Etudes Marketing Appliquées DUNOD [PDF]

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Zitiervorschau

PERFORMANCE INDUSTRIELLE

Marketing

MARKETING COMMUNICATION

Communication

ANIMATION DES HOMMES • RH VENTE DISTRIBUTION

Éric Vernette Marc Filser Jean-Luc Giannelloni

GESTION FINANCE DIRECTION CONSEIL

ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

ÉRIC VERNETTE

De la stratégie au mix : analyses et tests pour optimiser votre action marketing Aujourd’hui, certains managers remettent en cause l’intérêt des études marketing. Le consommateur, tour à tour malin ou volatil, expert ou opportuniste, fantôme ou omniprésent, serait devenu un objet d’étude insaisissable. Cet ouvrage présente, avec rigueur, mais en adoptant un ton délibérément pédagogique et pratique, une panoplie d’études marketing performantes. ១ les études stratégiques : – motivations d’achat et critères de choix d’un produit – techniques de segmentation d’un marché – méthodes pour positionner un produit et prévoir les ventes ១ les études appliquées aux variables du marketing-mix : – produit, marque, prix, communication et distribution De nombreux exemples d’application et cas pratiques enrichissent les présentations techniques. Les managers marketing, les praticiens des études, les étudiants en master et formation continue qui s’engagent dans une fonction marketing trouveront les éléments nécessaires à la construction et au développement de leurs compétences professionnelles actuelles et futures.

6660153 ISBN 978-2-10-004766-6

www.dunod.com

Professeur à l’IAE de l’Université de Toulouse I. Auteur de nombreux ouvrages et articles scientifiques, en marketing et dans le domaine des études. MARC FILSER

Professeur à l'IAE de Dijon. Ses recherches et publications portent sur le comportement du consommateur et les canaux de distribution. JEAN-LUC GIANNELLONI

Professeur à l’Institut de Management de l’Université de Savoie. Ses travaux portent sur la psychologie de la consommation, notamment appliquée à l’éco-consommation.

ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES



É. VERNETTE M. FILSER J.-L. GIANNELLONI

FONCTIONS DE L’ENTREPRISE

Études marketing appliquées De la stratégie au mix : analyses et tests pour optimiser votre action marketing Éric VERNETTE Marc FILSER Jean-Luc GIANNELLONI

limVernette.fm Page I Mardi, 18. décembre 2007 6:13 18

Études marketing appliquées

limVernette.fm Page II Mardi, 18. décembre 2007 6:13 18

limVernette.fm Page III Mardi, 18. décembre 2007 6:13 18

Études marketing appliquées

De la stratégie au mix : analyses et tests pour optimiser votre action marketing

Eric VERNETTE Marc FILSER Jean-Luc GIANNELLONI

limVernette.fm Page IV Mardi, 18. décembre 2007 6:13 18

Conseiller éditorial : Christian Pinson

© Dunod, Paris, 2008 ISBN 978-2-10-0536405

Vernette.Livre Page V Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Table des matières

Introduction

1

CHAPITRE 1 ■ Déroulement d’une étude marketing Cadrage d’une étude marketing Cerner le problème L’étude documentaire : établir et valider le diagnostic Choisir une approche Le projet d’étude Gestion d’un appel d’offres Mise en œuvre de l’étude marketing Terrain Analyse des données Conclusions Nomenclature des études Les grandes catégories d’études de marché Les études de stratégie marketing et de marketing mix

3

PARTIE

CHAPITRE 2

4 4 8 10 12 14 16 16 20 22 22 22 29

I – Les études stratégiques

Recenser les désirs, motivations d’achat, et expériences de consommation Que veut-on étudier ? Pulsion Besoin Désir Motivation Expérience Classement des méthodes qualitatives ■

V

35

36 36 37 38 40 41 42

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

Investigation en profondeur Entretien individuel en profondeur Groupe de réflexion Observation Mesures directes (observation non participante) Ethnographie et netnographie Ethnométhodologie Recueil de récits et d’images Récits d’achat Chaînes moyens-fins Récits d’expériences Photographies expérientielles Métaphores

43 43 48 50 51 53 56 58 58 59 62 67 68

CHAPITRE 3 ■ Identifier les critères de choix d’un produit Problématique du choix d’un produit Comportement d’achat Attributs et critères de choix Étapes du processus d’identification Recenser les critères de choix potentiels Grille répertoire de Kelly Citation directe Autres méthodes Sélectionner les critères de choix Méthode d’auto-évaluation de l’importance Questionnaire dual Delphi-leader Coefficients de régression partiels standardisés Quelle méthode retenir ? Analyse comparative Recommandations

75

CHAPITRE 4 ■ Segmenter un marché Les étapes d’une étude de segmentation La formulation du problème à étudier Le choix d’une méthode de segmentation La détermination de la méthode de collecte et d’analyse des données L’exploitation opérationnelle des résultats

VI

76 76 78 81 82 82 85 87 88 88 92 95 100 104 104 105 109

112 112 114 115 118

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TABLE DES MATIÈRES

Les critères de segmentation Les critères comportementaux Les critères explicatifs des comportements Le choix des critères de segmentation La méthode du Khi-deux La méthode de détection automatique des interactions (AID) Typologies et méthodes de datamining Les bases de données développées par l’entreprise L’élaboration de typologie par des critères empiriques a priori Principes des méthodes de datamining La segmentation par les bénéfices consommateurs

119 119 120 121 122 126 127 128 128 130 131

CHAPITRE 5 ■ Choisir un positionnement Fondements stratégiques préliminaires Définir des frontières de marché : deux stratégies possibles Quels outils pour définir les frontières de marchés ? Identifier les scénarios d’usage et l’ensemble de considération Identifier les positions : l’analyse multidimensionnelle des similarités et des préférences Présentation générale de la méthode Nature et collecte des données Analyse des données Prolongements analytiques : l’analyse de préférence globale et le point idéal Prolongement stratégique : l’ensemble de considération (CATEGORISATOR) Reconstruire les positions : approche par composition Analyse des correspondances et positionnement Analyse d’un positionnement par les modèles multi-attributs Positionner au moyen du modèle attente-valeur

141

CHAPITRE 6 ■ Prévoir les ventes Méthode d’évaluation de potentiel Méthodes documentaires Méthodes d’estimation fondée sur l’expertise Méthodes d’analyse des données historiques Méthodes de décomposition Les méthodes de lissage La méthode de Box et Jenkins et ses prolongements

VII

143 143 145 148 151 151 152 157 168 171 176 177 181 183 187

189 189 189 192 193 201 203

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

Méthodes fondées sur l’expérimentation Les plans d’expérience Les marchés tests PARTIE

CHAPITRE 7

204 205 211

II – Les études pour optimiser le marketing-mix Études du nouveau produit

215

Panorama et aspects méthodologiques Objectifs des tests de produits Réalisation du terrain : questions les plus fréquentes (FAQ) Test de concept Objectif Mise en œuvre du terrain Analyse des données Évaluation des résultats Tests sensoriels Objectif Méthodologie Applications spécifiques Tests hédoniques, attitude et usage Nomenclature des tests Méthodologie

216 216 218 225 225 226 232 232 234 235 236 239 240 240 241

CHAPITRE 8

247





Études de marque

Création du nom de marque Techniques de création Validation du nom Audit des composantes d’une marque Notoriété Image de marque Noyau central et système périphérique d’une marque Personnalité de marque Diagnostic global de la marque Attachement Confiance Satisfaction Capital de marque (brand equity)

VIII

248 248 252 253 253 254 261 264 268 268 269 270 278

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TABLE DES MATIÈRES

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CHAPITRE 9 ■ Études de prix Approche cognitive : la connaissance des prix De quel prix parle-t-on ? Évaluation de la mémorisation du prix Approche perceptuelle : le jugement d’un prix Évaluer la sensibilité au prix du consommateur : le prix psychologique Comprendre les arbitrages entre le prix et les autres critères de choix d’un produit : les mesures conjointes Évaluer le prix des attributs : prix hédonique et supplément à payer Approche comportementale : le choix selon le niveau de prix Élasticité : les variations des choix en fonction du niveau de prix Expérimentation : les choix selon les combinaisons de prix avec d’autres facteurs Simulation de marché : anticiper les choix futurs selon les prix et les produits disponibles sur le marchés CHAPITRE 10 ■ Études de communication Évaluer l’efficacité publicitaire Qu’est-ce qu’une communication efficace ? Le point de vue « macro » Panorama des mesures de l’efficacité publicitaire Les pré-tests publicitaires Les post-tests publicitaires Évaluer l’efficacité promotionnelle Pré-tests et expérimentations Modélisation des impacts promotionnels sur données de panels Évaluer l’efficacité du parrainage Caractéristiques et mode d’influence du parrainage Mesures d’efficacité du parrainage Annexe au chapitre 10 Indicateurs d’efficacité et de sélection des médias CHAPITRE 11 ■ Études de distribution Implantation du point de vente Problématique Contraintes juridiques Analyse de bases de données géographiques Modélisation

IX

281

282 282 283 285 285 293 300 304 304 306 309 315

316 316 317 320 323 327 334 335 338 344 344 349 361

361 365

367 368 369 371 372

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

Étude de la zone de chalandise La description de la zone de chalandise L’analyse de la zone de chalandise Mesurer l’attractivité d’une enseigne L’approche analytique de l’image de l’enseigne L’approche holiste de l’image de l’enseigne Optimiser l’assortiment et la rotation des stocks Analyse des panels de distributeurs Gestion des catégories Allocation d’espace dans le linéaire

381 381 384 387 388 389 391 392 398 400

Conclusion générale

405

Index

407

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Introduction

Chapitre1 : Déroulement d’une étude marketing

1re partie : Les études stratégiques

2e partie : Les études pour optimiser le marketing-mix

Chapitre 2 : Recenser les désirs, motivations d’achat et expériences de consommation Chapitre 3 : Identifier les critères de choix d’un produit Chapitre 4 : Segmenter un marché Chapitre 5 : Choisir un positionnement Chapitre 6 : Prévoir les ventes Chapitre 7 : Études du nouveau produit Chapitre 8 : Études de marque Chapitre 9 : Études de prix Chapitre 10 : Études de communication Chapitre 11 : Études de distribution

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Plan de l’ouvrage

UEL manager marketing n’a pas rêvé d’être un voyant « extralucide », capable de comprendre, d’évaluer et d’anticiper son marché ? La vie professionnelle de notre homme s’apparenterait alors à un long fleuve harmonieux, prévisible et bien paisible. Imaginer un monde où l’on connaîtrait, avec précision et certitude, les désirs, les motivations, les expériences et les critères de choix utilisés par les consommateurs pour acheter un produit… Un univers où l’on déterminerait les ventes futures avec une grande précision, où le manager saurait exactement faire le produit attendu par le marché, celui qui se vendrait avec profit, parce qu’il aurait trouvé le « juste » prix, communiqué efficacement et proposé le bon produit au bon moment et au bon endroit… Utopie marketing ou monde cauchemardesque ? Dans un environnement marketing caractérisé par une mondialisation constante des marchés, une diffusion massive des technologies en ligne, une obsolescence de plus en plus rapide des produits, une volatilité de la demande, il est aujourd’hui de bon ton chez certains managers de remettre en cause,

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

voire de dénigrer, la fiabilité et la validité des études marketing. « À quoi bon interroger le consommateur, il ne pourra, au mieux, nous apporter que quelques gazouillis sans grande portée pratique… », entend-on parfois dans les couloirs de l’entreprise… Pourtant, l’ambition des études marketing appliquées est de pouvoir apporter les éclairages, les plus fidèles et les plus lumineux possibles, nécessaires à l’homme de marketing pour faciliter ses choix. Nous entendons par étude marketing « la mise en œuvre d’un ensemble de techniques de collecte et de traitements d’information ayant pour objectif de mieux connaître un marché, dans le but de réduire l’incertitude des décisions marketing ultérieures ». Mais s’il est clair que les études ne suppriment pas le risque mais contribuent à le réduire, quelles réponses peuvent-elles raisonnablement apporter au marketing ? L’objectif de cet ouvrage, délibérément orienté vers la décision marketing, est de proposer au manager des solutions techniques adaptées à chaque type de problème marketing. Pour cela des choix ont dû être opérés. Ainsi nous n’approfondirons pas les aspects méthodologiques propres à « l’ingénierie » globale d’une étude de marché, tels que l’échantillonnage, la conception d’un questionnaire, les analyses et traitements statistiques. Nous présenterons simplement et brièvement l’essentiel de ces dispositifs techniques, nécessaires au bon déroulement d’une étude, dans le premier chapitre. En contrepartie, nous avons voulu nous centrer prioritairement sur les préoccupations courantes de l’homme de marketing en structurant l’ouvrage en deux grandes parties. La première présente dans cinq chapitres successifs les études focalisées sur la décision stratégique. Le chapitre 2 recense les études visant à mettre à jour les désirs, les motivations et les expériences du consommateur. Le chapitre 3 montre comment identifier les critères de choix d’un produit. Le chapitre 4 présente les techniques de segmentation d’un marché, le chapitre 5 exposant les méthodes pour positionner un produit. Le chapitre 6 passe en revue les principaux outils de la prévision des ventes. La seconde partie récapitule les techniques d’études capables d’orienter les décisions propres à la construction d’un marketing-mix. Nous verrons ainsi les études de produit (chapitre 7), les études de marque (chapitre 8), les études de prix (chapitre 9), les études de communication (chapitre 10) et finirons par les études de distribution (chapitre 11).

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CHAPITRE 1

Déroulement d’une étude marketing

Chapitre 1 : Déroulement d’une étude marketing

Cadrage d’une étude marketing Mise en œuvre de l’étude marketing Nomenclature des études

1re partie : Les études stratégiques 2e partie : Les études pour optimiser le marketing-mix

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Plan du chapitre

étude marketing bien conçue et correctement mise en œuvre apporte au manager les informations nécessaires pour faciliter la prise de décision. Ces éléments ne suppriment pas le risque inhérent à toute décision, mais ils contribuent à en réduire fortement l’incertitude. La réussite d’une telle étude repose sur une architecture délicate qui s’articule autour de quatre séquences qui serviront de trame à ce chapitre (voir figure 1.1). • Séquence 1 : cadrage. Les réflexions préalables permettent au chargé d’étude de traduire le problème initial du manager en questions d’étude, puis de rédiger le projet d’étude. • Séquence 2 : terrain. Les informations nécessaires sont recueillies selon le plan prévu. La nature des instruments de collecte et le nombre de personnes interrogées différent selon les approches, car leurs objectifs et hypothèses ne sont pas les mêmes.

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NE

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

Cadrage

Terrain Approche qualitative

Approche quantitative Analyse

Conclusions

Figure 1.1 – Les quatre séquences d’une étude marketing

• Séquence 3 : analyse. Les données collectées sont traitées de façon appropriée pour répondre aux questions qui ont été à l’origine de l’étude. • Séquence 4 : conclusions. Elles sont consignées dans un rapport écrit, généralement présenté par oral aux demandeurs de l’étude. Les résultats essentiels sont mis en avant et parfois prolongés par une recommandation marketing. Le cadrage est probablement la phase la plus délicate, car il ne peut s’appuyer, à la différence des autres séquences, sur des techniques rassurantes. Il nécessite une bonne coopération entre les partenaires de l’étude. Nous l’approfondirons dans un premier temps, puis passerons en revue les opérations de mise en œuvre, avant de clôturer ce chapitre par une présentation des différentes catégories d’études.

Cadrage d’une étude marketing Un chargé d’étude expérimenté sait combien il est parfois paradoxalement difficile de comprendre précisément le problème à résoudre. En effet, les questions d’un manager marketing sont souvent trop larges et ne peuvent être directement traduites en questions d’étude. L’homme de l’art doit d’abord cerner le problème managérial qui lui est présenté, puis établir et valider le diagnostic, en réalisant éventuellement une étude documentaire. Enfin, il choisit une approche et rédige le projet d’étude, en procédant, le cas échéant à un appel d’offres auprès des instituts d’études marketing (voir figure 1.2).

Cerner le problème La compréhension du problème suppose une bonne connaissance des préoccupations des différents partenaires, puis une interprétation des questions managériales et une reformulation de celles-ci en termes d’objectifs d’étude.

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DÉROULEMENT D’UNE ÉTUDE MARKETING

Questions managériales Questions d’études Diagnostic Étude documentaire

Cadrage

Projet d’étude Appel d’offres

Terrain Approche qualitative

Approche quantitative Analyse

Conclusions

Figure 1.2 – Les opérations de cadrage d’une étude marketing

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➤ Préoccupations des différents partenaires 1

Trois catégories de personnes sont concernées : le client, le chargé d’étude et le décideur. • Le client : c’est le manager (directeur ou cadre d’une entreprise privée, d’une administration ou d’une association) qui est à l’origine de la décision de « faire une étude ». Les instituts d’études préfèrent parler d’« annonceur ». Ses compétences marketing varient sensiblement selon sa formation et son expérience ; ses connaissances techniques en matière d’étude sont, la plupart du temps, très succinctes. Son métier consiste à prendre, dans des délais souvent très courts, des décisions tactiques (« Faut-il ajouter un nouveau coloris ? ») ou stratégiques (« Quelle cible est la plus réceptive pour le nouveau produit ? »). • Le chargé d’études : c’est le réalisateur, responsable de la construction du plan d’étude et de sa mise en œuvre. Il peut appartenir au service d’étude interne du client ou être membre d’un institut spécialisé dans les études marketing. En tant qu’expert, son rôle consiste à sélectionner, parmi un grand nombre de techniques, celle qui résout le mieux le problème posé, puis à expliquer, le plus clairement possible, les conclusions marketing que l’on peut tirer des résultats. 1. Dans la réalité, les préoccupations sont plus complexes, car influencées par les stratégies personnelles des acteurs, d’où le cas fréquent de « pseudo-études » ou d’études « parapluie » ; sur ce point, voir : Sole A. (1993), « L’information aide-t-elle la décision ? », Revue Française du Marketing, 142-143, p. 89-96.

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

• Le décideur : c’est le destinataire des résultats. Il attend de l’étude des réponses simples pour optimiser la prise de décision. C’est fréquemment le client de l’étude, mais ce n’est pas nécessairement le cas : par exemple, un directeur marketing souhaite convaincre la direction générale que son projet de nouveau produit est rentable en étayant son plan marketing par des prévisions de ventes solides. ➤ Questions managériales et questions d’étude

La première valeur ajoutée du chargé d’étude est d’aider le manager marketing à clarifier sa demande par un jeu de questions successives qui délimitera progressivement le champ de la future étude. Il s’agit de faire prendre conscience au manager que l’on ne peut pas répondre correctement, en une seule étude, à toutes les facettes d’une question, à plus forte raison, si celle-ci est vague. Ainsi, une préoccupation managériale courante (« Existe-t-il un marché potentiel pour mon nouveau produit ») est en réalité fort complexe pour le chargé d’étude, car de nombreux angles d’étude sont possibles, et à chaque angle, une ou plusieurs solutions techniques sont envisageables (figure 1.3). Question managériale

Existe-t-il un marché potentiel pour un nouveau produit ?

Objectifs d’étude envisageables

Techniques d’étude possibles

• Tester les réactions des consommateurs à l’idée • Tester la compostion du produit • Estimer le taux d’essai et de réachat

• Test de concept • Test de formule • Marché-test simulé • Marché témoin

• Connaître les concurrents

• Analyse de la concurrence directe et indirecte

• Connaître les attentes des consommateurs

• Identifier les bénéfices recherchés par les consommateurs • Étude de segmentation

• Détecter les forces et faiblesses de la marque

• Étude du capital de marque • Analyse des images de marque des concurrents

• Déterminer un prix de vente

• Test de prix psychologique • Relevé de prix des concurrents • Marché-test simulé

Source : Vernette É. (2006), Techniques d’études, 2e éd., Vuibert, p. 9.

Figure 1.3 – Problème managérial et objectifs d’étude

D’autres exemples sont proposés dans l’encadré 1.1. Le site web de l’institut Ipsos part d’un problème classique de politique produit en distinguant deux situations : lancement d’un nouveau produit et gestion d’un produit existant ; puis, il éclate chaque cas en une dizaine de questions d’études, puis invite

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DÉROULEMENT D’UNE ÉTUDE MARKETING

enfin le visiteur à cliquer sur chaque item pour découvrir la solution technique proposée pour répondre à la question. On découvre dans un second temps que les différents modules d’un modèle de marché-test simulé (ici Designor) permettent de répondre à ces questions. ENCADRÉ 1.1

Questions d’études envisageables pour orienter la politique marketing de produit

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Questions que vous pourriez avoir sur vos nouveaux produits 1. – Quel est le volume potentiel pour mon nouveau produit en extension de gamme ou en remplacement ? Pourquoi ? Que devrais-je faire pour améliorer les ventes prévues ? 2. – Comment mon extension de gamme va-t-elle impacter mes produits vedettes ? 3. – Quel volume de ventes cette extension va-t-elle dérober à mes produits actuels ? Comment puis-je minimiser cette cannibalisation ? 4. – Quel prix maximisera mon chiffre d’affaires ou mon profit pour le produit ? 5. – De quel support marketing, et en quelle quantité, ai-je besoin pour réussir ce lancement dans le cas d’une extension de gamme ou d’un remplacement ? 6. – J’ai planifié peu (ou pas du tout) de budget publicitaire pour mon nouveau produit. Comment puis-je avoir une estimation précise de celui-ci ? 7. – J’ai une prévision de volume pour mon nouveau produit, mais la visibilité de mon packaging en rayon n’a pas fait l’objet d’un test de volumétrie. Comment puis-je savoir si mon packaging est suffisamment bon pour le lancement, quel volume cela me coûtera-t-il si celui n’est pas correct, et quel volume supplémentaire puis-je obtenir en l’améliorant ? 8. – Comment le nouveau produit influencera-t-il mes produits récemment lancés ? Comment devrais-je réagir ? 9. – Comment améliorer le positionnement de mon concept pour améliorer les ventes ? 10. – Laquelle des différentes idées de nouveaux produits représente la meilleure opportunité pour notre entreprise et quelle est son ampleur ? 11. – Quels sont les attentes et les besoins des consommateurs et comment procèdent-ils pour choisir une marque ? 12. – Comment ma marque est-elle perçue par les consommateurs ? Et par rapport aux leaders ? Comment puis-je me différencier ? Comment optimiser mon positionnement ? Existe-t-il un créneau que je pourrais viser ? 13. – Quels produits pour quels segments ?

Questions que vous pourriez avoir sur vos produits actuels 1. – Comment puis-je allouer mes budgets pour accroître mon efficacité marketing ? Comment puis-je améliorer mon retour sur investissement, mes ventes et mon profit pour mon portefeuille de marque et pour chaque marque ? 2. – Pourquoi je perds des ventes et comment arrêter cela ? 3. – Quel volume de ventes puis-je obtenir en relançant ma marque ?

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

4. – Quel sera l’impact sur les ventes d’un changement de packaging ? Mon packaging est-il suffisamment visible et peut-il être amélioré ? Mon packaging enrichit-il mon image et mon capital de marque ? 5. – Quel serait l’impact sur mon volume de vente et profit d’un changement de prix ? Quelle est la bonne stratégie de prix ? 6. – Sur quel item pourrais-je me différencier et obtenir un avantage compétitif durable ? Quelles perceptions les consommateurs ont-ils de ma marque ? Quelle est ma valeur ? Que devrait dire ma communication publicitaire ? 7. – Sur quels marchés puis-je étendre ma marque ? Comment ? Quel serait le potentiel de ventes de cette extension ? Source : D’après Ipsos. Novaction, 2005.

L’étude documentaire : établir et valider le diagnostic Le diagnostic marketing doit déjà avoir été établi en amont, car il ne relève pas de la responsabilité de l’homme d’étude. Il est indispensable pour orienter l’étude dans la bonne direction. Un ou plusieurs entretiens entre le client et le chargé d’étude permettent de caler correctement le futur projet. Ces échanges font le point sur l’existant (résultats des études antérieures, préoccupations prioritaires, existences d’incertitude) et les contraintes éventuelles de la future étude. Ils délimitent le périmètre de l’étude, les axes prioritaires d’investigation, tout en éliminant les pistes qui ne sont pas souhaitées par le client. En l’absence de diagnostic, ou en cas de doute sur sa validité, ou encore si les informations fournies sont insuffisantes, le chargé d’étude doit réaliser une étude préliminaire, de type documentaire. Cette technique s’appuie sur des informations déjà disponibles et les remanie pour éclairer le problème d’étude. Appelée desk-research par les Anglo-Saxons, l’étude documentaire synthétise plusieurs sources d’informations, plus ou moins hétérogènes, directement accessibles à partir du bureau de chargé d’étude 1. Elle poursuit deux objectifs majeurs : évaluer le potentiel d’un marché et cerner les acteurs d’un marché. Le premier renvoie au domaine de la prévision des ventes qui sera abordée dans le chapitre 11, le second se décline en deux sous-objectifs complémentaires : • comprendre la culture et le métier du client. Les valeurs, l’organisation de l’entreprise sont généralement proclamées dans la documentation interne, le site Web, les rapports d’activités, les publicités, les catalogues et brochures produits, les interviews dans la presse spécialisée. Le chargé d’études peut interroger quelques distributeurs ou experts pour affiner son jugement. Une visite des points de vente permet de relever les prix de vente de l’entreprise et ceux des concurrents, le linéaire attribué, les promotions, etc. ; 1. Pour aller plus loin, voir Sansaloni R. et Audras M., (2001), Les études marketing documentaires : transformez votre documentation en information stratégique, Dunod.

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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

DÉROULEMENT D’UNE ÉTUDE MARKETING

• comprendre le marché du client. Le plus souvent, le chargé d’étude n’est pas un spécialiste du domaine d’activité de l’entreprise. L’étude préliminaire lui permettra de se familiariser avec un vocabulaire technique pour bâtir le questionnaire, de connaître les différentes gammes de produits et marques concurrentes, d’identifier les réseaux de distribution, les arguments de vente. La connaissance des statistiques globales d’un marché (part de marché, chiffres d’affaires, tendances, etc.) est utile pour apprécier les forces et faiblesses marketing de l’entreprise. Les sources d’information sont dorénavant pratiquement toutes accessibles sur Internet, par l’intermédiaire d’un moteur de recherche. Il suffit de taper un nom de marque, une phrase ou une série de mots-clés pour repérer les documents accessibles. Ceux-ci sont téléchargeables gratuitement ou avec une contrepartie financière. On peut compléter la recherche en posant des questions sur les forums de discussion, chat ou listes de diffusion. Il existe trois types de sources documentaires : – les sources publiques, parapubliques et organisations internationales (Eurostat, Insee, Chambres de commerce, douanes, Banque de France, Chambres syndicales des entreprises, Cob) sont quasi gratuites. Elles fournissent la plupart des données économiques, sociales et démographiques, complétées par des analyses d’un grand nombre de secteurs d’activité ; – les sources privées (associations professionnelles, instituts, consultants, etc.) sont nombreuses et difficiles à cerner. Citons, parmi d’autres, quelques sociétés d’études spécialisées : Bipe, Credoc, Dafsa, Data-Eco, Dun & Bradstreet, Euromonitor, Eurostaf, Svp, Xerfi… À noter que la plupart des instituts d’études marketing proposent des compilations documentaires toutes prêtes qui couvrent la quasi-totalité des marchés et produits (voir figure 1.4). Ces études coûtent en moyenne de 100 à 3 000 €, certaines d’entre elles pouvant atteindre 8 000 €. Enfin, plusieurs instituts spécialisés proposent dans leur catalogue, l’accès en ligne (moyennant un abonnement assez onéreux) à la quasi-totalité des publications des revues scientifiques et professionnelles de marketing : ABI-Inform, Ebsco, Sciencedirect ; – enfin différents annuaires et ouvrages 1 répertorient les banques de données et serveurs offrant des sources utiles aux études ou à la recherche marketing, tel le guide des sources Internet édité par l’Adetem.

1. Giannelloni J.L. et Vernette É., (2001), Études de marché, Dossier guide des sources Internet pour l’étude marketing, p. 527-539 ; Evrard Y, Pras B. et Roux E., (2003), Market, 3e éd., Dunod, p. 86-93.

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

Figure 1.4 – Exemple de site Internet spécialisé sur les études marketing documentaires

Choisir une approche Après avoir délimité le périmètre d’investigation le chargé d’étude doit choisir une approche pour résoudre le problème posé. ➤ Approche qualitative

L’étude marketing qualitative cherche prioritairement à répondre aux questions « Pourquoi ? », « Comment ? », « Dans quelles conditions ? ». On explore un domaine pour clarifier une situation jugée complexe. Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, les études qui mettent à jour les désirs, les motivations et les freins d’un achat rentrent dans cette catégorie ; de même, l’observation et la restitution des expériences de consommation s’inscrivent dans cette perspective. La spécificité de la démarche qualitative est de privilégier l’investigation en profondeur, longue et méticuleuse, plutôt que de se contenter des réponses rapides et superficielles comme celles obtenues avec un questionnaire standardisé. L’objectif est d’aller au-delà de la rationalité d’un discours pour atteindre le niveau du non-dit, voire l’inconscient (encadré 1.2). Les techniques visent à recueillir des informations plus riches et plus porteuses de sens. Le soubassement théorique de cette approche provient en majeure partie de la psychologie analytique de Jung et de la psychanalyse freudienne. La subjectivité des analyses est clairement revendiquée, car on considère qu’il n’existe

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DÉROULEMENT D’UNE ÉTUDE MARKETING

pas une seule représentation de la réalité, mais des multiples constructions élaborées par chaque observateur qui interprète les faits. Le caractère plausible et explicable d’un fait est plus important que sa généralisation et sa reproductibilité. En conséquence, la taille des échantillons dépasse rarement la vingtaine d’interviewés. ENCADRÉ 1.2

Le passé et l’avenir sont dans l’inconscient « Je parle ici de choses que nous avons vues ou entendues consciemment, et oubliées par la suite. Mais il nous arrive à tous de voir, d’entendre, de sentir, de goûter des choses sans le remarquer, soit parce que notre attention est occupée ailleurs, soit parce que l’excitation transmise par nos sens est trop faible pour laisser en nous une impression consciente. L’inconscient, toutefois, les a notées, et ces perceptions sensorielles subliminales jouent un rôle important dans notre vie quotidienne. Sans que nous nous en rendions compte, elles ont une influence sur la façon dont nous réagissions devant les événements et les hommes. » C.G. Jung, (1964), Essai d’exploration de l’inconscient, Gallimard, coll. Folio essai, p. 51 et 54-55.

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➤ Approche quantitative

L’objectif majeur des études marketing quantitatives est de décrire, de simplifier, d’expliquer ou de synthétiser des attitudes, des comportements. Elles répondent à des questions du type : « Qui consomme quoi ? », « Combien ? », « Quand et où ? », « Qu’est-ce qui explique le plus, le mieux ? », « Qu’est-ce qui est le plus représentatif, qui résume le mieux ? » L’approche quantitative facilite la décision car elle permet de dénombrer, de hiérarchiser, de visualiser ou de résumer les informations collectées. Par abus de langage, ces techniques sont souvent appelées sondages, alors que, d’un point de vue statistique, le sondage n’est qu’une procédure de constitution de l’échantillon. Les hypothèses sous-jacentes trouvent leurs racines dans le courant positiviste : la réalité est considérée comme objective, unique et extérieure au chercheur. Il est possible de mesurer un phénomène ; la mesure est indépendante de l’observateur, elle doit être reproductible. L’étude quantitative recherche la représentativité des résultats : on généralise, avec une marge d’erreur que l’on se fixe, pour l’ensemble de la population étudiée, ce qui a été observé au niveau de l’échantillon. Les contraintes des lois statistiques conduisent à des tailles d’échantillon variant entre 200 et 2 000 personnes, selon le degré de précision souhaité. Cependant les pressions budgétaires des clients peuvent réduire sensiblement ces seuils théoriques. Les études de segmentation (chapitre 4), de positionnement (chapitre 5) et de prévisions des ventes

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

(chapitre 6) sont de nature quantitative ; les études de prix (chapitre 9) et de distribution (chapitre 12) rentrent dans cette même catégorie. ➤ Synthèse

Les approches qualitatives et quantitatives ne sont pas forcément opposées. Ainsi, l’identification des critères de choix d’un produit convoque des méthodes qui relèvent des deux démarches (chapitre 3) ; les études produits (chapitre 7), de marque (chapitre 8), de communication (chapitres 10 et 11) s’inscrivent dans cette même perspective. De plus, dans la pratique, les deux approches sont souvent combinées en cas d’objectifs multiples. Par exemple, on dégrossit d’abord le problème par une étude qualitative et l’on pondère ensuite les informations par une démarche quantitative. L’investigation qualitative est alors une étape exploratoire, préalable à la démarche quantitative. La figure 1.5 compare les deux approches. Approche

Qualitative

Quantitative

Objectifs

Énumérer. Explorer. Comprendre. Interpréter.

Décrire, identifier. Prédire. Hiérarchiser, pondérer. Visualiser, résumer.

Questions d’étude

Pourquoi ? Comment ? Dans quelles conditions ?

Qui consomme quoi ? Quand ? Combien ? Quelles variables expliquent (le plus, le mieux) ? Comment résumer le mieux possible ?

Hypothèses sous-jacentes

Interprétation subjective et en profondeur des faits. Réalité multiple. Interdépendance des faits et de l’observateur. Rôle de l’inconscient : « tout se passe comme si… »

Faits mesurables, démontrables, vérifiables, reproductibles. Indépendance des faits et de l’observateur. Objectivité.

Limites

Subjectivité. Généralisation des résultats.

Approche en surface. Rationalisation des discours. Mémorisation.

Figure 1.5 – Comparaison des approches qualitative et quantitative

Le projet d’étude Le projet d’étude décrit le plan de travail de la future étude. S’il est réalisé par une société extérieure, c’est un véritable cahier des charges qui précise les prestations proposées, leur coût et la date de livraison des résultats. Il se compose de quatre rubriques.

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DÉROULEMENT D’UNE ÉTUDE MARKETING

➤ Objectifs

On récapitule les questions managériales pour « vendre » l’étude, mais il est recommandé de lister précisément les questions d’études prioritaires qui représentent l’objet de l’étude. Il est souhaitable de se limiter à un maximum de 3 ou 4 objectifs. ➤ Méthodologie

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Elle se décline en trois volets, plus ou moins détaillés selon l’approche retenue : • Définition des principaux concepts étudiés et nature de la démarche d’étude. • Terrain et analyse en cas de démarche qualitative : – nombre d’interviews en profondeur et durée de chaque entretien, – nombre de groupes, effectif de chaque groupe, durée moyenne de la réunion, – thèmes du guide d’entretien et/ou guide d’animation, – procédure de recrutement des répondants, – méthode d’analyse des données. • Terrain et analyse en cas de démarche quantitative : – échantillonnage : définition de la population visée, nombre d’interviews à réaliser, mode de tirage, lieu et date de la collecte des informations, relances prévues, – thèmes envisagés dans le questionnaire, – administration du terrain : téléphone, à domicile, dans la rue, voie postale, Internet. • Méthodes d’analyse des données. ➤ Budget

Dans l’idéal, la nature du problème détermine le budget. Mais il faut reconnaître que, dans la pratique, c’est l’inverse qui prévaut : le budget contraint le plan de l’étude. Voici quelques repères pour établir un budget. • Étude quantitative. Le terrain est le poste le plus coûteux. Il représente à lui seul souvent près de 50 % du coût total de l’étude. L’administration par un enquêteur d’un questionnaire d’une quinzaine de minutes revient de 15 à 30 € selon la méthode. L’entretien à domicile est le mode le plus onéreux, suivi par le téléphone puis la voie postale ; l’Internet est le mode le plus économique. En incorporant les frais fixes de l’institut (préparation, analyse des données et rédaction du rapport), il faut compter un budget de 30 000 à 40 000 € HT pour une étude portant sur 1 000 personnes représentatives de la population française de plus de 15 ans.

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

• Étude qualitative. Un entretien individuel est facturé de 700 à 1 000 € ; une réunion de groupe oscille entre 5 000 et 6 000 €. Le devis type comporte en général une vingtaine d’entretiens individuels ou trois à quatre réunions de groupe, soit un budget moyen compris entre 15 000 et 20 000 € HT. ➤ Délais

Le délai moyen de réalisation d’une étude quantitative comportant un échantillon de 1 000 personnes interrogées à domicile est de 2 à 3 mois. Le mode postal rallonge ce délai d’environ un mois, alors que l’administration du questionnaire par Internet ou par téléphone permet de gagner un bon mois. Pour une étude qualitative standard, il faut compter environ 2 à 3 mois sur la base de 20 interviews en profondeur. Le projet d’étude, puis l’étude elle-même, peuvent être réalisés en interne ou confiés à un institut d’études externe à l’entreprise. La figure 1.6 montre qu’il n’existe pas de solution idéale. D’une manière générale, la sous-traitance convient aux petites entreprises, car elle est économique et offre des compétences qui n’existent pas en leur sein. Pour les grandes entreprises, l’institut extérieur apporte un regard neuf et des compétences spécifiques sur les questions d’études ; il est préférable de maintenir un service d’étude interne, même réduit, car ce dernier conduit à de meilleures négociations avec les consultants et dispose d’une meilleure compréhension des recommandations. Dans presque tous les cas, la gestion des enquêteurs et la passation des questionnaires sont sous-traitées à des sociétés extérieures. Solution

Avantage

Inconvénient

Société extérieure à l’entreprise

Regard neuf Expertise large Flexibilité Économie

Méconnaissance de l’environnement et de la culture de l’entreprise Confidentialité Recommandations inopérantes

Chargé d’étude en entreprise

Capacité de négociation Disponibilité Interprétation des résultats Maîtrise de l’environnement

Expertise limitée Coûts fixes élevés Solutions routinières

Source : Giannelloni J.L. et Vernette É., Études de marché, Vuibert, 2001.

Figure 1.6 – Comparaison entre l’étude interne ou sous-traitée

Gestion d’un appel d’offres Dans le cas d’une étude sous-traitée, l’acheteur procède généralement à une mise en concurrence des instituts, c’est-à-dire à un appel d’offres. Dans un premier temps, l’entreprise liste les objectifs généraux de l’étude, indique les

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DÉROULEMENT D’UNE ÉTUDE MARKETING

délais de réalisation, et le cas échéant, le budget prévu. Chaque institut propose ensuite à l’entreprise un projet d’étude complet, construit spécifiquement pour répondre aux objectifs. On recommande de limiter la consultation à 3 ou 4 instituts, afin de ne pas trop alourdir la phase de sélection. Depuis 1995, le secteur des études s’est fortement concentré, à la suite à de nombreuses fusions et acquisitions. En dépit de cela, de petits instituts subsistent encore en France. Sur le plan mondial, les deux plus grands groupes sont Nielsen et Taylor Nelson Sofres (TNS) (voir figure 1.7). • AC Nielsen été fondé aux USA en 1923 ; il emploie actuellement plus de 20 000 personnes, réparties dans une centaine de pays. En 2001, il a été absorbé par le groupe américain VNU qui détenait déjà Nielsen Média ; ce groupe détient aussi des instituts comme Claritas (marketing direct) et Bases (marché-test simulés). En 2005, une fusion a eu lieu avec IMS, ce qui conforte largement sa place de leader mondial des études. • Taylor Nelson Sofres est un groupe franco-anglais né de la fusion en 1997 de Taylor Nelson AGB et de la Sofres. Cette dernière avait elle-même acquis Secodip (panel) en 1992. TNS a acquis en 2003 l’institut NFO et a conquis la 2e place mondiale en 2004. Il regroupe 10 000 employés. • À noter encore la 5e place mondiale de Gfk, une société allemande spécialisée dans le suivi des biens technologique ; elle est présente dans 50 pays et emploie 5 000 personnes. Ipsos, le premier groupe français, s’est hissé à la 6e place en 2003, grâce à de nombreuses acquisitions et à une forte croissance interne. Top 10 des sociétés d’information marketing

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Rang 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Société

Groupe coté en bourse

ACNielsen/Nielsen Media TNS IMS GfK Group Kantar Group Ipsos IRI Synovate Westat Arbitron

VNU Taylor Nelson Sofres IMS Health GfK Group WPP Group Ipsos Information Resources Inc. Aegis Westat Arbitron

CA 2005 en millions de dollars 3 538 1 803 1 755 1 311 1 237 965 624 603 420 310

Source : Marketing News, August 2006

Figure 1.7 – Classement mondial des instituts d’études

Après consultation des différents projets d’études concurrents, l’entreprise choisit celui qui lui semble le plus performant et signe un contrat de prestations de services avec le vainqueur. Le Syntec Études, association professionnelle

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

française regroupant les instituts spécialisés, propose la liste des éléments qui devraient figurer explicitement dans tout contrat d’étude, pour faciliter la comparaison de la qualité des différentes prestations 1. ENCADRÉ 1.3

Les rubriques d’un contrat d’étude marketing 1. Indication du nom et des qualités du responsable de l’étude. 2. Clause de confidentialité, indication de la propriété des documents de travail, des fichiers et des résultats. 3. Nombre d’interviews et leur durée moyenne. 4. Mode de recrutement des interviewés (précautions prises pour éviter les répondants « professionnels »), montant de l’indemnisation (cas des réunions de groupe). 5. Modalités de recrutement et de contrôle des enquêteurs. 6. Moyens mis en œuvre : logiciels, salles de réunion, vidéo, etc. 7. Détails des analyses et traitement prévus (mise à disposition éventuelle des sorties informatiques). 8. Engagement sur la date de livraison. 9. Prix et modalités de règlement. Source : D’arpès Syntec Études

Mise en œuvre de l’étude marketing Nous récapitulerons brièvement quelques principes généraux de collecte et d’analyse des informations, leur présentation détaillée sortant du champ de cet ouvrage 2. La figure 1.8 présente les principales phases. Les chapitres suivants reviendront néanmoins sur les spécificités de collecte et d’analyse de certains instruments d’études marketing.

Terrain ➤ Terrain quantitatif

La réalisation d’un terrain se décompose en deux parties : préparation et réalisation. 1. Guide pratique de la qualité en études de marché, et Guide des relations annonceurs et société d’études : Syntec – Études de marché, 3 rue Léon Bonnat, 75016 Paris, tel. : 01 44 30 49 20 ; consultable sur le site www.syntec-etudes.com. 2. Les manuels de base sont référencés dans la bibliographie en fin de chapitre : Évrard Y., Pras B. et Roux E., (2003), Market, 3e éd., Dunod ; Giannelloni J.L. et Vernette É., (2001), Études de marché, Vuibert, 2e éd. ; Malhotra N., Decaudin J.M. et Bouguerra A., (2004), Études marketing avec SPSS, Pearson Education, 4e éd..

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DÉROULEMENT D’UNE ÉTUDE MARKETING

• Préparation La préparation commence par une réflexion de nature statistique qui comporte trois temps : – Définition de la base de sondage : elle est constituée de l’ensemble des fichiers disponibles qui décrivent le plus exactement possible la population mère : cette population cible visée par l’étude est composée de tous les individus jugés « éligibles », parce qu’ils possèdent les caractéristiques statistiques recherchés. Par exemple, les médecins généralistes établis en ville peuvent être considérés comme éligibles pour une étude commandée par un laboratoire pharmaceutique.

Terrain qualitatif Guide d’entretien

Guide d’animation

Entretiens en profondeur

Réunions de groupe

Réflexions préalables Terrain quantitatif

Terrain de l’étude

Rédaction Questionnaire Pilotage

Taille Base Tirage

Administration Analyse des données

Conclusions et recommandations

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Figure 1.8 – La séquence terrain d’une étude marketing

– Détermination de la taille de l’échantillon. Comme nous l’avons vu, le budget disponible contraint l’effectif de l’échantillon. Pourtant, les contraintes statistiques devraient l’emporter, car la précision d’une estimation dépend principalement de la taille de l’échantillon. Un effectif de 1 000 personnes donne une estimation d’environ ± 2 points. Si la notoriété d’une marque est de 20 % dans l’échantillon, cela veut dire que ce score oscillera entre 18 et 22 % dans la population mère.

Pour doubler la précision (autrement dit, pour diviser par deux l’amplitude de la fourchette d’estimation), il faut, toutes choses égales par ailleurs, multiplier par quatre la taille d’échantillon. Dans l’exemple précédent, il faudrait interroger 4 000 personnes si l’on souhaite une précision de ± 1 point. La plupart du temps, les effectifs des études quantitatives sont compris entre 800 et 2 000 personnes.

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

– Tirage de l’échantillon. Normalement, seules les méthodes aléatoires, c’est-à-dire celles qui procèdent à un tirage au sort des individus, garantissent une bonne validité pour la généralisation des résultats de l’échantillon. Mais il faut disposer d’un fichier nominatif et exhaustif regroupant tous les individus appartenant à la population mère. Dans la pratique, la méthode par quota, plus souple, donne des résultats jugés équivalents. Le quota fixe à l’avance le nombre de personnes à interroger, en fonction de critères de représentativité jugés pertinents, généralement de type sociodémographique (âge, sexe, PCS). On retrouve ainsi dans l’échantillon les mêmes pourcentages, pour chaque modalité des critères, que ceux existant dans la population mère. La préparation se poursuit par la rédaction d’un questionnaire fermé : toutes les possibilités de réponse ont été prévues à l’avance, le répondant coche la ou les réponses qui conviennent le mieux. Il faut éviter, sauf exception, les réponses ouvertes, c’est-à-dire la possibilité pour le répondant de répondre en utilisant ses propres mots. En effet, ce procédé est coûteux à traiter et n’apporte, la plupart du temps, que des informations superficielles ou banales. Les questions fermées nécessitent des modalités d’enregistrement des réponses : c’est le rôle de l’échelle. Ce choix est délicat, parce que la nature de l’échelle contraint l’analyse des données. L’encadré 1.4 montre les changements de formulation selon l’échelle, pour une étude d’image de marque d’un téléphone mobile. ENCADRÉ 1.4

Différents types d’échelles de mesure 1. – Choix dichotomique « Diriez-vous que votre téléphone mobile Sagem est robuste ? »

❏ Oui

❏ Non

2. – Choix multiple (QCM) « Quels sont les qualificatifs qui vous semblent décrire le mieux votre téléphone mobile Sagem (une ou plusieurs réponses possibles) : » ❏ Robuste

❏ Fragile

❏ Esthétique

❏ Laid

❏ Performant

❏ Limité

3. – Classement par rangs « Classez les marques suivantes en mettant le rang 1 à celle qui vous semble la plus robuste, et ainsi de suite » Sagem : rang n˚…

Nokia : rang n˚…

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Samsung : rang n˚…

LG : rang n˚….

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DÉROULEMENT D’UNE ÉTUDE MARKETING

4. – Sémantique différentielle « Où situeriez-vous la marque Sagem sur l’échelle suivante ? » Robuste

❏❏❏❏❏❏❏❏❏❏

Fragile

5. – Likert « Indiquez votre degré d’accord ou de désaccord avec la proposition suivante : mon téléphone Sagem est robuste » ❏ Tout à fait en désaccord ❏ Plutôt en désaccord ❏ Ni d’accord, ni en désaccord, ❏ Plutôt en désaccord ❏ Tout à fait en désaccord.

6. – Supports sémantiques « Comment jugez-vous la solidité de votre téléphone mobile Sagem ? » ❏ Extrêmement mauvaise ❏ Mauvaise ❏ Moyenne ❏ Bonne ❏ Extrêmement bonne.

La formulation des questions est un art difficile. Les erreurs les plus courantes sont liées à l’imprécision et à l’ambiguïté des questions. C’est le cas lorsque plusieurs interprétations de la question sont possibles. « Diriez-vous que c’est une musique d’enfer ? », est une question mal formulée, car une musique jugée « d’enfer » peut évoquer, selon les personnes, quelque chose de génial ou de détestable.

De même, les mots techniques (jargon) ou sophistiqués, les formes interronégatives (« Ne pensez-vous pas que… ») ou les doubles négations (« Êtesvous en désaccord avec le fait de ne pas voter ? ») sont à éviter.

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Certaines échelles peuvent en outre suggérer la réponse. Les répondants surpondèrent les attributs rationnels (prix, consommation, robustesse…) par rapport aux attributs subjectifs (esthétique, statut social…) lorsqu’ils sont interrogés sur le choix d’une voiture. La peur d’être jugé par l’enquêteur, l’utilisation de mots connotés négativement (« interdire », « détruire », etc.) produisent des réponses biaisées vers des positions plus neutres ou ouvertes. Enfin, certains sujets d’étude conduisent à des réponses biaisées, parce qu’ils sont considérés comme tabous par un grand nombre d’interviewés : religion, argent, hygiène et santé, alcool, sexe, etc. L’interviewé tend à donner une réponse socialement acceptable, plutôt que ses opinions propres. Les techniques d’étude qualitative sont préférables pour ce type de sujets. En dernier lieu, la compréhension et la longueur du questionnaire doivent être pré-testées sur un échantillon d’une dizaine de personnes. Le chargé d’étude donne simplement pour instruction de commenter à voix haute chaque question et de dire ce que l’on a compris.

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

• Réalisation La réalisation du terrain est l’administration des questionnaires par le réseau d’enquêteurs auprès des personnes éligibles. Quatre méthodes sont envisageables : – face-à-face : le questionnaire est passé au domicile du répondant ou dans la rue. Le premier mode convient aux questionnaires dont la durée est supérieure à 15 minutes, mais il se heurte à une difficulté d’accès de plus en plus grande. La rue ne convient qu’aux questionnaires très courts (5 minutes) ; – téléphone : il convient pour les questionnaires courts (moins de 10 minutes). En développement régulier, ce mode souffre de la concurrence des opérations de vente directe par téléphone qui tendent à réduire son acceptation par les répondants ; – Internet : c’est le mode le plus rapide ; il autorise toutes les formes possibles de questionnements 1. La diffusion de l’Internet dans la population facilite son développement, tout en réduisant les biais de la base de sondage ; – postal : un mode qui ne convient qu’aux questionnaires longs ; les faibles taux de retour (de 1 à 10 %) nécessitent des envois en nombre important et la location d’adresses postales. ➤ Terrain qualitatif

La préparation du terrain est facilitée par la faiblesse de la taille des échantillons et par l’absence du souci de représentativité. Il n’existe pas de questionnaire, mais un guide d’entretien ou d’animation (voir chapitre 2). L’essentiel des efforts porte sur le recrutement des répondants. En effet, compte tenu de la longueur des entretiens individuels (en moyenne une heure) et des réunions de groupe (une demi-journée), il est indispensable de planifier les interviewes. On observe une véritable « professionnalisation » des répondants, liée à la rémunération offerte par les instituts pour leur participation.

Analyse des données La figure 1.9 énumère quelques techniques utilisables selon l’approche retenue. Là encore, nous renvoyons le lecteur aux ouvrages spécialisés pour une présentation des différentes méthodes. Leur connaissance sera nécessaire pour une bonne compréhension des méthodes qui seront présentées dans les chapitres suivants. 1. Ganassali S. et Moscarola J., (2004), « Protocoles d’enquêtes et efficacité des sondages par Internet », Décisions Marketing, 33, p. 63-75 ; Galan J.P. et Vernette É., (2000), « Vers une quatrième génération : les études de marché on line », Décisions Marketing, 19, p. 39-52.

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DÉROULEMENT D’UNE ÉTUDE MARKETING

Réflexions préalables Analyses qualitatives Analyse de contenu Analyse textuelle Analyse factorielle des correspondances

Terrain de l’étude

Analyse des données

Analyses quantitatives Tris Tests Analyses multivariées Corrélation Expérimentation

Conclusions et recommandations

Figure 1.9 – Séquence d’analyse de données

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➤ Analyse quantitative

Le chargé d’étude saisit l’ensemble des données dans des logiciels spécialisés dans les traitements statistiques (SPSS, SPAD, SAS, Sphinx). De plus en plus fréquemment, cette opération est réalisée lors de la collecte des données : l’enquêteur saisit lui-même les réponses des interviewés avec l’aide d’un terminal informatique de type CAPI (Computer Assisted Personal Interwieving) ou CATI (Computer Assisted Telephone Interviewing). Les analyses se répartissent en trois grandes familles de complexité croissante : • Tris à plat et croisés : dans le premier cas, on calcule les pourcentages associés à chaque modalité d’une variable : par exemple, le pourcentage de personne qui a répondu « Oui » ou « Non » à la question Q1. Le tri croisé combine les modalités de deux variables prises deux à deux : par exemple, on calcule les pourcentages de « Oui », puis de « Non », à la question Q1 selon le sexe des répondants. • Analyses univariées ou bivariées : les tests de différence de moyenne ou de pourcentage, le test d’ajustement du χ2, la corrélation et la régression simple rentrent dans cette catégorie. • Analyse multivariée : elle prend simultanément en compte un ensemble de variables. Elle permet de synthétiser un grand nombre d’informations (analyse factorielle), de visualiser les individus et les variables dans un plan (analyse des similarités), de répartir les individus dans des groupes (typologie), de dégager des relations de dépendance (régression et corrélation multiple) ou de causalité (expérimentation, analyse de variance). ➤ Analyse qualitative

Contrairement à l’analyse quantitative, le traitement des données qualitatives se fait manuellement la majeure partie du temps. L’analyste dispose fréquemment

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

de connaissances en psychologie. La subjectivité est clairement revendiquée comme principe d’interprétation des données. Cette quête intuitive du sens n’est pas sans risque pour le décideur marketing, surtout si elle dérive vers un ésotérisme hasardeux. Pourtant, nous verrons dans les chapitres 2 et 3 que la démarche d’analyse qualitative est solide et fort utile, à condition de respecter les principes fondamentaux de l’approche et de faire preuve de transparence dans la restitution des résultats.

Conclusions Dernière séquence de l’étude marketing, les conclusions de l’étude s’appuient sur les analyses des données. Elles sont rassemblées dans le rapport d’étude que le chargé d’étude remet au client. Ce document, d’un volume de 30 à 100 pages, est structuré de la manière suivante : 1. page de couverture : titre de l’étude, nom du responsable, date et nom de l’institut ; 2. résumé et sommaire (détaillé et paginé) ; 3. rappel des objectifs de l’étude ; 4. fiche méthodologique (elle peut être renvoyée en annexe) ; 5. résultats : organisés autour des grands thèmes de l’étude, ils s’agrémentent de tableaux de chiffres, de graphiques ; des synthèses régulières mettent en avant les résultats clés qui se dégagent des analyses ; 6. conclusions : elles doivent répondre le plus clairement possible, et point par point, aux questions qui sont à l’origine de l’étude. À ce stade, le chargé d’étude ne suggère pas explicitement une décision au manager : il se contente d’indiquer par exemple que « 55 % de la cible A est favorable ou très favorable au concept et seulement 20 % pour la cible B ». Implicitement, il suggère un arbitrage en faveur de la cible A, mais ce choix appartient au manager, car bien d’autres éléments peuvent intervenir dans la décision finale.

