benes dirigeait le Gouvernement provisoire tchécoslovaque en exil avec Masaryk aux

Affaires étrangères et que les forces armées tchécoslovaques ont participé aux combats aux côtés des Alliés.

Synthèse Lors de la contre-offensive soviétique, l’URSS laisse son armée dans les pays qu’elle libère. De 1945 à 1949, les pays d’Europe de l’Est deviennent des pays communistes. En Tchécoslovaquie, le parti communiste gagne les élections législatives de 1946 sans obtenir la majorité absolue. Le communiste Gottwald devient le chef du gouvernement et les communistes disposent des ministères clés. Lorsque le ministre communiste de l’Intérieur nomme des commissaires de police communistes à Prague, les ministres non communistes démissionnent. Aussitôt le parti communiste fait la démonstration de sa force en faisant défiler des milices en armes, alors que la police est soumise et que l’Armée rouge est présente dans le pays. Benes est obligé de céder à Gottwald en acceptant un gouvernement composé uniquement de communistes et de quelques inféodés. Les pays occidentaux protestent en vain contre le coup de force. Par la suite, le pays devient une démocratie populaire alignée sur l’URSS.

Parcours 2 Les origines de la crise

Le coup d’État communiste

Les protestations occidentales

• Les communistes s’emparent du pouvoir en Europe centrale et orientale et installent des « démocraties populaires ». • Le ministre de l’Intérieur communiste noyaute la police en nommant des commissaires communistes à Prague. • Les ministres non communistes démissionnent.

• Le parti communiste fait défiler des milices communistes ouvrières armées. • La police soutient le parti communiste, l’Armée rouge est dans le pays. • Gottwald impose un gouvernement communiste (et quelques non communistes proches des communistes). • Le pays devient une démocratie populaire, Benes démissionne.

• Les États-Unis, la France et le Royaume-Uni protestent. • Pour eux, il s’agit d’un coup d’État et de la mise en place d’une dictature. • La Tchécoslovaquie est une ancienne démocratie qui a participé à la guerre aux côtés des Alliés.

Étude

La rupture entre les États-Unis et l’URSS La vraie rupture entre les États-Unis et l’URSS a lieu quand il apparaît évident que l’URSS étend son influence en Europe de l’Est. En 1947, le plan Marshall, refusé par les pays d’Europe de l’Est sous la pression de l’URSS, renforce les tensions entre les deux pays et accélère la coupure en deux de l’Europe. VIDÉO Le plan Marshall reconstruit l’Europe

Questionnaire 1. Quelle est la situation économique des États-Unis et de l’Europe au sortir de la guerre ? Forte hausse de la production industrielle durant la guerre à partir de 1941 ; l’Europe est ravagée et en ruines. 2. Que propose le secrétaire d’État George Marshall le 5 juin 1947 ? Un plan d’aide économique à l’Europe.

4•7

3. Pourquoi le président Truman accepte-t-il de signer le plan d’aide de Marshall ? Pour empêcher des pays de devenir communistes en y favorisant la renaissance économique ; pour trouver des débouchés pour l’industrie étatsunienne en favorisant la reconstruction de l’Europe. 4. Qui sont les principaux bénéficiaires de l’aide ? La France et le Royaume-Uni. 5. Pourquoi l’URSS refuse-t-elle l’aide américaine ? Elle ne veut pas perdre son indépendance en acceptant l’aide  ; selon l’URSS, les États-Unis veulent contrôler l’économie mondiale.

Réponses aux questions p. 125 1. Pour Churchill, les pays d’Europe de l’Est sont en train de rentrer dans l’ère d’influence soviétique, soumis au contrôle de Moscou, avec des partis communistes qui cherchent partout à s’emparer du pouvoir. L’URSS désire une expansion illimitée de sa puissance et de sa doctrine.

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pp. 124-125

3. Pour Jdanov, l’aide américaine a pour but d’assurer la domination économique américaine (et donc politique) sur le monde. Les partis communistes doivent donc refuser le plan Marshall et s’opposer aux États-Unis. C’est d’ailleurs l’objet de l’affiche du Parti communiste français (doc. 5). 4. La première est favorable au plan Marshall, la seconde, éditée par le PCF, lui est défavorable. Pour la première, le plan Marshall de l’Oncle Sam, éclairé par la flamme de la statue de la Liberté américaine, permet de reconstruire l’Europe détruite par la guerre. Pour la seconde, les États-Unis sont une pieuvre qui cherche à s’enrichir et à coloniser l’Europe. La première affiche reprend les arguments de Truman, la seconde ceux de Jdanov. 5. Seuls les pays d’Europe de l’Ouest acceptent l’aide du plan Marshall et, effectivement, celui-ci rapproche politiquement les pays qui l’ont acceptée des États-Unis. Ainsi la coupure de l’Europe se trouve renforcée par le lien désormais affirmé entre les puissances d’Europe occidentales et les États-Unis.

Synthèse En 1947, Truman annonce un plan d’aide économique à l’Europe, appelé « plan Marshall », du nom du secrétaire d’État américain George Marshall. Il s’agit de soutenir les gouvernements dits «  libres  » pour qu’ils puissent résister au communisme. L’URSS réagit en s’opposant à ce plan d’aide et en incitant les partis communistes du monde à s’y opposer. Les pays communistes ou en voie de le devenir (la Tchécoslovaquie) vont donc refuser le plan Marshall, alors que les pays d’Europe de l’Ouest vont l’accepter, renforçant la division de l’Europe en deux.

pp. 126-127

Point de passage

La naissance de l’État d’Israël Israël est un État fondé par les Juifs en 1948. On explique les raisons de sa naissance. L’opposition des pays arabes et la situation des Palestiniens sont présentées à l’aide des différents documents.

4•8

Réponses aux questions p. 127 Parcours 1 1. La Palestine qui faisait partie de l’Empire ottoman devient britannique en 1920. La population juive augmente fortement après 1918. Ainsi les Juifs, qui représentent 10 % de la population en 1914, atteignent 33 % en 1948 à la veille de l’indépendance. Les pogroms dans l’Empire russe jusqu’en 1917, le mouvement sioniste revendiquant un État en Palestine pour les Juifs (un « foyer national »), l’antisémitisme nazi et la Seconde Guerre mondiale expliquent l’immigration des Juifs en Palestine. Ces derniers sont presque tous originaires d’Europe centrale et orientale (Juifs ashkénazes). 2. Le Comité de la Ligue arabe prépare la naissance de la Ligue arabe (1945). Il s’exprime en 1944 alors que les violences à l’égard des Juifs (on ne parle pas encore de génocide) sont évidentes et entraînent une forte immigration juive vers la Palestine. Pour le Comité, les Arabes n’ont pas à faire les frais des persécutions dont sont responsables les Européens. L’indépendance de la Palestine doit se faire au profit des Arabes (ce sont des « droits arabes permanents »). Les Britanniques, qui disposent du mandat sur la Palestine, se sont engagés dans ce sens. 3. Les Juifs de Palestine défendent une idée toute différente. Pour eux, la Palestine est le pays originel des Juifs et la Shoah nécessite la création d’un État pour les protéger. De plus, les Nations unies ont voté en faveur de la création d’un État juif (au côté d’un État palestinien, ce qui n’apparaît pas dans le texte de la Déclaration). 4. Lors de la première guerre israélo-arabe, les territoires destinés à l’État palestinien par l’ONU sont annexés par Israël et par les États arabes voisins (Égypte, Transjordanie). La guerre entraîne la fuite des Palestiniens hors d’Israël qui se réfugient en 1949 à Gaza et en Cisjordanie, mais aussi en Syrie, au Liban et en Transjordanie.

Synthèse Le mouvement sioniste est né à la fin du xixe siècle. Les persécutions dans l’Empire russe, puis la Shoah poussent de nombreux Juifs à s’installer en Palestine. Après la guerre, l’ONU propose un plan de partage de la Palestine britannique en deux États, un pour les Juifs et un pour les Arabes. À la fin du mandat britannique sur la Palestine, le 15 mai 1948, les Juifs déclarent l’indépendance de l’État d’Israël dans les frontières proposées par l’ONU. La première guerre israélo-arabe (1948-1949) entraîne l’annexion des terres qui étaient destinées par l’ONU aux Palestiniens. Elles sont annexées par Israël et les pays arabes voisins. La guerre aboutit aussi au départ des Palestiniens d’Israël qui vont se réfugier dans les pays arabes voisins.

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2. Truman fait une comparaison entre les deux régimes. Pour lui, la démocratie libérale est la volonté de la majorité, des élections libres, les libertés fondamentales (individuelles, de parole, de religion) et l’absence d’oppression politique. Le régime communiste, c’est la volonté d’une minorité (communiste) imposée par la force, la terreur et l’oppression, la suppression et l’absence de libertés, le contrôle des médias, des élections truquées. Truman pense que l’URSS et les communistes («  des minorités armées  ») s’appuient sur la misère et qu’il faut donc apporter un soutien économique et financier aux pays en difficulté. C’est pour lui la seule façon de consolider les gouvernements libres face à la menace communiste.

Parcours 2

• Le sionisme vise à la création d’un État juif en Palestine. • Forte émigration vers la Palestine à partir des années 1930 avec les persécutions nazies puis la Shoah. • En 1948, les Arabes sont toujours majoritaires (67 % de la population). • Le Comité de la Ligue arabe refuse la création d’un État juif sur une terre arabe.

pp. 130-132

La naissance de l’État d’Israël

La première guerre israélo-arabe

• Division par l’ONU de la Palestine britannique en deux États, l’un pour les Arabes, l’autre pour les Juifs. • Déclaration d’indépendance par David Ben Gourion pour l’indépendance de l’État d’Israël en justifiant cet État (une terre juive, la Shoah, l’accord de la communauté internationale).

• En 1948-1949. • Annexion de l’État destiné aux Arabes de Palestine par Israël et les États arabes voisins (Transjordanie, Égypte). • Fuite des Palestiniens hors d’Israël dans les régions ou les pays arabes voisins (chassés ou fuyant l’armée israélienne).

Exercices BAC

Analyse de documents p. 130 Introduction Le document 1 est un discours de Paul-Henri Spaak, le Premier ministre belge, à l’Assemblée générale des Nations unies le 28  septembre 1948. Il y répond à un discours du Soviétique Andreï Vychinski. Le document 2 est une affiche antisoviétique de l’association française anticommuniste Paix et Liberté en 1951, intitulée Danse caucasienne, sur laquelle Staline est représenté dansant sur une table devant un orchestre qui l’accompagne, et lançant des couteaux sur des cibles aux noms des différents pays européens. Les deux documents dénoncent l’impérialisme soviétique. Quelles sont les critiques des Occidentaux à l’égard de l’URSS ? Nous montrerons que les documents dénoncent la politique d’annexion de l’URSS, l’extension de son influence dans le monde et sa politique à l’ONU mise au service de son impérialisme. Partie I. L’extension territoriale de l’URSS Paul-Henri Spaak dénonce d’abord la politique de conquête de l’URSS. Il s’agit d’un pays qui mène une politique impérialiste, puisque l’URSS « fait des conquêtes ». Il s’agit des pays baltes, d’un « morceau de la Finlande » (la Carélie), d’un «  morceau de la Pologne  » (la partie orientale). Ces conquêtes ont été imposées à la communauté internationale puisque l’URSS l’a mise devant le fait accompli. Néanmoins il faut rappeler que pour l’URSS, il s’agissait de rétablir ses droits. La Russie n’avait pas accepté l’indépendance des pays baltes à la fin de la Première Guerre mondiale. De même, la frontière orientale de la Pologne qui avait été fixée à la suite de la guerre russo-polonaise de 1920-1921 n’avait aucune légitimité pour eux. Ils estimaient aussi que la Bessarabie, ancienne région de l’Empire russe qui était revenue à la Roumanie après la Première Guerre mondiale, leur appartenait de droit. Ainsi l’URSS mène bien une politique d’annexion, mais pour récupérer des territoires de la Russie dont elle avait été selon elle injustement séparée.

4•9

Ces conquêtes soviétiques ont abouti à d’importants déplacements de population  : de l’URSS vers les pays nouvellement conquis (pays baltes, Pologne), mais aussi des régions polonaises conquises vers la Pologne. Partie II. L’expansion de l’influence soviétique Selon Spaak, l’URSS étend aussi son influence dans de nombreux pays  : «  Vous êtes devenus tout-puissants à Varsovie, à Prague, à Belgrade, à Bucarest et à Sofia. » L’URSS a en effet imposé le communisme dans les pays d’Europe de l’Est. Après la libération de ces territoires, l’URSS y a laissé l’Armée rouge. Dans ces pays, les partis communistes locaux participent à des gouvernements d’union nationale. Disposant des ministères clés (Intérieur, Défense) et du soutien de l’URSS, ils s’emparent du pouvoir et créent des « démocraties populaires ». En Tchécoslovaquie, en février 1948, le parti communiste a employé la force pour obliger le président Benes à créer un gouvernement communiste. Une partie de l’Autriche et de l’Allemagne (dont Berlin-Est) sont aussi occupées par l’URSS. Les démocraties populaires deviennent des États vassaux de l’URSS. C’est ce que dénonce Spaak quand il dit : « votre empire s’étend jusqu’à la Baltique et à la Méditerranée ». Pour lui, toute l’Europe de l’Est fait désormais partie de l’empire soviétique, il s’agit de protectorats sous domination soviétique. Néanmoins, on peut contester ses affirmations puisque la Yougoslavie, seul pays d’Europe de l’Est à approcher la Méditerranée (elle borde en fait l’Adriatique), libérée sans intervention de l’Armée rouge, a rapidement mis en place une politique indépendante de celle de l’URSS. Selon Spaak, cette influence s’étend aussi dans les pays non communistes, par une «  cinquième colonne  ». Il évoque ici les partis communistes qui essaient de s’emparer du pouvoir dans le monde entier (Europe, Afrique, Asie) en s’appuyant sur les difficultés des gouvernements de ces pays pour essayer de les déstabiliser. Quoi qu’il en soit, l’URSS a bien mené, depuis la fin de la guerre, une politique impérialiste, soit par ses conquêtes, soit en étendant son influence par une politique « audacieuse et souple  ». L’affiche (document  2) dénonce cette politique. Staline représenté comme un danseur caucasien (il est originaire de Géorgie, une république

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Les divisions de la population

Partie III. La politique de l’URSS à l’ONU Spaak dénonce enfin la politique de l’URSS à l’ONU, qui lui semble aller dans le même sens d’une politique impérialiste. L’URSS est un des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité et, à ce titre, elle dispose d’un droit de veto sur toutes les décisions prises sur le maintien de la paix. Staline peut ainsi mener sa politique sans craindre une réaction internationale, puisqu’il peut s’y opposer. L’URSS paralyse ainsi les actions de l’ONU : « vous nous faites peur à cause de l’abus que vous faites du droit de veto » ; « vous avez refusé systématiquement de collaborer avec l’ONU ». Spaak, qui s’exprime à l’ONU, dénonce donc essentiellement le refus de collaborer avec les autres gouvernements pour le maintien de la paix, qu’il explique par la volonté de l’URSS d’assurer sa domination sur le monde. Conclusion Ainsi, Spaak et l’affiche de l’association Paix et Liberté dénoncent la politique impérialiste de l’URSS qui passe par des conquêtes territoriales mais surtout par l’installation de régimes communistes dans les pays d’Europe de l’Est et par la déstabilisation des autres gouvernements du monde. L’action de l’URSS à l’ONU consiste selon Spaak à paralyser le fonctionnement de l’Assemblée qui pourrait s’opposer à l’expansion soviétique. Le texte illustre bien la montée des tensions entre l’URSS qui mène sa politique impérialiste et les Occidentaux qui ne sont plus dupes et s’opposent désormais, au moins par la parole, à ces visées expansionnistes.

Analyse de documents p. 131 Introduction Le plan Marshall, proposé par le secrétaire d’État américain George Marshall et signé par le président Harry S. Truman en 1948, est un plan d’aide économique destiné aux pays d’Europe. Le document  1 est un discours de George Marshall le 5 juin 1947, dans lequel il explique les objectifs du plan Marshall. Le second document est un extrait des mémoires de Charles Bohlen, conseiller du président Truman, sur les hésitations des conseillers du président concernant l’aide à apporter à l’URSS. Comment le plan Marshall accentue-t-il la rupture entre les États-Unis et l’URSS ? Nous analyserons les objectifs du plan Marshall, puis nous expliquerons les débats qui ont eu lieu au sein de l’équipe du président Truman à propos de l’aide à l’URSS.

4•10

Partie I. Les objectifs économiques et politiques du plan A. Certains pays du monde rencontrent de grandes difficultés (« faim, pauvreté », doc. 1). Celles-ci sont liées aux destructions pendant la guerre et aux problèmes de l’après-guerre (pénuries, inflation, logement). Ces difficultés ne sont pas d’ordre purement économique («  telle ou telle crise  », «  le désespoir et le chaos », doc. 1) mais aussi d’ordre politique. En 1946, Winston Churchill parle publiquement du « rideau de fer » qui s’est abattu sur l’Europe. Avec l’aide de l’URSS, les communistes s’emparent du pouvoir dans les pays d’Europe de l’Est. B. Des convictions d’ordre politique impliquent un redressement économique dans le monde. Au début de 1947, les Américains veulent à tout prix sauver l’ouest et le sud de l’Europe de l’influence soviétique. Mais ils craignent que la crise et la misère persistante ne favorisent également dans cette région une poussée révolutionnaire et communiste, d’autant plus que les partis communistes y sont aussi puissants (surtout en France et en Italie). Néanmoins, ils ne sont pas occupés par l’Armée rouge contrairement à l’Europe de l’Est. C. Les États-Unis sont à même de prendre en charge ce redressement économique («  il est logique que les États-Unis favorisent le retour du monde à une santé économique normale », doc. 1) : absence de destructions et poids de l’économie américaine après la guerre  ; avantages que représente le plan Marshall pour l’économie américaine (en favorisant les exportations vers les pays qui se reconstruisent grâce à l’aide). Partie II. Le débat sur l’aide à l’URSS A. Les États-Unis se demandent s’ils doivent proposer l’aide à l’URSS. Ne faut-il pas aider l’URSS pour rester fidèle à l’esprit de la Grande Alliance ? Pour pouvoir aider l’Europe de l’Est déjà communiste (doc. 2) ? Le plan exclut en principe l’URSS (doc. 1) puisque son gouvernement «  manœuvre pour arrêter la renaissance d’autres pays » (évocation de la mise en place des régimes communistes). Les partis communistes agissent dans le même sens que l’URSS (« ils cherchent à perpétuer la misère humaine pour en profiter politiquement  », doc.  1). On remarquera néanmoins que l’URSS et le terme «  communiste  » ne sont pas cités et ont été même gommés du discours de Marshall, d’après le texte 2 (« Marshall abandonna la mention explicite au communisme  » remplacé par le mot « désespoir »), ce que confirme la lecture du texte 1. Le Congrès des États-Unis n’admettra jamais une réponse positive des Soviétiques (« cela signerait l’arrêt de mort devant le Congrès américain », doc. 2). Mais les États-Unis doivent proposer cette aide à l’URSS sinon le plan Marshall ne sera pas accepté

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caucasienne d’URSS), plante ses couteaux sur les territoires d’Europe de l’Est (y compris l’Allemagne de l’Est) et se rapproche ainsi de la France au premier plan, sur laquelle il lance trois couteaux. Il est soutenu par un orchestre formé des dirigeants du Parti communiste français, qui soutiennent donc l’URSS dans son entreprise de domination de l’Europe.

B. Les États-Unis se demandent si l’URSS peut accepter l’aide du plan Marshall. Non, car l’URSS n’acceptera pas que les États-Unis contrôlent l’usage des fonds alors que le plan le prévoit (doc. 2). Non, car le plan donnerait un ascendant aux ÉtatsUnis sur l’URSS dans le monde (doc. 2). Non, car le plan affaiblirait la tutelle soviétique en Europe orientale («  l’URSS ne serait pas capable de maintenir son contrôle sur l’Europe de l’Est » si l’URSS et donc les pays de l’Est acceptaient le plan Marshall, doc. 2). Le non est donc très probable mais, en refusant le plan, l’URSS est aussi affaiblie car elle signifie ainsi qu’elle est partisane de « la faim, de la pauvreté, du désespoir et du chaos », doc. 2). Conclusion sur la portée du texte Le plan Marshall accentue la bipolarisation du monde. Les États-Unis décident finalement de proposer cette aide à l’URSS, en pensant et espérant que l’URSS la refuse. Ils ont vu juste (citer le texte de Jdanov de septembre 1947, voir doc. 4 p. 125).

Question problématisée p. 132 Introduction 1. Partie II. La montée des tensions entre les États-Unis et l’URSS A. L’URSS étend ses frontières en annexant les pays baltes, l’est de la Pologne, la Bessarabie. Surtout elle étend son influence dans les pays qu’elle libère en y installant l’Armée rouge et en y soutenant les partis communistes locaux. Ceux-ci participent d’abord à des gouvernements d’union nationale. Disposant des ministères clés (Intérieur, Défense) et du soutien de l’URSS, ils s’emparent du pouvoir et créent des démocraties populaires. En Tchécoslovaquie, le parti communiste utilise la force (coup de Prague, 25 février 1948). Les pays d’Europe de l’Est restent indépendants, mais ils tombent dans la sphère d’influence soviétique. B. Les États-Unis réagissent à cette progression communiste. Dès 1946, à Fulton aux États-Unis, Winston Churchill avait dénoncé devant le président des ÉtatsUnis Harry  S. Truman les ambitions soviétiques et le « rideau de fer » qui tombait sur l’Europe. En 1947, Truman et son secrétaire d’État George Marshall proposent aux pays d’Europe un plan d’aide financière pour se reconstruire  : le plan Marshall. Les pays d’Europe de l’Ouest l’acceptent mais les pays d’Europe de l’Est le refusent sous la pression de l’URSS qui voit dans celui-ci un moyen pour les États-Unis d’asservir l’Europe.

4•11

C. Ces nouvelles tensions entre les Deux Grands remettent en cause le bon fonctionnement du nouvel ordre mondial. L’URSS ne signe pas les accords de Bretton Woods qui fixent le taux des monnaies sur le dollar, la monnaie américaine. Elle sera suivie par les nouveaux pays communistes d’Europe de l’Est. Par ailleurs, le Conseil de sécurité de l’ONU est désormais paralysé par l’opposition entre les Deux Grands. L’URSS, qui est membre permanent et dispose d’un droit de veto au Conseil, s’oppose désormais systématiquement aux propositions des États-Unis. Enfin, après les procès de Nuremberg et de Tokyo, il n’y aura plus de justice internationale, les Deux Grands et leurs alliés respectifs refusant de siéger ensemble dans un tribunal. 2. Conclusion À la fin de la guerre, les puissances alliées ont cherché à créer un nouvel ordre international en stabilisant le système financier mondial, en créant une grande organisation pour le maintien de la paix dans le monde et une justice pénale internationale. Mais les tensions palpables dès 1945 entre les Deux Grand s’intensifient dans les années qui suivent, remettant en cause le bon fonctionnement du nouvel ordre mondial.

p. 133

Sujet blanc

Première partie : question problématisée Reprendre le paragraphe A. p 128 en étoffant les paragraphes avec les pages  112 à 117. Plusieurs plans sont possibles, en deux ou trois parties. On peut y intégrer ou non la naissance de l’État-providence. Proposition de plan I. Les évolutions géopolitiques Changements frontaliers, déplacements de population, zones d’occupation en Allemagne et occupation des territoires de l’Est par l’Armée rouge. II. Un lourd bilan humain et matériel Les morts et blessés, les destructions matérielles et la pauvreté, la mise en place d’un État-providence. III. Un traumatisme moral Les violences subies durant la guerre en Europe et en Asie, la découverte des camps de concentration, l’angoisse face à l’arme nucléaire.

Deuxième partie : analyse de document Introduction Les Juifs sont de plus en plus nombreux en Palestine britannique depuis les années 1930. Ils aspirent à créer un « foyer national juif », c’est-à-dire un État sur ce territoire. Le 15 mai 1948, lorsque le mandat britannique prend fin en Palestine, ils annoncent qu’ils déclarent l’indépendance d’Israël. Ce texte s’adresse aux Juifs mais aussi à la communauté internationale.

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dans le monde (« il aurait très peu de chances d’être accepté dans le monde », doc. 2). Puisqu’il est destiné à la reconstruction, on ne comprendrait pas qu’il ne soit pas proposé au pays qui a connu le plus de destructions pendant la guerre.

Comment le Conseil national juif justifie-t-il la création d’Israël ? Partie I. Les Juifs proclament la création de l’État d’Israël en Palestine A. Une déclaration unilatérale Le 15 mai 1948 à la fin du mandat britannique sur la Palestine. L’indépendance est proclamée au nom des Juifs de Palestine. B. Le choix de la Palestine Le mouvement sioniste fondé par Theodor Herzl à la fin du xixe siècle revendique un État sur l’ancienne terre des Hébreux en Palestine. Des Juifs de plus en plus nombreux y émigrent (surtout depuis les années 1930). Partie II. De nombreux arguments appuient la déclaration d’indépendance A. Des arguments religieux Les Juifs s’appuient sur la volonté divine (la Bible). Pour les Juifs, Israël est la Terre promise par Dieu au peuple hébreu quand il était nomade sous la direction d’Abraham. B. Des arguments historiques Pour les Juifs, la Palestine est la terre de leurs ancêtres. Dans l’Antiquité s’est formé un État juif sous le nom d’Israël avec pour capitale Jérusalem. La Shoah (génocide des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale) justifie l’existence d’une patrie qui assurera la sécurité au peuple juif. C. Les arguments juridiques Un droit reconnu aux autres nations (devenir « maître de son destin »). Ils s’appuient sur le droit international et en l’occurrence sur la résolution des Nations unies de 1947 (qui a proposé un plan de partage de la Palestine en deux États, un pour les Juifs, un pour les Palestiniens). Déclaration Balfour des Britanniques de 1917 (le Royaume-Uni étant la puissance mandataire à partir de 1922) envisageant la création d’un Foyer national pour les Juifs en Palestine. Partie III. Pourquoi user de ces arguments ? Il faut justifier la création d’un État car la Palestine est aussi peuplée de nombreux Arabes palestiniens hostiles à la création d’un État juif. Les violences entre les Juifs et les Arabes s’intensifient en Palestine (1946-1948).

4•12

Le Comité de la Ligue arabe justifie son refus d’un État pour les Juifs (connaissances personnelles, p. 126). Il faut convaincre la communauté internationale du bien-fondé de cette création. Conclusion Résumer le développement et ouvrir sur la guerre israélo-arabe de 1948-1949 qui suit la Déclaration d’indépendance.

p. 135

Révisions

Répondre et mémoriser 1. Quel est le nombre de morts approximatif de la Seconde Guerre mondiale ? Environ 60  millions de personnes périssent pendant la Seconde Guerre mondiale. 2. Citez dans l’ordre les quatre pays dont le bilan humain de la guerre est le plus élevé. L’URSS, la Chine, l’Allemagne, la Pologne. 3. Quels sont les facteurs du traumatisme moral en 1945 ? Les facteurs du traumatisme moral en 1945 sont la violence de la guerre, la découverte des camps de concentration et l’usage de l’arme atomique. 4. Sur quel programme s’appuie le gouvernement français pour fonder l’État-providence ? Le gouvernement français s’appuie sur le programme du Conseil national de la Résistance. 5. Quelles sont les puissances présentes à la conférence de Yalta en 1945 ? Les États-Unis, le Royaume-Uni et l’URSS. 6. Quelles sont les deux institutions financières créées par les accords de Bretton Woods et en quelle année ? Le Fonds monétaire international (FMI) est fondé en 1945 et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) en 1944. 7. Quels sont les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU ? Les États-Unis, l’URSS, la Chine, le Royaume-Uni et la France. 8. Quels sont les trois types de crimes jugés à Nuremberg et à Tokyo ? Le crime contre la paix, le crime de guerre et le crime contre l’humanité. 9. Quand les communistes s’emparent-ils du pouvoir en Tchécoslovaquie et quel nom donne-t-on à leur prise de pouvoir ? Les communistes s’emparent du pouvoir le 25 février 1948 : c’est le coup de Prague. 10. Comment s’appelle le mouvement visant à la création d’un État juif en Palestine ? Le mouvement sioniste.

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Le document présenté ici est un large extrait de la déclaration d’indépendance d’Israël qui a été lue par David Ben Gourion au côté du Conseil national juif à Tel Aviv où vivent de nombreux Juifs.

5

Bipolarisation et émergence  du tiers-monde (1948-1975) Le point sur le programme Objectifs du chapitre

Ce chapitre montre comment la bipolarisation issue de la guerre froide interfère avec la décolonisation et conduit à l’émergence de nouveaux acteurs. On peut mettre en avant : – les modèles des deux superpuissances et la bipolarisation ; – les nouveaux États : des indépendances à leur affirmation sur la scène internationale ; – la Chine de Mao : l’affirmation d’un nouvel acteur international ; – les conflits du Proche et du Moyen-Orient.

Points de passage et d’ouverture

1962 : la crise des missiles de Cuba.



Les guerres d’Indochine et du Vietnam.





L’année 1968 dans le monde.

La logique du chapitre Ce chapitre s’organise en deux séquences, conformément aux indications du programme. Dans un premier temps s’établit la bipolarisation du monde, mise en évidence par les cartes de l’Europe et du monde (Repères n° 1 pp. 138-139), puis par l’établissement de deux blocs opposés (Étude n° 1 pp. 140-141) qui s’affrontent en Europe sur la question de Berlin (Étude n° 2 pp. 142-143) puis lors de la crise de Cuba (Point de passage n° 1, pp. 144-145). La séquence se conclue par le cours 1 qui fait la synthèse des pages précédentes (pp. 146-147). Dans un second temps sont abordés les nouveaux acteurs perturbant cette bipolarisation du monde, et dont l’émergence est liée à la décolonisation (Repères n° 2 pp. 148-149) et à la naissance du tiers-monde (Étude n° 3 pp. 150-151). Ils s’affirment régionalement, à l’instar du Vietminh puis du Nord Vietnam communistes lors des guerres d’Indochine puis du Vietnam (Point de passage n° 2 pp. 152-155). La Chine de Mao est un nouvel acteur international qui se détache de l’URSS et se présente comme un leader du tiers-monde (Étude n° 4 pp. 156-157). Au Proche-Orient, les anciennes puissances coloniales perdent de leur influence (nationalisation du canal de Suez) et des guerres successives mettent aux prises des acteurs régionaux comme l’Égypte et Israël (Étude n° 5 pp. 158-159). L’année 1968 (Point de passage n° 3 pp. 160-161), est une année de contestation mondiale. L’engagement des États-Unis au Vietnam est contesté au sein même du bloc de l’Ouest alors que le bloc de l’Est se fissure avec le « printemps de Prague ». Le cours 2 (pp. 162-163) synthétise les apports de cette séquence.

Pour aller plus loin • Références spécialisées – Fabrice Balanche, Géopolitique du Moyen-Orient, « Documentation photographique » n° 8 102, La Documentation française, octobre 2014. – L’URSS de Staline à Tchernenko, « Documentation photographique » n° 6 076, La Documentation française, avril 1985. – Sabine Dullin et alii, Atlas de la guerre froide, Autrement, 2017. – Pierre Grosser (dir.), La guerre froide, « Documentation photographique » n° 8 055, La Documentation française, février 2007. – Yves-Henri Nouailhat, Les États-Unis et le monde de 1898 à nos jours, A. Colin, 2015. – Xavier Paulès, La Chine, des guerres de l’opium à nos jours, « Documentation photographique » n° 8 093, La Documentation française, avril 2013. • Romans Les romans d’espionnage se sont tout particulièrement intéressés à la guerre froide. – John Le Carré, L’Espion qui venait du froid, 1963. – Graham Greene, Un Américain bien tranquille, 1955.

5•1

CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)

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Bibliographie

Films et documentaires – Daniel Costelle, Apocalypse : la guerre des mondes (1945-1991), 6 x 50 mn, 2019. – Carol Reed, Le Troisième homme, 1949. La guerre froide à Vienne, au cœur de l’Europe divisée en deux camps (adaptation du roman de Graham Greene). – Pierre Schoendoerffer, La 317e section, 1965. La guerre d’Indochine vue d’une patrouille. – Ken Burns et Lynn Novick, The Vietnam War, 2017. Documentaire monumental traitant la guerre d’Indochine puis celle du Vietnam. – Robert Zemeckis, Forrest Gump,1994. Un candide Américain traverse les divers engagements de son pays de la guerre froide à son achèvement.

Ouverture

Les illustrations choisies (une photo, une affiche) mettent l’accent sur l’axe principal de chacune des deux séquences. La guerre froide tout d’abord, avec la crise de Cuba (oct. 1962), moment paroxystique de l’affrontement entre superpuissances dans une zone proche des États-Unis et sur une question particulièrement sensible (armement nucléaire). Le second document est une affiche de propagande de 1964 illustrant les prétentions de la Chine communiste, désormais puissance nucléaire émancipée de la tutelle soviétique, à jouer un rôle majeur dans la lutte des pays du tiers-monde contre l’impérialisme américain. On remarquera l’absence de l’URSS, la Chine étant devenue une puissance communiste concurrente.

pp. 138-139

Repères

Un monde bipolaire Cette double-page permet une perception spatiale immédiate de la séparation de l’Europe et du monde en deux camps distincts et intégrés (OECE vs COMECON), cohérents (tutelle d’une superpuissance, alliances et pactes) et hostiles (bases et flottes, points de confrontations) l’un envers l’autre. Rares sont les pays qui font exception (Yougoslavie, États neutres). Le bloc de l’Est regroupe des pays rattachés spatialement les uns aux autres, alors que le bloc de l’Ouest, conduit par les ÉtatsUnis, encercle spatialement le bloc de l’Est pour éviter son expansion selon les principes de l’« endiguement ». Les deux cartes fournissent également les principaux repères spatiaux utiles pour aborder et compléter les doubles-pages suivantes consacrées à la division du monde en deux blocs et aux premiers conflits de la guerre froide.

pp. 140-141

Étude

Deux blocs opposés Cette double-page montre les principaux aspects de chaque camp établi à partir de 1947, en insistant sur leurs caractéristiques opposées dans les domaines idéologique, politique et économique.

5•2

Réponses aux questions p. 141 1. Les principaux bénéficiaires du plan Marshall sont des pays de l’Europe du Nord-Ouest victorieux (France, Royaume-Uni) ou vaincus (Allemagne, Italie), mais qui sont des puissances économiques européennes majeures, indispensables pour la reconstruction économique du continent et sa stabilité et pour les échanges avec les États-Unis. 2. a. Le discours du président des États-Unis est prononcé à l’occasion de la signature du traité de l’Atlantique nord. De 1945 à 1948, le communisme s’est étendu dans les pays d’Europe de l’Est qui sont devenus des démocraties populaires. Ces pays ont pris modèle sur l’URSS et sont tombés dans sa sphère d’influence. b. Selon Truman, les pays signataires ont un héritage commun : la démocratie, la liberté individuelle, le règne du droit. Ils ont aussi adopté l’économie de marché. Ces peuples ont traversé les deux guerres mondiales. Néanmoins, ils sont de cultures différentes. c. L’Alliance atlantique assure à chacun de ses membres que tous lui viendront en aide militairement s’il est agressé. Il s’agit d’établir «  un bouclier contre l’agression » et faire disparaître « la peur de l’agression ». Par ailleurs, ces pays acceptent d’entretenir entre eux de bonnes relations et une coopération économique. 3. Le rapprochement économique se traduit par l’intensification des échanges commerciaux de chaque démocratie populaire avec l’URSS, et des réformes économiques (nationalisations massives, de l’industrie, des transports et des banques) calquées sur celles menées par Staline en URSS. 4. La conséquence politique des purges politiques dans les démocraties populaires est l’installation au pouvoir de dirigeants totalement fidèles à Staline et à l’URSS. 5. Sur l’affiche de Paix et Liberté (doc. 3), Staline est dépeint non comme le maréchal victorieux du IIIe Reich, mais comme un vulgaire voyou débraillé (débardeur, tatouages, surnom) et communiste (étoile rouge, faucille et marteau) qui attire les pays en leur promettant la paix (colombe) pour mieux les soumettre par la force barbare (la colombe est tenue en laisse et Staline tient un fléau, une arme offensive médiévale composée

CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)

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pp. 136-137

d’un manche de bois et d’une chaîne terminée par une masse de fer). Sur l’affiche soviétique (doc. 7), les ÉtatsUnis sont représentés par l’Oncle Sam qui veut porter la guerre (torche de la statue de la Liberté transformée en arme de guerre) en Europe en utilisant la bombe atomique dont elle a le monopole en 1948. Mais l’Oncle Sam est un vieillard malingre alors que le militaire

soviétique (uniforme, médailles), athlétique (taille), veille, en s’appuyant sur l’expérience victorieuse de la guerre menée par l’URSS de 1941 à 1945 (titre de l’ouvrage). Il empêche l’Oncle Sam d’entrer dans la maison soviétique (CCCP – URSS – en dessous de l’affiche). La principale préoccupation des deux pays est la paix ou la guerre.

Synthèse Régime politique

Alliances militaires

Propagande

Américain

Démocraties libérales

Alliance atlantique

– Plan Marshall et OECE – Économie de marché – Les États-Unis, principal partenaire commercial

Anticommuniste et antisoviétique

Soviétique

Dictatures à parti unique, dirigées par des Staliniens

Pacte de Varsovie

– COMECON – Nationalisations – L’URSS, principal partenaire commercial

Anti-occidentale et anti-américaine

pp. 142-143

Étude

Berlin, enjeu de la guerre froide (1948-1961) Cette étude montre comment les tensions de guerre froide se manifestent d’abord en Europe, et plus précisément à Berlin, l’ancienne capitale du IIIe Reich, où les puissances victorieuses sont présentes et voisines. Elles ont autorité sur un territoire qui, comme le reste de l’Allemagne occupée, n’a pas encore d’État  ; les quartiers Ouest de Berlin tenus par les Alliés occidentaux sont un avant-poste du camp occidental isolé dans la partie Est de l’Allemagne occupée par les Soviétiques.

Réponses aux questions p. 143 1. Staline ordonne le blocus des quartiers de Berlin occupés par les Occidentaux pour que ceux-ci les abandonnent et qu’ils soient rattachés à la partie orientale de la ville, tenue par l’Armée rouge. Staline ne veut pas d’un avant-poste occidental au milieu de la partie soviétique de l’Allemagne, mais il lève le blocus quand il réalise que les Américains, qui ont immédiatement riposté par un gigantesque pont aérien, n’abandonneront pas les parties de la ville tenues par les Occidentaux. 2. La construction du mur de Berlin est décidée par les autorités soviétiques et est-allemandes (la RDA est dirigée par Walter Ulbricht) alors que près de 3  millions d’Allemands et des Berlinois de l’Est continuent de passer par Berlin pour fuir la démocratie populaire de RDA, ses mauvaises conditions économiques et de son absence de libertés. De plus, les visiteurs venus de l’Est en visite à Berlin-Ouest se rendaient compte que la propagande communiste sur Berlin-Ouest, la RFA et le monde occidental était mensongère et qu’il existait un monde meilleur. Une fois construit, le mur remplit vite son objectif, car le nombre de départs pour l’Ouest par Berlin va devenir très faible. Le passage de l’Est à l’Ouest

5•3

Organisation économique

passe ainsi de 210 000 personnes en 1961 à moins 20 000 avec ou sans autorisation. 3. Selon Kennedy, le mur de Berlin est un « crime contre l’humanité  » car il conduit à séparer définitivement Berlinois et Allemands de l’Ouest de ceux de l’Est. En particulier, il sépare des familles. C’est un aveu d’échec pour le camp soviétique, puisque les fugitifs le quittaient pour le camp occidental, dans l’espoir de conditions de vie meilleures et de libertés. Il prouve ainsi la supériorité d’un régime sur un autre.

Synthèse En 1945, l’Allemagne est un pays vaincu par les Alliés (États-Unis, France, Royaume-Uni et URSS) et occupé militairement par les vainqueurs. C’est le cas notamment de Berlin, l’ancienne capitale du IIIe Reich, situé en territoire allemand occupé par l’Armée rouge, et subdivisé en 4 parties, dont trois reviennent aux Occidentaux. Quand la guerre froide éclate, Staline veut réunir les quartiers Ouest de Berlin au reste de la ville, qui serait alors entièrement sous contrôle communiste. En 1948, il établit un blocus, mais les Occidentaux répliquent par un pont aérien qui approvisionne Berlin-Ouest et conduit Staline à lever le blocus au bout d’un an. L’URSS et les puissances occidentales ne parviennent pas à s’entendre sur le statut de Berlin, alors que de très nombreux Allemands et Berlinois de l’Est fuient un régime de démocratie populaire (RDA) dictatorial et des conditions de vie difficiles, pour se rendre en RFA en plein essor économique, où les libertés sont assurées. La RDA, avec le soutien soviétique, fait édifier un mur séparant définitivement et totalement les parties Ouest et Est de la ville, ce qui met fin à l’exode, mais coupe les relations entre les Allemands de l’Ouest et de l’Est. Il provoque l’indignation du président américain John F. Kennedy, qui n’a pu empêcher l’édification de ce mur en août 1961, mais vient soutenir Berlin-Ouest en juin 1963.

CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)

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Camp

Point de passage

1962 : la crise des missiles de Cuba On met l’accent sur les enjeux de cette crise, paroxysme de la guerre froide : – l’influence traditionnelle des États-Unis en Amérique latine contestée par le communiste Fidel Castro soutenu par l’URSS, qui menace la sécurité américaine via ses missiles pouvant atteindre le territoire américain ; – au plus fort de la crise, possibilité d’une confrontation militaire directe et d’une escalade du conflit vers une issue atomique : pour la première fois, la situation de «  guerre improbable  » (Raymond Aron) caractérisant les relations entre les deux Grands est en passe d’être effacée ; – le règlement de la crise, sur fond de compromis, mais qui reste un échec pour l’URSS et qui entraîne par la suite l’effort d’armement nucléaire de l’URSS. VIDÉO La crise des fusées

Questionnaire 1. Que photographient les avions américains U2 ? Des rampes de missiles nucléaires installés à Cuba et dirigés contre les États-Unis. 2. Quelle partie du territoire américain est menacée ? Les deux tiers du territoire, y compris Washington, la capitale, et New York. 3. Que fait le président Kennedy ? Il prononce un discours et met en place un embargo autour de Cuba. 4. Où doivent se rendre les cargos soviétiques ? Les 25 cargos soviétiques, dont certains contiennent des armements, doivent se rendre à Cuba et pour cela forcer l’embargo. 5. Qui dirige Cuba ? Fidel Castro. 6. Qui soutient les États-Unis ? L’Organisation des États américains. 7. Qui soutient Cuba ? Des pays du tiers-monde comme l’Algérie. 8. Que décide le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev ? Il ordonne aux cargos de faire demi-tour et il démantèle les rampes de lancement installées à Cuba.

Réponses aux questions p. 145 Parcours 1 1. Les causes de la crise sont liées à l’installation de missiles par les Soviétiques sur l’île de Cuba, à la demande du dirigeant communiste Fidel Castro, suite à la menace que les États-Unis faisaient peser sur son régime depuis 1959. Les États-Unis avaient soutenu du débarquement de Cubains anticastristes pour renverser le régime en

5•4

1961 (débarquement de la baie des Cochons). Ces missiles en cours d’installation sont en mesure de toucher une large partie du territoire américain, ce qui est inacceptable pour le président Kennedy. 2. La guerre ouverte entre les deux superpuissances aurait pu éclater entre le 22 et le 24 octobre, quand les Américains mettent en place l’embargo autour de Cuba : si les navires soviétiques en route pour Cuba ne le respectent pas et veulent forcer le passage, ils sont susceptibles d’être interceptés ou attaqués par la flotte navale ou aérienne des États-Unis, ce qui constituerait un acte de guerre. 3. Khrouchtchev veut absolument éviter une confrontation directe avec les États-Unis car il est convaincu que ces derniers infligeraient des dégâts considérables à l’URSS, que l’île de Cuba serait totalement détruite et que, de toute façon, le rapport de force nucléaire joue en faveur des Américains. Comme le montre la lettre, l’URSS craignait réellement que le conflit entraîne une guerre nucléaire qui infligerait d’immenses pertes non seulement à Cuba mais aussi en URSS et dans le bloc de l’Est tout entier. 4. Les solutions sont acceptables pour les trois protagonistes : – les bases de lancement de missiles menaçant le territoire nord-américain sont démantelées ; – Cuba ne sera plus l’objet de tentatives de déstabilisation ouvertes soutenues par les États-Unis ; – les fusées américaines pointées sur l’URSS et installées en Turquie sont retirées. 5. Lors de la crise, les dirigeants de l’URSS sont bien conscients d’avoir dû négocier en position de faiblesse nucléaire, et ils ont dû ordonner à leurs navires de rebrousser chemin. Après la crise, l’URSS s’emploie à rattraper son retard sur les Américains par un effort d’armement considérable dans le domaine nucléaire.

Synthèse L’installation de missiles par les Soviétiques sur l’île de Cuba a lieu à la demande du dirigeant communiste Fidel Castro, suite à la menace que les États-Unis faisaient peser sur son régime depuis 1959 (baie des Cochons, 1961). Un avion espion américain U2 photographie les rampes de lancement des missiles en octobre 1962. Ces missiles en cours d’installation sont en mesure de toucher une large partie du territoire américain, ce qui est inacceptable pour le président américain John F. Kennedy. En conséquence, les Américains exigent le démantèlement des installations et établissent un embargo total de l’île pour empêcher l’acheminement par des navires soviétiques de nouveaux armements. Mais cette initiative peut déboucher sur un conflit ouvert entre les deux superpuissances si les navires soviétiques en route pour Cuba ne le respectent pas et veulent forcer le passage,

CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)

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pp. 144-145

car ils sont susceptibles d’être interceptés ou attaqués par la flotte navale ou aérienne des États-Unis, ce qui constituerait un acte de guerre. La crise est résolue le 28 octobre 1962 à la suite d’une négociation entre les dirigeants américains et soviétiques, qui aboutit à un résultat satisfaisant pour toutes les parties : – les Américains voient les missiles menaçant leur territoire démantelés ;

– Cuba ne sera plus l’objet de tentatives de déstabilisation ouvertes soutenues par les États-Unis ; – pour l’URSS, le camp communiste garde Cuba, et les fusées américaines installées en Turquie et pointées sur son territoire sont retirées. Néanmoins, c’est une victoire pour Kennedy et un échec pour l’URSS qui a dû céder fade à la pression du géant américain.

Parcours 2

– Menaces nord-américaines sur Castro et son régime. – Installation de missiles soviétiques à Cuba pouvant atteindre les États-Unis. – Photographie des rampes de lancement par un avion espion étatsunien.

Le conflit

– Embargo américain autour de – L’URSS démantèle et rapatrie ses missiles, Cuba. contraint Castro à accepter le compromis – Possibilité de conflit ouvert en trouvé. cas de viol de l’embargo par les – Les États-Unis s’engagent à ne plus navires soviétiques transportant déstabiliser Cuba et à démanteler leurs des armes à destination de Cuba. fusées visant l’URSS depuis la Turquie. – Navires soviétiques font demi-tour. – Le conflit entraîne par la suite un gros effort d’armement nucléaire de l’URSS.

1. Une crise aux causes multiples L’installation de missiles nucléaires par les Soviétiques sur l’île de Cuba faite suite à la demande du dirigeant de l’île, le communiste Fidel Castro, soutenu par l’URSS. Le régime qu’il a installé depuis 1959 fait l’objet de tentatives de déstabilisation encouragées par les États-Unis, comme la tentative de débarquement anticastriste dans la baie des Cochons (avril 1961). En procédant à l’installation de ces fusées, Castro dispose d’un moyen de rétorsion contre les États-Unis, et l’URSS fait peser une menace capitale sur l’Amérique du Nord car ces missiles sont en mesure de toucher une large partie du territoire américain. C’est inacceptable pour le président américain John F. Kennedy qui prend connaissance de l’existence de ces fusées le 14 octobre 1962, grâce aux photos prises par un avion espion U2. 2. Un déroulement qui laisse présager le pire, avant de s’orienter vers le compromis En conséquence, le président Kennedy décide l’établissement immédiat d’un embargo total sur Cuba, pour empêcher l’acheminement par des navires soviétiques de nouveaux armements et il exige le démantèlement des installations balistiques. Mais l’embargo peut déboucher sur un conflit ouvert entre les deux superpuissances si les navires soviétiques en route pour Cuba ne le respectent pas et veulent forcer le passage, car ils peuvent être interceptés ou attaqués par la flotte navale ou aérienne des États-Unis. Cela constituerait un acte de guerre et le début d’une dangereuse escalade pouvant conduire à l’affrontement nucléaire. La situation est au maximum de sa tension entre le 22 et le 25 octobre 1962, date à laquelle Khrouchtchev donne l’ordre à ses navires de rebrousser chemin. La crise est résolue fin octobre 1962 par une négociation entre dirigeants américains et soviétiques par-dessus Fidel Castro, et elle aboutit à un résultat satisfaisant

5•5

La résolution de la crise

pour tous les protagonistes : les Américains obtiennent que les missiles menaçant leur territoire soient démantelés ; ils s’engagent à ce que Cuba ne soit plus l’objet de tentatives de déstabilisation ouvertes ; pour l’URSS enfin, le camp communiste garde Cuba et les fusées américaines installées en Turquie et pointées sur l’URSS sont retirées. Il s’agit néanmoins d’une victoire américaine et d’un échec soviétique, qui a pour conséquence une accélération de l’armement nucléaire par l’URSS.

pp. 148-149

Repères

La décolonisation Cette double-page inaugure la seconde séquence et vise à repérer dans l’espace les zones et les étapes de la désagrégation des empires coloniaux existant encore en 1945 (doc. 1). Ce mouvement s’accompagne de deux phénomènes situés sur le doc. 3 : la naissance du tiers-monde avec la conférence de Bandoeng (1955) et l’apparition du non-alignement (conférence de Belgrade, 1961).

Réponses aux questions p. 149 1. La grande période de décolonisation de l’Asie se déroule de 1947 à 1955, celle de l’Afrique entre 1956 et 1964. 2. Les guerres d’indépendance ont lieu dans l’empire britannique (Malaisie, Namibie) et néerlandais (Indonésie). Elles concernent également les pays comme la France (Algérie) et le Portugal (Angola, Mozambique) qui tardent à accorder l’indépendance à leurs colonies. 3. L’empire des Indes britanniques s’est morcelé en plusieurs États en 1947 et 1948  : l’Inde et le Pakistan, composé du Pakistan occidental et du Pakistan oriental (1947), le Sri lanka (1948), la Birmanie (1948). En 1971, le Pakistan oriental se détache du Pakistan pour devenir

CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)

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Les facteurs déclenchants

4. Le tiers-monde a émergé à Bandoeng (Indonésie) en 1955 et à Belgrade (Yougoslavie) en 1961.

pp. 150-151

Étude

L’émergence du tiers-monde L’étude aborde l’émergence du tiers-monde  : la conférence de Bandoeng en 1955, où les pays nouvellement indépendants manifestent leur soutien aux luttes anticoloniales et leur volonté de ne plus être dominés  ; la conférence de Belgrade qui réunit la plupart de ces pays mais aussi la Yougoslavie et Cuba en 1961 (d’autres pays d’Amérique latine se joindront ensuite au mouvement) pour former le mouvement des non-alignés qui revendique l’indépendance à l’égard des deux blocs ; enfin la naissance de la CNUCED et du Groupe des 77 en 1964, qui montrent leur volonté de défendre leurs intérêts pour sortir du sous-développement. Ces documents soulignent donc le glissement des revendications du tiers-monde, au cours des années 1950 et 1960, de l’indépendance à l’égard des grandes puissances à la revendication d’un nouvel ordre économique international.

Réponses aux questions p. 151 1. Les pays représentés à Bandoeng sont plutôt asiatiques  ; ils ont subi la domination coloniale et ont été récemment décolonisés. Ils représentent plus de la moitié de la population mondiale. Ce sont des pays pauvres (11,2 % du revenu mondial). 2. Les principes affirmés à Bandoeng refusent toute soumission à une grande puissance, car il n’est pas question, une fois la tutelle coloniale combattue et abattue, de retomber dans la sujétion à d’autres puissances. 3. Les pays représentés à Belgrade comprennent des pays asiatiques du tiers-monde, mais aussi d’Afrique en voie de décolonisation. Mais viennent s’y ajouter des pays socialistes d’Amérique latine (Cuba) et d’Europe (Yougoslavie). Ces pays non-alignés mettent l’accent sur la nécessité d’un désarmement, notamment nucléaire, ce qui n’a pas été débattu à Bandoeng. 4. À partir de 1964, les pays du tiers-monde ont pour objectif principal de résoudre les problèmes économiques (chute des prix à l’exportation, faiblesse de la production), sociaux (malnutrition, sous-nutrition) aggravés par la croissance démographique. Pour cela, les pays concernés veulent faire pression sur la communauté internationale.

Synthèse Le tiers-monde émerge sur la scène internationale à partir du milieu des années 1950, avec la conférence de Bandoeng organisée en Indonésie par le président

5•6

Sukarno en avril 1955. La plupart des pays participants sont asiatiques, car c’est cette partie du monde qui connaît la plus forte décolonisation. Des figures majeures se dégagent, comme l’Indien Jawaharlal Nehru ou le Chinois Zhou Enlai. Les pays du tiers-monde affirment leur solidarité avec les peuples en lutte pour leur indépendance, notamment en Afrique. Ils affirment également refuser toute nouvelle tutelle extérieure d’une grande puissance. Le non-alignement, constitué à partir de la conférence de Belgrade en 1961, poursuit cette volonté d’échapper à la tutelle des deux grandes puissances. Ce mouvement s’étend au-delà de l’Asie, avec l’entrée de pays d’Afrique récemment décolonisés, et il intègre des pays socialistes européens comme la Yougoslavie de Tito, pays d’accueil de la conférence de Belgrade et en marge du camp soviétique, ou d’Amérique latine, comme Cuba. Les participants insistent sur le désarmement nucléaire pour garantir la paix dans le monde. À partir du milieu des années 1960, les pays du tiersmonde, qui occupent de plus en plus de sièges à l’ONU à mesure que la décolonisation se réalise, obtiennent la création de la CNUCED (1964) et font pression sur la communauté internationale pour mettre fin aux échanges inégaux (bas prix à l’exportation des matières premières venues du tiers-monde) et sortir du sous-développement (voir l’appel des 77).

pp. 152-155

Point de passage

Les guerres d’Indochine et du Vietnam Ce point de passage, subdivisé en 2 séquences chacune consacrée à un conflit, met en évidence les caractéristiques d’un conflit durable (30 ans) et majeur  : conflit colonial entre le Vietminh et la France, typique de la décolonisation mais où commencent à intervenir les deux grandes puissances dans le cadre de la guerre froide ; puis conflit de guerre froide entre les Nord-Vietnam communiste (obtenant un soutien matériel de l’URSS et de la Chine populaire) et le Sud-Vietnam allié des États-Unis dans lequel les États-Unis interviennent massivement à partir de 1964  ; échec d’une superpuissance militairement engagée dans le conflit (1964-1975).

A La guerre d’Indochine (1946-1954) : une guerre d’indépendance VIDÉO Les débuts de la guerre d’Indochine

Questionnaire 1. Où se trouve Hanoï ? En Indochine. 2. Qui a attaqué les Français et quand ? Des «  bandes vietnamiennes  », des «  vietminh  » le 19 décembre 1946.

CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)

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le Bangladesh. L’Indochine française se divise en Laos, Cambodge et Vietnam en 1954. L’AOF se fractionne en une dizaine d’États en 1960, sauf la Guinée (1958).

3. Quelle genre de scène nous montrent ces actualités ? Une scène de guerre, avec des destructions et des combats.

côté, la France est aidée de plus en plus massivement par les États-Unis qui redoutent l’expansion du communisme en Asie.

4. D’où sont chassés les insurgés et où se sont-ils repliés ? Ils ont été chassés des villes et continuent le combat dans les campagnes.

La France bénéficie au début de la guerre d’une supériorité en matériel écrasante mais, au fil du temps, le Vietminh, aidé par l’URSS et la République populaire de Chine (RPC) rattrape son retard, et parvient à contrôler les campagnes vietnamiennes qui entourent les grandes villes encore tenues par la France.

Réponses aux questions p. 153 Parcours 1 1. Ce texte est prononcé par le dirigeant communiste et nationaliste vietnamien Hô Chi Minh, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les troupes japonaises qui occupaient l’Indochine se replient et que le pouvoir colonial français n’a pas encore été rétabli. Cette proclamation s’inspire des principes de la Déclaration d’indépendance nord-américaine de 1776 (recherche du bonheur) et de ceux de la Révolution française (liberté, égalité en droit et de naissance). Ces principes ont été bafoués par la puissance coloniale française. 2. Cette guerre pour l’indépendance est également un conflit de guerre froide car, d’une part, Hô Chi Minh et le Vietminh se réclament de l’idéologie communiste et, d’autre part, ils reçoivent le soutien en matériel et conseillers venus de la Chine communiste et de l’URSS. De leur côté, les Français bénéficient d’une aide financière et matérielle nord-américaine considérable, justifiée par la lutte contre l’extension du communisme en Asie. 3. Au fil du conflit, le rapport de force entre le Vietminh et les troupes françaises s’équilibre. De plus, le Vietminh parvient à s’implanter dans la plupart des campagnes du Vietnam, et leurs forces gagnent du terrain, au point d’encercler les grandes villes du pays. 4. La paix est fragile parce que le Vietnam n’est toujours pas réunifié. La séparation est provisoire et le pays reste divisé en deux parties opposées, chacune pouvant être tentée de réunifier le pays sous sa direction.

Synthèse La guerre d’Indochine débute comme une guerre d’indépendance au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, quand Hô Chi Minh proclame l’indépendance après le départ des troupes japonaises. Mais les Français veulent reprendre leur colonie et une guerre se déclenche entre les troupes françaises et le Vietminh à la fin de l’année 1946. Dans un contexte de montée de la guerre froide et de constitution des blocs, le Vietminh est aidé par l’URSS puis par la Chine, devenue communiste en 1949. De son

5•7

La défaite française de Diên Biên Phu, en mai 1954, conduit aux accords de Genève (juillet) qui séparent provisoirement le Vietnam en deux parties, avec au nord le Vietminh qui fonde le Nord-Vietnam, et au sud un territoire toujours sous influence française.

B La guerre du Vietnam (1955-1975) : une défaite américaine VIDÉO Vietnam, la fin de la guerre

Questionnaire 1. Quel événement important se déroule le 30 avril 1975 et où ? La capitale du Sud-Vietnam, Saïgon, est prise par le FNL. 2. Qui est victorieux et qui est vaincu ? Le mouvement vietcong (FNL) et les soldats du Nord-Vietnam. Les perdants sont l’armée sud-vietnamienne et les Américains qui la soutiennent. 3. Combien de temps a duré la guerre ? Près de trente ans. 4. Quelle situation prend fin au Vietnam ? La séparation du pays en deux parties. 5. Qui est opposé durant la guerre d’Indochine et durant quelle période ? Les Français sont opposés au Vietminh d’Hô Chi Minh, de 1946 à 1954. 6. Pourquoi les États-Unis d’Amérique interviennent-ils au Vietnam et quand envoient-ils leurs troupes ? Les Américains interviennent à partir de 1964 pour stopper l’expansion du communisme en Asie. 7. Quelle grande puissance aide le Nord-Vietnam et le FNL ? L’URSS. 8. Quels sont les effets du conflit aux États-Unis ? Le discrédit du président Lyndon B. Johnson et un fort mouvement pour la fin de l’engagement américain et la paix au Vietnam. 9. Quand se situe le tournant décisif de la guerre du Vietnam ? Début 1968, à l’occasion de l’offensive du Têt. 10. Quand les États-Unis se retirent-ils officiellement du Vietnam ? En 1973, après la signature des accords de Paris.

CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)

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5 Combien y a-t-il eu de morts parmi les Français d’Indochine à cette date ? 267 morts, soit 1/10e de la communauté française d’Hanoï.

Parcours 1 1. Les Américains interviennent au Vietnam pour éviter que le Nord-Vietnam communiste, aidé par le Vietcong, ne renverse le gouvernement du Sud-Vietnam et ne réunifie le pays sous son autorité. 2. Les Américains aident l’armée sud-vietnamienne, nombreuse mais inefficace, à faire face à l’Armée nord-vietnamienne (ALN) qui opère avec les maquis vietcongs (FNL) composés de communistes sud-vietnamiens. L’URSS et la République populaire de Chine aident le Nord-Vietnam par l’envoi de matériel militaire et de conseillers. 3. Les deux camps s’affrontent de différentes manières : bombardements nord-américains sur le Nord-Vietnam et la piste Hô Chi Minh ; attaques nord-vietnamiennes sur les villes du Sud-Vietnam et les bases militaires nord-américaines  ; guérilla des vietcongs contre les convois américains dans les campagnes avec leur cortège de répression des États-Unis (déversement d’herbicides – agent Orange – dans les zones où se cachaient les Vietcongs au Sud-Vietnam  ; massacres dans les villages supposées aider les Vietcongs…). 4. Les États-Unis s’engagent de plus en plus massivement en hommes et en matériel après le vote de la résolution du golfe du Tonkin (août 1964) mais, à partir de 1969, la vietnamisation du conflit conduit le président Nixon à retirer des troupes, à négocier les accords de Paris (1973) et à aider le Sud-Vietnam en armes. 5. La guerre du Vietnam se solde par un échec pour les Occidentaux  : le Sud-Vietnam est incapable de faire face aux communistes qui prennent la capitale en 1975. Le camp occidental a perdu un pays allié au profit du monde communiste.

Synthèse Dans ce conflit, qui s’étend de 1955 à 1975, les Américains aident l’armée sud-vietnamienne, nombreuse mais inefficace, à faire face à l’Armée nord-vietnamienne (ALN) qui opère avec les maquis vietcongs (FNL) composés de communistes sud-vietnamiens. L’URSS et la République populaire de Chine aident en matériel militaire et en conseillers le Nord-Vietnam. Les Américains envoient d’abord des conseillers militaires, puis des troupes (jusqu’à 500 000 hommes en 1968). La guerre est d’une extrême violence : bombardements nord-américains sur le Nord-Vietnam et la piste Hô Chi Minh  ; attaques nord-vietnamiennes sur les villes du Sud-Vietnam et les bases militaires nord-américaines ; guérilla des Vietcongs contre les convois américains dans les campagnes entrainant en retour des violences et massacres de l’armée américaine (agent Orange, exactions dans les villages, usage du bombardement au napalm –  bombes incendiaires  – aussi bien au Sud qu’au Nord-Vietnam). Les victimes civiles sont très

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nombreuses (près de 2 millions de morts) et des images de bombardements au napalm scandalisent l’opinion mondiale. Finalement, les communistes vietnamiens l’emportent après que les Américains ont commencé à retirer leurs troupes (1969-1973) puis signé les accords de Paris. Les soldats nord-vietnamiens et maquisards vietcongs prennent Saïgon en avril 1975, le régime pro-occidental chute et le pays passe sous l’autorité des communistes, ce qui constitue un échec pour les États-Unis et le bloc de l’Ouest.

Parcours 2 I. La guerre d’Indochine, guerre d’indépendance et conflit de guerre froide (1946-1954) A. Les forces en présence La guerre d’Indochine débute comme une guerre d’indépendance au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, quand Hô Chi Minh proclame l’indépendance après le départ des troupes japonaises. Mais les Français veulent reprendre leur colonie et une guerre se déclenche entre les troupes françaises et le Vietminh à la fin de l’année 1946. Dans un contexte de montée de la guerre froide et de constitution des blocs, le Vietminh est aidé par l’URSS puis par la Chine, devenue communiste en 1949. De son côté, la France est aidée de plus en plus massivement par les ÉtatsUnis qui redoutent l’expansion du communisme en Asie. B. L’évolution de la guerre La France bénéficie au début de la guerre d’une supériorité en matériel écrasante mais, au fil du temps, le Vietminh, aidé par l’URSS et la République populaire de Chine (RPC) rattrape son retard et parvient à contrôler les campagnes vietnamiennes qui entourent les grandes villes encore tenues par la France. C. Un règlement incomplet du conflit La défaite française de Diên Biên Phu, en mai 1954, conduit aux accords de Genève (juillet) qui séparent provisoirement le Vietnam en deux parties, avec au nord le Vietminh qui fonde le Nord-Vietnam, et au sud un territoire toujours sous influence française. II. La guerre du Vietnam : un conflit nationaliste et de la guerre froide (1955-1975) A. Les forces qui s’opposent Dans ce conflit, qui s’étend de 1955 à 1975, les Américains aident l’armée sud-vietnamienne, nombreuse mais peu efficace, à faire face à l’Armée nord-vietnamienne (ALN) qui opère avec les maquis vietcongs (FNL) composés de communistes sud-vietnamiens. L’URSS et la RPC aident en matériel militaire et en conseillers le Nord-Vietnam. Les Américains envoient d’abord des conseillers militaires, puis des troupes, jusqu’à 500 000 hommes en 1968.

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Réponses aux questions p. 155

Ce conflit est d’une extrême violence  : bombardements nord-américains sur le Nord-Vietnam et la piste Hô Chi Minh  ; attaques nord-vietnamiennes sur les villes du Sud-Vietnam et les bases militaires nord-américaines  ; guérilla des vietcongs contre les convois américains dans les campagnes entraînant en retour une répression aveugle de l’armée américaine contre les Vietcongs mais aussi les villageois du Sud-Vietnam. Les victimes civiles sont très nombreuses (près de 2 millions de morts) et des images de bombardements au napalm scandalisent l’opinion publique mondiale. C. Un échec pour les États-Unis et le bloc de l’Ouest Finalement, les communistes vietnamiens l’emportent après que les Américains ont commencé à retirer des troupes (dès 1969) puis signé les accords de Paris (1973). Soldats nord-vietnamiens et maquisards vietcongs prennent Saïgon en avril 1975, le régime pro-occidental chute et le pays passe sous l’autorité des communistes, ce qui constitue un échec pour les États-Unis et le bloc de l’Ouest.

pp. 156-157

Étude

La Chine de Mao : un nouvel acteur international Le point de passage sur les guerres d’Indochine et du Vietnam avait abordé indirectement le rôle régional de la République populaire de Chine (RPC), dirigée (par intermittence) par Mao Zedong (doc.  1). La position géographique (doc. 2) de la RPC, son engagement tiers-mondiste (doc.  3) et son intervention militaire en Corée (doc. 4) en font un acteur incontournable, rival de l’URSS. Pour contrer l’influence soviétique, les États-Unis vont composer avec la Chine populaire (doc. 5), reconnaissant son existence et lui permettant de jouer un nouveau rôle à l’ONU.

Réponses aux questions p. 157 1. La Chine communiste intervient dans divers conflits de la guerre froide et de diverses manières : intervention militaire ouverte lors de la guerre de Corée (1950-1953) aux côtés des soldats communistes de Corée du Nord ; aide matérielle et en conseillers auprès des communistes vietnamiens, laotiens et cambodgiens lors des guerres d’Indochine puis du Vietnam (1950-1975). 2. La Chine de Mao cherche à étendre son influence auprès des pays du tiers-monde lors de la conférence de Bandoeng (avril 1955), en proclamant sa solidarité avec les peuples en lutte pour leur indépendance. La Chine cherche également à étendre son influence par le gain de nouveaux territoires à ses frontières, au besoin par la guerre : invasion du Tibet (1950), conflits frontaliers avec l’Inde en 1962, avec l’URSS en 1969. 3. La RPC est en conflit avec l’Inde pour des questions frontalières (Arunachal Pradesh, Aksai Chin), mais aussi

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parce que l’Inde est une puissance rivale en Asie du Sud. Elle est également en conflit avec l’URSS, pour des questions frontalières (1969) et parce que la RPC dispute à l’URSS la direction du monde communiste et lui reproche son attitude conciliante avec les États-Unis pendant la détente (1962-1972). 4. Selon la RPC, Taïwan est une île qui doit revenir à la Chine continentale et non en être séparée et obéir à un régime anticommuniste fondé par Tchang Kaï-chek, le chef nationaliste vaincu par Mao en 1949. 5. Pour les États-Unis, le rapprochement avec la Chine de Mao présente l’avantage de diviser le monde communiste, de jouer sur la rivalité en son sein et d’entretenir de bonnes relations avec l’URSS comme avec la Chine, ce qui permet de faire avancer les négociations américaines avec le Nord-Vietnam, influencé et aidé par l’URSS et la RPC. Du côté chinois, le rapprochement avec les États-Unis permet de lever le veto américain à l’obtention par la RPC du siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, jusque-là détenu par Taïwan, et d’envisager à terme un rattachement de cette île par la négociation à la Chine continentale. Les bonnes relations de la Chine populaire avec les États-Unis permettent aussi de contrebalancer les mauvaises relations de celle-ci avec l’URSS en Asie.

Synthèse La Chine communiste intervient dans divers conflits de la guerre froide et de diverses manières  : intervention militaire ouverte aux côtés des soldats communistes de Corée du Nord contre les bataillons de l’ONU emmenés par les États-Unis lors de la guerre de Corée (19501953)  ; aide matérielle et en conseillers en faveur des communistes vietnamiens, laotiens et cambodgiens lors des guerres d’Indochine puis du Vietnam (1950-1975). La RPC cherche à étendre son influence auprès des pays du tiers-monde lors de la conférence de Bandoeng (avril 1955), en proclamant sa solidarité avec les peuples en lutte pour leur indépendance. La Chine cherche également à étendre son influence par le gain de nouveaux territoires à ses frontières, au besoin par la guerre  : invasion du Tibet (1950), conflits frontaliers avec l’Inde. Du coup, ses projets rencontrent diverses oppositions et provoquent des tensions  : elle se trouve en conflit avec l’Inde pour des questions frontalières (Arunachal Pradesh, Aksai Chin), sachant que l’Inde est une puissance rivale en Asie du Sud et au sein du tiers-monde. La Chine de Mao, d’abord alignée derrière Staline, est également en conflit avec l’URSS pour des questions frontalières (1969), mais aussi parce que la RPC dispute à l’URSS la direction du monde communiste et lui reproche une attitude trop conciliante avec les États-Unis lors de la crise de Cuba par exemple (1962), puis à mesure que s’affirme la détente entre les États-Unis et l’URSS. Néanmoins, au début des années 1970, la Chine de Mao se rapproche de l’Amérique de Richard Nixon et une visite de ce dernier en Chine est même organisée en

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B. La violence de la guerre

pp. 158-159

Étude

Les conflits du Proche-Orient jusqu’aux années 1970 Le Proche-Orient est, avec l’Asie, l’une des régions du monde où s’affirment des acteurs régionaux issus de la décolonisation et moins inféodés aux deux Grands. L’Égypte de Nasser illustre ce cas et son hostilité envers Israël se trouve au cœur des multiples conflits qui agitent la région jusqu’aux années 1970.

Réponses aux questions p. 159 1. Les enjeux de la nationalisation du canal de Suez en 1956 sont le financement (par les taxes perçues pour le passage des navires par le canal) des grands travaux du barrage d’Assouan qui apportera des ressources en électricité et étendra les surfaces cultivables par la suppression de la crue du Nil. La nationalisation entraîne le retour aux Égyptiens d’une installation qu’ils ont contribué à bâtir et qui se trouve sur le territoire égyptien, et l’effacement de l’influence coloniale dans le pays, puisque le canal était aux mains d’intérêts étrangers (franco-britanniques) très présents en Égypte depuis la fin du xixe siècle. 2. Les Français et les Britanniques sont lésés par la nationalisation du canal de Suez, et les Israéliens considèrent l’Égypte de Nasser comme un ennemi résolu à faire disparaître leur État. 3. La guerre des Six Jours est un échec sévère pour les pays arabes voisins d’Israël  : l’Égypte perd le désert du Sinaï, la Syrie perd le Golan et la Cisjordanie est occupée par Israël qui s’empare également de Jérusalem. 4. L’objectif de l’OLP est de donner aux Palestiniens un territoire et un État et de permettre le retour des populations palestiniennes chassées par les victoires militaires israéliennes de 1959 et 1967. L’OLP engage la lutte armée (appels à la violence et à la constitution de com-

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mandos) car elle se rend compte que les pays arabes, écrasés par Israël en 1967, ne sont plus en mesure d’obtenir ces résultats pour les Palestiniens et qu’elle ne peut plus compter sur eux. 5. La guerre du Kippour est déclenchée par les pays arabes voisins d’Israël pour reprendre les territoires perdus en 1967. Ils attaquent par surprise, comme Israël en 1967, mais le bilan est mitigé, car les troupes arabes sont à nouveau mises en échec.

Synthèse Les conflits du Proche-Orient sont nombreux (en 19481949, 1956, 1967 et 1973) car des puissances régionales n’ont cessé de s’y affronter. Les conflits opposent d’abord les pays arabes hostiles à la création d’un État d’Israël (1948-1949), puis l’Égypte aux pays européens qui contrôlent le canal de Suez ainsi qu’à Israël, enfin Israël aux pays arabes (Égypte, Jordanie, Syrie) qui contestent son existence, à quoi s’ajoute, à partir de la défaite arabe de 1967, la lutte armée entreprise contre l’OLP pour obtenir un territoire (les frontières du mandat britannique), un État indépendant, et le retour des réfugiés palestiniens sur leur terre. Le Proche-Orient a été, des années 1950 aux années 1970, un foyer d’instabilité dans le monde. Les Occidentaux ont dû laisser le contrôle du canal de Suez à Nasser, qui a pu financer de grands travaux pour consolider l’économie égyptienne. Mais Nasser a été mis en échec en 1967, et l’Égypte et les autres pays arabes voisins d’Israël n’ont pu empêcher cet État d’occuper des territoires importants (Cisjordanie et Jérusalem, Golan, Sinaï). Même l’offensive surprise de 1973 menée pendant la fête juive de Kippour n’a pas abouti à l’affaiblissement d’Israël. La tension dans la région reste très vive, d’autant qu’à partir de la fin des années 1960, l’OLP engage une lutte armée contre Israël pour faire valoir les droits du peuple palestinien.

pp. 160-161

Point de passage

L’année 1968 dans le monde L’année 1968 est une année de contestation mondiale dont les événements sont exposés dans le document 4. Mais dans le cadre du chapitre, il s’agit avant tout de montrer pourquoi on peut considérer l’année 1968 comme un moment fort dans la remise en cause de l’influence des deux Grands dans le monde et des tutelles qu’ils exercent au sein de leur camp respectif.

Réponses aux questions p. 161 Parcours 1 1. Les principaux acteurs concernés par les événements de 1968 sont la jeunesse étudiante en Amérique (ÉtatsUnis, Mexique), dans les pays occidentaux (y compris le Japon) mais aussi en Europe orientale (Pologne, Tchécoslovaquie), les Noirs américains et certains

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février 1972, avec une rencontre du président américain avec Mao et des entretiens avec le chef de la diplomatie chinoise, Zhou Enlai. Ce rapprochement présente de nombreux avantages d’un côté comme de l’autre. Pour les États-Unis, le rapprochement avec la RPC présente l’avantage de diviser le monde communiste, de jouer sur la rivalité en son sein, et d’entretenir de bonnes relations tant avec l’URSS qu’avec la Chine, ce qui permet de faire avancer les négociations américaines avec le Nord-Vietnam, influencé et aidé par l’URSS et la RPC. Du côté chinois, le rapprochement avec les États-Unis permet de lever le veto américain à l’obtention par la RPC du siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU jusque-là détenu par Taïwan  ; cela permet aussi d’envisager à plus long terme un rattachement de cette île par la négociation à la Chine continentale. Les bonnes relations avec les États-Unis permettent enfin de contrebalancer ses mauvaises relations avec l’URSS en Asie.

2. Les jeunes ont de plus en plus le sentiment qu’ils se battent pour un conflit qui ne les regarde pas et l’impression qu’ils ont été trompés par le discours de l’État. La motivation anticommuniste de l’engagement militaire est de plus en plus discutée, alors que des atrocités s’y déroulent, que le conflit s’enlise et que la victoire semble hors de portée après la spectaculaire offensive communiste du Têt début 1968. 3. Les manifestations contre la guerre du Vietnam se déroulent surtout dans les grands pays d’Europe et d’Asie alliés aux États-Unis, et au sein de la jeunesse étudiante, souvent influencée par le maoïsme. Les conséquences sont que les opinions publiques ne font pas bloc derrière les États-Unis pour mener à bien la lutte armée contre le Nord-Vietnam, jugée « impérialiste ». 4. Les tensions raciales aux États-Unis se traduisent par des émeutes dans les grandes villes, qui éclatent en 1968 après l’assassinat du dirigeant noir Martin Luther King. Les revendications des Noirs sont spectaculaires aux Jeux olympiques de Mexico quand deux athlètes noirs américains victorieux, lèvent leur poing ganté de noir, sur le podium au moment de l’hymne américain, pour mettre en lumière les discriminations dont souffrent les Afro-américains. 5. L’URSS intervient en Tchécoslovaquie avec des troupes du pacte de Varsovie pour mettre fin au « socialisme à visage humain » de Dubcek, qui risquerait de se répandre dans toutes les démocraties populaires et de déboucher sur une demande de sortie du pacte de Varsovie. Cette intervention affaiblit le bloc communiste, car il se montre très divisé devant l’initiative soviétique : de nombreux partis et pays communistes condamnent l’invasion, et l’Albanie quitte le pacte de Varsovie.

Synthèse Les événements de 1968 touchent pratiquement toutes les parties du monde et se déroulent dans les deux camps dominés par les États-Unis et l’URSS. Ces événements font intervenir l’opinion (occidentale et notamment nord-américaine), le monde étudiant en Amérique (États-Unis, Mexique), dans les pays occidentaux (y compris le Japon) mais aussi en Europe orientale (Pologne, Tchécoslovaquie), les Noirs américains et certains athlètes présents aux Jeux olympiques de Mexico. Les motivations de ces événements sont liées à différents facteurs selon les régions du monde  : contestation de l’engagement américain au Vietnam  ; tensions raciales aux États-Unis ; riposte à une tentative de socialisme dif-

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férent de celui établi en URSS au sein d’une démocratie populaire. Ces événements s’accompagnent d’une violence lors des soulèvements (ghettos noirs américains) et des manifestations, mais aussi dans la répression de celles-ci par les gouvernements (Mexique, Tchécoslovaquie) et par des attentats contre des figures telles que le pasteur américain Martin Luther King ou le démocrate américain Bob Kennedy. Les répercussions de ces événements sont surtout la fragilisation de la position des deux Grands dans le monde et au sein de leurs camps respectifs : la guerre menée par les États-Unis au Vietnam est critiquée de toutes parts, notamment dans le monde occidental, d’autant que l’offensive du Têt montre qu’elle ne peut pas être gagnée par les Américains. L’URSS s’est déconsidérée dans l’opinion par son intervention brutale en Tchécoslovaquie, de nombreux partis communistes réprouvent cette initiative et des pays communistes la condamnent, alors que la Roumanie a refusé de se joindre aux troupes du pacte de Varsovie, et que l’Albanie l’a quitté après l’intervention.

Parcours 2 L’opposition à la guerre du Vietnam aux États-Unis et dans le monde Les manifestations contre la guerre du Vietnam se déroulent surtout dans les grands pays d’Europe et d’Asie alliés aux États-Unis, et au sein de la jeunesse étudiante souvent influencée par le maoïsme qui dénonce l’«  impérialisme  » nord-américain. C’est notamment le cas au Japon, où 170  universités sont touchées, car le Japon est une base arrière importante pour les troupes américaines servant au Vietnam et le principal allié des États-Unis en Asie. L’opposition à la guerre du Vietnam aux États-Unis s’explique d’abord parce que les États-Unis sont massivement engagés dans ce conflit et qu’une large partie de la jeunesse est susceptible d’aller servir sous les drapeaux, la conscription ayant été rétablie. De plus des atrocités s’y déroulent, alors que le conflit s’enlise et que la victoire semble hors de portée après la spectaculaire offensive communiste du Têt début 1968. Beaucoup de jeunes se questionnent sur le sens de cette guerre loin des États-Unis. Les manifestations étudiantes de mai 1968 en France En France, les manifestations de mai 1968 sont partiellement liées au mouvement de contestation contre la guerre du Vietnam, mais elles ont d’autres explications, propres à la situation française : – lassitude face à la présidence du général de Gaulle, un président âgé, au pouvoir depuis 10 ans, dont la pratique autoritaire du pouvoir dans une Ve  République présidentielle exaspère une large partie de l’opinion, notamment les jeunes ; – volonté d’émancipation par rapport aux autorités et hiérarchies traditionnelles (familiales, patronales, ecclésiastiques, universitaires) encore très rigides

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athlètes présents aux Jeux olympiques de Mexico. La violence se produit dans des soulèvements (ghettos noirs américains) et des manifestations, dans la répression des manifestations par les gouvernements (Mexique, Tchécoslovaquie) et par des attentats contre des figures telles que le pasteur américain Martin Luther King ou le démocrate américain Bob Kennedy.

