Fiches de Droit Constitutionnel (Laurence Baghestani) [PDF]

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Table des matières Préface Fiche 1 La notion d’État Fiche 2 L’État unitaire Fiche 3 L’État composé Fiche 4 La notion d’État de droit Fiche 5 Les fondements de l’État de droit Fiche 6 La notion de Constitution Fiche 7 L’établissement de la Constitution Fiche 8 La Constitution : instrument d’organisation du pouvoir Fiche 9 La Constitution : instrument de limitation du pouvoir Fiche 10 La procédure de révision de l’article 89 de la Constitution Fiche 11 Les révisions de la Constitution du 4 octobre 1958 Fiche 12 La distinction entre souveraineté nationale et souveraineté populaire Fiche 13 La signification du concept de souveraineté nationale Fiche 14 Le suffrage universel et l’exercice de la souveraineté nationale Fiche 15 Tableau comparatif des caractéristiques principales des régimes parlementaire et présidentiel Fiche 16 L’apport institutionnel de la IIIe République Fiche 17 La Constitution de la IVe République (Constitution du 27 octobre 1946) Fiche 18 L’élaboration et l’adoption de la Constitution de la Ve République Fiche 19 La nature du régime politique de la Ve République Fiche 20 Le statut du président de la République : l’élection présidentielle Fiche 21 Le statut du président de la République : le mandat… du président de la République

Fiche 22 Le statut du président de la République : la responsabilité… du président de la République Fiche 23 Les pouvoirs propres du président de la République sous la Ve République Fiche 24 Les pouvoirs partagés du président de la République sous la Ve République Fiche 25 La fonction gouvernementale sous la Ve République Fiche 26 Le renforcement de l’autorité gouvernementale sous la Ve République Fiche 27 La nature des attributions gouvernementales sous la Ve République Fiche 28 La responsabilité politique du gouvernement sous la Ve République Fiche 29 La mise en œuvre du principe de la responsabilité du gouvernement… sous la Ve République Fiche 30 La responsabilité pénale des ministres sous la Ve République Fiche 31 Panorama du Parlement sous la Ve République Fiche 32 Le bicamérisme sous la Ve République Fiche 33 La procédure législative Fiche 34 L’amélioration de la qualité du travail législatif. À propos de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution Fiche 35 L’amélioration de la qualité du travail législatif. L’apport de la loi n° 2009-689 du 15 juin 2009 tendant à modifier l’ordonnance n° 58-1 100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative Fiche 36 Le renforcement du contrôle parlementaire. L’exemple du renforcement des moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du gouvernement et d’évaluation des politiques publiques

Fiche 37 Le renforcement du contrôle parlementaire. L’exemple des nouvelles dispositions de l’article 13 alinéa 5 de la Constitution Fiche 38 Le statut juridique de la loi référendaire Fiche 39 L’article 11 de la Constitution : le référendum d’initiative partagée Fiche 40 La répartition des compétences normatives entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire Fiche 41 Les ordonnances de l’article 38 de la Constitution de 1958 Fiche 42 Organigramme du Conseil constitutionnel Fiche 43 Le Conseil constitutionnel Fiche 44 Le contrôle de constitutionnalité en France Fiche 45 La supraconstitutionnalité Fiche 46 Les apports de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République Fiche 47 Le Conseil supérieur de la magistrature Fiche 48 Le Défenseur des droits Fiche 49 Le Conseil économique, social et environnemental Index

Préface L’ouvrage de Laurence Baghestani, Fiches de droit constitutionnel, correspond à une tendance et à un besoin. La tendance, c’est, pour les étudiants, de posséder le maximum d’éléments dans un volume accessible. Il faut en outre que ceux-ci accèdent rapidement à l’information et trouvent dans l’ouvrage des conseils et des méthodes de lecture et de travail. Sur ce point, le livre de Laurence Baghestani, qui m’a fait l’honneur et le plaisir de me demander de le préfacer, arrive à point nommé, car il s’agit d’un ouvrage clair, pédagogique et pratique. L’objectif est donc atteint. Le besoin, c’est celui de diffuser le droit constitutionnel dans ses dimensions les plus variées et les plus contemporaines. Cette matière a connu des bouleversements dans les trente dernières années, du fait de la montée en puissance du Conseil constitutionnel, ce qui a entraîné une juridicisation de cette discipline, longtemps considérée comme un simple commentaire de l’actualité politique, et du fait du développement des droits fondamentaux, ce second phénomène étant étroitement lié au premier mais aussi, de manière plus lointaine, par l’intrusion de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Plus récemment encore, la « communautarisation » du droit français n’a pas épargné le droit constitutionnel. Le nécessaire respect des directives communautaires par les lois françaises, du fait du principe de primauté du droit européen, réduit la liberté du Parlement français. Les réflexions et les débats sur la « Constitution européenne » en 2005, en réalité le traité établissant une Constitution pour l’Europe, ont montré tout l’intérêt qu’il y avait à réfléchir sur la notion même de Constitution, son contenu, son mode d’élaboration et de révision. 2007, année d’élections en France, a vu enfin fleurir les discussions constitutionnelles sur l’avenir de nos institutions,

profondément modifiées par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République. Oui, pour toutes ces raisons, l’ouvrage de Laurence Baghestani arrive au bon moment. Michel Verpeaux Professeur à l’université Panthéon-Sorbonne (Paris I) Directeur du Centre de recherches en droit constitutionnel

Fiche 1

La notion d’État I. Les fondements de l’État II. La nature juridique de l’État • Définition

Souveraineté : selon Jean Bodin, précurseur de la théorie de la souveraineté, celle-ci se définit comme « la puissance absolue et perpétuelle d’une République » (comprise au sens d’État) (Six Livres de la République, 1576). L’État se présente comme une personne morale détentrice du pouvoir politique. Il est une institution mais d’un genre spécial en tant qu’il dispose du pouvoir politique, c’est-à-dire du « pouvoir d’organiser la société en fonction des fins qu’on lui suppose » (II) (B. Chantebout, Droit constitutionnel, Sirey, 2006). Cette définition convenue, qui repose sur une série d’éléments par lesquels l’État se constitue, tranche avec la multiplicité des réflexions engagées sur la question de l’origine de cette institution qui, quant à elle, n’emporte pas l’unanimité (I).

I. Les fondements de l’État A. L’origine de l’État À la thèse la plus ancienne qui fait naître l’État de la volonté divine (saint Paul) à laquelle les êtres humains doivent obéissance, succède la théorie de l’origine contractuelle de l’État qui se matérialise par la conclusion d’un contrat entre des volontés humaines. Présente dans la pensée des auteurs calvinistes du XVIe siècle (les monarchomaques : Languet, Bèze) qui font du Pacte un instrument d’échange de garanties, celle de l’obéissance des

sujets au roi contre le respect de leurs libertés par ce dernier, la théorie du contrat social a dominé la pensée doctrinale du XVIIIe siècle et a inspiré très largement les hommes de la Révolution (1789). Elle repose sur un postulat unique, l’existence d’un « état de nature » dans lequel les hommes étaient libres. Dénué de toute réalité historique, le recours au concept d’état de nature a pour seule fonction de légitimer l’adhésion à un état social. Ainsi chez Hobbes (Le Léviathan, 1651) l’oppression qui caractérise l’état de nature incite les hommes à conclure entre eux un contrat qui donne naissance à un État garant de l’ordre mais auquel le monarque n’étant pas partie, peut aboutir à un absolutisme monarchique. À l’inverse, dans son Essai sur le gouvernement civil (1690), John Locke fait de l’État un moyen d’accéder à un bonheur plus grand que celui déjà présent dans l’état de nature. Le contrat qui unit les hommes au monarque et par lequel naît l’État est garant du respect des libertés individuelles sous peine de rébellion. • Attention

La pensée de Locke est celle que traduit l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. » Dans la pensée rousseauiste telle qu’elle a été développée dans le Contrat social (1762), ce sont les inégalités qui s’installent progressivement entre les hommes dans l’état de nature qui les incitent à se lier par un accord général (contrat social) par lequel est constitué l’État. Celui-ci résulte de la volonté libre de l’homme, chacune des volontés individuelles formant la volonté générale constitutive de la souveraineté de l’État. Ce faisant, la liberté originelle de l’homme n’est pas entamée, elle s’exprime désormais à travers la volonté générale matérialisée par la Loi (traduction de

l’intérêt général) à l’élaboration de laquelle il participe et à laquelle il doit obéissance. Aussi construite et aboutie soit-elle dans les buts qu’elle a pu poursuivre, à savoir la légitimation de la monarchie absolue (Hobbes), du libéralisme politique (Locke) ou du pouvoir démocratique (Rousseau), la théorie du contrat social repose sur un fondement – l’état de nature – entièrement hypothétique et sur un instrument juridique – le contrat – inexistant dans le processus de formation des États lequel exige la réunion de plusieurs éléments pour que l’État soit.

B. Les éléments constitutifs de l’État Le droit international public et le droit constitutionnel définissent l’État à partir de ses éléments constitutifs que sont le territoire, la population et la puissance publique. Entendus de manière cumulative, ces éléments conditionnent l’existence d’un État au sens moderne du terme conçu comme une forme d’organisation qui dispose du pouvoir politique absolu (la puissance publique ou la souveraineté), l’exerce à l’intérieur d’un cadre déterminé (le territoire) sur l’ensemble des personnes qui s’y trouvent (population) et qui, considérées de manière objective comme une communauté de personnes liées par des valeurs communes (la langue, la religion, la culture ou l’histoire), composent ce qui est convenu d’appeler la nation. Celle-ci, douée d’une existence objective qui interdit de la confondre avec ses composantes (les individus), en fait une entité abstraite appelant nécessairement une représentation. C’est ce que suggèrent la théorie révolutionnaire de la souveraineté nationale et l’association de la nation et de l’État (concept d’État-nation), lequel n’est alors que « l’instrument temporel des volontés de la nation » (B. Chantebout, précit.). Celle-ci n’a d’existence juridique qu’à partir du moment où elle est institutionnalisée dans l’État. La conception juridique de l’État se résume dès lors dans la formule empruntée à A. Esmein (Éléments de droit constitutionnel [1895]) selon laquelle « l’État est la personnification juridique d’une nation ». L’identité entre la nation et

l’État qu’implique cette expression, même si elle n’est pas systématique en ce sens que la nation ne se reconnaît pas toujours dans l’État, a dans la théorie juridique, fait de la nation un élément constitutif de la définition de l’État. Celle-ci est la composante sur laquelle l’État exerce sa souveraineté (pouvoir suprême et absolu) qui en constitue un attribut essentiel et qui s’exprime hors des limites territoriales de l’État, par l’absence de toute subordination de celui-ci vis-à-vis d’un autre État sauf à le vouloir (souveraineté internationale ou externe) et au sein du territoire de l’État, par l’ensemble des marques de souveraineté (pour exemples : pouvoir de légiférer, de rendre la justice, de police, de battre monnaie, de faire la guerre et de conclure la paix, voir Jean Bodin, précit.) que lui confère le monopole de l’édiction du droit et qui dépendent entièrement de la nature juridique de l’État.

II. La nature juridique de l’État A. L’État est une personne morale Au sens juridique du terme, l’État est une institution (Maurice Hauriou) qui se présente comme une personne morale et dont la particularité est de détenir le pouvoir politique. Comme toute personne morale, son existence est liée à celle d’un statut qui lui confère la personnalité juridique et qui définit son organisation et ses conditions de fonctionnement. La Constitution est le statut de l’État (v. fiche n° 6) et régit, à ce titre, la vie de ce dernier. L’adhésion à la théorie institutionnelle donne notamment tout son sens et sa légitimité au droit constitutionnel en tant qu’il prend sa source dans la Constitution, fondement de l’État. Elle rend compte – c’est là une des conséquences essentielles de l’institutionnalisation du pouvoir mise en lumière à l’époque révolutionnaire – de la permanence de l’État et de ses actes en déplaçant l’origine de l’appartenance du pouvoir politique d’un homme (Ancien Régime) vers une institution à laquelle sont imputables les actes faits en son nom et non pas aux gouvernants avec lesquels elle ne se confond pas. La pérennité de l’État est ainsi

directement liée à sa qualité de personne morale qui la dote des attributs traditionnellement rattachés à ce statut mais aussi d’un certain particularisme.

B. Les attributs de l’État en tant que personne morale À l’instar des autres personnes morales, l’État dispose d’un patrimoine (domaine public et privé) dont un budget propre, du pouvoir de contracter, d’ester en justice, d’engager sa responsabilité. Sa spécificité se rattache, quant à elle, au caractère souverain du pouvoir qu’il détient et qui lui confère la compétence de sa compétence (Jellinck), c’est-à-dire le pouvoir de fixer lui-même l’étendue et aussi les limites de ses attributions. Son pouvoir n’est subordonné à aucun autre. Il peut être l’égal d’un autre si l’on s’en réfère au fondement du droit international public qui repose entièrement sur le principe d’égalité des États et dont la reconnaissance de l’État en tant que personne juridique en fait un sujet direct et exclusif de droit externe. Dans l’ordre juridique interne, l’État se distingue des autres personnes morales par la supériorité de son pouvoir et, de fait, par l’emprise qu’il a sur elles en tant qu’il régit leur existence et les contrôle. Il s’en différencie également par le champ de ses compétences qui s’étend sur l’ensemble du territoire (contrairement aux collectivités territoriales) et qui est général (contrairement aux établissements publics régis par le principe de spécialité [v. CE, 25 avril 1970, Société Unipain]). Dans l’espace géographique qui est le sien, l’État dispose du monopole du droit dans le but d’assurer la constance des intérêts de la collectivité nationale. C’est ce qui en fait une entité juridique à part entière. • À retenir •

L’État est une personne morale qui dispose du pouvoir politique. Le pouvoir de l’État est souverain.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. L’État est une modalité d’organisation sociale :

□ Vrai □ Faux 2. La souveraineté de l’État est interne :

□ Vrai □ Faux 3. La souveraineté de l’État est externe :

□ Vrai □ Faux 4. Le pouvoir d’État est un pouvoir de centralisation :

□ Vrai □ Faux 5. Le droit international adhère au principe selon lequel toute nation a droit à devenir un État :

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Vrai. 2. Vrai. 3. Vrai. 4. Vrai. 5. Vrai.

Fiche 2

L’État unitaire I. Le caractère exclusif du centre de décision II. Les modalités d’exercice du pouvoir de décision • Précision

L’État se présente classiquement sous deux formes juridiques différentes : l’État unitaire ou l’État fédéral. Cette présentation repose sur un critère essentiel : le mode d’organisation du pouvoir de décision (ou pouvoir normatif). Du caractère unique (État unitaire) ou composé (État fédéral) du centre de décision dépend le modèle de l’État.

I. Le caractère exclusif du centre de décision L’État unitaire est celui dans lequel il n’existe qu’un seul centre de décision politique. L’ensemble du territoire est soumis à une volonté politique unique que traduit l’unité du pouvoir normatif de l’État. Dans l’État unitaire, la souveraineté ne se partage pas. Elle est, de manière indivisible, l’attribut exclusif de l’État. C’est ce que traduit la formule de l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 selon laquelle « la France est une République indivisible […] » et qui, rapportée aux trois éléments constitutifs de l’État (v. fiche n° 1), prétend à l’indivisibilité de la souveraineté qui s’oppose, par principe, à la détention par les collectivités locales de compétences souveraines tel que le pouvoir de faire la loi même si le renforcement de la décentralisation (v. loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003) autorise désormais les collectivités territoriales ou leurs grou-pements à déroger, à titre expérimental, sous conditions, aux dispositions législatives (v. art. C 72 al. 4). L’indivisibilité de la

République suppose également celle du peuple (v. décision Cons. Const. du 9 mai 1991, n° 91-290 DC, Statut de la Corse) et celle du territoire (et non de son intangibilité) même si elle admet une territorialisation du droit dès lors que le respect des libertés publiques est garanti.

II. Les modalités d’exercice du pouvoir de décision • Précision

L’État unitaire peut être centralisé dès lors que les décisions politiques et administratives relèvent du pouvoir central. Il peut être, à l’inverse, décentralisé lorsque les décisions administratives sont prises par des autorités locales élues. Le risque de paralysie auquel se heurte ce type d’organisation du pouvoir s’accompagne d’une nécessaire déconcentration du pouvoir de décision. L’État unitaire connaît classiquement deux modes d’organisation administratives la déconcentration et la décentralisation. Centralisation et décentralisation sont deux procédés concurrents d’organisation de l’État. Leur application suppose dans les deux cas certains aménagements. Ainsi, l’importance de la dimension d’un État lorsqu’il est centralisé se heurte à un risque de paralysie du pouvoir de décision et appelle nécessairement à une déconcentration des décisions. Il s’agit de donner à un agent local nommé par le pouvoir central (exemple : le préfet) ainsi soumis à un pouvoir hiérarchique, un pouvoir de décision en ce qui concerne certaines affaires qu’il est le mieux à même de connaître au sein de la circonscription administrative à la tête de laquelle il est placé. La déconcentration n’est qu’une modalité pratique de la centralisation et n’entame en rien le caractère centralisé de l’État.

Il en va différemment de la décentralisation qui consiste en un transfert du pouvoir de décision administrative du pouvoir central vers des personnes morales distinctes de l’État – les collectivités territoriales administrées par des autorités élues – qui disposent en la matière d’une réelle autonomie (principe de libre administration consacré par les articles 34 et 72 de la Constitution de 1958). La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 a consacré symboliquement dans l’article 1er de la Constitution de 1958 le principe de l’organisation décentralisée de la République qui interdit le retour en arrière (selon les termes du ministre délégué aux Libertés locales, Le Monde, 13 et 14 octobre 2002) d’un mouvement approfondi de manière décisive par la loi Defferre du 2 mars 1982, mais au demeurant déjà suggéré par le texte constitutionnel à travers la formulation du principe de libre administration doté d’une signification normative que n’a pas le terme de décentralisation (Conseil d’État, avis, 10 octobre 2002). La liberté dont disposent les collectivités territoriales dans la gestion des affaires qui relèvent de leurs compétences connaît toutefois des limites induites par le caractère unitaire de l’État et qui se matérialise par un contrôle administratif (contrôle de légalité) des actes des collectivités territoriales, expression du droit de regard de l’État sur la gestion des affaires locales et mode de préservation de l’autorité de l’État. • À retenir •

L’État unitaire suppose une centralisation du pouvoir politique. Le pouvoir administratif peut cependant être délégué. La souveraineté y est un attribut exclusif de l’État.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. Dans l’État unitaire, le pouvoir politique est divisible :

□ Vrai □ Faux 2. Dans l’État unitaire, le pouvoir administratif est obligatoirement centralisé :

□ Vrai □ Faux 3. La déconcentration suppose la gestion de l’administration locale par un agent de l’État :

□ Vrai □ Faux 4. La décentralisation suppose la gestion de l’administration locale par des représentants nommés :

□ Vrai □ Faux 5. La déconcentration et la décentralisation sont deux modes d’administration exclusifs l’un de l’autre :

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Faux. Le pouvoir politique est indivisible. Il est l’apanage de l’État. 2. Faux. Dans l’État unitaire, le pouvoir administratif peut être délégué de manière déconcentrée ou décentralisée. 3. Vrai. L’agent local nommé dispose d’un pouvoir de décision administrative. 4. Faux. En décentralisation, l’administration locale est assurée par les représentants élus des citoyens. 5. Faux. La déconcentration et la décentralisation sont deux modes d’organisation administrative qui se côtoient dans un État unitaire.

Fiche 3

L’État composé I. État fédéral et confédération d’États II. Les principes d’organisation de l’État fédéral

I. État fédéral et confédération d’États L’État fédéral (ou la fédération) se définit classiquement comme une composition d’États (les États fédérés). L’État fédéral se superpose aux États fédérés privés de souveraineté. Il suppose une intégration des États qui fait défaut à l’autre forme traditionnelle d’États composés, la confédération d’États. Celle-ci s’analyse comme une association d’États (les États confédérés) qui restent souverains dans le cadre de la coopération instituée. Son statut résulte d’un traité et les décisions sont prises à l’unanimité des représentants des États membres. La confédération précède souvent la fédération d’États (exemples : la Confédération des ÉtatsUnis (1776) précéda la Constitution de l’État fédéral américain (1787) ; la Confédération de l’Allemagne du Nord (1866) celle de l’Empire fédéral allemand (1871)). Dans ce cas, l’État fédéral est la résultante d’un processus d’intégration (fédéralisme par intégration ou association) à l’origine duquel se trouve une menace militaire, un acte d’autorité (fédération imposée, exemple : l’Empire fédéral allemand) ou une volonté d’union. L’État fédéral peut naître également de l’éclatement d’un État unitaire (fédéralisme par dissociation) sous la pression autonomiste de minorités ethniques, religieuses ou linguistiques (exemples : l’ex-URSS qui accède au fédéralisme par la Constitution 1924 ; la Belgique devenue État fédéral avec la Constitution de 1993). La création d’un État fédéral conduit à la privation de la souveraineté internationale des États membres. Le nouvel ordre

juridique et politique qui en résulte repose sur les principes définis par la Constitution fédérale.

II. Les principes d’organisation de l’État fédéral L’organisation de l’État fédéral repose sur la combinaison de trois principes directeurs (selon la systématisation établie par Georges Scelle) qui constituent le tronc commun du fédéralisme malgré la diversité de ce concept. Le principe de superposition est celui qui caractérise le mieux la forme de l’État fédéral construit à partir d’une superposition de deux ordres juridiques, celui des États fédérés et celui de l’État fédéral. Celle-ci confère aux États fédérés certains attributs de souveraineté – la plénitude de la souveraineté étant l’apanage du seul État fédéral – tels que le droit de disposer d’une Constitution propre, d’un pouvoir normatif, d’un pouvoir politique autonome mais implique, en contrepartie, la prévalence du droit fédéral sur le droit des États fédérés (soumission de l’ordre constitutionnel des États fédérés au respect de certains principes définis par la Constitution fédérale, primauté de la loi fédérale) et son applicabilité immédiate dans leur ordre juridique. La répartition des compétences entre l’État fédéral et les États fédérés repose, quant à elle, sur le principe d’autonomie qui s’oppose à toute ingérence dans les domaines réservés de chacun sanctionnée, en cas de violation, par le juge constitutionnel qui veille au respect du partage entre les deux niveaux étatiques. La Constitution opère cette répartition, l’État fédéral disposant, sauf exception (v. pour exemple Canada, art. C 91 et s.), d’une compétence d’attribution (exemple : Allemagne (art. C 73), ÉtatsUnis [art. C 1er, section 8]) en ce qui concerne classiquement et au minimum les affaires étrangères, la défense nationale, la monnaie, les impôts.

• Attention

Il s’agit là d’une différence essentielle entre les collectivités territoriales décentralisées d’un État unitaire et les États fédérés lesquels disposent de compétences qui leur sont dévolues non pas par la loi mais par la Constitution ce qui conforte de manière sensible leur protection dès lors que la Constitution ne peut être modifiée sans leur consentement même si la règle de l’unanimité n’est ici pas exigée. Il s’agit là d’une des facettes de la mise en œuvre du troisième principe qui guide l’organisation de l’État fédéral : le principe de participation qui permet plus généralement aux États fédérés de concourir à la direction de la politique fédérale en intervenant dans le domaine du pouvoir constituant, dans celui du pouvoir législatif (à travers leur représentation au sein de la seconde chambre du Parlement de telle sorte que le bicamérisme se trouve intimement lié au fédéralisme) et aussi dans celui du pouvoir exécutif fédéral à la fois par leur représentation au gouvernement fédéral (exemples : Allemagne, Canada) et par leur participation à la désignation de l’exécutif fédéral. État unitaire et État fédéral se rejoignent en définitive sur la même question : l’aménagement de la liberté avec, dans les deux cas, la nécessité de gérer chacun en ce qui le concerne une difficulté diamétralement opposée : celle pour l’État unitaire, dans le cadre d’une décentralisation de plus en plus poussée, de définir un seuil d’autonomie des collectivités territoriales en adéquation avec le respect du principe d’unité et d’indivisibilité de la République et celle pour l’État fédéral face à un mouvement de centralisation fédérale, de contenir les éventuelles prétentions indépendantistes des États fédérés au risque de connaître un éclatement. • À retenir



Classiquement, l’État composé prend la forme soit d’une confédération d’États, soit d’une fédération d’États. La confédération précède souvent la fédération d’États dont l’organisation repose sur des principes directeurs.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTION DE COURS Qu’est-ce que l’État régional ?

CORRIGÉ L’État unitaire est une forme d’État dans lequel la structure unitaire de l’État (un seul centre de décision) n’exclut pas l’attribution aux collectivités régionales qui le composent d’un pouvoir normatif reconnu par la Constitution. L’État régional est un État intermédiaire entre l’État unitaire et l’État fédéral. L’autonomie normative y est moins poussée que dans l’État fédéral qui partage son pouvoir normatif avec les États fédérés mais plus accentuée que dans l’État unitaire décentralisé dans lequel celle-ci est particulièrement conditionnée. L’État régional peut être une forme transitoire d’État qui assure le passage de l’État unitaire vers l’État fédéral (ex. : la Belgique avant sa transformation en État fédéral en 1993). Pour des exemples d’États qualifiés de régionaux voir notamment l’Italie et l’Espagne.

Fiche 4

La notion d’État de droit I. La théorie de l’autolimitation II. La théorie de l’hétérolimitation • Définition

La sécurité juridique : propriété d’un système juridique qui offre à ses destinataires une stabilité nécessaire à la garantie des droits. La considération selon laquelle le pouvoir politique est à l’origine du droit existant pose la question essentielle des rapports qu’entretient le pouvoir politique avec le droit. L’État de droit se réalise par la soumission du pouvoir politique au droit. Une fois la Constitution établie et les organes habilités à créer du droit institués, il s’agit, pour le pouvoir politique, de respecter l’ordre juridique afin de préserver la cohérence du système constitutionnel et politique. Le principe de l’adhésion de notre République à l’État de droit est posé avec force par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 auquel renvoie le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958. Dans son article 16, celle-ci proclame solennellement que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de Constitution ». La notion d’État de droit est ainsi animée de l’idée de limitation du pouvoir avec néanmoins, à la source, une opposition de la pensée doctrinale quant à la question particulière de l’antériorité ou de la postériorité de l’État au droit.

I. La théorie de l’autolimitation A. Définition

Selon la théorie de l’autolimitation, il n’y a pas de droit antérieur et supérieur à l’État. Celui-ci est souverain et ne peut être limité que par les règles qu’il a lui-même posées (théorie de l’autolimitation développée par le droit international). L’État choisit librement et volontairement de se limiter. Cette conception pose avec acuité la question de la sécurité juridique des individus. La réfutation de l’existence de règles de droit immuables, qui sont un minimum de garanties, conjuguée à la possibilité pour l’État de se délier souverainement des règles de droit qu’il édicte conduit assurément à un amoindrissement de la protection des droits et libertés de l’homme.

B. La thèse positiviste La théorie de l’autolimitation a connu un engouement certain chez les positivistes allemands du XIXe siècle (Laband, Jellinek, Ihering) et auprès d’une partie de la doctrine française représentée par Esmein ou encore par R. Carré de Malberg. Selon ce dernier, aucun fondement extérieur ne peut entamer la puissance de l’État lequel crée le droit et s’y soumet volontairement. L’institution d’un État de droit selon cette optique de l’autolimitation se réalise par l’obligation pour l’État de concrétiser cette puissance qu’il détient par nature. La concrétisation de cette puissance se fait par la norme juridique (« Toute puissance est forcément une puissance limitée par le droit ») l’État devant se conformer à celle-ci.

II. La théorie de l’hétérolimitation L’hétérolimitation prône l’idée d’une soumission de l’État à des règles de droit qui lui sont antérieures, la règle normative trouvant sa source dans la force divine (théorie du droit divin), la nature (théorie du droit naturel) ou la société (l’ordre social) et étant nécessairement supérieure à l’État. Une grande partie de la doctrine française s’est ralliée à cette conception de l’État de droit (Jèze, Hauriou, Duguit, Michoud) largement mise en avant à l’époque révolutionnaire à travers l’adhésion à la théorie du droit naturel consacrée par la

Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dans son introduction qui reconnaît l’existence des « droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme » afin de rejeter l’absolutisme monarchique. L’ignorance de l’origine même de ce droit antérieur qui repose sur des fondements non définis (la nature, Dieu, la société) fragilise fortement cette théorie sous-jacente, au moins dans sa dimension jusnaturaliste, dans la thèse récemment avancée à propos de l’évolution de la construction de l’Union européenne, de la supraconstitutionnalité (v. fiche n° 45). • À retenir •



L’État de droit résulte de la soumission du pouvoir politique au droit. L’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 consacre ce concept qui porte en lui une interrogation quant à l’antériorité ou à la postériorité de l’État au droit.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. La notion d’État de droit se rattache à l’idéologie des droits de l’homme.

□ Vrai □ Faux 2. La notion d’État de droit est liée à l’introduction d’un contrôle de constitutionnalité.

□ Vrai □ Faux 3. La notion d’État de droit signifie la liberté du pouvoir politique.

□ Vrai □ Faux 4. L’État de droit implique la sécurité juridique.

□ Vrai □ Faux 5. L’État légal suppose la suprématie de la Constitution.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Vrai. 2. Vrai. 3. Faux. La notion d’État de droit signifie la limitation du pouvoir politique. 4. Vrai. 5. Faux. L’État légal repose sur la suprématie de la loi. L’État de droit repose sur la garantie des droits des individus. Il suppose en conséquence la primauté de la Constitution.

Fiche 5

Les fondements de l’État de droit I. L’inspiration de l’État de droit II. Les instruments du respect de l’État de droit • Définition

Recours pour excès de pouvoir : recours dirigé devant le juge administratif en vue de demander l’annulation d’une décision administrative réputée illégale.

I. L’inspiration de l’État de droit L’État de droit s’inspire de la volonté d’encadrer le rôle de l’État afin de limiter sa puissance et de lutter contre l’arbitraire. L’époque révolutionnaire qui marque l’origine du développement du concept d’État de droit en France, en retient une vision essentiellement libérale conforme à celle qu’elle tend à reconnaître à l’État entendu comme un État gendarme nécessairement restreint dans ses capacités d’interventions. La limitation du pouvoir à laquelle aspire l’État de droit s’obtient ici par un effacement de l’État, par la liberté d’exercice des activités sociales selon la règle du noninterventionnisme étatique. Cette règle en constitue un fondement essentiel mais non exclusif qui trouve dans la notion des droits de l’homme et dans le concept de démocratie deux autres modes de limitation du pouvoir de l’État. L’invocation des droits de l’homme vise à sauvegarder l’individu des excès de l’État. La reconnaissance de droits fondamentaux est un gage de protection de l’exercice des libertés. La théorie libérale de l’État de droit repose entièrement sur cette règle fondée sur l’individualisme, insuffisante toutefois à elle seule pour être un instrument de limitation du pouvoir. Ce n’est qu’en admettant

l’antériorité des droits ainsi reconnus à la création de l’État que cette mission peut être acquise. La règle de droit ne fait ici que retranscrire les droits naturels de l’homme. Elle ne dispose que d’un rôle technique et non de création. Le respect des droits subjectifs des individus renforce l’État de droit et protège dès lors l’individu contre l’arbitraire étatique. La démocratie est un élément de limitation du pouvoir dès lors qu’il est admis que la création de l’État résulte de la volonté des hommes et qu’il est, de ce fait, à leur service. Dans ce cadre, l’État qui ne fait que traduire la puissance de la nation, s’en trouve par là même limité par elle. Fruit d’un consensus, il disparaît avec la disparition de ce consensus.

II. Les instruments du respect de l’État de droit La divergence des fondements sur lesquels repose l’idée de limitation du pouvoir de l’État s’efface dans tous les cas face à la conception de la forme d’action de l’État. Celle-ci est dictée sans exception par le droit selon la forme juridique requise. L’effectivité de la soumission du pouvoir politique au droit suppose ainsi préalablement une organisation de l’ordre juridique qui se caractérise par une hiérarchisation des normes. L’État agira donc au moyen du droit selon l’ordonnancement des normes juridiques retenu. Il s’agit là d’une garantie de protection contre l’arbitraire qui toutefois ne se suffit pas à elle-même. L’exigence d’une hiérarchie des normes impose d’en assurer le respect. Celui-ci suppose l’institution d’un contrôle juridictionnel dont la mission est précisément de veiller à l’absence de violation de l’ordre juridique en écartant toute transgression de la norme supérieure par la norme inférieure. La détermination du rang occupé par la norme juridique repose sur le principe du calque de la hiérarchie des normes juridiques sur celle des organes auteurs de ces normes. Cette règle issue de la philosophie politique des Lumières induit, sur le plan normatif, la conformité des règlements

de l’organe exécutif à la loi votée par le législateur laquelle doit ellemême être conforme à la Constitution. Le contrôle juridictionnel institué en vue d’assurer cet agencement des normes est dénommé contrôle de légalité. Il implique nécessairement le respect par toute règle de droit de la hiérarchie dans laquelle elle s’insère. Seule la Constitution échappe, par nature, à toute procédure de contrôle. Les principaux mécanismes de contrôle sont, en droit français, le contrôle de constitutionnalité opéré par le Conseil constitutionnel (contrôle de conformité des lois (art. C. 61) et des traités (art. C. 54) ; v. fiche n° 44) et le recours pour excès de pouvoir dirigé contre les actes administratifs et porté devant les juridictions administratives. L’exercice du contrôle juridictionnel participe à la garantie des droits, condition inhérente à la réalisation de l’État de droit et sans laquelle l’État ne peut être manifestement de droit. Il s’agit là d’une exigence essentielle qui, comme le rappelle l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, se double d’un autre impératif, l’institution de la séparation des pouvoirs en vue de l’accomplissement effectif de l’État de droit. • À retenir •

Si les fondements de l’État de droit peuvent êtres divers, ils se rejoignent tous dans l’idée de la soumission de l’action de l’État au droit. L’État de droit suppose ainsi d’organiser le droit, d’en assurer le respect et d’éviter toute concentration des pouvoirs d’État.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. La hiérarchie des normes est un élément de garantie de l’État de droit.

□ Vrai □ Faux 2. La Constitution est caractéristique de l’État de droit.

□ Vrai □ Faux

3. L’effectivité de l’État de droit nécessite la mise en place d’un contrôle juridictionnel.

□ Vrai □ Faux 4. Le contrôle de constitutionnalité suffit à la garantie de l’État de droit.

□ Vrai □ Faux 5. La séparation des pouvoirs n’est pas un élément indispensable à la garantie de l’État de droit.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Vrai. 2. Vrai. 3. Vrai. 4. Faux. Le contrôle de constitutionnalité doit être complété pour qu’aucun acte normatif, à l’exception de la norme suprême qu’est la Constitution, n’échappe à un contrôle juridictionnel. L’État de droit ne se limite pas à la protection de la Constitution. 5. Faux.

Fiche 6

La notion de Constitution I. L’objet de la Constitution II. Les caractéristiques de la Constitution • Définitions

Constitution : acte juridique édicté par le pouvoir constituant dont l’objet est de mettre en forme juridiquement le statut du pouvoir dans l’État. Les conventions de la Constitution (traduction de l’expression anglaise « constitutional conventions ») : elles constituent des règles particulières issues de la pratique constitutionnelle. Ce sont des règles non écrites qui résultent de l’interprétation politique de la Constitution. Elles sont donc à la fois coutumières (non écrites) et politiques (non juridictionnelles) et « portent sur la manière dont les pouvoirs juridiques attribués par la Constitution doivent être exercés, conformément aux principes et convictions politiques actuellement reconnus » (P. Avril, J. Gicquel, Lexique de droit constitutionnel, PUF).

I. L’objet de la Constitution La Constitution est un texte fondateur qui confère à l’État sa structure juridique et politique. L’idée de Constitution est née d’un courant de pensée, le « Constitutionnalisme », dont l’ambition première visait à limiter le pouvoir des gouvernants par le droit, plus précisément en confiant à un acte juridique spécial – la Constitution – l’attribution d’une telle mission. Souvent désignée comme « le statut de l’État », la Constitution est à la fois la règle suprême d’un État moderne en tant qu’elle est

l’expression de la souveraineté nationale et la règle fondamentale en raison du rang le plus élevé qu’elle occupe dans la hiérarchie des normes juridiques, ce que confirme la jurisprudence constitutionnelle française en situant la Constitution « au sommet de l’ordre juridique interne » (décision C.C. n° 2017-749 D.C. du 31 juillet 2017). Dans son sens le plus courant, la Constitution (ou Loi fondamentale) se définit comme un ensemble de règles juridiques qui fixent le statut du pouvoir dans l’État, en détermine l’organisation et les modalités d’exercice et de fonctionnement. Elle permet ainsi d’identifier la forme politique de l’État (par exemple démocratie ou monarchie). Par son objet général qui porte sur l’organisation de l’État, la Constitution acquiert des caractéristiques essentielles dépendantes pour certaines de la forme qu’elle revêt (Constitution écrite ou Constitution coutumière).

II. Les caractéristiques de la Constitution L’importance de cet acte juridique suprême lui confère trois caractères majeurs présents, aujourd’hui, dans la quasi-totalité des cas. Tout d’abord, la Constitution est formée de règles écrites, traduction d’une volonté humaine et expression, plus généralement, d’une nouvelle rationalité juridique fondée sur la recherche d’une plus grande certitude de la règle de droit que confère davantage le droit écrit que le droit non écrit (coutume). Le droit positif moderne réfute très largement la conception organique de la Constitution (Montesquieu, Hegel) comme reflet des mœurs politiques d’un peuple qui trouve dans la coutume constitutionnelle sa traduction juridique. La Constitution est un acte juridique impératif exprimant la volonté du souverain (Georges Burdeau) et édicté, par ce qu’il est convenu d’appeler depuis Sieyès, le pouvoir constituant (celui qui crée la Constitution). Telle est au moins la règle lorsque la création constitutionnelle résulte de l’acte constituant. Il en va autrement lorsqu’elle est le fait

de la coutume. La Constitution dite coutumière existe ici sans texte écrit et se compose d’un ensemble de règles coutumières relatives, pour un pays donné, à la dévolution et à l’exercice du pouvoir. Ces règles coutumières découlent de la répétition sans discontinuité véritable et pendant une certaine durée, de précédents qui recueillent un très large consensus. L’imprécision de la règle non écrite rend son application particulièrement délicate (incertitude quant à l’entrée en application de la règle et quant à son abandon) et explique la rareté des Constitutions coutumières au nombre desquelles figure l’exemple incontesté du cas anglais dont la Constitution, essentiellement coutumière, repose sur un certain nombre d’usages politiques auxquels s’ajoutent les conventions de la Constitution et des textes fondamentaux (Grande Charte de 1215, Pétition des droits de 1628, Habeas Corpus de 1679, Bill of rights de 1689). La tradition de la Constitution écrite à laquelle se rallie la très grande majorité des États modernes ne s’oppose pas, cependant, au développement de la coutume constitutionnelle qui peut venir compléter les dispositions écrites de la Constitution. La coutume naît, dans ce cas, du non-usage d’une disposition constitutionnelle écrite (exemple sous la IIIe République du refus des chefs d’État d’utiliser le droit de dissolution depuis la déclaration Grévy de décembre 1877) ou d’une carence du texte constitutionnel qu’elle vise alors à combler. Dans un système de Constitution écrite, la coutume a une fonction essentiellement supplétive sachant qu’elle ne peut modifier ou abroger une disposition constitutionnelle écrite même si cette dernière cessait de s’appliquer. Au mieux, elle peut s’ajouter à la Constitution écrite en cas de silence. Ensuite, la Constitution en tant que règle fondamentale dispose d’une supériorité juridique sur les autres règles de droit (traités, lois ordinaires, actes réglementaires) qui lui sont nécessairement soumises. La suprématie de l’acte constitutionnel explique la rigidité de sa procédure de révision qui participe de sa protection. Le titre XVI de la Constitution française du 4 octobre 1958, composé du

seul article 89, est consacré à la révision constitutionnelle (v. fiche n° 10). Enfin, la Constitution contient sous des formes diverses (Préambule, Déclaration…) des dispositions qui ont pour effet de définir et de protéger les droits de l’homme. Il s’agit là d’un des éléments essentiels du statut du pouvoir. Sous l’impulsion de la jurisprudence constitutionnelle (v. décision CC n° 71-44 DC du 16 juillet 1971) en vue de préserver les libertés publiques, l’exercice du contrôle de constitutionnalité ne se limite pas à l’appréciation de la conformité d’un texte (loi, traité, règlements des assemblées parlementaires) à la Constitution stricto sensu, mais à un ensemble de règles qui constituent le bloc de constitutionnalité (v. fiche n° 43) et qui comprend la Constitution du 4 octobre 1958 (ses articles et son préambule), la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui fait référence aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR) et définit les principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps. L’ensemble de ces caractéristiques permet de retenir une double signification de la Constitution selon qu’elle est définie d’un point de vue matériel ou formel : • la Constitution, au sens matériel, se définit par son contenu. De ce point de vue, la Constitution est l’ensemble des règles écrites ou coutumières qui se rapportent à l’exercice du pouvoir politique dans une société donnée, ainsi que les droits et libertés garantis aux individus ; • la Constitution, au sens formel (ou organique), s’entend des règles qui ont été édictées ou qui ne peuvent être révisées que par un organe ou selon une procédure spécifique (référendum, majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés par les parlementaires…). En principe, dans les États dotés d’une Constitution écrite, la rigidité de la Constitution repose essentiellement sur la procédure de révision, le critère formel l’emportant ainsi sur le critère matériel.

• À retenir •

La Constitution constitue le statut de l’État. Elle est la norme juridique suprême dans l’État moderne. Elle contient des dispositions relatives à l’exercice du pouvoir politique et à la garantie des droits fondamentaux.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. La Constitution occupe, dans l’État contemporain, le rang le plus élevé dans la hiérarchie des normes juridiques.

□ Vrai □ Faux 2. La loi constitutionnelle désigne une loi de révision de la Constitution.

□ Vrai □ Faux 3. La Constitution a pour objet de préserver la garantie des droits fondamentaux.

□ Vrai □ Faux 4. La rigidité de la Constitution repose sur son contenu.

□ Vrai □ Faux 5. La Constitution de 1958 fait référence au bloc de constitutionnalité.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Vrai. 2. Vrai. 3. Vrai. 4. Faux. C’est essentiellement la procédure de révision (critère formel) qui fait la rigidité de la Constitution.

5. Faux. Le bloc de constitutionnalité est une notion purement doctrinale.

Fiche 7

L’établissement de la Constitution I. L’exercice du pouvoir constituant II. Les différents modes d’établissement de la Constitution

I. L’exercice du pouvoir constituant La Constitution est l’œuvre du pouvoir constituant détenteur du pouvoir d’élaboration (pouvoir constituant originaire) ou de celui de révision (pouvoir constituant dérivé ou institué) de la Constitution. • Attention

Le pouvoir constituant désigne à la fois la compétence qui consiste en l’élaboration ou en la révision d’une Constitution (exercer le pouvoir constituant) et l’organe qui en est le détenteur (être le pouvoir constituant). Le pouvoir constituant originaire a pour objet de doter l’État d’une Constitution soit parce qu’il en est dépourvu (Sieyès), soit parce que sa Constitution est devenue totalement inapplicable (révolution, abrogation complète de la Constitution). Le pouvoir constituant peut aussi être mis en œuvre lors de la création d’un nouvel État sur un territoire donné (cas des territoires sous dépendance coloniale lorsqu’ils ont accédé à l’indépendance), lors de la réunion de plusieurs États en un seul (création d’un État fédéral [exemple : les États-Unis] ; réunion de deux États par leur fusion [traité d’unification des deux Allemagne du 31 août 1990]) ou encore lors d’un effondrement du régime politique d’un État à la suite d’une révolution ou d’une défaite militaire (exemple de la IIIe République entre 1870 et 1875 après la défaite de l’Empire de Sedan).

Une fois la Constitution établie, elle peut être modifiée en vue de s’adapter à l’évolution de la situation politique selon des mécanismes de révision qu’elle prévoit elle-même. Dans ce cas, il appartiendra au pouvoir constituant dérivé d’opérer les modifications nécessaires. Cette intervention ne remet pas en cause le régime politique, la Constitution pouvant notamment prévoir des interdictions matérielles de façon à limiter les révisions constitutionnelles. Elle peut ainsi interdire la révision de certains articles (voir pour exemple les dispositions de l’alinéa 5 de l’article C. 89 de 1958 selon lequel : « La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision. » Cette disposition s’inspire directement de l’article 2 de la loi constitutionnelle du 14 août 1884 qui marque l’établissement définitif du régime républicain contre toute tentative d’une restauration monarchique) mais aussi prévoir des interdictions temporaires pour assurer, en particulier, une plus grande stabilité de régime politique en place (voir pour exemple le titre VII de la Constitution de 1791 qui interdisait de proposer une révision de la Constitution avant deux législatures [deux fois deux ans]) ou encore des interdictions circonstancielles (v. l’alinéa 4 de l’article 89 de la Constitution de 1958 qui interdit d’engager ou de poursuivre une révision de la Constitution lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ; v. également le dernier alinéa de l’article 7 de la Constitution de 1958 qui interdit toute révision constitutionnelle durant la vacance de la présidence de la République ou durant la période qui s’écoule entre la déclaration du caractère définitif de l’empêchement du président de la République et l’élection de son successeur). La portée juridique des limites matérielles au pouvoir de révision est néanmoins essentiellement relative. Ces limites pourraient être levées par une révision qui aurait pour objet de supprimer l’interdiction posée par la disposition constitutionnelle (G. Vedel, « souveraineté et supraconstitutionnalité », Pouvoirs n° 67) (v. fiche n° 45). Le pouvoir constituant étant souverain (décision CC n° 92-312 DC du 2 septembre 1992), la loi constitutionnelle qu’il édicte échappe ainsi au contrôle de constitutionnalité (décision CC

n° 62-20 DC du 6 novembre 1962, confirmée par la décision 92313 DC du 23 septembre 1992 et la décision CC n° 2003-469 DC du 26 mars 2003), le Conseil constitutionnel n’étant qu’un pouvoir constitué. • Attention

Le pouvoir constituant dérivé (ou encore le pouvoir de révision) est souverain au même titre que le pouvoir constituant originaire fondateur du régime même s’il est soumis à des contraintes de procédure. Le pouvoir de révision est ainsi constitué par sa forme mais constituant par son objet (Th. S. Renoux, M. de Villiers, Code constitutionnel, Litec, voir le commentaire de l’article 89 de la Constitution).

II. Les différents modes d’établissement de la Constitution La procédure d’élaboration de la Constitution connaît en principe deux étapes, la phase de la rédaction et celle de la ratification qui peuvent être soit autoritaire, soit démocratique. D’une manière générale, selon l’idéologie démocratique dominante dans les États modernes, le procédé sera véritablement démocratique dès lors que le peuple souverain donnera par le suffrage universel son assentiment au texte (exemple en France de l’approbation en octobre 1946 de la future Constitution de la IVe République, cas également de l’approbation en septembre 1958 de la future Constitution de la Ve République). À l’inverse, l’établissement d’une Constitution peut passer par des procédés autoritaires qui visent à imposer la Constitution. C’est notamment le cas de l’octroi, procédé particulièrement autoritaire qui consiste pour le détenteur du pouvoir (monarque) à octroyer par sa seule volonté une Constitution à son peuple (exemple : Charte du 4 juin 1814 octroyée par Louis XVIII), ou encore du pacte, couramment utilisé dans les monarchies constitutionnelles, qui

résulte d’un accord entre une assemblée et un gouvernement pour établir la Constitution (exemple : Charte du 14 août 1830). L’aspect autoritaire ou démocratique de l’élaboration de la Constitution se retrouve dans tous les cas lors des deux phases qui jalonnent son établissement. En tant qu’acte juridique, la rédaction du contenu de la Constitution fait nécessairement l’objet d’une discussion préalable qui témoigne du caractère plus ou moins démocratique de cette première étape. Lorsque le débat politique est absent (hypothèse de l’élaboration de la Constitution dans le « secret des cabinets ») la rédaction de la Constitution est considérée comme autoritaire (Constitutions élaborées sous l’Empire par Napoléon Bonaparte et Napoléon III). Pour être démocratique, la discussion du texte par les représentants du peuple réunis en assemblée constituante chargée d’élaborer la Constitution doit être publique, permettre à l’opposition politique de s’exprimer et au peuple d’être informé de l’évolution des débats. La ratification de la Constitution peut, quant à elle, emprunter trois voies distinctes selon, là aussi, qu’elle est approuvée de manière démocratique ou autoritaire. L’hypothèse démocratique est celle de l’assentiment du texte par le peuple, auteur de la Constitution. La ratification peut également être semi-démocratique (hypothèse représentative) et être le fait de l’assemblée constituante ou encore autoritaire et résulter de l’approbation du chef de l’État (monarque ou dictateur). • Attention

L’auteur de la Constitution est celui qui ratifie le texte constitutionnel alors que le rédacteur de la Constitution est celui qui élabore le contenu du texte. Ces deux autorités ne se confondent pas dans le cadre des différents modes d’établissement des Constitutions. Une fois promulguée, la Constitution est juridiquement incontestable, sa légalité ne pouvant être remise en cause devant le juge.

• À retenir •

La Constitution est l’œuvre du pouvoir constituant. Réputé souverain, le pouvoir constituant n’en est pas moins soumis au respect de limites matérielles posées par la Constitution. L’établissement de la Constitution peut procéder d’un acte autoritaire ou démocratique.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. Le pouvoir constituant originaire est celui qui dote l’État d’une Constitution.

□ Vrai □ Faux 2. Le pouvoir constituant dérivé est le pouvoir de révision institué par la Constitution.

□ Vrai □ Faux 3. Une convention de la Constitution est une règle écrite.

□ Vrai □ Faux 4. Une Constitution peut être octroyée.

□ Vrai □ Faux 5. Il n’y a pas de place pour la coutume constitutionnelle là où la Constitution est écrite.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Vrai. 2. Vrai. 3. Faux. Une convention de Constitution est une règle non écrite issue de la pratique constitutionnelle. 4. Vrai. Il s’agit d’un procédé autoritaire d’établissement d’une Constitution

5. Faux. La coutume constitutionnelle peut compléter des dispositions écrites de la Constitution.

Fiche 8

La Constitution : instrument d’organisation du pouvoir I. L’organisation des rapports entre le peuple et les pouvoirs publics II. L’organisation des rapports entre les pouvoirs publics • Définition

Impeachment : procédure judiciaire à laquelle est associé le Congrès et qui permet le renversement de l’exécutif. Instaurant, par définition, « les organes et les procédures à partir desquels se dessine la vie publique » (S. Rials, B. Mathieu, v. Verpeaux, Textes constitutionnels de la Ve République, « Que sais-je ? », PUF, 2005), la Constitution s’attache également à organiser les rapports entre les différents pouvoirs. Au-delà de la dimension internationale ou communautaire, d’un point de vue interne, l’organisation libérale et moderne du pouvoir politique repose sur deux maîtres-mots : délégation et répartition du pouvoir qui trouvent respectivement leur fondement dans la systématisation du régime représentatif et dans le principe de la séparation des pouvoirs. Si le système représentatif traduit le mode d’exercice du pouvoir dans un régime démocratique et définit, à ce titre, les rapports entre le corps électoral et les pouvoirs publics (I), le principe de séparation des pouvoirs régule, quant à lui, principalement les rapports entre les pouvoirs publics politiques (II).

I. L’organisation des rapports entre le peuple et les pouvoirs publics A. La délégation, mode d’exercice indirect de la souveraineté du peuple S’appuyant sur une double conviction – celle selon laquelle le fonctionnement de la démocratie directe est matériellement impossible à réaliser et celle qui dénie au peuple toute capacité à décider des affaires de gouvernement – l’ancrage du système représentatif pose avec acuité la question de l’exercice de la souveraineté dans l’État. Il conduit à opérer une distinction importante entre la détention de la souveraineté et l’exercice de celle-ci. Si classiquement les Constitutions démocratiques placent la source du pouvoir politique dans le peuple, l’expression directe de ce pouvoir n’en est pas moins limitée. La démocratie étant représentative, l’exercice de la souveraineté est essentiellement délégué à des représentants élus par le peuple qui agissent de manière quotidienne en son lieu et place. La démocratie exclusivement représentative appelle, en effet, à une délégation de l’exercice de la souveraineté par le peuple qui s’épuise dans l’élection des représentants. Liés juridiquement au corps électoral par un mandat représentatif qui leur confère un pouvoir discrétionnaire et une indépendance vis-à-vis de l’électorat, ils ne sont soumis qu’à une seule sanction, celle de la non-réélection. Des formes plus achevées d’exercice de la démocratie viennent aujourd’hui compléter le seul pouvoir d’élection accordé à l’origine aux citoyens dans le cadre du système exclusivement représentatif. Elles sont, en principe, classiquement consacrées par les Constitutions démocratiques à côté des dispositions relatives au pouvoir d’élection.

B. L’exercice direct de la souveraineté du peuple La Constitution du 4 octobre 1958 adhère entièrement à cet état de droit. Elle identifie le peuple comme étant le titulaire de la

souveraineté dans l’État (art. C 3) et lui donne les moyens d’exprimer son pouvoir souverain (art. C 11 et 89). Parallèlement, elle définit son attachement au système représentatif en reconnaissant la nullité du mandat impératif (art. C 27). La combinaison de ces deux éléments aboutit à un régime de démocratie semi-directe dans lequel le peuple dispose du pouvoir de suffrage, manifestation de son pouvoir souverain, qui se décline en un double pouvoir de désignation de ses représentants et de ratification des actes juridiques. C’est ce qu’exprime avec force l’article 3 de la Constitution de 1958 dans son alinéa 1er : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » La voie du suffrage étant la voie d’intervention du peuple (constitué en corps électoral) dans l’action politique, l’acte constitutionnel réserve traditionnellement des dispositions relatives au caractère du suffrage, aux titulaires du droit de vote (exemple : article 3 de la Constitution de 1958) mais aussi aux cas d’exercice du droit de votation (référendum de révision constitutionnelle, ex. : article 89 de la Constitution de 1958 ; référendum législatif, ex. : article 11 de la Constitution de 1958), ce qu’atteste le glissement progressif du régime exclusivement représentatif dans lequel le peuple n’a que le droit d’élire des représentants juridiquement indépendants de lui car investis d’un mandat représentatif (et non impératif) (v. pour exemple article 27 de la Constitution de 1958) vers une démocratie semidirecte dans laquelle la confiscation du pouvoir par les représentants élus du peuple, telle qu’initiée à l’origine par le système représentatif, cède la place à une collaboration entre citoyens et représentants selon des techniques diverses telles que le droit de ratification d’un acte juridique (référendum), le droit d’initiative partagée (ex. : France (v. fiche n° 39) Suisse, Italie, Espagne), le droit de veto populaire (exemple : en Italie, le peuple peut abroger une loi) ou encore le droit de révocation en dehors des consultations électorales (exemple : États-Unis [recall], Suisse). La démocratie d’adhésion s’efface ainsi devant la démocratie de participation.

II. L’organisation des rapports entre les pouvoirs publics A. Le principe de la séparation des pouvoirs La structuration des relations entre les pouvoirs publics politiques (les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire) repose essentiellement sur le principe de la séparation des pouvoirs pensé sous la plume de Montesquieu (Esprit des lois, 1748) comme un gage de protection de la liberté dès lors qu’il aboutit à une distribution du pouvoir entre plusieurs organes. Il s’agit d’éviter toute concentration du pouvoir entre les mains d’un seul à l’image de l’absolutisme monarchique, du parlementarisme tout puissant ou encore du parti unique dominant. Les trois pouvoirs politiques majeurs doivent être répartis entre trois autorités différentes, même si sur la scène politique et selon la conception de Montesquieu, les pouvoirs législatif et exécutif disposent d’une place privilégiée (« des trois puissances dont nous avons parlé, celle de juger est, en quelque façon, nulle ») qui leur octroi la faculté de statuer et celle de s’empêcher mutuellement. À cet égard, la théorie de la séparation des pouvoirs a fait l’objet de diverses interprétations selon que la séparation des pouvoirs a été entendue de manière rigide en cantonnant chaque pouvoir dans une fonction déterminée, ou au contraire, de manière souple, en organisant une collaboration entre eux. Au-delà de ces interprétations une certitude demeure : la séparation des pouvoirs permet l’équilibre des pouvoirs sur la base duquel s’ordonnent les rapports internes aux pouvoirs publics politiques selon une double forme qu’illustrent les modèles de régimes politiques de référence, le régime parlementaire et le régime présidentiel.

B. L’application du principe de la séparation des pouvoirs 1. Le régime parlementaire (ou le gouvernement de cabinet) Le régime parlementaire est classiquement mais aussi maladroitement caractérisé par une séparation souple des pouvoirs

en raison de la collaboration qu’il institue entre les pouvoirs publics (v. pour exemple, le fonctionnement de la procédure législative). En outre, il s’agit d’un régime dans lequel le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ont la faculté réciproque de mettre fin à leur existence juridique. Né en Angleterre entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle pour s’imposer progressivement en Europe continentale (en France de manière définitive sous la monarchie de Juillet [1830-1848]), ce régime se compose traditionnellement d’un exécutif bicéphale (chef de l’État et gouvernement) et d’un Parlement bicaméral (division du Parlement en deux chambres). Néanmoins, le régime parlementaire repose avant tout sur une collaboration entre le gouvernement et la majorité parlementaire qui se dégage de la chambre basse du Parlement de laquelle il tient la confiance politique nécessaire pour gouverner. Il en résulte une responsabilité politique du gouvernement à l’égard des députés qui se trouve engagée à la suite d’un vote de défiance ou de l’adoption d’une motion de censure (v. pour exemple l’article 49 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; v. fiche n° 29) et dont la sanction est la démission du gouvernement (v. article 50 de la Constitution du 4 octobre 1958). Cette règle connaît en régime parlementaire son revers : le droit de dissolution qui permet au pouvoir exécutif (au gouvernement ou au président de la République [ex. : art. C 12]) de contrebalancer le pouvoir des parlementaires – en l’occurrence des députés – en les renvoyant devant l’électorat. Ce « droit de révocation mutuel » (J. Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien, 16e éd., p. 118) qui fait la particularité du régime parlementaire, est la conséquence directe d’une conception modérée de la séparation des pouvoirs qui privilégie la collaboration entre ces derniers. 2. Le régime présidentiel Le régime présidentiel, propre aux États-Unis, se distingue par une indépendance juridique des pouvoirs à laquelle se rattache la vision – trop hâtive – d’une séparation stricte des pouvoirs. Le cantonnement fonctionnel des organes politiques qui se composent d’un exécutif monocéphale – le chef de l’État – concentrant entre

ses mains l’ensemble des attributions présidentielles et gouvernementales et d’un Parlement en principe bicaméral (Le Congrès) disposant du pouvoir législatif et du pouvoir budgétaire, favorise immanquablement cette perception de l’organisation du pouvoir confortée, par ailleurs, par l’inexistence d’un système de poids et de contrepoids, en l’absence du principe de la responsabilité politique et de sa contrepartie naturelle, le droit de dissolution. En l’occurrence, le cloisonnement des organes dans leur domaine de compétences synonyme, dès l’origine du régime présidentiel, de garantie de liberté n’y est pas aussi rigide comme en témoignent la participation du président à la fonction législative à travers l’exercice de son droit de veto et celle du Parlement à la fois à la fonction exécutive par la nomination de certains hauts fonctionnaires et par la ratification des traités (compétence réservée au Sénat) et à la fonction juridictionnelle dans le cadre de la procédure d’impeachment. D’une manière générale, l’équilibre des pouvoirs que suggère le principe de la séparation des pouvoirs est, dans le régime présidentiel, particulièrement mouvant entre le Congrès et le président en raison de l’impossibilité institutionnelle pour ce dernier de pouvoir compter sur le soutien d’une majorité parlementaire. • À retenir •

La régulation des pouvoirs à laquelle procède la Constitution repose sur deux procédés essentiels d’organisation du pouvoir, la délégation et la répartition du pouvoir qui s’appuient respectivement sur le système représentatif et sur le principe de la séparation des pouvoirs.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. La séparation des pouvoirs induit une distribution des pouvoirs.

□ Vrai □ Faux

2. La non-réélection est une sanction juridique.

□ Vrai □ Faux 3. Le mandat impératif est reconnu par la Constitution de 1958.

□ Vrai □ Faux 4. L’intervention politique du peuple passe par la voie du suffrage.

□ Vrai □ Faux 5. La séparation des pouvoirs impose une collaboration des pouvoirs.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Vrai. 2. Faux. Il s’agit d’une sanction politique. 3. Faux. La Constitution exprime la nullité du mandat impératif. 4. Vrai. 5. Vrai.

Fiche 9

La Constitution : instrument de limitation du pouvoir I. La séparation des pouvoirs II. La garantie des droits fondamentaux La Constitution n’est plus ici appréhendée dans son sens simplement organisationnel comme outil de régulation interne des pouvoirs mais dans une dimension plus large qui correspond à sa fonction politique, définie par le théoricien et constitutionnaliste autrichien Hans Kelsen, comme celle de « poser des limites juridiques à la limitation du pouvoir ». L’identification de ces limites juridiques est clairement mise en évidence par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en ces termes : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. » Il s’agit la d’une double exigence à laquelle doit nécessairement répondre la norme constitutionnelle afin de garantir la limitation du pouvoir : non seulement elle doit rendre effective la séparation des pouvoirs constitués (I) mais permettre aussi la protection des droits et libertés fondamentaux (II).