Nomenclature des études Cette section présente dans un premier temps les grandes catégories de produits d’études marketing, puis regroupe les études en fonction de la nature de l’objectif marketing poursuivi.

Les grandes catégories d’études de marché Les sociétés de conseil en étude de marché proposent cinq grandes catégories de prestations de services que nous allons successivement détailler (voir figure 1.10).

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DÉROULEMENT D’UNE ÉTUDE MARKETING

Type d’études

Fréquence

Échantillon

Questionnaire

Ad hoc

Omnibus

Unique

Variable d’une étude à l’autre

Variable d’une étude à l’autre

Un seul client

Répétitif

Identique ou variable d’une étude à l’autre

Variable d’une étude à l’autre

Plusieurs clients Achat de ses propres résultats

Répétitif

Identique d’une étude à l’autre

Beaucoup de questions Identique d’une étude à l’autre

Plusieurs clients Achat de ses résultats et de ceux de la concurrence

Baromètre

Répétitif

Variable d’une étude à l’autre

Quelques questions Identique d’une étude à l’autre

Plusieurs clients Achat de ses résultats et de ceux de la concurrence

Marché-test

Unique

Variable d’une étude à l’autre

Identique d’une étude à l’autre

Un seul client

Panel

Clients

Source : Giannelloni J.L. et Vernette É. (2001), Études de marché, Vuibert, p. 30.

Figure 1.10 – Comparaison des produits d’études marketing

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• Étude ad hoc. De nature qualitative ou quantitative, cette étude est réalisée pour le compte d’un seul client et faite « sur-mesure » ; elle est conçue pour répondre à des questions d’études spécifiques à l’acheteur. Le coût d’achat moyen d’une étude quantitative comportant un échantillon de 1 000 personnes varie de 30 000 à 40 000 € HT ; pour une étude qualitative standard (20 entretiens semi-directifs ou 3 réunions de groupe), le budget à prévoir est d’environ 15 000 € HT. • Étude omnibus. Étude de type quantitatif, elle est réalisée en souscription, à date régulière. Chaque client pose une ou plusieurs questions : le questionnaire regroupe l’ensemble des interrogations des acheteurs. Par exemple, les cinq premières questions concerneront les attitudes des répondants visà-vis de marques de voiture, les dix suivantes porteront sur leurs chanteurs préférés, etc. Les données recueillies sont livrées analysées. Il n’est pas possible d’obtenir les résultats propres aux questions posées par les autres souscripteurs. L’omnibus convient aux études simples comportant peu de questions. La facturation se fait à la question : il faut compter de 1 000 à 1 500 € HT par question (selon le mode d’administration et le nombre de questions posées) sur la base d’un échantillon de 1 000 personnes représentatif de la population française. • Étude barométrique. Étude à caractère quantitatif, elle est réalisée comme l’omnibus à date fixe, mais avec un questionnaire identique d’une étude à l’autre. Elle est de nature longitudinale : les variables observées et la base de

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

sondage sont les mêmes à chaque vague d’étude. Le baromètre est généralement réalisé en multi-souscription, c’est-à-dire que plusieurs clients se regroupent pour acheter les résultats, ce qui réduit le prix de revient de l’étude. Le baromètre convient pour les études de satisfaction ou de notoriété, pour mesurer la popularité des hommes politiques, ou encore pour suivre la croissance globale d’un marché (voir encadré 1.5). ENCADRÉ 1.5

Baromètre TNS Sofres du e-commerce Objectifs Savoir à quel rythme augmente le nombre d’acheteurs en ligne en France. Déterminer à qui profite la croissance des secteurs marchands. Comprendre les évolutions du e-commerce et du profil de l’acheteur en ligne.

Méthodologie L’étude a été réalisée auprès de 10 028 acheteurs en ligne, interrogés en juin 2004 sur leurs achats effectués entre novembre 2003 et juin 2004. Elle a été conduite en deux temps : une étude de cadrage réalisée par téléphone auprès d’un échantillon représentatif de 1 000 internautes interrogés du 26 au 30 avril 2004, et une étude réalisée via un questionnaire en ligne, menée entre le 12 mai et le 11 juin 2004 sur les achats effectués au cours des six derniers mois auprès d’un échantillon représentatif de 10 028 acheteurs en ligne. Au total, ce sont 180 sites Web, 12 secteurs d’activité et 9 sous-secteurs qui ont été étudiés.

Résultats 1. – Constat : une accélération de la croissance du e-commerce Principal enseignement : le nombre d’acheteurs en ligne a progressé de 38 % en un an. Une croissance qui profite surtout aux sociétés nées avec Internet. 46 % des internautes déclarent avoir acheté en ligne entre novembre et juin 2004. En juin 2003, ils représentaient 36 % de la population des internautes, soit une croissance de 28 % sur un an. D’ici la fin de l’année 2004, nous pensons qu’1 internaute sur 2 achètera en ligne. En un an, la population des internautes ayant augmenté de 8 %, le nombre des acheteurs en ligne a augmenté également : on observe donc une croissance réelle de 38 % du nombre d’acheteurs en ligne en France, entre 2003 et 2004. 2. – À qui profite la croissance ? À la question, « Quels types de produits avez-vous acheté en ligne au cours des 6 derniers mois ? », on constate de très grands écarts entre 2003 et 2004 selon le type de biens concernés. Si la part des acheteurs de billetterie a augmenté de 82 %, celle des acheteurs de livres et bandes dessinées a, quant à elle, baissé de 11 % sur la même période. En juin 2004, 2 % des acheteurs en ligne déclaraient avoir payé pour télécharger un morceau de musique. Cette partie sera étudiée en 2005. La croissance du nombre d’acheteurs sur Internet empiète largement sur certains réseaux de distribution traditionnels. Ainsi, 57 % des acheteurs en ligne de billets d’avion, 52 % des acheteurs

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DÉROULEMENT D’UNE ÉTUDE MARKETING

en ligne de CD ou de DVD, achètent plus souvent ces produits sur Internet qu’en magasin ou en agence de voyages. La croissance profite surtout aux sociétés nées avec Internet, qui attirent de plus en plus d’acheteurs sur leurs sites marchands, et commencent à se substituer aux acteurs historiques et traditionnels sur certains secteurs du e-commerce (comme les produits culturels, les loisirs ou bien l’équipement de la maison). Ces secteurs connaissent des croissances bien plus rapides que les autres, pour lesquels un réseau de magasins reste encore un atout, comme pour les produits alimentaires ou les produits de beauté par exemple. La faible importance accordée à un réseau de distribution physique en complément d’un site Internet explique en partie la croissance de ces acteurs Internet. C’est particulièrement le cas pour les jeux vidéo : 59 % des acheteurs de ce type de produits en 2003, puis 65 % en 2004, considèrent qu’il n’est pas vraiment important ou pas du tout important qu’un site marchand de jeux vidéo ait un réseau de magasins off line comme c’est le cas par exemple pour la Fnac. Ainsi, en 2004, les trois leaders des secteurs « Image & Son », « Matériel informatique », ou « CD DVD » sont des « pure players », des sociétés créées avec Internet et qui ne possèdent pas de réseau de distribution physique. De la même manière, sur le secteur du voyage, les acteurs traditionnels du tourisme tardent à rattraper des acteurs comme Opodo ou Lastminute, bien ancrés en tête des différents palmarès. Alors quelle sera demain la réaction des sociétés traditionnelles comme Darty, Conforma ou But face aux sites marchands leaders ? Les réseaux physiques de distribution constituent-ils autant de freins au développement des ventes en ligne de ces différentes enseignes ?

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Source : D’après http://www.tns-sofres.com/redir.asp?file=secteurs/sesame /ss_ecommerce, Tns-Sofres Baromètre e-commerce, 2004.

• Panel. C’est une investigation approfondie réalisée périodiquement pour le compte de plusieurs clients. Les interviewés sont identiques d’une vague d’enquête à l’autre. Les résultats s’achètent par tranches et il est possible de connaître les résultats obtenus par les concurrents. Un panel est l’archétype de l’étude quantitative. Fondé sur un plan de sondage minutieux, il s’appuie sur des échantillons importants comportant de 5 000 à 20 000 personnes. Ces panels sont construits et gérés par les plus grands instituts d’études marketing (Nielsen, TNS-Secodip, GfK). On distingue quatre grands types de panel : – panel consommateurs : l’échantillon est composé de foyers et/ou d’individus, – panel distributeur : chaque point de ventes (hyper ou super) représente un « individu » (appelé unité en langage statistique), – panel test : l’échantillon intègre les foyers et le point de vente et l’exposition aux publicités télévisées ; il sert de marché test pour optimiser le marketing mix avant le lancement d’un nouveau produit et tout au long des différentes phases de son cycle de vie. Nous présenterons ainsi au passage un exemple d’application du panel Behavior Scann dans le chapitre 10 consacré aux études de communication,

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TNS (Sofres)

Métascope

Auto-administration des questionnaires, voie postale (complément par téléphone). Cumuls mensuels, trimestriels et semestriels. 80 % de taux de retour des questionnaires

Saisie électronique à domicile (scannette : terminal optique) + saisie manuelle du prix, quantités, lieux d’achat, budget total, date, promotion. Envoi quotidien (par modem).

Carte d’identification lors du passage en caisse + saisie électronique à domicile (homescanner : terminal optique). Envoi quotidien (par modem), cumuls mensuels, trimestriels et annuels. Livraison des résultats 19 jours après la fin de période.

Collecte des données

Figure 1.11 – Les grandes catégories de panels

Source : adapté et actualisé de Giannelloni J.L. et Vernette É. (2001), Études de marché, Vuibert, p. 30.

30 000 foyers (80 000 individus) 7 000 communes. 27 % de taux de remplacement annuel

Achat produits courants non alimentaire et services : optique, jouets, livres, montres, pneus, location voiture, banque assurance, tourisme. Attitude et usage produits grande consommation.

TNS (Secodip)

AC Nielsen

Consoscan

Homescan

12 000 foyers, 5 500 communes, 11 000 lieux de ventes, 1, 4 millions code EAN (référence-produit).

Panels de consommateurs

Échantillons

Comportement d’achat : alimentation, entretien, hygiène, beauté, textile (1, 4 millions références en codebarres).

Orientation

8 500 foyers, couplage possible avec Scantrack (192 points de ventes).

Instituts

Comportement d’achat : alimentation, entretien, hygiène, beauté, textile.

Types et noms des panels

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

GfK

Nielsen

Scantrack

MS Retail

TNS (Iri-Secodip)

Instituts

Infoscan

Types et noms des panels

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180 hypermarchés, 320 supermarchés, + pharmacies.

66 hypers, 35 grands magasins, 260 grandes surfaces spécialisées.

Produits de grande consommation (alimentaire, hygiène, beauté, textile, bricolage, etc.)

Produits durables (électronique grand-public, multimédia, micro, téléphonie, consoles, DVD, CD, photo, optique, électroménager, bricolage, jardinage).

Figure 1.11 – Les grandes catégories de panels (suite)

Source : adapté et actualisé de Giannelloni J.L. et Vernette É. (2001), Études de marché, Vuibert, p. 30.

Lecture optique lors du passage en caisse. Codification spécifique de certains produits. Cumuls ventes adapté selon le cycle d’achat : bimestre, mois, semaine.

Lecture optique lors du passage en caisse, supports informatiques et enquêteurs pour relever les têtes de gondoles, les linéaires, les promotions et les ruptures de stock. Cumuls ventes hebdomadaires et mensuels. Livraison résultats entre 5 et 12 jours après la période.

Collecte des données

Lecture optique lors du passage en caisse. 150 enquêteurs (suivi hebdomadaire des promotions).

Panels de distributeurs

Échantillons

450 points de vente (190 hypers, 260 supers), 800 000 codes-barres actifs.

Orientation

Produits grande consommation avec code-barre (alimentaire, hygiène, beauté, textile).

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DÉROULEMENT D’UNE ÉTUDE MARKETING

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Ipsos

Access Panel

Grande consommation.

Lecture optique en caisse couplée avec carte d’identification du consommateur. Lieux : Sens, Château-Thierry et Brive

Distributeurs : couverture exhaustive des hypers et supers dans les viles. Consommateurs : 3 000 à 4 000 foyers selon les villes Réseau TV hertzien.

Voie postale. Périodicité annuelle

Voie postale, téléphone et automate d’appel a

10 000 individus, 750 marchés, 7 000 marques. 30 000 foyers, 63 000 individus.

Panels-Accès libre

Lecture optique en caisse couplée avec carte d’identification du consommateur. Durée : 16 à 24 semaines. Lieu : Angers et Le Mans.

Collecte des données

Distributeurs : 9 dans chaque zone test (95 % ventes de la zone test). Consommateurs : 4 000 foyers par zone test avec TV par câble.

Panels-tests

Échantillons

Figure Figure1.11 1.11––Les Lesgrandes grandescatégories catégoriesde de panels panels (suite) (fin)

Source : adapté et actualisé de Giannelloni J.L. et Vernette É. (2001), Études de marché, Vuibert, p. 30.

a) L’appel est géré automatiquement par ordinateur couplé avec un logiciel de synthèse vocale et de reconnaissance de la parole ; sur cette technique, voir Delacotte O. et Vernette É., (1996), « Sondages automatisés : la troisième génération de collecte des données », Décisions Marketing, 7, p. 87-93.

TNS-Sécodip

Simm

Grande consommation.

TNS (Iri-Secodip)

Scannel

27 secteurs (alimentaire, hygiène, biens durables, services, etc.). Audience médias (presse, télé, radio, cinéma).

Grande consommation.

GfK (50 %) et Médiamétrie (50 %)

Behaviorscan (MarketingScan)

Orientation

Instituts

Types et noms des panels

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

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DÉROULEMENT D’UNE ÉTUDE MARKETING

– panel en accès libre (Open Access) : un échantillon permanent de très grande taille permet de suivre des cibles de consommateurs très étroites qui sont interrogées « à la demande », selon leur appartenance à la base de sondage de l’étude. L’analyse des résultats fournis par les vagues successives des panels rythme la vie du chef de produit marketing. Elle suppose une bonne compréhension des indices de base ; nous en présenterons brièvement les plus courants dans le chapitre 11 consacré aux études de distribution 1. Le coût d’un abonnement à un panel varie de 15 000 à 100 000 € HT, selon le nombre de marques suivies et la complexité des marchés. Les principaux panels proposés par les instituts d’études sont détaillés dans la figure 1.11. • Marché-test simulés (MTS). Cette étude, de nature quantitative, est faite pour le compte d’un seul client. Elle prévoit les ventes et parts de marché d’un nouveau produit. On applique un modèle de type économétrique aux données, recueillies par questionnaire, pour prévoir les ventes futures. En extrapolant ces résultats, on estime les ventes futures avec une précision moyenne de l’ordre de ± 10 %. Designor (Ipsos-Novaction), Bases (Nielsen), sont quelques exemples de ces produits. Nous aborderons brièvement ces modèles dans le chapitre 6 consacré à la prévision des ventes et verrons un court exemple pour tester l’efficacité d’une promotion dans le chapitre 10 2. Le devis moyen oscille entre 30 000 et 80 000 € HT, selon le nombre de variables contrôlées et la durée du test.

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Les études de stratégie marketing et de marketing mix Les études stratégiques apportent les informations nécessaires pour fixer les grandes orientations marketing de l’entreprise : elles se focalisent prioritairement sur l’étude de la demande (motivation, désirs, expérience de consommation, critère de choix d’un produit), de la vision du marché concurrentiel (segmentation, positionnement, potentiel de vente). Les méthodes ou modèles permettant de répondre à ces différents objectifs sont listés dans la figure 1.12. On remarquera au passage qu’une même méthode peut satisfaire plusieurs objectifs différents. Nous présenterons successivement ces techniques dans les chapitres indiqués dans la colonne de droite.

1. Pour un approfondissement voir notamment Giannelloni J.L. et Vernette É., (2001), Études de marché, op. cit. 2. L’étude des spécificités de ces marchés tests sort du cadre de cet ouvrage. Pour une présentation plus approfondie, voir notamment Le Nagard E. et Manceau D., (2005), Marketing des nouveaux produits, Dunod, chapitre 6.

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

Méthodes ou modèles envisageables

Objectifs d’étude

Voir chapitre(s)

Recenser désirs, motivations d’achat produit ou marque

Entretien semi-directif, groupe de réflexion Chaîne moyen-fins Netnographie, protocoles verbaux Introspection, photographie, métaphore

Chapitre 2

Connaître les expériences de consommation

Entretien semi-directif, groupe de réflexion Observation directe Ethnographie, Netnographie Ethnométhodologie Protocoles verbaux, introspection Phénoménologie, photographie, métaphore

Chapitre 2

Entretien semi-directif Groupe de réflexion

Chapitre 2

Grille répertoire de Kelly, citation libre Auto-évaluation de l’importance Questionnaire dual Delphi-leader Coefficients partiels de régression

Chapitre 3

Mesures conjointes

Chapitre 9

Chaîne moyen-fins

Chapitre 2

Chi-deux AID Data mining Bénéfices consommateur

Chapitre 4

Analyse des similarités (MDS) Point idéal (Prefmap) Analyse factorielle des correspondances Modèle Attente-Valeur

Chapitre 5

Mesures conjointes

Chapitre 9

Analyse documentaire Panel

Chapitre 1

Méthode Delphi-leader

Chapitre 3

Méthode Delphi Analyse de données historiques Expérimentation

Chapitre 6 Chapitres 6 et 10 Chapitre 6 et 9

Panels tests Marché test-simulés

Chapitres 6 et 10

Identifier les critères de choix d’un produit ou d’une marque

Segmenter un marché

Positionner un produit ou une marque

Prévoir les ventes

Figure 1.12 – Stratégie marketing et techniques d’études marketing

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DÉROULEMENT D’UNE ÉTUDE MARKETING

Les informations fournies par les études portant sur la gestion des variables du marketing mix donnent à l’entreprise les moyens de formuler une offre de produits ou de services adéquate aux attentes du marché. On remarquera de la même manière que certaines techniques ou méthodes utilisables pour l’orientation de la stratégie marketing conviennent aussi pour la gestion du marketing mix (figure 1.13). Objectifs d’études

Voir chapitre

Marché test-simulé Panels consommateurs et distributeurs Panel test

Chapitre 1

Entretien semi-directif Groupe de réflexion

Chapitre 2

Tests hédoniques Tests sensoriels Test de concept Test d’attitude et d’usage

Chapitre 7

Choisir un nom de marque Auditer les composantes d’une marque Diagnostic de marque

Test de nom Mesure notoriété Image de marque Noyau d’une marque Personnalité d’une marque Attachement, confiance Satisfaction Capital de marque

Chapitre 8

À quel prix vendre un produit ?

Mémorisation du prix Prix psychologique Mesures conjointes Prix hédonique Élasticité Expérimentation Simulation de marché

Chapitre 9

Évaluer l’efficacité d’une communication (publicité, promotion, sponsoring)

Méthode STAS Mesure notoriété, reconnaissance, image Pré-test et post-tests publicitaires Études expérimentales Modélisation

Chapitre 10

Où implanter un pont de vente ? D’où viennent les acheteurs d’un point de vente ? Quelle est l’attractivité d’une enseigne ? Comment gérer les catégories ?

Base de données géographiques Modélisation Zone de chalandise Mesure d’attractivité d’une enseigne Panels distributeurs et consommateurs

Chapitre 11

Lancer un nouveau produit Manager un produit existant

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Méthodes ou modèles envisageables

Figure 1.13 – Gestion du marketing mix et techniques d’études marketing

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

CONCLUSION Ce premier chapitre avait pour objectif de présenter les grandes séquences d’une étude marketing et de donner au lecteur une vision d’ensemble des grandes catégories d’études et des méthodes qui sont à la disposition du praticien. Nous allons, dans les chapitres suivants, présenter un grand nombre d’instruments, de nature parfois très différentes. Pour guider le lecteur dans ce parcours, nous les avons classés en fonction de leur capacité à résoudre les différentes questions que peuvent se poser les managers marketing. Le prochain chapitre est consacré à l’étude des motivations, désirs et expériences du consommateur.

BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE SUR LES ÉTUDES DE MARCHÉ Niveau initiation CAUMONT D., (2007), Les études de marché, Dunod. DES GARETS V., (1998), Études et recherches commerciales, Economica. FENNETEAU H., (2002), Enquête : entretien et questionnaire, Dunod. FOURNIS Y., (1995), Les études de marché, Dunod. LADWEIN R., (1996), Les études marketing, Economica Poche. VERNETTE E., (2006), Techniques d’études de marché, 2e édition, Vuibert.

Niveau approfondissement ÉVRARD Y., PRAS B. et ROUX E., (2003), Market, 3e édition, Dunod. GIANNELLONI J.L. et Vernette É., (2001), Études de marché, 2e édition, Vuibert. MALHOTRA N., (2004), adapté par DECAUDIN J.M. et BOUGUERRA A., Études marketing avec SPSS, 4e édition, Pearson Education. JOLIBERT A. et JOURDAN P., (2006), Marketing Research, Dunod.

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PARTIE I

Les études stratégiques

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CHAPITRE 2

Recenser les désirs, motivations d’achat, et expériences de consommation

Les études stratégiques Chapitre 2 Recenser les désirs, motivations, expériences de consommation

Que veut-on étudier ? Investigation en profondeur Observation Recueil de récits et d’images

Chapitre 3 Identifier les critères de choix d’un produit Chapitre 4 Segmenter un marché

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Chapitre 5 Choisir un positionnement Chapitre 6 Prévoir les ventes

Plan du chapitre

L

désirs animent l’homme, les motivations le poussent à agir ; l’achat d’un produit ou d’une marque le conduit à évaluer une expérience de consommation. Les études centrées sur ces différents concepts orientent, très en amont, la stratégie marketing. Elles tentent de répondre à une question, simple en apparence, mais en réalité fort complexe : pourquoi un individu achète-t-il un produit ? Comment faire pour qu’une marque réponde le mieux possible aux attentes des acheteurs ? La quasi-totalité des techniques d’études ES

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

marketing qui opèrent à ce niveau sont de nature qualitative. La mise à jour des désirs et motivations et la restitution des expériences de consommation s’inscrivent souvent dans un même mouvement, car le souvenir ou l’anticipation de l’expérience anime le désir et déclenche la motivation. Avant de dresser un large panorama des méthodes qui répondent à ces missions, nous définirons les différents objets d’étude dans une première section ; les méthodes classiques d’investigation en profondeur, puis les techniques d’observation, de recueil de récits et d’images seront ensuite successivement passées en revue.

Que veut-on étudier ? Les concepts de pulsion, besoin, désir et motivation ont largement été étudiés par la psychanalyse. Celle-ci les différencie selon leur caractère dynamique ou statique, et leur relation de causalité. L’expérience de consommation est plus spécifique au marketing. Une connaissance de ces concepts permet un meilleur choix des techniques d’étude et évite des contresens dans l’utilisation des résultats.

Pulsion La pulsion est à l’origine de tout acte. Elle se définit comme une poussée énergétique et motrice qui fait tendre l’organisme vers un but 1. Elle s’articule autour de trois moments : – la source, assimilée au besoin, provoque un état d’excitation à intérieur du corps ; – le but correspond aux différentes solutions envisagées pour supprimer la tension : par exemple, réaliser une possibilité, s’ajuster à la réalité, refouler, décharger, etc. ; – l’objet est l’instrument au moyen duquel la satisfaction est obtenue. La pulsion s’appuie sur une image interne (représentation mentale) qui est contrôlée par le « moi » conscient et provoque une réponse réfléchie ; elle se différencie de l’instinct, dont l’image interne provoque une réaction qui n’est pas contrôlée par la conscience 2. Le concept de pulsion, central dans la pensée freudienne, a subi plusieurs évolutions. Jusque vers 1920, la pulsion est considérée comme d’origine sexuelle, avec une dynamique propre, appelée « libido » ; elle peut être aussi 1. Lagache D., (2005), La psychanalyse, Puf, p. 26. 2. Brenner C., (1975), Éléments fondamentaux de la théorie psychanalytique, Simep Éditions, p. 22-33, cité par Pellemans P., (1998), Le Marketing qualitatif, De Boeck Université, p. 268.

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RECENSER LES DÉSIRS, MOTIVATIONS D’ACHAT, ET EXPÉRIENCES DE CONSOMMATION

liée à la préservation du « moi », avec un risque de refoulement, source de conflit (névrose), provoqué par l’angoisse, la culpabilité ou un idéal moral contraire du moi. Plus tard, Freud distingue la pulsion de vie (Eros) qui renvoie à la conservation de l’espèce et du soi, de la pulsion de mort (Thanatos), de nature destructive.

Besoin Le besoin trouve ses fondements dans le domaine corporel, lorsque l’individu observe un décalage entre un état actuel et un état souhaité ; il se traduit par un état de manque d’une nature et d’une intensité variables. Pour activer la pulsion, ce déséquilibre doit atteindre un niveau d’intensité minimale. La typologie des besoins la plus connue en marketing, proposée par Maslow 1, trouve ses racines dans la théorie freudienne de la maturation des pulsions. Elle se structure en cinq niveaux hiérarchisés ; chaque niveau peut être associé à un stade supérieur de maturation qui n’est atteint que lorsque le précédent a été accompli : – le besoin physiologique (faim, soif ) renvoie à la phase prénatale durant laquelle les besoins vitaux sont intégralement satisfaits ; – le besoin de sécurité correspond à l’angoisse primale qui accompagne la découverte d’une nature bipolaire, lors du stade oral : la mère donne ou ne donne pas à manger, la succion est agréable ou désagréable, l’attente est source de frustration, etc. ;

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– le besoin social (appartenance) accompagne le stade anal durant lequel l’enfant découvre les réactions de son entourage, selon qu’il se conforme ou pas à leurs normes ; – le besoin d’estime et d’affirmation de soi correspond à la période de découverte du corps et de l’opposition masculinité-féminité. Admirer et être admiré, s’identifier et se différencier, sont les actions les plus marquantes de ce stade ; – le besoin d’accomplissement se concrétise par la réalisation de soi. C’est le stade d’intégration du moi et de l’environnement, période durant laquelle l’individu acquiert son autonomie psychologique. L’émergence d’un besoin s’accompagne d’une nuance émotionnelle agréable ou pénible, selon que le moi anticipe une satisfaction ou une frustration. Par exemple, l’anxiété ou l’angoisse accompagneront le besoin de sécurité si l’individu anticipe une frustration. 1. Maslow A., (1954), Motivation and personality, Harper and Row, NY.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Désir Le désir est l’image mentale interne qui répond à la pulsion 1. C’est une modalité spécifique de l’expression d’un besoin, parmi un champ quasi infini de possibilités, permettant à l’individu d’atteindre un but ou un objet particulier. Le contraire d’un désir est l’aversion. La « demande » est l’insertion du désir dans le cadre d’une relation à autrui. Celle-ci ne doit pas être confondue avec le besoin apparent. Ainsi, l’anorexique ne manque pas de nourriture (besoin apparent), mais exprime plus une demande d’amour d’un « Autre » (désir latent). Répondant à une pulsion, le désir peut échapper, en totalité ou en partie, au contrôle du sujet, notamment dans le cas de « consommation passionnée ». Le consommateur s’enflamme alors pour l’objet désiré, tel un mélomane écoutant un concert, un supporteur assistant à un match de son club sportif, un collectionneur opérant dans une salle des ventes, etc. « Le désir est hors contrôle ; c’est quelque chose qui vient en nous, quelque chose qui prend contrôle de nous et domine totalement nos pensées, sentiments et actions. Le désir nous éveille, nous excite, nous titille ; nous bataillons, nous résistons, nous succombons, nous nous rendons à nos désirs. Les consommateurs passionnés sont consumés par le désir. » 2

La différence entre besoin et désir est importante pour le marketing. En effet, la satisfaction d’un même besoin suscite de multiples désirs, variables selon les consommateurs et les situations. Par exemple, la soif (besoin) peut être satisfaite, selon l’individu et la situation, par l’évocation d’images mentales (désirs) fort variées : une fontaine de village, une bière bien fraîche, un thé bouillant, un chocolat crémeux… Dans cette perspective, on admet que le marketing s’appuie sur un besoin préexistant (manifeste ou latent), mais qu’il influence largement la nature des désirs. Le choix d’une catégorie de produit répond à un besoin spécifique, le choix d’une marque et d’un modèle particuliers relèverait du désir. Ce déplacement, subtil, du besoin vers le désir n’est pas neutre. Car, si l’homme peut – en théorie – dominer par la raison son désir, contrairement au besoin, peu d’entre eux arrivent à une telle sagesse, d’où une insatisfaction perpétuelle (voir encadré 2.1).

1. Pellemans P., (1998), Le Marketing qualitatif, De Boeck Université, p. 268. 2. Belk R., Ger G. et Askegaard S., (2003), « The fire of desire : a multisited inquiry into consumer passion », Journal of Consumer Research, 30, décembre, p. 326-351.

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RECENSER LES DÉSIRS, MOTIVATIONS D’ACHAT, ET EXPÉRIENCES DE CONSOMMATION

ENCADRÉ 2.1

Besoin et désir : ce que les philosophes disent au marketing Le discours philosophique tend à privilégier le désir au détriment du besoin. Ainsi, pour Bachelard, « l’homme serait une création du désir, non pas une création du besoin » 1 ; Spinoza affirme que « le désir est l’essence de l’homme » 2, et Sartre précise : « L’homme est fondamentalement désir d’être, et le désir est manque » 3. Le désir relèverait de la conscience humaine, le besoin s’inscrivant plutôt dans la lignée « animale », instinctive, de l’homme. Dans le Banquet, Platon donne un cours de stratégie marketing lorsqu’il constate qu’on n’aime que ce qui manque et que l’on ne désire que ce que l’on ne possède pas : « Ce qu’on n’a pas, ce qu’on n’est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir ». Si l’objet du marketing est de susciter le désir, il ne doit pas s’arrêter là. Car un désir satisfait condamne, paradoxalement, l’homme à l’insatisfaction, puisque dès lors que le manque est comblé, le désir disparaît ; et sans désir, l’homme perd le sens de sa vie. Schopenhauer remarque que « Quand je désire ce que je n’ai pas, cela s’appelle le manque, la frustration, la souffrance : quand le désir est satisfait, ce n’est pas le bonheur, puisqu’il n’y a plus de désir, c’est l’ennui, […] la vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui » 4 ; Comte-Sponville, désabusé, note que « la vue ne peut faire que le bonheur d’un aveugle » 5. Sartre est plus pessimiste : « Le plaisir est la mort et l’échec du désir » 6 ; G.B. Shaw le dit avec humour : « Il y a deux catastrophes dans l’existence : la première, c’est quand nos désirs ne sont pas satisfaits, la seconde, c’est quand ils le sont. »

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Ainsi, le marketing a tout à gagner à renouveler en permanence son offre pour répondre à l’inquiétude permanente du désir, car, par essence, le désir se détruit lui-même dans sa satisfaction. L’innovation constante, la recherche de nouvelles expériences, le réenchantement de la consommation sont nécessaires pour que le désir s’engendre à nouveau. Finalement, Epicure aurait fait un bon chef de produit marketing, lorsqu’il constate : « À propos de chaque désir, il faut se poser cette question : quel avantage résultera-t-il pour moi si je le satisfais, et qu’arrivera-t-il si je ne le satisfais pas ? »

En conséquence, l’exploitation des champs du désir humain reste largement ouverte au marketing. Les recherches confirment la vision philosophique du « désir-manque » ; elles montrent que la dynamique du désir se déroule selon un cycle dont les différentes phases (voir figure 2.1) suscitent des émotions diverses chez le consommateur 7. Ces quatre phases sont les suivantes : 1. 2. 3. 4.

Bachelard G. (1985), Psychanalyse du feu, Gallimard, coll. Folio, p. 39. Spinoza B., Éthique, III, traduction Appuhn C., Garnier-Flammarion, (1965), p. 196. Sartre J.P., (1969), L’Être et le Néant, Gallimard, p. 652. Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, IV, trad. Burdeau-Roos, PUF, (1978), p. 394. 5. Comte-Sponville A., (2000), Le bonheur désespérément, Éditions Pleins Feux, Librio, p. 26. 6. Sartre J.P., (1969), L’Être et le Néant, Gallimard, p. 23. 7. Belk R., Ger G. et Askegaard S., (2003), « The fire of desire : a multisited inquiry into consumer passion », Journal of Consumer Research, 30, décembre, p. 326-351.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

• Imagination : l’objet désiré est visualisé, sa possession est anticipée par différentes rêveries, attributs ou rites substitutifs. Par exemple, l’achat de magazines de voiture ou de moto de luxe permet d’imaginer le bien rêvé ; la lecture de guides ou de romans fait s’envoler vers le pays exotique que l’on désire visiter pour les prochaines vacances. • Attente : des émotions variées et contradictoires surviennent : l’impatience, la difficulté du sacrifice à consentir, la joie anticipée de la future possession de l’objet convoité, l’angoisse du résultat, sans oublier la déception et la frustration si l’espérance se révélait vaine. • Réalisation : après le plaisir – voire dans certains cas, l’euphorie – lié à l’acquisition de l’objet, le désir s’efface plus ou mois rapidement. • Frustration : Une routine s’installe, parfois accompagnée de désillusion ou d’ennui vis-à-vis de l’objet initialement désiré ; le désir d’un autre désir s’installe, source à son tour d’un nouvel imaginaire. 1

2

Imagination (visualisation)

Attente (espérance)

Frustration (reformulation)

Acquisition (réalisation)

4

3

Figure 2.1 – Les séquences du cycle du désir

Il ne faudrait cependant pas considérer que tous les types d’achat suivent un tel cycle, car force est de constater que la plupart d’entre eux ne suscitent aucune passion, notamment les produits courants. Cependant cette approche est intéressante pour comprendre comment fonctionnent les mécanismes du désir, et comment l’homme de marketing peut participer à leur construction.

Motivation La motivation est un état de tension qui met en mouvement l’organisme jusqu’à ce qu’il ait réduit la tension et recouvré son unité 1. C’est une force, une énergie psychique qui pousse l’individu à agir pour réduire le besoin, si le manque ressenti a atteint un stade minimal d’intensité. Elle est régie selon le principe de constance (homéostasie) qui permet à l’organisme de retrouver son équilibre initial lorsqu’il a subi une perturbation. Par exemple, si j’ai faim, la motivation me pousse à manger jusqu’à satiété, de façon à retrouver un état d’équilibre physiologique satisfaisant. 1. Lagache D., (2005), La Psychanalyse, Puf, p. 39-40.

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RECENSER LES DÉSIRS, MOTIVATIONS D’ACHAT, ET EXPÉRIENCES DE CONSOMMATION

La motivation détermine la « conduite », action physiologique ou mentale, qui a pour but de réduire les tensions qui motivent l’individu et lui permettre de réaliser ses possibilités 1. En d’autres termes, la motivation permet à la fois à l’homme de satisfaire un manque et favorise sa croissance psychologique. Des inventaires ont proposé de classer les motivations en les distinguant selon leur nature cognitive et affective 2. • Motivation cognitive. À visée utilitaire, elle oriente la recherche d’information et l’évaluation des marques sur des attributs. D’autres motivations de ce type sont plus proches du développement personnel : recherche d’autonomie, dépassement de soi en visant un objectif lointain, etc. • Motivation affective. Elle s’appuie sur les émotions positives ou négatives qui accompagnent le désir. La recherche du plaisir (hédonisme), la joie d’offrir (fonction oblative), le partage (altruisme), l’affirmation de soi (succès, admiration, identification, etc.) rentrent dans cette catégorie. L’analyse d’une motivation revient à comprendre le « pourquoi » d’un comportement d’achat. Le besoin étant statique, les études préfèrent comprendre la dynamique et la nature des motivations du consommateur, pour permettre au marketing d’influencer le choix d’un produit et d’une marque. Le consommateur n’étant pas nécessairement conscient de ses motivations, les techniques privilégient l’étude de l’inconscient pour mettre à jour les ressorts cachés du comportement (voir figure 2.2).

Motivation Désir Émotion

Pulsion Besoin

Action Expérience

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Instinct Domaine marketing

Figure 2.2 – Domaine des études marketing qualitatives

Expérience Le courant expérientiel irrigue le marketing depuis le milieu des années 1980. La consommation expérientielle est définie comme « un état subjectif de conscience accompagné d’une variété de significations symboliques, de réponses 1. Le marketing se focalise plutôt sur l’expérience ; les deux concepts, bien que proches, ne sont pas réellement substituables. 2. Zalman G. et Wallendorf M., (1979), Consumer Behavior, NY, Wiley, cité par Pellemans P., (1998), Le Marketing qualitatif, De Boeck Université, p. 38-39.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

hédonistes et de critères esthétiques » 1. L’imaginaire, le sentiment (émotion) et le plaisir constituent les soubassements majeurs de « l’expérience » de consommation. Celle-ci présente plusieurs spécificités 2 : – singularité : le consommateur (acteur ou spectateur) perçoit une grande diversité de situations durant l’expérience ; – caractère mémorable : l’aspect inoubliable d’une consommation la transforme en un « épisode » d’une aventure, dont le souvenir influence les autres expériences ; – pouvoir : le consommateur co-produit l’expérience, le plus souvent dans un environnement « aseptisé », mi-réel, mi-artificiel, sans risque, mais qui, paradoxalement, doit être perçu comme authentique. L’expérience produite par l’entreprise doit respecter plusieurs règles 3 : le décor doit être un véritable théâtre, source d’émotions renouvelées ; le produit se dote d’une histoire, ou mieux, s’insère dans une intrigue dans laquelle le consommateur joue son propre rôle. Finalement, l’expérience peut proposer un autre « moi », comme l’émission de télévision Vis ma vie de TF1 où le consommateur joue un rôle, prend la place de quelqu’un d’autre durant une durée déterminée 4. L’identification à une autre personne que soi et l’immersion dans un autre univers (réel ou avatar) sont vécues comme de véritables « expériences » à durée déterminée.

Classement des méthodes qualitatives La figure 2.3 répartit les différentes méthodes qualitatives selon leur capacité à identifier les concepts précédents. L’étude des désirs privilégie les méthodes traditionnelles d’investigation en profondeur (voir section suivante). Les techniques d’études de l’expérience font majoritairement appel aux méthodes d’observation, à l’introspection et au recueil de récits. L’étude des motivations mêle l’investigation en profondeur et les techniques de production de discours et d’images.

1. Holbrook M. et Hirschman E. (1982), « The experential aspects of consumption : consumer fantasies, feelings and fun », Journal of Consumer Research, vol 9, p. 132-140. 2. Bénavent C. et Evrard Y, (2002), « Extension du domaine de l’expérience », Décisions Marketing, 28, p. 7-14. 3. Filser M, (2002), « Le marketing de la production d’expérience », Décisions Marketing, 28, p. 13-22. 4. Dampérat M., Drago P. et Larivet S., (2002), « Vendre l’expérience d’un autre moi », Décisions Marketing, 28, p. 23-32.

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RECENSER LES DÉSIRS, MOTIVATIONS D’ACHAT, ET EXPÉRIENCES DE CONSOMMATION

Méthodes Investigation en profondeur

Désir Entretien individuel Groupe de réflexion

Observation

Netnographie

Récits et images

Protocoles verbaux Introspection Photographies expérientielles Métaphore

Motivation Entretien individuel

Expérience Entretien individuel Groupe de réflexion Observation directe Ethnographie Ethnométhodologie Netnographie

Chaîne moyen-fins Introspection Métaphore

Protocoles verbaux Introspection Phénoménologie Photographies expérientielles Métaphore

Figure 2.3 – Objectifs des études marketing qualitatives

Investigation en profondeur L’entretien individuel et la réunion de groupe sont les méthodes traditionnellement les plus utilisées pour explorer les désirs, les motivations et expériences des consommateurs. Nous allons présenter successivement chacune d’entre elles, en détaillant leurs objectifs et leur mise en application.

Entretien individuel en profondeur ➤ Principes et objectifs

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Le chargé d’études marketing a le choix entre deux types d’entretien : • L’entretien non directif. Ses fondements dérivent des méthodes d’investigation utilisées en psychanalyse, et popularisées par Freud et Jung. Les véritables motivations et les désirs qui orientent l’expérience ou l’achat sont supposés latents, c’est-à-dire enfouis dans les strates inconscientes de la personnalité ; il en est de même pour les freins et inhibitions qui bloquent le comportement. L’objet de l’investigation est d’atteindre ce niveau par un questionnement approprié. L’enquêteur laisse parler le répondant et n’intervient qu’au travers de brèves relances. Les répétitions, les gestes, les silences ou les lapsus des répondants complètent l’interprétation des discours. Pour des raisons de coût, cette forme est peu utilisée dans les études marketing, la durée de tels entretiens dépassant souvent deux heures. • L’entretien semi-directif. C’est la variante la plus courante, car elle permet une plus grande souplesse dans l’entretien, tout en convenant à un large spectre d’objectifs marketing. La durée d’un tel entretien varie de 45 minutes à une heure.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

➤ Mise en œuvre

Un échantillon d’une vingtaine d’entretiens suffit pour couvrir correctement les différentes facettes du sujet de l’étude. La conduite d’un tel entretien s’appuie sur des techniques utilisées en psychologie analytique. Les trois principales recommandations sont les suivantes 1 : • Liberté. Le répondant aborde les thèmes qui lui viennent spontanément à l’esprit, dans l’ordre qui lui convient, en y consacrant le temps qu’il juge nécessaire. L’enquêteur ne commente pas ses propos, ni ne lui coupe la parole. Il intervient le moins souvent possible et ne pose pas de questions directes, laissant le plus souvent ses propos en suspens. En cas de silence prolongé (10 ou 15 secondes), l’enquêteur relance en répétant lentement les derniers mots du répondant. La figure 2.4 présente trois catégories de relance. Types de relance

Objectifs

Exemples

Relance simple

Encourager le répondant

Reprendre les 2 ou 3 derniers mots de l’interviewé et laisser la fin de phrase en suspens.

Relance différée

Revenir sur un point trop rapidement abordé

« Tout à l’heure, vous m’avez dit… » (reprendre 4 ou 5 mots)

Relance interprétative

Clôturer un thème

« Si je vous comprends bien, pour vous, tout se passe comme si…. »

Source : Vernette É. (2006), Techniques d’études de marché, 2e éd., Vuibert, p. 22.

Figure 2.4 – Types de relances d’un entretien en profondeur

• Bienveillance. Une bonne empathie, c’est-à-dire une proximité affective avec le répondant (hochements de tête réguliers, sourires, etc.), une attitude positive et une écoute attentive des propos du répondant sont nécessaires pour un climat favorable. • Enregistrement. L’utilisation d’un magnétophone, complétée par des notes sur l’environnement de l’entretien (impression générale, ambiance, attitude du répondant, etc.) est indispensable pour l’analyse ultérieure des entretiens. Pour aider la production des discours, l’enquêteur dispose d’une trame d’interview, appelée guide d’entretien. Ce document récapitule les grands thèmes qui doivent être abordés. Il s’articule autour de quatre grands temps qui correspondent chacun à une phase de l’interview : 1. Pour un approfondissement : Giannelloni J.L. et Vernette É., (2001), op. cit., p. 86-104 ; Evrard Y., Pras B. et Roux E., (2003), Market, 3e éd., Dunod, p 100-104.

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RECENSER LES DÉSIRS, MOTIVATIONS D’ACHAT, ET EXPÉRIENCES DE CONSOMMATION

• Introduction. L’objectif est d’évacuer les clichés, les stéréotypes qui encombrent l’esprit du répondant. L’enquêteur crée un climat de confiance pour rassurer l’interviewé. Ces informations ne sont pas retenues pour l’analyse, car il s’agit de réponses de façade : le discours est encore trop intellectualisé et rationalisé. « Nous allons parler des émissions de télé-réalité. Vous arrive-t-il d’en regarder ? Comment réagissez-vous quand vos ami(e)s en parlent ? »

• Centrage du sujet. Au bout d’environ une dizaine de minutes, le véritable sujet est introduit. Le guide d’entretien récapitule la liste des points à aborder. Pour cela, on fait raconter une expérience vécue, décrire une situation imaginaire ou se remémorer une émotion forte (agréable ou désagréable). « Racontez-moi la dernière émission que vous avez regardée ». « Quel a été le meilleur (le pire) moment ? » « Supposez que vous soyez invité(e) à faire partie d’une telle émission, comment réagiriez-vous ? » « Qu’est-ce qui vous plairait le plus… le moins… ? »

• Approfondissement. L’enquêteur revient sur les points qui ont été évoqués de façon trop rapide ou incomplète. Il vérifie si tous les thèmes prévus ont été abordés et oriente, le cas échéant, l’entretien dans ces directions. Les relances différées ou interprétatives, les jeux de rôles qui placent la personne interrogée dans une situation imaginaire, facilitent ces restitutions.

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« Tout à l’heure, vous m’avez dit que vous détestiez les émissions de télé-fiction… » ; « Si je vous comprends bien, vous n’appréciez ni les présentateurs, ni les sujets proposés par ces émissions… » ; « Vous êtes le nouveau patron de TF1, vous voulez créer une nouvelle émission de télé-réalité qui vous plairait vraiment, que feriez-vous ? » « Quelles seraient les grandes lignes ? À qui la destineriez-vous ? Qu’est-ce qu’il faudrait surtout ne pas faire ? Qu’est ce qui pourrait créer la surprise, être vraiment nouveau… ? ».

• Conclusion. Le répondant est ramené en douceur dans son cadre de vie. L’entretien a permis de collecter des informations intimes, personnelles, parfois dérangeantes pour la personne concernée. Aussi, l’enquêteur prend le temps de réduire ces tensions « Au fond, vous me disiez au début que toutes ces émissions de télé-réalité ne valaient pas grand chose… il doit bien y avoir du vrai là-dedans ? »

➤ Analyse de contenu

L’ensemble des discours recueillis constitue le corpus de l’analyse 1. La figure 2.5 récapitule les différentes phases de l’analyse de ce corpus. 1. Pour aller plus en avant, voir Bardin L., (1993), Analyse de contenu, Puf ; Miles M. et Huberman M., (2003), Analyse des données qualitatives, 2e éd., De Boeck.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Mise à plat des interviewes = transcription manuelle 1

Lecture flottante de 2 ou 3 entretiens = répérage des catégories d’analyse 2

Élaboration d’une grille d’analyse

Analyse verticale et horizontale

Codification 3

Quantification 4

Rapport de synthèse 5

Source : Vernette É. (2006), Techniques d’études de marché, 2e éd., Vuibert, p. 28.

Figure 2.5 – Étapes d’une analyse de contenu

• Mise à plat. Tous les textes sont transcrits sur support papier. • Catégorisation. Après une lecture rapide de deux ou trois interviews, les thèmes et sous-thèmes principaux, sont repérés pour former les catégories et sous-catégories de l’analyse. Dans notre étude sur la télé-réalité, « Aventure » et « Vie quotidienne » formeraient deux catégories ; « Compétition », « Survie » seraient des sous-catégories envisageables pour « Aventure sportive », et « Problèmes avec les enfants », « Drague », deux autres sous-catégories de « Vie quotidienne ».

• Codification. Les différentes catégories constituent la grille d’analyse ; les unités du discours correspondant (mots, phrases, thèmes) sont ventilées dans ces catégories ; les thèmes voisins ou les synonymes sont regroupés dans une même catégorie. Le chargé d’étude établit un lexique des différentes étiquettes (abréviations) qui forment les codes attribués à chaque unité d’analyse. • Quantification. On calcule les fréquences d’apparition des différentes catégories. Deux analyses sont possibles (voir encadré 2.2). – L’analyse horizontale évalue le poids des différentes catégories x (ou souscatégorie xy) sur l’ensemble des enquêtés. Le calcul des fréquences fx se fera selon la formule suivante : fx = Nombre d’interviews où la catégorie x est mentionnée Nombre total de répondants – L’analyse verticale poursuit le même objectif, mais travaille au sein d’une même interview. On établit la hiérarchie des catégories pour un individu i, de la façon suivante : fi x = Nombre de fois ou la catégorie x est évoquée par l’individu i Nombre total d’évocations formulées par i

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RECENSER LES DÉSIRS, MOTIVATIONS D’ACHAT, ET EXPÉRIENCES DE CONSOMMATION

ENCADRÉ 2.2

Mode de quantification d’une analyse de contenu Les quatre premières interviews d’une étude portant sur les émissions de télé-réalité donnent les résultats présentés dans la figure 2.6. Catégories X

Individu 1

X1 – Aventure Compétition Lutte Entraide Débrouillardise Intelligence Musclé Sous-total

oui a 2b 1 3 1 5 4

X2 – Vie quotidienne Problèmes enfants Drague Vase clos Attirance Intendance Sous-total

oui 0 0 5 0 1

Totaux

22

Individu 2

Individu 3

24

0

20

14

6

36

60 3/4 = 75 %

non 0 0 0 0 0

oui 2 2 2 4 10

oui a 4 3 2 5 0

4/4 = 100 %

18

16

10

16

Total

oui 0 1 4 0 9 4

oui 1 1 0 1 9 4

oui 0 0 0 0 4 6

Individu 4

18

40 100

a) oui = la catégorie a été citée au moins une fois ; non = la catégorie n’a pas été abordée. b) le chiffre indique le nombre de fois où la catégorie ou sous-catégorie apparaît chez l’individu i.

Figure 2.6 – Quantification d’une analyse de contenu

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Analyse horizontale « Aventure » a été citée par 100 % des répondants, devant « Vie quotidienne » (75 %). Si l’on ne donne pas le même poids à chaque individu, « Aventure » représente 60 % (= 60/100) des citations, contre 40 % (40/100) pour « Vie quotidienne ». La sous-catégorie « intelligence » représente 45 % [= (5+4+9+9)/60] des évocations, devant « Musclé « (18/60 = 30 %), etc.

Analyse verticale Pour l’individu 1, c’est « Aventure » qui prime (16/22 = 73 %) des citations totales de l’interview, devant « Vie quotidienne » (6/22 = 27 %) ; pour l’individu 2, c’est l’inverse : 58 % (= 14/24 ) des unités de son discours concernent « Vie quotidienne », contre 42 % (= 10/24) pour « Aventure », etc.

Plusieurs logiciels d’analyse textuelle sont disponibles : SPAD T, ALCESTE, Le SPHINX Lexica 1. Les textes sont saisis préalablement dans un traitement 1. Pour une comparaison, voir Gavard-Perret M.L. et Helme-Guizon M. H, (2004), 36, Décisions Marketing, p. 75-90.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

de texte ou directement dans le logiciel d’analyse. Ces derniers traitent automatiquement les discours et proposent de nombreuses statistiques textuelles : – fréquence d’apparition des catégories ou sous-catégories ; – fréquence d’association : mots les plus souvent associés à chaque item ; – indice de richesse : nombre de mots différents utilisés par un répondant divisé par le nombre total de mots de l’interview ; – nombre moyen de mots par phrase ; – indice de répétition des mots.

Groupe de réflexion Un entretien de groupe réunit de 6 à 10 personnes dans une salle spécifiquement aménagée. Les débats sont dirigés par un animateur et sont généralement enregistrés (magnétophone ou vidéo) pour les analyses ultérieures. Parfois un observateur, présent derrière une glace sans tain, prend des notes pour compléter les analyses. Le groupe de réflexion, appelé Focus group en anglais, constitue l’une des formes les plus utilisées. Sa spécificité est de réunir des personnes familières du problème à résoudre. Une réunion dure en moyenne une demi-journée. Les critères de sélection et le degré d’homogénéité des participants dépendent de l’objectif de l’étude, sachant que l’on ne prétend pas obtenir une représentativité de la population mère. Le sexe, l’âge, la PCS et la connaissance de la catégorie de produit sont couramment retenus. Les participants sont généralement rémunérés (de 50 € pour une ménagère de moins de 40 ans à 150 € pour un médecin généraliste). Pour pallier les défections de dernière minute, il ne faut pas hésiter à inviter 3 à 4 participants supplémentaires. L’animateur utilise les principes de la dynamique des groupes restreints de Kurt Lewin : les membres du groupe se stimulent les uns les autres, grâce à l’échange d’idées et aux réactions qui s’en suivent. Malgré cela, il a été montré que l’opinion de quelques personnes influence sensiblement celle des autres membres. Cette pression vers la conformité limite l’intérêt d’une quantification ultérieure des résultats. Le responsable du terrain accueille le groupe, expose l’objet de la réunion, démarre l’entretien par une question générale, puis centre progressivement la réunion sur les différents thèmes prévus dans son guide de réunion. Il dispose d’un guide d’animation dont la structure ressemble à celle du guide d’entretien individuel, mais est plus proche d’un aide-mémoire 1. L’encadré 2.3 propose 1. Pour approfondir : Carson D., Gilmore A., Perry C. et Gronhaug K., (2001), Qualitative Marketing Research, Sage Publications, p. 113-131 ; Giannelloni J. L et Vernette É., (2001), op. cit. ; Mariampolski H., (2001), Qualitative Market Research : a comprehensive guide, Sage Publications, Thousand Oaks, Cal, p. 147-240.

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RECENSER LES DÉSIRS, MOTIVATIONS D’ACHAT, ET EXPÉRIENCES DE CONSOMMATION

un exemple d’application. Tout au long de l’interview, l’animateur fait un point régulier sur la situation, veille à ce que tout le monde s’exprime, relance les participants en cas de situation de blocage, évite les tensions et reformule les points obscurs. Les données collectées sont soumises à une analyse de contenu. Chaque groupe constituant une unité autonome, l’analyse verticale se fait théoriquement sur l’ensemble des participants. Mais, la plupart du temps, l’analyse distingue les différents courants d’opinion et les clans qui sont apparus durant la réunion. ENCADRÉ 2.3

Exemple de guide d’animation Notes Prévoir : 2 cassettes vidéo et 2 cassettes audio, 1 magnétophone, 10 étiquettes et chevalets (avec le prénom des participants), stylos, 10 blocs notes individuels, 1 paper-board. Vérifier : branchements vidéo et vidéo salle. Commander : rafraîchissements (café, jus d’orange, thé), sandwichs, cadeaux.

Présentation de l’ordre du jour Présenter l’animateur et son assistant. Avant de commencer, rappeler les points suivants : 1. – Enregistrement de la session pour faciliter l’analyse des données ; l’anonymat des participants est préservé dans le rapport final. 2. – Pas de bonnes ou mauvaises réponses, c’est une discussion à bâtons rompus. 3. – Une personne parle à la fois, tout ce qui sera dit est intéressant ; si une idée apparaît soudainement, notez-la et exprimez-la ensuite dès que possible. 4. – Être aussi spontané que possible. © Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

5. – Parler sans retenue ! Puis démarrer l’enregistrement.