– questionnement intellectuel sur l’épanouissement et le bien-fondé des débouchés professionnels proposés à l’individu dans une économie de marché entrée dans l’ère de la production et de la consommation de masse (crédit, consommation, publicité). Les tensions raciales aux États-Unis Les tensions raciales aux États-Unis – très vives depuis le milieu des années 1950 et le combat pour la déségrégation mené par Martin Luther King – se traduisent par des émeutes dans les grandes villes. En 1968, elles éclatent après l’assassinat de Martin Luther King à Memphis en avril. Les revendications des Noirs sont d’autant plus spectaculaires qu’aux JO, deux athlètes noirs victorieux baissent la tête et lèvent le poing ganté de noir sur le podium au moment de l’hymne américain. Ils manifestent ainsi leur soutien au combat du Black Panther Party et leur sympathie pour le programme du Black Power, qui a émergé au milieu des années 1960. Le printemps de Prague et sa répression L’URSS intervient en Tchécoslovaquie à la tête de troupes du pacte de Varsovie pour mettre fin à une expérience de socialisme différent de celui établi en URSS, et qui risquerait de se répandre dans toutes les démocraties populaires et s’accompagner d’une demande de sortie du pacte de Varsovie. L’URSS annule les libertés concédées par Dubcek et impose à la Tchécoslovaquie la «  doctrine de la souveraineté limitée  » qui restreint considérablement les marges de réforme dans toutes les démocraties populaires d’Europe. Ce faisant, l’URSS s’est déconsidérée en Tchécoslovaquie et dans l’opinion mondiale par son intervention brutale pour écraser le printemps de Prague. De nombreux partis communistes réprouvent cette initiative et des pays communistes la condamnent, alors que la Roumanie de Ceausescu a refusé de se joindre aux troupes du pacte de Varsovie, et que l’Albanie l’a quitté après l’intervention, pour se rapprocher de la Chine de Mao.

pp. 164-166

Exercices BAC

Analyse de documents p. 164 Introduction Les documents proposés sont deux tableaux résumant des informations tirées d’un manuel universitaire ainsi que l’extrait d’un message entre le principal dirigeant soviétique de l’époque, Nikita Khrouchtchev, et son homologue cubain, Fidel Castro, au cours de la crise de Cuba (fin octobre 1962). Le sujet consiste à examiner les aspects de la crise de Cuba qui en font une crise de la guerre froide, ainsi que la manière dont cette crise fut résolue. N. B. : Les connaissances et les documents utiles se trouvent aux pp. 144-145 du manuel (Point de passage « 1962 : la crise des missiles de Cuba ») et p. 147 (cours n° 1).

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Partie I. La menace qui pèse sur les États-Unis L’installation de missiles soviétiques à la demande de Cuba est révélée par le survol d’un avion espion américain U2 au-dessus de l’île le 14 octobre 1962. Cette demande de Fidel Castro fait suite à la tentative de déstabilisation du régime socialiste qu’il dirige depuis 1959, avec le débarquement d’anticastristes à la baie des Cochons, qui s’est avéré un échec en avril 1961. Les photographies prises révèlent au président Kennedy que cette installation est bien engagée –  avec 5 bases, 24  missiles et 15 plates-formes de lancement des fusées – et qu’elle expose à un bombardement nucléaire une large partie du territoire des États-Unis. C’est la première fois qu’une menace nucléaire si rapprochée du territoire américain est mise à jour. Partie II. Les moyens utilisés pour répondre à cette menace Dans ces conditions, l’administration américaine riposte immédiatement par des mesures de représailles graduées : – poursuite des vols d’avions U2 et blocus total de l’île par les flottes aériennes et navales américaines pour empêcher tout nouvel acheminement de matériel balistique, notamment des ogives nucléaires soviétiques adaptables aux missiles ; – toute violation de l’embargo par un navire soviétique entraînerait son interception, toute initiative militaire de Cuba depuis ces installations entraînerait le feu nucléaire américain sur l’île ; – exigence du démantèlement immédiat des fusées installées sur l’île de Cuba et rapatriement en URSS. Pour mettre en œuvre sa décision, le président peut compter sur divers atouts, liés à la position acquise par les États-Unis durant la guerre froide : – une opinion américaine informée par une allocution radio et télédiffusée (doc. 3 p. 145) et qui soutient massivement Kennedy ; – la position américaine est diffusée dans plusieurs dizaines de langues dans le monde pour prendre à témoin l’opinion mondiale ; – le soutien des alliés de guerre froide traditionnels des États-Unis  : les pays signataires du traité Atlantique nord et une majorité d’États d’Amérique latine. Partie III. La solution trouvée à la crise Forts de ces atouts, les États-Unis parviennent à sortir à leur avantage de cette crise de guerre froide. En situation d’infériorité stratégique (nucléaire) vis-àvis des États-Unis (doc. 5 p. 145), l’URSS va négocier une sortie de crise plutôt que de risquer une escalade de la tension avec les Américains et risquer un bombardement nucléaire américain dévastateur de Cuba, voire de l’URSS. Il ordonne aux navires soviétiques en route pour Cuba de stopper (24 octobre) puis de rebrousser chemin (25 octobre) sans violer l’embargo, puis négocie le

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envers une jeunesse de plus en plus nombreuse dans la population totale ;

Nikita Khrouchtchev s’emploie ensuite à apaiser Fidel Castro, furieux de l’intensification des vols d’avions espions U2 et des menaces américaines planant au-dessus de l’île, en lui faisant valoir les avantages du compromis qu’il a trouvé  : promesse américaine de non-attaque de l’île et garantie du maintien du régime castriste à Cuba. Il n’en reste pas moins qu’il a négocié la sortie de crise sans en référer à Castro. Conclusion Cette crise est bien une crise de guerre froide : – elle oppose la puissance dominante du camp occidental à celle du monde communiste, par le biais d’un régime castriste soutenu par l’URSS sur une question sensible, celle des armements nucléaires où les deux grands se livrent à une rude compétition ; – son déroulement met bien en valeur le contexte de guerre froide, dans la mesure où elle oppose le camp occidental, solidaire des États-Unis, et le monde communiste où la Chine, les démocraties populaires et le Nord-Vietnam appuient Cuba et l’URSS ; – c’est un sommet de la guerre froide car, pour la première fois, les deux Grands sont en situation de s’affronter directement, puisque l’embargo américain concerne des navires soviétiques et non plus seulement par pays interposés (Allemagnes, Corées, Indochine). Portée de la crise : – l’URSS démantèle et retire ses installations balistiques de Cuba, mais entame ensuite un considérable programme d’équipement nucléaire (doc.  5 p.  145) pour ne plus se retrouver dans la situation d’infériorité qui a été la sienne lors de la crise de Cuba et l’a contrainte à céder ; – si les États-Unis s’abstiennent de déstabiliser ouvertement le régime castriste, ils poursuivent jusqu’à nos jours un effort pour en asphyxier l’économie, interdisant à toute entreprise ayant des intérêts aux États-Unis à traiter avec Cuba.

Analyse de document p. 165 Introduction Le document proposé est tiré d’un ouvrage d’histoire paru en 2005 et consacré à l’année 1968 dans le monde. Cet extrait est centré sur les répercussions de la guerre du Vietnam sur la superpuissance nord-américaine. Nous verrons en quoi consistent les tensions de 1968 aux États-Unis et dans le monde, puis quelles en sont les répercussions. N. B.  : Les connaissances et les documents utiles pour cette analyse de document se trouvent aux pp. 154-155 (Point de passage « B. La guerre du Vietnam 1955-1975 »), pp.  160-161 (Point de passage «  L’année 1968 dans le monde ») et p. 163 (cours n° 2).

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Partie I. 1968 signe l’échec américain au Vietnam L’ampleur de l’offensive du Têt, menée par le Nord-Vietnam et le Vietcong de janvier à mars 1968, conduit les autorités militaires américaines à reconnaître que la guerre est désormais impossible à remporter. Alliées à une armée sud-vietnamienne défaillante, les troupes américaines ont finalement repoussé l’offensive surprise des communistes, mais avec difficulté. Les répercussions de cette opération sont considérables  : une victoire américaine sur un adversaire communiste en mesure de déclencher une offensive d’une telle ampleur est impossible. Dès lors, quelles peuvent être les issues au conflit ? Politiquement comme militairement, une intensification du conflit n’est plus envisageable : – impossible d’envoyer des contingents supplémentaires (les soldats américains sont déjà plus d’un demi-million sur place) ; – de plus, les bombardements intensifs (depuis l’opération Rolling Thunder, 1965) du Nord-Vietnam par les B 52 américains – destinés à faire plier le Nord et l’amener à négocier  – soulèvent l’indignation dans l’opinion mondiale, notamment occidentale. De plus, c’est un échec, car le Nord-Vietnam n’a pas renoncé pas à sa lutte armée pour réunifier sous son égide l’ensemble du Vietnam (cf. offensive du Têt). Politiquement, l’opinion américaine, initialement assez favorable à cet engagement au nom d’un anticommunisme largement répandu (bien avant la guerre froide), se divise et se polarise de plus en plus nettement. D’une part, beaucoup réalisent que les pronostics optimistes d’une guerre victorieuse dans un avenir proche faits par les dirigeants politiques (Johnson) et militaires (Pentagone, généraux sur place) américains sont totalement démentis par les faits, et que ces derniers ont dissimulé la situation, voire menti à l’opinion. D’autre part, bien des Américains sont effrayés puis révoltés par les chiffres élevés de victimes (500 par semaine en 1968) parmi les boys partis servir au Vietnam, qui sont annoncés tous les jours aux informations, à quoi viennent s’ajouter les images d’avions militaires rapatriant les cercueils métalliques contenant les dépouilles, montrées à la télévision (média de masse de l’époque, qui équipe 99 % des foyers américains) aux heures de grande écoute. En 1968, le nombre des victimes (blessés et tués) a dépassé celui atteint durant la guerre de Corée, quand les troupes américaines avaient lutté sous la bannière de l’ONU contre la Corée du Nord épaulée par la Chine communiste de 1950 à 1953. Enfin, le cortège d’exactions qui accompagne ce conflit achève de convaincre une large partie de l’opinion que la guerre du Vietnam méprise les idéaux d’une démocratie dont les États-Unis se réclament pourtant : les massacres comme celui de My Lay (révélé ultérieurement) sont liés au fait que les soldats américains font face à une guérilla vietcong bien implantée dans les campagnes, et bénéficiant du soutien (de gré ou de force) d’une par-

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démantèlement des installations balistiques soviétiques à Cuba contre celui des missiles américains pointés sur l’URSS depuis la Turquie.

Partie II. Les répercussions considérables du conflit aux États-Unis en 1968 Paraphrasant le président républicain Abraham Lincoln (discours de 1858), le sénateur J. W. Fulbright a déclaré que les États-Unis étaient, 110 ans plus tard, une « maison divisée » comme jamais depuis la guerre de Sécession. Le président Johnson tire les leçons de son échec. Il est celui qui a engagé ouvertement les États-Unis dans la guerre du Vietnam, après qu’il a fait voter par le Congrès la résolution du golfe du Tonkin (août 1964). C’est sous son autorité que des contingents de plus en plus importants de soldats américains ont été envoyés en Asie du Sud-Est, afin de lutter contre l’expansion du communisme. Johnson a succédé à Kennedy assassiné en novembre 1963, puis a été élu à l’élection présidentielle de 1964. Or 1968 est une année importante pour les États-Unis, car l’élection présidentielle doit se dérouler en novembre. Début 1968, Johnson mesure son impopularité au sein même de son propre parti lors des primaires qui l’opposent à un adversaire démocrate peu connu – Eugene McCarthy – mais très hostile à la guerre du Vietnam, qui le met en difficulté dès le scrutin du New Hampshire, alors que Johnson avait remporté triomphalement la présidentielle 4 ans plus tôt ! Dans ces conditions, fait rarissime dans l’histoire politique américaine, le président sortant décide de ne pas se représenter. Ce retrait est analysé comme la conséquence directe des échecs de la politique de Johnson au Vietnam (voir partie I.), puisqu’on lui reproche des prédictions optimistes sur l’issue rapide et victorieuse dans ce conflit. De son côté, le républicain Richard Nixon débute sa campagne en affirmant posséder une solution pour sortir les États-Unis du conflit, tout en se gardant bien de l’exposer, pour ne pas en compromettre les chances (on s’apercevra plus tard que cette solution est la vietnamisation du conflit, déjà annoncée par Johnson en mars 1968). Il n’est pas étonnant que la Pravda, organe du PCUS, dans un pays (URSS) engagé aux côtés du Nord-Vietnam (expertise et matériel militaires), analyse ce retrait comme la conséquence directe de l’enlisement militaire américain au Vietnam. En tout cas, dans les États-Unis de ce début d’année 1968, la situation politique est perturbée par l’engagement croissant de la jeunesse (exposée à la conscription), du monde étudiant, des minorités raciales (Noirs américains proportionnellement plus engagés dans le conflit) et les vétérans de retour du Viet-

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nam, qui tous militent contre la guerre du Vietnam. Ces mouvements de protestation appuient la candidature démocrate anti-guerre du Vietnam, incarnée par le sénateur Eugene McCarthy. Les États-Unis sont une «  maison divisée  » mais aussi affaiblie économiquement. En effet, la puissance financière et monétaire des États-Unis est considérablement affectée par un conflit qui dure depuis plus de 4  ans, dans la mesure où l’engagement vietnamien est financé au moyen des réserves américaines en or, gages d’une monnaie solide (puisque le dollar est convertible). Or la situation n’est plus du tout celle de 1945 où le dollar était « roi » et les réserves en or du pays représentaient les trois quarts des réserves mondiales. L’affaiblissement de la position américaine a des répercussions sur les marchés, d’autant qu’aucune issue au conflit n’est encore perceptible. Certes, le président Johnson a annoncé en mars 1968 qu’il commençait la « vietnamisation  » du conflit, mais rien ne dit que son successeur la mettra en œuvre, et de toute façon cette orientation consiste à retirer des troupes américaines mais à soutenir financièrement et en matériel militaire le régime et l’armée sud-vietnamienne, ce qui engendre encore des coûts pour les Américains. Si aux États-Unis, la guerre du Vietnam marque en 1968 un tournant qui a des répercussions profondes sur la vie politique américaine et sur sa puissance économique, d’autres événements non moins importants se déroulent aussi, ailleurs, au même moment. Partie III. 1968, une année capitale dans un monde agité Il est d’abord fait allusion aux événements de Tchécoslovaquie, où le dirigeant communiste Dubcek entend procéder à des réformes (libertés accrues) qui éloignent cette démocratie populaire des dictatures à parti unique installées par l’URSS depuis 1946. Cette politique de « socialisme à visage humain » provoque l’enthousiasme de la jeunesse tchèque, qui manifeste dans les rues son soutien aux mesures adoptées par Dubcek et bouscule parfois les forces de l’ordre, peu habituées à ce genre de situation. Mais la situation tchèque inquiète considérablement les dirigeants soviétiques, Brejnev en tête, car ils craignent que l’exemple tchèque ne remette en cause le « socialisme réel » établi dans les démocraties populaires, en Pologne notamment où se produit un regain de protestation. Une évolution de la situation sur le modèle de l’insurrection hongroise de novembre 1956 est redoutée par l’URSS car dans ce cas, les Hongrois avaient réclamé de quitter le pacte de Varsovie. D’importants mouvements agitent la jeunesse étudiante occidentale. Ils ont débuté en Italie où les universités ont été fermées et les manifestations se multiplient. En France, le mouvement du 22 mars dans l’université de Nanterre a déjà mis sur le devant de la scène l’étudiant Daniel Cohn-Bendit. Le mécontentement étudiant est en partie motivé par la guerre du Vietnam, dans la mesure où on dénonce l’« impérialisme américain » dont l’illustration est l’engagement militaire en Asie du Sud-Est.

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tie de la population civile sud vietnamienne, sensible à la perspective d’unité nationale. Dans l’incapacité de débusquer un ennemi insaisissable et qui l’assaille sans cesse en terre étrangère, des troupes américaines en viennent à se venger sur des civils désarmés au nom d’une supposée complicité, comme ce fut le cas à My Lay, après un accrochage meurtrier avec l’ennemi. Ces épisodes peu glorieux sont rapportés par des témoins et par une presse qui couvre le conflit de manière très complète, et qui est très présente sur place.

Conclusion L’année 1968 est bien une année-charnière et capitale, en raison de toutes les tensions qui traversent les États-Unis comme le reste du monde. Aux États-Unis, l’échec de l’engagement militaire au Vietnam est patent sur le plan militaire, il perturbe beaucoup la vie politique ainsi que les assises financières et monétaires de la puissance nord-américaine. De plus, la guerre du Vietnam alimente une protestation qui ne se limite pas en 1968 aux États-Unis : la jeunesse occidentale intensifie sa mobilisation, notamment dans les universités (Italie, France, Japon, RFA). Enfin, dans le monde communiste, le modèle politique établi dans les démocraties populaires par l’URSS depuis Staline est une nouvelle fois mis à l’épreuve (après l’insurrection hongroise de 1956) : la Tchécoslovaquie, dirigée par Dubcek, suit une voie politique libérale, dont les dirigeants soviétiques s’inquiètent de plus en plus ouvertement. La fin des années 1960 verra-t-elle l’accentuation ou un coup de frein donné à ces tendances ?

Question problématisée p. 166 Introduction La guerre froide, qui a éclaté juste avant 1948, marque le monde de son empreinte. Elle oppose les deux Grands, les États-Unis et l’URSS, et leurs alliés respectifs. À l’autre extrémité de la période, l’année 1975 constitue l’apogée de la détente entre les deux Grands. En même temps, durant cette période, de nombreuses colonies accèdent à l’indépendance jusqu’en 1975 où la décolonisation est presque achevée. Dans ces conditions, quelles sont les divisons du monde entre 1948 et 1975 ? Nous verrons que le monde se divise en deux blocs, mais qu’un troisième monde apparaît avec la décolonisation. Partie I. Le monde se divise en deux A. Les deux superpuissances victorieuses des dictatures fascistes en 1945 offrent des visages radicalement différents. D’un côté, les États-Unis d’Amérique sont une république fédérale héritée de la guerre d’Indépendance

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(cf. programme de Seconde) et une démocratie garantissant des libertés politiques assez étendues. En outre, les États-Unis affirment leur croyance dans les vertus de l’économie de marché et la liberté des échanges. De l’autre, l’URSS dirigée par Staline depuis la fin des années 1920 se réclame du marxisme et d’une révolution bolchevique mise en œuvre par Lénine. C’est également une république mais le régime politique est une dictature de parti unique (PCUS) qui pratique un culte de la personnalité effréné envers Staline, considéré comme le constructeur du socialisme et le principal vainqueur du IIIe Reich. Le régime soviétique prive ses citoyens de libertés et les expose à la Terreur, orchestrée par les purges staliniennes et menée à bien par la police politique (NKVD puis MVD), aboutissant à la constitution d’un gigantesque complexe concentrationnaire appelé Goulag, où sont détenus près de 5  millions de personnes au début des années 1950. Enfin, l’économie soviétique a connu des réformes importantes sous Staline : la collectivisation de l’agriculture (kolkhozes) et de l’industrie, la planification impérative, le développement d’un État tout-puissant en matière économique, aux antipodes de l’économie américaine. Ainsi, lorsque la rupture entre les États-Unis et l’URSS est consommée, le monde tend à se polariser vers l’un ou l’autre des deux modèles. Dans les pays d’Europe occidentale ainsi qu’au Japon occupé par les Américains, ces derniers ont favorisé le retour à des régimes représentatifs comparables au leur, qu’il s’agisse de républiques (France, Italie, RFA) ou de monarchies (Japon). De plus, les États-Unis soutiennent par les 12 milliards de dollars du plan Marshall l’effort de reconstruction des économies de marché dans tous ces pays, qui se coordonnent dans l’OECE. Le but recherché par les États-Unis est de reconstruire des économies en mesure de commercer avec une économie américaine florissante et en recherche de débouchés, tout en luttant contre les progrès du communisme. Les dirigeants américains redoutent en effet que le communisme prospère là où subsisteraient les difficultés matérielles d’après-guerre en Europe, notamment dans des pays où les partis communistes sont forts (Italie, France). Les Américains veulent également établir des relations diplomatiques et militaires fortes avec les pays de leur camp. Pour cela, ils concluent avec eux des pactes ou des traités d’alliance (traité de l’Atlantique nord, pacte de Rio, pacte de Bagdad...) articulés sur des organisations militaires (OTAN, ANZUS, OTASE) permettant d’établir un réseau encerclant le monde communiste, dans le but d’endiguer cette menace. L’URSS installe –  là où l’Armée rouge et les partis communistes locaux sont puissants (Europe centrale et orientale)  – des démocraties populaires dont les dirigeants, progressivement purgés, sont des staliniens dociles. Les économies de ces pays intègrent le COMECON qui régit leurs relations industrielles et commerciales avec l’URSS, devenue leur principal

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C’est également ce qui explique le développement de cette protestation étudiante au Japon, car ce pays est une base arrière très importante pour la flotte américaine qui opère au Vietnam. Les étudiants marquent leur solidarité avec un peuple vietnamien victime des bombardements nord-américains, de la déforestation par l’agent orange, mais aussi avec la résistance des vietcongs sud-vietnamiens et des dirigeants nord-vietnamiens. Ce soutien est lié au fait qu’une partie de la jeunesse occidentale voue un véritable culte à Mao et à la Chine de la Révolution culturelle (1966-1976), qui envoie conseillers et matériel militaires au Nord-Vietnam en guerre et ne cesse de dénoncer les menées américaines et la mollesse de la lutte anti-impérialiste menée par l’URSS, accusée de préférer la détente à la confrontation.

B. La guerre froide est donc une situation et une période de «  guerre improbable et de paix impossible  » (Raymond Aron) entre les deux grands. États-Unis et URSS ne s’affrontent jamais directement, mais par pays interposés et à l’échelle régionale. C’est d’abord le cas en Europe centrale, épicentre de la guerre froide, et notamment en Allemagne occupée par les armées de l’ex-Grande Alliance. Les tensions se focalisent à Berlin en 1948, lorsque Staline ordonne un blocus total de la partie Ouest de la ville tenus par les Occidentaux, afin d’obtenir son rattachement à la partie Est tenue par l’Armée rouge. Les Alliés occidentaux, Américains en tête, ripostent par un gigantesque pont aérien qui contraint Staline à lever le blocus un an plus tard. Les tensions sans affrontement direct passent alors en Asie, lors de la guerre de Corée, provoquée en 1950 par l’offensive du Nord communiste contre le Sud, défendu par les Occidentaux. Trois ans de guerre s’ensuivent, au cours de laquelle les troupes américaines, placées sous la bannière de l’ONU, en viennent à affronter des «  volontaires  » chinois envoyés par la RPC de Mao au secours de l’armée nord-coréenne au bord de la défaite. Les crises de guerre froide culminent avec celle de Cuba, en octobre 1962, car pour la première fois, les deux superpuissances sont en situation de s’affronter directement. Mais l’URSS, en situation d’infériorité nucléaire, retire ses missiles de l’île et obtient des Américains la promesse de ne pas envahir Cuba et de retirer ses fusées pointées vers l’URSS depuis la Turquie. La crise de Cuba marque cependant le début d’une détente entre les deux blocs. Dès le milieu des années 1950, le Soviétique Nikita Khrouchtchev avait préféré la « coexistence pacifique » aux tensions de l’époque stalinienne. Au cours des années 1960 se développe la compétition dans tous les domaines (spatial, sportif aux Jeux olymiques) et un rééquilibrage des équipements stratégiques débouchant sur des accords (limitation des essais, SALT) établis sur la base d’une parité nucléaire. Il n’en reste pas moins des points de frictions indirects dans le monde, comme en Asie du Sud-Est à partir de 1964, où les Américains interviennent militairement au Vietnam contre le Nord-Vietnam et le Vietcong pour éviter que le pays, provisoirement divisé en deux depuis les accords de Genève en 1954, ne soit réunifié sous l’égide d’un régime communiste. L’URSS et la RPC, de leur côté, soutiennent activement le Nord-Vietnam par l’envoi de matériel, d’approvisionnement et de conseillers pour faire face au gigantesque

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effort militaire américain. La guerre du Vietnam, qui dure jusqu’en 1975, n’a aucune incidence sur la détente entre les États-Unis et l’URSS, ni même sur le rapprochement entre la Chine de Mao et les États-Unis du président Nixon qui se rend en RPC en 1972. Transition : À partir de 1948, on observe donc la division assez nette du monde en deux blocs aux orientations opposées, et qui connaissent entre eux des moments de vive tension qui marquent les relations internationales. Il n’en est pas moins vrai qu’à partir du milieu des années 1950 apparaît un troisième camp. Partie II. L’émergence d’un troisième monde Ce camp, composé des pays du tiers-monde, s’affirme à mesure que le processus de décolonisation touche les différentes régions du globe. A. La naissance du tiers-monde La décolonisation touche d’abord l’Asie au lendemain d’une Seconde Guerre mondiale qui a beaucoup affaibli les puissances coloniales, et notamment la France. En Indochine, Hô Chi Minh proclame l’indépendance du Vietnam dès septembre 1945. Même si la France tente de reprendre pied dans la péninsule et engage la guerre contre le Vietminh, le Laos et le Cambodge deviennent indépendants. La décolonisation africaine est plus tardive, et débute vers le milieu des années 1950 pour s’achever en 1975. Entre-temps, à l’initiative de nouveaux États indépendants d’Asie (Indonésie, Inde), une conférence se tient en avril 1955 à Bandoeng en Indonésie, qui réunit les pays du tiers-monde. Le principe du soutien aux peuples en lutte (Algérie, Maroc, Tunisie) pour leur indépendance est affirmé, de même que la volonté de n’appartenir à aucun des deux blocs pour ne plus subir de tutelle étrangère après avoir évincé les pays colonisateurs. Au fil du temps émerge la revendication (Groupe des 77) d’un développement axé sur des échanges plus équilibrés avec les pays développés, afin de sortir les économies du tiers-monde à la démographie galopante d’une situation de sous-développement. Dans l’esprit de Bandoeng, la conférence des non-alignés, qui se tient à Belgrade en 1961, regroupe des pays du tiers-monde plus d’autres pays situés en Europe (Yougoslavie) ou en Amérique latine (Cuba). Mais ce non-alignement doit être nuancé car, dans les faits, la plupart des pays se situent dans l’orbite de l’une ou de l’autre superpuissance : c’est ainsi que le Nord-Vietnam, Cuba ou l’Égypte dépendent pour leur approvisionnement comme pour leur armement de l’URSS ; d’autres pays d’Afrique noire, décolonisés, n’entretiennent pas moins d’étroites relations économiques, diplomatiques et militaires avec la France. B. Il y a cependant un cas de pays du tiers-monde qui se dégage de l’influence des blocs  : la Chine populaire de Mao. La RPC rompt entre 1959 et 1962 avec l’URSS pour des raisons idéologiques (Khrouchtchev a lancé la

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partenaire économique. Sur le plan diplomatique et militaire, l’URSS signe en 1955 avec ses satellites le pacte de Varsovie, riposte à l’OTAN. Le monde communiste s’étend considérablement avec la victoire de Mao qui proclame en octobre 1949 la République populaire de Chine (RPC) et se range dans un premier temps derrière l’URSS de Staline. Un pacte d’alliance et d’amitié entre les deux pays communistes est même signé en 1950.

Depuis sa création, la RPC n’a cessé d’affirmer son rôle régional de premier plan en Asie : elle est intervenue contre les Américains en Corée (1951) et les a repoussés de sa frontière  ; elle fournit une aide considérable au Vietminh pendant la guerre d’Indochine, puis au Nord-Vietnam pendant la guerre du Vietnam  ; elle dispose en Corée du Nord et au Cambodge (à partir de 1975) de régimes alliés. La RPC fait aussi entendre sa voix à la conférence de Bandoeng (1955) et veut prendre la tête de l’offensive des pays du tiers-monde contre l’« impérialisme nord-américain » dénoncé à longueur de temps par Mao. Symétriquement, la RPC nourrit de vifs griefs contre l’URSS, qui la conduisent à condamner la répression du printemps de Prague par les troupes du pacte de Varsovie (août 1968), puis à des affrontements frontaliers avec l’Armée rouge sur sa frontière sino-soviétique (1969). Pour contrer le rival soviétique et renforcer son influence régionale et mondiale, la RPC opte même pour un rapprochement avec les États-Unis, où le président Nixon cherche à établir les conditions d’un règlement du conflit vietnamien et à diviser le monde communiste. Le voyage de Nixon en RPC en 1972 illustre ce rapprochement : la RPC, qui a obtenu le soutien américain pour récupérer le siège de la Chine au Conseil de sécurité de l’ONU au détriment de Taïwan (1971), fait pression sur les dirigeants nord-vietnamiens pour discuter avec les Américains, ce qui aboutit aux accords de Paris (1973). C. Dans le même temps, d’autres pays que les États-Unis et l’URSS s’affirment comme puissances régionales, notamment au Proche-Orient. C’est le cas notamment de l’Égypte du colonel Nasser qui, arrivé au pouvoir en 1954, se fait remarquer à la conférence de Bandoeng, puis entreprend avec succès d’évincer les intérêts franco-britanniques en nationalisant le canal de Suez puis en empêchant les Occidentaux de le reprendre. Il entend constituer une République arabe unie avec la Syrie (1958) et mettre fin à l’État d’Israël. Le poids de l’Égypte au Proche-Orient est cependant contrebalancé par une autre puissance régionale, l’État d’Israël installé après la victoire de 1949 sur la coalition arabe. Les Israéliens, soutenus et équipés par les Occidentaux, écrasent les armées arabes (égyptiennes, syriennes et jordaniennes) lors de la guerre des Six Jours, ce qui leur permet de devenir une puissance régionale étendue grâce aux territoires annexés ou occupés (Golan, Cisjordanie, Gaza, Sinaï). La guerre du Kippour, mal engagée mais remportée en 1973, ne

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remet pas en cause leur puissance au Proche-Orient, d’autant que l’État d’Israël possédait sans doute déjà l’arme atomique. Conclusion Les divisions du monde se sont complexifiées au fil du temps  : d’une division entre deux blocs, on est passé à l’émergence d’un troisième camp, le tiers-monde, mais aussi à l’affirmation de puissances régionales – souvent issus de ce tiers-monde  – qui contestent le poids des superpuissances dans telle ou telle région du monde. Dans ces conditions, ces divisions sont-elles vouées à s’accroître, d’autres à apparaître, ou les deux Grands parviendront-ils à limiter les fractures ?

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Sujet blanc

Première partie : question problématisée Introduction – situer le sujet dans le temps : fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à l’apogée de la détente. – définir le sujet  : les États-Unis et l’URSS, principales puissances économiques, politiques et militaires du monde. «  Comment  » peut avoir pour synonymes «  de quelle(s) manière(s) » mais aussi « avec quelle intensité ». – problématique du sujet : les façons de s’opposer entre États-Unis et l’URSS ont-elles varié (de formes et d’intensité) durant la période ? Partie I. Une opposition très forte au début de la guerre froide (1948-1962) A. Les raisons de l’opposition  : des intérêts et des systèmes très différents – Des vues divergentes sur le monde d’après-guerre entre Staline (un glacis protecteur de démocraties populaires autour de l’URSS) et les Américains (rétablissement des démocraties libérales, reprise des échanges dans une économie de marché restaurée). – Des régimes (idéologiques, politiques, économiques) diamétralement opposés. B. Une opposition qui se traduit par la constitution de deux blocs opposés à l’échelle du monde – Camp occidental vs camp communiste  : pays membres, aspects économiques, politiques, militaires (alliances, traités et pactes…). – Une lutte de propagande virulente. C. Des tensions multiples entre les deux Grands mais sans affrontement direct – En Europe, autour de Berlin (1948-1949 puis 1961). – En Asie, autour de la guerre de Corée (1950-1953) puis d’Indochine (à partir de 1950). – Culminaison en Amérique latine, avec la crise de Cuba (oct. 1962).

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déstalinisation et dénoncé un culte de la personnalité envers Staline très semblable à celui voué en RPC à Mao) et stratégiques (l’URSS ne veut pas aider à l’élaboration de la bombe atomique par la RPC). Lorsque la RPC se dote de l’arme nucléaire en 1964, elle a les moyens d’une dissuasion envers les deux superpuissances.

A. Ordonné par le président démocrate Lyndon B. Johnson

Partie II. Une opposition qui s’atténue sans totalement disparaître (1962-75)

– Par anticommunisme (l. 2) et en vertu de la résolution du golfe du Tonkin (voir aussi doc. 1 p. 154) ;

A. La détente entre les États-Unis et l’URSS : l’atténuation de l’opposition

– En raison de la situation du Sud-Vietnam, menacé par le Nord et le Vietcong (l. 2 et 3, voir aussi doc. 2 p. 154).

– La parité nucléaire entre les deux Grands entraîne la négociation d’accords stratégiques (Salt, 1972). – La compétition pacifique entre les deux Grands (aspects spatiaux, sportifs, etc.). B. Une opposition par conflits régionaux interposés qui subsiste cependant – La guerre du Vietnam (1964-1975) avec l’aide soviétique au Nord-Vietnam et au Vietcong, dont la victoire est un échec pour les États-Unis en Asie du Sud-Est. – Au Proche-Orient, des conflits israélo-arabes (1967, 1973) où chacun des deux Grands soutient (matériel, conseillers, fonds) un camp : les succès militaires israéliens sont autant d’échecs pour l’URSS qui soutient l’Égypte et les pays arabes voisins d’Israël (Syrie, Jordanie). C. Une tension États-Unis-URSS qui laisse place à des oppositions qui naissent et s’affirment dans et en dehors de chaque bloc – Des pays du tiers-monde (ex  : Inde) refusent de se ranger derrière les deux Grands et opposition (essor du non-alignement). – La Chine de Mao, puissance atomique et puissance régionale communiste qui rompt avec l’URSS et met fin à son opposition aux États-Unis : émergence d’une opposition (à l’URSS) encore plus forte que celle entre les États-Unis et l’URSS. Conclusion Bilan et réponse à la problématique : – Les États-Unis et l’URSS se sont durablement opposés et par des moyens variés durant la guerre froide. – L’intensité de cette opposition a cependant évolué durant la période  : très forte jusqu’au début des années 1960, elle s’est ensuite atténuée sans cependant tout à fait disparaître. Ouverture : se demander si, dans la période suivante, les oppositions qui naissent dans et en dehors des sphères d’influence de chacun des deux Grands (par exemple en 1968) ne vont pas prendre le pas sur l’opposition entre les États-Unis et l’URSS.

Deuxième partie : analyse de documents Les connaissances utiles pour ce sujet sont tirées de l’exploitation des documents du Point de passage n°  2 (pp. 154-155) et du cours (pp. 162-163). On aura préalablement numéroté les lignes du texte.

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Partie I. L’engagement militaire massif des Américains au Vietnam

B. Les Américains engagent leurs forces au secours du Sud-Vietnam : – Des «  conseillers  » (l. 5) au début, puis des troupes (l. 5 à 8) jusqu’à presque 400 000 hommes en 1966 (doc. 6 p. 155) qui combattent au sol les communistes (l. 8-9 et doc. 3 p. 154). – La flotte américaine (l. 13-14) et les ports nécessaires pour l’accueillir (l. 14 et doc. 2 p. 154) et croiser dans la mer de Chine. – L’aviation, dotée d’aéroports militaires (l. 14 et doc. 2 p. 154) pour bombarder le Nord-Vietnam (doc. 2 p. 154). Partie II. Un engagement massif pour des résultats limités et contestés A. Un allié peu solide – Un gouvernement de peu de poids (l. 28 à 30) face : • au noyautage des centres de pouvoir sud-vietnamiens par les communistes (l. 15-16) ; • au pouvoir confisqué par les Américains sur place : rôle de l’ambassadeur US (l. 22-23). – à des dysfonctionnements considérables (l. 25-26) : • ravages de la corruption ; • armée sud-vietnamienne aussi corrompue que noyautée et inefficace (l. 25-27). B. Un adversaire redoutable qui possède des atouts considérables – L’adversaire : des communistes nord-vietnamiens et du Vietcong, décidés à réunifier le pays sous la houlette d’Hô Chi Minh (p. 163) en abattant le régime sud-vietnamien (l. 2 et 3). – Le noyautage de la population par les cellules vietcongs (l. 17-19). – L’aide des autres pays communistes en armement (l. 32 et doc. 2 p. 154). – Des forces du Vietcong bien équipées et insaisissables en dépit des opérations américaines (l. 35-38 et doc. 4 p. 155). C. Des Américains meurtris et divisés – Des pertes américaines au combat déjà préoccupantes face à un ennemi coriace (l. 39 et doc. 6 p. 155). – L’essor d’un mouvement pacifiste aux États-Unis hostile à la guerre du Vietnam (doc. 2 p. 167).

CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)

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Transition La crise de Cuba, paroxysme des tensions entre les ÉtatsUnis et l’URSS, inaugure une période d’atténuation et de reconfiguration de l’opposition entre les deux Grands.

p. 169

Révisions

Répondre et mémoriser 1. Citez les principales alliances des États-Unis et de l’URSS. Pour les États-Unis : le traité de l’Atlantique nord (1949) et l’OTASE (1954). Pour l’URSS  : le traité d’alliance avec la République populaire de Chine (1950), le pacte de Varsovie (1955). 2. Citez trois crises de la guerre froide et leurs dates. Crises de Berlin (1948-1949 et août 1961), crise de Cuba (oct. 1962). 3. Quels sont les pays réunis à Bandoeng en 1955 ? Les pays du tiers-monde, majoritairement issus de la décolonisation en Asie (Indonésie, Inde). 4. Quelle est la cause de la crise de Cuba et comment s’achève-t-elle ? Elle provient de l’installation de missiles soviétiques à Cuba et se résout par le retrait de ces fusées, la promesse américaine de ne pas envahir Cuba et de retirer des fusées américaines installées en Turquie. 5. Quelles sont les dispositions des accords de Genève (1954) ? L’arrêt des combats entre la France et le Vietminh, et une séparation provisoire au niveau du 17e  parallèle entre les parties Nord et Sud du Vietnam, avec le retrait des troupes françaises de la partie Nord.

7. Dans quels conflits régionaux la Chine intervient-elle de 1950 aux années 1970 ? La Chine populaire intervient directement durant la guerre de Corée (1950-1953) et indirectement lors des guerres d’Indochine (1946-1954) puis du Vietnam (19641975), plus des conflits frontaliers avec l’Inde (1962) et l’URSS (1969). 8. Quelle est la cause de l’intervention franco-britannique et israélienne en Égypte en 1956 ? L’intervention franco-britannique à Suez en novembre 1956 vise à reprendre le canal de Suez qui avait été nationalisé par le président égyptien Nasser. 9. Quels sont les territoires arabes occupés par Israël à la fin de la guerre des Six Jours ? À la fin de la guerre des Six Jours, Israël s’empare des déserts du Sinaï et du Golan, ainsi que de la Cisjordanie avec Jérusalem et de Gaza. 10. Quels événements de 1968 affaiblissent les ÉtatsUnis et l’URSS ? L’offensive communiste du Têt (janvier-mars) au Vietnam affaiblit les États-Unis en guerre au Vietnam et nourrit le mouvement pacifiste aux États-Unis comme dans le monde occidental, alors que le printemps de Prague en Tchécoslovaquie met en difficulté le « socialisme réel » installé par l’URSS dans les démocraties populaires à partir de 1947.

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6. Quelles sont les forces qui s’affrontent lors de la guerre du Vietnam de 1964 à 1975 ? D’un côté les forces communistes, composées de soldats nord-vietnamiens (Vietminh) et de maquisards sud-vietnamiens (Vietcong), de l’autre les troupes américaines et l’armée sud-vietnamienne.

5•19

CHAPITRE 5 Bipolarisation et émergence du tiers-monde (1948-1975)

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La France, une nouvelle place  dans le monde Le point sur le programme Objectifs du chapitre

Ce chapitre vise à montrer comment la France de l’après-guerre s’engage dans la construction européenne, comment elle cesse d’être une puissance coloniale et retrouve un rôle international, comment elle réforme ses institutions et ouvre davantage son économie. Doivent être mise en avant : – la IVe République entre décolonisation, guerre froide et construction européenne ; – la crise algérienne de la République française et la naissance d’un nouveau régime ; – les débuts de la Ve République : un projet liant volonté d’indépendance nationale et modernisation du pays.

Points de passage et d’ouverture

La guerre d’Algérie et ses mémoires.



Charles de Gaulle et Pierre Mendès France, deux conceptions de la République.





La Constitution de 1958.

Le but de ce chapitre est de replacer la IVe République et les débuts de la Ve République dans leur contexte institutionnel, politique et international. Il ne s’agit ni de présenter la reconstruction économique lancée par la IVe République ni d’entrer dans les détails de la vie politique entre 1946 et 1958. Il faut au contraire analyser les changements en montrant comment la France de l’après-guerre se transforme et rompt l’unité politique issue de la Résistance à travers son engagement dans la décolonisation, la guerre froide et la construction européenne. À travers différentes avancées et crises, la République va devoir transformer ses institutions et essayer de retrouver un rôle international et économique d’importance. Il faudra alors s’attarder sur la crise algérienne de la République française et la naissance d’un nouveau régime, mais aussi sur les débuts de la Ve République, en soulignant qu’il s’agit d’un projet liant volonté d’indépendance nationale et modernisation du pays.