I. La séparation des pouvoirs La concentration du pouvoir favorise l’abus de pouvoir. Cet écueil ne peut être écarté qu’en structurant le pouvoir sur le fondement du principe de la séparation des pouvoirs envisagé selon un double point de vue, dans sa régulation des rapports entre les pouvoirs

constitués et dans celle intéressant le pouvoir constituant et les pouvoirs constitués. Au sens strict, le principe de la séparation des pouvoirs induit une distribution des fonctions de l’État. Les fonctions législative, exécutive et judiciaire sont réparties de telle sorte qu’aucun pouvoir constitué ne peut cumuler deux (ou plus de deux) fonctions. La protection de la liberté exige une telle séparation des pouvoirs, qui s’apparente davantage à une division des pouvoirs en tant qu’elle n’exclut ni la collaboration ni la confrontation entre les différents pouvoirs. La Constitution du 4 octobre 1958 repose sur ce principe que la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 consacre comme l’un de ses piliers fondateurs : « Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés de façon que le gouvernement et le Parlement assument chacun pour sa part et sous sa responsabilité la plénitude de ses attributions. » Ainsi affirmé, le principe de la séparation des pouvoirs reçoit application par la Constitution en ce qu’elle pose le principe de l’indépendance de l’autorité judiciaire (art. C 64) ou définit les rapports entre les pouvoirs exécutif et législatif tout en instaurant un dispositif apte à assurer le respect de la séparation entre ces deux pouvoirs. Le contrôle de la répartition des compétences normatives entre les pouvoirs exécutif et législatif exercé par le Conseil constitutionnel participe largement à la garantie de l’effectivité de la séparation des pouvoirs constitués (art. C 34 et 37) que le juge constitutionnel préserve tant dans son principe à travers la protection de l’exécutif contre les empiétements du Parlement que dans ses implications immédiates (v. fiche n° 35). À titre d’exemples, sont consacrés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel comme conséquence du principe de la séparation des pouvoirs, le principe constitutionnel de l’indépendance des magistrats (v. pour exemple, décision CC n° 93-336 DC, 27 janvier 1994) et celui des juridictions (v. pour la consécration de l’indépendance des juridictions administratives qui constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République, décision CC n° 80-119 DC, 22 juillet 1980, Rec. Cons. Const., p. 46) dont le

caractère spécifique des fonctions s’oppose à toute immixtion du législateur et du gouvernement, ces derniers ne pouvant « censurer les décisions des juridictions, adresser à celles-ci des injonctions et se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence » (v. décision CC n° 80-119 DC, précit. considérant n° 6). Si la Constitution joue pleinement son rôle de répartiteur de compétences en adéquation avec les exigences du principe de la séparation des pouvoirs, elle ne peut remplir entièrement sa fonction limitatrice de pouvoir qu’en garantissant, comme l’impose l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, une protection des droits fondamentaux des individus.

II. La garantie des droits fondamentaux La Constitution a pour objet essentiel la préservation des droits de l’homme (droits fondamentaux ou civils) et du citoyen (droits politiques ou civiques). Elle vise essentiellement à attribuer aux individus des droits opposables à l’État dont la violation encourt la sanction. À ce titre, la garantie des droits fondamentaux s’apparente à une limitation du pouvoir de l’État mais dont la condition de réalisation dépend, avant tout, d’une évolution de la conception même de la Constitution qui « ne s’intéresse plus seulement aux rapports entre les organes de l’État, mais aussi aux rapports entre l’État et les citoyens, en assurant leur protection » (B. Mathieu, La Loi, p. 33, Dalloz 2004, 2de éd.). Encore faut-il que la Constitution contienne des dispositions relatives aux droits fondamentaux et que le mécanisme de contrôle de leur respect soit efficient. C’est par la conjonction de deux éléments se rapportant tous deux à l’exercice du contrôle de constitutionnalité que ces exigences ont été remplies. Ils résultent pour l’un de l’intervention du juge constitutionnel et pour l’autre de celle du pouvoir constituant. La décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, par laquelle le Conseil constitutionnel reconnaît la valeur constitutionnelle du Préambule de la Constitution de 1958 et celle des textes fondamentaux relatifs aux

droits et libertés auxquels il fait référence – formant ce qu’il est désormais convenu d’appeler le bloc de constitutionnalité (expression du doyen Louis Favoreu) –, est ici déterminante en raison de l’impact qu’elle produit sur la conception même de la Constitution. Celle-ci, entendue au sens large – c’est-à-dire comme l’ensemble des normes incluses dans le bloc de constitutionnalité –, contient désormais des dispositions relatives aux droits fondamentaux qui, combinées à l’exercice d’un contrôle de constitutionnalité des lois rendu plus efficace par la volonté du pouvoir constituant d’étendre les conditions de saisine du juge constitutionnel à l’opposition parlementaire par une révision constitutionnelle en 1974, en fait un véritable instrument juridique de limitation des excès de pouvoir et donc de garantie des droits et libertés individuels. La Constitution dispose des moyens de sa mission qu’elle exerce, le cas échéant, à l’encontre d’un législateur irrespectueux des droits garantis auquel s’impose le nouvel ordre juridique fondé sur la supériorité de la norme constitutionnelle selon la formule consacrée par la jurisprudence constitutionnelle : « la loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution » (décision CC n° 85-197 DC du 23 août 1985, considérant n° 27). La réalité d’un contrôle de constitutionnalité autorise la réalisation de cette formule entendue comme l’expression d’une protection des droits contre les abus du législateur (la loi ne doit pas porter atteinte aux droits et libertés fondamentaux) mais aussi, plus généralement, comme une manifestation de l’application du principe de la séparation des pouvoirs (la loi ne doit pas déborder de son domaine de compétence défini par la Constitution) principe constitutionnel intimement lié à la garantie des droits selon la rédaction même de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. • À retenir •

La Constitution se présente comme un instrument de limitation du pouvoir dès lors qu’elle garantit l’effectivité de la séparation des

pouvoirs et celle de la protection des droits et libertés fondamentaux. Il s’agit de deux conditions essentielles rappelées par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. La séparation des pouvoirs s’apparente à une division des pouvoirs.

□ Vrai □ Faux 2. La séparation des pouvoirs exige une distribution des fonctions de l’État.

□ Vrai □ Faux 3. L’ordre juridique est fondé sur la supériorité de la loi.

□ Vrai □ Faux 4. La Constitution de 1958 ne prévoit aucun dispositif garantissant le respect de la séparation entre les fonctions exécutives et législatives.

□ Vrai □ Faux 5. Le contrôle de constitutionnalité est un instrument juridique de limitation des excès de pouvoir.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Vrai. 2. Vrai. 3. Faux. L’ordre juridique est fondé sur la supériorité de la Constitution. 4. Faux. Voir le contrôle de la répartition des compétences normatives entre les pouvoirs exécutif et législatif exercé par le Conseil constitutionnel sur le fondement des articles C 37 alinéa 2 et C 41.

5. Vrai.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTION DE COURS Comment garantir dans une Constitution écrite le respect des libertés et droits fondamentaux ?

CORRIGÉ Trois moyens essentiellement permettent de parvenir à cet objectif : – Inscrire dans le Préambule de la Constitution ou dans la Constitution elle-même, l’ensemble des droits fondamentaux à garantir. Une inscription dans le Préambule auquel il est reconnu une même valeur constitutionnelle qu’à la Constitution elle-même, confère un certain symbolisme par la place occupée par ces droits en en-tête de la Constitution. Ces droits peuvent être listés auquel cas la clarté de l’énumération participe à une sécurité juridique renforcée. – Instituer un organe spécifique (telle une juridiction constitutionnelle) habilité à imposer le respect de ces libertés et droits fondamentaux. – Instituer des limites à la révision de la Constitution en faisant échapper certaines normes (en l’occurrence celles énonçant les droits fondamentaux garantis) à toute possibilité de révision constitutionnelle. C’est alors reconnaître à ces normes une valeur supraconstitutionnelle (v. fiche n° 45). Cependant, ces limites matérielles demeurent contournables par un procédé en deux temps qui vise à supprimer, tout d’abord, l’interdiction d’une révision de la Constitution par une révision constitutionnelle pour instituer ensuite la nouvelle disposition constitutionnelle. La limite la plus rigide est sans nul doute celle de la procédure de révision de la Constitution.

Fiche 10

La procédure de révision de l’article 89 de la Constitution I. Les modalités de mise en œuvre d’une révision de la Constitution II. Les limites de la révision • Définition

Congrès : organe de révision de la Constitution. Le Congrès désigne la réunion dans une même salle et au château de Versailles – lieu qui ajoute à la symbolique et à la solennité de l’acte de révision – de l’ensemble des députés et des sénateurs en vue de procéder à l’approbation d’une révision constitutionnelle. Le bureau du Congrès est celui de l’Assemblée nationale. Relevant de la catégorie des Constitutions rigides, la Constitution du 4 octobre 1958 connaît une procédure de révision exigeante et complexe expliquée parfaitement par la qualité de l’acte à modifier. Parce qu’elle renferme les principes fondateurs de l’État et les valeurs communes autour desquels s’organise une société, la Constitution rigide impose une procédure de révision particulière. Ici, la loi constitutionnelle se distingue de la loi ordinaire contrairement à la Constitution dite souple (ex. : chartes de 1814 et de 1830, Constitution anglaise) dont la révision n’est soumise à aucune procédure spécifique et s’opère selon les modalités prévues pour l’adoption des lois ordinaires. À l’inverse, là ou la Constitution est rigide, l’importance de l’acte constitutionnel se traduit par la solennité de sa révision. La rigidité est alors, avant tout, celle de la procédure de révision, caractéristique à laquelle se conforme en toute logique la Constitution du 4 octobre 1958 qui réserve un titre spécial à la

révision constitutionnelle – le titre XVI – et un article unique, l’article 89.

I. Les modalités de mise en œuvre d’une révision de la Constitution La procédure de révision définie à l’article 89 de la Constitution prévoit trois phases distinctes (v. alinéas 1, 2 et 3 de l’article C 89) et exige pour l’aboutissement d’une révision qu’un consensus soit réalisé tant au sein de l’exécutif qu’au sein du législatif, mais aussi entre l’exécutif et le législatif. • L’initiative de la révision appartient concurremment au président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement (alinéa 1er de l’article C 89). L’initiative est ainsi partagée entre les parlementaires et le président de la République. Plus précisément, pour ce dernier, la mise en œuvre de son pouvoir d’initiative est conditionnée par une proposition initiale du Premier ministre qui prend la forme d’un décret contresigné (art. C 19) désignant à la fois l’assemblée parlementaire devant laquelle le projet est déposé et le ministre chargé de le défendre (P. Avril et J. Gicquel, Droit parlementaire, p. 188). Dans cette hypothèse, l’accord du président de la République et du Premier ministre est donc indispensable pour engager une procédure de révision. Il paraît symbolique lorsque l’un et l’autre appartiennent à la même famille politique. Il en va différemment en cas de cohabitation. • Attention

On parle de projet de loi constitutionnelle (ou projet de révision constitutionnelle) lorsque l’initiative émane de l’exécutif. On parle de proposition de loi constitutionnelle (ou proposition de révision constitutionnelle) lorsque l’initiative émane des parlementaires.

• L’adoption de la révision. Le projet ou la proposition de révision fait l’objet d’un examen devant chaque assemblée parlementaire selon le procédé de la navette parlementaire. Le texte doit être voté par les deux assemblées « en termes identiques » (alinéa 2 de l’article C 89). Cette précision importante empêche de faire usage de procédures particulières telle que l’habilitation de l’article 38 de la Constitution (possibilité pour le gouvernement d’agir sous certaines conditions par voie d’ordonnances ; v. fiche n° 41) ou l’engagement de responsabilité de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. En matière de révision, le pouvoir des deux assemblées parlementaires étant égal, l’exigence du vote en termes identiques interdit la réunion d’une commission mixte paritaire pour tenter d’adopter un texte commun (art. C 45 al. 2) ou encore de demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sur le texte (art. C 45 al. 4). Chaque assemblée dispose d’un droit de veto lui permettant de bloquer la révision, un droit d’opposition auquel le Sénat a déjà eu recours en ce qui concerne le projet de réforme portant sur l’extension du champ du référendum de l’article 11 de la Constitution (1984) et relatif à l’élargissement aux personnes du droit de saisine du Conseil constitutionnel (1990, 1993). • L’approbation (ou ratification) de la révision. L’article 89 de la Constitution définit deux procédures distinctes d’approbation (al. 2 et 3) : une procédure de droit commun d’approbation des révisions, le référendum (v. alinéa 2 de l’article C 89) et une procédure facultative d’approbation applicable aux seuls projets de révision, le Congrès (v. alinéa 3 de l’article C 89). Le principe que pose l’alinéa 2 de l’article 89 de la Constitution est celui de l’approbation définitive de la révision par référendum. La procédure s’applique indistinctement aux projets et aux propositions de révision, mais elle est aussi la seule procédure d’approbation des propositions de révision.

À ce jour, la révision constitutionnelle du 2 octobre 2000 qui réduit à cinq ans la durée du mandat du président de la République (v. loi constitutionnelle n° 2000-964, 2 octobre 2000, JO, 3 octobre 2000, p. 15582), est la seule révision de la Constitution ayant donné lieu à une approbation par référendum constituant (référendum du 28 septembre 2000) en application de l’article 89 de la Constitution. Pour les seuls projets de révision, le président de la République dispose, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 89 de la Constitution, d’une alternative quant à l’approbation de la révision qui peut indifféremment emprunter la voie du référendum ou celle du Congrès. Ces deux procédures sont exclusives l’une et l’autre : l’échec d’un premier mode d’approbation interdit de recourir au second (il n’est toutefois pas interdit de reprendre la procédure de révision depuis le départ). Le président de la République qui décide par décret contresigné de la procédure d’approbation est, en principe, libre dans le choix que lui offre l’article 89 de la Constitution même si les travaux préparatoires du texte constitutionnel réservaient à l’origine au Congrès les questions de moindre importance. La pratique est venue largement démentir ces propos. Lorsqu’il est fait appel au Congrès, celui-ci approuve le texte précédemment adopté par les deux assemblées parlementaires en termes identiques. L’acte d’approbation de la révision doit ici être distingué de l’acte d’adoption qui suppose un vote préalable par les deux assemblées qui siègent séparément (phase 2). Le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Compte tenu de la difficulté de réunir la majorité exigée, le résultat des votes d’adoption de chaque assemblée parlementaire sera ici un indicateur essentiel quant à la possibilité d’obtenir ou non la majorité requise. Il peut même conditionner la poursuite de la procédure de révision. À ce jour, deux projets de révision ont été abandonnés en cours de procédure après l’adoption par les deux assemblées parlementaires. Il en est ainsi du projet de réduction à cinq ans de la durée du mandat du président de la République adopté le 18 octobre 1973 que le président Pompidou n’a pas voulu soumettre à approbation faute de pouvoir

réunir la majorité des 3/5 des suffrages exprimés et du projet de révision rendant temporaire la suppléance de parlementaires (art. C 25), adopté le 17 octobre 1974, que le président Giscard d’Estaing n’a pas inscrit à l’ordre du jour du Congrès convoqué pour approuver le projet d’extension de la saisine du Conseil constitutionnel à soixante députés ou à soixante sénateurs. Ce coup d’arrêt à la procédure de révision serait particulièrement contestable dans le cas d’une proposition de révision constitutionnelle adoptée par les deux assemblées parlementaires qui se heurterait à un refus présidentiel d’organiser le référendum nécessaire à son approbation. • Précision

Parmi les dix-sept révisions constitutionnelles opérées selon la procédure de l’article 89 de la Constitution, seize ont été approuvées par le Congrès, une seule a été soumise à référendum (loi constitutionnelle n° 2000-964 du 2 octobre 2000, réduction à cinq ans de la durée du mandat présidentiel ; v. fiche n° 11).

II. Les limites de la révision L’exercice du pouvoir de révision s’inscrit dans le respect des dispositions de la Constitution. C’est donc sous réserve des limites posées par le texte constitutionnel que le pouvoir constituant est souverain. Celles-ci relèvent de deux catégories différentes. La première est justifiée par les circonstances selon trois hypothèses distinctes. Il est ainsi interdit d’engager ou de poursuivre une procédure de révision lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire (art. C 89 al. 4), en cas de vacance ou d’empêchement définitif de la présidence de la République (art. C 7 dernier alinéa) ou, selon une solution dégagée par la jurisprudence constitutionnelle (décision CC n° 92-312 DC, 2 septembre 1992), en cas de mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels de l’article 16 de la Constitution

dans l’hypothèse d’une crise grave menaçant les institutions de la République. La seconde catégorie de limites est d’ordre matériel et relève de la seule hypothèse définie à l’article 89 alinéa 5 de la Constitution en ces termes : « La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision. » La formule peut être entendue de manière plus ou moins restrictive selon qu’elle interdirait la seule restauration de la monarchie ou de l’Empire ou, plus largement, qu’elle soustrairait à toute révision constitutionnelle l’ensemble des principes et des valeurs qui donnent à un régime sa forme républicaine (laïcité, égalité, liberté, fraternité [art. C 2]), ce qui limiterait considérablement le pouvoir du constituant avec toutefois une réserve importante quant à la portée juridique d’une limite matérielle : la possibilité de la supprimer par une révision répondant à cet objet. L’appréciation du respect par le pouvoir constituant de l’ensemble des limites ainsi posées échappe cependant à toute sanction juridictionnelle, le Conseil constitutionnel se déclarant, en effet incompétent pour contrôler la constitutionnalité d’une loi constitutionnelle (décision CC n° 2003-469 DC, 26 mars 2003). • À retenir •

L’article 89 de la Constitution de 1958 définit la procédure de révision de la Constitution. L’exigence et la complexité de la procédure de révision sont directement liées à la qualité particulière de l’acte à réviser : la Constitution, norme juridique suprême.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. L’approbation d’une révision constitutionnelle peut emprunter la voie réfé-rendaire

□ Vrai □ Faux 2. L’adoption de la révision précède l’approbation de la révision

□ Vrai □ Faux 3. Le Congrès est un organe de révision

□ Vrai □ Faux 4. L’article 49 alinéa 3 de la Constitution peut être appliqué à la procédure d’adoption de la révision

□ Vrai □ Faux 5. En matière de révision constitutionnelle, le Sénat dispose d’un droit de veto comparable à celui de l’Assemblée nationale

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Vrai. Il s’agit du référendum constituant de l’article 89 de la Constitution. 2. Vrai. 3. Vrai. 4. Faux. L’exigence d’un vote en termes identiques interdit le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. 5. Vrai.

Fiche 11

Les révisions de la Constitution du 4 octobre 1958 I. Les révisions constitutionnelles réalisées en application de l’article 89 de la Constitution II. Les révisions constitutionnelles réalisées selon d’autres procédures que celle de l’article 89 de la Constitution III. Les révisions constitutionnelles rejetées Texte fondateur de la Ve République, adopté par référendum le 28 septembre 1958 et promulgué le 4 octobre 1958, la Constitution française a été modifiée à ce jour à vingt-quatre reprises. Vingt-deux révisions ont suivi la procédure de droit commun telle qu’elle est définie à l’article 89 de la Constitution et ont eu pour origine un projet de loi constitutionnelle ; une a été réalisée selon la procédure dérogatoire de révision de l’article 85 de la Constitution (désormais abrogé par la révision constitutionnelle du 4 août 1995) et une autre a emprunté la voie juridiquement contestable du référendum de l’article 11 de la Constitution.

I. Les révisions constitutionnelles réalisées en application de l’article 89 de la Constitution 1. La loi constitutionnelle n° 63-1327 du 30 décembre 1963 (JO, 31 décembre 1963, p. 11892) portant modification des dispositions de l’article 28 de la Constitution : – révise l’article 28 de la Constitution qui modifie les dates d’ouverture et de clôture de la seconde session ordinaire du Parlement ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 20 décembre 1963 ;

– la loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995 (v. infra) a modifié la rédaction de l’article 28 de la Constitution issue de la révision de 1963. 2. La loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974 (JO, 30 octobre 1974, p. 11035) portant révision de l’article 61 de la Constitution : – révise le second alinéa de l’article 61 de la Constitution pour permettre à soixante députés ou soixante sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel afin qu’il se prononce sur la conformité à la Constitution d’une loi ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 21 octobre 1974. 3. La loi constitutionnelle n° 76-527 du 18 juin 1976 (JO, 19 juin 1976, p. 3675) modifiant l’article 7 de la Constitution : – révise l’article 7 de la Constitution pour donner au Conseil constitutionnel les moyens d’agir en cas d’empêchement ou de décès d’un candidat à l’élection présidentielle. La révision a consisté à insérer cinq nouveaux alinéas entre les alinéas 5 et 6 de l’article 7 de la Constitution déjà modifié par la loi n° 621292 du 6 novembre 1962 ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 14 juin 1976. 4. La loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 (JO, 26 juin 1992, p. 8406) ajoutant à la Constitution un titre : « Des Communautés européennes et de l’Union européenne » : – à titre principal, la révision insère dans la Constitution un nouveau titre XIV consacré aux Communautés européennes et à l’Union européenne, composé des articles 88-1 à 88-4 de la Constitution (le titre XIV et le titre XV de la Constitution deviennent ainsi respectivement le titre XV et le titre XVI). Ce nouveau titre autorise les transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’Union économique et monétaire européenne ainsi qu’à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures des États membres de la Communauté européenne (art. C 88-2), ouvre le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux seuls citoyens de l’Union résidant en France, met en place une

procédure qui permet aux assemblées parlementaires de voter des résolutions sur les propositions d’actes communautaires de nature législative qui doivent leur être transmises par le gouvernement dès leur transmission au Conseil des communautés. En outre la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 : – révise l’article 2 de la Constitution : insère après le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution un nouvel alinéa 2 par lequel il est reconnu que « la langue de la République est le français » ; – révise l’article 54 de la Constitution qui autorise désormais soixante députés ou soixante sénateurs à saisir le Conseil constitutionnel de la conformité à la Constitution d’un engagement international avant sa ratification. Jusque-là les parlementaires intervenaient sur le fondement de l’article 61 alinéa 2 de la Constitution en utilisant le texte de la loi autorisant la ratification d’un engagement international comme support de leur saisine ; – révise l’article 74 de la Constitution qui attribue à la loi organique le soin de fixer les statuts des territoires d’outre-mer. L’article 74 a été modifié par la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 23 juin 1992. 5. La loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993 (JO, 28 juillet 1993, p. 10 600) portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VIII, IX, X et XVI : – à titre principal, la révision modifie la composition et les pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature et institue une Cour de justice de la République devant laquelle peuvent être poursuivis les ministres pour les crimes ou délits accomplis dans l’exercice de leurs fonctions ; – révise l’article 65 de la Constitution en remplaçant les alinéas 2 à 4 de l’article 65 de la Constitution par 8 alinéas nouveaux (modification du titre XIII de la Constitution) ;

– abroge le second alinéa de l’article 68 de la Constitution qui est remplacé par un nouveau titre X intitulé : « De la responsabilité pénale des membres du gouvernement » composé des articles 68-1 et 68-2 de la Constitution. Avec l’institution du nouveau titre X, le titre IX de la Constitution consacré à la Haute Cour de justice est modifié et les titres X à XVI de la Constitution deviennent respectivement les titres XI à XVII de la Constitution ; – introduit dans le titre XVI de la Constitution consacré aux « Dispositions transitoires », un nouvel article 93 relatif à l’entrée en vigueur de l’article 65 et du titre X de la Constitution. L’article 93 de la Constitution a été abrogé par la loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995 ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 19 juillet 1993. 6. La loi constitutionnelle n° 93-1256 du 25 novembre 1993 relative aux accords internationaux en matière de droit d’asile (JO, 26 novembre 1993, p. 16296) : – ajoute dans le titre VI de la Constitution, un nouvel article 53-1 qui permet de conclure avec les États européens des accords sur l’examen des demandes d’asile ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 19 novembre 1993. 7. La loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995 portant extension du champ d’application du référendum, instituant une session parlementaire unique, modifiant le régime de l’inviolabilité parlementaire et abrogeant les dispositions relatives à la Communauté et les dispositions transitoires (JO, 5 août 1995, p. 11744) : – modifie les articles 1er, 2, 5, 11, 12, 26, 28, 48, 49, 51, 70 et 88 de la Constitution ; – introduit un nouvel article 68-3 ; – abroge les titres XIII et XVII relatifs respectivement à la Communauté et aux dispositions transitoires qui étaient devenues caducs ; – à titre principal, la loi constitutionnelle élargit le champ d’application du référendum aux réformes relatives à la

politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent (art. C 11) : • substitue aux deux sessions parlementaires annuelles de trois mois une session unique de neuf mois (art. C 28.) ; • réserve une séance par mois à un ordre du jour fixé par chaque assemblée (art. C 48) ; • modifie le régime de l’inviolabilité parlementaire pour permettre que des poursuites soient engagées contre un parlementaire pendant la durée des sessions sans autorisation préalable de l’assemblée concernée. L’arrestation ou une mesure privative ou restrictive de liberté au titre du contrôle judiciaire ne peut intervenir qu’avec l’autorisation du bureau de l’assemblée, cette autorisation n’est cependant pas requise en cas de crime ou de délit flagrant ou de condamnation définitive (art. C 26). – révision approuvée par le Congrès réuni le 31 juillet 1995. 8. La loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 instituant les lois de financement de la Sécurité sociale (JO, 23 février 1996, p. 2911) : – révise les articles 34 et 39 de la Constitution ; – insère un nouvel article 47-1 dans la Constitution qui prévoit un vote annuel par les assemblées parlementaires d’un projet de loi de financement de la Sécurité sociale ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 19 février 1996. 9. La loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 (JO, 21 juillet 1998, p. 11143) relative à la Nouvelle-Calédonie : – rétablit le titre XIII de la Constitution intitulé « Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie » ainsi que les articles 76 et 77 de la Constitution afin de permettre la mise en œuvre de l’accord de Nouméa relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 6 juillet 1998. 10. La loi constitutionnelle n° 99-49 du 25 janvier 1999 modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution (JO, 26 janvier 1999, p. 1343) :

– révision constitutionnelle nécessaire en vue de la rectification du traité d’Amsterdam autorisant des transferts de compétences dans le domaine de la libre circulation des personnes ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 18 janvier 1999. 11. La loi constitutionnelle n° 99-568 du 8 juillet 1999 insérant au titre VI de la Constitution, un article 53-2 et relative à la Cour pénale internationale (JO, 9 juillet 1999, p. 10175) : – la République reconnaît la juridiction de la Cour pénale internationale ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 28 juin 1999. 12. La loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes (JO, 9 juillet 1999, p. 10175) : – complète les articles 3 et 4 de la Constitution en vue de permettre au législateur de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 28 juin 1999. 13. La loi constitutionnelle n° 2000-964 du 2 octobre 2000 relative à la durée du mandat du président de la République (JO, 3 octobre 2000, p. 15582) : – modifie l’article 6 de la Constitution en vue de réduire de sept ans à cinq ans la durée du mandat du président de la République ; – révision soumise au référendum, approuvée le 24 septembre 2000. 14. La loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003 relative au mandat d’arrêt européen (JO, 26 mars 2003, p. 5344) : – complète l’article 88-2 de la Constitution ; – révision nécessaire en vue de la transposition de la décisioncadre relative au mandat d’arrêt européen ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 17 mars 2003. 15. La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République (JO, 29 mars 2003, p. 5568) :

– modifie les articles 1er, 7, 13, 34, 39, 60, 72, 73, 74 de la Constitution ; – insère les articles 37-1, 72-1, 72-2, 72-3, 72-4, 74-1 dans la Constitution ; – à titre principal, la loi constitutionnelle modifie le cadre constitutionnel de l’action des collectivités territoriales en métropole et outre-mer (Rapport Sénat n° 24, 16 octobre 2002, J.-P. Raffarin et D. Perben) ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 17 mars 2003. 16. La loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution (JO, 2 mars 2005, p. 3696) : – modifie les articles 88-1 et 60 de la Constitution ; – insère un nouvel article 88-5 dans la Constitution ; – introduit une nouvelle rédaction du titre XV de la Constitution pour tenir compte de l’entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l’Europe ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 28 février 2005. 17. La loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement (JO, 2 mars 2005, p. 3697) : – complète le premier alinéa du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et l’article 34 de la Constitution ; – à titre principal, le préambule de la Constitution est complété par une référence solennelle à la Charte de l’environnement édictée par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 28 février 2005. 18. La loi constitutionnelle n° 2007-237 du 23 février 2007 modifiant l’article 77 de la Constitution (JO, 24 février 2007, p. 3354) : – complète l’article 77 de la Constitution en donnant une définition du corps électoral en Nouvelle-Calédonie pouvant participer aux élections des assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie et des provinces ; – la loi constitutionnelle précise l’interprétation de l’accord de Nouméa signé le 5 mai 1998 et des articles 188 et 189 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-

Calédonie qui complète la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 à laquelle avait donné lieu la signature de l’accord de Nouméa. En l’occurrence, seuls pourront être électeurs pour la désignation des membres du Congrès et des assemblées de province en Nouvelle-Calédonie, les personnes inscrites sur le tableau arrêté en vue de la consultation du 8 novembre 1998 et justifiant d’une durée de résidence de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l’élection ainsi que leurs enfants lorsqu’ils accéderont à la majorité ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 19 février 2007. 19. La loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution (JO, 24 février 2007, p. 3354) : – précise et modernise le statut pénal du chef de l’État ; – l’article 67 de la Constitution maintient le principe d’irresponsabilité du président de la République pour les actes commis dans l’exercice de ses fonctions (sous réserve des dispositions relatives aux compétences de la Cour pénale internationale et à l’hypothèse de manquement manifestement incompatible avec l’exercice de ses fonctions) ; – l’article 67 de la Constitution accorde au président de la République une protection complète, pendant la durée de son mandat, s’agissant des actes détachables de ce dernier (protection justifiée par le rôle institutionnel du président de la République garant de la continuité de l’État) ; – l’article 68 de la Constitution crée une procédure de destitution du chef de l’État en cas de manquement manifestement incompatible avec l’exercice de ses fonctions. Dans ce cas, le Parlement constitué en Haute Cour doit se prononcer non sur la qualification pénale de ce manquement mais sur l’atteinte portée à la dignité de la fonction ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 19 février 2007. 20. La loi constitutionnelle n° 2007-239 du 23 février 2007 relative à l’interdiction de la peine de mort (JO, 24 février 2007, p. 3354) :

– complète le titre VIII de la Constitution par un nouvel article 661 qui inscrit dans la Constitution l’interdiction de la peine de mort. La révision constitutionnelle permet ainsi à la France de devenir partie au deuxième protocole facultatif au pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté à New York le 15 décembre 1989 ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 19 février 2007. 21. La loi constitutionnelle n° 2000-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution (JO, 5 février 2008, p. 2202) : – permet, d’une part, par des dispositions destinées à entrer en vigueur immédiatement, d’engager la procédure de ratification du traité de Lisbonne (article 1er de la LC) et, d’autre part, d’aménager à compter de l’entrée en vigueur du traité, le titre XV de la Constitution pour permettre la mise en œuvre des nouveaux engagements de la France (articles 2 et s. de la LC) ; – modifie le titre XV de la Constitution désormais intitulé « De l’Union européenne » à compter de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007 qui modifie le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne ; – Cette modification s’explique par la portée même du traité de Lisbonne qui vise à unifier les trois piliers de l’Union européenne et à substituer l’Union européenne, dotée d’une personnalité juridique unique, à la Communauté européenne ; – modifie les articles 88-1, 88-2, 88-4 et 88-5 de la Constitution ; – ajoute deux nouveaux articles 88-6 et 88-7 dans la Constitution pour permettre au Parlement d’exercer les prérogatives nouvelles qui lui sont reconnues par le traité de Lisbonne ; – révision approuvée par le Congrès réuni le 4 février 2008. 22. La loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République (JO, 24 juillet 2008, p. 11890) : – la loi constitutionnelle a pour objet une réforme d’ensemble des institutions de la Ve République. Elle fait suite aux recommandations du Comité de réflexion et de proposition sur

la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République créé à la demande du président de la République, Nicolas Sarkozy, conformément aux orientations que celui-ci avait fixées à Épinal le 12 juillet 2007 ; – la loi constitutionnelle comporte trois volets principaux : • l’encadrement du pouvoir exécutif ; • le renforcement du Parlement ; • la garantie de droits nouveaux pour les citoyens ; – voir fiche n° 46.

II. Les révisions constitutionnelles réalisées selon d’autres procédures que celle de l’article 89 de la Constitution 1. La loi constitutionnelle n° 60-525 du 4 juin 1960 (JO, 8 juin 1960 p. 5103) modifie les dispositions relatives à la Communauté : – révise les articles 85 et 86 de la Constitution pour tirer les conséquences de l’accession à l’indépendance des États africains ; – révision opérée selon la procédure dérogatoire de l’article 85 de la Constitution. 2. La loi constitutionnelle n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiant les articles 6 et 7 de la Constitution (JO, 7 novembre 1962, p. 10762) : – la loi constitutionnelle substitut, pour l’élection du président de la République, le recours au suffrage universel direct au collège des grands électeurs institué en 1958 pour élire le chef de l’État ; – révision opérée par la voie du référendum direct prévu par l’article 11 de la Constitution, adoptée par le peuple français le 28 octobre 1962.

III. Les révisions constitutionnelles rejetées

Projet de loi relatif à la création des régions, à la rénovation du Sénat et à la transformation du Conseil économique et social refusé par le référendum du 27 avril 1969 organisé dans le cadre de l’article 11 de la Constitution (Décret n° 69-296, 2 avril 1969, JO, p. 3315). • À retenir •

L’article 89 de la Constitution de 1958 est la procédure de droit commun de révision de la Constitution. La Constitution a cependant déjà été modifiée par des procédures dérogatoires de révision soit prévues par la Constitution (article 85 de la Constitution aujourd’hui supprimé) soit en marge de la Constitution (article 11 de la Constitution).

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. Le peuple est un pouvoir constituant.

□ Vrai □ Faux 2. Le Congrès est un pouvoir constituant dérivé.

□ Vrai □ Faux 3. Le référendum législatif est une procédure constitutionnelle de révision de la Constitution.

□ Vrai □ Faux 4. La loi constitutionnelle relative à la durée du mandat du président de la République constitue la première utilisation du référendum prévu par l’article 89 de la Constitution.

□ Vrai □ Faux 5. Le référendum est la procédure de droit commun d’approbation des révisions constitutionnelles.

□ Vrai □ Faux

CORRIGÉ 1. Vrai. 2. Vrai. 3. Faux. Le référendum législatif de l’article 11 de la Constitution n’est pas, selon le droit positif, une procédure de révision constitutionnelle même s’il a déjà été utilisé à cette fin. 4. Vrai. 5. Vrai.

Fiche 12

La distinction entre souveraineté nationale et souveraineté populaire I. La détention de la souveraineté II. La conciliation des théories de souveraineté nationale et de souveraineté populaire L’article 3 alinéa 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » La rédaction de cette disposition n’est pas exempte d’ambiguïté dès lors qu’elle concilie deux théories – celle de la souveraineté populaire et celle de souveraineté nationale – qui, à l’origine, s’opposaient notamment quant à la question particulière du détenteur du pouvoir souverain dans l’État. Elle incite à l’analyse de l’articulation de ces deux théories entre elles.

I. La détention de la souveraineté A. La confrontation des théories de souveraineté nationale et de souveraineté populaire La formule de conciliation dont fait l’objet l’article 3 de la Constitution de 1958 qui fait du peuple le souverain dans l’État est prioritairement dictée par la volonté de reconnaître le titulaire de la souveraineté dans une démocratie. En accordant toutefois la souveraineté nationale au peuple, la Constitution combine deux conceptions de la souveraineté qui sont considérées comme étant, en principe, antinomiques. La théorie de la souveraineté populaire

(J.-J. Rousseau, Du contrat social, 1762), d’essence démocratique, attribue le pouvoir suprême au peuple. Elle implique le concours de chaque national à la formation de la volonté générale qui n’est que la résultante des volontés individuelles. Ainsi définie, la volonté générale devient souveraine et la souveraineté a essentiellement son siège dans les individus qui composent le peuple. En somme, « le souverain n’est formé que des particuliers qui le composent » (Du contrat social, livre I, ch. VII). La théorie de la souveraineté nationale inspirée par le libéralisme révolutionnaire de 1789 (Sieyès, Qu’est-ce que le tiers état ? 1789) attribue, quant à elle, la souveraineté à la nation, collectivité unifiée, érigée en personne juridique et rejette l’appropriation de la souveraineté par tout individu. L’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen énonce ce concept en ces termes : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu, ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. » Les caractères d’unité, d’indivisibilité, d’imprescriptibilité et d’inaliénabilité que la Constitution de 1791 (Constitution du 14 septembre 1791, titre III) a pu reconnaître à la souveraineté nationale confirment ce point de vue. Dans les conceptions de 1789 et de 1791 la souveraineté nationale s’apparente à l’idée d’une négation de toute souveraineté individuelle. Entendue ainsi, la consécration de la souveraineté de la nation à l’époque révolutionnaire – s’oppose à l’idée d’une quelconque attribution de la souveraineté au peuple selon la théorie rousseauiste de la souveraineté populaire. En ce sens, la doctrine a été amenée à considérer que « le principe de la souveraineté nationale place la nation au-dessus du peuple qui doit la servir » (J. Cadart, Institutions politiques et droit constitutionnel, Économica, 3e éd., 1990, p. 190) même s’il n’est pas certain que dans l’esprit des auteurs révolutionnaires de la théorie de la souveraineté nationale, la distinction fondée au départ sur une appellation différente du souverain soit pertinente. L’opposition qui sépare ces deux théories résulte davantage des implications qu’un tel choix entraîne.

B. Les implications liées au choix du titulaire de la souveraineté C’est sans doute moins du choix de placer la source du pouvoir suprême dans le peuple ou dans la nation que provient la confrontation des théories de souveraineté nationale et de souveraineté populaire comme le confirme l’assimilation parfois faite des deux termes par les théoriciens même de la souveraineté nationale (Sieyès, Exposition raisonnée) que de ce qui se cache derrière un tel choix. Il s’agit de concepts qui aboutissent, en effet, à des conclusions différentes et cela en raison de la perception retenue de la nation dont la toute puissance n’est démontrée, dès lors qu’elle est titulaire de la souveraineté, que lorsqu’elle fait œuvre constituante. L’accomplissement de cette tâche en fait alors une entité abstraite qui appelle l’institution d’organes concrets agissant en son nom. En ce sens la représentation devient une exigence inévitable dans le cadre de la théorie de la souveraineté nationale. C’est précisément sur ce point que les deux concepts de souveraineté populaire et de souveraineté nationale s’éloignent. La souveraineté selon Rousseau ne peut se représenter parce que la volonté ne se représente point. « Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires » (Du contrat social, III, p. 15). En cela la théorie de la souveraineté populaire légitime le concours direct du peuple à l’élaboration des décisions politiques et suppose le mandat impératif ce que réfute la thèse de la souveraineté nationale pour laquelle la réalisation de la volonté nationale s’obtient par le truchement des délibérations dont le siège se situe nécessairement à l’Assemblée nationale, unique lieu de formation effective de la volonté commune. En définitive, l’affrontement entre les théories de souveraineté populaire et de souveraineté nationale repose essentiellement sur le mode de participation du souverain au pouvoir politique. À l’immédiateté d’intervention du peuple que suggère la théorie de la souveraineté populaire, s’oppose le caractère indirect du concours de la nation aux décisions politiques selon la théorie de la souveraineté nationale.

II. La conciliation des théories de souveraineté nationale et de souveraineté populaire A. La conciliation des théories de souveraineté nationale et de souveraineté populaire par la jurisprudence constitutionnelle La volonté de reconnaître expressément au peuple la qualité de souverain tout en lui attribuant la souveraineté nationale, a pour effet de modifier la signification initiale du principe de la souveraineté nationale telle qu’elle résulte de la pensée révolutionnaire. L’incohérence qui ressort de l’article 3 alinéa 1er de la Constitution de 1958 n’est cependant qu’apparente si l’on se réfère à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui affirme l’exclusivité tant du fondement que de l’exercice de la souveraineté nationale lesquels ne peuvent se situer que dans la nation, c’est-à-dire dans l’État (v. décision CC n° 76-71 DC, 30 déc. 1976). La référence à la souveraineté nationale dans l’article 3 alinéa 1er de la Constitution a essentiellement pour objet de délimiter le cadre territorial dans lequel s’exerce la souveraineté. Elle doit être comprise comme une définition du champ d’application de la souveraineté. Elle n’a pas pour objet de faire de la nation le titulaire potentiel de la puissance suprême dans l’État. Cette acception nouvelle qui réduit la portée initiale du principe de la souveraineté nationale autorise alors une conciliation avec le concept de souveraineté populaire. La souveraineté peut être attribuée au peuple français selon une précision apportée par la jurisprudence constitutionnelle (décision CC n° 91-290 DC, 9 mai 1991) – et en cela elle demeure foncièrement nationale – qui l’exercera sur le seul territoire national. Cette synthèse conceptuelle entre les principes de souveraineté nationale et de souveraineté populaire permet de lever la contradiction que porte en lui l’article 3 alinéa 1er de la Constitution.

B. La conciliation des théories de souveraineté nationale et de souveraineté populaire par le concept de « citoyen » Les deux théories de souveraineté nationale et de souveraineté populaire se rejoignent sur un même point : le concept de citoyen qui provient soit de l’appartenance de l’individu à la nation (théorie de la souveraineté nationale) soit de sa participation à la volonté générale (théorie de la souveraineté populaire). Dans la théorie de la souveraineté populaire, la qualité de citoyen dérive de l’abstraction faite par l’individu de ses intérêts personnels, condition nécessaire pour participer à la volonté générale et être, dès lors, membre du souverain. Le citoyen est celui qui est dépourvu de toute volonté particulière. Cette dépossession des droits personnels de l’individucitoyen dans la thèse rousseauiste se rapproche, en définitive, du statut de citoyen tel qu’il a été conçu dans le concept de souveraineté nationale dans lequel c’est aussi la personne collective – la nation – qui possède la souveraineté et non les hommes pris individuellement (L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, Paris, E. De Broccard, T. 1, 1927, p. 436). La notion de citoyen permet, par conséquent, d’assurer l’identité collective. Elle porte en elle cette idée d’unification sociale recherchée dans les théories de souveraineté nationale et de souveraineté populaire qui, par là même, tendent à se rapprocher. Ainsi, la qualité de citoyen permet une conciliation de ces deux thèses qui semble trouver son expression concrète dans le choix du Conseil constitutionnel pour la composition du peuple français constitué « de tous les citoyens français » (décision CC n° 91-290 DC). • À retenir •

L’opposition originelle des concepts de souveraineté nationale et de souveraineté populaire cède devant la formule de conciliation de l’article 3 alinéa 1er de la Constitution qui attribue au peuple, la souveraineté nationale. La contradiction entre les deux théories peut être levée au prix d’une acceptation d’une

modification de la signification initiale du principe de la souveraineté nationale.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. Le concept de souveraineté populaire impose le mandat représentatif.

□ Vrai □ Faux 2. Le concept de souveraineté nationale date de l’époque révolutionnaire.

□ Vrai □ Faux 3. Le concept représentation.

de

souveraineté

nationale

appelle

la

□ Vrai □ Faux 4. Le concept de souveraineté nationale aboutit à la confiscation du pouvoir par les représentants de la nation.

□ Vrai □ Faux 5. L’interdiction du mandat impératif signifie la liberté du mandat.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Faux. Le mandat impératif. 2. Vrai. 3. Vrai. 4. Vrai. 5. Vrai.

Fiche 13

La signification du concept de souveraineté nationale I. La signification originaire du principe de la souveraineté nationale II. La signification contemporaine du principe de la souveraineté nationale La question initiale, à l’origine même de la naissance du principe de la souveraineté nationale, consistait en la désignation du titulaire de la souveraineté (I). Celle-ci a cependant été reléguée à un second plan lorsque la Constitution de 1958 a choisi d’attribuer la souveraineté au peuple. Cette transformation incite, dès lors, à une lecture différente du principe qui reçoit une acceptation plus moderne (II).

I. La signification originaire du principe de la souveraineté nationale A. Le concept de souveraineté nationale : instrument d’identification du titulaire de la souveraineté à l’époque révolutionnaire Le principe fondamental dégagé à l’époque révolutionnaire est d’affirmer que seule la nation est souveraine. L’idée est émise pour la première fois par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui pose, dans son article 3, le principe de l’appartenance de la souveraineté entière à la nation. Celle-ci est réitérée dans l’article 1er du préambule du titre III de la Constitution de 1791. L’attribution de la souveraineté à la nation correspond au dessein révolutionnaire de mettre un terme à la souveraineté royale

à l’époque monarchique. Source du nouveau fondement du pouvoir politique, la nation n’est titulaire de la souveraineté qu’en tant qu’entité collective. Elle constitue une personne juridique distincte des individus qui la composent. En cela, la souveraineté ne peut être détenue par « aucun individu », en particulier par le roi. Dans son acceptation initiale, la souveraineté nationale revêt, en définitive, une connotation essentiellement négative qui résulte de la nature même de la nation. En tant qu’entité indivisible, la souveraineté ne peut résider que dans la nation. Étant également un être abstrait, la nation ne peut, par définition, exercer la puissance souveraine. La délégation devient alors inévitable. Ainsi, le principe de la souveraineté nationale fournit au système représentatif l’assise théorique qui le rend légitime.

B. Le concept de souveraineté nationale : assise théorique de légitimation du système représentatif Le principe de souveraineté nationale implique nécessairement la désignation d’organes concrets chargés de représenter la nation dans l’exercice des pouvoirs souverains qu’elle leur a délégués. La nation ne s’exprime que par l’intermédiaire de ses représentants qui, désignés par la Constitution, sont seuls aptes à agir au nom de la nation. Leur volonté ne peut être que conforme à la volonté de la nation considérée dans son ensemble, afin de garantir l’unité de sa souveraineté. Ce but ne peut être atteint qu’en prohibant le mandat impératif qui assure ainsi l’indépendance complète des représentants à l’égard de l’électorat. L’apparente connotation à caractère démocratique qui résulte du nouveau fondement du pouvoir politique n’est, en fait, que pure fiction. Le principe de souveraineté nationale annonce, en réalité, la confiscation du pouvoir par les représentants, rendue précisément possible en retenant une interprétation positive de ce principe, alors même qu’à son origine, le principe de la souveraineté nationale ne s’oppose nullement à l’introduction dans les institutions de procédés de démocratie directe dès lors que la nation est ce corps national unifié qui exprime effectivement la volonté générale à travers la loi

comme l’exigent les dispositions de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 lorsqu’il participe à son élaboration. Entendu de manière positive, le principe de souveraineté nationale n’opère pas une simple délégation de l’exercice de la souveraineté nationale aux représentants de la nation mais un véritable transfert de souveraineté elle-même qui conduit à substituer à la souveraineté du corps national des citoyens la souveraineté parlementaire. C’est par une confusion de la volonté générale avec la volonté des représentants, réputés plus aptes à dégager la volonté générale que les citoyens eux-mêmes, que l’appropriation de la souveraineté par l’assemblée parlementaire sera rendue possible ainsi que l’éviction du peuple des affaires politiques. L’avènement du parlementarisme sous la IIIe République marque la consécration de la conception positive de la souveraineté nationale et, par là même, celle de la souveraineté du Parlement en tant que détenteur de la puissance législative. La Constitution du 27 octobre 1946 prolonge l’œuvre réalisée par la IIIe République et assoit, à son tour, la souveraineté parlementaire malgré l’attribution pour la première fois dans les institutions françaises de la souveraineté nationale au peuple qui sera dépourvue d’effets.

II. La signification contemporaine du principe de la souveraineté nationale A. La souveraineté nationale liée à la démocratie L’attribution de la souveraineté au peuple est une constante dans les démocraties occidentales. Elle se traduit dans la Constitution française tant par le principe contenu dans l’article 2 alinéa 6 : « Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » que par la formule de conciliation de l’article 3 alinéa 1er qui fait du peuple le titulaire unique de la souveraineté, celle-ci puisant toutefois ses conditions d’exercice dans le cadre de la nation.

La souveraineté nationale, telle qu’elle résulte de la synthèse opérée par cette disposition a subi une dénaturation par le rejet de la nation comme titulaire de la souveraineté. Dépourvue de sa connotation historique, elle ne subsiste que par les effets qu’elle produit : régime représentatif et absence de mandat impératif. Définissant désormais le seul lieu d’exercice de l’action souveraine du peuple, elle perd sa spécificité quant à la désignation du titulaire de la souveraineté. À l’image des démocraties modernes, il n’existe plus en France qu’une seule formule de souveraineté, celle qui prône la souveraineté du peuple. L’évolution des systèmes politiques vers l’établissement de régimes mixtes explique l’essoufflement de l’opposition entre les concepts de souveraineté nationale et de souveraineté populaire. Elle efface du même coup l’utilité à trancher plutôt pour le peuple souverain que pour la nation souveraine ou inversement. Néanmoins, comme en témoigne la Constitution de 1958 dans son article 3, l’invocation de ces principes est indispensable pour justifier l’introduction dans les institutions de nouveaux concepts. Ils sont des assises théoriques de légitimation qui viennent solidifier l’implantation des principes institutionnels et confortent notamment la mise en place en 1958 d’un régime de démocratie semi-directe. Ainsi, l’attribution de la souveraineté nationale au peuple par l’article 3 de la Constitution ne doit pas être comprise comme une simple formule de style. Elle trouve une concrétisation compète sous la Ve République, notamment par l’institution du référendum législatif prévu à l’article 11 de la Constitution qui permet une participation effective à l’exercice du pouvoir politique. Cette participation prend, au demeurant, une dimension toute particulière en raison même de la jurisprudence constitutionnelle qui octroie à la loi référendaire un statut spécifique en la soustrayant à tout contrôle de constitutionnalité. Le juge constitutionnel définit là, une position de principe : le refus de contrôler l’expression directe de la souveraineté nationale (voir décisions CC n° 62-20 DC du 6 novembre 1962 et n° 92-313 DC du 23 septembre 1992).

B. La souveraineté nationale mode de régulation des rapports externes La question initiale de la désignation du titulaire de la souveraineté qui était à l’origine même de la naissance du principe de la souveraineté nationale a été reléguée à un second plan lorsque la Constitution de 1958 a choisi d’attribuer la souveraineté au peuple. Cette transformation a incité à une lecture différente du principe pourvu d’une acceptation plus moderne qui en élargit le champ sémantique. À l’aspect purement interne du principe, s’est greffée une connotation de nature externe. De la double fonction attribuée à l’épithète « nationale » dans la formule souveraineté nationale – description à la fois de l’organe détenteur de la souveraineté et définition du lieu d’exercice de la souveraineté – la Constitution de 1958 n’en a conservé que le second sens du fait même d’avoir donné la souveraineté au peuple. La souveraineté est dite désormais nationale par opposition à une souveraineté de type extranationale. Alliée à l’inaliénabilité et à l’imprescriptibilité qui caractérisent la souveraineté depuis l’époque révolutionnaire, cette acceptation du terme « nationale » se place aujourd’hui en garde-fou à toute volonté d’entamer la souveraineté française et s’oppose à des transferts de souveraineté de l’État français à des institutions de type supranational, dès lors que sont en cause les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale (v. décision CC n° 92-308 DC, 9 avril 1992). Dans ce cas, l’autorisation de procéder à des transferts de souveraineté est soumise à l’obligation préalable de réviser la Constitution. L’adaptation du principe à l’évolution des rapports internationaux permet à la République d’affirmer son indépendance à l’égard des États étrangers et de protéger l’intégrité de son territoire (articles 5, 16 et 89 de la Constitution). Il devient le principal instrument d’opposition à toute limitation de la puissance suprême de l’État français qui n’aurait pas consenti volontairement à se lier à d’autres États sur une base de réciprocité et dans le but d’assurer l’organisation et la défense de la paix (Préambule de la Constitution de 1946, alinéa 15).

• À retenir •

Le principe de la souveraineté nationale destiné, à l’origine, à désigner le titulaire de la souveraineté dans l’État reçoit une acceptation plus moderne. À l’aspect purement interne du principe s’ajoute désormais une connotation de nature externe.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. La délégation du pouvoir est inhérente à la notion de souveraineté nationale.

□ Vrai □ Faux 2. La souveraineté nationale induit un fondement démocratique du pouvoir politique.

□ Vrai □ Faux 3. La souveraineté nationale définit le lieu d’exercice de la souveraineté.

□ Vrai □ Faux 4. La souveraineté nationale autorise la souveraineté dite locale.

□ Vrai □ Faux 5. Les transferts de souveraineté qui affectent les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale sont interdits.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Vrai. 2. Faux. Le principe de la souveraineté nationale permet la confiscation du pouvoir par les représentants du peuple. 3. Vrai. 4. Faux. La souveraineté est un attribut du pouvoir central.

5. Vrai. L’interdiction est cependant relative puisqu’elle peut être levée par une révision préalable de la Constitution qui autoriserait alors à procéder à ces transferts.

Fiche 14

Le suffrage universel et l’exercice de la souveraineté nationale I. La participation du suffrage universel à l’exercice de la souveraineté nationale II. Le suffrage universel, condition insuffisante à l’exercice de la souveraineté nationale • Définition

Suffrage : expression d’une volonté individuelle en matière électorale. Le suffrage est dit universel lorsque le droit d’expression en matière électorale (droit de suffrage) est accordé à l’ensemble des nationaux majeurs des deux sexes non frappés d’une incapacité électorale. Le suffrage peut être direct lorsque les électeurs désignent directement leurs élus ou indirect lorsque les élus sont désignés par d’autres élus. L’article 3 de la Constitution de 1958 définit les règles relatives au suffrage. Il pose le principe de la participation du suffrage universel à l’exercice de la souveraineté nationale en ce sens qu’il constitue – aux termes d’une lecture combinée des alinéas 1er et 3 de l’article 3 de la Constitution – un critère déterminant dans la désignation des représentants du peuple souverain (I) même s’il connaît des limites en ce domaine (II).

I. La participation du suffrage universel à l’exercice

de la souveraineté nationale A. Le suffrage universel, expression directe de la souveraineté nationale L’alinéa 3 de l’article 3 de la Constitution qualifie et définit les règles relatives au suffrage. Celui-ci « peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret. » Définissant ainsi le suffrage dans l’article 3 de la Constitution consacré à la question de la souveraineté nationale, la Constitution associe étroitement l’exercice de la souveraineté nationale à la mise en œuvre du suffrage universel au point même qu’il est possible de considérer que « le pouvoir électoral […] se confond avec la souveraineté nationale » (M. Hauriou, Précis de droit constitutionnel, 2e éd., 1929, p. 180 et 187). Selon la jurisprudence constitutionnelle, le suffrage universel caractérise « l’expression directe de la souveraineté nationale » (v. déc. CC n° 62-20 DC du 6 novembre 1962 confirmée par déc. CC n° 92-313 DC du 23 septembre 1992). Utilisé à l’échelon et dans le cadre national, il est un instrument privilégié d’identification des représentants du peuple, l’élection leur conférant la charge d’exercer le pouvoir suprême que leur a ainsi délégué le peuple, titulaire de la souveraineté (art. C 3). Il en résulte que toute autorité dont l’élection au suffrage universel est expressément prévue par la Constitution compte au nombre des représentants qui participent à l’exercice de la souveraineté. Il en est ainsi du président de la République (art. C 6), de l’Assemblée nationale et du Sénat (art. C 24) élus respectivement, pour les deux premiers, au suffrage universel direct et pour le dernier, au suffrage universel indirect sans que ces caractères (direct ou indirect) influent d’une quelconque façon sur la capacité du suffrage universel à exprimer la souveraineté nationale.

B. L’égalité entre le suffrage universel direct et le suffrage universel indirect en matière de désignation des représentants du peuple participant à l’exercice de la souveraineté nationale

L’alinéa 3 de l’article 3 de la Constitution n’opère aucune différenciation entre le suffrage universel direct et le suffrage universel indirect qu’il place sur un même plan d’égalité. Il offre simplement, lorsqu’il précise que « le suffrage peut être direct ou indirect », une alternative dans le choix du suffrage (G. Vedel, Le Point, n° 218, 22 novembre 1976). Les représentants du peuple élus au suffrage universel indirect participent, au même titre que ceux issus du suffrage universel direct, à l’exercice de la souveraineté nationale. C’est ce que confirme la jurisprudence constitutionnelle dans les décisions n° 91-290 DC du 9 mai 1991 et n° 92-308 DC du 9 avril 1992 en ce qu’elles reconnaissent respectivement la qualité de représentants du peuple aux membres du Parlement et la participation du Sénat, en tant qu’assemblée parlementaire, à l’exercice de la souveraineté nationale. Dès lors que la souveraineté nationale est en jeu, les règles constitutionnelles relatives au suffrage s’appliquent indifféremment, que le suffrage universel soit direct ou indirect. Pour autant, il n’est pas toujours le moyen d’expression de la souveraineté nationale.

II. Le suffrage universel, condition insuffisante à l’exercice de la souveraineté nationale A. Le principe de la participation exclusive des élus nationaux à l’exercice de la souveraineté nationale La jurisprudence constitutionnelle est venue rompre le lien traditionnellement établi entre suffrage universel et exercice de la souveraineté nationale en posant la règle selon laquelle le suffrage universel ne doit pas systématiquement être considéré comme un mode de délégation de l’exercice de la souveraineté nationale aux représentants ainsi désignés. Si la qualité de représentant du peuple peut être acquise par la voie de l’élection, tout représentant élu n’est pas, pour autant, apte à participer à l’exercice de la souveraineté nationale (déc. CC n° 76-71 DC des 29 et 30 décembre 1976). Il faut

pour cela être un élu national, ce qui explique, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l’exclusion des parlementaires européens – même élus au suffrage universel direct – de la participation à l’exercice de la souveraineté nationale dès lors que l’Assemblée européenne « n’appartient pas à l’ordre institutionnel de la République française » (déc. CC n° 76-71 DC confirmée par déc. CC n° 92-308 DC précit.). Le suffrage universel ne peut suffire, à lui seul, à caractériser l’exercice de la souveraineté. Cette fonction est remplie sous la réserve importante que l’élection s’applique à une institution nationale. Cette règle s’inscrit dans la conformité à l’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui ne conçoit la souveraineté que comme résidant essentiellement dans la nation. C’est ce que postule l’unité de l’État en faisant de la souveraineté un attribut du pouvoir central ce qui conduit à ne reconnaître la qualité de représentant du peuple participant à l’exercice de la souveraineté nationale qu’aux élus qui détiennent un mandat national.

B. La subordination de la participation à l’exercice de la souveraineté nationale au caractère national du mandat électif La détention d’un mandat électif national conditionne la participation à l’exercice de la souveraineté nationale. Celle-ci est réservée aux autorités nationales élues au suffrage universel (Parlement et président de la République). Elle exclut les autorités élues qui ne disposent que d’un mandat local. La participation à l’exercice de la souveraineté nationale suppose d’agir au nom de la nation tout entière. Au même titre que cette participation est interdite aux autorités extra-nationales (cf. supra), elle l’est aux autorités qui, bien qu’exerçant leur mandat dans le cadre des institutions de la République, ne l’exercent pas à un niveau national. C’est aussi en cela que la souveraineté est foncièrement nationale. Les élus locaux chargés d’administrer les collectivités territoriales de la République française n’ont, par définition, qu’une fonction de représentation locale. La souveraineté implique, pour sa part, l’exercice de droits

politiques dont les autorités locales sont, en principe, dépourvues dans un État unitaire. C’est ce qui explique qu’elles ne peuvent compter parmi le nombre de représentants du peuple au nom de l’unité et de l’indivisibilité de la souveraineté nationale qui l’interdisent. • À retenir •

L’article 3 de la Constitution établit une liaison entre l’exercice du droit de suffrage et celui de la souveraineté nationale. Cependant, si le suffrage universel est le mode privilégié d’expression de la souveraineté nationale, il n’en constitue pas une condition suffisante. Encore faut-il qu’il s’exerce dans le cadre national pour qu’il remplisse cette fonction.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. Le suffrage universel est définitivement établi en France en 1848.

□ Vrai □ Faux 2. Le suffrage universel est à l’origine un suffrage masculin.

□ Vrai □ Faux 3. Le suffrage censitaire est celui qui lie le droit de vote au paiement d’un impôt.

□ Vrai □ Faux 4. Le droit de vote aux élections politiques est réservé aux nationaux.

□ Vrai □ Faux 5. Tous les étrangers disposent du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales.

□ Vrai □ Faux

6. L’égalité entre hommes et femmes en matière électorale résulte de l’ordonnance de 1944 qui accorde le droit de vote et d’éligibilité aux femmes.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Vrai. Décret du 5 mars 1848. 2. Vrai. L’ordonnance du 21 avril 1944 accorde le droit de vote et d’éligibilité aux femmes. 3. Vrai. Le droit de vote était lié à la fortune (au paiement du cens). 4. Vrai. Le droit de vote est réservé aux nationaux pour toutes les élections politiques qui mettent en jeu l’exercice de la souveraineté nationale. Sont concernées, les élections nationales (élections présidentielles et parlementaires) et les élections locales (élections municipales, cantonales et régionales). 5. Faux. Seuls les ressortissants communautaires disposent sous certaines conditions du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales. Il s’agit d’une dérogation à la règle définie à l’article 3 alinéa 4 de la Constitution prévue par l’article 88-3 de la Constitution issu de la loi constitutionnelle du 25 juin 1992. L’exercice de ce droit est soumis à conditions : les conseillers municipaux étrangers ne peuvent être élus maire ou adjoint. Ils ne peuvent ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux ni à l’élection des sénateurs (v. déc. CC 92-308 DC, 9 avril 1992). 6. Faux. L’égalité (ou parité) entre hommes et femmes en matière électorale résulte de la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 (v. loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives).