Session d’introduction (« briser la glace ») 1. – Chacun se présente à tour de rôle en donnant quelques informations sur son environnement, son métier, l’entreprise où il travaille, sa famille, ses hobbies, mais avant tout raconte « son » histoire. 2. – Expliquer l’objectif de la session et lister chaque item (paperboard) qui sera couvert par la réflexion de groupe. 3. – Demander à chacun d’inscrire au fur et à mesure sur son bloc-notes les questions posées.

Listes des thèmes 1. – Une entreprise peut interagir avec ses clients, un fabricant peut faire de même avec ses distributeurs, fournisseurs, ses concurrents actuels ou potentiels. Quelle a été votre propre expérience dans ce domaine ? A-t-elle été bonne ou mauvaise, et pourquoi ?

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

2. – Quel a été votre plus grand succès dans ce domaine et pourquoi (avec un distributeur, un fournisseur, un concurrent) ? Quelle a été la pire expérience ? 3. – Si je vous dis « réseau » comment définiriez-vous ce terme ? 4. – Quels sont les réseaux les plus importants pour vous ? 5. – Quels sont les réseaux que vous avez rejoints ou créés récemment ? Ceux que vous avez quittés ? 6. – Dans quelle mesure un réseau peut-il influencer l’activité marketing de votre entreprise ? 7. – Pensez-vous qu’un réseau a un cycle de vie ? Si oui, quelles sont les phases et comment rentrer dans chacune d’entre elles ? 8. – Les réseaux internationaux sont-ils différents des réseaux nationaux ? Comment ? 9. – D’autres commentaires sur les réseaux ?

Débriefing En dire plus sur les objectifs de la recherche. Remercier les participants. Donner les cadeaux. Source : Adapté de Carson D., Gilmore A., Perry C. et Gronhaug K, (2001), Qualitative Marketing Research, Sage Publications p. 124.

La réunion de groupe fournit des réponses plus rapides et moins coûteuses que l’entretien individuel (voir figure 2.7). En revanche, son champ d’application est plus restreint. Enfin, il devient de plus en plus difficile d’éviter la « professionnalisation » des participants : le recrutement devient problématique, même si des solutions existent 1. Entretien individuel

Entretien de groupe Lourdeur d’organisation Rapidité de la collecte Approche en surface Pression vers la conformité Qualification plus modérée Coût financier plus réduit

Souplesse d’organisation Durée de collecte élevée Approche en profondeur Intimité, sincérité des réponses Interviewer qualifié Coût financier élevé

Figure 2.7 – Comparaison des entretiens de groupe et individuels

Observation On distingue l’observation participante de l’observation non participante (ou directe) 2. 1. Herbert M., (2004), « Réunion de consommateurs : comprendre les motivations de la participation », Décisions Marketing, 36, p. 27-33. 2. Pour aller plus loin : Grove S. et Fisk R., (1992), « Obervational data collection methods for services marketing : an overview », Journal of Academy of Marketing Science, 20, 3, p. 217-224 ; Giannelloni J. L et Vernette É., (2001), op. cit., p. 112-121.

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• Observation non participante (directe) : l’observateur collecte ses données passivement sans poser de questions. Les mesures sont opérées directement par jugement humain ou avec l’aide d’appareils plus ou moins complexes (tachytoscope, pupillomètre, galvanomètre, scanner, etc.). Seul le premier type de mesure sera présenté. • Observation participante : le chercheur est immergé dans les pratiques quotidiennes des personnes observées. Il écoute, interagit, regarde, parfois durant une longue période. L’observateur agit en tant que tel (il s’est déclaré) ou de manière cachée (observation déguisée) en se faisant passer pour un simple interlocuteur. Ces méthodes sont utilisées en ethnographie ou dans des applications dérivées (ethnométhodologie).

Mesures directes (observation non participante) La construction d’une grille d’observation nécessite de lister les différentes catégories et sous-catégories d’items qui font l’objet des mesures et les unités de mesure associées. Les mesures portent généralement sur l’occurrence des items et leur durée. Elles sont souvent un simple comptage : nombre d’arrêts devant un rayon d’un magasin, durée, nombre de produits pris en main, etc. L’enquêteur renseigne les différentes cases, les différentes options ayant été prévues à l’avance. On utilise aussi l’enquêteur pour juger la nature des items observés (marques, produit, activités) à l’aide d’échelles d’attitude classiques. La figure 2.8 en donne un exemple.

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L’objectif est de comparer les niveaux de qualité « objective » des services à bord (restaurants, bars, salles de jeux et boutiques) des différentes lignes de ferries d’une compagnie. Le type de navire et les destinations sont les variables de l’étude. Par ailleurs, on pense que la qualité des prestations varie fortement selon le moment de la consommation (début, milieu ou fin du voyage). Les cinq grandes dimensions d’évaluation d’une expérience ont été définies sur la base d’études antérieures : aspect physique, étendue de choix, information, disponibilité du personnel, communication. Une autre variable mesure la fréquentation effective des services. Les évaluations se font sur des échelles à supports sémantiques en 5 points (de 1 = non existant à 5 = extrêmement satisfaisant). Ces notes servent de repères et doivent êtres justifiés avec soin par les enquêteurs à partir de faits précis, de comptages et de commentaires détaillés.

L’observation est utile pour comprendre les interactions entre un objet (marque, produit) et un consommateur, et plus particulièrement les aspects non verbaux d’une expérience. Par exemple, elle permet de voir quels sont les sens qu’un consommateur mobilisent pour découvrir un nouveau produit. Ces études sont notamment utiles pour évaluer l’ergonomie d’un nouveau produit. (voir encadré 2.4)

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Items d’évaluation des prestations de service

Au début du service

Durant le service

A la fin du service

Aspect physique Style de présentation Surface occupée Nombre de services Étendue de choix Plats Boissons Objets, souvenirs Divertissements Information fournie Panneaux et affiches Annonces orales Signalétique Brochures Disponibilité du personnel Restaurant Bar Boutiques Divertissement Communication Courtoisie, politesse Serviabilité Compétence Fréquentation Restaurant Bar Boutiques Divertissement Source : Adapté de Gilmore A. (1997), « Marketing in the northern european ferry industrie : on overview of on-board actitivity », Journal of Vacation Marketing, 3, 3, p. 207-220.

Figure 2.8 – Exemple de grille d’observation ENCADRÉ 2.4

L’observation d’un nouveau produit : la Xsara Picasso Contexte Sur son stand du salon de Francfort, Citroën présentait en septembre 1999 son nouveau monospace de milieu de gamme, la Xsara Picasso.

Méthode Deux observateurs ont noté le comportement d’une centaine de visiteurs qui ont approché, regardé et sont montés dans le véhicule. Des observations ont été menées

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dans le même temps sur des véhicules de la concurrence (Renault Scénic et Fiat Multipla). L’analyse des gestes fonctionnels a porté sur les touchers (sensation tactile pour se donner une idée de la qualité des matériaux), les manipulations (fonctionnement d’un élément tel qu’une porte, une vitre, un levier de vitesse), les regards (carrosserie, tableau de bord, etc.), les positionnements (réglage du siège, rétroviseurs, etc.). Le nombre d’occurrences des différents gestes et leur durée ont été comptabilisés.

Résultats Un client consacre en moyenne 117 secondes pour explorer une Picasso (53 secondes pour l’extérieur, 64 secondes pour l’intérieur) ; il procède à 4 manipulations, 2 touchers, 2 observations et 1,5 positionnement. Parmi les manipulations, l’ouverture de la porte du côté conducteur arrive en tête, suivie du réglage du siège avant, du changement de vitesse, de l’ouverture de la porte passager, du réglage siège arrière, du satellite de commandes, coffre et de l’ouverture du capot. Les touchers se ventilent de la manière suivante : volant, carrosserie, frein à main, tableau de bord. Par rapport à la concurrence, les clients d’une Picasso procèdent à plus de touchers, ceux d’un Scénic sont plus orientés vers le visuel et ceux d’un Multipla manipulent plus d’éléments. Le décodage des séquences permet d’intégrer des contraintes dans le cahier des charges des futurs produits : le client d’un monospace manipule-t-il plus certaines parties du véhicule que l’acheteur de berline ? Cette connaissance est utile pour la formation des vendeurs en concession en leur indiquant quelles sont les fonctionnalités les plus souvent testées par les clients. Source : D’après Yahiaoui G., Da Silva P. et Martin A., (2000), « Un apport de l’éthologie aux tests produit », Revue Française de Marketing, 179-180, 4-5, p. 117-128.

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Ethnographie et netnographie L’objectif d’une étude ethnographique est de clarifier la manière dont se construit une culture au travers d’observations de pratiques, de rituels, et d’expériences. L’ethnographie explique les comportements d’un point de vue culturel ou social. Elle est utile pour la compréhension des pratiques de consommation existant sur un marché 1. La collecte des données ethnographiques présente plusieurs spécificités : – partage : l’observateur partage la vie quotidienne ou des tranches de vie de l’unité à étudier. Il consigne les faits observés dans un « carnet de notes » qui servira ensuite à interpréter les faits ; – immersion durable : le chercheur ne se contente pas d’observer les pratiques, mais intervient en posant des questions aux individus sur le sens de ce qui se passe. Une présence prolongée est nécessaire pour qu’un climat de coopération s’installe et pour que l’observateur soit suffisamment accepté ; 1. Arnould E. et Wallendorf M., (1994), « Market-oriented ethnography : interpretation building and marketing strategy formulation », Journal of Marketing Research, vol 31, novembre, p. 484-504 ; Belk R., J. et Wallendorf M., (1988), « A naturalistic inquiry into buyer and seller behavior at a swap market », Journal of Consumer Research, vol 14, mars, p. 449-469.

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– prises de photographie et enregistrements vidéos : ces documents sont précieux pour reconstituer la chronologie des évènements et pour identifier le contexte d’un incident critique. Ces images (mise en scène, détails du décor, gestes des participants) complètent et enrichissent les notes de l’observateur. L’interprétation des expériences est délicate. Normalement, les explications de l’analyste doivent être validées par les participants. Les nouvelles observations sont continuellement comparées aux antérieures pour vérifier la stabilité des interprétations. Le cheminement suivi par l’observateur pour arriver à ses conclusions doit être clairement détaillé dans son rapport. La netnographie adapte les méthodes ethnographiques à l’étude d’une communauté Internet (forums, newsgroups, chats, listes de diffusion…). Des tribus virtuelles se constituent autour de hobbies ou de passions variées, mais aussi autour de marques ou de catégories de produits ou de services, telles que les voitures, la bière, le café, la moto, la mode, etc. 1. Les membres les plus actifs d’une communauté de consommation connaissent particulièrement bien les produits et sont généralement des consommateurs passionnés ; à côté de ces fans, on trouve les « touristes » qui ne fréquentent la communauté que pour résoudre un problème ponctuel, les « fervents », plus impliqués par le produit que par la communauté, et les « papillons », plus attachés au principe communautaire qu’au produit. Le principe méthodologique consiste à observer tout ce que se disent et se racontent les membres de la tribu. L’observateur privilégie les échanges qui émanent des membres les plus actifs. La démarche netnographique s’opère en quatre temps : – repérage et choix des sites les plus pertinents pour résoudre le problème posé ; – collecte des données : une période minimale de 6 mois est nécessaire ; certaines études ont duré plus de deux ans ! La collecte s’achève lorsqu’il y a saturation, c’est-à-dire lorsque les nouveaux échanges n’apportent plus d’informations nouvelles ; – interprétation : les textes des membres sélectionnés sont régulièrement téléchargés par l’observateur, après avoir obtenu leur accord. L’analyse se fait au fur et à mesure ; l’observateur n’a pas d’idée préconçue sur ce qu’il cherche, le sens émanant progressivement des analyses. Les principes inter1. Cova B. et Carrère V., (2002), « Les communautés de passionnés de marque : opportunité ou menace sur le Net ? » Revue Française du Marketing, 189/190, 4-5, p. 119-130 ; Kozinets R. V., (2002), « The field behind the screen : using netnography for marketing research in online communities », Journal of Marketing Research, 39, February, p. 61-72.

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prétatifs suivent ceux des approches herméneutiques et phénoménologiques (voir ci-dessous, section Approches herméneutique et phénoménologique, pages 62-65) ; – validation des interprétations : les conclusions sont soumises à plusieurs participants pour vérifier que l’interprétation proposée fait sens pour les membres. Cette méthode permet de décoder les langages propres à une communauté, de déceler leurs motivations de consommation, de tracer la cartographie des différents « chemins » des désirs, de repérer les codes d’évaluations des marques, leurs points forts et faibles. Les membres les plus actifs des communautés (les « fans ») sont souvent de véritables leaders d’opinions, leurs jugements étant fréquemment repris et cités par les autres membres du groupe 1. L’encadré 2.5 donne un exemple de conclusions d’une étude d’une communauté virtuelle. ENCADRÉ 2.5

Représentations des appareils de photos numériques Problème Quelles sont les différences de représentations entre les appareils photo numériques (APN) de type reflex et compact dans l’esprit des consommateurs ?

Communauté sélectionnée. Forum de discussion : http://photonumerique.biz/index.php

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Quelques verbatims considérés comme les plus représentatifs Y. le 10/09/03 : « Je suis d’accord avec toi ; un reflex de ce type pour un débutant c’est pas évident vu tous les réglages et fonctions qu’il a choisi. Un compact, c’est beaucoup mieux pour toi, même avec des fonctions évoluées ; ils sont quand même plus simples à utiliser. » Edw., le 15/11/03 : « J’ai trop donné dans le compact, je ne peux pas faire ce que je veux avec ; je trouve ça trop carré comme photo ; tu prends ta photo ça s’arrête là, je pense que j’aurais plus de plaisir à faire de la photo avec un reflex… » Tau., le 14/11/03 : « Quel que soit l’appareil choisi, il faut un minimum de pratique avec un reflex numérique pour bien en faire ce qu’on en veut. Mais c’est aussi ça qui est plaisant ! » Edw., le 14/11/03 : « J’aime beaucoup l’aspect et le toucher, un appareil plus lourd et plus massif, mais surtout pas en plastique, me donne plus envie de prendre des photos. »

1. Kozinets R.V., (2002), « The field behind the screen : using netnography for marketing research in online communities », Journal of Marketing Research, 39, february, p. 66.

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Principaux résultats L’analogie avec le plat fait maison et le plat cuisiné décrit bien les différences de représentation entre un appareil de photo reflex et un compact. Ces différences concernent les attentes des consommateurs et l’acte de consommation en lui-même. Le reflex permet beaucoup de réglages ; il s’adresse donc à des experts qui souhaitent réaliser des travaux pointus et spécifiques (photo sportive par exemple). Au contraire, avec leurs modes préprogrammés et des possibilités de réglages limitées, les appareils compacts sont adaptés aux attentes des novices qui recherchent avant tout la simplicité d’utilisation. En termes d’image, il est cohérent pour un fabricant d’APN reflex de produire également des modèles compacts. Deux recommandations : (1) Favoriser la simplicité et l’ergonomie d’utilisation pour les appareils compacts, notamment grâce à des modes préprogrammés du style « photo de nuit », « photo à la mer », « portrait », etc. (2) Inutile chercher à réduire le poids des modèles reflex, mieux vaut éviter les coques en plastique. Source : Y. Bernard, (2004), « La netnographie : une nouvelle méthode qualitative basée sur les communautés de consommation virtuelle », Décisions Marketing, 36, p. 49-62.

Ethnométhodologie L’ethnométhodologie est un courant de la sociologie qui est apparu aux ÉtatsUnis dans le courant des années 1960 ; elle se fonde principalement sur les travaux de Garfinkel 1. L’objectif est plus modeste que celui de l’ethnographie : il ne s’agit plus d’expliquer comment se constitue une culture, mais plus simplement de révéler les « méthodes » que se donnent les membres d’un groupe pour organiser leur vie sociale en commun. L’acteur se construit son propre monde et son environnement social, culturel ou historique ; il est enraciné dans sa vie sociale et met en œuvre des stratégies qu’il maintient ou modifie, en fonction des résultats de ses interactions avec son entourage. Chaque membre est vu comme un sociologue capable de rendre compte correctement de ce qu’il fait dans sa vie sociale et de la manière dont il procède. Le fait social n’est pas donné a priori, mais découle des structures et des normes implicites qui doivent être découvertes par l’observateur. C’est ce cadre qui détermine le véritable sens d’un mot ou d’un acte. Les techniques d’investigation sont multiples. L’observation participante est privilégiée, mais elle est souvent complétée par la collecte de « récits de vie » portant sur les expériences vécues et par la prise de photographies (voir cidessous). L’analyse des matériaux recueillis fait appel à quatre concepts majeurs. • Pratique et accomplissement : c’est la recherche des méthodes utilisées par les individus pour donner du sens à leurs actions quotidiennes. Ainsi, toutes les pratiques, mêmes les plus insignifiantes ou triviales ont du sens (voir encadré 2.6). L’analyse accorde une grande attention à la manière dont 1. Garfinkel H., (1984), Studies in Ethnomethodology, Cambridge, Polity Press ; Coulon A., (1993), L’ethnométhodologie, Puf.

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l’individu prend une décision. Il s’agit de voir comment l’acteur « actualise », c’est-à-dire adapte les règles ou les normes d’un groupe ou d’une culture à sa propre situation. ENCADRÉ 2.6

L’occupation de l’espace « piscine » dans un club de vacances La piscine occupe une place centrale dans le club. Les membres développent de véritables stratégies pour occuper l’espace le plus enviable, celui du pourtour immédiat de la piscine. Cet espace est rare et ne permet pas à tous les résidents de trouver une place, d’où une appropriation discrète des transats qui sont dans cet espace. L’observation en période d’activité ne révèle rien d’anormal, si ce n’est qu’il n’y a pas assez de place pour les nouveaux arrivants qui doivent alors se replier sur un second cercle, plus lointain qui ne permet pas de s’inscrire dans le regard des autres, ni d’observer commodément les autres vacanciers. La conquête des transats du premier cercle se fait dès le réveil en déposant une serviette de bain personnelle : objet personnel dont la manipulation par autrui serait perçue comme une intrusion sociale, une violation de la sphère privée. Le marquage ne signifie pas occupation du territoire. Ce n’est que plus tard, dans le courant de matinée que l’espace sera effectivement occupé. Cela a pour effet d’offrir un spectacle tout à fait étonnant au petit matin : tous les transats sont marqués, mais très peu sont effectivement occupés. L’espace approprié est souvent complété par une dotation spécifique, le parasol, qui vise à renforcer la position et à accroître son confort.

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Les « méthodes » mises en œuvre par les individus ne visent pas seulement à s’assurer un emplacement mieux ensoleillé ou plus proche de la piscine, comme une observation classique aurait pu le faire croire. Elles révèlent que le consommateur n’est pas passif : il met en œuvre des stratégies concurrentielles pour occuper l’espace public le plus valorisé. En outre, occuper ce cercle confère aux résidents la possibilité de s’inscrire dans le jeu social de l’expression de soi et de l’observation d’autrui qui structure les activités du club. Finalement, la qualité perçue de l’expérience dans un club de vacances est une résultante complexe. Le choix d’une destination exotique et lointaine est un élément important, mais la conception sociale d’une destination prime, avec une reproduction de rapports parfois tribaux, dont il faut découvrir les règles. L’expérience est vécue selon des « méthodes » d’appropriation de l’espace qui participent à la qualité perçue de la consommation. Source : Ladwein R., (2002), « Voyage à Tikidad : de l’accès à l’expérience de consommation », Décisions Marketing, 28, octobre-décembre, p. 53-63.

• Indexicalité : la vie sociale s’élabore sur la base du langage quotidien propre à chaque groupe. En conséquence, les questions de l’interview utiliseront un vocabulaire variable selon les cibles étudiées, le sens d’un mot dépendant de son contexte culturel. • Réflexivité : elle désigne les pratiques qui décrivent un système de valeurs propre à une culture ou un groupe. Ces dernières définissent un cadre social

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que l’analyste doit découvrir et comprendre pour interpréter les faits et les expériences. Par exemple, dans le milieu carcéral, c’est la « loi du silence » qui structure le cadre de vie et sert de référence pour évaluer les comportements. Dans l’interview, le répondant construit, au fur et à mesure de son discours, un sens, un ordre et une rationalité propre à ce qu’il est en train de décrire. • Caractère descripteur : les activités des individus sont vues comme des méthodes qui rendent intelligible leur signification sous-jacente. Toute activité a un sens qu’il convient d’interpréter. Ainsi, à la différence de la phénoménologie, l’éthonométhodologie considère qu’une interview est seulement un compte-rendu qui indique comment les acteurs reconstituent l’ordre social ou culturel : les faits énoncés sont moins importants que les fabrications du monde auxquels ils renvoient.

Recueil de récits et d’images Les histoires liées aux achats ou aux consommations des individus permettent une bonne restitution des motivations, désirs et expériences ; le récit d’achat, la chaîne des moyens-fins et le récit expérientiel sont adaptés à ces objectifs. Ces narrations peuvent être utilement complétées par l’utilisation de photographies. Nous allons exposer ces différentes méthodes.

Récits d’achat ➤ Protocoles verbaux

Le principe de la méthode consiste à demander au sujet de « penser à voix haute » durant l’achat d’un produit. Initialement, cette méthode a été utilisée pour connaître la façon dont les consommateurs opéraient le choix d’une marque : regardaient-ils d’abord les prix ou la marque, s’intéressaient-ils à la composition du produit, combien de marques consultaient-ils, etc. 1. Son extension à la restitution d’une expérience est plus récente. Pour la collecte des données, plusieurs options sont envisageables 2 : • Sur le terrain (lieu d’achat ou de consommation) ou en laboratoire ; dans ce dernier cas, on reconstitue un environnement d’achat ou un univers de consommation. 1. Duguest D., Faivre J. P et Macquin A., (1982), Quelques expériences à propos de la méthode des protocoles, Séminaire de méthodologie de la recherche, CREE, Fnege, Lille, p. 247-341 ; Smead R., Wilcox J. et Wilkes R., (1981), « How valid are product descriptions and protocols in choice experiments ? », Journal of Consumer Research, juin, 37-42. 2. Évrard Y, Pras B. et Roux E., (2003), Market, op. cit., p 147-151.

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• Commentaires en direct ou en différé. Dans le premier cas, l’enquêteur enregistre (en vidéo) les récits des individus au moment de l’expérience ; dans le second, ces derniers commentent à voix haute leurs pratiques en visionnant la séquence enregistrée au préalable. La première façon évite les biais de rationalisation et l’oubli des sensations et émotions éprouvées durant l’expérience. L’idéal consiste à combiner les deux formes de protocoles, c’est-à-dire, faire commenter des propos enregistrés en direct pour compléter ou approfondir tel ou tel point de l’interview. L’analyse des données se fait par analyse de contenu ou par éclatement des discours sous la forme d’arbre de décision 1. La méthode reste lourde et onéreuse ; de plus, l’effet cobaye (modification due à l’observation) favorise la rationalisation des récits. ➤ Journaux

Ce mode de recueil est analogue aux carnets de bord utilisés par les ethnologues pour enregistrer, jour après jour, le fruit de leurs observations. Les sujets remplissent durant une période définie (correspondant généralement à la durée du cycle de consommation entre deux achats) un journal de bord où ils racontent librement leur expérience avec la marque ou le produit. Le carnet récapitule les instructions pour la restitution des histoires. Les points suivants sont généralement mis en avant : – les désirs, les émotions et sentiments ressentis avant, pendant et après la consommation ; ce qui a changé au fil du temps, ce qui est resté constant ; – à quoi a-t-on pensé avant, pendant et après la consommation ?

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– les personnes, les choses ou les événements qui ont été à l’origine des désirs, des émotions et des sentiments.

Chaînes moyens-fins L’idée sous-jacente de cette approche est que la consommation d’un produit ou d’une marque exprime les valeurs d’un individu. Une valeur est, selon Rokeach, « une croyance durable qu’un mode de conduite ou un état de l’existence est personnellement ou socialement préférable à un autre mode de conduite ou d’état » 2. Il distingue les valeurs terminales, qui correspondent aux buts que l’homme se fixe (être libre, vivre dans un monde de beauté, le plaisir, le respect de soi, une vie excitante, une vie confortable, le bonheur, la liberté, etc.), des 1. Faivre J.P. et Palmer J., (1976), « Protocoles et arbres de décision : applications des théories du traitement de l’information au comportement du consommateur », Revue Française du Marketing, 63. 2. Rokeach M., (1973), The nature of human values, NY, Free Press.

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variables instrumentales qui sont les moyens envisagés pour atteindre ces buts (ambition, courage, honnêteté, imagination, pardon, ouverture d’esprit, etc.). La méthode des chaînes moyens-fins identifie les relations qu’établit un consommateur entre une caractéristique (attribut) particulière d’un produit ou d’une marque et la recherche d’une valeur personnelle 1. L’objectif est de mettre à jour les différents chaînages cognitifs des acheteurs. Ceux-ci comportent trois maillons : la présence d’un attribut [1] procure un bénéfice (ou conséquence) [2] qui permet à son tour de satisfaire une valeur prioritaire du consommateur [3]. Dans la pratique, on identifie plus souvent les motivations d’achat du consommateur que ses valeurs, comme le montre l’exemple de la figure 2.9 2. « Ma famille et mes enfants représentent ce qui m’importe le plus dans la vie »

« Nous venons d’avoir un bébé, il nous faut donc une voiture plus grande. Quand j’achète une voiture je pense à ma famille». « J’ai une famille, nous emportons toujours beaucoup de bagages, nous avons besoin d’espace »

Valeurs Souci de la famille

Convivialité famille Bénéfice Transporter beaucoup (conséquence) de choses

« Nous devons tous nous sentir à l’aise. L’atmosphère générale est plus détendue et plus agréable ».

« Je recherche une voiture souple et performante ».

(motivation)

Performances Souplesse

Accomplissement personnel

Éviter le stress Goût du confort

Conduite confortable

Habitabilité Attribut

« J’ai le sentiment d’avoir réussi ma vie» ; « Je suis quelqu’un de bien » ; « je veux pouvoir être fier de moi »

« Je me sens plus détendu » ; « Je me sens à l’aise » ; « Je ne veux pas me sentir fatigué »; « Je n’aime pas les contrariétés » ; « Je me sens à l’aise dans ma voiture » ; « Me sentir bien à l’intérieur

« Il me faut une voiture petite mais assez spacieuse pour que je me sente bien à l’intérieur ».

(caractéristique) Source : adapté de Parisi F. et Rameckers L., (2000), Revue Française du Marketing, 179, 4-5, p. 238.

Figure 2.9 – Chaînages cognitifs des clients d’une Toyota Yaris

1. Reynolds T. et Gutman J., (1988), « Laddering theory method analysis and interpretation », Journal of Advertising Research, 28, 1, p. 11-31. 2. Parisi F. et Rameckers L., (2000), « Informations de nature affective et décisions stratégiques », Revue Française du Marketing, 179, 4-5, p. 231-240.

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RECENSER LES DÉSIRS, MOTIVATIONS D’ACHAT, ET EXPÉRIENCES DE CONSOMMATION

On remarque qu’un même bénéfice (« Conduite confortable ») peut être la conséquence de trois attributs différents (« Performance », « Souplesse » et « Habitabilité ») : à son tour, un même bénéfice peut être recherché pour satisfaire deux motivations différentes : « Souci de la famille » et « Accomplissement personnel ». L’entretien semi-directif est utilisé pour obtenir les différents maillons des chaînages individuels. Lorsqu’un attribut est cité, on relance en multipliant les « pourquoi » successifs (encadré 2.7). Le guide d’entretien favorise l’évocation des modalités de consommation (« À quelles occasions consommez-vous ce produit ? »), la restitution d’expériences (« Racontez-moi une soirée où vous avez consommé ce produit » ; «… et une soirée où vous l’auriez oublié ? » ; « Quand en avez-vous utilisé pour la dernière fois ? »). Une variante consiste à utiliser en début d’entretien des méthodes pour générer les attributs, telle la grille de Kelly ou la méthode de citation directe (voir chapitre 3), puis les techniques de relance pour obtenir les bénéfices, les valeurs ou les motivations. L’analyse des données impose une analyse de contenu minutieuse pour coder les différents énoncés des trois niveaux de la séquence ; les fréquences de chaque énoncé servent à bâtir les cartes hiérarchiques. D’autres méthodes permettent de réduire les données et dégager ainsi les différentes typologies de chaînages ou de segmenter un marché 1. ENCADRÉ 2.7

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Relances permettant d’identifier les chaînages Enquêteur : « Vous m’avez dit qu’une voiture confortable [Attribut] était important pour vous. Pour quelle raison ? Réponse : Je veux pouvoir me sentir reposé quand j’ai fait un long parcours. [BénéficeDésir] Enquêteur : Pourriez-vous m’expliquer pourquoi il vous importe de vous sentir ainsi ? Réponse : J’aime être détendu et performant, tout le temps, même après un long voyage pour réaliser ce qui me plait dans ma vie. [Désir-Motivation] Enquêteur :… Dans votre vie… Réponse : Oui, se réaliser à travers ses actes et bien choisir ce qui vous permet d’y arriver… » [Motivation-Besoin]

1. Valette-Florence P., (1994), « Introduction à l’analyse des chaînages cognitifs », Recherche et Applications en Marketing, 9,1, p. 93-117 ; Valette F.P., Ferrandi J.M. et Roehrich G., (2003), « Apports des chaînages cognitifs à la segmentation de marché », Décisions Marketing, 32, p. 31-43.

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Récits d’expériences ➤ L’approche herméneutique 1

L’herméneutique intègre l’environnement culturel ou social pour comprendre le sens d’un récit : « La première étape d’une investigation herméneutique consiste en une immersion dans un arrière-plan historique et culturel relevant du domaine d’intérêt […]. L’interprétation d’un texte ne saurait se résumer à l’application d’une méthode, mais doit considérer qu’une méthode fait partie d’un cadre de référence comportant des propositions clé. » 2 La recherche du sens s’appuie sur les histoires, mythes et expérience qui sont vues comme des tentatives pour expliquer et comprendre ce qui a été vécu par un individu. La diversité des expériences personnelles de consommation façonne la perception des besoins. La figure 2.10 retrace la construction du sens en herméneutique : chaque événement s’intègre dans le cadre plus large de l’identité de soi, en y intégrant ses propres contradictions et croyances. L’individu se construit un sens cohérent qui l’amène à comprendre ses expériences de vie ; le cadre culturel fournit un canevas pour aider l’analyste à comprendre ces constructions personnelles. Arrière-plan culturel du sens historiquement établi Cadre de référence personnel

Histoire personnelle en tant que texte (Structures narratives)

Sens interprété (histoire de consommation)

Expérience vécue

Transformations Source : adapté et traduit de Thompson C., (1997), op. cit., p. 440.

Figure 2.10 – Modèle herméneutique de construction du sens

La démarche herméneutique s’opère de la manière suivante 3 : • Collecte des données. Les interviews individuelles approfondies (1 heure 30 à 2 heures 30) sont centrées sur les expériences de consommation. Pour 1. Cette section s’inspire largement de Giannelloni J.L. et Vernette É., (2001), Études de marché, op. cit., p. 213-218. 2. Thompson C., « Interpreting consumers : a hermeneutical framework for deriving marketing insights from the texts of consumers’consumption stories », Journal of Marketing Research, november 1997, p. 438-455. 3. Thompson C., ibid., p. 438-455.

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chaque participant, deux entretiens sont nécessaires. Le premier aborde les styles de vie et les perceptions des expériences de consommation, le second traite les thèmes de consommation quotidiens. Il n’existe pas de guide d’entretien commun, les questions sont fonction des histoires des répondants. L’investigation produit des « tranches de vie » et des histoires vécues ; l’enquêteur demande ensuite aux participants de commenter et d’interpréter ces situations. Les questions-types sont : « Quand est-ce arrivé ? », « À quelle occasion ? », « Que s’est-il passé avant, après ?, « Pourquoi est-ce arrivé à ce moment là ? », etc. • Analyse. La construction du sens se fait en trois temps : – Analyse des mouvements narratifs : on cherche à reconstituer le fil conducteur des expériences. Dans la culture occidentale, les narrations sont linéaires, de telle manière qu’une action particulière se situe par rapport à un passé (antécédents) et se projette dans un futur, appréhendé au travers des conséquences probables de l’action. Les associations symboliques dégagent un sens commun sous-jacent à un ensemble d’événements distincts. L’organisation des constellations « passé-présent-futur » fait apparaître les buts de l’individu. – Construction d’un cadre intégrateur : l’analyste élabore la grille de signification qui sert de trame au répondant pour comprendre ses expériences. Il cherche le ou les pivots autour desquels s’articulent ses narrations, le sens symbolique des métaphores utilisées, le type et la nature des préoccupations existentielles sous-jacentes, tout en tenant compte des codes et conventions culturelles en vigueur dans l’entourage de l’interviewé. – Validation du cadre : l’ensemble des interviews est à nouveau analysé, afin de valider un cadre commun aux participants, tout en repérant les contradictions et conceptions particulières des situations individuelles. Finalement, chaque interview est relue une dernière fois à l’aune de cette structure commune. ➤ L’approche phénoménologique 1

La phénoménologie trouve ses racines dans les réflexions philosophiques sur l’étude de la connaissance. Hegel l’a définie en 1807 comme une « science de la conscience, la conscience étant en général le savoir d’un objet extérieur ou intérieur ; [c’est] la science de l’expérience que fait la conscience ». Tout comme l’herméneutique, elle comprend une réalité en la replaçant dans une perspective environnementale, mais les narrations sont complétées par une observation des expériences des consommateurs. 1. Cette section s’inspire largement de Giannelloni J.L. et Vernette É., (2001), Études de marché, op. cit. p. 213-218.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

• Collecte des données. L’interviewer laisse l’expérience devenir manifeste, sans la forcer à entrer dans des catégories prédéfinies 1. Un guide d’entretien détaillé n’est pas nécessaire, seules quelques questions sur les expériences potentielles des répondants sont utiles. Le répondant doit parler à la première personne de ses expériences, car la troisième personne produirait un discours dont l’interprétation serait ambiguë. Par exemple, si un vendeur dit : « Le client a attendu 10 minutes devant le rayon des chemises et a finalement choisi une taille trop grande », on ne sait pas si c’est le client qui a refusé l’aide du vendeur ou si le vendeur était occupé ailleurs, ou encore, si la bonne taille était manquante. À l’inverse, la narration suivante est claire : « J’ai proposé d’aider ce client, mais il m’a indiqué qu’il souhaitait regarder les modèles ; je l’ai vu déballer dix chemises, hésiter et s’apprêter à choisir une taille trop grande ; c’est alors que je suis intervenu en lui suggérant un 40… ».

Le répondant peut revenir à sa guise en arrière, puis enchaîner sur un fait récent pour expliquer ce qui s’est passé antérieurement. Le récit peut s’écarter de la voie chronologique, car des apartés sont parfois nécessaires pour prendre conscience de ce qui s’est passé. La figure 2.11 récapitule quelques principes d’interview. Formulation à éviter

Formulations préférables

« Qu’est-ce que Chanel symbolise pour vous ? »

« Racontez-moi la fois où vous avez acheté un produit de marque Chanel… »

« Pourquoi ne lisez-vous pas le mode d’emploi quand vous achetez un plat cuisiné ? »

« Si vous repensez à la dernière fois où vous avez acheté un plat cuisiné sans lire le mode d’emploi, comment cela s’est-il ensuite passé quand vous l’avez utilisé ? »

« D’après vous, à quoi faut-il faire attention quand on loue une voiture ? »

« Repensez à une situation où vous avez loué une voiture et que tout c’est très bien (ou très mal) passé… Racontez-moi… »

Source : Giannelloni J.L. et Vernette É., (2001), Études de marché, Vuibert, p. 218

Figure 2.11 – Le questionnement dans un entretien phénoménologique

L’observation d’actes en apparence insignifiants complètent l’interview : la nature des ordures ménagères, la présence d’un livre de chevet, le mode de lavage ou de rangement du linge, l’aménagement d’une cuisine, la façon de se coiffer, etc. Ces actes sont vus comme des révélateurs des structures sociales et des valeurs culturelles de l’individu. 1. Thompson C., Locander C. et Pollo H., (1989), « Putting the consumer experience back into consumer research : the philosophy and method of existential-phenomenology », Journal of Consumer Research, 16, septembre, p.133-146.

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• Interprétation et analyse. Les discours sont analysés dans une perspective proche de l’herméneutique, c’est-à-dire par itérations successives, d’abord au sein d’une même interview pour découvrir le sens des données, puis sur l’ensemble pour identifier les thèmes. Trois principes structurent l’interprétation 1 : – Focalisation sur le discours. Les catégorisations du répondant l’emportent sur celles du chargé d’études. Par exemple, si l’interviewé parle d’un « bon service », celui-ci ne doit pas être interprété par rapport à une grille prédéfinie, avec des attributs du type courtoisie, efficacité, propreté, mais à partir du compte-rendu de l’expérience vécue : ainsi, tel client désire un service discret, un autre entend par là un bon accueil et une disponibilité totale.

– Autonomie. L’interprétation est compréhensive, plutôt qu’explicative. C’est la conception que les sujets se font du monde qui constitue l’objet de l’analyse et, plus particulièrement, le sens assigné aux objets, aux situations et aux symboles. Par exemple, si un consommateur dit que l’achat d’une crème solaire est important pour lui et qu’il a besoin du conseil de son pharmacien, ces faits sont considérés comme véridiques ; ce qui compte, ce sont les représentations associées à l’achat du produit, et non pas le fait que les conseils du pharmacien soient effectivement indispensables.

– Caractère provisoire. Les modèles théoriques ne doivent pas être appliqués directement aux données pour les interpréter. Il ne s’agit pas de valider des relations de cause à effet, mais de décrire les différentes thématiques qui structurent les expériences. L’interprétation fait abstraction de tout présupposé pour faire émerger le sens. © Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

➤ Introspection subjective

Elle consiste à « regarder dans ses propres pensées et à rapporter ce que nous y avons découvert » 2. En d’autres termes, l’individu procède à une auto-analyse de sa propre expérience. Chaque sujet adopte une posture de « chercheur » face à son vécu particulier et à ses émotions personnelles. La construction du sens réside dans les interactions de l’individu avec un produit ou un service. Elle est généralement guidée par le responsable de l’étude qui transmet aux sujets quelques instructions fondées sur son introspection personnelle. Le chercheur 1. Thompson C., Locander C. et Pollo H., (1989), op. cit. 2. Wallendorf M. et Brucks M., (1993), « Introspection in consumer research : implementation and implications », Journal of Consumer Research, 20, december, p. 339-359 ; Richardson A., (1999), « Subjective experience : its conceptual status, method of investigation and psychological significance », The Journal of Psychology, 133, 5, p. 469-485.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

invite ainsi les participants à focaliser leur attention sur tel ou tel point de l’expérience qu’il s’apprête à vivre 1 (voir encadré 2.8). À l’extrême, l’échantillon se réduit au seul chercheur qui « s’introspecte » lui-même 2. ENCADRÉ 2.8

Introspection et immersion dans un concert de musique classique Contexte L’objectif est de comprendre comment l’immersion du consommateur dans une expérience s’opère : est-elle rapide ou progressive, est-elle totale ou partielle, quelles sont les opérations qui permettent au consommateur d’acquérir les compétences nécessaires pour atteindre cette immersion, comment faciliter celle-ci ?

Méthode 11 personnes (9 amateurs débutants et 2 chercheurs) se sont livrées à une introspection personnelle guidée. Les concerts de découverte d’opéra classique de Milan constituent le terrain. Les instructions étaient les suivantes : porter attention à la proximité ou la distance perçue vis-à-vis des composantes de l’expérience, selon un schéma chronologique (avant/pendant/après le concert), se centrer sur le vécu personnel et les interactions avec les autres personnes présentes. Le lendemain, les participants remettaient un document de 2 à 4 pages. Une analyse de contenu est opérée sur chaque récit ; la participation des chercheurs a permis de replacer les récits dans leur environnement culturel. Les structures de chaque récit ont été identifiées et une analyse horizontale a révélé les différentes phases d’appropriation de l’expérience. Un calcul des fréquences d’apparition de chaque phase et de leur ordre d’apparition a été effectué.

Résultats L’immersion se fait par plongeons successifs, alternance de moments forts et de régressions : « Que c’est beau ! La musique me plaît, m’enchante même. Je ne sais pas ce que je suis en train de penser, je ne gouverne plus mes pensées… Je pense à mon travail et ça me fait perdre le fil »… « Je dois dire que par rapport à ce que j’avais imaginé, j’ai trouvé cela plus difficile que prévu ». L’appropriation de l’expérience ne suit pas un chemin unique : la séquence théorique prévue (nidification, exploration, marquage) n’est pas validée. L’existence de coupe-circuits entre les phases et de répétions est mise en évidence. Finalement, l’immersion s’exprime par un sentiment de bien-être et de gratification personnelle. Source : Caru A. et Cova B., (2003), « Approche empirique de l’immersion dans l’expérience de consommation : les opérations d’appropriation », Recherche et Applications en Marketing, 18, 2, p. 47-66.

1. Caru A. et Cova B., (2003), « Approche empirique de l’immersion dans l’expérience de consommation : les opérations d’appropriation », Recherche et Applications en Marketing, 18, 2, p. 47-66. 2. Cova V et Cova B., (2002), « Les particules expérientielles de la quête d’authenticité du consommateur », Décisions Marketing, 28, p. 33-42.

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Photographies expérientielles Cette méthode nécessite un échantillon d’environ 30 personnes partageant un même centre d’intérêt. Les instructions sont simples : « Prendre des photos représentatives d’un moment important de l’expérience de consommation, et de tous les détails ou images qui signifient quelque chose de particulier pour vous ». Une variante de la méthode utilise un appareil de photo stéréoscopique. Celui-ci permet une prise de vue en trois dimensions, les photos étant jumelées et légèrement décentrées pour respecter la perspective propre à chaque œil. Un relief apparaît, donnant l’illusion d’une profondeur de champ. Chaque participant détermine lui-même les thèmes saillants, les personnages ou objets à prendre en photo. Les photos sont développées sur papier ou visionnées sur un ordinateur. Chaque sujet observe son propre jeu. Il décrit chaque photo, pourquoi elle a été prise, les souvenirs et évocations suscitées. Le répondant consigne ses remarques dans un emplacement disponible sous chaque photo. Les textes sont catégorisés et interprétés, sur la base d’une analyse de contenu. Cette méthode a été appliquée à l’étude des relations entre les animaux de compagnie et leur maître (voir encadré 2.9). ENCADRÉ 2.9

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Les maîtres et leurs animaux de compagnie L’objectif de l’étude est d’évaluer l’importance et la place occupée par ces animaux dans la vie quotidienne. L’échantillon regroupe une centaine de New-yorkais ; pour 11 % d’entre eux, leur animal de compagnie est considéré comme un élément-clé de leur bonheur. L’analyse des vignettes a révélé sept grands types d’opportunités associées à la présence d’un animal de compagnie. Tout d’abord, l’animal permet d’apprécier la nature ou d’expérimenter une tranche de vie sauvage, grâce aux contacts quotidiens avec d’autres animaux de l’espèce ; le maître apprend beaucoup au contact de son animal, certains y voient une source d’inspiration et une ouverture sur leur environnement. Le sentiment de filiation ou de paternité représente une autre source de plaisir : il se manifeste au travers des jeux, des soins, de la participation à la vie de la famille ; au-delà, certains pensent que leur animal les rend plus altruiste, plus calme, « mieux dans leur peau ». Enfin, l’animal est un moyen de tisser des liens avec d’autres humains. Source : Holbrook M., Stephens D., Day E., Holbrook K S. et Strazar G., « A collective stereographic photo essay on key aspects of animal companionship », Academy of Marketing Science Review, janvier 2001, http://www.amsreview.org/amsrev/theory.

Une nouvelle méthode, la méthode « AOL », consiste à demander aux sujets de sélectionner directement sur l’Internet les images qui leur semblent les plus représentatives de l’expérience 1 : 1. Vernette É. (2007), « Une nouvelle méthode de groupe pour interpréter le sens d’une expérience de consommation : “l’album ON LINE” (AOL) », Actes des 12es journées de Recherche en Marketing de Bourgogne, [CD-Rom].

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

– écrire sur une feuille de papier les mots et les idées qui leur viennent spontanément à l’esprit quand ils pensent à l’expérience ; – taper sur un moteur de recherche d’images (par exemple Google images), l’un après l’autre, les différents mots ; – sélectionner les photos les plus évocatrices des sensations, des émotions, des moments critiques ou des personnes perçues comme les plus représentatives de l’expérience ; – commenter chaque photo, dire pourquoi elle a été sélectionnée, ce à quoi elle fait penser, la nature des émotions éprouvées, etc. ; – raconter une brève histoire (réelle ou imaginaire) qui illustrerait le mieux chaque photo. L’encadré 2.10 donne un exemple d’application de la méthode sur le thème : « Votre expérience du surf ». ENCADRÉ 2.10

Les représentations d’une expérience surf 1 Les représentations des répondants s’organisent autour de plusieurs mouvements : ceux liés à l’activité (surf des neiges et mer), à l’environnement (montagne, mer, plage), au support (musique, vague, nuage, piste), aux émotions (joie, angoisse, plaisir). Les sujets présents dans les photos apparaissent comme dominateurs et dominés par leur planche ; ils pratiquent seuls ou en groupe. Si le thème de la mer est évoqué directement ou indirectement dans presque toutes les photos, les formes sont très variées : déferlante, mer de nuages, écume de la poudreuse, rides sur le sable, marée humaine. En résumé, les représentations de l’expérience du surf dépassent la simple pratique d’un sport ou d’un loisir ; le surf est perçu comme un condensé des moments de la vie humaine, avec ses émotions fortes (positives ou négatives), sa quête de sens (valeurs, buts, motivations, désirs), ses cycles propres avec ses dimensions culturelle et sociale.

Métaphores Métaphore et comparaison sont deux formes particulières d’analogies. La comparaison opère un rapprochement entre deux termes (le comparé et le comparant) à l’aide d’un outil grammatical (comme, tel, pareil à, semblable) : « Une fille [comparé] belle comme le jour [comparant] ». La métaphore va plus en avant, car elle assimile, voire fusionne, les deux termes sans utiliser de 1. Vernette É. (2008), « Comprendre et interpréter une expérience de consommation avec l’album ON LINE” (AOL) : une application au surf des mers », 7th Congress for Marketing Trends, [Actes sur CD-Rom].

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RECENSER LES DÉSIRS, MOTIVATIONS D’ACHAT, ET EXPÉRIENCES DE CONSOMMATION

comparateur « la vie [comparé] n’est pas un long fleuve tranquille [comparant] » ; le comparé peut disparaître au profit du comparant : « les forçats [comparant] de la route » pour les coureurs cyclistes du Tour de France. La métaphore permet une économie dans la transmission des données nécessaires à la compréhension d’un concept difficile, tout en préservant le sens originel. L’interprétation est basée sur l’analyse des transferts de signification opérés entre deux domaines, l’un proche et connu, et l’autre lointain et méconnu. La métaphore est au cœur de la pensée. Nous exprimons très souvent grâce à elle nos idées, nos pensées et nos émotions : nous utiliserions près de six métaphores par minute 1. Les métaphores nous servent à percevoir et interpréter notre monde : faire des rapprochements et tirer des leçons de nos expériences. En outre, elles révèlent la face cachée et inconsciente de nos pensées et de nos sentiments.

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Bon nombre de métaphores reposent sur la cognition incarnée 2, c’est-àdire la mobilisation de sens perceptuels pour exprimer la pensée : « voir le problème », « toucher du doigt un défaut », « une situation sent mauvais », « je n’entends rien à l’informatique », « on ne goûte pas une plaisanterie ». D’autres se fondent sur les archétypes : ce sont des images universelles, susceptibles de variations entre les sociétés, mais porteuses d’un sens commun qui se sont concrétisées dans des mythes qui forment « l’inconscient collectif » 3. L’existence de ces archétypes donne à l’homme la possibilité de reproduire des idées analogues, quelle que soit sa culture ; par exemple l’archétype maternel possède, selon Carl Jung, de multiples significations, telles que « l’autorité magique du féminin, la sagesse et l’élévation spirituelle au-delà de l’intellect ; ce qui est bon, protecteur, patient ; ce qui soutient, ce qui favorise la croissance, la fécondité, l’aliénation, l’instinct ou l’impulsion secourable ; ce qu’il y a de caché, d’obscur, ce qui dévore, séduit, empoisonne, ce qui provoque l’angoisse, l’inéluctable. » 4 De leur côté, les anthropologues regroupent les archétypes en deux grandes catégories : les saisons et le héros. Dans une étude marketing, il faut distinguer les métaphores de surface (conscientes) des métaphores de fond (inconscientes) ; seules ces dernière permettent de cerner les motivations et désirs profonds du comportement de l’acheteur (voir encadré 2.11). 1. Zaltman G., (2004), Dans la tête du client, Éditions d’Organisation. 2. Marks L., (1996), « On perceptual metaphors », Metaphor and Symbolic Activitiy », 11, 1, p. 39-66, cité par Zaltman, (2004), ibid. 3. Tardan Masquelier Y, (1992), C.G. Jung, la sacralité de l’expérience intérieure, Droguet et Ardant, p. 47. 4. Jung C. J., (1971), Les racines de la conscience, trad. Buchet-Chastel, p. 97.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

ENCADRÉ 2.11

Les métaphores de l’indigestion alimentaire Contexte Il s’agit de positionner et d’orienter la campagne publicitaire d’un laboratoire qui vient de mettre au point un médicament sans ordonnance contre l’indigestion. La recherche s’est appuyée sur une technique de production de métaphores.

Exemple de métaphore Un interviewé sort un billet d’un dollar et explique que pour lui cela veut dire « Je sais que je dois ensuite payer le prix » ; un autre prend l’exemple d’un chef cuisinier « Tout est dans la modération ». Dans les deux cas, la signification de surface renvoie à l’argent et à l’abondance ; plus profondément, le sens apparaît dans l’équilibre : moral pour le premier (la facilité a un prix), matériel ensuite (ni trop, ni pas assez). D’autres métaphores vont dans le même sens : « Il y a des jours ou j’ai l’impression d’être une bascule, tantôt en haut, tantôt en bas » ; « Il n’est pas normal que certaines personnes puissent manger ce qu’elles veulent sans avoir de problème et que moi je ne puisse pas le faire. » Aucun des participants ne mentionne explicitement le mot équilibre, ni déséquilibre.

Résultats L’analyse montre une nette prédominance des métaphores liées à l’équilibre. Cette découverte d’une métaphore de fond a conduit à modifier le positionnement de soulagement qui était initialement prévu pour le médicament. « En fait, le produit doit apporter le soulagement pour procurer l’équilibre et non l’inverse. Ce retournement du concept donnait au produit un positionnement tout à fait unique dans l’industrie, dans la mesure où les sociétés pharmaceutiques avaient toujours insisté sur le soulagement comme but ultime des médicaments contre l’indigestion, sans tenter de comprendre pourquoi les consommateurs recherchaient le soulagement. » Les ventes ont sensiblement augmenté après la campagne publicitaire. Le fait d’avoir identifié les métaphores avant la campagne a permis à l’agence de se concentrer sur les véritables motivations du consommateur et d’éviter les pièges des discours de surface. Source : Zaltman G., (2004), op cit.

Nous proposons deux techniques pour générer et interpréter les métaphores : le portrait métaphorique et la méthode ZMET. ➤ Le portrait métaphorique

La méthode s’appuie sur le jeu du portrait chinois. Les participants doivent dire ce que serait l’objet, le produit ou la marque s’il était une ville, un animal, etc. La métaphore utilise des domaines connus, familiers pour les répondants (la source), pour parler d’un objet inconnu, non familier (la cible).

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RECENSER LES DÉSIRS, MOTIVATIONS D’ACHAT, ET EXPÉRIENCES DE CONSOMMATION

Huit domaines métaphoriques servent pour la production des métaphores : ville, pays ou continent ; animal ; plante ou légume ; plat cuisiné ; nourriture ou boisson ; sport ou événement sportif ; couleur ou matière ; voiture ou mode de transport ; chanteur ou groupe musical 1. Le répondant choisit cinq catégories de métaphores et indique les associations spontanées qui lui viennent à l’esprit pour cette catégorie ; puis, il reprend les associations en expliquant pourquoi il a pensé à cela.

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L’analyse des métaphores se fait d’abord au niveau de chaque interview 2. Le chargé d’étude évalue le sens global puis regroupe les phrases sur chaque métaphore choisie dans le ou les thèmes émergents. Il ventile les phrases associées à plusieurs thèmes. L’idée est obtenir une vision commune des différentes facettes de l’objet étudié, de façon à repérer les déclinaisons communes d’un thème et les divergences ; les éventuelles ambivalences dans un discours sont notées. Cette analyse est répétée pour le second entretien, pour comparer les discours des deux sujets et dégager le sens commun des métaphores. En élargissant l’analyse à l’ensemble des interviews, on dégage les métaphores communes qui sous-tendent une même idée, et inversement les métaphores qui véhiculent des idées différentes. Au terme de l’analyse, on dispose d’un lexique commun des métaphores, avec les verbatims les plus représentatifs pour illustrer les métaphores de fond. La figure 2.12 donne un aperçu des métaphores obtenues dans une étude sur les freins et les motivations pour l’usage de l’Internet, réalisée auprès d’une centaine de consommateurs potentiels canadiens. L’analyse révèle une ambivalence des répondants : l’Internet fascine et attire, mais en même temps, intrigue et effraye. Le Web est perçu comme une innovation hybride, apparemment complexe, d’une utilisation peu évidente, d’où une certaine peur et crainte. Les aspects positifs résident dans l’accès à une grande masse d’informations et l’existence de sites très attractifs ; l’idée d’un changement inéluctable dans les modes de vie et de travail induit par l’Internet est pratiquement acquise.