La logique du chapitre Le chapitre suit à la lettre les recommandations programmatiques. Après une double-page d’ouverture (pp. 170171) mettant en parallèle le fonctionnement multilatéral de la IVe République avec les pratiques davantage resserrées autour de la personne présidentielle de la Ve  République, le chapitre propose une étude sur «  la IVe République dans la guerre froide » (pp. 172-173), une autre sur « la France dans la construction européenne » (pp. 174-175) et un point de passage sur « les débuts de la guerre d’Algérie : la France en crise » (pp. 176-177) permettant de comprendre « la crise algérienne de la IVe République et le retour du général de Gaulle » en 1958 (étude pp. 178-179). « La fin de la guerre d’Algérie (1958-1962) et de l’empire colonial français » est traitée dans une étude pp. 180-181. Les points de passage « De Gaulle et Mendès France : deux conceptions de la République » et « La Constitution de la Ve République » sont traités dans les pages suivantes (pp. 182-183 et 184-185). Après cet indispensable volet institutionnel, est proposée une étude sur « la politique de grandeur nationale » gaullienne réunissant tant la modernisation économique du pays que la politique internationale du général de Gaulle (pp. 186-187). Enfin un point de passage sur « les mémoires de la guerre d’Algérie » (pp. 188-189) précède la leçon, puis les pages d’exercices et de révision.

Pour aller plus loin • Livres d’histoire – Jean-Jacques Becker, Histoire politique de la France depuis 1945, Armand Colin, coll. « Cursus », 2015 (11e édition). – Michelle Zancarini-Fournel, Christian Delacroix, La France du temps présent, 1945-2005, Belin, coll. « Histoire de France », 2010. – Julian Jackson, De Gaulle. Une certaine idée de la France, traduit de l’anglais par Marie-Anne De Béru, Le Seuil, 2019.

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CHAPITRE 6 La France, une nouvelle place dans le monde

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Bibliographie

– René Rémond, 1958, Le Retour de De Gaulle, Complexe, coll. « Questions au xxe siècle », 1999. – Jean-Pierre Rioux, La France de la IVe République, 1. L’ardeur et la nécessité (1944-1952), Nouvelle Histoire de la France contemporaine n° 15, Le Seuil, coll. « Points Histoire », 2018 (1re édition 1980). – Jean-Pierre Rioux, La France de la IVe République, 2. L’expansion et l’impuissance (1952-1958), Nouvelle Histoire de la France contemporaine n° 16, Le Seuil, coll. « Point Histoire », 2014 (1re édition 1983). – Pierre Rosanvallon, Le Modèle politique français, la société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Le Seuil, coll. « Point Histoire », 2006. – Éric Roussel, Pierre Mendès France, Gallimard, coll. « NRF Biographies », 2007. – Benjamin Stora, La Gangrène et l’oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie, La Découverte, coll. « Poche/ Essais », 2005 (1re édition 1991). – Michel Winock, L’Agonie de la IVe République, Gallimard, coll. « Folio histoire », 2013 (1re édition 2006). • Témoignages – Charles de Gaulle, Mémoires, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2000. – Pierre Mendès France, Pour une République moderne (1955-1962), Gallimard, 1962. Filmographie – Rachid Bouchareb, Hors-la-loi, 2010. – Gabriel Le Bomin et Benjamin Stora, La Déchirure, 1954-1962 (documentaire), 2012. – Gilles Pontecorvo, La Bataille d’Alger, 1965. Site Internet www.ina.fr

Ouverture

Étude

Cette double-page d’ouverture permet de poser les deux grandes périodes du chapitre (la IVe  République page de gauche, la Ve  République page de droite) ainsi que les grands repères chronologiques grâce à la frise et de commencer à réfléchir à la problématique présentée p. 170 : quelle place la France occupe-t-elle dans le nouvel ordre mondial ?

La IVe République dans la guerre froide

Nous voyons p. 170 la dimension politique multilatérale adoptée par une IVe  République qui s’affirme collectivement européenne et que l’on peut opposer p.  171 à l’unilatéralisme ou au bilatéralisme davantage adopté par la Ve République gaulliste en quête d’indépendance nationale.

Réponses aux questions p. 173

Le document 1 montre la signature le 25 mars 1957 des traités de Rome instituant la Communauté économique européenne et le marché commun. Le document  2 est une photographie de l’accueil sur le tarmac de l’aéroport d’Orly du dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev par le général de Gaulle le 23 mars 1960. Cette rencontre reflète bien le positionnement choisi par la France gaulliste entre les deux géants étatsunien et soviétique au temps de la guerre froide. Finalement à travers ces deux photographies sont présentes des données clés à étudier dans le chapitre  : la IVe et la Ve  République, la construction européenne, la guerre froide, la décolonisation (à travers la présence au pouvoir du général de Gaulle «  sorti du désert  » à l’occasion de la crise du 13 mai 1958), la modernisation économique du pays, la question de l’indépendance nationale.

6•2

pp. 172-173

Cette étude est fondamentale car elle permet d’expliquer aux élèves ce qu’est la IVe  République (doc. 1), le fonctionnement complexe de ce régime d’assemblée (doc. 2) et les tensions qui l’accompagnent dès le début de la guerre froide (doc. 3, 4, 5, 6).

1. Dans la IVe République, l’Assemblée nationale dirige la vie politique du pays puisque ses membres, les députés, sont les seuls de la République à être élus au suffrage universel direct, à voter les lois et à pouvoir renverser le gouvernement. C’est donc un régime d’assemblée. 2. Au début de l’année 1947 les principaux partis politiques de la coalition au pouvoir sont la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière), le MRP (Mouvement républicain populaire) et le PCF (Parti communiste français). Ils sont réunis dans une coalition formant le « tripartisme ». Mais le poids du PCF est source de tensions puisque les membres démocrates-chrétiens du MRP refusent que des communistes occupent des ministères stratégiques tels que celui de la Défense nationale dans un contexte de rupture entre l’URSS et des démocraties libérales occidentales. 3. En désaccord avec le projet constitutionnel de la IVe  République, Charles de Gaulle a quitté le gouvernement en janvier 1946. Mais en avril 1947, il crée un nouveau parti, le Rassemblement du peuple français (RPF), pour accéder au pouvoir, mettre en œuvre «  le

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pp. 170-171

4. Les communistes quittent le gouvernement en mai 1947 parce qu’ils soutiennent les grandes grèves ouvrières, ce qui n’est pas le cas du président du Conseil (Paul Ramadier) et des deux autres partis membres de la coalition (SFIO et MRP). D’autres questions créent aussi la discorde entre le PCF et les autres partis du « tripartisme  »  : la politique coloniale soutenue par la France (contexte de la guerre d’Indochine), l’alignement de la France sur la ligne politique du bloc occidental, l’entente économique franco-américaine, la position à adopter à l’égard de l’URSS. 5. De 1948 à 1951 se crée une « troisième force » composée de la SFIO, du MRP, des radicaux et apparentés de gauche : l’un des objectifs de cette entente est d’empêcher les gaullistes et les communistes d’accéder au pouvoir. Selon les communistes, la Troisième Force est une coalition fasciste, belliciste, au service de la puissance étatsunienne et favorisant finalement le retour prochain du général de Gaulle au pouvoir.

Synthèse La IVe  République entre difficilement dans la guerre froide car ce conflit creuse peu à peu un fossé infranchissable entre le parti communiste, premier parti de France en 1946, et les autres. L’Assemblée nationale est politiquement omniprésente mais divisée. Elle dirige la vie politique du pays puisque ses membres, les députés, sont les seuls de la République à être élus au suffrage universel direct, à voter les lois et à pouvoir renverser le gouvernement. C’est donc un régime d’assemblée. Mais l’Assemblée nationale est divisée entre plusieurs partis politiques dont aucun ne parvient à atteindre la majorité absolue. Il est donc nécessaire de mettre en place une coalition entre plusieurs partis importants mais qui sont parfois en désaccord sur certains points majeurs. De 1946 à 1947, les principaux partis politiques de la coalition au pouvoir sont la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière), le MRP (Mouvement républicain populaire) et le PCF (Parti communiste français). Ils sont réunis dans une coalition formant le « tripartisme ». Mais le poids du PCF est source de tensions puisqu’il affirme son soutien et sa solidarité à l’égard de l’URSS tandis la SFIO et le MRP choisissent le camp des États-Unis. Ainsi des tensions sont palpables au sein du gouvernement. Par exemple les membres démocrates-chrétiens du MRP refusent que des communistes occupent des ministères stratégiques tels que celui de la Défense nationale dans un contexte de rupture entre l’URSS et des démocraties libérales occidentales. Par ailleurs, le climat économique et social de l’année 1947 est compliqué en France (pénurie, inflation plus rapide que la hausse des salaires).

6•3

Mais la rupture avec les ministres communistes a lieu au sujet des grèves qui naissent en mars 1947 chez Renault et qui se diffusent ensuite en France à partir d’avril 1947. Ce mouvement social d’ampleur, qui dure jusqu’en décembre 1947, a pour revendication première de refuser le blocage des salaires décidé par le gouvernement pour juguler l’inflation. Le PCF s’oppose alors à la SFIO et au MRP. Le président du Conseil socialiste, Paul Ramadier, décide donc le 5  mai 1947 de remplacer les ministres communistes. Une «  troisième force  » réunissant la SFIO, le MRP ainsi que les radicaux et apparentés de gauche voit alors le jour entre 1948 et 1951 pour gouverner la France et empêcher tant les communistes que les gaullistes du RPF d’accéder au pouvoir.

pp. 174-175

Étude

La France dans la construction européenne La question posée par cette double-page est  : comment la IVe République participe-t-elle à la construction européenne  ? Pour y répondre, il suffit de partir de la déclaration du 9 mai 1950 de Robert Schuman (doc. 1 et 3), d’évoquer les tensions liées au projet de Communauté européenne de défense (CED) (doc. 2, 4, 5) et de finir sur la création de la CEE (doc. 6) pour faire comprendre aux élèves la difficile naissance de la construction européenne au temps de la IVe République, entre fonctionnalisme et souverainisme national, fédéralisme et confédéralisme. VIDÉO Le marché commun

Questionnaire 1. Quel jour le marché commun entre-t-il en vigueur ? Le 1er janvier 1959. 2. Qu’est-ce qui va augmenter aux frontières européennes ? Le volume des échanges. 3. Quel métier est destiné à disparaître ? Celui de douanier.

Réponses aux questions p. 175 1. Robert Schuman souhaite rassembler les nations européennes pour instaurer durablement la paix (« l’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre ») et stimuler le développement économique. Il veut d’abord œuvrer pour le rapprochement franco-allemand en plaçant en commun l’ensemble de la production de charbon et d’acier de la France et de la RFA (mais aussi d’autres pays européens volontaires) afin que se constitue à terme une «  fédération européenne  ». C’est donc une vision européiste pragmatique, fédérale et fonctionnaliste. 2. Finalement le 18 avril 1951, six pays se réunissent au sein de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier)  : la France, la RFA, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Italie.

CHAPITRE 6 La France, une nouvelle place dans le monde

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grand effort de salut commun », « la réforme profonde de l’État », et faire en sorte que la France maintienne son indépendance entre les États-Unis et l’URSS mais aussi son identité occidentale respectueuse de l’Homme, de la vie, du droit international.

4. Les traités de Rome de 1957 permettent davantage d’intégration économique en Europe de l’Ouest parce qu’ils créent un marché commun et favorisent « le rapprochement progressif des politiques économiques  » entre la France, la RFA, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Italie. 5. Ils favorisent aussi la collaboration politique en accélérant « le rapprochement des législations nationales » et en créant une «  Assemblée  » et un «  Conseil  » politiques communs.

Synthèse L’un des objectifs de la Troisième Force est de favoriser la construction européenne pour rassembler les nations, instaurer durablement la paix et stimuler le développement économique. Au sein de cette coalition, le ministre MRP des Affaires étrangères Robert Schuman joue un rôle essentiel. Il présente le projet de CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) dans sa déclaration du 9  mai 1950. Il veut œuvrer au rapprochement franco-allemand en plaçant en commun l’ensemble de la production de charbon et d’acier de la France et de la RFA (mais aussi d’autres pays européens volontaires) afin que se constitue à terme une « fédération européenne » vivant en paix : « l’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre ». Finalement le 18 avril 1951, six pays se réunissent au sein de la CECA : la France, la RFA, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Italie. C’est un premier pas fonctionnaliste et fédéraliste. En revanche le projet de Communauté européenne de défense (CED) échoue. Il avait comme objectif de constituer une armée européenne intégrant l’armée allemande dans un commandement supranational permettant de répondre au danger soviétique tout en évitant l’inquiétant réarmement unilatéral allemand. Ce projet permettrait de concilier le souhait des ÉtatsUnis, qui considéraient que le réarmement de la RFA était indispensable face à la menace soviétique, et celui des partisans de la construction européenne fédérale

6•4

tels que le président du Conseil René Pleven en 1950. La CED est finalement rejetée par la France par l’Assemblée nationale car certains partis y sont farouchement opposés (le PCF par solidarité avec l’URSS, le RPF pour défendre la souveraineté française) tandis que d’autres sont divisés sur la question (SFIO ou radicaux). Seul le MRP est totalement partisan de la ratification du traité. La IVe  République parvient finalement à accélérer la construction européenne en 1957 par la création de la Communauté économique européenne (CEE). Le 25  mars  1957 sont signés les traités de Rome qui permettent davantage d’intégration économique en Europe de l’Ouest en créant un marché commun et en favorisant « le rapprochement progressif des politiques économiques  » entre la France, la RFA, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Italie. Ils favorisent aussi la collaboration politique en accélérant «  le rapprochement des législations nationales  » et en créant une « Assemblée » et un « Conseil » politiques communs.

pp. 176-177

Point de passage

Les débuts de la guerre d’Algérie : la France en crise Pour expliquer les débuts de la guerre d’Algérie, il faut mettre en parallèle la proclamation d’indépendance du FLN le 1er novembre 1954 (doc. 1) avec la déclaration du 12  novembre 1954 du ministre de l’Intérieur François Mitterrand affirmant « l’Algérie c’est la France » (doc. 2). La carte 3 permet aux élèves de se repérer et de comprendre l’évolution du conflit. Enfin les documents 4, 5 et 6 montrent les difficultés auxquelles l’armée française a été confrontée pour essayer de sortir victorieuse du conflit et pour convaincre l’opinion publique du bienfondé de son action en Algérie. VIDÉO La Toussaint rouge

Questionnaire 1. À quelle date commence la guerre d’Algérie ? Le 1er novembre 1954. 2. Combien de bombes artisanales le FLN fait-il exploser lors de la Toussaint rouge ? Une trentaine. 3. Quel est le bilan ? 7 morts. 4. Qui est alors ministre de l’Intérieur et comment réagit-  il ? François Mitterrand est ministre de l’Intérieur et il réagit d’une manière implacable. 5. Que souhaitent les membres du FLN ? La lutte armée pour l’indépendance de l’Algérie. 6. Comment sont traités majoritairement les musulmans dans l’Algérie coloniale ? Comme des citoyens de seconde zone.

CHAPITRE 6 La France, une nouvelle place dans le monde

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3. La CED est un projet pour constituer une armée européenne intégrant l’armée allemande dans un commandement européen supranational, afin d’éviter l’inquiétant réarmement unilatéral allemand. Ce projet permettrait de concilier le souhait des États-Unis, qui considéraient que le réarmement de la RFA était indispensable face à la menace soviétique, et celui des partisans de la construction européenne fédérale tels que le président du Conseil René Pleven en 1950, tout en évitant la possibilité fort peu populaire en France d’un réarmement autonome de l’armée allemande, cinq ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. La CED est finalement rejetée par l’Assemblée nationale française car certains partis y sont farouchement opposés (le PCF par solidarité avec l’URSS, le RPF pour défendre la souveraineté française) et d’autres sont divisés sur la question (SFIO ou radicaux). Seul le MRP est totalement partisan de la ratification du traité.

Réponses aux questions p. 177 Parcours 1 1. Le 1er novembre 1954, le Front de libération nationale (FLN) se révolte pour obtenir l’indépendance de l’Algérie. Il s’engage dans la lutte armée révolutionnaire contre la métropole française. Cette organisation, issue d’une scission du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques de Messali Hadj), est composée de nationalistes convaincus réunis autour d’Ahmed Ben Bella. Leurs buts sont « l’indépendance nationale » algérienne, « la restauration de l’État algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principe islamiques  », «  le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions  ». Leurs moyens sont « révolutionnaires », à savoir la lutte armée contre le colonialisme (attentats du 1er novembre 1954). 2. La IVe  République refuse l’indépendance de l’Algérie (divisée entre trois départements au Nord et les territoires du Sud dirigés par l’armée française) et s’engage dans la répression armée de la révolte du FLN. Le ministre de l’Intérieur François Mitterrand déclare le 12 novembre 1954 : « L’Algérie c’est la France. Et qui

d’entre vous, mesdames, messieurs, hésiterait à employer tous les moyens pour préserver la France  ?  » Dès avril 1955 l’état d’urgence y est proclamé (c’est-à-dire la suspension de l’exercice habituel des libertés publiques) et durant l’automne 1955 des soldats du contingent y sont envoyés en renfort. Des contre-offensives françaises ont donc lieu partout et la guerre à outrance s’installe. 3. Certains moyens employés par la IVe  République choquent des observateurs tels que l’historien Henri-Irénée Marrou, notamment l’usage de la torture pour tenter de démanteler les groupes terroristes du FLN et éviter de nouveaux attentats contre les intérêts français. C’est ce qui se passe lors de la bataille d’Alger qui se déroule de janvier à octobre 1957 : le gouvernement de Guy Mollet (SFIO) confie un blanc-seing à la division de parachutistes du général Massu pour maintenir l’ordre dans la ville d’Alger. Le FLN y est démantelé mais les critiques fusent dans les médias métropolitains. 4. Plus la guerre d’Algérie se poursuit, plus les Français pensent que l’Algérie obtiendra prochainement son indépendance. Cet avis est plus important chez les électeurs du PCF (très anticolonialistes) et moins important au sein de la SFIO ou du MRP.

Synthèse

Colonisation française depuis 1830

Société inégalitaire entre Européens et musulmans

1er novembre 1954

Proclamation d’indépendance du FLN

« Toussaint rouge » : terrorisme du FLN

La IVe République refuse l’indépendance algérienne

Escalade vers la terreur

Répression, torture, camps, bataille d’Alger en 1957

Lutte armée et terrorisme du FLN et de l’ALN soutenus par des pays arabes (Maroc, Tunisie…)

Situation bloquée en 1958

Opinion française de plus en plus sceptique ou critique

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Soutien de plus en plus fort des Algériens musulmans au projet d’indépendance du FLN

CHAPITRE 6 La France, une nouvelle place dans le monde

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Contre-offensives de l’armée française

pp. 178-179

Le 1er  novembre 1954, le Front de libération nationale (FLN) se révolte pour obtenir l’indépendance de l’Algérie : c’est la « Toussaint rouge ». Il s’engage dans la lutte armée révolutionnaire contre la métropole française. Cette organisation, issue d’une scission du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques de Messali Hadj), est composée de nationalistes convaincus réunis autour d’Ahmed Ben Bella. Leurs buts sont « l’indépendance nationale » algérienne, « la restauration de l’État algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principe islamiques  », «  le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions ». Leurs moyens sont « révolutionnaires », à savoir la lutte armée contre le colonialisme (attentats du 1er novembre 1954).

La crise algérienne de la IVe République et le retour du général de Gaulle (1958)

Les quelques dizaines de milliers de combattants de l’Armée de libération nationale (ALN) ne parviennent pas à résister à la puissance militaire française (plus de 400  000 soldats sur le terrain et mobilisation de plus d’1,5  million de soldats en tout)  : elle est rapidement repoussée dans les confins algériens et au-delà des frontières algériennes, accueillie à partir de 1956 en Tunisie et au Maroc, pays voisins nouvellement indépendants.

1. Le soulèvement des partisans de l’Algérie française le 13  mai 1958 s’explique par leur peur et leur colère. En mai 1958, la nomination prévue d’un président du Conseil (Pierre Pflimlin) favorable aux négociations avec le FLN suscite l’inquiétude au sein des défenseurs de l’Algérie française. Par ailleurs le 13 mai, une cérémonie et une manifestation sont prévues à Alger pour rendre hommage à trois prisonniers français tués par le FLN. La manifestation est gigantesque et se termine par l’investissement du Gouvernement général d’Alger par la foule. Le général Massu, ovationné par les manifestants, prend alors le pouvoir au sein d’un Comité de salut public. Le risque de sédition voire de sécession est important.

La IVe  République refuse l’indépendance de l’Algérie (divisée entre trois départements au Nord et les territoires du Sud dirigés par l’armée française) et s’engage dans la répression armée de la révolte du FLN. Le ministre de l’Intérieur François Mitterrand déclare le 12 novembre 1954 : « L’Algérie c’est la France. Et qui d’entre vous, mesdames, messieurs, hésiterait à employer tous les moyens pour préserver la France  ?  » Dès avril 1955 l’état d’urgence y est proclamé (c’est-à-dire la suspension de l’exercice habituel des libertés publiques) et durant l’automne 1955 des soldats du contingent y sont envoyés en renfort. Des contre-offensives françaises ont donc lieu partout et la guerre à outrance s’installe. Cette guerre divise. Certains moyens employés par la IVe  République choquent des observateurs tels que l’historien Henri-Irénée Marrou, notamment l’usage de la torture pour tenter de démanteler les groupes terroristes du FLN et éviter de nouveaux attentats contre les intérêts français. C’est ce qui se passe lors de la bataille d’Alger qui se déroule en 1957  : le gouvernement de Guy Mollet (SFIO) confie les pouvoirs de police à la division de parachutistes du général Massu pour maintenir l’ordre dans la ville d’Alger. Le FLN y est démantelé mais les critiques fusent dans les médias métropolitains contre la torture érigée en système de terreur. Plus la guerre d’Algérie se poursuit, plus les Français pensent que l’Algérie obtiendra prochainement son indépendance. Cet avis est plus important chez les électeurs du PCF (très anticolonialistes) et moins important au sein de la SFIO (de Guy Mollet) ou du MRP (de Georges Bidault).

6•6

Étude

Le document 1 renvoie au soulèvement d’Alger du 13  mai 1958 tandis que les documents  2 et 3 livrent deux analyses différentes de cette crise algérienne. Les documents 4 et 5 permettent aux élèves de comprendre pourquoi de Gaulle retourne au pouvoir et le document 6 illustre l’apaisement et le contentement temporaire des partisans de l’Algérie française. Cet événement du 13  mai 1958 montre la faiblesse de la IVe  République, incapable de résoudre des tensions intérieures et cédant en partie à la rue.

Réponses aux questions p. 179

2. Charles de Gaulle est rappelé au pouvoir car le Comité de salut public ne veut en réalité pas faire sécession. Il cherche un moyen de sortir de la crise  : le général de Gaulle semble l’homme providentiel. Soldat, il semble à même de comprendre l’armée ; républicain, il pourra apparaître légitime auprès de l’opinion publique et des partis français. Après s’être déclaré « prêt à assumer les pouvoirs de la République  » le 15  mai, il est appelé à la tête du gouvernement par le président René Coty le 29  mai. Il est investi des pleins pouvoirs le 1er  juin par l’Assemblée nationale. 3. Selon de Gaulle, la IVe République est en crise parce que c’est un régime indécis, irrésolu, ayant dégradé l’État, dominé par un « régime des partis » et embarqué dans un « processus désastreux ». La solution doit donc venir d’un autre système politique dirigé par de Gaulle lui-même. 4. Les adversaires de Charles de Gaulle estiment qu’il s’agit d’un coup de force fasciste mené par l’armée. Alors que de Gaulle affirme son attachement à la République et aux libertés fondamentales en rappelant son action entre 1940 et 1946. 5. Les partisans du maintien de l’Algérie française sont satisfaits du retour du général de Gaulle au pouvoir car il apparaît comme un soutien de l’armée, de l’empire colonial et de la grandeur de la France. En voyage à Alger

CHAPITRE 6 La France, une nouvelle place dans le monde

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Parcours 2

le 4 juin, de Gaulle lance aux partisans de l’Algérie française « Je vous ai compris ». Le 6 juin à Mostaganem, il déclare « Vive l’Algérie française ».

Synthèse Pierre Pflimlin président du Conseil (13-28 mai 1958)

soutiens de l’Algérie française (doc. 2), un extrait des accords d’Évian (doc. 3), la liesse algérienne lors de la proclamation d’indépendance (doc. 4), une carte datée des autres indépendances africaines (doc. 5) et l’explication gaulliste des nombreuses indépendances africaines négociées en 1960 (doc. 6). VIDÉO L’indépendance de l’Algérie

Questionnaire

Occupation du palais du Gouverneur général à Alger

2. Que se passe-t-il à Oran ? Des manifestations joyeuses de musulmans et une fusillade qui fait plus de 100 morts parmi les musulmans et les Européens. La majorité est composée de civils européens.

Création d’un Comité de salut public dirigé par l’armée à Alger

3. Quelle est la conséquence immédiate de cette violence contre les Européens ? L’exode des pieds-noirs s’accentue.

Risque de rupture avec la France

4. Quelle organisation politique est en crise ? Le GPRA (des tensions existent entre des politiciens et des militaires indépendantistes pour s’accaparer le pouvoir.

Appel du général de Gaulle par le président René Coty le 29 mai 1958

De Gaulle obtient les pleins pouvoirs le 1er juin 1958

Peur d’un coup de force fasciste

pp. 180-181

Satisfaction des partisans de l’Algérie française

Étude

La fin de la guerre d’Algérie (1958-1962) et de l’empire colonial français Le choix a été fait de traiter en même temps la fin du conflit algérien et les autres indépendances des territoires africains français parce que la chronologie est proche, parce que l’ampleur de l’engagement militaire français en Algérie rend impossible toute opposition durable de la métropole à l’indépendance des autres territoires colonisés et parce que, de Pierre Mendès France (pour la Tunisie en 1956) à Charles de Gaulle, des dirigeants français comprennent l’intérêt pour la puissance française d’accorder pacifiquement l’indépendance à des territoires colonisés. Sont présentés ici un document sur l’ouverture démocratique algérienne proposée par le général de Gaulle (doc. 1), la réaction d’une partie des

6•7

1. Quels politiciens sont acclamés à Alger après l’indépendance ? Les membres du GPRA.

Réponses aux questions p. 181 1. Le général de Gaulle propose une ouverture démocratique aux Algériens le 16  septembre 1959 alors que l’armée française maîtrise la situation militaire en Algérie. Un référendum doit permettre de choisir entre trois solutions : soit la sécession avec une Algérie totalement indépendante de la France, soit une « francisation complète » de l’Algérie, c’est-à-dire une intégration complète et à égalité des 9  millions de musulmans au sein de la communauté des citoyens, soit une association politique de l’Algérie et de la France inspirée du Commonwealth britannique avec deux États indépendants mais coopérants (c’est l’option préférée du général de Gaulle). En somme de Gaulle tente de résoudre la question algérienne par une solution démocratique. Finalement, le 8  janvier 1961, un référendum conforte la proposition gaulliste de l’autodétermination puisque ce choix est approuvé par 75  % des suffrages en métropole et par 69 % des suffrages en Algérie. 2. Les partisans de l’Algérie française se sentent trahis par la politique d’autodétermination choisie par de Gaulle alors qu’ils s’estiment à l’origine du retour du général au pouvoir à la suite du soulèvement du 13 mai 1958. Certes la « francisation » complète reste envisageable mais la rupture est tellement profonde entre le million d’Européens et les 9 millions de musulmans que la probabilité est forte pour que ces derniers, ultra majoritaires, fassent démocratiquement le choix de la sécession. Une partie des Européens d’Algérie crée alors l’Organisation armée secrète (OAS), organisation clandestine terroriste née en

CHAPITRE 6 La France, une nouvelle place dans le monde

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Manifestation à Alger favorable au maintien de l’Algérie française le 13 mai 1958

3. La guerre d’Algérie se termine par l’indépendance algérienne proclamée officiellement le 5  juillet 1962. Mais auparavant un cessez-le-feu est signé entre le FLN et la Ve  République le 18  mars 1962 (accords d’Évian) tandis que le 1er juillet le peuple algérien vote pour l’indépendance totale à 99,7 % des suffrages exprimés. 4. Dans le reste de l’Afrique, l’indépendance est accordée en 1956 au Maroc (dirigé par le roi Mohamed V) et à la Tunisie (dirigée par Habib Bourguiba), en 1958 à la Guinée (qui vote « non » au référendum visant à l’adoption de la Constitution de 1958 et qui rompt de fait avec la France sous la direction d’Ahmed Sékou Touré), et en 1960 à tous les autres territoires africains qui ont négocié leur indépendance avec la France. Dans le contexte tendu de la guerre d’Algérie, de Gaulle espère des relations apaisées et durables entre l’ancienne métropole et les anciennes colonies sous la forme d’une coopération.

Synthèse Afin de sortir de la crise algérienne, le général de Gaulle propose une ouverture démocratique aux Algériens le 16 septembre 1959 alors que l’armée française maîtrise la situation militaire en Algérie. Un référendum à venir doit permettre de choisir entre trois solutions  : soit la sécession avec une Algérie totalement indépendante de la France, soit une « francisation complète » de l’Algérie, c’est-à-dire une intégration complète et à égalité des 9 millions de musulmans au sein de la communauté des citoyens, soit une association politique de l’Algérie et de la France inspirée du Commonwealth britannique avec deux États indépendants mais coopérants (c’est l’option préférée du général de Gaulle). En somme de Gaulle tente de résoudre la question algérienne par une solution démocratique. Finalement, le 8 janvier 1961, un référendum conforte la proposition gaulliste puisque ce choix est approuvé par 75 % des suffrages en métropole et par 69 % des suffrages en Algérie. Mais les partisans de l’Algérie française se sentent trahis par la politique gaulliste d’autodétermination alors qu’ils s’estiment à l’origine du retour du général au pouvoir à la suite du soulèvement du 13  mai 1958. Certes, la « francisation » complète reste envisageable mais la rupture est tellement profonde entre le million d’Européens et les 9 millions de musulmans que la probabilité est forte pour que ces derniers, ultra majoritaires, fassent démocratiquement le choix de la sécession. Une partie des Européens d’Algérie crée alors l’Organisation armée secrète (OAS), organisation clandestine terroriste née en février 1961 et dirigée par le général Salan à partir de septembre 1961, opposée à l’indépendance algérienne et agissant en 1961-1962 contre le FLN mais aussi contre

6•8

les structures gouvernementales et militaires françaises (attentat du Petit-Clamart du 22  août 1962 contre de Gaulle…). Finalement, la guerre d’Algérie se termine par l’indépendance algérienne proclamée officiellement le 5  juillet 1962. Mais auparavant un cessez-le-feu est signé entre le FLN et la Ve République le 18 mars 1962 (accords d’Évian) tandis que le 1er juillet le peuple algérien vote pour l’indépendance totale, à 99,7  % des suffrages exprimés. Dans le reste de l’Afrique, l’indépendance est accordée en 1956 aux protectorats marocain (Maroc indépendant dirigé par le roi Mohamed  V) et tunisien (Tunisie indépendante dirigée par Habib Bourguiba), en 1958 à la Guinée (qui vote « non » au référendum visant à l’adoption de la Constitution de 1958 et qui rompt de fait avec la France sous la direction d’Ahmed Sékou Touré), et en 1960 à tous les autres territoires africains qui ont négocié leur indépendance avec la France. Dans le contexte tendu de la guerre d’Algérie, de Gaulle espère des relations apaisées et durables entre l’ancienne métropole et les anciennes colonies sous la forme d’une coopération.

pp. 182-183

Point de passage

De Gaulle et Mendès France : deux conceptions de la République Il est possible de comparer la conception de la République pensée par les deux politiciens en opposant la vision gaulliste (documents p.  182) à la vision mendésienne (documents p.  183). Si les deux hommes souhaitent une réforme de la République, de Gaulle est plus présidentialiste tandis que Mendès France est davantage attaché au rôle majeur joué par le Parlement. VIDÉO La vision gaulliste : le discours

de Bayeux de 1946 Questionnaire

1. Qui doit élire le président de la République dans le projet du général de Gaulle de 1946 ? Un collège électoral qui englobe et dépasse le Parlement. 2. De qui doit procéder le pouvoir exécutif selon de Gaulle ? Du chef de l’État. 3. Quelle doit être l’action du Premier ministre ? Diriger l’action du gouvernement. 4. Qui doit être le garant de l’indépendance nationale et des traités conclus par la France ? Le chef de l’État.

Réponses aux questions p. 183 Parcours 1 1. Dans le discours de Bayeux, prononcé après avoir démissionné du poste de chef du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), Charles

CHAPITRE 6 La France, une nouvelle place dans le monde

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février 1961 et dirigée par le général Salan à partir de septembre 1961, opposée à l’indépendance algérienne et agissant en 1961-1962 contre le FLN mais aussi contre les structures gouvernementales et militaires françaises (attentat du Petit-Clamart du 22  août 1962 contre de Gaulle…).

de Gaulle critique la puissance du Parlement dans la IVe République. Il ne souhaite pas que le pouvoir exécutif soit subordonné au pouvoir législatif. 2. En 1958, Charles de Gaulle obtient le 1  juin de l’Assemblée nationale son investiture comme président du Conseil et le lendemain les pouvoirs spéciaux pour résoudre la crise algérienne. er

3. Pierre Mendès France, contrairement à de Gaulle, est partisan d’une république parlementaire. Mais il critique aussi la IVe  République et ses différents gouvernements, incapables de résoudre les problèmes

auxquels ils ont été confrontés (surtout le problème algérien). 4. Pierre Mendès France se méfie d’un possible «  coup d’État  » fasciste commis par de Gaulle. Il lui demande de garantir sans réserve les libertés et la légalité républicaine. Il souhaite aussi l’élection d’une nouvelle Assemblée nationale (il espère bénéficier de la contestation politique des Français) ainsi qu’une parfaite séparation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif de l’Assemblée (au pouvoir comme président du Conseil en 1954-1955, Mendès France avait tenté en vain de renforcer le pouvoir exécutif).

Synthèse Avis sur la crise politique   de mai-juin 1958

Charles   de Gaulle

Régime des partis, domination du pouvoir législatif sur le trop faible pouvoir exécutif.

Mort d’un système politique irrésolu, indécis.

De Gaulle à la tête du gouvernement, pouvoirs spéciaux, nouvelle Constitution.

Pierre Mendès France

Incapacité des gouvernements et de l’Assemblée nationale à résoudre la crise algérienne.

« Insurrection », « coup d’État » fasciste ou « coup de force » militaire menant de Gaulle au pouvoir.

De Gaulle doit garantir sans réserve les libertés et la légalité républicaine, une nouvelle Assemblée et une parfaite séparation des pouvoirs.

Parcours 2

pp. 184-185

Selon le député radical Pierre Mendès France, la République idéale doit être parlementaire. Mais il critique aussi la IVe  République et ses différents gouvernements, incapables de résoudre les problèmes auxquels ils ont été confrontés (surtout le problème algérien). Pierre Mendès France se méfie d’un possible « coup d’État » fasciste de de Gaulle en 1958. Il lui demande ainsi de garantir sans réserve les libertés et la légalité républicaine. Il souhaite aussi l’élection d’une nouvelle Assemblée nationale (il espère bénéficier de la contestation politique des Français) ainsi qu’une parfaite séparation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif de l’Assemblée (au pouvoir comme président du Conseil en 1954-1955, Mendès France avait tenté en vain de renforcer le pouvoir exécutif). Mais pour Charles de Gaulle, la République doit accorder davantage de poids au pouvoir exécutif pour gagner en efficacité. Il souhaite une République plus présidentielle. Dès le discours de Bayeux, prononcé en 1946 après avoir démissionné du poste de chef du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), de Gaulle critique la puissance du Parlement dans la IVe République. Selon lui, le cœur du problème est institutionnel. Il ne souhaite pas que le pouvoir exécutif soit subordonné au pouvoir législatif. Ainsi lors de sa « sortie du désert » en mai-juin 1958, il obtient le 1er juin de l’Assemblée nationale son investiture comme président du Conseil et le lendemain les pouvoirs spéciaux pour résoudre la crise algérienne. Une nouvelle constitution doit également être rédigée pour servir de fondement à une nouvelle République. Clairement, un régime plus présidentiel s’installe en France.

6•9

Solutions immédiates proposées

Point de passage

La Constitution de la Ve République Par cette double-page, les élèves peuvent comprendre comment la Constitution de la Ve  République renforce les pouvoirs présidentiels. Le document  1 illustre la personnalisation accrue du pouvoir, les documents 2 et 3 montrent que de Gaulle obtient un très net renforcement de ses pouvoirs présidentiels. Le document  4 est une critique de la presse d’opposition à l’encontre de cette évolution constitutionnelle. Enfin les documents 5 et 6 renvoient à la réforme constitutionnelle de 1962 qui permet au président de la République d’être désormais élu au suffrage universel direct. VIDÉO La Constitution de la Ve République

Questionnaire 1. Combien de gouvernements se sont succédé pendant les 12 ans de la IVe République ? 24 2. Combien de gouvernements ont connu les États-Unis dans la même période (1946-1958) ? 2 seulement 3. Combien de demandes de réformes constitutionnelles ont été refusées par le Parlement pendant ces 12 années en France ? 99 4. Comment le nouveau projet de Constitution est-il soumis à l’avis du peuple français ? Par la voie du référendum.

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Explications de l’échec   de la IVe République

Parcours 1 1. Dans la IVe  République, l’Assemblée nationale est l’acteur essentiel de la vie politique car elle vote seule les lois. Par ailleurs ses membres, les députés, sont les seuls à être élus au suffrage universel direct, ce qui leur donne une légitimité politique fondamentale. L’autre assemblée, le Conseil de la République, est composé de membres élus indirectement et n’ayant qu’un rôle de conseillers. Le président de la République est élu par les députés, il est donc sous leur influence même s’il peut dissoudre, mais difficilement, l’Assemblée nationale. Enfin le président du Conseil est issu de la majorité des députés, il est sous son contrôle et peut subir un renversement gouvernemental sur décision des députés. Au contraire, dans la Ve  République, le président de la République devient un acteur clé de la vie politique aux côtés des députés. Il est certes élu indirectement par 80  000  grands électeurs mais il peut consulter le peuple par référendum et construire ainsi une légitimité populaire forte permettant d’équilibrer les pouvoirs de l’Assemblée nationale. Finalement, à l’image du document 1, la République se présidentialise peu à peu. 2. Désormais le président de la République est l’homme fort du régime car il joue un rôle d’arbitre (art. 5), préside le Conseil des ministres, peut soumettre un référendum aux Français et dissoudre facilement l’Assemblée nationale, dirige les armées et peut prendre temporairement des pouvoirs exceptionnels en vertu de l’article 16. 3. Le magazine L’Express, proche des idées de Pierre Mendès France et créé en 1953 par Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud, comprend le retour de Charles de Gaulle au pouvoir comme le suicide de la République, symbolisée ici par Marianne faisant fonctionner elle-même la guillotine. Cette caricature renvoie au vote du 1er juin qui accorde l’investiture à de Gaulle et le 2 juin les pouvoirs spéciaux. 4. En 1962, dans le contexte tendu des attentats commis par l’OAS contre le président de Gaulle, il propose par référendum que désormais le président de la République soit élu au suffrage universel direct par les Français afin d’accroître sa légitimité politique.

Synthèse Après 1958, le président est à la tête de la Ve République. Désormais il est l’homme fort de la vie politique aux côtés des députés. Le président est certes élu indirectement par 80 000 grands électeurs mais il peut consulter le peuple par référendum et construire ainsi une légitimité populaire forte permettant d’équilibrer les pouvoirs de l’Assemblée nationale. La République se présidentialise peu à peu : le président joue un rôle d’arbitre (art. 5), préside le Conseil des ministres, peut soumettre un référendum aux Français et dissoudre facilement l’Assemblée nationale, dirige les armées et peut prendre temporairement des pouvoirs exceptionnels en vertu de l’article 16.

6•10

Au contraire, l’Assemblée nationale est plus faible. Dans la IVe  République, l’Assemblée nationale était l’acteur essentiel de la vie politique car elle votait seule les lois. Par ailleurs ses membres, les députés, étaient les seuls à être élus au suffrage universel direct, ce qui leur donnait une légitimité politique fondamentale. Désormais le régime est semi-présidentiel : le pouvoir exécutif est partagé entre un président indépendant du Parlement et un gouvernement contrôlé par le Parlement et par le président. Enfin, à partir de 1962, le pouvoir présidentiel est renforcé. Dans le contexte tendu des attentats commis par l’OAS, le président de Gaulle propose par référendum que désormais le président de la République soit élu au suffrage universel direct par les Français afin d’accroître sa légitimité politique. C’est accepté le 28 octobre 1962 avec 61,7 % des suffrages exprimés. Les 18 et 25 novembre ont lieu des élections législatives faisant suite à la dissolution de l’Assemblée nationale (qui s’était opposée à cette réforme constitutionnelle) par de Gaulle : c’est un triomphe gaulliste (48 % des sièges) et des opposants historiques tels que Pierre Mendès France ne parviennent pas à récupérer leur fauteuil de député.