Fiche 15

Tableau comparatif des caractéristiques principales des régimes parlementaire et présidentiel Le régime parlementaire et le régime présidentiel correspondent à deux modes différents d’aménagement du pouvoir qui reposent tous deux sur une conception propre du principe de la séparation des pouvoirs. Quelle que soit, cependant, la conception retenue du principe de la séparation des pouvoirs (souple ou rigide), les rapports internes aux pouvoirs publics politiques sont nécessairement fondés sur des éléments d’équilibre (même dans le cas d’une séparation rigide des pouvoirs [exemple des États-Unis]) qui conditionnent le bon fonctionnement du régime. Tableau comparatif des caractéristiques principales des régimes parlementaire et présidentiel

Définition

Régime parlementaire

Régime présidentiel

Régime constitutionnel dans lequel le gouvernement procède du Parlement (procédure d’investiture) qui peut mettre fin à son existence (vote de défiance ou motion de censure).

Régime constitutionnel dans lequel le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif sont juridiquement indépendants. Leur existence n’est pas liée l’un à l’autre.

Régime parlementaire

Régime présidentiel Né aux États-Unis à la fin du XVIIIe siècle (Constitution américaine du 17 septembre 1787), le régime présidentiel présente la particularité d’être difficilement transposable en absence des éléments qui garantissent son efficacité (une conception atténuée de l’État, la spécificité du système des partis, le cadre fédéral).

Origine

Né en Angleterre à la fin du XVIIIe siècle, le régime parlementaire s’impose progressivement en Europe continentale au e e XIX et au XX siècle comme un mode d’aménagement du pouvoir qui repose sur l’idée maîtresse d’équilibre des pouvoirs. Adopté en France par la charte de 1814, il s’implante comme modèle de référence sous la monarchie de Juillet (1830-1848). Historiquement, il a permis le passage de la monarchie à la démocratie en faisant du cabinet (ou gouvernement) l’organe de conciliation entre le monarque et le Parlement (plus précisément la chambre représentative du peuple).

Fondement du pouvoir

Une séparation souple des pouvoirs.

Une séparation rigide (ou stricte) des pouvoirs.

Régime parlementaire La séparation souple des pouvoirs induit : • Une collaboration des pouvoirs législatif et exécutif (ex. : le gouvernement peut disposer de l’initiative des lois ; le Parlement peut contrôler l’action du gouvernement). • Des moyens d’action réciproques : le droit de dissolution attribué à l’exécutif est contrebalancé par le pouvoir de censure du gouvernement par le Parlement qui dérive du Caractéristiques principe de la de responsabilité politique du l’aménagement gouvernement devant le des pouvoirs Parlement (la chambre basse).

Régime présidentiel La séparation stricte des pouvoirs induit : • une spécialisation des compétences • l’absence de moyen d’actions réciproques (absence du droit de dissolution et de la procédure de mise en jeu de la responsabilité politique de l’exécutif par le Parlement). Précision : Le principe de la séparation rigide des pouvoirs connaît une atténuation qui appelle une collaboration des pouvoirs reposant sur des mécanismes de freins et de contrepoids (checks and balances) indispensables à l’équilibre du régime qui en assure le fonctionnement régulier. Ex : participation du président à la fonction législative par l’exercice de son droit de veto ; participation du Parlement (= Congrès) à la fonction exécutive par la nomination de hauts fonctionnaires ; par la ratification des traités ; par ses pouvoirs d’investigation (sous la forme de commissions d’enquête du Congrès [exemple de l’affaire du Watergate]) et de sanction exceptionnelle (procédure dite de l’impeachment : possibilité de destitution du président et du Vice-président en cas de haute trahison, corruptions ou autres crimes ou délits majeurs [ex. : Trois fois, la Chambre des représentants a voté la mise en accusation du président des États-Unis, pour Andrew Johnson, Bill Clinton et Donald Trump ; procédure simplement entamée, en 1974, à l’encontre du Président Nixon dans l’affaire du Watergate, mais abandonnée après sa démission, la seule d’un président des États-Unis. La démission intervient avant que l’impeachment n’aille à son terme]).

Régime parlementaire Exécutif bicéphale composé : – du chef de l’État (politiquement irresponsable) ; – du gouvernement, Caractéristiques organe collégial dirigé par institutionnelles le chef du gouvernement (Premier ministre). • Parlement monocaméral (composé d’une seule chambre) ou bicaméral (composé de deux chambres). •

Régime présidentiel Exécutif monocéphale (en absence du principe de responsabilité de l’exécutif devant le Parlement) composé du chef de l’État (ex. : le président des États-Unis) qui concentre le pouvoir exécutif. Parlement bicaméral.

Régime parlementaire Régime parlementaire moniste : expression de la puissance parlementaire, il repose sur le principe de la seule responsabilité du gouvernement devant le Parlement (chambre basse). Il constitue actuellement la forme de régime parlementaire la plus répandue. • Régime parlementaire dualiste : il repose sur le principe de la double responsabilité du gouvernement devant le Parlement et le chef de l’État. Historiquement, il est la première manifestation du régime parlementaire. • Régime parlementaire rationalisé : forme moderne du régime parlementaire qui n’est pas exclusive du caractère moniste ou dualiste du régime, il repose sur des mécanismes constitutionnels ayant pour objet de limiter les risques d’instabilité institutionnelle. •

Les formes de régime

Régime présidentiel La dénaturation du régime présidentiel résultant de la difficulté à le transposer aboutit à l’institution de régimes qualifiés de présidentialistes (ex. : Brésil, Mexique) qui se distinguent par une concentration des pouvoirs par un chef d’État hégémonique.

Du régime parlementaire 1. Les mécanismes juridiques essentiels susceptibles de qualifier un régime politique de parlementaire Classiquement, le régime parlementaire, né au XVIIIe siècle en Angleterre, est un régime caractérisé par une interdépendance des fonctions. Chaque organe dispose d’une fonction propre mais

collabore aux autres fonctions : le législatif contrôle l’exécutif. Celuici participe à la fonction législative. De ce fait, le mode d’aménagement du pouvoir repose intégralement sur l’idée maîtresse d’équilibre des pouvoirs qui trouve son fondement dans une séparation souple des pouvoirs. Celle-ci induit, outre la collaboration des pouvoirs, des moyens d’action réciproques : le droit de dissolution attribué à l’exécutif est contrebalancé par le pouvoir de censure du gouvernement par le Parlement qui dérive du principe de responsabilité politique du gouvernement devant le Parlement, plus précisément devant la chambre basse, dès lors que le Parlement est bicaméral, là où il peut également ne compter qu’une chambre. Le gouvernement procédant du Parlement (procédure d’investiture), celui-ci peut mettre fin à l’existence de celui-là (par un vote de défiance ou une motion de censure), seule tête de l’exécutif bicéphale du régime parlementaire à pouvoir être mis en cause politiquement. À ce titre, si historiquement le régime parlementaire dualiste (qui repose sur le principe de la double responsabilité du gouvernement devant le Parlement et le Chef de l’État), a constitué la première manifestation du régime parlementaire, la forme la plus répandue de régime parlementaire est aujourd’hui celle du régime parlementaire moniste (qui repose sur le principe de la seule responsabilité du gouvernement devant le Parlement).

2. Les spécificités du système anglais eu égard à un régime parlementaire classique La Grande-Bretagne n’a pas de Constitution écrite. Ses institutions forgées par l’histoire, n’en sont pas moins dotées d’une étonnante stabilité et dominées par l’exécutif formellement bicéphale : le monarque est dépourvu de pouvoir réel alors que le premier ministre est le titulaire réel du pouvoir gouvernemental. Ainsi en va-t-il notamment de l’influence du bipartisme favorisé en Angleterre par le scrutin majoritaire à un tour. La victoire d’un parti aux élections

générales (= élections des députés) est celle d’un leader dont le choix comme premier ministre s’impose au monarque. Le parlementarisme majoritaire repose sur une relation de confiance entre l’exécutif et le législatif. Le premier (= le Cabinet) étant issu du second, les liens les unissant relèvent de la fusion plus que de la séparation. Le premier ministre étant le chef d’une majorité parlementaire disciplinée, le gouvernement n’a pas à redouter une motion de censure. Le recours au droit de dissolution dont dispose le premier ministre en devient exceptionnel. Le fonctionnement du régime parlementaire anglais s’éloigne, en somme, d’une conception de moyens d’action réciproques. A la neutralisation du moyen de pression que représente le principe de la responsabilité politique répond la perte de sens du moyen de pression qu’est le droit de dissolution : • à la faveur du bipartisme, la séparation souple des pouvoirs est relayée par une confusion des pouvoirs entre les mains du premier ministre et du parti majoritaire. Le phénomène majoritaire est, quant à lui, largement favorisé par le scrutin majoritaire uninominal à un tour. Le Premier ministre, leader du parti qui remporte les élections et membre de la chambre des communes, est à l’abri d’une mise en jeu de sa responsabilité et de celle des autres ministres s’il dispose d’une majorité suffisante. L’ensemble de ces éléments traduisent une perte de sens du principe de responsabilité politique ministérielle dans le système anglais. Néanmoins, celle-ci n’est que relative dès lors que la concentration du pouvoir entre les mains du Premier ministre est tempérée par le contrôle du peuple au moment des élections législatives tous les cinq ans ou en cas de dissolution de la Chambre des communes. • depuis la loi du 15 septembre 2011 (Fixed-Term Parliaments Act 2011 : détermine les conditions de la dissolution de la Chambre des communes en Angleterre), le premier ministre anglais ne dispose plus du pouvoir discrétionnaire de dissoudre la Chambre des communes. Son exercice est, en principe, limité à deux cas distincts :

– l’autodissolution de la Chambre des communes : la dissolution doit être adoptée à la majorité des 2/3. L’exercice du droit de dissolution n’est donc plus réductible à une arme réservée à l’exécutif. – la dissolution automatique de la Chambre des communes : elle est conditionnée par la survenance d’une crise gouvernementale qui se traduit par l’adoption d’une motion de défiance qui ne débouche pas, dans un délai de quatorze jours, sur la formation d’un gouvernement. En imposant des conditions précises à la dissolution de la chambre basse, la loi de 2011 encadre fortement et pour la première fois, un pouvoir qui n’avait fait l’objet d’aucune limitation auparavant, mettant ainsi fin à une tradition constitutionnelle multiséculaire. Cet encadrement législatif de l’exercice du droit de dissolution n’empêche cependant pas le premier ministre de conserver une certaine maîtrise du droit de dissolution. La dissolution à l’anglaise est essentiellement tactique : elle prend un visage électoraliste. Le droit de dissolution est, en effet, couramment utilisé pour conforter une majorité au moment favorable avant la fin d’une législature (souvent un an avant l’échéance normale). Ainsi, le Premier ministre peut inciter la majorité qui le soutient à adopter une motion de censure à sa demande et à refuser d’appuyer un nouveau gouvernement. Il peut également demander à la Chambre des communes de s’autodissoudre sous réserve de disposer de la majorité des 2/3 (Voir pour exemples les interventions en ce sens des Premiers ministres Thérésa May et Boris Johnson). Ce n’est donc qu’en apparence que la loi de 2011 fait de la Chambre des communes le maître du pouvoir de dissolution. • À retenir •

La classification des régimes politiques repose sur deux types de régimes qui se distinguent par leur mode d’aménagement du pouvoir politique. Au régime parlementaire élaboré selon une séparation souple des pouvoirs s’oppose le régime présidentiel qui prône une séparation rigide (ou stricte) des pouvoirs.

Cependant, ces deux types de régimes se rejoignent par la recherche constante d’un équilibre des pouvoirs.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTIONS DE COURS 1. Quelle est la différence entre le régime présidentiel et le présidentialiste ? 2. Quelle est l’autre appellation du régime parlementaire ? 3. Que représente le Congrès américain ? 4. Comment se caractérisent les relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif dans le régime présidentiel ? 5. Quel type de rapport caractérise les relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif dans le régime parlementaire ?

CORRIGÉ 1. Le régime présidentiel repose sur un équilibre des pouvoirs entre le président et le Congrès. Le présidentialisme caractérise un régime politique dans lequel l’hégémonie du chef de l’État se traduit par une concentration par ce dernier de l’ensemble des pouvoirs. 2. Le gouvernement de cabinet. 3. Le Congrès américain est le Parlement. 4. Chaque pouvoir dispose de la possibilité de neutraliser l’autre. 5. Les relations entre les pouvoirs exécutif et législatif reposent sur une collaboration des pouvoirs.

Fiche 16

L’apport institutionnel de la IIIe République I. Une Constitution de compromis II. La primauté parlementaire • Définitions

Parlementarisme : le parlementarisme moniste s’oppose au parlementarisme dualiste ou orléaniste qui représente le régime parlementaire classique caractérisé par une double responsabilité du gouvernement devant l’assemblée représentative du Parlement et devant le chef de l’État. Le parlementarisme moniste s’en distingue par la prééminence du pouvoir parlementaire face à un chef de l’État dépourvu de pouvoirs autonomes qui induit, en conséquence, le principe d’une responsabilité du gouvernement exclusivement devant le Parlement (chambre basse). Président du Conseil : ancienne dénomination de la fonction de chef de gouvernement. La Constitution de la IIIe République (1875-1940) présente la particularité formelle d’être composée de trois lois constitutionnelles des 24 février 1875 (relative à l’organisation du Sénat), 25 février 1875 (relative à l’organisation des pouvoirs publics) et 16 juillet 1875 (sur les rapports des pouvoirs publics). Son contenu n’en est pas moins spécifique en tant qu’il est le résultat d’un compromis (I) entre les orléanistes (centre droit) désireux de restaurer la monarchie et les républicains modérés (centre gauche) favorables à l’établissement de la République qui l’emportera en instituant avec elle la primauté parlementaire (II).

I. Une Constitution de compromis La IIIe République instaure le régime parlementaire et, de manière inédite, inscrit dans la Constitution la règle fondamentale qui le caractérise : le principe de la responsabilité du gouvernement devant le Parlement. Le régime est tout entier empreint du compromis entre monarchistes et républicains qui se manifeste à travers une présidence forte et un bicamérisme qui profite au Sénat.

A. Un président fort Face à une majorité monarchiste divisée (au sein de l’Assemblée nationale, élue le 8 février 1871 qui est chargée d’élaborer une Constitution et, avec elle, les fondements d’un nouveau régime à la suite de la défaite militaire de Napoléon III à Sedan contre la Prusse) dans l’incapacité de restaurer la monarchie, les républicains s’imposent progressivement. À la veille de la rédaction de la Constitution de 1875, la timide majorité, dont ils disposent désormais à l’Assemblée, les autorise à instituer la forme républicaine du gouvernement conformément à l’amendement Wallon du 30 janvier 1875 qui pose le principe, repris par la Constitution de 1875, de l’élection du président de la République par le Sénat et la chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Néanmoins, la faible majorité républicaine impose de concéder aux monarchistes une durée de mandat présidentiel relativement longue (le président de la République est désigné pour sept ans et indéfiniment rééligible ; v. fiche n° 21) et de vastes pouvoirs au chef de l’État (art. 3 de la loi du 25 février 1875 : droit de nommer et de révoquer librement les ministres, droit d’initiative, commandement des forces armées, droit de convoquer et d’ajourner les chambres, droit de demander aux chambres une nouvelle délibération de la loi) comparables aux prérogatives royales notamment à celles dont disposait le roi Louis-Philippe sous la charte de 1830 (à l’exception du droit de veto législatif jugé inutile face aux attributions reconnues au Sénat par la loi du 24 février 1875 et compensé par le droit de demander une nouvelle délibération de la loi ; du droit de dissolution

qui ne peut s’exercer sans l’accord du Sénat ; du droit de déclarer la guerre et de ratifier les traités qui exigent pour leur application l’accord des chambres). L’adhésion à la règle du contreseing par laquelle les ministres endossent la responsabilité des actes du président de la République s’inscrit, quant à elle, dans la tradition républicaine qui postule le principe de l’irresponsabilité politique du chef de l’État. • Attention

L’Assemblée nationale est la réunion en un seul corps des députés et des sénateurs (Parlement). La chambre issue du suffrage universel prend le nom de chambre des députés.

B. Un Sénat incontournable Le Parlement de la IIIe République est bicaméral contrairement à la tradition républicaine (tradition révolutionnaire) attachée à l’Assemblée unique. Le Sénat, résolument conservateur – que garantit le mode de recrutement des sénateurs (inamovibilité du quart d’entre eux et sur-représentation des petites communes conservatrices) –, apparaît, à côté de la chambre des députés, comme la condition indispensable posée par les monarchistes à la réalisation du compromis de 1875. Ses pouvoirs, importants tant en matière législative, qu’il partage de manière égalitaire avec la chambre des députés, qu’en ce qui concerne l’exercice du droit de dissolution auquel il est associé, apparaissent exceptionnels dès lors que l’article 6 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 lui reconnaît le droit de renverser le gouvernement. Le Sénat se présente ainsi comme un élément essentiel du régime qu’atteste sans conteste l’adoption de la loi constitutionnelle du 24 février 1875 qui lui est entièrement consacrée.

II. La primauté parlementaire A. L’adhésion au régime parlementaire moniste

L’avènement du parlementarisme en France, comme en témoigne l’exemple de la IIIe République, est principalement marqué par un déséquilibre des pouvoirs en faveur des assemblées parlementaires (parlementarisme moniste). Elles seules disposent du pouvoir de réviser la Constitution (art. 8 de la loi du 25 février 1875) et le principe de responsabilité gouvernemental devant les chambres parlementaires ne connaît pas la contrepartie nécessaire à l’équilibre des pouvoirs : le droit de dissolution est en pratique abandonné après son utilisation antirépublicaine par le maréchal de Mac-Mahon confronté à une crise institutionnelle en mai 1877. L’élection à la présidence de la République du républicain Jules Grévy en 1879, à la suite de la charte de Mac-Mahon, marque définitivement l’avènement du parlementarisme moniste dès lors que, dans un message adressé aux chambres, le nouveau chef de l’État déclare ne jamais vouloir entrer « en lutte contre la volonté nationale » exprimée par le Parlement (la Constitution Grévy). La pratique de la IIIe République qui laisse place à une présidence du Conseil (ancienne dénomination de la fonction de chef de gouvernement) dans le silence de la Constitution, est insuffisante pour contrebalancer la puissance parlementaire. L’évolution du régime, dominée par le jeu des partis au sein des assemblées parlementaires, se caractérise par une instabilité ministérielle chronique que favorise un recours abusif à la procédure de la question de confiance. Les difficultés institutionnelles combinées à l’impuissance des assemblées à faire face aux exigences économiques imposent une délégation de leur pouvoir législatif au gouvernement (à partir du début des années 1930) qui agit par décrets-lois dès lors qu’une loi l’autorise à prendre par voie de décrets les mesures nécessaires à l’accomplissement de son programme. Cette pratique est l’un des premiers signes du renforcement du pouvoir exécutif. • Attention

Les décrets-lois nés de la pratique de la IIIe République sont l’ancienne dénomination des ordonnances de l’article 38 de la

Constitution de 1958 (v. fiche n° 36).

B. La consécration de la République À l’initiative de Jules Ferry, alors que le corps électoral est gagné par l’idéologie républicaine – les républicains disposent, dès 1876, d’une majorité confortable à la chambre des députés ; le Sénat conservateur devient à son tour républicain en 1879 – une révision de la Constitution en date du 14 août 1884 consacre la forme républicaine du gouvernement qui ne peut faire l’objet d’une proposition de révision à laquelle s’ajoute le principe de l’inéligibilité à la présidence de la République des membres des familles ayant régné sur la France. La République est définitivement ancrée dans les institutions qui sont épurées de toute manifestation monarchiste à l’exemple du Sénat réformé en institution républicaine (suppression de la règle de l’inamovibilité ; démocratisation du mode de recrutement des sénateurs en privilégiant le système électif). L’œuvre législative qui suivra en témoigne également. La IIIe République a permis l’institutionnalisation de la démocratie parlementaire sous la forme du régime parlementaire moniste qui place dans le peuple la source de la souveraineté qu’exerce pleinement l’assemblée parlementaire élue. L’omnipotence parlementaire face à un pouvoir exécutif effacé empêche l’équilibre indispensable au bon fonctionnement du régime parlementaire. La succession des renversements de gouvernements exige un renforcement de l’exécutif qui prend une forme exacerbée avec la dictature exécutive du régime de Vichy qui s’établit à la suite de la défaite de 1940 et qui marque, par la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 par laquelle le maréchal Pétain reçoit le pouvoir constituant, la fin de la IIIe République et avec elle, celle du régime républicain. • À retenir •

La IIIe République porte en elle la marque du compromis entre républicains et monarchistes qui la caractérise. La brièveté des



trois lois constitutionnelles de 1875 tranche avec la durée de vie particulièrement longue du régime (1875-1940). Les défauts du régime (instabilité ministérielle, suprématie parlementaire) ne doivent cependant pas masquer ses apports institutionnels conséquents (triomphe de la République, création du septennat, bicamérisme parlementaire, procédure des décrets-lois).

Pour en savoir plus − B. Chantebout, Droit constitutionnel, Sirey université, 2006.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTIONS DE COURS 1. La IIIe République institue un bicamérisme égalitaire ou inégalitaire ? 2. La responsabilité politique du gouvernement peut-elle être mise en cause par la chambre des députés ou par le Conseil de la République ? 3. La IIIe République a donné naissance à un régime parlementaire modéré ou à un régime d’assemblée ? 4. Le droit de dissolution est empiriquement abandonné en 1879 (à la suite du message du président J. Grévy aux assemblées parlementaires) ou en 1884 (date de la révision constitutionnelle qui consacre la victoire des républicains) ? 5. Le président de la République est élu par l’Assemblée nationale ou au suffrage universel direct ?

CORRIGÉ 1. Égalitaire. 2. Par les deux. 3. Régime d’assemblée. 4. En 1879. 5. L’Assemblée nationale.

Fiche 17

La Constitution de la IVe République (Constitution du 27 octobre 1946) I. L’échec de la rationalisation du parlementarisme II. Le maintien d’un parlementarisme absolu • Définition

Rationalisation du parlementarisme : mécanismes institués par la Constitution pour garantir la stabilité institutionnelle. La volonté de rompre avec l’autoritarisme de fait du gouvernement de Vichy et celle d’un renouveau né de la Libération imprègnent entièrement la Constitution de la IVe République. Elles s’expriment autant par le contenu même de la Constitution – dont le Préambule enrichit les droits de l’homme d’une dimension collective que justifie l’après-guerre – que par sa genèse marquée par le rejet le 21 octobre 1945 par le corps électoral élargi pour la première fois aux femmes qui disposent désormais du droit de vote (ordonnance du 21 avril 1944), d’un retour aux institutions de la IIIe République et l’élection, en conséquence, d’une Assemblée constituante chargée d’établir une nouvelle Constitution. L’échec d’un premier projet de Constitution du 19 avril 1946 (repoussé par le peuple le 5 mai 1946) qui prévoyait une chambre unique (monocamérisme) et un président de la République dépossédé de tout pouvoir, conduit à l’élection d’une seconde assemblée constituante (2 juin 1946) dont le projet de Constitution, dénoncé par le général de Gaulle dans son discours de Bayeux, le 16 juin 1946, est ratifié par le peuple le 13 octobre 1946. La Constitution publiée le 27 octobre 1946 institue un régime

parlementaire rationalisé (I) en réaction contre les défauts du régime de la IIIe République. Les dérives du système aboutiront, en définitive, à la pratique d’un parlementarisme absolu (II).

I. L’échec de la rationalisation du parlementarisme À l’instar d’autres pays européens (Allemagne, Italie), la Constitution de 1946 retient une conception novatrice du régime parlementaire qui s’éloigne du modèle classique. La rationalisation entreprise vise, par des mécanismes prévus par la Constitution, à combattre les conflits institutionnels responsables d’une instabilité gouvernementale contraire à l’intérêt national. Pour garantir un équilibre des pouvoirs face à la puissance du pouvoir législatif, la fonction de président du Conseil (chef de gouvernement) est constitutionnalisée. Il reçoit des pouvoirs propres (pouvoir réglementaire, direction des forces armées, nomination aux emplois civils et militaires). La procédure de la question de confiance est, quant à elle, encadrée en soumettant le renversement du gouvernement à l’exigence d’une majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale (art. C 49). Elle se distingue précisément de la procédure d’investiture (art. C 45) conçue pour asseoir l’autorité du président du Conseil sur ses ministres dès lors qu’il reçoit seul la confiance de l’Assemblée nationale. Ces mesures s’avèrent, cependant, insuffisantes face à une pratique détournée de la lettre de la Constitution. La coutume constitutionnelle de la double investiture, par laquelle le chef du gouvernement investi et nommé demande à l’Assemblée l’investiture du gouvernement qu’il a constitué, permet aux ministres de jouir de la même confiance que celle du président du Conseil qui voit son autorité manifestement réduite. La réforme constitutionnelle du 7 décembre 1954 met un terme à cette règle coutumière sans qu’une telle suppression n’influe, de manière décisive, sur la stabilité des institutions. Conjointement, la tentative des radicaux attachés à la tradition de la IIIe République, de restaurer l’autorité de la seconde

chambre parlementaire – qui prend modestement le nom de Conseil de la République dans la Constitution de 1946 à l’instar des attributions consultatives qui lui sont accordées – échoue malgré la réforme de 1954 qui parvient néanmoins à lui redonner un pouvoir d’initiative législative loin d’équivaloir l’étendue de celui dont dispose l’Assemblée nationale toute puissante.

II. Le maintien d’un parlementarisme absolu Malgré la rationalisation à laquelle elle procède, la Constitution de 1946 contient, en germe, les éléments nécessaires au rétablissement d’un parlementarisme absolu. Le Parlement domine l’ensemble des autres pouvoirs publics qui procèdent de lui : le chef de l’État est élu pour sept ans à la majorité absolue par les deux chambres réunies en Congrès ; le président du Conseil n’est nommé par le chef de l’État qu’après avoir été investi par l’Assemblée nationale. Seule incarnation du peuple (les députés sont élus au suffrage universel, égal direct et secret), c’est à travers cette assemblée que s’exerce la souveraineté du peuple (art. C 3). L’institution du Conseil de la République réduit à un rôle consultatif (l’Assemblée nationale vote seule la loi sur laquelle le Conseil de la République ne donne qu’un avis), n’est qu’une concession accordée aux républicains modérés (MRP) par la majorité des constituants favorable au monocamérisme comme en témoigne le premier projet rejeté de Constitution. Elle dispose d’un monopole d’intervention face à l’effacement du président de la République et au rôle d’exécutant du président du Conseil. La puissance parlementaire échappe à toute emprise. Le contrôle de constitutionnalité des lois prévu par la Constitution dans le seul but de régler les conflits d’attributions entre les assemblées parlementaires est totalement inefficace. Les conditions de mise en œuvre du droit de dissolution – subordonné à l’exigence de deux renversements de ministères en moins de dix-huit mois – contrecarrées par la procédure de la question de confiance qui

impose pour renverser le gouvernement la majorité absolue qu’une maîtrise soigneuse des votes à l’Assemblée nationale permet efficacement d’éviter, aboutissent à sa paralysie sans empêcher la démission du gouvernement désavoué. La succession des crises ministérielles, l’instabilité gouvernementale, l’indiscipline partisane imposent le retour à la pratique des décrets-lois de la IIIe République – condamnés en vain par la Constitution de 1946 (art. C 13) – sous la forme de lois-cadres par lesquelles le Parlement se contente de fixer les lignes directrices abandonnant au gouvernement le soin de la mise en œuvre. Par ailleurs, la loi du 17 août 1948 qui, en conformité avec l’article 13 de la Constitution, opère une répartition normative des compétences entre la loi et le règlement en absence de dispositions constitutionnelles le prévoyant, ne parvient pas à contenir le recours aux lois des pleins pouvoirs (décrets-lois). Les institutions ébranlées par les crises (économiques, financières et sociales) qui secouent le pays ne parviennent pas à faire face. La crise algérienne emporte finalement la IVe République à laquelle succède l’actuelle République née de l’adoption de la Constitution du 4 octobre 1958. • Attention

La Constitution du 27 octobre 1946 rebaptise sous le nom d’Assemblée nationale la chambre des députés de la IIIe République qui réservait cette appellation à la réunion des deux chambres parlementaires.

• À retenir

La rationalisation du parlementarisme entreprise par la Constitution du 27 octobre 1946 pour éviter de connaître la même instabilité ministérielle que celle de la IIIe République s’avère insuffisante en l’absence d’éléments indispensables à l’équilibre des institutions. L’inefficacité du droit de dissolution, à

laquelle s’ajoute l’absence d’une logique majoritaire, conduit inéluctablement à une fragilisation des institutions auquel le régime de la IVe République ne résistera pas.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTIONS DE COURS 1. Le Parlement de la IVe République est-il monocaméral ou bicaméral ? 2. L’exécutif de la IVe République est-il monocéphale ou bicéphale ? 3. L’investiture simple qui résulte de la réforme constitutionnelle du 7 décembre 1954 signifie que l’investiture est accordée ou refusée au président du Conseil ou au cabinet tout entier ? 4. La responsabilité politique du gouvernement peut-elle être mise en cause par l’Assemblée nationale ou par le Conseil de la République ? 5. Le régime de la IVe République s’apparente-t-il à un régime parlementaire ou à un régime d’assemblée ?

CORRIGÉ 1. Bicaméral. 2. Bicéphale. 3. Au cabinet tout entier. 4. L’Assemblée nationale. 5. Un régime d’assemblée.

Fiche 18

L’élaboration et l’adoption de la Constitution de la Ve République I. L’inspiration de la Constitution de 1958 II. La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 La Ve République trouve son origine dans les excès et les défauts des régimes constitutionnels précédents. Elle naît également de l’impuissance de la IVe République à régler le problème de la décolonisation, principalement en Algérie. La Constitution du 4 octobre 1958 porte ainsi la marque des conditions dans lesquelles elle a été élaborée et des problèmes immédiats auxquels il a fallu faire face. L’organisation des institutions à laquelle elle procède est directement imprégnée de la volonté de répondre à ces difficultés (I) en poursuivant un double objectif de restauration et de continuité du pouvoir et d’aménagement des relations entre la France et les peuples d’outre-mer (II).

I. L’inspiration de la Constitution de 1958 La Constitution de 1958 s’inspire d’une idéologie forte qui vise à rétablir l’autorité de l’État tant à l’étranger qu’à l’intérieur. Elle se traduit par une prévalence de l’intérêt national sur les conflits partisans où s’affrontent les intérêts des différentes catégories sociales. Ceux-ci ne peuvent s’opposer à l’intérêt supérieur de la nation représenté par l’État et incarné par le chef de l’État qui en tire une légitimité certaine. Le discours de Bayeux, prononcé par le général de Gaulle le 16 juin 1946, contenait déjà en substance cette idéologie que le texte constitutionnel de 1958 exprime pour

l’essentiel. Elle s’associe à la thèse du parlementarisme rénové que soutient M. Michel Debré et qui trouve dans le système britannique un modèle qu’il convient d’adapter à la tradition française. Le régime né en 1958 repose ainsi sur ces deux conceptions en partie contradictoires où se côtoient l’idée d’un renforcement de la légitimité du président de la République et celle d’une restauration du rôle du gouvernement et du Premier ministre. Le régime mixte qui en ressort et inconnu en France jusqu’à cette date, participe au caractère ambigu de la Constitution de 1958 qui est double. D’un côté, se dresse une Constitution de type parlementaire avec un gouvernement responsable devant l’Assemblée nationale et qui devrait logiquement en être l’émanation. D’un autre côté, se dessine une prédominance du président de la République, accentuée par la révision de son mode d’élection au suffrage universel direct en 1962 (révision de la Constitution de 1958 par la loi référendaire du 6 novembre 1962) qui l’incite naturellement à assumer toutes les responsabilités qui découlent d’un tel mode d’élection alors même que le texte de la Constitution ne semble pouvoir lui offrir les prérogatives nécessaires pour cela. L’équilibre du régime dépend, en définitive, des rapports entre les deux têtes de l’exécutif, le président de la République et le Premier ministre.

II. La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 Après avoir déclaré dans une allocution en date du 19 mai 1958 être prêt « à assumer les pouvoirs de la République », le général de Gaulle, dernier président du Conseil de la IVe République, est appelé par le président de la République René Coty à la tête du gouvernement composé de la plupart des partis politiques, à l’exclusion du parti communiste. Le gouvernement d’union nationale qui est constitué est investi le 1er juin 1958 après une courte déclaration du général de Gaulle devant l’Assemblée nationale. La mise en place des nouvelles institutions se fait selon des conditions définies par la loi constitutionnelle du 3 juin 1958. Cette loi qui permettait de réviser la Constitution de

la IVe République a conduit, en fait, à son abrogation. Elle imposait au gouvernement chargé de la rédaction de la future Constitution le respect de cinq principes : le suffrage universel comme source du pouvoir, la séparation du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, la responsabilité du gouvernement devant le Parlement, l’indépendance de l’autorité judiciaire, l’organisation des rapports entre la République et les peuples associés. Ces principes limitaient la liberté de rédaction du gouvernement même si aucune sanction n’était prévue en cas de violation de ces derniers. En outre, la loi constitutionnelle prévoyait l’obligation pour le gouvernement, en absence de réunion d’une Assemblée constituante, de procéder à la ratification du texte par référendum sans qu’aucun délai n’ait été toutefois fixé. Élaboré pendant l’été 1958, le texte de la Constitution fut soumis à un Comité consultatif constitutionnel (composé de deux tiers de parlementaires et d’un tiers de personnalités qualifiées désignées par le gouvernement) apte à ne donner que des avis, lesquels présentaient, malgré tout, le mérite de recueillir l’opinion et l’accord des parlementaires du régime précédent. Présenté ensuite au Conseil d’État dont les observations n’étaient que d’ordre juridique, le texte fut arrêté par le Conseil des ministres le 3 septembre 1958 pour être présenté le lendemain au peuple français par le général de Gaulle, une présentation teintée de symbolisme en ce jour anniversaire de la proclamation de la République en 1870. C’est à une très large majorité (presque 80 % de oui et seulement 15 % d’abstention) issue du référendum du 28 septembre 1958 que le projet de Constitution est adopté. Il est promulgué le 4 octobre 1958 date à laquelle débute la Ve République. La Constitution de 1958 comporte un court préambule qui se contentait, à l’origine, de proclamer l’attachement du peuple français aux droits de l’homme définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946. Elle comprenait quatre-vingt-douze articles répartis en quinze titres dont quatorze à caractère permanent et un titre relatif aux dispositions transitoires dans lequel l’article 91 de la Constitution prévoyait que

les nouvelles institutions devaient être mises en place dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation du nouveau texte. L’article 92 de la Constitution accordait, à ce titre, des pouvoirs exceptionnels au gouvernement pour la même durée. Il s’agissait essentiellement d’élire le président de la République et les parlementaires. L’Assemblée nationale est élue au scrutin majoritaire les 23 et 30 novembre 1958 avec une victoire des partisans de la nouvelle République. Le 21 décembre 1958 l’élection présidentielle au suffrage universel indirect par un collège de grands électeurs porte, conformément à l’attente générale, le général de Gaulle à la tête de la présidence de l’État (élu à 80 % des suffrages). Il désigne M. Michel Debré comme Premier ministre. La période de mise en place des institutions prend fin avec les élections sénatoriales d’avril 1959. • À retenir •

L’objectif de la Constitution du 4 octobre 1958 est de restaurer l’autorité de l’État. Cet objectif passe par un renforcement de l’autorité du pouvoir exécutif. La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 définit les conditions de la mise en place des nouvelles institutions.

Pour en savoir plus − S. Rials, B. Mathieu, M. Verpeaux, Textes constitutionnels de la Ve République, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2005. − D. Rousseau, A. Viala, Droit constitutionnel, Montchrestien, coll. « Pages d’Amphi », 2004.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTIONS DE COURS 1. Quelle est la caractéristique principale de la Constitution du 4 octobre 1958 ? 2. Quelle est la caractéristique du passage de la IVe République à la Ve République ?

3. Quel est l’objectif poursuivi par l’édiction par la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 de conditions de forme et de fond ?

CORRIGÉ 1. La Constitution de 1958 donne au pouvoir exécutif la primauté dont il était privé sous les Républiques antérieures (IIIe et IVe Républiques). 2. Pour la première fois dans l’histoire constitutionnelle, le passage de la IVe République à la Ve République s’opère dans la légalité. L’Assemblée nationale délègue son pouvoir constituant au gouvernement du général de Gaulle investi le 1er juin 1958. Tel est l’objet de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 qui révise la procédure de révision de l’article 90 de la Constitution de 1946. 3. Les conditions émises par la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 visent à encadrer le pouvoir constituant pour éviter de retomber dans les dérives provoquées par la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 par laquelle le maréchal Pétain, investi du pouvoir constituant, s’arroge l’ensemble des pouvoirs.

Fiche 19

La nature du régime politique de la Ve République I. L’ambiguïté de la nature du régime politique II. Un régime fondamentalement parlementaire Si la volonté des rédacteurs de la Constitution de 1958 et notamment de M. Michel Debré était de mettre en place un véritable régime parlementaire (II) par opposition aux déformations des régimes de la IIIe et de la IVe République, les dispositions constitutionnelles associées à la pratique éloignent largement le régime du modèle parlementaire de type britannique (I).

I. L’ambiguïté de la nature du régime politique Le renforcement du pouvoir exécutif par rapport au pouvoir législatif, contrairement aux régimes précédents, bénéficie principalement au président de la République et non au gouvernement. Les pouvoirs importants détenus par le chef de l’État conduisent à une présidentialisation du régime favorisée par deux éléments. Tout d’abord, l’élection du président de la République au suffrage universel direct a donné à celui-ci une légitimité populaire au moins égale à celle de l’Assemblée nationale. Elle lui confère des pouvoirs qui ne sont pas expressément prévus dans la Constitution et fait naître ainsi une responsabilité politique de ce dernier devant le peuple qui n’est toutefois encadrée par aucune procédure définie par le texte constitutionnel. Ensuite, la conjonction de la majorité du président de la République avec la majorité de l’Assemblée nationale de 1962 à 1986, a permis au chef de l’État d’avoir une

majorité parlementaire soutenant le gouvernement qu’il a désigné. Cette conjonction a disparu entre 1986 et 1988 lors de la première « cohabitation » entre M. François Mitterrand et M. Jacques Chirac, entre 1993 et 1995 au cours de la seconde cohabitation entre M. Mitterrand et M. Édouard Balladur ainsi qu’entre 1997 et 2002 lors de la troisième cohabitation entre M. J. Chirac et M. Lionel Jospin. La coïncidence des majorités présidentielles et parlementaires est un garant du renforcement de l’influence du président de la République au sein du pouvoir exécutif.

II. Un régime fondamentalement parlementaire Le régime politique de la Ve République s’apparente à un régime mixte dans lequel coexistent une prééminence présidentielle et les éléments essentiels d’un régime parlementaire comme le droit de dissolution et la présence d’un gouvernement solidaire. Si la nature du régime institué en 1958 a suscité de nombreuses interrogations – l’appellation de régime présidentialiste ou de régime semiprésidentiel est à cet égard éloquente – le régime de la Ve République est fondamentalement parlementaire. La principale différence avec les régimes parlementaires voisins (britanniques ou scandinaves par exemple) réside à la fois dans l’élection du président de la République au suffrage universel direct qui peut faire du chef de l’État un véritable chef de l’exécutif et dans les pouvoirs importants qu’il détient. À l’instar toutefois de tout régime parlementaire, l’exécutif est bicéphale, c’est-à-dire composé de deux têtes, le président de la République et le gouvernement dirigé par le Premier ministre. Le Parlement, composé de deux assemblées, a, quant à lui, le pouvoir de faire les lois et celui de contrôler l’exécutif selon des limites précises qui témoignent d’un fonctionnement rationalisé du Parlement en vue de corriger les excès des régimes antérieurs. Un rôle de régulation des rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif est aussi confié au pouvoir juridictionnel qui rassemble des

juridictions de nature diverse, juridictions judiciaires, administratives et constitutionnelle, cette dernière ayant connu, depuis 1958, un accroissement considérable de sa fonction régulatrice. • À retenir •

Le régime parlementaire institué par la Constitution de 1958 évolue vers un régime mixte dans lequel les éléments essentiels du régime parlementaire se combinent avec la primauté présidentielle qu’autorisent les périodes dominées par le fait majoritaire.

Pour en savoir plus − J. Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien, Domat, 1999.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTIONS DE COURS 1. Le régime parlementaire institué par la Constitution du 4 octobre 1958 est d’inspiration : orléaniste (ou dualiste) ou moniste ? Expliquer. 2. Au regard des régimes précédents, la Constitution de la Ve République s’inscrit dans une perspective de rupture ou de continuité ? Expliquer. 3. Quels sont les événements ayant favorisé le présidentialisme ?

CORRIGÉ 1. Les pouvoirs sans précédent reconnus par la Constitution de 1958 au président de la République (nomination du Premier ministre, droit de dissolution de l’Assemblée nationale, référendum législatif, droit de message aux assemblées parlementaires, droit de saisine du Conseil constitutionnel et nomination de certains de ses membres) témoignent de

l’inspiration orléaniste du régime de la Ve République que consacre le changement de son mode d’élection en 1962. 2. La Constitution de la Ve République rompt avec les régimes précédents en mettant un terme à la souveraineté parlementaire qui leur donnait le caractère de régime d’assemblée. La fin du parlementarisme absolu marqué par la rationalisation de l’activité parlementaire (la loi est limitée dans son domaine d’intervention, encadrée dans sa procédure d’élaboration et contrôlée quant à sa conformité à la Constitution) est relayée par la primauté du pouvoir exécutif aussi bien par celle du président de la République que par celle du gouvernement sur lequel le Premier ministre – et non plus le président du Conseil – exerce pleinement son autorité. 3. Le présidentialisme, né en 1962, résulte à la fois du nouveau mode d’élection du président de la République au suffrage universel direct et de la naissance simultanée du fait majoritaire. Le régime parlementaire institué en 1958 reprend ses droits lorsque le soutien de la majorité parlementaire fait défaut.

Fiche 20

Le statut du président de la République : l’élection présidentielle I. Le mode d’élection du président de la République II. Les modalités d’organisation de l’élection présidentielle • Attention

La restauration du pouvoir exécutif est l’une des principales priorités des Pères fondateurs de la Ve République. Elle concerne les deux têtes de ce pouvoir (exécutif bicéphale) composé du président de la République et du gouvernement, dirigé par le Premier ministre. La Ve République se caractérise par la primauté du président de la République dont l’autorité perdue sous les Républiques antérieures cède la place à un pouvoir fort qui en fait la « clef de voûte » (M. Debré) des institutions comme en témoigne symboliquement la position qu’il occupe dans la Constitution de 1958 qui lui consacre son titre II (après le titre I réservé à la souveraineté) alors que dans la Constitution de 1946 il ne figurait qu’au titre IV, derrière le Parlement et le gouvernement. La révision constitutionnelle de 1962 qui permet l’élection du président directement par les électeurs (I) selon des modalités précisées par la Constitution et la loi organique (v. art. C 7) (II), renforce cette prépondérance présidentielle. Elle marque un tournant décisif dans l’évolution du système politique faisant du chef de l’État un véritable acteur politique.

I. Le mode d’élection du président de la République Depuis le changement du mode d’élection du président de la République, l’élection présidentielle rythme entièrement la vie institutionnelle constituant ainsi un événement politique majeur particulièrement mobilisateur face à un électorat traditionnellement fuyant.

A. Du suffrage universel indirect… L’article 6 de la Constitution tel qu’il était initialement rédigé en 1958 prévoyait selon la volonté du général de Gaulle, l’élection du président de la République par un collège électoral élargi calqué sur celui des sénateurs, composé de 80 000 élus (députés, sénateurs, conseillers généraux, membres des assemblées des TOM et représentants des conseils municipaux). Le refus de heurter le principe de la séparation des pouvoirs posé par la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 (v. fiche n° 18) en maintenant, à l’image des IIIe et IVe Républiques, l’élection du président de la République par les parlementaires, combiné à l’absence de volonté d’insérer dans le régime parlementaire institué en 1958, un élément caractéristique du régime présidentiel – l’élection du président par le peuple – expliquent juridiquement le système électif retenu. Celui-ci ne sera utilisé qu’une seule fois pour élire à la présidence de la République, dès le premier tour (78,5 % des suffrages exprimés), le général de Gaulle le 21 décembre 1958. Il sera abandonné en 1962 au profit d’une élection plus conforme à la conception gaulliste d’un président de la République.

B. … au suffrage universel direct La loi référendaire du 6 novembre 1962 instaure un nouveau mode d’élection du président de la République désormais élu directement par le peuple (v. art. C 6) selon un scrutin majoritaire à deux tours. L’objectif de la réforme est de garantir la stabilité des institutions difficilement réalisable selon le général de Gaulle lorsque le régime

donne aux parlementaires le monopole de la légitimité démocratique. Soucieux pour ses successeurs de ne pouvoir bénéficier comme lui d’une légitimité personnelle née de l’histoire, la réforme qui rencontre l’hostilité du Parlement est accélérée par l’attentat manqué du Petit-Clamart (22 août 1962). Pour éviter tout risque de blocage parlementaire et passer outre le préalable d’un vote parlementaire commun aux deux assemblées exigé par la procédure de révision constitutionnelle de l’article 89 de la Constitution, le général de Gaulle recourt au référendum de l’article 11 de la Constitution au mépris du respect de l’acte constitutionnel. Pour autant, la loi issue du référendum du 28 octobre 1962 échappe à la censure du Conseil constitutionnel qui, saisi par le président du Sénat Gaston Monnerville, décline sa compétence à l’égard de cette catégorie de lois en tant qu’elles « constituent l’expression directe de la souveraineté nationale » (décision CC n° 62-20 DC, 6 novembre 1962 ; v. fiche n° 38). La loi est alors promulguée le 6 novembre 1962. Elle est à l’origine du système d’élection actuellement en vigueur appliquée, pour la première fois, en décembre 1965 pour reconduire le mandat présidentiel du général de Gaulle. La réforme à laquelle elle a donné lieu marque en France la naissance du présidentialisme (v. art. C 6 et 7) au prix toutefois d’une querelle juridique forte et d’une crise politique sans précédent qui entraîna la démission du gouvernement Pompidou (art. C 50) à la suite de l’adoption d’une motion de censure et la dissolution de l’Assemblée nationale (art. C 12). Les élections législatives qui s’ensuivent assoient définitivement la primauté présidentielle en faisant émerger un élément clef du système politique de la Ve République : le fait majoritaire.

II. Les modalités d’organisation de l’élection présidentielle A. La candidature et la campagne électorale 1. La candidature

Les conditions de candidature sont régies par des règles relativement strictes qui empêchent un surnombre de candidats ou de candidatures fantaisistes. Aux conditions classiques de nationalité (avoir la nationalité française), d’âge (être âgé d’au moins 23 ans), de moralité et de civisme (satisfaire aux obligations de la loi sur le recrutement de l’armée), s’ajoute le respect de règles de parrainage qui imposent une présentation des candidats par 500 élus (parlementaires, conseillers régionaux et généraux, maires, conseillers de Paris, membres des assemblées territoriales des territoires d’outre-mer, membres élus du Conseil supérieur des Français de l’étranger) représentant 30 départements ou territoires d’outre-mer différents sans que plus d’un dixième d’entre eux puissent être les élus d’un même département ou territoires d’outremer. Ce corps de présentation représente environ quarante mille personnes étant entendu qu’un élu ne peut présenter qu’un seul candidat, la liste des parrainages étant publiée au Journal officiel. La liste officielle des candidats est établie par le Conseil constitutionnel après vérification. Elle doit être publiée 15 jours au moins avant le premier tour de scrutin et peut être contestée devant le Conseil constitutionnel par tout candidat ou toute personne dont la candidature n’a pas été retenue (déc. CC 17 mai 1969, Ducatel/Krivine ; 6 avril 1995, Néron). Il semble cependant que ce dispositif ne soit pas de nature à limiter efficacement la multiplication des candidatures (dix en 1981, neuf en 1988 et 1995, seize en 2002 et douze en 2007) particulièrement nuisible à la clarté de la campagne électorale et du scrutin. Le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République (v. fiche n° 46) a proposé, à ce titre, un système de sélection des candidatures – imposant une modification de la loi organique prise en application de l’article 6 de la Constitution – qui serait le fait d’un collège de cent mille élus (soit plus du double du nombre des personnes susceptibles, dans le système actuel, de parrainer des candidatures) composé de parlementaires, de conseillers régionaux, de conseillers

généraux, de maires et de délégués des conseils municipaux qui, sélectionnés à proportion de la population qu’ils représentent et soumis à l’obligation de voter, seraient appelés au chef-lieu du département, à désigner, à bulletin secret, le candidat qu’ils souhaitent voir concourir à la présidence de la République. Pour qu’elle réponde à l’objectif recherché, cette désignation devrait intervenir le même jour dans un délai suffisant avant le début de la campagne présidentielle et être nécessairement assortie de la fixation d’un double seuil, l’un en deçà duquel les candidats ne pourraient être retenus, l’autre imposant l’obtention d’un minimum de voix dans un nombre déterminé de départements. Il s’agit là de donner à l’élection présidentielle, dès le premier tour, la qualité d’un scrutin qui engage l’avenir du pays. 2. La campagne électorale Régie par le décret du 14 mars 1964, la campagne électorale repose sur le principe de l’égalité entre les candidats. Elle s’ouvre officiellement au jour de la publication au Journal officiel de la liste des candidats et prend fin le vendredi précédent le scrutin à minuit. Elle est d’une courte durée (15 jours en vue du premier tour et 15 jours en vue du second). L’égalité de traitement et le pluralisme imposent que « tous les candidats bénéficient de la part de l’État, des mêmes facilités pour la campagne » (art. 3 IV de la loi du 6 novembre 1962), le respect de ces principes étant assuré par la Commission nationale de contrôle (CNC) composée de magistrats (décret 14 mars 1964) et par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) (décret 6 janvier 1988) dans le domaine de la communication qui veillent à ce que les candidats bénéficient, de manière identique, des moyens de communication, affichage officiel, radios et télévisions publiques. Le financement public et privé de la campagne est régi par les lois organiques des 19 et 20 janvier 1995. Chaque candidat a l’obligation de tenir un compte de campagne retraçant la totalité des ressources et des dépenses effectuées en vue de son élection. Un plafond des dépenses est imposé par la loi (loi organique n° 2001-100 du 5 février 2001). Une avance est versée par l’État à chaque candidat

lors de la publication de sa liste au premier tour. Les personnes physiques sont autorisées à consentir des dons dans la limite fixée par la loi (loi n° 95-65 du 19 janvier 1995), les donateurs étant soumis à un régime d’exonération fiscale (décret 8 août 1994). Depuis 1995, à l’exception des partis ou gouvernements politiques, les personnes morales ne peuvent participer au financement de la campagne. Cette interdiction concerne également les États étrangers. Les comptes de campagne sont adressés au Conseil constitutionnel pour approbation, rejet ou rectification et peuvent faire l’objet de sanctions pécuniaires (versement au Trésor public d’une somme égale au montant du dépassement du plafond des dépenses ; non-remboursement par l’État des frais de campagne) ou de sanctions pénales (transmission au Parquet d’un dossier d’un candidat comportant des irrégularités).

B. Le déroulement du scrutin et le contrôle des opérations électorales L’élection du président de la République suit les règles du scrutin majoritaire uninominal à deux tours (v. art. C 7). Au premier tour, la majorité absolue des suffrages exprimés est requise faute de laquelle un second tour est organisé le deuxième dimanche suivant. Ne peuvent s’y présenter que les deux candidats qui ont obtenu le plus grand nombre de suffrages à l’issue du premier tour après le retrait éventuel de candidats mieux placés. Jusqu’à ce jour, aucune élection n’a été acquise au premier tour. Aucun retrait de candidat n’a également eu lieu. Le contentieux de l’élection présidentielle relève de la compétence du Conseil constitutionnel (art. C 58) qui veille à la régularité des opérations électorales. Il statue dans un délai de 48 heures suivant la clôture du scrutin sur les contestations des électeurs qui sont portées sur le procès-verbal des opérations de vote, sur celles des candidats et également du préfet ou chef de territoire en ce qui concerne le déroulement du scrutin dans sa circonscription.

La proclamation des résultats par le Conseil ne peut intervenir qu’après l’examen de ces contestations. Aucune contestation n’est recevable après cette proclamation. Le nouveau président peut entrer en exercice à la suite d’une cérémonie de prise de fonction. • À retenir •



La primauté présidentielle est le trait caractéristique de la Ve République auquel est liée, de manière étroite, l’élection du chef de l’État au suffrage universel direct. La modification du mode d’élection du président de la République en 1962 – qui s’accompagne de la naissance du fait majoritaire – est à l’origine de la transformation de la nature du régime de la Ve République qui, de régime parlementaire, évolue vers un régime présidentialiste.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. Sous la Ve République, la première élection du président de la République au suffrage universel direct a lieu en 1962.

□ Vrai □ Faux 2. L’éligibilité à la présidence de la République est soumise à une déclaration de situation patrimoniale.

□ Vrai □ Faux 3. La durée de la campagne présidentielle officielle est de 15 jours en vue du premier tour et de 15 jours en vue du second.

□ Vrai □ Faux 4. En cas d’inobservation des règles relatives au financement de la campagne présidentielle, la sanction électorale de l’inéligibilité n’est pas applicable à l’élection présidentielle.

□ Vrai □ Faux

5. Le contentieux de l’élection présidentielle appartient au Conseil constitutionnel.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Faux. 1965. En décembre 1965, pour la première fois depuis 1848, le peuple français élit le président de la République au suffrage universel direct. 2. Vrai. 3. Vrai. 4. Vrai. 5. Vrai. Article C 58.

Fiche 21

Le statut du président de la République : le mandat… du président de la République I. L’exercice du mandat présidentiel II. La limitation de la durée du mandat présidentiel Le régime juridique applicable à l’exercice du mandat présidentiel est défini par les articles 6 et 7 de la Constitution relatifs respectivement à la durée du mandat présidentiel (I) et à la cessation des fonctions présidentielles (II). Il répond principalement à l’exigence de garantir la continuité de l’État selon les dispositions de l’article 5 de la Constitution même si la réduction récente de la durée du mandat présidentiel a pu, d’une certaine manière, rompre avec cet impératif. S’ajoute à cette rupture, la modification par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République de l’article 6 de la Constitution qui limite à deux le nombre de mandats consécutifs susceptibles d’être accomplis par le président de la République. Il s’agit d’inciter le titulaire de la fonction présidentielle à agir plutôt qu’à chercher à se maintenir au pouvoir.

I. L’exercice du mandat présidentiel A. La durée du mandat présidentiel en 1958 L’article 6 de la Constitution précise : « Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. » La révision constitutionnelle du 2 octobre 2000 (loi constitutionnelle n° 2000-964, 2 octobre 2000) substitue au septennat inscrit depuis

1958 dans la Constitution, un mandat présidentiel de cinq ans plus adapté au président gouvernant – et non plus seulement – arbitre – qu’est aujourd’hui le chef de l’État. Dans la continuité des IIIe et IVe Républiques, la Constitution de la Ve République adopte, en conformité avec l’idée de stabilité et de permanence qu’incarne le président de la République dans l’esprit des constituants de 1958, la règle du septennat établie pour des raisons circonstancielles en 1873. Création empirique par excellence, le septennat trouve son origine dans la division qui oppose au sein des monarchistes les légitimistes aux orléanistes. La volonté d’établir un nouveau régime au sortir de la guerre de 1870 avait donné aux élections du 8 février 1871 la majorité, à l’Assemblée nationale, aux monarchistes favorables, contrairement aux républicains, à la paix (v. fiche n° 16). Une entente provisoire entre monarchistes et républicains confie à Adolphe Thiers la présidence de la République (loi du 31 août 1871, dite « Constitution Rivet ») jusqu’à son ralliement à la République qui entraîne sa démission le 24 mai 1873 après que l’Assemblée a refusé de voter le projet de Constitution républicaine déposé par son garde des Sceaux, Dufaure. Il est alors confié au nouveau président de la République élu, le maréchal de Mac-Mahon (légitimiste), un mandat personnel particulièrement long de sept ans correspondant à l’espérance de vie du comte de Chambord après que celui-ci, par son intransigeance à accepter le trône des mains de l’Assemblée nationale, symbolisée par son refus d’abandonner le drapeau blanc pour le drapeau tricolore, a fait obstacle au retour de la monarchie. L’échec de toute transaction avec le comte de Chambord destiné à occuper le trône à la suite d’un compromis entre les légitimistes et les orléanistes ne laissait comme seule alternative à la restauration que sa disparition sans héritier du comte. Cette attente explique la règle du septennat symbole d’un possible retour de la monarchie. Cette règle n’en deviendra pas moins un principe républicain après que les lois constitutionnelles de 1875, qui marquent la naissance de la IIIe République, l’ont définitivement entériné et à leur suite les Constitutions de 1946 et 1958.

B. La révision constitutionnelle du 2 octobre 2000 Si en 1958 la légitimité du septennat est tributaire de la conception de la fonction arbitrale du président de la République placé « audessus des contingences politiques » (général de Gaulle, Discours de Bayeux, 16 juin 1946), elle s’effacera face à la pratique qui, dès l’élection présidentielle de 1965, fait du chef de l’État le leader de la majorité parlementaire. Cette nouvelle configuration justifie de pouvoir s’assurer à intervalles plus rapprochés de l’adhésion des citoyens à la politique présidentielle et explique la révision constitutionnelle du 2 octobre 2000 (loi constitutionnelle n° 2000964, 2 octobre 2000, JO, 2 octobre 2000) qui après la tentative avortée de 1973 (v. fiche n° 11) institue le quinquennat à la suite de la consultation référendaire du 24 septembre 2000. Présenté comme une source de « vitalité démocratique » (Gérard Gouzes, Rapport AN, n° 2463, 8 juin 2000) et un moyen de limiter (sans l’éliminer) les cohabitations répétées en assurant une harmonisation de la durée des mandats présidentiel et parlementaire, il est également dénoncé pour ses risques de mise en cause de l’équilibre institutionnel liés à un renforcement excessif des pouvoirs du président de la République mais aussi à l’impossibilité pour ce dernier d’assurer pleinement la continuité de l’État dès lors que la durée de son mandat est réduite et qu’il n’est renouvelable qu’une fois consécutivement.

II. La limitation de la durée du mandat présidentiel Les fonctions de président de la République cessent en principe avec l’arrivée du terme de son mandat, l’élection du nouveau président devant alors avoir lieu vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l’expiration des pouvoirs du président en exercice (article C 7). L’exercice du mandat peut cependant être interrompu avant terme (A), l’intérim présidentiel devenant alors nécessaire (B).

A. Les cas de cessation anticipée de fonctions L’article 7 de la Constitution définit les modalités applicables en cas de vacance ou d’empêchement (provisoire ou définitif) de la présidence de la République qui peut résulter d’une démission (cas du général de Gaulle en 1969), du décès du président (Georges Pompidou en 1974) ou d’une maladie. L’empêchement doit être constaté par le Conseil constitutionnel saisi par le gouvernement et statuant à la majorité de ses membres. La vacance ou l’empêchement déclaré définitif par le Conseil impose une élection présidentielle anticipée qui doit avoir lieu, sauf cas de force majeure constaté par le Conseil, vingt jours au moins et trentecinq jours au plus après l’ouverture de la vacance ou la déclaration du caractère définitif de l’empêchement. Quelle que soit la cause de la cessation des fonctions, l’intérim de la présidence est assuré par le président du Sénat (intérim d’Alain Poher en 1969 et en 1974) et, en cas d’empêchement de ce dernier, par le gouvernement.

B. Les pouvoirs du président intérimaire Durant la période de l’intérim, le président intérimaire exerce les fonctions de chef de l’État conformément à l’exigence de continuité de l’État dont ce dernier a la charge. Une lecture a contrario de l’article 7 de la Constitution conduit à considérer que les pouvoirs du président intérimaire sont similaires à ceux du président de la République en exercice sauf exceptions mentionnées dans cette disposition qui interdit pendant l’intérim d’utiliser le droit de dissolution de l’Assemblée nationale (art. C 12) ou encore de recourir au référendum (art. C 11). L’intérim ne doit pas être détourné de sa fonction initiale qui est, avant tout, de répondre à une situation provisoire et non l’occasion de satisfaire des velléités personnelles, comme le confirme l’interdiction qui frappe la mise en œuvre de certains pouvoirs présidentiels. La stabilité des institutions s’oppose en outre à procéder à une révision de la Constitution (art. C 89) et aussi à engager la responsabilité du gouvernement

devant l’Assemblée nationale (art. C 49 et 50). Il en va ainsi de la garantie du fonctionnement régulier des institutions. • Attention

L’intérim doit être distingué de la suppléance. Aux termes de l’article 21 de la Constitution, le Premier ministre peut remplacer le président de la République. La suppléance concerne la présidence des conseils et comités prévus à l’article 15 de la Constitution ainsi, qu’à titre exceptionnel, celle d’un Conseil des ministres pour un ordre du jour déterminé en vertu d’une délégation expresse.

• À retenir •

La révision constitutionnelle du 2 octobre 2000 institue le quinquennat pour adapter la durée du mandat présidentiel au rôle de président-gouvernant (et non plus de président-arbitre) qui est aujourd’hui celui du chef de l’État et dont la légitimité a besoin, en conséquence, d’être plus fréquemment renouvelée.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. La loi du 20 novembre 1873 instituant le septennat repose sur des considérations personnelles.

□ Vrai □ Faux 2. Le mandat du président de la République est renouvelable sans limitation.

□ Vrai □ Faux 3. La loi constitutionnelle référendaire du 24 septembre 2000 qui institue le quinquennat constitue la première utilisation du référendum prévu à l’article 89 de la Constitution.

□ Vrai □ Faux

4. La cessation anticipée de la fonction présidentielle entraîne la succession.

□ Vrai □ Faux 5. Le gouvernement est une autorité intérimaire.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Vrai. La durée de mandat repose sur l’espérance de vie du prétendant au trône, le comte de Chambord. 2. Faux. Voir l’alinéa 2 nouveau de l’article 6 de la Constitution issu de la loi constitutionnelle du n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République selon lequel « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». 3. Vrai. 4. Faux. La cessation anticipée entraîne l’intérim contrairement au système américain qui entraîne la succession. 5. Vrai. En cas d’empêchement du président du Sénat, le gouvernement assure l’intérim.