1. Balloffet P. et Boulaire C., (1999), « Representations of Internet : an investigation based on metaphors », Advances in Consumer Research, vol 26, p. 536-541 ; Boulaire C. et Balloffet P., (1999), « Freins et motivations à l’utilisation d’Internet : une exploration par le biais de métaphores », Recherche et Applications en Marketing, 14, 1, p. 21-39. 2. Boulaire C., (2004), « Portrait chinois : le jeu de la métaphore en tant qu’expérience », Décisions Marketing.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Types de métaphores

Exemples de métaphores

Exemples de verbatims associés aux métaphores

Ville, pays ou continent

Los Angeles, New York, Venise ; USA, Californie, Brésil, Australie

USA : « Les plus forts dans ce domaine ; ils ont les plus grosses entreprises » Venise : « À cause des canaux qui sont comme un réseau avec une image sentimentale et artificielle »

Animal ou plante

Pieuvre, loup, araignée, singe, lion, renard, éléphant, abeille, papillon

Pieuvre : « Cela pourrait envahir nos vies » Araignée : « Internet est comme une toile d’araignée ; vous êtes emmêlé dedans dès que vous y pénétrez »

Plat, boisson ou nourriture

Buffet chinois, spaghetti, champagne

Buffet chinois : « Un peu de tout, il vaut mieux ne pas être trop difficile » Spaghettis : « Un enchevêtrement d’informations, de techniques, de connexions »

Sport ou événement sportif

Jogging, relais, handball ; Formule 1, Jeux Olympiques

Jeux Olympiques : « C’est international, tous les pays y viennent pour faire quelque chose ensemble »

Couleur ou matière

Rouge, bleu, mer bleue, ciel bleu, blanc, usine, vêtement, soie, toile d’araignée

Rouge : « C’est vivant, cela va vite » ; « C’est jeune, c’est la couleur des affaires » Bleu : « Comme la mer, quelque chose de calme »

Type de musique ou un groupe

New age, rock, musique moderne, underground, requiem, jazz, Beatles,

New age : « Des personnes jeunes ; des américains étranges » ; « de la musique moderne, un peu bizarre »

Voiture ou un moyen de transport

Voiture de sport, camion, Ferra- Formule 1 : « C’est la vitesse de déplacement » ri, Mustang, Bus, Formule 1, Bus : « Cela transporte un grand nombre de choses voiture allemande, métro, avion différentes » Source : Balloffet P. et Boulaire C., (1999)., « Representations of internet : an investigation based on metaphors », op cit., p. 536-541.

Figure 2.12 – Quelques métaphores associées à l’Internet ➤ La méthode « Zaltman Metaphor Elicitation Technique » © (ZMET)

Elle comporte huit étapes (présentées dans la figure 2.13) permettant d’obtenir un grand nombre de métaphores 1. Une dizaine de jours avant son application, les répondants recueillent une quinzaine d’images reliées au thème de l’étude : par exemple, les vacances, la préparation d’un repas, le jardinage, etc. Cette collecte s’effectue dans des magazines, des journaux ou des prospectus publicitaires, etc. Les métaphores sont interprétées pour élaborer une carte « consensuelle » : on sélectionne celles qui sont citées par au moins 50 % des répondants et qui sont reliées à un même concept par au moins un tiers d’entre eux. On obtient généralement une liste de 25 à 35 construits. À titre de validation, 3 ou 4 interviews sont tirées au sort et l’on vérifie que chaque construit de la carte est présent dans au moins l’un d’entre eux. 1. Zaltman G., (1997), « Rethinking market research : putting people back in », Journal of Marketing Research, vol 44, novembre, p. 424-437.

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RECENSER LES DÉSIRS, MOTIVATIONS D’ACHAT, ET EXPÉRIENCES DE CONSOMMATION

Étapes de la méthode

Objectifs et interprétation

1 – Recueil des histoires

Description des éléments saillants contenus dans les photos et dessins rassemblés ; recueil des premières métaphores associées aux questions de l’étude et signification attribuée par le répondant.

2 – Images manquantes

Enregistrement des images que l’on aurait aimé trouver et qui n’ont pu l’être ; rédaction de fiches sur ces images manquantes.

3 – Classement des images

Répartition des images dans les catégories thématiques propres à chaque répondant.

4 – Citation des construits

Tirage au sort de 3 images : les sujets mettent ensemble les 2 qui leur semble les plus proches et donnent la raison de leur choix.

5 – Élaboration des métaphores

Sélection par l’enquêteur d’images pour lesquelles le répondant doit « élargir son champ de vision » : imaginer ce qui se passe à côté ou derrière, les éléments présents qui renforcent ou contredisent le sens donné à l’image, etc.

6 – Images sensorielles

Évocations (autres que visuelles) suggérées par les images : auditives, olfactives, tactiles, gustatives.

7 – Vignettes

Histoire (bref scénario) suggéré par l’image : pensées, sentiments évoqués.

8 – Images digitales

Construction d’une image de « synthèse » par collage ou montage successifs des images : elle doit résumer les éléments considérés comme essentiels par le sujet pour la question étudiée.

Figure 2.13 – Les étapes de la technique ZMET

CONCLUSION

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Nous avons passé en revue durant ce chapitre un grand nombre de techniques, essentiellement qualitatives, qui offrent au manager marketing des informations sur le « pourquoi » d’un achat d’un produit ou d’une marque, et le « comment » de sa consommation. Ces données sont nécessaires pour baliser les axes de toute bonne stratégie marketing. L’obtention et l’analyse de ces informations nécessitent une interprétation de la part du chargé d’étude. Celle-ci ne va pas sans risques, dès lors que l’on admet la subjectivité inhérente à toute interprétation. D’où les questions inévitables et récurrentes que se posent certains managers quant à la fiabilité et de ces méthodes. Mais il faut bien reconnaître que l’exploration de l’inconscient, l’investigation du latent et la compréhension du sens des représentations des consommateurs s’accommodent mal d’une démarche positiviste. Il ne nous appartient pas de trancher ce débat entre les partisans du « quali » et du « quanti ». Nous nous sommes contentés de présenter les méthodes de façon factuelle, avec un mode d’emploi succinct, mais sans omettre de signaler au passage leurs limites. Les nombreuses références ajoutées incitent le lecteur critique, ou plus simplement curieux, à se forger lui-même une opinion en se reportant aux sources citées.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Le chapitre suivant est consacré aux méthodes d’identification de critères de choix d’un produit. Là encore, les nombreuses méthodes, certaines qualitatives, d’autres quantitatives, seront présentées dans le même esprit que celui qui a animé ce chapitre.

BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE BARDIN L., (1993), Analyse de contenu, Puf. CARSON D., GILMORE A., PERRY C. et GRONHAUG K, (2001), Qualitative Marketing Research, Sage Publications p. 113-131. COULON A., (1993), L’ethnométhodologie, PUF. GIANNELLONI J. L et Vernette É., (2001), Études de marché, 2e édition, Vuibert, (chapitres 4 à 6). MARIAMPOLSKI H., (2001), Qualitative Market Research : a comprehensive guide, Sage Publications, Thousand Oaks, Cal, p. 147-240. MILES M. et HUBERMAN M., (2003), Analyse des données qualitatives, 2e édition, De Boeck. PELLEMANS P., (1998), Le Marketing qualitatif, De Boeck Université. ZALTMAN G., (2004), Dans la tête du client, Éditions d’Organisation.

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CHAPITRE 3

Identifier les critères de choix d’un produit

Les études stratégiques Chapitre 2 Recenser les désirs, motivations, expériences de consommation Problématique du choix d’un produit Chapitre 3 Identifier les critères de choix d’un produit

Recenser les critères de choix Sélectionner les critères Comparer les méthodes

Chapitre 4 Segmenter un marché

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Chapitre 5 Choisir un positionnement Chapitre 6 Prévoir les ventes

Plan du chapitre

N consommateur choisit rarement une marque au hasard. La plupart du temps, il procède à une évaluation, plus ou moins rapide, des différentes options. Les différentes séquences de cette démarche sont détaillées dans les modèles de comportement du consommateur. Tous, ou presque, mettent en évidence qu’avant le choix final, l’acheteur compare les marques sur des éléments clés, appelés « critères de choix », dont l’identification constitue un enjeu prioritaire pour le manager marketing.

U

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Nous situerons et définirons dans un premier temps les différentes propriétés des critères de choix en les replaçant au sein des principaux modèles de comportement du consommateur. Nous verrons que leur identification s’opère en deux temps : recensement des attributs potentiellement déterminants, puis sélection. Nous présenterons dans une seconde partie deux méthodes courantes qui permettent de recenser les attributs, puis, dans une troisième partie, quatre techniques qui sélectionnent, à partir de ces listes, les attributs considérés comme critères de choix final des consommateurs. Ce tour d’horizon nous aura permis de présenter six méthodes, parmi la vingtaine existante. Face à une telle profusion, quelle méthode peut-on recommander ? Nous proposerons, en dernier lieu, quelques pistes pour faciliter la décision.

Problématique du choix d’un produit Le choix d’un produit s’opère selon un processus séquentiel qui mobilise de nombreuses variables et qui est sujet à de multiples influences. Son analyse constitue l’objet des ouvrages de comportement de l’acheteur 1. Aussi, avant de présenter les méthodes d’identification, la compréhension du statut des critères de choix et de leur rôle joué lors de l’achat est nécessaire.

Comportement d’achat Bon nombre d’auteurs ont proposé, en se fondant sur les résultats d’une grande quantité de recherches, un modèle global synthétisant le comportement d’achat d’un consommateur. Nous évoquerons brièvement deux d’entre eux. ➤ Le modèle d’Engel, Kollat et Miniard 2

De type intégrateur, il accorde une place importante aux aspects cognitifs du traitement de l’information. L’existence d’un problème est le point de départ de la recherche d’informations sur la marque, recherche plus ou moins étendue selon le type d’achat. Par exemple, l’état de manque (« Il n’y a plus de café ») ou l’insatisfaction vis-à-vis du produit possédé (« Ma voiture est trop ancienne ») agissent comme des stimuli potentiels pour le démarrage d’un processus d’achat. 1. Voir par exemple : Darpy D. et Volle P., (2007), Comportements du consommateur, Dunod, 2e éd. ; Derbaix C. et Brée J. (2000), Comportement du consommateur, présentation de textes choisis, Economica ; Dubois B. (1994), Comprendre le consommateur, Dalloz, 2e éd. ; Filser M. (1994), Le comportement du consommateur, Précis-Dalloz ; Ladwein R. (2003), Comportement du consommateur, Economica, 2e éd. ; Pras B. et Tarondeau J. C. (1981), Le comportement de l’acheteur, Sirey. 2. Engel J., Kollat D. et Miniard P., (1995), Consumer Behavior, Dryden Press, 8e éd.

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IDENTIFIER LES CRITÈRES DE CHOIX D’UN PRODUIT

Les choix du consommateur sont supposés guidés par une démarche rationnelle, prioritairement fondée sur la comparaison de marques sur des critères de choix. Le processus est éliminatoire : parmi l’ensemble des marques connues, seul un petit nombre est sérieusement considéré lors du choix. L’appartenance d’une marque à cet ensemble évoqué, résulte d’une série de jugements évaluatifs fondés sur les croyances spécifiques du consommateur (« La marque x est plus solide que la marque y, mais elle est trop chère pour mon budget »). De ces évaluations multiples naît un ordre de préférence : l’intention, puis l’achat effectif, se porte généralement sur la marque préférée. La consommation enrichit le stock d’informations disponibles, confirmant ou infirmant les croyances antérieures vis-à-vis des marques. Elle conduit à un jugement global de satisfaction qui tend à favoriser la fidélité à cette marque, ou au contraire, à un jugement d’insatisfaction qui peut faire sortir la marque de l’ensemble évoqué. 1

Reconnaissance d’un problème

Recherche d’informations sur les marques, produits (mémoire, avis de vendeurs, publicité, catalogue, amis,...)

2

Comparaisons de marques

3

Achat d’une marque

Critères de choix

4

Choix

Consommation de la marque

Résultats

Intention Croyances au sujet des marques Préférence

Figure 3.1 – Le processus d’achat d’une marque (vision cognitive)

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➤ Le modèle d’Holbrook et Hirschman 1

Il s’inscrit dans une vision plus « affective » du comportement de l’acheteur. Sans renier l’approche cognitiviste, il considère la consommation comme une forme de recherche d’expérience, fondée sur des sensations et sentiments spécifiques. Les objectifs de l’achat (bénéfices recherchés) sont moins utilitaires, mais plus dirigés vers la quête du plaisir et un style de vie fondé sur l’hédonisme. La consommation est indissociable de son contexte : il existe une interaction forte entre le sujet, le groupe et la nature de l’activité. L’achat est soumis à des influences très variées, telles que la nostalgie, la pression du temps, les liens avec le groupe, la quête d’un niveau optimal de sensations et de stimulations. 1. Holbrook M. et Hirschman E., (1982), « The experential aspects of consumption : consumer fantasies, feelings and fun », Journal of Consumer Research, vol. 9, p. 132-140.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

L’évaluation des marques et des produits se fait de manière plus globale (« holistique ») au travers du filtre affectif des émotions et des sentiments 1. C’est la consommation qui permet à l’acheteur d’évaluer la marque sur la base du plaisir ou déplaisir ressenti. Si les critères de choix existent, ils n’interviennent qu’a posteriori, lors d’une évaluation cognitive du produit ou de la marque consommée. Ils sont surtout centrés sur l’esthétique, le caractère ludique, la possibilité de communiquer et de partager ses expériences avec les membres du groupe. Évaluation affective (émotions, symboles)

Consommation « expérience »

Évaluation cognitive (critères de choix) (esthétique, jeu, groupe)

Figure 3.2 – Le processus d’achat d’une marque (vision affective)

Attributs et critères de choix Un attribut est un élément propre à une marque (ou un produit) permettant au consommateur de distinguer et de comparer les différentes marques (ou produits) présentes sur un marché. Coca-Cola est reconnaissable par une forme particulière de bouteille, une couleur, une saveur et un prix spécifiques.

Une bonne image de marque suppose qu’une majorité de consommateurs juge favorablement les divers attributs de la marque. De nombreuses recherches ont mis en évidence que les consommateurs n’utilisaient pas, lors d’un achat, tous les attributs caractéristiques du produit ou de la marque. Seul un petit nombre est effectivement pris en compte par le consommateur : ces attributs clés sont appelés critères de choix 2. Si lors d’un achat de soft drink, le consommateur ne tient pas compte de la couleur, ni de la forme du packaging, ces deux attributs ne seront pas des critères de choix.

Logiquement, seuls les attributs clés devraient être sélectionnés par les méthodes d’identification de critères. L’encadré 3.1 montre que cet objectif 1. Pour une comparaison des processus de choix affectif et cognitif, voir par exemple : Graillot L., (1998), « Émotions et comportement du consommateur », Recherche et Applications en Marketing, vol. 13, n˚ 1, p. 5-24. 2. Alpert M.I., (1971), « Identification of determinant attributes : a comparison of methods », Journal of Marketing Research, mai, p. 184-191 ; Pras B. et Tarondeau J.C., (1981), Comportement de l’acheteur, Sirey.

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IDENTIFIER LES CRITÈRES DE CHOIX D’UN PRODUIT

n’est pas facile à atteindre parce que les attributs peuvent revêtir différentes propriétés. ENCADRÉ 3.1

Attributs importants, déterminants et saillants Un attribut peut revêtir trois propriétés 1 : – importance : ce qui a un poids, une conséquence prévisible pour modifier une attitude vis-à-vis de la marque ; –déterminance : ce qui est directement relié au choix (ou à la préférence). Cette propriété suppose que l’attribut est simultanément important et susceptible de différencier les marques entre elles. Un attribut déterminant est synonyme de critère de choix ; –saillance : ce qui est fortement et consciemment présent à l’esprit du consommateur et qui est susceptible d’être verbalisé par le consommateur. Plusieurs implications découlent de ces définitions :

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1. – Tous les attributs importants ne sont pas nécessairement déterminants. Il ne faut pas confondre un attribut qualifié d’important par le consommateur avec un critère de choix. Par exemple, les heures d’ouverture sont un attribut important pour le choix d’un hypermarché, mais comme tous les hypermarchés offrent à peu près les mêmes plages horaires, cet attribut n’est pas un critère de choix. Dans la figure 3.3, ce cas correspond aux cases n˚ 4 ou n˚ 3. 2. – Un attribut saillant n’est pas forcément déterminant (cases n˚ 2 et n˚ 3). Par exemple, un attribut fortement martelé par la publicité a une forte présence à l’esprit qui le rend facilement verbalisable, sans pour autant que cela signifie qu’il influence le choix : un peu comme l’on fredonne sans arrêt une chanson, tout en considérant les paroles niaises. Par exemple, la publicité de Danette (« On se lève tous pour Danette ») bénéficie d’un fort score d’impact qui donne une forte probabilité à l’accroche d’être verbalisée lorsque l’on mentionne la marque. Est-ce à dire que les attributs implicitement suggérés par la publicité (le respect, l’enthousiasme) sont déterminants pour tous les consommateurs qui les mentionnent ? Pour un nombre important d’entre eux, il s’agira d’un effet de conditionnement (stimuli réflexe) largement mis en évidence par les psychologues « behavioristes ». 3. – Un attribut déterminant n’est pas obligatoirement saillant (case n˚ 6). Deux causes majeures expliquent cette constatation. Tout d’abord le consommateur à une tendance naturelle, par pudeur ou par peur du ridicule, à autocensurer certains attributs qui lui

1. Cette question a largement été débattue dans la littérature marketing. Les définitions changent d’un auteur à l’autre. Nous retenons celles qui font l’objet d’un consensus minimum. Pour une discussion voir, Alpert M.I., (1980), « Unresolved issues in identification of determinant attributes », Advances in Consumer Research, vol. 7, p. 83-88 ; Dubois P.L., (1980), « Le concept de relief des attributs », Revue Française du Marketing, 2, p. 19-30 ; Myers J. H. et Alpert M.I., (1977), « Semantic confusion in attitude research : salience vs importance », Advances in Consumer Research, vol. 4, p. 106-109.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

viennent à l’esprit, mais perçus comme indésirables socialement. Ainsi, pour le choix d’un parfum ou d’un déodorant, le pouvoir de séduction (souvent suggéré par une touche d’érotisme dans la publicité) est un attribut déterminant, mais non saillant, parce que rarement verbalisé par les répondants. La publicité pour un parfum de Guerlain (« L’instant Guerlain… ») exploite ce type d’attribut, en mettant en scène une jeune femme lascive et tentatrice. Interrogé après l’achat, le consommateur peut éprouver une réelle gêne pour « avouer » les attributs qui ont réellement déterminé son choix. Pour d’autres catégories, telles les produits de haute technologie ou innovateurs, le consommateur a du mal à se représenter les critères à prendre en considération, par méconnaissance des usages possibles du produit. Enfin, tout simplement, le consommateur peut ne pas être conscient des attributs utilisés lors du choix : ce sont des hypothèses formulées par les psychologues cliniciens pour lesquels bon nombre de nos actes relèvent de l’inconscient. Il est donc délicat d’identifier ces attributs déterminants, mais non saillants.

Forte probabilité d’être verbalisé

Faible probabilité d’être verbalisé

Saillant & Sans importance

Saillant & Important

Saillant & Déterminant

2

3

5

Non saillant & Sans importance

Non saillant & Important

Non saillant & Déterminant

1

4

6

Pas d’influence sur le choix

Forte influence sur le choix

Figure 3.3 – Propriétés des attributs

SYNTHÈSE MANAGÉRIALE Le consommateur utilise un petit nombre de critères pour choisir une marque : de l’ordre de trois à cinq pour les achats courants, et jusqu’à neuf pour les achats à caractère impliquant 1. La principale difficulté pour les méthodes est d’arriver à identifier les seuls attributs des cases n˚ 5 et n˚ 6. Retenir d’autres types d’attributs conduirait à formuler des recommandations dangereuses sur le plan stratégique : par exemple, positionner un nouveau produit sur un attribut important mais non 1. Rothshild M.L. et Houston M.J., (1977), « The consumer involvment matrix : some preliminary findings », American Marketing Association Proceedings, p. 95-98 ; Ryan M.J. et Etzel N.J. (1976), « The nature of salient outcomes and referents in the extended model », Advances in Consumer Research, vol.3, p. 485-490.

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IDENTIFIER LES CRITÈRES DE CHOIX D’UN PRODUIT

différenciant (cases n˚ 3 et 4), ou pire encore, se laisser séduire par des attributs « parasites », c’est-à-dire saillants mais sans importance (case n˚ 2), augmente fortement le risque d’échec. Ainsi, les méthodes qui imposent un mode de réponse risquent de laisser de côté tous les attributs déterminants non verbalisables. Nous retrouvons ici le clivage traditionnel entre les méthodes quantitatives et les méthodes qualitatives.

Étapes du processus d’identification Le processus complet comporte quatre étapes retracées dans la figure 3.4. Nous allons présenter brièvement chacune d’entre elles. Usage prévu

Génération d'attributs

Sélection des critères de choix

Détermination du niveau du critère

Scénario de choix

Liste extensive

Liste restrictive

Seuil idéal

ÉTAPE 1

ÉTAPE 2

ÉTAPE 3

ÉTAPE 4

Figure 3.4 – Processus d’identification des critères de choix

• Étape 1 : situation d’usage. Les caractéristiques recherchées dépendent notamment de la situation de consommation prévue 1.

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Un même consommateur choisit une formule de restauration rapide sur son lieu de travail, considérant les attributs prix et rapidité comme déterminants à midi, et un restaurant réputé pour un dîner le soir en tête-à-tête, car intimité et cuisine raffinée lui semblent cruciaux pour cette sortie.

En conséquence, plusieurs scénarios d’achat doivent être envisagés. Les entretiens individuels semi-directifs et les méthodes de groupe conviennent pour cet objectif. • Étape 2 : recensement de critères potentiels. Le chargé d’étude choisit une méthode pour répertorier l’ensemble des attributs susceptibles d’être déterminants du choix, compte tenu de l’usage prévu. L’objectif est de disposer d’une liste extensive de caractéristiques : il s’agit d’être sûr de n’oublier aucun attribut potentiellement déterminant. Nous présenterons les méthodes les plus courantes dans la partie suivante. 1. Dubois B., (1990), « Un autre aspect dans l’étude du consommateur : l’approche situationnelle », Revue Française du Marketing, vol. 4, p. 73-81 ; Dubois B, (1996), Marketing situationnel pour consommateurs caméléons, Revue Française de Gestion, n˚ 110, p. 83-89 ; Filser M., (1985), « Analyse de l’adéquation des enseignes aux attentes des consommateurs », Actes de L’Association Française de Marketing, vol. 1, p. 192-218 ; Lemoine J. F, (2001), « Contextes d’achat et critères de choix : acheter pour soi ou pour les autres », Décisions Marketing, n˚ 22, janvier-avri1, p. 25-31.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

• Étape 3 : sélection des critères de choix. La liste d’attributs obtenue à l’étape précédente comporte bon nombre d’attributs « non déterminants ». Il faut mettre en œuvre un mécanisme de tri pour apurer la liste extensive. La liste finale, appelée liste restrictive, ne doit comporter que les véritables critères de choix du produit. Ces méthodes font l’objet de la troisième partie de ce chapitre. • Étape 4 : détermination du niveau à atteindre sur le critère. Cette dernière étape est importante et conditionne le positionnement de la marque. Elle tient compte tout aussi bien des attentes du consommateur que des choix déjà opérés par les concurrents, le capital de marque, etc. Savoir par exemple que la quantité de sucre est un critère de choix d’un soft drink n’indique pas précisément quelle est la teneur idéale recherchée par la cible.

Nous présenterons quelques méthodes dans le chapitre consacré au positionnement (voir chapitre 5) et d’autres encore, lors de l’exposé des techniques sensorielles (voir chapitre 7).

Recenser les critères de choix potentiels Nous ne détaillerons dans ce paragraphe que deux méthodes, faciles à appliquer. D’autres techniques envisageables seront ensuite simplement énumérées.

Grille répertoire de Kelly Elle repose sur la théorie du « construit personnel » définit par Kelly 1 comme « une façon, une manière selon laquelle un individu perçoit qu’une chose ressemble ou diffère d’une autre ». Selon cette approche, le comportement d’un individu dépend de schémas de conceptualisation personnels et de structures cognitives de représentation de soi et du monde extérieur 2. Le construit serait bipolaire, avec une orientation négative-positive : il permet de relier un objet à un autre. L’ensemble des construits forme une carte mentale représentant le système perceptuel de l’individu. La grille a été initialement élaborée pour la construction d’échelle sémantique différentielle, mais elle est couramment utilisée pour le recensement d’attributs. ➤ Collecte des données

Un échantillon de 30 à 50 répondants appartenant à la cible visée est placé devant un scénario de choix précis. On présente à chaque individu un jeu de 1. Kelly G. A., (1955), The psychology of personal constructs, vol. 1 et 3, New York, Norton. 2. Évrard Y., Pras B. et Roux E., (2003), Market, op. cit., p. 155 ; on trouvera dans cet ouvrage d’autres applications de la méthode pour le test de concept et le positionnement d’un nouveau produit.

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IDENTIFIER LES CRITÈRES DE CHOIX D’UN PRODUIT

cartes, un nom de marque différent figurant sur chaque carte. Les marques retenues (entre 5 et 10) doivent bénéficier d’une notoriété suffisante pour l’échantillon et être représentatives de la variété des positionnements du marché. Les étapes d’administration de la méthode sont les suivantes : • Étape 1 : le répondant élimine du paquet les cartes qu’il ne connaît pas. • Étape 2 : l’enquêteur tire au sort trois cartes (une triade) et demande à l’interviewé de mettre ensemble les deux cartes considérées comme les plus semblables. Le répondant indique le premier attribut qui lui a permis de considérer que deux de ces marques étaient proches et s’opposaient à la troisième.

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Un consommateur a pu mettre Mercedes et BMW ensemble face à Renault, considérant les deux premières comme prestigieuses, à la différence de la troisième.

Le répondant doit penser ensuite à un nouvel attribut pour mettre ensemble ces 2 marques, puis à un autre, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus en fournir de nouveaux. On peut aussi, après l’énoncé du premier attribut, passer directement à l’étape n˚ 3. La pratique montre que ces deux solutions conduisent à une liste finale identique. • Étape 3 : l’enquêteur tire à nouveau trois nouvelles cartes, en demandant au répondant de penser à un autre attribut (différent de ceux précédemment cités) permettant d’établir un regroupement de deux marques. Le processus de génération s’arrête lorsque l’interviewé n’est plus en mesure de fournir de nouveaux attributs, ou lorsque toutes les triades ont été épuisées. Généralement, ceci se produit au bout de 5 ou 6 tirages. • Étape 4 : un complément intéressant consiste à reprendre chaque caractéristique citée lors des phases 2 et 3, et à demander au répondant de citer pour chacune d’entre elles un ou plusieurs synonymes. Cela permet de repérer les attributs redondants, c’est-à-dire les attributs qui ont un sens identique ou proche mais qui ont été exprimés avec des mots différents selon les répondants. ➤ Établissement des listes d’attributs

L’obtention de la liste finale nécessite un important travail de regroupement des attributs redondants au niveau individuel, d’élimination des formulations trop générales (« j’aime beaucoup », « je n’utilise pas »), puis d’homogénéisation des formulations voisines chez deux ou plusieurs répondants. Les différentes étapes des traitements sont les suivantes 1 : • Étape 1 : apurer les listes individuelles (attributs redondants). 1. D’autres façons de procéder existent. Sur ce point, voir Gutman J. et Reynolds T.J., (1983), « An improved format for reporting repertory grid results », American Marketing Association Proceedings, series n˚49, p. 428-431.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

• Étape 2 : homogénéiser les libellés des attributs au niveau de l’échantillon. • Étape 3 : conserver tout attribut cité au moins une fois par un répondant. • Étape 4 : classer par ordre de fréquence décroissante les attributs, du plus souvent cité au moins souvent cité. • Étape 5 (prolongement possible) : considérer comme critère de choix tout attribut mentionné par au moins un répondant sur deux (c’est-à-dire dont la fréquence est supérieure ou égale à 50 %). Ceci est envisageable si l’on dispose d’un échantillon représentatif de la population et d’un effectif d’au moins 200 personnes pour que la fluctuation des estimations reste acceptable. Cela dit, la méthode étant d’essence qualitative, l’apurement des listes reste lourd et très coûteux, d’où l’intérêt de se limiter à un échantillon de 30 à 50 personnes et d’utiliser l’une des méthodes présentées dans la troisième partie de ce chapitre pour établir la liste restrictive des critères. ENCADRÉ 3.2

Grille de Kelly et critères de choix d’une eau de toilette Contexte et scénario de choix Il s’agit d’identifier les critères utilisés par des étudiantes, âgées de 18 à 25 ans, pour choisir une eau de toilette. 50 étudiantes ont été interrogées. Le scénario d’achat est le suivant : « Imaginons que vous ayez décidé de consacrer une somme comprise entre 30 et 50 € pour l’achat d’une eau de toilette pour vous-même. Une vendeuse vous propose les marques suivantes (montrez les cartes) : N˚ 5 de Chanel, Ysatis de Givenchy, Samsara de Guerlain, Loulou de Cacharel, Opium de YSL, Poison de Dior. »

Questionnaire « Veuillez tout d’abord retirer du paquet les marques de parfum que vous ne connaissez pas, ne serait-ce que de nom. » [Procéder au tirage au sort de la première triade.] « Voici trois marques. Mettez ensemble les deux marques qui vous apparaissent comme les plus semblables. » [attendre] « Dites-moi maintenant ce qui vous a conduit à mettre ensemble ces deux marques, c’est-à-dire la raison pour laquelle vous pensez que ces deux marques se ressemblent et se distinguent de la troisième. » [noter l’attribut] « Qu’est ce qui pourrait faire que ces deux marques se ressemblent encore ? » [noter, puis relancer] « Quoi d’autre encore ? » [Procéder au second tirage au sort quand le répondant ne peut fournir de nouvelles caractéristiques.] « Voici 3 nouvelles marques. Vous allez, comme tout à l’heure, mettre ensemble celles qui vous semblent les plus proches. » [attendre] « Dites-moi maintenant ce qui vous a conduit à mettre ensemble ces deux marques, mais, attention, cela doit être différent de ce que vous venez de me dire pour les marques précédentes » [noter, puis relancer] « Quoi d’autre encore ? »

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IDENTIFIER LES CRITÈRES DE CHOIX D’UN PRODUIT

[Arrêter les tirages quand l’enquêté ne peut plus fournir de nouveaux attributs, ou si vous avez épuisé les combinaisons. Reprendre un à un les attributs cités et demander à l’enquêté de fournir pour chacun d’eux une brève explication, ainsi qu’un ou deux mots synonymes.]

Résultats Les répondants ont cité en moyenne 3 à attributs différents, après traitement de la redondance. La liste finale comporte 8 attributs au total. L’odeur est mentionnée par 90 % des répondants et arrive largement en tête devant le prix (46 %), la réputation de la marque (45 %), la personnalité et le statut social (44 %), l’esthétique du flacon (30 %), le caractère mystérieux (28 %), le pouvoir de séduction (26 %), l’évasion et le rêve (5 %). Avec une taille de l’échantillon plus grande, on pourrait considérer que seule l’odeur est un critère de choix. Mais avec seulement 50 individus, l’intervalle de confiance des attributs prix, réputation et personnalité étant de ± 12 points autour de leur pourcentage observé dans l’échantillon, on ne peut pas dire s’il s’agit de critère de choix ou de simples attributs servant à l’évaluation d’une marque de parfum.

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➤ Appréciation de la méthode Dans la pratique, il est difficile d’obtenir des caractéristiques réellement bipolaires, autres que la forme négative de l’attribut : par exemple « solide, pas solide » est plus souvent cité que « solide et fragile ». Les attributs restent souvent trop généraux ou reprennent des éléments du marketing-mix « fait beaucoup de publicité », « présent dans les grands magasins », « gamme étendue », etc. Cette méthode demande une certaine agilité d’esprit et une capacité d’imagination au répondant. Enfin, le travail de regroupement et d’élimination des attributs redondants est long et fastidieux. La grille de Kelly identifie correctement les attributs saillants (cases n˚ 2, n˚ 3, n˚ 5 de la figure 3.3), mais, outre un échantillon de taille raisonnable, la méthode nécessite des opérations délicates de tri pour ne conserver que les attributs déterminants (case n˚ 5).

Citation directe La méthode est conçue pour identifier les attributs saillants 1. Elle s’appuie sur les travaux de Krech et Crutchfield 2. Ceux-ci ont observé que, si nous avons en tête un nombre plus ou moins important de croyances concernant des objets, des personnes ou des situations, seules certaines d’entre elles émergent de façon notoire. Ces croyances, qualifiées de « top of mind », sont au sommet de nos préoccupations : elles nous viennent plus facilement à l’esprit et sont plus fréquemment verbalisées que les autres. 1. D’autres applications marketing sont possibles ; voir Vernette É., (1994), « La méthode de citation directe : préparer des décisions marketing efficaces », Décisions Marketing, n˚ 3, septembre-décembre, p. 101-106. 2. Krech D. et Crutchfield R.S., (1948), Theory and problems of social psychology, New York, Mc Graw Hill.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

➤ Collecte des données

On sélectionne un petit nombre de marques (entre 5 et 10) disposant d’une notoriété suffisante et représentative des positionnements du marché. Les étapes nécessaires pour le recueil des données sont les suivantes : • Étape 1 : le répondant élimine les marques qu’il ne connaît pas, ne seraitce que de nom. • Étape 2 : il se représente chacune de ces marques, puis indique « ce qui lui vient spontanément à l’esprit quand il pense à chacune de ces marques pour un prochain achat ». L’interviewé ne doit pas s’autocensurer. La citation des attributs peut se faire, indifféremment, en considérant l’ensemble des marques, ou en citant les attributs, marque par marque. Dans ce dernier cas, seuls les attributs nouveaux doivent être mentionnés. • Étape 3 : quand l’individu ne peut plus citer de nouveaux attributs, l’enquêteur reprend chaque attribut cité et demande au répondant des synonymes ou une brève explication. ➤ Établissement des listes d’attributs

La procédure d’analyse est similaire à celle de la grille de Kelly. • Étape 1 : apurement des listes individuelles et homogénéisation des libellés des attributs. • Étape 2 : tout attribut cité ou moins une fois par un répondant fait partie de la liste finale. • Étape 3 : classement des attributs par ordre de fréquence de citation décroissante. • Étape 4 (prolongement possible) : comme pour la grille de Kelly, et avec les mêmes réserves, tout attribut cité par au moins 50 % des répondants peut être considéré comme un critère de choix. ENCADRÉ 3.3

Citation directe et critères de choix d’une eau de toilette Contexte et scénario de choix Un nouvel échantillon de 50 étudiantes a été interrogé ; le contexte d’achat est identique à celui décrit pour la méthode Kelly.

Questionnaire « Vous avez en face de vous les marques suivantes : N˚ 5 de Chanel, Ysatis de Givenchy, Samsara de Guerlain, Loulou de Cacharel, Opium de YSL, Poison de Dior. Rayez les marques que vous ne connaissez pas ». « Imaginez-vous dans une parfumerie au moment du choix final, devant ces différentes marques : représentez-les vous bien. Dites-moi les choses, les caractéristiques qui vous

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IDENTIFIER LES CRITÈRES DE CHOIX D’UN PRODUIT

viennent spontanément à l’esprit quand vous pensez à chacune d’entre elles pour votre prochain achat. Tout ce que vous pouvez nous dire à leur sujet nous intéresse, surtout ne vous autocensurez pas. Vous pouvez nous dire ce que vous avez en tête en prenant chaque marque l’une après l’autre, ou en les considérant dans leur ensemble. Dans le premier cas, ne répétez pas quelque chose que vous auriez déjà dit au sujet d’une autre marque. » Lorsque l’individu ne peut plus citer de nouvelles caractéristiques, on enchaîne avec la question suivante : « Vous venez de nous citer un certain nombre de caractéristiques. Pour chacune d’entre elles, nous allons vous demander un ou plusieurs mots équivalents, afin de nous aider à bien comprendre le sens que vous leur donnez. »

Résultats La méthode a identifié, après traitement de la redondance exactement les 8 mêmes attributs que la grille de Kelly. L’odeur est citée par 94 % des étudiantes, à égalité avec la personnalité et le statut social ; viennent ensuite le prix (52 %), la réputation de la marque (50 %), le caractère mystérieux (46 %), le pouvoir de séduction (38 %), l’esthétique du flacon (30 %), l’évasion et le rêve (26 %). La correspondance avec les classements de la méthode Kelly n’est pas parfaite. Par exemple, « Personnalité et statut social » est considéré comme le critère n˚ 1 par la méthode de citation directe, alors qu’il n’arrive qu’en 4e position avec la grille de Kelly.

➤ Appréciation

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

La méthode de citation directe souffre de problèmes voisins de ceux de la grille de Kelly : une tendance à la restitution des slogans publicitaires propres aux marques, une abondance de formes idiosyncratiques (« j’aime cette marque »), une lourdeur certaine pour le traitement des attributs redondants. En revanche, elle est plus facile à comprendre par les enquêtés. De plus, si les consignes sont bien appliquées, le répondant se sent moins jugé, ce qui limite le risque d’autocensure. Ce climat de confiance favorise l’apparition d’attributs réellement déterminants (case n˚ 5 de la figure 3.3).

Autres méthodes La plupart des méthodes présentées dans le chapitre 2 permettent le recensement d’attributs potentiellement déterminants. Ainsi l’entretien individuel semidirectif, la technique du groupe nominal 1, les méthodes d’observation, les protocoles verbaux sont envisageables. Mais les principes de la grille de Kelly et de la méthode de citation directe leur confèrent une meilleure proximité avec le concept de critère de choix ; de surcroît, leur mise en œuvre est aisée 2. 1. Pour un exemple d’application à un contexte d’identification de critères de choix, voir Giannelloni J.-L et Vernette É., (2001), Études de marché, op. cit., p. 142-144. 2. Vernette É., (1986), Comparaison des méthodes d’identification de critères de choix d’un produit, Thèse de Doctorat d’État, Université de Paris-X Nanterre ; Vernette É., (1987), « Identification des attributs déterminants : une comparaison de six méthodes », Recherche et Applications en Marketing, vol. 2, n˚ 4, 1-21, décembre.

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Vernette.Livre Page 88 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Sélectionner les critères de choix La phase de sélection constitue le cœur du processus d’identification des critères de choix d’un produit. Nous allons détailler quatre méthodes. La grande diversité de leurs modes de fonctionnement illustre bien les difficultés de mesure d’un critère de choix. Ces méthodes présentent la même contrainte : elles ne peuvent fonctionner que si le chargé d’étude dispose d’une liste exhaustive d’attributs potentiellement déterminants. La tentation est grande, faute de temps ou pour réduire les coûts, de sauter cette étape et de constituer la liste sur la base du « bon sens ». Le risque est double : oubli d’un ou plusieurs attributs qui auraient pu être des critères de choix du produit, et formulation inadéquate des attributs, par méconnaissance du vocabulaire. Nous recommandons de ne pas sauter cette étape, car les performances des méthodes de sélection sont conditionnées par la qualité de la liste extensive d’attributs qui leur est soumise.

Méthode d’auto-évaluation de l’importance Cette méthode regroupe plusieurs variantes. Celles-ci se différencient par le type d’échelles de mesure, mais dans tous les cas, le répondant indique luimême l’importance accordée à chacun des attributs. ➤ Collecte des données

• Choix d’une échelle de mesure de l’importance La variante la plus courante exige une mesure ayant les propriétés d’intervalle ou de rapport 1, car les traitements ultérieurs nécessitent le calcul de scores moyens d’importance. Ceci exclut les classements dichotomiques (« important » vs « pas important ») ou ordinaux (de l’attribut le plus important ou moins important). En revanche, les échelles à supports sémantiques ou de type « répartir 100 points » sur l’ensemble des attributs respectent la contrainte d’intervalle. L’échelle à 5 supports sémantiques offre au répondant suffisamment de finesse pour graduer ses réponses et la distance entre les termes respecte des

1. Quatre niveaux existent : nominal (les nombres jouent le rôle d’étiquette), ordinal (les nombres reflètent un classement hiérarchique), intervalle (chaque poste de l’échelle est situé à une distance psychologique équivalente), rapport (la distance entre deux postes peut être double, triple, etc. de la précédente et l’origine de l’échelle est naturelle, le zéro à un sens) ; pour approfondir Giannelloni J. L et Vernette É., (2001), Études de marché, op. cit., p. 268-272.

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IDENTIFIER LES CRITÈRES DE CHOIX D’UN PRODUIT

écarts psychologiquement équivalents 1. Si l’on désire une plus grande finesse, on peut prévoir des échelons intermédiaires entre les supports qui jouent le rôle de points d’ancrage. La figure 3.5 montre une progression de la graduation de 0,25 point, soit un total de 20 réponses possibles. Aucune importance

1

Faible importance

Moyenne importance

2

3

Grande importance

4

Extrême importance

5

Figure 3.5 – Échelle d’importance à supports sémantiques

• Évaluation de l’importance des attributs L’échantillon doit être représentatif de la population mère définie dans l’étude, si l’on souhaite généraliser les résultats. Un effectif de 200 à 300 personnes est suffisant pour évaluer globalement l’importance des attributs. Mais si l’on veut comparer le poids des critères pour différents segments (par exemple, les critères des femmes actives de plus de 40 ans comparés à ceux des femmes de moins de 40 ans), la taille de l’échantillon doit être de l’ordre de 1 000 individus. ➤ Mécanisme de sélection des critères

• Étape 1 : calcul d’un score moyen d’importance pour chaque attribut i de la liste extensive, à partir des scores individuels d’importance (xij).

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• Étape 2 : calcul de la « grande moyenne », x i , c’est-à-dire la moyenne des scores moyens d’importance x i . • Étape 3 : sélection pour la liste restrictive de tous les attributs dont le score x i > x i . Une variante plus élaborée utilise un test de différence de moyenne (t de Student) et ne retient que les x i dont le score est significativement supérieur à la grande moyenne x i . Cette solution est intéressante si l’on compare des listes issues de tris successifs (par exemple, attributs croisés avec le sexe, l’âge, la PCS, etc.) car les effectifs des cellules sont souvent réduits à 20 ou 30 individus ; en revanche, cela ne change pas grand-chose si l’on travaille sur l’échantillon total. 1. Il existe une procédure particulière pour vérifier que les supports sont situés à des intervalles équivalents ; elle a été développée par Myers J. H. et Warner G., (1968), « Semantic properties of selected evaluation adjectives », Journal of Marketing Research, novembre, p. 409-412. On trouvera des exemples d’application dans Pras B., (1976), Échelles d’intervalles à supports sémantiques, Revue française du Marketing, n˚ 61, mars-avril, p. 87-95 et Vernette É., (1992), « Évaluation des propriétés d’intervalle des échelles à icônes », Actes de l’Association Française du Marketing, vol. 8, p. 447-461.

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Vernette.Livre Page 90 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

ENCADRÉ 3.4

Cas d’application : critères de choix d’une eau de toilette selon l’auto-évaluation de l’importance Contexte et situation de choix Le contexte d’achat et la cible sont identiques à ceux présentés pour les méthodes de génération de critères de choix (voir 2e partie de ce chapitre). Nous ne cherchions pas la représentativité de l’échantillon, un effectif de 50 étudiantes a été jugé suffisant pour illustrer la méthode.

Questionnaire « Veuillez indiquer pour chaque critère du tableau ci-dessous l’importance que vous leur accordez lors de l’achat d’une eau de toilette » : LISTE EXTENSIVE D'ATTRIBUTS

AUCUNE FAIBLE MOYENNE GRANDE EXTRÊME IMPORTANCE IMPORTANCE IMPORTANCE IMPORTANCE IMPORTANCE (1) (2) (3) (4) (5)

ODEUR PRIX CARACTÈRE MYSTÉRIEUX ESTHÉTIQUE FLACON SENTIMENT D'ÉVASION STATUT SOCIA POUVOIR DE SÉDUCTION RÉPUTATION DE LA MARQUE

Résultats L’odeur arrive en tête des critères de choix avec un score moyen x 1 = 4,92, suivie du caractère mystérieux ( x 2 = 3, 86) et du prix ( x 3 = 3, 12). Ces 3 attributs ayant un score supérieur ou égal à celui de la grande moyenne ( x = 3,11) sont sélectionnés comme critères de choix d’un parfum. Questionnaire n°.... (n = 50) ATTRIBUTS i

Xi

Calcul grande moyenne X

∑ Xi

1 2 3 ......................49 50

ODEUR PRIX

5 5 5

5 5

4,92

3 3 2

3 3

3,12

CARACTÈRE MYSTÉRIEUX

1 3 3

2 4

3,86

ESTHÉTIQUE FLACON

1 4 3

4 3

2,92

SENTIMENT D'ÉVASION

1 4 2

4 2

2,52

STATUT SOCIAL

1 2 3

2 1

1,94

m = nombre d’attributs

POUVOIR DE SÉDUCTION

3 4 5

2 2

3,10

de la liste extensive

RÉPUTATION DE LA MARQUE

1 3 4

4 2

2,46

x

=

= (4,92 + ... + 2,46) = 24,82

∑ Xi m

=

24,82 8

= 3,11

Les classements diffèrent sensiblement de ceux issus de la grille de Kelly et de la méthode de citation directe. Par exemple, l’attribut « personnalité et statut social »

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Vernette.Livre Page 91 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

IDENTIFIER LES CRITÈRES DE CHOIX D’UN PRODUIT

arrive en 8e position avec la méthode d’importance, alors qu’il est en 1 re position avec la méthode de citation directe ; de même, la réputation de la marque n’est pas retenue comme critère de choix, alors que c’était le cas avec les deux premières méthodes.

➤ Appréciation

L’avantage majeur de cette méthode est sa grande facilité de compréhension et d’administration. Malheureusement, ces avantages occultent un problème de validité due au concept d’importance sur lequel repose la méthode. Les répondants rationalisent leurs jugements et tendent à surpondérer les attributs objectifs (prix, robustesse, consommation) au détriment des attributs subjectifs (esthétique, statut social). Plusieurs études comparatives ont souligné ces faiblesses 1. L’encadré 3.5 montre que les praticiens des études en sont conscients. ENCADRÉ 3.5

Que penser des méthodes basées sur des questions directes d’importance ?

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« Toutes ces méthodes reposent sur deux postulats : les interviewés connaissent l’importance des attributs dans leur choix ou leur achat ; les interviewés acceptent, sans travestir la réalité, de les déclarer à l’enquêteur. Il faut être extrêmement naïf et ignorer des dizaines d’années de recherche psychologique pour pouvoir admettre ces postulats. De plus, il n’est pas fait distinction de l’importance en soi d’un attribut et de son rôle déterminant dans un choix entre marques […] Dans le domaine automobile les réponses à ce type de questions directes sont “amusantes” comme le montrent les résultats de deux sondages (France) : « Quelles sont les trois qualités que vous considérez comme les plus importants pour une automobile ? » Sécurité active

83 %

Confort

30 %

Esthétique

6%

Sécurité passive

57 %

Prix d’achat

13 %

Volume intérieur

5%

Consommation

44 %

Facilité d’entretien

12 %

Vitesse

4%

Longévité

33 %

Facilité de revente

7%

(Source : sondage postal auprès de 1 000 possesseurs d’automobile)

1. Alpert M.I., (1971), « Identification of determinant attributes : a comparison of methods », Journal of Marketing Research, mai, p. 184-191 ; Vernette É., (1987), « Identification des attributs déterminants : une comparaison de six méthodes », Recherche et Applications en Marketing, vol. 2, n˚ 4, p. 1-21 ; Vernette E. et Giannelloni J. L, (1997), Implication et méthodes d’identification de critères de choix d’un produit, Recherche et Applications en Marketing, vol. 12, n˚ 2, p. 39-59.

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Vernette.Livre Page 92 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

On est frappé par la prédominance des facteurs rationnels (sécurité, économie) sur les facteurs hédonistes comme esthétique et performance ; mais la formulation de la question visait l’importance en soi. Dans l’exemple suivant c’est bien la déterminance qui est recherchée : « Quels sont les trois critères qui guideraient le choix de votre prochaine voiture ? » Prix d’achat Consommation Sécurité, confort Habitabilité

52 % 41 % 29 % 25 %

Économie d’entretien Résistance à l’usure Réputation marque Carrosserie, ligne

20 % 18 % 17 % 14 %

Vitesse 12 % Puissance 11 %

(Source : Sondage réalisé auprès de 2 800 automobilistes)

Même sans être spécialiste du marketing automobile, vous trouverez peu plausible que l’esthétique ne soit qu’en 7e position et soit considérée comme trois fois moins importante que la consommation de carburant. Vous aurez raison ! Dans la même enquête, le modèle largement en tête des choix est la [Peugeot] 205 dont le prix et la consommation ne sont pas les points forts perçus, au contraire de la ligne et des performances. Il faut donc malheureusement conclure qu’une partie importante des interviewés, soit ne connaît pas sa hiérarchie d’attente, soit rationalise ses réponses, soit encore ne répond pas à une question sur le choix (déterminance), mais à une question sur l’importance en soi. Et il faut avoir le courage de dire que l’utilisation de ces méthodes simplistes pour mesurer l’importance des attentes de la clientèle dans les choix jette le discrédit sur la recherche en marketing […] ». Source : Bachelet D. et Lion J., « Une méthode d’évaluation de l’importance des attributs perçus appliquée au développement et au positionnement des nouveaux produits », Revue Française du Marketing, n˚ 119,1988/4, p. 5-26.

Questionnaire dual Cette méthode prend en compte à la fois l’importance d’un attribut et la différence perçue existante entre les marques sur ce même attribut, d’où l’appellation méthode duale. En cela, elle corrige une faiblesse majeure de la méthode précédente. ➤ Collecte des données

• Mesure de l’importance et de la différence perçue entre les marques Les principes de calcul nécessitant une mesure d’intervalle, l’échelle à 5 supports sémantiques est à privilégier. Les adjectifs doivent être identiques pour les deux questions : par exemple, si l’on a retenu « Aucune importance » pour la première, on utilisera « Aucune différence » pour la seconde.

• Choix des marques La question de différence fait référence aux marques connues du répondant. Deux solutions sont envisageables. La première demande de « considérer

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03 Vernette chap 03 Page 93 Vendredi, 14. d cembre 2007 12:25 12

IDENTIFIER LES CRITÈRES DE CHOIX D’UN PRODUIT

globalement les marques » connues par le répondant. La seconde propose un petit nombre de marques (entre 4 et 9) représentatives du marché ; dans ce cas, il est préférable de mélanger des marques acceptables (i.e. ayant une forte probabilité d’être achetées) pour un grand nombre d’interviewés, avec d’autres marques inacceptables 1. ➤ Mécanismes de sélection des critères

• Étape 1 : calcul des scores individuels de déterminance (xij yij). On multiplie le score d’importance de l’attribut i pour le répondant j (soit xij), par le score de différence perçue de l’attribut i pour ce même répondant j (soit yij). • Étape 2 : calcul des scores moyens de déterminance ( X i Y i) des attributs i. On effectue la moyenne des différents scores de déterminance (xij yij), pour chaque attribut i de la liste extensive. Soit la formule suivante, où n représente l’effectif de l’échantillon : n

∑ ( xij yij)

=1 X i Y i = j-----------------------n

• Étape 3 : calcul de la grande moyenne de déterminance. Elle est égale à la moyenne des différents scores moyens de déterminance, où m est égal au nombre d’attributs de la liste extensive : m

∑ ( Xi Yi)

i=1

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D = ----------------------m • Étape 4 : constitution de la liste de critère de choix. Tous les attributs ayant un score supérieur à la grande moyenne sont sélectionnés. Une méthode plus sophistiquée consiste à pratiquer un test t de différence de moyenne. On sélectionne l’attribut si son score est statistiquement supérieur à D (au seuil α = 0,05). Les deux solutions sont pratiquement équivalentes, si la taille de l’échantillon est importante.

1. La méthode duale est peu sensible au choix des marques, à condition d’en présenter un nombre suffisant (en général, plus de 3), voir Vernette É. (1987), « Évaluation des problèmes méthodologiques soulevés par la méthode du questionnaire dual », Actes de l’Association Française de Marketing, vol. 3, p. 1-18.

93

Vernette.Livre Page 94 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

ENCADRÉ 3.6

Cas d’application : les critères de choix d’une eau de toilette selon la méthode duale Questionnaire Les 50 étudiantes précédentes ont répondu aux deux questions successives suivantes : Q1 : « Indiquez pour chaque critère du tableau l’importance que vous leur accordez lors de l’achat d’une eau de toilette » (question identique à celle de la méthode d’autoévaluation). Q2 : « Voici 6 marques de parfum : N˚ 5 de Chanel, Ysatis de Givenchy, Samsara de Guerlain, Loulou de Cacharel, Opium de YSL, Poison de Dior. Indiquez quelles différences vous percevez entre elles, pour chacun des 8 critères du tableau ci-dessous. Par exemple, si vous pensez qu’il y a de grandes différences de prix entre ces 6 parfums, vous cochez la case n˚ 4 ; si vous pensez au contraire, qu’il n’y a aucune différence de prix, vous cochez le cas n˚ 1. Procédez ainsi pour tous les critères du tableau. » LISTE EXTENSIVE D'ATTRIBUTS

AUCUNE FAIBLE MOYENNE GRANDE EXTRÊME DIFFÉRENCE DIFFÉRENCE DIFFÉRENCE DIFFÉRENCE DIFFÉRENCE (1) (2) (3) (4) (5)

ODEUR PRIX CARACTÈRE MYSTÉRIEUX ESTHÉTIQUE FLACON SENTIMENT D'ÉVASION STATUT SOCIAL POUVOIR DE SÉDUCTION RÉPUTATION DE LA MARQUE

Résultats Pour illustrer les principes de calcul de la méthode duale, nous avons retenu les scores des 2 premiers répondants ; nous indiquons ensuite les résultats obtenus avec l’échantillon total (n = 50) (voir figure haut de page suivante). La méthode duale sélectionne 3 critères de choix : l’odeur, l’esthétique du flacon et le pouvoir de séduction. On constate que seul un critère de choix est sélectionné en commun par les méthodes d’auto-évaluation de l’importance et duale : l’odeur. Pour le reste, on observe bon nombre de divergences sur les classements : par exemple, le prix arrive en 5e position avec la méthode duale et en 3 e place avec la méthode d’auto-évaluation. Le caractère mystérieux est 4 e avec la première méthode et 2e par la seconde, l’esthétique est second avec la méthode duale et 5 e avec l’autre méthode, etc.