Parcours 2 Le parcours 2 peut reprendre les éléments de la synthèse du parcours 1.

pp. 186-187

Étude

La politique de « grandeur nationale » La grandeur nationale gaullienne repose sur la modernisation du pays (doc. 1), la dissuasion nucléaire (doc. 2), une politique étrangère ambitieuse (doc. 3 et 4), le rejet de tout fédéralisme européen (doc.  6) et le prestige national (doc. 5).

Réponses aux questions p. 187 1. Selon Charles de Gaulle, l’État doit jouer un rôle d’entrepreneur  : il doit planifier le développement, investir par des aides et par des services, proposer des infrastructures au service de l’économie. 2. Les résultats de la modernisation économique gaulliste sont très bons, dans la continuité du redressement effectué au temps de la IVe  République  : un taux de croissance élevé (6,6 % de croissance du PIB en 1964), le Concorde, les premières autoroutes (ouverture de l’autoroute du Sud en 1960), l’aéroport de Roissy symbolisent la réussite économique de ces années qui bénéficient aussi du dynamisme occidental des Trente Glorieuses. Lors de son allocution de fin d’année prononcée le 31 décembre 1964, de Gaulle déclare « un bébé qui vient au monde ce soir pourra à partir de sa majorité, vivre deux fois mieux que ses parents vivent aujourd’hui ». 3. De Gaulle est très ambitieux géopolitiquement pour la France («  la France n’est réellement elle-même

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Réponses aux questions p. 185

La politique de «  grandeur nationale  » menée par de Gaulle repose sur la modernisation économique stimulée par l’État. Selon Charles de Gaulle, l’État doit jouer un rôle d’entrepreneur : il doit planifier le développement, investir par des aides et par des services, proposer des infrastructures au service de l’économie. Les résultats de la modernisation économique gaulliste sont très bons, dans la continuité du redressement effectué au temps de la IVe République : un taux de croissance élevé (6,6 % de croissance du PIB en 1964), le Concorde, les premières autoroutes (ouverture de l’autoroute du Sud en 1960), l’aéroport de Roissy symbolisent la réussite économique de ces années de Gaulle qui bénéficient aussi du dynamisme occidental des Trente Glorieuses. Lors de son allocution de fin d’année prononcée le 31  décembre 1964, de Gaulle déclare « un bébé qui vient au monde ce soir pourra à partir de sa majorité, vivre deux fois mieux que ses parents vivent aujourd’hui ».

4. De Gaulle souhaite une Europe des nations accordant une place centrale à la France. Il refuse donc une Europe supranationale. Profitant de la faiblesse géopolitique de la RFA qui ne peut exercer le même rayonnement que la France, il signe en 1963 le traité de l’Élysée. C’est un traité de coopération qui prévoit des rencontres régulières entre chefs d’État et ministres des Affaires étrangères. Mais le traité a surtout une valeur symbolique, la RFA préférant ses liens étroits avec les États-Unis et la France refusant toute relation vraiment égalitaire avec la RFA. De Gaulle est très méfiant à l’égard du RoyaumeUni (selon lui un «  cheval de Troie  » des États-Unis en Europe). Il refuse donc l’entrée des Britanniques dans la CEE en 1963 et en 1967. En 1965-1966, de Gaulle entre aussi dans un conflit diplomatique avec les autres dirigeants de la CEE qui veulent que des décisions puissent être prises à l’issue d’un vote majoritaire plutôt qu’unanime au Conseil des ministres de Bruxelles. De Gaulle mène alors avec succès la « politique de la chaise vide » afin de préserver la souveraineté française.

Le général de Gaulle défend aussi l’indépendance nationale dans le monde. Il est très ambitieux géopolitiquement pour la France («  la France n’est réellement elle-même qu’au premier rang », Mémoires de guerre, 1954). La politique étrangère gaulliste est une politique de grandeur. Elle repose sur la dissuasion nucléaire (1960  : première bombe atomique française ; 1967 : mise à l’eau du premier sous-marin nucléaire lanceur d’engin, Le Redoutable) et sur l’indépendance à l’égard tant des États-Unis que de l’URSS en essayant de maintenir une bonne entente entre les pays européens. Ainsi la France se maintient du côté de l’Occident mais n’hésite pas à avoir des relations diplomatiques avec la Chine (reconnaissance de la République populaire de Chine en 1964 au grand dam des États-Unis), avec l’URSS (voyage de Khrouchtchev en France en 1960 et de de Gaulle en URSS en 1966) et à critiquer la guerre menée par les États-Unis au Vietnam (discours de Phnom Penh de 1966) ou à se désengager de l’OTAN (1966). En voyage en 1964 en Guadeloupe, de Gaulle déclare : « Nous sommes une grande nation. »

Synthèse

6•11

La modernisation économique

État entrepreneur, planification, infrastructures (autoroutes…), croissance du PIB, innovations technologiques (la Caravelle : premier avion moyen-courrier à réaction, le Concorde…).

L’indépendance nationale dans   le monde

Politique gaulliste de grandeur nationale, dissuasion nucléaire, refus de l’hégémonie des Deux Grands, ouverture diplomatique aux pays communistes, retrait de l’OTAN (1966).

La grandeur de la France en Europe

Pour une Europe des États nations, favorable à la coopération mais pas au fonctionnement transnational, traité de l’Élysée (1963), refus de l’entrée dans la CEE du RoyaumeUni (1963 et 1967), politique de la chaise vide (1965-1966).

De Gaulle souhaite enfin maintenir et accentuer la grandeur nationale dans une Europe des nations accordant une place centrale à la France. Il refuse donc une Europe supranationale. Profitant de la faiblesse géopolitique de la RFA qui ne peut exercer le même rayonnement que la France, il signe en 1963 le traité de l’Élysée. C’est un traité de coopération qui prévoit des rencontres régulières entre chefs d’État et ministres des Affaires étrangères. Mais le traité a surtout une valeur symbolique, la RFA préférant ses liens étroits avec les États-Unis et la France refusant toute relation égalitaire avec la RFA. De Gaulle est très méfiant à l’égard du Royaume-Uni (selon lui un « cheval de Troie » des États-Unis en Europe). Il refuse donc l’entrée des Britanniques dans la CEE en 1963 et en 1967. En 19651966, de Gaulle entre aussi dans un conflit diplomatique avec les autres dirigeants de la CEE qui veulent que des décisions puissent être prises à l’issue d’un vote majoritaire plutôt qu’unanime au Conseil des ministres de Bruxelles. De Gaulle mène alors avec succès la «  politique de la chaise vide » afin de préserver la souveraineté française.

CHAPITRE 6 La France, une nouvelle place dans le monde

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qu’au premier rang  », Mémoires de guerre, 1954). La politique étrangère gaulliste est une politique de grandeur. Elle repose sur la dissuasion nucléaire (1960  : première bombe atomique française  ; 1967  : mise à l’eau du premier sous-marin nucléaire lanceur d’engin, Le Redoutable) et sur l’indépendance à l’égard tant des États-Unis que de l’URSS en essayant de maintenir une bonne entente entre les pays européens. Ainsi la France se maintient du côté de l’Occident mais n’hésite pas à avoir des relations diplomatiques avec la Chine (reconnaissance de la République populaire de Chine en 1964 au grand dam des États-Unis), avec l’URSS (voyage de Nikita Khrouchtchev en France en 1960 et de de Gaulle en URSS en 1966) et à critiquer la guerre menée par les États-Unis au Vietnam (discours de Phnom Penh de 1966) ou à se désengager de l’OTAN (1966). En voyage en 1964 en Guadeloupe, de Gaulle déclare : « Nous sommes une grande nation. »

Point de passage

Les mémoires de la guerre d’Algérie Il faut faire comprendre aux élèves que les mémoires de la guerre d’Algérie émergent difficilement (doc.  1), que les plaies ne sont pas encore totalement pansées des deux côtés de la Méditerranée (doc.  2 et 3), mais que peu à peu les mémoires sont en voie d’apaisement (doc. 4 à 6). VIDÉO La quête de reconnaissance des harkis

Questionnaire 1. Qui sont les « harkis » ? Des musulmans d’Algérie qui ont choisi de combattre aux côtés de la France contre le FLN. 2. Dans quelles structures vivent-ils en France ? Dans des camps. 3. Comment les harkis sont-ils considérés dans l’Algérie indépendante ? Comme des traîtres. 4. Comment caractériser leur vie en France ? Promiscuité, insalubrité, malnutrition, isolement, discrimination, racisme. 5. Pourquoi sont-ils aigris à l’encontre de la France ? Car ils ont le sentiment que la France n’a pas tenu sa promesse et les a abandonnés. 6. Que décide en 2001 le président gaulliste Jacques Chirac ? Il instaure une journée nationale d’hommage aux harkis chaque 25 septembre.

Réponses aux questions p. 189 Parcours 1 1. Selon les historiens Michelle Zancarini-Fournel et Christian Delacroix, il n’y a pas de mémoire commune de la guerre d’Algérie car ce passé n’a pas « été reconnu par l’État pendant près d’un demi-siècle  ». Ainsi des «  mémoires sélectives  » et concurrentes ont émergé, qu’il s’agisse de celles des pieds-noirs, des harkis, des musulmans soutenant le FLN. Pour les plus d’1 million d’appelés français, la guerre leur apparaît inutile, non reconnue officiellement. Il n’y a pas de héros français de la guerre, pas de statut d’ancien combattant équivalent à celui des soldats des guerres mondiales. Mais il faut relativiser l’amnésie sur la guerre d’Algérie. Dès 1962, des pieds-noirs témoignent dans des livres (mais ils ne reçoivent que peu d’échos, les pieds-noirs étant souvent assimilés aux «  gros colons  »), pendant mai 1968 les étudiants continuent à dénoncer la violence de Charonne (8  février 1962), l’amnistie des membres de l’OAS a lieu en 1968 en vue de l’union des droites pour les élections législatives de juin 1968 et suscite des débats, etc.

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2. Les historiens mettent en évidence trois cycles mémoriels : – amnistie et amnésie dans l’espace public (1962-1968) : de l’amnistie croisée des crimes de guerre (décidée dans les accords d’Évian) et des porteurs de valise (dès 1962) jusqu’à celle des membres de l’OAS et des participants du putsch des généraux (1968) ; – anamnèse dans les années 1980-1990 (en 1980 est lancé un débat public sur le choix d’une date du souvenir pour commémorer la fin de la guerre : le 19 mars 1962 ou une autre ?) ; – hypermnésie et obsession mémorielle depuis le début du xxie siècle (découverte ou redécouverte du passé sous le signe de la culpabilité et de la victimisation ; les pouvoirs publics multiplient alors les gestes symboliques). 3. Les pouvoirs publics français et algériens participent au débat en valorisant certains points. En Algérie, le FLN au pouvoir produit un récit fondateur héroïque montrant que toute la nation algérienne a résisté à l’oppression coloniale. Les autres mémoires algériennes sont occultées (partisans d’une décolonisation plus réformiste autour de Messali Hadj, mémoires des harkis, mémoire des pieds-noirs…). En France, les pouvoirs publics agissent en fonction de leurs orientations politiques : davantage favorables à l’électorat pied-noir et harki important à Nice, proches des combats anticoloniaux à Paris. Cette dispersion reflète bien la division mémorielle en France autour d’un «  passé qui ne passe pas  ». Emmanuel Macron est aussi intervenu dans l’arène mémorielle en attaquant dans un premier temps l’œuvre coloniale (« la colonisation est un crime contre l’humanité », voyage en Algérie en février 2017), puis en ajustant sa pensée (« Il y a eu des combats, il y a eu des fautes et des crimes, il y a eu des grandes choses et des histoires heureuses. Mais j’ai une conviction profonde. Notre responsabilité n’est pas de nous y enferrer  », discours de Ouagadougou du 28  novembre 2017), en proposant un discours irénique au chef de l’État algérien Bouteflika (discours d’Alger du 6  décembre 2017  : «  c’est une histoire nouvelle qui s’écrit ») et en reconnaissant le crime d’État commis au cours de la bataille d’Alger par les parachutistes à l’encontre du communiste français Maurice Audin et des autres torturés et disparus de ce sombre épisode. 4. Les harkis obtiennent lentement et difficilement la reconnaissance officielle en France de leurs mémoires blessées. Ils connaissent un état de détresse et un sentiment d’abandon dans les années 1960, puis leurs enfants se révoltent (grèves de la faim, émeutes dans des camps tels que celui de Rivesaltes) dans les années  1970 (obtention du statut d’ancien combattant en 1974) et 1990 (reconnaissance en 2001 de la trahison de l’État et le 25 septembre devient une journée d’hommage aux harkis  ; reconnaissance en 2016 de «  l’abandon  », des « massacres de ceux restés en Algérie », des « conditions d’accueil inhumaines »). Enfin des mesures sont annoncées par le président Emmanuel Macron en 2018 pour tenter de répondre aux « préjudices matériels et moraux subis ».

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Les tensions mémorielles au sujet de la guerre d’Algérie sont difficiles à apaiser. Les mémoires sont variées et souvent conflictuelles. Selon les historiens Michelle Zancarini-Fournel et Christian Delacroix, il n’y a pas de mémoire commune de la guerre d’Algérie car ce passé n’a pas «  été reconnu par l’État pendant près d’un demi-siècle  ». Ainsi des «  mémoires sélectives  » et concurrentes ont émergé, qu’il s’agisse de celles des pieds-noirs, des harkis, des musulmans soutenant le FLN. Pour les plus d’1  million d’appelés français, la guerre leur apparaît inutile, non reconnue officiellement. Il n’y a pas de héros français de la guerre, pas de statut d’ancien combattant équivalent à celui des soldats des guerres mondiales. Mais il faut relativiser l’amnésie sur la guerre d’Algérie. Dès 1962 des pieds-noirs témoignent dans des livres (mais ils ne reçoivent que peu d’échos, les pieds-noirs étant souvent assimilés aux « gros colons »), pendant mai 1968 les étudiants continuent à dénoncer la violence de Charonne (8 février 1962), l’amnistie des membres de l’OAS a lieu en 1968 en vue de l’union des droites pour les élections législatives de juin 1968 et suscite des débats, etc. Finalement les historiens mettent en évidence trois cycles mémoriels  : amnistie et amnésie dans l’espace public (1962-1968), anamnèse dans les années 1980-1990, hypermnésie et obsession mémorielle depuis le début du xxie siècle. Lentement les pouvoirs publics reconnaissent les différentes mémoires mais de manière souvent concurrente. En Algérie, le FLN au pouvoir produit un récit fondateur héroïque montrant que toute la nation algérienne a résisté à l’oppression coloniale. Les autres mémoires algériennes sont occultées (partisans d’une décolonisation plus réformiste autour de Messali Hadj, mémoires des harkis, mémoire des pieds-noirs…). En France, les pouvoirs publics agissent en fonction de leurs orientations politiques  : davantage favorables à l’électorat pied-noir et harki important à Nice, proches des combats anticoloniaux à Paris. Cette dispersion reflète bien la division mémorielle en France autour d’un «  passé qui ne passe pas ». Emmanuel Macron est aussi intervenu dans l’arène mémorielle en attaquant dans un premier temps l’œuvre coloniale (« la colonisation est un crime contre l’humanité », voyage en Algérie en février 2017), puis en ajustant sa pensée (« Il y a eu des combats, il y a eu des fautes et des crimes, il y a eu des grandes choses et des histoires heureuses. Mais j’ai une conviction profonde. Notre responsabilité n’est pas de nous y enferrer  », discours de Ouagadougou du 28  novembre 2017), en proposant un discours irénique au chef de l’État algérien Bouteflika (discours d’Alger du 6 décembre 2017 « c’est une histoire nouvelle qui s’écrit ») et en reconnaissant le crime d’État commis au cours de la bataille d’Alger par les parachutistes à l’encontre du communiste français Maurice Audin et des autres torturés et disparus de ce sombre épisode.

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Certaines mémoires sont encore en quête de reconnaissance. Les harkis semblent parmi les plus oubliés. Ils obtiennent lentement et difficilement la reconnaissance officielle en France de leurs mémoires blessées. Ils connaissent un état de détresse et un sentiment d’abandon dans les années 1960, puis leurs enfants se révoltent (grèves de la faim, émeutes dans des camps tels que celui de Rivesaltes) dans les années 1970 (obtention du statut d’ancien combattant en 1974) et 1990 (reconnaissance en 2001 de la trahison de l’État et le 25 septembre devient une journée d’hommage aux harkis  ; reconnaissance en 2016 de «  l’abandon  », des «  massacres de ceux restés en Algérie  », des «  conditions d’accueil inhumaines  »). Enfin des mesures sont annoncées par le président Emmanuel Macron en 2018 pour tenter de répondre aux «  préjudices matériels et moraux subis  ». Leur reconnaissance mémorielle est en cours.

Parcours 2 Le parcours 1 peut être repris pour le parcours 2.

pp. 192-194

Exercices BAC

Analyse de documents p. 192 Introduction Le document 1 est une affiche italienne réalisée en 1957 afin de célébrer la signature des traités de Rome. Le document 2 est un extrait d’un article rédigé par l’intellectuel français Raymond Aron dans la revue française Preuves en novembre 1958. De 1946 à 1958, la IVe  République est confrontée à trois grands enjeux internationaux  : la décolonisation, la guerre froide et la construction européenne. Parallèlement elle s’engage dans la reconstruction du pays ravagé par la Seconde Guerre mondiale. En dépit de quelques succès, la IVe  République garde l’image d’un régime fragile, instable, agonisant. Finalement, quel bilan objectif peut-on dresser de la IVe République ? Nous présenterons d’abord ses réussites, puis les difficultés auxquelles elle a été confrontée et les critiques qu’elle a essuyées. Partie I. Des réussites A. La reconstruction économique (doc. 2) Raymond Aron émet le souhaite qu’«  en matière économique », la Ve République continue la IVe République. Effectivement, alors que l’appareil productif a été fortement détruit pendant la Seconde Guerre mondiale, la France se redresse fortement. L’État investit et crée une économie mixte avec des services publics et une part importante des moyens financiers du pays contrôlés par l’État. Des entreprises sont nationalisées (Banque de France, Crédit lyonnais, Société générale…), le développement économique est planifié (premier plan de modernisation et d’équipement

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Synthèse

Dans l’industrie, la productivité industrielle a été fortement améliorée (entre 5 et 8 % d’amélioration par an) favorisant logiquement la hausse de la production industrielle (+ 10 % par an). Le taux de croissance moyen du PIB est de 4,6 % dans les années 1950. Très clairement, le redressement des années 1950 est le socle de la haute croissance dont va profiter la Ve République. Pour asseoir cette croissance économique, les dirigeants de la IVe République font le pari de l’ouverture française au marché commun européen. B. La construction européenne (doc. 1 et 2) La construction européenne est l’une des grandes avancées réalisées au temps de la IVe République. Elle est marquée par la « réconciliation avec l’Allemagne » (doc. 2) symbolisée par le discours de Robert Schuman du 9 mai 1950 donnant naissance à la CECA en 1951 et surtout par la signature des traités de Rome (doc. 1). Le 25 mars 1957, six pays acceptent de créer le marché commun  : la Communauté économique européenne (CEE). Ces six pays engagés dans une construction pragmatique et fonctionnaliste de l’Europe sont la France, la RFA, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Le document  1 fait l’éloge de cette « signature des traités pour le marché commun » et de «  l’Euratom  ». Ce projet Euratom (organisation de la coopération européenne dans le domaine de l’énergie atomique) est voté par le Parlement français en juin 1956. L’affiche, destinée à communiquer sur ces nouveautés, montre alors une Europe occidentale idéale, ôtée de toute sa violence belliqueuse. On y voit six allégories des pays signataires qui se tiennent la main et qui entament une joyeuse danse célébrant leur nouvelle entente. Alcide De Gasperi, président démocrate-chrétien du Conseil italien, est cité comme argument d’autorité : « Finalement les frontières tombent et l’on a une seule communauté et une libre circulation des personnes, des biens et surtout du travail. » Certes cette année 1957 est décisive quant à la construction européenne, mais elle ne peut faire oublier l’échec du projet de CED (en 1954), projet d’armée européenne divisant en profondeur les partis politiques français. Partie II. Des difficultés et des critiques… La IVe République est confrontée à des difficultés nombreuses qui alimentent un flot de critiques. A. … liées au fonctionnement politique du régime… La IVe République est un régime instable. « Les Français en avaient assez d’être, par leur instabilité ministérielle, la risée du monde.  » Très américanophile, Raymond Aron met en parallèle la stabilité gouver-

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nementale de la première démocratie du monde avec l’instabilité ministérielle française (22 gouvernements en 12 ans). Néanmoins cette instabilité est à relativiser car si les gouvernements changent, le personnel politique est relativement stable, tout comme l’électorat (de 1947 à 1956, la SFIO, le MRP et les radicaux parviennent à gouverner le pays grâce à des coalitions). Paul Reynaud, de la droite conservatrice et libérale, pense que le fonctionnement français provoque la risée à travers le monde. Cette opinion est reprise ici par Raymond Aron. En réalité cette critique est surtout le fait des gaullistes qui voient cette instabilité gouvernementale comme une source de désordre et d’échec. Les gaullistes voient la IVe  République comme le «  régime des partis  ». Mais c’est un discours simplificateur et aujourd’hui les historiens préfèrent parler de triomphe des parlementaires dans ce qui est réellement un «  régime d’assemblée  ». Les opposants essentialisent les élus en les renvoyant avant tout à leurs partis politiques. Pourtant les partis ne sont guère disciplinés  : dans chaque parti, l’autonomie des hommes politiques prédomine sur l’orientation politique collective du parti (à l’exception du PCF qui propose des hommes politiques disciplinés et contrôlés). N’oublions pas que les trois quarts des députés de 1945 sont des hommes nouveaux, sans expérience parlementaire, dont le prestige repose sur leur destin personnel dans la Résistance. Ils fondent aussi leur action politique sur l’idée d’autonomie. En revanche les périodes de transition intergouvernementale ne favorisent pas la résolution des crises géopolitiques majeures que sont les guerres de décolonisation. B. … et à la question coloniale Selon Raymond Aron, « l’échec majeur de la IVe République, c’est la perte de l’empire » : Indochine, Tunisie, Maroc. Ici Aron propose une vision de la puissance encore fondée sur la dimension territoriale, impériale. Évidemment il n’évoque pas la perte de l’Algérie puisque l’issue est encore incertaine en 1958 au-delà de la Méditerranée. La perte de l’Indochine (1954) et de la Tunisie (1956) est en grande partie actée par le président du Conseil Pierre Mendès France. Le premier territoire obtient son indépendance à la suite d’une longue guerre de 1946 à 1954. Les accords de Genève, signés dans la nuit du 20 au 21 juillet 1954, attribuent le nord du Vietnam aux communistes d’Hô Chi Minh et le sud aux non communistes. Mais une partie des députés accusent Mendès France de brader l’empire. Dans la foulée, le président du Conseil s’occupe des affaires tunisiennes et marocaines en entamant des négociations permettant d’aboutir à l’indépendance des deux protectorats français (indépendances accordées finalement par le gouvernement de Guy Mollet le 2 mars 1956 pour le Maroc, le 20 mars 1956 pour la Tunisie). Ces indépendances restaurent la correspondance entre les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité de

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économique en 1946), les capitaux étatsuniens du plan Marshall stimulent la croissance et le quasi-plein emploi se généralise.

Conclusion Finalement, faire le bilan de la IVe République n’est pas simple. Certains historiens estiment que la IVe  République, instable et agonisante dans la crise algérienne, est irréformable. Mais il faut se méfier du fatalisme. D’autres historiens tels que René Rémond écrivent que « la IVe République n’était pas inéluctablement condamnée » et que son bilan est plus qu’honorable. Dans tous les cas, en mai-juin 1958, de Gaulle propose un nouveau pacte républicain aux Français. Il demande à la culture républicaine d’évoluer en dépassant la méfiance d’un exécutif fort. La Ve  République concilie alors avec davantage de stabilité un régime parlementaire et un pouvoir exécutif renforcé au sein d’un régime semiprésidentiel.

Analyse de documents p. 193 Introduction Le document 1 est une caricature réalisée par Jean Effel et parue dans L’Express du 19 septembre 1958, en pleine campagne pour le référendum sur la nouvelle Constitution de la Ve République prévu le 28  septembre. Le document 2 est un extrait de la Constitution du 4 octobre 1958. À partir de mai 1958, la IV   République entre dans son «  agonie  » (Michel Winock, 2006)  : confrontée de plein fouet à la crise de la décolonisation algérienne depuis  1954, elle est ébranlée par la manifestation algéroise du 13 mai 1958 puis balayée par le retour de Charles de Gaulle dans la vie publique, son investiture le 1er juin 1958 et son projet de nouvelle République. De Gaulle espère qu’un changement de République permettra de restaurer « l’autorité de l’État » et de « porter remède » (Mémoires d’espoir, 1970) à la crise politique française. e

Dans ce contexte tendu, on peut alors se demander comment le changement de République et de Constitution pourra résoudre cette crise politique majeure. Il nous faudra d’abord évoquer le passage de la crise finale de la IVe République à la naissance de la Ve République, puis analyser la Constitution du 4 octobre 1958. Partie. I De la crise finale de la IVe République à la naissance de la Ve République A. La crise algérienne Le document  1 renvoie, à travers le général Massu armé d’une mitraillette et en tenue de parachutiste, au lien entre la sphère militaire algérienne et la sphère politique. Le 1er novembre 1954, le Front de libération nationale proclame l’indépendance algérienne et commet une série d’attentats : c’est la « Toussaint rouge » et le début

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de la guerre d’Algérie. La lutte armée du FLN contre la France et les musulmans algériens modérés est radicale. La IVe République réagit rigoureusement en refusant toute entente avec les insurgés et en menant une répression militaire terrible. Plus d’1,5 million de soldats français sont mobilisés et les Européens d’Algérie espèrent beaucoup de l’intervention militaire de la métropole. De janvier à octobre 1957 a lieu la bataille d’Alger  : le gouvernement de Guy Mollet (SFIO) confie les pouvoirs de police à la division de parachutistes du général Massu pour maintenir l’ordre dans la ville d’Alger. Le FLN y est démantelé à la suite d’opérations françaises très violentes fondées notamment sur l’usage de la torture. À Alger, le général Massu est dès lors très apprécié des pieds-noirs et symbolise la défense de l’Algérie française. Mais en mai 1958, le nouveau président du Conseil annoncé à Paris, Pierre Pflimlin, a la réputation d’être favorable au dialogue avec le FLN. Une manifestation dégénère alors à Alger le 13  mai et se termine par l’occupation populaire du palais du Gouverneur général et par la prise du pouvoir en Algérie par un Comité de salut public dirigé par le général Massu. L’armée de métier prend donc la direction du territoire en guerre avec l’aval de la population européenne d’Algérie. B. Le retour du général de Gaulle Mais les auteurs du coup de force ne souhaitent ni faire sécession avec la métropole, ni imposer un régime militaire. Afin de rentrer dans la légalité, Jacques Massu, ancien soldat des Forces françaises libres pendant la Seconde Guerre mondiale, et d’autres militaires tels que le général Salan, demandent le retour du général de Gaulle au pouvoir à Paris. Militaire et homme politique en retraite, Charles de Gaulle annonce le 15 mai son intention de se mettre à la disposition de la République si nécessaire. Il apparaît comme le candidat idéal pour sortir de la crise : militaire, il pourra être à même de comprendre les révoltés du Comité de salut public ; politicien républicain attaché à la grandeur de la France, il ne pourra sûrement pas abandonner l’Algérie au FLN. À l’issue d’une campagne de communication efficace, de Gaulle est appelé à la tête du gouvernement français par le président René Coty le 28 mai, investi président du Conseil par l’Assemblée nationale le 1er  juin et doté le 2  juin des pleins pouvoirs pour 6 mois afin de résoudre la crise algérienne et réformer la Constitution. C’est pourquoi Effel le représente en tenue de marié, prêt à sceller une union avec Marianne dont les bras sont tenus par deux hommes d’influence au sein de l’Assemblée nationale  : Guy Mollet d’un côté, dirigeant de la SFIO, ancien président du Conseil et partisan de la répression violente menée par Massu lors de la bataille d’Alger, et Félix Gaillard de l’autre côté, dirigeant du parti radical-socialiste, ancien président du Conseil jusqu’au 15 avril 1958 et également partisan de l’Algérie française. Effel dessine ici la

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la République mais tendent une partie de l’opinion française dans le contexte dramatique de la guerre d’Algérie (1954-1962).

Partie II. La Constitution de la Ve République A. Une nouvelle République La Ve République est proclamée le 4 septembre 1958 (jour anniversaire de la proclamation de la IIIe République) alors que le projet de nouvelle Constitution doit être soumis à un référendum le 28 septembre. Ce projet est issu des échanges entre de Gaulle (guidé par les idées du discours de Bayeux de 1946), une équipe de juristes réunis autour de Michel Debré, et un comité consultatif de 39  membres (deux tiers de parlementaires, un tiers de personnalités choisies par le général de Gaulle). Le document  1 insinue le ralliement des députés au projet gaullien. Mais certains, tels que le radical Pierre Mendès France ou François Mitterrand (chef de l’UDSR), choisissent clairement l’opposition et le camp du non. Par ailleurs les résultats du 28 septembre apparaissent comme un véritable plébiscite des Français en faveur de Charles de Gaulle puisqu’ils votent «  oui  » à plus de 79 % des suffrages exprimés. La nouvelle Constitution entre donc en vigueur le 4 octobre 1958. La vision sarcastique proposée par Effel dans le document  1 reflète finalement davantage la ligne éditoriale de L’Express (antigaulliste) que la réalité de l’opinion publique française d’alors. B. Un régime semi-présidentiel Le document  2 montre que le fonctionnement de la République est profondément transformé : le régime d’assemblée de la IVe République fait place à une république semi-présidentielle. Certes cette Constitution renforce le poids de l’exécutif (Titre II, articles 5, 6, 8, 16) mais elle ne met pas en application la vision gaulliste présentée en 1946 dans le discours de Bayeux. La Ve  République est un régime mixte, ni régime présidentiel strict, ni régime parlementaire. Ce n’est pas le président qui est censé gouverner le pays mais le Premier ministre à la tête du gouvernement qui «  détermine et conduit la politique de la nation  » (Titre  III, article  20) et qui peut utiliser l’article 49-3 pour faire adopter un texte sans avoir besoin de faire voter le Parlement. Le Parlement ne voit pas tous ses pouvoirs disparaître : il peut proposer des lois (Titre  V, article  39) et les voter (article  34). L’Assemblée nationale peut aussi renverser le gouvernement si une majorité de députés le souhaite. Par ailleurs le président de la République n’est pas élu au suffrage universel direct (Titre  II, article  6), contrairement aux députés. Ainsi de Gaulle est élu président par un collège électoral pour 7 ans le 21 décembre 1958 et investi le 8 janvier 1959. Mais c’est lui qui nomme le Premier ministre en

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vertu de l’article  6 (Michel Debré devient le Premier ministre de Charles de Gaulle), qui préside le Conseil des ministres, qui peut dissoudre l’Assemblée nationale –  après consultation du Premier ministre et des présidents des deux assemblées mais sans obligation de tenir compte de leur avis (article  12)  – , qui peut recourir au référendum (Titre premier, article 3) pour asseoir sa légitimité et ses choix politiques et surtout qui peut obtenir des pouvoirs exceptionnels grâce à l’article 16. Tous ces changements doivent permettre de réduire l’hégémonie du Parlement, d’empêcher toute instabilité ministérielle, de renforcer l’autorité du pouvoir exécutif et de restaurer l’autorité de l’État. Conclusion La Constitution de 1958, par sa mise en place et son contenu, souligne le renforcement du pouvoir présidentiel en France. Ces nouvelles institutions, qui rompent avec le régime d’assemblée de la IVe  République, permettent de renouer avec une stabilité gouvernementale. Mais c’est surtout par la révision constitutionnelle de 1962, approuvée par référendum le 28  octobre, qui instaure l’élection présidentielle au suffrage universel direct, que la Ve République renforce la dimension présidentialiste du régime jusqu’à aujourd’hui.

Question problématisée p. 194 Introduction En 1999, année de la reconnaissance par le Parlement du conflit algérien comme étant pleinement une guerre ayant eu lieu de 1954 à 1962, l’historien « rapatrié » Benjamin Stora évoque la notion de «  nostalgérie  » dans son ouvrage Le Transfert d’une mémoire. «  Nostalgérie  » est un mot-valise reflétant la nostalgie de la vie dans l’Algérie coloniale, vue comme un âge d’or pour les pieds-noirs ou les harkis. Pour autant, les mémoires de la guerre d’Algérie sont multiples. Les souvenirs subjectifs de ce passé sont fondés sur la sélection, l’affectif et l’oubli. Ils peuvent aussi être individuels ou collectifs, ce qui favorise leur multiplicité en France ou en Algérie. Benjamin Stora parle de « mémoire enkystée » de la guerre d’Algérie. Comment alors parvenir à analyser la guerre d’Algérie et ses mémoires ? Nous analyserons d’abord les débuts de la guerre de décolonisation (1954-1957), puis la crise profonde que traverse la France en 1958, enfin la fin du conflit (1959-1962) ainsi que ses mémoires jusqu’à nos jours. Partie I. Les débuts de la guerre de décolonisation (1954-1957) montrent une France malade de l’Algérie A. L’insurrection Le 1er novembre 1954, le Front de libération nationale (FLN) se révolte pour obtenir l’indépendance de l’Algérie : c’est la « Toussaint rouge ». Il s’engage dans la lutte armée révolutionnaire contre la métropole française. Cette organisation, issue d’une scission du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocra-

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possibilité de référendum sur la future Constitution comme un jeu de dupes et finalement comme un véritable coup de force militaire réalisé sans respect pour les lois françaises mais avec l’aval des parlementaires français.

Mais la rébellion est très minoritaire au départ. Les quelques dizaines de milliers de combattants de l’Armée de libération nationale (ALN) ne parviennent pas à résister à la puissance militaire française (plus de 400 000 soldats sur le terrain et mobilisation de plus d’1,5 million de soldats en tout) : elle est rapidement repoussée dans les confins algériens et au-delà des frontières algériennes, accueillie à partir de 1956 en Tunisie et au Maroc, pays voisins nouvellement indépendants. B. « L’Algérie c’est la France » La IVe  République refuse l’indépendance de l’Algérie (divisée entre trois départements au Nord et les territoires du Sud dirigés par l’armée française) et s’engage dans la répression armée de la révolte du FLN. Le ministre de l’Intérieur François Mitterrand déclare le 12  novembre 1954  : «  L’Algérie c’est la France. Et qui d’entre vous, mesdames, messieurs, hésiterait à employer tous les moyens pour préserver la France ? » Dès avril 1955, l’état d’urgence y est proclamé (c’està-dire la suspension de l’exercice habituel des libertés publiques) à la suite de massacres de Français dans la région de Constantine et, durant l’automne 1955, des soldats du contingent y sont envoyés en renfort. Des contre-offensives françaises ont lieu partout et la guerre à outrance s’installe. C. Une guerre choquante Cette guerre divise. Certains moyens employés par la IVe  République choquent des observateurs tels que l’historien Henri-Irénée Marrou, notamment l’usage de la torture pour tenter de démanteler les groupes terroristes du FLN et éviter de nouveaux attentats contre les intérêts français. C’est ce qui se passe lors de la bataille d’Alger qui se déroule en 1957 : le gouvernement de Guy Mollet (SFIO) confie les pouvoirs de police à la division de parachutistes du général Massu pour maintenir l’ordre dans la ville d’Alger. Le FLN y est démantelé mais les critiques fusent dans les médias métropolitains contre la torture érigée en système de terreur (Pierre Vidal-Naquet, L’Affaire Audin, 1958). Plus la guerre d’Algérie se poursuit, plus les Français pensent que l’Algérie obtiendra prochainement son indépendance. Cet avis est plus important chez les électeurs du PCF (très anticolonialistes) et moins important au sein de la SFIO (de Guy Mollet) ou du MRP (de Georges Bidault).

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Transition Le 29 mars 1957, le général de La Bollardière, opposé à l’usage de la torture, publie dans L’Express une lettre dénonçant « l’effroyable danger qu’il y aurait pour nous à perdre de vue, sous le prétexte fallacieux de l’efficacité immédiate, les valeurs morales qui seules ont fait jusqu’à maintenant la grandeur de notre civilisation et de notre armée ». Partie II. En 1958, la guerre d’Algérie suscite une crise profonde en France A. Une opinion publique à fleur de peau En février 1958, des avions français bombardent un village de Tunisie (pays indépendant depuis 1956) sous prétexte de frapper l’un des camps d’entraînement du FLN (69 morts dont 21 enfants). En représailles, le FLN met à mort trois prisonniers français. Le débat à l’Assemblée nationale a pour conséquence de renverser le gouvernement. Le député Pierre Pflimlin semble alors le mieux placé pour devenir président du Conseil. Mais il apparaît comme un partisan de la négociation avec le FLN. Le 13  mai, une cérémonie et une manifestation sont prévues à Alger pour rendre hommage aux trois français tués par le FLN. La manifestation est gigantesque et se termine par l’investissement par la foule du Gouvernement général d’Alger. Le général Massu, ovationné par la foule, prend alors le pouvoir au sein d’un Comité de salut public. La guerre civile, voire la sécession, semble menacer. B. Le retour du général de Gaulle Pour autant le Comité de salut public ne veut pas faire sécession. Il cherche un moyen de rentrer dans la légalité. C’est alors que des gaullistes présents à Alger soufflent le nom du général de Gaulle aux membres du Comité. Le 15 mai, de Gaulle se déclare «  prêt à assumer les pouvoirs de la République  ». Il semble l’homme providentiel pour la majorité des acteurs de cette crise. Soldat, il semble à même de comprendre l’armée et, républicain, il pourra apparaître légitime et sûr auprès de l’opinion publique et des partis français. Ainsi il est appelé à la tête du gouvernement par le président René Coty le 29 mai, puis investi par l’Assemblée nationale le 1er  juin des pouvoirs spéciaux pour 6 mois avec la mission de résoudre la crise algérienne et de réformer la Constitution. C. Une France divisée Les adversaires de Charles de Gaulle (communistes, Pierre Mendès France, François Mitterrand, etc.) estiment qu’il s’agit d’un coup de force fasciste mené par l’armée, alors que de Gaulle affirme son attachement à la République et aux libertés fondamentales en rappelant son action entre 1940 et 1946. Mais les partisans du maintien de l’Algérie française (Jacques Soustelle, ancien gouverneur d’Algérie, la

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tiques de Messali Hadj), est composée de nationalistes convaincus réunis autour de l’ancien adjudant de l’armée française, Ahmed Ben Bella. Leurs buts sont «  l’indépendance nationale  » algérienne, «  la restauration de l’État algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques  », «  le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions  ». Leurs moyens sont « révolutionnaires », à savoir la lutte armée contre le colonialisme (attentats du 1er novembre 1954).