Fiche 22

Le statut du président de la République : la responsabilité… du président de la République I. Une irresponsabilité sous réserve pour les actes rattachables à l’exercice du mandat présidentiel II. Une inviolabilité temporaire pour les actes non rattachables à l’exercice du mandat présidentiel • Définition

Action : voie de droit ouverte pour la protection judiciaire d’un droit. La place éminente occupée par le président de la République dans la Constitution du 4 octobre 1958 qui est le premier cité dans l’énumération de nos institutions politiques (titre II) combinée au renforcement de son autorité politique par son élection au suffrage universel direct (v. loi constitutionnelle du 6 novembre 1962, v. fiche n° 11) et à l’évolution de son rôle institutionnel confirmée par la réduction à cinq ans de la durée de son mandat (v. loi constitutionnelle du 2 octobre 2000, fiche n° 21) imposait une modification de son régime de responsabilité. Directement hérité des IIIe et IVe Républiques caractérisées par l’effacement de la fonction présidentielle, le régime de responsabilité défini en 1958 ne paraissait manifestement plus adapté au rôle central occupé par le président de la République dans la vie politique. Le seul mécanisme de mise en cause de la responsabilité politique du chef de l’État que constitue la sanction électorale à l’occasion de l’élection

présidentielle, d’élections législatives ou d’un référendum apparaît, à cet égard, insuffisant malgré les risques plus fréquents d’exposition politique du président de la République avec l’institution du quinquennat. • Attention

La sanction électorale n’influe sur le mandat présidentiel que dans le cas de l’élection présidentielle par sa non-reconduction. En ce qui concerne les élections législatives ou le référendum, le désaveu populaire n’emporte pas de conséquence sur la continuité de l’exercice du mandat présidentiel selon la lettre de la Constitution, le choix de rester ou de partir étant laissé à la libre décision du président de la République (v. dans le cadre de la pratique du référendum plébiscitaire, l’exemple de l’échec du référendum du 27 avril 1969 qui a conduit à la démission du général de Gaulle comme il l’avait annoncé en cas de refus par le peuple du projet proposé ; v. inversement, pour une absence d’abandon de mandat, l’hypothèse des périodes de cohabitation (1986-1988 ; 1993-1995 ; 1997-2000), l’irresponsabilité politique du président de la République le protégeant). La révision constitutionnelle du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution (v. loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23 février 2007, v. fiche n° 11) qui s’inspire directement de la jurisprudence de Conseil constitutionnel (déc. CC n° 98-408 DC du 22 janvier 1999) et de celle de la Cour de cassation (Cass., Ass. plén., 10 octobre 2001, Breisacher : Bull. n° 11) opère les changements attendus en précisant et en modernisant le régime de responsabilité applicable au chef de l’État. Il repose désormais sur deux principes fondamentaux : celui d’une irresponsabilité sous réserve pour les actes accomplis au titre du mandat présidentiel (I) et celui d’une inviolabilité temporaire pour ceux qui se détachent de l’exercice des fonctions présidentielles (II).

I. Une irresponsabilité sous réserve pour les actes rattachables à l’exercice du mandat présidentiel Conformément à la tradition républicaine et à la place réservée au président de la République dans la Constitution, la loi constitutionnelle de 2007 confirme le principe de l’irresponsabilité du président de la République pour tous les actes qu’il accomplit en cette qualité (art. 67 al. 1er) c’est-à-dire pour tous les actes qui sont rattachables à sa fonction. L’irresponsabilité politique du président de la République constitue un élément déterminant du régime parlementaire en tant qu’elle garantit la protection du chef de l’État contre les attaques du Parlement qui ne peut mettre en cause, pour des motifs politiques, l’existence du président. Elle explique et justifie, à ce titre, la règle du contreseing ministériel qui se présente, dans la tradition parlementaire, comme un mode compensatoire de cette irresponsabilité, le Premier ministre et les ministres responsables endossant par le contreseing la responsabilité politique des actes du président de la République même si la Constitution de la Ve République a pu amoindrir la portée du contreseing ministériel qui ne joue pas pleinement sa fonction dès lors qu’elle attribue au président de la République des pouvoirs propres (art. C 19) dispensés du contreseing ministériel pour lesquels il n’y a, de ce fait, aucune autorité politiquement responsable. Dans le cadre du nouveau dispositif instauré, le président de la République n’a à répondre des actes visés ni pendant, ni après son mandat sous, cependant, la double réserve définie à l’alinéa 1er de l’article 67 de la Constitution qui concerne la compétence de la Cour pénale internationale (art. C53-2) et la mise en œuvre de la procédure de destitution (art. C68 nouveau). La rédaction nouvelle de l’article 67 de la Constitution lève l’ambiguïté résultant de l’état du droit antérieur qui prévoyait l’irresponsabilité pour les actes accomplis dans l’exercice des fonctions ce qui pouvait laisser entendre que l’irresponsabilité couvrait tous les actes commis

pendant l’exercice du mandat ce qui interdisait de faire toute distinction entre les actes détachables et les actes non détachables des fonctions dès lors qu’ils étaient commis en cours de mandat. Aux termes du nouvel article 67 de la Constitution, seuls les actes commis en qualité de chef de l’État sont soumis au principe d’irresponsabilité auquel échappent les actes accomplis par ce dernier en tant que personne privée. L’irresponsabilité, qui présente un double caractère absolu – en tant qu’elle couvre l’ensemble des contentieux civil, pénal, administratif et politique – et permanent – dans la mesure où l’irresponsabilité concerne, à l’évidence, les actes accomplis au cours du mandat mais aussi à l’expiration de celui-ci –, est cependant assortie de dispositions visant à assurer le respect des exigences relatives au traité portant statut de la Cour pénale internationale et à préserver les droits des tiers. Ainsi, par exception au principe d’irresponsabilité, le régime d’immunité juridictionnelle dont bénéficie le président de la République s’efface face à des violations graves du droit international humanitaire sur le fondement de l’article 53-2 de la Constitution issu de la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 (v. décision CC n° 98-408 DC précit. qui porte déclaration de non-conformité à la Constitution du traité de Rome du 18 juillet 1998 définissant le statut de la Cour pénale internationale) qui reconnaît la juridiction de la Cour pénale internationale. Siégeant de manière permanente, elle connaît des crimes les plus graves (crimes commis postérieurement à l’entrée en vigueur du traité définissant le statut de la Cour, soit après le 1er juillet 2002) touchant l’ensemble de la communauté internationale qui sont de nature à menacer « la paix, la sécurité et le bien-être du monde » (crimes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre, crimes d’agression commis). Son autorité s’applique à « tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle ». Elle n’exonère ainsi en aucun cas la responsabilité pénale du chef de l’État, pas plus qu’elle ne constitue un motif de réduction de la peine qu’il encourt (art. 27-I du statut de la CPI).

Par ailleurs, l’irresponsabilité dont le chef de l’État bénéficie pour les actes accomplis au titre de son mandat cède face à l’hypothèse prévue par l’article 68 nouveau de la Constitution d’un « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Il s’agit là non plus de protéger la fonction présidentielle mais de permettre de sanctionner, à travers l’introduction d’une procédure nouvelle de destitution, les atteintes que pourrait porter à l’institution le comportement même du président de la République (v. Rapport de la commission de réflexion sur le statut pénal du chef de l’État présidée par le professeur P. Avril). Ce dernier est donc désormais susceptible d’être révoqué s’il manque gravement aux devoirs de sa charge par des faits qu’il aurait commis soit avant, soit pendant son mandat qu’ils soient rattachables indistinctement à son comportement privé (délit ou crime) ou politique (mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution en l’absence de la réunion des conditions requises). La décision d’apprécier un tel manquement revient au Parlement, expression de la représentation nationale. Celui-ci est alors constitué en Haute Cour qui n’est plus dite « de justice » afin de marquer son caractère non juridictionnel compte tenu de la dépénalisation de la procédure. • Attention

La Haute Cour est composée de l’ensemble des parlementaires, députés et sénateurs. Sa composition similaire à celle du Congrès statuant en matière de révision constitutionnelle (art. C89) l’en distingue cependant par sa fonction.

• Précision

La dépénalisation de la procédure de destitution la soustrait au respect du principe de légalité des délits et des peines ainsi qu’à celui des règles du procès équitable définies à l’article 6

de la Convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales. La destitution est ainsi entendue comme la sanction politique d’un manquement portant atteinte à la fonction présidentielle qui témoigne de l’incompatibilité entre un acte ou un comportement et la poursuite du mandat. Le président de la République rendu à la condition de citoyen ordinaire est alors passible des juridictions de droit commun (v. Rapport Sénat de M. J.-J. Hyest, n° 194, 31 janvier 2007, p. 39). Le retrait de mandat auquel aboutit la destitution l’apparente à un cas de vacance de la République qui impose l’organisation d’une élection dans les conditions définies à l’article 7 alinéa 5 de la Constitution. En même temps, la gravité de la sanction encourue impose d’entourer la procédure de destitution des garanties nécessaires à la préservation de la continuité de l’État. Ainsi, si la procédure de destitution peut être indifféremment déclenchée par l’Assemblée nationale ou par le Sénat, la décision de réunir la Haute Cour ainsi que celle portant sur la destitution est prise à la majorité des deux tiers des membres composant l’assemblée concernée afin d’éviter tout usage partisan de la procédure de destitution. Participent aussi des garanties requises, l’interdiction de toute délégation de vote, l’enfermement de la procédure dans des délais brefs (la seconde assemblée saisie dispose de quinze jours pour se prononcer. Si elle suit la décision de la première assemblée, la Haute Cour statue sur la décision de destitution dans un délai d’un mois durant lequel le président de la République n’est pas empêché) ainsi que le caractère « manifestement » incompatible avec les fonctions présidentielles des manquements pouvant justifier la destitution. Il s’agit là d’autant d’éléments qui confortent l’équilibre d’une procédure dont l’usage intempestif pourrait gravement nuire au fonctionnement régulier des institutions.

II. Une inviolabilité temporaire pour les actes non rattachables à l’exercice du

mandat présidentiel L’article 67 alinéa 2 de la Constitution pose le principe d’une inviolabilité durant le mandat présidentiel s’agissant des actes détachables du mandat (actes commis avant le mandat ou ne présentant pas de lien direct avec celui-ci). Le président de la République ne peut être, en conséquence, l’objet d’aucune action devant quelque juridiction ou administration que ce soit pendant la durée de son mandat. Cette immunité cesse cependant avec ses fonctions, le chef de l’État relevant alors du droit commun. La définition d’un champ particulièrement vaste de l’inviolabilité qui englobe autant le domaine civil, administratif que pénal est dictée par la sagesse de ne pas vouloir exposer « l’homme de la Nation » (expression du général de Gaulle, conférence de presse du 31 janvier 1964) au risque d’un usage détourné de la procédure judiciaire conçue comme une arme politique (v. D. Mondon et R. Riera, « Le pouvoir d’accuser : la procédure judiciaire comme arme politique », Justices, numéro spécial « L’État devant le juge pénal », 2000, n° 2, Dalloz, p. 41). Ainsi, durant le mandat présidentiel, l’action publique est suspendue : le président de la République ne peut être tenu de témoigner – sauf s’il le souhaite –, il ne peut faire l’objet d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite. La suspension de l’ensemble de ces actes prend fin avec l’achèvement du mandat présidentiel qui ne fait plus obstacle à la reprise ou à l’engagement des instances et procédures contre le président de la République à l’expiration toutefois d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions (cessation normale résultant de la fin du mandat ou cessation prématurée découlant d’une procédure de destitution) afin de se prémunir contre toute précipitation inopportune. Le caractère temporaire de l’inviolabilité préserve, de ce fait, les droits des tiers conformément aux exigences des dispositions de l’article 6 alinéa 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés qui posent le droit à un procès équitable. Il n’est à ce titre pas inutile, même si l’inviolabilité temporaire de chef de l’État l’induit, d’avoir inscrit dans la Constitution le principe de la suspension des règles de

prescription et de forclusion qui sont la garantie pour des tiers de leur réel accès à la justice. Il s’agit là aussi de conforter l’équilibre du nouveau dispositif institué. • À retenir •

Le nouveau régime de responsabilité du président de la République issu de la révision constitutionnelle du 23 février 2007 repose sur le double principe d’une irresponsabilité politique sous réserve (compétence de la Cour pénale internationale et mise en œuvre de la procédure de destitution) pour l’ensemble des actes accomplis en sa qualité de chef de l’État et d’une inviolabilité temporaire du mandat présidentiel pour les actes détachables de la fonction présidentielle.

Pour en savoir plus − D. Rousseau, A. Viala, Droit constitutionnel, Montchrestien, coll. « Pages d’Amphi », 2004.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. Le président de la République est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions.

□ Vrai □ Faux 2. Le président de la République dispose d’une protection complète pendant la durée de son mandat s’agissant des actes détachables de ce dernier.

□ Vrai □ Faux 3. Après l’adoption par les deux assemblées parlementaires d’une proposition de réunion de la Haute Cour, le président de la République est empêché.

□ Vrai □ Faux

4. La procédure de destitution s’apparente à une mise en cause de la responsabilité politique du président de la République.

□ Vrai □ Faux 5. La procédure de destitution interdit d’éventuelles poursuites judiciaires.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Faux. Est maintenu le principe d’irresponsabilité du président de la République pour les actes commis dans l’exercice de ses fonctions sous réserve des dispositions relatives aux compétences de la Cour pénale internationale et à l’hypothèse de manquement manifestement incompatible avec ses fonctions. 2. Vrai. 3. Faux. L’empêchement prévu initialement dans le projet de loi constitutionnelle a été supprimé à l’initiative de l’Assemblée nationale. 4. Vrai. 5. Faux. La mise en avant de la procédure de destitution ne préjuge en rien d’éventuelles poursuites judiciaires à l’issue du mandat.

Fiche 23

Les pouvoirs propres du président de la République sous la Ve République I. Les pouvoirs propres du président de la République en rapport avec les pouvoirs constitués II. Les pouvoirs propres du président de la République en rapport avec la nation • Définition

Pouvoir propre du président de la République : attribution dispensée du contreseing ministériel. De manière novatrice au regard de la tradition parlementaire, la V République attribue au président de la République des pouvoirs propres exercés sans contreseing ministériel. Énumérés à l’article 19 de la Constitution qui soustrait à la règle du contreseing les actes du président prévus aux articles 8 (1er alinéa), 11, 12, 16, 18, 54, 56 et 61 de la Constitution, ils témoignent d’une autonomie d’action du président de la République face au gouvernement dans l’exercice de ses pouvoirs. Avec ceux soumis au contreseing ministériel, ils permettent la mise en œuvre de la fonction présidentielle définie à l’article 5 de la Constitution avec cette différence essentielle au regard des pouvoirs partagés qu’ils sont particulièrement dépendants du contexte politique au point d’entraver l’autonomie dont dispose le président dans ses rapports tant avec les pouvoirs constitués (I) qu’avec la nation (II). e

I. Les pouvoirs propres du président de la République en rapport avec les pouvoirs constitués A. Les rapports avec le gouvernement (art. C 8 al. 1er) Selon une formulation épurée, l’article 8 alinéa 1er de la Constitution dispose : « Le président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. » En absence de conditions entourant l’acte de nomination, il résulte de cette disposition que le président de la République nomme de manière discrétionnaire le chef du gouvernement. À la différence de la IVe République, la nomination du Premier ministre ne s’accompagne pas d’une investiture par l’Assemblée nationale. La mise en œuvre de l’article 49 alinéa 1er de la Constitution par laquelle le Premier ministre pose la question de confiance aux députés ressortit, quant à elle, de considérations essentiellement politiques (v. fiche n° 29). La liberté de choix du président est cependant assujettie à deux hypothèses. La première découle du principe de la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale (art. C 20) dont la composition politique ne peut être ignorée par le président de la République au risque d’un déclenchement de la procédure de l’article 49 alinéa 2 de la Constitution (vote d’une motion de censure). La seconde résulte de la conjoncture politique. En cas de discordance des majorités présidentielle et parlementaire (cohabitation), l’hostilité de la majorité parlementaire conditionne la liberté de choix du chef de l’État (exemples : J. Chirac en 1986, É. Balladur en 1993, L. Jospin en 1997). Une fois nommé, le Premier ministre s’impose au président de la République qui ne peut juridiquement le révoquer. Seule la démission du gouvernement entraîne la cessation de ses fonctions étant entendue que hormis l’hypothèse de la démission spontanée ou de celle prévue par la Constitution (vote d’une motion de censure ou désapprobation du programme ou d’une déclaration de politique

générale du gouvernement [art. C 50]), la démission peut être provoquée par le président de la République en période de présidentialisme (exemples : démissions de J. Chaban-Delmas en 1972, de M. Rocard en 1991, de É. Cresson en 1992).

B. Les rapports avec le Parlement (art. C 12 et 18) 1. Le droit de dissolution de l’Assemblée nationale (art. C 12) Le droit de dissolution est un élément traditionnel du régime parlementaire. Il n’en est pas moins fondamental en tant qu’il en garantit l’équilibre puisqu’il constitue la contrepartie pour l’exécutif, de la responsabilité politique du gouvernement devant le Parlement. Il connaît un renouveau avec la Ve République qui le libère des conditions restrictives dont il était affublé sous les IIIe (avis conforme du Sénat) et IVe Républiques (survenance d’une crise ministérielle). Le président de la République peut dissoudre l’Assemblée nationale à tout moment et pour tout motif sous réserve toutefois du respect du délai d’un an imparti entre deux dissolutions (art. C 12 al. 4), de l’impossibilité d’user de ce droit en période d’intérim présidentiel (art. C 7 al. 4) et en cas de recours aux pouvoirs exceptionnels (art. C 16). La seule obligation qui incombe au président de la République avant qu’il ne procède à la dissolution est de recueillir les avis du Premier ministre et des présidents des assemblées parlementaires, lesquels, dans tous les cas, ne lient pas le pouvoir de décision du chef de l’État. Une fois la dissolution réalisée, les élections générales ont lieu 20 jours au moins et 40 jours au plus après le décret de dissolution. L’Assemblée nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection. Si cette réunion a lieu en dehors de la période prévue pour la session ordinaire, une session est ouverte de droit pour une durée de 15 jours afin de laisser à l’Assemblée nationale le temps de s’installer (hypothèses de 1968, 1981, et 1988). Fondamentalement, l’exercice du droit de dissolution permet la résolution d’une crise institutionnelle (hypothèses de la dissolution du 9 octobre 1962, réplique à la motion de censure votée contre le gouvernement Pompidou [dissolution de type parlementaire

classique] ; de la dissolution du 30 mai 1968, réponse à une crise sociale [et non à une crise parlementaire]). Plus spécifiquement, il peut être un instrument d’anticipation d’une crise parlementaire (hypothèses des dissolutions du 22 mai 1981 et 14 mai 1988 en vue d’harmoniser la majorité présidentielle et la majorité parlementaire). De manière inédite et calquée sur le modèle britannique, la dissolution peut aussi être le moyen de redonner vigueur à la majorité parlementaire (hypothèse de la dissolution du 21 avril 1997 en l’espèce non vérifiée, les élections législatives ayant dégagé une majorité parlementaire hostile à la majorité présidentielle : cohabitation J. Chirac/L. Jospin, 1997-2002). 2. Le droit de message (art. C 18) En raison de la tradition parlementaire qui interdit au président de la République l’accès aux assemblées parlementaires, c’est par la voie de messages qu’il communique avec elles. Lu par le président de l’assemblée parlementaire concernée et écouté debout par ses membres, par égard pour le chef de l’État, le message présidentiel ne donne lieu à aucun débat. Hors session parlementaire, le Parlement est réuni spécialement à cet effet. Devenu avec la Ve République un pouvoir propre du président de la République, le droit de message a été utilisé depuis 1958 en cas de crise grave (exemple : F. Mitterrand en 1990 et en 1991 respectivement après l’invasion du Koweït et lors du déclenchement de la guerre du Golfe) et d’innovation institutionnelle (exemple : F. Mitterrand en 1986 pour définir les règles de la cohabitation). Dans le cadre du renforcement de la transparence de l’exercice des attributions du pouvoir exécutif et du chef de l’État en particulier, la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a réformé le mode de relation entre ce dernier et le Parlement en revenant sur une conception étroite de la séparation des pouvoirs par laquelle le chef de l’État étant interdit d’accès aux assemblées parlementaires est contraint de ne communiquer avec elles que « par des messages qui sont lus à la tribune » (loi constitutionnelle du 16 juillet 1875).

La volonté d’une modernisation institutionnelle a permis de lever cet interdit qui participe à un renforcement du rôle du Parlement dès lors que le président de la République est invité à rendre des comptes de son action directement devant la représentation nationale. Aux termes des nouvelles dispositions de l’article 18 de la Constitution, le président de la République peut s’exprimer devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès, cette déclaration ne pouvant déboucher sur aucune forme de mise en cause de sa responsabilité politique. Cependant, l’intervention présidentielle pourrait donner lieu à un débat sans vote.

C. Les rapports avec le Conseil constitutionnel (art. C 54, 56 et 61) Au terme de la Constitution de 1958, les actes du président de la République relatifs au Conseil constitutionnel échappent à l’obligation du contreseing ministériel. Il s’agit d’actes de nomination (art. C 56 : nomination de trois membres et du président du Conseil constitutionnel) et d’actes de saisine du Conseil constitutionnel (saisine de la juridiction constitutionnelle pour l’examen de la conformité à la Constitution d’un engagement international (art. C 54) ou d’une loi ordinaire (art. C 61)), prérogative rattachable à la fonction présidentielle de gardien de la Constitution (art. C 5).

II. Les pouvoirs propres du président de la République en rapport avec la nation A. Le référendum législatif (art. C 11) Le référendum qui permet l’adoption de la loi par les citoyens s’exerce selon des conditions de forme et de fond précis définis par l’article 11 de la Constitution. Les premières ne permettent au président de la République de recourir au référendum que sur la base d’une proposition publiée au Journal officiel. L’initiative est ici partagée entre, d’une part, les deux assemblées parlementaires, et d’autre part, le gouvernement pendant la durée des sessions afin

que le pouvoir de contrôle parlementaire puisse s’exercer en cas d’opposition à une initiative gouvernementale. Dans ce dernier cas, le gouvernement doit faire, devant chaque Assemblée, une déclaration suivie d’un débat (art. C 11 al. 2 issu de la loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995). Une fois la proposition faite, la décision de recourir ou non à la procédure référendaire revient au président de la République qui dispose là, d’un pouvoir discrétionnaire. L’organisation des opérations de référendum par le gouvernement appelle la consultation du Conseil d’État (au titre de l’article 39 de la Constitution) et du Conseil constitutionnel lequel se prononce sur la régularité de ces opérations et proclame le résultat du référendum (art. C 60). S’il est positif, la loi référendaire doit être promulguée par le président de la République dans les quinze jours suivant cette proclamation. Les conditions de fond imposent, quant à elles, d’organiser un référendum dans l’un des domaines définis par l’article 11 de la Constitution. Initialement assez limité, le champ d’application de l’article 11 a été étendu après la tentative manquée en juillet 1984 de son élargissement aux garanties fondamentales des libertés publiques par la révision constitutionnelle du 4 août 1995. À l’origine, le texte soumis à référendum ne pouvait qu’être relatif à « l’organisation des pouvoirs publics » ou tendre à « autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». Depuis 1995, le projet de loi référendaire peut aussi porter sur « des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent ». La rédaction imprécise des termes ouvre ici une marge de manœuvre assez importante (elle répond à la volonté initiale du président J. Chirac d’organiser une consultation sur l’éducation nationale), qui n’est pas sans rappeler celle qui résulte de l’expression « organisation des pouvoirs publics » entendue abusivement par le général de Gaulle comme englobant aussi les projets de loi portant révision de la Constitution dans le but de contourner l’hostilité parlementaire à l’égard de la révision constitutionnelle permettant l’élection du président de la

République au suffrage universel direct (1962). Avec la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République qui étend le domaine d’application de l’article 11 de la Constitution, des réformes relatives à la politique environnementale peuvent désormais être entreprises sur le fondement de ces dispositions. L’objectif d’une démocratisation des institutions poursuivi par la réforme constitutionnelle a parallèlement conduit à un élargissement du champ de la démocratie par l’introduction dans le texte de la Constitution d’un droit d’initiative partagée. Il s’agit de permettre l’organisation d’un référendum sur l’un des objets mentionnés au premier alinéa de l’article 11 de la Constitution à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. L’association des parlementaires dès l’origine de la procédure constitue une garantie contre une extension excessive du champ de la démocratie directe. Il revient au Conseil constitutionnel de vérifier la conformité à la Constitution de la proposition élaborée par les parlementaires selon des conditions définies par une loi organique. En cas d’absence d’examen de cette proposition par les assemblées parlementaires dans un délai fixé par la loi organique, le président de la République la soumet au référendum (v. fiche n° 39).

B. Les pouvoirs exceptionnels (art. C 16) L’article 16 de la Constitution qui trouve son origine dans les événements de mai-juin 1940, lesquels témoignent, sur le plan juridique, de l’impuissance de l’autorité présidentielle face à l’occupation du territoire français, confère au président de la République des pouvoirs exceptionnels en cas de crise grave. Toutefois, la décision de recourir à l’article 16 de la Constitution qui constitue un pouvoir propre du président de la République, est conditionnée par la réunion de deux éléments : il faut qu’une menace grave et immédiate pèse sur les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux et que le

fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels soit interrompu. En outre, avant de recourir à l’article 16 de la Constitution, le chef de l’État est tenu de consulter le Premier ministre, les présidents des assemblées parlementaires ainsi que le Conseil constitutionnel même si les avis rendus ne lient pas son pouvoir de décision. Seul l’avis du Conseil constitutionnel est publié au Journal officiel (exemple : avis du 23 avril 1961). La décision de mettre en œuvre l’article 16 de la Constitution est un acte de gouvernement qui échappe en conséquence à tout recours contentieux devant le juge administratif (CE, 2 mars 1962, Rubin de Servens). Il en va différemment des décisions prises en application de l’article 16 de la Constitution dont le seul but est de rétablir le fonctionnement normal des institutions en donnant au président de la République les compétences exécutives, législatives et judiciaires nécessaires à sa réalisation. Il résulte de cet état de droit exceptionnel que les décisions qui relèvent du domaine réglementaire peuvent être soumises au Conseil d’État par la voie du recours pour excès de pouvoir. Les décisions qui sont du domaine de la loi échappent, quant à elles, à tout contrôle juridictionnel. Néanmoins, l’ensemble des décisions font l’objet d’un avis du Conseil constitutionnel (avis non publié au Journal officiel). La mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution doit permettre aux pouvoirs publics constitutionnels de retrouver les moyens d’accomplir leur mission dans les moindres délais (al. 3) ce qui constitue une limite temporelle à la concentration des pouvoirs présidentiels et aussi à la subordination du gouvernement et du Parlement réuni de plein droit pendant la période de crise même si, à cet égard, le chef de l’État dispose d’un libre pouvoir d’appréciation (v. l’exemple de l’unique application de l’article 16 de la Constitution lors du putsch des généraux à Alger le 21 avril 1961. La menace militaire disparue dès le 25 avril 1961 n’a fait cesser l’application de l’article 16 de la Constitution que le 29 septembre 1961). Dans tous les cas, un usage abusif de l’article 16 de la Constitution (dissolution de l’Assemblée nationale qui ne peut l’être pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels (art. C 1 al. 5) ; pérennisation

de l’application de l’article 16 de la Constitution) pourrait être sanctionné au titre de l’article 68 de la Constitution pour haute trahison. Au regard de l’insuffisance avérée des mécanismes de contrôle qui encadrent la mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution dont le maintien à l’ère du terrorisme mondialisé a été jugé nécessaire par le pouvoir constituant de 2008 mais qui souffre, cependant, de la longueur du délai pendant lequel il peut être appliqué, l’article 16 de la Constitution issu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République permet, au terme d’un délai de trente jours, la saisine du Conseil constitutionnel par le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat ou par soixante députés ou soixante sénateurs aux fins d’apprécier si les conditions de mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution demeurent réunies. À ce titre, le Conseil procède de plein droit à cet examen et se prononce au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée. • Précision

Les régimes de l’état de siège et de l’état d’urgence par lesquels est déclenchée l’application de l’article 16 de la Constitution exigent qu’ils soient définis par la loi organique et que la ratification de leur prorogation soit autorisée par le Parlement. S’impose, en conséquence, une modification des dispositions de l’article 36 de la Constitution.

• À retenir •



De manière inédite, le président de la Ve République reçoit de la Constitution des pouvoirs autonomes dits pouvoirs propres. Ces pouvoirs présentent la particularité d’être soustraits à l’obligation du contreseing ministériel. Ils s’exercent dans le cadre de rapports établis avec les pouvoirs constitués mais aussi avec la nation.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTIONS DE COURS 1. Quelle est la nature juridique du décret de dissolution ? 2. Est-il possible de procéder à une révision de la Constitution pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels ?

Fiche 24

Les pouvoirs partagés du président de la République sous la Ve République I. Les pouvoirs partagés dans le cadre des relations internes II. Les pouvoirs partagés dans le cadre des relations internationales • Définition

Ordonnance : acte réglementaire qui intervient dans le domaine réservé de la loi. Pendant un délai limité, sur habilitation du Parlement, le gouvernement peut prendre des mesures qui relèvent normalement de l’article 34 de la Constitution. Les pouvoirs partagés du président de la République sont ceux qui sont soumis à l’obligation du contreseing du Premier ministre et des ministres responsables, c’est-à-dire ceux auxquels « incombent à titre principal, la préparation et l’application des actes du président » (CE, 10 juin 1966, Sieurs Pelon et autres, Rec. p. 384). Il s’agit de l’ensemble des attributions du chef de l’État à l’exception de celles mentionnées à l’article 19 de la Constitution de 1958. Le contreseing est, en régime parlementaire, la manifestation de la responsabilité du gouvernement devant le Parlement – représentant la nation – à l’égard des actes pris par le président de la République politiquement irresponsable (art. C 68). Il est l’acte par lequel le Premier ministre exprime son accord avec le président de la République. Il donne, à ce titre, la mesure des pouvoirs présidentiels selon le contexte politique.

I. Les pouvoirs partagés dans le cadre des relations internes A. Les pouvoirs partagés en rapport avec le gouvernement 1. Nomination et cessation des fonctions des ministres (art. C 8 al. 2) Aux termes de l’article 8 alinéa 2 de la Constitution, le président de la République « sur la proposition du Premier ministre, nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions ». Les actes de nomination et de révocation des ministres exigent le contreseing du Premier ministre qui témoigne d’une conformité de points de vue entre ce dernier et le président de la République même si en période de primauté présidentielle, la volonté du chef de l’État s’impose largement en particulier dans la composition du gouvernement à l’inverse de ce qui se passe lors de la nomination d’un gouvernement de cohabitation, le Premier ministre disposant, dans ce cas, d’une liberté de choix (v. pour une opposition présidentielle au choix du Premier ministre, l’exemple du refus exprimé par le président F. Mitterrand lors de la composition du gouvernement de cohabitation en 1986, à la nomination de J. Lecanuet et F. Léotard respectivement au ministère des Affaires étrangères et à celui de la Défense nationale). 2. Le pouvoir de nomination aux emplois civils et militaires (art. C 13 al. 2, 3 et 4) Il s’agit d’un pouvoir présidentiel (art. C 13 al. 2) partagé avec le Premier ministre (art. C 21 al. 1). Le chef de l’État est compétent pour nommer aux emplois qui font l’objet d’une délibération en Conseil des ministres qui sont expressément prévus par la Constitution (art. C 13 al. 3) ou définis par une loi organique (art. C 13 al. 4). Son pouvoir de nomination est ici discrétionnaire contrairement à celui qu’il exerce dans le cadre de l’article 2 de l’ordonnance du 28 novembre 1958 qui en fait une compétence liée (concerne la nomination notamment des membres du Conseil d’État

et de la Cour des comptes, des magistrats de l’ordre judiciaire ou encore des professeurs de l’enseignement supérieur). La difficulté de distinguer les compétences respectives du président de la République et du Premier ministre en matière de nomination tant au regard des articles 13 et 21 de la Constitution – qui prévoient la compétence du second sous réserve de celle du premier – que de l’ordonnance organique du 28 novembre 1958, nécessite un encadrement du pouvoir de nomination du pouvoir exécutif et singulièrement de celui du président de la République. Il revient ainsi à une loi organique, aux termes de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 relative à la modernisation des institutions de la Ve République, de déterminer les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la nation, le pouvoir de nomination du président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée parlementaire. 3. La présidence des conseils L’article 9 de la Constitution prévoit que le président de la République préside le Conseil des ministres. En rupture avec la IVe République, la présidence n’est plus honorifique mais traduit un pouvoir effectif de décision du chef de l’État au moins en période de primauté présidentielle. Le président convoque le Conseil, fixe sa composition, son ordre du jour et décide en dernier ressort des mesures à prendre. En application de l’article 15 de la Constitution, le président de la République préside également les conseils et comités supérieurs de la Défense nationale en tant que chef des armées, qualité que lui reconnaît sa mission de garant de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire (art. C 5). 4. La signature d’actes réglementaires (art. C 13 al. 1er)

Au terme de la Constitution, le pouvoir réglementaire est partagé entre le Premier ministre qui dispose d’une compétence de droit commun (art. C 21) et le président de la République qui n’a qu’une compétence d’attribution (art. C 13). À cet égard, l’alinéa 1er de l’article 13 de la Constitution précise que le président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des ministres. En ce qui concerne la signature des ordonnances, la première cohabitation, débutée en 1986, a précisé l’étendue du pouvoir présidentiel en la matière à l’occasion du refus par le président F. Mitterrand de signer trois ordonnances établies par le gouvernement de J. Chirac portant sur la privatisation d’entreprises, le découpage des circonscriptions électorales et l’aménagement du temps de travail. Le président dispose, ici, d’un pouvoir discrétionnaire assimilable à un veto temporaire puisqu’une transformation des projets d’ordonnance en projets de loi demeure toujours possible à l’exemple de ce qui a été fait en 1986 par le gouvernement en place. En ce qui concerne les décrets délibérés en Conseil des ministres, le président de la République signe les décrets pour lesquels la loi a prévu une telle obligation et ceux qui, politiquement, méritent la signature présidentielle. Dans ce dernier cas, l’intervention du président de la République est liée par le contexte politique.

B. Les pouvoirs partagés en rapport avec le Parlement Aux termes de l’article 89 de la Constitution, le président de la République dispose, en matière de révision de la Constitution, d’une part, d’un pouvoir d’initiative qui se traduit par l’adoption d’un décret contresigné par le Premier ministre, d’autre part, d’un choix dans la procédure de ratification lorsqu’il s’agit d’un projet de révision. Dans ce cas, le président peut convoquer le Parlement en Congrès s’il décide de ne pas soumettre le projet de révision au référendum. Cette attribution présidentielle est contresignée. La pratique observée a conduit à conférer au chef de l’État un véritable droit de veto en matière de révision de la Constitution. Afin d’éviter que l’inertie du président de la République n’aboutisse à

faire obstacle à la volonté du pouvoir constituant, le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République (comité Balladur) a proposé que lorsque le projet ou la proposition de révision a été voté par les deux assemblées en termes identiques, la révision devienne définitive après avoir été approuvée par un référendum organisé dans les six mois par le président de la République. Cette recommandation n’a pas été retenue par la loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République. En ce qui concerne la procédure législative, conformément à la tradition, la promulgation des lois appartient au président de la République (art. C 10). L’acte de promulgation qui atteste de l’existence de la loi et la rend exécutoire s’impose au chef de l’État qui a l’obligation d’y procéder dans un délai maximum de quinze jours à compter de la transmission au gouvernement de la loi définitivement adoptée. Ce délai est toutefois suspendu en cas de saisine du Conseil constitutionnel (art. C 61 al. 2). Il peut aussi être utilisé par le président de la République pour demander au Parlement, sous l’exigence du contreseing ministériel, une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles, celle-ci ne pouvant lui être refusée (art. C 10 al. 2). Il revient enfin au chef de l’État, en application de l’article 30 de la Constitution, par décret contresigné, de convoquer le Parlement en session extraordinaire lorsque la demande lui en est faite par le Premier ministre ou par la majorité des membres composant l’Assemblée nationale. L’ouverture et la clôture des sessions extraordinaires sont laissées à la libre appréciation du président de la République tant en ce qui concerne l’ordre du jour que l’opportunité même de la session (v. pour exemples : refus du général de Gaulle en 1960 de convoquer le Parlement en session extraordinaire sur demande d’une majorité de députés pour débattre de problèmes agricoles ; même position de F. Mitterrand en 1987 lors de la première cohabitation en ce qui concerne le projet de loi portant modification du statut de la Régie Renault).

C. Les pouvoirs partagés en rapport avec la justice

Hormis son pouvoir de nomination de magistrats (art. C 64), le président de la République détient le droit de grâce (art. C 17). Exercé sous la forme d’un décret contresigné par le Premier ministre et le garde des Sceaux (décret insusceptible de recours), cette prérogative permet d’influer sur la sanction pénale par la dispense, en tout ou partie, de l’exécution de la peine.

II. Les pouvoirs partagés dans le cadre des relations internationales En application de l’article 5 de la Constitution qui fait du président de la République le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités, est née l’idée d’un « domaine réservé » de compétences au profit du chef de l’État composé de la politique étrangère et de la défense nationale alors même que l’article 19 de la Constitution définissant les pouvoirs propres du président de la République n’en fait nullement mention. Cette conception, particulièrement exacerbée en période de cohabitation, fait alors des articles 5, 15 et 52 de la Constitution des pouvoirs irréductibles du président de la République dans le domaine des relations extérieures et celui de la défense nationale.

A. Le chef des armées (art. C 15) En conséquence de l’article 5 de la Constitution, le président de la République est le chef des armées. À ce titre, il détient seul le pouvoir de décision en matière de dissuasion nucléaire (décret du 12 juin 1996). Si le Parlement autorise la déclaration de guerre (art. C 35), l’engagement des forces est une décision présidentielle dont l’exécution est confiée au Premier ministre en tant que responsable de la défense nationale (art. C 21). Si le conflit du Kosovo (mars-juin 1999) illustre le partage de ce pouvoir en période de cohabitation, la guerre du Golfe démontre, à l’inverse, la prévalence du rôle du chef de l’État en cas de primauté présidentielle.

La pratique de la Ve République montre la prééminence de la responsabilité du président de la République en tant que chef des armées dans ce domaine et le manque de clarté dans le partage des rôles entre le chef de l’État et le Premier ministre. C’est ce qui explique la proposition émise par le Comité Balladur mais non retenue par le pouvoir constituant de 2008 de modifier les dispositions du premier alinéa de l’article 21 de la Constitution en prévoyant que le Premier ministre « met en œuvre les décisions prises dans les conditions prévues à l’article 15 (de la Constitution) en matière de défense nationale ».

B. La négociation et la ratification des traités (art. C 52) L’article 52 de la Constitution donne au président de la République le pouvoir de négocier et de ratifier les traités (al. 1). Pour les accords internationaux non soumis à ratification (accords en forme simplifiée), il n’est cependant qu’informé des négociations qui tendent à leur conclusion (al. 2). Les traités et accords font l’objet d’un décret présidentiel contresigné.

C. Le droit de légation (art. C 14) Le président de la République accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères en leur remettant des lettres de créance qui portent sa signature ainsi que celle du Premier ministre et du ministre des Affaires étrangères. Inversement, les ambassadeurs et envoyés extraordinaires étrangers sont accrédités auprès de lui selon les mêmes règles. • À retenir •

Les pouvoirs partagés du président de la République s’opposent à ses pouvoirs propres. Les pouvoirs partagés sont ceux qui sont soumis à l’obligation du contreseing ministériel. Ils s’exercent dans le cadre des relations internes et internationales.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. Le président en tant que chef des armées décide de l’engagement des forces conventionnelles.

□ Vrai □ Faux 2. La Constitution de 1958 reconnaît au président de la République le droit de révoquer le Premier ministre.

□ Vrai □ Faux 3. Le contreseing ministériel est l’expression du principe de la responsabilité ministérielle.

□ Vrai □ Faux 4. La signature des ordonnances de l’article 38 de la Constitution par le président de la République est discrétionnaire.

□ Vrai □ Faux 5. Le président de la République dispose du pouvoir d’initiative législative.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Vrai. Le Premier ministre, responsable de la défense nationale assure l’exécution de la décision d’engager les forces conventionnelles. 2. Faux. 3. Vrai. 4. Vrai. 5. Faux. Le pouvoir d’initiative législative appartient aux parlementaires et au Premier ministre (art. C 39).

Fiche 25

La fonction gouvernementale sous la Ve République I. La détermination de la politique de la nation II. La conduite de la politique de la nation • Définitions

Gouvernement : le gouvernement est défini comme un organe collégial et solidaire dirigé par le Premier ministre (art. C 21) et formé par les ministres. Avec le président de la République, il forme le pouvoir exécutif. Cohabitation : période au cours de laquelle il y a discordance entre la majorité présidentielle et la majorité à l’Assemblée nationale. La cohabitation emporte pour conséquence la nomination par le président de la République d’un Premier ministre issu de la majorité parlementaire qui lui est politiquement hostile. La réhabilitation de l’autorité gouvernementale à laquelle procède la Constitution de 1958 est synonyme de stabilité, donc d’efficacité. La place qu’occupe le gouvernement dans le texte de la Constitution après le président de la République mais avant le Parlement n’est, à ce titre, nullement anodine. Le gouvernement échappe désormais au joug parlementaire en disposant d’une fonction assortie de moyens d’action importants pour imposer sa volonté au pouvoir parlementaire. À l’instar de l’article 5 de la Constitution relatif à la fonction présidentielle, l’article 20 alinéa 1er de la Constitution définit, de manière générale, synthétique et dynamique, celle du gouvernement qui détermine (I) et conduit la politique nationale (II) ce qui en fait indiscutablement un organe d’action dont l’intensité du pouvoir décisionnel épouse les variations de la conjoncture politique.

I. La détermination de la politique de la nation La détermination de la politique nationale impose de faire des choix dont la charge revient, aux termes de la Constitution, au gouvernement. La fonction gouvernementale est ainsi conçue, en 1958, comme une fonction décisionnelle en rupture avec la IVe République qui l’attribuait au Parlement. Mais cette qualification de la fonction gouvernementale fait figure d’exception dans l’histoire constitutionnelle de la Ve République. La pratique gaullienne des institutions, favorisée par l’élection au suffrage universel direct du chef de l’État et l’apparition du fait majoritaire, impose la primauté présidentielle et une application partielle de l’article 20 de la Constitution. La lecture parlementaire de la Constitution cède la place à une lecture présidentielle. Le chef de l’État s’arroge le pouvoir de déterminer la politique de la nation que le gouvernement ne fait que mettre en œuvre à l’image d’un exécutant. C’est toutefois sans compter sur la souveraineté du pouvoir de suffrage seul capable par un désaveu de la politique présidentielle de renverser la donne et de provoquer un retour de l’application de la lettre de la Constitution. Les périodes de divergence des majorités présidentielle et parlementaire profitent à la sphère gouvernementale. « L’effacement » du président de la République, privé du soutien de la majorité parlementaire, conduit à une stricte application de l’article 20 de la Constitution. La responsabilité de définir les orientations politiques du pays incombe alors au gouvernement et singulièrement à son chef. La cohabitation s’analyse dès lors, selon la conception présidentielle jusque-là retenue (v. positions des présidents F. Mitterrand et J. Chirac), comme un partage horizontal des compétences entre un chef de l’État réduit à sa fonction d’arbitrage (art. C5) et un chef de gouvernement qui retrouve son pouvoir de gouverner conformément au droit commun. L’équivoque née ainsi du bicéphalisme de l’exécutif qui constitue le trait caractéristique de la Ve République appelle à une clarification du

partage des rôles entre le président de la République et le Premier ministre. Les conséquences de l’élection au suffrage universel direct du chef de l’État sur l’existence et la cohésion de la majorité lui donnent un rôle politique prépondérant renforcé par la concomitance du calendrier des élections présidentielles et législatives même si celle-ci n’exclut pas l’hypothèse d’une cohabitation qui résulterait de la démission ou du décès du président de la République, de la dissolution de l’Assemblée nationale ou de l’expression du suffrage populaire qui pourrait opérer des choix politiques différents selon qu’il s’agit d’élire le chef de l’État ou les députés. Pour autant, à l’exception des périodes de cohabitation, la pratique politique montre que le président de la République fixe lui-même les grandes orientations de la politique de la nation. Fort de ce constat, le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République (v. fiche n° 46) a recommandé néanmoins une actualisation des articles 5 et 20 de la Constitution en reconnaissant au chef de l’État la responsabilité de définir la politique de la nation (ajout de cette disposition à l’article 5 de la Constitution) et au Premier ministre celle de la conduire (modification de l’article 20 de la Constitution). Une telle modification des dispositions de la Constitution aurait rendu manifestement le fonctionnement effectif des pouvoirs publics plus difficile en cas de cohabitation si elle avait été retenue par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.

II. La conduite de la politique de la nation De manière complète, l’article 20 de la Constitution qui reconnaît au gouvernement le pouvoir de déterminer la politique nationale, lui attribue aussi et classiquement celui de la conduire. La Constitution lui donne ainsi les moyens de sa mission par une série d’attributions importantes (v. fiche n° 26 et 27) en y associant de manière étroite l’administration et la force armée – selon un partage de compétences avec le président de la République – qui sont mises à sa disposition (direction) par l’alinéa 2 de l’article 20 de la

Constitution. En même temps, la conduite de la politique nationale s’inscrit dans le strict respect du principe parlementaire de responsabilité politique du gouvernement devant le Parlement (art. C 20 al. 3). La responsabilité de la politique menée y est partagée entre l’ensemble des membres du gouvernement comme l’atteste la règle du contreseing ministériel par laquelle les ministres signataires endossent en principe collégialement et solidairement la responsabilité politique des actes adoptés dans le cadre de la politique nationale même si, selon la jurisprudence administrative, le contreseing n’a pas une portée générale. Ainsi, outre le contreseing du Premier ministre, les actes du président de la République ne sont contresignés que par les ministres responsables (art. C 19) à savoir ceux qui sont principalement intéressés par l’application des décisions présidentielles. Les actes du Premier ministre reçoivent, quant à eux, le contreseing des seuls ministres chargés de leur exécution (art. C 22) c’est-à-dire de ceux « compétents pour signer les mesures […] que comporte nécessairement l’exécution » de ces actes (CE, Sicard, 27 avril 1962). Parallèlement, la conduite de la politique nationale se double d’un aspect administratif qui rejoint le caractère politique de la mission gouvernementale par le simple fait que, au plus haut niveau, l’administration se confond avec le gouvernement. L’application de la politique de la nation suppose notamment la garantie de la continuité de la vie de la nation. Celle-ci trouve dans le respect du principe constitutionnel de continuité des services publics (déc. CC n° 79105 DC, 25 juillet 1979, RJC p. 71), dont le gouvernement est responsable du bon fonctionnement (CE, 7 juillet 1950, Dehaene), le moyen de sa réalisation. Elle explique ainsi l’écriture novatrice de l’article 20 de la Constitution qui place l’administration sous l’autorité du gouvernement. • À retenir •

L’article 20 de la Constitution de 1958 définit la fonction gouvernementale. La détermination et la conduite de la politique

de la nation qui sont ainsi confiées au gouvernement sont assorties des moyens nécessaires à leur mise en œuvre.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. L’article 20 de la Constitution reçoit une application pleine et entière en période de cohabitation.

□ Vrai □ Faux 2. L’attribution au gouvernement de la détermination et de la conduite de la politique de la nation s’inscrit dans la continuité de la IVe République.

□ Vrai □ Faux 3. La définition de la fonction gouvernementale et celle de la fonction présidentielle sont contradictoires.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Vrai. 2. Faux. Cette fonction était celle du Parlement. 3. Faux. Si la fonction d’arbitrage actif du président de la République en période de primauté présidentielle conduit à déposséder le gouvernement de sa mission de détermination de la politique nationale, il n’y a pas lieu, pour autant, de considérer que les deux fonctions sont contradictoires mais plutôt qu’elles varient en intensité en fonction de la conjoncture politique. Le gouvernement retrouve cette mission en période de cohabitation.

Fiche 26

Le renforcement de l’autorité gouvernementale sous la Ve République I. La garantie de la stabilité gouvernementale II. La restauration de l’autorité du Premier ministre « Une Constitution ne peut rien faire d’autre que d’apporter des chances aux hommes politiques de bonne foi qui, pour la nation et la liberté, veulent un État, c’est-à-dire, avant toute autre chose, un gouvernement » (discours de Michel Debré devant le Conseil d’État, 27 août 1958). C’est l’objectif que s’assigne la Constitution de 1958 en instituant un régime parlementaire repensé de manière rationnelle afin d’assurer le fonctionnement régulier des institutions. Il s’agit, dans le cadre du rééquilibrage des pouvoirs législatif et exécutif, parallèlement à la restauration de la fonction présidentielle, de renforcer l’autorité gouvernementale en lui donnant la stabilité qui lui faisait défaut sous la IVe République en proie au gouvernement des partis. L’impossibilité d’adopter, en raison de la tradition parlementaire française, un régime électoral calqué sur le modèle britannique capable de dégager des majorités cohérentes (scrutin majoritaire à un tour) contraint les constituants de 1958 à recourir à des procédures constitutionnelles susceptibles de permettre la réalisation de cet objectif (technique de la rationalisation du parlementarisme).

I. La garantie de la stabilité gouvernementale

De manière remarquable, inédite et parfois peu conventionnelle lorsque le texte constitutionnel se dote de règles relevant habituellement des règlements des assemblées parlementaires, la technique de rationalisation du parlementarisme, défendue par Michel Debré, aboutit à la construction d’une Constitution parée des vertus nécessaires à la garantie de la stabilité du gouvernement. Outre l’importance déterminante que revêt, à cet égard, le transfert de la fonction décisionnelle du Parlement au gouvernement (art. C 20), celle-ci prend corps dans la définition d’un nouveau statut des membres du gouvernement ainsi que dans l’attribution au gouvernement de la maîtrise de l’organisation du travail législatif.

A. La séparation des fonctions parlementaire et ministérielle (art. C 23) Si l’article 23 de la Constitution pose, de manière générale, le principe de l’incompatibilité qui touche une série de fonctions (fonction de représentation professionnelle à caractère national, activité professionnelle, autre emploi public), de manière novatrice, il institue, en rupture avec le parlementarisme classique, une règle empruntée au régime présidentiel : l’incompatibilité des fonctions ministérielles et du mandat parlementaire. Il s’agit de garantir à la fonction ministérielle l’entier dévouement de celui ou de celle qui y accède en l’obligeant à abandonner, contrairement à la pratique des IIIe et IVe Républiques, son siège parlementaire. La conviction du général de Gaulle (à l’origine de l’inscription dans la Constitution de cette règle décriée par le Comité consultatif constitutionnel et par les ministres d’État) que la solidarité gouvernementale – et non partisane – favorise la stabilité gouvernementale, ne résistera cependant pas longtemps à l’utilisation détournée du système de suppléance. Le principe retenu est celui de l’élection d’un parlementaire (député ou sénateur) suppléant simultanément à celle d’un parlementaire titulaire chargé de le remplacer pour la durée de la législature notamment dans l’hypothèse d’une acceptation de sa part de fonctions gouvernementales. En pratique, le système est régi par

des règles de convenance telle que la démission du suppléant sur invitation du ministre sortant qui retrouve son siège par une élection partielle ou encore par le maintien d’une emprise des parlementaires devenus ministres sur leur circonscription. Aucune tentative de réforme de l’article 23 de la Constitution n’a permis, à ce jour, d’effacer la règle de l’incompatibilité des fonctions parlementaire et ministérielle. Elle sonne symboliquement comme un rappel du danger que constitue pour l’État la course aux portefeuilles. Le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République (v. fiche n° 46) a d’ailleurs pu préconiser une limitation plus stricte du cumul des mandats électifs valable également pour les membres du gouvernement. Il a ainsi proposé, sans qu’elle n’ait été reprise par le projet de loi constitutionnelle relatif à la modernisation des institutions (loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République), une modification des dispositions de l’article 23 de la Constitution par lesquelles les fonctions de membre du gouvernement seraient incompatibles avec l’exercice de tout mandat électif pour garantir une consécration exclusive du ministre à sa tâche.

B. L’encadrement du pouvoir législatif par le gouvernement La stabilité gouvernementale est par ailleurs recherchée dans le cadre de la procédure législative. Celle-ci ne pouvait faire l’économie d’une rationalisation sans y associer de manière étroite le gouvernement au risque de vider de son sens l’article 20 de la Constitution qui lui confie la mission de gouverner et dont l’instrument essentiel, en la matière, est précisément la loi. Par une série de dispositions techniques, la procédure législative est profondément rénovée non seulement en attribuant au gouvernement des moyens de pression permettant d’influer de façon décisive sur le travail législatif mais aussi en responsabilisant davantage le gouvernement dans sa participation à l’élaboration de la loi. Répond à ce double caractère, le pouvoir du gouvernement

d’imposer l’ordre du jour des assemblées parlementaires (art. C 48 al. 1er) en tant, d’une part, qu’il permet de donner au gouvernement la priorité à ses projets de loi et aux propositions de loi qu’il accepte, écartant du même coup celles qu’il juge contraire aux intérêts qu’il poursuit et, d’autre part, qu’il évite, après le dépôt d’un projet de loi, que le gouvernement ne se désintéresse de son sort. Pour autant, l’exception française que constitue dans le cadre du parlementarisme rationalisé la suppression au Parlement de la maîtrise de son ordre du jour témoigne d’un déséquilibre entre les prérogatives gouvernementales et parlementaires. La réécriture de l’article 48 de la Constitution jugée nécessaire par le pouvoir constituant de 2008 vise à donner au Parlement la maîtrise de son ordre du jour (la révision constitutionnelle du 4 août 1995 ayant institué un ordre du jour réservé à l’initiative parlementaire apparaissant insuffisant), sa fixation étant désormais arrêtée par chaque assemblée et non plus par le gouvernement, à permettre au gouvernement de mettre en discussion dans des délais raisonnables les projets qui traduisent ses choix politiques, le gouvernement conservant le moyen de faire examiner ses projets de loi et celles des propositions de loi qu’ils estimeraient prioritaires et à ouvrir à l’opposition politique la possibilité de s’exprimer de manière effective. De manière récente (voir loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, précit.), novatrice et contradictoire par rapport à la conception du pouvoir constituant de 1958, participent à l’amélioration du travail législatif l’augmentation du nombre des commissions parlementaires permanentes (huit au lieu de six commissions par assemblée parlementaire) (art. C 43), alors que leur réduction à six par assemblée parlementaire en 1958 avait pour but de mettre un terme à la pratique de substitution de leur texte à celui du gouvernement démuni et pourtant responsable d’un texte qui n’est pas le sien, ainsi que l’encadrement du droit d’amendement (art. C 44), en particulier la technique du vote bloqué (art. C 44 al. 3) par laquelle le gouvernement qui demande à l’Assemblée de se prononcer sur tout ou partie du texte en discussion ne retient que les amendements

proposés ou acceptés par lui, empêchant ainsi la déformation d’un texte mais limitant aussi la délibération. La constitutionnalisation de ces mécanismes en fait indéniablement leur force à laquelle s’ajoute leur constance quelle que soit la dynamique majoritaire.

II. La restauration de l’autorité du Premier ministre A. La direction du gouvernement En un terme fort qui traduit avec précision la position d’autorité du chef du gouvernement de la Ve République, l’article 21 de la Constitution dispose : « Le Premier ministre dirige l’action du gouvernement. » Le Premier ministre n’est plus un simple coordonnateur de l’action gouvernementale mais en assure la direction en disposant d’un véritable pouvoir de décision qu’il fait valoir à l’égard de ses ministres et secrétaires d’État sous la forme d’instructions et de directives selon la pratique politique. Juridiquement, l’absence de hiérarchie entre le Premier ministre et ses ministres n’est pas de nature à réduire la portée de son rôle de direction.

B. Les attributions du Premier ministre La Constitution donne au Premier ministre les pouvoirs nécessaires à l’exercice de la direction de l’action gouvernementale par lesquels soit il manifeste son autorité à l’égard de l’équipe gouvernementale, soit il valorise son rôle de chef du gouvernement. Relève de la première catégorie le rôle de garant de la solidarité et de la collégialité gouvernementale du Premier ministre qui trouve son expression directe dans le pouvoir d’initiative de ce dernier d’engager la responsabilité politique du gouvernement devant l’Assemblée nationale (art. C 49 al. 1 et 3). C’est aussi ce qui ressort de son pouvoir de proposition (au président de la République) quant au choix et à la révocation des membres du gouvernement (art. C 8

al. 2) qui s’assimile, dans ce dernier cas, à un véritable pouvoir disciplinaire jusque-là inconnu des Constitutions antérieures ou encore de son pouvoir réglementaire (art. C 21 al. 1er) soumis au contreseing ministériel qui lui permet d’imposer son autorité aux membres du gouvernement par des mesures générales et impersonnelles (décrets réglementaires) en cas de conflits les opposant. Participent à la seconde catégorie, l’attribution au Premier ministre de la responsabilité de la Défense nationale (art. C 21 al. 1er), des pouvoirs de nomination (art. C 21 al. 1er), de suppléance à titre exceptionnel de la présidence de la République et de la présidence du Conseil des ministres (art. C 21 al. 4), d’initiative des lois (art. C 39 al. 1er), de direction du processus d’élaboration parlementaire des lois (art. C 45 al. 2) ou encore de saisine du Conseil constitutionnel (art. C 61 al. 2). En outre, sa qualité de chef de la majorité parlementaire et de chef de l’administration lui confère les moyens d’assumer pleinement son action. L’évolution du système politique de la Ve République montre, cependant, que la rationalisation opérée en faveur du gouvernement en vue de restaurer son autorité et de renforcer son autonomie à l’égard du Parlement s’est en définitive transformée, à l’épreuve de la pratique présidentialiste, en une dépendance du Premier ministre vis-à-vis du président de la République que seul l’avènement de la cohabitation a permis de rompre. • À retenir •

La rationalisation des pouvoirs entreprise par la Constitution de 1958 vise à renforcer l’autorité du gouvernement et de son chef. L’objectif principal est de garantir la stabilité gouvernementale.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTIONS DE COURS 1. Quelle est la caractéristique de la forme classique de l’exécutif parlementaire ?

□exécutif moniste □ exécutif dualiste 2. Les membres du gouvernement ont-ils une fonction politique ou administrative ? 3. Quelle est l’ancienne appellation, sous les IIIe et IVe Républiques, du chef du gouvernement ? 4. La nomination du chef du gouvernement, sous la e V République, est-il le fait du chef de l’État ou de l’Assemblée nationale ?

Fiche 27

La nature des attributions gouvernementales sous la Ve République Le gouvernement occupe dans les institutions une place intermédiaire comme l’illustre l’ordre de présentation par la Constitution des pouvoirs publics. Celle-ci traite du gouvernement après le président de la République mais avant le Parlement. Organe de liaison, le gouvernement dispose pour accomplir sa fonction d’attributions nombreuses qui sont exercées en son nom par le Premier ministre ou par les ministres de manière individuelle ou collective. Outre les pouvoirs qu’il partage avec le président de la République, le gouvernement reçoit de la Constitution des pouvoirs ordinaires et extraordinaires qui prennent la forme de pouvoirs consultatifs, de pouvoirs de contrainte ou encore de pouvoirs de proposition. Fonction gouvernementale : La détermination et la conduite de la politique nationale (art. C 20) Les attributions gouvernementales Attributions collégiales du gouvernement Attributions exceptionnelles

Attributions ordinaires Convocation des électeurs pour l’élection du président de la République (art. C 7 al. 2) • Saisine du Conseil constitutionnel pour faire constater l’empêchement du président de la République (art. C 7 al. 4) • Disposition de l’administration (art. C 20) • Disposition de la force armée (art. C 20) • Participation à l’élaboration de la loi : – pouvoir d’opposer l’irrecevabilité (art. C 41 al. 1er) – exercice du droit d’amendement (art. C 44 al. 1er) •

Intérim de la présidence de la République (art. C 7 al. 4) • Proposition de référendum (art. C 11 al. 1er) • Habilitation législative (art. C 38) •

– maîtrise de l’utilisation par les parlementaires de leur droit • État de siège d’amendement (art. C 44 al. 2 et 3, « vote bloqué ») (art. C 36) – mise en œuvre de la procédure d’urgence (art. C 45 al. 2) – pouvoir de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale (art. C 45 al. 4 ; art. C 13 al. 3) – saisine du Sénat (art. C 47 et 47-1 al. 2) – mise en œuvre par ordonnance des projets de loi de finances (art. C 47 al. 3) et de financement de la Sécurité sociale (art. C 471) – détermination sous conditions d’une partie de l’ordre du jour des assemblées parlementaires (art. C 48 al. 2) • Limitation de la durée du délai pour statuer du Conseil constitutionnel (urgence) (art. C 61 al. 3) er • Saisine du Conseil économique et social (art. C 69 al. 1 et 70) • Soumission au Parlement des projets ou propositions d’actes des Communautés et de l’Union européenne comportant des dispositions de nature législative (art. C 88-4) Fonction gouvernementale : La détermination et la conduite de la politique nationale (art. C 20) Les attributions gouvernementales Attributions du Premier ministre Attributions de direction Direction de l’action gouvernementale (art. C 21) • Chef de la majorité parlementaire • Chef de l’Administration (art. C 21) •

Attributions en liaison avec le président de la République

Attributions normatives Pouvoir d’initiative de la loi et d’intervention dans la procédure législative (art. C 39 al. 1er et 45 al. 2) • Pouvoir réglementaire (art. C 21 et 37) • Pouvoir de nomination (art. C 21) • Pouvoir d’initiative de la •

Proposition au président de la République pour la nomination et la révocation des membres du gouvernement (art. C 8 al. 2) • Avis au président de la République avant l’exercice du droit de dissolution (art. C 12) • Avis au président de la République dans le cadre de la •

Attributions en liaison avec le Parlement Demande aux assemblées parlementaires de siéger en comité secret (art. C 33 al. 2) • Engagement de la responsabilité du gouvernement sur son programme ou sur une déclaration de politique générale (art. C 49 al. 1er) • Faculté de demander au Sénat l’approbation d’une déclaration •

Attributions en liaison avec le Conseil constitutionnel Saisine du Conseil constitutionnel (art. C 54 et 61 al. 2) •

loi (art. C 39 al. 1er) : – convocation d’une commission mixte paritaire (art. C 45 al. 2) – engagement de la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un texte (art. C 49 al. 3)

mise en œuvre de politique des pouvoirs générale exceptionnels (art. C 49 al. 4) (art. C 16) • Demande de convocation du Parlement en session extraordinaire (art. C 29) • Remise au président de la République de la démission du gouvernement (art. C 50) • Proposition de révision de la Constitution (art. C 89 al. 1er)

• À retenir •

Le gouvernement la Ve République se présente comme un organe de liaison entre le président de la République et le Parlement. La collaboration entre eux permet le fonctionnement régulier des institutions.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTIONS DE COURS 1. La responsabilité de la défense nationale est-elle attribuée au président de la République ou au Premier ministre ? 2. La qualité de chef des armées est-elle reconnue au président de la République ou au Premier ministre ? 3. La Constitution place-t-elle la détermination et la conduite de la politique nationale sous l’autorité du président de la République ou du Premier ministre ? 4. L’article 49 alinéa 3 de la Constitution peut-il être utilisé à toutes les phases ou à certaines phases de la procédure législative ?