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Vernette.Livre Page 95 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

IDENTIFIER LES CRITÈRES DE CHOIX D’UN PRODUIT

Scores des 2 premiers répondants ATTRIBUTS i

importance n° 1 n° 2 5

ODEUR

différence déterminance n° 1 n° 2 n° 1 n° 2 (*)

Scores moyens de déterminance Avec n° 1 et n° 2 (**)

XiYi Avec les 50 interviewés

5

4

3

20

15

17,5

22,4

3

6

9

7,5

9,16

PRIX

3

3

2

CARACTÈRE MYSTÉRIEUX

1

3

3

4

3

12

7,5

9,22

ESTHÉTIQUE FLACON

1

4

5

2

5

8

6,5

11,02

SENTIMENT D'ÉVASION

1

4

3

4

3

16

9,5

8,32

4

4

8

6

5,80

STATUT SOCIAL

1

2

4

POUVOIR DE SÉDUCTION

3

4

3

2

9

8

8,5

10,92

RÉPUTATION DE LA MARQUE

1

3

2

2

2

6

4

7,18

(*) Score déterminance « ODEUR » : n° 1 : (5 × 4) = 20 et n° 2 : (5 × 3) = 15 (**) Score moyen déterminance « ODEUR » : (20 + 15)/2 = 17,5 Grande moyenne

D =



XiYi m

Avec n° 1 et n° 2 : (17,5 + 7,5 +.... + 8,5 + 4)/8 = 8,37 Avec les 50 interviewés: (22,4 + 9,16 + … + 7,18)/8 =10,50

➤ Appréciation

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La composante de différence perçue accroît la probabilité de déterminance des attributs subjectifs, ce qui réduit le biais de rationalisation enregistré avec les scores d’importance. Par exemple, l’esthétique du flacon est un attribut moyennement important, mais comme les étudiantes jugent que l’esthétique varie fortement selon les marques, cet attribut devient un critère de choix. En revanche, les répondants ont souvent du mal à comprendre le concept de « différence perçue entre les marques ». Il est recommandé d’utiliser un exemple pour faciliter la compréhension de cette question.

Delphi-leader La méthode se fonde sur les principes d’un groupe Delphi qui sont issus des travaux de la Rand Corporation aux USA 1. Elle recherche l’obtention d’un consensus par itération et rétroaction contrôlée 2. Les experts qui sont normalement nécessaires à tout groupe Delphi sont remplacés par des leaders d’opinion dans la catégorie de produit concernée. L’intérêt de cette substitution est qu’il est plus facile et moins coûteux d’identifier un leader d’opinion qu’un 1. Pour une présentation de la méthode Dephi, voir chapitre 6. 2. Dalkey N.C. et Brown B., (1972), La méthode Delphi, Paris, Dunod, ; Dalkey N.C. et Helmer O., (1963), « An experimental application of the Delphi method of the use of experts », Management Science, avril, p. 458-467 ; Linstonne H. et Turoff M., (1975), The Delphi method : techniques and applications, Addison Wesley Publishing.

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Vernette.Livre Page 96 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

expert. Les caractéristiques et l’intérêt marketing d’un leader sont présentés dans l’encadré 3.7. ENCADRÉ 3.7

Les leaders d’opinion en marketing 1 Un leader d’opinion est une personne qui influence de façon informelle le comportement d’autres personnes dans une direction souhaitée. Cette influence s’exerce directement (par bouche-à-oreille) ou indirectement (par imitation de son comportement). Le périmètre d’influence du leader correspond à son « entourage ». Les frontières de cette zone sont élastiques : au sens strict, la famille, les amis, les collègues de travail et les membres d’une même communauté d’activités (sportive, culturelle, artistique, etc.) représentent l’entourage immédiat. C’est la sphère « privée » du leader. Les individus bénéficiant d’une notoriété publique (artistes, sportifs, politiciens, journalistes, « jet setter », etc.) ont un périmètre d’influence beaucoup plus large qui dépend de la puissance de leur exposition personnelle aux grands médias (télévision, presse, radio, cinéma). Le statut de leader reposerait sur trois piliers : une expertise perçue dans la catégorie de produit, une visibilité sociale (activité sociale importante, présence dans de nombreux groupes) et des traits de personnalité spécifiques (empathie, force de personnalité, charisme, etc.). Le marketing s’est intéressé aux leaders dès qu’il a été montré que le leader constitue une source d’information privilégiée dans le cadre des communications interpersonnelles, du type « bouche-à-oreille ». Les avis des leaders sont recherchés par les acheteurs potentiels lors de l’achat de nouveaux produits et, d’une manière générale, pour les produits dont l’achat présente un caractère impliquant. Le leader constitue une cible média potentiellement intéressante pour deux raisons. D’une part, ses avis sont spontanément sollicités par son entourage avant ou après l’achat d’un produit ou un service. D’autre part, les jugements du leader sont plus crédibles qu’une publicité, parce que considérés comme impartiaux et émanant d’un expert de la catégorie de produit concernée. Enfin, même en l’absence d’échange d’informations orales, l’influence peut avoir lieu par mimétisme des actes de consommation du leader ; la mode-habillement, et de façon plus large, la consommation expérientielle (arts, loisirs, sport, tourisme, etc.) illustrent assez bien ce phénomène. L’observation des marques achetées par un leader contribue ainsi à des achats de contagion.

1. Pour un approfondissement, voir : Vernette É., (2002). « Le rôle et le profil des leaders d’opinion pour la diffusion de l’Internet », Décisions Marketing, 25, janvier-mars, p. 37-51 ; Vernette É., (2003), « Les nouvelles perspectives du concept de leadership d’opinion en marketing : fondements, apports et pistes de recherche », Actes du 19e Congrès International de l’AFM, Gammarth, Tunisie, CD-Rom ; Vernette É., (2004), « Targeting women’s clothing fashion opinion leaders in media planning : an application for magazines », Journal of Advertising Research, 44-1, march, p. 90-107 ; Vernette É. et Flores L., (2004), « Communiquer avec les leaders d’opinion en marketing : comment et dans quels médias ? », Décision Marketing, 35, iuillet-septembre.

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Vernette.Livre Page 97 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

IDENTIFIER LES CRITÈRES DE CHOIX D’UN PRODUIT

➤ Collecte des données

• Étape 1 : constitution du groupe de leaders. Le repérage d’un leader se fait par auto-évaluation de sa propre capacité à influencer et à discuter avec son entourage, dans telle ou telle catégorie de produit. Plusieurs mesures existent, celle de la figure 3.6 présente l’avantage d’avoir été validée dans un contexte français. Le score global de leadership s’obtient en additionnant les notes obtenues à chacune des cinq questions. L’interviewé indique sur une échelle de Likert en 5 points son degré d’accord ou de désaccord avec les propositions suivantes (1 = Tout à fait en désaccord, 2 = Plutôt en désaccord, 3 = Ni d’accord, Ni en désaccord, 4 = Plutôt d’accord, 5 = Tout à fait d’accord) : 1. « Je parle très souvent à mes ami(e)s et voisin(e)s de… (citer une catégorie de produit). » 2. « Quand je parle à mes ami(e)s et voisin(e)s de… (produit), je leur donne beaucoup d’informations. » 3. « Durant les six derniers mois, j’ai parlé à un grand nombre de personnes de… (produit) » 4. « Dans une discussion concernant le… (produit), le plus probable serait que je parvienne à convaincre mes ami(e)s et voisin(e)s de mes idées. » 5. « Mes ami(e)s et voisin(e)s me considèrent en général comme étant de bon conseil en ce qui concerne les… (produits) » Source : Ben Miled H. et Le Louarn, P., (1994), « Analyse comparative de deux échelles de mesure du leadership d’opinion », Recherche et Applications en Marketing, vol 9, n˚ 4, p. 23-51.

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Figure 3.6 – Échelle de mesure d’un leader d’opinion

Le leadership d’opinion généralisé sur l’ensemble des catégories de produits n’existant pas, il faut connaître les distributions des scores pour une population mère donnée et par type de produit. La figure 3.7 donne les scores limites pour être considéré comme un leader « Top 10 » ou « Top 25 » dans l’une des 27 catégories de produits. Ces seuils correspondent aux 10 % ou 25 % de consommateurs qui estiment discuter et influencer le plus leur entourage, dans une catégorie de produit donnée. Les scores indiqués ont été calculés à partir des réponses d’un échantillon de 10 000 personnes, représentatives de la population française de plus de 15 ans, sur la base d’un questionnaire très proche de celui présenté dans la figure 3.6. La constitution d’un groupe Delphi-leader utilise l’échelle comme une méthode de filtrage : par exemple en matière d’automobile, on n’invitera pour un groupe « Top-10 » que les individus qui ont un score supérieur ou égal à 19 points ; pour un « Top 25 », la barre est fixée à 16 points. La taille d’un groupe varie entre six et dix leaders, huit représentant un bon compromis. • Étape 2 : administration du groupe. Les leaders travaillent de manière projective : ils n’indiquent pas leur propre opinion, mais celle qu’ils attribuent au segment. Le déroulement est similaire à celui de la méthode Delphi (voir chapitre 6) : les leaders connaissent les réponses médianes (ou moyennes) du groupe obtenues pour chaque question lors de l’étape précédente.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

25

20

15

10

Top 25 5

Top 10

Radio

Magazines

Banques Télévision

Magasins Voyages

Bières

Alimentation Entretien

Boissons Vins, champ.

Accessoires Produits enfants

Maquillage

Mode homme Mode femme

Parfums homme Parfums femme

Internet Téléphonie

Micro-info

Hifi

Automobile

Bricolage

Jardinage

Electroménager Ameublt., déco

0

Source : Vernette É. et Schmutz B., (2000), « Les influenceurs : une cible média stratégiques pour les marques », Actes du Séminaire IREP-Médias, 13 au 13 décembre, Paris.

Figure 3.7 – Distribution des scores de leadership dans la population française

L’anonymat est respecté. La rétroaction porte sur les scores moyens d’importance et de différence perçue entre les marques sur ces attributs. Les échelles utilisent les 5 supports sémantiques habituels : « extrême », « grande », « moyenne », « faible », « aucune ». Le consensus s’obtient généralement au bout de trois itérations. ➤ Mécanisme de sélection

La sélection des critères de choix s’opère selon le principe de l’algorithme de la méthode duale. On calcule, pour chaque leader (k) et pour chaque attribut (i), un score de déterminance (ki ) en multipliant son score d’importance pour l’attribut i avec son score de différence perçue ; pour ces opérations, on retient les scores obtenus à la dernière itération. Ensuite, un score moyen de déterminance est calculé pour chaque attribut en faisant la moyenne des scores de déterminance. Les attributs ayant un score moyen supérieur à la grande moyenne (moyenne des scores moyens de déterminance) sont retenus comme critère de choix.

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IDENTIFIER LES CRITÈRES DE CHOIX D’UN PRODUIT

ENCADRÉ 3.8

Cas d’application : critères de choix d’une eau de toilette selon la méthode Delphi-leader. Scénario et contexte Un groupe de 8 femmes leaders d’opinion pour une de toilette et parfum a été constitué ; leur score était supérieur à 16 points sur l’échelle de Ben Miled et Le Louarn (voir ci-dessus), ce qui leur permet de faire partie du Top 10 dans cette catégorie de produit. On leur présente le scénario d’achat utilisé dans les deux méthodes précédentes.

Collecte des données

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Étape 1 : chaque membre dispose de la liste extensive d’attributs et d’échelles à supports sémantiques identiques à celles de la méthode duale ; les marques proposées sont similaires. Q1 : « En considérant les 8 critères suivants, indiquez pour chacun d’entre eux l’importance que leur attribuent, selon vous, les étudiantes d’une vingtaine d’années qui utilisent régulièrement une eau de toilette. » Q2 : « Considérons maintenant les différences que ces mêmes étudiantes sont susceptibles de percevoir entre les 6 marques d’eaux de toilette, pour chacun des 8 critères proposés. Par exemple, si vous pensez qu’elles percevront de grandes différences de prix entre ces 6 parfums, vous cochez la case n˚ 4 ; si vous pensez au contraire, qu’elles ne percevront aucune différence de prix, vous cochez la case n˚ 1. Procédez ainsi pour tous les critères. » Étape 2 : le questionnaire est identique à celui de l’étape précédente, mais les leaders disposent pour chaque question de la réponse moyenne du groupe à l’étape 1, et de leur propre réponse. Les leaders peuvent maintenir leur jugement ou, au contraire, le modifier en prenant en compte de nouveaux éléments auxquels ils n’auraient pas pensé lors de l’étape 1. Étape 3 : la procédure est similaire à celle de l’étape 2 ; il est précisé aux membres que c’est la dernière fois qu’ils peuvent réviser leurs jugements.

Résultats Conformément aux résultats usuels d’un Delphi, on enregistre une forte convergence des opinions, tant sur l’importance des critères que sur la différence perçue entre les marques. En appliquant les mécanismes de la méthode duale aux scores obtenus au terme de l’étape 3, on obtient les scores moyens de déterminance suivants, avec une grande moyenne L égale à 10,54 :

ATTRIBUT ODEUR............................

Score moyen de déterminance

ATTRIBUT

Score moyen de déterminance

20,6

PRIX.........................................

7,58

POUVOIR SÉDUCTION..

12,85

CARACTÈRE MYSTÉRIEUX...

7,5

ESTHÉTIQUE...................

12,18

RÉPUTATION MARQUE...........

7

STATUT SOCIAL..............

10,31

ÉVASION & RÊVE....................

6,36

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Trois critères de choix sont identifiés par la méthode Delphi-leader : l’odeur, le pouvoir de séduction et l’esthétique du flacon. Ils sont identiques aux critères sélectionnés par la méthode duale : la convergence est forte entre les deux méthodes. Le principal désaccord porte sur le poids de l’attribut « Personnalité & statut social » : les leaders d’opinion ont sensiblement accru son poids par rapport aux scores de la méthode duale. Cela suggère que les leaders ont une réelle capacité pour évaluer, avec lucidité, des attributs déterminants, mais faiblement saillants (case 6 de la figure 3.2).

➤ Appréciation

La méthode Delphi-leader est prometteuse : les leaders d’opinion sont en mesure de prévoir, tout comme les experts, les critères de choix d’un segment. D’un point de vue théorique, les performances de la méthode sont bonnes 1. Elles restent à confirmer avec des applications managériales effectives.

Coefficients de régression partiels standardisés La déterminance se fonde sur des coefficients de régression calculés par un modèle de régression multiple. Les différentes évaluations des marques sur les attributs sont les variables prédictrices ; la variable à expliquer est généralement l’attitude (ou l’intention de choix) des répondants vis-à-vis de différentes marques. La déterminance est estimée de manière indirecte par le modèle, c’est-à-dire qu’à aucun moment les répondants n’indiquent le poids qu’ils attribuent à tel ou tel attribut. Une bonne compréhension de méthode suppose la connaissance des principes fondamentaux de la régression simple et multiple 2. Nous n’évoquerons que les seuls aspects du modèle nécessaires à l’utilisation de la méthode dans un contexte d’identification de critères de choix. ➤ Collecte des données

Les mesures doivent être de type intervalle. Les échelles à supports sémantiques sont, à nouveau, une bonne solution. Les cinq termes constitutifs de l’échelle permettent l’évaluation des qualités respectives de différentes marques (d’extrêmement mauvais à extrêmement bon) pour chacun des attributs. 1. Vernette É. et Giannelloni J.-L., (1995), « Delphi-leader : pré-test d’une nouvelle méthode d’identification de critères de choix », Proceedings of the 1st international Research Seminar on Marketing Communications and Consumer Behavior, La Londe des Maures (IAE d’Aixen-Provence), p. 554-571, juin ; Vernette É., (1997), « Évaluation de la validité prédictive de la méthode Delphi-leader », 13e congrès international de l’Association Française de Marketing, vol. 13, Toulouse, mai, p. 988-1010. 2. Pour une bonne approche, voir Giannelloni J. L et Vernette É., (2001), op. cit., p. 268-272 ou Evrard Y, Pras B. et Roux E., (2003), Market, op. cit.

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IDENTIFIER LES CRITÈRES DE CHOIX D’UN PRODUIT

• Variable dépendante Chaque répondant évalue globalement, l’une après l’autre, un ensemble de marques représentatives du marché. 4 à 7 marques suffisent, les coefficients de régression n’étant pas estimés au niveau individuel, mais sur l’ensemble de l’échantillon. Les marques inconnues des répondants sont éliminées. Extrêmement mauvais

1

Médiocre

Moyen

2

3

Bon

Extrêmement mauvais

4

5

Figure 3.8 – Évaluation des marques sur des attributs

• Variables prédictrices Les différentes marques sont évaluées sur chacun des attributs de la liste extensive. L’échelle est identique à celle utilisée pour la mesure de la variable dépendante. ➤ Mécanismes de sélection des critères

• Étape 1 : estimation de l’équation de régression. L’équation est de la forme suivante : Yij = a + b1 X1ij + b2 X2ij + b3 X3ij +…+ bk Xkij

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avec : Yij = estimation de l’attitude globale de l’individu i pour la marque j b1, b2, bk = coefficients de régression partiels des attributs Xk X1ij = évaluation pour l’individu i de la marque j sur l’attribut X1 k = nombre d’attributs de la liste extensive et n = nombre de répondants a = constante Les différents coefficients bk sont estimés par le modèle de régression. Ils indiquent la variation attendue Yij lorsque Xk change d’une unité. Plus un coefficient est élevé, plus son impact sur la variable dépendante est marqué. Ces coefficients ne sont pas directement exploitables comme mesure de la déterminance des attributs, car leur variance n’est pas identique. Pour cela, il faut utiliser les coefficients de régression standardisés, appelés Bêta. • Étape 2 : sélection des critères. Tous les attributs ayant un coefficient βk significativement différent de zéro (généralement au seuil α = 0,05) sont considérés comme des critères de choix.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

La statistique suit une loi de Student, dont la formule est : β t = ---σβ

avec σβ = écart type de βk. ENCADRÉ 3.9

Cas d’application : critères de choix d’une automobile avec les coefficients de régression partiels standardisés Contexte 200 étudiants de grandes écoles de commerce de la région parisienne, âgés de 20 à 25 ans ont été interrogés. Le scénario précisait qu’ils devaient acheter une voiture neuve pour un usage personnel, sachant qu’ils venaient d’obtenir leur premier emploi à durée déterminée avec un revenu mensuel d’environ 2 000 euros. Quatre marques et modèles de voiture étaient proposées. Une liste extensive de 17 attributs potentiellement déterminants avait été constituée en utilisant la méthode de citation directe : confort, consommation, délai de livraison, entretien, équipements, esthétique, habitabilité, maniabilité, performances, personnalité, prix, taille, etc.

Extrait du questionnaire Q1, évaluation des marques sur les attributs de la liste extensive (variables prédictrices X1ij) : « Si vous deviez évaluer les marques et modèles de voitures, vous pourriez penser que, compte tenu de la situation d’achat proposée, certains modèles sont faibles sur un critère donné et bon sur d’autres. Indiquez votre jugement pour chacun des modèles et marques ci-dessous : » Évaluation du confort Extrêmement mauvais

Médiocre

Moyen

Bon

Extrêmement bon

Austin Mini 1000

1

2

3

4

5

BMW 320

1

2

3

4

5

Citroën C2

1

2

3

4

5

Peugeot 106 GL

1

2

3

4

5

(NB : 16 autres tableaux de ce type suivaient ; ils correspondaient aux évaluations des marques sur les autres attributs de la liste extensive, soit 16 variables prédictrices.)

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IDENTIFIER LES CRITÈRES DE CHOIX D’UN PRODUIT

Q2, évaluation globale des marques (variable dépendante Yij) : « Tout compte fait, quel serait votre jugement global concernant chacun des modèles et marques ci-dessous ? » Extrêmement mauvais

Médiocre

Moyen

Bon

Extrêmement bon

Austin Mini 1000

1

2

3

4

5

BMW 320

1

2

3

4

5

Citroën C2

1

2

3

4

5

Peugeot 106 GL

1

2

3

4

5

Résultats L’équation de régression obtenue est la suivante : Yˆ = –13, 84 + 0,3 X1 + 0,25 X2 + 0,16 X3 + 0,11 X4 + 0, 14 X5 + 0,16 X6 + 0,11 X7 – 0,08 X8. Avec Yˆ = évaluation globale du modèle, X1 = Esthétique, X2 = Performances, X3 = Consommation, X4 = Caractère fonctionnel, X5 = Tenue de route, X6 = Taille, X8 = Délais de livraison. Tous ces attributs sont considérés comme des critères de choix, leurs coefficients βk étant significativement différent de zéro. Une analyse comparative avec d’autres méthodes (questionnaire dual, citation directe, auto-évaluation, groupe nominal) montre une très faible convergence des classements 1.

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➤ Évaluation de la méthode

L’avantage de la méthode réside dans son approche indirecte qui réduit le biais de rationalisation des évaluations. Sa principale faiblesse vient d’un effet fréquent de « halo » : le jugement d’une marque sur un attribut est souvent contaminé par ses notes précédentes sur les autres attributs. Dès lors, les évaluations des marques sur les attributs (variables prédictrices) sont pratiquement toujours corrélées entre eux. Cette multicolinéarité n’invalide pas la méthode, mais rend instable la détermination des βi : leur valeur varie sensiblement d’un échantillon à l’autre. D’un point de vue managérial, la sélection des attributs n’est pas forcément intéressante : en effet, la procédure d’estimation tend à faire rentrer prioritairement dans l’équation les attributs faiblement corrélés avec les attributs déjà sélectionnés, même si leur corrélation simple avec la variable dépendante est faible. De nombreuses d’alternatives ont été proposées pour contourner ces difficultés : les coefficients d’utilité, la régression PLS, la régression en cascade, la 1. Vernette É., (1987), « Identification des attributs déterminants : une comparaison de six méthodes », Recherche et Applications en Marketing, vol. 2, n˚ 4, p. 1-21.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

régression séquentielle pas à pas 1. Bien qu’intéressantes et souvent astucieuses, ces différentes alternatives posent des problèmes de convergence : les classements des attributs diffèrent selon les solutions et, pire, le problème de la stabilité des poids des attributs (βi) n’est pas vraiment résolu : d’une méthode à l’autre, pour un même attribut, la variation du βi est souvent supérieure 30 %.

Quelle méthode retenir ? Le choix d’une méthode n’est pas aisé, car les qualités attendues varient selon l’utilisateur : le chercheur est préoccupé par les qualités théoriques de l’instrument, le chargé d’études est sensible aux problèmes de mise en œuvre, le manager souhaite des recommandations claires. Nous analyserons les points forts et faibles des méthodes, puis nous formulerons quelques recommandations pour faciliter le choix.

Analyse comparative Toutes les méthodes présentées dans la figure 3.9 présentent un point fort : elles ne nécessitent pas d’enquêteurs spécialisés pour la collecte des données. Seules la grille de Kelly et la méthode de citation directe imposent la présence d’un enquêteur, les autres méthodes pouvant aisément être auto-administrées par les répondants. La méthode la plus exigeante en matière de collecte et traitements d’information est la méthode des coefficients de régression partiels standardisés : nombreuses évaluations sur les marques et sur les attributs, plus nécessité d’un logiciel statistique pour l’analyse des données. Les méthodes duales et d’autoévaluation de l’importance sont les plus rapides à administrer ; les traitements des données peuvent programmer facilement avec un tableur ; la méthode Delphi-leader ne requiert qu’une simple calculette. L’analyse des données reste lourde pour les méthodes de citation directe et la grille de Kelly, mais ceci découle de leur objectif de génération d’attributs potentiellement déterminant, d’où le traitement fastidieux, mais indispensable, des attributs redondants. En contrepartie, ces méthodes sont les seules capables de couvrir les deux étapes du processus d’identification : toutes les autres ont besoin d’une liste extensive d’attributs pour pouvoir fonctionner. 1. Bachelet D. et Lion J., (1988), « Une méthode d’évaluation de l’importance des attributs perçus appliquée au développement et au positionnement des nouveaux produits », Revue Française du Marketing, n˚ 119, 4, p. 5-26 ; Windal P. et Desmet P., (2000), « Les méthodes de mesure de l’importance des critères de satisfaction », Revue Française du Marketing, n˚ 179-180, 4-5, p. 205-220 ; Bachelet D. et Windal P., (1992), « Un modèle de simulation des choix individuels, application aux intentions de choix de modèles automobiles », Recherche et Applications en Marketing, 7, 4, p. 9-30.

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IDENTIFIER LES CRITÈRES DE CHOIX D’UN PRODUIT

Méthodes

Points forts

Points faibles

Grille de Kelly

• Recueil d’éléments de différenciation

• Grand nombre de construits inutilisables ou unipolaires • Capacité d’imagination des répondants limitée • Connaissance préalable des marques • Traitement de la redondance • Présence d’un enquêteur

Citation directe

• Spontanéité des réponses • Facilité de compréhension • Rapidité de réponse • Saillance

• Autocensure du répondant • Connaissance préalable des marques • Traitement de la redondance • Présence d’un enquêteur

Auto-évaluation importance

• Facilité de compréhension • Rapidité de réponse • Quantification aisée • Auto-administration possible

• Rationalisation des réponses (surpondération des attributs objectifs)

Questionnaire dual

• Recueil d’éléments de différenciation • Centrage sur la déterminance • Auto-administration possible

• Difficulté de compréhension de la question de différence perçue

Delphi-leader

• Facilité de repérage des leaders (échelle de mesure normée) • Situation projective aisée • Centrage sur la déterminance • Auto-administration possible

• Lourdeur d’administration (plusieurs itérations nécessaires)

• Évaluation indirecte de l’importance • Auto-administration possible

• Instabilité des coefficients (cas d’intercorrélations) • Connaissance préalable des marques • Lourdeur de la collecte • Logiciel statistique indispensable

Coefficients de régression partiels standardisés

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Figure 3.9 – Comparaison des méthodes d’identification de critères choix

Recommandations Les recherches montrent que la convergence des méthodes est faible 1 : les attributs sélectionnés et leur classement changent selon la méthode. Au mieux, on obtient des convergences entre des sous-groupes de méthodes. Cette absence de convergence tient au fait que les méthodes n’ont pas toute la même base conceptuelle : certaines sont fondées sur la déterminance (questionnaire dual, 1. Heeler R. M., Okechuku C. et Reid S., (1979), « Attribute importance : contrasting measurements », Journal of Marketing Research, février, p. 60-63 ; Hoyer W. D., Alpert M.I., (1983), « Additional theory and data contrasting measures of attribute importance », op. cit. ; Vernette E., (1987), « Identification des attributs déterminants : une comparaison de six méthodes », Recherche et Applications en Marketing, vol ; 2, n˚ 4, p p. 1-21. ; Jaccard J.J., Brrinberg D. et Ackerman L.J., (1986), « Assessing attribute importance : a comparison of six methods », Journal of Consumer Research, mars, p. 463-468.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Delphi-leader), d’autres sur l’importance (auto-évaluation) ou sur la saillance (citation, Kelly). Le caractère impliquant du produit joue un rôle modérateur : avec un produit faiblement impliquant (barres chocolatées), les listes et la hiérarchie d’attributs convergent, mais divergent lorsqu’on est en présence d’un produit impliquant (parfum) 1. Nos recommandations pour le choix d’une méthode dépendent de la phase du processus : • Génération d’attributs : la méthode de citation directe est la plus aisée à mettre en application. Elle couvre bien l’ensemble du processus d’identification, les attributs générés permettent une bonne prédiction de l’attitude des consommateurs vis-à-vis des marques. • Sélection des attributs : la méthode duale ou la méthode Delphi-leader sont les méthodes les plus performantes pour la prédiction des choix des marques. La seconde est plus lourde à manipuler que la première, mais nécessite un petit échantillon de consommateurs ; elle peut être très pertinente lorsque l’on suspecte l’existence d’attributs déterminants non saillants (attributs censurés par les répondants) ou d’attributs importants ou saillants non déterminants (existence d’un biais de désirabilité sociale, rationalisation).

CONCLUSION Parvenu au terme de ce chapitre, le lecteur peut éprouver une certaine perplexité : est-il vraiment possible, voire nécessaire d’identifier les critères de choix du consommateur ? Pourquoi ne pas préférer sa propre intuition ? Par exemple dans le cas des produits technologiques, il semble toujours payant d’incorporer sans cesse de nouveaux attributs dans le produit : à quoi bon s’interroger sur leur déterminance, car « plus de performance sera toujours apprécié par le consommateur » ? L’encadré 3.10 montre les réels dangers de cette vision. Le manager restant « condamné » à connaître les critères de choix des consommateurs, la sélection d’une méthode est délicate, notamment pour des produits impliquant : selon la méthode, la déterminance des critères varie fortement. Confier cette tâche à une société de conseil n’est pas forcément une panacée, car un spécialiste de l’une ou l’autre technique tend à préconiser celle-ci, sans trop se préoccuper de ses performances réelles. Ces interrogations et craintes sont légitimes. Néanmoins, des éléments de décisions existent. Ainsi, nous avons vu que certaines méthodes sont préférables à d’autres, et que dans le cas de produit courants, la plupart des méthodes sélectionnent une liste d’attributs déterminants très voisine. 1. Vernette É. et Giannelloni J. L, (1997), « Implication et méthodes d’identification de critères de choix d’un produit », Recherche et Applications en Marketing, vol. 12, n˚ 2, p. 39-59.

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IDENTIFIER LES CRITÈRES DE CHOIX D’UN PRODUIT

ENCADRÉ 3.10

Produits technologiques : « plus peut devenir moins » Bon nombre d’innovations technologiques introduisent des attributs nouveaux ou complètement inconnus d’un grand nombre de consommateurs. Par exemple, les spécificités et bénéfices résultants d’attributs tels le GPS dans les voitures, ou du sans fil en informatique, la logique floue dans un lave-linge, sont probablement inconnus de la majorité des consommateurs. Pourtant, des recherches antérieures tendaient à suggérer que l’addition de tels attributs améliorerait de toute façon les évaluations du produit et accroîtraient les ventes, puisque ces attributs seraient considérés par les consommateurs comme des bénéfices additionnels. Les résultats d’une recherche récente montrent que ce « plus » n’est effectivement perçu que pour des produits technologiques simples, tels qu’un réfrigérateur ou un lave-linge. Dans le cas de produits technologiques complexes, comme un téléviseur-Internet ou un appareil de photo programmable, l’addition de nouvelles fonctions peut réduire l’évaluation globale de ces produits, à cause des inférences négatives résultant de l’introduction de ces attributs : coût d’apprentissage important, fragilité probable, etc. De plus, si ces attributs nécessitent une recherche d’informations supplémentaire pour maîtriser le produit ou si les informations recueillies durant cette recherche sont ambiguës ou confuses, l’effet global devient durablement négatif. Une implication marketing majeure est que de tels attributs peuvent contribuer à accroître le sentiment de « technophobie » ou la résistance face à la technologie, chez un nombre croissant de consommateurs. Source : Mukherjee A. et Hoyer W., « The effect of novel attributes on product evaluation », Journal of Consumer Research, vol 28, decembre 2001, p. 462-472.

BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

DARPY D. et VOLLE P., (2007), Comportements du consommateur, 2e édition, Dunod. ENGEL J., KOLLAT D. et MINIARD P., (1995), Consumer Behavior, DrydenPress, 8e édition. FILSER M., (1994), Le comportement du consommateur, Précis-Dalloz. JACCARD J.-J., BRINBERG D. et ACKERMAN L.J., (1986), « Assessing attribute importance : a comparison of six methods », Journal of Consumer Research, mars, p. 463-468. LADWEIN R., (2003), Comportement du consommateur, 2e édition, Economica. PRAS B. et TARONDEAU J. C., (1981), Le comportement de l’acheteur, Sirey. VERNETTE É., (1987), « Identification des attributs déterminants : une comparaison de six méthodes », Recherche et Applications en Marketing, vol ; 2, n˚ 4, p. 1-21. VERNETTE É. et GIANNELLONI J.L., (1997), « Implication et méthodes d’identification de critères de choix d’un produit », Recherche et Applications en Marketing, vol. 12, n˚ 2, p. 39-59.

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CHAPITRE 4

Segmenter un marché

Les études stratégiques Chapitre 2 Recenser les désirs, motivations, expériences Chapitre 3 Identifier les critères de choix d’un produit

Les étapes d’une étude de segmentation Les critères de segmentation La méthode du Khi-deux La méthode AID Typologies et méthodes de datamining La segmentation par les bénéfices consommateur

Chapitre 4 Segmenter un marché Chapitre 5 Choisir un positionnement Chapitre 6 Prévoir les ventes

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Plan du chapitre

L

A segmentation est l’une des plus anciennes pratiques de marketing des entreprises. Dès 1924, Alfred Sloan formulait pour General Motors une stratégie révolutionnaire qui consistait à développer différentes marques (Chevrolet, Cadillac, Buick, Pontiac, Oldsmobile) destinées à répondre aux attentes de différents groupes d’acheteurs. Quelques années plus tard, les deux principales chaînes françaises de grands magasins, le Printemps et les Galeries Lafayette, lançaient une nouvelle forme de vente, le magasin populaire, destiné à une clientèle qui ne fréquentait pas les grands magasins : les enseignes Prisunic et Monoprix étaient nées. Segmenter un marché consiste à identifier des groupes homogènes d’acheteurs caractérisés par une fonction de demande identique. C’est en effet la

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

théorie économique qui justifie la pratique de la segmentation des marchés. Dans la théorie micro-économique classique de la concurrence, les fonctions de demande des consommateurs sont homogènes, les biens proposés par les producteurs aussi. C’est donc à travers les fonctions de coûts et les prix que va se développer l’affrontement concurrentiel. Mais la théorie de la concurrence monopolistique reconnaît que les consommateurs peuvent avoir des attentes hétérogènes, et qu’un producteur peut prendre en compte ces attentes spécifiques pour introduire une différenciation de son produit ou service fondée sur un autre attribut que le prix. Le fondement théorique de la segmentation est ainsi posé 1. Deux niveaux d’approche de la segmentation peuvent être distingués : la segmentation stratégique, et la segmentation du marché. • La segmentation stratégique 2, appelée encore par Lambin « macrosegmentation » 3, vise à identifier les activités de l’entreprise pour choisir celles dont le développement est jugé prioritaire. Les méthodes mises en œuvre à ce stade relèvent de l’analyse stratégique et ne seront pas abordées dans ce chapitre 4. • La segmentation marketing, ou « micro-segmentation », cherche à caractériser les fonctions de demande des acheteurs sur les marchés mis en évidence par la segmentation stratégique. C’est cette seconde étape qui est traitée ici. Deux conceptions de la segmentation peuvent être envisagées d’un point de vue théorique : • Une conception positive de la segmentation : le chercheur tente de mettre en évidence des relations significatives entre les comportements et des variables explicatives de ces comportements, relations qui sont observables au sein de groupes susceptibles d’être caractérisés. C’est la conception dominante en marketing. • Une conception normative de la segmentation : elle tente de hiérarchiser les segments en fonction de leur rentabilité pour l’entreprise, et plus spécialement en fonction de l’efficience des ressources qui peuvent être investies pour accéder à ces segments : le budget publicitaire par exemple devrait être prioritairement investi sur des segments où l’élasticité de la demande

1. Dickson, P.R. et James L. Ginter, (1987), « Market Segmentation, Product Differentiation, and Marketing Strategy », Journal of Marketing, 51, April, p. 1-10.

2. Dubois, P.-L. et Jolibert A., (1998), Le marketing. Fondements et pratique, 3e éd. p. 247. 3. Lambin, J.-J. (1998), Le marketing stratégique, 4e éd., Édiscience, p. 232. 4. Voir par exemple : Gervais, M., (2003), Stratégie de l’entreprise, 5e éd., Economica.

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SEGMENTER UN MARCHÉ

par rapport à la pression publicitaire est la plus forte 1. La difficulté de disposer des informations nécessaires à la mise en œuvre de cette démarche rend son application très rare. Dans une conception positive, la segmentation marketing peut recourir à deux approches distinctes 2 : • La segmentation a priori repose sur la sélection par les managers d’un critère de découpage du marché en groupes homogènes. Cette sélection repose sur l’intuition ou sur l’expérience du manager marketing. Il est fréquent de recourir par exemple à des caractéristiques comportementales des clients : acheteurs ou non acheteurs de la marque, prise en compte des quantités achetées, de l’ancienneté de la relation avec la marque, etc. L’analyse de segmentation consiste ensuite à rechercher quelles caractéristiques des acheteurs distinguent ces groupes ainsi identifiés. • La segmentation fondée sur une classification met en œuvre les modèles théoriques explicatifs du comportement du consommateur. Elle sélectionne des caractéristiques des individus susceptibles d’influencer leurs achats : attitudes à l’égard des marques en concurrence, états psychologiques (implication, sensibilité au risque, innovativité…), et constitue des segments homogènes sur la base de ces caractéristiques. Les comportements de ces segments sont alors comparés, notamment en termes de comportements d’achat ou de sensibilité aux différentes variables d’action marketing qui peuvent être mises en œuvre par l’entreprise.

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Que l’on adopte l’une ou l’autre de ces démarches de segmentation marketing, deux catégories de variables devront toujours être distinguées : – une ou plusieurs variables que le chercheur tente d’expliquer : achat ou non-achat d’une marque, fidélité ou non à une enseigne, attitude favorable ou défavorable à l’égard d’une campagne de communication, etc. ; – une ou plusieurs variables explicatives, c’est-à-dire reliées significativement au phénomène étudié. Ce sont ces variables explicatives qui seront regroupées sous le terme de « critères de segmentation ». La figure 4.1 résume l’enchaînement de ces différents critères de classification des méthodes de segmentation.

1. Lilien, G.L. et Kotler P., (1983), Marketing Decision Making. A Model Building Approach, Harper & Row, New York, p. 295-298. 2. Wind, Y., (1978), « Issues and Advances in Segmentation Research », Journal of Marketing Research, 15, August, p. 317-337.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Niveau d’analyse

Objectifs de la démarche

Choix de l’analyste

Mise en œuvre

Stratégique : identifier les activités qui structurent les marchés

Domaine de l’analyse stratégique de l’entreprise et des marchés

Marketing : identifier des groupes d’acheteurs homogènes

Conception normative : définir les segments en fonction de leur attractivité

Difficulté de mise en œuvre des indicateurs nécessaires à l’application des méthodes d’optimisation. Méthode peu utilisable empiriquement en raison des difficultés d’accès aux données.

Conception positive : caractériser les segments

Approche a priori : définition par l’analyste de segments pertinents Approche fondée sur la classification : mise en œuvre des modèles théoriques de comportement

Variable expliquée Variables explicatives (critères de segmentation)

Figure 4.1 – Typologie des approches de la segmentation

Après avoir présenté la séquence des étapes d’une étude de segmentation, nous présenterons les principaux critères qui peuvent être mis en œuvre dans le cadre d’une analyse de segmentation, puis nous exposerons quatre méthodes d’analyse couramment utilisées pour segmenter un marché.

Les étapes d’une étude de segmentation L’importance opérationnelle de la segmentation explique le nombre de travaux qui ont proposé des méthodologies de conduite de cette analyse 1. Nous proposons de retenir une démarche en quatre étapes : – la formulation du problème à étudier ; – le choix d’une méthode de segmentation ; – la détermination de la méthode de collecte et d’analyse des données ; – et enfin l’exploitation opérationnelle des résultats pour formuler des recommandations d’action.

La formulation du problème à étudier Les recherches consacrées au comportement du consommateur ont mis en évidence la puissance du modèle « Personne – Objet – Situation » pour rendre 1. Wind (1978), Op. cit. ; Aurier P., (1989), « Segmentation une approche méthodologique », Recherche et applications en marketing, 4, 3, 53-75.

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SEGMENTER UN MARCHÉ

compte des relations entre les individus et l’offre des entreprises. Ce modèle peut aider à formuler le problème de segmentation : • Personnes : quels sont les individus concernés par l’analyse ? On peut s’intéresser aux acheteurs (de la catégorie de produit, de la marque, d’une référence particulière), aux non-acheteurs relatifs (ils n’achètent pas encore, mais peuvent devenir acheteurs), aux non-acheteurs absolus (ils n’achètent pas et la probabilité pour qu’ils changent de comportement est très faible). • Objet (produit ou service) : quel est le niveau d’analyse de l’objet de consommation ? Il est possible de retenir tous les produits susceptibles de répondre à une classe de besoins, quelques produits en concurrence directe, les produits d’une seule marque, ou ceux qui sont disponibles à travers un seul circuit de distribution. • Situation : quels sont les facteurs situationnels susceptibles d’influencer le choix d’un objet par un acheteur ? On pourra prendre en compte par exemple la situation d’achat ou la situation de consommation. L’horizon temporel de l’étude doit également être pris en compte. Il est possible de chercher à anticiper la structure à long terme des marchés en prenant en compte des besoins émergents : la méthode des lead users proposée par von Hippel s’inscrit dans cette démarche (voir encadré 4.1) 1. Au contraire, on peut décrire la situation instantanée du marché afin d’identifier les caractéristiques de l’affrontement concurrentiel. ENCADRÉ 4.1

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Anticiper l’émergence d’un nouveau segment : l’approche de von Hippel Le développement d’un nouveau segment de marché est généralement annoncé par des signaux faibles, c’est-à-dire des comportements de clients très peu nombreux, mais très déviants par rapport aux pratiques actuelles de la clientèle : ce sont les utilisateurs avancés du produit, ou lead users. L’observation de ces comportements doit aider l’entreprise à imaginer de nouvelles modalités de mise en œuvre de ses produits, ou même des produits radicalement nouveaux. Par exemple, l’observation de l’utilisation domestique des scanners informatiques au début des années 1990 révélait que certains consommateurs scannaient systématiquement les photographies après tirage pour les archiver sur leur micro-ordinateur. Ce comportement laissait présager la possibilité de développement de la photographie

1. Von Hippel, E. A., (1977), « Has a Customer Already Developed your Next Product ? », Sloan Management Review, 18, Winter, 63-74 ; Von Hippel, E. A., (2005), Democratizing Innovation, MIT Press, Cambridge Ma.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

numérique, puisque certains utilisateurs (les lead users au sens de von Hippel) manifestaient déjà le besoin de cette technologie. La mise en œuvre de cette démarche repose sur l’utilisation de méthodes d’investigation principalement qualitatives, inspirées de l’ethnographie : observation et observation participante notamment.

Enfin, la formulation du problème de segmentation sera bien sûr différente selon que l’on segmente un marché existant, ou que l’on s’intéresse au contraire à la segmentation qui doit être mise en œuvre pour préparer le lancement d’un nouveau produit ou service.

Le choix d’une méthode de segmentation Le manager doit ensuite choisir une méthode de segmentation, c’est-à-dire un modèle de recherche explicatif, dans lequel une variable doit être expliquée par une ou plusieurs variables explicatives. La variable expliquée sera souvent une variable comportementale (achat vs non-achat, quantités achetées, acheteurs exclusifs de la marque ou non). Les variables explicatives (critères de segmentation) doivent être choisies sur la base d’une théorie explicative du comportement de l’acheteur. La figure 4.2 illustre le risque auquel s’expose l’analyste en adoptant une méthode de segmentation. Exemple 1

Exemple 2

Variable expliquée Y

Variable expliquée Y

Variable explicative X

Variable explicative W

Relation de causalité

Variable explicative X

Relation de dépendance

Figure 4.2 – Problèmes de spécification d’un modèle de segmentation Dans l’exemple 1, l’analyste a spécifié un modèle explicatif de la variable Y par la variable X. La variable X est liée à la variable Y par une relation de causalité, qui peut être expliquée par un modèle théorique. La variable X peut être retenue comme critère de segmentation. Dans l’exemple 2, l’analyste propose toujours d’expliquer la variable Y par la variable X. Il est possible de mettre en évidence une relation de dépendance statistique entre X et Y. Mais il n’existe pas de relation de causalité entre X et Y : l’influence de X s’opère à travers une variable médiatrice W, qui entretient une relation de causalité avec Y. Il serait donc préférable de retenir W comme critère de segmentation 1.

1. La recherche fondamentale en comportement du consommateur accorde désormais une grande importance au test de modèles structurels de relations entre plusieurs variables explicatives afin d’identifier les variables qui jouent un rôle de médiateur ou encore de modérateur d’une relation.

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SEGMENTER UN MARCHÉ

Plusieurs tests empiriques ont par exemple montré une forte corrélation entre le taux d’équipement des ménages en téléviseurs (variable explicative hypothétique) et la consommation d’antidépresseurs (variable à expliquer). Il est probable que cette relation ne reflète pas un processus causal, mais plutôt que ces deux variables ont un même antécédent, par exemple le niveau de développement économique. La spécification du modèle de segmentation reposera à la fois sur la connaissance empirique du marché, que peuvent par exemple fournir des panels d’acheteurs, et sur les modèles théoriques explicatifs des comportements.

La détermination de la méthode de collecte et d’analyse des données

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Les données à collecter dépendent naturellement du modèle de segmentation choisi. Dans tous les cas, l’analyste devra conduire un arbitrage entre l’utilisation de données observées et de données déclaratives : • Les données observées sont souhaitables dès que le comportement de l’acheteur est retenu par le modèle de segmentation, par exemple avec le statut de variable expliquée. Les comportements déclarés peuvent être biaisés, volontairement ou non, par le répondant. Et surtout des données d’observation permettent de prendre en compte des indicateurs précis du comportement : quantités achetées, chronologie des achats, achats simultanés de plusieurs marques concurrentes dans une même catégorie de produit. Les panels d’acheteurs constituent la principale source de données comportementales observées. S’il n’est pas possible de recourir à un panel existant, il est malheureusement difficile et coûteux de mettre en place des protocoles d’observation ad hoc, ce qui explique le recours fréquent à des données déclaratives pour cerner les comportements. Des vérifications rigoureuses de la fiabilité de ces déclarations sont alors indispensables. • Les données déclaratives sont irremplaçables lorsque l’on veut appréhender des variables explicatives de nature psychologique ou sociale, qui pourront être utilisées soit pour construire des segments a priori, soit pour expliquer des segments définis par des comportements. La recherche fondamentale en marketing permet de disposer de batteries d’échelles de mesure des principales caractéristiques des acheteurs utilisées par les modèles de segmentation. Une autre question importante à résoudre par le chercheur concerne la définition de l’unité d’analyse de la segmentation. Parler de « segment d’acheteurs » est en effet une expression trompeuse. L’acheteur peut certes être un individu prenant seul la décision d’achat. Mais, pour de nombreuses catégories

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

de produits et services, la décision d’achat est plus complexe, et résulte des interactions entre plusieurs individus, notamment entre les membres du foyer. La participation éventuelle de prescripteurs doit aussi être envisagée : l’acheteur ne s’estimant pas capable de préparer seul la décision d’achat va suivre les conseils d’un autre individu qu’il considère comme expert et qui va spécifier les paramètres de l’achat. Si les études de segmentation retiennent souvent par commodité des individus comme unités d’analyse, il est prudent de vérifier la pertinence de ce choix. Les études de segmentation en milieu industriel ne peuvent se contenter d’une telle simplification, tant le recours à un centre d’achat est généralisé dès que la décision est importante techniquement et financièrement. L’unité d’analyse devrait alors être le centre d’achat, ce qui n’est pas sans poser des problèmes délicats de mise en œuvre : comment identifier tous les membres du centre d’achat ? Comment restituer sous une forme synthétique le fonctionnement de ce centre d’achat pour l’incorporer à un modèle général (agrégation des comportements individuels pour faire émerger une décision collective) ? Lorsque les données ont été collectées, leur traitement met presque toujours en œuvre des méthodes statistiques multidimensionnelles descriptives et explicatives 1 : • les méthodes descriptives permettent de constituer des segments à partir de plusieurs variables prises en compte simultanément (méthodes de classification hiérarchiques et non hiérarchiques principalement) ; • les méthodes explicatives servent à tester statistiquement le modèle de segmentation qui a été spécifié, c’est-à-dire la relation entre une variable expliquée et une ou plusieurs variables explicatives. Lorsque la variable expliquée est l’appartenance d’un individu à un segment (mesure nominale), l’analyse discriminante constitue un outil de test puissant du modèle de segmentation. Lorsque la structure des segments d’un marché a été mise en évidence, il peut être intéressant de compléter l’analyse par la mise en œuvre de méthodes d’analyse statistiques de données textuelles qui vont permettre à l’analyste de mieux cerner les caractéristiques attitudinales des individus qui composent les différents segments, et ainsi de mieux orienter ses préconisations managériales (voir encadré 4.2).

1. Giannelloni, J.-L. et Vernette É., (2001), Études de marché, op. cit., p. 375-422.

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SEGMENTER UN MARCHÉ

ENCADRÉ 4.2

Enrichir une segmentation avec des données textuelles Le cas du public de théâtre 1 La segmentation du marché des institutions culturelles a toujours été une démarche complexe, tant les motivations qui sous-tendent les comportements du public peuvent être contrastées. Un théâtre national souhaite disposer d’une segmentation de son public en vue d’orienter les thèmes de sa communication publicitaire. Le modèle de segmentation a été formulé de la manière suivante : – variable expliquée : fréquence de consommation (nombre de représentations auxquelles l’individu se rend pendant une saison) ; – variable explicative : caractéristiques psychologiques reflétant l’importance du spectacle théâtral pour l’individu ; cet état psychologique sera cerné par une mesure de l’implication, dérivée de l’échelle de Laurent et Kapferer 2. Les unités d’analyse sont des individus, fréquentant ou non l’institution théâtrale, interrogés par voie postale (échantillon empirique structuré selon des quotas sociodémographiques). 1 423 questionnaires ont été traités. Les répondants ont été regroupés en classes à partir de l’échelle de mesure de l’implication à l’égard du théâtre. Trois classes ont été identifiées en mettant en œuvre une classification ascendante hiérarchique : une classe d’implication minimale, une classe d’implication moyenne, et une classe fortement impliquée.

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Une analyse de variance a été conduite pour tester le modèle de segmentation. La variable expliquée est métrique (nombre de spectacles de théâtre auxquels le répondant déclare avoir assisté pendant la saison), et la variable explicative est nominale (classe d’implication). L’analyse de variance permet de valider l’hypothèse d’une influence du niveau d’implication sur la fréquentation. Si le modèle de segmentation est validé, son exploitation risque d’être difficile pour l’institution théâtrale car les items utilisés pour mesurer l’implication sont standardisés et ne permettent pas de déboucher facilement sur des thèmes de communication à développer. Pour compléter l’analyse, le questionnaire incorporait également des questions ouvertes destinées à recueillir les attitudes des répondants à l’égard du théâtre en des termes les plus proches possible du vocabulaire du public. Les réponses à la question ouverte « que représente pour vous le théâtre ? » sont analysées pour chacune des trois classes d’implication et les formes lexicales caractéristiques de chacune des classes sont identifiées. Le tableau ci-dessous présente les résultats les plus significatifs.

1. D’après : Bourgeon D., (1994), Essai de modélisation du comportement dans le domaine culturel : une application au spectacle théâtral, Thèse de Sciences de Gestion, Université de Bourgogne, Dijon. 2. Laurent G. et Kapferer J.-N., (1986), « Les profils d’implication », Recherche et Applications en Marketing, 1, 41-57.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Réponses à la question ouverte : « Que représente pour vous le théâtre ? » Segment de faible implication (fréquentation de l’institution faible ou nulle)

Segment d’implication moyenne (fréquentation occasionnelle de l’institution)

Segment d’implication forte (fréquentation régulière de l’institution)

Rien Ennui

Sortie entre amis Distraction Culture

Plaisir Émotion Dépaysement Rêve Bonheur

La description des segments est alors beaucoup plus riche : – le segment faiblement impliqué n’a développé aucune attitude positive à l’égard du théâtre. La communication qui lui est destinée doit donc tenir compte de l’a priori négatif de cette cible ; – le segment moyennement impliqué associe à la représentation théâtrale des motivations extrinsèques : cultiver le réseau des relations sociales, avoir des loisirs ou au contraire rechercher un enrichissement culturel ; – le segment fortement impliqué valorise au contraire le spectacle théâtral en lui-même, à travers les émotions qu’il suscite.

L’exploitation opérationnelle des résultats Pour exploiter les résultats d’une analyse de segmentation, trois contrôles doivent encore être effectués : • Contrôler l’homogénéité des segments : les critères mis en œuvre par les analyses statistiques pour constituer des segments sont fondés sur l’optimisation d’un indicateur local (généralement la maximisation de la variance expliquée). Le profil de chacun des segments est ensuite analysé (voir les segments définis par le niveau d’implication des répondants dans l’exemple de l’institution théâtrale ci-dessus). Il faut alors vérifier que chacun des segments est homogène, c’est-à-dire que la variance interne au segment est suffisamment faible pour qu’il ne soit pas nécessaire de subdiviser à nouveau le segment en sous segments. • Contrôler la stabilité des segments : l’un des problèmes inhérents aux méthodes statistiques de classification est l’instabilité de l’affectation des individus aux segments en fonction des paramètres retenus pour les calculs. Pour atténuer ce risque, il est souhaitable d’appliquer successivement plusieurs méthodes de classification aux mêmes données, par exemple une méthode hiérarchique puis une méthode non hiérarchique, pour vérifier la stabilité des segments, c’est-à-dire s’assurer que les individus regroupés dans un même segment par la méthode hiérarchique, restent réunis dans un même segment si l’on applique une méthode non hiérarchique.

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SEGMENTER UN MARCHÉ

• Évaluer la possibilité d’accéder aux segments : si les segments sont caractérisés par des critères psychologiques (implication, innovativité, attitudes…) ou psychographiques (dimensions du style de vie, valeurs…), il faut vérifier la possibilité de localiser ces segments dans la population pour que l’entreprise puisse y avoir accès à travers les variables d’action qu’elle peut manipuler. Pour cela, il est intéressant de décrire les segments soit à partir de caractéristiques sociodémographiques qui peuvent ensuite être reliées à la description d’audiences de supports publicitaires, soit directement à partir de caractéristiques des comportements de fréquentation de points de vente. Les résultats des études de segmentation pourront alors être exploités pour faire évoluer l’offre de l’entreprise, soit dans ses dimensions stratégiques, notamment à travers le positionnement de sa marque, soit dans des dimensions plus opérationnelles : modification du conditionnement, ajustement du prix, action de communication ou de promotion, adaptation des circuits de distribution.

Les critères de segmentation On appelle critère de segmentation la variable utilisée pour évaluer la similarité entre deux individus, et décider de leur affectation ou non à un même segment 1. Deux principales catégories de critères de segmentation peuvent être mises en œuvre : des caractéristiques comportementales de la population analysée, ou des variables exerçant une influence sur ces comportements. Le choix des critères adoptés pour une étude précise sera influencé par les objectifs de l’action marketing du commanditaire de l’étude.

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Les critères comportementaux Ils sont soit directement observables (données de panels), soit mesurables au moyen d’indicateurs déclaratifs assez simples et surtout directs, c’est-à-dire ne requérant pas le développement d’une échelle de mesure spécifique. La figure 4.3 propose différents exemples de critères comportementaux en distinguant la variable utilisée comme critère de segmentation et les indicateurs possibles de cette variable.

1. On observe une grande diversité dans les choix terminologiques des auteurs qui abordent cette notion. Aurier (Op. cit., 1989) parle de « variables de segmentation », Grégory de « caractéristiques de segmentation » (Grégory, P., 1997, « Segmentation des marchés », in Simon, Y. et Joffre, P. éds., Encyclopédie de Gestion, 2e éd., Economica, p. 2959).