Transition Pour autant, personne ne sait alors quelle est la politique algérienne prévue par de Gaulle. Dans la réalité elle s’avère pragmatique. Pour lui, l’essentiel est de restaurer la France et l’État dans sa position internationale. Partie III. La fin de la guerre d’Algérie et le temps des mémoires A. La fin de la guerre d’Algérie (1959-1962) Afin de sortir de la crise algérienne, le général de Gaulle propose une ouverture démocratique aux Algériens le 16  septembre 1959 alors que l’armée française maîtrise la situation militaire en Algérie. Un référendum à venir doit permettre de choisir entre trois solutions : soit la sécession avec une Algérie totalement indépendante de la France, soit une «  francisation  complète  » de l’Algérie, c’est-à-dire une intégration complète et à égalité des 9  millions de musulmans au sein de la communauté des citoyens, soit une association politique de l’Algérie et de la France inspirée du Commonwealth britannique avec deux États indépendants mais coopérants (c’est l’option préférée du général de Gaulle). En somme, de Gaulle tente de résoudre la question algérienne par une solution démocratique. Finalement le 8 janvier 1961, un référendum conforte la proposition gaulliste puisque ce choix d’autodétermination est approuvé par 75  % des suffrages en métropole et par 69 % des suffrages en Algérie. Mais les partisans de l’Algérie française se sentent trahis par la politique gaulliste d’autodétermination alors qu’ils s’estiment à l’origine du retour du général au pouvoir à la suite du soulèvement du 13 mai 1958. Une partie des Européens d’Algérie crée alors l’Organisation armée secrète (OAS), organisation clandestine terroriste née en février 1961 et dirigée par le général Salan à partir de septembre 1961, opposée à l’indépendance algérienne et agissant en 1961-1962 contre le FLN mais aussi contre les structures gouvernementales et militaires françaises (attentat du Petit-Clamart du 22 août 1962 contre de Gaulle…). Finalement, la guerre d’Algérie se termine par l’indépendance algérienne proclamée officiellement le 5  juillet 1962. Mais auparavant un cessez-le-feu est signé entre le FLN et la Ve République le 18 mars 1962 (accords d’Évian) tandis que le 1er  juillet le peuple algérien vote pour l’indépendance totale, à 99,7  % des suffrages exprimés, indépendance proclamée le 5  juillet 1962. Près d’1  million de pieds-noirs et de harkis quittent l’Algérie et débarquent en France

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métropolitaine. Leur intégration soulève alors des difficultés. B. Le temps de l’occultation des mémoires Sous-partie rédigée dans le manuel p. 194. C. Le temps de la reconnaissance progressive   des mémoires Sous-partie rédigée dans le manuel p. 194. Conclusion En somme, l’analyse de la guerre d’Algérie et de ses mémoires suit une évolution chronologique. Les débuts du conflit montrent la France malade de l’Algérie de 1954 à 1957. Le pays bascule ensuite en 1958 dans une profonde crise politique qui favorise le retour du général de Gaulle au pouvoir et la naissance de la Ve République. Après la résolution du conflit algérien de 1959 à 1962, voici venu le temps des mémoires  : d’abord profondément occultées puis remises en avant à partir des années 1980 et finalement hypermnésiques depuis les années 2000, ces mémoires sont souvent très clivantes. Même si les pouvoirs publics tentent peu à peu de panser les blessures mémorielles. Ouverture Après l’indépendance algérienne de 1962, la France cesse d’être une puissance coloniale. Elle n’en reste pas moins une puissance internationale, bénéficiant de la possession de l’arme nucléaire depuis 1960, de sa place de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU et de la politique gaulliste de grandeur symbolisée par cette formule  : «  La France n’est réellement elle-même qu’au premier rang  » (Mémoires de guerre, 1954).

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Sujet blanc

Première partie : question problématisée Partie I. Une puissance mondiale entre les deux géants A. Un positionnement au sein des pays de l’Ouest,   mais libre Choix du bloc de l’Ouest, dissuasion nucléaire autonome (1960), mais elle subit l’influence de l’ONU et des États-Unis pendant la guerre d’Algérie, retrait de l’OTAN en 1966… B. Un dialogue avec les pays de l’Est Voyage de Khrouchtchev en France en 1960, de de Gaulle en URSS en 1966, reconnaissance de la République populaire de Chine en 1964, son programme avec les pays de l’Est est «  détente, entente, coopération  », critique de l’engagement étatsunien au Vietnam… Partie II. Une puissance européenne indépendante A. Le rapprochement franco-allemand Entente Adenauer/de Gaulle dès 1958, traité de l’Élysée de 1963…

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majorité des pieds-noirs, une partie de l’armée de métier, etc.) sont satisfaits du retour du général de Gaulle au pouvoir car il apparaît comme un soutien de l’armée, de l’empire et de la grandeur de la France. En voyage à Alger le 4 juin, de Gaulle lance aux partisans de l’Algérie française « Je vous ai compris » et le 6 juin, à Mostaganem il s’écrie : « Vive l’Algérie française ! »

B. Pour une Europe des États Rejet de tout fédéralisme, maintien de l’indépendance et de la souveraineté françaises, tensions avec les membres de la CEE, rejet de l’entrée dans la CEE du Royaume-Uni (1963 et 1967), politique de la chaise vide (1965-1966). Partie III. Une puissance économique souveraine A. État entrepreneur Investissements productifs, planification, centralisme économique, projets initiés par l’État (Airbus, Concorde, autoroutes…), aides publiques… B. Prospérité économique Trente Glorieuses, société de consommation, croissance du PIB…

Deuxième partie : analyse de document Partie I. Mendès France montre sa clairvoyance par le passé… A. Vote contre la Constitution de 1946 Aux côtés de de Gaulle, car Mendès France souhaitait davantage d’équilibre entre le gouvernement et le Parlement. B. Refus d’une politique coloniale dominatrice Choix d’une politique d’ouverture, d’association fraternelle (Indochine, Tunisie). Partie II. … c’est pourquoi il demande aux Français de voter comme lui en 1958 A. Mendès France votera «  non  » au projet de nouvelle Constitution

4. Qu’est-ce que la « Toussaint rouge » ? « La Toussaint rouge », le 1er novembre 1954, est le début de la guerre d’Algérie marquée par une série d’attentats commis par le FLN qui autoproclame l’indépendance algérienne (effective en 1962). 5. Qui était Maurice Audin ? Maurice Audin était un Français d’Algérie mais anticolonialiste : mathématicien à l’université d’Alger, il soutient le combat pour l’indépendance algérienne mené par le FLN. Il est arrêté, torturé et tué par l’armée française en 1957 pendant la bataille d’Alger. Il faut attendre 2018 pour que la France reconnaisse ce crime d’État. 6. En quelle année la Ve République est-elle instaurée ? La Ve République est instaurée en 1958. 7. Quand la Côte d’Ivoire est-elle devenue indépendante ? La Côte d’Ivoire devient indépendante en 1960. 8. Que sont les accords d’Évian ? Les accords d’Évian sont signés le 18 mars 1962 entre la France et les représentants du FLN : ils proclament la fin des opérations militaires et de la lutte armée à partir du 19 mars et la mise en place d’une consultation d’autodétermination sur l’indépendance algérienne. 9. Qui sont les « pieds-noirs » ? Les «  pieds-noirs  » sont les Européens et descendants d’Européens installés en Algérie pendant la colonisation française ayant, en grande partie, quitté l’Algérie pour la France à la fin de la guerre d’Algérie. 10. En quelle année la France reconnaît-elle qu’il y a eu officiellement une guerre en Algérie ? Il faut attendre 1999 pour que la Ve  République reconnaisse que le conflit en Algérie était bien une guerre plutôt que de simples opérations de maintien de l’ordre.

Peur du fascisme, d’un coup d’État bonapartiste commis par de Gaulle … B. Pour une défense des valeurs de la République Liberté, fraternité, paix et réconciliation en France et outre-mer, refus de la victoire des partisans de l’Algérie française…

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Révisions

Répondre et mémoriser

2. En quelle année la CEE est-elle créée ? La CEE est créée en 1957. 3. En quoi consiste la réforme de la Constitution de la Ve République en 1962 ? À partir de 1962, le président de la République française est élu au suffrage universel direct par les citoyens et les citoyennes.

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1. En quelle année le projet de CED est-il rejeté par la France ? La France rejette le projet de CED en 1954.

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La modification des grands équilibres  économiques et politiques mondiaux Le point sur le programme Objectifs du chapitre

Ce chapitre vise à montrer les conséquences sociales, économiques et géopolitiques des chocs pétroliers (1973 et 1979), dans le cadre d’une crise économique occidentale qui caractérise la période, mais aussi ses profondes évolutions politiques : la démocratie trouve une nouvelle vigueur, de la chute des régimes autoritaires d’Europe méridionale (Grèce, Portugal et Espagne) à l’effondrement du bloc soviétique, tandis que la révolution iranienne marque l’émergence de l’islamisme sur la scène politique et internationale. On peut mettre en avant : – les chocs pétroliers : la crise économique occidentale et la nouvelle donne économique internationale ; – la libéralisation et la dérégulation ; – la révolution islamique d’Iran et le rejet du modèle occidental ; – la démocratisation de l’Europe méridionale et les élargissements de la CEE ; – l’effondrement du bloc soviétique et de l’URSS.

Points de passage et d’ouverture

Ronald Reagan et Deng Xiaoping : deux acteurs majeurs d’un nouveau capitalisme.





L’année 1989 dans le monde.

La logique du chapitre

Si les bouleversements économiques de la période sont importants et influent sur les relations internationales, le monde connaît aussi des bouleversements d’ordre politique. En Europe du Sud tout d’abord, la démocratie renaît et remplace des dictatures nées dans l’entre-deux-guerres (Portugal, Espagne) ou plus récemment (Grèce). L’intégration de ces pays dans la CEE marque une nouvelle étape dans la construction européenne (Étude pp. 210-211). Les équilibres internationaux se trouvent également modifiés par la chute du régime du chah en Iran en 1979 et la naissance d’un régime islamiste chiite dirigé par l’ayatollah Khomeini. La République islamique d’Iran, en s’appuyant sur une lecture radicale du Coran et en affirmant la primauté du religieux sur le politique, rejette, souvent de manière violente (crise des otages américains de nov. 1979-janv. 1981), les valeurs de l’Occident (Étude pp. 212-213). Enfin, le dernier grand bouleversement politique de la période étudiée dans ce chapitre réside bien sûr dans l’effondrement du bloc communiste (Repères pp. 214-215). L’année 1989 constitue une année charnière puisqu’elle voit disparaître le communisme dans la plupart des démocraties populaires d’Europe de l’Est alors qu’en Chine celui-ci se renforce à la faveur de la répression des manifestations étudiantes de la place Tian’anmen (Point de passage pp. 216-217). Cette lente agonie du bloc soviétique s’achève avec la disparition de l’URSS en décembre 1991 (Étude pp. 218-219).

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La période des Trente Glorieuses prend fin dans les années 1970. Si la croissance montre déjà quelques signes d’essoufflement à la fin des années 1960, ce sont bien les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 qui vont pousser les économies occidentales dans une crise inédite par sa nature et sa durée (Étude pp. 202-203). Ce contexte économique provoque une remise en cause des politiques keynésiennes tandis que le libéralisme, porté par l’École de Chicago, connaît un regain d’intérêt dans les États-Unis de Ronald Reagan (Point de passage pp. 204205). Les thèses néolibérales, malgré leur coût social important, sont adoptées au Royaume-Uni, partiellement en France et en Allemagne de l’Ouest, et reprises par les grandes institutions internationales comme le FMI et la Banque mondiale qui font du consensus de Washington (1989) un préalable à tout accord de prêts aux pays en difficulté. Il est également intéressant de voir, qu’à la même époque, la Chine fait aussi le choix de s’ouvrir partiellement au libéralisme pour sortir du sous-développement. En quelques années seulement, dans le contexte d’une économie mondialisée, le « socialisme de marché » permet au pays de Deng Xiaoping de connaître une croissance jamais atteinte jusque-là (Point de passage pp. 206-207).

Pour aller plus loin Bibliographie – Françoise Coste, Reagan, Perrin, coll. « Tempus », 2018. – Sabine Effosse, Laure Quennouëlle-Corre, L’Économie du monde depuis 1945, « Documentation photographique » n° 8 110, La Documentation française, mars-avril 2016. – Yann Richard, « La prise de pouvoir par l’ayatollah Khomeini », Les Collection de l’Histoire n° 42, janvier-mars 2009. – Alain Roux, Histoire de la Chine contemporaine, Armand Colin, coll. « Cursus », 2015. – Nicolas Werth, Histoire de l’Union soviétique de l’Empire russe à la communauté des États indépendants, 1900-1991, PUF, 2012. Films et séries – Ken Loach, Raining Stones, 1993. La vie dans une banlieue ouvrière anglaise pendant les années Thatcher. – Craig Mazin, Chernobyl, 2019. Série qui montre les failles du système et de l’économie soviétiques en 1986. – Maria de Meideros, Capitaines d’avril, 2001. Sur la révolution des Œillets au Portugal. – Marjane Satrapi, Persepolis, 2007. La vie d’une enfant devenue femme dans l’Iran de Khomeini. – Hubertus Siegert, Berlin Babylon, 2001. Documentaire sur la reconstruction de Berlin après la chute du mur. – Oliver Stone, Wall Street, 1987. Le monde de la finance aux États-Unis pendant les « années Reagan ».

Ouverture

Les deux photographies évoquent les bouleversements économiques et politiques de la période qui va du début des années 1970 à 1991. Document 1 En 1973, pour protester contre l’aide apportée par les pays occidentaux à Israël pendant la guerre du Kippour, les pays de l’OPEP augmentent les prix du baril de pétrole et diminuent leur production. Ce premier choc pétrolier conduit à une situation de tension vis-à-vis de l’approvisionnement en carburant, que cette photographie prise à Hampstead en banlieue de Londres veut évoquer. Toutefois, il faut observer qu’il n’y eut jamais de véritable pénurie ni pendant le premier ni pendant le second choc pétrolier. En revanche, les prix ont fortement augmenté, provoquant une crise économique durable. Document 2 En décembre 1989, dans un climat de forte contestation populaire, un coup d’État en Roumanie renverse le régime communiste de Nicolae Ceausescu. Alors que ce dernier est fusillé, une démocratie parlementaire se met en place et les traces du communisme sont peu à peu effacées par le nouveau régime. En mars 1990, la statue de Lénine qui se trouve place de l’Étoile est déboulonnée. Cette statue géante, sculptée par l’artiste roumain Boris Caragea en 1960, avait été installée devant la Casa Scînteii (maison de la Presse libre) que l’on aperçoit partiellement à l’arrière-plan droit de la photographie. Ce bâtiment, construit entre 1949 et 1954, abrite jusqu’en 1989 le siège du journal Scînteia, organe officiel du Comité central du Parti communiste roumain. La photographie met en avant ici à la fois la satisfaction

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éprouvée par la population (ouvrier monté sur la statue), mais aussi la sidération d’une partie de la foule venue assister en masse à l’événement. La présence de caméras et d’appareils photo en grand nombre témoigne du fait que chacun (journaliste ou simple particulier) a le sentiment de vivre un moment historique majeur.

pp. 202-203

Étude

Les chocs pétroliers : la crise économique en Occident Cette première étude se propose de revenir sur les causes, le déroulement et les conséquences des deux premiers chocs pétroliers. Une ère d’incertitude économique s’ouvre, mettant fin aux trois décennies de croissance des Trente Glorieuses (1946-1973). Le terme «  choc  » témoigne bien du traumatisme ressenti alors dans toutes les sociétés des pays développés. VIDÉO L’OPEP

Questionnaire 1. Qu’est-ce que l’OPEP ? Il s’agit de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole fondée en 1960. L’Arabie saoudite en est le pilier. 2. Que décide l’OPEP en 1973 et pourquoi ? Dans le contexte de la guerre du Kippour, l’OPEP instaure un embargo sur les alliés d’Israël et multiplie les prix du pétrole par 4. 3. Quelles sont les conséquences de ces décisions ? La chute de la croissance, l’inflation, le déficit dans les économies occidentales.

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pp. 200-201

5. Pourquoi parle-t-on d’un déclin de l’OPEP après 1979 ? L’OPEP se désunit, la production augmente et les prix baissent. Les variations des prix du pétrole dépendent plus des marchés que des producteurs.

Réponses aux questions p. 203 1. La guerre du Kippour (doc. 1 et 6) de 1973 est à l’origine du premier choc pétrolier tandis que la révolution islamique en Iran de 1979 (doc.  2) est à l’origine du second choc pétrolier. 2. En 1973, les pays de l’OPEP décident d’augmenter les prix et de diminuer leur production de 5 % par mois jusqu’à ce qu’Israël accepte d’évacuer les territoires occupés (doc.  1). La hausse des prix du baril (387  % d’augmentation en deux mois) est nettement visible sur le doc. 3. En 1979, les membres de l’OPEP annoncent une hausse de plus de 20 % des prix du baril de pétrole (doc. 2) alors que les prix étaient restés à peu près stables depuis 1973 (doc. 3). 3. Dès 1972, dans les pays évoqués dans le doc. 5, on peut remarquer une augmentation du chômage et/ou de l’inflation. En 1975, ces chiffres augmentent très fortement, l’inflation atteignant même des niveaux très élevés au Royaume-Uni et en Italie. Alors que la situation semble s’améliorer en 1978, le second choc pétrolier fait de nouveau repartir à la hausse le chômage et l’inflation. En France, le taux de chômage augmente pour atteindre 4,4 % (soit 900 000 personnes) en 1975 (doc. 4), ce qui est un chiffre moins élevé qu’en Italie ou au Royaume-Uni. L’inflation quant à elle augmente à un rythme plus soutenu. Les effets du second choc pétrolier se feront plus durement ressentir en France comme le montrent les chiffres du doc. 5 pour l’année 1981. 4. La hausse des prix du pétrole, principale source d’énergie, provoque une hausse des coûts de production, elle-même à l’origine d’une hausse des prix (inflation). Cette hausse des prix est défavorable à la consommation et au commerce extérieur, les entreprises ralentissent donc leur production, ont des difficultés financières et se retrouvent contraintes de licencier quand elles ne déclarent pas faillite. C’est ainsi que l’on peut lier les chocs pétroliers, l’inflation et le chômage.

Synthèse Des facteurs géopolitiques – guerre du Kippour en 1973 et révolution islamique en Iran en 1979 – sont à l’origine des deux premiers chocs pétroliers. Dans les deux cas, ces événements géopolitiques se traduisent par une augmentation importante des prix du baril de pétrole décidée par les pays de l’OPEP. Les deux chocs pétroliers ont des conséquences écono-

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miques importantes puisqu’ils provoquent une hausse des coûts de production génératrice d’inflation et de ralentissement de la production. Les entreprises mises en difficulté n’ont parfois pas d’autre choix que de fermer ou de licencier une partie de leurs salariés. Le coût social des deux chocs pétroliers est lourd. L’inflation affecte le pouvoir d’achat des consommateurs et, dans tous les pays industrialisés, les manifestations se multiplient contre la hausse du chômage et la «  vie chère ».

pp. 204-205

Point de passage

Ronald Reagan et la diffusion du néolibéralisme Le néolibéralisme prôné par Ronald Reagan aux ÉtatsUnis, ainsi que par Margaret Thatcher au Royaume-Uni, apparaît pour beaucoup dans les années 1980 comme le seul moyen pour résoudre la crise économique dans laquelle les sociétés industrialisées se sont enfoncées après 1973. Il s’agit dans cette double-page de montrer les réussites de ce modèle néolibéral dans les années 1980, son rayonnement à travers le consensus de Washington (1989) mais aussi ses limites et en particulier son coût social élevé. VIDÉO Le libéralisme de Reagan et Thatcher

Questionnaire 1. Qu’est-ce qui menace le capitalisme d’après Milton Friedman ? La bureaucratie. 2. Quel programme économique Ronald Reagan met-il en avant durant la campagne électorale de 1980 ? Moins d’État, moins d’impôts, plus de revenus. 3. En quoi le premier discours de Ronald Reagan après son élection rend-il hommage aux théories de Milton Friedman ? « Le problème, c’est l’État ». 4. Qu’est-ce qui brime l’esprit d’entreprise au RoyaumeUni, d’après Margaret Thatcher ? L’idéologie socialiste, des impôts trop élevés, une trop grande réglementation, un excès de dépenses publiques.

Réponses aux questions p. 205 Parcours 1 1. Au moment où Ronald Reagan est élu en 1980, les États-Unis connaissent «  des difficultés économiques de grande ampleur » (doc. 2). Alors que la croissance du pays est négative, l’inflation dépasse 9  % et le taux de chômage est d’environ 6,5 % (doc. 3). 2. La politique néolibérale de Ronald Reagan en matière économique se résume en une phrase  : «  dans la crise actuelle, le gouvernement n’est pas la solution à nos problèmes ; le gouvernement est le problème » (doc. 2).

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4. Que se passe-t-il en 1979 ? La révolution islamique en Iran fait monter les prix, jusqu’à 40 dollars le baril en 1980.

3. Au Royaume-Uni également, Margaret Thatcher lance son pays sur la voie du néolibéralisme. L’État se désengage comme le montre la vague de privatisations et favorise une vaste dérégulation des activités bancaires et financières. Là encore, cette politique économique parvient à sortir de la crise un pays qui avait été gravement touché dans les années 1970 : croissance de près de 4 % par an entre 1984 et 1990, baisse de l’inflation… Mais cette réussite se fait aussi au prix d’un coût social très élevé : le chômage monte jusqu’à 11,6 % de la population active en 1986 et ne baisse ensuite que lentement, tandis que les inégalités sociales s’accroissent fortement. 4. Le consensus de Washington de 1989 résume les principes de la doctrine néolibérale. Énoncés par l’économiste John Williamson, ces principes sont imposés par le FMI et la Banque mondiale aux pays du Sud en difficulté qui demandent leur aide.

Synthèse Lorsqu’il arrive au pouvoir aux États-Unis en 1980, Ronald Reagan doit faire face à une situation économique désastreuse : l’inflation et le chômage se sont envolés avec le second choc pétrolier et le pays est entré en récession. Le nouveau président entend rompre avec la politique de relance keynésienne de ses prédécesseurs et fait confiance aux thèses néolibérales de l’École de Chicago : désengagement de l’État, maîtrise des dépenses, dérégulation. D’un strict point de vue économique, ces mesures sont un succès puisque la croissance reprend et que le chômage mais surtout l’inflation diminuent. Mais le coût social de ces politiques est important et fragilise les plus pauvres (gel du salaire minimum et baisse des subventions d’assurance maladie). Au Royaume-Uni, Margaret Thatcher mène la même politique et obtient les mêmes résultats. À la fin des années 1980, le triomphe du néolibéralisme s’exprime par la mise en place du consensus de Washington, ensemble de mesures d’inspiration libérale, vite imposées par le FMI et la Banque mondiale à tout pays en difficulté qui leur demanderait de l’aide.

Parcours 2 Lorsqu’il arrive au pouvoir aux États-Unis en 1980, Ronald Reagan (doc.  1) doit faire face à une situation économique désastreuse  : l’inflation et le chômage se

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sont envolés avec le second choc pétrolier et le pays est entré en récession (doc. 2). Le nouveau président entend rompre avec la politique de relance keynésienne de ses prédécesseurs et fait confiance aux thèses néolibérales de l’École de Chicago : désengagement de l’État, maîtrise des dépenses, dérégulation (doc. 1). D’un strict point de vue économique, ces mesures sont un succès puisque la croissance reprend (elle atteint 7,9 % en 1984) tandis que le chômage et surtout l’inflation diminuent (doc.  3). Mais le coût social est important et fragilise les plus pauvres (doc. 4). Au Royaume-Uni (doc.  5), Margaret Thatcher mène la même politique et rencontre les mêmes succès  : croissance à 4 % par an entre 1983 et 1990, inflation réduite à 5,3  % en 1990. Comme aux États-Unis toutefois, le coût social de ces mesures est important et le chômage en particulier reste élevé (6,9  % en 1990). À la fin des années 1980 néanmoins, le triomphe du néolibéralisme s’exprime par la mise en place du consensus de Washington, ensemble de mesures d’inspiration libérale, vite imposées par le FMI et la Banque mondiale à tout pays en difficulté qui leur demande de l’aide (doc. 6).

pp. 206-207

Point de passage

Deng Xiaoping et le « socialisme de marché » Après la mort de Mao Zedong en 1976, la Chine craint que son retard économique ne provoque à plus ou moins long terme la faillite du système communiste. Deng Xiaoping lance alors, dans le contexte d’une mondialisation accrue et de l’affirmation des idées libérales, une nouvelle forme de capitalisme, le «  socialisme de marché », propre à faire de son pays une grande puissance économique. Les effets de cette politique d’ouverture aux investissements se font rapidement sentir et une partie de la population chinoise s’enrichit. VIDÉO Deng Xiaoping et la révolution

économique Questionnaire 1. En quoi la politique économique de Deng Xiaoping marque-t-elle une rupture avec celle de Mao Zedong ? Fin des grands travaux, ouverture aux investisseurs étrangers (Citroën, Pierre Cardin). 2. Comme cette politique se traduit-elle sur le taux de croissance moyen de la Chine ? La croissance atteint un taux de 10 % par an en moyenne. 3. Quelles sont les conséquences sociales de cette politique ? Conditions de vie difficiles des ouvriers entassés dans des dortoirs, pas de protection sociale. 4. L’ouverture de la Chine est-elle aussi politique ? Répression du printemps de Pékin en 1989.

CHAPITRE 7 La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux

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Les mesures mises en place rompent avec la politique keynésienne de ses prédécesseurs  : désengagement de l’État, baisse de la charge fiscale… On constate grâce au doc. 3 que cette politique a des effets positifs puisque la croissance repart très fortement à partir de 1982 jusqu’à atteindre 7,9 % en 1984, tandis que l’inflation et le chômage diminuent. Toutefois, le désengagement de l’État et la dérégulation qui s’en suit ont aussi pour conséquence une baisse des budgets sociaux qui pousse les citoyens les plus fragiles dans la misère.

Parcours 1 1. En 1978, Deng Xiaoping lance la politique des « Quatre modernisations » qui vise à réformer l’industrie, l’agriculture, le secteur technologique et la défense nationale. Dans les années qui suivent, le socialisme de marché se met en place pour combiner économie dirigée et libéralisme économique. 2. Cette transformation de l’économie chinoise survient lorsqu’après la mort de Mao, Deng Xiaoping est obligé de constater le retard économique de son pays (doc. 1). Sa politique se veut pragmatique : « bien sûr nous ne voulons pas du capitalisme mais nous ne voulons pas non plus être pauvres sous le socialisme » (doc. 2b). 3. Pour atteindre les objectifs fixés par Deng Xiaoping, la Chine s’ouvre aux investissements étrangers. Peu à peu, pendant les années 1980, quatre ZES, puis des villes et des régions littorales ont tour à tour l’autorisation de recevoir des IDE (doc. 4). L’ouverture du premier McDonald’s de Chine à Shenzhen (ZES) en 1990 symbolise bien l’entrée de la Chine dans la mondialisation. 4. On constate grâce au doc.  3 que la Chine bénéficie d’une croissance importante entre 1980 et 1992. En 1984, le taux de croissance s’élève même à 15,1  %. Le PIB par habitant augmente lui aussi à un rythme soutenu et est multiplié par 2,5 entre 1980 et 1992 (doc.  3). La corruption permet à quelques hauts fonctionnaires de se constituer une fortune en profitant de leur position dans les entreprises d’État et de l’ouverture du pays aux investissements étrangers (doc. 6). Peu à peu le secteur privé s’immisce dans l’économie chinoise traditionnellement et structurellement publique.

Synthèse Au pouvoir en Chine dès 1978, Deng Xiaoping oriente l’économie chinoise vers une nouvelle voie, celle du « socialisme de marché ». Alors que le bilan économique du maoïsme est catastrophique, le nouveau dirigeant chinois lance la politique des « Quatre modernisations » dans le domaine de l’agriculture, de l’industrie, de la recherche et de la défense nationale afin de moderniser le pays et de le faire sortir du sous-développement. Pour atteindre les objectifs fixés, le pays s’ouvre aux investisseurs étrangers tandis que la propriété privée devient permise. Dès les années 1980, les quatre zones économiques spéciales, puis peu à peu toutes les villes et les régions du littoral chinois, accueillent les IDE de tous les grands pays industrialisés. L’ouverture du premier restaurant McDonald’s de Chine à Shenzhen en 1990 est le symbole de l’intégration du pays à la mondialisation. Cette politique économique voulue par Deng Xiaoping pour sortir le pays de la misère permet à la Chine de connaître des taux de croissance supérieurs à 10  % à partir de 1982 tandis que le PIB par habitant augmente. Si toute la population n’en bénéficie pas encore dans les

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années 1980, certains hauts fonctionnaires en profitent pour s’enrichir par les trafics et la corruption.

Parcours 2 Au pouvoir en Chine dès 1978, Deng Xiaoping oriente l’économie chinoise vers une nouvelle voie, celle du « socialisme de marché » (doc. 1). Alors que le bilan économique du maoïsme est catastrophique, le nouveau dirigeant chinois lance la politique des « Quatre modernisations » dans le domaine de l’agriculture, de l’industrie, de la recherche et de la défense nationale (doc. 2). Pour atteindre les objectifs fixés, le pays s’ouvre aux investisseurs étrangers tandis que la propriété privée devient permise (doc.  2 et 4). Dès les années 1980, les quatre zones économiques spéciales (Zhuhai, Shenzhen, Shantou, Xiamen) puis peu à peu toutes les villes et les régions du littoral chinois accueillent les IDE de tous les grands pays industrialisés. L’ouverture du premier restaurant McDonald’s de Chine à Shenzhen en 1990 est le symbole de l’intégration du pays à la mondialisation (doc. 5). Cette politique économique voulue par Deng Xiaoping pour sortir le pays de la misère permet en effet à la Chine de connaître des taux de croissance supérieurs à 10 % à partir de 1982 tandis que le PIB par habitant augmente (doc. 3). Si toute la population n’en bénéficie pas encore dans les années 1980, certains hauts fonctionnaires en profitent pour s’enrichir par les trafics et la corruption (doc. 6).

pp. 210-211

Étude

La démocratisation de l’Europe du Sud et les élargissements de la CEE L’Europe, entre les années 1970 et 1980, connaît des bouleversements politiques importants. La démocratisation de l’Europe du Sud (Portugal, Grèce, Espagne) marque le début de ces bouleversements et aboutit au renforcement de la construction européenne. Il est néanmoins intéressant de revenir avec les élèves sur les débats qui ont précédé leur entrée dans la Communauté et les réticences de la Commission européenne à laisser entrer trois pays si en retard économiquement. VIDÉO Putsch militaire à Madrid,

24 février 1981 Questionnaire

1. Que se passe-t-il le 24 janvier 1981 aux Cortès à Madrid ? Tentative de coup d’État militaire par le colonel Tejero. 2. Combien de temps dure la prise d’otages ? 17 heures. 3. Quel rôle joue le roi Juan Carlos dans la résolution de la crise ? À 1  heure du matin, le roi donne l’ordre aux autorités civiles et militaires de rétablir l’ordre constitutionnel.

CHAPITRE 7 La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux

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Réponses aux questions p. 207

VIDÉO L’entrée de la Grèce dans la CEE

Questionnaire 1. Pourquoi Valéry Giscard d’Estaing dit-il qu’en intégrant la Grèce, la CEE « retourne à ses sources » ? La Grèce est le lieu où est née la démocratie. 2. Dans le domaine agricole, qu’attend la Grèce de son entrée dans la CEE ? Elle pourra bénéficier des effets de la PAC. 3. Pourquoi une période d’adaptation de 5 à 7 ans estelle prévue pour l’entrée de la Grèce dans le marché commun ? Nécessité pour la Grèce de moderniser son agriculture et de s’adapter aux prix européens. 4. Pourquoi l’entrée de la Grèce dans la CEE est-elle décrite comme un « test » avant l’entrée de l’Espagne et du Portugal ? L’Espagne et le Portugal sont, comme la Grèce, deux pays en retard économiquement ; l’Espagne est un gros producteur agricole.

Réponses aux questions p. 211 1. Au Portugal, la dictature s’achève au terme d’un coup d’État militaire (la «  révolution des Œillets  ») le 25 avril 1974 (doc. 1). Le « régime des colonels » en Grèce prend fin après deux ans de manifestations populaires en juillet 1974 (doc.  2). En Espagne, le roi Juan Carlos succède au général Franco mort en 1975 (doc. 4). Dans ces trois pays, la dictature est remplacée par un régime démocratique qui se met en place après une période de transition plus ou moins longue. 2. La presse française accueille la chute des dictatures comme le signe du triomphe des valeurs démocratiques de l’Occident. Désormais, l’Europe de l’Ouest peut présenter un front uni face à l’Europe communiste. 3. La Commission européenne rend un avis défavorable à une adhésion rapide de la Grèce à la CEE essentiellement pour des raisons politiques (tensions entre la Grèce et la Turquie) et surtout économiques puisque la Grèce est dans ce domaine nettement en retard par rapport aux autres pays de la CEE. Le Conseil des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté ne suit pas ces recommandations au nom de la défense de la vie démocratique grecque. 4. Le journaliste du Monde met en avant le fait qu’ayant accepté l’adhésion de la Grèce, la CEE ne pourra désormais plus refuser l’adhésion du Portugal et de l’Espagne lorsque ces deux pays voudront à leur tour entrer dans la Communauté. On voit sur le document 6 que ce sera fait en 1986.

7•6

5. L’élargissement de la Grèce vers l’Europe du Sud suscite l’inquiétude pour des raisons économiques. En faisant entrer dans la CEE trois pays qui sont en retard économiquement, certains craignent de voir s’éloigner toute possibilité d’une « intégration économique réelle ». Loin de participer au rayonnement de la CEE, ces intégrations au contraire l’entraveraient.

Synthèse En avril 1974 au Portugal, la « révolution des Œillets », menée par des militaires, chasse la dictature en place depuis 1933. En Grèce en novembre 1974, le « régime des colonels  » s’effondre sous la pression populaire. Dans ces deux pays la démocratie renaît. En Espagne, il faut attendre la mort du général Franco en 1975 pour que la dictature cesse et que le pays évolue lentement vers la démocratie. Le processus démocratique mis en place dès la fin de la dictature est assez rapide en Grèce puisque dès le 24 juillet 1974 la démocratie parlementaire est restaurée avec à sa tête Constantin Caramanlis, ex-Premier ministre en exil. Au Portugal, le processus démocratique dure jusqu’à l’adoption d’une constitution en 1976. Enfin, en Espagne, le successeur désigné par Franco, le roi Juan Carlos, fait évoluer en quelques années son pays vers la démocratie : une constitution démocratique est adoptée en 1978. Devenus des régimes démocratiques, le Portugal, la Grèce et l’Espagne ne tardent pas à demander leur entrée dans la CEE. Cette entrée –  qui se fait pour la Grèce dès 1981, en 1986 pour l’Espagne et le Portugal au nom de raisons essentiellement politiques – soulève alors un débat, tant le retard économique de ces trois pays est fort. Alors que l’Europe aspire à aller plus loin dans l’intégration économique, ces nouveaux entrants sont vus, par certains, comme des entraves à l’approfondissement de la construction européenne.

pp. 212-213

Étude

La révolution islamique d’Iran et le rejet du modèle occidental En 1979, la révolution islamique en Iran provoque l’effondrement du régime du chah et la naissance d’un régime encore inédit : une république islamiste. Cette étude se propose de revenir sur les fondements de ce nouvel État islamique : sa volonté de suivre les préceptes du Coran, la primauté du religieux (incarné par un ayatollah, Guide suprême de la révolution) sur le politique, le rejet de l’Occident (crise des otages étatsuniens) et d’Israël. VIDÉO 11 février 1979 : en Iran, la révolution

islamique Questionnaire 1. Qui est l’ayatollah Khomeini ? C’est un religieux, opposant au chah d’Iran expulsé d’Irak où il résidait en 1978.

CHAPITRE 7 La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux

Histoire Tle © Hatier, 2020.

4. Comment se termine le putsch ? L’armée ne suit pas les putschistes qui se rendent les uns après les autres. Les députés sont finalement libérés et Tejero se rend.

2. Quel rôle joue-t-il dans la révolution islamique de 1979 ? Il envoie depuis la France, où il a trouvé refuge en 1978, des enregistrements audio qui appellent les Iraniens à renverser le régime du chah. 3. Quelles sont les différentes phases de la révolution jusqu’au 1er février 1979 ? Les Iraniens manifestent ; exil du chah en Égypte le 16 janvier ; 3 millions d’Iraniens dans les rues le 19 janvier. 4. Quand la République islamique d’Iran est-elle proclamée ? Le 1er avril 1979, après un référendum. 5. Quelle est la place du pouvoir religieux dans cette nouvelle république ? Elle a la primauté sur le pouvoir politique.

Réponses aux questions p. 213 1. En exil depuis 1964, l’ayatollah Khomeini appelle la population iranienne au soulèvement en faisant parvenir des cassettes audios diffusées clandestinement dans le pays (doc.  1). Lors des manifestations (sur le doc.  2 celle du 13 janvier 1979), son portrait est brandi par des étudiants qui veulent témoigner de leur désir de changement. 2. L’idéologie islamiste met en avant le respect des préceptes religieux et le rejet de tout ce qui peut être jugé comme immoral, contraire à la volonté de Dieu telle qu’elle est présentée par Khomeini et ses partisans. C’est ainsi que sont condamnés le cinéma, les bars, la liberté

des femmes, assimilée à de la prostitution (doc. 3). Quiconque ne respecte pas la loi islamique doit être châtié. Sur l’affiche, on voit que c’est l’ayatollah Khomeini, plus haut personnage de l’État comme Guide suprême de la révolution, qui prononce le châtiment (doc. 6) contre les États-Unis (Oncle Sam), Israël (chapeau aux couleurs d’Israël avec l’étoile de David) et le chah. 3. Le 4 novembre 1979, plusieurs centaines d’étudiants iraniens envahissent l’ambassade américaine de Téhéran pour protester contre l’accueil du chah, malade, par les États-Unis. 53 membres de l’ambassade sont pris en otage pendant 444  jours. Sur la photographie, on voit que des étudiants brûlent le drapeau étatsunien. Cet acte d’anti-américanisme est montré comme un acte de vengeance vis-à-vis d’un pays accusé d’avoir soutenu le régime brutal du chah durant des années et d’être responsable du coup d’État de 1953 contre Mossadegh. 4. La République islamique d’Iran choisit la voie du non-alignement le plus strict en ne se rapprochant ni des États-Unis ni de l’URSS. Elle choisit aussi de soutenir tous les pays, toutes les organisations luttant contre Israël et prévient que l’islamisme est appelé à s’étendre partout dans le monde. 5. Le modèle occidental est rejeté, parfois de manière violente (doc. 4), car l’Occident n’a, d’après les islamistes, cherché qu’à opprimer l’Iran (doc. 5) et à accaparer ses richesses, en particulier son pétrole (doc. 3). En outre, la culture occidentale, mise en valeur à l’époque du chah, heurte les religieux et les sociétés traditionnelles attachées à leur culture (doc. 3).

Synthèse Régime autoritaire du chah depuis 1953

Aucune liberté politique

Crise économique

Occidentalisation forcée

Opposition des religieux

L’ayatollah Khomeini, exilé depuis 1964, appelle à la révolution

Primauté du religieux sur le pouvoir politique

Rejet de l’Occident

Rejet d’Israël

Prise de l’ambassade des États-Unis à Téhéran (nov. 1979-janv. 1981)

Aide à tous les pays et à toutes les organisations en lutte contre Israël

Khomeini, Guide suprême de la révolution Soutien à l’islamisme dans le monde

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CHAPITRE 7 La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux

Histoire Tle © Hatier, 2020.

Révolution islamique en 1979 et naissance   le 1er avril 1979 de la République islamique d’Iran

Repères

La transformation de l’Europe de l’Est

Parcours 1

L’observation d’une carte de l’Europe jusqu’aux limites orientales de l’ancien empire soviétique permet d’évoquer les bouleversements politiques engendrés par la chute de l’URSS.

1. Le soutien du pape polonais Jean-Paul II (doc. 2), personnage à la liberté d’expression importante et quasi impossible à contrôler par les communistes, au mouvement démocratique polonais Solidarnosc ainsi que le refus de Mikhaïl Gorbatchev de faire intervenir l’armée pour écraser l’opposition dans les démocraties populaires (doc.  1), poussent le gouvernement polonais à organiser des élections libres. Le 4 juin 1989, la victoire du parti Solidarnosc mené par Lech Walesa permet la formation du premier gouvernement non communiste de l’après-guerre en Pologne (doc. 1).

Réponses aux questions p. 215 1. L’URSS s’est toujours vantée d’être une puissance anti-impérialiste mais l’influence qu’elle exerce de force sur les démocraties populaires d’Europe de l’Est jusqu’en 1989, ainsi que la domination de la Russie sur les nations incorporées à l’URSS (Ukraine, Lituanie…), expliquent pourquoi les historiens ont pu malgré tout parler d’empire soviétique. 2. On peut distinguer trois étapes dans la disparition de l’empire soviétique : – 1989 : chute de la plupart des démocraties populaires en Europe de l’Est ; – 1990-1991 : les républiques socialistes proclament les unes après les autres leur indépendance ; – 25 décembre 1991 : démission de Mikhaïl Gorbatchev de la présidence de l’URSS et disparition de l’Union. 3. Neuf anciennes républiques de l’Union sont liées au sein de la Communauté des États indépendants (CEI), structure de coopération créée le 21 décembre 1991.

pp. 216-217

Point de passage

L’année 1989 dans le monde L’année 1989 est un tournant dans l’histoire des relations internationales mais, alors que les démocraties populaires s’effondrent les unes après les autres en Europe de l’Est, le gouvernement chinois, en menant une répression implacable contre les dissidents du printemps de Pékin, témoigne de son refus de réformer le pays autrement qu’économiquement. VIDÉO La chute du mur de Berlin

Questionnaire 1. Quelle décision est-allemande marque le début de la chute du mur de Berlin ? L’ouverture d’un point de passage entre l’Est et l’Ouest à 19h09 le 9 novembre 1989. 2. Montrez que les autorités est-allemandes sont vite débordées. Les Allemands de l’Est traversent très vite, sans visa, à tous les postes frontières séparant la RFA de la RDA. 3. De quelle manière la jeunesse allemande s’approprie-t-elle le mur ? Les jeunes montent dessus, tapent dedans à coup de pioche. 4. Quel est le sentiment des Allemands au moment de la chute du mur ? Liesse collective, incrédulité, espoir.

