Guide Pratiques Des Urgences Psychiatrique 2021 [PDF]

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Zitiervorschau

Chez le même éditeur Manuel de psychiatrie, 4e édition, de J.-D. Guelfi, F. Rouillon et L. Mallet, 2021, 1040 pages. Prescrire les psychotropes, 3e édition, de B. Millet et J.-M. Vanelle, 2020, 560 pages. Médecine et santé de l’adolescent, de P. Gerardin, B. Boudailliez et Ph. Duverger, 2019, 504 pages.

Guide pratique des urgences psychiatriques Conduites à tenir en situations cliniques Charles-Siegfried Peretti

Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France Guide pratique des urgences psychiatriques. Conduites à tenir en situations cliniques, de Charles-Siegfried Peretti. © 2021 Elsevier Masson SAS ISBN : 978-2-294-76698-5 e-ISBN : 978-2-294-76755-5 Tous droits réservés. Les praticiens et chercheurs doivent toujours se baser sur leur propre expérience et leurs connaissances pour évaluer l’état clinique des patients. Ils doivent utiliser toutes les informations, les méthodes, ou protocoles décrits ici dans la prise en charge. Du fait de l’avancement rapide des sciences médicales, en particulier, une vérification indépendante des diagnostics et dosages des médicaments doit être effectuée. Dans toute la mesure permise par la loi, Elsevier, les auteurs, collaborateurs ou autres contributeurs déclinent toute responsabilité pour ce qui concerne la traduction ou pour tout préjudice et/ou dommages aux personnes ou aux biens, que cela résulte de la responsabilité du fait des produits, d’une négligence ou autre, ou de l’utilisation ou de l’application de toutes les méthodes, les produits, les instructions ou les idées contenus dans la présente publication. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).

Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, tout particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photo-copillage ». Cette pratique qui s’est généralisée, notamment dans les établissements d’enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes d’autorisation de photocopier doivent être adressées à l’éditeur ou au Centre français d’exploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.

Les auteurs Auteur Pr Charles-Siegfried Peretti, Professeur des universités à Sorbonne Université, chef du service de psychiatrie et de psychologie médicale de l’hôpital Saint-Antoine, AP-HP, DMU neurosciences  ; ICRIN Lab, ICM, INSERM, CNRS, 75013, Paris, France.

Avec la collaboration de Dr Vladimir Adrien, Psychiatre, chef de clinique universitaire ; assistant des hôpitaux, service de psychiatrie et d’addictologie, DMU neurosciences, CHU Saint-Antoine, 75012, Paris, AP-HP. Sorbonne Université  ; ICRIN Lab, ICM, INSERM, CNRS, 75013, Paris, France. Dr Thomas Baudry, Psychiatre, chef de clinique universitaire ; assistant des hôpitaux, service de psychiatrie et d’addictologie, DMU neurosciences, CHU Saint-Antoine, 75012, Paris, AP-HP. Sorbonne Université. Dr Jean-Victor Blanc, Psychiatre, Praticien hospitalier, service de psychiatrie et d’addictologie, CHU Saint-Antoine, 75012 Paris, AP-HP, Paris Sorbonne. Dr Vanessa Cagnone, Psychiatre, praticien hospitalier contractuel, centre régional de Psychotrauma Paris Centre et Sud, AP-HP. Sorbonne Université. Dr Marie-Victoire Chopin, Docteur en psychopathologie et psychanalyse, psychologue clinicienne-psychothérapeute, service de psychiatrie, CHU Saint-Antoine, DMU neurosciences, AP-HP. Sorbonne Université, 75012 Paris. Pr Florian Ferreri, Psychiatre, professeur des universités, AP-HP. Sorbonne Université, service de psychiatrie et de psychologie médicale des adultes, DMU neurosciences, 75012 Paris  ; ICRIN Lab, ICM, INSERM, CNRS, 75013 Paris, France. Dr Lucie Joly, Psychiatre, Praticien hospitalier, responsable de l’unité de psychiatrie périnatale, AP-HP. Sorbonne Université ; DMU Origyne Neuro­ sciences ; sites : Saint-Antoine, Pitié-Salpêtrière, Trousseau, Tenon. Dr Stéphane Mouchabac, Psychiatre, praticien hospitalier, CHU SaintAntoine, AP-HP. Sorbonne Université, DMU neurosciences, Paris ; ICRIN psychiatrie (ICM). Dr Philippe Nuss, Psychiatre, praticien hospitalier, CHU Saint-Antoine, AP-HP. Sorbonne Université, DMU neurosciences, Paris  ; centre de recherche Saint-Antoine (INSERM UMRS 938), Sorbonne Université Paris.

VIII Dr Vincent Panizzi, Psychiatre, assistant spécialiste des hôpitaux, CHU Saint-Antoine, 75012 Paris. Dr Tomoyuki Segawa, Psychiatre, chef de clinique universitaire, assistant des hôpitaux, service de psychiatrie et d’addictologie, DMU neuro­ sciences, CHU Saint-Antoine, 75012, Paris, AP-HP. Sorbonne Université ; ICRIN Lab, ICM, INSERM, CNRS, 75013 Paris, France.

Préface Les urgences psychiatriques concernent les psychiatres, les urgentistes, les généralistes. Le livre s’adresse à tous ces publics médicaux confrontés à – et parfois déconcertés par – les situations des malades nécessitant une évaluation psychiatrique. Ayant vécu et participé à la construction de la médecine d’urgence ces trente dernières années, je me placerai du point de vue du praticien de cette discipline jeune et enthousiasmante, consacrée comme une marque du temps par la parution au Journal officiel de sa création comme spécialité le 13 novembre 2015, le jour des attentats du Bataclan… La médecine d’urgence est par essence polyvalente comme le rappelle le décret de 2006 qui précise que «  tout établissement autorisé [...] est tenu d’accueillir en permanence dans la structure des urgences toute personne qui s’y présente en situation d’urgence ou qui lui est adressée…  ». Cette polyvalence inclut bien sûr les malades nécessitant une évaluation psychiatrique. Leur prévalence, de l’ordre de 10 à 20 % de l’ensemble des patients consultant aux urgences est telle que le législateur a ressenti le besoin de préciser des modalités spécifiques dans le même décret : « l’établissement [...] organise la prise en charge des personnes nécessitant des soins psychiatriques se présentant dans la structure des urgences : 1° Avec sa structure de psychiatrie, lorsqu’il est autorisé à exercer l’activité de soins de psychiatrie mentionnée [...] ; 2° Avec un autre établissement de santé autorisé à exercer cette activité dans le cas contraire. » Ceci souligne les liens singuliers qui unissent la médecine d’urgence et la psychiatrie dans la réalité de terrain. Ainsi, les médecins urgentistes doivent acquérir des connaissances, un savoir-faire et un savoir-être nécessaires pour la prise en charge de ces malades. Leur formation initiale et leur formation continue ne répondent pas toujours à l’exigence que justifieraient les situations quotidiennes auxquelles ils sont confrontés. Cet ouvrage d’urgences psychiatriques, unique en son genre, comblera favorablement ce manque ou ce besoin de rappeler les principes de prise en charge adaptée. Il se base sur une approche pragmatique et complète des situations psychiatriques vécues dans nos structures d’urgences hospitalières et préhospitalières. Les auteurs choisis ont une pratique de terrain qui rejaillit de leurs propos. L’ensemble des pans des urgences psychiatriques est abordé. L’organisation des urgences et l’intégration des soins psychiatriques en leur sein plantent le décor. Les situations ou motifs de recours, si chers à la démarche de l’urgentiste car les patients ne consultent pas généralement pour des maladies mais des symptômes témoins des maladies, sont successivement abordés. Les urgences psychiatriques en fonction des pathologies complètent en miroir ces situations. Les spécificités des urgences psychiatriques selon le terrain et les addictions

X montrent à quel point les auteurs se sont souciés de la réalité de nos services d’urgences. Un chapitre sur les pathologies somatiques s’exprimant par des  symptômes d’allure psychiatrique rappellera que le psychiatre consultant aux urgences est un spécialiste dont l’avis vient compléter un examen initial toujours nécessaire et qui doit être dénué d’a priori. Les psychotraumatismes et le rôle des cellules d’urgences médicopsychologiques, sous le feu des projecteurs de l’actualité, sont également envisagés. Enfin, les aspects médicaux légaux si présents dans ces prises en charge concluent cet ouvrage complet. En conclusion, cet ouvrage représente très certainement une mine dans laquelle les urgentistes, les généralistes et les psychiatres participant à la prise en charge des urgences psychiatriques trouveront les pépites qu’ils recherchent. Dominique Pateron Professeur de médecine d’urgence à Sorbonne Université, président honoraire de la Société française de médecine d’urgence

Introduction Toutes les urgences psychiatriques ont un point commun  : elles regroupent des personnes qui vivent une crise psychique. Citons d’abord le cas des personnes souffrant de pathologies psychiatriques en phase de décompensation aiguë. Parlons ensuite des individus indemnes de pathologies psychiatriques ou porteurs de troubles psychiques mineurs, incapables de s’adapter à des contextes stressants ou traumatiques. Autrement dit, la crise psychique ou perte de l’homéostasie psychique va apparaître chez le patient psychiatrique en décompensation mais pas seulement. En effet, la crise psychique peut concerner une personne sans antécédents psychiatriques mais incapable de s’adapter à un événement de vie à valeur traumatique : une rupture affective, un accident, une agression, une ambiance de harcèlement, la nouvelle d’un licenciement, etc. La vie actuelle, dans les sociétés modernes postindustrielles, rassemble de nombreuses occasions de voir apparaître une crise psychique. C’est la raison pour laquelle les urgences psychiatriques représentent à elles seules jusqu’à 20 % de la file active des urgences générales. L’ouvrage que nous vous proposons a pour objectif premier de décrire les principales situations d’urgences psychiatriques pour permettre au praticien de les identifier et de les reconnaître. Mais au préalable, il convient de présenter l’esprit d’accueil, véritable savoir-être avant de parler du savoir-faire des équipes d’urgence. Cette enveloppe d’accueil est primordiale pour qui veut traiter humainement les personnes qui se présentent en état de crise psychique ainsi que les accompagnants et les familles en plein désarroi. Ce livre est conçu pour fournir des conduites à tenir dans les situations les plus fréquentes, le modus operandi. Mais il s’agit d’abord de présenter les aspects psychologiques de la prise en charge. La caractéristique essentielle d’une équipe des urgences est de consacrer du temps et de la bienveillance aux usagers qui se présentent en état de crise psychique. Pour résumer l’esprit de cet ouvrage, il s’agit d’un assemblage de compétences et conduites à tenir à disposition des soignants qui reçoivent, évaluent et traitent la crise psychique sous toutes ses formes dans un coffret humaniste. Professeur Charles-Siegfried Peretti

Abréviations β-hCG β human chorionic gonadotropin AAH allocation aux adultes handicapés Ac anticorps ACFA arythmie complète par fibrillation auriculaire AD antidépresseur ADRE admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État ADTU admission à la demande d’un tiers urgente ALA acide δ-aminolévulinique ALU accueil liaison urgence AMM autorisation de mise sur le marché AP attaque de panique APA American Psychiatric Association AP-HP Assistance publique-Hôpitaux de Paris ARS Agence régionale de santé AVC accident vasculaire cérébral AVK antivitamine K BU bandelette urinaire BZD benzodiazépine CAC Centre d’accueil et de crise CCA cortex cingulaire antérieur CD cluster of differentiation CDOM Conseil départemental de l’Ordre des médecins CH centre hospitalier CHR centre hospitalier régional CHRU centre hospitalier régional universitaire CHS centre hospitalier spécialisé CHU centre hospitalier universitaire CIAPA centre interhospitalier d’accueil permanent pour adolescent CIM-10 Classification internationale des maladies (10e version) CMP centre médicopsychologique CNRS Centre national de la recherche scientifique CPAA Centre psychiatrique d’accueil et d’admission CPAU Centre psychiatrique d’accueil d’urgences CPF cortex préfrontal CPK créatine phosphokinase CPOA Centre psychiatrique d’orientation et d’accueil CRAT Centre de référence des agents tératogènes CRIP cellule de recueil des informations préoccupantes CROM Conseil régional de l’Ordre des médecins CRP protéine C réactive (C-reactive protein) CUMP Cellule d’urgence médico-psychologique

XIV Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 4e  révision du texte (2000) DSM-5 Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5e édition (2013) DMU département médico-universitaire DT delirium tremens ECBU examen cytobactériologique des urines ECG électrocardiogramme EDB extreme delta brush EDC épisode dépressif caractérisé EDM épisode dépressif majeur EEG électroencéphalogramme EIA enzyme immunoassays ELISA enzyme-linked immunosorbent assay ELSA équipe de liaison et de soins en addictologie EMDR eye movement desensitization and reprocessing EPSM établissement public de santé mentale ESA état de stress aigu ESPT état de stress post-traumatique FC fréquence cardiaque FFP Fédération française de psychiatrie FR fréquence respiratoire GBL γ-butyrolactone GDS gaz du sang GHB γ-hydroxybutyrate GHU groupement hospitalier universitaire HAD hospitalisation à domicile HAS Haute Autorité de santé HbCO carboxyhémoglobine HDT hospitalisation à la demande d’un tiers HDTu hospitalisation à la demande d’un tiers urgente HSV1 herpes simplex virus type 1 HTA hypertension artérielle HTIC hypertension intracrânienne I3P (ou IPPP) infirmerie psychiatrique de la préfecture de police IAO infirmier d’accueil et d’orientation ICM Institut du cerveau et de la moelle épinière ICRIN Clinical Research in Neuroscience infrastructure (Infrastructure de recherche clinique en neurosciences) IgG immunoglobuline type G IM intramusculaire IMAO inhibiteur de la mono-amine-oxydase IMM Institut mutualiste Montsouris IMV intoxication médicamenteuse volontaire IN intranasale INAVEM Institut national d’aide aux victimes et de médiation INR international normalized ratio DSM-IV-TR

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IPA infirmier en pratique avancée IPPI intervention psychothérapeutique postimmédiate IPPP (ou I3P) infirmerie près la préfecture de police de Paris IRM imagerie par résonance magnétique IRSNa inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline ISRS inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine IST infection sexuellement transmissible ITT incapacité temporaire totale IVG interruption volontaire de grossesse JLD juge des libertés et de la détention LCR liquide céphalorachidien LSD diéthyllysergamide (all. Lysergsäurediethylamid) MDMA 3,4-méthylènedioxy-N-méthylamphétamine MDPH maison départementale des personnes handicapées MMSE mini mental state examination MoCA Montreal Cognitive Assessment NFS numération formule sanguine NMDA N-methyl-D-aspartate NMDAR N-methyl-D-aspartate receptor NLP neuroleptique NOS oxyde nitrique synthase (nitric oxide synthase) O2 dioxygène OFDT Observatoire français des drogues et des toxicomanies OH oxhydryle PA pression artérielle PAV Paris aide aux victimes PBG porphobilinogène PCR polymerase chain reaction PL ponction lombaire PMI Protection maternelle et infantile POP plateforme d’orientation psychiatrique RAU rétention aiguë d’urine RPPS Répertoire partagé des professionnels de santé RPR rapid plasma reagin rTMS stimulation magnétique transcrânienne répétitive (repetitive transcranial magnetic stimulation) SAMU service d’aide médicale urgente SAU service d’accueil des urgences SDJ soins sur décision judiciaire SDRE soins sur décision du représentant de l’État SDT soins à la demande d’un tiers SDTU soins à la demande d’un tiers en urgence SECOP service d’évaluation de crise et d’orientation psychiatrique SEP sclérose en plaques SIADH syndrome de sécrétion inappropriée de l’hormone antidiurétique SMUR structures mobiles d’urgence et de réanimation

XVI SPAO service psychiatrique d’accueil et d’orientation SPDRE soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État SPDT soins psychiatriques à la demande d’un tiers SPI soins pour péril imminent SPPI soins psychiatriques en cas de péril imminent SPUL service de psychiatrie d’urgence et de liaison T° température TA tension artérielle TAG trouble anxieux généralisé TAS trouble d’anxiété sociale TB trouble bipolaire TCA trouble du comportement alimentaire TCC thérapie cognitive et comportementale TDAH trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité TDM TAP tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne TDM tomodensitométrie TDMc tomodensitométrie cérébrale TG thyroglobuline THC tétrahydrocannabinol TMT-A trail making test A TMT-B trail making test B TOC trouble obsessionnel compulsif TP trouble panique TPHA treponema pallidum particle agglutination assay TPO thyroperoxydase TS tentative de suicide TSA trouble de stress aigu TSH thyréostimuline (thyroid-stimulating hormone) TSHus ultrasensitive thyroid-stimulating hormone TSPT trouble de stress post-traumatique UAMP unité d’accueil médicopsychologique UAO unité d’accueil et d’orientation UMC urgences médicochirurgicales UMJ urgences médicojudiciaires UNACOR unité d’accueil et d’orientation UPRM urgences psychiatriques Rhône Métropole VDRL venereal disease research laboratory test VIH virus de l’immunodéficience humaine

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La famille aux urgences Marie-Victoire Chopin

Les familles au service d’accueil des urgences : quelle place ? Toute organisation crée une forme qui engendre ordre et désordre en interne et dans son environnement. Edgar Morin (2008). « Il n’y a pas d’individus sur terre, juste des fragments de familles », affirmait Carl Whitaker (1998), thérapeute familial américain. Lorsque le patient se présente aux urgences, accompagné de sa famille, cet adage se vérifie aisément. Objectivement, l’admission d’un patient dans un service d’accueil des urgences (SAU) est une source de stress importante autant pour l’intéressé que pour les accompagnants. Les flux de nouveaux arrivants, les délais d’attente et de prise en charge, le manque d’information aggravent les tensions au point de générer des conflits, de susciter des manifestations d’agressivité verbale et/ ou physique. La spécificité de travail aux urgences fait objet de réflexion de la part des professionnels de terrain depuis de nombreuses années. Néanmoins, une simple observation de la relation patient-accompagnant sera une source précieuse de renseignements sur le contexte familial dans lequel le patient évolue, sur la qualité des ressources psychiques sur lesquelles il pourrait s’appuyer et sur le sens même du symptôme, au-delà de la réalité somatique. Ainsi, la fragilité de l’environnement familial transparaîtra à travers une inquiétude intense et le sentiment de culpabilité, éléments souvent déterminants dans la prise en charge en aiguë et en soins continus. L’accueil des familles accompagnant les patients aux urgences est intéressant à bien des égards, mais nécessite une formation et de l’expérience. La qualité de cet accueil influencera directement l’adhésion du patient au projet thérapeutique proposé par l’équipe et, éventuellement, le travail de deuil et d’adaptation qui se mettra en place à l’annonce du diagnostic plus ou moins favorable. L’équipe a pour habitude de voir en la famille une source inestimable d’informations dans bon nombre de cas graves, portant notamment sur l’heure et les circonstances dans lesquelles l’épisode aigu est survenu, les

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Guide pratique des urgences psychiatriques

données sur son état de santé antérieur et le contexte de vie plus large nécessaire à l’évaluation de la situation médicale. Cependant, la famille se présente aux urgences pour soutenir un de ses membres dans un moment de vulnérabilité physique et/ou psychique. La présence d’un proche ou d’une personne de confiance favorise la coopération du patient et l’aide à accepter les soins, en permettant de se laisser porter par l’équipe de professionnels.

Cadre d’accueil Le cadre d’accueil des familles en salle d’attente ou en salle des soins doit être réfléchi et organisé en amont. Il demande du temps, de la disponibilité, du personnel et une bonne maîtrise des gestes techniques de communication et de médiation. Si les accompagnants patientent dans la salle d’attente, il est préférable qu’un seul membre de l’équipe de soins reste leur interlocuteur privilégié afin qu’une relation de confiance puisse s’instaurer. Il est nécessaire d’installer confortablement la famille dans la salle d’attente et de lui délivrer des informations nécessaires à la compréhension du parcours de soins du patient, des délais d’attente, des différents intervenants et, s’il y a lieu, des démarches administratives. Cela peut être aussi le moment de recueillir la parole de la famille, ses craintes et ses émotions. Le cadre d’accueil et la disponibilité du personnel offrent un espace psychique contenant, favorisant l’élaboration de la demande et le raisonnement apaisé. Prévoir un espace d’attente suffisamment grand, chaleureux et confortable, informer le patient et sa famille dès l’accueil de tri sur la durée d’attente, matérialiser les parcours avec un code couleur ou à l’aide des écrans dans un souci de transparence : ces actions permettent déjà d’apaiser les arrivants. La posture du personnel paramédical est cruciale, l’entretien infirmier est d’une durée brève mais est construit en tenant compte de la famille, il améliore les conditions psychologiques de l’attente. Dans les cas lourds, il est nécessaire de disposer d’un box libre qui préservera l’intimité de la famille et lui permettra de patienter à l’abri des regards. Il convient d’anticiper la présence des enfants mineurs parmi les accompagnants en réfléchissant à un espace spécialement équipé : table de dessin, jouets, livres et brochures expliquant simplement la venue au SAU et le déroulement des soins. L’accueil d’un enfant mobilisera davantage le personnel mais, contrairement aux idées reçues, il ne sortira pas forcément traumatisé de cette expérience : les mots bien pensés et posés justement par les soignants l’aideront à contenir ses inquiétudes et à élaborer son vécu. Si un des membres de famille accompagne le patient jusqu’à la salle des soins, il est indispensable de lui attribuer un rôle précis : réconforter, rassurer, avec une possibilité de se retirer en fonction de son état émotionnel.



La famille aux urgences

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Récemment, un nouveau métier a émergé à l’hôpital, celui d’infirmier assistant d’accueil des familles. Suffit-il pour autant d’assurer un accueil professionnel et bienveillant, en délivrant les informations indispensables ? Les vignettes cliniques présentées ici montrent toute l’ambivalence des patients et de leurs familles, qui se révèlent plus tard, lors de la prise en charge continue. Gregory Bateson (1984) affirmait que la communication est un processus pluriel permanent  : c’est probablement cette pluralité qui nous échappe tant sur le plan digital qu’analogique pendant de brefs échanges et des moments d’observation. Penser un protocole accepté par les équipes et permettant une consolidation des informations recueillies par tous les soignants peut s’avérer très utile dans ce sens. On pourrait s’attendre à une modification de comportements et de communication face aux soignants, parfois fantasmés comme investis d’une fonction normative. Cependant, « les membres d’une famille ne peuvent pas ne pas communiquer entre eux ou ne pas répondre. Si l’un parle à l’autre, et que celui-ci ne répond pas, c’est quand même une réponse réelle et signifiante » (Jay Haley, 1995). La crise que représente la maladie et que la famille traverse rend saillants les liens intrafamiliaux, la nature des alliances affectives, les modèles de communication, voire, pour une oreille et un œil entraînés, une véritable mythologie fondatrice et porteuse de règles plus ou moins souples et viables. Il ne faut pas non plus oublier que « l’impasse et la pathologie du patient deviennent l’occasion d’une réorganisation affective et comportementale du groupe familial  » (Maurizio Andolfi,  2002). Alors, l’intervention des soignants peut aussi se révéler réparatrice pour une famille en crise.