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Domaine étudié

Achat produit ou service

Fréquentation des points de vente

Consommation ou utilisation

Variables

Indicateurs

Comportement d’achat

Quantité achetée Prix payé Fréquence d’achat Lieu d’achat

Relation aux marques

Marque(s) achetée(s)

Relations aux magasins

Point(s) de vente fréquenté(s) Fréquence de visite Panier dépensé

Contexte de fréquentation

Acheteur seul ou accompagné Achats de produits en promotion

Situation de consommation

Statut du (des) consommateur(s) Contexte de consommation

Environnement de consommation

Produits ou services consommés simultanément

Figure 4.3 – Exemples de critères de segmentation comportementaux

Les critères explicatifs des comportements Les critères regroupés dans cette seconde catégorie exercent une influence sur le comportement de l’acheteur et/ou du consommateur : elles sont donc sélectionnées sur la base des apports des travaux de recherche en comportement d’achat. Elles peuvent parfois être mesurées directement (l’âge, le revenu), mais elles exigent le plus souvent le développement d’un instrument de mesure spécifique (échelle). Enfin, elles peuvent être classées en deux catégories distinctes en fonction de la nature de leur influence sur le comportement étudié : • critères rattachés au processus de décision de l’acheteur, c’est-à-dire à la séquence d’activités cognitives qui précèdent l’acte d’achat proprement dit ; • caractéristiques générales de l’individu, qui exercent une influence sur de nombreuses sphères du comportement humain, dont le comportement d’achat et de consommation. La figure 4.4 développe cette typologie des critères explicatifs en proposant des exemples illustratifs de chacune des catégories, sans prétendre à l’exhaustivité, tant la diversité des critères qui peuvent être mis en œuvre est grande.

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SEGMENTER UN MARCHÉ

Niveau de rattachement du critère

Processus de décision de l’acheteur

Catégories de variables Recherche d’information

Style cognitif Besoin d’information

Attitudes

Critères de choix du produit Sensibilité à la marque Attachement à la marque

Motivations

Style de reconnaissance de problème

Évaluation après achat

Satisfaction Tendance à la fidélité Valeur de consommation

États psychologiques reliés à la catégorie de produits

Implication Risque perçu Recherche de variété

États situationnels

Situation d’achat Situation de consommation

Caractéristiques géographiques

Adresse (géomarketing)

Caractéristiques sociodémographiques et économiques

Âge Taille du ménage Nombre d’enfants au foyer Âges des enfants Revenu Profession

Caractéristiques psychologiques

Tolérance au risque Besoin de stimulation, recherche de variété Lieu de contrôle interne ou externe Innovativité Sensibilité esthétique

Caractéristiques psychographiques

Personnalité Style de vie Valeurs

Caractéristiques générales de l’acheteur

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Exemples de variables

Figure 4.4 – Exemples de critères de segmentation explicatifs des comportements

Le choix des critères de segmentation Le choix des critères de segmentation retenus pour une étude dépendra de nombreuses contraintes : • contraintes théoriques : il faut que le chercheur ait de solides raisons de penser que le critère qu’il envisage de retenir exerce une influence significative sur le comportement analysé. Une bonne connaissance des théories du comportement d’achat est donc indispensable ; • contraintes matérielles : la mesure de certaines variables exige la mise en œuvre de batteries d’échelles lourdes et dont l’administration peut être complexe. Il en est ainsi de certaines caractéristiques psychologiques, certes

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

souvent très explicatives, mais qui exigent l’administration de près de 50 questions pour cerner une seule variable explicative ; • contraintes opérationnelles : en fonction du problème marketing traité, certains critères peuvent être préconisés dans la mesure où ils donnent généralement de bons résultats dans le champ spécifique (figure 4.5). Domaine de prise de décision

Critères de segmentation utilisables

Lancement de produit nouveau

Attitudes à l’égard des marques existantes Attitude à l’égard du nouveau produit Tendance générale à l’innovation (innovativité)

Positionnement de marque

Bénéfices recherchés dans la catégorie de produit Implication dans la catégorie de produit Types d’usage du produit Attitudes à l’égard des marques existantes

Choix de conditionnement

Bénéfices recherchés dans la catégorie de produit Sensibilité esthétique au design Contexte d’utilisation du produit

Communication publicitaire

Caractéristiques psychographiques (valeurs, styles de vie) Habitudes de fréquentation des médias et supports Implication à l’égard de la catégorie de produits Tolérance à l’ambiguïté

Distribution

Fréquentation des canaux de distribution (vente à distance, vente en magasin) Fréquentation des enseignes (fidélité et transitions) Sensibilité au merchandising Orientations d’achat à l’égard des formes de vente

Prix

Sensibilité au prix (élasticité prix) Sensibilité aux promotions

Gestion de la relation client

Structure des achats (récence, fréquence, montant) Mode de relation avec l’entreprise (services) Fidélité à la marque Attitudes à l’égard de la marque et des marques concurrentes Sensibilité aux instruments de fidélisation

Figure 4.5 – Les critères de segmentation utilisables en fonction des domaines de prise de décision en marketing

La méthode du Khi-deux La méthode du Khi-deux constitue le moyen le plus simple d’associer une analyse statistique de la recherche de critères de segmentation à une exploration empirique de la structure du marché. Elle est bien adaptée à des problèmes d’étude du marché qui font appel à un nombre limité de critères de segmentation.

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SEGMENTER UN MARCHÉ

Elle requiert une mesure de la variable de comportement à expliquer (fréquence d’achat, quantité achetée, marque achetée), et la mesure sous forme nominale ou ordinale de critères de segmentations qui serviront à expliquer les différentes modalités de la variable de comportement. Si la variable expliquée est mesurée sous forme continue, elle doit être recodée pour définir des classes discrètes. L’analyste construit une série de tableaux de contingence croisant la variable expliquée avec chacune des variables explicatives. Le test de Khi-deux est calculé pour chacun de ces tableaux de contingence. Le critère de segmentation qui permet d’obtenir le Khi-deux le plus élevé lors du croisement avec la variable expliquée définit le premier niveau de la segmentation. À partir de ce premier niveau, l’analyste va scinder l’échantillon selon les modalités du premier critère de segmentation. Pour chacun des groupes ainsi constitués, on calcule à nouveau des tableaux de contingence en croisant la variable expliquée et les critères de segmentation restants. Le test de Khi-deux est calculé pour chacun de ces tableaux, et permet de rechercher quelles variables peuvent constituer le deuxième niveau de la segmentation. L’analyse est poursuivie tant que le test de Khi-deux peut être calculé, et plus précisément aussi longtemps que les effectifs théoriques des cellules des tableaux de contingence excèdent la valeur nécessaire de 5. L’encadré 4.3 décrit un exemple d’application de la méthode du Khi-deux à la segmentation d’un marché. Il illustre l’ensemble des étapes nécessaires à l’application de la méthode.

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ENCADRÉ 4.3

Segmentation du hard discount en 1990 par la méthode du Khi-deux Le premier magasin alimentaire hard discount a ouvert dans la banlieue de Lille en 1988. Deux ans plus tard, le développement de cette forme de vente est encore limité, et se concentre dans les régions du nord et de l’est de la France. Pour évaluer le potentiel d’expansion de cette forme de vente, il est souhaitable de caractériser le profil de ses premiers clients. Une étude a été réalisée dans une ville de Lorraine en 1990. Pour la commodité de la présentation, toutes les variables de cette étude sont traitées sous forme dichotomique : client vs non-client d’au moins une enseigne de hard discount pour la variable expliquée, et traitement dichotomique des modalités des variables nominales définissant les critères de segmentation. Un échantillon de 585 ménages est analysé. Une proportion de 55,73 % de ces ménages est cliente d’une enseigne de hard discount (tableau 1).

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Tableau 1 – Clientèle hard discount CLHD

Fréquence

Pourcentage

Fréquence cumulée

Pourcent. cumulé

0

326

55,73

326

55,73

1

259

44,27

585

100,00

Cinq descripteurs sociodémographiques de cet échantillon ont été mesurés. Pour la commodité de la présentation, rappelons qu’ils sont codés dans cette analyse sous forme binaire : – « Âge » : moins de 40 ans : CLASAGE = 1 (N = 303) ; plus de 40 ans : CLASAGE = 2 (N = 282) – « Niveau d’études » : primaire ou secondaire : CLASETUD = 1 (N = 455) ; supérieur : CLASETUD = 2 (N = 130) – « Catégorie professionnelle » : supérieure : CLASPROF = 1 (N = 143) ; basse ou moyenne : CLASPROF = 2 (N = 442) – « Effectif de la famille » : 3 membres ou moins : CLASFAM = 1 (N = 370) ; plus de 3 membres : CLASFAM = 2 (N = 215) – « Nombre d’enfants » : 0 ou 1 enfant : CLASENFT = 1 (N = 368) ; 2 ou plus : CLASENFT = 2 (N = 217) Pour identifier le premier critère de partition de la population entre clients et nonclients du hard discount (variable CLHD), cette variable est croisée avec chacun des cinq descripteurs, et le test de Khi-deux est appliqué à chacun des tableaux de contingence ainsi élaborés (tableau 2). Tableau 2 – Test de dépendance de la variable de comportement et des critères de segmentation Statistique

DF (nombre de degrés de liberté)

Valeur

Proba.

CLASAGE

Khi-2

1

26,9240

< ,0001

CLASPROF

Khi-2

1

5,6857

0,0171

CLASETUD

Khi-2

1

13,8020

0,0002

CLASFAM

Khi-2

1

10,5482

0,0012

CLASENFT

Khi-2

1

13,0028

0,0003

Le test de Khi-deux a la valeur la plus élevée pour le critère de segmentation « Âge ». Cette variable définit le premier niveau de segmentation du marché du hard – discount. Pour rechercher le critère de segmentation suivant, l’échantillon est scindé en deux groupes selon les modalités de la variable CLASAGE. Les quatre critères de segmentation restants sont croisés avec la variable de comportement, et le test de Khi 2 est appliqué à chacun des tableaux de contingence ainsi élaborés. Le tableau 3 présente le résultat de cet ensemble de traitements. À l’intérieur de la classe d’âge 1, le test de Khi-deux a la valeur la plus élevée pour la relation entre la variable de comportement et le critère de segmentation « Niveau d’études ». Cette variable définira le deuxième niveau de segmentation du marché du hard discount.

124

Vernette.Livre Page 125 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

SEGMENTER UN MARCHÉ

Tableau 3 – Test de dépendance de la variable de comportement et des critères de segmentation par classes d’âge Classe âge 1 Critère de segmentation

Classe âge 2

Statistique

DF

Valeur

Proba.

Valeur

Proba.

CLASPROF

Khi-2

1

11,7367

0,0006

,7052

0,1916

CLASETUD

Khi-2

1

14,3471

0,0002

6,8264

0,0090

CLASFAM

Khi-2

1

1,1348

0,2867

3,0765

0,0794

CLASENFT

Khi-2

1

2,3852

0,1225

3,3416

0,0675

Le même résultat est obtenu à l’intérieur de la classe d’âge 2. C’est donc le même critère de segmentation qui sera retenu pour définir le deuxième niveau de segmentation du marché à l’intérieur des classes d’âge. Les effectifs des quatre groupes issus du deuxième niveau de la segmentation sont encore compatibles avec la mise en œuvre du test de Khi-deux pour rechercher l’influence éventuelle d’un troisième critère de segmentation. À l’intérieur de chacun de ces quatre groupes, un test de Khi-deux est donc appliqué au croisement de la variable de comportement et des trois critères de segmentation qui n’ont pas encore été retenus : catégorie professionnelle, effectif de la famille et nombre d’enfants. Tableau 4 – Test du Khi2 au troisième niveau de segmentation Âge 1

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Étude 1

Âge 2 Étude 2

Étude 1

Étude 2

Critère de StatisDF Valeur Proba. Valeur Proba. Valeur Proba. Valeur Proba. segmentation tique CLASPROF

Khi-2

1

1,5507 0,2130 1,2440 0,2647 0,0800 0,7773 0,0556 0,8136

CLASFAM

Khi-2

1

0,5881 0,4432 0,0136 0,9070 2,4420 0,1181 1,4722 0,2250

CLASENFT

Khi-2

1

1,3653 0,2426 0,0860 0,7694 3,2550 0,0712 0,3068 0,5797

La lecture de ce tableau montre qu’il n’est plus possible de retenir un troisième niveau de segmentation, puisque aucun test de Khi-deux n’est significatif à un seuil de 5 %. La figure 1 (au verso) décrit la structure complète de la segmentation retenue. Il est alors possible de terminer l’analyse en comparant le taux de pénétration du hard discount selon les segments qui ont été identifiés. La clientèle de moins de 40 ans constitue la cible principale, puisque le taux d’adoption du hard discount dans ce groupe est de 55 % (à comparer à 33 % auprès des plus de 40 ans).

125

Vernette.Livre Page 126 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Échantillon complet (N = 585) Khi-2 = 26,92

Classe âge 1 (N = 282)

Classe âge 2 (N = 303)

Khi-2 = 14,34

Niveau d’études 1 (N = 202)

Khi-2 = 6,82

Niveau d’études 2 (N = 80)

Niveau d’études 1 (N = 253)

Niveau d’études 2 (N = 50)

Figure 1 – Résultat de l’application des deux critères de segmentation

Si l’on applique le second critère de segmentation (niveau d’études), on voit que la clientèle de niveau d’études primaire ou secondaire constitue le cœur de la cible du hard discount qui réalise un taux de pénétration dans cette population de 62 % chez les moins de 40 ans, et encore 47 % chez les plus de 40 ans. Il est remarquable d’observer que contrairement à une idée reçue persistante, la catégorie professionnelle n’est pas un critère de segmentation significatif pour cette forme de vente. Tableau 5 – Analyse de la pénétration du hard discount selon les segments Âge 1

Âge 2

Études 1

Études 2

Études 1

Études 2

Non-clients

Clients

Non-clients

Clients

Non-clients

Clients

Non-clients

Clients

76

126

50

30

159

94

41

9

Taux de pénétration : 62 %

Taux de pénétration : 37 %

Taux de pénétration : 55 %

Taux de pénétration : 47 %

Taux de pénétration : 18 %

Taux de pénétration : 33 %

La méthode de détection automatique des interactions (AID) La méthode de détection automatique des interactions (Automatic Interaction Detection, AID) est un prolongement de la méthode du Khi-deux, permettant à la fois d’augmenter le nombre des critères de segmentation explorés, et d’automatiser la réalisation des tests et la sélection des relations significatives qui méritent d’être retenues. Comme la méthode du Khi-deux, la méthode AID retient une variable expliquée de nature comportementale, qui peut être nominale, ordinale, scalée

126

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SEGMENTER UN MARCHÉ

ou métrique. Si la variable expliquée est scalée ou métrique, la recherche des critères de segmentation mettra en œuvre un test d’analyse de variance ; si la variable expliquée est nominale ou ordinale, c’est un test de Khi-deux qui sera appliqué (cas de l’algorithme CHAID). Puisque la méthode du Khi-deux a été présentée, nous exposerons à présent le principe de la méthode AID dans le cas où la variable expliquée est métrique (quantité achetée d’un produit par exemple). Chaque variable explicative est d’abord traitée séparément, en analysant l’influence de ses modalités sur la variable expliquée. Supposons que la variable « statut professionnel » soit retenue, et présente quatre modalités : ouvrier, employé, cadre moyen et cadre supérieur. Chacune de ces modalités sert à construire une dichotomie pour contraster les valeurs de la variable « quantités achetées ». La moyenne de cette variable est ainsi comparée entre le groupe « ouvriers » et le regroupement des trois autres modalités, le groupe « employés » et le regroupement des trois autres modalités, et ainsi de suite pour toutes les combinaisons des modalités de la variable explicative. La partition qui maximise la part de variance expliquée des quantités achetées est retenue comme premier niveau de segmentation. Une deuxième variable est alors introduite dans l’analyse pour tenter d’expliquer la part la plus élevée de la variance résiduelle de la variable expliquée. Le résultat de l’analyse se présentera sous la forme d’une arborescence de la segmentation de la population identique au résultat de la méthode du Khi-deux 1. Le logiciel Statistica inclut la procédure CHAID qui permet la mise en œuvre de la méthode AID, en offrant à l’analyste le choix de la mise en œuvre d’un test de Khi-deux sur des variables qualitatives, ou de tests F sur des données quantitatives.

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Typologies et méthodes de datamining La pratique de segmentation est tournée vers la recherche de clients potentiels pour un produit ou une marque à partir d’une analyse de l’ensemble des consommateurs composant le marché. Une autre démarche d’analyse est la typologie. Elle consiste à identifier des groupes homogènes à l’intérieur d’une population de clients d’une marque ou d’une catégorie de produits. Cette démarche est particulièrement appropriée sur des marchés saturés, pour lesquels l’acquisition de nouveaux clients est difficile, alors que la marque a au contraire intérêt à mieux cerner les caractéristiques de ses clients actuels pour répondre à leurs attentes et ainsi tenter de les fidéliser. 1. Un exemple de l’une des premières applications de cette méthode a été présenté par Assael, H. et Marvin Roscoe A., (1976), « Approaches to Market Segmentation Analysis », Journal of Marketing, 40, October, p. 67-76.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

L’identification d’une typologie des clients présente de nombreuses analogies avec la recherche de segments sur le marché. Elle s’appuie sur des bases de données développées par l’entreprise, qui peuvent ensuite être exploitées par des méthodes reposant sur des critères fixés a priori, ou par des méthodes plus complexes regroupées sous le terme de « datamining » (littéralement : exploration des données).

Les bases de données développées par l’entreprise Le développement des systèmes d’informations des entreprises leur permet de faire reposer ces analyses typologiques sur des bases de données plus importantes et détaillées, alimentées par deux circuits principaux : – les données comportementales recueillies par les entreprises lors des transactions initiées par les clients : achats dans un magasin (stockage du contenu des tickets de caisse), commandes sur un site Internet ou auprès d’une entreprise de vente par catalogue, transactions réalisées avec une banque ou un prestataire de services. Selon les activités, la firme peut ou non identifier le client à l’origine de cette transaction et constituer ainsi des fichiers de clients. Sinon, elle ne peut que réaliser des fichiers de transactions dont l’exploitation sera plus pauvre, puisque plusieurs transactions peuvent être liées à une même personne sans que le fichier fournisse cette information. – pour lever cette limite, une seconde démarche consiste à développer des fichiers de clients spécifiques, qui pourront ensuite être reliés aux fichiers de transaction. Le développement des cartes de fidélité proposées à la clientèle s’inscrit directement dans cette perspective. Lors de l’établissement de la carte, le client fournit à l’entreprise un ensemble d’informations sur les caractéristiques du ménage et éventuellement ses habitudes d’achat et de consommation. Chaque fois que le client présentera ensuite sa carte de fidélité lors d’une transaction, la base de données comportementales pourra être alimentée par le contenu de cette transaction. Que l’entreprise dispose de données transactionnelles ou de bases de données de clientèle individualisées, la taille de ces bases pose ensuite d’importants problèmes d’exploitation. Une première approche consiste à structurer ces données à partir de critères empiriques fixés a priori. Il est également possible de mettre en œuvre des méthodes analytiques plus complexes regroupées sous le terme de méthodes de « datamining ».

L’élaboration de typologie par des critères empiriques a priori Les bases de données de clientèle comportent le plus souvent tellement de variables qu’il n’est pas judicieux de leur appliquer directement des méthodes de classification sans traitement préalable. Le recours à des méthodes non

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SEGMENTER UN MARCHÉ

hiérarchiques est délicat, puisque l’analyste dispose de peu de bases fiables pour fixer a priori un nombre de classes. L’application de méthodes hiérarchiques se heurtera au problème de la redondance des variables : si 2 dimensions sont appréhendées par des nombres de variables très déséquilibrés (par exemple 5 indicateurs pour une dimension, et un seul pour la seconde dimension), les résultats vont être influencés par le poids excessif attribué artificiellement à la première dimension par rapport à la seconde. Il est donc souhaitable d’organiser les données brutes autour d’un nombre limité de dimensions qui sont considérées comme pertinentes par rapport au phénomène étudié. Historiquement, c’est le secteur de la vente par correspondance qui a été le premier confronté à la nécessité de structurer ses bases de données clientèle ; une pratique s’est développée dans ce secteur, consistant à analyser chaque client selon trois dimensions : la récence, la fréquence et le montant des achats. Cette méthode « R-F-M », purement empirique, s’avère très puissante pour établir des typologies de clientèle à partir de données transactionnelles, et elle a été adoptée par de très nombreux secteurs d’activités 1. L’encadré ci-dessous en expose la mise en œuvre. ENCADRÉ 4.4

Mise en œuvre d’une typologie R-F-M Les données de clientèle sont structurées pour caractériser chaque client par trois variables : – la récence : date de la dernière transaction entre le client et l’entreprise ; – la fréquence : nombre de transactions réalisées par le client au cours d’une période de référence fixée, par exemple les 12 derniers mois ;

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– le montant : somme des valeurs des transactions réalisées au cours de la période de référence utilisée pour calculer la fréquence. Cette structure de base peut être enrichie par la mise en œuvre de critères plus fins : – nombre d’achats et montant des achats par catégories de produits/services ; – nombre et montant des achats réalisés à l’occasion d’une offre promotionnelle (réduction de prix, jeu ou concours) ; – nombre et montant des achats réalisés en recourant ou non à un crédit ; – nombre et montant des achats réalisés à travers les différents canaux de vente proposés par l’entreprise (magasin, téléphone, Internet, bon de commande « papier »…) La base de données ainsi obtenue peut être traitée au moyen d’une méthode de classification, hiérarchique ou non, afin d’identifier des types homogènes de clients qui pourront ensuite faire l’objet d’un traitement commercial différencié.

1. Filser M., (1991), « Segmentation in Direct Marketing Channels : A Transaction-Patterns Based Method », Retail, Distribution and Consumer Research, 1, 2, p. 201-216.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Selon le secteur d’activité, il est possible d’adapter le principe de la méthode R-F-M pour choisir des dimensions qui semblent pertinentes en vue de structurer les données. L’analyste doit cependant rester très attentif au caractère purement empirique de la démarche : la typologie résultante est en effet strictement conditionnée par le choix des critères de structuration qui ont été retenus. Il est prudent de tester la typologie ainsi établie pour vérifier sa capacité à discriminer effectivement les groupes de clients, et en particulier leur sensibilité différente aux actions de marketing développées par l’entreprise.

Principes des méthodes de datamining Les méthodes de datamining ont pour objectif de traiter de très grandes bases de données sans fixer de critères de structuration a priori. Elles reposent donc sur la mise en œuvre de méthodes statistiques exploratoires qui recherchent l’existence d’une grande variété de relations possibles entre les variables 1. Les méthodes explicatives traditionnellement utilisées pour rechercher la structure d’une base de données appliquent une seule fonction, par exemple la maximisation de la variance d’une variable expliquée par un ensemble fixé de variables explicatives. Les méthodes de datamining mettent aussi en œuvre ces méthodes linéaires. Mais elles les complètent par l’utilisation de deux autres familles de méthodes : les réseaux de neurones et les algorithmes génétiques. • Les réseaux de neurones développent par apprentissage des fonctions explicatives. Ils sont bien adaptés à l’étude de relations instables entre variables explicatives et variables expliquées. Ils présentent deux inconvénients : d’une part les bases de données doivent être de très grande taille, puisque le modèle utilise la base pour « apprendre » les règles de traitement ; et d’autre part les réseaux de neurones sont bien adaptés à la prévision des phénomènes (par exemple le nombre de clients qui adoptent un produit et lui resteront fidèles), mais mal adaptés à leur explication 2. • Les algorithmes génétiques développent des modèles de classification et de prévision en appliquant les principes évolutionnistes de sélection, de reproduction, de mutation et de survie des modèles les mieux adaptés. Ces méthodes sont bien adaptées à l’exploration de très grandes bases de données dans lesquelles le nombre de variables explicatives est très élevé, et peut donner lieu à la recherche de combinaisons originales et peu intuitives. 1. Pour une présentation introductive des méthodes de datamining, on peut utilement consulter l’étude en deux parties développée par Peter Peacock : Peacock, P.R., (1998), « Data Mining in Marketing. Part I », Marketing Management, Winter, 9-18 et Part II, Spring, p. 15-25. 2. On trouvera un exemple de mise en œuvre des réseaux de neurones pour analyser la structure de la clientèle d’une banque dans : Chye Koh Hian et Chan Kin Leong Gerry, (2002), « Data Mining and Customer Relationship Marketing in the Banking Industry », Singapore Management Review, 24, 2, p. 1-27.

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SEGMENTER UN MARCHÉ

La mise en œuvre des méthodes de datamining pour établir des typologies de clients se déroule en trois étapes : la structuration préalable des données, la recherche exploratoire de fonctions explicatives, et le test de la validité prédictive de ces fonctions.

La segmentation par les bénéfices consommateurs Cette méthode suscite un engouement durable auprès des praticiens dans la mesure où elle cumule de nombreux avantages : bases théoriques solides, relative simplicité de mise en œuvre, possibilité de recourir à différentes méthodes statistiques, transposition directe des résultats à la formulation de stratégie 1. Le principe de la segmentation par les bénéfices (on parle indifféremment de segmentation par les avantages recherchés) se fonde sur le modèle de prise de décision d’achat du consommateur issu du courant d’analyse cognitiviste. Ce modèle repose sur deux principes : – l’attitude est le meilleur prédicteur du comportement d’achat : le consommateur achètera la marque qu’il préfère à toutes les autres ; – la formation des attitudes résulte du traitement d’informations dont dispose le consommateur. À partir de ces deux principes, on peut représenter le modèle général de la prise de décision par le consommateur qui fonde la segmentation par les bénéfices (figure 4.6).

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Catégorie de produits Attributs associés à cette catégorie

Marques connues dans cette catégorie

Scores d’importance de ces attributs

Évaluations des marques sur les attributs Formation de l’attitude à l’égard de chaque marque Comportement d’achat

Figure 4.6 – Modèle théorique de la segmentation par les bénéfices 1. Haley, R. I., (1984), « Benefit Segments : Backwards and Forwards », Journal of Advertising Research, 24, 1, p. 19-25.

131

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Confronté à un besoin, le consommateur recherche une catégorie de produits susceptible de répondre à ce besoin. Dans la mémoire à long terme du consommateur, une catégorie est associée à deux séries d’informations 1 : • Les attributs qui caractérisent cette catégorie de produits (par exemple un appareil photo numérique est caractérisé par sa résolution, le type de carte mémoire qu’il utilise, son prix, son poids, et la réputation de qualité de la marque qui le fabrique). Ces attributs n’ont pas la même importance : l’acheteur associe à chacun de ces attributs un score d’importance qui définit ainsi pour la catégorie de produits un vecteur caractérisant la hiérarchie des attributs. • Les marques connues par l’acheteur et rattachées à cette catégorie de produit. En rapprochant les attributs et les marques connues, l’individu construit ainsi une matrice « marques × attributs » dans laquelle il va placer l’évaluation qu’il forme de la performance de chaque marque sur chaque attribut. Si l’on transpose ce modèle au marché d’un produit (par exemple l’appareil photo numérique), tous les acheteurs effectifs et potentiels peuvent être associés à un vecteur des scores d’importance qu’ils associent aux attributs qu’ils rattachent à cette catégorie de produits. Le nombre d’attributs retenus peut varier entre deux individus : dans ce cas, le score d’importance sera nul si un attribut n’est pas pris en compte par un sujet. On peut donc décrire une population à étudier sous la forme d’une matrice comportant : – en lignes : les individus étudiés ; – en colonnes : les attributs associés à la catégorie de produits ; – à l’intersection de chaque ligne et colonne : le score d’importance associé par l’individu à l’attribut. On peut alors former des segments sur la base de la similarité des profils des scores d’importance qui caractérisent les bénéfices recherchés par les consommateurs. Une illustration de ce principe est fournie par la figure 4.7. Individu

Résolution

Prix

Poids

Marque

Type de carte

A

7

7

2

2

1

B

7

2

6

6

7

C

7

6

1

2

2

D

7

2

5

7

6

Importance mesurée sur une échelle à 7 points.

Figure 4.7 – Segmentation par les bénéfices, exemple de l’appareil photo numérique 1. Filser, M., (1994), Le comportement du consommateur, Dalloz, p. 95-100.

132

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SEGMENTER UN MARCHÉ

Deux profils de bénéfices recherchés peuvent être distingués à la lecture de ce tableau : – les individus A et C attachent seulement de l’importance à la résolution de l’image et au prix. Les autres critères ne sont que très peu pris en compte ; – les individus B et D ont au contraire des attentes plus complexes, et prennent en compte toutes les caractéristiques techniques des produits, tout en attachant peu d’importance au critère prix. Sur la base de ce principe, il est possible de formaliser une démarche de segmentation du marché sur la base des bénéfices recherchés par les acheteurs (figure 4.8) 1. Étapes

Activités

1. Définir la catégorie de produits

Études qualitatives Exploitation de données secondaires Identification des attributs et des marques à inclure

2. Recueil des données

Mesure de l’importance des attributs : Directement (scores d’importance déclarée) Indirectement (mesures conjointes)

3. Recherche des segments

Classification à partir de la matrice des scores d’importance Choix d’une partition

4. Description des segments

Analyse du profil de chaque segment Recherche de variables explicatives Croisement avec des données comportementales

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Figure 4.8 – La mise en œuvre de la segmentation par les bénéfices

Un exemple complet de mise en œuvre de la segmentation par avantages recherchés à partir de mesures directes de scores d’importance est présenté dans l’encadré 4.5. ENCADRÉ 4.5

Une application de la segmentation par les bénéfices : le choix d’un point de vente alimentaire Lorsque les premiers magasins hard discount sont apparus sur le marché français en 1988, les distributeurs ont cherché à caractériser le profil des clients de cette nouvelle forme de vente. L’hypothèse communément admise alors par les professionnels était

1. Pour approfondir, voir Vernette É, (1989), « La segmentation par les avantages recherchés, outil de stratégie marketing », Revue Française de Gestion, n˚ 73, p. 15-22, mars-avril.

133

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

que les clients des hard discounters devaient être très sensibles au prix des produits, et moins sensibles aux autres attributs caractérisant l’offre d’un point de vente. Pour vérifier cette hypothèse, une enquête par questionnaire a été réalisée en 1989 dans plusieurs villes de l’Est de la France où des magasins de ce type étaient déjà implantés. Le questionnaire comportait en particulier la question suivante : « lorsque vous choisissez un magasin pour faire vos achats de produits alimentaires, quelle est l’importance que vous accordez aux critères suivants ? » (1 = pas important du tout ; 5 = très important) Prix Proximité Facilité d’accès Présence de marques connues Qualité des produits Étendue du choix des produits Choix entre plusieurs marques pour un même produit Qualité de la présentation et de l’ambiance du magasin Rapidité du passage aux caisses Horaires d’ouverture

❏ ❏ ❏ ❏ ❏ ❏ ❏ ❏ ❏ ❏

Code variable swpx swpr swfa swpm swqp swec swcm swqm swrc swho

Ce questionnaire a été administré à 500 répondants à leur domicile. Après élimination des questionnaires incomplets, 454 questionnaires ont pu être exploités. La base de données comporte donc 454 lignes (nombre d’observations) et 11 colonnes (variables) : une première colonne comporte l’identification de l’observation (chaîne alphanumérique) et les 10 colonnes suivantes enregistrent les réponses de l’individu, c’est-à-dire le score d’importance qu’il attribue à chacun des attributs intervenant dans son choix d’un magasin alimentaire. L’échelle sémantique différentielle utilisée pour mesurer les scores d’importance est traitée comme une variable scalée. Comme nous ne savons pas à ce stade de l’étude combien de segments peuvent apparaître, nous choisissons la classification ascendante hiérarchique pour analyser les données. Cette méthode présente l’avantage de n’exiger aucune hypothèse préalable quant au nombre de segments. Le tableau 1 récapitule l’ensemble des observations retenues pour l’analyse : il ne subsiste aucune observation incomplète et les 454 questionnaires sont utilisables. Tableau 1 – Observation des données a Valide

Manquante

Total

N

Pourcentage

N

Pourcentage

N

Pourcentage

454

100 %

0

,0 %

454

100 %

a. Carré de la distance euclidienne utilisé.

La première étape de l’exploitation des résultats de la classification ascendante hiérarchique consiste à déterminer une partition de l’échantillon initial en un certain nombre de segments. Nous allons utiliser pour cela la chaîne des agrégations (tableau 2). Pour rechercher une partition satisfaisante de l’échantillon, partons du niveau supérieur de la hiérarchie, qui porte le numéro 453. Nous calculons pour chacun des niveaux

134

Vernette.Livre Page 135 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

SEGMENTER UN MARCHÉ

Tableau 2 – Chaîne des agrégations

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Étape

411 412 413 414 415 416 417 418 419 420 421 422 423 424 425 426 427 428 429 430 431 432 433 434 435 436 437 438 439 440 441 442 443 444 445 446 447 448 449 450 451 452 453

Regroupement de classes Classe 1 4 40 112 11 63 62 1 34 20 1 34 54 14 52 1 16 11 42 81 1 54 16 73 14 81 52 62 11 62 1 1 34 11 52 1 62 11 1 4 11 1 1 1

Classe 2 240 75 199 394 80 378 26 211 94 13 82 179 311 69 24 262 44 63 83 20 375 112 274 54 151 413 201 40 273 42 81 336 16 73 34 183 52 14 62 171 11 4 47

Coefficients

12,985 13,398 13,466 13,767 13,854 13,927 14,040 14,512 14,583 14,734 14,914 15,180 15,423 15,643 15,994 16,009 16,253 17,035 17,200 17,202 17,336 17,753 18,074 18,312 18,544 18,946 19,192 19,866 20,036 20,648 21,125 21,576 22,179 22,415 22,903 23,557 23,827 24,277 30,182 30,683 32,102 33,565 36,915

135

Étape d’apparition de la classe Classe 1 391 336 386 370 400 0 410 398 372 417 418 356 399 404 420 405 414 373 375 425 422 426 347 423 429 424 416 427 437 430 440 421 438 436 441 439 443 445 411 447 448 451 452

Classe 2 0 409 0 234 297 0 403 286 314 401 382 402 339 389 396 393 341 415 407 419 0 413 0 431 408 0 388 412 0 428 435 0 432 433 442 321 444 434 446 379 450 449 302

Étape suivante 449 438 432 427 428 437 420 421 430 425 442 431 434 436 430 432 438 440 435 440 434 443 444 448 441 444 439 443 446 441 445 445 447 447 448 449 450 451 452 451 452 453 0

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

supérieurs de la hiérarchie la variation en valeur relative de l’indice de niveau (quatrième colonne du tableau 2). Le tableau 3 décrit l’évolution de cet indice : l’axe des abscisses est ordonné vers les niveaux inférieurs de la hiérarchie. Ainsi la classe numérotée 1 montre la variation de l’indice de niveau entre les étapes 452 et 453 ; la classe 2 la variation entre les étapes 451 et 452, et ainsi de suite. La courbe ainsi tracée met en évidence une forte rupture après la classe 4, correspondant à l’étape 449. Nous retiendrons donc une partition en 4 classes. Tableau 3. Variation du coefficient de distance 0,3 0,25 0,2 0,15 0,1 0,05 0 1

2

3

4

5

6

7

Nombre de classes

Nous allons à présent affecter chacune des observations de l’échantillon initial à la classe à laquelle elle a été rattachée par la classification ascendante hiérarchique. Le tableau 4 synthétise ces affectations. Tableau 4 – Effectifs des classes

Valide

1 2 3 4 Total

Fréquence

Pourcent

Poucentage valide

Pourcentage cumulé

390 11 51 2 454

85,9 2,4 11,2 ,4 100,0

85,9 2,4 11,2 ,4 100,0

85,9 88,3 99,6 100,0

Le résultat obtenu est très intéressant. En effet, deux classes se distinguent très nettement par leurs effectifs : la classe 1, avec 390 observations, soit plus de 85 % des répondants, et la classe 3, avec 51 observations, soit un peu plus de 11 % des répondants. Les effectifs des classes 2 et 4 sont très faibles pour être significatifs (tableau 5). Nous concentrerons donc notre analyse sur la comparaison des classes 1 et 3. Nous calculons pour chaque classe le score d’importance moyen attribué par les membres de cette classe à chacun des critères de choix de magasin. Le tableau 6 synthétise ces résultats. Du fait du nombre de variables à prendre en compte, il est préférable de tracer un diagramme en bâtons qui décrit pour chacune des quatre classes le profil des scores d’importance des attributs (tableau 7). Les classes 1 et 3 peuvent alors être comparées. Le profil de la classe 1 apporte peu d’informations : il s’agit d’un groupe qui déclare accorder en moyenne beaucoup

136

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SEGMENTER UN MARCHÉ

Tableau 5 – Effectifs par classes 400 Fré qu enc e 300

200

100

0 1

2

3

4

Numéros des classes

Tableau 6 - Scores moyens d'importance des attributs par classes de bénéfices recherchés

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Average linkage

SWPX

SWPR

SWFA SWPM

SWQP

SWEC SWCM SWQM

SWRC SWHO

1

Moyenne N Écart-type

4,67 390 ,616

4,20 390 ,950

4,49 390 ,737

3,91 390 1,008

4,81 390 ,404

4,43 390 ,723

4,08 390 ,941

4,75 390 ,474

4,49 390 ,679

3,91 390 1,141

2

Moyenne N Écart-type

4,36 11 ,809

3,73 11 1,104

4,18 11 ,751

3,18 11 1,168

4,36 11 ,809

4,27 11 ,647

4,27 11 ,647

2,55 11 ,688

3,27 11 1,104

4,27 11 1,191

3

Moyenne N Écart-type

4,76 51 ,473

3,96 51 ,799

3,43 51 ,985

2,41 51 ,963

3,96 51 ,799

3,06 51 ,785

2,82 51 ,888

3,80 51 ,800

3,69 51 ,836

2,92 51 1,230

4

Moyenne N Écart-type

2,50 2 ,707

5,00 2 ,000

5,00 2 ,000

1,50 2 ,707

5,00 2 ,000

4,50 2 ,707

1,50 2 ,707

5,00 2 ,000

5,00 2 ,000

5,00 2 ,000

Total

Moyenne N Écart-type

4,67 454 ,625

4,17 454 ,941

4,36 454 ,837

3,72 454 1,122

4,71 454 ,548

4,27 454 ,845

3,94 454 1,022

4,59 454 ,684

4,37 454 ,772

3,81 454 1,194

d’importance à tous les attributs. Il peut s’agir là d’un effet de regroupement : n’oublions pas en effet que cette classe rassemble 85 % de l’échantillon. En revanche, l’analyse de la classe 3 met bien en évidence des attentes très spécifiques : l’importance du critère « prix » est maximale, alors que l’importance du critère « Présence de marques connues » est minimale. Le critère « Choix entre plusieurs marques pour un même produit » est également peu important. Nous sommes en présence d’un segment susceptible d’être très réceptif à l’offre des hard discounters. Il serait alors possible de compléter l’analyse en cherchant à identifier les caractéristiques socio-économiques de ce segment. Il serait également utile d’observer quelles enseignes il fréquente actuellement, afin de déterminer quelles enseignes seront les plus directement exposées à la concurrence du hard discount. N’oublions pas que ce segment rassemblait alors plus de 11 % de l’échantillon.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Tableau 7. Scores d’importance moyens par classes de bénéfices 6 1 Prix 23

5

5

1 3 2

4

1

8

6 1 3

7 4

5 67

4 Marques

10 2

10

5 Qualité

5 8

2

9

6 Choix

3

7 Plus_marques

9

4

6

3

7 8

2 Proximité 3 Accès

9

6

8 9 10

5

8 Magasin

10

9 Rapidité

1

4

10 Horaires 2 4

1

C1

C2

C3

7

C4

On peut reprocher à la démarche qui vient d’être présentée de reposer sur des scores d’importance déclarés dont la fiabilité peut être mise en doute, notamment dans le cas de produits peu impliquants. Dans ce cas en effet, le sujet retient un faible nombre d’attributs qu’il tend à considérer comme également importants. Il est possible de résoudre ce problème en recourant à l’analyse des mesures conjointes pour calculer indirectement les scores d’importance que les sujets accordent aux différents attributs du produit.

CONCLUSION La pertinence de la segmentation reste un sujet controversé. En effet, la volatilité des préférences et des comportements des consommateurs semble contradictoire avec la notion même de segment, qui suppose une certaine stabilité des processus de décision. Le segment reste pourtant un cadre d’analyse puissant, en particulier à court terme, à condition d’observer les précautions méthodologiques qui ont été exposées dans ce chapitre. Une autre évolution concourt au développement des méthodes de segmentation. La généralisation des programmes de fidélisation et des méthodes de marketing interactives (par Internet et marketing direct) permet désormais de disposer de bases de données comportementales fiables, qui décrivent pratiquement en temps réel les comportements d’achat effectifs et l’ensemble des relations des clients avec l’entreprise. Ces bases de données sont particulièrement bien adaptées à l’identification de segments et à leur exploitation par le marketing opérationnel.

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SEGMENTER UN MARCHÉ

BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

BUCHTA C., DOLNICAR S. et REUTTERER T., (2000), A nonparametric approach to perception-based market segmentation : applications, Springer, New York. McDONALD M. et DUNBAR I.K., (1998), Market segmentation, 2nd edition, MacMillan. WEDEL M. et WAGNER K., (1999), Market segmentation : conceptual and methodological foundations, 2nd edition, Springer, New York.

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CHAPITRE 5

Choisir un positionnement

Les études stratégiques Chapitre 2 Recenser les désirs, motivations, expériences de consommation Chapitre 3 Identifier les critères de choix d’un produit

Fondements stratégiques préliminaires Chapitre 4 Segmenter un marché

Identifier les scénarios d’usage et l’ensemble de considération Identifier les positions : l’analyse multidimensionnelle des similarités et des préférences

Chapitre 5 Choisir un positionnement

Reconstruire les positions : approche par composition

Chapitre 6 Prévoir les ventes

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Plan du chapitre

« Dans un monde caractérisé par une tendance au nivellement technologique, la prolifération des produits et des marques, la saturation publicitaire, la massification de la distribution et la tendance à la baisse du niveau d’implication du consommateur, le maître mot de la stratégie marketing est le positionnement. » 1

L

message délivré dans ces quelques lignes, pourtant écrites il y a vingt ans, n’a pas pris une ride. Le positionnement est l’un des trois piliers fondamentaux du marketing stratégique avec la segmentation et le

E

1. Chandon, J.-L. et Strazzieri, A., (1986), « Une analyse de structure de marché sur la base de la mesure de l’ensemble évoqué », Recherche et Applications en Marketing, 1, 1, p. 17-39.

141

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

ciblage 1. Il détermine la définition et la mise en œuvre du marketing-mix. Un mauvais choix de positionnement débouche sur un marketing-mix inadapté et l’échec du produit. Dans son principe de base, l’idée de positionnement est simple à saisir. Pour cela, le mieux est de reprendre les mots de Marcel Bleustein-Blanchet 2 : « […] le principe qu’une marque doit pour ainsi dire devenir propriétaire d’une position exclusive et inattaquable dans l’esprit du prospect à qui elle s’adresse ».

L’un des manuels universitaires de référence en marketing propose 3 : « Positionner un produit ou une marque consiste à lui donner une position originale dans l’esprit des consommateurs et prospects, pour qu’il se distingue clairement des concurrents, et corresponde aux attentes les plus déterminantes de la cible visée. »

Cette seconde définition suggère que le positionnement est d’abord et avant tout une stratégie, c’est-à-dire un ensemble de moyens mis en œuvre et coordonnés pour atteindre un objectif. Le positionnement vise à former ou à modifier les croyances des individus, ce qui fait de la communication son vecteur principal. L’objectif de cette action sur les croyances est la différenciation. Par conséquent, le positionnement ne se conçoit pas en dehors des situations concurrentielles. Le responsable marketing chargé d’élaborer un positionnement est confronté à de multiples difficultés. L’une des premières consiste à se faire une idée très claire des enjeux stratégiques induits. La position choisie, au-delà d’être originale ou unique dans l’esprit des consommateurs, doit correspondre à une demande effective. Celle-ci doit être analysée de manière contingente, c’est-à-dire en tenant compte du contexte concurrentiel dans lequel l’entreprise est « enchâssée » (embedded). En d’autres termes, le positionnement doit être défini en fonction des différentes offres en présence et par rapport à des perceptions relativement homogènes de la part des consommateurs. Ceci implique la mise en œuvre préalable d’une démarche de segmentation et de ciblage. Une autre difficulté est contingente à la première : puisqu’il s’agit d’agir sur des croyances, encore faut-il les avoir identifiées au préalable. Une troisième difficulté réside dans le choix des outils à mettre en œuvre pour construire le positionnement proprement dit 4. 1. Ce qui s’identifie à la lecture de certains titres d’ouvrages. Par exemple : Hooley, G.J. et Saunders, J. (1993), Competitive Positioning. The Key to Market Success, Prentice-Hall International. 2. Ries A. et Trout, J., (1987), Le positionnement, McGraw-Hill. 3. Dubois, P.-L. et Jolibert A., (2005), Le marketing. Fondements et pratique, 4e éd., Economica, p. 277. 4. Ce troisième aspect sera à peine évoqué car il relève davantage des ouvrages de marketing stratégique, voire de communication.

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

L’objectif de ce chapitre est de présenter les démarches d’études préalables à un choix de positionnement. Pour cela, on montrera d’abord dans quel contexte stratégique s’inscrivent ces études et quels choix préalables doivent être réalisés. Les démarches d’études proprement dites seront abordées dans une seconde section.

Fondements stratégiques préliminaires Positionner se réfère à un double choix : – un segment de marché cible sur lequel on se confronte à des concurrents ; – un ou des éléments de différentiation qui définissent la manière dont on engage cette confrontation 1. Mettre en œuvre une stratégie de positionnement implique d’identifier des « objets » (produits, marques, individus, idées…) en concurrence sur un marché et d’analyser leurs situations respectives au regard des croyances déterminantes des individus cibles. La toute première étape d’une stratégie de positionnement consiste donc à définir les frontières du marché de référence ou, en d’autres termes, « définir le champ de concurrence » 2. Il faut ensuite choisir les outils adaptés.

Définir des frontières de marché : deux stratégies possibles Une structure de marché se définit comme un cadre 3 :

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« […] mettant en évidence la configuration et les relations existant entre les diverses alternatives d’un marché, en termes d’attitudes, de besoins, de perceptions, de situations d’usage, d’habitudes et des autres aspects du comportement du consommateur »

En définir les frontières est beaucoup moins simple qu’il n’y paraît. L’opération est d’ailleurs étroitement liée aux analyses de segmentation étudiées dans le chapitre précédent. Schématiquement, deux stratégies sont possibles. Les contours d’un marché peuvent être définis soit par la perception qu’en ont les fabricants, c’est-à-dire par l’offre, soit par la perception qu’en ont les consommateurs, c’est-à-dire par la demande.

1. Doyle P., (1994), Marketing Management and Strategy, Prentice Hall, p. 79. 2. Dubois P.-L. et Jolibert A, (2005), Le marketing. Fondements et pratique, 4e éd., Economica, p. 279. 3. Myers J. H. et Tauber E., (1977), Market Structure Analysis, American Marketing Association, p. 10.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

• Définir les contours d’un marché par l’offre dépend étroitement de la catégorie de produit à laquelle on se réfère. Ainsi, la part de marché d’un fabricant de skis dépendra très largement de sa définition de la catégorie de produit « ski ». S’agit-il, dans une acception large, de tout système comprenant deux planches munies d’un dispositif de fixation aux chaussures, ou de quelque chose de plus fin ? Salomon, par exemple, est numéro 2 mondial du « ski alpin » mais ne fabrique pas de skis de randonnée ou de télémark. La position concurrentielle de Salomon dans le ski alpin est par ailleurs très différente selon que l’on parle du ski typé piste, du ski de « freeride » ou de « freestyle ». De même les frontières de catégories évoluent dans le temps : la catégorie « ski parabolique » a en pratique disparu puisque tous les skis ou presque sont aujourd’hui de ce type. La notion de marché peut aussi dépasser celle de la catégorie de produit : au-delà du ski, on peut se référer de manière beaucoup plus large à tout ce qui permet de glisser sur la neige : sont ainsi concernés les surfs, les patinettes (snowblades), ou les monoskis.

• Définir les contours d’un marché par la demande consiste à croiser un scénario d’usage et l’ensemble de considération des consommateurs cibles. Définir un positionnement par rapport à un scénario d’usage type est crucial. Les produits ou marques comparés préalablement à un achat dépendent des circonstances de ce dernier et/ou de l’usage prévu pour le produit. Pour célébrer un événement majeur dans sa vie ou celle de ses proches, ou s’il reçoit un invité de marque, un consommateur va probablement choisir entre différentes marques de champagne ayant pignon sur rue ; si l’événement est plus mineur, alors l’arbitrage se fera peut-être entre des marques moins prestigieuses, ou entre ces dernières et des « méthodes traditionnelles » plus typées terroir (Clairette de Die, Crémant d’Alsace ou Pétillant de Savoie par exemple)

L’ensemble de considération (assimilable à l’ensemble évoqué) est défini comme « le sous-ensemble des marques qu’un consommateur envisage d’acheter parmi l’ensemble des marques qu’il connaît dans une catégorie de produit donnée » 1. De nombreux auteurs soutiennent que l’approche par la demande est la meilleure, notamment parce qu’elle fournit des estimations de parts de marché plus pertinentes 2. Ces principes étant posés, intéressons-nous aux outils permettant de délimiter les frontières des marchés.

1. Howard J. A., (1977), Consumer Behavior : Application of Theory, McGraw-Hill. En anglais, la définition citée s’applique au concept d’evoked set. 2. Percy L., Rossiter J.R. et Elliott R., (2001), Strategic Advertising Management, Oxford University Press.

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

Quels outils pour définir les frontières de marchés ? ➤ Par les caractéristiques du produit

La manière la plus simple de procéder, illustrée dans l’encadré 5.1, consiste à définir une catégorie aux frontières très larges, puis à la découper en autant de sous-catégories que les caractéristiques du produit le permettent. La définition des frontières de catégories de produits, donc de marchés, implique une certaine part d’arbitraire. ENCADRÉ 5.1

La famille « yaourt » dans le panel Scantrack d’AC Nielsen « Cette famille comprend les yaourts, blancs et non blancs : étuvés, sucrés, fruit, brassés blancs, pulpés, aromatisés, qu’ils soient allégés ou non. Elle comprend également les : bifidus, prêt à boire (dont Actimel…), spécialités (grec, petit-déjeuner, lait fermenté + lait ribot, soja + base végétale…) que ces produits soient biologiques ou non. » Source : Données Scantrack Nielsen 2002

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Cette manière de procéder facilite la tâche des gestionnaires, contraints de piloter des bases de données construites à partir de dizaines de milliers de références. On peut toutefois se demander si les consommateurs sont en phase avec cette nomenclature. Probablement oui pour la distinction entre yaourt nature et yaourt aux fruits, correspondant pour la plupart d’entre eux à des usages différents. Mais le « prêt à boire », par exemple, est-il réellement considéré comme un yaourt ? Sur le marché des panachés, Force 4 est en concurrence avec les bières light et « sans » alcool (Tourtel) mais aussi avec Brut de pomme. ➤ Par les comportements

Les approches précédentes imposent de connaître et de comprendre le marché sur lequel se situent ses produits. Elles se fondent sur une analyse de l’offre. Une autre façon de procéder consistant à analyser la demande, c’est-à-dire les comportements réels des consommateurs, a été dénommée COMPETITOR par ses concepteurs 1. 1. Pour un exposé complet de la démarche et de ses résultats, voir Merunka D. et Bourgeat P., (1988), « Une méthode de mesure et de représentation de la concurrence entre marques », Recherche et Applications en Marketing, 3, 2, p. 1-27 ; Merunka D. et Le Roy I., (1991), « COMPETITOR : un modèle de positionnement concurrentiel des marques appliqué à des données de panel consommateur », Recherche et Applications en Marketing, 6, 2, p. 1-24.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Cette démarche se fonde sur la lecture optique des achats effectuée en sortie de caisse. Elle se prolonge par l’usage des cartes perceptuelles (voir plus loin). L’application de COMPETITOR permet d’estimer : – les positions relatives des marques à partir des choix réels des consommateurs ; – les volumes de vente réalisés dans les différentes zones de concurrence représentées sur la carte ; – la capacité des marques à lutter contre leurs concurrents (qui définit la valeur concurrentielle de la marque). Le modèle s’applique à la catégorie de produit. Il part du principe que la concurrence s’exerce au niveau du foyer et détermine par conséquent la composition du panier d’achat, défini comme l’ensemble des achats effectués dans la catégorie de produit sur une ou plusieurs périodes de temps données. L’observation de ces achats individuels permet ainsi de calculer une mesure de concurrence entre les marques pour chaque foyer. L’agrégation des résultats permet ensuite de mesurer et de représenter l’intensité de la concurrence entre les marques au niveau du marché. La figure 5.1 résume les étapes de la démarche. On ne détaillera pas, par contre, les détails techniques liés à l’élaboration des mesures d’intensité concurrentielle, largement décrites dans les références citées. Achats réels des marques par les consommateurs (Données de panel)

Calculs d’intensité de la concurrence entre les marques (Niveaux individuel et agrégé)

Calcul d’une distance inter-marques

Analyse multidimensionnelle

Calcul des volumes de concurrence

Carte de positionnement concurrentiel

Calcul des valeurs concurrentielles

Diagnostic sur la concurrence (Niveau du marché)

Figure 5.1 – Étapes de la démarche COMPETITOR

146

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

Les cartes de positionnement concurrentiel produites ressemblent à celles qui vont être présentées plus loin dans ce chapitre. La valeur ajoutée de cette méthode est donc ailleurs. Une application au marché des pâtes alimentaires a par exemple mis en évidence l’importance du prix dans la structuration et l’intensité de la concurrence entre marques. Ce résultat n’aurait probablement pas émergé aussi clairement par une approche indirecte, car beaucoup de répondants auraient minimisé, de bonne foi, l’importance du prix dans le choix des marques. Par ailleurs, au travers des cartes de rétention concurrentielle, basées sur les indices de valeur concurrentielle et de volume de concurrence, COMPETITOR fournit une aide à la décision marketing intéressante, parce que plus directement exploitable au plan stratégique que celle issue des cartes perceptuelles classiques. Par contre, on peut identifier un triple frein à son emploi généralisé : – la méthode semble peu adaptée aux biens industriels et aux biens de consommation à faible fréquence d’achat (biens durables), car le délai de constitution d’un « panier » pertinent par foyer serait prohibitif (pour les pâtes, on a retenu 6 mois) ; – il faut encore exclure des biens de grande consommation les catégories pouvant faire l’objet d’usages multiples, par exemple l’huile (une marque pour la cuisine, une marque pour les assaisonnements). Ces marques seraient présentées comme fortement concurrentielles par la méthode alors qu’en pratique elles ne sont pas substituables puisque correspondant à des usages différents ;

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– la méthode serait beaucoup moins pertinente pour des catégories de produit à faible intensité concurrentielle. ➤ Par la similarité perçue

Malgré leur intérêt indéniable, les comportements réels restent par conséquent des données d’entrée moins utilisées que les perceptions des consommateurs. Les similarités perçues entre marques sont, en particulier, un bon moyen de définir des frontières à l’intérieur desquelles une stratégie de positionnement pourra être élaborée. Les mesures de similarités sont diverses, notamment en termes de complexité et il existe plusieurs variantes méthodologiques de collecte et de traitement de l’information recueillie que l’on abordera plus loin dans ce chapitre. L’encadré 5.2 propose un exemple résumant assez bien le type de raisonnement à mener pour aboutir à un choix de positionnement.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

ENCADRÉ 5.2

Comment se positionner sur le marché des revêtements de sols ? « […] Il est particulièrement important d’examiner les besoins et préférences sur le segment au regard des offres concurrentes existantes, et en tenant compte du niveau de satisfaction exprimé ainsi que de la vulnérabilité des concurrents. Le marché des revêtements de sols peut être segmenté par produit (e.g. carrelage, parquet, revêtement vinyle) ou par type de résidence (e.g. logement particulier, entreprise, espace commercial). Si le responsable marketing s’intéresse au segment du revêtement vinyle pour les particuliers, il peut subdiviser ce segment par le type d’acheteur (e.g. artisan, propriétaire du logement). L’un étant professionnel, l’autre « bricoleur » les motivations d’achat seront probablement différentes. Si le manager s’intéresse au segment Do it yourself (DIY), il peut, à l’issue d’une série d’études, identifier que la facilité de pose et d’entretien sont les deux critères déterminants de l’achat d’un revêtement vinyle. Cela lui permet d’élaborer des cartes sur lesquelles il va reporter la position perçue (par les clients) des différentes marques en concurrence, dont la sienne, sur chacun de ces deux critères. Il peut ensuite utiliser cette carte pour identifier, éventuellement, une attente non servie jusque-là et envisager, si c’est possible, de définir une offre correspondant à ces attentes. » Source : d’après DiMingo E. (1988), « The Fine Art of Positioning », The Journal of Business Strategy, 9, 2, p. 34-39.