7•8

Réponses aux questions p. 217

2. V. Nemeth considère que la frontière entre les deux pays était devenue «  un anachronisme  ». De fait, cette frontière, en très mauvais état, aurait dû être rénovée mais, à l’époque des satellites, il est apparu inutile aux dirigeants réformistes hongrois de dépenser autant d’argent pour une installation d’un autre âge. Par ailleurs, l’Autriche et la Hongrie présentaient alors une candidature conjointe pour l’Exposition universelle de 1992. Il aurait donc été incohérent de continuer à maintenir le rideau de fer. 3. L’ouverture de la frontière entre la Hongrie et l’Autriche (doc. 3) précipite la chute du mur de Berlin. Alors que les Allemands de RDA fuient vers l’ouest en passant par la Tchécoslovaquie et la Hongrie, le gouvernement est-allemand, qui sait que Gorbatchev ne lui accordera aucune aide militaire, n’a d’autre solution que d’ouvrir les points de péage reliant la RDA et la RFA le 9 novembre 1989. À Berlin, l’allégresse domine à l’est comme à l’ouest (doc. 4). 4. La mort, le 15 avril 1989, de Hu Yaobang, considéré comme un réformateur et que beaucoup espéraient voir arriver au pouvoir, pousse de nombreux étudiants à réclamer des changements dans un contexte de difficultés économiques et de corruption généralisée. La visite officielle de Mikhaïl Gorbatchev en Chine le 14 mai 1989 encourage les manifestants à réclamer plus de libertés et à imiter celui qui « avait engagé des réformes allant dans le sens de la démocratie » (doc. 5). Les manifestants qui se regroupent place Tian’anmen à Pékin sont soutenus dans toutes les métropoles chinoises. Après avoir laissé cette opposition s’exprimer pendant plus d’un mois et demi, le gouvernement chinois finit par envoyer des chars pour évacuer la place Tian’anmen le 4 juin 1989. Les étudiants, désarmés, sont alors littéralement écrasés comme le montre l’un des rares témoignages contemporains, celui de l’ambassadeur britannique à Pékin (doc. 6).

Synthèse Alors qu’en URSS, à partir de 1985, Mikhaïl Gorbatchev lance des réformes économiques et promet plus de transparence, en Europe de l’Est la volonté réformiste s’affirme. Tandis qu’il devient évident que Gorbatchev ne viendra pas en aide aux dirigeants des démocraties popu-

CHAPITRE 7 La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux

Histoire Tle © Hatier, 2020.

pp. 214-215

Peu à peu, dans toute l’Europe de l’Est, les régimes communistes s’effondrent et la démocratie triomphe. Le 4 juin 1989 en Pologne, le parti Solidarnosc, soutenu par le pape Jean-Paul II, gagne les élections et permet la formation du premier gouvernement non communiste de l’après-guerre. La Hongrie elle aussi organise des élections libres tandis que le 9 novembre 1989, les autorités est-allemandes autorisent le libre passage entre l’Est et l’Ouest, faute de pouvoir empêcher une hémorragie migratoire qui avait commencé au printemps avec l’ouverture de la frontière hongroise. En Chine en revanche, loin de disparaître, le régime communiste réaffirme son autorité en réprimant violemment, le 4 juin 1989, les manifestations étudiantes de la place Tian’anmen à Pékin.

Parcours 2 Alors qu’en URSS, à partir de 1985, Mikhaïl Gorbatchev lance des réformes économiques et promet plus de transparence (doc.  1), en Europe de l’Est, la volonté de réforme grandit. Devant l’évidence que Gorbatchev ne viendra jamais en aide aux dirigeants des démocraties populaires pour contenir les aspirations démocratiques de leur population, en Pologne le régime en place n’a d’autre choix que d’organiser des élections libres sous la pression populaire (doc. 2). En Hongrie, dès le 2 mai 1989, c’est le Premier ministre réformiste Viktor Nemeth luimême qui décide de détruire la frontière de barbelés qui sépare son pays de l’Autriche (doc. 3). Peu à peu, dans toute l’Europe de l’Est, les régimes communistes s’effondrent et la démocratie triomphe. Le 4 juin 1989 en Pologne, le parti Solidarnosc, soutenu par le pape Jean-Paul II, gagne les élections et permet la formation du premier gouvernement non communiste de l’après-guerre (doc. 2). La Hongrie elle aussi organise des élections libres (doc.  3) tandis que le 9 novembre 1989, les autorités est-allemandes autorisent le libre passage entre l’Est et l’Ouest, faute de pouvoir empêcher une hémorragie de population qui avait commencé au printemps avec l’ouverture de la frontière hongroise (doc. 4). En Chine en revanche, galvanisés par les réformes mises en place par Gorbatchev pour «  démocratiser  » l’URSS mais aussi par la dynamique de libéralisation de l’économie en œuvre depuis 1978, les étudiants manifestent pour réclamer plus de libertés politiques et sociales (doc.  5). Mais loin de disparaître comme en Europe de l’Est, le régime communiste réaffirme son autorité en réprimant violemment le 4 juin les manifestations étudiantes de la place Tian’anmen à Pékin (doc. 6).

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pp. 218-219

Étude

L’effondrement de l’URSS L’arrivée en 1985 de Mikhaïl Gorbatchev à la tête de l’URSS joue un rôle déterminant dans l’effondrement de la puissance soviétique. Alors que le dirigeant soviétique voulait sauver l’Union en la réformant, il va, bien malgré lui, rendre possible sa dislocation, notamment en permettant plus de liberté d’expression et en refusant de réprimer les mouvements d’émancipation des peuples. VIDÉO L’échec du putsch de 1991

Questionnaire 1. Quelle fonction occupe Boris Eltsine ? Il est président de Russie. 2. Pourquoi Eltsine est-il vu comme un héros ? Il a déjoué le coup d’État et est vu comme le sauveur de Gorbatchev (renversé par les putschistes). 3. Quel a été le rôle de nombreux dirigeants du Parti communiste d’Union soviétique dans le coup d’État ? Ils l’ont soutenu. 4. Quelles décisions Eltsine prend-il ? Il veut que la Russie ait sa propre armée et une réforme du pouvoir politique de l’Union soviétique. 5. Montrez qu’il s’arroge certains des pouvoirs de Gorbatchev. Eltsine s’arroge le droit de limoger tous ceux qui ont joué un rôle dans le coup d’État, même des responsables locaux du parti et le directeur de la télévision soviétique nommé par Gorbatchev.

Réponses aux questions p. 219 1. La situation économique de l’URSS en 1985 est catastrophique. «  Au cours des douze ou quinze dernières années, une tendance à une réduction marquée des taux de croissance du revenu national a commencé à se faire sentir » alerte le rapport Zaslavskaïa en 1983 (doc. 1). La population vit plus mal en Union soviétique que dans les autres pays développés (doc. 6). Les raisons évoquées sont le modèle économique qui n’a pas su se renouveler depuis l’époque stalinienne, la lourdeur administrative qui empêche toute innovation, la faible motivation des travailleurs qui rejaillit sur leur productivité (doc. 1). 2. La Perestroïka lancée dès 1985 prévoit une restructuration de l’économie avec la possibilité de créer des entreprises privées. Il s’agit donc de faire entrer quelques éléments capitalistes dans l’économie communiste. En 1986, la Glasnost (doc.  2), née après la catastrophe de Tchernobyl, doit permettre une plus grande liberté d’expression, ce qui est un pas vers « la transformation démocratique » (doc. 6). 3. Cette caricature parue dans le Daily Express en 1988 évoque le fait que la Glasnost, portée par Gorbatchev

CHAPITRE 7 La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux

Histoire Tle © Hatier, 2020.

laires pour contenir les aspirations de leur population, en Pologne, le régime en place n’a d’autre choix, sous la pression populaire de Solidarnosc et de la papauté, que d’organiser des élections libres. En Hongrie, dès le 2  mai  1989, c’est le Premier ministre réformiste Viktor Nemeth lui-même qui décide de détruire la frontière de barbelés qui sépare son pays et l’Autriche.

4. Les républiques baltes sont les premières à proclamer unilatéralement leur indépendance entre mars et août 1990 (doc.  3). Les autres républiques proclament leur indépendance entre août 1990 (Tadjikistan) et décembre 1991 (Kazakhstan) (doc. 4). La mise en échec du coup d’État militaire tenté en août 1991 par des communistes russes conservateurs, par Boris Eltsine, premier président démocratiquement élu de la Russie, accélère le rythme des indépendances (doc. 5). 5. Dans sa dernière allocution télévisée en tant que président de l’URSS le 25  décembre 1991, Gorbatchev insiste sur le fait que les changements qu’il a voulu initier se sont heurtés à l’opposition des forces réactionnaires du pays (des défenseurs des dogmes marxistes-léninistes soviétiques) tandis que les effets positifs de la nouvelle politique économique n’ont pu être ressentis par les populations. Ainsi Gorbatchev pense-t-il qu’il a manqué de temps et de soutien au plus haut sommet de l’État pour mener à bien ses réformes.

Synthèse Lorsque Mikhaïl Gorbatchev arrive au pouvoir en 1985, la situation économique de l’URSS est catastrophique et ses habitants ont un niveau de vie bien inférieur à celui des autres pays développés. Les structures économiques du pays n’ont en effet pas su évoluer depuis l’époque stalinienne et la productivité des travailleurs soviétiques, peu motivés pour travailler, est faible. Afin de sauver l’Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev lance dès 1985 une vaste réforme économique, la Perestroïka, qui permet le développement de sociétés privées et qui introduit donc une part de capitalisme dans le système soviétique. Dès 1986, la Glasnost, politique de transparence, doit permettre à tous de s’exprimer plus librement. Mais la situation économique, malgré la Perestroïka, ne s’améliore pas et l’élan de liberté permis par Gorbatchev se retourne bien vite contre lui puisque, en janvier 1990 en Lituanie par exemple, c’est au nom de la liberté nationale que la population manifeste pour son indépendance. À la suite des républiques baltes en 1990, toutes les républiques soviétiques prennent leur indépendance et quittent l’URSS. La mise en échec du coup d’État militaire (août 1991) mené par des communistes conservateurs, par Boris Eltsine, premier président démocratiquement élu de la Russie, accélère le rythme des indépendances. Lorsque Mikhaïl Gorbatchev démissionne de son poste de président de l’Union soviétique le 25 décembre 1991, l’URSS n’est plus qu’une coquille vide qui disparaît.

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pp. 222-224

Exercices BAC

Analyse de documents p. 222 Introduction Le premier document proposé est un texte issu d’un article publié dans la revue Perspectives chinoises (n° 2) en 1992 par Hélène Arthus. Il reprend des extraits de discours prononcés par Deng Xiaoping, dirigeant de la République populaire de Chine depuis 1978, dans les provinces du sud de la Chine entre janvier et février 1992. Ce dictateur est à l’origine du « socialisme de marché  » destiné à sortir son pays de la misère. Le second document est un graphique, présenté dans une thèse de doctorat soutenue en 2003 par Xubei Luo, soulignant l’évolution du PIB en Chine dans les provinces intérieures et les provinces côtières entre 1978 et 1996. Ces deux documents nous permettent d’analyser le tournant économique (le « socialisme de marché ») pris par la Chine sous Deng Xiaoping. Nous évoquerons dans un premier temps la nouvelle politique économique de la Chine mise en place à la fin des années 1970 puis, dans un second temps, nous traiterons des conséquences et des perspectives de cette politique. Partie I. À la fin des années 1970, après 30 ans d’économie dirigée, la Chine fait le constat de son incapacité à se développer. Sur le document 2, on voit effectivement que le PIB par habitant en Chine, tant dans les provinces intérieures que dans les provinces littorales, est très faible en 1978 (inférieur dans les deux cas à 1 000 yuans par habitant). À cette époque, la République populaire de Chine est en situation de sous-développement. Le maoïsme est un échec. Quatorze ans plus tard, Deng Xiaoping se félicite des progrès réalisés en matière économique et évoque «  la vitesse à laquelle se développent les zones économiques spéciales de Shenzhen et Zhuhai, ainsi que quelques autres endroits ». À partir de 1978 en effet, la Chine se lance sur la voie de l’ouverture à une forme de libéralisme économique. Des zones économiques spéciales sont créées dès 1980 dans les villes côtières du sud, dont Shenzhen près du territoire britannique de Hong Kong. Ces ZES rassemblent dans un premier temps des usines destinées à la fabrication de textiles, d’objets à faible valeur ajoutée prêts à être exportés par les ports du littoral. Ces ZES sont ouvertes aux investissements étrangers, toutefois «  la propriété publique y est prépondérante, les investissements étrangers n’y représentent qu’un quart ». Une nouvelle forme de capitalisme, le «  socialisme de marché  », associe le libéralisme économique à l’interventionnisme autoritaire de l’État. En effet, «  les zones économiques spéciales appartiennent à la famille socialiste et non à la famille capitaliste  », insiste Deng Xiaoping, ce qui montre bien que l’État garde le contrôle

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depuis 1986, peut se retourner contre celui qui lui a donné naissance. En permettant aux peuples de s’exprimer plus librement, la Glasnost leur permet aussi de se révolter contre le système communiste.

Partie II. Les réformes de Deng Xiaoping mènent effectivement la Chine sur le chemin de la croissance. Le document 2 montre bien que le PIB par habitant augmente sur toute la période avec une accélération pour les provinces côtières à partir de 1986. Avec un taux de croissance qui dépasse les 10 % par an en moyenne dans les années 1980, la Chine se modernise et le niveau de vie de ses habitants s’améliore. Deng Xiaoping ne se satisfait cependant pas de ces résultats et, faisant le constat du retard persistant de la Chine par rapport à ses voisins, assure que « si nous ne nous développons pas, ou trop lentement, les gens ne manqueront pas de faire des comparaisons embarrassantes ». Il s’agit pour lui d’encourager la poursuite des réformes, d’« oser foncer » alors que depuis la répression du printemps de Pékin en 1989, la traque des opposants politiques et la réprobation de la communauté internationale avaient fait passer les réformes économiques au second plan. Il est pourtant nécessaire, comme on le voit dans le document 2, de poursuivre les réformes et d’en faire profiter davantage les régions intérieures qui, en 1992, ont un PIB par habitant certes en hausse mais plus faible que celui de la Chine littorale où se concentrent les réformes (2  000 yuans par personne dans la Chine intérieure contre 4 000 yuans dans la Chine côtière). Toutefois, en visitant les provinces littorales du sud, Deng Xiaoping semble sous-entendre que c’est de nouveau sur les côtes que tous les efforts doivent se concentrer. D’après le document 2, les écarts de PIB entre la Chine de l’intérieur et la Chine côtière continuent d’ailleurs de s’accentuer. Conclusion Finalement la mise en place du « socialisme de marché » fait passer la Chine du sous-développement au statut de pays émergent. L’enrichissement du pays est spectaculaire dans les années 1980. En somme Deng Xiaoping a réussi là où Mikhaïl Gorbatchev a échoué. Toutefois, les discours de Deng Xiaoping nous montrent bien que

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la voie choisie du libéralisme économique, dans un pays qui tient à rester fidèle à l’idéologie socialiste de Mao, n’est pas sans susciter des tensions au sein des cadres du PCC et de grandes inégalités socio-spatiales.

Analyse de document p. 223 Introduction Le document est l’extrait d’une interview donnée en 2003 à l’économiste français Louis Lepage par Milton Friedman, économiste libéral proche de Ronald Reagan et prix Nobel d’économie en 1976. Friedman revient dans cet extrait sur la situation économique catastrophique des pays occidentaux et de la Chine à la fin des années 1970 en faisant l’éloge du néolibéralisme qui s’impose définitivement selon lui avec la chute du communisme. Quelles grandes transformations économiques et politiques le monde connaît-il entre la fin des années 1970 et 1991 ? Nous évoquerons pour commencer le triomphe du néolibéralisme dans les sociétés occidentales, puis nous reviendrons sur les singularités de l’ouverture chinoise, du « socialisme de marché » à Tian’anmen, avant de terminer sur l’effondrement du communisme en Europe de l’Est et ses conséquences. Partie I. L’affirmation du néolibéralisme L’après-guerre est caractérisé par une période de plein emploi et de prospérité économique exceptionnelle, les «  Trente Glorieuses  » (1946-1973). «  C’était la période du "socialisme galopant", voire triomphant  » dit Milton Friedman, évoquant certainement ainsi, à l’aide d’une formule simplificatrice, l’attachement des démocraties européennes occidentales à des politiques de protection sociale et à une forte activité keynésienne de l’État en matière économique. « Cette époque a pris fin au début des années 1980 ». En effet, dès le début des années 1970, la fin du système de Bretton Woods, la dépréciation de la valeur du dollar qui s’en suit, la hausse du chômage et de l’inflation (hausse des prix) aggravée par le premier choc pétrolier (1973) puis par le second (1979) plongent les États-Unis et le reste du monde occidental dans une grave crise économique. Des tentatives de relance keynésiennes sont mises en œuvre et, sans améliorer la situation économique, accroissent les dépenses publiques  : «  en 1950, les dépenses publiques […] représentaient environ 12 % du revenu national ». Le tableau dressé par Friedman des conséquences de l’attachement à l’État-providence voulu par Keynes est extrêmement négatif et contraste, selon lui, avec la pertinence des mesures néolibérales mises en place dans les années 1980. « En 1980, c’était la pleine époque du renouveau des idées libérales ». En effet, à cette époque, les économistes néolibéraux, tel que Friedman, préconisent de laisser les lois du marché réguler l’économie.

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de la libéralisation économique qui s’opère, un contrôle étroit puisque «  chaque année les dirigeants chinois doivent dresser un bilan pour garder ce qui est bon, modifier au plus vite ce qui ne l’est pas ». Le tournant pris par l’économie chinoise témoigne du pragmatisme de Deng Xiaoping. Rester fidèle à l’héritage économique de Mao n’est pour lui pas l’essentiel : « Mieux vaut, pour critère de jugement, se demander […] si l’État socialiste s’en trouvera globalement renforcé et le niveau de vie élevé ». À ceux qui, au sein du parti, au début des années 1980 comme en 1992, craignent « de voir augmenter les éléments capitalistes et de s’engager dans cette voie », il répond que c’est le système socialiste tout entier qui risque de s’effondrer s’il ne parvient pas à créer de la richesse. Pour Deng Xiaoping, le socialisme de marché n’est pas une trahison du socialisme, bien au contraire, puisqu’il permet à celui-ci de durer.

Le renouveau des idées libérales semble dans les années 1980 une réponse efficace à la crise économique. À la même époque, la Chine communiste fait elle aussi le choix d’instiller une dose de libéralisme économique dans son économie pour se développer. Partie II. En Chine : du « socialisme de marché » à Tian’anmen « La fin des années 1970 marque le début des réformes » en Chine. À la fin des années 1970, après 30 ans d’économie dirigée, le pays fait le constat de son incapacité à se développer. Deng Xiaoping, qui dirige la Chine à partir de 1978, lance son pays sur la voie de l’ouverture à une forme de libéralisme économique. Ouvertes aux investisseurs étrangers, des zones économiques spéciales sont créées dès 1980 dans les villes côtières du sud tandis que dans les campagnes, « d’une économie agricole planifiée les Chinois sont passés à une agriculture de type essentiellement individuelle  ». La décollectivisation des campagnes et l’ouverture du territoire aux investissements étrangers sont caractéristiques de la voie du socialisme de marché suivie par la Chine dès la fin des années 1970. Il ne s’agit pourtant pas de renier le communisme puisque, comme le dit M. Friedman, « il n’y a encore ni liberté politique ni réelle liberté économique » en Chine. D’un point de vue économique, l’État garde en effet un rôle prépondérant et d’un point de vue politique il ne tolère aucune critique, comme a pu en témoigner la répression du printemps de Pékin, place Tian’anmen, le 4 juin 1989. Si une forme particulière de libéralisme triomphe en Chine dans les années 1980, la chute du communisme en Europe de l’Est à partir de 1989 va permettre l’extension du modèle libéral. Partie III. L’effondrement du communisme à l’Est Friedman fait référence à « la chute du mur de Berlin » le 9 novembre 1989 qui symbolise selon lui la fin du système communiste. Cette disparition explique la victoire du modèle libéral. Dans les mois qui précèdent la chute du mur, la Pologne organise des élections libres remportées par le parti Solidarnosc de Lech Walesa le 4 juin 1989, et la Hongrie s’ouvre au multipartisme et prévoit l’organisation d’élections libres. L’ouverture des postes frontières entre la RDA et la RFA par les autorités est-allemandes le 9 novembre n’est que la suite logique de l’ouverture des frontières entre la Hongrie et l’Autriche. Tous les pays d’Europe de l’Est suivent les uns après les autres ces exemples et, alors qu’ils se convertissent à la démocratie, se montrent également favorables « à l’économie de marché ». La Banque mondiale et le FMI

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conditionneront d’ailleurs leurs prêts au respect par ces anciens pays communistes des règles du « consensus de Washington  », ensemble de mesures d’inspiration libérale établi en 1989. Conclusion Dans les années 1970, la crise économique provoque une remise en cause de l’État-providence dans les démocraties occidentales. Les préceptes de Milton Friedman et de l’École de Chicago sont mis en œuvre avec succès aux États-Unis et au Royaume-Uni, puis triomphent peu à peu partout, encouragés par l’effondrement du monde communiste. Même en Chine, une forme de libéralisme se met en place dans les années 1980 avec le «  socialisme de marché » : le pays s’enrichit à un rythme encore jamais connu. Pourtant, le triomphe du libéralisme marque le pas en 2007-2008 lorsque, à l’occasion d’une crise financière majeure, l’opinion publique mondiale en mesure les limites.

Question problématisée p. 224 Partie I. Un désir de réformes en Europe de l’Est A. Les premières réformes de Gorbatchev Dans les années 1980, le modèle économique et politique mis en place en Europe de l’Est est de plus en plus critiqué par les populations. Lorsque Mikhaïl Gorbatchev, arrivé au pouvoir en URSS en 1985, lance son pays sur la voie de la Perestroïka et de la Glasnost, certaines démocraties populaires y voient l’occasion d’entamer les réformes nécessaires à leur survie (Hongrie, Pologne) alors que d’autres restent hostiles à tout changement (RDA, Roumanie, Tchécoslovaquie). B. Une contestation durable en Pologne En Pologne, depuis 1980, le syndicat libre Solidarnosc (Solidarité), dirigé par Lech Walesa, s’oppose au gouvernement et réclame plus de libertés ainsi qu’un changement de modèle économique. Les pressions étrangères, en particulier celles du pape polonais Jean-Paul II, les graves difficultés économiques du pays et le soutien populaire dont bénéficie Solidarnosc poussent les autorités à accepter de négocier avec le syndicat libre à partir de janvier 1989. C. Le rôle déclencheur de la Hongrie En Hongrie, elle aussi durement touchée par la crise économique au début des années 1980, une génération de jeunes dirigeants communistes arrivés au pouvoir en 1989 est sensible au discours de Gorbatchev et aspire à réformer le pays en le libéralisant. Un projet de réformes économiques destiné à mener le pays vers l’économie de marché est préparé et les partis politiques non communistes sont autorisés… En mai 1989, le Premier ministre réformiste Miklos Nemeth fait couper les barbelés et les fils électriques qui

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Le président Reagan, dès son élection en 1980, suivra ces préceptes, tout comme Margaret Thatcher au RoyaumeUni.

Si la Pologne et la Hongrie semblent donner les signes d’une volonté de réforme dès le début de l’année 1989, il n’en est pas de même dans toutes les démocraties populaires d’Europe de l’Est. Partie II. Le communisme s’effondre à l’Est mais se renforce en Chine A. D’abord en Allemagne de l’Est (rédigé dans le manuel) B. Puis dans les autres démocraties populaires En Tchécoslovaquie, en janvier 1989, une manifestation d’opposants au régime est durement réprimée et le dramaturge Vaclav Havel emprisonné. Les manifestations reprennent pourtant après l’été 1989. Sous la pression de la rue, alors qu’en Pologne, en Hongrie et en RDA, le communisme s’effondre, le parlement tchécoslovaque abolit le rôle dirigeant du parti communiste et un nouveau gouvernement, dans lequel les communistes sont minoritaires, est constitué. En Roumanie, une révolution populaire vient à bout du régime de Nicolae Ceausescu, exécuté le 25 décembre 1989 au terme d’un procès expéditif. Alors qu’en Europe de l’Est l’année 1989 sonne le glas du communisme, il se renforce en Chine. C. Mais réaffirmation de l’autorité communiste en Chine Si la Chine de Deng Xiaoping met en place le socialisme de marché à partir de 1978 et ouvre une partie de son territoire aux investisseurs étrangers, il n’est pas question pour elle d’encourager la liberté d’expression ou de remettre en cause l’autorité du Parti communiste chinois. À partir d’avril 1989, les étudiants manifestent pourtant place Tian’anmen à Pékin en faveur de la libéralisation du régime. La venue de Mikhaïl Gorbatchev en mai a pour résultat d’amplifier le mouvement de révolte. Jusqu’en juin, les cadres du parti hésitent quant à la conduite à adopter, mais c’est finalement la ligne dure qui l’emporte incarnée par Deng Xiaoping : dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, les chars dégagent brutalement la place Tian’anmen, faisant plus d’un millier de morts parmi les manifestants, tandis qu’un violent mouvement de répression touche tout le pays. Malgré les protestations internationales, les dissidents sont emprisonnés ou contraints à l’exil. Ainsi, si l’économie chinoise s’est ouverte à l’économie de marché, les événements du printemps de Pékin en 1989 montrent bien que toute réforme politique est inenvisageable. Conclusion L’année 1989 représente un tournant dans l’histoire du communisme en Europe de l’Est : poussées par un désir de liberté et de démocratie, de nombreuses démocraties populaires, à l’image de la Hongrie, de la Pologne ou de la RDA, se libèrent de la dictature communiste.

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Il n’en est pas de même en République populaire de Chine où la répression violente du printemps de Pékin ôte à la population, pour un temps du moins, tout désir de révolte. Lorsque la remise en cause du système communiste atteint dès 1990 les républiques baltes, l’Union soviétique commence une longue agonie qui conduit à sa disparition le 25 décembre 1991.

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Sujet blanc

Première partie : question problématisée Partie I. La chute des régimes autoritaires en Europe du Sud A. La révolution des Œillets au Portugal Coup d’État militaire du 25 avril 1974. Rôle des guerres de décolonisation menées en Afrique depuis les années 1960. Période de transition pendant laquelle perdure une certaine agitation. 1976 : adoption d’une constitution démocratique. B. La fin de la dictature des colonels en Grèce Novembre 1973, manifestations des étudiants de l’École polytechnique d’Athènes. Agitation populaire dans tout le pays. La tentative des colonels d’installer une dictature à Chypre (juillet 1974) les prive de leur soutien étatsunien. Le 24 juillet 1974, la démocratie est restaurée avec à sa tête l’ex-Premier ministre Constantin Caramanlis revenu d’exil. C. La fin du franquisme en Espagne Mort de Franco le 20 novembre 1975. Son successeur désigné, le roi Juan Carlos, démocratise le régime avec l’aide de son Premier ministre Adolfo Suarez. 1977  : premières élections libres depuis 1936. 1978 : nouvelle Constitution faisant de l’Espagne une monarchie parlementaire. Les actions terroristes des mouvements indépendantistes basques et catalans et la tentative de putsch de militaires nostalgiques de la dictature franquiste (23 février 1981) ne remettent pas en cause la démocratie. Transition La démocratie renaît dans les années 1970 en Europe du Sud. Alors que les anciennes dictatures se démocratisent, elles aspirent à entrer dans la CEE. Partie II. Le soutien de la CEE à ces jeunes et fragiles démocraties A. Les attraits de la CEE L’Europe des Neuf : 252 millions d’habitants en 1973. Deuxième puissance économique du monde, modèle démocratique stable qui peut aider les anciennes dictatures. Le parti pris par les États membres de la CEE est que si les sociétés de ces trois jeunes démocraties s’enrichissent, elles rejetteront définitivement toute dictature.

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marquent la frontière avec l’Autriche  : c’est le début de la chute du rideau de fer.

Demande d’adhésion dès 1975. Réticences de la Commission européenne face au retard économique de la Grèce. Chefs d’État et de gouvernement ne suivent pas les recommandations de la Commission. Entrée de la Grèce dans la CEE le 1er janvier 1981. C. Une intégration plus lente de l’Espagne et du Portugal dans la CEE L’intégration de l’Espagne et du Portugal pose des difficultés, par exemple l’inquiétude des agriculteurs européens devant la perspective d’une concurrence des produits ibériques à bas coûts. Négociations commencées en 1977, accord seulement trouvé en 1985 : l’Espagne et le Portugal entrent dans la Communauté le 19 janvier 1986. L’intégration dans la CEE permet aux trois États d’Europe du Sud de rattraper, en partie du moins, leur retard économique et donc d’affermir leur système démocratique. Conclusion Réponse à la problématique et ouverture sur l’intégration après 1991 des anciens pays du bloc communiste.

D’un point de vue social  : «  le taux de chômage est passé en novembre à 4,7 % contre 4,5 % en octobre » (doc.  1) et «  si l’embargo arabe qui frappe les ÉtatsUnis était maintenu, le chômage pourrait atteindre en 1974 6 % de la population active » (doc. 1) : chômage de masse. Partie II. La révolution islamique en Iran à l’origine de la remise en cause des équilibres politiques A. Une révolution islamique en Iran Causes et déroulement de la révolution islamique  ; importance de l’ayatollah Khomeini (doc. 2) ; départ du chah en janvier 1979 et retour de Khomeini le 1er février. B. Le rejet de l’Occident Mise en place d’une république islamique le 1er avril 1979  : Khomeini, Guide suprême de la révolution  ; primauté du religieux sur le politique. Rejet des ÉtatsUnis vus comme un soutien du régime du chah et d’Israël.

Deuxième partie : analyse de documents

Conclusion

Problématique

Réponse à la problématique et ouverture sur d’autres grands changements politiques contemporains tels que la chute des dictatures d’Europe du Sud dans les années 1970.

Quel rôle joue le Moyen-Orient dans la modification des grands équilibres économiques et politiques internationaux ? Partie I. Le rôle du Moyen-Orient dans les chocs pétroliers de 1973 et 1979 A. Les causes des deux chocs pétroliers Guerre du Kippour (6-22 octobre 1973) et réaction des pays de l’OPEP, «  les pays arabes  » (doc.  1), face au soutien des pays occidentaux à Israël : hausse des prix du baril « pour le brut iranien, le prix pourrait dépasser 10 dollars » (doc. 1) et baisse de la production, « pénurie quantitative  » (doc.  1). Certains pays, comme les États-Unis, subissent même un embargo (doc. 1). La révolution islamiste de 1979 en Iran (doc. 2), grand producteur de pétrole, provoque une hausse des prix du pétrole de 20 %. B. Des conséquences économiques et sociales importantes «  Si ces hausses devaient se généraliser, le fardeau que supporteraient les balances des paiements des pays importateurs deviendrait intolérable » (doc. 1) : la hausse des coûts de production provoque l’inflation, une baisse de la consommation et de la production. Les secteurs industriels qui dépendent le plus du pétrole sont les plus touchés  : «  l’automobile et ses fournisseurs, la pétrochimie, les textiles synthétiques, les cimenteries… » (doc. 1).

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D’où la volonté de diminuer la dépendance à l’égard du pétrole : « Ces crédits devraient permettre à l’administration d’encourager l’exploration et l’exploitation de toutes les ressources énergétiques existant aux États-Unis » (doc. 1).

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Révisions

Répondre et mémoriser 1. Quelles sont les causes du premier choc pétrolier ? Le 6 octobre 1973, le déclenchement de la guerre du Kippour conduit les États-Unis à livrer des armes à Israël. En représailles, les pays arabes de l’OPEP décident d’augmenter de 70 % les prix du baril de brut et chaque mois de réduire de 5 % leur production pétrolière. 2. Qu’appelle-t-on « inflation » ? L’inflation est une hausse généralisée des prix. 3. En quoi consiste la politique des « Quatre modernisations » ? La politique des « Quatre modernisations » est une politique de réformes lancée par le dirigeant chinois Deng Xiaoping en 1978, qui concerne l’industrie, l’agriculture, le secteur scientifique et technologique, et la défense nationale. 4. Que sont les ZES ? Les ZES sont en Chine des zones économiques spéciales. Ce sont à l’origine en 1980 quatre grandes villes littorale (Shenzhen, Zhuhai, Shantou, Xiamen) ouvertes aux investissements étrangers et bénéficiant de règles fiscales avantageuses.

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B. L’entrée de la Grèce dans la CEE : les premières hésitations

5. En quelle année la dictature s’effondre-t-elle au Portugal ? La dictature s’effondre au Portugal en 1974, au moment de la révolution des Œillets (25 avril 1974). 6. Qui est Juan Carlos ? Juan Carlos est le successeur désigné de Franco. Il est proclamé roi d’Espagne le 22 novembre 1975 après la mort de ce dernier et organise progressivement la démocratisation de son pays.

8. Qui est à la tête de Solidarnosc en 1989 ? Lech Walesa. 9. De quand date la Glasnost et de quoi s’agit-il ? La Glasnost date de 1986. Il s’agit d’une politique de transparence initiée par Mikhaïl Gorbatchev en URSS et prônant la liberté d’expression. 10. Quand le mur de Berlin s’effondre-t-il ? Le mur de Berlin s’effondre le 9 novembre 1989.

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7. Que se passe-t-il en Iran le 1er avril 1979 ? La République islamique d’Iran est proclamée par référendum le 1er avril 1979.

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La France de 1974 à 1988 :  un tournant social, politique et culturel Le point sur le programme Objectifs du chapitre

Ce chapitre souligne les mutations sociales et culturelles de la société française pendant une période marquée par de nombreuses réformes et l’émergence de nouvelles questions politiques. On peut mettre en avant : – l’alternance politique avec l’élection de François Mitterrand ; – une société en mutation : évolution de la place et des droits des femmes, place des jeunes et démocratisation de l’enseignement secondaire et supérieur, immigration et intégration ; – les transformations du paysage audiovisuel français, l’évolution de la politique culturelle et les nouvelles formes de la culture populaire.

Points de passage et d’ouverture

1975 : la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse : un tournant dans l’évolution des droits des femmes.



1981 : abolition de la peine de mort.



L’épidémie du sida en France : recherche, prévention et luttes politiques.



La logique du chapitre Ce chapitre montre les trois aspects du tournant à traiter par le programme. Il y a tout d’abord un tournant politique, avec le début et la succession des alternances (Étude n° 1 pp. 230-231 : « les tournants politiques de 1974 à 1988 »), celles de 1974 et 1981 s’accompagnant d’importantes réformes de Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand. Ces évolutions politiques engendrent de profondes modifications sociales : point de passage n° 1 pp. 232-233 (la loi de 1975 sur l’IVG), point de passage n° 2 pp. 234-235 (l’abolition de la peine de mort de 1981), étude n° 2 pp. 236-237 sur la place des jeunes, étude n° 3 pp. 238-239 sur l’intégration des immigrés. La société française est parallèlement confrontée à une épidémie d’ampleur (point de passage n° 3 pp. 240-241 sur le sida), situation dont l’actualité en termes de débats, de luttes politiques et de recherche n’est pas à démontrer. Enfin, le tournant culturel est traité via les transformations affectant aussi bien le paysage audiovisuel que la politique culturelle en France durant la période (étude n° 4 pp. 242-243). Le cours pp. 244-245 vient ensuite synthétiser les points saillants dégagés des documents et des exercices jalonnant chaque double-page. Trois doubles-pages portent enfin sur la mise en œuvre des exercices demandés au baccalauréat, la méthodologie et la révision du chapitre.

Pour aller plus loin • Références spécialisées – Ludivine Bantigny et alii, La Société française de 1945 à nos jours, « Documentation photographique » n° 8 107, La Documentation française, sept. 2015. – Mathias Bernard, Les Gauches en France depuis 1945, CRDP Aquitaine, 2011. – Marie-Claude Blanc-Chaléard, Histoire de l’immigration, La Découverte, « Repères », 2001. – Élisa Capdevila, Culture, médias, pouvoirs (1945-1991), « Documentation photographique » n° 8 128, La Documentation française, avril 2019. – Crime et châtiment, Textes et Documents pour la Classe / TDC n° 992, mars 2010. – Femmes-hommes : quelle égalité ?, TDC, n° 848, 2003. – Pascale Gœtschel, Histoire culturelle de la France au xxe siècle, « Documentation photographique » n° 8 077, La Documentation française, sept.-oct. 2010. – L’immigration en France, « Cahiers français » n° 385, La Documentation française, 2015. – Jean-Luc Millet, Histoire des immigrations en France, Canopé, 2 DVD. – Gérard Noiriel, Le Creuset français. Histoire de l’immigration xIxe-xxe siècle, Le Seuil, 1988.

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CHAPITRE 8 La France de 1974 à 1988 : un tournant social, politique et culturel

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Bibliographie

– Qu’est-ce que le patrimoine ?, TDC n° 1 051, 2013. – Ralph Schor, Français et immigrés en temps de crise (1930-1980), L’Harmattan, 2004. – Ralph Schor, Histoire de la société française au xxe siècle, Belin, « Belin Sup/Histoire », 2004. • Témoignages et romans – Jacques Attali, Verbatim I (1981-1986) et II (1986-1988), Livre de Poche, 1995. – Robert Badinter (et Philippe Garbit), émission Mémorables. Les nuits de France Culture, 15 février 2002, ép. 10/15 : L’abolition https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/memorables-robert-badinter-1015labolition-0 – Azouz Begag, Le Gone du Chaâba, Babelio, 2005. Un roman sur la condition des enfants d’immigrés dans un bidonville de Lyon. – Simone Veil (et Caroline Broué), « Les combats de Simone Veil », émission L’invitée, idées de la matinale, France Culture, 1er juin 2017. https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-idees-de-la-matinale/les-combats-de-simone-veil Filmographie – Cyril Collard, Les Nuits fauves, 1992 (sur l’apparition et le développement du sida en France). – Robin Campillo, 120 battements par minute, 2017 (les luttes d’Act Up contre le sida). – Mathieu Kassovitz, La Haine, 1995 (jeunesse, banlieue, immigration, relégation). – Agnès Varda, L’Une chante, l’autre pas, 1977 (sur la question des femmes après la loi Veil).

Ouverture

La problématique du chapitre une fois énoncée, les documents choisis rendent compte de grands tournants s’opérant dans la période 1974-1988 : en matière sociale, la lutte des mouvements de femmes pour la contraception  ; sur le plan politique l’alternance à la présidence de la République du président centriste Valéry Giscard d’Estaing (élu en 1974 sur une première alternance entre le centre droit libéral et la droite gaulliste), qui laisse sa place en 1981 à l’Élysée au premier président de la République socialiste (réélu en 1988). Une frise chronologique indique les principaux repères posés par le programme, et situe dans le temps les trois points de passage du chapitre.

pp. 230-231

Étude

Les tournants politiques de 1974 à 1981 Les tournants politiques se multiplient entre 1974 et 1988. Le doc.  1 inaugure une période de changement pour la Ve République avec le passage du gaullisme au centrisme. L’accent est ensuite mis sur le tournant plus profond de 1981 (doc.  2 à 5). La première cohabitation entre le président François Mitterrand et son Premier ministre Jacques Chirac est l’occasion d’observer une modification de la pratique du pouvoir à la tête de la République de 1986 à 1988 (doc. 6). VIDÉO La déclaration du 8 mai 1981

Questionnaire 1. Quel homme politique s’exprime et à quelle date ? François Mitterrand s’exprime le 8 mai 1981. 2. De quels résultats parle-t-il ? Des résultats de l’élection présidentielle qu’il vient de remporter.

8•2

3. Quelles vont être ses «  responsabilités politiques  » désormais ? Diriger la France en tant que président de la République. 4. Quelles sont selon lui les « forces victorieuses » ? Les forces rassemblées de la jeunesse, du travail, de création, du renouveau. 5. Quels sont les buts poursuivis par son programme ? L’emploi, la paix, la liberté. 6. À quel camp politique appartiennent les militants qu’il remercie ? À la gauche. 7. À quel adversaire s’adresse-t-il pour finir afin d’exprimer sa sympathie ? Il s’adresse à Valéry Giscard d’Estaing, son adversaire politique vaincu.

Réponses aux questions p. 231 1. La présidence de Valéry Giscard d’Estaing constitue une forme d’alternance politique car elle s’accompagne de mesures qui tranchent avec les présidences gaullistes précédentes : nomination de femmes à des postes clés, volonté de rajeunir la Ve  République, mesures audacieuses en matière sociale (relèvement du minimum vieillesse, libéralisation de l’IVG, garanties en cas de perte d’emploi, promesse d’extension de la Sécurité sociale à tous les Français, intérêt porté aux conditions de vie des travailleurs étrangers résidant en France) et politique (abaissement du droit de vote à 18 ans). 2. L’alternance de 1981 est plus profonde parce que c’est l’opposition de gauche, emmenée par Mitterrand, qui parvient au pouvoir et que cette victoire se produit à l’élection présidentielle puis aux législatives. Une fois au pouvoir, Mitterrand a comme projet de mettre en place une « démocratie socialiste ».