Le symptôme : à quoi sert-il ? Du point de vue de l’école de Palo Alto, il est intéressant de comprendre la place que la pathologie ou, en tout cas, le cortège des symptômes manifestes, occupe dans l’économie systémique familiale. Dans certains cas, il semblerait que le patient décompense juste au moment où les tensions intrafamiliales deviennent insupportables. En tant que membre le plus sensible, il sera pointé du doigt, ce qui « arrangera » tout le monde, il supportera les tensions, alors que sa souffrance résulte des difficultés des autres, elle retentit sur le groupe familial. Compte tenu d’un tel contexte de crise familiale, la question suivante se pose : à quoi sert le symptôme ? On pourrait dire que la maladie sert alors au malade à s’adapter à la pathologie familiale. Tout de même, sans s’aventurer dans la recherche du lien causal entre le symptôme et le dysfonctionnement familial, on pourrait dire que bien des décompensations servent de prétexte aux familles pour se réunir ou se séparer, pour se parler ouvertement ou se protéger mutuellement.

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Guide pratique des urgences psychiatriques

Timothée souffre d’un trouble de la personnalité schizo-affective, dont les premières manifestations visibles pour l’entourage correspondent au moment où il quitte la maison pour faire ses études supérieures. En retrait, il semble très sensible à la séparation et aux conflits qui menacent la solidité du couple parental. Ultérieurement, chacune de ses hospitalisations est associée au passage par le SAU et survient dans un contexte de crise conjugale majeure, la décompen­ sation de Timothée obligeant les parents à se réunir à son chevet.

Dans une lecture systémique, le symptôme s’installe comme une solution au problème existant. Ainsi, comprendre la fonction du symptôme amène une lecture différente de la plainte initiale. Au début, la demande concerne souvent une seule personne dite « patient désigné », pointée par l’ensemble de la famille comme celle « qui a des problèmes ». Les autres membres de la famille ne se sentent pas immédiatement concernés et n’expriment pas le besoin d’être aidés, mais le professionnel averti s’apercevra de la souffrance induite par le symptôme et par les aménagements qu’il nécessite. Essayer de répondre avec la famille à la question « à quoi sert le symptôme ? » permet de fédérer la famille autour de la recherche des solutions créatives et innovantes. Il est par conséquent important d’examiner la demande de près, car ce n’est pas la même chose que d’« avoir » un symptôme ou que d’être confondu avec le symptôme dans le discours familial. Si, dans le premier cas de figure, le patient porteur du symptôme en souffre et demande de l’aide pour lui, dans le second cas, le symptôme de l’un est un prétexte pour les autres à formuler leur demande et à entrer dans une relation « thérapeutique ». Qu’il s’agisse d’un accueil urgent en psychiatrie ou en médecine somatique, le fait de trouver un temps d’entretien conjugal ou familial, même a posteriori, aidera à construire un protocole de prise en charge personnalisé du patient, où les facteurs de protection et les obstacles à l’observance thérapeutique seront pris en compte. En effet, une lecture systémique de la plainte permettra de s’ajuster à la demande, de favoriser l’émergence du sentiment d’être écouté et accompagné chez toutes les personnes présentes, de privilégier, si nécessaire, l’autonomie du patient ou, au contraire, de contenir son angoisse, de désamorcer les conflits potentiels et d’anticiper l’évolution du patient dans les unités de soins concernées.

Contenir les émotions, interpréter la demande Les émotions et les réactions du patient, qui se sent entouré et protégé, se trouvent ainsi mieux contenues et élaborées, ce qui constitue une aide pour l’équipe avançant vite et avec précision. La présence de la famille est d’autant plus intéressante pour les patients adultes qui souffrent des pathologies



La famille aux urgences

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ayant débuté durant l’enfance ou l’adolescence et qui ont pour habitude d’être accompagnés par leurs parents. Il n’est pas toujours aisé pour cette population d’opérer la transition du service pédiatrique vers un service pour adultes, notamment en raison d’une temporalité différente, de l’absence d’espaces transitionnels remplis de supports explicatifs, d’objets-doudous, alors que la cadence de prise en charge s’accélère et s’axe essentiellement sur le corps. La fonction de contenance psychique de la personne accueillie dans un service pour adulte semble acquise, ce qui permettrait théoriquement au personnel de se focaliser sur la pathologie à diagnostiquer et à traiter. Par ailleurs, une longue expérience de soins impliquant potentiellement des protocoles d’éducation thérapeutique attribue au patient et à sa famille le statut de «  sachants  ». Ces facteurs expliquent les réactions d’inquiétude massive, de questionnement et de critiques, ou même d’agressivité plus ou moins exprimée, allant jusqu’à un rejet du projet de prise en charge proposé. Maelys a bénéficié d’un suivi en pédopsychiatrie depuis plusieurs années jusqu’à ce qu’elle atteigne ses 17 ans. Son service habituel étant débordé par la demande, elle est orientée vers le SAU adulte dans le contexte d’une décompensation maniaque, pour une évaluation et une hospitalisation immédiate dans le service de psychiatrie adulte. La jeune fille est accompagnée par ses deux parents qui parlent à sa place, ce qui ne suscite pas d’étonnement compte tenu de son niveau d’agitation. Cependant, lorsque leur fille est admise en hospitalisation, les parents refusent de la quitter et assurent sa garde 24 heures sur 24 en dormant près de son lit à tour de rôle. Ils comparent sans arrêt le fonctionnement du service et le protocole de prise en charge au cadre de soins habituels en pédopsychiatrie. L’équipe se sent blessée par ces commentaires et une démotivation se fait sentir, alors que l’attitude des parents qui contrôlent toutes les propositions médicales n’inspire pas de confiance à leur fille et ne permet pas au projet de prise en charge d’aboutir. Malgré l’inquiétude très compréhensible des parents face aux troubles de leur fille, Maelys ne dispose pas d’autonomie suffisante pour investir ses soins et s’approprier sa maladie. La jeune fille sort contre avis médical au bout de quelques jours. Les indices menant à ce type de situations peuvent être repérés lors du passage aux urgences, alors que le cadre d’accueil immédiat et ultérieur doit être posé lors de l’entretien familial pour anticiper l’effet de « douche froide  ». L’agressivité masquant une angoisse massive de la famille, prise dans une sorte de traumatisme vicariant à la vue d’un des siens en souffrance, peut et doit être désamorcée par une posture d’écoute active, témoignant de la capacité de l’équipe à entendre la demande et la souffrance collatérale au trouble. Le fait d’anticiper les difficultés en fournissant des explications, de reformuler les dires du patient et de sa famille participe à la construction d’une alliance thérapeutique réussie.

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Cependant, la réalité peut s’éloigner de cet idéal. Il n’est pas rare qu’un proche endosse le rôle d’un porte-parole du patient afin d’obtenir plus rapidement un examen complémentaire, une place dans un service d’hospitalisation. Certains font preuve de réactions ambivalentes, satisfaits et soulagés de confier «  le fardeau  » à l’équipe. D’autres encore sont très inquiets, leur état «  contaminant  » en miroir le patient  : il est d’autant plus pénible de lire l’angoisse de mort dans les yeux de ses proches, alors qu’on se questionne soi-même sur son sort. De ce fait, il est indispensable que la présence d’un accompagnant soit proposée et non imposée. Il est d’autant plus vital d’évaluer rapidement les ressources de l’accompagnant que la souffrance et l’angoisse de son proche provoquent un stress important. Alors, plutôt que faciliter la prise en charge, l’accompagnant risque de perturber les soins et doit en conséquence patienter dans un espace serein. Outre la détresse causée par une décompensation psychiatrique et/ou somatique, le milieu de soins peut être perçu comme étranger et hostile ou, au contraire, comme un tiers « salvateur ». La réalité observable n’est ni simple, ni inscrite dans une causalité linéaire et il est aussi possible d’assister à des manifestations de peur d’intrusion lors des soins corporels que d’offrir involontairement un espace où une problématique différente sera évoquée sous couverture de la demande des soins somatiques. La douleur corporelle n’est-elle pas un ticket d’entrée pour exprimer une souffrance psychique masquée ? La plainte acquiert alors une tonalité toute différente où le patient cherche à survivre à sa propre famille ou plutôt à l’idée qu’il s’en fait (Elkaïm, 2014). L’admission aux urgences peut devenir une opportunité de faire entendre sa souffrance au reste de la famille, son épuisement, l’impression de ne pas être à sa place ou de ne pas en avoir une, le sentiment d’être pris dans un étau d’attentes fantasmées et de projections réciproques. La famille peut aussi être absente, mais cette absence prendra corps dans le discours du patient. Certains ne voudront pas déranger, d’autres encore se complairont dans l’autodénégation et l’autodestruction, non dénuées d’une certaine agressivité d’allure mélancolique, alors que, pour certains, ce sera une occasion de confier enfin un secret lourd : on peut assister à la révélation des abus sexuels intra- et extrafamiliaux ou encore des violences conjugales. Il est alors important de recueillir les dires du patient, sans pour autant penser ou agir à sa place. Pour le soignant, c’est la parole du patient qui primera ; néanmoins, il s’agit de respecter et de favoriser son autonomie et sa demande personnelle dans une démarche éventuelle. Dans certains cas, face à de telles révélations, les professionnels risquent de quitter leur place d’accompagnant et d’engager un protocole de prise en charge que le patient ne se voit pas encore en mesure d’accepter et d’assumer. Les professionnels se voient alors engagés dans une sorte de triangle relationnel, dit triangle de Karpman, où ils se saisissent du rôle de sauveur, sans pour autant avoir une visibilité sur



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les personnalités et les rôles respectifs de la victime et du persécuteur. Dans certaines organisations relationnelles pathologiques, un effet inverse à celui qui a été désiré peut se produire. Le sauveur volant au secours de la victime présumée devient à son tour le persécuteur pour son bourreau. Celui-ci devient victime à son tour, alors que la victime initiale tentera de le sauver en réponse aux agissements de l’ancien sauveur. Cet imbroglio est parfois observé dans la prise en charge des victimes des violences conjugales qui, après des soins prodigués, reviennent… vers leur agresseur, à la grande déception, voire, à la colère des soignants qui s’en sont occupés. En effet, lorsqu’une relation duelle devient source de tensions et de conflits, il devient tentant d’y introduire un élément tiers (une personne, une équipe, une institution, etc.) pour stabiliser et préserver la pérennité du système. Le tiers risque de se voir rapidement triangulé. Allié à l’une des parties, il vient ainsi discréditer l’autre, mais lorsque la relation duelle entre deux partenaires est mise en danger par la nécessité du changement, ceux-ci s’unissent contre le tiers. Au moment d’annoncer à la famille le motif d’admission, minimiser ou nier la gravité des troubles, se faire accompagner par une personne de confiance étrangère à la famille, sont des situations qui doivent immédiatement alerter l’équipe. Elena fait une intoxication médicamenteuse volontaire (IMV) impulsive dans un contexte de surconsommation d’alcool. Le motif serait lié à une réactivation de la mémoire traumatique, avec des flash-back de l’abus sexuel qu’elle aurait subi dans l’enfance. Immédiatement après l’ingestion des médicaments, elle contacte sa meilleure amie qui se présente chez elle et déclenche la procédure de prise charge. Aux urgences, les soins sont efficaces et réalisés à temps, et Elena passe au total cinq journées en réanimation. Au cours de sa prise en charge, elle demande à sa meilleure amie de contacter sa famille pour informer de son hospitalisation « sans l’inquiéter ». Les faits sont à tel point minimisés que la famille découvre la réalité quelques jours plus tard, en rendant visite à Elena à l’hôpital. Plus tard, au cours d’une prise en charge familiale, Elena avouera d’avoir été très satisfaite de toute l’attention dont elle avait fait objet aux urgences et en réanimation : « j’ai senti qu’on me voyait enfin. » Les échanges familiaux relèvent une incapacité fondamentale de s’écouter et surtout d’entendre les demandes des uns et des autres notamment lorsqu’il s’agit des plaintes particulièrement angoissantes. Durant la séance, la famille d’Elena banalise sa tentative de suicide, ainsi que les faits qui ont eu lieu dans l’enfance, ce qui suscite beaucoup de colère chez la jeune femme. Elle se sent invisible, incomprise et abandonnée.

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Denis Vallée souligne que les familles des patients suicidants envisagent l’individuation, la différenciation et l’autonomisation comme une mise à mort inconsciente de l’unité familiale (Vallée, 2008). Il interprète la mort comme un symptôme dont la fonction serait de préserver la structure homéostatique des familles qui ne peuvent ni disparaître, ni s’adapter à ce monde sans cesse changeant(Vallée, 2008).

Proposer et ne rien imposer Lorsqu’il est possible de recueillir la parole du patient, il est utile de lui demander s’il souhaite se faire accompagner pendant l’entretien médical, les examens cliniques et les premiers soins et par qui. Étonnamment, cette étape est souvent omise. Deux extrêmes sont possibles : • l’un où le médecin invite les accompagnants à choisir eux-mêmes celui qui suivra le patient et cela par-dessus la tête de la personne concernée par les soins ; • l’autre où l’équipe interdit aux accompagnants d’accéder au box d’examen, sans que l’urgence médicale et la nature des soins à prodiguer le justifient. L’idéal serait de recueillir les accords de toutes les parties, notamment lorsqu’il s’agit des deux parents et des conjoints. Il peut être délicat de demander au patient de choisir entre ses parents alors que le conjoint pourrait aussi s’effacer en leur cédant la place, sauf s’il s’agit d’un motif obstétrical. Il serait à ce moment-là préférable, en fonction du contexte médical et du cadre sanitaire, d’envisager une visite à tour de rôles dans le box de soins. En psychiatrie, il est indiqué de faire un entretien systématique avec le patient seul et avec sa famille. L’art de construire les premiers échanges lors de l’accueil consistera à éviter d’embarrasser le patient et de faire vivre aux accompagnants devant patienter dans la salle d’attente le sentiment de rejet et les fantasmes d’ingratitude de leur proche. Il n’est pas rare que les parents et les conjoints cumulent des rôles importants auprès de la personne malade : porte-parole, infirmier, policier, etc. Le refus de leur laisser suivre le malade peut être vécu comme une non-reconnaissance de leur place privilégiée et de leur savoir sur la personne et la maladie du patient. Si, pour des raisons médicales, il est impossible d’admettre les proches près de la salle des soins, il convient d’envisager un accompagnement bref par un infirmier dans la salle d’attente ou encore de les inclure au débriefing à la fin de la prise en charge, une fois les mots posés avec le patient. En fonction de la nature des troubles et des circonstances de leur survenue, le patient serait plus ou moins prêt à partager son vécu et les détails de ce qui se passe pour lui avec les membres de sa famille ou même les personnes de confiance. Il ne pourrait pas forcément s’autoriser à manifester son ressenti authentique en présence d’une personne qui elle-même serait



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angoissée ou ne serait pas en mesure d’offrir au patient un espace de régression psychique suffisamment sécurisé. Parfois, plutôt que de se concentrer sur sa propre souffrance et sa demande, le patient se trouve à rassurer l’accompagnant. En présence d’un conjoint, le patient peut se sentir diminué et craindre de perdre aux yeux de son partenaire son potentiel érotique. Dévoiler à l’autre un corps malade ou un esprit qui perd ses repères peut être vécu comme une dégradation, une défaillance. Par ailleurs, il n’est jamais inutile de rappeler que le soignant doit toujours respecter le secret professionnel, le patient lui-même n’ayant pas le pouvoir d’en libérer le médecin. Même si l’accompagnant se présente comme « sachant » et « du métier », il est fort utile de penser à installer un paravent ou à tirer le rideau pendant les soins (sauf demande expresse du patient) et d’informer le patient seul et en premier du déroulé des soins et des diagnostics. Il s’agirait donc de prévoir un espace d’attente à l’intérieur de l’unité de soins pour les accompagnants. Finalement, le patient peut préférer se faire accompagner par une personne en particulier en fonction de ses liens d’attachement et, contrairement à l’opinion répandue, ce ne serait pas forcément à la mère du patient de le faire. En effet, le patient peut avoir plusieurs figures d’attachement qui seront spécialisées chacune dans une sphère particulière de vie, sans aucun rapport au genre. Ainsi, il y aura une figure d’attachement avec qui on partagera plus aisément sa douleur morale et auprès de laquelle on recherchera du réconfort au moment où on tombe malade, alors qu’avec une autre figure d’attachement, on se lancera plus facilement dans l’aventure et l’exploration. Il faut toujours avoir cela en tête car, même si les protocoles d’accueil des enfants aux urgences pédiatriques se sont nettement améliorés en incluant les DEUX personnes exerçant une autorité parentale, les professionnels restent toutefois dans une vision assez étroite des figures d’attachement représentées par la mère et père. Cela soulève un problème sérieux dans les situations d’accueil des enfants jeunes ayant été gardés par les grands-parents ou encore des enfants qui grandissent dans des familles décomposées ou des familles homoparentales. On pourrait citer à titre d’exemple deux cas de bébés, dont la détresse était multipliée par le fait de ne pas se faire accompagner par leurs figures d’attachement privilégiées dans le contexte de soins : le premier bébé avait été gardé à la maison par son père en congé parental, celui-ci assurant la majorité de ses soins corporels, médicaux et l’adaptation à la crèche ; le deuxième bébé avait été gardé par sa grand-mère qui s’est vu refuser l’accès à la salle des soins. Il ne faut pas confondre le lien d’attachement avec l’amour, l’affection et la reconnaissance que l’on puisse nourrir à l’égard des autres personnes proches. Initialement, les mécanismes d’attachement ont pour vocation de créer chez l’être humain une sécurité nécessaire qui lui permettra d’explorer progressivement son environnement. Le terme «  attachement  » a été introduit par John Bowlby, psychiatrie britannique, en 1958, à partir de ses

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travaux sur les orphelins et les délinquants (Bowlby, 1958, 1988). La formation de l’attachement prend un certain temps dans le développement de l’enfant, en débutant vers l’âge de 8 semaines et en se formalisant vers l’âge de 36 mois. C’est à cette période-là de la vie que l’enfant forme avec sa figure d’attachement un partenariat réciproque et la perçoit comme une personne indépendante qui évolue dans l’espace-temps d’une manière plus ou moins prévisible par rapport aux besoins de sécurité de l’enfant. Deux facteurs parentaux sont en jeu dans l’attachement  : la sensibilité aux signaux de l’enfant et la capacité d’expression affective pour répondre à sa détresse. Les interactions précoces avec les figures d’attachement (les parents, les grandsparents, les éducateurs, etc.) vont se traduire par une série de comportements, des demandes et des réponses, des émotions et des cognitions qui vont se répéter. C’est ainsi que ces expériences répétitives participeront à construire progressivement des mécanismes psychiques  d’adaptation, appelés modèles internes opérants (inner working models) (Bowlby, 1969). Ils deviennent totalement intériorisés et acquièrent une fonction hypothétique, en servant à prédire le comportement des autres, très souvent par anticipation. Les modèles internes opérants structurent l’univers relationnel de l’enfant à vie. Ils déterminent sa confiance en les autres et en lui-même, la façon d’aborder les autres, la façon d’interpréter les mouvements de rapproche­ ment et d’éloignement des autres, la façon de gérer le stress et de faire face aux difficultés. Si la carte mentale de l’enfant est composée de modèles dysfonctionnels, cela peut sérieusement nuire à son équilibre personnel et relationnel à l’âge adulte. Dans les moments de décompensation, cette fonction de sécurité intériorisée peut devenir inopérante, voire, dans les cas d’attachement insécure, s’effondrer. C’est alors qu’à travers sa présence physique au chevet du malade, l’accompagnant endosse la fonction de contenance et de sécurisation de celui-ci, lui « autorisant » ainsi de se laisser porter par les soins en toute confiance. Il est toujours utile de relever qui le patient choisit pour se faire accompagner car ce choix peut nous informer directement ou indirecte­ment sur son degré d’autonomie, sur ses ressources psychiques, tout comme sur la nature des relations au sein de sa famille. Lorsque Georges se rend au SAU pour une récidive d’infection à la suite de son intervention chirurgicale, il se fait accompagner par sa compagne. Ce jeune homme vient de subir une colectomie partielle. Stoïque, il se présente à l’accueil vêtu d’un peignoir. Sa compagne a l’air très inquiet. La récidive justifie une prise en charge assez longue par le service de réanimation chirurgicale. Pendant tout le séjour, Georges ne reçoit que très peu de visites de la part de sa famille







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(parents, frère et sœur, souffrant tous de la même pathologie), alors que sa compagne passe des heures près de son lit. Logorrhéique, Georges semble très remonté contre sa famille, qui minimiserait ses troubles et ferait régulièrement appel à lui dans la gestion des conflits internes. Par contre, Georges est complètement détaché par rapport à la gravité du pronostic, ce qui laisse présager un véritable choc traumatique avec des mécanismes de dissociation à l’œuvre. Il finit par dire que sa compagne serait la seule à le comprendre et qu’il n’irait pas confier des choses aussi intimes que le vécu de sa maladie à ses parents ou à sa fratrie. Il en souffre mais sa compagne l’épaule, ayant vécu elle-même « la même chose » dans sa propre famille.

Les patients peuvent aussi se faire accompagner par leurs enfants adultes. Si, d’un point de vue sociétal, le fait de s’occuper de ses aînés est positif, des dérives sont également possibles. Du côté des patients, on peut observer une régression impressionnante avec, aux extrêmes, le sentiment d’humiliation à travers l’infantilisation par un enfant « sachant », ou une « théâtralisation » de la souffrance somatique. Du côté des enfants accompagnants, le vécu de « parentification » peut avoir de lourdes conséquences en matière de responsabilité et de deuil. La parentification peut être définie comme «  l’attribution d’un rôle parental à un ou plusieurs enfants dans un système familial » (Simon et al., 1985). « Cela entraîne une forme d’inversion des rôles en relation avec une perturbation des frontières intergénérationnelles  » (Simon et  al.,  1985). Même si une famille avait un fonctionnement équilibré, le fait d’assister à la maladie d’un proche, qui est en plus une figure d’attachement, relève d’un vécu étrange et troublant. Dans un contexte plus pathologique, nous pouvons être en face d’un enfant parentifié depuis son jeune âge, devant porter un rôle de soignant, de bouc émissaire, d’enfant «  trop sage et sans problème  » (Boszormenyi-Nagy et Sparks, 1973) ou encore d’un enfant qui a eu le malheur de naître fille dans bon nombre de cultures. Il n’est pas rare d’assister à une parentification transgénérationnelle. Froma Walsch (1979) distingue les différentes formes de parentification en fonction de leur niveau intergénérationnel : « comme parent  », «  comme époux  », «  comme confident des aïeux  ». Même s’il peut y avoir un cumul de formes en fonction des membres de familles, la parentification «  comme parent  » serait, par exemple, moins destructrice que celle d’«  époux  ». Repérer une parentification pathologique et offrir un espace de soutien et d’écoute à l’enfant par le biais d’une délégation de soins peut permettre à cet enfant d’en prendre conscience et de faire une demande de thérapie en son nom propre. L’enfant parentifié prendra plus à cœur sa mission, avec une angoisse massive de « décevoir » son parent et le risque de s’approprier l’échec de la mission thérapeutique.