5. L’intérim de la présidence de la République est-il prioritairement confié au gouvernement ou au président du Sénat ?

CORRIGÉ 1. Le Premier ministre (article C 20). 2. Le président de la République. 3. Le Premier ministre. 4. Toutes les phases. 5. Ce n’est qu’en cas d’empêchement du président du Sénat chargé d’assurer l’intérim de la présidence de la République que le gouvernement reçoit cette attribution.

Fiche 28

La responsabilité politique du gouvernement sous la Ve République I. Le principe de la responsabilité politique du gouvernement II. Un principe rationalisé en 1958 Conformément à l’obligation posée par la loi constitutionnelle du 3 juin 1958, l’article 20 de la Constitution consacre le principe de la responsabilité du gouvernement devant le Parlement (I) et, par là même, le caractère parlementaire du régime de la Ve République. Cette responsabilité est politique et collégiale. Elle prend corps dans les dispositions rationalisées de l’article 49 (al. 1 à 3) de la Constitution (II).

I. Le principe de la responsabilité politique du gouvernement Le principe de la responsabilité politique du gouvernement devant le Parlement constitue l’essence même du régime parlementaire. Fruit de l’histoire constitutionnelle de la Grande-Bretagne, il est né des circonstances politiques particulières qui ont animé le pays en 1742 en réaction contre la menace d’une application de la procédure de l’impeachment, par laquelle, la mise en cause de la responsabilité pénale des ministres par la chambre basse (chambre des communes) avait entraîné, jusque-là, des châtiments sévères. Alors même qu’à cette époque le sort politique des ministres n’était lié que par la volonté du roi, la crainte du Premier ministre anglais (Walpole), privé du soutien de sa majorité, d’être mis en accusation par la chambre des communes pour sa gestion ambiguë des affaires

publiques le conduisit prudemment à présenter sa démission au roi. Son comportement servit d’exemple pour ses successeurs et permit d’entériner le principe d’une responsabilité politique individuelle des ministres devant la chambre basse à côté de celle, déjà en vigueur, devant le roi. Sous l’impulsion du principe de la solidarité ministérielle, la responsabilité devint collégiale lorsque la démission du Premier ministre (lord North) s’accompagna de celle de l’ensemble des ministres (1782). La pratique du XIXe siècle fait de la démission collégiale du cabinet (gouvernement) la règle en cas d’adoption à la majorité d’une motion de défiance ou de rejet d’un texte sur lequel le cabinet a engagé sa responsabilité, à l’exception de la mise en œuvre par le roi du droit de dissolution comme moyen de truchement par le peuple du conflit opposant le cabinet à la chambre des communes. Modèle d’équilibre institutionnel, vanté comme tel par des auteurs avertis (Montesquieu, Esprits des lois, 1748), le régime parlementaire s’implante progressivement en France de manière embryonnaire sous la Restauration qui pratique, notamment, à défaut de l’avoir inscrit dans la charte constitutionnelle de 1814, le système de la double responsabilité politique des ministres devant le roi et la chambre des députés dont précisément la tentative de remise en cause sera à l’origine de la révolution de 1830 qui instaure la monarchie de Juillet et avec elle le régime parlementaire. Sa restauration par la IIIe République en fait le régime naturel de la France qui sera consacré comme tel par les Républiques successives.

II. Un principe rationalisé en 1958 Selon les règles du parlementarisme classique retenues par le régime de la Ve République, la responsabilité politique du gouvernement ne peut être mise en jeu que devant l’Assemblée nationale selon des procédés rationalisés définis à l’article 49 (al. 1 à 3) de la Constitution qui emportent pour sanction la démission du

gouvernement (art. C 50). Il s’agit là d’une réponse aux vicissitudes de fonctionnement des régimes des IIIe et IVe Républiques, notamment à l’effort insuffisant de rationalisation du régime parlementaire entrepris sous la IVe République emportée par une pratique en totale contradiction avec aussi bien la lettre que l’esprit de la Constitution. C’est ainsi que dans la logique des principes parlementaires déjà rétablie par la IVe République, le Sénat de la Ve République ne dispose pas du pouvoir exorbitant que lui reconnaissait la loi constitutionnelle du 25 février 1875 (art. 6) de renverser le gouvernement. L’alinéa 4 de l’article 49 de la Constitution de 1958 fait de la demande d’approbation par le Sénat d’une déclaration de politique générale une simple faculté reconnue au Premier ministre sans que l’hypothèse d’un vote négatif ne puisse emporter de conséquence sur l’existence du gouvernement conformément au silence de l’article 50 de la Constitution. Le Sénat indissoluble ne peut manifestement détenir une telle prérogative dans un régime fondé, par nature, sur l’équilibre des pouvoirs. Le principe posé par la Constitution d’une compétence exclusive de l’Assemblée nationale en ce domaine ne résiste cependant pas à la lecture présidentialiste du régime qui révèle une véritable responsabilité de fait du gouvernement devant le chef de l’État. La coïncidence des majorités présidentielle et parlementaire ouvre la voie à la pratique de la démission forcée du Premier ministre. Selon les circonstances politiques, se trouve établie une double responsabilité politique du gouvernement à la fois devant l’Assemblée nationale et devant le chef de l’État. Dans ce contexte, la mise en cause par l’assemblée parlementaire de la responsabilité gouvernementale s’apparente, en réalité, à une mise en cause indirecte de la politique décidée par le président de la République à laquelle ce dernier échappe cependant en vertu du principe d’irresponsabilité politique dont il jouit (art. C 68). Quel que soit, par ailleurs, le contexte politique, le fait majoritaire en vigueur depuis 1962 – qui permet au gouvernement de disposer d’une majorité stable et solide soustraite au jeu des alliances

partisanes –, combiné à l’existence d’un droit de dissolution actif (art. C 12) ainsi qu’à l’institution du nouveau régime d’incompatibilité des fonctions ministérielles et parlementaires (art. C 23), est de nature à limiter, de manière considérable, la portée du principe de responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale, davantage hésitante à faire usage de la motion de censure. Cette situation emporte, pour conséquence, un déséquilibre des pouvoirs favorable, cette fois, à l’autorité exécutive. • À retenir •

Le principe de la responsabilité politique du gouvernement est le trait caractéristique du régime parlementaire. Consacrée par l’article 20 de la Constitution, la responsabilité politique du gouvernement ne s’exerce, selon la tradition parlementaire, que devant l’Assemblée nationale. Parallèlement, la lecture présidentialiste du régime conduit à l’institution d’une responsabilité de fait du gouvernement devant le chef de l’État.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTION DE COURS Le principe de la responsabilité politique de l’exécutif devant le Parlement n’existe pas dans le régime présidentiel. Pourquoi ?

CORRIGÉ Le régime présidentiel, fondé sur le principe de la séparation rigide des pouvoirs, est dépourvu de moyens d’action réciproques conduisant à une remise en cause de l’existence des pouvoirs exécutif et législatif. L’absence de mécanismes de mise en jeu de la responsabilité politique de l’organe exécutif explique aussi l’inexistence du droit de dissolution ainsi que le caractère monocéphale de l’organe exécutif dans la mesure où il est inutile de définir la responsabilité d’une des têtes de l’exécutif devant le Parlement comme c’est le cas en régime parlementaire dans

lequel l’irresponsabilité politique du chef de l’État impose la responsabilité politique du gouvernement et explique le bicéphalisme.

Fiche 29

La mise en œuvre du principe de la responsabilité du gouvernement… sous la Ve République I. Des procédés d’application autonome (art. C 49 al. 1 et 2) II. Des procédés combinés (art. C 49 al. 3) • Définition

Question de confiance : procédure par laquelle le gouvernement engage sa responsabilité devant l’Assemblée nationale sur son programme ou sur une déclaration de politique générale. C’est l’hypothèse, sans le dire, de la procédure définie par l’article 49 alinéa 1er de la Constitution. Dans l’ignorance du fait majoritaire en 1958, ce sont les procédures rationalisées de la question de confiance (art. C 49 al. 1er) et de la motion de censure (art. C 49 al. 2) appliquées isolément ou de manière combinée (art. C 49 al. 3) qui permettent la mise en jeu de la responsabilité politique du gouvernement selon que l’initiative est prise par le Premier ministre ou les députés. • Attention

La responsabilité du gouvernement ne peut être engagée que devant l’Assemblée nationale.

I. Des procédés d’application autonome (art. C 49 al. 1 et 2) Article C 49 alinéa 1er : « Le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. » Selon une procédure relativement simple (délibération en Conseil des ministres excluant l’autorisation du président de la République ; débat à l’Assemblée nationale sur l’intervention du Premier ministre), la confiance est votée ou rejetée à la majorité absolue des suffrages exprimés (article 152 du Règlement de l’Assemblée nationale). Dans ce dernier cas, le gouvernement doit démissionner. Face à une majorité peu solide, ces modalités de votation deviennent particulièrement dissuasives et rendent le recours à la procédure de la question de confiance des plus aléatoire compte tenu de son caractère facultatif reconnu aussi bien à l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur une déclaration de politique générale qu’à celui portant sur son programme (décision CC n° 7672 DC 12 janvier 1977). Article C 49 alinéa 2 : procédure classique du régime parlementaire, la motion de censure spontanée a subi la rationalisation nécessaire à la stabilité gouvernementale. Elle est ainsi encadrée dans son dépôt et dans son vote. En ce qui concerne sa recevabilité, elle doit être le fait d’au moins un dixième des députés avec une limitation : un député ne peut être signataire de plus de trois motions de censure au cours d’une même session ordinaire et de plus d’une au cours d’une même session extraordinaire (loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995), à l’exclusion des motions de censure déposées dans le cadre de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. La sagesse inspire pour partie, quant à elle, le déroulement du vote qui ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après le dépôt de la motion de censure, le temps pour des esprits trop passionnés de s’apaiser. Par ailleurs, la rationalisation en faveur du gouvernement conduit à ne recenser que

les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu’à la majorité absolue des membres de l’Assemblée nationale. Ainsi l’abstentionnisme profite au gouvernement malgré la difficulté à considérer qu’il est le signe d’une adhésion à la politique gouvernementale. Hormis le fait majoritaire qui vide cette procédure de son intérêt premier – le renversement du gouvernement (une seule motion de censure en date du 5 octobre 1962 a été adoptée à ce jour contre le gouvernement Pompidou, provoquée par le choix de la procédure retenue en vue d’instaurer le nouveau mode d’élection au suffrage universel direct du président de la République [art. C 11]) – les conditions strictes qui entourent son application limitent son efficacité. À la faveur de l’opposition parlementaire, la pratique en a fait davantage un instrument de déclenchement d’un débat d’opinion.

II. Des procédés combinés (art. C 49 al. 3) L’article 49 alinéa 3 de la Constitution est l’expression la plus affirmée de la rationalisation qui innove ici dans les procédés de mise en jeu de la responsabilité gouvernementale. À l’initiative du Premier ministre, elle permet l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur le vote d’un texte. Le sort du gouvernement se trouve ainsi définitivement lié à celui du texte. Le recours à la question de confiance suspend le débat. Le texte est considéré comme adopté sans discussion ni vote de l’Assemblée nationale si aucune motion de censure n’est déposée dans les 24 heures ou si elle n’obtient pas la majorité absolue des voix des membres composant l’Assemblée qui impose alors la démission du gouvernement. La procédure législative n’en est pas pour autant close, elle se poursuit devant le Sénat conformément à l’objectif défini par l’article 45 de la Constitution : l’adoption d’un texte identique par les deux assemblées parlementaires. Cette procédure constitue pour le gouvernement une arme redoutable à deux égards : tout d’abord, compte tenu de la souplesse qui caractérise son emploi, elle peut intervenir quelle que soit l’origine du texte de loi

(projet ou proposition de loi) à toutes les phases de la procédure législative comme le confirme l’absence de limites posées par la Constitution à son utilisation ; ensuite, en raison de la menace que constitue l’exercice du droit de dissolution comme moyen d’action réciproque donné à l’exécutif. Pour ces deux motifs, la procédure de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution connaît une certaine banalisation sous le couvert, toutefois, du fait majoritaire qui réalise à lui seul l’objectif de stabilité gouvernementale imparti, en principe, aux procédures rationalisées de mise en jeu de la responsabilité du gouvernement. Il influe directement sur l’utilisation qui peut en être faite. Selon les procédés et les circonstances politiques du moment, elle peut apparaître paradoxalement aussi aléatoire (cas de l’article 49 alinéa 1er de la Constitution dont l’utilisation fluctue en fonction de la coïncidence ou non des majorités présidentielle et parlementaire : utilisation systématique en période de cohabitation [voir pour exemples : J. Chirac, É. Balladur et L. Jospin]), qu’abusive (cas de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution qui peut servir les intérêts d’un gouvernement en difficulté avec sa majorité). Afin de freiner l’usage intempestif de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, sur recommandation du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République (v. fiche n° 46) la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République circonscrit son champ d’application aux seules lois de finances et lois de financement de la Sécurité sociale qui sont les textes les plus essentiels à l’action du gouvernement et, pour le surplus, à un texte par session. • À retenir •

La mise en jeu de la responsabilité politique du gouvernement prend la forme des procédures rationalisées de la question de confiance et/ou de la motion de censure.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. Le fait majoritaire dévalorise la procédure de la motion de censure simple de l’article 49 alinéa 2 de la Constitution.

□ Vrai □ Faux 2. La mise en œuvre de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution lie le sort du gouvernement au texte de loi sur lequel il a engagé sa responsabilité.

□ Vrai □ Faux 3. La mise en œuvre de la procédure de l’article 49 alinéa 1er de la Constitution revêt un caractère obligatoire.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Vrai. Cette dévalorisation s’explique par le fait qu’elle intervient à l’initiative des députés. 2. Vrai. La procédure de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution est conçue de telle sorte qu’elle oblige l’Assemblée nationale à accorder au gouvernement les moyens de son action. Elle a été instituée en réaction contre la manière dont les ministères de la IVe République pouvaient poser la question de confiance sur un texte et les conséquences d’un rejet du projet de loi à propos duquel la question de confiance avait été posée. Un texte rejeté à la majorité simple était perçu comme un désaveu politique qui entraînait la démission du gouvernement alors même que, juridiquement, l’exigence de la majorité absolue n’ayant pas été remplie, il n’y était pas contraint. 3. Faux. Que la responsabilité soit engagée sur le programme ou sur une déclaration de politique générale, dans les deux cas, l’engagement revêt un caractère facultatif (v. décision CC n° 7672 DC du 12 janvier 1977).

Fiche 30

La responsabilité pénale des ministres sous la Ve République I. Le principe de la responsabilité pénale des membres du gouvernement II. La mise en jeu de la responsabilité pénale des membres du gouvernement Alors même qu’elle fut à l’origine de la naissance de la responsabilité politique du gouvernement, la responsabilité pénale apparaît aujourd’hui comme un substitut à la défaillance de la responsabilité politique favorisée, pour partie, par le fait majoritaire. Il en va pour preuve une accentuation de la pénalisation de la vie politique nationale et internationale à la faveur du renforcement de la garantie des droits fondamentaux qu’illustre parfaitement la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993 instituant, en France, la Cour de justice de la République ou encore la création de la Cour pénale internationale par le traité de Rome du 18 juillet 1998 (v. art. C 53-2 issu de la loi constitutionnelle n° 99-568, 8 juillet 1999 [v. fiche n° 11]) dont l’autorité en cas de crime contre l’humanité s’applique, de façon novatrice au regard des règles constitutionnelles classiques, à « tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle » (qui peut être celle de chef d’État ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un Parlement). Il s’agit de bannir toute exonération de responsabilité des autorités politiques. C’est aussi l’une des principales motivations à la réforme de la procédure de mise en jeu de la responsabilité pénale des membres du gouvernement engagée

en 1993 (I) qui redonne au principe de la responsabilité pénale (II) une effectivité qu’il semblait avoir perdue.

I. Le principe de la responsabilité pénale des membres du gouvernement À la différence de la responsabilité politique qui se veut collective en raison du principe de solidarité gouvernementale, la responsabilité pénale d’un ministre est individuelle. L’article 68-1 de la Constitution issu de la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993 (loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993) en définit le principe : « Les membres du gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Cour de justice de la République […]. » Hormis l’hypothèse d’actes répressifs commis en dehors de l’exercice des fonctions gouvernementales qui relèvent de la compétence des juridictions répressives de droit commun, est ainsi posé le principe de la compétence exclusive de la Cour de justice de la République – qui se substitue avec la révision constitutionnelle de 1993 à la Haute Cour de justice autrefois compétente – pour connaître des actes délictueux ou criminels commis par les ministres dans l’exercice de leurs fonctions. Le constituant entérine ici une jurisprudence constante de la Cour de cassation qui consacrait l’exclusivité de compétence de la Haute Cour en matière de responsabilité pénale des ministres alors même que la rédaction de l’ancien article 68 alinéa 2 de la Constitution n’excluait pas qu’une telle compétence ne soit réservée qu’au seul cas de complot contre la sûreté de l’État. L’association de cette jurisprudence au verrouillage politique de la procédure de la Haute Cour a abouti à une transformation de l’immunité ministérielle en une impunité qui ne pouvait assurément résister face à une affaire telle que celle dite du « sang contaminé ». L’inadaptation manifeste de la procédure de poursuite contre trois anciens membres du gouvernement (Laurent Fabius, Premier ministre ; Georgina Dufoix, ministre de la Solidarité et des Affaires

sociales ; Edmond Hervé, secrétaire d’État à la Santé) devant la Haute Cour imposait une révision des dispositions constitutionnelles afférentes.

II. La mise en jeu de la responsabilité pénale des membres du gouvernement La loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 supprime l’alinéa 2 de l’article 68 de la Constitution pour créer un nouveau titre X relatif à la « responsabilité pénale des membres du gouvernement » (art. C 681, 68-2 et 68-3). L’institution de la Cour de justice de la République oscille entre une double exigence qui aspire à concilier le respect du principe d’égalité devant la justice – lequel suppose de rapprocher la procédure de la Cour de justice de celle des juridictions de droit commun – avec la garantie de la continuité de l’action gouvernementale dont le particularisme impose, à l’inverse, une spécificité procédurale. L’ensemble de l’organisation et du fonctionnement de la Cour de justice de la République (B. Mathieu, T.S. Renoux et A. Roux, La Cour de justice de la République, PUF, 1995) repose ainsi sur la quête de cet équilibre entre les principes traditionnels qui régissent la procédure juridictionnelle et que garantit la loi organique du 23 novembre 1993 issue de la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 (principe de la séparation des fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement, droit au recours (recours en cassation contre les arrêts de la Commission d’instruction de la Cour de justice [art. LO 24 du 23 novembre 1993] ou de la Cour de justice [art. LO 33 du 23 novembre 1993])) et la volonté d’écarter les recours abusifs par une procédure appropriée qui ne peut être celle du droit commun d’où la non-inclusion des dispositions constitutionnelles relatives à la Cour de justice de la République dans le titre VIII de la Constitution consacré à l’autorité judiciaire. La Cour de justice composée majoritairement de parlementaires – ce qui ajoute à sa spécificité – intervient au moyen de trois formations de poursuite (Commission des requêtes), d’instruction

(Commission d’instruction) et de jugement (Cour de justice au sens strict), selon des modalités pour partie novatrices. Ainsi, la saisine de la Commission des requêtes est désormais ouverte, dans le strict respect du principe d’égalité, à toute personne (de nationalité française ou non ainsi que les personnes morales) qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du gouvernement dans l’exercice de ses fonctions. Un droit de saisine d’office de la Cour de justice de la République est en outre reconnu au procureur général près la Cour de cassation sur avis conforme toutefois de la Commission des requêtes qui reste maître, en la matière, de la procédure. Elle est une instance de filtrage des requêtes nécessaire à la réalisation de l’objectif de stabilité de l’action gouvernementale qui anime le fonctionnement de la Cour de justice. Elle décide du classement ou de la transmission de la procédure (art. C 68-2 al. 3) de manière autoritaire, ses actes n’étant susceptibles d’aucun recours (art. LO 14 du 23 novembre 1993). Il revient à la Commission d’instruction composée de magistrats du siège qui exerce les pouvoirs d’un juge d’instruction (v. LO précitée) de décider du renvoi ou non de l’affaire devant la Cour de justice. Ses arrêts peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant la Cour de cassation. De manière inédite sous la Ve République, la Commission d’instruction de la Cour de justice a décidé, dans le cadre de l’affaire du sang contaminé, le renvoi devant la Cour de justice des trois anciens membres de gouvernement impliqués (v. arrêt du 17 juillet 1998). La relaxe de Laurent Fabius et de Georgina Dufoix ainsi que la dispense de peine d’Edmond Hervé reconnu coupable d’atteinte involontaire à la vie des personnes transfusées par la formation de jugement de la Cour de justice (v. arrêt du 9 mars 1999) ont relancé le débat sur l’efficience des nouveaux mécanismes de mise en cause de la responsabilité pénale des ministres issus de la réforme constitutionnelle de 1993. • À retenir •

La responsabilité pénale se présente comme un substitut à la défaillance de la responsabilité politique. Le renforcement de la

garantie des droits fondamentaux explique pour une large partie la pénalisation de la vie politique nationale et internationale à travers l’œuvre du pouvoir constituant (révision constitutionnelle du 27 juillet 1993 instituant la Cour de justice de la République) et du pouvoir conventionnel (institution de la Cour pénale internationale par le traité de Rome du 18 juillet 1998). Pour en savoir plus − B. Mathieu, Th. S. Renoux, A. Roux, La Cour de justice de la République, PUF, 1995.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. La responsabilité pénale d’un ministre peut être engagée pour faute personnelle.

□ Vrai □ Faux 2. La responsabilité pénale d’un ministre peut être engagée pour faute du fait d’autrui.

□ Vrai □ Faux 3. La responsabilité pénale d’un ministre relève de la Cour de justice de la République en cas d’absence de lien entre les faits poursuivis et la fonction ministérielle.

□ Vrai □ Faux 4. La responsabilité pénale des membres du gouvernement est individuelle.

□ Vrai □ Faux 5. Les particuliers s’estimant lésés peuvent porter plainte devant la Cour de justice de la République.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ

1. Vrai (exemple : corruption d’un ministre). 2. Vrai (exemple : faute commise par des personnes placées sous son autorité). 3. Faux. La responsabilité du ministre – qui agit ici en tant que personne privée – relève des juridictions pénales de droit commun. 4. Vrai. Le caractère individuel de la responsabilité pénale s’oppose au caractère collectif de la responsabilité politique des membres du gouvernement. 5. Vrai. Il s’agit d’un des apports essentiels de la révision constitutionnelle de 1993 qui a institué la Cour de justice de la République. Dans cette hypothèse, une Commission des requêtes examine la plainte et décide du classement ou de la transmission de l’affaire au procureur général près la Cour de cassation qui saisit la Cour de justice de la République.

Fiche 31

Panorama du Parlement sous la Ve République • Définition

Cohabitation : terme proposé par É. Balladur pour désigner les périodes au cours desquelles les majorités présidentielle et parlementaire sont de couleur politique différente.

• À retenir

La Ve République marque la fin de la puissance parlementaire ramenée à de plus justes proportions. À l’affaiblissement du Parlement qui résulte de la rationalisation de son activité en 1958 succède, de manière récente, une volonté de revalorisation de l’institution parlementaire. Tel est l’un des objets principaux de la loi constitutionnelle n° 2008-734 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République qui définit de manière inédite dans l’article 24 de la Constitution, les missions du Parlement (vote de la loi, contrôle de l’action du gouvernement et évaluation des politiques publiques) et lui accorde des prérogatives nouvelles.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTION DE COURS La logique majoritaire participe-t-elle à une réhabilitation de l’autorité parlementaire ?

CORRIGÉ La logique majoritaire garantit la stabilité institutionnelle. En soutenant l’autorité exécutive dans ses choix à travers une

discipline de vote bien rodée, la majorité parlementaire participe aux orientations de la politique nationale décidée par l’exécutif en lui donnant les moyens de sa réalisation à travers la loi. En cela, la logique majoritaire favorise la revalorisation du Parlement accentuée en période de cohabitation durant laquelle l’autorité retrouvée du gouvernement et celle de son Premier ministre reposent sur le soutien sans faille de la majorité parlementaire face à un président de la République hostile. Composition du Parlement

Fonction

Rationalisation du Parlement

Le Parlement vote la loi Le Parlement contrôle l’action du gouvernement Le Parlement évalue les politiques publiques

La revalorisation du Parlement impose nécessairement l’énonciation solennelle de ses missions. La loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 comble une lacune significative de l’article C 24 qui énonce désormais quelles sont ces missions.

Bicamérisme inégalitaire en matière Caractéristiques législative et en matière de contrôle

• Rationalisation de la fonction législative • Rationalisation de la fonction contrôle

Domaine

• Rationalisation de la fonction législative

• Possibilité de mise à l’écart du Sénat dans la procédure législative au profit de l’Assemblée nationale qui

Renouveau du Parlement

– Fin du monopole de l’élaboration de la loi par l’institution du

Sous forme de réformes constitutionnelles

• Rationalisation de – Élargissement la fonction contrôle du droit de saisine du Conseil – Encadrement de constitutionnel la procédure de aux mise en jeu de la parlementaires responsabilité (art. C 61 al. 2)

peut avoir le dernier mot selon la volonté exclusive du gouvernement • Impossibilité pour le Sénat de renverser le gouvernement (art. C 49 al. 4 et 50)

Commentaires

référendum (art. C 11) – Limitation du domaine de la loi (art. C 34) – Contrôle de constitutionnalité de la loi (art. C 61) – Prérogatives du gouvernement dans le cadre de la procédure législative

gouvernementale (art. C49) – Encadrement du fonctionnement des commissions d’enquête (ordonnance du 17 novembre 1958)

Le bicamérisme La rationalisation Les réformes est des institutions constitutionnelles

(LC n° 74-904 du 29 octobre 1974) – Élargissement de la compétence du Parlement aux projets ou propositions d’actes communautaires comportant des dispositions de nature législative (avis donnés sous forme de résolution) (art. C 88-4) (LC n° 92-554 du 25 juin 1992 modifié par LC n° 99-49 du 25 janvier 1999) – Institution d’une session parlementaire unique (art. C 28 al. 1er) (LC n° 95880 du 4 août 1995) – Partage de l’ordre du jour avec le gouvernement (art. C 48 al. 1 et 2) (LC n° 2008-724 du 23 juillet 2008) – Vote par le Parlement des projets de loi de financement de la Sécurité sociale (art. C 47-1) (LC n° 96-138 du 22 février 1996)

classiquement un facteur d’équilibre institutionnel permettant de limiter les excès de chaque assemblée parlementaire. La Ve République le conçoit de manière inégalitaire en faveur de l’Assemblée nationale dans deux procédures décisives (art. C 45 et 49) alors même qu’en 1958 l’exécutif cherche un appui dans le Sénat. Exception au bicamérisme : • pouvoir de blocage du Sénat : – en ce qui concerne une procédure législative organique lorsque le texte en discussion est relatif au Sénat (art. C46 al. 4) ou au droit de vote et d’éligibilité des ressortissants ; – dans le cadre d’une révision constitutionnelle (art. C 89 al. 2)

en vue d’assurer la stabilité gouvernementale mise à l’épreuve par l’absence de majorité stable sous la IVe République a perdu de son sens avec l’apparition, en 1962, du fait majoritaire. L’affaiblissement du Parlement qui en résulte impose, aujourd’hui, à l’inverse de 1958, une revalorisation de son rôle.

entreprises demeurent insuffisantes pour restaurer le pouvoir parlementaire. Une réforme d’envergure consistant à établir un régime d’incompatibilité entre un mandat de député et toute autre fonction élective permettrait à l’élu de se consacrer entièrement à son mandat de parlementaire.

• droit de priorité du Sénat : en ce qui concerne les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales et les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France. Ils sont soumis en premier lieu au Sénat (art. 39 dernier alinéa issu de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003).

Fiche 32

Le bicamérisme sous la Ve République I. Les origines du bicamérisme II. La légitimité du bicamérisme • Définition

Bicamérisme : le bicamérisme (ou bicaméralisme) est la division du Parlement en deux chambres. Il s’oppose au monocamérisme (ou monocaméralisme) dans lequel le Parlement se compose d’une chambre unique. L’article 24 de la Constitution de 1958 pose le principe du bicamérisme (ou bicaméralisme) en faisant de l’Assemblée nationale et du Sénat les composantes du Parlement français. Manifestation de la continuité républicaine, le bicamérisme qui s’inscrit dans la tradition des Républiques antérieures (I), n’en demeure pas moins un élément contesté quant à sa raison d’être (II).

I. Les origines du bicamérisme A. La naissance du bicamérisme Héritage du système anglais qui connaît depuis le XIVe siècle une division du Parlement en deux chambres, le bicamérisme se rattache au parlementarisme – même s’il n’en est pas exclusif à l’exemple de certains États membres de l’Union européenne (Portugal, Luxembourg, Finlande, Grèce, Suède, Danemark) qui pratiquent le monocamérisme – en tant qu’instrument de modération du pouvoir. C’est ainsi au moins qu’il est présenté dans la théorie politique du pouvoir de Montesquieu dans laquelle il occupe une

place essentielle quant à l’équilibre des pouvoirs en tant qu’il permet à chaque assemblée de compenser les excès de l’autre, en particulier ceux de l’Assemblée toute puissante issue du peuple. Séduisant par sa logique de pondération du pouvoir, le bicamérisme apparaît dès son origine comme un instrument d’organisation des pouvoirs animé, cependant, selon les cas, par des dessins différents. Ainsi, il est en Angleterre, un moyen de concilier les principes démocratiques (chambre des communes, héritière du Commune Concilium) et aristocratiques (chambres des lords, héritière du Magnum Concilium). Aux États-Unis d’Amérique, il s’associe de manière étroite au fédéralisme (v. Constitution de Philadelphie de 1787) qu’il justifie en instituant, à côté de la chambre des représentants représentative de la fédération indivisible, un Sénat représentatif des unités fédérées. Ce modèle est, depuis, celui de l’ensemble des États qui se réclament de ce mode de distribution du pouvoir.

B. L’adhésion de la France au bicamérisme La France adhère au bicamérisme par réaction contre les excès du régime conventionnel (par référence à la Convention nationale de 1792) caractérisé par une concentration des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire entre les mains d’une assemblée unique. Pour la première fois, la Constitution de l’an III (22 août 1795 instituant le Directoire) partage le pouvoir législatif entre deux assemblées dont la légitimité repose pour l’une sur la sagesse (Conseil des Anciens) pour l’autre sur l’imagination (Conseil des Cinq-Cents) à défaut de pouvoir justifier autrement cette division du pouvoir législatif. Après de nombreux soubresauts, la loi constitutionnelle du 24 février 1875 instaure, dans sa spécificité actuelle, une seconde chambre, le Sénat qui, selon la formule opportune de Gambetta, constitue « le Grand Conseil des communes de France ». La raison d’être du bicamérisme était enfin trouvée. La Ve République fidèle à la tradition républicaine adopte le bicamérisme qu’elle conçoit de manière inégalitaire au détriment du Sénat qui, en matière législative, peut être écarté de la procédure législative par la seule

volonté du gouvernement (art. C 45) et, dans le cadre de la procédure de contrôle parlementaire, ne peut contraindre le gouvernement à démissionner (art. C 49 al. 4 et 50).

II. La légitimité du bicamérisme A. L’intérêt du bicamérisme Selon les époques ou selon le mode de distribution du pouvoir retenu, le bicamérisme est un mode de représentation des pouvoirs qu’il justifie, celui d’une catégorie sociale (représentation de l’aristocratie traditionnelle [en Angleterre dès son origine et en France sous les monarchies parlementaires de 1814 et de 1830], représentation d’élites intellectuelles [monarchie de Juillet]) ou celui d’une organisation du pouvoir (représentation du fédéralisme dès sa naissance aux États-Unis, des collectivités territoriales dans le cadre d’une décentralisation des pouvoirs : cas du Sénat français dans sa conception actuelle définie par l’article 24 de la Constitution de 1958). Dans tous les cas et traditionnellement, le bicamérisme est un facteur d’équilibre par la modération du pouvoir qu’il suggère ou encore un moyen d’éviter toute précipitation face aux circonstances et aux pressions du moment (v. en ce sens, par exemple, le cas du Sénat fédéral du Brésil, Le bicamérisme, une idée d’avenir, Forum des Sénats du Monde, 14 mars 2000, Les actes, p. 13 et s.). Le Parlement bicaméral de la Ve République répond, dans son esprit, à cette conception. En 1958, il est conçu pour limiter les pouvoirs de l’Assemblée nationale en faisant du Sénat une chambre de soutien de l’action de l’exécutif, condition nécessaire à sa force. Dans le cas contraire, il est un instrument d’opposition (d’où aussi l’idée d’équilibre perçu, ici, comme un frein) notamment face à la puissance combinée du président de la République, du gouvernement et de l’Assemblée nationale (exemples : 1958, 1969, 1981, 1986). La division du Parlement en deux chambres ajoute, en outre, à la qualité du travail législatif au point qu’elle se présente comme un

élément de protection et de stabilité des normes juridiques indispensable à la réalisation d’un État de droit, à la défense de la démocratie et des droits de l’homme (v. pour exemple le rôle du Conseil de la Fédération de Russie).

B. Une remise en cause du bicamérisme Si la division du pouvoir législatif en deux chambres répond à celle d’un exécutif composé de deux organes et devient, à ce titre aussi, un gage d’équilibre des pouvoirs qui caractérise par essence le régime parlementaire, celui-ci n’impose pas, pour autant, le bicamérisme. L’histoire constitutionnelle française montre une adhésion au monocamérisme en raison soit d’une impossibilité à justifier de l’existence d’une seconde chambre (époque révolutionnaire) soit d’une volonté de contrebalancer la puissance exécutive (cas de la Seconde République : une chambre unique face à la puissance d’un président de la République élu au suffrage universel direct). Elle témoigne également de tentatives vaines de remise en cause de la forme bicamérale du Parlement pour restaurer la puissance de l’Assemblée issue directement du peuple (cas du premier projet de Constitution de la IVe République rejeté par référendum le 5 mai 1946) ou pour mettre un terme à l’hostilité du Sénat à l’égard de l’exécutif (projet de loi initié par le général de Gaulle transformant de manière profonde le Sénat et repoussé par référendum le 27 avril 1969). Plus largement, la logique majoritaire qui favorise un rapprochement entre le gouvernement et l’assemblée élue au suffrage universel direct contribue passablement à desservir l’image d’une seconde chambre qui semble réduite à un simple rôle consultatif. C’est oublié cependant trop vite les dérives dangereuses d’une concentration des pouvoirs, la qualité indéniable tant de la représentativité que de la production législative qu’assure une seconde chambre dont la légitimité à exister repose, par-dessus tout, sur la préservation des droits des individus (v. pour exemple, la promotion du développement local par le Sénat du Gabon en vue de créer une dynamique de solidarité favorable à toutes les couches de la population).

• À retenir •

Élément d’atténuation de la puissance parlementaire, la division du Parlement en deux chambres, l’Assemblée nationale et le Sénat (art. 24 de la Constitution de 1958), apparaît comme un instrument d’équilibre du pouvoir mais aussi d’amélioration de la qualité du travail législatif même si le bicamérisme est conçu, sous la Ve République, de manière inégalitaire.

Pour en savoir plus − Le Bicamérisme, une idée d’avenir, Forum des Sénats du Monde, 14 mars 2000, Palais du Luxembourg, Paris, Les actes.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTIONS DE COURS 1. Le parlementarisme impose-t-il le bicamérisme ? 2. Quand le bicamérisme est-il apparu en France ? 3. Quel est l’intérêt du bicamérisme ? 4. En tant qu’organe représentatif, quelle est l’entité dont le Sénat de la Ve République assure la représentation ? 5. Comment était conçu le bicamérisme sous les IIIe et IVe Républiques ?

CORRIGÉ 1. Le parlementarisme connaît également le monocamérisme (exemples : Luxembourg, Portugal). 2. La Constitution de l’an III (1795-1799) institue pour la première fois le bicamérisme composé du Conseil des Cinq-Cents (chambre basse) et du Conseil des Anciens (chambre haute). 3. Le bicamérisme permet de limiter la puissance du Parlement face à un exécutif lui-même divisé (chef de l’État et gouvernement). 4. Le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République et celle des Français établis en France.

5. Le bicamérisme était conçu de manière égalitaire sous la IIIe République et de manière inégalitaire sous la IVe République.

Fiche 33

La procédure législative I. L’initiative II. La discussion et le vote • Définitions

Projet de loi : le projet de loi est un texte d’origine gouvernementale. Proposition de loi : la proposition de loi est un texte d’origine parlementaire. Procédure du vote bloqué (art. C 44 al. 3) : procédure permettant au gouvernement de demander à une seule assemblée parlementaire de se prononcer sur tout ou partie du texte de loi en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par lui. Cette procédure évite ainsi la déformation d’un texte par une multitude d’amendements. Promulgation : acte par lequel le président de la République constate l’existence de la loi et la rend exécutoire. La promulgation prend la forme d’un décret signé par le président de la République contresigné par le Premier ministre et les ministres responsables. La collaboration entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif trouve dans la procédure législative son expression la plus complète. Cette collaboration se retrouve dans chaque étape de l’élaboration de la loi, quelle que soit la catégorie de lois visées (ordinaire, organique ou financière) hormis le cas de la loi référendaire (art. C 11) et de la loi constitutionnelle (art. C 89).

I. L’initiative

Le pouvoir d’initiative des lois se partage entre le Premier ministre (projet de loi) et les membres du Parlement (proposition de loi) (art. C 39). Les projets de loi sont délibérés en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État. Cette condition traduit la solidarité gouvernementale et associe le président de la République qui préside le Conseil des ministres aux décisions prises par le gouvernement. Les projets de loi sont indifféremment déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat à l’exception des projets de lois financières (projets de loi de finances et de loi de financement de la Sécurité sociale) qui doivent être soumis, en premier lieu, à l’Assemblée nationale et des projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales qui, quant à eux, doivent être soumis en premier lieu au Sénat. Le dépôt des propositions de loi est soustrait à des conditions procédurales. Le parlementaire dépose la proposition de loi devant l’assemblée parlementaire dont il est membre. Les irrecevabilités des articles 40 et 41 de la Constitution sont opposables aux propositions de loi.

II. La discussion et le vote Une des huit commissions permanentes ou une commission spéciale de la première assemblée saisie examine le projet ou la proposition de loi. La commission désigne un rapporteur chargé de présenter un avis à l’assemblée en séance publique. L’amélioration de la qualité de la loi et la volonté de renforcer le Parlement supposent qu’il dispose de davantage de temps pour examiner les textes qui lui sont soumis. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République complète, à cette fin, l’article 42 de la Constitution en prévoyant un délai de six semaines entre le dépôt d’un texte et son examen en séance devant la première assemblée saisie. La discussion en séance ne peut intervenir, devant la seconde assemblée saisie, qu’à l’expiration d’un

délai de quatre semaines à compter de sa transmission. Il ne pourra y être dérogé que si la procédure accélérée de l’article 45 de la Constitution a été engagée étant entendu que le respect de ces délais n’est pas non plus applicable aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la Sécurité sociale et aux projets relatifs aux états de crise. Aux termes de la nouvelle rédaction des deux premiers alinéas de l’article 42 de la Constitution, à l’exception des projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale, ainsi que des projets de révision de la Constitution, le texte discuté en séance plénière ne sera plus le projet du gouvernement (élément qui garantissait jusque-là le travail législatif du gouvernement) mais le texte issu des travaux de la commission qui en a été saisie ou, à défaut, le texte dont l’assemblée a été saisie. Cette revalorisation du travail parlementaire est le gage d’une efficacité accrue du rôle des commissions parlementaires annonciateur néanmoins d’un bouleversement des équilibres dans l’élaboration de la loi. La discussion en séance publique du projet ou de la proposition de loi est subordonnée à son inscription à l’ordre du jour lequel est, en principe, adopté par la conférence des présidents. Si, jusque-là, le gouvernement disposait de la maîtrise de l’ordre du jour qui lui permettait d’imposer, par priorité, la discussion des projets de loi déposés par lui et des propositions de loi acceptées par lui ce qui l’autorisait à écarter toute proposition de loi non conforme aux orientations de la politique qu’il mène (art. C 48 al. 1er) bien que cette mainmise gouvernementale ait cependant été tempérée par la révision constitutionnelle du 4 août 1995 qui réservait par priorité une séance par mois à l’ordre du jour fixé par chaque assemblée (art. 48 dernier alinéa) désormais, est institué un partage de l’ordre du jour entre le gouvernement et le Parlement qui bénéficie là, d’une plus grande maîtrise du travail législatif. La fixation de l’ordre du jour est arrêtée par chaque assemblée et non plus par le gouvernement. Cependant, hormis les projets de lois de finances, de financement de la Sécurité sociale, des textes transmis par l’autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états de crise et des demandes d’autorisations de prolongation d’intervention des forces armées à l’étranger visées à

l’article 35 de la Constitution qui obéissent à un régime spécial, ce dernier conserve la faculté d’imposer l’examen de textes préparés ou acceptés par lui mais sur la moitié seulement du temps de séance, l’autre moitié étant à la libre disposition des assemblées et partagée entre les fonctions législatives (pour l’examen de projets ou de propositions de lois) et les fonctions de contrôle de l’action du gouvernement et d’évaluation des politiques publiques (une semaine de séance sur quatre). Reposant sur une logique de consensus, le nouvel article 48 de la Constitution répond, en outre, à une volonté d’enrayer tout risque de blocage en cas de discordance de majorités en imposant à une assemblée saisie d’un texte voté par l’autre de l’examiner dans un délai de quatre semaines. Après une discussion générale qui permet d’entendre le représentant du gouvernement et le rapporteur de la commission, la procédure du vote article par article est entamée durant laquelle sont examinés les amendements proposés par le gouvernement, les parlementaires et la commission parlementaire sachant, d’une part, qu’un amendement du gouvernement ne doit pas être un prétexte pour lui pour introduire un nouveau projet de loi, et, d’autre part, que le gouvernement peut s’opposer à tout amendement parlementaire qui n’avait pas été antérieurement soumis à la commission (art. C 44 al. 2). Le réaménagement de l’exercice du droit d’amendement par la jurisprudence constitutionnelle (v. décision CC n° 2005-532 DC, 19 janvier 2006) permet que ce droit s’exerce pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées sachant que son exercice se heurte, dans tous les cas, aux règles de recevabilité ainsi qu’à la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l’objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. À l’expiration de cette phase, la première assemblée parlementaire vote sur l’ensemble du texte. À ce stade, le gouvernement peut recourir à deux procédures contraignantes, celle du vote bloqué utilisable devant les deux assemblées parlementaires (art. C 44 al. 3) et celle de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, utilisable

devant la seule Assemblée nationale par laquelle le gouvernement lie sont sort à celui du texte, et limitée aux seuls projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale et, au surplus, à un texte par session. À la fin de la première lecture, le texte est transmis à la seconde assemblée qui procède dans les mêmes conditions que la première. La procédure parlementaire prend fin en absence de modifications apportées par la nouvelle assemblée. Dans le cas contraire, la navette parlementaire est mise en œuvre jusqu’à ce que les deux assemblées votent le texte en termes identiques (art. C 45). La navette peut être cependant interrompue par le gouvernement après deux lectures devant chaque assemblée ou une seule après que le gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée – sans toutefois que les conférences des présidents des deux assemblées s’y soient conjointement opposées – pour provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire (composée de sept députés et de sept sénateurs) qui réunit les divergences des deux assemblées dans un texte de compromis. Dans les cas où ces divergences n’ont pu être levées par la commission ou si le texte de compromis a été rejeté par les deux assemblées, le gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer seule et définitivement. • Précisions

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui complète le deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution conduit à ce que la décision du gouvernement d’engager la procédure accélérée puisse être mise en échec par un veto conjoint des conférences des présidents des deux assemblées parlementaires. Une fois la loi adoptée, elle est promulguée dans un délai de quinze jours par le président de la République après la transmission de la loi au gouvernement. Pendant ce délai, le président de la République peut demander au Parlement une nouvelle délibération

de la loi (art. C 10 al. 2). Le Conseil constitutionnel peut également être saisi avant la promulgation de la loi (art. C 61 al. 2). Article 45 de la Constitution du 4 octobre 1958 modifié par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation de la Ve République : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte unique. Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. Lorsque, par suite d’un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n’a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée ou, si le gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée sans que les Conférences des présidents s’y soient conjointement opposées, après une seule lecture par chacune d’entre elles, le Premier ministre ou, pour une proposition de loi, les présidents des deux assemblées agissant conjointement, ont la faculté de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion. Le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis par le gouvernement pour approbation aux deux assemblées. Aucun amendement n’est recevable sauf accord du gouvernement. Si la commission mixte ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun ou si ce texte n’est pas adopté dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, le gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale et par le Sénat, demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement. En ce cas, l’Assemblée nationale peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat. »

• Précisions

1. Le projet ou la proposition de loi peut être déposé devant le bureau de l’une des deux assemblées parlementaires. Cependant, les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales et les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France sont soumis en premier lieu au Sénat (art. C 39 al. 2). 2. La saisine du Conseil constitutionnel est facultative pour la loi ordinaire (art. C 61 al. 2). Elle est obligatoire pour la loi organique (art. C 61 al. 1er).

• À retenir •

Les diverses étapes qui jalonnent le déroulement de la procédure législative témoignent d’une collaboration des pouvoirs législatif et exécutif qui n’exclut pas, cependant, la mise en œuvre par l’autorité exécutive de moyens de pression que lui confère la Constitution. La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République permet cependant au Parlement de bénéficier d’une plus grande maîtrise du travail législatif.

Pour en savoir plus − B. Mathieu, La Loi, Dalloz, 2004.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTIONS DE COURS 1. Qu’est-ce qu’une loi organique ? 2. Quelles sont les spécificités de la procédure d’adoption des lois organiques ? 3. Quelles sont les spécificités de la procédure d’adoption des lois de finances et de financement de la Sécurité sociale ?

CORRIGÉ 1. La loi organique est prévue par la Constitution et a pour objet de préciser ou compléter certaines dispositions constitutionnelles. 2. La procédure législative de l’article 45 de la Constitution s’applique aux lois organiques sous réserve de quelques spécificités procédurales définies à l’article 46 de la Constitution : la délibération et le vote de la première assemblée parlementaire saisie ne peuvent intervenir qu’après l’expiration des délais fixés au troisième alinéa de l’article 42 de la Constitution. Dans l’hypothèse d’un engagement de la procédure accélérée (article 45 de la Constitution), la soumission à la délibération de la première assemblée saisie ne peut intervenir avant l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt ; le texte organique ne peut être adopté par l’Assemblée nationale en dernière lecture qu’à la majorité absolue de ses membres ; la procédure de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution n’est pas applicable aux lois organiques pour lesquelles la Constitution exige qu’elles soient votées dans les mêmes termes : cette inapplicabilité concerne les lois organiques relatives au Sénat (art. C 46) et celles qui définissent les conditions d’application du droit de vote et d’éligibilité des ressortissants communautaires aux élections municipales (art. C 88-3). Les lois organiques ne peuvent être promulguées qu’après la déclaration par le Conseil constitutionnel de leur conformité à la Constitution. 3. Les spécificités de la procédure applicable aux lois de finances et aux lois de financement de la Sécurité sociale reposent sur la durée prévue respectivement par les articles 47 et 47-1 de la Constitution pour les examiner.

Fiche 34

L’amélioration de la qualité du travail législatif À propos de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution I. Le renouvellement des conditions du travail législatif II. La réhabilitation du droit de résolution parlementaire (art. C 34-1) • Définition

Résolution : la résolution se définit comme un acte unilatéral par lequel une assemblée soit décide des règles de son fonctionnement interne, soit fait connaître au gouvernement son sentiment sur une question donnée. Hommage est manifestement rendu par la loi organique n° 2009403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (JO du 16 avril 2009, p. 6530) à la volonté clairement exprimée du pouvoir constituant de 2008 de moderniser les institutions de la République. En mettant en œuvre les règles afférant à une procédure législative profondément rénovée, la loi organique participe incontestablement de cette évolution institutionnelle tant les nouveaux articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution dont elle précise les conditions d’application tendent à une revalorisation de l’institution parlementaire à travers à la fois un

renouvellement du travail législatif (I) et une diversification des modalités d’expression du Parlement (II).

I. Le renouvellement des conditions du travail législatif À une procédure législative de plus en plus chronophage, à une déperdition de la qualité de la loi notamment en termes de normativité auxquelles l’inflation législative n’est pas étrangère, le pouvoir constituant de 2008 répond d’une double manière : d’une part, par le recours à des études d’impact (A), d’autre part, par l’institution de procédures d’examen empêchant l’obstruction du travail législatif (B).

A. Les conditions de présentation des projets de loi (art. 39 de la Constitution) Outil d’aide à la décision publique en tant qu’elle porte « une analyse précise des avantages attendus et des multiples incidences d’(un) texte (législatif) » (voir circulaire du Premier ministre du 21 novembre 1995 relative à l’expérimentation d’une étude d’impact accompagnant les projets de loi et de décret en Conseil d’État), l’étude d’impact semble disposer du potentiel nécessaire pour mieux éclairer le travail du Parlement. Elle est la condition fixée par la loi organique quant à l’exigence de présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat posée par l’article 39 de la Constitution. Elle répond, là, à un souhait exprimé par les parlementaires lors de la révision constitutionnelle de 2008. Ainsi, depuis le 1er septembre 2009, date d’entrée en vigueur du Chapitre II de la loi organique qui prévoit les conditions de présentation des projets de loi, sauf exceptions, un projet de loi doit, en principe, être accompagné d’un exposé des motifs (art. LO 6) et d’une étude d’impact lors de son dépôt, laquelle doit permettre de mesurer la dimension réelle de la réforme législative proposée. Classiquement, et comme l’a jugé le Conseil constitutionnel, il est de tradition républicaine que l’exposé des motifs accompagne un

projet de loi duquel il est inséparable (Cons. const., 7 avril 2005, déc. De Villiers et Peltier ; 9 avril 2009, déc. n° 2009-579 DC relative à la présente loi organique, JO du 16 avril 2009). La loi organique ne fait ici que consacrer une pratique constante du gouvernement avec, cependant, cette différence essentielle qu’en devenant désormais une obligation juridique, sa violation peut être assortie d’une sanction : la non-inscription du projet de loi à l’ordre du jour. C’est à cette même sanction que s’expose le non-respect de la règle de présentation des projets de loi dans un délai de dix jours. Elle est décidée par la Conférence des présidents de l’assemblée saisie en premier lieu, l’appréciation du respect de la règle étant laissée au Conseil constitutionnel sur saisine du président de l’assemblée concernée ou du gouvernement étant entendu que la méconnaissance des règles de présentation des projets de loi conduirait soit à mettre un terme à la réforme envisagée, soit à compléter la présentation du projet de loi sur le fondement des motifs de la décision du Conseil constitutionnel (Cons. const., 29 décembre 1983, déc. n° 83-164 DC ; 29 décembre 1984, déc. n° 84-184 DC). Dans tous les cas, la procédure instituée à l’article 39 de la Constitution n’a pour seul objet que le règlement d’un conflit d’interprétation et non la création d’un nouveau motif d’inconstitutionnalité dont il pourrait être possible de se prévaloir sur le fondement des dispositions de l’article 61 de la Constitution. Pèse sur le gouvernement non seulement l’obligation de communication de documents rendant compte de l’étude d’impact mais aussi celle de la production d’une nouvelle étude d’impact dans l’hypothèse d’une modification d’un projet de loi par voie de lettre rectificative, celle-ci étant assimilée par la jurisprudence constitutionnelle à un projet de loi (Cons. const., 27 juillet 2000, déc. n° 2000-433 DC, loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication). Cette obligation matérielle est assortie d’une obligation formelle tenant au délai de dépôt des documents d’étude d’impact. Par concordance avec l’exigence qui pèse sur les projets de loi de finances, est retenu le principe du dépôt simultané des études d’impact et des projets de

loi (article 39 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001) sachant qu’à propos des annexes soumises à une obligation de dépôt simultané de celui du projet de loi de finances ou de celui du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le Conseil constitutionnel apprécie de manière souple l’absence de transmission dans les délais de ces documents, celle-ci ne faisant pas obstacle à l’examen d’un projet de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale (Cons. const., 25 juillet 2001, déc. n° 2001-448 DC, loi organique relative aux lois de finances). Dans sa décision n° 2009-579 DC du 9 avril 2009 portant sur la présente loi organique, le Conseil constitutionnel précise qu’il appréciera le retard dans la production d’un document constituant l’étude d’impact d’un projet au regard « des exigences de la continuité de la vie de la Nation ». La porte semble donc ouverte vers une certaine souplesse d’appréciation qui doit cependant demeurer compatible avec l’objet même de la réforme : permettre un débat législatif pleinement informé. Encore faut-il, pour cela, que l’étude d’impact ne soit pas un ersatz de l’exposé des motifs et qu’elle soit effectivement renseignée en comportant une estimation chiffrée des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales de la réforme afin de décider de la pertinence à légiférer ou non. L’utilité du mécanisme devrait être garantie en imposant la transmission des documents constituant l’étude d’impact dès le stade de la soumission des projets de loi au Conseil d’État mais aussi en exigeant une information détaillée fournie pour tous les projets de loi (art. LO 8) sous réserve, toutefois, comme l’a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 avril 2009, que l’objet des dispositions d’un projet de loi exige réellement de répondre à l’intégralité des prescriptions définies par l’article 8 de la loi organique. D’une certaine manière, le Conseil rétablit le principe de proportionnalité qui devait dicter, comme en disposait initialement le projet de loi organique, l’élaboration des études d’impact avant qu’il ne soit rejeté au cours des débats parlementaires. Est, par là même, également rétablie, la part de subjectivité dont est

nécessairement empreinte l’appréciation portée sur le degré d’importance de la réforme législative envisagée.

B. Les conditions d’exercice du droit d’amendement (art. 44 de la Constitution) L’article 44 de la Constitution modifié par la révision constitutionnelle de 2008 renvoie à la loi organique le soin d’encadrer l’exercice du droit d’amendement selon désormais des règles communes applicables aux deux assemblées et précisées par leurs règlements. Il fallait, là, s’adapter à la nouvelle procédure législative qui retient en discussion en séance publique le texte établi par la commission. L’entrée en vigueur au 1er mars 2009 des présentes dispositions organiques est aussi la date de l’applicabilité des dispositions constitutionnelles relatives à l’examen du texte de la commission en séance publique et au partage de l’ordre du jour. La clarté des débats parlementaires dont le Conseil constitutionnel a déjà souligné la carence imposait la fixation d’un délai limité pour le dépôt des amendements parlementaires. Le délai retenu est celui du début de l’examen du texte en séance publique, qui peut éventuellement être réduit par les règlements des assemblées sans toutefois que cette réduction de temps ne fasse obstacle à l’exercice effectif du droit d’amendement (Cons. const., 8 novembre 1995, déc. n° 95-366 DC, Résolution modifiant le règlement de l’Assemblée nationale). L’essentiel est que les parlementaires disposent d’un temps suffisant entre la commission et la séance publique pour exercer pleinement leur droit d’amendement sur le texte discuté en séance publique. Les amendements parlementaires, à la demande de leur auteur, tout comme les amendements de la commission saisie au fond peuvent d’ailleurs faire l’objet d’une évaluation préalable communiquée à l’assemblée avant leur discussion en séance (art. LO 15). Il revient aux règlements des assemblées parlementaires d’en déterminer les conditions d’application selon un choix facultatif de chaque assemblée d’instaurer ou non cette procédure laquelle revêtait, a contrario, un caractère impératif pour les amendements gouvernementaux avant

que les dispositions ne la prévoyant ne soient invalidées par le Conseil constitutionnel pour incompétence négative du législateur organique (Cons. const., 9 avril 2009, déc. n° 2009-579 DC, considérant n° 39). L’importance de l’examen et du vote des amendements en commission ne pouvait raisonnablement conduire à une exclusion du gouvernement dont la présence en commission favorise assurément l’amélioration de la qualité du travail législatif. En tout état de cause, une lecture combinée des articles 31, 40, 41, 42 et 44 de la Constitution interdit toute restriction du droit d’accès du gouvernement aux travaux des commissions parlementaires sous peine de connaître la censure du juge constitutionnel à laquelle s’est exposée la présente loi organique (art. LO 13 dernier alinéa) en renvoyant aux règlements des assemblées le soin de déterminer les modalités du droit d’accès du gouvernement aux travaux des commissions (Cons. const., 9 avril 2009, déc. n° 2009-579 DC, considérant n° 36). Dans la même optique d’un encadrement renforcé de l’exercice du droit d’amendement, la loi organique institue, parallèlement à la procédure de droit commun d’examen des amendements en commission, une procédure d’examen simplifiée (voir Cons. const., 23 mai 1991, déc. n° 91-292 DC, Résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale dans laquelle le Conseil valide, sous réserve du respect des règles de valeur constitutionnelle de la procédure législative, le principe de la procédure d’examen simplifiée) en séance publique en renvoyant aux règlements des assemblées parlementaires la possibilité de prévoir que seul le texte adopté par la commission saisie au fond sera mis en discussion lors de la séance publique, sauf amendement du gouvernement ou de la commission. Il s’agit par là, à la fois d’étendre la portée de la procédure d’examen simplifiée déjà introduite à l’Assemblée nationale par la réforme de son règlement le 7 mai 1991 qui demeure, à ce jour, limitée aux seuls projets de loi de ratification ou d’approbation de conventions internationales et de simplifier les procédures abrégées – vote sans débat et vote après débat restreint

– prévues par le règlement – du Sénat qui, dans tous les cas, n’interdisent nullement la présentation d’amendements en séance ce qui entame substantiellement leur fonction d’examen rapide des textes à caractère mineur et consensuel. Au contraire, la présente disposition vise à interdire la discussion d’un amendement parlementaire dans le cadre d’une procédure d’examen simplifiée dans le respect exigé par le Conseil constitutionnel de l’exercice du droit d’amendement des membres du Parlement (Cons. const., 7 novembre 1990, déc. n° 90-278 DC) dès lors que, conformément à l’option ouverte par le nouvel article 44 de la Constitution d’exercer le droit d’amendement en séance ou en commission, la restriction apportée au droit d’amendement au stade de l’examen d’un texte en séance est sans incidence sur l’exercice de ce droit au stade de l’examen en commission sachant que la possibilité pour un parlementaire de sous-amender un amendement du gouvernement ou de la commission saisie au fond demeure. Il y a, là, davantage une modulation du droit d’amendement qu’une restriction ferme étant entendu, qu’au surplus, certains textes législatifs devraient échapper à cette procédure compte tenu de l’importance des débats qu’ils pourraient générer. L’idée n’est nullement de limiter les débats parlementaires mais de les organiser plus efficacement. C’est aussi la raison de l’institution par la loi organique d’une procédure de discussion d’un texte législatif dans des délais préfix en séance publique (art. LO 18) qui aboutit, sous certaines conditions, à mettre aux voix sans discussion des amendements parlementaires. Contrairement à la procédure d’examen simplifiée principalement adaptée aux textes appelant peu de débats, la procédure d’examen dans des délais préfix répond, à l’inverse, à la volonté de prévoir pour les débats longs une procédure d’examen renforcée (voir l’exemple au Royaume-Uni des motions « guillotines » qui permettent de hâter la discussion en séance et de prévenir les tentatives d’obstruction manifestes, Rapport AN, J.-L. Warsmann, n° 1375 du 7 janvier 2009) en impartissant notamment des délais pour l’examen d’un texte. Le recours à cette procédure reste facultatif. Il est laissé à l’entière

initiative de chaque assemblée sous réserve, d’une part, de garantir le droit d’expression de tous les groupes parlementaires, en particulier celui des groupes d’opposition et des groupes minoritaires, d’autre part, d’accorder un temps supplémentaire de discussion aux parlementaires à la suite du dépôt par le gouvernement ou par la commission d’un amendement après la forclusion du délai de dépôt des amendements parlementaires et, enfin, de permettre de donner la parole à l’issue du vote du dernier article du texte, pour une durée limitée, à tout parlementaire qui en fait la demande pour une explication de vote personnel. Même si, d’une manière générale, l’inflation législative exige une structuration des débats parlementaires, il semble que cette procédure soit plus adaptée aux situations d’obstruction que connaît l’Assemblée nationale, le Sénat ayant annoncé son intention de ne pas l’inscrire dans son règlement mais n’a pas montré d’opposition à son adoption par souci de préservation de l’autonomie des assemblées.