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pp. 228-229

4. En 1986, les élections législatives sont remportées par une coalition de droite (RPR de Jacques Chirac) et de centre droit (UDF), alors que le président élu en 1981 est de gauche. Dès lors, Mitterrand nomme comme Premier ministre le chef de la nouvelle majorité parlementaire (Chirac) et cohabite avec lui en définissant des domaines partagés et d’autres où le président laisse toute autorité au gouvernement. C’est la première fois qu’une cohabitation a lieu sous la Ve République.

Synthèse Les tournants politiques entre 1974 et 1988 se présentent de deux manières. Il y a d’une part l’alternance au centre, avec en 1974 l’élection à la présidence de la République de Valéry Giscard d’Estaing. Sa présidence tranche avec les présidences gaullistes précédentes (de Gaulle, Pompidou)  : nomination de femmes à des postes clés, volonté de rajeunir la Ve  République, décisions hardies en matière sociale (relèvement du minimum vieillesse, libéralisation de l’IVG…) et politique (abaissement du droit de vote à 18 ans). Une alternance plus importante encore se produit en 1981, quand l’opposition de gauche, emmenée par le socialiste François Mitterrand, parvient au pouvoir et remporte en mai l’élection présidentielle puis les législatives en juin. Cette alternance s’accompagne d’importantes réformes telles que l’intervention de l’État dans l’économie (nationalisations en 1982 de 5 groupes industriels et de 39 banques). La volonté d’améliorer les conditions de vie des Français se marque autant dans le cadre professionnel (au choix : hausse salariale, diminution du temps de travail hebdomadaire, semaine supplémentaire de congés payés, renforcement des droits des salariés dans l’entreprise, retraite à 60 ans) qu’en dehors (mesures en faveur des locataires). Enfin, pour la première fois depuis le début de la Ve République en 1958, les élections législatives de 1986 conduisent à la cohabitation d’un président élu par une majorité (de gauche en 1981) avec un Premier ministre désigné après la victoire aux législatives de la droite et du centre. Cette cohabitation au sommet de l’État entre François Mitterrand et Jacques Chirac se déroule de 1986 à 1988. Elle donne lieu à une répartition des attributions entre le président, le Premier ministre et le gouvernement. La défense nationale et les Affaires étrangères constituent le «  domaine partagé  » entre le président d’un côté, le Premier ministre et son gouvernement de l’autre.

8•3

pp. 232-233

Point de passage

La loi sur l’IVG (1975) et le tournant féministe Cette double-page se situe dans le prolongement du doc. 1 p. 230, qui évoquait les grandes réformes au début du septennat de Valéry Giscard d’Estaing. On présente d’abord les principales dispositions de la loi (doc. 1 à 3) et ses effets (doc. 4), que l’on inscrit dans le fil des mutations de la place des femmes dans la société, tout en montrant que si des améliorations sont observées, des inégalités importantes subsistent entre les femmes et les hommes (doc. 5 et 6). VIDÉO La loi de 1975 expliquée

Questionnaire 1. Comment s’appelle le projet de loi évoqué au journal télévisé ? Le projet de loi sur l’interruption de la grossesse. 2. Qui est ministre de la Santé ? Simone Veil 3. Qui va examiner le projet de loi une fois celui-ci adopté en Conseil des ministres ? Le Parlement 4. De quand date la législation antérieure sur l’avortement ? 1920 et 1923 5. Comment la ministre de la Santé juge-t-elle la situation actuelle ? Injuste et mauvaise pour les femmes, notamment pour les plus démunies qui ne peuvent pas se faire avorter à l’étranger. 6. Jusqu’à quand l’avortement serait-il autorisé dans ce projet ? Avant la 10e semaine de grossesse le plus souvent mais l’avortement thérapeutique pourra être exceptionnellement autorisé après la 10e semaine de grossesse dans des cas de péril grave pour la mère ou de risques d’affections graves pour l’enfant. 7. Quand la contraception a-t-elle été autorisée ? En 1967 (stérilet, pilule contraceptive). 8. Qui soutient fortement le projet ? Le président de la République Valéry Giscard d’Estaing et le gouvernement de Jacques Chirac.

Réponses aux questions p. 233 Parcours 1 1. Simone Veil souligne que la loi interdisant l’avortement n’est pas vraiment appliquée, que des médecins disent ouvertement ne pas la respecter, que beaucoup de femmes font des avortements clandestins désastreux pour leur santé, et qu’elles sont en situation de détresse profonde.

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3. La volonté d’intervention de l’État dans l’économie se traduit par des nationalisations en 1982 dans l’industrie et la banque. La volonté d’améliorer les conditions de vie des Français se marque autant durant leur carrière (au choix : hausse salariale, diminution du temps de travail hebdomadaire, semaine supplémentaire de congés payés, renforcement des droits des salariés dans l’entreprise, retraite à 60 ans) qu’en dehors (mesures en faveur des locataires).

3. On peut parler de révolution familiale dans la mesure où femmes et hommes sont à égalité en ce qui concerne la procédure de divorce (1975) ainsi que l’autorité sur les enfants naturels ou de parents divorcés (1987). Quant aux naissances non désirées, elles ne cessent de chuter depuis les lois Neuwirth (1967) puis Veil (1975). Nous pouvons donc constater que le mandat de Valéry Giscard d’Estaing est au cœur de la révolution familiale mais que cette dernière a été initiée sous le mandat de Charles de Gaulle (loi de 1967) et poursuivie au temps de la première cohabitation (loi de 1987). 4. D’une part, avec la diminution de la fécondité des femmes et du nombre de naissances non désirées, la possibilité d’occuper durablement un emploi est plus forte. De plus, les jeunes filles bénéficient de la mixité scolaire (1975), ce qui facilite leur accès aux filières jusque-là plutôt réservées aux hommes. Tout ceci a pour conséquence que les femmes voient leur taux d’activité s’élever. Elles intègrent massivement les professions du secteur tertiaire, en plein essor durant les Trente Glorieuses. Si leur taux de chômage reste assez bas, il n’en va pas de même pour l’emploi partiel qui s’accroît chez elles, car c’est sur elles que repose l’essentiel des tâches domestiques et familiales.

Synthèse La place et les droits des femmes évoluent considérablement dans les années 1970-1980. La loi Veil (1975) autorise l’IVG avant la fin de la dixième semaine de grossesse, à condition d’être pratiquée par un médecin et dans un établissement hospitalier. Elle place la femme est au centre de ces dispositions car c’est à elle de faire la demande (avec l’accord d’un majeur si elle est mineure), et elle est informée des risques de l’opération. Cette loi, combinée à celle de 1967 (Neuwirth), poursuit la révolution familiale dans la mesure où les naissances non désirées ne cessent de chuter. De plus, femmes et hommes sont à égalité en ce qui concerne la procédure de divorce (1975) et l’autorité sur les enfants naturels ou de parents divorcés (1987). Enfin les femmes occupent une place de plus en plus importante dans la population active. La mixité scolaire (1975) facilite l’accès des jeunes filles aux filières jusque-là plutôt réservées aux garçons. Cela a aussi pour conséquence une élévation du taux d’activité des femmes, parce qu’elles intègrent massivement les professions du secteur tertiaire, en plein essor durant les Trente Glorieuses. La diminution de la fécondité féminine joue également un rôle. Si leur taux de chômage reste assez bas, il n’en va pas de même pour l’emploi

8•4

partiel qui s’accroît chez elles, car c’est sur elles que repose l’essentiel des tâches domestiques et familiales.

Parcours 2 La loi Veil de 1975 conduit à une nette amélioration de la condition des femmes. En effet, jusque-là, les lois de 1920 et 1923 interdisant l’avortement donnaient lieu à une situation anarchique  : elles n’étaient pas vraiment appliquées, des médecins disaient ouvertement ne pas les respecter, beaucoup de femmes faisaient des avortements clandestins désastreux pour leur santé et se trouvaient en situation de détresse profonde. D’autres étaient très mal informées. Avec cette loi de 1975, l’IVG est autorisée avant la fin de la dixième semaine de grossesse, à condition d’être pratiquée par un médecin et dans un établissement hospitalier. Elle place la femme au centre de ces dispositions car c’est à elle de faire la demande (avec l’accord d’un majeur si elle est mineure), et elle est informée des risques de l’opération. La situation des femmes s’améliore notablement dans les années 1970 et 1980. Politiquement, un secrétariat d’État (1974) et un ministère (1981) leur sont spécifiquement consacrés. Avec les lois Neuwirth (1967) puis Veil (1975), les naissances non désirées ne cessent de chuter. D’un point de vue juridique, femmes et hommes sont à égalité en ce qui concerne la procédure de divorce et l’autorité sur les enfants naturels ou de parents divorcés. Les atteintes qu’elles subissent (viol) sont requalifiées pour être plus durement réprimées. La mixité scolaire place les filles et les garçons dans les mêmes filières à partir de 1975. Enfin, les femmes occupent une place de plus en plus importante dans la population active. Les femmes voient leur taux d’activité s’élever, car le nombre de grossesses compliquant le parcours professionnel diminue, et parce qu’elles intègrent massivement les professions du secteur tertiaire, en plein essor durant les Trente Glorieuses. La mixité scolaire facilite aussi l’accès des jeunes filles aux filières jusque-là plutôt réservées aux garçons, mais l’évolution reste limitée. Avec la crise, si leur taux de chômage reste assez bas, il n’en va pas de même pour l’emploi partiel qui s’accroît chez les femmes. Il n’en reste pas moins que des inégalités subsistent. Les femmes dans le tertiaire sont plutôt cantonnées à des fonctions d’exécution (ex  : secrétariat) et restent sous l’autorité des hommes qui dirigent entreprises et administrations. De plus, on observe que le travail à temps partiel les touche plus que les hommes, car c’est sur elles que repose encore l’essentiel de la charge des tâches familiales et domestiques. Le recours au temps partiel s’explique aussi parce qu’au sein des ménages, les femmes gagnent moins que les hommes, à qualification et poste égal, et qu’elles sont toutes désignées pour sacrifier un emploi proportionnellement moins rémunéré.

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2. L’IVG est autorisée avant la fin de la dixième semaine de grossesse, elle doit être pratiquée par un médecin et dans un établissement hospitalier. La femme est au centre de ces dispositions car c’est à elle de faire la demande (avec l’accord d’un majeur si elle est mineure), et elle est informée des risques de l’opération.

pp. 234-235

Point de passage

L’abolition de la peine de mort en 1981 Le dossier montre que la peine de mort polarise l’opinion publique, souvent émue lorsque les rares peines sont exécutées (doc. 1). Comme pour l’IVG en 1975, l’abolition de la peine de mort est un choix moral et une décision politique votée (doc. 6) et critiquée (doc. 5) à la suite d’une alternance (doc. 3), dans un contexte de relative inapplication de la loi. Mais les Français restent majoritairement favorables à la peine capitale, même après le choix politique de son abolition (doc. 2). VIDÉO Avis du candidat Mitterrand

sur la peine de mort en 1981 Questionnaire 1. Qui est interrogé, à quel moment et pour quelle élection ? François Mitterrand, candidat à l’élection présidentielle de 1981. 2. Quelles sont les institutions déjà hostiles à la peine de mort ? Les Églises, des associations humanitaires. 3. Quelle est la position de Mitterrand sur la peine de mort ? Il est opposé à la peine de mort. 4. Quelle est l’opinion majoritaire des Français sur la peine de mort ? Les Français sont majoritairement pour la peine de mort selon les sondages. 5. Pour quelle raison cet homme politique a-t-il cette position ? Par humanisme, en accord avec sa conscience, par « souci de la civilisation », sa croyance, son refus qu’un seul homme puisse disposer de la vie d’un autre. 6. Quelle serait la conséquence pour les condamnations à mort déjà prononcées s’il accédait au pouvoir ? Les cinq condamnés à mort seraient graciés.

Réponses aux questions p. 235 Parcours 1 1. L’opinion publique reste largement favorable à la peine capitale (plus de 60 % en 1981), même s’il existe des partisans de son abolition qui se mobilisent lorsque des affaires défraient la chronique, comme en 1976 avec le procès et l’exécution de Christian Ranucci.

8•5

2. Robert Badinter défend l’abolition en s’appuyant sur des études montrant qu’il n’existe pas de corrélation entre l’existence de la peine de mort et la diminution d’une «  criminalité sanglante  » visée par cette peine. Bon connaisseur des procès engageant la peine capitale, il sait que les plus grands criminels ne sont pas retenus par la crainte de la peine capitale au moment d’agir. À cela s’ajoutent des arguments politiques : le maintien de la peine de mort est le fait de régimes plutôt dictatoriaux  ; enfin cette peine est un héritage de l’Ancien Régime où le souverain de droit divin, seul détenteur du droit de grâce, décidait du maintien en vie ou de la mort des individus en appliquant une justice de l’effroi. 3. Les députés opposés à l’abolition, comme Jean Foyer, veulent faire échouer ce projet en demandant aux Français leur avis par référendum, car ils savent que l’opinion publique reste favorable à la peine de mort. 4. Finalement, on observe que beaucoup de députés et de sénateurs de la majorité et de l’opposition votent en faveur de l’abolition de la peine de mort.

Synthèse L’abolition de la peine de mort intervient après l’alternance de 1981, qui porte la gauche au pouvoir. Le garde des Sceaux Robert Badinter est un avocat hostile depuis longtemps à la peine capitale. Il a été témoin des grandes mobilisations des adversaires de la peine de mort lors de procès qui ont divisé l’opinion, comme l’affaire Ranucci en 1976. Il défend un projet de loi au nom du gouvernement devant le Parlement en septembre 1981. Ses arguments sont qu’il n’existe pas de corrélation entre l’existence de la peine de mort et la diminution de la « criminalité sanglante ». Bon connaisseur des procès engageant la peine capitale, il affirme que les plus grands criminels ne sont pas retenus par la crainte de la peine capitale. À cela s’ajoutent des arguments politiques  : le maintien de la peine de mort est le fait de régimes plutôt dictatoriaux  ; cette peine est un héritage de l’Ancien Régime où le souverain, qui utilisait son droit de grâce, décidait du maintien en vie ou de la mort des individus en appliquant une justice de l’effroi. Les opposants à l’abolition appartiennent à l’opposition de droite et du centre. Ils défendent l’idée que la peine de mort existe dans des pays démocratiques comme les États-Unis d’Amérique et qu’il vaut mieux proposer l’abolition sous forme de référendum aux Français (ce que refuse le gouvernement). Mais lors du vote, on s’aperçoit que beaucoup de parlementaires de l’opposition ont voté en faveur de l’abolition. Il n’en reste pas moins que l’opinion des Français reste majoritairement favorable à la peine de mort, même après son abolition.

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Même s’il y a eu une amélioration durant la période, l’inégalité salariale reste assez marquée, le salaire moyen féminin représentant 70 % du salaire moyen masculin à la fin des années 1980, contre 50 % au milieu des années 1970.

Parcours 2 Les positions pour l’abolition • Peine inefficace (peu dissuasive). de la peine de mort • Pratiquée dans les dictatures (le Portugal jusqu’en 1976, l’Espagne jusqu’en 1978, les pays de l’Europe communiste...). • Héritage de l’Ancien Régime. • Des exécutions malgré des culpabilités douteuses (affaire Ranucci, 1976). Les arguments contre l’abolition de la peine   de mort

• Des régimes démocratiques appliquent la peine de mort (États-Unis, pays européens comme la Grèce). • Son abolition doit faire l’objet d’un référendum, pas d’un vote parlementaire.

L’avis des Français et   le choix des parlementaires

• Majoritairement partisans de la peine de mort (plus de 60 % des Français). • Parlementaires majoritairement favorables à l’abolition de la peine de mort (363 députés pour/117 députés contre ; 160 sénateurs pour/126 sénateurs contre).

Étude

La place des jeunes dans la société Cette double-page montre qu’à la suite de mai 1968, la période 1974-1988 est marquée par des réponses aux attentes de la jeunesse (doc. 1 à 3), mais qu’avec la crise économique arrive le temps de nouvelles difficultés (doc. 5 et 6) et de nouvelles mobilisations (doc. 4). VIDÉO La jeunesse en 1978

Questionnaire 1. Quelles sont les catégories faisant partie de la « jeunesse » ? Les enfants, les adolescents et finalement l’ensemble des moins de 25 ans. 2. Quel est le problème entre les adultes et les jeunes ? Les adultes ne connaîtraient pas assez les jeunes. 3. Quelle image des jeunes est véhiculée ici ? Ils sont studieux, inquiets de leur avenir et vivent en bonne intelligence avec leurs parents. 4. La jeunesse forme-t-elle un bloc homogène ? Non. Il n’y a pas d’attitude collective au sein de la jeunesse. 5. Quels sont les facteurs de diversité au sein de la jeunesse ? L’origine socio-professionnelle, les études poursuivies, la situation familiale orientent les comportements. 6. Quelle est l’importance numérique des jeunes ? Ils représentent 40 % des Français. 7. Quels sont les principaux objectifs des jeunes ? La liberté et trouver un métier intéressant.

2. Il y a de plus en plus d’étudiants à l’université parce qu’il faut répondre à un besoin de la société et du marché du travail en personnes instruites et qualifiées, et à une crise de l’emploi qui frappe d’abord et surtout les salariés les moins qualifiés. Mais l’université dispose de peu de moyens (construction, recrutement, équipement) pour faire face à cet afflux de bacheliers (objectif de 80 % d’une classe d’âge au niveau baccalauréat posé en 1985) et elle propose encore trop peu de filières professionnelles courtes, alors qu’elle est confrontée à la concurrence des filières sélectives (grandes écoles, IUT). 3. Les jeunes peuvent peser dans la vie politique d’abord grâce au droit de vote, abaissé de 21 à 18 ans en 1974, mais aussi par des mobilisations (manifestations, blocage des universités) contre des projets de loi qui sont perçus comme négatifs pour eux (projet de loi Devaquet en 1986 finalement retiré en raison de la mobilisation de centaines de milliers de jeunes et de la mort médiatisée de Malik Oussekine le 6 décembre 1986). 4. La situation des jeunes en état de travailler est marquée par une hausse continue du chômage (5 % en 1974, 25 % en 1984) pour les plus jeunes (15-24 ans) qui veulent accéder à l’emploi ou occupent un premier emploi. Leur situation est nettement plus détériorée que celle de leurs aînés.

Synthèse

Réponses aux questions p. 237

Les jeunes sont au cœur des réformes scolaires depuis mai 1968, épisode marqué par une très forte contestation et mobilisation de la jeunesse, notamment étudiante. Pour y répondre, les gouvernements successifs ont mis en œuvre une massification scolaire, avec des effectifs scolarisés dans le second cycle (collège et lycée) de plus en plus importants.

1. On assiste à une massification dans la mesure où les effectifs scolarisés dans le second cycle (collège et lycée) sont de plus en plus importants. Il s’agit également

Il y a également une démocratisation, car la loi Haby (1975) crée un collège unique pour tous les élèves qui ont les mêmes programmes dans les mêmes classes.

8. Quelle difficulté frappe les plus de 20 ans ? Le chômage (44 % des demandeurs d’emploi ont moins de 25 ans).

8•6

d’une démocratisation, car avec la loi Haby est créé un collège unique pour tous les élèves qui ont les mêmes programmes dans les mêmes classes.

CHAPITRE 8 La France de 1974 à 1988 : un tournant social, politique et culturel

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pp. 236-237

Mais, avec la crise économique qui débute à partir du milieu des années 1970, ils sont les premiers touchés par ses répercussions sur l’emploi. En effet, la situation des jeunes en état de travailler est marquée par une hausse continue du chômage (5  % en 1974, 25  % en 1984) pour les plus jeunes (15-24  ans) qui veulent accéder à l’emploi ou occupent un premier emploi. Leur situation est nettement plus détériorée que celle de leurs aînés (25-49 ans).

pp. 238-239

Étude

L’intégration des immigrés La double-page définit (vocabulaire), pose les jalons (chronologie) et prend la mesure (doc.  1) du phénomène de l’immigration en France. Puis, l’intégration est abordée sous ses principaux aspects  : le cas de l’école (doc. 2) et des pratiques religieuses (doc. 6), les revendications et les mobilisations (doc.  3 et 4) pour l’intégration par l’extension des droits et la lutte contre le racisme, la manière dont cette question est mobilisée par le Front national (doc. 5), un parti qui gagne en audience, en critiquant l’immigration et la possibilité d’une intégration. VIDÉO La « marche des beurs »

Questionnaire 1. Quand et où débute cet événement ? À Marseille, le 15 octobre 1983. Mais le mouvement est né dans la cité des Minguettes à Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise. 2. En quoi consiste-t-il ? Une longue marche pour l’égalité destinée à atteindre Paris le 3 décembre 1983. 3. Qui y participe ? Quelques jeunes, immigrés pour la plupart. 4. Quels sont les objectifs de cette initiative ? Rencontrer des Français, entamer le dialogue, leur tendre la main pour favoriser l’égalité entre tous. 5. Citez quelques slogans aperçus sur les banderoles. «  Marche pour l’égalité  », «  Français, immigrés, solidarité ! », « Halte au racisme », « La chasse est fermée »… 6. Quel accueil rencontrent les manifestants ? L’accueil est souvent très chaleureux, malgré quelques réactions racistes minimes. 7. Quels droits sont revendiqués ? L’égalité, le droit de vote.

8•7

8. Quel camp politique manifeste son soutien ? son hostilité ? Les partis de gauche et d’extrême gauche soutiennent le mouvement. Seule l’extrême droite marque son hostilité au mouvement. 9. Combien étaient-ils au début et à la fin de l’événement ? Il étaient 32 à leur départ de Marseille, ils sont 100 000 à leur arrivée à Paris.

Réponses aux questions p. 239 1. Les immigrés présents en France viennent principalement d’Europe (proximité géographique) et de pays du Maghreb (liens historiques et linguistiques). Par exemple les Maghrébins sont 1  298  273, les Espagnols, Italiens, Portugais 1  266  755, les immigrés d’Afrique subsaharienne 667 389. 2. L’intégration scolaire des enfants d’immigrés est compliquée quand il y a un faible niveau de pratique de la langue française et lorsque la famille de l’élève connaît des difficultés ou refuse de s’intégrer au pays d’accueil. Il y a des domaines où l’on ne relève pas de problèmes plus sérieux chez les enfants d’immigrés que pour ceux de familles françaises de milieu social équivalent  : le respect de l’obligation scolaire, de l’assiduité et les relations entre les élèves et leurs enseignants. En 1981 sont créées les Zones d’éducation prioritaire (ZEP) dans les quartiers défavorisés. 3. Les jeunes issus de l’immigration se mobilisent contre les actes et les paroles racistes et pour l’égalité des droits (droit de vote des étrangers aux municipales, promis en 1981). Pour ce faire, ils ont recouru au droit d’association et ont organisé des marches, des manifestations et des mouvements (SOS Racisme en 1984). Ces initiatives ont eu un certain succès, notamment médiatique, et des slogans (« Touche pas à mon pote », voir doc. p. 245) se sont diffusés dans la population. 4. Le Front national pose la question de l’immigration comme une menace socio-économique pour les Français, considérant que les chiffres élevés du chômage s’expliquent par un trop grand nombre d’immigrés. Ce parti politique diffuse ses idées par des affiches, des publications et participe aux élections (municipales, législatives, présidentielles) pour faire connaître ses vues et son programme, qui recueillent une audience croissante (9,65 % aux élections législatives et 35 députés élus). 5. Certains (plutôt des hommes et d’origine algérienne) diminuent leur pratique religieuse et alignent leur comportement sur la laïcisation de la société française. D’autres maintiennent certaines pratiques religieuses, mais en famille et par fidélité aux traditions culturelles de leur pays d’origine.

CHAPITRE 8 La France de 1974 à 1988 : un tournant social, politique et culturel

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De plus, les jeunes jouent un rôle politique accru. Ils peuvent peser sur la vie politique d’abord grâce au droit de vote abaissé de 21 à 18 ans depuis 1974, mais aussi par des mobilisations (manifestations, blocage des universités) contre des projets de loi qui sont perçus comme négatifs pour eux (1986).

Espagne, Italie, Portugal (≈ 1,25 million)

Maghreb (≈ 1,3 million)

Autres pays européens (≈ 660 000)

Reste du monde (≈ 1 million)

IMMIGRATION EN FRANCE

Freins à l’intégration

Mobilisation

– Obstacle de la langue – Communautarisme – Difficultés sociales

Libertés (expression, réunion) et droit d’association (1981)

Respect de l’obligation et de l’assiduité scolaires

Stigmatisation des immigrés

Manifestations, mouvements et associations, médiatisation

Apprentissage du français et laïcisation

Racisme et mobilisations identitaires

Revendications antiracistes et d’extension des droits (vote aux municipales…)

Déclin des pratiques religieuses d’origine (abandon, marginalisation)

École (9 % des élèves en 1980)

pp. 240-241

Point de passage

L’épidémie de sida en France, recherche, prévention et luttes politiques Après avoir défini (vocabulaire) le sida et mesuré l’impact croissant de cette épidémie dans la France des années 1980 (chronologie et doc.  1), on aborde les progrès et les difficultés rencontrées par la recherche (doc. 2), les formes de mobilisation et les premières mesures de prévention (doc.  3 à 5) ainsi que le débat et les luttes politiques autour de cette question (doc. 6). VIDÉO La campagne nationale

Questionnaire 1. Combien y a-t-il de cas de sida en 1987 ? 2 700 cas. 2. À quel rythme progresse le sida en France ? À un rythme rapide (6 200 cas prévus en 1988, 14 000 cas en 1989), soit un doublement tous les 10 mois du nombre de personnes atteintes du sida. 3. Que font les associations privées ? Effort de mobilisation pour collecter des fonds et venir en aide aux malades.

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4. Que préconisent les campagnes d’information ? L’usage du préservatif. 5. Qu’est-ce qui rend la lutte contre le sida difficile ? Les mentalités et les habitudes sexuelles mettent du temps à changer.

Réponses aux questions p. 241 Parcours 1 1. Le sida se révèle une épidémie redoutable car elle touche un nombre croissant de personnes (multiplication par 8 en 5 ans) et ne reste pas confinée aux « groupes à risque » (homosexuels, toxicomanes) dans lesquels elle s’était développée initialement. 2. Les avancées sont l’isolement et l’identification du virus (1983), l’arrêt de la transmission par transfusion sanguine et l’introduction de tests de dépistage (1985), l’utilisation de médicaments (AZT, 1987). Mais les problèmes posés à la recherche sont importants : mutabilité du virus, réaction du système immunitaire, absence de vaccin, médicaments sans effet décisif, et défaut d’un financement de la recherche à la hauteur du défi posé par le sida. 3. La prévention contre le sida s’effectue par des campagnes d’information (utilisation de préservatifs lors des

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Intégration

rapports sexuels) mais aussi par l’activité d’associations comme Aides (1984) qui lutte contre la stigmatisation des malades, informe le public, dialogue avec les pouvoirs publics et les milieux scientifiques, alors qu’Act Up (1989) mobilise l’opinion publique contre le silence qui entoure le sida et reproche les insuffisances des pouvoirs publics et de la recherche.

dépistage en 1985, utilisation de médicaments comme l’AZT à partir de 1987), mais les problèmes posés à la recherche restent importants. Le sida n’est pas vaincu : mutabilité du virus, réaction du système immunitaire, absence de vaccin, médicaments sans effet décisif, faiblesse du financement de la recherche par rapport au défi posé par la pandémie.

4. Le Front national, par le biais de son président Jean-Marie Le Pen, considère que l’épidémie peut se propager par des contacts quotidiens (transpiration, larmes, salive), que les préservatifs n’offrent pas une protection suffisante et qu’en conséquence, il faut impérativement isoler les personnes séropositives et les malades du sida. Ces positions soulèvent des protestations de toutes parts  : milieux scientifiques spécialistes de la question, pouvoirs publics, associations d’entraide et de lutte contre le sida.

Devant cette situation, les pouvoirs publics mettent en œuvre des politiques de prévention (par voie d’affichage) en vue de prévenir les conduites à risque et d’encourager l’utilisation des préservatifs. D’autres acteurs vont dans le même sens, comme Aides qui lutte contre la stigmatisation des malades, informe le public et dialogue avec les pouvoirs publics et les milieux scientifiques. D’autres associations, comme Act Up (1989), interpellent l’opinion publique contre le silence qui entoure le sida et reprochent des insuffisances et des lenteurs aux pouvoirs publics et aux chercheurs.

Synthèse Le sida atteint la France en 1982 et connaît un développement rapide  : il touche un nombre croissant de personnes (multiplication par 8 en 5 ans) et ne reste pas confiné aux «  groupes à risque  » (homosexuels, toxicomanes) dans lesquels il s’était développé initialement. C’est un problème d’autant plus sensible pour l’opinion que la recherche peine à trouver des réponses immédiates : certes, on enregistre quelques progrès (isolement et identification du virus en 1983, arrêt de la transmission par transfusion sanguine et introduction de tests de

Le sida devient une question politique dès lors que le Front national, force politique montante, s’en empare. Ce parti affirme que l’épidémie peut se propager par des contacts quotidiens (transpiration, larmes, salive), que les préservatifs offrent une protection insuffisante. Pour ces raisons, le FN de Jean-Marie Le Pen soutient qu’il faut impérativement isoler les personnes séropositives et les malades du sida. Ces positions soulèvent de très vives protestations des milieux scientifiques spécialistes de la question, des pouvoirs publics et des associations d’entraide et de lutte contre le sida.

Parcours 2 La situation médicale

• Développement de l’épidémie à grande échelle en dehors des « groupes à risque ». • Isolement du virus, tests de dépistage, fin de la contamination par transfusion et lutte par des médicaments (AZT). • Financement insuffisant de la recherche, mutabilité du virus, absence de vaccin...

Les formes de prévention   et de médiatisation

• Campagnes de prévention (port du préservatif) par les pouvoirs publics. • Information et dialogue avec pouvoirs publics et milieux médicaux (Aides). • Mobilisation de l’opinion par des campagnes spectaculaires et pression sur les pouvoirs publics et la recherche (Act Up).

Le sida au cœur de luttes politiques

• FN : diagnostic erroné (transmission par les gestes quotidiens, inefficacité du préservatif) et solutions radicales (isolement des séropositifs et des malades du sida). • Positions du FN critiquées et combattues par les pouvoirs publics, les milieux scientifiques et les associations de lutte contre le sida.

Étude

Les transformations des paysages audiovisuel et culturel français L’étude traite d’abord des grandes réformes de libéralisation de l’audiovisuel français (doc.  1 et 2), avant de mettre en évidence les principales transformations culturelles, orientées par une politique culturelle (doc. 4) tournée vers la démocratisation (doc. 3 et 5), l’extension et la protection (doc.  4), ainsi que la décentralisation (doc. 6) de la culture.

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VIDÉO Mitterrand et l’audiovisuel

Questionnaire 1. Que fait François Mitterrand une fois élu ? Il libère les ondes radio et télévisuelles. 2. Combien y a-t-il de radios libres en 1996 ? Plus de 1 500. 3. Que se passe-t-il immédiatement après la loi de 1981 ? Explosion de milliers de radios libres.

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pp. 242-243

5. Quel a été le public plus particulièrement touché par cette réforme ? Les jeunes. 6. Quel parti a créé une radio pirate avant la réforme de 1981 ? Le parti socialiste. 7. Quel était le nom de cette radio pirate ? Radio Riposte. 8. Quand le monopole de la programmation télévisuelle est-il levé ? 1982 9. Quelles chaînes en découlent ? Canal +, La Sept, La Cinq, TV6 et les chaînes du câble. 10. Comment peut-on considérer désormais le secteur audiovisuel en France ? C’est devenu une véritable industrie.

Réponses aux questions p. 243 1. Valéry Giscard d’Estaing décide non pas de mettre fin au monopole de l’État sur la télévision et la plupart des stations de radio françaises, mais de supprimer l’ORTF qui les regroupait toutes sous son autorité, afin de créer des chaînes de télévision et des stations radio (France Inter, France Culture, France Musique) organisées en sociétés autonomes (et concurrentes) les unes par rapport aux autres. La gauche au pouvoir à partir de 1981 met fin au monopole de l’État sur les ondes, ce qui donne lieu à la multiplication des radios libres en France. 2. Le paysage audiovisuel français voit la création de chaînes de télévision privées, qui sont adossées sur des grands groupes privés de médias (publicité, presse, édition, radio-TV) ou même industriels (BTP, assainissement). 3. La politique culturelle menée par Jack Lang entend rendre la culture plus proche des Français, en associant la population aux manifestations culturelles (Fête de la musique, Journées du patrimoine). Le soutien se fait grâce à un « budget sans précédent » alloué au ministère de la Culture, dont l’effort porte en particulier sur la lecture, avec le prix unique du livre, des constructions et des aides aux bibliothèques. Au plan local (régions, départements), les DRAC recensent et orientent les aides de l’État vers les besoins culturels régionaux, et des projets divers (musées, écoles, centres) sont réalisés avec un financement mixte de l’État et des collectivités locales. 4. La politique culturelle de la gauche défend une conception large de la culture, en y intégrant des secteurs touchant au patrimoine, monuments certes, mais aussi patrimoine culinaire. On assiste également à la

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promotion de pratiques culturelles jusque-là marginales, telles que la bande dessinée ou la photographie (voir aussi doc. p. 245).

Synthèse D’importantes transformations affectent le paysage audiovisuel français. Dès 1974, le président Giscard d’Estaing décide non pas de mettre fin au monopole de l’État sur la télévision et la plupart des stations de radio françaises, mais de supprimer l’ORTF qui les regroupait toutes sous son autorité, afin de créer des chaînes et des stations autonomes les unes par rapport aux autres. La gauche au pouvoir à partir de 1981 autorise la multiplication des radios libres en mettant fin au monopole de l’État sur les ondes. Puis sont autorisées 4 chaînes de télévision privées, adossées sur des grands groupes privés de médias (publicité, presse, édition, radio-TV) ou même industriels (BTP, assainissement). Jack Lang, ministre de la Culture de François Mitterrand durant son septennat, met en œuvre, avec un budget conséquent et le soutien du président, un ambitieux programme de démocratisation culturelle, qui veut rendre la culture plus proche des Français en associant la population aux manifestations culturelles (Fête de la musique, Journées du patrimoine). L’effort porte en particulier sur la lecture (grâce au prix de vente unique du livre) et sur les bibliothèques par le biais de constructions et d’aides. Au plan local (régions, départements), les DRAC recensent et orientent les aides de l’État vers les besoins culturels régionaux, et des projets divers (musées, écoles, centres) sont réalisés avec un financement mixte de l’État et des collectivités locales. Enfin, cette politique culturelle défend une conception large de la culture, intégrant des secteurs touchant au patrimoine (monuments certes, mais aussi patrimoine culinaire). On assiste également à la promotion de pratiques culturelles jusque-là marginales, telles que la bande dessinée ou la photographie, qui sont dotées d’écoles, de musées ou de centres dédiés.

pp. 246-248

Exercices BAC

Analyse de documents p. 246 Introduction Le dossier documentaire se compose d’un tableau statistique extrait d’un article de l’hebdomadaire L’Express qui fait le point sur la situation des femmes au début de la période (1975), à quoi s’ajoute un extrait d’article publié en 1998 par une historienne, Mona Ozouf, dans L’Histoire, une revue d’histoire grand public, et qui analyse la condition des femmes et son évolution durant les années 1970 et 1980. Cette période débute dans un contexte où les mouvements féministes, très actifs, réclament l’égalité dans divers domaines entre les hommes et les femmes, et revendiquent pour elles la maîtrise de leur contraception.

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4. Quels types de radios émettent officiellement avant la réforme de 1981 ? Quelques radios périphériques et les radios de Radio France.

L’analyse de ces documents nous conduira à constater d’abord la difficile situation des femmes, avant d’aborder les améliorations produites, et enfin la persistance d’inégalités à leur détriment par rapport aux hommes. Partie I. Les femmes sortent d’une période au cours de laquelle elles subissaient de nombreuses contraintes. Tout d’abord, elles étaient placées sous diverses autorités selon le document  1, généralement masculines, telles que les parents, les enseignants, les voisins, voire les autorités religieuses. Ces tutelles se faisaient très pesantes notamment quand il s’agissait de pousser une femme enceinte d’un homme à l’épouser et à fonder un foyer avec lui. Du reste, leur situation d’infériorité ne s’arrêtait pas là puisque les femmes n’eurent droit à la parole, politiquement parlant, qu’à partir de l’ordonnance du 21 avril 1944 qui leur donnait le droit de vote. Enfin, le Code civil établi par Napoléon Bonaparte en 1804 restait dans une large mesure en vigueur  : les pères possédaient l’autorité parentale exclusive sur les enfants, le droit au divorce était difficile à obtenir pour les épouses. Surtout, la question de la grossesse était pour elles une véritable hantise : la loi nataliste proscrivant l’avortement votée (par des parlementaires exclusivement masculins) en 1920, perturbait leur vie amoureuse par la crainte de tomber enceinte. En effet, dans ce cas, des choix peu enviables se présentaient aux femmes  : soit garder un enfant pas forcément désiré dans le cadre d’une relation éphémère (phénomène répandu des « filles-mères »), soit abandonner leur enfant, soit avorter dans la clandestinité, c’est-à-dire s’exposer à enfreindre la loi et surtout pratiquer l’avortement dans de mauvaises conditions sanitaires, sources de complications, voire de décès. Dans tous les cas, les femmes se trouvaient dans la situation d’être « rendues mères par un homme » sans nécessairement le souhaiter. On imagine sans peine les conséquences psychologiques engendrées par une telle situation dans la relation, au sein de la famille, entre une mère et son enfant non désiré, ou, au sein d’un couple, entre une femme et un homme contraints de fonder un foyer en raison d’une naissance accidentelle et non désirée. Partie II. Cependant, la condition des femmes va connaître, surtout à partir des années 1970, une amélioration considérable à tous les niveaux comme le montrent les documents 1 et 2. Au plan politique, on assiste à l’institutionnalisation de la question et de la cause des femmes, se traduisant par la création d’un secrétariat d’État à la condition féminine (occupé en 1974 par Françoise Giroud, femme politique et ancienne journaliste à L’Express) puis, de 1981 à 1986, d’un ministère des Droits de la femme dirigé par la socialiste féministe Yvette Roudy.

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Au plan socio-économique, les femmes accèdent plus massivement à l’emploi, et notamment les femmes mariées (62 % de la population active féminine dès 1975) qui, pendant longtemps, étaient confinées au foyer une fois mariées puis rapidement devenues mères. En effet, les femmes ont profité de l’essor du secteur tertiaire dans les économies occidentales pour l’investir massivement. De plus, la mixité scolaire, ainsi que la création des collèges uniques, adoptées en 1975, a facilité leur accès à l’enseignement sur les mêmes bases que les garçons. Il n’est donc pas étonnant que, rapidement, les femmes investissent des professions jusque-là exclusivement masculinisées (ex. : grandes écoles telles que Polytechnique dès 1972, professions libérales juridiques et de santé). La loi Roudy de 1983 sur l’égalité professionnelle hommes-femmes vient appuyer cette évolution. Au plan sociétal, il en est allé de même. Les décisions familiales sont prises à égalité maintenant que les hommes doivent partager l’autorité parentale (1987 pour les enfants naturels ou de parents divorcés)  ; la législation, dès 1975, autorise le divorce par consentement mutuel, ce qui facilite la dissolution de mariages trop pesants pour les femmes. La principale évolution, amorcée avec l’adoption de la loi Neuwirth de 1967 autorisant la contraception orale, tient à la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) avant la 10e  semaine, grâce à la loi Veil (1975). L’IVG, d’abord expérimentée sur une durée de 5  ans, est pérennisée dès 1979, puis remboursée par la Sécurité sociale (1982) de manière à profiter également aux femmes de milieux modestes. Il en découle qu’à présent les femmes maîtrisent leur contraception, avec des conséquences bénéfiques que des grossesses désirées peuvent avoir pour elles, leurs enfants (désirés) et leur santé. Enfin, les autorités qui pesaient sur la femme enceinte (parents, Église, etc.) laissent place au libre choix de celle-ci. Partie III. Cette évolution favorable ne doit pas occulter les progrès considérables à accomplir pour atteindre l’égalité entre hommes et femmes. Tout d’abord, le rapport à l’emploi reste inégalitaire  : plus nombreuses dans la population totale, la part des femmes dans la population active reste inférieure à celle des hommes, leur taux d’activité de 25 à 49 ans est d’un tiers inférieur (60  % contre 98  %), et surtout, elles sont proportionnellement plus exposées au chômage que les hommes, et ce dès 1975, au début de la crise  ; en 1988, 10 % des femmes actives contre 5 % des hommes sont touchées par le chômage. Il en va de même pour le rapport des femmes au travail partiel (20 % en 1988), bien plus fort que chez les hommes (