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Mélanie vient de perdre son père du Covid-19. Celui-ci était revenu de l’étranger au début de la crise sanitaire et avait progressivement développé des symptômes nécessitant plusieurs passages aux urgences. Mélanie confie avoir beaucoup insisté sur l’hospitalisation de son père. Cependant, l’équipe le renvoie chez lui. Il se confine alors chez Mélanie qui le prend complètement en charge, en protégeant ainsi sa mère et son frère atteints de pathologies chroniques lourdes. Le père est suivi à distance via une plateforme dédiée. Alors que ses difficultés respiratoires s’aggravent, Mélanie contacte à plusieurs reprises la plateforme : elle veut être rassurée par rapport à l’état de son père qui demeure dans la minimisation des troubles. Finalement, le père décède dans les bras de sa fille. Mélanie culpabilise beaucoup, en se disant qu’elle avait assez insisté auprès des équipes médicales pour faire admettre son père en hospitalisation. Après cet événement, elle prend rapidement une place d’époux et de père défunt à l’égard de sa mère et de son frère, en les accompagnant aux urgences médicales (les deux présentent des décompensations somatiques spectaculaires  face au deuil) et auprès des instances pour l’héritage. C’est à la suite d’un des passages aux urgences que le médecin se questionne sur le rôle de Mélanie au sein de sa famille et lui suggère alors de contacter un psychologue. En effet, durant tout l’entretien, Mélanie ne cesse pas d’interrompre son frère pour rajouter des détails sur les symptômes de celui-ci dans le but de l’amener par tout moyen à reconnaître la nécessité de se faire prendre en charge. Le résultat ne se fait pas attendre : le frère de Mélanie, sur le point de renoncer à l’hospitalisation, réagit avec beaucoup de véhémence à ce qu’il ressent comme de la pression. Au cours de sa prise en charge, Mélanie confie au clinicien avoir joué ce rôle depuis l’âge de 12 ans, à l’époque où sa mère développe une pathologie autoimmune dans les suites de l’accouchement de son frère. Elle s’occupe alors de son frère « comme une deuxième maman » et devient « une confidente » de sa mère. Elle avoue ne pas supporter l’idée de se sentir responsable d’un éventuel décès de son frère, comme elle l’a été après le décès de son père.

La famille comme système Le fait d’inclure la famille dans la prise en charge du patient dès le départ permet d’observer une série de comportements, très informatifs quant aux difficultés psychiques sous-jacentes. Ces comportements peuvent porter un caractère plutôt actif et ressortir en tant que tels de l’observation clinique ou du recueil de l’anamnèse du patient. Il peut être question de l’impulsivité, des difficultés relationnelles, des conduites d’échec, de l’indécision dans les choix, des addictions, ou encore de la prise de risque. Sur un versant plus passif, on peut assister à un comportement de retrait et à un désinvestisse­ ment de la démarche, avec, dans l’anamnèse, de l’apragmatisme, des difficultés scolaires ou encore une désinsertion professionnelle. On envisagera toujours le patient et sa famille, éventuellement élargie à des personnes de confiance (amis), comme système relationnel où chaque



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membre affecte et est affecté par les autres, tant sur le plan vertical qu’horizontal. On attachera une attention particulière à la circularité et à la récursivité dans les échanges, qui présume une certaine marge de liberté : • contrairement à une vision linéaire, il s’agit d’intégrer le principe de rétro-action où l’effet agit sur la cause qui l’a créé ; • les effets produits sont nécessaires à celui qui les génère. Autrement dit, c’est parce que la fonction du soignant laisse présumer sa formation professionnelle et ses qualités humaines que le patient lui confiera certaines de ses difficultés. La confiance du patient rendra le soignant légitime à occuper sa place, le motivant en outre à exercer son métier avec bienveillance, ce qui lui amènera en retour d’autres expériences positives sur son professionnalisme. Le système est régi par le principe de l’équilibre, qui vise avant tout sa stabilité et sa survie, allant, dans des cas extrêmes, jusqu’à l’homéostasie pathologique. En effet, souples ou rigides, les systèmes doivent s’adapter au cours de leur existence aux événements internes (cycles de vie) ou aux événements externes. L’observation aux urgences offre ainsi une occasion d’étudier les interactions internes d’un système familial, qui maintiennent l’homéostasie, et la façon dont le milieu extérieur influence cette homéostasie. Jacques se présente aux urgences pour une névralgie dont l’intensité l’immobilise et l’empêche d’interagir avec l’équipe d’accueil. Son épouse l’accompagne, connaissant le dossier sur le bout des doigts. Armée de terminologie médicale et de longues recherches de publications scientifiques sur le sujet, Fanny parle à la place de son mari, avançant des hypothèses diagnostiques et questionnant beaucoup les traitements proposés. Elle est aussi capable de décrire en détail le ressenti physique de la douleur et la souffrance morale de son mari, comme si elle était à sa place. En effet, l’existence de Fanny est centrée sur son mari, alors qu’il lutte depuis des années avec son syndrome dépressif et ses idées noires. Jacques s’alcoolise massivement plusieurs soirs par semaine en se mettant physiquement en danger : il entreprend des travaux à la maison en état d’ébriété, se blesse ou chute. Ces agissements font penser à des tentatives de suicide « involontaires ». Fanny joue alors le rôle d’infirmière, en évaluant la dangerosité de la situation et en lui dispensant les premiers soins. Jacques ne cesse de répéter qu’il ne sait pas ce que sa vie deviendrait sans Fanny. L’équipe des urgences se sentant agressée par elle, tente de l’écarter. En conséquence, le couple rejette l’aide médicale à plusieurs reprises. Si cet exemple témoigne d’une mise en tension de l’équilibre conjugal par la tentative d’écarter Fanny de sa place de « soignante », tous les systèmes ne vont pas forcément s’engager dans une homéostasie mortifère. Comme le disait Ilya Prigogine (1996), prix Nobel de la chimie, « dans certaines conditions, en s’éloignant de son point d’équilibre, le système ne va pas vers sa mort ou son éclatement mais vers la création d’un nouvel

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ordre, d’un nouvel état d’équilibre. Les situations extrêmes recèlent la possibilité de créer une nouvelle structure. On voit ici la possibilité de recréer du vivant, de l’organiser là où il n’y avait plus que du chaos ». Le fait d’analyser la communication et des discordances dans les informations verbales et non verbales délivrées permet d’observer la façon dont certains symptômes sont saisis par le patient pour annuler sa présence dans la relation ou pour mettre fin aux injonctions paradoxales. Cette démarche permet également de repérer les mythes familiaux : ensemble de croyances, partagé par tous les membres de la famille, véhiculé de génération en génération, qui attribue à chacun un rôle spécifique et renforce la cohésion du groupe. Parmi les mythes les plus répandus, on peut évoquer les mythes de l’harmonie familiale, de la marginalité, d’expiation, d’endogamie et de loyauté. Cette répartition n’est pas stricte et l’histoire familiale introduit souvent plusieurs thématiques. François et Constance sont ensemble depuis 20 ans ; ils n’ont pas d’enfants et partagent leur temps entre le travail et des activités ludiques qu’ils tiennent à pratiquer ensemble. Ils se sont rencontrés lors de leurs études et, comme ils le disent, « ont grandi ensemble ». Leur lien est revendiqué comme pérenne face au monde du défectible et du provisoire. François vient d’un environnement familial marqué par le culte du sacrifice. Durant l’adolescence, Constance a souffert de troubles du comportement alimentaire (TCA). La rencontre amoureuse favorise la régression des symptômes, mais le couple découvre les soirées étudiantes arrosées. Ils s’assagissent avec le temps. Cependant, lorsque Constance perd son travail, elle sombre dans une consommation excessive d’alcool allant jusqu’au binge drinking, fait part de ses idées suicidaires et se met régulièrement en danger. C’est à l’occasion d’une alcoolisation massive que Constance se retrouve aux urgences où François la rejoint. Si d’abord l’homme essaie de présenter les difficultés actuelles de Constance comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, son épouse se met à contester la situation. L’équipe apprend alors que les activités communes servaient surtout à surveiller la consommation de Constance. François semble fasciné par le récit que fait Constance de « ses aventures », tout en disant que son rôle est de « sauver » sa femme. Il néglige sérieuse­ ment sa santé et en veut à Constance, qui ne voit que sa propre souffrance. En conclusion, l’accueil et l’accompagnement des familles lors du passage aux urgences peuvent se révéler déterminants pour la réussite d’une prise en charge ultérieure. Les observations et les questions de l’équipe faites au moment d’une crise permettront d’orienter les collègues et offriront peutêtre une occasion pour le patient et ses accompagnants de se remettre en question et de demander une aide professionnelle. Les techniques d’écoute active et de reformulation contribueront à la création d’un espace contenant et rassurant. L’analyse des pratiques professionnelles aidera à élaborer une démarche triadique «  soignant-patient-proche  » et un cadre pensé, structuré et accepté par tous.



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Organisation des urgences en France Vincent Panizzi

Les urgences sont un dispositif essentiel du système de santé permettant l’accueil des patients nécessitant des soins non programmés. Assez souvent, et c’est particulièrement vrai en psychiatrie, il s’agit d’une porte d’entrée vers les soins, qu’ils soient hospitaliers ou ambulatoires. Les spécificités des pathologies psychiatriques, l’absence de conscience des troubles des patients rencontrée régulièrement, et la vision négative qu’en conserve encore aujourd’hui la population générale, compliquent l’accès aux soins. Les spécificités de l’organisation des soins psychiatriques, le système de sectorisation et la séparation des hôpitaux psychiatriques et des hôpitaux généraux rendent encore plus opaques les filières de soins pour les non-initiés. Dans ce chapitre, nous décrirons les différents dispositifs existants pour éclaircir l’organisation de la prise en charge des urgences psychiatriques en France. Le lecteur trouvera en fin de chapitre les coordonnées de structures à contacter dans les capitales régionales françaises.

Urgences générales En France, les urgences s’organisent autour de trois structures : • le service d’aide médicale urgente (SAMU) ; • les structures mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) ; • les services des urgences. Le SAMU est un centre d’appels répondant 24 h/24 h, tous les jours, aux demandes concernant des personnes en situation d’urgence médicale ou des victimes d’accident. Un médecin régulateur du SAMU évalue la réponse à y apporter et, le cas échéant, le transport vers la structure la plus adaptée en fonction de la situation du patient. Il s’assure, pour cela, des ressources disponibles en soins hospitaliers dans le public ou le privé. Les SMUR sont des services hospitaliers mobiles pouvant intervenir, sur régulation du SAMU, directement et dans un délai de 30 minutes, auprès des patients lorsque leur état nécessite des soins en urgence. Dans les zones où ce délai ne peut être respecté, ils disposent de médecins correspondants du SAMU qui peuvent intervenir en amont en attendant leur arrivée. La mission des SMUR est de prodiguer les soins médicaux et de réanimation Guide pratique des urgences psychiatriques © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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nécessaires et d’assurer, le cas échéant, le transport vers les structures hospitalières adaptées. Les services des urgences sont des unités hospitalières, au sein d’un établisse­ment de santé public ou privé, accueillant tout patient en situation d’urgence médicale adressé par les secours ou se présentant de lui-même, 24 h/24 h, tous les jours. Leur travail coordonné permet la prise en charge préhospitalière et hospitalière des demandes d’aides médicales urgentes, incluant les situations d’urgence psychiatriques. L’organisation au sein des services des urgences de la prise en charge de ces dernières varie de l’un à l’autre. Dans certains services, un parcours de soins spécifique a été pensé, avec des infirmiers dédiés et une prise en charge assurée par le psychiatre en première ligne. Dans d’autres, le psychiatre intervient à la demande de l’urgentiste, qui pratique l’examen physique du patient et les demandes d’examens complémentaires nécessaires. Les psychiatres qui interviennent aux urgences peuvent être rattachés à un service spécifique dédié, au service de psychiatrie de l’hôpital s’il en possède un ou, dans certains cas, à un hôpital de secteur ayant un accord avec le service. Plus concrètement, une prise en charge se déroule généralement comme suit : • dès son arrivée dans le service des urgences, le patient rencontre l’infirmier d’accueil et d’orientation (IAO) qui, après recueil des symptômes, effectue un premier « tri » des patients ; • pour la prise en charge des patients atteints de pathologie psychiatrique, son travail consiste donc à évaluer la gravité de la pathologie présentée par le patient, notamment la présence de risque suicidaire, auto- ou hétéro-agressif, afin de prendre rapidement, et en accord avec les urgentistes, les mesures nécessaires à la protection du patient, de son entourage et de l’équipe soignante ; • leur travail concerté permet une évaluation du patient, la prescription et réalisation de soins et d’examens complémentaires, le recueil de données auprès des familles et de l’entourage, pour finalement proposer une orientation optimale du patient ; • celle-ci peut être une prise en charge ambulatoire, soit dans le cadre de consultations de posturgences lorsqu’elles sont proposées, soit par le biais d’une orientation vers le centre médicopsychologique (CMP), le centre d’accueil et de crise (CAC), le cas échéant, ou vers des psychiatres libéraux ou une hospitalisation en soins psychiatriques, libres ou sans consentement, dans l’unité de secteur ou dans un service non sectorisé de psychiatrie. Cette organisation est amenée à évoluer, notamment avec l’arrivée prochaine des infirmiers en pratique avancée (IPA), mention psychiatrie et



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santé mentale. Les premiers diplômés doivent en effet prendre leur fonction courant 2021. Les articles R. 4301-1 à R.  4301-8-1 du Code de santé publique régissent leur exercice, définissant leurs interventions de soins en plus de celles d’infirmier diplômé d’État. À la lecture de ces articles, on peut facilement imaginer leur intégration au sein des services d’urgence pour la prise en charge des patients atteints de pathologie psychiatrique. Les modalités de l’organisation de leur pratique au sein des urgences seront à clarifier au sein d’un protocole établi par le psychiatre et l’infirmier en pratique avancée. Les IPA peuvent en effet conduire un entretien avec le patient, faire une anamnèse de sa situation afin d’en évaluer les besoins et organiser leur surveillance au cours de la prise en charge. De plus, ils peuvent prescrire les examens de biologie qui leur sembleraient nécessaires et renouveler, en les adaptant éventuellement, les prescriptions médicales de traitements. Leur rôle prévoit également la réalisation d’actes de prévention et d’éducation, qui peuvent avoir toute leur place pour la prise en charge aux urgences de patients présentant une problématique addictologique. Pour ce qui est de l’activité d’orientation prévue dans les textes, du fait des particularités de la psychiatrie, avec la possibilité de prodiguer des soins et d’hospitaliser les patients sans leur consentement, celle-ci devra probable­ ment être discutée avec le psychiatre dans chaque situation. Leur arrivée prochaine risque de modifier l’organisation en place dans les services des urgences pour ce qui est de la prise en charge des patients atteints d’une pathologie mentale. Celle-ci sera à redéfinir en intégrant ce nouveau corps de métier en fonction de son rôle prévu par les textes de loi.

Structures spécifiques Pour les patients en situation d’urgence psychiatrique, il existe d’autres structures de soins, consacrées spécifiquement au traitement de ceux-ci. Tout d’abord, l’accueil non sectorisé des patients en situation d’urgence psychiatrique peut également se faire au sein de services d’urgences spécialisés, tels que le centre psychiatrique d’orientation et d’accueil (CPOA) à Paris, les urgences psychiatriques Rhône métropole (UPRM) à Lyon, ou les urgences psychiatriques de l’hôpital de La Timone 2 à Marseille. Par ailleurs, certains secteurs de psychiatrie proposent d’accueillir en urgence les patients qu’ils prennent en charge, soit au sein des centres médicopsychologiques (CMP), lieux de consultation, soit au sein de structures spécifiques tels que les centres d’accueil et de crise (CAC). Leur mode de fonctionnement et horaires d’accueil diffèrent d’un secteur à l’autre.

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Il  est à noter également que tous les secteurs ne proposent pas de telles modalités de prise en charge des patients. Ici aussi, la prise en charge des patients est pluridisciplinaire, faisant intervenir infirmiers et psychiatres qui travaillent de concert pour l’évaluation, l’orientation et les soins à proposer. Ces structures sont souvent amenées à travailler avec les services des urgences générales à proximité dès lors qu’un bilan ou une prise en charge somatique s’avère nécessaire.

Infirmerie psychiatrique de la préfecture de police Il s’agit d’une structure d’accueil d’urgence spécifique située à Paris, qui reçoit des patients présentant un danger pour la sûreté des personnes et un trouble mental manifeste. Elle est sous la direction de la préfecture de police. Pour y admettre un patient, il est nécessaire qu’un commissaire de police édite un procès-verbal avec pour décision de l’accompagner à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police (I3P). Si la personne est placée en garde à vue, elle est accompagnée par les services de police aux urgences médicojudiciaires (UMJ) pour un examen médical. Un certificat médical y est établi et joint au procès-verbal. Dans les autres cas, la personne doit être présentée par la police aux urgences médicochirurgicales (UMC) de l’Hôtel-Dieu où un certificat médical est établi, excepté si la requête au service de police émane directement d’un médecin. Une fois conduite à l’I3P, la personne est soumise à une évaluation psychiatrique après une période d’observation. Cette structure permet de décharger les services d’accueil des urgences (SAU) et les services de secteurs pour des patients relevant du droit commun. Elle permet également la mise en place dans les meilleures conditions des soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État (SPDRE).

Cellules d’urgence médicopsychologique Mises en place en France en 1997 à la suite de la vague d’attentats ayant touché la France en 1995, les cellules d’urgence médicopsychologique (CUMP) ont pour objectif la mise à disposition rapide de médecins psychiatres, de psychologues et d’infirmiers lors de la survenue d’événements psychotraumatisants. Elles sont sous la tutelle des agences régionales de santé (ARS) et rattachées au SAMU. Ainsi, comme pour les SAMU, il existe une CUMP par département, les CUMP d’une région étant coordonnées par une CUMP régionale.



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Chaque CUMP dispose d’une liste de professionnels volontaires spécifique­ ment formés. Les CUMP sont déclenchées par un médecin du SAMU, sur accord du psychiatre coordonnateur, en cas de survenue d’une attaque terroriste ou d’un drame accidentel. Ce dispositif permet de garantir une prise en charge immédiate et postimmédiate des victimes dans le but de prévenir la survenue de trouble de stress post-traumatique.

Coordonnées des structures Ajaccio • Accueil liaison urgence (ALU, CH de Castelluccio) : – 04 95 29 36 42/36

Amiens • Unité d’accueil et d’orientation (UAO, EPSM de la Somme) : – 03 22 53 46 00

Besançon • CHRU de Besançon : – 03 81 66 80 13

Bordeaux • Service d’évaluation de crise et d’orientation psychiatrique (SECOP, CH Charles-Perrens) : – 05 56 56 34 34 • CHU de Bordeaux : – 05 57 82 07 70

Caen • CHU de la Côte-de-Nacre : – 02 31 06 31 06

Châlons-en-Champagne • CH de Châlons-en-Champagne : – 03 26 69 61 23

Clermont-Ferrand • CHU de Clermont-Ferrand : – 04 73 75 47 80

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Dijon • Plateforme d’orientation psychiatrique (POP, CH de La Chartreuse) : – 03 80 42 48 23

Lille • Centre psychiatrique d’accueil et d’admission (CPAA, EPSM de l’agglomération lilloise) : – 03 20 78 22 22 • CHRU de Lille : – 03 20 44 41 33/59 62

Limoges • CHU de Limoges : – 05 55 05 64 45/55 55

Lyon • Urgence psychiatrique Rhône métropole (UPRM, CH Le Vinatier) : – 04 37 91 54 54 • Hospices civils de Lyon : – 04 72 11 00 09

Marseille • Hôpital de La Timone : – 04 13 42 93 00 • Hôpital Nord : – 04 91 96 49 56/48 32

Metz • CHR Metz-Thionville : – 03 87 55 34 91/92 – 03 87 55 31 11 (secrétariat du service de psychiatrie d’urgence et de liaison [SPUL])

Montpellier • Hôpital Lapeyronie, CHU de Montpellier : – 04 67 33 85 81/82 89 (secrétariat des urgences et posturgences psychiatriques) – 04 67 33 67 33 (accueil général)



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Nantes • CHU de Nantes : – 02 40 08 38 70/71

Orléans • Centre psychiatrique d’accueil d’urgences (CPAU, EPSM Georges-Daumezon) – 02 38 60 59 29

Paris • Centre psychiatrique d’orientation et d’accueil (CPOA, GHU de Paris) : – 01 45 65 81 09/10

Poitiers • Unité d’accueil médicopsychologique (UAMP, CHU de Poitiers) : – 05 49 44 44 44/poste 42123

Rennes • Service psychiatrique d’accueil et d’orientation (SPAO, CH GuillaumeRégnier) : – 02 99 33 60 27 (ouvert jusqu’à 22 h) • CHU de Rennes, site de Pontchaillou : – 02 99 28 98 64

Rouen • Unité d’accueil et d’orientation (UNACOR, CH du Rouvray) : – 02 32 95 12 34

Strasbourg • Urgences psychiatriques, CHU de Strasbourg : – 03 88 11 66 48

Toulouse • Urgences psychiatriques, CHU de Toulouse : – 05 61 77 73 66

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Situations fréquentes rencontrées aux urgences Tomoyuki Segawa

Crise suicidaire Points importants Le suicide constitue la première cause de mortalité des 25-34 ans et confère à la crise suicidaire toute sa gravité. C’est la raison pour laquelle l’évaluation du risque suicidaire est un réflexe qui impose une évaluation du niveau de risque, d’urgence et de dangerosité de passage à l’acte. En cas de niveau d’urgence élevé, l’hospitalisation est indiquée et elle sera discutée dans les autres situations. En cas de prise en charge ambulatoire, une réévaluation rapide devra être organisée.

Définitions de la crise suicidaire La crise suicidaire est une crise psychique avec émergence d’idées suicidaires dont le risque majeur est le suicide. Il s’agit d’un état réversible et temporaire qui se manifeste par un sentiment d’impasse. La tentative de suicide (TS) se présente comme l’unique solution possible de la sortie de crise et lui confère sa gravité.

Épidémiologie du suicide en France Concernant le suicide : • 10 500 décès par suicide par an (3 fois plus que les décès par accidents de la route) ; • première cause de mortalité des 25-34 ans ; • 50 % des décès par suicide ont un antécédent de TS ; • 90 % des décès par suicide ont des antécédents psychiatriques (dépression [50 %], alcoolisme [30 %], trouble de la personnalité [35 %], schizophrénie [6 %]) ; • trois-quarts des suicides concernent des hommes  ; le taux de mortalité augmente avec l’âge. Concernant les TS : • 65 % concernent des femmes (IMV ++) ; • 40-45 % récidiveront (25 % à 1 an). Guide pratique des urgences psychiatriques © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Évaluation d’une crise suicidaire L’évaluation d’une crise suicidaire s’articule autour de trois axes : • l’identification des signes d’une crise psychique ; • la recherche d’idées suicidaires ; • l’évaluation du risque suicidaire.

Identification d’une crise psychique La crise psychique témoigne d’une rupture d’équilibre entre un individu et son environnement dans un contexte de vulnérabilité qui se traduit par une période temporaire d’incertitude pendant laquelle les facultés d’adaptation du sujet sont dépassées. Ses manifestations ne sont pas spécifiques et sa suspicion dépendra du terrain et de l’âge : • chez l’enfant : devant des problèmes somatiques mal étiquetés, un isolement, des troubles de la communication et de l’apprentissage, une hyperactivité, des blessures à répétition, des préoccupations exagérées pour la mort, une tendance à tenir la place de souffre-douleur vis-à-vis des autres ; • chez l’adolescent : devant un fléchissement des résultats scolaires, des prises de risque inconsidérées, une hyperactivité, une attirance pour la marginalité, des conduites ordaliques, des troubles du comportement alimentaire ; • chez l’adulte : devant une perte d’investissement ou au contraire un surinvestissement au travail, des difficultés relationnelles, des arrêts de travail à répétition, des consultations répétées chez le médecin ; • chez la personne âgée : devant une attitude de repli sur soi, un refus de s’alimenter, un refus de soins, un manque de communication, une perte d’intérêt pour les activités ; • chez le patient psychiatrique  : devant un isolement, une rupture des contacts habituels, une réduction voire un abandon des activités et une exacerbation de tous les signes de maladie.