L’objectif de la section suivante est de détailler, par l’exemple, l’ensemble des étapes allant de l’identification des critères de choix déterminant l’achat à la construction et l’analyse des cartes perceptuelles mentionnés dans cet exemple.

Identifier les scénarios d’usage et l’ensemble de considération Un positionnement repose sur un scénario d’usage et sur un ensemble de considération pré-définis 1. Ces études préparatoires constituent la première étape du processus de positionnement. Les entretiens de groupes ou les entretiens individuels que nous avons présentés dans le chapitre 3 se prêtent bien à cette démarche. 1. Voir supra pour une définition de l’ensemble de considération.

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

ENCADRÉ 5.3

Identifier des scénarios d’usage de produit Voici une illustration de la procédure que l’on a utilisée auprès d’un groupe d’une vingtaine d’étudiants : « Veuillez lister par écrit toutes les situations d’usage que vous êtes capable d’imaginer pour un sirop de fruits, que vous soyez seul ou en groupe. » Pour le recueil d’information, on a adopté une version simplifiée de la technique des groupes nominaux 1. Après regroupement et élimination des doublons, le groupe a identifié quatre usages possibles du sirop de fruits 2 : – boisson rafraîchissante (comme substitut au soda, jus de fruits…) ; – ingrédient de cocktails pour l’apéritif ; – utilisation en cuisine ;

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– boisson énergétique pour le sport.

Pour chaque scénario, les marques susceptibles de faire partie de l’ensemble de considération sont potentiellement différentes. L’offre des fabricants peut ne pas couvrir tel ou tel usage, ou le consommateur peut exclure de lui-même telle ou telle marque parce qu’il la juge inapte à un usage alors qu’il envisagera son achat pour un autre usage (pour les sirops de fruits, les gammes de parfums offerts par les marques de distributeurs sont relativement limitées. Elles s’adaptent mal à un usage en cuisine par exemple). Par ailleurs, l’ensemble de considération est individuel. Pour un usage donné, chaque consommateur se construit son propre ensemble. Sur un segment, on peut ainsi construire des indices d’intensité concurrentielle en comptant le nombre de fois où une marque est envisagée dans un scénario en même temps que d’autres marques 3. L’étape suivante consiste à fixer un scénario et à identifier, pour cet usage, l’ensemble de considération dans la catégorie de produit de chaque individu. On peut procéder par une méthode de citation directe ou par une méthode de reconnaissance. Dans le premier cas, on identifie les marques saillantes au 1. Le mode opératoire de la technique des groupes nominaux est exposé, par exemple, dans Giannelloni J.-L. et Vernette É. (2001), Études de marché, op. cit., p. 140-144. 2. L’exemple ne prétend en aucune manière à une quelconque représentativité. Cette catégorie de produits est peu connue et peu utilisée par les étudiants. 3. La mesure de l’intensité concurrentielle sort du cadre de ce chapitre. Voir par exemple Aurier, P., (1993), « Analyse de la structure des marchés. Le point sur les modèles », Recherche et Applications en Marketing, 8, 2, p. 79-104.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

moment de l’interview et on demande au répondant de préciser celles qu’il serait susceptible d’acheter. Dans le second cas, on présente aux répondants une liste de marques en lui demandant de cocher celles qu’il connaît puis de préciser également celles qu’il serait susceptible d’acheter. Dans les deux cas, les marques retenues pour la suite de l’analyse sont celles qui, par exemple, font partie de l’ensemble de considération d’au moins 50 % des répondants. ENCADRÉ 5.4

Identification de l’ensemble de considération Description de la situation d’achat « Imaginez que vous soyez en train de faire des achats alimentaires. C’est le début de l’été, il fait chaud et vous pensez à l’achat d’une bouteille de sirop de fruits, qui vous permettra de composer une boisson rafraîchissante, pour vous ou quand vous êtes avec des amis. »

Identification des marques connues « Voici une liste de marques/modèles/variétés de sirops de fruits actuellement disponibles sur le marché français. Chacune est identifiée par plusieurs éléments. Cochez les cases des produits que vous connaissez, ne serait-ce que de nom. Puis cochez à nouveau, dans la deuxième colonne, les produits que vous seriez susceptible d’acheter. »

Sélection des marques retenues pour la suite Huit marques ont été retenues : Sirop sport, Teisseire, Marie Dolin, Monin, Saveurs d’été, Fruiss Source d’énergie, Fruiss Surprise, Le moulin de Valdonne

Les ensembles de considération étant susceptibles d’être très différents d’un répondant à l’autre, il conviendrait, en toute rigueur, de procéder à une analyse typologique permettant de regrouper les individus autour de quelques ensembles « types ». Cette idée sera développée un peu plus loin. Si l’on souhaite obtenir une simple représentation de l’image des marques les unes par rapport aux autres, on peut considérablement simplifier l’analyse en faisant abstraction de la considération d’achat. Seules les marques connues par l’ensemble des répondants sont alors retenues pour la suite de l’analyse. L’étape suivante consiste à identifier les positions perceptuelles relatives entre marques.

150

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

Identifier les positions : l’analyse multidimensionnelle des similarités et des préférences Cette méthode s’appuie sur l’hypothèse que l’individu compare les objets d’une manière globale, en termes de « différences » les uns par rapport aux autres. L’objectif est de représenter, géométriquement ou algébriquement, ces différences. L’analyse des similarités et des préférences a été mise au point dans ce sens, en privilégiant la représentation visuelle du phénomène.

Présentation générale de la méthode L’analyse multidimensionnelle des similarités et des préférences est une classe de techniques dont l’objectif principal est de déterminer l’image relative perçue d’un ensemble d’objets 1. Ses caractéristiques principales sont : – de transformer des jugements individuels de similarité (et/ou de préférence) en distances dans un espace multidimensionnel réputé structurer ces jugements ; – de représenter visuellement ces distances dans un espace simplifié, si possible un plan. Ces techniques reposent sur trois présupposés relativement forts 2 : – le nombre et la nature des caractéristiques (dimensions) sur lequel un objet est évalué varient d’un individu à l’autre ; – le poids d’une caractéristique dans le jugement peut varier d’un individu à l’autre (même si cette caractéristique est utilisée par tous les individus) ;

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

– le nombre, la nature et le poids des caractéristiques dans le jugement d’un individu donné varient dans le temps. La position relative des objets entre eux dans l’espace permet d’interpréter la nature des dimensions qui sous-tendent les perceptions, c’est-à-dire celles qui sont à l’origine des jugements de similarité. La figure 5.2 permet d’inférer deux conclusions. D’une part les objets A et B sont plus proches l’un de l’autre que n’importe quelle autre paire d’objets. D’autre part, l’espace est sous-tendu (« généré ») par l’opposition des objets F et B sur la dimension 1 et des objets A et D sur la dimension 2. La connaissance approfondie des caractéristiques de ces quatre objets permet d’interpréter la

1. En anglais MultiDimensional Scaling of similarities and preferences, ou MDS. 2. Hair, Joseph F., Anderson R.E., Tatham R.L. et Black W.C., (1992), Multivariate Data Anaysis. With Readings, 3e éd., New York, Maxwell Macmillan International Edition, p. 325.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Dimension 2

A B F E

C

Dimension 1

D

Figure 5.2 – Visualisation abstraite des résultats d’une analyse des similarités

nature des deux dimensions et, par conséquent, la signification de l’ensemble des distances entre objets.

Nature et collecte des données ➤ Données de similarité

Comme on compare des objets entre eux, les données sont au moins ordinales. Dans ce cas, l’analyse des similarités est dite non métrique (non metric MDS). Toutefois, la perception des similarités entre objets peut être rendue métrique par un mode de recueil spécifique. Pour cela, on présuppose la nature continue du jugement de similarité, à l’instar de l’ensemble des processus perceptuels, tel que les jugements d’importance, de satisfaction, ou d’accord. On parle dans ce cas d’analyse des similarités métrique (metric MDS). Deux procédures sont généralement utilisées. • La première consiste à construire une liste de toutes les paires de marques ou de produits possibles et à demander aux répondants de les classer par ordre de similarité décroissante. La nature de la mesure est, dans ce cas, ordinale. Il est essentiel de comprendre, à ce stade, que l’on souhaite recueillir des perceptions globales. Les répondants doivent classer les objets (produits, marques, entreprises, comportements…) selon des critères qu’on ne leur demande pas de verbaliser.

152

Vernette.Livre Page 153 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

CHOISIR UN POSITIONNEMENT

ENCADRÉ 5.5

Procédure de classement des paires d’objets

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Le nombre de marques de sirops de fruits à comparer est de 8 (voir encadré 5.4), ce qui représente 28 paires à classer 1. Voici un « protocole » de recueil possible 2 : « On vous demande de comparer 8 marques de sirops de fruits entre elles, sur la base des différences ou des ressemblances que vous percevez entre ces marques. Pour vous faciliter la tâche, elles sont présentées par paires. Voici la liste des 28 paires de marques possibles. Reportez le chiffre 1 à côté de la paire de marques que vous jugez les plus proches, 2 à côté de la paire de marques que vous jugez proches mais un peu moins que la paire précédente, et ainsi de suite jusqu’à 28 à côté de la paire de marques que vous jugez les plus éloignées 3. Vous êtes libre de comparer ces marques sur des critères qui vous sont propres et que vous n’avez pas à expliciter. » Sirop sport/Teisseire Sirop sport/Monin Sirop sport/Fruiss Surprise Sirop sport/Marie Dolin Sirop sport/Saveurs d’été Sirop sport/Le Moulin de Valdonne Sirop sport/Fruiss Source d’énergie Teisseire/Monin Teisseire/Fruiss Surprise Teisseire/Marie Dolin Teisseire/Saveurs d’été Teisseire/Le Moulin de Valdonne Teisseire/Fruiss Source d’énergie Monin/Fruiss Surprise Monin/Marie Dolin Monin/Saveurs d’été

…………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… ……………

1. De manière générale le nombre de paires qu’il est possible de constituer dans un ensemble n(n – 1) de n objets est égal à -------------------- . L’ordre n’ayant en effet pas d’importance (une paire AB est 2 équivalente à une paire BA) et un objet ne pouvant constituer une paire avec lui-même, il s’agit d’identifier toutes les combinaisons de 2 objets parmi n. L’expression générale de 2 n! calcul est C n = --------------------- qui se simplifie aisément pour aboutir au résultat précédent. 2! ( n – 2 ) 2. Green P.E., Carmone F.J. Jr. et Smith S.M., (1989), Multidimensional Scaling. Concepts and Applications, Needham Height : MA, Allyn and Bacon, p. 61. 3. Selon le logiciel de traitement utilisé, ce classement peut avoir à être inversé, en attribuant alors 1 à la paire de marques la plus dissemblable et 28 à la paire de marques la plus semblable.

153

Vernette.Livre Page 154 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Monin/Le Moulin de Valdonne

……………

Monin/Fruiss source d’énergie

……………

Fruiss Surprise/Marie Dolin

……………

Fruiss Surprise/Saveurs d’été

……………

Fruiss Surprise/Le Moulin de Valdonne

……………

Fruiss Surprise/Fruiss source d’énergie

……………

Marie Dolin/Saveurs d’été

……………

Marie Dolin/Le Moulin de Valdonne

……………

Marie Dolin/Fruiss source d’énergie

……………

Saveurs d’été/Le Moulin de Valdonne

……………

Saveurs d’été/Fruiss source d’énergie

……………

Le Moulin de Valdonne/Fruiss source d’énergie

……………

• La seconde procédure consiste à demander au répondant d’évaluer, paire par paire, la similarité des deux marques présentées sur une échelle unipolaire, de type Likert. Procéder par échelles a un double avantage : la tâche du répondant est facilitée et l’on obtient des données dont les propriétés peuvent être considérées d’intervalle. ENCADRÉ 5.6

Procédure d’évaluation des paires d’objets sur des échelles « On vous demande de comparer 8 marques de sirops de fruits entre elles, sur la base des différences ou des ressemblances que vous percevez entre ces marques. Pour vous faciliter la tâche, elles sont présentées par paires. Voici la liste des 28 paires de marques possibles. La similarité des deux marques constituant chacune de ces paires doit être évaluée sur une échelle allant de 1 (Extrêmement similaires) à 7 (Pas du tout similaires). Si vous pensez que deux marques sont proches l’une de l’autre, entourez l’un ou l’autre des chiffres à gauche de l’échelle. Si vous pensez au contraire qu’elles sont très différentes, entourez l’un ou l’autre des chiffres à droite de l’échelle. Vous êtes libre de comparer ces marques sur des critères qui vous sont propres et que vous n’avez pas à expliciter. » (voir figure en haut de la page suivante).

Quelle que soit la procédure utilisée, la qualité du résultat dépend du soin apporté à l’élaboration de la liste d’objets à comparer (voir encadrés 5.3 et 5.4). Ceux-ci doivent être perçus comme comparables, c’est-à-dire posséder des caractéristiques communes dans l’esprit des répondants. Il faut ensuite se prémunir de biais liés à une présentation uniforme des paires de marques ou de produits en les introduisant aléatoirement dans le questionnaire.

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Vernette.Livre Page 155 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

CHOISIR UN POSITIONNEMENT

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Extrêmement similaires

Moyennement similaires

Pas du tout similaires

Sirop sport / Teisseire

1

2

3

4

5

6

7 SIMI1

Sirop sport / Monin

1

2

3

4

5

6

7 SIMI2

Sirop sport / Fruiss source d’énergie

1

2

3

4

5

6

7 SIMI3

Sirop sport / Marie Dolin

1

2

3

4

5

6

7 SIMI4

Sirop sport / Fruiss surprise

1

2

3

4

5

6

7 SIMI5

Sirop sport / Saveurs d’été

1

2

3

4

5

6

7 SIMI6

Sirop sport / Le Moulin de Valdonne

1

2

3

4

5

6

7 SIMI7

Teisseire / Monin

1

2

3

4

5

6

7 SIMI8

Teisseire / Fruiss source d’énergie

1

2

3

4

5

6

7 SIMI9

Teisseire / Marie Dolin

1

2

3

4

5

6

7 SIMI10

Teisseire / Fruiss Surprise

1

2

3

4

5

6

7 SIMI11

Teisseire / Saveurs d’été

1

2

3

4

5

6

7 SIMI12

Teisseire / Le Moulin de Valdonne

1

2

3

4

5

6

7 SIMI13

Monin / Fruiss source d’énergie

1

2

3

4

5

6

7 SIMI14

Monin / Marie Dolin

1

2

3

4

5

6

7 SIMI15

Monin / Fruiss surprise

1

2

3

4

5

6

7 SIMI16

Monin / Saveurs d’été

1

2

3

4

5

6

7 SIMI17

Monin / Le Moulin de Valdonne

1

2

3

4

5

6

7 SIMI18

Fruiss source d’énergie / Marie Dolin

1

2

3

4

5

6

7 SIMI19

Fruiss source d’énergie / Fruiss surprise

1

2

3

4

5

6

7 SIMI20

Fruiss source d’énergie / Saveurs d’été

1

2

3

4

5

6

7 SIMI21

Fruiss source d’énergie / Le Moulin de Valdonne

1

2

3

4

5

6

7 SIMI22

Marie Dolin / Fruiss surprise

1

2

3

4

5

6

7 SIMI23

Marie Dolin / Saveurs d’été

1

2

3

4

5

6

7 SIMI24

Marie Dolin / Le Moulin de Valdonne

1

2

3

4

5

6

7 SIMI25

Fruiss surprise / Saveurs d’été

1

2

3

4

5

6

7 SIMI26

Fruiss surprise / Le Moulin de Valdonne

1

2

3

4

5

6

7 SIMI27

Saveurs d’été / Le Moulin de Valdonne

1

2

3

4

5

6

7 SIMI28

➤ Données de préférence

La collecte des données de préférence peut se faire de plusieurs manières. La plus simple est de demander aux individus de classer les marques par ordre de préférence, selon leurs propres critères, à nouveau non exprimés. On peut également demander d’indiquer, pour chaque paire, laquelle des deux marques est

155

Vernette.Livre Page 156 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

préférée. La seconde méthode est plus fastidieuse pour le répondant, mais offre l’avantage de lui permettre des jugements intransitifs. Supposons une liste de trois marques A, B, C, classées par paires : AB ; AC et BC. Un phénomène d’intransitivité peut se produire si, par exemple, un répondant préfère A à B, C à A et B à C.

Ce phénomène ne se produirait probablement pas dans un cas aussi simple, car le répondant se rendrait compte de son « irrationalité » et corrigerait son jugement dans le bon sens, quitte à ne pas refléter la réalité de sa préférence. Dans une liste plus complexe, par contre, les marques peuvent ne pas être comparées deux à deux selon les mêmes critères. Par exemple les skis Rossignol (A) peuvent être préférés aux skis Völkl (B) pour leur stabilité en grande courbe, les skis Dynastar (C) peuvent être préférés aux skis Rossignol pour leur design et les skis Völkl peuvent être préférés aux skis Dynastar pour leur prix plus accessible ou leur meilleure accroche sur neige dure.

Les procédures de collecte de données de préférence sont illustrées dans l’encadré 5.7. ENCADRÉ 5.7

Procédures de collecte de données de préférence Classement direct des marques entre elles « Toujours en gardant à l’esprit la situation d’usage présentée au début de ce questionnaire, veuillez, s’il vous plaît, classer les 8 marques de sirops de fruits par ordre de préférence. Vous noterez 1 votre marque préférée, et 8 celle que vous aimez le moins. Ce classement doit être fait à partir de critères qui vous sont propres et que vous n’avez pas à expliciter. » Sirop sport Teisseire Monin Fruiss Surprise Marie Dolin Saveurs d’été Le Moulin de Valdonne Fruiss Source d’énergie

…………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… ……………

Classement à partir des paires d’objets « Toujours en gardant à l’esprit la situation d’usage présentée au début de ce questionnaire, veuillez s’il vous plaît, classer les 8 marques de sirops de fruits par ordre de préférence. Celles-ci vous sont à nouveau présentées par paires. Pour chaque paire, vous

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

devez dire quelle est votre marque préférée. Il est essentiel que chaque paire soit traitée indépendamment des autres. Vous êtes libre d’utiliser les critères de comparaison que vous souhaitez. Ceux-ci peuvent ne pas être identiques d’une paire à l’autre. » Sirop sport/Teisseire Sirop sport/Monin Sirop sport/Fruiss Surprise Sirop sport/Marie Dolin Sirop sport/Saveurs d’été Sirop sport/Le Moulin de Valdonne Sirop sport/Fruiss Source d’énergie Teisseire/Monin Teisseire/Fruiss Surprise Teisseire/Marie Dolin Teisseire/Saveurs d’été Teisseire/Le Moulin de Valdonne Teisseire/Fruiss Source d’énergie Monin/Fruiss Surprise Monin/Marie Dolin Monin/Saveurs d’été Monin/Le Moulin de Valdonne Monin/Fruiss source d’énergie Fruiss Surprise/Marie Dolin Fruiss Surprise/Saveurs d’été Fruiss Surprise/Le Moulin de Valdonne Fruiss Surprise/Fruiss source d’énergie Marie Dolin/Saveurs d’été Marie Dolin/Le Moulin de Valdonne Marie Dolin/Fruiss source d’énergie Saveurs d’été/Le Moulin de Valdonne Saveurs d’été/Fruiss source d’énergie Le Moulin de Valdonne/Fruiss source d’énergie

…………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… …………… ……………

Analyse des données La conduite d’une analyse des similarités et des préférences se fait en plusieurs étapes. ➤ Transformation en matrice de similarités

Plusieurs manières de procéder sont envisageables. • L’analyse est menée au niveau individuel. Le noyau mathématique de l’analyse des similarités a été conçu explicitement pour cette situation qui, bien entendu, est peu pertinente du point de vue de la pratique marketing.

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Vernette.Livre Page 158 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

On construit une matrice de similarités par répondant, directement à partir de ses réponses. Soient trois marques fictives A, B et C. Le classement des 3 paires possibles fourni par M. Dupont est le suivant (par ordre de similarité décroissante) : AC, BC, AB. La matrice résultante est donc : A B C A 0 B 3 0 C 1 2 0 Supposons que l’on ait procédé par évaluation sur des échelles identiques à celles illustrées plus haut dans ce chapitre, avec pour résultat : AC = 2 ; BC = 4 ; AB = 7. La matrice devient : A B C

A 0 7 2

B

C

0 4

0

• L’analyse est menée à un niveau agrégé. On considère alors le rang (classement) ou le score moyen (évaluation) obtenu par chaque paire. ENCADRÉ 5.8

Construction d’une matrice de similarités sur données agrégées Le tableau de données brutes se présente classiquement : Individus (en lignes)/Variables (en colonnes) :

Individu 1 Individu 2 …

Individu n Score moyen

SIMI1

SIMI2

SIMI3

3 5 1 1 …

3 6 4 7 …

2 2 3 4 …

5 2

5 6

2 5

3,24

4,70

2,90

Le répondant numéro 1 a évalué la similarité entre Sirop Sport et Teisseire à 3, c’est-àdire « assez similaires » (SIMI1), la similarité entre Sirop Sport et Monin à 3 également (SIMI2), la similarité entre Sirop Sport et Fruiss Source d’énergie à 2, c’est-à-dire « très similaires » (SIMI3), et ainsi de suite pour les 28 variables représentant chacune une paire de marques (SIMI1 à SIMI28).

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Vernette.Livre Page 159 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

CHOISIR UN POSITIONNEMENT

Le score moyen sur l’ensemble des répondants est de 3,24 pour la paire Sirop Sport/Teisseire, 4,7 pour la paire Sirop Sport/Monin, 2,9 pour la paire Sirop Sport/Fruiss Source d’énergie, et ainsi de suite. En moyenne, Sirop Sport est perçue plus proche de Fruiss Source d’énergie que de Teisseire puis de Monin. La matrice des similarités utilisée comme input dans l’analyse se construit à partir de ces scores moyens :

SSP TEI FSP MDO FSE MVD SET MON

SSP 0 3,24 3,60 5,79 2,90 5,53 4,47 4,70

TEI

FSP

MDO

FSE

MVD

SET

0 3,79 5,32 3,77 5,00 3,04 3,78

0 5,00 3,19 5,40 3,51 3,96

0 5,28 3,70 4,38 3,35

0 5,51 3,68 3,84

0 3,79 3,62

0 4,09

MON

0

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

On voit donc clairement que les deux marques les plus proches sont Sirop Sport et Fruiss Source d’énergie (score moyen = 2,9), tandis que les deux marques les plus dissemblables sont Sirop Sport et Marie Dolin (score moyen = 5,79)

Cette manière de procéder a pour inconvénient de négliger la dispersion des classements. Des écarts-types élevés indiquent des disparités fortes de perceptions pour les mêmes paires d’objets entre les répondants. Dans ce cas, l’espace perceptuel reproduit traduira mal cette diversité et pourra conduire in fine à une stratégie de positionnement erronée. Une segmentation par avantages recherchés menée au préalable peut aider à minimiser ce biais. En effet, celle-ci conduit à identifier des groupes d’individus ayant des attentes relativement homogènes à l’égard du produit (voir chapitre 4) On peut supposer dans ce cas qu’ils percevront les différences entre marques de manière à peu près similaire. Cela étant, cette démarche oblige à identifier les avantages recherchés dans la consommation du produit, c’est-àdire les caractéristiques de ce dernier susceptibles de déterminer le choix. Si l’on ne souhaite pas procéder à cette identification préalable, une analyse typologique menée sur les scores de similarité peut aider à repérer des groupes d’individus évaluant les marques de manière comparable. Dans ce cas, on construit une matrice agrégée par groupe, ce qui est plus réaliste que de procéder individu par individu. Une analyse des similarités se conduit en trois étapes : construction de la représentation, évaluation de sa qualité et interprétation des dimensions. Cette troisième étape est la plus délicate et sera présentée à part. ➤ Construction de la représentation et évaluation de sa qualité

Un exemple simple va d’abord permettre de comprendre le principe général de fonctionnement de la méthode. L’objectif, on l’a vu, consiste à aboutir à

159

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

une représentation comparable à celle de la figure 5.2. La construction de cette représentation inclut le choix du nombre de dimensions sous-jacentes à interpréter. Il existe un grand nombre d’algorithmes, correspondant en général chacun à un logiciel différent (encadré 5.10). Ces algorithmes suivent globalement une procédure similaire pour « positionner » les objets dans l’espace de manière à refléter au mieux les classements, ou évaluations, fournis par les répondants. La première étape consiste à construire, généralement au hasard, une configuration initiale des Sk stimuli dans un espace réduit à p dimensions 1. On calcule a posteriori les distances entre ces objets et on en déduit une séquence ordonnée qui est comparée à la même séquence obtenue à partir des jugements des répondants. Cette comparaison donne lieu au calcul d’une mesure de qualité d’ajustement. L’objectif est d’aboutir à un classement « reproduit » qui corresponde le mieux possible au classement « naturel » issu des données. Ces étapes sont répétées en augmentant la dimensionnalité (p = 2, p = 3…) jusqu’à ce que la qualité d’ajustement ne puisse plus être améliorée. Pour illustrer cette démarche, on va s’intéresser aux objets A, B et C de la figure 5.2. On suppose : – que les trois objets ont été classés dAC < dAB < dBC par les répondants ; – que la configuration présentée est la première élaborée au hasard par le programme. Cette configuration produit, arbitrairement, les coordonnées figurant dans le tableau ci-dessous. Les distances entre objets, calculées au moyen de ces coordonnées, sont également données ci-dessous 2 : A B C

Dim. 1 0,6 0,9 0,5

D im. 2 1,2 0,5 – 0,3

A B C

A 0 0,7615 1,5033

B 0 0,8944

C

0

Ces données donnent une séquence de classement dAB < dBC < dAC très différente de la séquence obtenue au moyen des classements des répondants. La configuration élaborée par le programme correspond mal aux données réelles et doit être modifiée 3. 1. La plupart des algorithmes commencent avec p = 1 (cf. infra). 2. Le calcul des distances se fait au moyen d’une approche euclidienne classique. La démarche est illustrée dans de nombreux manuels. Voir par exemple Giannelloni J.-L. et Vernette É., (2001), op. cit., p. 397-398. 3. La procédure complète est décrite en détail dans Dillon W.R. et Goldstein M., (1984), Multivariate Analysis. Methods and Applications, New York, NY, John Wiley and Sons, p. 125-145.

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

Cette correspondance est évaluée par un indicateur, dénommé « stress ». Exprimé en pourcentage, il traduit en pratique le degré auquel la solution identifiée est capable de produire des distances entre objets qui respectent l’ordre initial dans lequel ces derniers étaient classés. Lorsque l’ordre est parfaitement respecté, le stress est égal à 0. En ce sens, le stress est un indicateur de « mauvais ajustement », et la solution identifiée doit être rejetée dès lors que sa valeur dépasse 20 %. Elle est considérée comme excellente jusqu’à 5 %, bonne jusqu’à 10 % et moyenne entre 10 % et 20 % 1. L’exemple ci-dessus a été développé dans un plan. Il faut toutefois mentionner que les algorithmes fonctionnent tous sur un principe de parcimonie. Ils commencent donc par tenter d’ajuster au mieux les distances dans une solution à une dimension. La configuration produite donne rarement satisfaction. La démarche itérative reprend donc l’ensemble des calculs en tenant compte d’une deuxième dimension, puis d’une troisième et ainsi de suite jusqu’à ce que le stress ne puisse plus être amélioré. Comme pour d’autres méthodes (notamment l’analyse factorielle), c’est à l’analyste d’arbitrer entre précision (plus de dimensions) et facilité d’interprétation (moins de dimensions). ENCADRÉ 5.9

Configuration spatiale pour l’exemple des sirops de fruits

0,6

tei

set

0,4

Dimension 2

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

La matrice des similarités produite pour les sirops de fruits a été traitée au moyen d’un algorithme PROXSCAL (SPSS 13.0). Une solution à deux dimensions montre un ajustement satisfaisant. Elle produit la configuration suivante :

0,2

mvd ssp

0,0 – 0,2

mon

fse

– 0,4

mdo

fsp – 0,6

– 0,5

0,0

0,5

Dimension 1

1. Malhotra N.K., (2004), Marketing research. An applied orientation, 4th ed., Upper Saddle River, NJ, Pearson Education International, p. 618.

161

Vernette.Livre Page 162 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Les coordonnées calculées pour cette solution sont : Coordonnées finales

Sirop Sport (ssp)

Dimension 1 2 -,754 ,092

Teisseire (tei)

-,356

,479

Fruiss Surprise (fsp)

-,241

-,554

Marie Dolin (mdo)

,754

-,399

Fruiss Source d'énergie (fse)

-,520

-,267

Le moulin de Valdonne (mvd)

,719

,417

Saveurs d'été (set)

,071

,422

Monin (mon)

,326

-,191

Et les valeurs d’ajustement : Mesures de stress et d’ajustement Stress brut normalisé

,033 24

Dispersion expliquée

,966 76

L’algorithme est capable de « positionner » les marques les unes par rapport aux autres en respectant les jugements initiaux de proximité émis par les répondants, le tout dans une solution simple à deux dimensions. On constate que la dimension 1 oppose Sirop Sport à Le Moulin de Valdonne et Marie Dolin. La dimension 2 oppose, mais de manière moins marquée, Fruiss Surprise à Teisseire. Sauf à être un expert de cette catégorie de produits, il n’est guère possible d’aller plus loin.

L’indicateur dénommé « dispersion expliquée » est l’équivalent du R2 en régression. C’est le carré du coefficient de corrélation entre les distances, (ou similarités sous forme de rangs) de départ et les distances recalculées par l’algorithme. Comme en régression, il s’analyse comme un pourcentage de variance partagée et, bien sûr, doit être le plus élevé possible. Un R2 proche de 1 indique une excellente qualité d’ajustement. ENCADRÉ 5.10

Synthèse des principaux algorithmes existants La plupart des logiciels généralistes de traitement statistique incluent un ou plusieurs algorithmes de traitement de données de similarité. Il existe également une suite de programmes plus anciens, inclus dans la suite PC-MDS. Certains de ces programmes sont téléchargeables gratuitement sur Internet (http://www.netlib.org ou http://newmdsx.com). Toutefois, ce sont des programmes MS-DOS très fastidieux à utiliser, notamment pour la configuration des fichiers de données. Les versions Windows, par contre, sont payantes.

162

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

En guise de synthèse, voici une brève description des objectifs et des fonctionnalités de ces principaux algorithmes. – ALSCAL : développé par Forrest W. Young. ALSCAL permet des analyses multidimensionnelles des similarités sur données métriques ou non métriques au moyen d’une approche par les moindres carrés alternés. Il permet également l’analyse simultanée de plusieurs matrices, ainsi que l’analyse de matrices rectangulaires contenant à la fois des données de similarités et des données d’évaluations des objets sur des attributs (Unfolding). – PROXSCAL : c’est l’algorithme le plus récent et le plus riche en fonctionnalités ; les algorithmes utilisés, comme ALSCAL, basés sur des estimations par les moindres carrés alternés, sont ceux qui, potentiellement, convergent le mieux. Il s’agit en fait d’une généralisation de nombreux algorithmes existants, en particulier d’ALSCAL. – MDPREF : permet de traiter des données de préférences ou d’évaluation ; modèle métrique fondé sur une analyse en composantes principales ; les données d’entrée sont des évaluations des objets. L’algorithme permet de représenter dans un espace commun les vecteurs de préférences et la configuration des stimuli. – MDSCAL 5M : permet de construire une configuration de points dans l’espace à partir des distances entre ces derniers ; données métriques ou non métriques de similarités ; ancêtre de ALSCAL et PROXSCAL. – PREFMAP : met en relation des données de préférences et une configuration spatiale pré-élaborée, par exemple par ALSCAL ou PROXSCAL, en identifiant un stimulus idéal dans l’espace pour chaque individu. – INDSCAL : produit une analyse des différences individuelles dans une analyse des similarités par la superposition des représentations individuelles ; les matrices de distances sont rentrées une par une sans qu’il soit nécessaire de les agréger a priori. – PROFIT : permet de représenter des vecteurs issus des données d’évaluation des stimuli dans la configuration spatiale produite par une MDS. – KYST : évolution de MDSCAL 5M qui permet la rotation des configurations spatiales produites.

L’exemple des sirops de fruits a montré que l’interprétation des dimensions est délicate. Constater que deux marques sont opposées sur une dimension est simple. En inférer la signification de la dimension ne peut se faire qu’à partir d’une analyse des caractéristiques de ces marques. Si on peut identifier objectivement une caractéristique les opposant nettement, par exemple le prix, alors cette inférence n’est pas trop risquée. Mais le danger, pour l’analyste, est d’interpréter la nature des dimensions à partir de sa propre vision des marques, généralement une vision orientée « offre ». Cette approche est déconseillée si l’on souhaite respecter le principe même de la démarche, c’est-à-dire identifier les perceptions du segment cible. ➤ Interprétation des dimensions

On cherche à identifier des « macro-attributs » ou critères d’évaluation des objets, figurés par les axes. Le nombre de critères utilisés par un consommateur varie en fonction de nombreux paramètres, notamment son niveau d’implication pour la catégorie de produit. Le chapitre 3 a montré que ce nombre est

163

Vernette.Livre Page 164 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

de manière générale assez limité. La nature des critères va varier également de manière importante. Cette approche est fondée sur l’hypothèse, forte, selon laquelle, pour une catégorie de produit donnée, un individu évalue toutes les marques sur les mêmes critères. L’interprétation des dimensions gagne donc beaucoup à utiliser une évaluation des marques sur une liste de critères prédéfinis. Cette liste ne doit pas nécessairement être aussi restrictive que celle des critères de choix. En effet, on s’intéresse ici aux caractéristiques servant à l’individu à comparer les objets entre eux et à produire éventuellement un jugement de préférence. Ces caractéristiques peuvent être en plus grand nombre que celles servant directement au choix au moment d’un achat. On peut donc utiliser les mêmes méthodes que celles présentées au chapitre 3, notamment pour la liste extensive, mais sans nécessairement être aussi restrictif pour l’élaboration de la liste finale. On s’attache ensuite à faire évaluer chacun des objets sur chacun des critères. L’encadré 5.11 illustre cette phase. ENCADRÉ 5.11

Évaluation des marques sur les caractéristiques pertinentes Supposons que nous ayons obtenu, par l’utilisation d’une des méthodes présentées au chapitre 3, six attributs déterminants de l’évaluation d’un sirop de fruits, préalablement à un achat. Chacune des marques est évaluée sur chacun des critères, selon le modèle suivant : Chaque marque va maintenant vous être présentée à nouveau une par une. Des affirmations concernant ces marques vont être faites. Il vous est demandé d’indiquer votre degré d’accord ou de désaccord avec chacune de ces propositions, en utilisant les échelles de la même manière que précédemment 1)

Sirop sport

Pas du tout d’accord La marque évoque un produit du terroir 1 C’est une marque de qualité 1 La marque a une bonne réputation 1 Les produits de cette marque sont composés 1 d’ingrédients naturels Les boissons reconstituées avec cette marque 1 ont bon goût Cette marque offre un vaste choix de parfums 1

2 2 2 2

Ni en accord ni en désaccord 3 4 5 3 4 5 3 4 5 3 4 5

Tout à fait d’accord 6 7 SSP1 6 7 SSP2 6 7 SSP3 6 7 SSP4

2

3

4

5

6

7

SSP5

2

3

4

5

6

7

SSP6

On procède de la même manière pour les 7 autres marques

Ces informations sont recueillies dans le même questionnaire que les données de similarité évoquées précédemment. Le résultat de ce recueil est un tableau individus/variables comportant un très grand nombre de variables : autant que de paires d’objets plus le nombre de critères d’évaluation multiplié par le

164

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

nombre d’objets, au minimum. Pour 8 marques évaluées sur six critères, cela donne ainsi 76 variables. À partir de ces données, on produit un tableau dérivé qui présente le score moyen obtenu par chaque marque sur chaque critère. ENCADRÉ 5.12

Calcul des scores moyens des marques sur les six critères Le tableau ci-dessous montre les scores individuels obtenus par la marque Sirop Sport sur chacun des six critères. On en retire que la marque évoque très peu le côté terroir (score moyen = 1,08) mais a une bonne réputation (score moyen = 4,79). Par contre, les scores moyens sur les six critères ainsi que les coefficients de variation, relativement élevés, incitent à la prudence dans l’interprétation car ils indiquent une hétérogénéité assez marquée dans l’évaluation de la marque sur ces critères. SSP1

SSP2

SSP3

SSP4

SSP5

SSP6

Moyenne

1 1 1 …

5 5 5 …

6 6 6 …

4 3 2 …

4 4 6 …

4 6 4 …

4,00 4,17 4,00 …

Moyenne Écart-type

1 1,08 0,40

2 4,21 1,41

2 4,79 1,55

2 2,71 1,06

2 4,33 1,11

2 4,75 1,45

1,83 3,65 0,83

CV

0,37

0,34

0,32

0,39

0,26

0,31

0,23

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

On retient de ce tableau les scores moyens, collectés pour l’ensemble des marques. Ceci permet de produire un nouveau tableau :

Sirop Sport Teisseire Fruiss Surprise Marie Dolin Fruiss Source d'énergie Le Moulin de Valdonne Saveurs d'été Monin

AXE 1 – 0,754 – 0,356 – 0,241 0,754 – 0,52 0,719 0,071 0,326

AXE 2 0,092 0,479 – 0,554 – 0,399 – 0,267 0,417 0,422 – 0,191

Terroir 1,08 1,83 1,00 5,67 1,58 6,45 4,58 4,83

Qualité 4,21 6,04 4,33 5,58 4,08 6,00 5,00 5,42

Réputation 4,79 6,46 4,13 5,33 3,92 5,00 4,50 5,08

Naturel 2,71 3,92 3,13 5,25 3,08 5,27 4,42 4,92

Goût 4,33 5,33 4,71 5,50 4,25 5,09 4,67 4,92

Choix 4,75 6,13 4,79 4,83 4,08 4,45 4,25 4,75

Les deux premières colonnes reprennent les coordonnées des marques sur les axes. Ces coordonnées correspondent à la « configuration spatiale » produite par l’algorithme PROXSCAL (voir encadré 5.10).

Ces k « nouvelles » variables (autant que de critères) sont ensuite corrélées aux coordonnées des marques sur les dimensions produites par l’analyse 1. 1. Plutôt que de calculer de simples corrélations, on peut également régresser les axes sur les critères d’évaluation ; les résultats ne sont pas fondamentalement différents.

165

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Une forte corrélation indique que la répartition des objets sur l’axe correspond d’assez près à la répartition de leurs scores sur la variable. Celle-ci est donc utile à l’interprétation de l’axe. ENCADRÉ 5.13

Interprétation des axes La corrélation des axes à l’ensemble des critères produit la matrice suivante : AXE 1

AXE 2

Terroir

0,94237

0,227217

Qualité

0,686183

0,502852

Réputation

0,20958

0,483225

Naturel

0,955316

0,205421

Goût

0,701023

0,136102

Choix

– 0,13852

0,252554

Ces résultats montrent que l’axe 1 représente la « naturalité » de la marque, véhiculée essentiellement par ses ingrédients et l’image de terroir qu’elle renvoie. Les corrélations relatives à l’axe 2 sont moins élevées, ce qui indique une moindre contribution de cet axe à l’information qu’il est possible de retirer de la configuration. Néanmoins, il met en évidence une structuration autour des critères de qualité et de réputation de la marque.

Qualité et représentation

Ceci permet de compléter la configuration obtenue en libellant les axes :

0,6

tei

set

0,4 0,2

mvd ssp

0,0 – 0,2

mon

fse

– 0,4

mdo

fsp – 0,6

– 0,5

0,0

0,5

Naturel, terroir

L’axe 1 oppose des marques comme Sirop Sport et Marie Dolin ou Le Moulin de Valdonne. Marie Dolin souffre par contre d’un déficit d’image en termes de réputation. Les deux marques ayant une notoriété assez faible chez les répondants on voit l’impact que peut avoir un simple nom dans la formation d’une image de qualité.

166

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

Au-delà de l’exemple développé tout au long de ce chapitre, assez limité dans sa portée par le nombre et la qualité des répondants, il est important de retenir que les dimensions ne s’interprètent pas dans l’absolu, mais uniquement par rapport aux objets évalués. Une autre remarque s’impose : la qualité de l’information délivrée par une analyse des similarités dépend d’un arbitrage initial subjectif et délicat entre deux contraintes lourdes. D’une part la collecte d’information est longue et complexe. Dans l’exemple présenté jusqu’à maintenant, nous n’avons retenu que 8 marques et 6 critères d’évaluation, ce qui est peu. Il n’est pas rare de voir des études portant sur 10 marques et 10 à 15 critères 1. Ceci implique un effort cognitif de la part du répondant qui dépasse la plupart du temps ce que les psychologues considèrent comme raisonnable pour garantir la fiabilité de l’information recueillie 2. D’autre part, et à l’inverse, des raisons purement techniques font que les algorithmes à la base des méthodes de MDS ne convergent de manière optimale qu’au-delà d’un certain nombre d’objets et ont tendance à produire des mesures de stress surestimées si ce nombre est trop faible. Différentes règles empiriques sont préconisées dans la littérature spécialisée. Elles font varier le nombre d’objets nécessaire entre quatre fois le nombre de dimensions souhaité plus un, et six fois le nombre de dimensions souhaité 3.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Si l’on pense que l’espace pertinent est un plan, c’est-à-dire que la perception des dissimilarités entre marques va être structurée par deux caractéristiques propres à cette catégorie, alors il faut travailler sur un nombre d’objets compris entre 9 et 12. Si trois dimensions paraissent plus réalistes, alors 13 à 18 objets seront nécessaires, et ainsi de suite. En d’autres termes, le paradoxe est ennuyeux : ces méthodes sont idéales pour analyser les perceptions de similarités des consommateurs mais elles ne sont pleinement significatives qu’au-delà d’un nombre d’objets dont on sait qu’il risque d’excéder les capacités cognitives ou motivationnelles de traitement d’information de la plupart d’entre eux. Jusqu’à présent, seule l’analyse des données de similarités a été abordée. On présente maintenant la manière dont ces analyses peuvent être enrichies par l’introduction de données de préférences. 1. Cooper L.G., (1983), « A review of multidimensional scaling in marketing research », Applied Psychological Measurement, 7, 4, 427-450. 2. Bijmolt T.H.A. et Wedel M., (1995), « The effects of alternative methods of collecting similarity data for Multidimensional Scaling », International Journal of Research in Marketing, 12, p. 363-371. 3. Dillon W.R. et Goldstein M., (1984), Multivariate Analysis. Methods and Applications, New York : NY, John Wiley and Sons, p. 123.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Prolongements analytiques : l’analyse de préférence globale et le point idéal Les jugements de préférences présentent l’avantage d’être plus proches d’un choix réel que les jugements de similarités, donc plus utiles, d’une certaine manière, à la décision marketing. Deux marques peuvent être jugées similaires sans pour autant être choisies pour un prochain achat. Cela étant, les cartes perceptuelles basées sur des jugements de préférence peuvent ne pas correspondre du tout aux cartes élaborées à partir des jugements de similarités. En effet, les répondants peuvent fonder leurs préférences (i.e. leurs choix) sur d’autres caractéristiques que celles utilisées pour comparer les marques entre elles. L’objectif général de ces approches est de déterminer un ensemble « optimal » des caractéristiques susceptibles de prédire la préférence. Pour aboutir à cela on représente un espace dans lequel vont apparaître les marques et les « points idéaux » des individus. Il est nécessaire dans ce cas de présupposer l’homogénéité des perceptions des individus pour l’ensemble de marques considéré. Si ce n’était pas le cas, les écarts constatés entre marques pourraient être attribués aux différences perceptuelles et non aux préférences. Les points idéaux auxquels il vient d’être fait référence représentent les combinaisons préférées d’attributs pour les répondants. Un point représente un individu. On part d’un double principe : la localisation d’un point idéal dans l’espace correspond à la position d’une marque idéale et une distance croissante à ce point représente une préférence décroissante. On a donc un outil puissant pour analyser, d’une part, les attentes des répondants à l’égard de la catégorie étudiée, d’autre part l’existence éventuelle d’une offre aux caractéristiques proches de ce point idéal et enfin les opportunités de marché générées par la situation contraire, c’est-à-dire l’absence d’offre adaptée. La mise en évidence des points idéaux peut se faire de manière implicite ou explicite. • La méthode explicite implique que l’on intègre dans la collecte des données de préférence une phase où l’individu évalue un idéal hypothétique sur les mêmes attributs que ceux utilisés pour l’évaluation des objets « réels ». Deux problèmes peuvent se poser. Le répondant assimile le point idéal à son objet préféré dans la liste qui lui est proposée ou se contente de fournir un point idéal correspondant systématiquement aux extrêmes des caractéristiques qui lui sont proposées. Pour pallier ces inconvénients, on peut préférer une approche implicite. • Le positionnement implicite du point idéal à partir de données de préférences peut se faire de deux manières, interne ou externe : – la première correspond à la description précédente : on représente un espace perceptuel, construit uniquement à partir des données de préférences, dans lequel sont positionnés les objets et les points idéaux. On calcule les

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

positions des objets par le « dépliage » (unfolding) des préférences de chaque individu. Ceci implique, pour des raisons techniques, une représentation vectorielle des points idéaux. MDPREF ou MDSCAL (encadré 5.10), ou plus récemment PREFSCAL (SPSS 14.0), permettent de traiter ce type de problème. Cette approche produit malheureusement souvent des solutions dont l’interprétation n’a aucun sens 1. Toutes les marques vont, par exemple, apparaître dans le plan en un cercle presque parfait, – une analyse externe va quant à elle « ajuster » les points idéaux dans un espace construit au moyen de données de similarités recueillies auprès des mêmes répondants. PREFMAP a été développé dans ce but. Cette approche est généralement préférée à la première par les spécialistes. PREFMAP nécessite de disposer de données de similarités et de préférence pour le même groupe d’individus (e.g. marques) et de stimuli (e.g. caractéristiques). ENCADRÉ 5.14

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Préférence et point idéal pour les sirops de fruits La figure 5.3 illustre sur l’exemple des sirops de fruits le type de représentation obtenu par PREFMAP. Les données d’entrée sont les coordonnées des marques dans l’espace obtenues par PROXSCAL (encadré 5.9) et les scores moyens obtenus par chaque marque sur l’ensemble des attributs (encadré 5.12). PREFMAP produit un vecteur des préférences et un point idéal pour chaque répondant (figure 5.4). Le graphique montre un vecteur orienté vers la zone de préférence maximale du répondant concerné. Pour ce répondant, Le Moulin de Valdonne est assez proche de la marque idéale. Les axes figurant la naturalité et l’image de terroir (horizontal) et la force de la marque (vertical), on voit que la marque idéale est donc celle qui véhicule une dimension nature et terroir, et bénéficie d’un minimum de réputation et de qualité perçue. Le poids de cette seconde dimension dans la formation du vecteur de préférence est moindre que la première. Le directeur marketing de la marque Le Moulin de Valdonne est donc plutôt en bonne position, alors que ceux de Sirop Sport et de Fruiss auraient, dans cette configuration, plutôt du souci à se faire.

Il convient à nouveau de rappeler que cette approche, comme l’analyse des similarités « simple » (e.g. PROXSCAL), est individuelle. Si l’on souhaite travailler sur un échantillon de grande taille, autant de cartes sont produites, ce qui devient très vite inexploitable. Des algorithmes permettent de superposer plusieurs matrices (INDSCAL, ALSCAL) mais n’autorisent pas une analyse vectorielle comme celle de PREFMAP. La solution consiste donc, comme on l’a déjà 1. Elles sont dites « dégénérées » (degenerate). Dillon, W.R. et Goldstein, M., (1984), Multivariate Analysis. Methods and Applications, New York : NY, John Wiley and Sons, p. 135.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

-- +-----+-----+-----+-----+------- + ---+ ---+ ---- ++--------- + ---+ ----+-----+ ---- ++--------- + ---+ ----+--+ -.987 I I .938 I I .890 I I .841 I A I .792 I Sirop Sport I .743 I I .694 I E I .645 I Fruiss Source d’énergie I .596 I C I .547 I Fruiss Surprise I .498 I I .449 I I .400 I I .351 I B I .302 I Teisseire I .253 I I .204 I I .156 I I .107 I I .058 I I .009 I * I -.040 I I -.089 I I -.138 I G I -.187 I Saveurs d’été I -.236 I I -.285 I I -.334 I H I -.383 I Monin I -.432 I I -.481 I I -.529 I I -.578 I I -.627 I I -.676 I I -.725 I I -.774 I I -.823 I I -.872 I I -.921 I D I -.970 I Marie Dolin I -1.019 I I -1.068 I F I -1.117 I Le Moulin de Valdonne I -1.166 I I -1.215 I I -1.263 I I -1.312 I I -1.361 I I -1.410 I I -1.459 I I -1.508 I I -1.557 I 1 I -1.606 I I -1.655 I I -1.704 I I -- + ---- + ---- + ---- + ---- + ---- + ---- + ---- + ---- + ---- + ---- + --1.474 -1.204 -.934 -.664 -.394 -.123 .147 .417 .687 .957 1.227

Figure 5.3 – Représentation du point idéal et du vecteur des préférences

170

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

précisé, à procéder à une segmentation préalable qui permette de réaliser ces analyses sur un nombre très limité « d’individus » représentant chacun les jugements moyens sur un segment.

Prolongement stratégique : l’ensemble de considération (CATEGORISATOR)

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

On a jusqu’à présent montré comment parvenir à une représentation visuelle des perceptions de similarités et des jugements de préférences d’individus. On a proposé d’enrichir cette démarche en prenant appui sur la mesure de l’ensemble de considération de chacun des consommateurs, c’est-à-dire des prédispositions à l’achat de ces derniers. Cela permet de construire une carte du marché qui fait apparaître des champs de concurrence entre les marques 1. Son intérêt est de mettre en évidence une concurrence réelle entre marques, à partir des considérations d’achat simultané des répondants. Ce point de vue n’est pas très éloigné de celui de COMPETITOR. Pour la prédiction des comportements, les intentions d’achat sont moins « dures » que des achats réels, mais plus fiables que de simples préférences. CATEGORISATOR repose sur une structure de catégorisation en trois volets : – ensemble de considération (marques jugées envisageables pour l’achat) ; – ensemble de rejet (marques dont l’achat est exclu) ; – ensemble d’indifférence, qui se distingue en sous-ensemble flou (marques pour lesquelles il n’y a pas de perceptions claires) et en sous-ensemble neutre (marques pour lesquelles les perceptions positives et négatives s’équilibrent). L’identification du schéma de catégorisation des répondants (encadré 5.15) se fait au sein d’un scénario d’usage spécifié a priori, mais rien n’empêche que plusieurs scénarios soient explorés séquentiellement. ENCADRÉ 5.15

Identification de l’ensemble de considération dans CATEGORISATOR 1) Marques saillantes (grosso modo notoriété spontanée) : « Quelles sont les marques qui vous viennent à l’esprit […] ? » ; « […] auxquelles vous pensez quand… » 2) Rappel des marques existantes 3) Identification des marques existantes non connues (éliminées ensuite) 4) Catégorisation (marques saillantes + reconnues) : – Marques rejetées : « Quelles sont les marques que vous n’achèteriez sûrement pas ? »

1. Chandon J.-L. et Strazzieri A.,(1986), « Une analyse de structure de marché sur la base de la mesure de l’ensemble évoqué », Recherche et Applications en Marketing, 1, 1, 17-39.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

– Marques considérées : « […] marques entre lesquelles vous feriez sûrement votre choix ? » – Marques indifférentes (ni rejetées, ni considérées au préalable) : « Vous n’avez pas cité A […], informations pas assez précises ou […]

L’analyse des données obtenues débouche sur un bilan de la relation saillance/ considération/rejet. Ce bilan est ensuite utilisé pour des mesures d’intensité de concurrence et pour la représentation des champs de concurrence. L’intensité de la concurrence entre deux marques est calculée à partir de la fréquence de leurs considérations simultanées. La répétition de ce calcul sur l’ensemble des marques permet de répondre à la question « Contre quelle(s) marque(s) A se bat-elle le plus ? », fondamentale pour le manager de la marque A. ENCADRÉ 5.16

Préliminaires à la mesure de l’intensité de concurrence Les réponses sont d’abord rassemblées dans un tableau Répondants/Marques :

1 2 3 4 5 Total

A 1 1 0 1 0 3

B 0 1 1 0 0 2

C 1 1 1 1 0 4

D 0 0 1 0 1 2

E 0 0 0 0 1 1

L’individu 1 considère exclusivement A et C pour son achat, tandis que l’individu 2 considère A, B et C. Au total, C est la marque la plus considérée. On analyse ensuite la distribution du nombre de magasins considérés simultanément : Nb de magasins considérés

1

2

3

Total

Fréquence (Nb de répondants)

0

3

2

5

et les considérations simultanées des marques 2 à 2 :

C A B D E

Total considérations

C

A

B

D

E

4 3 2 2 1

3 2 1 0

1 0 0

1 0

1

-

172

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

La mesure d’intensité de concurrence entre deux marques est obtenue par comparaison de leur fréquence de considération simultanée observée (sAB) à leur considération simultanée théorique (tAB). Celle-ci est obtenue en multipliant le nombre de citations de chacune des deux marques, puis en divisant ce produit par le nombre de répondants. La différence entre les deux est appelée écart de considération (eAB). Pour A et B, par exemple : 3×2 t AB = ------------ = 1,2 e AB = – 0,2 s AB = 1 5

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Ce calcul est réalisé pour chaque paire de marque. On y greffe un seuil de signification statistique, basé sur un test comparable au test de contingence du χ2, et un indice exprimant la vraisemblance d’une situation de sur-concurrence 1. Celui-ci exprime la probabilité, sous hypothèse d’indépendance entre les deux marques, c’est-à-dire de concurrence « normale », d’obtenir moins de considérations simultanées qu’il n’en est observé en réalité. Il est compris entre 0 et 1. Des valeurs proches de 1 indiquent une concurrence maximale. 0 indique une absence totale de concurrence (les deux marques ne sont jamais considérées simultanément). 0,5 indique l’indépendance des deux marques (le nombre de considérations simultanées équilibre celui des non-considérations). Pour notre exemple, on a : P(X < sAB) = 0,1 Ce résultat indique une quasi-absence de concurrence entre les deux marques.