II. La réhabilitation du droit de résolution parlementaire (art. 34-1 de la Constitution) Imaginée et introduite dans la Constitution comme un instrument de lutte contre la prolifération des lois mémorielles et de rétablissement du caractère normatif de la loi (A), la résolution n’en inspire pas moins la crainte d’une déviance au regard de sa fonction primaire. Le dispositif d’encadrement institué par la loi organique en témoigne (B).

A. Le rétablissement de la qualité de la loi par la réhabilitation de la résolution S’inscrit dans le rééquilibrage des pouvoirs au profit du Parlement, la diversification de ses modalités d’expression. Il n’est donc pas anodin que la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 ait réintroduit, à l’initiative principale du Sénat, le droit – très discuté – de résolution conçu comme mode d’expression d’un vœu ou d’une position sur

une question donnée dont la loi est généralement et inopportunément chargée au détriment de son caractère normatif. • Précision

Si le projet de loi constitutionnelle de 2008 prévoyait, comme l’avait suggéré le comité Balladur, la réhabilitation du droit de résolution, l’Assemblée nationale s’y était opposée de crainte qu’elle n’aboutisse à une multiplication des résolutions sur les sujets les plus divers et à une remise en cause par des voies détournées de la responsabilité du gouvernement. Sa suppression à l’initiative de la commission des lois de l’Assemblée nationale et avec l’avis favorable du gouvernement a conduit, en contrepartie, à l’institution de l’article 50-1 de la Constitution qui ouvre au gouvernement la possibilité, à son initiative ou à la demande d’un groupe parlementaire, de faire une déclaration à caractère thématique qui donne lieu à un débat et qui peut faire l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité. Le Sénat, à l’initiative de sa commission des lois et de sa commission des affaires étrangères et avec un avis du gouvernement, a rétabli la résolution de l’article 34-1. Dans un système constitutionnel dans lequel les modes d’engagement de la responsabilité gouvernementale sont précisément définis, le droit de résolution pouvait être légitimement réintroduit avec néanmoins la précaution d’inscrire dans la Constitution modifiée l’irrecevabilité des résolutions de nature à mettre en cause la responsabilité du gouvernement ou contenant des injonctions à son égard, signe d’une méfiance latente à l’égard de cette procédure. • Précision

Le droit de résolution a été circonscrit par la jurisprudence constitutionnelle lorsqu’elle a précisé que la responsabilité du

gouvernement ne pouvait être mise en cause « que dans les conditions et suivant les procédures fixées par les articles 40 et 50 de la Constitution », Cons. const., 24 juin 1959, déc. n° 59-2 DC, Règlement de l’Assemblée nationale ; 25 juin 1959, déc. n° 59-3 DC, Règlement du Sénat. Dans l’esprit du constituant de 2008, le retour du droit de résolution participe d’une double exigence : la revalorisation du pouvoir législatif, en particulier l’amélioration de la qualité de la loi par l’épurement de ses dispositions non normatives au profit des résolutions et le maintien de la fonction tribunitienne du Parlement. Se présentant comme un droit individuel (art. LO 1) de chaque membre du Parlement, réservé aux assemblées et non au Parlement et ainsi exempt de la procédure de la navette parlementaire, les propositions de résolution s’appliquent à tous les domaines à l’exception de ceux qu’elles couvrent déjà en tant que mesures d’ordre intérieur contraignantes (ce sont les propositions de résolution prévues par les règlements des assemblées et adoptées pour modifier leur règlement, créer une commission d’enquête, suspendre la détention ou la poursuite d’un parlementaire) ou mesures d’expression d’une position (ce sont les propositions de résolution sur les projets d’actes de l’Union européenne (art. 88-4 de la Constitution) introduites par les révisions constitutionnelles des 25 juin 1992 et 25 janvier 1999). Au champ d’application large de la résolution répond cependant un encadrement strict de sa procédure d’adoption.

B. L’encadrement de la procédure d’adoption de la résolution comme garantie du maintien de sa fonction primaire La mise en œuvre du droit de résolution demeure particulièrement encadrée pour éviter toutes dérives à l’image de celles rencontrées sous les IIIe et IVe Républiques et pour mieux ancrer dans les institutions ce nouveau droit d’expression.

C’est ainsi que le Conseil constitutionnel a pu tirer des dispositions de l’article 34-1 de la Constitution selon lesquelles « sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard », l’obligation pour le gouvernement de décider de la recevabilité des propositions de résolution avant leur inscription à l’ordre du jour, et, par suite, l’interdiction pour elles de pouvoir être rectifiées après cette inscription. C’est pour compenser l’interdiction du droit d’amendement sur les résolutions (art. LO 6) justifiée par l’absence de leur normativité (Cons. const., 17 décembre 1992, déc. n° 92314 DC dans laquelle le Conseil considère que les dispositions constitutionnelles concernant l’exercice du droit d’amendement visent exclusivement les projets ou les propositions de loi) que la loi organique a posé le principe d’une rectification par son auteur d’une proposition de résolution après son inscription à l’ordre du jour, par souci d’équilibre, le gouvernement conservant la faculté de s’y opposer s’il estime qu’elle met en cause sa responsabilité ou qu’elle comporte une injonction à son égard. Cette précaution n’a pas suffi à convaincre de la constitutionnalité des dispositions de l’alinéa 1er de l’article LO 6, le Conseil faisant une lecture stricte de l’article 34-1 de la Constitution afin de préserver la compétence du gouvernement à déclarer l’irrecevabilité d’une proposition de résolution avant son inscription à l’ordre du jour. Dès lors que le gouvernement est soumis à cette obligation, il doit, par conséquent, être informé rapidement d’une possible inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution (art. LO 4). Une proposition de résolution ne peut être inscrite à l’ordre du jour d’une assemblée moins de six jours francs après son dépôt. Ce délai devrait permettre au gouvernement de contrôler la recevabilité de la proposition. Pour éviter que le Parlement ne se prononce sur des initiatives répétitives, une proposition de résolution qui a le même objet qu’une proposition antérieure ne peut être inscrite à l’ordre du jour de la même session ordinaire.

Le Conseil constitutionnel a invalidé les dispositions de la loi organique prévoyant le renvoi de toute proposition de résolution à une commission permanente ou à une commission spéciale pour avis avant que l’assemblée réunie en séance publique ne se prononce. Rétablie par le Sénat, cette disposition visait non seulement à mieux éclairer l’assemblée étant entendu qu’il est de la vocation d’une telle commission d’informer tous les parlementaires, mais aussi à empêcher, compte tenu de l’interdiction du droit d’amender les résolutions, une dénaturation de la proposition de résolution qui s’assimilerait alors à une simple motion en l’absence, de surcroît, de toute procédure d’examen en commission. Ce ne sont pas des motifs de fond qui ont dicté la censure du juge constitutionnel mais la méconnaissance de l’étendue de ses compétences par le législateur organique par le renvoi qu’il a opéré aux règlements des assemblées pour déterminer la procédure à suivre pour l’examen des propositions de résolution. Ce sont plusieurs dispositions de la loi organique qui ont ainsi été censurées par le juge constitutionnel pour ce même motif. En n’épuisant pas complètement sa compétence, le législateur organique prive le dispositif proposé de meilleures garanties d’encadrement. L’harmonisation des procédures par des règles communes établies par la loi organique en fait sans conteste partie. • À retenir •

C’est dans un esprit en profond décalage avec celui de 1958 que la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 revalorise l’institution parlementaire tant en renouvelant les conditions du travail législatif qu’en diversifiant les modalités d’expression du Parlement. La loi organique du 15 avril 2009 donne corps à cette modernisation institutionnelle en définissant les conditions d’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution dont certains aspects témoignent d’une réforme en demi-mesure.

Pour en savoir plus

− L. Baghestani, « À propos de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution », Les Petites Affiches, n° 127, 26 juin 2009, p. 6-9. − L. Baghestani, id., in La Révision de 2008, une nouvelle Constitution ?, sous la direction de J.-P. Camby, P. Fraisseix, J. Guicquel, LGDJ-Lextenso-éditions, 2011, p. 213 et s. − B. Baufumé, « La réhabilitation des résolutions : une nécessité constitutionnelle », RDP, septembre-octobre 1994, p. 1426.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTION DE COURS La résolution, nouveau droit d’expression parlementaire ?

CORRIGÉ Le retour du droit de résolution participe d’une double exigence : la revalorisation du pouvoir législatif, en particulier l’amélioration de la qualité de la loi par l’épurement de ses dispositions non normatives au profit des résolutions et le maintien de la fonction tribunitienne du Parlement. Au champ d’application large de la résolution répond cependant un encadrement strict de sa procédure d’adoption témoignage de la crainte que génère cette procédure. Il s’agit d’éviter tant une multiplication de résolutions sur les sujets les plus divers qu’une remise en cause par des voies détournées de la responsabilité du gouvernement. À cet égard, doit être donné son plein effet aux dispositions de l’article 34-1 de la Constitution selon lesquelles « sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard » en en retenant, à l’instar du Conseil constitutionnel, une lecture stricte.

Fiche 35

L’amélioration de la qualité du travail législatif L’apport de la loi n° 2009-689 du 15 juin 2009 tendant à modifier l’ordonnance n° 58-1 100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative I. Le règlement des assemblées parlementaires détermine les règles de composition et de fonctionnement des commissions chargées des affaires européennes (art. C 88-4 dernier alinéa) II. La loi détermine les conditions de saisine du Conseil d’État pour avis sur les propositions de loi (art. C 39 dernier alinéa) Que la loi n° 2009-689 du 15 juin 2009 tendant à modifier l’ordonnance n° 58-1 100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative (JO, 16 juin 2009) soit issue d’une proposition de loi n’étonnera en rien. L’objet même de la loi invitait naturellement les parlementaires à en être les auteurs. Directement concernés par le fonctionnement des assemblées parlementaires, il leur revenait en conséquence tant des exigences de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République que de celles liées à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, de modifier l’ordonnance n° 58-1 100 du 17 novembre 1958 afin de définir les nouvelles conditions d’exercice des compétences du Parlement français en matière

européenne (I). C’était, tout au moins, l’objet initial de la proposition de loi déposée par le président de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer dont l’opportunité de le compléter a toutefois été saisie pour répondre aux prescriptions du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution tel qu’il résulte de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 : fixer les conditions de la soumission pour avis au Conseil d’État d’une proposition de loi, ce qui implique aussi une modification du code de justice administrative (II).

I. Le règlement des assemblées parlementaires détermine les règles de composition et de fonctionnement des commissions chargées des affaires européennes (art. 88-4 dernier alinéa de la Constitution) C’est désormais le règlement de chacune des deux assemblées parlementaires qui fixe la composition, le mode de désignation des membres et les règles de fonctionnement des commissions chargées des affaires européennes. L’article 6 bis de l’ordonnance du 17 novembre 1958 est ainsi modifié pour simplifier le dispositif régissant la matière. Le renvoi au règlement de chacune des assemblées de la plupart des règles relatives aux commissions chargées des affaires européennes ne comprend, cependant, ni celles qui portent sur leur mission de suivi des travaux conduits par les institutions de l’Union européenne ni celles qui concernent la communication des documents et l’information sur les négociations en cours par le gouvernement qui demeurent du domaine de la loi. Le renforcement de l’autonomie de chacune des deux assemblées parlementaires voulu par le renvoi ainsi opéré en la matière au règlement des assemblées parlementaires n’est donc pas entier. Néanmoins, le renvoi au règlement devrait réduire substantiellement le nombre de

règles fixées directement par l’ordonnance du 17 novembre 1958. Il fait suite, au même titre que les autres modifications apportées à l’article 6 bis, aux modifications introduites dans l’article 88-4 de la Constitution par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et n’est rendu possible que par la constitutionnalisation des commissions chargées des affaires européennes. Celles-ci se substituent dans leur appellation aux délégations parlementaires pour l’Union européenne (voir la loi n° 79-564 du 6 juillet 1979 modifiant l’ordonnance n° 58-1 100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires en vue de la création de délégations parlementaires pour les communautés européennes) créées en 1979 sous le nom de délégations parlementaires pour les Communautés européennes dont les dispositions législatives les concernant ont été introduites dans l’article 6 bis de l’ordonnance de 1958 et remaniées depuis à deux reprises (voir la loi n° 90-385 du 10 mai 1990 modifiant l’article 6 bis de l’ordonnance n° 58-1 100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires qui modifie la composition, les règles de désignation et de fonctionnement des délégations ; la loi n° 94-476 du 10 juin 1994 modifiant l’article 6 bis de l’ordonnance n° 58-1 100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires qui, répondant à l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, rebaptise sous le nom de « délégations parlementaires pour l’Union européenne » les délégations instituées en 1979). Dès lors que ce sont les règlements de chacune des deux assemblées parlementaires qui définissent certaines modalités d’association des commissions chargées des affaires européennes au processus d’adoption des résolutions communautaires depuis la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 (article 88-4 de la Constitution), il leur revient naturellement de fixer également leurs règles de composition, de désignation et de fonctionnement à l’instar du modèle des commissions prévues par l’article 43 de la Constitution.

L’autonomie ainsi acquise améliore l’exercice de leur mission de contrôle et d’évaluation que favorisent, en cela, non seulement la reconnaissance implicite de leur participation au pouvoir décisionnel dans le cadre du suivi des travaux conduits par les institutions de l’Union européenne du fait de la suppression par la loi du 15 juin 2009 dans l’article 6 bis de l’ordonnance de 1958 de leur rôle d’information aux assemblées parlementaires, mais également et plus généralement la rationalisation des structures parlementaires actuelles de contrôle et d’observation par la suppression de délégations parlementaires à l’efficacité peu probante (Office parlementaire d’évaluation de la législation, Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé, délégations parlementaires à l’aménagement et au développement durable du territoire, délégation parlementaire pour la planification, délégation parlementaire aux problèmes démographiques ; voir Cons. const., 27 juillet 1982, déc. n° 82-142 DC, dans laquelle le Conseil constitutionnel fait état des prérogatives limitées des délégations parlementaires) ou encore l’élargissement du champ des documents faisant l’objet d’une transmission systématique du gouvernement aux assemblées parlementaires (article 88-4 alinéa 1er nouveau issu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008). À ce titre, et conformément aux exigences de la jurisprudence constitutionnelle (Cons. const., 24 juin 1999, déc. n° 99-413 DC, Résolution modifiant l’article 73 bis du Règlement du Sénat par laquelle le Conseil constitutionnel interdit qu’il puisse être fait injonction au gouvernement de transmettre tout document qui n’est pas soumis à une transmission obligatoire), la présente loi introduit une distinction entre la transmission obligatoire des projets ou propositions d’actes des Communautés européennes ou de l’Union européenne qui comportent des dispositions de nature législative et la transmission facultative des autres documents. Pour ces derniers, c’est au gouvernement qu’il appartiendra de prendre l’initiative d’une telle transmission, celle-ci pouvant aussi être faite, selon une pratique établie, à la demande du président de la commission chargée des affaires européennes d’une assemblée parlementaire.

Par ces mesures, devrait gagner en qualité et en performance la mission de contrôle et d’évaluation du Parlement désormais constitutionnalisée (article 24 alinéa 1er de la Constitution).

II. La loi détermine les conditions de saisine du Conseil d’État pour avis sur les propositions de loi (art. 39 dernier alinéa de la Constitution) S’inspirant de la procédure qui prévaut pour les projets de loi, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 étend la mission consultative du Conseil d’État en complétant l’article 39 de la Constitution pour permettre au président de chaque assemblée parlementaire de soumettre à l’avis du Conseil d’État toute proposition de loi avant son examen en commission. Toutefois, la procédure diffère de manière substantielle de celle prévue pour les projets de loi qui, outre son caractère obligatoire, concerne un texte démuni d’existence juridique au moment de la consultation qu’il n’acquière que par l’effet de son adoption en Conseil des ministres. La procédure nouvelle de l’article 39 de la Constitution s’applique a contrario à un texte déjà existant qui a fait l’objet d’un dépôt. Elle revêt un caractère facultatif (article 31 de la Constitution) que la loi du 15 juin 2009 qui fixe les conditions dans lesquelles le Conseil d’État est saisi par le président de chaque assemblée d’une proposition de loi avant son examen en commission garantit en prévoyant le droit pour l’auteur de la proposition de loi de s’opposer à ce que l’avis du Conseil d’État soit recueilli, le délai d’opposition à la saisine étant de cinq jours. Cette restriction à la faculté de consulter le Conseil d’État, tout comme celle qui n’autorise que la première assemblée saisie à recueillir l’avis du Conseil d’État, font suite aux débats parlementaires mouvementés qui ont animé l’adoption du nouvel alinéa de l’article 39 de la Constitution.

L’intérêt d’une telle procédure qui participe à l’amélioration de la qualité de la loi apparaît des plus probable au regard de l’évolution tant du contrôle de constitutionnalité, dont le renforcement invite à saluer son institution, que du contexte constitutionnel dans lequel elle s’insère. Elle donne corps au nouveau partage de l’ordre du jour des assemblées parlementaires en vigueur depuis le 1er mars 2009 qui devrait conduire à examiner en séance un plus grand nombre d’initiatives parlementaires et à pouvoir solliciter, à cet égard, l’avis du Conseil d’État. Encore fallait-il que la loi à laquelle est subordonnée l’entrée en vigueur de cette nouvelle procédure soit adoptée. S’explique, à cet égard, l’utilisation de la présente loi comme instrument de réponse à cette exigence. Sont ainsi partagées entre le code de justice administrative et l’ordonnance du 17 novembre 1958, les dispositions législatives qui – intéressent respectivement le Conseil d’État (articles L. 112-1, L. 123-1, L. 123-2 et L. 123-3 du code de justice administrative) et les assemblées parlementaires (article 4 bis nouveau). La procédure d’examen d’une proposition de loi se nourrit de celle retenue pour les projets de loi avec, toutefois, la possibilité pour l’auteur de la proposition de loi informé par le président de son assemblée de l’intention de soumettre pour avis au Conseil d’État cette proposition de produire des observations, d’être entendu par le rapporteur et de participer aux séances. L’avis du Conseil d’État est adressé au président de l’assemblée qui le communique à l’auteur de la proposition. Cette nouvelle attribution consultative vient s’ajouter à celles déjà nombreuses que connaît le Conseil d’État et pour lesquelles il s’est doté des moyens nécessaires pour y répondre (voir décret n° 2008225 du 6 mars 2008). Plus généralement, par l’élargissement du champ des textes susceptibles de faire l’objet d’une consultation, s’en trouvent étendues les compétences du Conseil d’État en matière d’appréciation de la constitutionnalité des textes au point, pour lui, d’apparaître comme un véritable organe de filtrage des inconstitutionnalités de la norme législative.

• À retenir •

La loi du 15 juin 2009 porte sur deux objets très différents qui se rejoignent, cependant, sur un point : l’amélioration de la qualité du travail législatif. Situé au cœur de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui modernise les institutions de la Ve République, cet objectif prend corps dans la présente loi. En mettant en œuvre les dispositions de l’article 88-4 (dernier alinéa) de la Constitution et celles de l’article 39 (dernier alinéa) de la Constitution, elle renforce l’autonomie des assemblées parlementaires, leur mission de contrôle et d’évaluation ainsi que la qualité de la norme législative.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTION DE COURS En quoi la mission de contrôle et d’évaluation du Parlement devrait être améliorée par la détermination par le règlement des assemblées parlementaires des règles de composition et de fonctionnement des commissions chargées des affaires européennes ?

CORRIGÉ L’exercice de la mission de contrôle et d’évaluation des assemblées parlementaires est favorisé par la reconnaissance implicite de leur participation au pouvoir décisionnel dans le cadre du suivi des travaux conduits par les institutions de l’Union européenne du fait de la suppression par la loi du 15 juin 2009 dans l’article 6 bis de l’ordonnance de 1958 de leur rôle d’information aux assemblées parlementaires. Elle l’est également et plus généralement, tant par la rationalisation des structures parlementaires actuelles de contrôle et d’observation qui résulte de la suppression de délégations parlementaires à l’efficacité peu probante que par l’élargissement

du champ des documents faisant l’objet d’une transmission systématique du gouvernement aux assemblées parlementaires.

Fiche 36

Le renforcement du contrôle parlementaire L’exemple du renforcement des moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du gouvernement et d’évaluation des politiques publiques Texte technique et de compromis, la loi n° 2011-140 du 3 février 2011 tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du gouvernement et d’évaluation des politiques publiques s’inscrit dans le prolongement de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République) qui renforce notablement à travers pas moins de six dispositions constitutionnelles nouvelles ou modifiées (articles 24, 35, 47-2, 48, 51-2 et 88-4 de la Constitution) les fonctions du Parlement en matière de contrôle du gouvernement et d’évaluation des politiques publiques. L’origine parlementaire du texte n’étonnera donc pas. La loi poursuit le mouvement d’approfondissement du contrôle parlementaire déjà engagé tant par la loi n° 2009-689 du 15 juin 2009 qui garantit le renouvellement des commissions chargées des affaires européennes au sein de chaque assemblée et supprime des organismes d’évaluation devenus obsolètes que par la résolution du 27 mai 2009 qui réforme le règlement de l’Assemblée nationale et donne naissance au Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (voir articles 142-2 à 146-7 du règlement de l’Assemblée nationale) dont la présente loi traduit les

recommandations émises lors de ses travaux d’information sur les critères de contrôle des études d’impact. • Précision

La loi n° 2009-689 du 15 juin 2009 a ainsi supprimé les offices parlementaires d’évaluation de la législation et d’évaluation des politiques de santé, la délégation parlementaire à la planification et la délégation parlementaire aux problèmes démographiques. La loi tire, par ailleurs, les conséquences de la censure par le juge constitutionnel, dans la décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, de certaines dispositions de la résolution du 27 mai 2009 relatives à l’évaluation des politiques publiques et aux comptes rendus des commissions d’enquête au motif qu’elles relevaient du domaine de la loi. Ce sont, ainsi, l’ordonnance n° 58-1 100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et le code des juridictions financières qui s’en trouvent modifiés afin de définir les prérogatives des instances de contrôle ou d’évaluation des deux assemblées parlementaires, les conditions de consultation du procès-verbal des personnes auditionnées par une commission d’enquête, d’autoriser l’assistance de la Cour des comptes pour l’évaluation des politiques publiques et d’en préciser les conditions. Le texte de loi définitivement adopté porte indéniablement l’empreinte du Sénat peu favorable au contrôle et à l’évaluation des politiques publiques. L’infléchissement dont l’Assemblée nationale a fait preuve à cet égard est essentiellement dicté par l’urgence à adopter une loi qui permettra au Comité d’évaluation et de contrôle créé déjà depuis un an d’exercer enfin ses activités avant que la législature n’arrive notamment à son terme. C’est donc à un compromis « sans enthousiasme » (rapport A.N. de M. C. Goasguen, n° 3106, 19 janvier 2011) que sont parvenues les assemblées au prix parfois d’une procédure complexifiée.

En témoigne le refus du Sénat de donner aux instances permanentes de contrôle et d’évaluation des pouvoirs permanents d’audition et d’enquête sur pièces et sur place au risque d’un déséquilibre entre les pouvoirs de ces instances et ceux des commissions permanentes qui oblige ainsi l’Assemblée nationale à recourir aux articles 145-1 à 145-3 de son règlement jusque-là inusités. C’est à elle qu’il reviendra d’attribuer ces pouvoirs au cas par cas pour un objet et une durée limités (six mois). Par ailleurs, c’est sous réserve d’une interprétation non restrictive des demandes d’assistance à la Cour des comptes que l’Assemblée nationale a adopté les dispositions de la loi introduites à l’initiative du Sénat en vue d’y retranscrire une réserve d’interprétation formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009 prévoyant que les demandes d’enquêtes adressées par les présidents des deux assemblées parlementaires, de leur propre initiative ou sur proposition d’une commission permanente ou d’une instance permanente de contrôle, ne peuvent porter sur le suivi et le contrôle de l’exécution des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale. Ces dispositions n’interdisent pas, cependant, que les instances autres que les commissions des Finances et des Affaires sociales s’intéressent à la dimension financière des politiques publiques. Il convient, toutefois, que cette dimension demeure « subsidiaire » selon les termes de monsieur Patrice Gélard, rapporteur à la commission des Lois du Sénat, ce qui enlève de manière significative à la rigidité à laquelle la lecture initiale de ces dispositions semblait appeler. L’assouplissement de la position du Sénat se retrouve, en outre, dans son renoncement au principe d’une priorité des demandes d’assistance à la Cour des comptes formulées par les commissions des Finances et des Affaires sociales des deux assemblées. Celui de l’Assemblée nationale se traduit, quant à lui, par l’adhésion de l’assemblée au principe de contribution par la Cour des comptes à l’évaluation des politiques publiques introduit à l’initiative du Sénat dans le code des juridictions financières (article L. 111-3-1 du code

des juridictions financières) sur le fondement des articles 24 et 47-2 de la Constitution issus de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. De manière générale, les divisions auxquelles le texte de loi a donné lieu reflètent, plus fondamentalement, le désaccord de principe qui oppose les deux assemblées sur les pouvoirs du Comité d’évaluation et de contrôle dont l’institution à l’Assemblée nationale mais sans équivalent au Sénat atteste de manière manifeste des réticences sénatoriales à l’égard des procédures de contrôle et d’évaluation des politiques publiques. C’est sans doute aussi cela qui a rendu plus difficile encore l’adhésion de l’Assemblée nationale aux exigences du Sénat vécues par certains députés comme une capitulation face à la chambre haute. • À retenir •

L’initiative parlementaire de poursuivre le mouvement d’approfondissement du contrôle parlementaire donne naissance à une nouvelle loi qui tend à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du gouvernement et d’évaluation des politiques publiques auquel le Sénat, peu favorable, n’a pas manqué de montrer ses réticences.

Pour en savoir plus − Rapport A.N. de M. C. Goasguen, n° 3106, 19 janvier 2011.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTIONS DE COURS Retrouvez les dispositions constitutionnelles nouvelles ou modifiées qui renforcent les fonctions du Parlement en matière de contrôle du gouvernement et d’évaluation des politiques publiques. Quels sont les domaines visés par le renforcement du contrôle parlementaire ?

CORRIGÉ

Les domaines visés par le renforcement du contrôle parlementaire sont : – le travail législatif (articles 24, 48, 51-2 et 88-4 de la Constitution) ; – la déclaration de guerre (article 35 de la Constitution) ; – les finances publiques (article 47-2 de la Constitution). Art. 24. – Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du gouvernement. Il évalue les politiques publiques. Il comprend l’Assemblée nationale et le Sénat. Les députés à l’Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage direct. Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République. Les Français établis hors de France sont représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat. Art. 35. – La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement. Le gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il peut demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort. Si le Parlement n’est pas en session à l’expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l’ouverture de la session suivante. Art. 47-2. – La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du gouvernement. Elle assiste le Parlement et le gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l’information des citoyens.

Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. Art. 48. – Sans préjudice de l’application des trois derniers alinéas de l’article 28, l’ordre du jour est fixé par chaque assemblée. Deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l’ordre que le gouvernement a fixé, à l’examen des textes et aux débats dont il demande l’inscription à l’ordre du jour. En outre, l’examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et, sous réserve des dispositions de l’alinéa suivant, des textes transmis par l’autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états de crise et des demandes d’autorisation visées à l’article 35 est, à la demande du gouvernement, inscrit à l’ordre du jour par priorité. Une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l’ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l’action du gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques. Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l’initiative des groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’à celle des groupes minoritaires. Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l’article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du gouvernement. Art. 51-2. – Pour l’exercice des missions de contrôle et d’évaluation définies au premier alinéa de l’article 24, des commissions d’enquête peuvent être créées au sein de chaque assemblée pour recueillir, dans les conditions prévues par la loi, des éléments d’information. La loi détermine leurs règles d’organisation et de fonctionnement. Leurs conditions de création sont fixées par le règlement de chaque assemblée.

Art 88-4. – Le gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l’Union européenne, les projets d’actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d’actes de l’Union européenne. Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions européennes peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions mentionnés au premier alinéa, ainsi que sur tout document émanant d’une institution de l’Union européenne. Au sein de chaque assemblée parlementaire est instituée une commission chargée des affaires européennes.

Fiche 37

Le renforcement du contrôle parlementaire L’exemple des nouvelles dispositions de l’article 13 alinéa 5 de la Constitution I. L’extension de la procédure d’avis préalable II. L’harmonisation des règles de procédure au sein des chambres parlementaires La loi organique n° 2010-837 et la loi ordinaire n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution autorisent l’application de la procédure d’avis sur les nominations du nouvel article 13 alinéa 5 de la Constitution issu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République) par laquelle le Parlement est désormais associé à l’exercice par le président de la République de son pouvoir de nomination au moins pour les emplois et fonctions qui revêtent une importance particulière pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation. Ce sont ainsi une cinquantaine d’emplois et de fonctions dont la liste est fixée par la loi organique qui sont concernés par la procédure spécifique d’avis préalable des commissions permanentes de chaque assemblée parlementaire (I), la loi ordinaire fixant, quant à elle, leur compétence en fonction de l’emploi en cause. S’apparentant à un véritable pouvoir de veto, l’efficacité du contrôle parlementaire est cependant tributaire d’une harmonisation des règles de procédure applicables devant chacune des deux assemblées (II).

I. L’extension de la procédure d’avis préalable Il s’agit de répondre là à une exigence de transparence élargie dictée par l’opacité du système de nomination. Dénoncée par le Comité Balladur (voir Rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, proposition n° 8, p. 16 et s.), elle a conduit à cette extension de la procédure d’avis préalable à un nombre conséquent de nominations alors qu’elle n’était jusque-là appliquée que de manière essentiellement ponctuelle. • Précision

Voir pour les premières applications ponctuelles de la procédure d’avis préalable à certaines nominations de l’article 13 alinéa 5 de la Constitution, la loi organique n° 200938 du 13 janvier 2009 portant application de l’article 25 de la Constitution et la nomination de M. Yves Guéna à la présidence de la commission indépendante chargée de se prononcer sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs (décret du 21 avril 2009, JO, 22 avril 2009) ; loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France soumise à la procédure de l’article 13 de la Constitution. M. Jean-Luc Hees a été ainsi nommé à la présidence de la société Radio France par décret du 7 mai 2009 (JO, 8 mai 2009). Le principe de la procédure d’avis préalable n’est pas novateur et a déjà été éprouvé à l’initiative du législateur ordinaire essentiellement pour la nomination à la présidence d’autorités administratives indépendantes mais qui n’étaient pas toutes nécessairement de la

compétence du président de la République. Avec la présente réforme, celles-ci tombent sous le joug des dispositions de l’article 13 de la Constitution. Désormais la compétence présidentielle s’impose à elles et l’avis requis change de nature. Le droit de veto à la majorité des 3/5 des suffrages exprimés se substitue à l’avis simple des commissions permanentes qui ne liait pas l’autorité de nomination. La loi organique étend, par ailleurs, la procédure d’avis préalable à la nomination à la présidence d’autres autorités administratives indépendantes et à celle d’établissements, entreprises ou organismes publics en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou pour la vie économique et sociale de la Nation. Elle contenait aussi, à l’origine, la désignation de la commission permanente compétente pour la nomination des membres du Conseil constitutionnel à laquelle s’applique désormais, aux termes de l’article 56 de la Constitution, la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Toutefois, par souci de cohérence, cette disposition organique a été supprimée à l’initiative de l’Assemblée nationale alors même qu’elle avait été adoptée en termes identiques par les deux assemblées parlementaires pour être introduite dans la loi ordinaire qui prévoit, selon le choix du Sénat, la désignation des commissions compétentes pour donner leur avis sur la nomination du Défenseur des droits (article 71-1 de la Constitution) et des personnalités qualifiées membres du Conseil supérieur de la magistrature (article 65 de la Constitution). L’encadrement du pouvoir de nomination du président de la République qui en résulte n’est cependant pas exclusif de l’application d’autres règles qui participent aux mêmes fins (Décision Cons. const., n° 2009-577 DC, 3 mars 2009, considérant n° 9, loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision). Ainsi, dans le cas des nominations à la présidence d’entreprises publiques, l’exigence d’une proposition du conseil d’administration ou du président du conseil d’administration précédant l’avis des commissions permanentes des assemblées

parlementaires n’est pas contraire à la procédure de l’article 13 alinéa 5 de la Constitution.

II. L’harmonisation des règles de procédure au sein des chambres parlementaires C’est plus particulièrement la procédure applicable devant les commissions permanentes qui a suscité davantage de débats au sein du Parlement au point d’avoir fait échouer la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les deux dispositions restant en discussion du projet de loi organique. Le fait est suffisamment rare pour qu’il soit souligné. • Précision

Le dernier échec d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi organique remonte à 1980 à propos du statut des magistrats. La première disposition, ajoutée en deuxième lecture au Sénat, interdisait les nominations des membres du Conseil constitutionnel ou celles des membres du Conseil supérieur de la magistrature auxquelles procèdent le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat en cas de votes négatifs au sein de la commission permanente compétente représentant au moins 3/5 des suffrages exprimés. Si le principe de l’application d’un veto exprimé à la majorité des 3/5 des suffrages aux nominations relevant du président de chaque assemblée emportait l’accord des deux assemblées parlementaires, leur discordance résultait de la compétence de la loi organique à pouvoir prévoir une telle disposition. La conception large du Sénat favorable à la mise en œuvre des dispositions de l’article 56 de la Constitution et de l’article 65 de la Constitution par la loi organique se heurtait à la vision restrictive de l’Assemblée nationale qui excluait du champ d’application de la loi organique les conditions de

nomination par les présidents des assemblées parlementaires, l’habilitation constitutionnelle ne prévoyant une loi organique que pour la désignation aux emplois ou fonctions soumis à la procédure de l’article 13 alinéa 5 de la Constitution. La seconde disposition, introduite par l’Assemblée nationale et supprimée par le Sénat, visait à interdire aux parlementaires de déléguer leur droit de vote dans le cadre des scrutins auxquels doivent procéder les commissions permanentes pour donner leur avis sur les nominations soumises à la procédure de l’article 13 alinéa 5 de la Constitution. Il s’agit du point de désaccord majeur entre les deux assemblées qui a emporté dans chacune d’elle une position unanime. S’appuyant sur l’article 27 de la Constitution aux termes duquel « la loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote », l’Assemblée nationale a fait, contrairement au Sénat, du vote personnel la règle et de la délégation de vote l’exception, alors même que le Sénat invoquant le principe de l’autonomie de chaque assemblée parlementaire réfutait une totale identité de procédure entre les deux assemblées, ce que, au demeurant, ni la lettre de la Constitution ni les travaux préparatoires n’imposent même si l’esprit du nouvel article 13 de la Constitution semble dire le contraire. La revalorisation du Parlement à travers notamment l’encadrement des pouvoirs de nomination du président de la République plaide en faveur d’une participation pleine et entière des parlementaires à la procédure de l’article 13 de la Constitution. En particulier, il convient de s’interroger sur l’intérêt réel d’organiser une audition des candidats dans l’hypothèse où les absents pourraient également voter. Saisi de la loi organique adoptée par l’Assemblée nationale en dernier mot selon la procédure du dernier alinéa de l’article 45 de la Constitution et épurée des amendements sénatoriaux, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2010-609 DC a confirmé, sur le fondement des dispositions de l’article 27 de la Constitution, l’interdiction de principe des délégations de vote (Décision Cons. const., n° 2004-495 DC, 18 mai 2004) et la compétence de la

loi organique pour la prévoir (Décision Cons. const., n° 73-49 DC, 17 mai 1973). C’est ainsi une dissymétrie entre les règlements des deux assemblées parlementaires qui se trouve corrigée que l’exigence constitutionnelle de soumettre la nomination à l’addition des suffrages exprimés au sein des deux assemblées rend nécessaire. • À retenir •

Les nouvelles dispositions de l’article 13 alinéa 5 de la Constitution participent de la revalorisation du Parlement en l’associant à l’exercice par le président de la République de son pouvoir de nomination à certaines catégories d’emplois ou de fonctions, un pouvoir qui gagne ainsi en transparence.

Pour en savoir plus − Charles de la Verpillère, rapport AN, n° 2495, 5 mai 2010.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTIONS DE COURS 1. Que traduit la procédure d’avis sur les nominations du nouvel article 13 alinéa 5 de la Constitution ? 2. Quels sont les emplois et fonctions visés par la procédure d’avis sur les nominations du nouvel article 13 alinéa 5 de la Constitution ? 3. Quelle est la portée juridique du nouvel avis requis ? 4. Appréciez la portée juridique de l’interdiction de principe des délégations de vote posée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-609 DC du 12 juillet 2010.

CORRIGÉ 1. La procédure traduit une revalorisation du contrôle parlementaire. 2. Il s’agit des emplois et fonctions revêtant une importance particulière pour la garantie des droits et libertés ou la vie

économique et sociale de la nation. 3. Le nouvel avis s’apparente à un droit de veto au regard de la majorité des 3/5 des suffrages exprimés requise. Il se différencie substantiellement de l’avis simple initialement exigé des commissions permanentes qui ne liait pas l’autorité de nomination. 4. Il s’agit par une telle interdiction de principe de donner à la procédure de l’article 13 alinéa 5 de la Constitution une pleine portée juridique en faisant du vote personnel la règle. En outre, cette interdiction de principe corrige, sur cette question, une dissymétrie entre les règlements des deux assemblées parlementaires incompatible avec l’obligation de soumettre la nomination à l’addition des suffrages exprimés au sein des deux assemblées.

Fiche 38

Le statut juridique de la loi référendaire I. La loi référendaire, expression directe de la souveraineté nationale II. La permanence dans l’ordre juridique établi des qualités liées au caractère originaire du peuple constituant L’attribution de la souveraineté nationale au peuple par l’article 3 de la Constitution n’est pas une simple formule de style. Elle trouve une concrétisation complète sous la Ve République notamment par l’institution du référendum législatif prévu à l’article 11 de la Constitution qui permet une participation effective du peuple à l’exercice du pouvoir politique. Cette participation prend, au demeurant, une dimension toute particulière en raison même de la jurisprudence constitutionnelle qui octroie à la loi référendaire un statut spécifique la soustrayant à tout contrôle de constitutionnalité (I) que peut expliquer le caractère de pouvoir constituant originaire du peuple (II).

I. La loi référendaire, expression directe de la souveraineté nationale La loi référendaire bénéficie, aux termes de la jurisprudence constitutionnelle, d’un régime contentieux particulier qui découle de la position de principe de rejet d’un contrôle de la loi référendaire définie par le Conseil constitutionnel (déc. CC n° 62-20 DC du 6 novembre 1962 confirmée par déc. CC n° 92-313 DC du 23 septembre 1992). La loi référendaire tient son caractère incontestable du fait qu’elle constitue « l’expression directe de la

souveraineté nationale » et cela, quelle que soit sa nature juridique, constitutionnelle (v. déc. CC n° 62-20 DC) ou ordinaire (v. déc. CC n° 92-313 DC). Le Conseil constitutionnel fonde son argumentation sur les dispositions de l’article 61 de la Constitution qui lui donne « mission d’apprécier la conformité à la Constitution des lois organiques et des lois ordinaires » pour exclure du champ d’application dudit article la loi référendaire. On pourra objecter en ce sens que la loi référendaire du 20 septembre 1992 autorisant la ratification du traité sur l’Union européenne constitue une loi ordinaire et que le maintien de l’argument tiré de l’article 61 de la Constitution aurait dû conduire le Conseil à recourir à la notion de loi parlementaire et non à celle de loi ordinaire. Il semble que la seule référence à la qualité de loi référendaire soit, en définitive, suffisante pour justifier une déclaration d’incompétence du juge constitutionnel.

II. La permanence dans l’ordre juridique établi des qualités liées au caractère originaire du peuple constituant De la qualité même de souverain que lui attribue la Constitution, le peuple, placé à l’origine de toute légalité, semble être délié des contraintes juridiques qui s’imposent aux organes institués. Cette conception qui prend racine dans la théorie du pouvoir constituant originaire permanent (E. Sieyès, Qu’est-ce que le tiers état ?, PUF, 1982, p. 69) reçoit manifestement l’adhésion du Conseil constitutionnel lorsqu’il refuse de censurer la substitution inconstitutionnelle de l’article 11 de la Constitution à l’article 89 de la Constitution pour réviser la Constitution. Le peuple qui ne constitue pas, selon le juge constitutionnel « un pouvoir public », échappe en vertu des qualités pérennes qui s’attachent à son caractère originaire, à toute sanction. L’établissement d’un ordre constitutionnel ne saurait en aucun cas faire disparaître cet attribut. La réalisation de l’ordre juridique, bien que supposant une institutionnalisation organisée des pouvoirs, n’implique pas, pour autant, une soumission du souverain. Cette institution s’avère

indispensable dans la mesure où sa volonté ne saurait se faire entendre sans un minimum d’organisation. En effet, le corps électoral peut difficilement manifester sa volonté lorsque l’initiative d’expression ne lui est pas offerte. Il a nécessairement besoin d’être sollicité selon une certaine procédure. Même si elle peut constituer une limitation, elle n’est que d’ordre pratique et n’enlève rien à l’effet souverain de la décision populaire. Cela explique que le juge constitutionnel qui ne se présente que comme « un organe régulateur de l’activité des pouvoirs publics » (déc. CC n° 62-20 DC, précit.) ne puisse contrôler la régularité de l’expression directe de la souveraineté nationale devant laquelle s’incline nécessairement l’ensemble des pouvoirs constitués. • À retenir •



En tant qu’expression directe de la souveraineté nationale, la loi référendaire dispose d’un statut juridique particulier. Elle échappe, au même titre que la loi constitutionnelle, à tout contrôle de constitutionnalité. Aux termes de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, le nouvel article 61 alinéa 1er de la Constitution soumet, cependant, les propositions de loi mentionnées à l’article 11 de la Constitution avant qu’elles ne soient soumises au référendum au contrôle obligatoire du Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTION DE COURS Le Conseil constitutionnel considère dans la décision n° 92313 DC que sa compétence délimitée par la Constitution est « susceptible d’être précisée et complétée par voie de loi organique ». Quel est l’apport de cette précision au regard de la question spécifique du contrôle de constitutionnalité de la loi référendaire ?

Fiche 39

L’article 11 de la Constitution : le référendum d’initiative partagée I. L’origine du référendum d’initiative partagée II. Les modalités d’application du référendum d’initiative partagée La loi organique n° 2013-1 114 et la loi ordinaire n° 2013-1 116 portant application de l’article 11 de la Constitution ont été promulguées le 6 décembre 2013. Ces lois qui parachèvent le processus de mise en œuvre de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 concernent le référendum d’initiative partagée (I). Les deux textes précisent les grandes étapes de l’initiative référendaire et les garanties qui l’accompagnent (II).

I. L’origine du référendum d’initiative partagée L’introduction d’une procédure d’initiative partagée en matière de référendum découle de l’engagement pris par le Président de la République, Nicolas Sarkozy lors de la campagne électorale présidentielle de 2007, de rénover et adapter les institutions de la Ve République « aux nouvelles exigences des démocraties modernes ». Lors de son discours à Epinal le 18 juillet 2007, le Président de la République consacre l’institution d’un « comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République » présidé par M. Édouard Balladur, ancien Premier ministre, en lui assignant comme objectifs d’instaurer de véritables contre-pouvoirs au pouvoir présidentiel, de renforcer le

pouvoir parlementaire, de promouvoir la vitalité du débat politique et d’élaborer un statut de l’opposition. La proposition d’instituer un droit d’initiative partagée figure ainsi parmi celles présentées, le 29 octobre 2007, par ce comité composé de personnalités politiques d’horizons divers et de e constitutionnalistes, dans son rapport intitulé « Une V République plus démocratique ». (Voir fiche n° 46). Elle vise à élargir le champ de la démocratie directe en offrant aux citoyens un droit d’initiative nouveau pouvant conduire à l’organisation d’un référendum national. Le comité a mis l’accent sur la nécessité de concilier le droit d’initiative des citoyens et les « garanties indispensables dont il convient de l’entourer pour pallier les inconvénients qui pourraient résulter du choix de certains sujets de société ». Par ailleurs, pour pallier à tout risque de contradiction dans son propos s’il recommandait à la fois d’émanciper le Parlement et d’étendre de manière excessive le champ de la démocratie directe, le Comité a associé les parlementaires, dès son origine, à cette procédure nouvelle. Il s’est référé, à ce titre, pour l’essentiel, à la proposition formulée en février 1993 par le comité consultatif pour la révision de la Constitution présidé par le doyen Vedel qui proposait de créer un « référendum d’initiative minoritaire ». C’est donc un référendum d’initiative partagée que l’article 11 modifié introduit en faisant reposer le référendum sur une initiative parlementaire soutenue par les citoyens. Ne figurant pas dans le projet de loi constitutionnelle initial, la procédure de « référendum d’initiative partagée » a été introduite en première lecture par l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République. Les amendements visant à sa création, et notamment celui présenté par M. Arnaud Montebourg, reprenaient la proposition n° 67 formulée par le « comité Balladur » (Amendement n° 511 présenté par M. Montebourg, M. Valls, M. Caresche, M. Urvoas, M. allini, M. Roman, M. Derosier, M. Le Bouillonnec, M. Le Roux, Mme Guigou, Mme Karamanli et les membres du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche proposant

d’insérer un article additionnel après l’article 3 du projet de loi constitutionnelle reprenant le dispositif proposé par le comité Balladur calqué sur la procédure de la Commission Vedel en 1993). Le Gouvernement, qui s’est rallié au principe de l’instauration du référendum d’initiative partagée, a souligné néanmoins les risques de dérives d’une telle procédure et la nécessité d’y pallier par un dispositif d’encadrement : conditions de présentation des initiatives référendaires par une loi organique ; contrôle de constitutionnalité des propositions de loi référendaires, conformément aux dispositions de l’article 61 de la Constitution, avant que celles-ci soient soumises au référendum ; adoption d’une proposition de loi par référendum et interdiction, lorsqu’une proposition de loi n’a pas été adoptée par voie référendaire, de présenter une initiative référendaire sur le même sujet dans les deux ans suivant la date du scrutin. Les réflexions engagées sur le droit d’initiative partagée ont abouti à l’adoption de cette nouvelle procédure, par chacune des deux assemblées parlementaires à la quasi-unanimité de leurs membres, dépassant ainsi les clivages politiques, puis par le Congrès lors de sa séance du 21 juillet 2008. L’article 4 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 a procédé à deux modifications de l’article 11 de la Constitution : • d’une part, il complète le premier alinéa de l’article 11 pour étendre le domaine du référendum, non seulement aux réformes relatives à la politique économique et sociale de la Nation et aux services publics qui y concourent, mais également à la politique « environnementale ». Le domaine du référendum législatif connaît donc, à cette occasion, sa seconde extension, après celle engagée par la loi constitutionnelle du 4 août 1995 ; • d’autre part, il introduit le référendum sur une proposition de loi due à l’initiative parlementaire et populaire. Parallèlement, l’article 28 de la même loi constitutionnelle complète le premier alinéa de l’article 61 de la Constitution pour ajouter aux lois organiques et aux règlements des assemblées parlementaires soumis au contrôle de plein droit du Conseil constitutionnel, « les

propositions de loi mentionnées à l’article 11 avant qu’elles ne soient soumises au référendum ». Cette nouvelle rédaction de l’article 11 de la Constitution figure ainsi parmi les innovations majeures de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Elle participe à la démocratisation des institutions de la République.

II. Les modalités d’application du référendum d’initiative partagée L’article 11 de la Constitution modifié en 2008 limite le champ d’application du référendum d’initiative partagée aux réformes économiques, sociales et environnementales, ainsi qu’à la ratification d’un traité « qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». Est donc exclu le recours à un tel référendum en matière de révision de la Constitution. Les deux projets de loi, organique et ordinaire, viennent préciser les grandes étapes de la procédure du référendum d’initiative populaire et les garanties qui l’accompagnent. Le projet de loi organique en définit les conditions de mise en œuvre et la loi ordinaire précise les sanctions applicables en cas de violation des dispositions prévues pour la mise en œuvre des troisième à sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution. Présentés en Conseil des ministres le 22 décembre 2010 par M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire ont été adoptés en première lecture par l’Assemblée nationale le 10 janvier 2012, puis par le Sénat avec modification, le 28 février 2013. En deuxième lecture, le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire ont été adoptés avec modification par l’Assemblée nationale le 25 avril 2013 et par le Sénat le 12 juin 2013. Le texte proposé par la Commission mixte paritaire a été définitivement adopté par l’Assemblée nationale le

19 novembre 2013 et par le Sénat le 21 novembre 2013. Saisi par le Premier ministre le 21 novembre 2013 sur le projet de loi organique, le Conseil constitutionnel a rendu le 5 décembre 2013 une décision n° 2013-681 DC déclarant l’ensemble du texte conforme à la Constitution. L’initiative prend la forme d’une proposition de loi soutenue par un cinquième au moins des membres du Parlement. Saisi de cette proposition de loi, le Conseil constitutionnel en contrôle l’objet et la conformité à la Constitution. Si la proposition de loi est déclarée conforme, une période de trois mois s’ouvre pour la collecte des soutiens des citoyens. Le recueil s’effectue par voie électronique. Une commission indépendante vérifie la régularité de la collecte et transmet ses observations au Conseil constitutionnel afin que celui-ci se prononce sur la recevabilité de l’initiative. Pour être déclarée recevable, l’initiative doit avoir recueilli le soutien d’au moins un dixième des citoyens inscrits sur les listes électorales. Si l’initiative est déclarée recevable, la proposition de loi doit faire l’objet d’au moins une lecture par chacune des deux assemblées du Parlement dans un délai de six mois à compter de la décision du Conseil constitutionnel. À défaut, le Président de la République soumet la proposition de loi au référendum dans un délai de quatre mois. Dans sa décision du 5 décembre 2013, le Conseil constitutionnel a précisé que le délai de six mois intervient entre les sessions ordinaires mais également en cas de dissolution intervenant au cours d’une session ordinaire. En détaillant les différentes étapes de la procédure d’initiative partagée, les deux textes de loi qui sont entrés en vigueur le premier jour du treizième mois suivant celui de leur promulgation ont permis de rendre effectif le nouveau droit ouvert aux citoyens par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Ce délai se justifiait par la nécessité d’édicter d’éventuelles mesures réglementaires d’application, d’instituer au préalable la commission de contrôle de premier ressort de la procédure de recueil des soutiens des

électeurs et de prévoir les moyens – notamment matériels et budgétaires – pour garantir la viabilité et l’effectivité du dispositif. • À retenir •

L’institution d’un droit d’initiative partagée vise à élargir le champ de la démocratie directe en offrant aux citoyens un droit d’initiative nouveau pouvant conduire à l’organisation d’un référendum national. Il s’agit d’un référendum d’initiative partagée qui fait reposer le référendum sur une initiative parlementaire soutenue par les citoyens. Sa mise en œuvre répond à des conditions précisément définies.

Pour en savoir plus − Étude d’impact relative au projet de loi organique et au projet de loi ordinaire portant application de l’article 11 de la Constitution, décembre 2010.

POUR S’ENTRAÎNER : DISSERTATION L’originalité du référendum l’article 11 de la Constitution

d’initiative

partagée

de

CORRIGÉ Le référendum d’initiative partagée mis en place par l’article 11 de la Constitution ne connaît pas d’équivalent strictement comparable, ce qui en fait son originalité. La comparaison avec d’autres procédures nationales ou extra-nationales révèlent ce particularisme. Ainsi : – Au niveau national : un référendum local, dont la portée est décisoire, ne peut pas être déclenché par les citoyens (voir articles L.O. 1 112-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. Ces dispositions mettent en œuvre le deuxième alinéa de l’article 72-1 de la Constitution, selon lequel « dans les conditions prévues par la loi organique, les projets

de délibération ou d’acte relevant de la compétence d’une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité ») ; une consultation locale peut, quant à elle, être demandée par un cinquième des électeurs d’une commune ou par un dixième des électeurs d’une autre collectivité territoriale, mais la décision d’organiser une telle consultation, dont le résultat est dépourvu de valeur normative, appartient à l’assemblée délibérante de la collectivité concernée (voir articles L. 1 112-16 et suivants du code général des collectivités territoriales. Ces dispositions mettent en œuvre le premier alinéa de l’article 72-1 de la Constitution, selon lequel « la loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l’exercice du droit de pétition, demander l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante de cette collectivité d’une question relevant de sa compétence »). – En droit comparé : la portée de la procédure de l’article 11 de la Constitution diverge de celle des États qui disposent de mécanismes d’« initiative populaire ». En Espagne, l’initiative populaire (500 000 citoyens) aboutit au dépôt au Parlement d’une proposition de loi, non à un référendum (Article 87 de la Constitution espagnole). En Allemagne, dans les Länder qui pratiquent la « procédure législative populaire » (Volksgesetzgebungsverfahren), le référendum a lieu à défaut d’adoption (et non pas d’examen) par le Parlement du Land de la proposition de loi soutenue par une minorité populaire. En Suisse, le référendum d’initiative populaire (100 000 citoyens) n’existe au niveau fédéral qu’en matière constitutionnelle, quoiqu’il permette en pratique d’intervenir dans des domaines matériellement législatifs (Articles 138 et 139 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse. C’est ainsi qu’ont, par exemple, été introduites dans la Constitution l’interdiction de séjour de certains criminels

étrangers (2010), l’interdiction de la construction de minarets (2009) et l’imprescriptibilité des actes de pornographie enfantine (2008). En revanche, en matière de lois fédérales ordinaires, seul est prévu par la Constitution suisse (article 141) le référendum d’approbation, à l’initiative de 50 000 citoyens ou de huit cantons, dans les cent jours suivant la publication de la loi. En Italie, l’initiative populaire (500 000 citoyens) concerne uniquement des référendums abrogatifs (Article 75 de la Constitution italienne). Leur validité y est en outre subordonnée à la participation au scrutin de la majorité des électeurs, alors que le constituant français a, en deuxième lecture en 2008, expressément exclu toute condition de participation. Ce quorum a été atteint lors des quatre référendums abrogatifs organisés en Italie les 12 et 13 juin 2011, ce qui n’avait plus été le cas depuis 1995. Autre différence majeure avec la situation française, aucune de ces procédures en vigueur en Europe ne fait intervenir les membres du Parlement au stade de l’initiative. – Au niveau de l’Union européenne : la nouvelle procédure d’initiative citoyenne européenne, entrée en vigueur le 1er avril 2012, ne permet à un million de citoyens issus d’au moins un quart des États membres que d’« inviter » la Commission européenne à présenter des propositions d’actes juridiques dans des domaines relevant de sa compétence (Le premier alinéa du paragraphe 4 de l’article 11 du Traité sur l’Union européenne dispose que « des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’États membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la Commission européenne, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités ». Cette procédure est régie par le règlement n° 211/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 relatif à l’initiative citoyenne, qui fixe notamment des nombres minimaux de signataires par État membre (54 000 signatures en France).

• Pour mémoire

ARTICLE 11 de la Constitution de 1958 : (Entrée en vigueur dans les conditions fixées par les lois et lois organiques nécessaires à leur application (article 46-I de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008)) Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux Assemblées, publiées au Journal Officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. Lorsque le référendum est organisé sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d’un débat. Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l’alinéa précédent sont déterminées par une loi organique. Si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum. Lorsque la proposition de loi n’est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l’expiration d’un délai de deux ans suivant la date du scrutin. Lorsque le référendum a conclu à l’adoption du projet ou de la proposition de loi, le Président de la République promulgue la loi

dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation.

Fiche 40

La répartition des compétences normatives entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire I. Un renversement de la règle traditionnelle de partage des compétences II. L’atténuation du partage de compétences La Constitution de 1958 met en cause de façon radicale la conception traditionnelle de la loi en définissant, de manière novatrice, un domaine législatif (art. C 34). La loi est matériellement limitée à l’image de son auteur : le Parlement (v. en ce sens l’alinéa 1er de l’article C 34). Le pouvoir législatif ne dispose plus que d’une compétence d’attribution dans l’édiction du droit, une compétence de principe étant conférée, en la matière, au pouvoir réglementaire qualifié d’autonome puisque désormais non soumis à la loi (art. C 37 al. 1er) (I). À la faveur cependant de la pratique et de la jurisprudence, ce renversement de la règle de compétence reste largement théorique (II).

I. Un renversement de la règle traditionnelle de partage des compétences A. Le domaine de la loi L’article 34 de la Constitution complète la définition organique classique de la loi par une définition matérielle inédite. Il énumère les matières réservées à la loi (art. C 34, alinéa 2 et s.) en distinguant

celles pour lesquelles la loi fixe les règles et qui, en principe, confèrent au législateur un pouvoir d’intervention illimité dans le détail des règles, de celles pour lesquelles la loi ne détermine que les principes fondamentaux avec la difficulté, dans ce dernier cas, de distinguer entre ce qui relève de ces principes et ce qui appartient aux règles d’application. La délimitation de ce champ de compétence est confiée au Conseil constitutionnel (art. C 37 alinéa 2 et C 41) qui protège, plus précisément, le domaine réglementaire contre les empiétements du législateur. Celui-ci ne peut, sans méconnaître la lettre de la Constitution, ajouter des matières au contenu de l’article 34 de la Constitution comme a pu le laisser croire le dernier alinéa de cet article qui spécifie que ses « dispositions pourront être précisées et complétées par une loi organique ». Le législateur organique ne pourrait, ici, que compléter une des matières déjà énumérée dans l’article 34 de la Constitution auquel il est assujetti dès lors que « la loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution » (déc. CC n° 85-197 DC, 23 août 1985). Cela suppose que, même dans son domaine de compétence, la loi ne peut priver de garanties légales, des exigences de caractère constitutionnel (décision CC n° 89-259 DC, 26 juillet 1989).

B. Le domaine du règlement autonome À la définition expresse de la matière législative s’oppose une définition négative du domaine réglementaire. L’article 37 alinéa 1er de la Constitution dispose : « Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire. » Par soustraction, il en résulte que toutes les matières autres que celles qui sont attribuées par la Constitution au pouvoir législatif sont du domaine du règlement. Celui-ci qui existe désormais à côté de la loi à laquelle il n’est pas subordonné est qualifié d’autonome. L’ordre juridique normatif, issu du partage des domaines de compétence de la loi et du règlement, est ainsi composé de deux catégories de règlements : les règlements d’application, dits « subordonnés » parce que de type classique,

nécessaires à l’exécution des lois auxquelles ils doivent être conformes et les règlements autonomes qui existent sans la loi (art. C 37) avec une protection constitutionnelle complète de leur domaine de compétence contre toute immixtion de la loi, aussi bien celle qui est postérieure à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958 (protection par le Conseil constitutionnel) que celle qui lui est antérieure et qui, réduit à un texte de forme législative, peut être modifiée par décret après avis du Conseil d’État par lequel il se prononce sur la nature de la matière en cause. Ces deux catégories de règlements se rejoignent cependant par leur régime contentieux, ce qui n’est pas sans incidence sur le partage des domaines de compétences entre la loi et règlement (v. infra).

II. L’atténuation du partage de compétences A. Une atténuation favorisée par la pratique gouvernementale La mise en œuvre des mécanismes de protection du domaine réglementaire, conçue par la Constitution de manière facultative, laisse au gouvernement la liberté d’y recourir ou non. Tant la procédure de l’irrecevabilité de l’article 41 de la Constitution par laquelle le gouvernement et, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, le président de l’assemblée parlementaire saisie peuvent s’opposer à l’adoption d’une proposition de loi ou d’un amendement parlementaire que celle de la délégalisation de l’article 37 alinéa 2 de la Constitution qui permet au gouvernement de reprendre un domaine occupé inconstitutionnellement par la loi restent à l’entière discrétion du gouvernement qui peut, pour des raisons techniques ou politiques, permettre au Parlement de se prononcer en matière réglementaire. Le domaine de la loi peut être ainsi étendu selon une interprétation souple de la Constitution cautionnée par la

jurisprudence constitutionnelle 30 juillet 1982).

(déc.

CC



82-143

DC,

B. Une atténuation favorisée par la jurisprudence La limitation juridique du domaine de la loi n’a pas provoqué le bouleversement normatif qui en était attendu. La jurisprudence a contribué à minimiser la portée de cette réforme. S’il convient préalablement de constater que le domaine de la loi, tel qu’il résulte de la rédaction de l’article 34 de la Constitution, couvre déjà de nombreuses et importantes matières auxquelles s’ajoutent les renvois à la loi faits par la Constitution elle-même (v. pour exemples notamment, les articles 3 alinéa 4 ; 35 ou 36 de la Constitution) ou par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et le Préambule de la Constitution de 1946 même s’ils rejoignent, dans leur ensemble, la liste des matières définies à l’article 34 de la Constitution, celui-ci a été étendu en conséquence de la consécration jurisprudentielle des principes généraux du droit. Dès lors qu’il est admis par une jurisprudence administrative et constitutionnelle concordante (v. CE, Sect., 30 juin 1950, Quéralt, p. 413 ; déc. CC n° 69-552, 26 juin 1969) que seule la loi peut déroger à un principe général du droit, la multiplication de cette catégorie de principes entraîne, de manière incidente, une extension de la compétence législative. Celle-ci est au demeurant protégée par la jurisprudence dite de l’incompétence négative par laquelle le Conseil constitutionnel sanctionne un législateur qui reste en deçà de sa compétence. En sens inverse, le juge constitutionnel atténue la portée de la distinction interne à l’article 34 de la Constitution quant au pouvoir d’intervention du législateur dans les matières qui relèvent de sa compétence. Même là où le législateur fixe les règles et dispose, en principe, d’un pouvoir illimité, il y a place pour le règlement d’application au même titre que lorsqu’il détermine les principes fondamentaux. Cette lecture orientée des dispositions de l’article 34 et de l’article 37 de la Constitution aboutit, en définitive, à une situation

proche de celle des Républiques précédentes. La répartition des compétences normatives n’est pas sans rappeler celle qui prévalait en 1958, avec cette différence essentielle qu’elle n’est plus dépendante du bon vouloir du Parlement mais s’insère dans un cadre juridique contraignant dont l’interprétation large qui en a été faite n’entame en rien l’effet dissuasif qu’il détient de par son existence même. • À retenir •

Dans le cadre de la rationalisation du parlementarisme opérée en 1958, la limitation du domaine de la loi apparaît comme une mesure exceptionnelle en rupture totale avec la tradition juridique issue du dogme de la souveraineté de la loi sur lequel reposait l’ensemble des institutions jusqu’à l’avènement de la Ve République.