Recherche des idées suicidaires Devant une crise psychique, la recherche d’idées suicidaires doit être systématique. Il ne faut pas hésiter à questionner le patient car l’expression spontanée des idées suicidaires est rare (en particulier chez l’enfant, l’adolescent et le sujet âgé) et ne peut que favoriser l’expression des troubles.

Évaluation du risque suicidaire La présence d’idées suicidaires doit conduire à une évaluation immédiate du risque de passage à l’acte selon un plan en trois parties : risque, urgence, dangerosité.



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Risque Le risque suicidaire augmente avec accumulation de ces facteurs de risques. Au niveau individuel : • des facteurs prédisposants : antécédents personnels et familiaux de TS, traumatisme dans l’enfance, minorité sexuelle ; • des facteurs de médiation  : comportements impulsifs-agressifs, traits d’anxiété élevés, troubles psychiatriques (borderline, psychopathe ++), usage chronique de toxique ; • des facteurs précipitants  : pathologies décompensées (humeur mixte, dépressive, un abus aigu de substance, des injonctions hallucinatoires) ou symptômes (anhédonie, une douleur morale, un sentiment de désespoir) ; • des facteurs protecteurs : bonnes capacités de résiliences, soutien sociofamilial, parentalité, les croyances religieuses. Au niveau environnemental : les événements de vie négatifs. Urgences Un degré d’urgence élevé est évoqué lorsque le passage à l’acte suicidaire est imminent ( 2 semaines ≥ 5 symptômes parmi : • humeur dépressive • diminution marquée de l’intérêt et du plaisir • fatigue ou perte d’énergie • dévalorisation ou culpabilité excessive ou inadaptée • pensée de mort ou idées suicidaires • difficultés de concentration ou indécision • ralentissement psychomoteur ou agitation • insomnie ou hypersomnie • diminution ou augmentation de l’appétit ou du poids EDC : épisode dépressif caractérisé. Source : d’après APA, 2013.

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modalités d’arrêt ou de substitution thérapeutiques. Certains médicaments sont également susceptibles d’entraîner une symptomatologie dépressive (Celano, 2011), comme : • les corticostéroïdes ; • l’interféron-α ; • des antipaludéens (méfloquine) ; • des antirétroviraux (éfavirenz) ; • des antiépileptiques (topiramate, vigabatrine) ; • des inhibiteurs calciques (flunarizine) ; • les β-bloquants. Parmi les diagnostics différentiels psychiatriques, il faut rechercher : • un trouble de l’usage d’une substance (comorbidité fréquente) ; • une consommation chronique d’alcool qui provoque la symptomatologie dépressive, voire un EDC comorbide induit par l’alcool ou provoqué par le sevrage d’alcool ; • une consommation chronique de cannabis responsable d’un syndrome amotivationnel avec anhédonie, aboulie, apragmatisme, apathie, retrait social et un déficit fonctionnel parfois sévère ; la prise en charge doit s’orienter vers les structures de soins d’addictologie ; • un trouble de stress post-traumatique qui comporte typiquement des symptômes tels que des cognitions négatives et des modifications de l’humeur comme une incapacité à ressentir des émotions positives, une aboulie, une réduction des activités, une culpabilité excessive, une autodépréciation. La recherche d’un antécédent d’événement traumatique, des épisodes de reviviscences émotionnelles, la présence d’un syndrome de répétition, un syndrome d’évitement et d’hyperréactivité orientent le diagnostic ; • un trouble de l’adaptation car le nombre, la durée des symptômes ou l’intensité du retentissement fonctionnel ne suffisent pas pour porter le diagnostic d’EDC. L’EDC peut relever d’un trouble bipolaire de l’humeur. L’absence de ralentisse­ ment psychomoteur, la présence de caractéristiques atypiques de la dépression telles que la réactivité de l’humeur, une hypersomnie, une hyperphagie et une lourdeur des membres doivent faire rechercher des antécédents personnels d’épisodes (hypo)maniaques, de mauvaise tolérance aux antidépresseurs (hypersensibilité, virage de l’humeur). L’existence de troubles cognitifs et mnésiques permet également d’évoquer le trouble bipolaire (Peretti et Ferreri, 2006). Des antécédents familiaux de trouble bipolaire sont un argument supplémentaire en faveur de l’origine bipolaire de l’EDC. La mise en évidence d’un trouble bipolaire de l’humeur nécessite une prise en charge pharmacologique adaptée, chez des patients qui ont parfois jusqu’à 10 ans de retard diagnostique.

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Éléments de gravité Un risque suicidaire élevé, des caractéristiques mélancoliques, mixtes ou anxieuses de l’humeur sont un facteur de risque majeur de passage à l’acte suicidaire. Des caractéristiques psychotiques, un mauvais étayage familial et amical, des difficultés socioprofessionnelles importantes sont à rechercher systématiquement. Elles constituent des éléments de gravité de l’épisode et doivent conduire à l’hospitalisation en milieu spécialisé psychiatrique d’urgence. La présence de caractéristiques catatoniques constitue un marqueur de sévérité de l’épisode, à risque vital de déshydratation et de dénutrition. La prise en charge conjointe par le médecin psychiatre et le médecin urgentiste permet d’apprécier le retentissement somatique du trouble – déshydratation, troubles hydro-électrolytiques – et d’aboutir à un état somatique stable avant l’hospitalisation en psychiatrie. En cas de retentissement somatique sévère de l’épisode dépressif caractérisé – dénutrition, déshydratation – le patient est dirigé vers une unité d’hospitalisation de courte durée pour une prise en charge adaptée, associant la médecine d’urgence somatique et psychiatrique.

Prise en charge L’évaluation systématique du patient est réalisée grâce à l’alliance d’un environne­ ment calme, dans un box individuel, d’une écoute et d’une attitude empathique. Il faut apprécier les facteurs potentiels de gravité de l’épisode. La présence de l’infirmier des urgences ou de l’infirmier dédié, l’infirmier en pratiques avancées est toujours préférable pour les patients consultant pour un motif psychiatrique y compris dans des services d’accueil des urgences (SAU) où l’activité globale est parfois intense. La prise en charge pharmacologique est symptomatique aux urgences et l’introduction ou l’adaptation d’un traitement antidépresseur spécifique est différée lors de l’étape d’hospitalisation ou pendant la consultation psychiatrique de suivi. Il faut se mettre en rapport avec le psychiatre traitant, le secteur psychiatrique et la famille, une fois que le patient a donné son accord. Le recueil d’éléments d’informations précieux pour adapter la prise en charge, particulière­ment dans les situations délicates, est indispensable si le patient est ambivalent ou refuse les soins. Si l’état somatique du patient est altéré par des comorbidités somatiques ou en cas de retentissement somatique important de l’épisode dépressif, la collaboration du médecin urgentiste est indispensable pour décider de la meilleure prise en charge : une hospitalisation en unité de courte durée, en service non psychiatrique, une prise en charge par les psychiatres de liaison. La prise en charge en urgence d’un patient présentant un EDC sévère rend nécessaire la surveillance infirmière continue pour prévenir le risque

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suicidaire et/ou le risque de fugue. La prescription d’un traitement symptomatique par une benzodiazépine telle que l’oxazépam 10-25  mg ou le diazépam 5-10 mg et/ou un traitement antipsychotique atypique ou neuroleptique comme la loxapine 25-100 mg ou la cyamémazine 25-100 mg après réalisation d’un ECG (mesure du QT). En effet, l’anxiété importante et l’agitation psychomotrice justifient ces prescriptions. Une hospitalisation en urgence en psychiatrie est la règle après avoir obtenu l’accord du patient. En cas de refus d’hospitalisation en psychiatrie ou d’impossibilité d’obtenir le consentement durable d’un patient présentant un EDC sévère à risque suicidaire élevé ou si des caractéristiques mélancoliques, psychotiques ou catatoniques sont relevées, une hospitalisation sous contrainte en psychiatrie est nécessaire. Il faut alors rechercher des tiers afin de réaliser une hospitalisation en soins psychiatriques à la demande d’un tiers (SPDT ; ou soins à la demande d’un tiers [SDT]) (voir chapitre 9). L’information du patient et du tiers au sujet du caractère pathologique des troubles, des modalités de l’hospitalisation, de la possibilité de contester la mesure d’hospitalisation est d’importance médicolégale. En cas d’absence de tiers ou de refus de communiquer des tiers, plus rarement de l’incapacité du tiers de donner son consentement (chez un non-francophone ou dans des pathologies neurologiques ou psychiatriques compliquant la communication) une hospitalisation en soins pour péril imminent (SPI) est alors décidée. En cas de refus du tiers de signer la demande de SPDT (ou SDT), on recherche d’autres tiers et, si nécessaire, on propose une sortie contre avis médical organisée après avoir informé les proches des conséquences possibles du refus de soins, ce qui s’appuie sur la signature d’une décharge de responsabilité  ; cette dernière option doit être réalisée en recours ultime car elle soulève d’autres questions basées sur la reconnaissance du risque qu’entraîne la non-prise en charge en hospitalisation. Si le patient présente un EDC sévère sans critère de gravité, une hospitalisation en urgence en psychiatrie est préférable. Elle dépendra du souhait du patient. Si ce dernier refuse l’hospitalisation, la famille doit être contactée, après accord du patient, pour recueillir des informations cliniques et s’assurer de la cohérence de la prise en charge. En cas d’EDC d’intensité légère à modérée, la prise en charge ambulatoire est à privilégier. En l’absence d’hospitalisation, les coordonnées des structures d’urgences, si l’état s’aggrave, et les coordonnées de la consultation sectorisée sont systématiquement données au patient. Un traitement symptomatique est prescrit dans l’attente de la prise en charge spécialisée ambulatoire, comme la prescription d’un antihistaminique : hydroxyzine 25 mg × 3/j ou une benzodiazépine telle que l’oxazépam 10-25 mg × 3/j, l’hydroxyzine 25-50 mg au coucher ou la zopiclone 3,75 mg au coucher en cas d’insomnie d’endormissement.

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Un antihistaminique comme l’alimémazine 5-20 mg au coucher est préconisé en cas de réveils nocturnes ou de réveils précoces. La prise en charge psychothérapique est la règle ; par exemple, une thérapie interpersonnelle, une thérapie cognitive, la well-being therapy (Fava, 2018), etc. (le lecteur trouvera l’ensemble des psychothérapies possibles décrites dans Peretti, 2013).

Vignette clinique M. P. 45 ans, est amené un soir au SAU par les pompiers après avoir verbalisé des idées suicidaires à son ex-femme. M. P. est divorcé ; il est en bons termes avec son ex-femme et est au chômage depuis plusieurs mois. Ses antécédents psychiatriques sont marqués par plusieurs épisodes dépressifs antérieurs, mais il n’aurait jamais fait de tentative de suicide. M. P. n’est plus suivi et ne prend plus de traitement antidépresseur depuis plusieurs années. À l’entretien, son faciès est marqué par une douleur morale importante. Il est incurique, semble exténué, verbalise qu’il ne peut plus prendre soin de lui et arrive à peine à manger. Ses phrases sont succinctes ; il met plusieurs secondes avant de répondre aux questions. Il décrit une profonde tristesse qui s’est aggravée progressivement depuis la perte de son emploi jusqu’à ces derniers jours où des idées suicidaires sont apparues. M. P. n’a pas de scénario précis de suicide mais imagine mal comment il pourrait faire autrement. Il apparaît en demande d’aide pour le « sortir de là ». Après un examen physique réalisé par le médecin urgentiste et des examens complémentaires s’assurant de l’absence de pathologie comorbide décompensée et de retentissement important dus à son état, un traitement anxiolytique par diazépam 5 mg per os lui est prescrit et une hospitalisation sur son secteur est organisée avec l’accord du patient.

Trouble bipolaire (manie, hypomanie) Définition Les troubles bipolaires sont un ensemble de pathologies chroniques marquées par la survenue d’épisodes d’excitation psychique et motrice tels que des épisodes maniaques ou hypomaniaques, alternant avec des épisodes dépressifs, séparés par des intervalles libres de stabilité thymique. L’épisode maniaque illustre la situation d’urgence psychiatrique typique dans le trouble bipolaire. Il se caractérise par une intensité sévère des symptômes et un retentissement fonctionnel important, ce qui le distingue de l’épisode hypomaniaque.

Points importants L’épisode maniaque est une urgence médicale : il nécessite l’hospitalisation d’urgence en psychiatrie en raison des risques élevés de retentissement

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somatique, l’existence de troubles instinctuels, de conduites sexuelles inappropriées ou à risque, une conduite automobile dangereuse, la majoration des consommations de toxiques. En cas de désinsertion socioprofessionnelle, ou bien en cas d’achats inconsidérés, de chômage, de divorce, d’actes médicolégaux et de virage dépressif de l’humeur, l’hospitalisation est la règle. L’intensité sévère des symptômes et l’anosognosie souvent associés lors d’un épisode maniaque, imposent que le patient soit hospitalisé – parfois sous contrainte. Un membre de son entourage familial ou amical sera sollicité, mais le plus souvent l’intervention des secours comme les pompiers, le SAMU ou la police sera nécessaire. L’épisode hypomaniaque justifie une prise en charge adaptée, ambulatoire ou hospitalière, nécessaire du fait de l’évolutivité potentiellement à risque de l’épisode. Le trouble bipolaire constitue le deuxième trouble psychiatrique le plus suicidogène après l’anorexie mentale.

Épidémiologie La prévalence vie-entière des troubles bipolaires est de 1 à 4  % pour les formes typiques comme dans le trouble bipolaire de type I et II et jusqu’à 10 % si l’on considère le spectre élargi des troubles bipolaires, avec un sexratio de 1. Le trouble bipolaire est une pathologie débutant habituellement chez le jeune adulte, entre 15 et 25  ans, et marquée par un retard diagnostique important d’environ 10 ans (Guelfi et Rouillon, 2017).

Diagnostic (Tableau 4.2) Les critères diagnostiques de l’épisode hypomaniaque selon le DSM-5 (APA, 2013) sont les mêmes que ceux de l’épisode maniaque, mais : • la durée est supérieure ou égale à 4 jours ; • la sévérité n’est pas suffisante pour entraîner une altération marquée du fonctionnement ou pour nécessiter une hospitalisation. L’état mixte, hypomanie avec caractéristiques mixtes ou dépression avec les caractéristiques mixtes suivantes : • il correspond aux épisodes (hypo)maniaques ou dépressifs caractérisés avec respectivement au moins trois symptômes dépressifs ou maniaques intriqués ou alternant rapidement ; • l’état mixte est fréquemment marqué par une labilité émotionnelle importante et un risque suicidaire élevé.

Diagnostics différentiels Un premier épisode maniaque conduit systématiquement à la pratique d’un bilan étiologique aux urgences pour éliminer des étiologies non psychiatriques.

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Tableau 4.2. Critères diagnostiques d’un épisode maniaque. Altération marquée du fonctionnement ou nécessité d’hospitalisation Rupture avec l’état antérieur Humeur élevée ou irritable, durée > 1 semaine ≥ 3 symptômes (4 si humeur seulement irritable) parmi : • augmentation de l’estime de soi • réduction des besoins de sommeil • augmentation de la communicabilité • fuite des idées • distractibilité • augmentation de l’activité orientée vers un but ou agitation psychomotrice • engagement excessif dans des activités ayant un potentiel élevé de conséquences dommageables Source : d’après APA, 2013.

Le bilan doit comporter un examen clinique réalisé par le médecin urgentiste, une imagerie cérébrale, et un bilan biologique standard à la recherche d’une dysthyroïdie (TSH), d’un diabète (glycémie), d’une pathologie infectieuse ou cancéreuse (NFS, plaquettes, CRP), de troubles hydro-électrolytiques (ionogramme sanguin). Selon les points d’appels, d’autres examens complémentaires pourront être demandés (une ponction lombaire en cas de fièvre à la recherche d’une méningo-encéphalite, un EEG en cas de signe neurologique focal, etc.). Un début tardif des troubles doit faire évoquer le diagnostic différentiel de maladie neurodégénérative et justifie un bilan gériatrique, surtout en cas de symptômes cognitifs déficitaires. Chez un patient souffrant de trouble bipolaire, les examens complémentaires de recherche étiologique ne sont pas nécessaires, sauf si l’épisode diffère dans sa présentation ou en cas de point d’appel spécifique. Les étiologies iatrogènes sont à évoquer, telles que la prise d’antidépresseurs. Les traitements psychostimulants (méthylphénidate), antiparkinsonien (dopamine ou agonistes dopaminergiques), corticostéroïdes, antipaludéen (chloroquine) et les hormones thyroïdiennes sont susceptibles d’entraîner l’apparition d’une symptomatologie maniaque (Peet et Peter, 1995 ; Fava et Rafanelli, 2019). Un bilan étiologique est alors nécessaire, impliquant les médecins des différentes spécialités selon l’organe en cause. Pour les diagnostics différentiels psychiatriques, il faut évoquer une intoxication aiguë par une substance psychostimulante comme l’alcool, l’amphétamine et la cocaïne qui peut entraîner l’apparition d’une excitation psychomotrice parfois sévère. L’évaluation de l’humeur est faite après cessation des effets de la substance ; une surveillance en cellule de dégrisement est réalisée en attendant l’élimination du toxique et le retour à un état compatible avec l’échange verbal. Une alcoolémie et un dosage de toxiques urinaires sont prescrits en cas de doute.

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En cas de logorrhée, de tachyphémie, de distractibilité et de désorganisation de la pensée on envisagera la possibilité de troubles anxieux qui peuvent s’apparenter à un épisode hypomaniaque ou maniaque. En cas de trouble anxieux, la plainte anxieuse est au centre du tableau clinique, l’anosognosie est exceptionnelle et le déficit fonctionnel générale­ ment moins sévère. Il faut évoquer un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) qui partage certains symptômes avec un épisode (hypo) maniaque. Une tachyphémie, une tachypsychie, une distractibilité, une agitation psychomotrice et un besoin réduit de sommeil sont des symptômes trompeurs. Dans le cadre d’un TDAH, ces symptômes sont anciens et moins fréquemment observés en urgence. Il faut évoquer le trouble de personnalité borderline en cas d’instabilité émotionnelle, d’accès de colère pouvant ressembler à un épisode thymique aigu. La présence des autres critères de ce trouble de la personnalité (abandonnisme, sensation de vide interne, instabilité de l’estime de soi et des relations interpersonnelles, etc.), ainsi que l’absence de rupture avec l’état antérieur, la présence des autres critères d’excitation psychomotrice permettent le diagnostic. Tous ces diagnostics constituent des comorbidités fréquentes du trouble bipolaire qui rendent la présentation clinique complexe. En cas de doute, un recueil d’informations auprès de la famille du patient, de son psychiatre ou d’une structure de soins où le patient est connu permet souvent d’accélérer la prise de décision diagnostique.

Éléments de gravité La présence de caractéristiques mixtes ou psychotiques entraîne un risque majeur de passage à l’acte suicidaire. Des conduites de mise en danger telles que le mésusage de substance, une conduite automobile dangereuse ou des comportements sexuels à risque, des troubles du comportement, un risque hétéro-agressif et un mauvais étayage familial et/ou amical sont à rechercher systématiquement. Ces situations confèrent au tableau des signes de gravité de l’épisode qui vont conduire à l’hospitalisation urgente en milieu spécialisé psychiatrique. Les caractéristiques catatoniques ou un retentissement somatique important du trouble, justifient une prise en charge conjointe par le médecin psychiatre et le médecin urgentiste.

Prise en charge Dans toutes les situations évoquant un état d’excitation psychomotrice à l’admission ou observées par l’infirmière d’accueil et d’orientation, l’urgentiste doit être informé de la nécessité d’installer le patient dans un box individuel, peu éclairé, au calme, pour réduire les stimulations sensorielles et ne pas risquer de majorer l’état d’excitation hyperesthésique.

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Cas de l’épisode maniaque Facteurs de gravité La présence d’un syndrome maniaque, associée à des caractéristiques mixtes ou psychotiques, nécessite une vigilance accrue de l’équipe soignante et une surveillance infirmière continue. Si les risques suicidaire, hétéro-agressif ou de fugue, n’apparaissent pas au premier plan lors de l’entretien, l’instabilité psychomotrice et la fréquente anosognosie observée rendent ces risques imprévisibles. Un seul interlocuteur est à privilégier, en respectant les espaces personnels et en adoptant un style empathique, clair, précis pour réduire la confusion et veiller à ce que la situation ne déborde pas. Ces patients remettent en question la pertinence de leur venue et leur maintien au SAU et/ou l’indication d’une hospitalisation. En cas de tension psychique importante rendant impossible le dialogue ou en cas de risque auto- ou hétéro-agressif, ou en cas de fugue, l’équipe soignante doit intervenir sans délai pour permettre une meilleure fonction «  contenante  » et préparer le traitement symptomatique (per  os et intramusculaire) ainsi que le matériel de contention (sangles, aimants, brancard adapté, etc.). Si la fonction contenante des renforts ne permet pas d’apaiser le patient dans de telles situations et que la prise de traitement per os n’est pas possible, une contention physique peut s’imposer et le traitement sera administré par voie injectable. La prescription d’une contention physique est nécessairement accompagnée de la coprescription de traitements sédatifs et anxiolytiques pour calmer le patient et limiter l’inconfort ressenti. Dans toutes les situations où l’urgence auto- ou hétéro-agressive n’est pas au premier plan, un bilan préthérapeutique avec ECG et un bilan hépatique sont réalisés. Exemples de traitement symptomatique de l’agitation psychomotrice de l’état maniaque : • benzodiazépine à visée anxiolytique et sédative : – diazépam 10 mg, – oxazépam 25 mg (adapté en cas de femme enceinte ou en cas de probabilité de grossesse) ; • antipsychotiques atypiques ou neuroleptiques à visée sédative : – loxapine 50-100 mg (peu susceptible d’élever le QT, mais à risque de dyskinésie), – cyamémazine 50-100 mg (risque d’augmentation du QT, peu de risque d’effets secondaires extrapyramidaux), – chlorpromazine 50-100 mg (autorisé chez la femme enceinte) ; • possibilité d’utiliser des antipsychotiques atypiques à visée sédative, antimaniaque et antidélirante (Wilson et al., 2012) : – olanzapine 10  mg (à renouveler après 2  heures, sans dépasser 20 mg/24 h), éventuellement en intramusculaire.

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Une hospitalisation d’urgence en milieu spécialisé psychiatrique est organisée, avec ou sans consentement (SPDT ou SPI), en raison de l’anosognosie et de l’instabilité. Épisode hypomaniaque sans critère de gravité Le dialogue est plus facile et l’anosognosie réduite. La prescription symptomatique de traitement médicamenteux à visée sédative et antimaniaque est proposée au patient après la réalisation d’examens complémentaires préthérapeutiques tels que l’ECG et en l’absence de contre-indication.

Excitation psychomotrice dans un état hypomaniaque Exemple de traitement symptomatique (Dundar et al., 2016) • Loxapine 25 à 50 mg 3 fois/j. • Et/ou antipsychotiques atypiques en cas d’antécédents connus de trouble bipolaire : aripiprazole 5 mg/j ou olanzapine 5 mg/j.

L’intensité moindre des symptômes permet une prise en charge en hospitalisation complète, pour initier le traitement thymorégulateur, ou en ambulatoire en fournissant les coordonnées des structures d’urgences (en cas d’aggravation) et les coordonnées des consultations (initiation d’un suivi et d’un traitement), selon la préférence des patients. L’information des proches est essentielle pour améliorer et adapter la prise en charge.

Vignette clinique M. C., 27 ans, est amené un soir au SAU par ses parents après avoir tenté de se suicider par IMV. Il s’agit d’un jeune homme, bien inséré professionnellement et socialement mais qui est soumis à une forte pression au travail. C’est la première fois qu’il tente de se suicider et il ne présente pas d’antécédent psychiatrique. Il a suspendu la réalisation de sa tentative de suicide au dernier moment et a pu alerter ses parents qui l’ont rapidement emmené au SAU, inquiets du risque de récidive et devant un comportement inhabituel depuis plusieurs jours. L’entretien révèle un état de nervosité et de labilité émotionnelle intense  : M.  C. peut passer du rire aux larmes en quelques secondes. Il ne tient pas en place et parle très vite, passant du coq-à-l’âne par assonances. L’entretien est très peu contributif, mais le patient arrive à verbaliser se sentir «  dépassé  » et «  par moment désespéré  ». Son passage à l’acte suicidaire est fortement minimisé. Le patient accepte tant bien que mal de prendre un traitement anxiolytique et sédatif per os (loxapine 75 mg et diazépam 10 mg) mais refuse catégoriquement d’être hospitalisé.



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Ses parents vous informent que depuis plusieurs jours, il se montre très irritable, ne dort pratiquement plus, passant ses nuits à faire du sport ou à travailler, et ses journées à répondre à des offres d’emploi sans prendre le temps de manger. Ils vous disent être très inquiets de son état et que la tentative de suicide est un « choc » pour eux. Après un bilan complémentaire de premier épisode maniaque avec caractéristiques mixtes ne retrouvant pas d’étiologie non psychiatrique évidente, et une fois l’état de tension apaisé, une hospitalisation en soins psychiatriques à la demande d’un tiers est organisée dans l’établissement de son secteur.

Psychoses aiguës et chroniques Psychose aiguë : trouble psychotique bref Points importants Il s’agit d’une véritable urgence psychiatrique en raison du risque important de troubles du comportement et de la désinsertion socioprofessionnelle  ; c’est une pathologie de l’adulte jeune (15-35 ans), sans antécédent psychiatrique (Castagnini et Foldager, 2013). La demande de soin émane habituellement de l’entourage, des acteurs de la sécurité civile (pompiers, policiers) ou du corps médical en raison de la symptomatologie bruyante fréquemment associée à l’anosognosie. La durée d’un trouble psychotique bref varie de quelques jours à quelques semaines  ; au-delà d’un mois, la non-résolution du tableau clinique fait reconsidérer le diagnostic. La prise en charge médicamenteuse par antipsychotique atypique permet une diminution nette de la symptomatologie.

Définition Le trouble psychotique bref est caractérisé par l’apparition brutale de symptômes psychotiques atteignant habituellement un maximum d’intensité en deux semaines. Les symptômes sont souvent bruyants, polymorphes et labiles de par leur nature et leur intensité. Ils peuvent osciller entre deux extrêmes d’un jour à l’autre ou dans la même journée. La durée des symptômes est variable, de quelques jours à quelques semaines.

Épidémiologie Avec une incidence annuelle d’environ 4 à 10 pour 1 000 000, ce trouble touche deux fois plus les femmes que les hommes et représente 9  % de l’ensemble des débuts de troubles psychotiques chroniques (Castagnini et Foldager, 2013 ; Malhotra et al., 2019). Les troubles de personnalité schizoïde, schizotypique et l’état limite prédisposent au trouble psychotique bref.

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Diagnostic « Coup de tonnerre dans un ciel serein » parfois précédé de quelques nuages (insomnie, inquiétude sans objet, comportements insolites), la symptomatologie est marquée par des idées délirantes à mécanismes intuitif, interprétatif, des hallucinations acousticoverbales ou intrapsychiques, un automatisme mental et la présence de thématiques délirantes polymorphes : persécutive, mystique, mégalomaniaque, d’influence. Il est fréquent qu’une participation thymique intense soit associée à une labilité émotionnelle et à une désorganisation. Le délire est non systématisé et l’adhésion totale du patient au délire est la règle. L’angoisse est souvent majeure chez ces patients qui peuvent verbaliser se sentir perdus et reconnaître la bizarrerie des manifestations dont ils souffrent. Les critères diagnostiques du trouble psychotique bref selon le DSM-5 (APA,  2013) sont la présence d’un symptôme avec au moins un des trois premiers symptômes suivants, présent pendant une durée inférieure à un mois, avec un retour à l’état prémorbide : • idées délirantes ; • hallucinations ; • discours désorganisé ; • comportement désorganisé ou catatonique.

Diagnostic différentiel La recherche systématique d’une pathologie non psychiatrique est indispensable, quels que soient l’âge ou les antécédents du patient. Examen somatique Un examen somatique complet par le médecin urgentiste recherche une étiologie parmi les suivantes : • toxiques, comme une intoxication ou un sevrage d’alcool, de cannabis, une prise de LSD, de kétamine, de cathinones, d’opiacés, etc. ; • iatrogènes, comme la prise de corticoïdes (Fava et Rafanelli, 2019) ; • infectieuses, comme une encéphalite, le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), la syphilis, le paludisme ; • neurologiques, comme l’encéphalite auto-immune, une tumeur cérébrale, une épilepsie temporale avec fréquentes hallucinations olfactives, un accident vasculaire cérébral (AVC) ; • métaboliques, comme des troubles hydro-électrolytiques, une maladie de Wilson ; • endocriniennes, comme une dysthyroïdie, un syndrome de Cushing, un diabète. Le bilan complémentaire systématique comprend : une NFS, une numération des plaquettes, le dosage de la CRP, un ionogramme sanguin, urée, créatinine, bilan hépatique complet, TSH, alcoolémie et dosage des toxiques

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urinaires ainsi qu’une TDM cérébrale. En fonction des signes d’appel, des examens supplémentaires sont demandés  : EEG en cas de signe neurologique focal, une IRM cérébrale, une ponction lombaire en cas de fièvre, la pratique d’une goutte épaisse, etc. Diagnostics différentiels psychiatriques Les principaux diagnostics différentiels psychiatriques sont : • l’épisode thymique délirant, dans lequel les symptômes thymiques sont au premier plan et d’apparition antérieure aux idées délirantes. Le délire comporte dans ce cas des thématiques moins polymorphes et congruentes à l’humeur. Dans l’épisode maniaque délirant, les perturbations du contenu de la pensée telles que la diffluence, la présence d’associations par assonance peuvent orienter à tort vers un épisode psychotique bref, dans lequel la désorganisation est néanmoins souvent plus vaste ; • la schizophrénie dans laquelle la symptomatologie positive, négative et la désorganisation durent plus de 6 mois. La schizophrénie constitue une complication évolutive du trouble psychotique bref ; • le trouble délirant persistant où il n’existe classiquement pas d’hallucination et où la symptomatologie de désorganisation manque. Le syndrome délirant y est bien systématisé et l’âge de début y est plus tardif. Élément de gravité et pronostic La présence d’une idéation suicidaire, à la hauteur de la détresse et de l’état de perdition ressentis par le patient, constitue un élément de gravité d’un trouble psychotique bref. On doit également ajouter la présence d’injonctions hallucinatoires, le risque d’un raptus hétéro-agressif latent (état préimpulsif) ou manifeste, la présence d’un trouble de l’usage d’une substance comorbide ou encore un isolement sociofamilial. Trois modalités évolutives classiques sont décrites (Weibel et Metzger, 2005) : • un tiers des patients font l’expérience d’un épisode unique ; • un tiers des patients vont développer une forme cyclique ou périodique ; • enfin, un tiers des malades voient apparaître un trouble chronique tel qu’un trouble bipolaire ou une schizophrénie. Les facteurs de bon pronostic, réduisant le risque d’évolution vers une schizo­ phrénie, sont les suivants (Weibel et Metzger, 2005 ; Malhotra et al., 2019) : • le sexe féminin ; • un début brutal ; • un âge tardif ; • un facteur déclenchant identifié ; • des troubles thymiques associés ; • l’absence de désorganisation ; • l’absence de trouble de la personnalité prémorbide ; • l’absence d’antécédents familiaux de schizophrénie.

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Prise en charge Un environnement sécurisant et contenant doit être mis en place pour le patient en limitant les stimulations : mise en box individuel, peu éclairé, au calme, interlocuteurs peu nombreux pour ne pas accroître la perception de confusion et l’angoisse. Une surveillance infirmière continue vis-à-vis du risque auto- ou hétéroagressif et du risque de fugue est prescrite. Un traitement symptomatique est prescrit à visée antiproductive et anxiolytique, sédative en cas d’agitation psychomotrice. La voie orale est à privilégier pour ces jeunes patients qui sont souvent confrontés pour la première fois à une ambiance psychiatrique. Certaines situations avec refus des soins et éléments de gravité tels que l’agitation sévère, l’agressivité nécessitent un traitement par voie intramusculaire et une contention physique.

Trouble psychotique bref au service d’accueil des urgences Exemples de traitement symptomatique (Wilson et al., 2012 ; Dundar et al., 2016) • Possibilité d’utiliser des antipsychotiques atypiques en première intention à visée sédative et antiproductive : – olanzapine 5-10 mg à renouveler à 2 h, sans dépasser 20 mg/24 h, possible en intramusculaire ; – rispéridone 2 mg. • Antipsychotiques atypiques ou neuroleptiques à visée sédative en cas d’agitation sévère : – loxapine 50 à 100 mg (peu responsable d’augmentation du QT, à risque de dyskinésie) ; – cyamémazine 50-100 mg (augmentation du QT, peu responsable d’effets secondaires extrapyramidaux). • Benzodiazépine en cas d’anxiété majeure ou de risque suicidaire associé : – diazépam 10 mg ; – oxazépam 25 mg.

Il est nécessaire de prendre le temps de s’entretenir au SAU avec les proches (les parents, en particulier), dans un endroit calme, pour recueillir leurs inquiétudes et les informations concernant l’épisode, avec pour objectif de valoriser la démarche d’accompagnement de leur proche auprès du corps médical. Il faut les rassurer, leur expliquer qu’une prise en charge spécifique est prescrite et répondre aux questions qu’ils posent. L’hospitalisation en urgence en service spécialisé psychiatrique est la règle, en particulier en cas de présence d’un élément de gravité.

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La confiance et l’accord des proches sont nécessaires pour organiser une hospitalisation en SPDT en cas de refus des soins du patient. Dans les rares situations de refus des tiers de signer une mesure de SPDT, une sortie du patient contre avis médical est organisée. En l’absence de critères de gravité et si le patient et ses proches souhaitent une prise en charge ambulatoire plutôt qu’hospitalière, les coordonnées des structures d’urgences (en cas d’aggravation) et de consultations (en cas d’initiation d’un suivi et de mise en place d’un traitement) sont à fournir, en prévenant si possible les structures d’aval (notamment l’établissement du secteur psychiatrique de rattachement).

Psychoses chroniques Schizophrénie Définition La schizophrénie est un trouble psychiatrique chronique débutant habituelle­ ment à l’adolescence ou chez l’adulte jeune. Elle est caractérisée par une expression clinique hétérogène comprenant trois grands syndromes  : un syndrome positif (idées délirantes), un syndrome de désorganisation (cognitif, affectif et comportemental) et un syndrome négatif avec déficit cognitif (Peretti et al, 2004), trouble affectif et comportemental. L’évolution du trouble est marquée par des épisodes de décompensation délirante ou dissociative et par l’apparition d’épisodes dépressifs comorbides, parfois difficiles à différencier de la symptomatologie négative, qui constituent des motifs fréquents de consultation aux urgences. Points importants Différents facteurs de stress peuvent conduire à une décompensation aiguë et l’objectif initial de la prise en charge aux urgences est la réduction de l’angoisse liée à la symptomatologie positive, la prévention du risque autoet hétéro-agressif et une orientation adaptée du patient. Des contacts téléphoniques avec les proches, les structures de soins qui ont pris en charge le patient sont nécessaires pour améliorer la prise en charge. Les patients schizophrènes présentent un risque plus élevé de suicide que la population générale (leur espérance de vie en moyenne est de 53  ans) (Guelfi et Rouillon, 2017). Le risque de raptus violents est également plus élevé. Les abus de substances sont plus fréquents et le risque de précarité est accru chez ces patients. Les difficultés sociales auxquelles sont confrontés les patients ne sont pas susceptibles de trouver une réponse immédiate aux urgences. Le médecin doit orienter le patient vers des structures d’aide sociale et/ou médicosociale. Épidémiologie La schizophrénie est une pathologie débutant habituellement chez l’adolescent ou l’adulte jeune, entre 15 et 25 ans, avec une prévalence légèrement

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supérieure chez l’homme : 1,4 homme atteint pour 1 femme et une prévalence vie-entière de 0,3 à 0,7 % (McGrath et al., 2008). Diagnostic La présentation et le contact de ces patients sont empreints de bizarrerie et d’un détachement idéo-affectif. Le discours est imperturbable, hermétique voire impénétrable, ambivalent, incohérent, ce qui rend l’anamnèse et le recueil d’informations difficiles au cours de l’entretien. Le diagnostic repose sur la présence : • d’un syndrome positif avec délire et hallucinations ; • d’un syndrome de désorganisation avec dissociation psychique ; • d’un syndrome négatif avec des troubles cognitifs et mnésiques, des difficultés sociales. Les syndromes observés comportent les caractéristiques suivantes (Franck, 2013) : • syndrome positif : – syndrome délirant : – mécanisme hallucinatoire avec hallucinations psychosensorielles auditives, intrapsychiques, – mécanisme interprétatif, intuitif, avec automatisme mental, – thématique du délire polymorphe  : persécutive, syndrome de référence, syndrome d’influence, délire de filiation, de fin du monde, mystique, hypochondriaque, etc.), mal systématisé avec adhésion forte du patient au délire et participation affective variable ; • syndrome de désorganisation : – trouble du cours, du contenu de la pensée et du système logique : – diffluence, barrage, fading, néologisme, paralogisme, réponses à côté, rationalisme morbide, – désorganisation affective : – discordance idéo-affective, rires immotivés, indifférence affective, – désorganisation comportementale : – maniérisme, paramimie, stéréotypies ; • syndrome négatif : – alogie, aboulie, apragmatisme, retrait social, – déficit négatif et mnésique. Le syndrome cognitif associe une altération des fonctions exécutives, de la mémoire épisodique et de l’attention, un déficit de la mémoire de travail. Les critères diagnostiques de la schizophrénie selon le DSM-5 (APA, 2013) sont les suivants : • présence de deux au moins des symptômes suivants (dont au moins un des trois premiers), d’une durée inférieure à 6 mois : – idées délirantes ; – hallucinations ; – discours désorganisé ; – comportement désorganisé ou catatonique.

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Diagnostics différentiels En l’absence d’antécédent connu de schizophrénie, d’où l’importance de contacter l’entourage et le secteur psychiatrique de rattachement, un bilan clinique complet ainsi que des examens complémentaires seront réalisés de la même manière que dans le trouble psychotique bref : NFS, plaquettes, CRP, ionogramme sanguin, urée, créatinine, bilan hépatique complet, TSH, alcoolémie et dosage des toxiques urinaires ainsi qu’une TDM cérébrale pour éliminer une origine toxique, infectieuse, neurologique, métabolique ou endocrinienne aux troubles observés. Une présentation atypique et/ou des points d’appels somatiques nécessitent un échange avec le médecin urgentiste pour décider d’examens complémentaires spécifiques. Le principal diagnostic différentiel psychiatrique du trouble schizophrénique est le trouble délirant persistant, pathologie chronique d’âge de début tardif, comportant également une symptomatologie délirante mais habituelle­ ment non hallucinatoire et bien systématisée. L’absence d’éléments de désorganisation permettra d’orienter le diagnostic. Éléments de gravité La présence d’un risque auto- ou hétéro-agressif constitue un élément de gravité au cours d’un épisode aigu de décompensation. Une participation affective intense aux idées délirantes et une symptomatologie dépressive associée sont des éléments qui compliquent la prise en charge. Un trouble de l’usage d’une substance, une rupture de soins ainsi qu’un environnement sociofamilial peu soutenant majorent les risques évolutifs et constituent des éléments à rechercher systématiquement durant l’évaluation psychiatrique. La présence de caractéristiques catatoniques ou d’un retentissement somatique du trouble, une incurie, un refus d’alimentation de motif délirant (conviction d’empoisonnement, tri pathologique des aliments, etc.) constituent des facteurs de gravité. Pronostic L’évolution de la maladie ne peut pas être prédite précisément en raison de la méconnaissance de la valeur des facteurs prédictifs. Une prise en charge médicamenteuse précoce et une bonne adhésion au traitement médicamenteux constituent des facteurs de meilleur pronostic (Milan, 2016). Le cours de la maladie est favorable chez environ 20  % des patients (APA, 2013). La majeure partie des patients nécessite une aide au quotidien et souffre de périodes d’exacerbation symptomatique. Un tiers des patients présente une évolution marquée par une détérioration progressive avec perte de lien social, dépendance plus importante (justifiant une allocation aux adultes handicapés (AAH) – délivrée par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) –, mesures de protection, invalidité.

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Prise en charge Comme dans l’épisode psychotique bref, un environnement sécurisant et contenant, peu chargé en stimulations, va permettre de réduire l’angoisse. Une surveillance infirmière vis-à-vis du risque auto- et hétéro-agressif ou du risque de fugue est nécessaire et fonction de l’intensité des idées délirantes et des facteurs de gravité ci-dessus. L’entretien recherche les différents facteurs de gravité, d’éventuels antécédents de mauvaise tolérance aux traitements et l’obtention du consentement aux soins. Un traitement symptomatique est prescrit selon l’indication tel qu’un traitement à visée antiproductive, anxiolytique, sédative. On privilégie la voie orale au début de la prise en charge. Certaines situations avec refus des soins et éléments de gravité (agitation sévère, agressivité) nécessitent un traitement par voie intramusculaire et la pose de contentions physiques.

Décompensation délirante schizophrénique au service d’accueil des urgences

Exemples de traitement symptomatique (Wilson et al., 2012 ; Dundar et al., 2016) • On peut être conduit à majorer les doses d’antipsychotiques si le patient est déjà sous traitement avant d’arriver aux urgences. • Il est possible de réintroduire un traitement interrompu en cas d’absence de contre-indication. • On prescrit des antipsychotiques atypiques en première intention à visée sédative et antiproductive si le patient est en rupture de traitement de fond : – olanzapine 5-10 mg (à renouveler à 2 h, sans dépasser 20 mg/24 h, parfois en intramusculaire) ; – rispéridone 2 mg. • Antipsychotiques atypiques ou neuroleptiques à visée sédative en cas d’agitation sévère : – loxapine 50 à 100 mg (peu de risque d’augmentation du QT, mais risque de dyskinésie) ; – cyamémazine 50-100 mg (risque d’augmentation du QT, mais induction de peu d’effets secondaires extrapyramidaux). • Benzodiazépine si l’anxiété est associée ou en cas de risque suicidaire : – diazépam 10 mg ; – oxazépam 25 mg.

La prise en charge des comorbidités et des facteurs somatiques est importante : correction d’un trouble hydro-électrolytique en lien avec une potomanie ou une déshydratation, prise en charge d’une dénutrition, d’un diabète.

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Le bilan d’une incurie est assuré par les médecins urgentistes avec qui l’on envisage la possibilité d’une hospitalisation en unité de courte durée ou en service spécialisé non psychiatrique si la pathologie somatique prédomine. L’entourage et le secteur psychiatrique sont précieux pour guider la prise en charge, surtout lorsque l’intensité des symptômes est sévère et que le patient n’est pas capable de fournir des informations fiables concernant l’histoire récente de la maladie. En cas de décompensation aiguë, une hospitalisation en urgence en service spécialisé psychiatrique, avec ou sans consentement, est décidée. Parfois, des motifs ne relevant pas de l’urgence psychiatrique peuvent être avancés par le patient ou son entourage – demande d’hospitalisation sans la notion d’une décompensation aiguë, demande purement sociale, plainte somatique, allégation de conflit avec le voisinage – qui ne justifient habituellement pas une hospitalisation en urgence.

Trouble délirant Définition Il s’agit d’une entité diagnostique qui correspond à l’ancienne catégorie diagnostique des psychoses paranoïaques. Ce trouble est caractérisé par un syndrome délirant sans syndrome de désorganisation ni syndrome négatif. Différents sous-types existent en fonction de la thématique principale du délire. Points importants Le retentissement fonctionnel est habituellement moindre que dans la schizo­phrénie du fait d’un délire souvent moins étendu et de l’absence de désorganisation. Des problèmes conjugaux, sociaux ou professionnels peuvent cependant résulter des convictions délirantes. Les personnes ayant un trouble délirant se rencontrent peu fréquemment aux urgences et, le cas échéant, viennent rarement consulter d’eux-mêmes pour ce motif du fait d’une conviction délirante souvent inébranlable. Ils sont plutôt accompagnés par leur entourage qui s’inquiète ou bien amenés par les pompiers ou la police après des situations ou contextes conflictuels. C’est parfois à l’occasion de comorbidités, dépressives par exemple, qu’ils sont amenés à consulter. Le risque de passage à l’acte médicolégal est plus élevé pour les sous-types de persécution, d’érotomanie et de jalousie (Guelfi, 2017) et la présence d’un persécuteur désigné est à prendre au sérieux et constitue un facteur de gravité. Épidémiologie La prévalence vie-entière du trouble délirant est estimée à 0,2 % avec un âge de début plutôt tardif (40-50 ans). Le sous-type de délire le plus fréquent est celui de la persécution (APA, 2013).

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Diagnostic Les symptômes fréquemment présentés sont ceux d’un syndrome délirant à mécanisme interprétatif et intuitif. On ne retrouve classiquement pas de mécanisme hallucinatoire ; le délire est à thématique souvent unique, persécutive, érotomaniaque, de jalousie ou somatique. Il est bien systématisé, organisé, fréquemment en secteur mais il peut aboutir à un développement concentrique centrifuge en réseau. L’adhésion est classiquement totale et la participation affective fréquemment intense (Ferreri et Ferreri, 2012).

Trouble délirant Critères diagnostiques selon le DSM-5 (APA, 2013) • Présence d’une (ou plusieurs) idées délirantes pendant au moins 1 mois, ne répondant pas aux critères diagnostiques de la schizophrénie. • Pas d’altération marquée du fonctionnement en dehors de l’impact des idées délirantes. • Sous-types observés : – persécution : conviction délirante d’être la cible d’un complot, d’espionnage, de harcèlement, etc. ; – érotomaniaque, conviction délirante d’être aimé ; – jalousie : conviction délirante de l’infidélité de l’être aimé ; – somatique : conviction délirante concernant des fonctions ou sensations corporelles, hypochondrie délirante ; – mixte : aucun thème ne prédomine.