Pour en savoir plus − Th. S. Renoux, M. de Villiers, Code constitutionnel, Litec. − R. Chapus, Droit administratif général, Montchrestien, tome I.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTIONS DE COURS 1. Quelle est la différence entre le décret autonome et le décret dérivé ? 2. Que permet le contrôle de l’incompétence négative ?

CORRIGÉ 1. Le décret autonome est celui qui est pris en absence de loi. Le décret dérivé est celui qui est pris pour l’application de la loi. 2. Le contrôle de l’incompétence négative exercé par le Conseil constitutionnel permet de garantir une compétence minimale du législateur qui ne peut rester en deçà de ses compétences – au profit de l’autorité réglementaire – sans connaître la censure du juge constitutionnel.

Fiche 41

Les ordonnances de l’article 38 de la Constitution de 1958 I. L’édiction des ordonnances : l’exigence d’une habilitation législative II. Le statut des ordonnances : la portée de la ratification • Définitions

Ordonnance : norme prise par le pouvoir exécutif (le gouvernement) sur habilitation du Parlement dans le domaine de la loi. Technique de déclaration de conformité sous réserve (ou réserves d’interprétation) : il s’agit d’une technique par laquelle le juge constitutionnel donne une interprétation de la loi qui bénéficie alors d’une présomption de constitutionnalité au lieu d’être déclarée inconstitutionnelle. L’article 38 de la Constitution se présente comme une exception à la règle de répartition des compétences définie aux articles 34 et 37 de la Constitution. Il permet au gouvernement, pour l’exécution de son programme, de demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. La délégation des attributions législatives aboutit, en conséquence, à un élargissement du champ d’intervention du pouvoir réglementaire autonome. L’article 38 de la Constitution entérine la pratique des décrets-lois des Républiques antérieures sous l’appellation nouvelle d’ordonnance qui présente, avec ces derniers, des similitudes quant à son mode d’édiction (I) et à son régime juridique (II).

I. L’édiction des ordonnances : l’exigence d’une habilitation législative L’autorisation accordée par le Parlement au gouvernement qui agit par voie d’ordonnance impose préalablement le vote d’une loi d’habilitation qui doit préciser : le délai d’habilitation – nécessairement « limité » aux termes de l’article 38 de la Constitution – qui correspond à la durée pendant laquelle le gouvernement pourra prendre des ordonnances ; le délai dans lequel le gouvernement doit déposer les ordonnances devant le Parlement aux fins de leur ratification ; l’objet des mesures destinées à l’exécution du programme gouvernemental (qui n’est pas le programme visé à l’article 49 de la Constitution), le gouvernement devant préciser la finalité de ces mesures (déc. CC n° 76-72 DC du 12 janvier 1977) ainsi que leurs domaines d’intervention (déc. CC n° 86-207 DC, 25 et 26 juin 1986). Dans tous les cas, l’habilitation ne peut aboutir à un dessaisissement total des pouvoirs du Parlement. Elle ne peut non plus permettre l’édiction d’ordonnances dans les matières réservées par la Constitution à la loi organique ou qui méconnaîtraient les exigences constitutionnelles (déc. CC n° 86-207 DC, précit.) dont la protection est renvoyée au juge administratif par la voie des réserves d’interprétation utilisées par le Conseil constitutionnel à cette fin dans l’hypothèse où il serait saisi de la loi. Néanmoins, le projet d’ordonnance devant être soumis pour avis au Conseil d’État (art. C 38 al. 2), sa conformité à la loi d’habilitation pourra être contrôlée. La procédure d’édiction des ordonnances associe le président de la République, celles-ci devant effectivement être délibérées en Conseil des ministres (art. C 38 al. 2) et signées par lui (art. C 13 al. 1er). Un refus de signature par le chef de l’État d’une ordonnance n’interdit pas le recours en substitution à la procédure législative. L’édiction de la norme est simplement retardée pour motif politique (v. l’exemple de la période de cohabitation 1986-1988 durant laquelle le président F. Mitterrand a refusé de signer trois projets

d’ordonnances transformés alors par le gouvernement Chirac en projets de loi).

II. Le statut des ordonnances : la portée de la ratification Aux termes de l’article 38 alinéa 2 de la Constitution, les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication mais elles deviennent caduques (c’est-à-dire cessent d’exister, l’ordre juridique dans son état antérieur est rétabli) si le gouvernement n’a pas, dans le délai fixé par la loi d’habilitation, déposé un projet de loi de ratification devant le Parlement ou si le Parlement refuse de ratifier les ordonnances (déc. CC n° 86-208 DC, précit.). La ratification ne peut être faite que de manière expresse (loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République). De l’acte de ratification dépend la nature juridique de l’ordonnance et, en conséquence, le régime juridique qui leur est applicable. Jusqu’à sa ratification (même tardive) par une loi, l’ordonnance – qui émane de l’autorité exécutive – est un acte administratif soumis au contrôle de légalité des juridictions administratives (CE, Sect. 3 novembre 1961, Damiani). Le régime juridique des ordonnances est celui des actes de nature réglementaire. En particulier, le respect des principes généraux du droit s’impose aux ordonnances (CE, Damiani, précit. ; Ass., 24 novembre 1961, Fédération nationale des syndicats de police) sous le contrôle du Conseil d’État qui veille, dans le cadre de l’exercice du pouvoir législatif délégué, à leur régularité externe (respect de la procédure d’édiction) et interne (respect des principes généraux du droit et des éventuelles réserves d’interprétation émises par le Conseil constitutionnel). • Remarque

Pendant la période d’habilitation, le gouvernement et, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le président de

l’assemblée parlementaire saisie peuvent opposer la procédure d’irrecevabilité de l’article 41 de la Constitution aux propositions de loi ou aux amendements qui empiéteraient sur les matières déléguées. La ratification explicite (vote d’une loi de ratification) ou implicite (ratification impliquée par une loi dont l’objet principal n’est pas la ratification) fait de l’ordonnance un texte de valeur législative qui ne pourra être modifié que par une loi. La ratification avalise l’incursion autorisée du pouvoir réglementaire dans le domaine législatif. Le recours à la procédure de l’article 38 de la Constitution, conçu pour permettre au gouvernement d’agir vite, doit, dans tous les cas, demeurer exceptionnel sous peine de vider de son sens l’article 34 de la Constitution. L’encadrement sévère de la procédure par le juge constitutionnel et le juge administratif y contribue de manière manifeste. • Attention

Ne pas confondre les ordonnances de l’article 38 de la Constitution avec : •

les ordonnances budgétaires prévues par l’article 47 de la Constitution. Elles permettent au gouvernement de mettre en vigueur les dispositions du projet de loi de finances en se passant de l’autorisation du Parlement qui n’a pas voté la loi de finances dans le délai des soixante-dix jours imparti. Ces dispositions n’ont encore jamais reçu d’application ; • les ordonnances dites de l’article 92 de la Constitution. Elles habilitaient le gouvernement, pendant une période de quatre mois suivant la promulgation de la Constitution de 1958, à prendre « les mesures législatives nécessaires à la mise en place des institutions », « au fonctionnement des pouvoirs publics », « à la vie de la nation, à la protection des citoyens ou à la sauvegarde des libertés ». L’utilisation abusive de ces ordonnances auxquelles l’article 92 de la Constitution conférait

force de loi n’a ainsi pu être soumise à aucun contrôle juridictionnel. La loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995 a abrogé le titre XVII de la Constitution et avec lui l’article 92 de la Constitution qui en faisait partie ; • les ordonnances prises en vertu de l’habilitation référendaire du 8 avril 1962. Elles permettaient l’application des « accords d’Évian » du 19 mars 1962. L’autorisation d’agir par voie d’ordonnances était insérée dans le projet de loi référendaire du 8 avril 1962. L’habilitation étant le fait du peuple et non du Parlement, la loi référendaire échappait, en principe, à la procédure de l’article 38 de la Constitution. Le Conseil d’État en décida autrement, considérant que les ordonnances édictées avaient le caractère de règlements et étaient susceptibles d’annulation (CE, Ass., 19 octobre 1962, Canal, Robin et Godot). • À retenir •

Héritière du décret-loi des Républiques antérieures, l’ordonnance de l’article 38 de la Constitution s’analyse en une délégation législative accordée au gouvernement selon une procédure relativement stricte.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. L’ordonnance de l’article 38 de la Constitution s’analyse en une dérogation au principe du domaine réservé de la loi posé par l’article 34 de la Constitution.

□ Vrai □ Faux 2. L’obligation du dépôt du projet de loi de ratification à la date fixée par la loi d’habilitation impose également l’obligation pour le gouvernement d’inscrire le projet de loi de ratification à l’ordre du jour des assemblées parlementaires.

□ Vrai □ Faux

3. La pratique des décrets-lois est née sous la IIIe République.

□ Vrai □ Faux 4. L’entrée en vigueur d’une ordonnance est subordonnée à sa signature préalable par le président de la République.

□ Vrai □ Faux 5. La ratification d’une ordonnance doit être expresse.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Vrai. 2. Faux. Il n’y a pas d’obligation pour le gouvernement d’inscrire le projet de loi de ratification à l’ordre du jour des assemblées parlementaires. 3. Vrai. 4. Vrai (v. l’article C 13). 5. Faux. La ratification peut être implicite. Elle peut s’exprimer lors du vote d’une loi ultérieure qui modifie une ordonnance.

Fiche 42

Organigramme du Conseil constitutionnel I. Composition et statut du Conseil constitutionnel II. Attributions du Conseil constitutionnel • Définition

Conseil constitutionnel : juridiction chargée de veiller au respect de la Constitution. Le titre VII de la Constitution de 1958 est consacré au Conseil constitutionnel (art. C 56 à 63). Il est complété par l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

I. Composition et statut du Conseil constitutionnel (CC) A. Composition du Conseil constitutionnel Composition du Conseil constitutionnel Nombre de membres



9 membres (art. C 56).

Ainsi que les membres de droit (anciens présidents de la République) (art. C 56 al. 2).

– À ce jour, seuls les deux présidents de la IVe République, Vincent Auriol et René Coty ont occupé cette fonction.

Nomination.

La nomination ne concerne que les 9 juges qui composent le CC. La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution est applicable à ces nominations (LC n° 2008-724 du 23 juillet 2008). Les anciens présidents de la République font de droit partie à vie du CC.

3 membres nommés par le président de la République.

– Système critiqué en raison de son caractère politique.

3 membres nommés par le président de l’Assemblée nationale.

– Le président du CC est désigné parmi les membres nommés ou de droit. Échec en 1990 d’une proposition d’élection du président du CC par ses pairs à l’instar de pays européens (Italie, Espagne) (v. projet de loi constitutionnelle relative à l’élargissement du droit de saisine du CC à toute personne).



Mode de désignation

Autorités de nomination

Commentaires – Nombre légèrement inférieur à celui des juridictions constitutionnelles européennes (12 en Espagne, 15 en Italie, 16 en Allemagne).





3 membres nommés par le président du Sénat. •

Le président du CC, choisi parmi les neuf membres du Conseil, est nommé par le président de la République. Fréquence Renouvellement par 1/3 des nominations tous les trois ans. Conditions de nomination

Aucune.

Assure une certaine continuité jurisprudentielle. L’absence de conditions (critères de compétence) afférentes à la nomination des membres du CC est l’une des particularités de la juridiction constitutionnelle française.

B. Statut du Conseil constitutionnel

Statut du Conseil constitutionnel

Commentaires

9 ans.

Durée du mandat Caractéristique du mandat

Idem en Italie et en Espagne. Une durée de mandat longue est synonyme de garantie d’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique.



Non renouvelable.

Mandat renouvelable pour un membre nommé en remplacement d’un autre démissionnaire ou décédé s’il a siégé pendant moins de trois ans.



Non révocable.

Le mandat prend fin en raison du décès, de la démission volontaire ou de la démission d’office prononcée au scrutin secret à la majorité simple des membres le composant, y compris des membres de droit pour des motifs qui entraveraient l’exercice normal des fonctions.

Incompatibilité avec : fonctions de membre du gouvernement, du Parlement, du Conseil économique et social, de dirigeant ou responsable Régime d’un parti ou groupement politique, tout mandat d’incompatibilité électoral et toutes fonctions incompatibles avec celle de membre du Parlement (loi organique du 19 janvier 1995). Particularité de la fonction

Les membres sont soumis à l’obligation de réserve.

Les membres prêtent serment en ce sens.

II. Attributions du Conseil constitutionnel A. Le Conseil constitutionnel : juge de la conformité des normes à la Constitution Attributions du Conseil constitutionnel : Juge de la conformité des normes à la Constitution Contrôle de constitutionnalité

Commentaires

Contrôle de qualification

Contrôle de constitutionnalité des V. art. 104 loi actes fondamentaux par voies d’action organique n° 99-209 et d’exception du 19 mars 1999 • Contrôle de constitutionnalité : – des règlements des assemblées parlementaires (art. C 61 al. 1er) – des lois organiques (art. C 61 al. 1er) Types – des propositions de loi mentionnées de contrôles à l’article 11 de la Constitution (art. C 61 al. 1er) – des lois ordinaires (art. C 61 al. 2) – des engagements internationaux (art. C 54) – des lois du pays (art. C 77) – d’une disposition de loi déjà promulguée (art. C 61-1)

Contrôle des domaines respectifs de la loi et du règlement : – procédure de délégation (art. C 37 al. 2) – procédure de fin de non-recevoir (art. C 41)

Caractères du contrôle

Contrôle facultatif



Contrôle facultatif : – de la loi ordinaire – de l’engagement international – de la loi du pays Contrôle obligatoire : – de la loi organique – des règlements des assemblées parlementaires

Commentaires

– des propositions de loi mentionnées à l’article 11 de la Constitution – d’une disposition de loi déjà promulguée (art. C 61-1)

Attributions du Conseil constitutionnel : juge de la conformité des normes à la Constitution Contrôle de constitutionnalité

Nature du contrôle

Saisine du CC

Contrôle Commentaires de qualification

Commentaires

Contrôle : – concentré – préalable ou a priori – abstrait – concret a posteriori (par voie d’exception)

Il n’existe qu’une seule juridiction, au terme de la Constitution, chargée d’exécuter le contrôle de constitutionnalité. Le contrôle intervient avant la promulgation de la loi ou la ratification du traité. Le juge statue sur la norme en elle-même et non sur son application dans un litige particulier. Le contrôle intervient après la promulgation de la loi par la voie de l’exception d’inconstitutionnalité. Le Conseil constitutionnel est saisi de la question de constitutionnalité sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation.

Contrôle a posteriori dans le cadre de la procédure de l’article C37 alinéa 2. • Contrôle a priori dans le cadre de la procédure de l’article C41.

La procédure de délégalisation de l’article C37 al. 2 peut être déclenchée après la promulgation du texte de forme législative.

Pour les lois Pour les ordinaires et lois les organiques engagements internationaux

Pour les règlements des assemblées parlementaires

Pour les propositions de loi mentionnées à l’article 11 de la Constitution

Pour les lois du pays

Au titre de l’article 37 alinéa 2 C

Au titre de l’article 41 C

Président de Premier la République ministre ou Premier ministre ou président de l’Assemblée nationale ou président du Sénat ou 60 députés ou 60 sénateurs ou Conseil d’État (uniquement pour les lois ordinaires) ou Cour de cassation (uniquement pour les lois ordinaires)

Président de l’assemblée parlementaire intéressée

Président de l’assemblée parlementaire intéressée

Haut Premier ministre commissaire de la République ou le gouvernement de la NouvelleCalédonie ou président du Congrès ou président d’une assemblée de province ou 18 membres du Congrès



Premier ministre ou président de l’assemblée parlementaire intéressée

B. Le Conseil constitutionnel : juge des élections nationales et du référendum Attributions du Conseil constitutionnel : Juge des élections nationales et du référendum Catégories d’élections et référendum Contrôle de la régularité des élections

Saisine du CC

Fonctions du CC

Électeurs Examine les réclamations et proclame les résultats. et

présidentielles (art. C 58)

Candidats

Contrôle de la régularité de l’élection des députés et des sénateurs (art. C 59)

Statue en cas de contestation de la régularité d’une élection. Le recours doit être dirigé contre une élection, précise et non contre l’ensemble des scrutins. Précision : contrôle par le CC des incompatibilités entre le mandat de parlementaire et l’exercice d’une activité privée : saisine du CC sur demande du bureau de l’assemblée parlementaire intéressée, du garde des Sceaux ou du parlementaire lui-même.

Contrôle de la régularité des opérations de référendum et proclamation des résultats (art. C 60)

Le CC intervient en tant que juge électoral pour veiller à la régularité des opérations référendaires et statue sur les réclamations qui y sont liées. Il est préalablement consulté par le gouvernement en ce qui concerne l’organisation du référendum (LO 46 à 51 de l’ordonnance du 7 novembre 1958).

C. Les autres fonctions du Conseil constitutionnel Autres fonctions Fonctions consultatives

Commentaire

• Dans le cadre de la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels du président de la République (art. C 16) : – le CC est consulté préalablement à la mise en œuvre de l’article C 16.

L’avis non conforme est publié au Journal officiel.

– le CC peut être consulté après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels. – le CC procède de plein droit l’examen des conditions requises pour le maintien de l’application de l’article C 16 au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée.

L’avis est public.

– le CC est consulté pour chaque décision dans le cadre de l’application de l’article C 16.

L’avis est secret.

• En ce qui concerne l’organisation des opérations de référendum de l’article C 11 (v. supra).

Fonctions de constatation

Commentaire

• En ce qui concerne l’empêchement du président de la République : le CC constate l’empêchement provisoire ou définitif du président.

Il en résulte le déclenchement de la procédure d’intérim présidentiel et, dans l’hypothèse d’un empêchement définitif, l’organisation d’une élection présidentielle anticipée.

• En ce qui concerne la vacance de la présidence de la République.

Hypothèse non prévue par la Constitution. Le CC s’est lui-même déclaré compétent (décision du 3 avril 1974).

• À retenir •

Représentant à lui seul un ordre juridique particulier, le Conseil constitutionnel reçoit de la Constitution des attributions à la fois consultatives et juridictionnelles destinées, d’une manière générale, à garantir l’ordre constitutionnel établi.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. Les membres du Conseil constitutionnel sont-ils élus ?

□ Vrai □ Faux 2. Les membres du Conseil constitutionnel sont-ils nécessairement des magistrats ?

□ Vrai □ Faux 3. Les membres du Conseil constitutionnel sont-ils nécessairement des juristes ?

□ Vrai □ Faux 4. Le Conseil constitutionnel est-il l’héritier du Comité constitutionnel institué par la Constitution de 1946 ?

□ Vrai □ Faux 5. Le Conseil constitutionnel a-t-il une compétence consultative ?

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Faux. Les membres du Conseil constitutionnel sont nommés. 2. Faux. Ce n’est pas une condition obligatoire. 3. Faux. C’est au moins une exception du modèle français et du modèle américain (Cour suprême des États-Unis). 4. Vrai. Le Comité constitutionnel était davantage un organe de conciliation entre les deux assemblées parlementaires conformément à la conception de l’absolutisme parlementaire. La Constitution cédait devant la loi en cas de conflit entre les deux normes. 5. Vrai (v. les articles 16, 58 et 60 de la Constitution).

Fiche 43

Le Conseil constitutionnel I. Le rôle originel du Conseil constitutionnel : gardien des matières réglementaires II. Le rôle subséquent du Conseil constitutionnel : gardien des droits et libertés fondamentaux • Définition

Bloc de constitutionnalité : désigne l’ensemble des normes de référence en matière de contrôle de constitutionnalité. Incarnation du gouvernement de la Constitution (G. Vedel), le Conseil constitutionnel institué en 1958 est à l’origine de l’introduction, pour la première fois en France, d’un véritable contrôle de constitutionnalité des lois (et des traités) en totale contrariété avec la tradition parlementaire française qui repose sur le dogme de la souveraineté de la loi. Cette novation est cependant moins le fait de la volonté directe des constituants de 1958 qui, dans le cadre de la rationalisation du régime, conçoivent principalement le Conseil constitutionnel comme un organe de cantonnement du rôle du Parlement (I) que de l’audace dont a fait preuve le juge constitutionnel par une jurisprudence qui n’a de cesse la garantie des droits et des libertés fondamentaux au point de faire du Conseil leur gardien (II).

I. Le rôle originel du Conseil constitutionnel : gardien des matières réglementaires A. Le cantonnement du Parlement

La construction du régime politique de la Ve République, entièrement tournée vers la recherche d’un affaiblissement du Parlement, conduit, en conséquence, à contrôler ses règles de fonctionnement ainsi que ses actes. De manière inédite, les règlements des assemblées parlementaires sont soumis obligatoirement, avant leur mise en application, au contrôle de constitutionnalité (art. C 61 al. 1er). Cette sujétion s’applique également aux lois organiques (art. C 61 al. 1er) avant leur promulgation. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation de la Ve République, elle s’applique également aux propositions de loi mentionnées à l’article 11 de la Constitution (v. fiches n° 23 et n° 39). Paradoxalement, le contrôle facultatif des lois ordinaires (art. C 61 al. 2) montre à travers le mode initial de saisine du Conseil constitutionnel réservé au président de la République, au Premier ministre et aux présidents des deux assemblées parlementaires, qu’il était, à l’origine, principalement destiné à résoudre des conflits de compétence. Il n’est ainsi pas anodin que, dans le cadre de la répartition des compétences posée par les articles 34 et 37 de la Constitution (v. fiche n° 40), en vue d’assurer l’efficience d’une telle mesure qui induit une protection juridictionnelle des domaines respectifs de la loi et du règlement, la Constitution, dans l’objectif récurrent d’une limitation du pouvoir du Parlement, prévoit une protection exclusive du domaine réglementaire contre les empiétements législatifs en confiant cette tâche au Conseil constitutionnel. À l’inverse, face au silence de la Constitution à l’égard des intrusions du pouvoir réglementaire dans le domaine législatif le recours aux règles du droit commun s’impose. Celles-ci donnent compétence, en la matière, au Conseil d’État (exercice du contrôle de légalité) qui se présente comme le gardien des matières législatives.

B. Les procédures de cantonnement du Parlement Par deux procédures distinctes toutes deux liées à la protection du domaine réglementaire et impliquant en cas de contestation, l’intervention du Conseil constitutionnel, le texte constitutionnel de

1958 reconnaît au gouvernement et, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, au président de l’assemblée parlementaire saisie la faculté de s’opposer au vote de dispositions législatives en matière réglementaire (art. C 41) ainsi que celle de retrouver la maîtrise de matières réglementaires occupées par des dispositions législatives (art. C 37 al. 2). Avec l’irrecevabilité de l’article 41 de la Constitution, le gouvernement ainsi que le Parlement disposent du pouvoir de s’opposer, au cours de la procédure législative, à l’adoption d’une proposition de loi ou d’un amendement parlementaire qui ne serait pas du domaine de la loi. Le Conseil constitutionnel, saisi par le président de l’assemblée intéressée ou par le Premier ministre, statue sur les contestations relatives à l’exception d’irrecevabilité dans un délai de huit jours, sachant, d’une part, que seule est tranchée la question du domaine d’appartenance de la proposition ou de l’amendement et non celle de la conformité de ces textes à la Constitution (décision CC n° 10 FNR, 26 avril 1979) et que, d’autre part, l’irrecevabilité ne peut être discutée devant le Conseil que si elle a été contestée devant l’assemblée parlementaire intéressée (décision CC n° 93-329 DC, 13 janvier 1994). La suspension du débat législatif qui résulte de la saisine du juge constitutionnel incite le gouvernement à recourir à l’article 37 alinéa 2 de la Constitution pour reprendre sa compétence réglementaire, ce qui explique l’usage fort modéré de la procédure de l’article 41 de la Constitution. À l’initiative du Premier ministre, sur le fondement de l’article 37 alinéa 2 de la Constitution, le Conseil constitutionnel délégalise, s’il y a lieu, un texte de forme législative (texte qui a fait l’objet d’un débat parlementaire) intervenu dans le domaine du règlement. La saisine est ouverte même après la promulgation de ce texte dont la forme législative mais le contenu réglementaire, s’il est reconnu par le juge constitutionnel, suppose qu’il puisse être modifié par décret. Le gouvernement peut ainsi retrouver à tout moment un domaine perdu volontairement ou non selon qu’il ait souhaité l’intervention parlementaire pour des mesures particulières ou qu’il se soit heurté

à la difficulté de distinguer entre ce qui relève du domaine législatif et du domaine réglementaire. La souplesse de ces procédures qui repose sur la faculté (et non l’obligation) pour le gouvernement d’opposer l’irrecevabilité ou de demander le déclassement d’un texte témoigne d’un pouvoir discrétionnaire de l’autorité gouvernementale dans la répartition des compétences entre la loi et le règlement ce que vient cependant atténuer le nouvel article 41 de la Constitution qui favorise un meilleur respect du partage entre le domaine de la loi et le domaine du règlement en ouvrant au président de chaque assemblée parlementaire la faculté d’opposer l’irrecevabilité à un amendement intervenant dans une matière non législative. Le développement de la jurisprudence constitutionnelle, davantage axée sur la protection des droits fondamentaux, a notablement amoindri la portée de la réforme de la partition des domaines de compétences opérée en 1958 (v. décision CC n° 82-143 DC, 30 juillet 1982) au point que le Conseil constitutionnel s’est détaché de son rôle initial de gardien des matières réglementaires pour endosser celui de gardien des libertés publiques.

II. Le rôle subséquent du Conseil constitutionnel : gardien des droits et libertés fondamentaux A. La naissance du bloc de constitutionnalité Les attributions du Conseil constitutionnel dans le domaine du contrôle de constitutionnalité en font un garant essentiel des droits et libertés des individus confirmant la corrélation entre contrôle de conformité à la Constitution et renforcement de l’État de droit. Ce rôle ne sera consacré en France que tardivement lorsque le Conseil constitutionnel décidera de son émancipation à l’égard du gouvernement. Par une décision fondatrice du 16 juillet 1971 (décision CC n° 71-44 DC) par laquelle le Conseil constitutionnel, saisi par le président du Sénat, de la question de la conformité à la Constitution d’une loi restrictive de la liberté d’association, étend de

manière extrêmement large les normes de référence en matière de contrôle de constitutionnalité qui ne se limitent plus à la Constitution stricto sensu pour reconnaître au principe de la liberté d’association, posé par la loi du 1er juillet 1901, une valeur constitutionnelle et censurer la loi en cause. Il n’est pas certain que cette œuvre créatrice soit conforme à la volonté des constituants de 1958, mais l’absence d’exclusion explicite du Préambule de la Constitution de 1958 – qui sert de point de départ au raisonnement du Conseil constitutionnel – des normes au regard desquelles s’exerce le contrôle de constitutionnalité conduit le juge constitutionnel à exploiter cette brèche pour admettre la valeur constitutionnelle du Préambule de la Constitution de 1958 et des textes auxquels il fait référence, à savoir la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 lequel, en particulier, fait mention des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République au sein desquels le Conseil constitutionnel range le principe constitutionnel de la liberté d’association. Ces textes forment, selon une expression doctrinale, le bloc de constitutionnalité qui contient le texte de la Constitution de 1958 avec son Préambule et les textes auxquels ce dernier renvoie : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le Préambule de la Constitution de 1946 qui se réfère aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et qui définit les principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps ainsi que la Charte de l’environnement de 2004 (loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement). Complètent cette composition en se distinguant des principes précités, ceux issus d’une construction prétorienne du juge constitutionnel (ex. : l’exigence constitutionnelle du pluralisme) ainsi que les objectifs à valeur constitutionnelle.

B. La garantie des droits et libertés fondamentaux Le potentiel généré par la décision du 16 juillet 1971 quant à la protection des droits fondamentaux, le cas échéant à l’encontre du

législateur, a non seulement conduit à démythifier la loi qui, amputée de sa souveraineté dogmatique, « n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution » (décision CC n° 85-197 DC, 23 août 1985), mais aussi, par voie de conséquence, à promouvoir la démocratie en garantissant le respect de la Constitution par la représentation nationale dès lors que la volonté parlementaire ne se confond plus avec la volonté générale. La Constitution expression de la souveraineté du peuple s’impose à l’ensemble des pouvoirs constitués. Elle explique la soumission des pouvoirs publics et de toutes les autorités administratives et juridictionnelles au respect des décisions du Conseil constitutionnel, gardien de la norme constitutionnelle (art. C 62 al. 2). Le développement du contrôle de constitutionnalité comme élément de promotion de la démocratie résulte également de la réforme déterminante de la Constitution opérée en 1974 (loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974) en vue de permettre à l’opposition parlementaire de saisir le Conseil constitutionnel. Outre les autorités de saisine initiale (le président de la République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale et celui du Sénat), depuis cette date, soixante députés ou soixante sénateurs peuvent demander au juge constitutionnel d’apprécier la constitutionnalité d’une loi avant sa promulgation. Cet élargissement du droit de saisine, limité en 1974 à la loi, sera étendu aux traités (art. C 54) par la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 (loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992). Il connaît une nouvelle avancée par l’introduction du justiciable lui-même dans la procédure de contrôle de la loi après la promulgation de celle-ci (v. en ce sens les tentatives de réformes constitutionnelles de 1990 et 1993). Est posé le principe d’une extension du contrôle de conformité de la loi à la Constitution, par la voie de l’exception d’inconstitutionnalité (v. fiche n° 44), invoquée par un justiciable. • À retenir •

Loin de sa mission originaire de protection du domaine réservé du règlement autonome (article 37 de la Constitution), le Conseil

constitutionnel ajoute désormais à sa fonction de régulateur des pouvoirs publics celle de garant des droits fondamentaux. Pour en savoir plus − H. Roussillon, Le Conseil constitutionnel, Dalloz, 1993. − M. Verpeaux, « Conseil constitutionnel », Juris-classeur Administratif, Fasic. 1410. − B. Mathieu et M. Verpeaux, Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, Dalloz, 2002.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTIONS DE COURS 1. Quelles sont les autorités auxquelles s’impose le respect des décisions du Conseil constitutionnel ? 2. Le Conseil constitutionnel peut-il s’autosaisir ?

CORRIGÉ 1. Les autorités administratives et juridictionnelles ainsi que les pouvoirs publics (gouvernement et Parlement ; v. en ce sens l’article 62 de la Constitution). Les décisions du Conseil ne s’imposent pas cependant au pouvoir constituant (v. en ce sens la révision constitutionnelle du 19 novembre 1993 relative au droit d’asile en réaction contre la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993). 2. Le Conseil constitutionnel ne dispose pas de la faculté d’autosaisine conformément au principe général applicable à tout organe juridictionnel.

Fiche 44

Le contrôle de constitutionnalité en France I. L’exercice du contrôle de constitutionnalité a priori II. L’insuffisance du contrôle de constitutionnalité a priori • Définitions

Contrôle de constitutionnalité : contrôle juridictionnel garantissant la conformité à la Constitution des normes juridiques. Contrôle préventif (ou contrôle a priori) : contrôle qui intervient avant la promulgation de la loi ou avant la ratification d’un traité. Contrôle diffus (ou déconcentré) : le contrôle de constitutionnalité peut être exercé par tout juge (système américain). Exception d’inconstitutionnalité : dans son principe, l’exception d’inconstitutionnalité est une question de constitutionnalité soulevée à l’occasion d’un procès devant le juge ordinaire et tranchée par lui (modèle américain). Rapportée au modèle européen de justice constitutionnelle (contrôle de constitutionnalité concentré exercé par une juridiction constitutionnelle spécialisée), la question de constitutionnalité prend la forme d’une question préjudicielle sur renvoi du juge ordinaire au juge constitutionnel sur laquelle ce dernier tranche. L’établissement d’un contrôle de constitutionnalité des lois est une des innovations majeures de la Constitution de la Ve République (I). Source essentielle du développement de l’État de droit par sa participation à la garantie des droits fondamentaux, son évolution

perdure par le fait de la jurisprudence constitutionnelle qui a complété, dans des conditions précises, le contrôle de constitutionnalité des lois par voie d’action institué en 1958, par un contrôle de constitutionnalité par voie d’exception là où les constituants de 1990 et de 1993 ont échoué (II).

I. L’exercice du contrôle de constitutionnalité a priori A. L’essor du contrôle de constitutionnalité par l’émancipation du Conseil constitutionnel Destiné à sa création en 1958 à une fonction précise, celle d’assurer le respect de la délimitation du domaine de la loi alors instaurée, le Conseil constitutionnel dépasse les intentions de ses créateurs lorsque, par une décision retentissante du 16 juillet 1971 (déc. CC n° 71-44 DC), il censure la loi Marcellin sur la liberté d’association en faisant appel aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Cette évocation innovante à laquelle procède le Conseil n’en est pas moins audacieuse dès lors que pour y parvenir le juge constitutionnel s’appuie sur le Préambule de la Constitution de 1958 pourtant écarté par les rédacteurs de la Constitution des normes de référence en matière de contrôle de constitutionnalité. La déclaration d’inconstitutionnalité qui en résulte et qui touche une loi d’origine gouvernementale témoigne, pour la première fois, de l’indépendance du Conseil constitutionnel vis-à-vis du pouvoir politique. Cette décision marque aussi la première incursion du juge constitutionnel dans un contrôle juridictionnel au fond qui connaît depuis un essor considérable – substantiellement favorisé par l’élargissement du droit de saisine du Conseil aux parlementaires (réforme constitutionnelle du 29 octobre 1974) qui devient « l’arme juridique des opposants » (G. Vedel, « Réforme de la Constitution – ni gadget, ni révolution », Le Monde, 6 avril 1990) – faisant du Conseil le protecteur des droits des minorités.

B. L’intervention du Conseil constitutionnel dans le processus normatif Le contrôle de constitutionnalité préventif prévu par la Constitution de 1958 permet, dans son principe, de purger le parc législatif de toute inconstitutionnalité avant promulgation. Il est un élément constructif de la sécurité juridique dès lors qu’il empêche une loi inconstitutionnelle de naître et évite le risque de créer un vide dans l’ordre juridique. La disposition législative en cause n’est pas soumise aux variations de jurisprudences discordantes présentes dans le système du contrôle diffus (système américain). Elle n’est pas assujettie aux aléas de la transmission ou non à la juridiction constitutionnelle par le juge devant lequel est invoquée l’exception d’inconstitutionnalité. Les vertus manifestes du contrôle de constitutionnalité a priori retenu en 1958 comme le modèle de contrôle de constitutionnalité s’imposant en France ne peuvent occulter l’absence de volonté des constituants de donner au Conseil constitutionnel les pouvoirs implicites nécessaires pour corriger les risques nés d’une mise à l’écart d’une loi entrée en vigueur, à l’instar des pouvoirs dont dispose la Cour constitutionnelle fédérale allemande (injonction au législateur, prise de position sur une législation provisoire). Les précautions prises par les rédacteurs de la Constitution n’ont cependant pas suffi à exclure le juge constitutionnel du processus normatif dans lequel il intervient en usant de deux techniques juridiques distinctes. Ainsi, le juge constitutionnel s’autorise à récuser le choix du législateur en cas d’erreur manifeste de sa part (v. notamment déc. CC n° 81-132 DC, 16 juillet 1982). Cette technique permet au juge de déterminer unilatéralement les limites que le législateur ne peut dépasser dans l’interprétation des normes de référence (exemple déc. n° 132 DC : concernant la politique de nationalisation, le droit de propriété privée et la liberté d’entreprendre peuvent être grignotés par le législateur mais il y aurait erreur manifeste, selon le Conseil constitutionnel, si le champ de ces libertés était restreint « au point de méconnaître les dispositions de la Déclaration des droits de 1789 »). Ensuite par la technique de conformité sous réserve, le juge constitutionnel fixe de

manière discrétionnaire les limites dans lesquelles il autorise le Parlement à faire la loi, à interpréter les principes constitutionnels qu’il lui impose. La place qu’occupe le juge constitutionnel dans le processus normatif lui permet essentiellement de guider le législateur et d’assurer le respect de la Constitution pour une meilleure sécurité juridique.

II. L’insuffisance du contrôle de constitutionnalité a priori A. Les carences du contrôle a priori Si le caractère préventif du contrôle de constitutionnalité sert efficacement la protection des droits et libertés fondamentaux, l’efficience du système n’est pas sans faille. Elle se heurte à l’inconstitutionnalité de fait que peuvent engendrer les modalités d’exercice du contrôle de constitutionnalité ou l’application d’un texte. Le contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires étant facultatif, le Conseil constitutionnel ne contrôle pas toutes les lois et lorsqu’il est saisi, il ne contrôle pas toutes les dispositions de la loi, même s’il dispose, en la matière, d’une compétence d’ordre public qui lui permet de soulever d’office des moyens non évoqués par la saisine. Compte tenu de la brièveté du délai pour statuer (en cas de saisine d’une loi avant sa promulgation, délai d’un mois ou de huit jours en cas d’urgence) et parfois de l’ampleur des dispositions d’une loi, le Conseil examine en priorité les dispositions contestées de la loi déférée ne relevant d’office l’inconstitutionnalité d’autres dispositions que si celle-ci apparaît de manière suffisamment grave. En outre, des lois inconstitutionnelles peuvent entrer en vigueur sans qu’elles ne puissent plus être attaquées soit par manque de vigilance des titulaires du droit de saisine, soit par refus volontaire de leur part de saisir le Conseil constitutionnel pour des raisons de convenues politiques entre la majorité et l’opposition parlementaires. À ces carences s’ajoute le risque d’inconstitutionnalités latentes qui apparaissent à l’usage, le texte de loi entraînant des atteintes aux libertés. L’ampleur du champ de constitutionnalité favorise, à

l’évidence, la naissance de telles inconstitutionnalités et met en lumière l’insuffisance du contrôle de constitutionnalité a priori que peut combler l’institution d’un contrôle de constitutionnalité a posteriori.

B. L’extension du contrôle de constitutionnalité : la question prioritaire de constitutionnalité • Précision

La question prioritaire de constitutionnalité n’est pas une question préjudicielle dès lors qu’elle est examinée en priorité et qu’elle a une portée erga omnes. Elle n’est pas non plus une exception de procédure laquelle est jugée par le juge saisi au fond de l’affaire. Il ne s’agit pas davantage d’une question préalable non seulement parce que l’argument peut ne pas être préalable mais aussi parce que ce terme de droit parlementaire n’est pas adapté à une procédure contentieuse. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République franchit une étape supplémentaire dans la progression de l’État de droit en ouvrant aux justiciables la faculté de contester, par voie d’exception, la constitutionnalité de dispositions législatives déjà promulguées, réserve faite des textes antérieurs à 1958. Les carences du contrôle de constitutionnalité a priori (risque d’inconstitutionnalités de fait, l’absence de saisine en raison de convenues politiques, un contrôle de constitutionnalité à intensité variable selon les dispositions de la loi soumise) expliquent la raison d’être de l’extension du contrôle de constitutionnalité par l’institution de la question prioritaire de constitutionnalité en vue de parfaire l’État de droit. Ainsi se veut être l’objectif poursuivi par le nouvel article 61-1 de la Constitution issu de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 (loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 relative à la modernisation des institutions de la Ve République, article 46-I), dont la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de

l’article 61-1 de la Constitution (JO du 11 décembre 2009) fixe les conditions d’application afin de rendre effective l’institution du contrôle de constitutionnalité des lois par voie d’exception après des tentatives de réformes avortées. Cette évolution notable du contrôle de constitutionnalité répond à une exigence de sécurité juridique et à un progrès dans la protection des droits fondamentaux. Ses modalités d’exercice attestent aussi d’une volonté d’éviter tout engorgement du Conseil constitutionnel. Il s’agit d’ouvrir indirectement, selon le principe d’un double filtrage conçu comme un bouclier à un afflux de requêtes, la saisine du Conseil constitutionnel aux justiciables lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Dans cette hypothèse, le Conseil peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation en se prononçant dans un délai déterminé (article 61-1 de la Constitution). • Précision

Le choix du principe du filtre des questions de constitutionnalité peut apparaître discutable au regard des quelques exemples étrangers ayant institué ce mécanisme pour l’avoir en définitive abandonné (Autriche, Allemagne). Il aura ainsi fallu attendre dix-neuf ans pour que la procédure d’exception d’inconstitutionnalité voie le jour dans notre ordre constitutionnel après qu’elle a été proposée par l’ancien président du Conseil constitutionnel, Robert Badinter en mars 1989, reprise par le président de la République François Mitterrand à l’occasion de la célébration du bicentenaire de la Révolution française et concrétisée par un projet de révision constitutionnelle en date du 30 mars 1990 avant d’être abandonné faute d’accord parlementaire. Le chemin parcouru a été long pour marquer pleinement la prééminence de la Constitution dans l’ordre juridique, faire fi de l’argument classique d’opposition à la réforme selon lequel la loi est la meilleure des garanties pour les libertés et donner, en définitive, sa pleine

expression à la jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle « la loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution » (Cons. const., 23 août 1985, déc. n° 85-197 DC, considérant n° 27). Par extension et pour une meilleure sécurité juridique, cette jurisprudence justifie l’intégration déjà ancienne dans le contentieux constitutionnel d’un tel contrôle depuis la décision n° 85-187 DC du 25 janvier 1985 dans laquelle le Conseil constitutionnel se reconnaît compétent pour examiner la constitutionnalité d’une loi promulguée à l’occasion de l’examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine (voir dans le même sens, Cons. const., 25 juillet 1989, déc. n° 89-256 DC ; 16 juillet 1996, déc. n° 96-337 DC) – qui a produit son plein effet lorsqu’il a abouti à la censure de dispositions législatives par la voie de l’exception d’inconstitutionnalité (voir Cons. const., 15 mars 1999, déc. n° 99-410 DC dans laquelle le Conseil constitutionnel déclare contraire à la Constitution des dispositions législatives contenues dans une loi antérieure). Néanmoins, empreint de limites qui le rendent incertain, le contrôle de constitutionnalité ainsi étendu par la voie jurisprudentielle appelait à une amélioration à laquelle a répondu le pouvoir constituant dont l’intervention était nécessaire pour un ancrage institutionnel définitif qui s’inscrit dans une évolution naturelle du droit public dans les démocraties occidentales à laquelle l’exception française ne pouvait désormais plus déroger. En témoigne à cet égard, le large consensus politique auquel a donné lieu l’adoption de la loi organique substantiellement améliorée par les travaux parlementaires tant en ce qui concerne la question de la saisine du Conseil constitutionnel à travers le mécanisme de renvoi de la question de constitutionnalité (1) que celle de l’étendue de la saisine du Conseil qui préserve le cours de la justice (2). 1. Le mécanisme de renvoi de la question de constitutionnalité Donnant corps à un nouveau droit constitutionnel substantiel, celui d’exciper de l’inconstitutionnalité d’une disposition législative à l’occasion d’un litige, la loi organique qui est pour l’essentiel un texte procédural prévoit un dispositif de traitement des questions de

constitutionnalité dans les meilleurs délais qui ne ralentit pas le cours des instances et qui permet de purger rapidement l’ordre juridique de dispositions inconstitutionnelles. Il n’est donc pas un hasard si, conformément à cet objectif, la question de constitutionnalité qui peut être soulevée par les justiciables ait été baptisée, à l’initiative de l’Assemblée nationale, « question prioritaire de constitutionnalité ». C’est principalement au regard de la question de conventionnalité que la priorité d’examen de la question de constitutionnalité se pose. L’exigence est double. Garantir tant la suprématie normative de la Constitution au sein de l’ordre juridique que le plein développement de cette nouvelle voie de droit. Il s’agit d’éviter que le justiciable ne privilégie sur la question de constitutionnalité celle de conventionnalité qui présente l’avantage certain non seulement de pouvoir invoquer la violation de droits ou libertés protégés par une convention au même titre qu’ils le sont par la Constitution, mais aussi d’être directement jugé par le juge qui en est saisi sans préjudice, à cet égard, au moins pour le justiciable, de l’effet relatif de la décision du juge. La reconnaissance du principe de priorité applicable pour les questions de constitutionnalité posées tant devant les juridictions de fond que devant les cours suprêmes combinée à l’exigence d’un examen de la question de constitutionnalité sans délai par les juridictions de fond et à la soumission à un délai d’examen de trois mois imparti aux cours suprêmes pour se prononcer sur le renvoi ou non de la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel (article LO 23-7) devrait favoriser le choix de la question de constitutionnalité. La réalité même du contrôle de constitutionnalité a posteriori en dépend. Y participe incontestablement l’encadrement précis par la loi organique des conditions de mise en œuvre de la question de constitutionnalité. Aux termes de la loi organique, la question de constitutionnalité peut être soulevée « devant une juridiction relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation » (article LO 23-1). Sont ainsi exclus de cette possibilité, le Tribunal des conflits, la Haute Cour, la Cour supérieure d’arbitrage, les autorités administratives indépendantes

(non considérées comme des juridictions en droit interne même si elles sont soumises aux dispositions de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme) et les tribunaux arbitraux. Cependant, dans les deux derniers cas, il sera possible de poser valablement la question de constitutionnalité à l’occasion d’un recours devant une juridiction saisie en appel soit de la décision de l’autorité administrative indépendante, soit de la sentence arbitrale. Malgré cette restriction, le champ des juridictions pouvant admettre que des questions de constitutionnalité soient soulevées devant elles demeure particulièrement large. Sont ainsi concernées les juridictions de jugement, du fond, du provisoire, de droit commun, spécialisées et financières – à savoir, la Cour des comptes, les chambres régionales des comptes, la Cour de discipline budgétaire et financière qui relève également du Conseil d’État en cassation (voir nouvel article LO 142-1 du code des juridictions financières issu de l’article 2 de la présente loi organique). La question demeure entière et est laissée à la libre appréciation du Conseil constitutionnel lorsqu’il statue comme juge des élections législatives et sénatoriales ou comme juge de certaines opérations préalables à l’organisation des référendums. La question de constitutionnalité ne peut, dans tous les cas, être soulevée devant la cour d’assises tant en raison de la composition particulière de la cour que de l’intérêt à régler préalablement à l’ouverture du procès criminel les questions de droit et de procédure. Néanmoins, cette faculté demeure possible au cours de l’instruction à l’occasion d’un pourvoi en cassation contre l’arrêt de mise en accusation, à l’occasion d’un appel contre la décision rendue en premier ressort par la cour d’assises sur le fondement des dispositions de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 qui renforcent la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes. La question de constitutionnalité ne saurait constituer un moyen d’ordre public à la disposition du juge sous peine de porter atteinte au domaine de compétence du Conseil constitutionnel. En précisant que « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une

juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés […] », l’article 61-1 de la Constitution réserve cette faculté à une partie à l’instance y compris au ministère public, qu’il soit partie principale ou partie jointe. Dans tous les cas, la question de constitutionnalité qui doit être portée à sa connaissance lui permettra de donner son avis. Ce moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d’appel. Au cours d’une instruction pénale, il revient à la juridiction d’instruction du second degré d’en être saisie en tant que sa compétence pour statuer sur la validité de la procédure lui ouvre logiquement celle d’apprécier la portée de la question de constitutionnalité sur la régularité de la procédure. C’est sur la base de trois critères cumulatifs que le juge du fond – de première instance ou d’appel – procédera à un premier filtre préalable à celui exercé par chacune des deux juridictions suprêmes. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi transmise au Conseil d’État ou à la Cour de cassation si, tout d’abord, la disposition législative contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites. À la rédaction restrictive du texte initial du gouvernement qui imposait que la disposition contestée « commande l’issue du litige ou la validité de la procédure, ou constitue le fondement des poursuites », s’est substitué, à l’initiative de l’Assemblée nationale, ce critère plus souple, en adéquation avec les termes de l’article 61-1 de la Constitution qui autorisent de soulever la question de constitutionnalité « à l’occasion d’un litige ». Il prend notamment tout son sens en matière pénale dès lors que tout élément de procédure pourra être contesté s’il est entaché d’un vice d’inconstitutionnalité. Ensuite, la disposition contestée ne doit pas avoir été déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances. Il s’agit là d’éviter une répétition de contrôles sur des questions sur lesquelles le Conseil constitutionnel se serait déjà prononcé et qui heurterait l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions du Conseil constitutionnel. L’exception liée au changement

des circonstances de droit ou de fait admise par la jurisprudence constitutionnelle (voir Cons. const. 8 janvier 2009, déc. n° 2008573 DC en ce qui concerne la prise en compte d’un changement des circonstances de droit et de fait) réduit, cependant, de manière significative, la portée de l’autorité de la chose jugée alors même qu’elle est essentiellement dictée par des considérations pragmatiques légitimées par la nécessité de pouvoir prendre en considération des éventuelles modifications constitutionnelles postérieures à l’adoption de la disposition législative et au regard desquelles la disposition en cause devrait à nouveau être contrôlée. Il n’en demeure pas moins que le critère du « changement des circonstances » risque de vider de son sens celui de l’absence de déclaration de conformité à la Constitution. Enfin, la question ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux et, dans le cas où ce sont les juridictions suprêmes qui se prononcent sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, être nouvelle. Ce critère fait l’objet d’une variation quant à son appréciation selon que la question de constitutionnalité est posée devant la juridiction de fond ou la juridiction suprême, chacune devant s’assurer, pour la première, que la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux et, pour la seconde, qu’elle est nouvelle ou présente un caractère sérieux. Il s’agit par cette gradation d’éviter les questions inutiles ou fantaisistes devant le Conseil constitutionnel ainsi que son engorgement ce que, en tout état de cause, aurait pu réaliser à lui seul, le critère de l’absence de déclaration de conformité à la Constitution de la disposition contestée. • Précision

Il s’agit par cette gradation d’éviter les questions inutiles ou fantaisistes devant le Conseil constitutionnel ainsi que son engorgement ce que, en tout état de cause, aurait pu réaliser à lui seul, le critère de l’absence de déclaration de conformité à la Constitution de la disposition contestée.

2. La préservation du cours de la justice Si pour les raisons évoquées, il apparaît légitime que seules les dispositions législatives qui ont échappé au contrôle de constitutionnalité a priori du Conseil constitutionnel puissent être mises en cause par voie d’exception y compris les lois du pays de Nouvelle-Calédonie, il n’en reste pas moins qu’en se limitant aux seules « dispositions législatives » contestées, le contrôle a posteriori est néanmoins nettement plus restrictif que le contrôle préalable qui s’étend, quant à lui, à toute la loi même si seulement certaines de ses dispositions sont critiquées par la saisine. Dans le cadre du contrôle de constitutionnalité par voie d’exception, seul le contenu de la loi – ce en quoi elle dispose – pourra donner lieu à contestation. En atteste la faculté de ne pouvoir exciper d’une question de constitutionnalité qu’en cas de violation des « droits et libertés garantis par la Constitution ». Sont donc inopérants les moyens ayant trait à la régularité de la procédure législative ou au partage des compétences entre la loi et le règlement. Ce sont donc l’ensemble des droits substantiels protégés par la Constitution qui sont visés. Reste cependant en suspens, dans le silence de la loi, la question de la portée d’une décision d’inconstitutionnalité par voie d’exception prononcée à l’encontre de dispositions qui se révéleraient inséparables du reste de la loi promulguée. La loi ne prévoit pas l’annulation des dispositions jugées indétachables. Ces exigences conditionnent la décision de transmission de la question de constitutionnalité par la juridiction de fond qui est tenue de surseoir à statuer jusqu’à la réception de la décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation ou, s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel, le sursis ne devant pas excéder six mois. Dans tous les cas, le cours de l’instruction n’est pas suspendu et la juridiction peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires. Il s’agit là, notamment, de préserver le déroulement du procès pénal soumis au respect du délai raisonnable. Par exception, et de manière obligatoire, la règle du sursis à statuer ne s’applique pas lorsqu’une personne est privée de liberté ou lorsque l’instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté. Le juge

pourrait aussi statuer s’il est tenu par un délai déterminé (prévu par la loi ou le règlement) ou l’urgence ou si le sursis mettait excessivement en cause les droits des parties. La difficulté est alors celle où une décision de justice est rendue alors même que la question de constitutionnalité reste pendante devant les cours suprêmes et éventuellement devant le Conseil constitutionnel. Si le justiciable peut utiliser les voies de recours qui lui sont offertes étant entendu qu’il doit être, en principe, sursis à toute décision sur le pourvoi tant qu’il n’a pas été statué sur la question de constitutionnalité, la question devient plus délicate devant la Cour de cassation lorsque l’intéressé est privé de liberté à raison de l’instance et que la loi prévoit que la Cour statue dans un délai déterminé. Cette exception introduite par l’article 23-3 de la loi organique qui empêche un justiciable de former un recours pour bénéficier devant la juridiction d’appel ou de cassation de l’apport éventuel de la décision du Conseil constitutionnel saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité a fait l’objet d’une réserve de la part du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009 (Cons. const., 3 décembre 2009, déc. n° 2009595 DC relative à la présente loi organique, JO du 11 décembre 2009). Dans cette hypothèse, le droit du justiciable pourrait être lésé dès lors que l’instance serait définitivement tranchée en l’absence même de décision rendue par le Conseil constitutionnel, en particulier si celle-ci aboutissait à une déclaration d’inconstitutionnalité de la disposition législative contestée. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel admet que le justiciable puisse ressaisir la juridiction compétente pour que ses droits ne soient pas préjudiciés. C’est ainsi l’autorité de la chose jugée qui peut être ici mise en cause afin de bénéficier d’une décision favorable du juge constitutionnel. Dit autrement, l’autorité de la chose jugée par le Conseil constitutionnel s’impose à celle d’une juridiction ordinaire pour une pleine garantie de l’exercice du droit au recours. Il y a là manifestement une extension de la logique de l’article 62 de la Constitution en vertu de laquelle les décisions du Conseil s’imposent à toutes les autorités juridictionnelles.

La décision de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité est, par ailleurs, soumise à une obligation de motivation afin d’éclairer le justiciable sur les éléments d’appréciation retenus étant entendu qu’elle ne peut emporter de décision de fond sur la constitutionnalité mais uniquement porter sur les conditions de recevabilité de la question soulevée même si celleci n’exclut pas une part d’appréciation du juge. La motivation concerne tant la décision de la juridiction de fond que celle des juridictions suprêmes qu’elle conclut à un renvoi ou non de la question au Conseil constitutionnel. La saisine du juge constitutionnel est automatique en cas de non-respect par les juridictions suprêmes du délai de trois mois qui leur est imparti pour se prononcer sur la question prioritaire de constitutionnalité. L’automaticité de la saisine s’apparente ici à une sanction. Plus problématique est la relation qui peut s’établir entre les trois juges (juge a quo, juridiction suprême, Conseil constitutionnel) concernés par la question de constitutionnalité lorsque, en particulier, le juge a quo conclut à la recevabilité de la question contrairement à la Cour suprême dont la décision de non-saisine du Conseil constitutionnel devient, alors, attaquable devant la Cour européenne des droits de l’homme pour violation du droit au juge. Dans le cas d’un renvoi de la question au Conseil constitutionnel, les juridictions suprêmes disposent d’un délai de huit jours pour tenir informée la juridiction devant laquelle la question a été posée ainsi que les parties à l’instance. Parallèlement la loi organique prévoit la possibilité pour le président de la République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat tenus informés de toute question prioritaire de constitutionnalité soumise au Conseil constitutionnel, d’adresser à ce dernier leurs observations sur cette question (art. LO 23-8). De manière complémentaire, tout parlementaire peut, individuellement ou collectivement, faire part de ses observations au Conseil constitutionnel. La décision motivée rendue par le juge constitutionnel dans un délai maximal de trois mois dont la durée se justifie par la difficulté de traiter d’un

contentieux encore inconnu, dans le respect du principe du contradictoire et de la publicité de l’audience (sauf dans des cas exceptionnels prévus par le règlement intérieur du Conseil constitutionnel), est ensuite communiquée aux quatre autorités constitutionnelles informées de la question, à la juridiction suprême ayant exercé le filtre ainsi qu’à la juridiction devant laquelle la question avait été soulevée. Elle est notifiée aux parties à l’instance. La loi organique garantit l’examen de la question de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel en cas d’extinction de l’instance (par transaction, préemption, désistement d’instance ou d’action, caducité de la citation…) tant parce que la question de constitutionnalité est un droit réservé à une partie à l’instance – le juge ne peut relever d’office le moyen tiré de l’inconstitutionnalité de la loi – que parce qu’elle est un moyen de garantir la suprématie de la Constitution comme l’atteste l’effet erga omnes de la décision du Conseil constitutionnel. Dans tous les cas, l’intérêt du droit commande d’aller au terme de la procédure. • À retenir •

L’idée d’instaurer un contrôle de constitutionnalité par voie d’exception ouvert à chaque citoyen prend corps sous la IIIe République qui connaît de propositions de révisions constitutionnelles visant la création d’une Cour suprême sur le modèle américain dans le but de protéger les droits individuels menacés par la législation moderne (1903 ; 1924 ; 1925). En 1959, elle est relancée par Maurice Duverger pour être inscrite en 1963 et 1972 dans des propositions provenant des républicains indépendants, des socialistes et des communistes qui ne connaîtront aucun aboutissement. Voir projet de loi constitutionnelle n° 1203 du 30 mars 1990 accompagné du projet de loi organique modifiant l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, A.N., IX législature, n° 1204, 30 mars 1990 suivis d’un nouveau projet de révision portant sur le même objet en date du 10 mars 1993 resté également sans suite.



Conformément au modèle européen de justice constitutionnelle, la Constitution de 1958 attribue à une juridiction spécifique l’exercice du contrôle de constitutionnalité qui intervient avant la promulgation de la loi. Ce contrôle a été complété par un contrôle de constitutionnalité par voie d’exception par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République mis en œuvre, de manière extensive, par la loi organique relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution. Celle-ci donne corps à la question prioritaire de constitutionnalité dont l’institution concrétise une volonté de longue date. Substantiellement enrichie par les travaux parlementaires qui encadrent précisément tant le mécanisme de filtrage dont l’exception d’inconstitutionnalité fait l’objet que l’étendue de la saisine du Conseil constitutionnel, la loi organique laisse cependant persister des zones d’ombre.

Pour en savoir plus − L. Favoreu, P. Gaïa, R. Ghevontian, J.-L. Mestre, O. Pfersmann, A. Roux, G. Scoffoni, Droit constitutionnel, Précis Dalloz, 2002. − H. Oberdorff, Droit de l’homme et libertés fondamentales, A. Collin, coll. « Compact », 2003. − X. Prétot, « Bloc de constitutionnalité », Juris-classeur Administratif, Fasic. 1418. − V. Tehen, « Protection des droits fondamentaux », Juris-classeur Administratif, Fasic. 1440. − A. Poher, « Les libertés ne seraient-elles plus garanties par la loi ? », Le Monde, 26 mai 1990.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. La Constitution constitutionnalité.

□ concentré □ diffus

de

1958

institue

un

contrôle

de

□ a priori □ a posteriori □ par voie d’exception □ par voie d’action 2. Le contrôle de constitutionnalité de la loi ordinaire est :

□ facultatif □ obligatoire 3. Le contrôle de constitutionnalité de la loi organique est :

□ facultatif

□ obligatoire

4. Le contrôle de constitutionnalité des règlements des assemblées parlementaires est :

□facultatif

□ obligatoire

5. Le traité fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité.

□ Vrai □ Faux 6. Les actes dérivés du droit communautaire font l’objet d’un contrôle de constitutionnalité.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. a. concentré ; b. a priori et a posteriori ; c. par voie d’action et par voie d’exception. 2. Facultatif. 3. Obligatoire. 4. Obligatoire. 5. Vrai. 6. Faux.

Fiche 45

La supraconstitutionnalité I. Le pouvoir constituant soumis ou le principe de la supraconstitutionnalité II. Le pouvoir constituant souverain ou le rejet jurisprudentiel de la supraconstitutionnalité • Définition

Supraconstitutionnalité : thèse qui prône l’existence de normes juridiques supérieures à la Constitution.

I. Le pouvoir constituant soumis ou le principe de la supraconstitutionnalité La supraconstitutionnalité pose la question de l’existence de normes juridiques qui ne pourraient faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Ces normes seraient immuables (v. la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui fait état de principes inaliénables). Elles seraient alors douées d’une valeur supraconstitutionnelle. La notion de supraconstitutionnalité implique l’idée selon laquelle il existerait des normes juridiques qui s’imposent au pouvoir constituant. Le pouvoir d’action du pouvoir constituant serait limité de deux manières : soit le pouvoir constituant ne pourrait pas modifier les règles qu’il a auparavant édictées lui-même, soit des règles supraconstitutionnelles préexisteraient à la Constitution. La notion de supraconstitutionnalité est aujourd’hui retenue par les juridictions constitutionnelles de certains États européens. C’est le cas des Cours constitutionnelles allemande et italienne et du

Tribunal constitutionnel espagnol qui tendent à mettre hors de portée du pouvoir constituant la forme démocratique de l’État, la garantie des libertés et des droits fondamentaux et plus spécifiquement le fédéralisme (Allemagne). En France, la question a été évoquée par la doctrine et relancée à l’occasion des débats liés à la ratification du traité sur l’Union européenne (dit « traité de Maastricht », 1992) et à la remise en cause du principe de la souveraineté nationale. Le débat pose deux séries de questions. La première se rapporte à la volonté exprimée par le constituant de 1958 d’interdire de procéder à des révisions constitutionnelles dans certaines circonstances ou pour certains motifs. C’est ce qui ressort de dispositions particulières de la Constitution qui s’opposent à toute révision de la Constitution lors de la vacance de la présidence de la République ou de l’empêchement du président (art. C 7 dernier alinéa), lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire (art. C 89 al. 4) ou qui a pour objet la modification de la forme républicaine du gouvernement (art. C 89 al. 5). La deuxième question est relative à la reconnaissance du caractère intangible de certaines normes et cela en dehors d’une volonté exprimée du pouvoir constituant (théorie du jusnaturalisme). La contestation de la conformité à la Constitution du traité de Maastricht porté devant le Conseil constitutionnel, une fois la révision constitutionnelle intervenue, a permis au juge constitutionnel de définir sa position en la matière.