Diagnostics différentiels Y compris lorsque les symptômes sont typiques, il faut nécessairement, en cas de syndrome délirant non connu, éliminer une origine non psychiatrique lors du passage au SAU. Les étiologies toxiques (cannabis, cocaïne, LSD, kétamine, cathinones, etc.), iatrogènes (corticoïdes, agonistes dopaminergiques, L-Dopa, etc.) et neurologiques (tumeur cérébrale, AVC, etc.) sont à rechercher. Les examens complémentaires sont fonction de l’anamnèse et de l’examen clinique  : TDM cérébrale en cas de premier épisode délirant, EEG en cas de signe neurologique focal, ponction lombaire en cas de fièvre, etc. Les diagnostics différentiels psychiatriques sont essentiellement : • la schizophrénie dans laquelle le délire est polymorphe, mal systématisé, associée à un syndrome de désorganisation et à un syndrome négatif ; • le trouble de personnalité paranoïaque car l’absence de conviction délirante inébranlable élimine cette hypothèse  ; le trouble de personnalité constitue parfois un état prémorbide au trouble délirant persistant.

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Éléments de gravité Les principaux éléments de gravité à rechercher chez un patient présentant un syndrome délirant sont : un risque auto- ou hétéro-agressif élevé, la présence d’un persécuteur désigné, un antécédent de passage à l’acte médicolégal ainsi qu’un trouble comorbide d’usage d’une substance. Prise en charge La prise en charge des patients ayant un syndrome délirant peut s’avérer délicate en raison de la conviction délirante qui apparaît inébranlable et la venue au SAU, souvent contre leur gré, majore le sentiment de persécution. Une attitude empathique est souhaitable, en faisant attention d’exprimer sans ambiguïté ses motifs et intentions et de respecter les espaces interpersonnels. Faire référence aux lois ou aux règlements pourra aider à décentrer une décision d’hospitalisation souvent ressentie comme une attaque personnelle. Une surveillance infirmière continue, pour prévenir du risque de fugue en particulier, mais aussi pour réduire le risque auto- et hétéro-agressif, est nécessaire. Un traitement symptomatique est souvent nécessaire, per  os préférentiellement, par voie injectable en cas de refus des soins et/ou en cas de risque hétéro-agressif.

Trouble délirant Exemple de traitement symptomatique Le traitement symptomatique suit le même schéma que celui d’une décompensation délirante schizophrénique (Wilson et al., 2012 ; Dundar et al., 2016) : • on peut être conduit à majorer les doses d’antipsychotiques si le patient est déjà sous traitement avant d’arriver aux urgences ; • il est possible de réintroduire un traitement interrompu en cas d’absence de contre-indication ; • on prescrit des antipsychotiques atypiques en première intention à visée sédative et antiproductive si le patient est en rupture de traitement de fond : – olanzapine 5-10 mg (à renouveler à 2 h, sans dépasser 20 mg/24 h, parfois en intramusculaire), – rispéridone 2 mg ; • antipsychotiques atypiques ou neuroleptiques à visée sédative en cas d’agitation sévère : – loxapine 50 à 100 mg (peu de risque d’augmentation du QT, mais risque de dyskinésie), – cyamémazine 50-100 mg (risque d’augmentation du QT, peu d’effets secondaires extrapyramidaux) ; • benzodiazépine si l’anxiété est associée ou en cas de risque suicidaire : – diazépam 10 mg, – oxazépam 25 mg.

Urgences psychiatriques en fonction des pathologies psychiatriques

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Une des difficultés réside dans le fait que la décision d’une hospitalisation peut majorer le sentiment de persécution. Elle s’impose sans consentement d’autant plus que des critères de gravité sont présents. L’objectif principal, outre l’amélioration symptomatique, est alors la prévention d’un éventuel passage à l’acte hétéro-agressif. En cas de refus d’hospitalisation, des soins psychiatriques en cas de péril imminent (SPPI) ou des SPDRE (si trouble de l’ordre public) pourront être privilégiés à un SPDT au cas où le seul tiers disponible correspond au persécuteur désigné. Il s’agira alors de bien motiver le certificat de SPPI en indiquant bien cette dernière information importante.

Troubles de la personnalité Définition La notion de personnalité renvoie à ce qu’il y a de relativement stable, permanent et unique chez l’individu, résultant de l’intégration des aspects biologiques, cognitifs, émotionnels et comportementaux du sujet (Guelfi, 2017). Elle définit ainsi la manière d’être, de réagir et de se comporter d’un individu dans ses rapports avec le monde extérieur et avec lui-même. La personnalité « normale » est souple et adaptable au gré des expériences vécues, au contraire des personnalités dites « pathologiques », statistiquement plus rares, marquées par la présence de traits de personnalité rigides, inadaptés ou dysfonctionnels et source de souffrance pour le sujet, pour son entourage ou la société.

Points importants Les motifs principaux de consultation aux urgences sont la verbalisation d’idées suicidaires, les automutilations, les tentatives de suicide, les prises aiguës de toxiques, les comportements hétéro-agressifs et les comorbidités anxieuses ou dépressives. Contacter les proches et les structures de soins connaissant le patient pourra aider à guider la prise en charge parfois délicate des patients ayant un trouble de personnalité borderline.

Épidémiologie Les troubles de la personnalité concernent environ 10 % de la population générale. Les personnalités du cluster  C (personnalités anxieuses) et du cluster  A (personnalités bizarres-excentriques) sont les plus fréquentes en population générale (prévalences vie-entière respectivement de 6 et 5,7 %) mais consulteront au SAU plutôt du fait de comorbidités (troubles de l’humeur ou anxieux notamment) que de l’impact et de l’intensité de leurs traits de personnalité.

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Guide pratique des urgences psychiatriques

Les personnalités du cluster B sont moins fréquentes en population générale (prévalences vie-entière de 1,5 %), exception faite du trouble de personnalité borderline (prévalence de 5 %) constituant par ailleurs le trouble de personnalité le plus souvent rencontré aux urgences pour un motif psychiatrique, du fait de l’intensité de certaines caractéristiques comportementales ou de certains de leurs traits de personnalité (tentatives de suicide, automutilations, instabilité émotionnelle) et de comorbidités fréquemment associées (trouble de l’usage d’une substance, trouble de l’humeur, etc.) (APA, 2013 ; Shaikh et al., 2017).

Diagnostic Le DSM-5 catégorise dix types de personnalité «  pathologiques  », non exclusives les unes des autres, réparties en trois clusters (APA,  2013). Le Tableau 4.3 présente les symptômes fréquemment rencontrés. Les symptômes doivent entraîner une souffrance ou une altération du fonctionnement pour pouvoir poser le diagnostic.

Diagnostics différentiels Les diagnostics différentiels pour les troubles de personnalité incluent généralement les autres troubles de personnalités ; les chevauchements symptomatiques et diagnostiques sont fréquents. Il existe par ailleurs des diagnostics différentiels plus spécifiques : • personnalité schizotypique : trouble schizophrénique, principale complication évolutive avec environ 25 à 40 % d’évolution vers une schizophrénie (Mouchabac et al., 2016) ; • personnalité paranoïaque : syndrome délirant avec présence d’idées délirantes et conviction inébranlable ; également complication évolutive de la personnalité paranoïaque ; • personnalité borderline : trouble de l’humeur avec trouble dépressif ou trouble bipolaire notamment, dans lesquels les épisodes thymiques seront plus étendus et stables dans le temps ; • personnalité évitante : trouble d’anxiété sociale ; • personnalité dépendante  : trouble de la personnalité borderline avec abandonnisme important ; • personnalité obsessionnelle-compulsive : trouble obsessionnel-compulsif avec présence d’obsessions et de compulsions.

Éléments de gravité et éléments pronostiques Les éléments de gravité comprennent la présence d’un épisode thymique comorbide, d’un risque suicidaire ou hétéro-agressif élevé, d’un trouble de l’usage d’une substance ainsi que l’absence de soutien sociofamilial.

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Tableau 4.3. Symptômes cliniques. Personnalité

Symptômes

Cluster A Schizotypique

Vie psychique riche avec croyances bizarres, excentricité vestimentaire, hypersensorialité, pauvreté des affects, froideur affective, diminution des intérêts et du plaisir physique et/ou social, isolement social, anxiété sociale persécutoire, méfiance

Schizoïde

Préférence pour les activités solitaires, détachement social, peu ou pas de sexualité, pauvreté et froideur émotionnelles, indifférence aux éloges et à la critique

Paranoïaque

Méfiance, rigidité, fausseté du jugement avec incapacité à se remettre en question, hypertrophie du Moi. s’attend sans raison suffisante à ce que les autres l’exploitent, lui nuisent ou le trompent

Cluster B Antisociale

Contact superficiel, tendance manipulatrice et égocentrique, absence de remords, impulsivité, agressivité, incapacité à se conformer aux normes sociales, instabilité thymique, consommation de toxiques, conduites à risque et transgressions répétées

Borderline

Instabilité affective (tristesse vespérale, angoisse, colère), instabilité des relations interpersonnelles, instabilité de l’identité et de l’estime de soi, pensée dichotomique alternant entre l’idéalisation et la dévalorisation, abandonnisme, sentiment chronique de vide. Dans les situations de stress : symptômes psychotiques ou dissociatifs possibles. Impulsivité avec conduites d’automutilations à risque et suicidaires

Histrionique

Hyperexpressivité affective, instabilité affective, quête affective excessive avec attitudes de séduction, utilisation de son aspect physique pour attirer l’attention, théâtralisme, suggestibilité

Narcissique

Sentiment de grandeur, se juge spécial, unique et remarquable ; ambition importante, préoccupation exclusive pour soi-même, besoin d’être l’objet d’admiration, manque d’empathie ; prétentieux, arrogants, méprisants ; intolérance à la critique

Cluster C Évitante

Inhibition relationnelle et sociale, mésestime de soi, hypersensibilité au jugement négatif d’autrui, conduites d’évitement des situations sociales

Dépendante

Dévalorisation, sentiment d’incapacité, difficulté à prendre des décisions avec besoin excessif d’être rassuré, n’ose pas s’affirmer ni exprimer un désaccord

Obsessionnellecompulsive

Rigidité, méticulosité, perfectionnisme, incapacité à déléguer, procrastination, consciencieux et scrupuleux

Source : d’après APA, 2013.

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Les principales complications psychiatriques émaillant l’évolution des différents troubles de personnalité sont regroupées dans le Tableau  4.4 (Guelfi et Roullion, 2017). Tableau 4.4. Comorbidités. Personnalité

Symptômes

Cluster A Schizotypique

Troubles dépressifs Troubles anxieux Schizophrénie

Schizoïde

Troubles dépressifs Troubles anxieux Faible prédictivité de transition psychotique

Paranoïaque

Trouble délirant Troubles dépressifs Trouble du comportement hétéro-agressif

Cluster B Antisociale

Conduites antisociales (agressions, vols, etc.) Trouble de l’usage d’une substance Risque accru de décès prématuré par mort violente ou suicide

Borderline

Troubles de l’humeur Suicide Troubles de l’usage d’une substance Trouble de stress post-traumatique Troubles anxieux

Histrionique

Troubles de l’humeur Troubles anxieux Troubles addictifs Troubles à symptomatologie somatique (trouble neurologique fonctionnel, syndromes polyalgiques idiopathique diffus)

Narcissique

Troubles de l’humeur Troubles addictifs

Cluster C Évitante

Troubles anxieux (trouble d’anxiété sociale ± agoraphobie notamment)

Dépendante

Troubles anxieux Troubles dépressifs Troubles addictifs

Obsessionnelle-compulsive

Troubles anxieux (dont TOC) Troubles de l’humeur

TOC : trouble obsessionnel compulsif.

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Prise en charge La prise en charge des personnes ayant un trouble de la personnalité se fait essentiellement en ambulatoire via une prise en charge psychothérapique. Leur prise en charge aux urgences repose avant tout sur celle des comorbidités ou des complications associées qui les font alors consulter. Chez les patients ayant une personnalité antisociale ou borderline, la prescription de benzodiazépine doit être évitée dans la mesure du possible du fait d’un risque de dépendance majoré. Pour le sujet présentant un trouble de la personnalité antisociale, l’indication d’hospitalisation doit être soigneusement pesée et des objectifs précis devront être fixés comme la prise en charge d’un épisode thymique ou une cure de sevrage. Du fait du fréquent trait manipulateur de ces patients, une anamnèse précise, via la consultation du dossier médical aux urgences, est réalisée quand le motif de consultation est la mise en place d’un traitement substitutif aux opiacés. Hormis la situation d’un sevrage aigu en opiacés, qui doit être pris en charge au SAU, les patients sont orientés en ambulatoire vers des structures médicales et associatives addictologiques. Concernant la personnalité borderline, l’intensité de certaines de ses composantes symptomatiques peut rendre fréquent leur passage aux urgences. L’importance de l’impulsivité et l’instabilité affective de ces patients peuvent donner lieu à des conduites auto-agressives avec automutilations parfois sévères et nécessité d’une prise en charge orthopédique, des tentatives de suicide et des consommations parfois massives de substances. Les conduites d’automutilations constituent un point d’appel nécessitant de rechercher les autres traits de personnalité borderline. La prise en charge d’une crise suicidaire avec idées suicidaires ou passage à l’acte suicidaire chez ces patients peut être difficile, du fait d’un discours parfois superficiel, banalisant et minimisant les difficultés, et devant l’absence de critique de certains passages à l’acte. Une posture de rejet de toute aide est parfois adoptée, associée à la stigmatisation de ce trouble, entraînant souvent des contre-attitudes négatives de la part de l’entourage et des soignants. Une attitude empathique, de désescalade verbale et comportementale basée sur le fait de respecter les espaces interpersonnels, d’éviter les attitudes provocatrices, d’identifier les besoins et de permettre d’élaborer les sentiments est à adopter pour aider au mieux le patient dans ce moment de crise. En cas d’agitation psychomotrice, les antipsychotiques atypiques (olanzapine 2,5-10 mg, loxapine 25-100 mg) sont à privilégier aux neuroleptiques classiques et aux benzodiazépines du fait d’un meilleur profil d’efficacité et de tolérance (Shaikh et al., 2017). Les traitements anti-épileptiques ne sont pas recommandés dans ce contexte.

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Une hospitalisation courte pour mise à l’abri, idéalement en soin libre, est indiquée si le risque suicidaire ou de récidive est élevé, ce d’autant plus que l’entourage sociofamilial apparaît peu soutenant. Les objectifs de l’hospitalisation sont la mise à l’abri, la prise en charge pharmacologique de l’impulsivité, le sevrage… et doivent être clairement définis. En cas de décision de non-hospitalisation, le sujet doit être orienté vers une structure de soin ambulatoire et des informations sont données quant à la possibilité de prise en charge psychothérapique ciblée pour aider à diminuer la souffrance. Un traitement à visée anxiolytique non benzodiazépinique en cas de crise peut être prescrit pour une courte durée dans l’attente d’un rendez-vous psychiatrique.

Troubles anxieux Définition Les troubles anxieux correspondent à un ensemble de troubles partageant en commun la peur et l’anxiété excessive et persistante. D’expression symptomatique propre, ils se distinguent par le type de situations induisant la peur et l’anxiété, ainsi que par les conduites d’évitement et les cognitions associées. Les sujets souffrant de troubles anxieux surestiment habituellement les situations qu’ils craignent, évitent et sont conscients du caractère inadapté de leurs difficultés (Craske et Stein, 2016).

Points importants Une anxiété dépassant les capacités d’adaptation du sujet constituera une plainte habituelle motivant la venue au SAU. Les patients faisant une attaque de panique ou atteints d’un trouble anxieux généralisé (TAG) seront les plus fréquents à consulter. C’est également à l’occasion de comorbidités dépressives qu’un trouble anxieux pourra être repéré. Parfois, des plaintes physiques sont au premier plan et la nature anxieuse est dévoilée au cours de l’entretien et devant les résultats négatifs des examens physiques et paracliniques réalisés.

Épidémiologie Les troubles anxieux ont une prévalence vie-entière d’environ 20 % dans la population générale avec un sex-ratio de 2 femmes pour 1 homme. Les phobies spécifiques sont les troubles les plus fréquents (prévalence vie-entière de 11 %) suivis du TAG (5 %), du trouble d’anxiété sociale (TAS 4,7  %), du trouble panique (TP 3  %) et du TOC (2-3  %) selon le DSM-5 (APA, 2013).

Urgences psychiatriques en fonction des pathologies psychiatriques

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Diagnostic (tableaux 4.5 et 4.6) Tableau 4.5. Critères diagnostiques des troubles anxieux.

Phobie spécifique

TAG

TAS

TP

TOC

> 6 mois

• Peur ou anxiété intense à propos d’une situation spécifique • La situation provoque une réaction anxieuse immédiate • La situation est activement évitée • La réaction anxieuse est disproportionnée

> 6 mois

• Anxiété et soucis excessifs concernant un certain nombre d’événements ou d’activités (travail, santé) • Difficulté à contrôler cette préoccupation • ≥ 3 symptômes parmi : agitation, irritabilité, fatigabilité, difficultés de concentration, tension musculaire, trouble du sommeil

> 6 mois

• Peur ou anxiété intense à propos d’une situation sociale exposée à l’éventuelle observation d’autrui • Crainte d’être jugé négativement • La situation sociale provoque une réaction anxieuse • La situation sociale est activement évitée • La réaction anxieuse est disproportionnée

> 1 mois

• Attaques de panique récurrentes et inattendues • Anxiété anticipatoire d’une nouvelle attaque de panique et/ou conduites d’évitement • Avec ou sans agoraphobie

/

• Présence d’obsessions, de compulsions ou les deux • À l’origine d’une perte de temps considérable, d’une souffrance cliniquement significative ou d’une altération du fonctionnement socioprofessionnel

TAG : trouble anxieux généralisé ; TAS : trouble d’anxiété sociale ; TOC : trouble obsessionnel compulsif ; TP : trouble panique. Source : d’après APA, 2013.

Diagnostics différentiels Attaque de panique Devant la présence de symptômes physiques tels qu’une douleur thoracique, une impression d’étouffement, des paresthésies, etc., fréquemment retrouvés durant une attaque de panique, l’examen clinique réalisé par le médecin urgentiste élimine les diagnostics différentiels potentiellement graves tels que :

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Tableau 4.6. Critères diagnostiques de l’attaque de panique. Montée brusque de crainte intense ou de malaise intense qui atteint son acmé en quelques minutes, avec la survenue de ≥ 4 des symptômes suivants : • • • • • • • • • •

palpitations ou accélération du rythme cardiaque transpiration tremblements ou secousses musculaires impression d’étouffement impression d’étranglement douleur ou gêne thoracique nausée ou gêne abdominale sensation de vertige, de tête vide ou d’évanouissement frissons ou bouffées de chaleur paresthésies

• déréalisation ou dépersonnalisation • peur de perdre le contrôle de soi ou de « devenir fou » • peur de mourir

Symptômes physiques

Symptômes psychiques

Source : d’après APA, 2013.

• les pathologies cardiovasculaires (syndrome coronarien aigu, dissection aortique, embolie pulmonaire, péricardite, etc.) ; • les pathologies respiratoires (crise d’asthme, etc.) ; • les pathologies neurologiques (accident isthmique transitoire, épilepsie, etc.) ; • les pathologies métaboliques (hypoglycémie, etc.). L’examen clinique recherche également une intoxication aiguë récente par une substance et un syndrome de sevrage pouvant entraîner une anxiété importante.

Troubles anxieux Les diagnostics différentiels des troubles anxieux comportent (Craske et Stein, 2017) : • les troubles de personnalité (cluster  C notamment avec une difficulté particulière pour différencier le trouble d’anxiété sociale et la personnalité évitante, les deux étant très comorbides) ; • le trouble dépressif caractérisé, qui peut également être une complication ; • les troubles psychotiques, notamment pour les TOC, avec habituellement une bonne conscience du caractère incongru ou inadapté des obsessions et des compulsions.

Éléments de gravité Les critères de gravité sont la présence d’un trouble dépressif caractérisé, d’un trouble de l’usage d’une substance et d’une désinsertion socioprofessionnelle qui majorent le risque auto-agressif.

Urgences psychiatriques en fonction des pathologies psychiatriques

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Prise en charge Après avoir éliminé une étiologie non psychiatrique, la prise en charge aux urgences vise à réduire la charge anxieuse et l’agitation. Les mesures non pharmacologiques sont à mettre en place en première intention. Il faut ainsi installer le patient dans un environnement calme, avoir une attitude empathique et rassurante et proposer, en montrant si besoin au patient des exercices de relaxation par la respiration  : des cycles d’inspiration de 4  secondes et d’expiration de 6  secondes pendant 5 minutes, par exemple pour réduire l’hyperactivité neurovégétative. Dans les situations où ces mesures ne suffiraient pas à réduire l’anxiété du patient, un traitement médicamenteux est indiqué. Les mesures pharmacologiques : • un traitement anxiolytique de type hydroxyzine 25  mg en première intention voire une benzodiazépine à demi-vie courte de type alprazolam 0,25-0,5 mg ; • en cas de non-hospitalisation, soit la plupart du temps, le patient est orienté vers une structure de soin ambulatoire pour initier une prise en charge de fond  : psychothérapique de type thérapie cognitivocomportementale, ou méditation en pleine conscience, etc. en première intention et/ou pharmacologique (traitement antidépresseur dans les formes sévères à retentissement important) ; • un traitement symptomatique à visée anxiolytique de courte durée peut être prescrit, de type hydroxyzine 25 mg × 3/j, dans l’attente d’un rendezvous de consultation psychiatrique. L’hospitalisation en urgence en service spécialisé psychiatrique s’impose en cas de comorbidité dépressive sévère et/ou de risque suicidaire important ; elle se fera alors habituellement en soin libre. Références Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders. DSM-5. Fifth Edition Philadelphie: American Psychiatric Association; 2013. Castagnini A, Foldager L. Variations in incidence and age of onset of acute and transient psychotic disorders. Soc Psychiatry Psychiatr Epidemiol 2013;48. 1917-22. Celano C. Depressogenic effects of medications: a review. Dialogues Clin Neurosci 2011;13. 109-25. Craske MG, Stein MB. Anxiety. Lancet 2016;388. 3048-59. Dundar Y, Greenhalgh J, Richardson M, et  al. Pharmacological treatment of acute agitation associated with psychotic and bipolar disorder: a systematic review and meta-analysis. Hum Psychopharmacol 2016;31. 268-85. Fava G, Peretti CS (trad.). Well-Being Therapy. La psychothérapie du bien-être. Concepts, traitements et applications cliniques. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2018. Fava GA, Rafanelli C. Iatrogenic Factors in Psychopathology. Psychother Psychosom 2019;88. 129-40.

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Urgences psychiatriques et patients particuliers Lucie Joly

Urgences psychiatriques à l’adolescence Il s’agit d’urgences peu fréquentes. Elles offrent des tableaux très variés. Dans 50 % des cas, il s’agit de tentatives de suicide ou encore de troubles anxiodépressifs. Pour les 50 % restants, on est confronté à des contextes de violence (subie ou agie) dans un climat de crise. L’objectif principal sera d’évaluer la situation en cours : adolescent en difficulté et situation familiale. Cette évaluation préalable est indispensable à toute mesure thérapeutique envisagée. Plusieurs étapes seront nécessaires : • bilan somatique et psychique ; • évaluation du cadre de vie de l’adolescent et de ses dysfonctionnements éventuels ; • évaluation des capacités de l’entourage à contenir et à faire face aux troubles présentés par l’adolescent ; • discussion autour d’une hospitalisation  : évaluation des avantages et inconvénients d’une séparation (protection, introduction d’un traitement, dédramatisation de la situation, introduction d’un tiers médiateur entre l’adolescent et sa famille), versus le risque majeur de donner une caution médicale à un possible rejet familial et d’étiqueter comme psychiatrique un trouble qui ne serait que réactionnel. L’hospitalisation en psychiatrie peut, lors de cette évaluation, être remplacée de façon bénéfique par des solutions autres telles que l’admission dans un service de pédiatrie, l’orientation vers une structure médico-éducative du secteur ou vers un foyer à caractère social, ou encore le retour en milieu familial accompagné de mesures thérapeutiques.

Situations les plus courantes d’accueil aux urgences Crise suicidaire/tentative de suicide chez l’adolescent Interrogatoire • Geste suicidaire  : modalités (scénario, disposition), intentionnalité (comportement de départ [lettre], intention communiquée à un tiers), facteurs

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Guide pratique des urgences psychiatriques

déclenchants, idées suicidaires passées et actuelles, antécédents personnels et familiaux de tentative de suicide (TS) ? • Santé mentale : antécédents personnels et familiaux, prises en charge passées et actuelles, traitements médicamenteux, consommation de toxiques ? • Biographie  : maltraitance et abus sexuels, événements entraînant une rupture ou menace de rupture, fugues, grossesses/IVG ? • Mode de vie  : situation familiale, scolaire, degré et désir d’autonomie, étayage par l’entourage, conduite à risques, projets ? • Éléments de gravité : antécédent de TS, antécédents familiaux de suicide ou de TS, absence de facteur déclenchant explicite, pathologie psychiatrique en particulier états dépressifs particulièrement polymorphes chez l’adolescent, abus sexuels et maltraitance, conduites violentes et comportements à risque, prise de drogues, abus réguliers d’alcool. Conduite à tenir En entretien  : voix calme, posée, prendre le temps, sécuriser le patient, alliance ++. • Atarax® 25 mg si anxiété modérée. • Tercian® 25 mg si agitation. Ne pas donner Atarax® et Tercian® de façon concomitante (allongement du QT). Recherche du responsable légal du mineur ++.

Indicateurs d’urgence et décision • Urgence faible si une personne : – pense au suicide mais n’a pas de scénario suicidaire précis ; – désire parler et est à la recherche de communication ; – cherche des solutions à ses problèmes ; – a établi un lien de confiance avec un praticien. • Urgence élevée si une personne : – est décidée : sa planification est claire et le passage à l’acte est prévu pour les prochaines 48-72 heures. Accès direct à un moyen de se suicider ; – est coupée de ses émotions, rationalise sa décision ; – se sent complètement immobilisée par la dépression ou au contraire se trouve dans un état d’agitation ; – éprouve un sentiment d’impasse/est isolée. Décision • La prise en charge répond aux recommandations des experts de la Haute Autorité de santé (HAS). • Hospitalisation systématique et évaluation médico-psycho-sociale. Les prises de toxiques doivent faire rechercher des signes de souffrance psychique.



Urgences psychiatriques et patients particuliers

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Urgences psychiatriques pour enfants et adolescents

à Paris

Centre interhospitalier d’accueil permanent pour adolescent (CIAPA) rive droite Dispositif médicopsychologique pour les jeunes de 15 à 25 ans. Accueil, évaluation, soins ainsi que possibilité d’hospitalisation. • 56, rue Simplon, 75018 Paris. • Tél. : 01 53 09 27 90 • Accueil téléphonique 7 j/7-24 h/24. • Accueil spontané : lundi au vendredi 9 h-19 h. • Après 19 h et week-end : accueil sur appel téléphonique préalable. Centre psychiatrique d’orientation et d’accueil (CPOA), à partir de 15 ans • 1, rue Cabanis, 75014 Paris. • Tél. : 01 45 65 81 09/10 • 24 h/24. Institut mutualiste Montsouris (IMM) • 42, boulevard Jourdan, 75014 Paris. • Tél. : 01 56 61 69 23 Les trois services d’urgences pédiatriques assurent un accueil spécialisé, en lien avec les services de pédopsychiatrie (lundi-vendredi : 9 h-18 h). Hôpital Trousseau • 26, avenue du Docteur-Netter, 75012 Paris. • Tél. : 01 44 73 67 40 Hôpital Robert-Debré • 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris. • Tél. : 01 40 03 20 00/01 40 03 22 97 Service d’urgence du groupe hospitalier La Pitié-Salpêtrière • 43, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris. • Tél. : 01 42 17 72 47 Assure un accueil par des pédopsychiatres tous les jours jusqu’à 18 h 30.

Agitation chez l’adolescent Interrogatoire • Désorientation temporospatiale ? • Traumatisme ? Fièvre ? • Prise d’alcool  ? Autres toxiques (tétrahydrocannabinol [THC], opiacés, ecstasy) ? Intoxication médicamenteuse volontaire ?

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Guide pratique des urgences psychiatriques

• Antécédents médicochirurgicaux ? • Antécédents pédopsychiatriques (psychose, trouble de la personnalité, carence éducative) ? Conduite à tenir Entretien de désescalade (laisser parler le patient, rechercher des facteurs déclenchants, ne pas réagir aux provocations, expliquer la prise en charge, etc.). En cas de non-résolution d’une crise d’agitation après débriefing : • Atarax® 25 mg ou Valium® 5 mg (= 15 gouttes) en cas d’agitation modérée et anxieuse ; • Tercian® 25 mg si agitation plus importante et/ou troubles du comportement. Dose en fonction du poids de l’adolescent et de l’importance de l’agitation (tableau 5.1). Ne pas donner Atarax® et Tercian® de façon concomitante (allongement du QT). Mode d’administration (per os ou intramusculaire) dépend de l’intensité de l’agitation et de la coopération de l’adolescent. Contentions physiques parfois nécessaires. Recherche du responsable légal du mineur ++.

Piège somatique ++ • Affections neurologiques : hémorragie méningée vasculaire ou traumatique, tumeurs cérébrales, hypertension intracrânienne (HTIC), méningites/encéphalites, épilepsie. • Troubles métaboliques : hypoglycémies, hypernatrémie. • Hyperthermie, douleur intense. • Médicaments : antidépresseur (AD), benzodiazépine (BZD), anti-épileptique, neuroleptique (NLP), antibiotique (ATB), corticoïde, salbutamol, théophylline. • Hypertension artérielle (HTA). • Toxiques : oxhydryle (OH), THC, cocaïne, crack, LSD, opiacés. • Intoxication au monoxyde de carbone (CO). Décision Proposer une prise en charge adaptée hospitalière ou ambulatoire. L’hospitalisation peut être refusée au décours de l’évaluation pédopsychiatrique. La prise en charge ambulatoire doit être organisée par le service des urgences qui devra s’assurer de sa mise en place.

Maltraitance, fugue et abus sexuel • Faire un bilan somatique et lésionnel complet, si possible en hospitalisation. • Évaluer selon le contexte la transmission d’une information préoccupante à la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) pour d’éventuelles mesures de protection à mettre en place.



Urgences psychiatriques et patients particuliers

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Tableau 5.1. Urgences psychiatriques pour enfants et adolescents. Enfant de moins de 6 ans Benzodiazépine Diazépam (Valium®)

Cp 2,5, 10 mg Gouttes 3 gouttes : 1 mg

0,5 mg/kg/j en 2-3 prises

Anxiolytique non benzodiazépine Hydroxyzine (Atarax®)

Cp 25 mg, sirop Inj. IM 100 mg/2 mL

Enfant : 1 mg/kg/j

Rispéridone (Risperdal®)

Cp 1,2 ou 4 mg, solution (1 mg/mL)

0,25 mg/j, enfant 50 ans

Dépression Trouble psychotique

Essentiellement clinique

Maladie de Parkinson

Triade symptomatique : • akinésie/ bradykinésie/ hypokinésie • tremblements de repos • rigidité plastique

Dépression Trouble psychotique Hallucinations

Essentiellement clinique

Céphalées Confusion Troubles cognitifs Crise convulsive Signes focaux

Épisode délirant aigu Syndrome délirant chronique Troubles du comportement Dépression

Sérologie et charge virale VIH Taux de CD4 PL : charge virale, méningite lymphocytaire à CD8 TDMc

Maladies infectieuses Atteintes neurologiques dues au VIH





Intrications organiques et psychiatriques en psychiatrie d’urgence

 Pathologies

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Symptômes organiques

Symptômes psychiatriques

Examens complémentaires en urgence

Neurosyphilis

Confusion Troubles cognitifs Atteinte médullaire avec ataxie Syndrome extrapyramidal Atteinte oculaire ou auditive Signe d’ArgyllRobertson (pupille accommodante aréactive)

Syndrome délirant chronique Épisode maniaque Syndrome paranoïaque

Test tréponémique (EIA, ELISA)-VDRL/ RPR PL avec VDRL

Méningoencéphalite herpétique

Fièvre Céphalées Confusion Troubles du langage Crise convulsive

Épisode délirant aigu Syndrome catatonique

PL avec PCR HSV1 IRM (atteinte temporale) EEG (ondes lentes pseudopériodiques temporales)

Maladies auto-immunes et inflammatoires SEP

Symptôme neurologique en fonction de la localisation des plaques de démyélinisation

Dépression Trouble anxieux Trouble psychotique Trouble somatoforme

IRM cérébrale et médullaire PL (bandes oligoclonales, IgG)

Neurolupus

Confusion Troubles cognitifs Convulsions Chorée Céphalées

Épisode délirant aigu Trouble psychotique Dépression Anxiété Syndrome catatonique

PL (hyperprotéinorachie ou méningite aseptique) IRM cérébrale (atrophie cérébrale, hypersignaux de la substance blanche, thrombophlébite cérébrale)

Encéphalite de Hashimoto

Confusion Troubles cognitifs Aphasie Tremblements Crises convulsives Myoclonies

Épisode délirant aigu Hallucinations Dépression Épisode maniaque Trouble du comportement

TSH Ac anti-TPO et anti-TG PL (hyperprotéino­ rachie, synthèse intrathécale d’anti-TPO/TG) EEG



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Guide pratique des urgences psychiatriques

 Pathologies

Encéphalites limbiques

Symptômes organiques

Symptômes psychiatriques

Examens complémentaires en urgence

Tératome de l’ovaire chez une femme jeune (anti-NMDAR surtout) Paranéoplasique Épisode infectieux inaugural Fébricule possible Dyskinésies buccales Confusion, amnésie Crises convulsives Dysautonomie

Syndrome catatonique Dépression Épisode délirant aigu Trouble psychotique

Dosage des Acantineuronaux synaptiques dans le LCR (anti-NMDA notamment) et intracellulaires dans le sang (anti-Hu notamment) IRM (hypersignal limbique) EEG (épilepsie, EDB) Recherche de cancer (TDM TAP, IRM pelvienne, etc.)

Maladies cardiovasculaires Infarctus du myocarde

Douleur thoracique Sueurs Nausées

Anxiété

ECG Troponine Écho cœur

ACFA paroxystique

Palpitations

Trouble panique

ECG TSH Écho cœur

Ac : anticorps ; AVC : accident vasculaire cérébral ; ACFA : arythmie complète par fibrillation auriculaire ; ALA : acide δ-aminolévulinique ; CD : cluster of differentiation ; CPK : créatine phosphokinase ; ECG : électrocardiogramme ; EDB : extreme delta brush ; EEG : électroencéphalogramme ; EIA : enzyme immunoassays ; ELISA : enzyme-linked immunosorbent assay ; HSV1 : Herpes simplex virus 1 ; HTA : hypertension artérielle ; IgG : immunoglobuline G ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; LCR : liquide céphalorachidien ; NFS : numération formule sanguine ; NMDA : N-methyl-D-aspartate ; NMDAR : N-methyl-D-aspartate receptor ; PBG : porphobilinogène ; PCR : polymerase chain reaction ; PL : ponction lombaire ; RPR : rapid plasma reagin ; SEP : sclérose en plaques ; TDM : tomodensitométrie ; TDM TAP : tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne ; TDMc : tomodensitométrie cérébrale ; TG : thyroglobuline ; TPO : thyroperoxydase ; TSH : thyroid-stimulating hormone ; VDRL : venereal disease research laboratory test ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine. Adapté de Ferreri F, Bourla A, Capron J, et al. Intrications organo-psychiatriques : le concept de troubles psychiatriques complexes, quels examens complémentaires ? Presse Med 2019 ; 48 : 609-24.

Du fait de la fréquence de certaines pathologies suscitées, l’HAS, ainsi que la Fédération française de psychiatrie (FFP) proposent un bilan de première intention, qui doit être complété par d’autres examens, essentiels pour tout patient présentant un premier épisode ou toute situation clinique atypique



Intrications organiques et psychiatriques en psychiatrie d’urgence

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(HAS,  2009  ; FFP,  2015). Ce bilan doit être, dans l’idéal, effectué depuis les urgences, pour éviter les situations d’errance décrites ci-dessus. Certains examens de ce bilan peuvent cependant être différés ou réalisés en fonction de points d’appel clinique. Nous allons essayer d’identifier ceux-ci dans le tableau 6.2. Tableau 6.2. Bilan de première intention. Bilan à faire systématiquement au SAU NFS Ionogramme, calcémie, glycémie Créatininémie Bilan hépatique Imagerie cérébrale (IRM dans l’idéal, difficilement obtenue en urgence mais à demander en cas de points d’appel ou à distance. à défaut, TDM aux urgences)

Systématique pour tout 1er épisode hallucinatoire ou d’idées délirantes

ECG β-hCG

Chez toute femme en âge de procréer, préthérapeutique

Toxiques urinaires Examens à réaliser depuis les urgences en cas de point d’appel clinique TSHus (complété par T3-T4 en cas de dépression bipolaire) Sérologies VIH, VHB et VHC Test tréponémique (EIA, ELISA)-VDRL/RPR EEG Ponction lombaire Examens à différer Albumine et pré-albumine Bilan lipidique Glycémie à jeun Prolactine β-hCG : β human chorionic gonadotropin ; ECG : électrocardiogramme ; EEG : électroencéphalogramme ; EIA : enzyme immunoassays ; ELISA : enzyme-linked immunosorbent assay ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; NFS : numération formule sanguine ; RPR : rapid plasma reagin ; SAU : service d’accueil des urgences ; TDM : tomodensitométrie ; TSHus : ultrasensitive thyroid-stimulating hormone ; VDRL : venereal disease research laboratory test ; VHB : virus de l’hépatite B ; VHC : virus de l’hépatite C ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.

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Guide pratique des urgences psychiatriques

Syndrome catatonique en médecine d’urgence Points importants La catatonie est un diagnostic syndromique caractérisé par des modifications psychocomportementales. Alors qu’elle a été longtemps considérée comme associée exclusivement à la schizophrénie, on sait de nos jours qu’elle peut survenir au cours d’épisodes dépressifs ou au cours d’une maladie bipolaire, ainsi que, dans environ un quart à un tiers des cas, au cours d’une pathologie somatique. Le diagnostic est clinique mais des examens complémentaires doivent être demandés afin d’éliminer une origine organique.

Définition La catatonie est un état défini par des modifications psychocomportementales, motrices et neurovégétatives, notamment un état stuporeux et une rigidité, qui peuvent alterner avec des phases d’excitation et d’agitation. Elle peut survenir au cours d’une pathologie psychiatrique, notamment, les troubles bipolaires, la schizophrénie, l’épisode dépressif caractérisé, les troubles neurodéveloppementaux, mais également être d’origine organique.

Épidémiologie Peu de données épidémiologiques. Incidence inconnue. Prévalence moyenne de 9,2 % parmi des sujets avec différents diagnostics psychiatriques ou médicaux (Solmi et al., 2018). Origine organique dans plus d’un cinquième des cas (Oldham, 2018).

Diagnostic Le diagnostic est avant tout clinique. Selon le DSM-5, le diagnostic est posé lorsque trois des douze symptômes suivants sont présents : • stupeur ; • catalepsie ; • flexibilité cireuse ; • mutisme ; • négativisme ; • prise de posture ; • maniérisme ; • stéréotypie ; • agitation ; • expression faciale grimaçante ; • écholalie ; • échopraxie.



Intrications organiques et psychiatriques en psychiatrie d’urgence

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Un autre outil diagnostique est l’échelle de Bush-Francis, échelle de cotation de la catatonie. Elle est composée de 23  items à noter entre 0 et 3. Ces derniers reprennent les symptômes décrits associés à la catatonie. Elle permet d’évaluer la sévérité du syndrome (Bush et al., 1996). On peut également réaliser un test thérapeutique au zolpidem, en donnant 10 mg au patient avec une réévaluation au bout de 30 minutes. Le test est positif si on note une amélioration clinique franche. Une fois le diagnostic posé, devant la fréquence d’une origine organique au trouble, des examens complémentaires doivent être systématiquement demandés en plus du bilan initial systématique rapporté plus haut : • IRM cérébrale ; • TDM TAP ; • EEG ; • ponction lombaire avec recherche HSV1 et anti-NMDA-R ; • biologique  : ionogramme sanguin, calcémie, TSH, folates, B12, TPHAVDRL, sérologie VIH, HbCO.

Diagnostics différentiels Les différents diagnostics différentiels qui doivent être recherchés sont : • le syndrome malin des neuroleptiques ; • le syndrome sérotoninergique ; • l’état de mal épileptique ; • la confusion mentale ; • l’encéphalopathie ; • les dyskinésies ; • les syndromes extrapyramidaux.

Éléments de gravité et pronostic Catatonie maligne  : raideur avec augmentation importante des CPK  ; atteinte neurovégétative avec dysautonomie : hyperthermie, instabilité de la tension artérielle, sueur. Le pronostic dépend de la cause mais est en général bon lorsqu’un traitement est initié.

Prise en charge Hospitalisation en psychiatrie ou dans un service de médecine en fonction de l’étiologie retrouvée. Traitement  : 1  mg de lorazépam à répéter au bout de 30  minutes en cas d’inefficacité, jusqu’à amélioration des symptômes. En relai, 1 à 2 mg toutes les 4 à 12 heures. Posologie habituelle de 8 mg, pouvant aller jusqu’à 24 mg/j.

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Guide pratique des urgences psychiatriques

Électro-convulsivo-thérapie en cas de non-réponse ou d’éléments de gravité. Consignes et surveillance : ne pas oublier la prise en charge des complications de décubitus (anticoagulation préventive, matelas anti-escarres, etc.).

Conclusion L’expression des maladies psychiatriques s’intègre donc dans des systèmes complexes. Les liens de causalité sont en conséquence multiples, non unilatéraux et réclament une solide coordination entre les différentes disciplines. Références Bonnot O, Klünemann HH, Sedel F, et  al. Diagnostic and treatment implications of psychosis secondary to treatable metabolic disorders in adults: a systematic review. Orphanet J Rare Dis 2014;9:65. Bush G, Fink M, Petrides G, et al. Rating scale and standardized examination. Acta Psychiatr Scand 1996;93. 129-36. FFP. Recommandation de bonne pratique en psychiatrie. Comment améliorer la prise en charge somatique des patients ayant une pathologie psychiatrique sévère et chronique. Recommandations. Juin 2015. Paris  : Fédération française de psychiatrie, 2015. Hall RC, Popkin MK, Devaul RA, et  al. Physical illness presenting as psychiatric disease. Arch Gen Psychiatry 1978;35. 1315-20. HAS. Guide. Affection longue durée. Affections psychiatriques de longue durée. Troubles dépressifs récurrents ou persistants de l’adulte. Février 2009. SaintDenis-La Plaine : Haute Autorité de santé, 2009. Johnstone EC, Macmillan JF, Crow TJ. The occurrence of organic disease of possible or probable aetiological significance in a population of 268 cases of first episode schizophrenia. Psychol Med 1987;17. 371-9. Oldham MA. The probability that catatonia in the hospital has a medical cause and the relative proportions of its causes: a systematic review. Psychosomatics 2018;59. 333-40. Solmi M, Pigato GG, Roiter B, et  al. Prevalence of catatonia and its moderators in clinical samples: results from a meta-analysis and meta-regression analysis. Schizophr Bull 2018;44. 1133-50.

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Addictions aux urgences psychiatriques Jean-Victor Blanc, Philippe Nuss

Prise en charge au SAU de la dépendance aux toxiques Philippe Nuss

Points importants La dépendance est un état chronique, évoluant habituellement pendant plu­ sieurs années. Le patient n’a que rarement eu recours aux urgences durant cette période. Sa présence au service d’accueil des urgences (SAU) n’est donc a priori pas le signe d’une problématique addictive d’apparition récente mais témoigne d’une rupture dans l’équilibre qui s’était jusqu’alors établi. Parmi les causes les plus fréquentes de déstabilisation de cette homéostasie, on citera les modifications de l’accès aux substances consommées (ou de la substitu­ tion) générant des signes plus ou moins nets de manque, les effets cumulatifs délétères d’une consommation régulière (cannabis, par exemple) ou encore les manifestations intempestives relatives à des produits de qualité modifiée ou de nouvelles substances. Dans ces deux derniers cas, une présentation d’allure psychiatrique est plus fréquente. Des ruptures systémiques dans l’équilibre relationnel du patient avec son environnement (tolérance dépas­ sée du conjoint, de la famille, du travail ou des institutions soignantes) sont aussi très fréquemment génératrices de venue aux urgences. De tels éléments contextuels doivent être activement recherchés.

Définition La dépendance est classiquement définie par des caractéristiques comporte­ mentales et cognitives. Elle comporte notamment la consommation compulsive et continue d’une substance psycho-active, dans un contexte de perte de contrôle, en dépit des effets négatifs physiques, psychologiques et sociaux causés ou exacerbés par cette substance. Lorsque ce comportement répétitif est interrompu, apparaissent le plus souvent des signes de sevrage qui incitent le sujet surenchérir afin de poursuivre sa consommation.

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Guide pratique des urgences psychiatriques

Épidémiologie L’épidémiologie de la dépendance est difficile à établir avec précision. Il s’agit en effet d’un trouble chronique pour lequel beaucoup d’indicateur sont issus de situations aigues. Les chiffres clés publiés par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT ; 2019) indiquent que le nombre d’usagers quotidiens en France est de 900  000 pour le cannabis, 5  millions pour l’alcool et de 13  millions pour le tabac. Concernant la cocaïne, l’expérimentation concerne 2,1  millions, dont 600  000  usagers dans l’année, le MDMA/ecstasy 1,9  million d’expérimentateurs dont 400 000 usagers dans l’année et pour l’héroïne, 500 000 expérimentateurs.

Diagnostic La notion de dépendance désigne un pattern cognitivocomportemental. Ce terme générique fait référence à des éléments aussi bien physiques que psychologiques. Les symptômes de dépendance varient selon la ou les substances consommées. Le diagnostic de dépendance est donc plus méta­ clinique que clinique proprement dit. Par exemple, l’apathie, le repli, la persécution s’observent dans la dépendance au cannabis alors que l’exci­ tation, l’augmentation des liens sociaux et des initiatives se rencontrent dans la dépendance à la cocaïne. Ces deux dépendances ayant en commun les notions de désir de consommer, de compulsion et de perte de contrôle.