II. Le pouvoir constituant souverain ou le rejet jurisprudentiel de la supraconstitutionnalité Dans la décision n° 92-312 DC du 2 septembre 1992, le Conseil constitutionnel refuse de conférer une valeur supraconstitutionnelle à certaines dispositions de la Constitution. Il reconnaît que le pouvoir constituant est souverain et « qu’il lui est loisible d’abroger, de modifier ou de compléter les dispositions de valeur constitutionnelle

dans la forme qu’il estime appropriée ». Les règles énoncées par le Conseil qui enserrent une révision constitutionnelle ne peuvent traduire une compétence du juge constitutionnel à l’égard des lois de révision de la Constitution. Si l’ambiguïté de la rédaction de la décision n° 92-312 DC a pu créer un doute, elle a été rapidement levée par la décision n° 92-313 DC du 23 septembre 1992 dans laquelle le Conseil qui exclut explicitement sa compétence pour connaître d’une loi constitutionnelle rappelle que sa mission se limite à l’appréciation de « la conformité à la Constitution des lois organiques et des lois ordinaires qui, respectivement, doivent ou peuvent être soumises à son examen » (v. pour confirmation, décision n° 2003-469 DC du 26 mars 2003). Cependant, si le pouvoir de révision est soustrait aux limites matérielles, il demeure lié par les contraintes de procédure. L’adhésion à la thèse de la supraconstitutionnalité pose la difficulté majeure de l’identification des normes qui pourraient être dotées d’une telle valeur. Il est possible en partant de la « forme républicaine du gouvernement » de dégager certains principes qui bénéficieraient d’une telle immunité : le caractère indivisible, laïc, démocratique et social de la République ; l’égalité ; le principe du respect des croyances ; la langue française ; les principes de la séparation des pouvoirs, du suffrage universel, du régime représentatif, de la souveraineté nationale ou encore de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Une seconde difficulté, née de la première pose, de manière conséquente, la question de la définition de l’autorité compétente chargée de contrôler le respect des normes supraconstitutionnelles par le pouvoir constituant. Le Conseil constitutionnel pourrait être compétent. Il se présenterait alors comme un supraconstituant dont les décisions s’imposeraient au pouvoir constituant qui y échappe en l’état actuel du droit (v. art. C 62 al. 2). La question deviendrait plus délicate dans l’hypothèse où le Conseil constitutionnel aurait à connaître de la constitutionnalité d’une loi constitutionnelle référendaire (issue de l’article C 89). Elle poserait, de manière aiguë, le problème du maintien de la jurisprudence constitutionnelle relative

au statut de la loi référendaire (v. fiche n° 38) par laquelle le Conseil constitutionnel refuse de se prononcer sur la conformité à la Constitution de cette catégorie de loi (décision CC n° 62-20 DC, 6 novembre 1962 confirmée par décision CC n° 92-313 DC du 23 septembre 1992) sauf à considérer que le pouvoir constituant originaire (le peuple) se distingue du pouvoir constituant dérivé (le Congrès). De manière générale, la doctrine considère, pour partie, que les limites posées par la Constitution au pouvoir constituant sont fragiles. Elles pourraient être détournées en abrogeant ou modifiant, tout d’abord, l’article contenant l’interdiction (exemple : art. C 89) pour ensuite, procéder à la révision voulue, l’interdiction ayant alors formellement disparu. • À retenir •

Sous un vocable différent, la thèse de la supraconstitutionnalité rejoint la théorie du jusnaturalisme. L’idée de normes juridiques immuables qui transcendent l’ordre constitutionnel induit celle d’une limitation de l’action du pouvoir constituant laquelle peut également être restreinte par la Constitution elle-même.

POUR S’ENTRAÎNER : QCM 1. La loi constitutionnelle fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité.

□ Vrai □ Faux 2. La théorie de la supraconstitutionnalité s’inspire du jusnaturalisme.

□ Vrai □ Faux 3. L’absence de contrôle de constitutionnalité de la loi référendaire est conforme au rejet par le Conseil constitutionnel de la théorie de la supraconstitutionnalité.

□ Vrai □ Faux

4. Le pouvoir constituant dérivé connaît des limites matérielles incontournables.

□ Vrai □ Faux 5. La supraconstitutionnalité s’oppose à la souveraineté du pouvoir constituant.

□ Vrai □ Faux CORRIGÉ 1. Faux. 2. Vrai. 3. Vrai. 4. Faux. 5. Vrai.

Fiche 46

Les apports de la loi constitutionnelle n° 2008724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République I. L’encadrement du pouvoir exécutif II. Le renforcement du Parlement III. La garantie de droits nouveaux pour les citoyens • Précision

Le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur, a été créé par décret n° 2007-1 108 du 18 juillet 2007. Ses propositions en vue d’un rééquilibrage et d’une modernisation institutionnels reposent sur trois axes principaux – un pouvoir exécutif mieux contrôlé, un Parlement renforcé, des droits nouveaux pour le citoyen – qui appellent à une modification profonde de la Constitution française. À l’aube de son cinquantième anniversaire, la Constitution du 4 octobre 1958 dont la stabilité et l’adaptabilité à des situations politiques parfois inédites (exemple : la cohabitation) sont indiscutables n’en présente pas moins, au regard des exigences démocratiques, des faiblesses induites par la présidentialisation du régime initiée en 1962 par la réforme constitutionnelle instituant l’élection du président de la République au suffrage universel direct.

Le parlementarisme rationalisé justifié en 1958 au sortir de douze années de régime d’assemblée a désormais perdu de sa légitimité face à l’ancrage institutionnel du fait majoritaire. Il s’agit ainsi dans un régime politique qui se caractérise par une prévalence du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif de procéder à un rééquilibrage des institutions en faveur du Parlement (II) en clarifiant, de surcroît, les attributions respectives du président de la République et du Premier ministre (I). Cette modernisation des institutions se double aussi d’une volonté de démocratisation institutionnelle qui suppose non seulement une meilleure garantie des droits des citoyens mais aussi la reconnaissance à leur profit de nouveaux droits (III). C’est à cette triple exigence que tend à répondre la loi constitutionnelle n° 2008724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.

I. L’encadrement du pouvoir exécutif Qu’il résulte de la Constitution ou de la pratique politique et institutionnelle, l’exercice des attributions présidentielles exige un meilleur encadrement qui suppose notamment une définition précise du partage des rôles entre les gouvernants et de celle des prérogatives du chef de l’État en particulier. Le bicéphalisme de l’exécutif qui caractérise la Ve République impose une clarification des responsabilités au sein du pouvoir exécutif dès lors que le régime mis en place en 1958 se différencie du régime parlementaire classique dans lequel le chef du gouvernement détient à lui seul la totalité du pouvoir exécutif. Si la Constitution de 1958 confie au président de la République et au gouvernement des attributions qu’ils exercent en commun, elle reconnaît aussi au chef de l’État des prérogatives propres qui troublent la répartition de leurs pouvoirs respectifs. Il s’agit non seulement d’adapter les modalités d’exercice de la fonction présidentielle telle que l’inscription dans une durée limitée de l’exercice des fonctions présidentielles par le nouvel article 6 de la Constitution qui restreint désormais à deux le nombre

de mandats présidentiels consécutifs mais aussi de préciser les attributions du chef de l’État. Cette modernisation du fonctionnement des institutions explique ainsi la redéfinition du droit de message du président de la République devant le Parlement issu de circonstances historiques particulières. Le chef de l’État peut désormais s’exprimer directement devant le Parlement réuni en Congrès sans pour autant que sa responsabilité politique ne puisse être mise en cause, l’allocution présidentielle pouvant cependant donner lieu à un débat sans vote (nouvel article 18 de la Constitution ; v. fiche n° 23). La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 institue également un encadrement plus strict de certaines attributions du chef de l’État jugé, à ce jour, insuffisant (encadrement du pouvoir de nomination du président de la République soumis à l’obligation de recueillir l’avis public préalable de la commission permanente compétente chaque assemblée (article 13 de la Constitution ; v. fiches n° 24 et n° 37) ; reconnaissance d’un droit de grâce présidentiel à titre individuel et non collectif (article 17 de la Constitution) ; soumission de la mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution à des mécanismes de contrôle (avis du Conseil constitutionnel sur le maintien de l’application de l’article 16 de la Constitution)). Il s’agit d’une exigence qui participe au rééquilibrage des institutions.

II. Le renforcement du Parlement Il semble, cependant, qu’au-delà de ces diverses mesures, l’encadrement effectif des attributions d’un pouvoir exécutif rénové suppose parallèlement un renforcement des droits et du rôle du Parlement en donnant aux assemblées parlementaires la maîtrise de leurs travaux, en améliorant la fonction législative du Parlement (v. fiches n° 34 et 35), en consacrant un véritable pouvoir de contrôle et d’évaluation de l’action gouvernementale (v. fiche n° 36), en revalorisant la fonction parlementaire ainsi qu’en renforçant les garanties reconnues à l’opposition.

La revalorisation du Parlement suppose, de façon préalable, l’énonciation solennelle de ses missions jusque-là non expressément consacrée par la Constitution. À l’image des articles 5 et 20 de la Constitution qui définissent les rôles respectifs du président de la République et du gouvernement, l’article 24 de la Constitution précise les missions du Parlement qui vote la loi, contrôle l’action du gouvernement et évalue les politiques publiques. Dans ce cadre, les prérogatives du Parlement sont renforcées tant en matière législative qu’en matière de politique internationale et européenne. Les attributions parlementaires sont ainsi enrichies par un développement de la capacité d’initiative du Parlement avec l’introduction, à l’instar de la grande majorité des Parlements étrangers, du droit de voter des résolutions (article 34-1 de la Constitution). Son organisation interne est corrigée pour favoriser l’efficacité du travail législatif. Les assemblées parlementaires pourront ainsi instituer en leur sein jusqu’à huit commissions permanentes (au lieu de six ; voir article 43 de la Constitution) dont le travail est revalorisé dès lors, d’une part, que les modalités d’exercice du droit d’amendement sont mieux encadrées (article 44 de la Constitution) et, d’autre part, que hors lois de finances et de financement de la Sécurité sociale ou lois constitutionnelles, la discussion en séance portera désormais sur le texte amendé par la commission saisie et non plus sur le projet du gouvernement (article 42 de la Constitution). De manière notable, l’accentuation d’une maîtrise du travail législatif est recherchée par l’institution d’un partage de l’ordre du jour entre le gouvernement et le Parlement, sa fixation étant désormais arrêtée par chaque assemblée et non plus par le gouvernement (article 48 de la Constitution) ainsi que par une limitation des cas de recours à la procédure de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. En ce qui concerne le renforcement du rôle du Parlement en matière de politique internationale et de politique européenne, il se traduit par une accentuation de son pouvoir de contrôle tel que la soumission à autorisation parlementaire de la prolongation d’une intervention des forces armées à l’étranger au-delà d’une durée de

quatre mois (article 35 de la Constitution), l’obligation de transmission au Parlement de tous les projets et propositions d’actes des Communautés européennes et non plus seulement des actes législatifs – indépendamment du pouvoir de contrôle du principe de subsidiarité que la révision constitutionnelle du 4 février 2008 a reconnu à chacune des assemblées parlementaires (article 88-4 de la Constitution) –, l’extension du droit de résolution en matière internationale et européenne, la possibilité, par exception à la procédure référendaire qui est de droit commun, d’une soumission de l’adoption des lois autorisant la ratification des traités d’élargissement à la procédure applicable aux projets de révision constitutionnelle telle que définie au troisième alinéa de l’article 89 de la Constitution (article 88-5 de la Constitution). • Attention

Échappent à la procédure nouvelle de l’article 88-5 de la Constitution les adhésions décidées avant le 1er juillet 2004. En pratique, est concernée la Croatie dont l’autorisation de son éventuelle adhésion à l’Union européenne aura lieu selon la procédure législative ordinaire. De manière complémentaire, est proposée une amélioration de la représentativité des parlementaires (garantir une représentation des courants politiques minoritaires au sein du Parlement (v. articles 4 et 51-1 de la Constitution) et une représentation des Français établis hors de France non plus seulement au Sénat mais aussi à l’Assemblée nationale (article 24 de la Constitution)) qui s’insère dans le cadre de l’objectif général d’une reconnaissance de droits nouveaux au profit des citoyens en tant que détenteurs de la souveraineté nationale (article 3 de la Constitution ; v. fiches n° 12 et 13).

III. La garantie de droits nouveaux pour les citoyens

Face à l’insuffisance des droits garantis aux citoyens (exemple : impossibilité de saisir le Conseil constitutionnel de la conformité à la Constitution d’une loi déjà promulguée) et à celle de la garantie des droits des citoyens (prolifération de normes législatives et réglementaires ; instabilité de la règle de droit), la loi constitutionnelle définit des mesures qui favorisent en particulier le droit pour ces derniers d’être représentés dans la diversité de leurs opinions et d’être entendus dans l’expression de leurs aspirations (modernisation du Conseil économique, social et environnemental par une possibilité de le saisir par voie de pétition citoyenne (article 69 et s. de la Constitution ; v. fiche n° 49) ; instauration d’un droit d’initiative populaire (modification de l’article 11 de la Constitution ; v. fiches n° 23 et n° 39)). Il s’agit aussi de permettre une meilleure garantie de la justice plus protectrice des libertés (rénovation du Conseil supérieur de la magistrature (article 65 de la Constitution ; v. fiche n° 47)) et de préserver les droits fondamentaux de la personne en étendant le droit de saisine du Conseil constitutionnel aux justiciables selon la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité (articles 61-1 et 62 de la Constitution) (v. fiche n° 44), en consacrant dans la Constitution l’institution d’un Défenseur des droits des citoyens qui peut être saisi par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public (article 71-1 nouveau de la Constitution issu du nouveau titre XI bis ; v. fiche n° 48). • Précision

Inspiré du modèle espagnol réussi du Défenseur du peuple (article 55 de la Constitution espagnole), le Défenseur des droits des citoyens se substituerait au médiateur de la République. La dilution des responsabilités de ce dernier, particulièrement préjudiciable aux droits des citoyens, face à des autorités récentes qui disposent d’attributions voisines (le Défenseur des enfants ; la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité ; la Commission nationale de

l’informatique et des libertés) exige une réforme en profondeur en vue de leur protection. Ces dispositions répondent manifestement à une exigence d’État de droit approfondi dictée par un impératif de sécurité juridique renforcée rendu nécessaire par l’évolution des pratiques sociales qui impulsent de nouveaux droits. Elles sont aussi la traduction d’une prise en considération de la modernisation des droits individuels et trouvent légitimement leur place dans une loi constitutionnelle qui poursuit ce même objectif.

Fiche 47

Le Conseil supérieur de la magistrature I. L’indépendance de l’autorité judiciaire : des garanties nouvelles II. La saisine disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables : un droit nouveau La loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 relative à l’application de l’article 65 de la Constitution s’inscrit dans le prolongement de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, JO du 24 juillet 2008, p. 11890) qui modifie notamment la composition, l’organisation et les prérogatives du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Elle donne ainsi corps aux exigences posées par le nouvel article 65 de la Constitution qui vise, d’une part, à renforcer l’indépendance de la justice (I) en garantissant plus particulièrement l’impartialité du CSM et, d’autre part, à étendre aux justiciables la saisine disciplinaire du CSM (II). S’en trouvent, dès lors, modifiées la loi organique n° 94100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature et l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Celles-ci sont également complétées en vue d’actualiser les dispositions organiques relatives au CSM qui adaptent le droit disciplinaire applicable aux magistrats.

I. L’indépendance de l’autorité judiciaire : des garanties nouvelles

Trois principes guident désormais la définition de la composition et des attributions du CSM : indépendance, ouverture et transparence. La refonte du CSM à l’aune de ce triptyque s’inscrit dans une logique de défiance des citoyens à l’égard de la justice que les dysfonctionnements révélés par l’affaire dite d’Outreau en novembre 2005 n’ont fait qu’accentuer. À ce titre, la rédaction particulièrement détaillée de l’article 65 de la Constitution n’étonnera pas. Le choix de constitutionnaliser avec autant de précision la nouvelle composition du CSM plutôt que d’en confier la tâche au législateur organique est révélateur d’une volonté de renforcer la protection des principes qui président à la refonte du CSM. Il ne revient en l’occurrence à la loi organique que le soin de déterminer quels seront les magistrats appelés à siéger dans la formation plénière introduite dans l’article 65 de la Constitution par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, de définir les procédures de nomination des personnalités qualifiées et de l’avocat appelés à siéger au sein des formations du CSM et d’adapter le régime actuel d’incompatibilité. À l’aune du triptyque établi, l’indépendance du CSM est marquée par la cessation d’exercice de sa présidence par le président de la République et, par voie de conséquence, de la vice-présidence par le garde des Sceaux. En découle une adaptation de la procédure de nomination du secrétaire général du CSM et des modalités de réunion du Conseil. L’émancipation totale du CSM à l’égard du pouvoir exécutif aurait pu être aisément réalisée avec la procédure de nomination du secrétaire général du CSM dont il paraissait légitime qu’elle ne soit plus le fait du président de la République dès lors que ce dernier ne dispose plus de son droit à présider le CSM et à en être membre de droit. Ce n’est pourtant pas cette option qui a été retenue. La nomination du secrétaire général s’effectuera par décret présidentiel sur proposition conjointe du Premier président de la Cour de cassation et du Procureur général près la Cour de cassation (art. LO 8) sans que le CSM ne soit, en définitive, invité à donner son avis sur cette proposition de nomination comme l’avait souhaité le Sénat, l’Assemblée nationale ayant considéré que la

procédure d’avis proposée imposerait de faire siéger le CSM dans une formation qui n’est pas prévue par la Constitution avec un risque potentiel de retard dans la nomination du secrétaire général. En outre, la codirection demeure l’usage dans toutes les juridictions. Par ailleurs et nécessairement au regard de la nouvelle composition du CSM, ce sont aussi ses modalités de réunion qui sont modifiées, chacune des formations du CSM se réunissant sur convocation de son président, à savoir le Premier président près la Cour de cassation pour la formation plénière et la formation compétente pour les magistrats du siège, et le Procureur général près la Cour de cassation pour la formation compétente pour les magistrats du parquet (art. LO 10). • Précision

Aux termes de la loi organique du 5 février 1994, le CSM se réunissait sur convocation de son président ou, le cas échéant, du ministre de la Justice, vice-président (art. 13). L’ouverture du CSM se traduit, quant à elle, par deux mesures distinctes ayant trait toutes deux à la composition du CSM : d’une part, la nomination de six personnalités qualifiées par les autorités traditionnellement compétentes que sont le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat soumise à la procédure de l’article 13 alinéa 5 de la Constitution qui ouvre au Parlement un droit de regard ; d’autre part, la désignation d’un avocat comme membre du CSM. La nomination des personnalités qualifiées membres du CSM est soumise à une nouvelle procédure d’avis des commissions permanentes des deux assemblées parlementaires que la présente loi organique confie à la commission compétente en matière d’organisation judiciaire de chaque assemblée. Selon le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, la nomination des personnalités par le président de la République est soumise à l’avis des commissions permanentes des deux assemblées dont l’avis négatif exprimé à la majorité des 3/5 des suffrages exprimés dans

les deux commissions concernées empêche la nomination. Rapportée à la nomination des deux personnalités qualifiées désignées par chacun des deux présidents des assemblées parlementaires, cette procédure qui exige le seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée dont le président procède à la nomination confère, par là même, à cet avis, valeur de veto. Par ailleurs, la procédure de nomination a été affublée, à l’initiative du Sénat, d’une exigence supplémentaire visant à garantir la représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein des six personnalités qualifiées laquelle ne sera pas appréciée à l’échelle du collège des six personnalités qualifiées mais séparément par chacune des autorités désignant deux personnalités qualifiées comme l’a précisée la commission des lois de l’Assemblée nationale afin de ménager le pouvoir d’appréciation des autorités de nomination. Cette exigence trouve son fondement dans les nouvelles dispositions de l’article 1er de la Constitution issues de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 par lesquelles « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes […] aux responsabilités professionnelles et sociales » que le Conseil constitutionnel avalise dans sa décision n° 2010-611 DC du 19 juillet 2010 étant entendu que jusqu’à la réforme de 2008, les dispositions constitutionnelles relatives à la parité résultant de la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 étaient réservées aux élections à des mandats et fonctions politiques (voir Cons. const., 19 juin 2001, déc. n° 2001-445 DC dans laquelle le Conseil constitutionnel avait censuré une disposition de la loi organique relative au statut des magistrats et du CSM qui instaurait des règles de parité entre les candidats pour l’élection des magistrats membres du CSM). Plus délicate a été la question de l’adaptation du régime d’incompatibilité applicable à l’avocat désigné comme membre du CSM. • Précision

L’avocat est désigné par le président du Conseil national des barreaux (CNB) sur avis conforme de l’assemblée générale du CNB. Si la règle est celle d’une interdiction générale pour chaque membre du CSM d’exercer la profession d’avocat, le projet de loi initial du gouvernement dont la rédaction a été, en définitive, maintenue en exceptait l’avocat désigné ès qualités alors que le Sénat était favorable à une interdiction de plaider devant les juridictions judiciaires en vertu de l’exigence d’impartialité. Cette interdiction aurait été contraire à l’esprit de l’article 65 de la Constitution qui, comme l’a rappelé le député Philippe Houillon, rapporteur à l’Assemblée nationale, « traduit la volonté du constituant que participe aux travaux du CSM un avocat inscrit au tableau de l’ordre et exerçant pleinement sa profession » (Rapport AN, n° 2163, 16 décembre 2009, p. 40), étant par ailleurs entendu que c’est l’exercice même de sa profession qui donne à l’avocat désigné comme membre du CSM la vocation à y siéger.

II. La saisine disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables : un droit nouveau La volonté du Parlement d’inscrire lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 dans la Constitution la possibilité pour les justiciables de saisir le CSM (Article 65 C avant-dernier alinéa) alors même que l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle renvoyait ce dispositif à une loi organique appelle la nécessaire définition des modalités de saisine et des conditions d’examen des plaintes des justiciables par une loi organique dont le contenu est circonscrit par l’objet même de la saisine laquelle, limitée à l’engagement des poursuites disciplinaires contre un magistrat ne peut en aucun cas être prétexte à une nouvelle voie de recours (J.-J. Hyest, Rapport, Sénat, n° 387, 2007-2008, p. 191).

• Précision

Dans l’hypothèse d’une dénonciation par un justiciable d’un dysfonctionnement de la justice ne résultant pas d’une faute disciplinaire d’un magistrat, celui-ci peut saisir le garde des Sceaux et, le cas échéant, les chefs de cour d’appel qui ont la charge d’adopter les mesures appropriées en matière d’organisation des juridictions ou d’indemnisation du préjudice. Cette consécration marque l’aboutissement de tentatives multiples et manquées de lutter contre le traitement dispersé et inabouti des plaintes des justiciables aux fins de poursuites disciplinaires à l’égard des magistrats. • Précision

Voir notamment le dispositif que prévoyait la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats et censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2007-551 DC du 1er mars 2007 pour violation des principes de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de l’autorité judiciaire qui confiait au médiateur de la République les réclamations des personnes physiques ou morales s’estimant lésées par le comportement d’un magistrat. Il s’agit pour les justiciables de pouvoir s’adresser utilement à une instance unique et précisément identifiée en préservant toutefois le bon fonctionnement du CSM par une procédure de filtrage des plaintes, avant que l’une de ses formations disciplinaires en soit saisie, indispensable pour contrer tout risque d’engorgement. Participe de cet objectif non seulement le caractère restrictif des motifs de la saisine autorisée uniquement en cas de présomption d’une faute disciplinaire commise par un magistrat du siège ou du parquet dans l’exercice de ses fonctions (art. LO 25 et 32) mais

aussi le pouvoir reconnu à la commission d’admission des requêtes chargée d’examiner les plaintes (art. LO 18) de rejeter celles qui sont « manifestement abusives ou irrecevables ». La volonté d’éviter toute disparité dans la mise en œuvre de ce nouveau droit a conduit la commission des lois du Sénat à permettre, par exception – en cas notamment de tutelle ou de mesures éducatives – qu’une plainte puisse être dirigée contre un magistrat qui demeure saisi de la procédure ou qui appartient à un parquet qui demeure chargé de la procédure, si compte tenu de la procédure et de la gravité du manquement évoqué, la commission d’admission des requêtes estime qu’elle doit être examinée au fond. Le particularisme de cette procédure disciplinaire appelle son encadrement que tend à réaliser aussi bien l’impossibilité de désigner un rapporteur avant l’examen de la plainte par la commission d’admission des requêtes afin d’éviter un empiétement des procédures de filtrage et disciplinaire l’une sur l’autre (art. LO 26 et 32) que l’organisation de l’audience disciplinaire obligatoirement après un délai de trois mois suivant la transmission de la plainte par la commission d’admission des requêtes pour permettre tant à la formation disciplinaire de conduire ses travaux de façon approfondie qu’au garde des Sceaux de faire procéder à une enquête administrative (art. LO 28 et 33) ou encore le rejet de l’ouverture d’un droit de recours au justiciable contre la décision de rejet de la plainte par la commission d’admission des requêtes (art. LO 25 et 32) ou contre celle prise en matière disciplinaire à la suite de cette plainte (art. LO 30 et 35). Il s’agit là, d’une réponse mesurée à un dispositif qui s’inscrit dans un mouvement général de rapprochement du justiciable de la justice comme en atteste, par ailleurs, l’extension du droit de saisine du Conseil constitutionnel aux justiciables dont la réussite dépend prioritairement des moyens mis en œuvre pour en canaliser les déviances potentielles. Il n’est donc pas anodin que la loi organique ait défini les limites de la faute disciplinaire qui ne peut être admise, selon la jurisprudence du CSM (CSM, décision S 44 du 8 février 1981), confirmée par les jurisprudences administrative (CE,

10e et 3e sous-sections réunies, 5 mai 1982, req. n° 33724) et constitutionnelle (Cons. const., 1er mars 2007, déc. n° 2007551 DC.), qu’en cas de violation grave et délibérée par un magistrat d’une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties, constatée par une décision de justice devenue définitive (art. LO 21). La consécration de cette exception à la règle d’absence de responsabilité disciplinaire du magistrat à raison de ses décisions juridictionnelles devrait pour partie atténuer les saisines abusives du CSM par les justiciables. • À retenir •

Un double enjeu majeur guide la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Il s’agit, d’une part, de donner à l’autorité judiciaire de nouvelles garanties d’indépendance. Ce sont ainsi les attributions et la composition du Conseil qui évoluent. Il s’agit, d’autre part, de rapprocher la justice du citoyen. L’extension du droit de saisine du Conseil au justiciable participe de cet objectif.

Pour en savoir plus − Philippe Houillon, Rapport au nom de la commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement, AN, XII législature, n° 3125, 6 juin 2006, p. 495-499. − Philippe Houillon, Rapport AN, n° 2163, 16 décembre 2009. − J.-J. Hyest, Rapport, Sénat, n° 387, 2007-2008. • Pour information

Article 65 de la Constitution de 1958 : « Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l’égard des magistrats du siège et une formation compétente à l’égard des magistrats du parquet.

La formation compétente à l’égard des magistrats du siège est présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d’État désigné par le Conseil d’État, un avocat ainsi que six personnalités qualifiées qui n’appartiennent ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif. Le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées. La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée intéressée. La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet est présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que le conseiller d’État, l’avocat et les six personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa. La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d’appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme. La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis sur les nominations qui concernent les magistrats du parquet. La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle comprend alors, outre les membres visés au deuxième alinéa, le

magistrat du siège appartenant à la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet. La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis sur les sanctions disciplinaires qui les concernent. Elle comprend alors, outre les membres visés au troisième alinéa, le magistrat du parquet appartenant à la formation compétente à l’égard des magistrats du siège. Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d’avis formulées par le président de la République au titre de l’article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le ministre de la Justice. La formation plénière comprend trois des cinq magistrats du siège mentionnés au deuxième alinéa, trois des cinq magistrats du parquet mentionnés au troisième alinéa, ainsi que le conseiller d’État, l’avocat et les six personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa. Elle est présidée par le premier président de la Cour de cassation, que peut suppléer le procureur général près cette cour. Sauf en matière disciplinaire, le ministre de la Justice peut participer aux séances des formations du Conseil supérieur de la magistrature. Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique. La loi organique détermine les conditions d’application du présent article ».

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTION DE COURS Quels sont les moyens institués par la loi organique du 22 juillet 2010 pour atténuer les saisines abusives de CSM par les justiciables ?

CORRIGÉ

Les moyens institués par la loi organique du 22 juillet 2010 pour atténuer les saisines abusives de CSM par les justiciables sont : – La limitation de l’objet de la saisine à l’engagement des poursuites disciplinaires contre un magistrat : la saisine n’est autorisée qu’en cas de présomption d’une faute disciplinaire commise par un magistrat du siège ou du parquet dans l’exercice de ses fonctions. – L’institution d’une procédure de filtrage. – Le rejet des plaintes manifestement abusives ou irrecevables. – La définition restrictive de la faute disciplinaire admise uniquement en cas de violation grave et délibérée par un magistrat d’une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties constatée par une décision de justice devenue définitive. – Le rejet d’un droit de recours reconnu au justiciable contre la décision de rejet de la plainte.

Fiche 48

Le Défenseur des droits I. La rationalisation de la protection des droits II. La garantie de la protection des droits L’institution du Défenseur des droits s’inscrit dans un mouvement global impulsé par le pouvoir constituant de 2008 visant à renforcer la protection des droits et des libertés des individus (I). Parallèlement à l’extension du contrôle de constitutionnalité par voie d’exception (article C 61-1 ; voir fiche n° 44) et à l’ouverture aux justiciables de la saisine disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (article C 65 ; voir fiche n° 47), l’ancrage constitutionnel de cette nouvelle autorité administrative indépendante dans un Titre XI bis qui lui est entièrement consacré et qui s’inspire des modèles des pays européens voisins – tels que l’ombudsmen suédois et finlandais, le Defensor del pueblo espagnol ou encore le Provedor de Justiça portugais – témoigne d’un développement de modes de garantie des droits autres que ceux traditionnellement établis. Ainsi, à l’office du juge chargé de la protection des droits s’ajoute une déclinaison de modes d’intervention dont fera application le Défenseur des droits dans l’exercice de sa mission de protection des droits. L’article 71-1 de la Constitution l’investit de missions obligatoires et facultatives dont il revient à la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits (JO, 31 mars 2011) de définir tant l’étendue que les modalités d’intervention (II). Elle s’accompagne d’une loi ordinaire (loi n° 2011334 du 29 mars 2011, JO, 31 mars 2011) de coordination et de précision des règles de fonctionnement de cette nouvelle autorité constitutionnelle qui ne relèvent pas de la compétence organique.

I. La rationalisation de la protection des droits Expression d’une nécessaire « réorganisation du paysage des autorités administratives indépendantes », recommandée à la fois par l’Office parlementaire d’évaluation de la législation et par le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République face à la multiplication d’autorités administratives indépendantes aux compétences parfois voisines, le Défenseur des droits rassemble en une seule autorité chargée de la protection des droits l’ensemble des prérogatives dont disposaient jusque-là le médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE). En a été exclue la mission exercée par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté que l’Assemblée nationale avait souhaité ajouter aux compétences du Défenseur des droits qui s’en serait saisi à compter de juin 2014 à l’issue du mandat de l’actuel Contrôleur général. Le Sénat a supprimé ces dispositions d’une autre nature que les compétences attribuées au Défenseur même si la question d’un tel élargissement est susceptible d’être à nouveau posée à l’avenir. Aussi, l’institution d’un Défenseur des droits doté d’une compétence générale en matière de protection des droits marque-telle un tournant. L’ère de la spécialisation des autorités administratives initiée dans les années 2000 semble révoquée au profit d’une unification qui, confrontée à la difficulté de l’identification par le citoyen de l’autorité compétente à saisir, devient synonyme d’efficacité. Encore faut-il que les différents secteurs d’intervention attribués au Défenseur des droits soient clairement perceptibles par l’opinion publique. La création d’adjoints au Défenseur des droits placés sous son autorité devrait aller en ce sens et contribuer à la visibilité de ses différentes missions.

• Précision

Les adjoints sont nommés par le Premier ministre sur proposition du Défenseur des droits (article LO 11). Le rapport du Comité Balladur de 2007 a souligné la nécessité d’une assistance du Défenseur des droits. En 2009, ce sont ainsi plus de 55 000 réclamations qui ont été déposées auprès des quatre autorités administratives indépendantes que remplace le Défenseur des droits. Ce sont ainsi et au moins obligatoirement trois adjoints qui seconderont le Défenseur des droits en matière de déontologie de la sécurité, de défense et de promotion des droits de l’enfant et de lutte contre les discriminations, secteurs jusque-là confiés aux autorités administratives indépendantes spécialisées absorbées par le nouveau Défenseur des droits. Il s’agit de rationaliser l’organisation interne de la nouvelle autorité constitutionnelle pour répondre à l’ampleur de sa mission tant au regard de ses domaines de compétences que de l’ouverture de sa saisine à des personnes autres que les seuls citoyens français avec, à ce titre, une nécessaire correction de sa dénomination initiale de « Défenseur des droits des citoyens » au profit de celle de « Défenseur des droits » pour lever toute ambiguïté. En outre, l’extension par l’article 71-1 de la Constitution du champ de compétence du Défenseur des droits à la sphère privée qui dépasse les seules questions relatives au fonctionnement des services publics participe à la réalisation de l’unification des autorités administratives indépendantes concernées par la réforme ainsi que, plus largement, à la cohérence du système de protection des droits et libertés à laquelle contribue l’importante liberté que le pouvoir constituant a confiée au législateur organique pour préciser les conditions de saisine du Défenseur, ses attributions et ses modalités d’intervention, ses compétences à l’égard d’organismes autres que les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis d’une mission de

service public, pour établir les collèges qui l’assisteront dans l’exercice de ses compétences en matière de déontologie de la sécurité (article LO 13), de protection des droits de l’enfant (article LO 14) et de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité (article LO 15) et pour compléter le régime des incompatibilités qui lui sont applicables. Malgré la latitude donnée au législateur organique par les dispositions de l’article 71-1 de la Constitution, la rationalisation reste mesurée. La faculté d’attribuer au Défenseur des droits des compétences à l’égard de « tout autre organisme » qu’un organisme chargé d’une mission de service public n’a pas été entendue de manière large et le transfert des compétences au Défenseur des droits est demeuré restreint à certaines autorités chargées de la protection des droits et libertés. L’exclusion du regroupement de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou encore, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) est légitimée par la spécificité ou la technicité de leurs missions et par leur pouvoir de sanction (CNIL, CADA lorsqu’elle intervient en matière de réutilisation des données publiques) ou de contrôle (Contrôleur général des lieux de privation de liberté). Un regroupement global se serait alors apparenté à une rationalisation excessive nocive à la garantie de la protection des droits. • Précision

Dans le cadre de l’objectif de simplification du paysage des autorités administratives indépendantes, un regroupement de la CNIL et de la CADA pourrait apparaître pertinent.

II. La garantie de la protection des droits À une gamme large de pouvoirs (pouvoirs d’investigation (article LO 22), de recommandation (article LO 25, 30,32), de transaction (article LO 28), d’injonction (articles LO 21 et 25), de médiation (article LO 26), d’aide aux victimes de discriminations

(article LO 27), de saisine d’office de faits relevant de sa compétence notamment, de manière novatrice au regard des pouvoirs dont disposait le Défenseur des enfants, en cas de risque d’atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant (article LO 8) et de saisine du Conseil d’État pour avis (article LO 31)) que la loi organique confie au Défenseur des droits se greffent naturellement des garanties renforcées en faveur tant du bon et plein exercice de ses pouvoirs par le Défenseur des droits, que de l’encadrement de ses pouvoirs au profit de la protection des droits. La nouvelle institution se veut indépendante telle que l’exige sa qualité d’autorité constitutionnelle indépendante rajoutée au texte initial par le rapporteur de la commission des lois au Sénat pour mieux appuyer cet état qui trouve sa traduction entière dans l’absence de soumission du Défenseur des droits à toute instruction dans l’exercice de ses attributions, dans un mandat non renouvelable et non révocable, dans la soumission de sa nomination à la procédure du dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution (article LO 1er) (v. fiche n° 37) et dans un régime strict d’incompatibilité des fonctions et d’immunité juridictionnelle (article LO 2). • Précision

Le Défenseur des droits est nommé par décret en conseil des ministres (article LO 1er) pour un mandat de six ans dont le caractère non renouvelable dissuade toute sollicitation des faveurs de l’autorité de nomination. L’inamovibilité garantit au Défenseur des droits l’exercice de sa fonction à laquelle il ne peut être mis fin que sur sa demande ou en cas d’empêchement (article LO 1er). Le régime strict d’incompatibilité retenu renforce l’indépendance du Défenseur des droits au regard des autorités administratives indépendantes qu’il remplace (article LO 3). Le régime d’immunité juridictionnelle du Défenseur des droits est similaire à celui dont bénéficient les membres du Parlement

au titre de l’article 26 de la Constitution. Complète utilement ce dispositif, le compromis auquel a abouti la question de la consultation par le Défenseur des droits des collèges qui l’assistent dans l’exercice de ses compétences. La double priorité de garantir le bon fonctionnement du Défenseur des droits et de préserver la garantie des droits s’est traduite par une consultation obligatoire du Défenseur des droits pour toute question nouvelle. • Précision

La rédaction initiale du texte calquée sur la formulation de celle retenue en matière de questions prioritaires de constitutionnalité qui ouvrait la consultation des collèges à « toute question nouvelle ou toute question présentant un caractère sérieux » a été abandonnée au profit des seules « questions nouvelles » compte tenu, d’une part, de la difficulté de définir le caractère sérieux d’une question et, d’autre part, de la probabilité, pour le Défenseur des droits, de limiter son action à de tels sujets. En évitant une consultation systématique des collèges pour des questions répétitives ou secondaires qui alourdiraient la charge du Défenseur des droits, c’est la rationalisation de l’institution qui a été privilégiée. En supprimant tout renvoi au règlement intérieur de la fixation des conditions de consultation du collège qui donnerait au Défenseur un pouvoir excessivement discrétionnaire, c’est la garantie des droits qui a été protégée. Deux exigences qui, dans tous les cas, se rejoignent et qui favorisent raisonnablement l’accessibilité de l’institution au même titre que la suppression du filtre parlementaire obligatoire applicable en matière de saisine du médiateur de la République désormais frappé d’obsolescence. • Précision

Le filtre parlementaire avait été institué par la loi du 3 janvier 1973 pour éviter l’engorgement du médiateur de la République. Il est apparu progressivement incompatible avec l’institution du médiateur européen et la création d’autorités administratives indépendantes spécialisées (HALDE, CNIL, Défenseur des enfants, Contrôleur général des lieux de privation) ouvertes à une saisine directe. Il s’agit de donner sa pleine signification à l’étendue – que conforte au demeurant sa gratuité – de la saisine directe du Défenseur des droits à toute personne, physique ou morale, s’estimant lésée dans ses droits et libertés soit par le fonctionnement d’une personne publique ou d’une personne investie d’une mission de service public, soit par les agissements de personnes privées qui heurteraient la protection des droits d’un enfant ou manqueraient aux règles de déontologie dans le domaine de la sécurité. Si, cependant, l’entier pouvoir d’appréciation du Défenseur des droits sur le traitement des réclamations qui lui sont adressées peut amoindrir la portée de l’étendue de la saisine notamment lorsqu’elle se traduit par une décision d’irrecevabilité qui échappe à tout recours contentieux, l’obligation, à l’inverse, d’une motivation de la décision de rejet (article LO 24) qui n’impute en rien sur la nature de cette décision qui demeure un acte ne faisant pas grief (CE, 10 juillet 1981, req. n° 05130, Retail ; 18 octobre 2006, req. n° 277597) accroît la transparence de cette institution qui, par là également, pourra prétendre asseoir pleinement son autorité et sa vocation générale à être l’autorité de référence en matière de protection des droits à côté de la justice conformément à la lettre et à l’esprit de l’article 71-1 de la Constitution. • Précision

Peut contribuer de manière significative à la vocation générale du Défenseur des droits à être l’autorité de référence en matière de protection des droits la faculté de saisine d’office du

Défenseur des droits de faits relevant de sa compétence (article LO 8).

• À retenir •

L’ancrage constitutionnel du Défenseur des droits qui rassemble les compétences jusque-là éparpillées entre d’autres autorités administratives indépendantes spécialisées en matière de garantie des droits complète le mouvement de renforcement de la protection des droits et des libertés entamé depuis la révision constitutionnelle de 2008. Il rapproche aussi, sur ce point, le système français des modèles européens. Cette simplification du paysage des autorités administratives indépendantes aux compétences voisines devrait améliorer la lisibilité par les citoyens de l’ensemble institutionnel chargé de la protection des droits.

Pour en savoir plus − Rapport de M. Patrice Gélard, Les autorités administratives indépendantes : évaluation d’un objet juridique non identifié, Office parlementaire d’évaluation des autorités administratives indépendantes, Sénat, n° 404 (2005-2006), t. 1. − Rapport de M. Pierre Morel-A-L’Huissier, A.N., n° 3153 et n° 3154, 9 février 2011. • Pour information

Article 71-1 de la Constitution : Art. 71-1. Entrée en vigueur dans les conditions fixées par les lois et lois organiques nécessaires à leur application (article 46I de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008)] Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi

d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences. Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ou d’un organisme visé au premier alinéa. Il peut se saisir d’office. La loi organique définit les attributions et les modalités d’intervention du Défenseur des droits. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l’exercice de certaines de ses attributions. Le Défenseur des droits est nommé par le président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique. Le Défenseur des droits rend compte de son activité au président de la République et au Parlement.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTIONS DE COURS 1. L’article 71-1 de la Constitution interdit-il de limiter le transfert au Défenseur des droits des seules compétences du médiateur de la République ? Justifier votre réponse. 2. Quel est l’intérêt du droit de saisine du Conseil d’État par le Défenseur des droits ? 3. En quoi le recours à la médiation favorise-t-il la garantie des droits ?

CORRIGÉ 1. L’article 71-1 de la Constitution n’interdit pas de limiter le transfert au Défenseur des droits des seules compétences du médiateur de la République. Toutefois, cette option minimaliste ne correspond pas à l’intention du pouvoir constituant qui a voulu clarifier le paysage institutionnel en matière de protection

des droits et des libertés et a retenu l’option d’un regroupement d’autorités administratives indépendantes chargées de la protection des droits et des libertés mais non pas de toutes en raison de la technicité particulière de certains domaines d’intervention. Cependant, rien n’interdit que d’autres autorités administratives indépendantes puissent être progressivement intégrées au Défenseur des droits. 2. La saisine du Conseil d’État par le Défenseur des droits d’une demande d’avis devrait permettre de limiter le nombre de demandes les plus répétitives tant auprès du Défenseur des droits qu’auprès des juridictions compétentes. 3. La médiation permet de surmonter des dysfonctionnements de l’administration tels que les retards, les disparités de traitement ou les difficultés de dialogue entre un service public et ses usagers que le champ de la légalité sur lequel repose exclusivement l’office du juge est moins à même de résoudre. Par ailleurs, la révision par l’administration de sa position que permet la médiation peut apparaître préférable à l’obtention pour un administré de l’annulation d’une décision administrative définitive ou de la compensation indemnitaire d’une faute dont les effets sont parfois irréversibles.

Fiche 49

Le Conseil économique, social et environnemental I. Un renforcement de la représentativité du CESE II. Une amélioration de l’accessibilité du CESE Le Conseil économique et social modernisé sous la nouvelle appellation de Conseil économique, social et environnemental (CESE) issue de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République se devait de l’être également dans sa composition tant celle-ci dicte son fonctionnement et lui permet d’assurer pleinement sa mission de représentation de la société civile et professionnelle. • Précision

Le complément ainsi apporté au nom du CESE par le qualificatif « d’environnemental » résulte de deux amendements présentés par les députés Christophe Caresche et Bertrand Pancher malgré les réticences du président du Conseil économique et social. Le constat d’une carence avérée en la matière imposait une rénovation de l’institution que la loi constitutionnelle de juillet 2008 réalise, répondant ainsi aux vœux du président de la République de faire du CESE « une enceinte privilégiée de débat et de concertation » (v. lettre de mission du président de la République N. Sarkozy, en date du 18 juillet 2007, adressée à M. E. Balladur, président du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République).

En modifiant les articles 69 à 71 de la Constitution, la révision constitutionnelle de juillet 2008 a étendu le champ des attributions consultatives du Conseil aux questions à caractère environnemental, consacré sa compétence pour émettre des avis sur des propositions de loi et prévu qu’il puisse être saisi par voie de pétition dans les conditions fixées par une loi organique. La présente loi organique constitue la seconde étape de la réforme du CESE qui sera suivie d’une troisième visant à adapter rapidement les textes réglementaires compte tenu de l’achèvement de la prorogation du mandat des membres du Conseil le 30 septembre 2010 (v. loi organique n° 2009-966 du 3 août 2009, JO du 5 août 2009). Elle est principalement placée sous le signe du rapprochement selon un double objectif de renforcement de la représentativité du Conseil (I) et d’amélioration de son accessibilité (II) indispensable au maintien de la légitimité de ses attributions consultatives. Dans le prolongement de la révision constitutionnelle de 2008, la loi organique vient, à ce titre, substantiellement actualiser l’ordonnance organique du 29 décembre 1958 (ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social) qui régit la composition et le fonctionnement du CESE depuis sa modeste modification par la loi organique du 27 juin 1984 (loi organique n° 84-499 du 27 juin 1984).

I. Un renforcement de la représentativité du CESE Dans le cadre de la consolidation de la révision constitutionnelle de 2008 par la loi organique, la question de la représentativité du CESE devient prioritaire. Il s’agit de redonner à la vocation originelle du CESE, telle qu’elle est définie depuis 1925, de représentant de la société civile et professionnelle, sa signification perdue. C’est ainsi la composition dans son ensemble du Conseil qui est revue sans qu’elle soit exempte d’une certaine complexité compte tenu des nouvelles exigences constitutionnelles posées par le pouvoir

constituant de 2008 qui ajoutent à la difficulté de la tâche du législateur organique. Il s’agit d’actualiser la composition du Conseil tant au regard de l’évolution de la société que par concordance avec l’extension de ses compétences aux questions essentielles de développement durable qui fait suite à une demande insistante formulée au cours des travaux du « Grenelle de l’environnement » en respectant, toutefois, le seuil maximal et inchangé de l’effectif de 233 membres du Conseil désormais constitutionnalisé à l’article 71 de la Constitution. À une nouvelle organisation du Conseil pensée autour de trois composantes différentes (article LO 7) représentant chacune la vie économique et le dialogue social (140 membres), la cohésion sociale et territoriale et la vie associative (60 membres), et enfin la protection de la nature et de l’environnement (33 membres) qui appellent l’intégration de nouvelles catégories de représentants jusque-là exclues (les femmes et les étudiants ; les associations et les fondations agissant dans le domaine de la protection de la nature et de l’environnement) ou la réhabilitation, à l’initiative du Sénat, de catégories supprimées dans le projet de loi organique initial (les entreprises publiques), s’ajoutent, pour un affinement de la représentativité du Conseil, l’obligation de respecter la règle de la parité pour l’ensemble des organismes qui désigne plus d’un membre du CESE, l’abaissement de 25 à 18 ans de l’âge minimum pour devenir membre du CESE et, enfin, l’interdiction d’accomplir plus de deux mandats consécutifs afin d’assurer un renouvellement plus régulier des membres du CESE (article LO 9). Participe du même esprit, l’article LO 10 qui envisageait sur la base d’un rapport gouvernemental remis au Parlement et présenté tous les dix ans faisant état de l’évolution des principales activités du pays, une révision régulière de la composition du CESE dont la première, de manière exceptionnelle, aurait dû intervenir en 2014 pour prendre en compte les modifications des critères de représentativité des syndicats issus de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et leur

impact sur les organisations chargées de désigner les membres du CESE. Ce dispositif a été censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-608 DC du 24 juin 2010 au motif qu’il portait atteinte, d’une part, au champ de compétences du CESE (articles 69 et 70 de la Constitution) dès lors qu’il subordonnait le dépôt du rapport gouvernemental à un avis de ce dernier et, d’autre part, aux modalités de fixation de l’ordre du jour des assemblées parlementaires (article 48 de la Constitution) en exigeant un débat devant le Parlement.

II. Une amélioration de l’accessibilité du CESE Les articles 69 et 70 de la Constitution dans leur rédaction nouvelle issue de la révision constitutionnelle de 2008 élargissent le droit de saisine du CESE au Parlement et aux citoyens. Droit retrouvé – pour le Parlement – ou droit nouveau – pour les citoyens –, il n’en reste pas moins que pour le CESE cette modification permet de redonner à sa qualité de troisième assemblée de la République une signification moins contestable. La consécration par le titre XI de la Constitution du CESE comme assemblée consultative placée auprès des pouvoirs publics trouve l’expression de sa manifestation dans l’élargissement de son rôle de conseil, qu’il dispensait depuis 1958 auprès du seul gouvernement, au Parlement pour tout problème de caractère économique, social ou environnemental. Introduite à l’initiative du Sénat, la saisine parlementaire devrait permettre une meilleure information des assemblées parlementaires dès lors qu’elles pourront solliciter l’avis des représentants des organisations professionnelles et des associations (article 70 de la Constitution). Il y a dans cette extension de saisine, la marque manifeste d’une valorisation du Parlement qui retrouve là une compétence perdue même si la pratique a fait naître une collaboration, certes limitée, entre le CESE et le Parlement par le biais d’auditions respectives devant chacune des deux assemblées.

• Précision

La Constitution de la IVe République prévoyait la saisine du Conseil économique par l’Assemblée nationale. Dans la continuité des débats ayant animé la révision constitutionnelle de 2008, la loi organique confie aux présidents des assemblées parlementaires l’exercice de la saisine parlementaire afin de canaliser à un niveau raisonnable le nombre de saisines. Cette disposition assimilée par l’opposition politique à une confiscation du pouvoir par la majorité parlementaire devrait, en principe, faire l’objet dans le cadre de l’article 88 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, d’un amendement tendant à attribuer à chaque groupe parlementaire un droit de tirage en matière de saisine du CESE. La loi organique va, par ailleurs, au-delà des sujétions imposées par le pouvoir constituant de 2008 en vue de conforter la démarche de rapprochement du CESE et du Parlement. L’ordonnance de 1958 est ainsi modifiée pour permettre aux présidents des assemblées parlementaires de demander des études aux sections du CESE, d’obtenir la tenue de séances spéciales et d’être destinataires des procès-verbaux des séances tenues pour répondre à une saisine parlementaire. Plus largement, et au même titre que les membres du gouvernement, les parlementaires ont désormais accès à l’assemblée plénière du CESE et aux sections et peuvent y être entendus lorsqu’ils le demandent. La démocratisation du CESE se double d’une autre mesure novatrice : la saisine du CESE par voie de pétition proposée par le président du CESE, M. Jacques Dermagne lors de son audition par le comité Balladur et entérinée à l’article 69 de la Constitution. Conçue de manière souple, la procédure est entièrement placée sous la responsabilité du CESE qui dispose d’un pouvoir de filtrage des pétitions avant de tenir informés le gouvernement et le Parlement des suites qu’il propose d’y donner. Les pétitions doivent se limiter à des questions d’intérêt général dont le champ est

circonscrit par celui des compétences du CESE tel qu’il est défini par la Constitution. Il s’agit là, d’une condition de recevabilité de fond à laquelle s’ajoutent celles de forme liées à la rédaction obligatoire de la pétition en français, au recueil du nombre minimal de signatures exigées (500 000), à la validité des signatures (les signataires doivent être majeurs et avoir la nationalité française ou résider régulièrement en France), et à la présence d’un mandataire unique chargé de centraliser les pétitions à adresser au CESE dont le bureau a la charge de contrôler leur recevabilité avec une autonomie particulièrement importante voulue par le législateur organique comme gage de la réussite d’un dispositif totalement inédit dans nos institutions. • Précision

Aux termes de l’article LO 5, le mandataire est informé de la décision rendue par le bureau sur la recevabilité de la pétition. C’est aussi avec une non moins grande liberté que le CESE examine la pétition et décide de la suite à lui donner sachant qu’il dispose d’un délai d’un an pour rendre un avis sur les pétitions recevables. L’avis qui est rendu en assemblée plénière est adressé au Premier ministre, au président de l’Assemblée nationale, au président du Sénat et au mandataire de la pétition et est publié au Journal officiel (article LO 5). La procédure de saisine populaire du CESE pose néanmoins la question de sa viabilité compte tenu, d’une part, des inévitables répercussions de la procédure sur le fonctionnement et l’organisation du CESE dont il n’est pas certain qu’il soit, en l’état, suffisamment armé pour y répondre et, d’autre part, du caractère novateur de la procédure dont l’encadrement a minima est susceptible de fragiliser son maniement. Il ne faudrait pas qu’en ayant favorisé l’autonomie d’action du CESE le législateur organique ait aussi incité à son déroutement face à une procédure inconnue sans équivalent avec les autres procédures de consultation telles que les pétitions devant les assemblées parlementaires ou les

initiatives prévues par les articles 11 et 72-1 de la Constitution, en ayant négligé, de la sorte, le risque de réduire la saisine par pétition à une pétition de principe. Ce serait alors à nouveau la légitimité du CESE qui serait remise en cause. • À retenir •

Dans le prolongement de la révision constitutionnelle de 2008, la loi organique n° 2010-704 du 28 juin 2010 relative au Conseil économique, social et environnemental qui constitue la seconde étape de la réforme du Conseil procède à l’actualisation de l’ordonnance organique du 29 décembre 1958 régissant la composition et le fonctionnement du Conseil. Elle est principalement placée sous le signe du rapprochement selon un double objectif de renforcement de la représentativité du Conseil et d’amélioration de son accessibilité.

Pour en savoir plus − Laurence Baghestani, Petites Affiches n° 195, 30 septembre 2009, p. 6 et s. − Rapport AN de M. Éric Diard, n° 2309, p. 29 et s., p. 36 et s.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTION DE COURS Définir les nouveaux modes de collaboration entre le CESE et le Parlement et apprécier leur efficacité.

CORRIGÉ Le Parlement peut désormais saisir le CESE. Il s’agit d’une compétence retrouvée qu’il partage avec le gouvernement et les citoyens. Le rapprochement entre les deux autorités se traduit, en outre, par la possibilité donnée aux présidents des assemblées parlementaires de demander des études aux sections du CESE, d’obtenir la tenue de séances spéciales et d’être destinataires

des procès-verbaux des séances tenues pour répondre à une saisine parlementaire. Par ailleurs, les parlementaires ont désormais accès à l’assemblée plénière du CESE et aux sections. Ils peuvent y être entendus lorsqu’ils le demandent. L’ensemble de ce dispositif participe à une valorisation du Parlement avec, toutefois, la difficulté de parer au risque de confiscation du pouvoir par la majorité parlementaire dès lors que l’exercice de la saisine parlementaire a été confié aux présidents des assemblées parlementaires. Il conviendra aux règlements intérieurs des assemblées parlementaires de lever cet obstacle.

Index Les numéros renvoient aux numéros des fiches. A Assemblée nationale : 16, 17, 21, 23, 25, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 44, 46, 47, 48, 49 Autorité de la chose jugée : 42 B Bicamérisme : 8, 16, 32 Bicéphalisme : 25, 46 Bloc de constitutionnalité : 9, 40 C Centralisation : 2 Citoyen : 12, 46 Cohabitation : 19, 21, 22, 23, 25, 29, 46 Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République : 20, 23, 24, 25, 26, 29, 33, 43, 44, 46 Confédération d’États : v. États Congrès : – organe de révision de la Constitution : 10 – américain : 15 Conseil constitutionnel : 9, 12, 20, 21, 23, 35, 38, 39, 40, 41, 42, 44, 45, 46 Conseil économique, social et environnemental : 49 Conseil d’État : 35, 41, 44, 48 Conseil de la République : 16, 17, 21 Conseil des ministres : 35 Conseil supérieur de la magistrature : 47 Constitution : 6, 7, 8, 9

– conventions de Constitution : 6 – coutumière : 6 – de la IIIe République : 16 – de la IVe République : 17, 49 – de la Ve République : 18, 19 – écrite : 6 – notion de Constitution : 6 – rigide : 10 – souple : 10 Contreseing ministériel : 22, 24, 26 Contrôle juridictionnel : 5 Contrôle de constitutionnalité : 5, 10, 17, 43, 44 – a posteriori : 44 – a priori : 44 – par voie d’exception : 44 Contrôle de légalité : 5 Contrôle parlementaire : 35, 36, 37 Cour de cassation : 44 Cour de justice de la République : 30 Cour pénale internationale : 22, 30 D Décentralisation : 2, 3 Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : 6, 9, 18, 43, 45 Déconcentration : 2 Décret-loi : 16, 41 Défenseur des droits : 48 Défenseur du peuple : 46 Délégation parlementaire : 35 Démocratie : 45 – semi-directe : 13 Droit d’amendement : 34 Droit d’initiative populaire : 46

Droit de dissolution : 6, 8, 15, 16, 17, 20, 21, 23 Droit de veto : 24, 37, 44 E État : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 12, 13 – confédérations d’États : 3 – État composé : 3 – État fédéral : 2, 3, 7 – État régional : 3 – État unitaire : 2, 3, 14 État de droit : 4, 5, 8, 44, 46 Étude d’impact : 34 Évaluation des politiques publiques : 36 Exception d’inconstitutionnalité : 41, 44, 46 Exécutif : – bicéphale : 15, 19 – dualiste : 26 – moniste : 26 – monocéphale : 15 F Filtrage : 35, 44 G Garantie des droits : 4, 46 – droits et libertés fondamentaux : 4, 5, 9, 43 – liberté individuelle : 1, 3 Gouvernement : 18, 25, 26, 27 – de cabinet : v. régime parlementaire – de Vichy : 16, 17 H Haute Cour de justice : 22, 30 I

Impeachment : 8 Incompétence négative : 40 Initiative populaire : 50 Investiture : 17 L Loi : – constitutionnelle : 11, 18, 33, 43 – domaine de la loi : 40, 41 – fondamentale : v. notion de Constitution – procédure législative : 33, 34 – référendaire : 33, 38, 45 Loi-cadre : 17 M Mandat : 21 – impératif : 8, 12 – national : 14 – représentatif : 8, 12 Médiateur de la République : 46, 48 Motion de censure : 15, 20, 29 O Ordonnance : 16, 24, 41 P Parlement : 19, 23, 25, 31, 32, 43, 46, 49 Pétition citoyenne : 42 Pouvoir constituant : 7, 10, 16, 17, 24, 34, 43, 45 – dérivé : 7 – originaire : 7, 38, 45 Pouvoir de révision : v. pouvoir constituant dérivé Préambule : 6 – de la Constitution du 27 octobre 1946 : 17, 18, 43, 44 – de la Constitution du 4 octobre 1958 : 18, 43, 44

Premier ministre : 18, 19, 23, 24, 25, 26, 44, 46 Procédure d’irrecevabilité : 33, 41, 43 Proposition de loi : 35 Président de la République : 16, 18, 19, 21, 23, 37, 42, 45 – durée du mandat 21, 22 – élection : 20 – pouvoir de nomination : 37 – pouvoirs partagés : 24, 46 – pouvoirs propres : 23 – responsabilité : 22 Président du Conseil : 16, 17 Présidentialisme : 19, 20, 23, 46 Q Qualité de la loi : 34 Question de confiance : 17, 23, 29 Question préalable : 44 Question préjudicielle : 44 Question prioritaire de constitutionnalité : 44 R Référendum : 8, 10, 11, 18, 22, 23, 46, 39 Régime d’assemblée : 17 Régime parlementaire : 8, 15, 16, 19, 46 – dualiste : 15, 16 – moniste : 15, 16 – orléaniste : v. régime parlementaire dualiste – rationalisé : 15, 17, 28, 29, 46 Régime présidentiel : 8, 15 Régime représentatif : 8, 12 Règlement autonome : 40 Règlement des assemblées parlementaires : 35 République : – forme républicaine du gouvernement : 7, 10, 16 – IIIe République : 6, 7, 16

– IVe République : 17 – Ve République : 18 – régime républicain : 16 Résolution parlementaire : 34 Responsabilité : – du président de la République : v. président de la République – pénale des ministres : 30 – politique du gouvernement : 8, 15, 16, 23, 26, 28, 29 Révision constitutionnelle : 6, 7, 11, 18, 21, 45, 46 S Sécurité juridique : 4, 9, 44 Sénat : 16, 31, 32, 33, 46 Séparation des pouvoirs : 4, 5, 8, 9, 15, 20, 23 – rigide : 8, 15 – souple : 8, 15 Souveraineté : 1, 8 – nationale : 6, 12, 13, 14, 36, 46 – populaire : 8, 12, 21 – transferts de souveraineté : 13 Suffrage : 8 – suffrage universel : 14, 17, 19, 20, 25 Supraconstitutionnalité : 4, 7, 9, 45 T Traité : 7, 46 V Vote bloqué : 26, 33