Diagnostic différentiel Les notions de chronicité, de compulsion, de signes de sevrage à l’arrêt, de poursuite de consommation en dépit des effets négatifs pour la personne doivent être présentes pour établir le diagnostic de dépendance. Deux situations cliniques opposées peuvent être problématiques pour le diag­ nostic différentiel. D’une part, une sous-estimation de la dépendance alors qu’elle est présente : c’est le cas notamment de la dépendance au cannabis, à l’alcool, aux psychotropes dont l’usage est banalisé par la personne ou son groupe social. Une analyse précise du comportement est nécessaire dans ce cas  ; il s’agit par exemple d’investiguer la persistance de l’usage régulier de la substance pendant les vacances, établir une comptabilité pré­ cise de la fréquence des apéritifs ou des occasions de boire entre amis pour l’alcool, quantifier la régularité de la prise d’hypnotique ou de la cigarette de cannabis régulière pour s’endormir. D’autre part, la persistance de diffi­ cultés sollicitant le système de santé avec le label « toxicomanie » peut faire évoquer l’existence d’une dépendance. Dans certains cas, ce pattern fait davantage référence à un trouble psychiatrique (anxieux, thymique) qu’à une dépendance proprement dite. La résolution du trouble psychiatrique conduit alors fréquemment à une réduction du comportement jusqu’alors considéré comme de la dépendance. Une dépendance peut aussi résulter d’un



Addictions aux urgences psychiatriques

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contexte psychosocial pathogène. C’est ce qu’on observe en cas de liens inter­ personnels dysfonctionnels tels que les relations de couple pathologiques ou de conflits parents-enfants ou de situations personnelles altérées (précarité).

Éléments de gravité et pronostic La durée de la dépendance, l’impact négatif personnel psychique et soma­ tique de la consommation, ainsi que les difficultés sociales et les liens inter­ personnels associés aux comportements de dépendance, sont des éléments de gravité et de pronostic. Ces éléments doivent être examinés individuelle­ ment et précisément ; ils sont trop souvent considérés de manière globale comme faisant partie intrinsèque du spectre addictif. C’est un peu comme si chez un hypertendu on n’examinait pas le retentissement cardiologique, vasculaire ou rénal sous prétexte qu’on prescrit un antihypertenseur. La présentation aiguë aux urgences pour des motifs souvent mixtes toxicolo­ giques, psychologiques et sociologiques, conduit souvent à ne pas avoir des précisions suffisantes concernant l’âge de début des troubles, la succession des toxiques, la multiplicité des tentatives de sevrage et les intervenants sollicités. De même, l’état somatique général doit être examiné (infectieux, dentaire, cardiovasculaire et métabolique, cutané). L’identification des personnes-ressources du patient est une façon intéressante d’envisager la robustesse du soutien social. De même, l’état somatique général doit-il être exploré (infectieux, dentaire, cardiovasculaire et métabolique, cutané). L’identification des personnes-ressources du patient est une modalité inté­ ressante d’investigation permettant d’apprécier la robustesse du soutien social. La consultation aux urgences ne doit pas se résumer à l’anecdotique des propos tenus par les patients trop souvent stéréotypés, mais explorer le rapport du patient à sa santé.

Prise en charge Aux urgences, la prise en charge de la dépendance est plutôt celle des complications et accidents de la dépendance. Ce trouble, évoluant depuis plusieurs années, ne saurait se résoudre en quelques heures. En revanche, la présentation aux urgences permet, en temps réel, de nommer les difficultés du patient, souvent différentes des propos qu’il tient quant aux raisons de sa venue. La nature de ces difficultés apparaît pratiquement d’elle-même dès lors qu’on établit un bilan somatique, psychologique et social. Les élé­ ments identifiés sont ceux qu’il faudra prendre en charge au SAU et non pas la dépendance elle-même. Cette prise de conscience de la différence entre la raison alléguée de venue aux urgences et ce qui apparaît après le bilan a déjà une vertu thérapeutique. Cette approche est facilitée si le SAU bénéficie de l’aide d’un(e) psychiatre. Le temps passé par le patient au SAU, lorsqu’il est centré sur les questions générales de santé, lui permet aussi d’inscrire son rapport aux soins moins dans la consommation (de soins) qu’à la prise de

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Guide pratique des urgences psychiatriques

conscience de l’effet délétère de la dépendance sur sa propre vie. Enfin, et bien sûr, une orientation accompagnée vers des structures spécialisées en interne ou en externe pour prise en charge et sevrage est indispensable.

Consignes et surveillance Le patient dépendant au SAU est aussi souvent un patient en manque ou en intoxication aiguë. L’intolérance à la frustration de ces patients lors de l’attente et de la prise en charge au SAU justifie des procédures d’accueil et de surveillance pour lesquelles les personnels des urgences doivent se former. L’anxiété prend souvent des formes comportementales chez ces patients et doit être gérée par des attitudes spécifiques rassurantes et/ou des traitements pharmacologiques. Les états de manque ou d’intoxication aiguë ne sont pas propices au dialogue et doivent être pris en charge avant l’établissement d’une relation et d’un projet de soin.

Intoxications aiguës Philippe Nuss

Points importants Les intoxications aiguës constituent un motif non exceptionnel de présenta­ tion au SAU. Bien que possible lors d’une première prise de toxique chez un individu préalablement non exposé à cette substance, l’intoxication aiguë s’inscrit habituellement au cours d’une intoxication chronique. Les intoxi­ cations aiguës doivent être considérées par le clinicien travaillant au SAU dans une double perspective somatique et addictologique. Somatique car les intoxications aiguës vues au SAU sont souvent sévères et sont assimilables à des surdoses mettant possiblement en jeu le pronostic vital. Addictolo­ giques, car elles témoignent d’une rupture dans l’équilibre consommatoire préalable qui, bien que souvent chaotique, n’avait pas conduit jusqu’alors à une admission au SAU pour surdose. La prise en charge de l’intoxication aiguë au SAU est somatique et symptomatique ; elle doit être ajustée au type de la ou des substances consommées.

Définition L’intoxication aiguë est un état clinique consécutif à une prise d’une quan­ tité plus ou moins importante, souvent rapide, d’une ou de plusieurs subs­ tances psycho-actives. Les manifestations observées résultent de l’effet de ces substances en « surdose » sur le système nerveux central et, plus générale­ ment,  sur les fonctions physiologiques du corps entier. L’intoxication se manifeste par des troubles de la conscience, une atteinte des capacités cog­ nitives, de la perception, du jugement, des modifications des affects, du



Addictions aux urgences psychiatriques

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comportement et des interactions sociales. Des manifestations cliniques en rapport avec le dérèglement par la substance d’autres fonctions physiolo­ giques générales (cardiovasculaire, neurovégétatives, hépatiques, immuni­ taires, etc.) sont aussi fréquentes et participent au pronostic à court terme de l’intoxication aiguë.

Épidémiologie Seules les principales substances susceptibles de conduire à des intoxications aiguës vues au SAU (sauf médicaments psychotropes) seront mentionnées. Le lecteur est invité à se reporter à la littérature spécialisée pour les subs­ tances moins fréquentes et émergeantes ou pour les intoxications aiguës aux psychotropes ou autres médications. Parmi les consommateurs réguliers de substances, le pourcentage présentant une intoxication aiguë se présentant aux urgences n’est pas connu avec précision. Il est inféré du nombre de consommateurs réguliers dits « problématiques ». La variabilité temporelle des chiffres de surdoses pour le produit est grande et est sous l’influence (notamment pour des produits de niche comme le GHB, les cathinones, les métamphétamines), de mouvements sociologiques éphémères, mais aus­ sitôt remplacés par d’autres. Les données françaises indiquées ci-dessous sont issues du baromètre de santé de l’OFDT (2019). • Concernant l’alcool, en 2017, 16 % des 18-75 ans ont déclaré avoir bu au moins six verres en une seule occasion au cours du mois écoulé. Concer­ nant les jeunes de 17 ans, 44 % ont déclaré avoir bu au moins cinq verres en une seule occasion au cours du mois écoulé. • Concernant la cocaïne, en 2017, 5,6  % personnes âgées de 18 à 64  ans ont expérimenté la cocaïne vie-entière et 1,6 % au cours de l’année passée. Chez les jeunes de 17 ans, 2,8 % déclarent avoir pris de la cocaïne au moins une fois au cours de leur vie. Le nombre d’usagers de crack/freebase parmi les 15-64 ans est estimé à 27 000 au cours du mois passé. Concernant la MDMA/ ecstasy, en 2017, 5 % des 18-64 ans l’ont expérimentée. La consommation dans l’année concerne 1 % d’entre eux ; à l’âge de 17 ans, l’expérimenta­ tion est de 3,4 %. Concernant l’héroïne et les opioïdes, en 2017, 1,3 % des 18-64  ans les ont expérimentés (vie entière) et 0,2  % au cours de l’année écoulée. Le nombre de décès par surdose d’opiacés en 2016 pour les plus de 15 ans a été de 463 (www.ofdt.fr/statistiques-et-infographie/series-statis­ tiques/evolution-du-nombre-de-deces-par-surdose). • La pratique de l’injection intraveineuse au cours de l’année n’est pas exceptionnelle avec une prévalence de 2,9 ‰ en 2017 chez les usagers pro­ blématiques de drogues. • Les surdoses ne conduisent habituellement pas au décès. Toutefois, en 2017, 537 décès par surdose ont été signalés. Les opioïdes, souvent en asso­ ciation, sont en cause dans 78 % des décès.

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Guide pratique des urgences psychiatriques

Diagnostic Le diagnostic d’intoxication aiguë est avant tout clinique par l’observation et l’interrogatoire du patient et de l’entourage ou la recherche d’indices contextuels (comme les traces récentes d’injection, par exemple). Ce diag­ nostic peut être étayé par des dosages biologiques, habituellement semiquantitatifs des urines ou du sang. Une poly-intoxication est fréquente car la période vécue par le patient avant l’intoxication aiguë et l’arrivée au SAU est propice à la prise désordonnée de substances. • Les manifestations cliniques comportent toujours des signes d’atteinte centrale, le plus souvent un trouble du tonus et de la vigilance et des signes périphériques variables selon la nature de la substance en question avec composante neurovégétative (transpiration, trouble tensionnel et de la fré­ quence cardiaque). • Concernant l’alcool, on mentionnera la fréquence des signes d’excitation avec désinhibition qui peuvent être remplacés ou alterner avec des signes de dépression du système nerveux central avec coma et mydriase aréflective. On peut aussi retrouver un syndrome cérébelleux. L’haleine est œnolique, l’alcoolémie souvent élevée au-dessus de 3 g/L. • Concernant les opiacés, les signes sont variables selon le moment de la prise ou de l’injection. On assiste rarement au moment du flash ; on observe le plus souvent la phase de somnolence souvent entrecoupée de microéveils à forte composante anxieuse. Dans les formes extrêmes, il existe un coma stuporeux hypotonique. L’examen clinique met en évidence un myosis serré, souvent aussi un prurit. La sévérité de la surdose réside dans le développement d’une dépression respiratoire, de troubles cardiovasculaires et parfois digestifs (vomissements). • Concernant les amphétamines et plus généralement les psychostimu­ lants, on observe des signes d’agitation avec hyperréactivité aux stimuli, souvent une tonalité euphorique, mais plus souvent dysphorique ou déli­ rante au moment où l’on reçoit le patient. Des signes de syndrome sérotoni­ nergique sont possibles (HTA, hyperthermie, tachycardie). La présentation est souvent mixte, confuse et agitée avec une mydriase possible. • Concernant le cannabis et surtout les cannabinoïdes de synthèse, la légère euphorie (souvent, plutôt dysphorie) est fortement influencée par la modi­ fication des perceptions et des interprétations conduisant à des troubles du comportement et de l’ajustement. On observe aussi une altération de la coordination motrice et une hyperhémie conjonctivale. Les cannabinoïdes de synthèse induisent des tableaux plus sévères, notamment des convul­ sions, une dépression respiratoire et un tableau d’algies diffuses. Des troubles neurovégétatifs importants avec tachycardie, HTA, pâleur, mydriase sont aussi retrouvés.



Addictions aux urgences psychiatriques

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• L’intoxication aiguë à la cocaïne comporte des manifestations de type maniaque, puis rapidement dysphorique avec délire sous-jacent fréquent. On observe une tachycardie, de l’HTA, une pâleur avec mydriase. • D’autres substances telles que les cathinones, le GBL/GHL, la kétamine, les métamphétamines induisent des tableaux d’intoxication divers. Les éléments contextuels, festifs ou d’habitude de vie permettent d’orienter leur recherche. En absence d’antidote, l’approche est essentiellement symptomatique. • Nous n’aborderons pas ici les intoxications aux psychotropes, notamment aux benzodiazépines. Elles doivent être envisagées en priorité compte tenu de leur fréquence. La possibilité de recours au flumazénil dans certaines formes a beaucoup réduit la létalité des intoxications aux benzodiazépines.

Diagnostic différentiel Le diagnostic différentiel lors de la présence de manifestations évocatrices d’une intoxication aiguë aux substances psycho-actives doit être sys­ tématiquement envisagé, même lorsque l’évidence de cette dernière parait indubitable. Plutôt que sur le mode mutuellement exclusif, il convient d’envisager en même temps les effets cliniques de l’imprégnation aiguë par le toxique et la décompensation physiologique d’un organisme pré­ sentant souvent des atteintes somatiques sévères pré-existantes ou conco­ mitantes comme l’infection, l’insuffisance hépatique ou les troubles de la fonction cardiaque. En outre, les conditions de la prise (injection dans des mauvaises conditions hygiéniques, de déshydratation et d’hypoglycé­ mie lors des prises festives) sont elles-mêmes susceptibles d’induire une symptomatologie aiguë confusionnelle. L’approche thérapeutique étant essentiellement symptomatique en l’absence le plus souvent d’antidote (à part la naloxone en cas d’intoxication opiacée aiguë) ou de certitude diagnostique, il convient de faire pour tout patient un bilan des causes majoritaires d’atteinte de la vigilance, même lorsque la notion de prise de toxique est évidente. Un examen neuro­logique et biologique systématique doit donc être pratiqué à la recherche d’une pathologie neurologique (épi­ lepsie), métabolique, infectieuse (pouvant justifier des hémocultures) ou cardiovasculaire.

Éléments de gravité et pronostic Les éléments de gravité des surdoses de substances psychotropes sont variables selon les substances, leur nombre, leur combinaison (l’alcool est fréquemment associé aux autres substances). Leurs demi-vies différentes, les interactions pharmacologiques et pharmacocinétiques, le caractère frelaté ou hasardeux des toxiques guident la surveillance qui doit être prolongée au moins 24 heures. Le pronostic concerne essentiellement l’intensité du

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coma, de l’atteinte cardiorespiratoire et parfois hépatique. Une surinfection aiguë lors de l’injection du toxique est possible et vient assombrir le pronos­ tic. La multiplicité des situations d’intoxication aiguë au cours du temps pour un même patient est aussi un facteur de mauvais pronostic.

Prise en charge La prise en charge des intoxications aiguës est essentiellement médicale. La présence de troubles du comportement ou de confusion nécessite souvent une collaboration entre somaticiens, addictologues et psychiatres.

Consignes et surveillance La prise en charge de l’intoxication aiguë liée à l’usage de substances psychoactives est médicale. La difficulté, une fois cette étape de soin effectuée, est d’envisager les modalités du suivi post-immédiat. La situation clinique ren­ contrée est souvent celle où le patient ayant mis gravement sa vie en danger se trouve rétabli rapidement, parfois en quelques heures, dans son autono­ mie. Le patient souhaite souvent retrouver son mode de vie antérieur sans qu’il lui soit possible de réfléchir à cet épisode qui aurait pourtant pu lui être fatal. Une consultation postaiguë est souhaitable, mais elle est difficile à mettre en œuvre en pratique. Dans certains cas, une hospitalisation depuis le SAU est nécessaire en milieu spécialisé addictologique ou psychiatrique, surtout lorsqu’il existe un doute sur l’intentionnalité suicidaire.

Syndrome de sevrage au service d’accueil des urgences Jean-Victor Blanc

Points importants • Les addictions sont un motif très fréquent de consultations au SAU. C’est alors une porte d’entrée pour des soins en addictologie. • Des patients aux motifs d’admission différents de leur addiction peu­ vent présenter un syndrome de sevrage : ils sont à risque de présenter une complication en l’absence d’un interrogatoire minutieux.

Définition Le syndrome de sevrage est constitué d’un ensemble de symptômes chez un patient dépendant à une substance après l’arrêt ou la diminution de celle-ci. La dépendance la plus fréquente est celle qui est générée par l’alcool.



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Épidémiologie Les motifs d’admission au SAU liés à l’alcool ont augmenté de 60 % entre 2006 et 2014, alors que la consommation est restée relativement stable sur cette période (OFDT, 2019). • Le risque de dépendance à l’alcool vie-entière est de 10 % chez les hommes et 5 % pour les femmes. • Un tiers des patients se présentant pour un trouble d’usage d’alcool pré­ sentera des symptômes de sevrage lors de leur séjour au SAU (OFDT, 2019). • Lors de l’évolution vers une complication sévère, comme le delirium tremens, la mortalité est alors de 1 à 4 %.

Diagnostic Le syndrome de sevrage simple en alcool est défini par l’ensemble des quatre critères suivants (adapté des critères de l’American Psychiatric Association [APA]) : A : arrêt (ou diminution) de la consommation d’alcool qui était impor­ tante et prolongée ; B : au moins deux signes parmi les suivants, arrivant dans les quelques heures à quelques jours après la modification de la consommation décrite en critère A : – troubles neurovégétatifs  : sueurs, tremblements (notamment des mains), tachycardie, hypertension artérielle, – troubles psychocomportementaux  : anxiété, insomnie, cauchemars, irritabilité, agitation psychomotrice, – troubles digestifs : vomissements, nausées, anorexie, diarrhée ; C : signes du critère B induisant une détresse significative du fonctionne­ ment ; D : signes non attribuables à une autre origine médicale, ou mieux expli­ qués par une intoxication ou par le sevrage à une autre substance. • Les symptômes du sevrage sont relativement simples à identifier. C’est l’interrogatoire du patient et de ses proches qui permettra de mettre en évidence la consommation chronique d’alcool. S’il n’est pas possible de mettre cette consommation en évidence à l’interrogatoire (patient confus, hostile ou dans le déni), le syndrome de sevrage doit être envisagé parmi les diagnostics différentiels. • Au vu de la fréquence de la consommation d’alcool, notamment en France, il est nécessaire d’évoquer le syndrome de sevrage en alcool devant tout tableau clinique évocateur. • À l’apparition de ces symptômes inconfortables, le patient dépendant à l’alcool va consommer pour se soulager. Admis dans un service d’urgence, il ne pourra le faire. En l’absence de traitement préventif, le syndrome va se compliquer (voir ci-dessous « Éléments de gravité et pronostic »), peu importe

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le motif d’admission aux urgences. Il est par conséquent nécessaire d’être vigi­ lant dans le dépistage systématique d’une situation de sevrage en alcool.

Diagnostic différentiel De nombreux symptômes du syndrome de sevrage peuvent être dus à d’autres troubles psychiatriques comme les troubles anxieux. C’est la notion de consommation chronique d’alcool qui permet le diagnostic. • Parfois, la polyconsommation de substances complexifie le tableau cli­ nique : – le sevrage en opioïde est caractérisé par une anxiété, une irritabilité et une insomnie mais d’autres signes sont plus spécifiques : une rhinorrhée (écoulements nasals), des larmoiements, de la diarrhée, des douleurs mus­ culaires, des frissons, une pilo-érection et une mydriase ; – le syndrome de sevrage aux benzodiazépines partage de nombreuses caractéristiques avec le sevrage alcoolique : tremblements, anxiété, insom­ nie, céphalées, confusion, hallucination, incoordination motrice et convul­ sions. • C’est l’examen clinique, éventuellement complété par une recherche toxicologique qui permet d’affirmer le diagnostic.

Éléments de gravité et pronostic En l’absence de prise en charge, l’évolution peut être défavorable et deve­ nir une urgence médicale engageant le pronostic vital. On distingue trois stades de complication, d’une sévérité croissante, les durées d’apparition étant données à titre indicatif car variables au niveau individuel, notam­ ment en fonction de la chronicité de l’intoxication et sa sévérité.

Hallucinations alcooliques Il s’agit d’une perception sans objet ou des idées délirantes apparaissant de novo, chez des personnes indemnes de trouble psychotique chronique. Il concerne environ un quart des patients présentant un syndrome de sevrage. Les hallucinations sont essentiellement sensorielles (auditives, parfois visuelles ou tactiles). Parfois, il y a des idées délirantes de type persécution mais elles sont bien critiquées, ce qui les différencie du delirium tremens (DT).

Crises convulsives Des crises tonicocloniques généralisées, le plus souvent courtes, peuvent survenir dans les 12-24 heures après le dernier verre. Elles peuvent se répé­ ter ou être accompagnées d’une perte de conscience, le diagnostic rétros­ pectif n’est pas toujours évident. L’état de mal épileptique reste rare, mais possible (3 % des patients).



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Delirium tremens (figure 7.1) Le DT survient chez 5 % des patients hospitalisés pour sevrage. Il est carac­ térisé par une confusion, un délire hallucinatoire non critiqué (les zoop­ sies, hallucinations visuelles ayant pour objet des animaux, sont caracté­ ristiques) et une hyperactivité du système nerveux autonome. C’est une urgence médicale – la mortalité est de 20 % en l’absence de traitement – et reste de 5 % malgré une prise en charge optimale (Wolf et al., 2020).

Prise en charge On distingue le traitement au SAU du sevrage en alcool d’une hospitalisa­ tion planifiée en addictologie. • Dans le premier cas, il s’agit essentiellement de prévenir les complications du sevrage précitées, le temps que le patient puisse bénéficier de ces soins au SAU. Il consiste en : – la mise en place d’un traitement par benzodiazépine, par titration en fonction de la réponse clinique. Aucune étude n’a montré de supériorité à l’intérieur de cette classe (RESPADD, 2016) ; – la vitaminothérapie par supplémentation en thiamine (vitamine B1), indispensable dans la prévention des syndromes de Gaye-Wernicke et Korsakoff ; – la correction de troubles hydro-électriques avec réhydratation et une attention particulière à la natrémie, notamment chez les buveurs de bière (hyponatrémie profonde). • En cas d’hallucinations liées au sevrage, le traitement par antipsycho­ tique ne doit se faire qu’en complément éventuel du traitement spécifique du sevrage. Sans cela, il pourrait masquer les signes de sevrage et aggraver le pronostic. • Une fois le patient stabilisé, l’évaluation addictologique peut avoir lieu. En fonction du degré de motivation du patient, la mise en place ou la reprise d’un suivi doit être proposée, via l’équipe de liaison et de soins en addictologie (ELSA) si possible.

Figure 7.1. Complications du sevrage en alcool, delirium tremens.

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Consignes et surveillance La surveillance des paramètres vitaux à l’aide d’échelle standardisée comme le score de Cushman est utile, notamment dans le monitorage du traite­ ment par benzodiazépine (Amato et al., 2010).

Situation particulière des troubles du comportement alimentaire Jean-Victor Blanc

Points importants • Le SAU est un lieu essentiel pour le repérage et l’initiation de la prise en charge spécialisée. • Toute situation de troubles du comportement alimentaire (TCA) doit faire l’objet d’une attention particulière. En effet, les TCA sont les pathologies les plus mortelles parmi les troubles psychiatriques, la majorité des décès étant d’origine organique (Trent et al., 2013). • La prise en charge des TCA au SAU nécessite une collaboration étroite entre l’évaluation somatique et l’examen psychiatrique.

Définition Les deux principaux TCA sont : • l’anorexie mentale (AM), caractérisée par une peur intense de prendre du poids et/ou une image corporelle perturbée, qui motive une restriction ali­ mentaire sévère ou d’autres comportements afin de perdre du poids (comme les conduites purgatives ou l’activité physique excessive). L’index de masse corporelle (IMC) correspond au stade de maigreur (