Une autre question importante concerne l’existence éventuelle de champs de concurrence, c’est-à-dire de groupes de marques en « sur-concurrence » les unes avec les autres. Si oui, de quelles marques sont-ils composés et comment peut-on les représenter dans un espace concurrentiel à deux dimensions ? Les champs de concurrence sont identifiés à partir des mesures d’intensité de concurrence. Ils sont délimités à la fois par les prédispositions à l’achat exprimées par l’ensemble des répondants et la segmentation sous-jacente reflétée par leurs profils de réponses. En effet, si la considération simultanée observée de deux marques est significativement supérieure à la considération simultanée théorique sous l’hypothèse d’indépendance, c’est que ces deux marques ont tendance à être citées ensemble par les mêmes personnes. Celles-ci constituent donc, plus ou moins, des segments « de fait ». On procède ensuite à une analyse de similarités métrique sur la matrice des indicateurs d’intensité de concurrence (i.e. les indices de vraisemblance de sur-concurrence). La carte perceptuelle obtenue peut être enrichie par une analyse typologique (encadré 5.17). La délimitation des frontières des groupes n’est pas automatique. Elle incombe au manager, sur la base des seuils d’intensité de concurrence qu’il aura définis comme pertinents. Deux ou plusieurs marques font partie d’un même champ de concurrence lorsqu’elles sont en situation de sur-concurrence entre elles tout en étant en situation de sousconcurrence avec les autres marques. Plusieurs configurations de champs de 1. Un exemple réel et les détails mathématiques figurent dans Chandon J.-L. et Strazzieri A., (1986), op. cit.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

concurrence peuvent donc être superposées ; elles sont fonction du seuil d’intensité de concurrence fixé initialement. Chaque champ est constitué des marques entre lesquelles existe une intensité de concurrence supérieure ou égale au seuil choisi. Ainsi définis, les champ de concurrence sont les « clusters » apparents dans la configuration spatiale produite par l’analyse des similarités. Il est rare d’obtenir une configuration claire, c’est-à-dire présentant des frontières entre clusters complètement disjointes. Plus souvent, on a affaire à des recouvrements qui rendent l’interprétation délicate. ENCADRÉ 5.17

Identification des champs de concurrence Voici la matrice des intensités concurrentielles (« proximités ») pour notre exemple fictif : A 0,1 0,82 0 0

A B C D E

B

C

D

E

0 0

0,6

-

0,4 0,3

Elle permet de produire la configuration spatiale suivante (PROXSCAL) : 0,75

Dimension 2

B 0,50 0,25

D

0,00

C

– 0,25

A

E

– 0,50 – 0,25 0,00

0,25 0,50 0,75

Dimension 1

La configuration suggère l’existence de trois groupes (AC, DE et B). Une analyse hiérarchique (distance euclidienne au carré et algorithme du voisin moyen) menée sur les coordonnées des objets appuie cette observation.

À l’issue de cette démarche, le manager dispose d’une représentation mettant en évidence : – les positionnements des différentes alternatives sur la base des prédispositions à l’achat des consommateurs ;

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

– la délimitation et l’ampleur des champs de concurrence constitutifs du marché. Tout comme l’approche fondée sur les comportements réels (COMPETITOR), cette démarche ne remplace pas, mais complète, l’analyse des similarités perçues par les consommateurs. Contrairement à ce que l’on a pu croire à une époque, l’ensemble de considération n’est pas nécessairement composé de marques très similaires. Deux marques peuvent être considérées pour l’achat parce qu’elles offrent un même niveau « d’utilité » ou de satisfaction globale, mais présenter des caractéristiques assez différentes. Les cartes perceptuelles produites dans les deux cas, sur un jeu de marques donné, peuvent par conséquent être très différentes. En termes stratégiques, cela signifie que la considération simultanée de deux marques peut refléter deux formes de concurrence : – une concurrence due à la similarité (même attrait global, même configuration de bénéfices) ; – une concurrence due à la différence de formule (même attrait global, configuration de bénéfices différente). Lorsque les configurations divergent, il paraît souhaitable de privilégier les données d’intensité de concurrence. Contrairement aux similarités, elles sont fondées sur une réelle concurrence entre les marques au moment du choix. Cela étant, il est toujours souhaitable de s’appuyer sur les deux types d’analyses. La situation de chaque paire de marques peut alors être interprétée au moyen de la grille de lecture suivante 1 : Intensité de concurrence

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Forte

Forte

Faible

Concurrence frontale (assimilation)

Similarité perceptuelle

Faible

Concurrence de remplacement (substitution)

Nonconcurrence et niches éloignées

Figure 5.4 – Situations de concurrence possibles 1. Chandon J.-L. et Strazzieri A., (1986), « Une analyse de structure de marché sur la base de la mesure de l’ensemble évoqué », Recherche et Applications en Marketing, 1, 1, p. 35.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

En l’absence de cette grille de lecture, un manager confronté à la situation du quadrant Sud-Ouest pourrait commettre l’erreur de sous estimer une marque rivale sur la base exclusive de données de similarités. Les consommateurs pourraient en effet délaisser sa marque pour une autre sans qu’il ait les éléments pour le prévoir et y réagir.

Reconstruire les positions : approche par composition La partie précédente avait pour objectif de montrer comment l’on pouvait identifier la position relative des marques les unes par rapport aux autres à partir des perceptions globales des consommateurs. Par simple comparaison des marques entre-elles, éventuellement enrichie d’une indication de préférence, on peut reproduire dans un plan les différences (« distances ») entre marques telles qu’elles sont perçues par les répondants. L’interprétation des axes du plan permet d’enrichir l’analyse que l’on fait de ces distances. Malheureusement, cette interprétation est difficile dans l’absolu et nécessite le plus souvent des données complémentaires issues de jugements sur les caractéristiques des marques. Pour pallier les inconvénients liés à cette approche directe (voir infra encadré 5.21), la recherche marketing a abordé le problème de manière inverse : est-il possible, à partir des jugements produits sur les caractéristiques des objets, de reconstruire, en quelque sorte artificiellement, une carte perceptuelle montrant les positions relatives des composantes de l’offre (e.g. les marques) les unes par rapport aux autres ? Cette manière de procéder présente notamment trois avantages majeurs sur la précédente. Le premier est de partir d’une description explicite a priori des dimensions de l’espace perceptuel. Cette description est facilitée si le répondant évalue chaque marque sur un nombre important de caractéristiques. Le second est que cette approche fait appel à des méthodes techniquement capables de représenter conjointement dans le même espace les caractéristiques et les marques. La proximité des uns et des autres dans le plan fournit des indications précieuses pour l’analyse marketing. Un troisième, corollaire, est lié à la simplification de la collecte des données. En effet, les données directes de similarités, dont on a vu que le recueil était fastidieux pour le répondant, ne sont plus nécessaires. L’utilisation de l’analyse factorielle, et en particulier de l’analyse des correspondances, permet de produire des cartes perceptuelles à partir des évaluations des marques sur leurs caractéristiques. On va, dans un premier temps, présenter rapidement la méthode et illustrer son utilisation dans un contexte d’étude

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

de positionnement. On peut également faire appel aux modèles d’attitude multi-attributs pour analyser la pertinence d’un positionnement, ce qui sera présenté dans un second temps.

Analyse des correspondances et positionnement ➤ Présentation succincte de la méthode 1

L’objectif général de l’analyse factorielle des correspondances (AFC) est d’identifier un petit nombre de dimensions cachées structurant un ensemble de données mesurées au niveau catégoriel. Cette méthode est par conséquent adaptée au traitement des tableaux de contingence. On parle d’analyse des correspondances simple quand on traite des tableaux à double entrée (tris croisés sur deux variables) et d’analyse des correspondances multiple pour des tableaux dont le nombre de dimensions est supérieur à 2. L’analyse du tri croisé de deux variables peut être complexe, surtout quand celles-ci présentent un grand nombre de modalités. L’AFC, simple ou multiple, est une méthode qui permet d’une part de visualiser l’importance et les influences respectives de ces dernières les unes sur les autres, et d’autre part de mettre à jour un petit nombre de dimensions latentes qui permettent d’expliquer en partie ces influences réciproques. On va se concentrer ici sur l’utilisation de cette méthode dans un contexte d’étude de positionnement, toujours à partir de l’exemple des sirops de fruits 2. ➤ Mise en œuvre de l’analyse des correspondances dans un contexte d’étude

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de positionnement L’objectif étant d’aboutir à une représentation visuelle des positions des marques entre elles à partir de jugements sur les caractéristiques de ces marques, il faut dans un premier temps produire un tableau à double entrée de type Individus/ Variables où les individus sont les marques et les variables sont les caractéristiques des marques. À l’intérieur des cellules du tableau vont figurer les scores moyens obtenus par chaque marque sur chaque caractéristique. On peut également faire figurer les scores totaux obtenus par chaque marque sur chaque caractéristique pour l’ensemble des répondants, mais cela ne change en rien les poids relatifs de chacune des modalités en ligne et en colonne les unes par rapport aux autres, donc le résultat de l’analyse des correspondances sera strictement identique. 1. Voir par exemple Tenenhaus M., (1994), Méthodes statistiques en gestion, Dunod, chap. 7 et 8, p. 145-242 ou Green P.E., Carmone F.J. Jr. et Smith S.M., (1989), op. cit., p. 247-269. 2. Un exemple d’utilisation de l’AFC dans un contexte général est donné dans Giannelloni J.-L. et Vernette É., (2001), op. cit., chap. 14, p. 389-395.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

ENCADRÉ 5.18

Tableau de contingence marques ¥ critères Pour l’exemple des sirops de fruits, il suffit de reprendre le tableau de l’encadré 5.14 expurgé des coordonnées des marques sur les axes calculées par l’analyse des similarités.

Sirop Sport Teisseire Fruiss Surprise Marie Dolin Fruiss Source d’énergie Le Moulin de Valdonne Saveurs d'été Monin

Terroir 1,08 1,83 1,00 5,67 1,58 6,45 4,58 4,83

Qualité Réputation 4,21 4,79 6,04 6,46 4,33 4,13 5,58 5,33 4,08 3,92 6,00 5,00 5,00 4,50 5,42 5,08

Naturel 2,71 3,92 3,13 5,25 3,08 5,27 4,42 4,92

Goût 4,33 5,33 4,71 5,50 4,25 5,09 4,67 4,92

Choix 4,75 6,13 4,79 4,83 4,08 4,45 4,25 4,75

On constate dans ce tableau les « poids » respectifs des marques associées aux critères. Le Moulin de Valdonne et à un moindre degré Marie Dolin joueront un rôle important dans la représentation du critère « Terroir » (et inversement) ; Teisseire contribuera de manière importante aux critères « Qualité », « Réputation » et « Choix », et ainsi de suite.

Nous avons déjà insisté à plusieurs reprises (chapitres 3 et 4) sur l’utilité d’identifier les critères de choix des marques ou, plus généralement, de recueillir des jugements évaluatifs des caractéristiques des marques en présence sur un marché. Ces informations vont systématiquement servir dans les études de segmentation et/ou de positionnement. On recommande souvent de ne procéder à une analyse des correspondances que si le tableau de contingence met en évidence une relation d’association entre les deux variables. Le test du χ2 associé doit par conséquent être significatif. Ceci n’a de sens que dans une optique de généralisation à la population des résultats mis en évidence pour l’échantillon par le tri croisé. La situation est ici différente puisque les modalités des deux variables (marques et attributs) constituent la « population » de ces modalités pour autant que leur identification ait été correctement menée. Par ailleurs le test du χ2 ne peut s’interpréter que si les valeurs des cellules représentent des effectifs. Ici, pour une même information (moyennes ou sommes sont équivalentes du point de vue de l’information délivrée), la valeur de la statistique variera spectaculairement selon que l’on utilise des scores moyens ou totaux. Le degré de liberté associé au tableau étant le même, cela conduira à deux conclusions opposées. L’analyse factorielle des correspondances (AFC) va permettre de visualiser directement les liens entre modalités en lignes et modalités en colonnes. La représentation graphique la plus courante d’une AFC superpose les modalités des deux variables sur un même couple d’axes, figurant les dimensions sous-

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

jacentes. Le nombre total de dimensions est égal à la plus petite dimension du tableau, moins un 1. Le choix du nombre de dimensions pertinentes et l’interprétation de ces dernières est du ressort de l’analyste. Ce choix est basé sur la quantité d’information à laquelle chaque dimension contribue. ENCADRÉ 5.19

Résultats de l’analyse factorielle des correspondances pour les sirops Proportion d’inertie Dimension 1 2 3 4 5 Total

Inertie

Expliqué

,040 ,001 ,000 ,000 ,000

,967 ,025 ,005 ,002 ,001 1,000

Cumulé ,967 ,992 ,997 ,999 1,000 1,000

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Ce premier tableau aide au choix du nombre de dimensions pertinentes. La première colonne (« inertie ») est assimilable au pourcentage d’information partagée entre les coordonnées des modalités colonnes et des modalités lignes sur la dimension correspondante. Cette information donne une idée de l’importance de la dimension par rapport aux autres. Seules les deux premières dimensions, de ce point de vue, montrent des inerties différentes de 0. L’inertie ne peut s’interpréter qu’en valeur relative. À cet égard, le tableau montre clairement que la première dimension capte l’essentiel de l’information contenue dans les lignes et les colonnes. Pour garder une certaine clarté à l’exemple, on retiendra tout de même les deux premières dimensions. Une analyse des correspondances produit ensuite deux tableaux d’informations identiques (voir page suivante), l’un pour les lignes, l’autre pour les colonnes, qui permettent d’interpréter la nature des dimensions, c’est-à-dire en quelque sorte ce qui structure l’espace perceptuel des répondants. Les marques (points lignes) contribuent relativement peu à l’inertie des dimensions, comparativement aux caractéristiques des sirops (points colonnes). Le terroir représente l’essentiel de l’information sous jacente à la dimension 1, alors que réputation de la marque et goût contribuent davantage à la dimension 2. À l’inverse, aucune modalité, ni en ligne, ni en colonne, n’est mal prise en compte. Les deux tableaux confirment néanmoins que la dimension 1 est la seule réellement structurante.

1. Le nombre de dimensions est donné par min(l,c) – 1, avec l = nombre de lignes et c = nombre de colonnes du tableau. Dans l’exemple des sirops de fruits, il sera donc égal à 5.

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Vernette.Livre Page 180 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Caractéristiques des points lignes Contribution De point à inertie de dimension Ligne

1

2

1 2 3 4 5 6 7 8 Total actif

,175 ,156 ,164 ,105 ,057 ,226 ,062 ,053 1,000

,073 ,379 ,379 ,006 ,142 ,011 ,007 ,003 1,000

De dimension à inertie de point 1

2 ,979 ,936 ,941 ,983 ,931 ,992 ,997 ,977

Total ,011 ,059 ,057 ,002 ,061 ,001 ,003 ,001

,990 ,996 ,998 ,984 ,992 ,993 1,000 ,979

Caractéristiques des points colonnes Contribution De point à inertie de dimension

De dimension à inertie de point

Colonne

1

2

Terroir Qualité Réputation Naturel Goût Choix Total actif

1

,736 ,008 ,060 ,032 ,035 ,130 1,000

,019 ,019 ,467 ,114 ,380 ,000 1,000

2 ,999 ,669 ,821 ,872 ,757 ,996

Total ,001 ,044 ,168 ,082 ,219 ,000

1,000 ,712 ,989 ,954 ,976 ,996

Dimension 2

Column Row

0,4 0,3 0,2 0,1 0,0 – 0,1 – 0,2 – 0,3

3 Goût

5 Choix

Naturel 7 Qualité

1

– 0,6

8

4

6 Terroir

Réputation

2 – 0,3

0,0

0,3

0,6

0,9

1,2

Dimension 1

Les points noirs représentent les attributs et les points gris les marques. Les marques 1 (Sirop sport) et 3 (Fruiss Surprise) sont opposées à 6 (Le Moulin de Valdonne) sur la dimension 1, structurée par la caractéristique « Terroir ». Par contre 1 et 2 (Teisseire) sont opposée à 3 sur la dimension 2 (« Réputation de la marque »). Les marques 4 (Marie Dolin), 7 (Saveurs d’été) et 8 (Monin) sont très proches l’une de l’autre. La proximité

180

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

entre un point noir et un point gris représente en quelque sorte le degré auquel la marque est perçue comme représentative de la caractéristique. Fruiss Source d’énergie (marque n˚ 5), par exemple, est étroitement associée au goût.

La carte perceptuelle produite par une analyse des correspondances peut parfois être source de confusion, en raison de la multidimensionnalité intrinsèque du nuage de points. En effet, un plan est une vision « écrasée » et faussée d’un phénomène si celui-ci comporte plus de deux dimensions : un ballon de football représenté sur un plan n’est jamais qu’un cercle ! De manière générale, il convient donc d’interpréter avec prudence les proximités entre points lignes et points colonnes. En effet, l’un des deux peut parfaitement être une projection sur le plan d’un point en réalité éloigné dans l’espace parce que contribuant fortement à l’inertie d’une troisième dimension. Les deux modalités paraissent ainsi proches, mais ne le sont peut-être pas en réalité. L’exemple des sirops développé ci-dessus est une exception puisque l’espace perceptuel est, au mieux, un plan.

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L’interprétation des distances entre points se fait donc uniquement par rapport aux axes. Pour cette raison, l’interprétation de la représentation graphique doit être complétée par la lecture des tableaux d’inertie, qui rendent compte du rôle joué par chaque point dans la détermination d’un axe, ainsi que de la proximité entre les points et le (ou les) plan(s) reproduits. On a pu constater que, sur le même jeu de données, l’analyse des similarités et l’analyse des correspondances produisent des résultats relativement convergents. De fait, cette dernière est relativement intéressante, dans un contexte d’étude de positionnement, car elle permet d’éviter de collecter des données de proximités globales entre marques. Par ailleurs, elle permet d’utiliser des informations pauvres (données catégorielles). Ceci explique le relatif succès de l’analyse des correspondances pour l’analyse de différents types de problèmes marketing. On l’utilise pour la segmentation (chapitre 4) aussi bien que pour le positionnement.

Analyse d’un positionnement par les modèles multi-attributs Une autre manière d’identifier un positionnement possible consiste à explorer les croyances utilisées par les individus pour évaluer des marques et aboutir à un choix. Il existe de nombreux modèles de choix (chapitre 2) articulés autour de deux stratégies de base, compensatoire et non compensatoire. Le modèle d’attente-valeur (expectancy-value) de Fishbein est probablement le plus connu d’entre eux. On va brièvement rappeler en quoi il consiste et comment il fonctionne pour ensuite illustrer son utilisation dans un contexte de stratégie de positionnement.

181

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

➤ Modèle d’attitude « attente-valeur »

Ce modèle suggère que l’attitude d’un individu à l’égard d’un objet (Ao) est la somme de toutes ses croyances quant aux caractéristiques de cet objet (b i), pondérées par l’importance qu’il accorde à chacune de ces caractéristiques (a i). Formellement, ce modèle s’écrit donc : n

Ao =

∑ bi ai

i=1

ENCADRÉ 5.20

Fonctionnement du modèle attente-valeur Imaginons que la réputation de la marque, le prix, la taille (i.e. l’encombrement dans la cuisine), la puissance maximale et l’éventail des fonctionnalités disponibles soient les critères déterminants du choix d’un four à micro-ondes. On va utiliser le modèle pour « prédire » le choix de M. Dupont à partir de données recueillies de manière assez similaire à celle utilisée pour les sirops de fruits : « Veuillez s’il vous plaît indiquer l’importance que vous accordez à chacune des caractéristiques ci-dessous dans le choix d’un four à micro-ondes. » Les données sont recueillies par exemple sur des échelles d’importance à 5 postes. Les chiffres en gras représentent les réponses de M. Dupont. Pas du tout important Le prix

Extrêmement important

1

2

3

4

5 5

L'encombrement dans la cuisine

1

2

3

4

La puissance maximale

1

2

3

4

5

La réputation de la marque

1

2

3

4

5

L'éventail des fonctionnalités disponibles

1

2

3

4

5

« Pour chacun des modèles ci-dessous, veuillez s’il vous plaît indiquer le niveau auquel ce modèle possède chacune des caractéristiques listées. » On peut utiliser par exemple des différentiels sémantiques : Modèle A Très chère

1

2

3

4

5 Très bon marché

Très encombrant

1

2

3

4

5 Pas encombrant

Peu puissant

1

2

3

4

5 Très puissant

De marque peu réputée

1

2

3

4

5 De marque très réputée

Très pauvre en fonctionnalités

1

2

3

4

5 Très riche en fonctionnalités

182

Vernette.Livre Page 183 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

CHOISIR UN POSITIONNEMENT

Modèle B Très chère

1

2

3

Très encombrant

1

2

Peu puissant

1

2

De marque peu réputée

1

Très pauvre en fonctionnalités

1

4

5 Très bon marché

3

4

5 Pas encombrant

3

4

5 Très puissant

2

3

4

5 De marque très réputée

2

3

4

5 Très riche en fonctionnalités

On distingue bien les différences perçues entre les deux modèles, que l’on peut mettre en perspective à travers l’importance des différents critères pour le répondant. Le modèle B, de marque perçue comme réputée, va ainsi être favorisé par le fait que cette caractéristique est la plus valorisée par le répondant. À partir de ces informations, le modèle donne : Modèle A

Modèle B

bi

ai

bi*ai

Prix

4

3

12

2

3

6

Encombrement

2 3 2 5

4 3 5 4

8 9 10 20 59

3 4 5 4

4 3 5 4

12 12 25 16 71

Puissance max Réputation marque Fonctionnalités

bi

ai

bi*ai

Selon toute probabilité, M. Dupont va ainsi former une préférence pour le modèle B et acheter celui-ci (sauf facteurs de situations susceptibles de modifier sa décision.

Comment peut-on utiliser ces informations à des fins de positionnement ?

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Positionner au moyen du modèle attente-valeur Ce type de modèle vaut plus par ce qu’il permet d’apprendre sur la perception des marques par les individus, que par sa capacité à prédire le choix d’une marque, bien que celle-ci ne soit pas négligeable 1. En ce sens, il est intéressant dans un contexte de positionnement. En particulier, les informations obtenues sur les critères ci-dessus permettent de comparer assez facilement la perception des marques par différentes catégories de consommateurs. En supposant que les deux critères clés soient la réputation de la marque et l’encombrement, le fait que la marque A soit très bien évaluée sur ces deux critères par des adultes âgés de 35 ans et plus et beaucoup moins bien par des adultes de moins de 35 ans est une information précieuse pour un responsable de cette marque. De même, on peut imaginer 1. Sur l’ensemble des modèles prédictifs des attitudes et des choix, c’est en tout cas celui qui a donné les meilleurs résultats. Voir Pras et Tarondeau, (1981), Comportement de l’acheteur, Sirey.

183

Vernette.Livre Page 184 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

une différence des scores sur les attributs en fonction du risque perçu à l’utilisation d’un four à micro-ondes. Les individus percevant un risque élevé pourraient par exemple privilégier les modèles à forte puissance restituée. Dans ce cas, une marque bien perçue sur cette caractéristique pourrait jouer sur ce registre dans sa communication. La conclusion, en tout état de cause, est qu’il ne faut pas s’arrêter trop vite à la simple différence de score global entre les marques. L’intérêt d’une démarche de segmentation préalable, fondée sur les avantages recherchés, émerge à nouveau. L’importance accordée à tel ou tel attribut ou l’évaluation des qualités de telle ou telle marque sont en effet des jugements subjectifs, donc par définition soumis à une très forte variété inter-individuelle. On peut même faire l’hypothèse d’une variété intra-individuelle liée au temps et à la situation de choix. Par exemple, les critères de choix d’une automobile vont évidemment varier en fonction de la position de l’acheteur dans son cycle de vie familial. Il faut retenir de cet exemple que le modèle d’attente-valeur est un outil simple qui peut permettre un choix de positionnement. Sa mise en œuvre nécessite d’identifier les critères importants dans le choix d’un produit et d’évaluer la position des marques constitutives d’un « champ de concurrence » (ensemble de considération) sur ces critères. On peut ainsi comparer les « performances » de sa marque par rapport à celle des concurrents et identifier quelle marque est la plus performante sur les critères essentiels. En travaillant sur ces données, il est possible d’évaluer des options possibles de positionnement. Il s’agit alternativement : – de renforcer ou de construire une position unique pour la marque sur le critère ou sur une combinaison de critères essentiels ; – de capitaliser sur une faiblesse de la concurrence sur ces mêmes critères ; – de mettre en avant les caractéristiques sur lesquelles on propose un bénéfice supérieur aux concurrents ; – le cas échéant d’œuvrer pour accroître l’importance de ces dernières ; – ou de minimiser l’importance de caractéristiques sur lesquelles on est moins performant. Contrairement aux analyses de similarités et de préférence cette approche ne nécessite pas d’outils logiciels sophistiqués. En effet, les algorithmes (ALSCAL, PROXSCAL…) présentés dans ce chapitre ne sont présents que dans des logiciels spécialisés dans le traitement statistique, voire dans des logiciels spécifiques. Ce sont de manière générale des logiciels peu accessibles, soit financièrement, soit techniquement, qui nécessitent de toute façon des compétences statistiques relativement développées. Par ailleurs, aucune de ces approches n’est idéale, comme le rappelle l’encadré 5.21.

184

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CHOISIR UN POSITIONNEMENT

ENCADRÉ 5.21

Comparaison des approches de composition et de décomposition

Approche globale (décomposition)

Avantages

Inconvénients

Indépendante d’un ensemble d’attributs prédéfini

Les dimensions structurant l’espace perceptuel sont difficiles à interpréter

Les attributs sous-jacents à l’évaluation des objets n’ont pas à être verbalisés

Les algorithmes sont techniquement optimisés pour traiter des données individuelles

Les attributs peuvent être différents d’un répondant à l’autre

Part d’arbitraire dans la définition de la situation d’usage et dans l’identification des objets à comparer Programmes ou modules informatiques relativement complexes à maîtriser

Approche analytique (composition)

Facilite la description et l’interprétation des dimensions structurant l’espace

Les objets ne sont pas comparés directement les uns aux autres : on s’éloigne de la logique même du positionnement

Facilite le regroupement des répondants en groupes aux perceptions homogènes sur les critères

Impose aux répondants d’évaluer les objets sur des critères identiques

Programmes ou modules informatiques plus facilement disponibles et simples à utiliser

Lourdeur de la phase d’identification des critères pertinents

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Ne tient pas compte d’un éventuel effet de halo

CONCLUSION Ce chapitre s’est attaché, pour l’essentiel, à présenter l’ensemble des études préparatoires à l’élaboration d’une stratégie de positionnement. On a privilégié l’illustration des analyses fondées sur des données perceptuelles. De la préparation de la collecte des données de similarités et des données de préférences à l’interprétation des cartes perceptuelles produites, toutes les étapes ont été présentées en détail. D’autres approches, basées sur des données davantage liées aux comportements – réels (COMPETITOR) ou potentiels (CATEGORISATOR) –, ont également été présentées. Leur intérêt est davantage de compléter les précédentes que de s’y substituer, notamment en poursuivant la démarche jusqu’à produire des cartes montrant clairement

185

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

l’intensité de la concurrence entre les marques en présence sur un marché. En résumé, les analyses préalables à des choix de positionnement peuvent donc reposer sur des données globales de similarités perçues ou de préférence entre objets (le plus souvent des marques, mais aussi des enseignes, des produits, des idées…). C’est ce qu’on appelle les approches de décomposition. Elles peuvent également reposer sur l’évaluation de chacun de ces objets sur un ensemble de caractéristiques importantes voire déterminantes préalablement identifiées. Ce sont les approches de composition. Elles peuvent enfin être fondées sur des prédispositions au comportement (ensemble de considération) ou sur des comportements réels. Dans tous les cas, ces analyses ne font qu’une partie du chemin. Il reste au manager marketing le travail le plus délicat : identifier les opportunités de positionnement qui en résultent et définir puis mettre en œuvre la stratégie pertinente.

BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE BIJMOLT T.H.A. et WEDEL M., (1995), « The effects of alternative methods of collecting similarity data for Multidimensional Scaling », International Journal of Research in Marketing, 12, 363-371. CHANDON J.-L. et STRAZZIERI A., (1986), « Une analyse de structure de marché sur la base de la mesure de l’ensemble évoqué », Recherche et Applications en Marketing, 1, 1, 17-39. DILLON W.R. et GOLDSTEIN M., (1984), « Multivariate Analysis. Methods and Applications », John Wiley and Sons. DIMINGO E. (1988), « The Fine Art of Positioning », The Journal of Business Strategy, 34-38. DUBOIS P.-L. et JOLIBERT A., (2005), Le marketing. Fondements et pratique, 4e édition, Economica, chap. 7, p. 277-283. GREEN P.E., CARMONE F.J. Jr. et SMITH S.M., (1989), Multidimensional Scaling. Concepts and Applications, Needham Height, MA, Allyn and Bacon. HAIR J.F., ANDERSON R.E., TATHAM R.L. et BLACK W.C., (1992), Multivariate Data Anaysis. With Readings, 3e édition, Maxwell Macmillan International Edition. HOOLEY G.J. et SAUNDERS J., (1993), Competitive Positioning. The Key to Market Success, Prentice-Hall International. KOTLER P., DUBOIS B. et MANCEAU D., (2004), Marketing Management, 11e édition, Pearson Éducation, chap. 11, p. 331-351. LADWEIN R., (2003), Le comportement du consommateur et de l’acheteur, 2e édition, Economica. RIES A. et TROUT J., (1987), Le positionnement, McGraw-Hill. ROSSITER P.L., JOHN R. et ELLIOTT R., (2001), Strategic Advertising Management, Oxford University Press.

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Vernette.Livre Page 187 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

CHAPITRE 6

Prévoir les ventes

Les études stratégiques Chapitre 2 Recenser les désirs, motivations, expériences de consommation Chapitre 3 Identifier les critères de choix d’un produit Chapitre 4 Segmenter un marché Chapitre 5 Choisir un positionnement

Méthode d’évaluation de potentiel Méthodes d’analyse de données historiques

Chapitre 6 Prévoir les ventes

Expérimentation

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Plan du chapitre

L

A prévision des ventes revêt une importance cruciale pour le fonctionnement

de l’organisation. Elle contribue en effet directement à son efficacité, à son efficience et à sa rentabilité (figure 6.1).

Contribution à l’efficacité

Contribution à l’efficience

Contribution à la rentabilité

– Satisfaire la demande en évitant les ruptures de stocks

• Optimiser l’utilisation des capacités de production • Optimiser les flux logistiques • Optimiser les approvisionnements

• Optimiser le plan d’investissement • Optimiser la gestion de la trésorerie

Figure 6.1 – La contribution de la prévision des ventes à la performance de l’organisation

187

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Mais la prévision reste une activité très incertaine, et l’évolution de la structure des marchés et de leur fonctionnement a encore rendu la prévision plus complexe. L’internationalisation des marchés a accru le degré de dépendance des entreprises à l’égard de la conjoncture, y compris dans des pays très éloignés géographiquement. La volatilité de l’environnement est aggravée par la généralisation des flux tendus et du « zéro stock », rendant ainsi les systèmes de production et de distribution très vulnérables à des événements exogènes tels que les catastrophes naturelles ou les dysfonctionnements des systèmes de transport, à la suite par exemple de mouvements sociaux. Enfin, la rapidité des évolutions technologiques fait constamment apparaître sur le marché de nouveaux produits, dont le succès reste très aléatoire. Le succès sur le marché français de produits comme l’appareil photo numérique ou le système de navigation automobile par GPS (doublement des ventes entre 2005 et 2006) illustre la difficulté de la prévision des ventes. Plus l’horizon temporel de la prévision s’allonge, et plus celle-ci devient aléatoire. Or, certaines activités ont besoin de prévisions à très long terme en raison de la durée du cycle de développement de leurs produits ou services (figure 6.2). 1 mois 3 mois 1 an 5 ans 20 ans

Prêt à porter Industrie du disque Petit électroménager Industrie automobile Secteur énergétique

Figure 6.2 – Quelques exemples d’horizon temporel en prévision des ventes

Trois principales familles de méthodes de prévision sont mises en œuvre par les organisations, en fonction des caractéristiques du produit et du marché concerné : – une première famille de méthodes est destinée à établir des prévisions de vente sur des marchés nouveaux ou émergents, pour lesquels peu d’informations chiffrées sont disponibles pour recourir à des méthodes de prévision quantitatives ; – une deuxième famille de méthodes exploite les statistiques des ventes antérieures pour tenter d’extrapoler ces données passées, en reposant sur l’hypothèse selon laquelle l’évolution future des ventes est essentiellement influencée par les phénomènes passés ; – enfin une troisième famille de méthodes cherche à évaluer les ventes en prenant en compte l’évolution des phénomènes concurrentiels en mettant en œuvre une démarche expérimentale. Chacune de ces familles de méthodes fait l’objet d’une section de ce chapitre.

188

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PRÉVOIR LES VENTES

Méthode d’évaluation de potentiel La prévision des ventes est particulièrement difficile dans le cas du lancement d’un nouveau produit ou service, pour lequel il n’existe pas de données statistiques passées pouvant permettre le recours à des méthodes statistiques d’extrapolation. L’élaboration des prévisions va alors reposer principalement sur des jugements des managers. Ceux-ci peuvent rapprocher des données hétérogènes (méthodes documentaires), ou adopter une démarche plus ou moins structurée de formalisation de jugements d’experts.

Méthodes documentaires Le principe des méthodes documentaires est de recueillir un maximum d’informations pouvant caractériser un marché et élaborer des prévisions de son évolution. Les principes de cette méthode ont été présentés dans le premier chapitre de cet ouvrage. En recourant à l’analogie, le manager construit un ou plusieurs scénarios du développement des ventes du produit ou service. Appliquée à la prévision des ventes, la fiabilité de ces méthodes est problématique, dans la mesure où elles font principalement appel à l’intuition d’une seule personne qui s’appuie sur des données de qualité inégale.

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Méthodes d’estimation fondée sur l’expertise Les méthodes reposant sur l’expertise tentent d’améliorer la fiabilité des prévisions en combinant les jugements de plusieurs experts, de manière plus ou moins structurée. Nous en présentons deux exemples, l’un plutôt adapté à des prévisions à court terme (exploitation des jugements de la force de vente), l’autre à des prévisions à plus long terme (méthode Delphi). ➤ L’exploitation des jugements de la force de vente

La force de vente de l’entreprise constitue une source d’information très précieuse. Les vendeurs sont en effet bien placés pour évaluer l’état du marché. Leurs contacts avec les clients leur permettent d’être informés de la conjoncture (carnets de commande des clients de l’entreprise, état de leurs stocks, anticipations de l’évolution du marché), ainsi que des actions de la concurrence (entrée d’un nouveau concurrent sur le marché, lancement d’un nouveau produit, adoption par un concurrent d’une nouvelle politique commerciale). En synthétisant les jugements de ses vendeurs, l’entreprise peut disposer d’une représentation assez précise et fiable de l’état de la demande et de ses tendances d’évolution à court terme.

189

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

➤ La méthode Delphi

La méthode Delphi a été formalisée par la Rand Corporation au début des années 1960, alors qu’elle cherchait à développer une méthode explicite de formulation de scénarios prospectifs à moyen terme 1. Cette méthode combine deux principes : le recours à des jugements d’experts, et la confrontation de ces jugements à travers un processus d’interactions successives. Dans un premier temps, un groupe d’experts est constitué (une dizaine au minimum, pour tenir compte d’éventuels abandons au fil de la procédure). La sélection des experts est critique pour la suite du processus : ceux-ci doivent à la fois avoir une excellente connaissance du secteur analysé, et une capacité à la créativité qui évite de les voir s’enfermer dans des scénarios trop mécanistes d’extrapolation des tendances passées. Une série de questions est alors posée aux experts. Ceux-ci fournissent leurs réponses qui sont traitées afin d’identifier la tendance centrale des réponses à chacune des questions (moyenne, médiane). Chaque expert reçoit alors les valeurs de la tendance centrale pour chaque question, ainsi que le rappel de sa propre réponse. Il lui est alors demandé dans une deuxième itération soit de confirmer sa première réponse, soit de la modifier sur la base de la tendance centrale issue de la première vague d’interrogation des experts. Le processus peut être renouvelé tant que les réponses des experts évoluent de manière significative. On observe assez souvent une stabilisation des résultats au terme de trois interrogations des experts. La méthode Delphi est une application stricte de l’intersubjectivité. La fiabilité des résultats dépend en particulier du caractère anonyme des réponses, et du fait qu’aucun des experts ne connaît l’identité des autres membres du groupe d’experts afin d’éviter des phénomènes de leadership d’opinion qui pourraient orienter les réponses dans des directions contraires aux intuitions de certains experts. La méthode Delphi constitue une alternative à la confrontation des jugements émanant de membres de l’entreprise dans le cadre de réunions consacrées à la prévision. Par rapport aux réunions organisées de manière interne, elle présente des avantages importants 2 : – la participation à un groupe de travail interne est généralement décidée sur la base de références à l’organigramme, sans prendre en compte la compétence effective des membres retenus par rapport au domaine étudié ; 1. Pour une présentation des différentes applications marketing de la méthode, voir : Vernette É., (1994), « La méthode Delphi : une aide à la prévision marketing », Décisions Marketing, n˚ 1, janvier-avril, 97-101. 2. Jones H. et Twiss B.C., (1978), Forecasting Technology for Planning Decisions, Petrocelli, New York.

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PRÉVOIR LES VENTES

– l’influence de la hiérarchie peut introduire des biais importants dans les réponses des membres du groupe qui dépendent de supérieurs faisant également partie du groupe ; – la recherche d’un consensus dans le cadre d’une interaction effective entre les membres conduit à des phénomènes de groupe bien connus, qui peuvent conduire à l’émergence d’un consensus autour d’options qui ne sont pas jugées les plus probables, mais qui sont défendues avec le plus d’énergie et de conviction par leurs auteurs. La méthode Delphi permet de s’affranchir de ces contraintes en éliminant l’influence de ces sources de biais. Toutefois, la validité des résultats dépend essentiellement de la stabilité des conditions d’environnement qui caractérisent le phénomène que l’on cherche à prévoir. Si un seul expert anticipe une rupture profonde dans l’environnement, de nature à affecter profondément l’évolution future de l’activité étudiée, il est assez peu probable qu’il parvienne à influencer par sa seule réponse l’ensemble des jugements des autres experts. Et il est également possible – malheureusement – qu’aucun expert n’anticipe de rupture dans l’environnement… L’encadré 6.1 présente un exemple de déroulement d’une étude de prévision des ventes mettant en œuvre la méthode Delphi 1. ENCADRÉ 6.1

Un exemple d’application de la méthode Delphi à la prévision des ventes

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Question : les marques de distributeurs représentent à l’année N une part de 10 % des ventes de la catégorie de produits W. Indiquez comment vous pensez que ce phénomène va évoluer.

Questionnaire Part des ventes en valeur sous marques de distributeurs

Année N

Année N + 3

Année N + 6

15 %

Votre estimation

Votre estimation

Année N

Année N + 3

Année N + 6

15 %

Moyenne 19,5 % (écart de 15 à 25)

Moyenne 23,6 % (écart de 15 à 35)

Résultats du premier questionnaire Part des ventes en valeur sous marques de distributeurs

1. Pour des raisons de confidentialité, les informations relatives au produit et aux circuits de distribution ont été modifiées. Les chiffres sont réels.

191

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Résultats du deuxième questionnaire Part des ventes en valeur sous marques de distributeurs

Année N

Année N + 3

Année N + 6

15 %

Moyenne 19,6 % (écart de 17 à 25)

Moyenne 24 % (écart de 18 à 35)

On observe dans cet exemple que la dispersion des réponses se réduit entre les deux vagues du questionnaire. La société qui pÎlotait cette étude a décidé par prudence de lancer une troisième vague d’interrogation des experts. Les résultats ont exactement recoupé ceux de la deuxième vague.

Méthodes d’analyse des données historiques La collecte d’informations statistiques sur les ventes réalisées par l’organisation permet de disposer de séries chronologiques, c’est-à-dire d’observations sur une longue période (idéalement plusieurs années) d’un indicateur de l’activité, le plus souvent le volume ou la valeur des ventes d’un produit ou d’un service. Il est souvent raisonnable de faire l’hypothèse que les ventes futures seront fortement déterminées par les ventes passées, notamment lorsque les caractéristiques de l’environnement présentent une certaine stabilité. De très nombreuses méthodes statistiques ont été développées pour permettre l’exploitation des séries chronologiques à des fins de prévision. Historiquement, l’essor de ces méthodes a accompagné l’effort de prévision nécessaire aux décisions de politique économique des États, notamment après la Seconde Guerre mondiale 1. On retrouve donc une forte influence des modèles économiques de la conjoncture dans la conception de ces méthodes. L’accroissement de la capacité de calcul des ordinateurs permet aujourd’hui de mettre en œuvre sur un micro-ordinateur des méthodes d’analyse des séries chronologiques qui n’étaient accessibles il y a trente ans qu’aux seuls centres de calcul des banques centrales ou des services nationaux de prévision conjoncturelle, en particulier si l’on dispose d’un logiciel statistique tel que SAS ou SPSS. L’organisation peut donc disposer d’instruments très puissants de prévision de son activité. Mais quel que soit le raffinement de la méthode statistique mise en œuvre, le prévisionniste doit concentrer son attention sur la qualité des séries qu’il analyse, et sur l’identification des facteurs susceptibles de remettre en cause l’hypothèse de stabilité de l’environnement qui conditionne le recours à ces méthodes. 1. Le développement des méthodes modernes d’analyse des séries chronologiques doit beaucoup aux travaux réalisés aux États-Unis dans l’après-guerre par le National Bureau of Economic Research (NBER) ainsi que par le Bureau of Census, service Fédéral d’études démographiques.

192

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PRÉVOIR LES VENTES

Nous présenterons dans un premier temps les méthodes de décomposition des séries chronologiques, puis dans un second paragraphe les méthodes de lissage.

Méthodes de décomposition L’influence des théories économiques a inspiré les modèles de décomposition des séries chronologiques. L’activité économique, telle qu’elle est mesurée par exemple par un indicateur du produit intérieur brut, reflète l’influence simultanée de plusieurs facteurs interdépendants. Si l’on désigne par Fi ces facteurs, on peut écrire que la mesure de l’activité A est liée à ces facteurs par une relation fonctionnelle f : A = f (F1, F2,…, Fi,…) La recherche économique a identifié à la fois les formes fonctionnelles possibles de f, ainsi que la nature des facteurs Fi qui influencent une série chronologique. ➤ Les composantes d’une série chronologique

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Quatre composantes peuvent être identifiées dans une série chronologique. • La tendance de long terme de la série, ou trend. Elle reflète l’évolution globale du marché, en croissance, en stagnation, ou en régression, sur une longue période (plus de cinq ans dans les analyses économiques de la conjoncture). La justification théorique de cette tendance réside dans la dynamique de long terme de l’environnement économique, telle qu’elle a pu être par exemple analysée par l’économiste Kondratief dans sa théorie des cycles de très longue période. Même si les fondements théoriques de cette tendance sont très controversés, l’observation empirique des marchés lui apporte une certaine validité. En effet, il n’est généralement pas très risqué de classer les marchés selon la tendance d’évolution à long terme de leur volume de ventes : des expressions telles que « marché à fort potentiel » ou au contraire « marché en déclin » traduisent dans un langage plus familier la reconnaissance de l’influence du trend 1. • Le cycle. C’est aussi une composante issue de la théorie économique. Il traduit l’existence autour du trend d’oscillations plus ou moins régulières, dont la périodicité est de plusieurs années. L’activité peut se développer à 1. C’est aussi au trend que font référence les modèles d’analyse stratégique des marchés lorsqu’ils classent les marchés selon leur potentiel de croissance futur. Cette variable est l’une des deux dimensions de la célèbre matrice d’analyse stratégique du Boston Consulting Group (BCG).

193

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

un taux supérieur au trend pendant quelque temps (phase d’expansion du cycle), puis à un taux plus faible que le trend (phase de récession). • Les variations saisonnières. C’est la composante la plus simple d’une série chronologique : elle reflète en effet les différences d’activité qui peuvent se faire sentir au long de l’année civile, sous l’influence de phénomènes naturels (les saisons) ou sociologiques (les fêtes, les vacances). Les maillots de bain se vendent principalement avant les vacances d’été, et la fête des Mères apporte une stimulation très sensible aux ventes de petits appareils électroménagers. • Les variations aléatoires. Comme leur nom l’indique, ces variations traduisent la reconnaissance par les statisticiens de l’impossibilité de prendre en compte des phénomènes ponctuels exceptionnels, qui vont affecter, parfois très brutalement, l’activité pendant une période généralement brève (la tempête de décembre 1999 en France, la canicule de l’été 2003…). Si le phénomène n’a pas ce caractère ponctuel, il est de nature à remettre en cause la tendance à long terme de la série chronologique. Le travail du statisticien va consister, en partant d’une série chronologique brute, à identifier chacune de ces composantes pour pouvoir extrapoler son évolution. La figure 6.4 donne un exemple d’une série retraçant l’évolution des ventes mensuelles d’un produit entre janvier 1999 et décembre 2005. Les méthodes de prévision fondées sur cette démarche générale demeurent avant tout des méthodes de prévision conjoncturelle, c’est-à-dire qu’il est risqué de leur donner un horizon temporel supérieur à une année. ➤ Le mode de composition des facteurs

Deux modes de composition élémentaires des facteurs qui constituent la série peuvent être envisagés : • la composition additive : la valeur de la série est obtenue par addition de ses quatre composants élémentaires, soit : Yt = Trend + Composante cyclique + Composante saisonnière + Aléa • la composition multiplicative : la valeur de la série résulte de la multiplication de la valeur du trend par les indices reflétant l’influence du cycle, de la composante saisonnière et de l’aléa, soit : Yt = Trend × Cycle × Composante saisonnière × Aléa ou encore : Log(Yt) = Log(Trend) + Log(Cycle) + Log(Saisonnalité) + Log(Aléa) Des modes de composition mixtes peuvent également être envisagés, associant un processus additif pour certains facteurs, et multiplicatif pour d’autres.

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Vernette.Livre Page 195 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

PRÉVOIR LES VENTES

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Janvier

200,183

132,696

149,947

169,911

184,016

207,452

200,400

Février

192,479

144,414

151,032

171,105

197,036

192,479

187,814

Mars

203,112

164,269

198,338

223,727

228,935

228,176

215,156

Avril

198,772

177,940

180,219

202,570

201,051

218,194

225,572

Mai

169,911

130,743

148,971

161,123

213,203

221,123

202,136

Juin

145,933

101,122

110,128

113,600

199,315

239,026

217,868

Juillet

254,433

229,586

259,207

317,471

202,678

226,006

216,241

Août

185,861

131,828

155,915

194,324

169,911

160,797

132,153

Septembre

234,903

141,267

187,814

170,779

162,967

166,005

166,114

Octobre

219,387

179,134

189,007

204,848

200,400

215,373

204,197

Novembre

146,584

156,783

193,890

199,206

191,394

197,470

178,808

Décembre

156,674

168,826

184,233

202,353

164,378

173,817

173,058

Figure 6.3 – Illustration des méthodes de prévision : ventes mensuelles du produit W 350

300

Ventes

250

200

150

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100

50

0

janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Mois

Figure 6.4 – Exemple de série chronologique brute 1999-2005 ➤ L’identification des composantes d’une série

Nous présenterons successivement les différentes méthodes qui permettent d’isoler les quatre composantes d’une série chronologique, en les appliquant à la série décrite par la figure 6.4.

195

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

• L’identification du trend Deux méthodes permettent d’identifier la tendance de longue période de la série : le calcul d’une moyenne mobile, et la régression linéaire. • La moyenne mobile consiste à remplacer chaque observation par la moyenne arithmétique des observations qui l’entourent. Si par exemple on calcule une moyenne mobile sur trois périodes, on remplace la valeur observée en t par la moyenne des observations en (t – 1), t et (t + 1). On élimine ainsi l’influence des phénomènes cycliques dont la fréquence est inférieure à la durée de la période de calcul de la moyenne mobile. Si par exemple on calcule une moyenne mobile sur 12 mois, on élimine l’influence des phénomènes saisonniers. L’utilisation d’une moyenne mobile pose pourtant de sérieux problèmes : si l’on adopte une durée paire (par exemple 6, 8 ou 10 périodes), la période à laquelle fera référence la moyenne mobile sera décalée par rapport à la période de référence originelle. Plus fondamentalement, le calcul d’une moyenne mobile fait perdre autant d’observations que la durée de référence de la moyenne mobile. En calculant une moyenne mobile sur 12 mois, on perd les six premières observations de la série et les six dernières, alors même que les observations les plus récentes ont probablement une grande importance pour prévoir les valeurs futures de la série. Enfin lorsque le trend a été identifié par une moyenne mobile, il n’existe pas de méthode statistique directe pour le prolonger afin de prévoir les valeurs futures de la série. • La régression linéaire permet d’ajuster un trend aux valeurs observées en faisant du rang de la période la variable explicative. Différentes formes de trend peuvent être ajustées linéairement à une série (figure 6.5). L’analyste retient la forme d’ajustement qui obtient les meilleurs paramètres estimés (coefficient de détermination et test F de la variance expliquée par la droite de régression). Trend linéaire

Yt = a t + b

Trend quadratique

Yt = a t 2 + b t + c

Trend exponentiel

Yt = eat + b

Figure 6.5 – Différentes formes de trends à estimer par régression linéaire

• L’identification de la composante cyclique L’utilisation d’une moyenne mobile calculée sur 12 mois permet d’éliminer les variations saisonnières de la série. La moyenne mobile est donc égale par construction à la somme du trend, de la composante cyclique et des aléas. La série que nous utilisons dans cet exemple ne présente pas d’anomalies apparentes,

196

Vernette.Livre Page 197 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

PRÉVOIR LES VENTES

ANOVA Model 1

Regression Residual Total

Sum of Squares 5 509,094 98 293,953 103 803,0

df

Mean Square

F

Sig.

1 82 83

5 509,094 1 198,707

4,596

,035

Coefficients

Model 1 (Constant) TIME

Unstandardized Coefficients B Std. Error 172,558 ,334

Standardized Coefficients Beta

t

Sig.

,230

22,636 2,144

,000 ,035

7,623 ,156

Figure 6.6 – Recherche du trend de la série par régression linéaire 350,00 300,00 250,00 200,00

SERIE

150,00

trend

100,00 50,00 0,00 janv-99

janv-00

janv-01

janv-02

janv-03

janv-04

janv-05

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Figure 6.7 – Représentation du trend de la série

et aucun événement exogène majeur n’a affecté l’activité pendant la période étudiée. Il est donc possible de simplifier la décomposition de la moyenne mobile : MM12t = Trendt + Composante cycliquet La figure 6.8 représente la moyenne mobile de la série. Il est ensuite possible d’identifier la composante cyclique (voir au verso). Composante cyclique = Moyenne mobile12 – Trend La composante cyclique de la série est représentée par la figure 6.10. Le creux de la phase cyclique a été atteint en avril 2000, et un pic conjoncturel en décembre 2002. La longueur de la série (84 mois) est insuffisante pour disposer d’un nombre de pics et de creux qui permettrait de formuler une hypothèse quant à la durée d’un cycle conjoncturel, c’est-à-dire la durée qui sépare deux pics ou deux creux successifs. L’existence d’une composante cyclique dans la série est toutefois incontestable.

197

Vernette.Livre Page 198 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

350,00

300,00

Ventes

250,00

200,00

150,00

100,00

50,00

0,00 janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

SERIE

MM12

Figure 6.8 – Moyenne mobile MM12 1999

2000

2001

2002

jan

– 16,854

6,908

7,170

fev

– 8,779

– 2,622

– 5,100

mar

19,666

43,463

46,981

2004 24,494

2005

Coefficient saisonnier

20,199

8,383

4,846

2,993

– 1,732

40,724

33,156

36,798

avr

39,847

24,620

27,342

33,608

47,677

34,619

mai

– 10,063

– 9,313

– 15,018

34,539

23,680

4,765

– 33,364

– 39,693

– 50,245

– 63,789

49,684

38,997

– 16,402

78,762

85,760

95,977

137,379

39,467

aug

15,172

– 12,459

– 8,888

13,156

– 26,402

-3,884

sep

69,105

– 1,917

25,281

– 8,165

– 17,830

13,295

jun jul

87,469

oct

56,465

34,250

22,848

23,707

31,791

33,812

nov

– 17,007

7,776

23,264

14,738

13,517

8,458

dec

– 5,651

15,832

9,358

9,584

– 7,062

4,412

Figure 6.9 – Composante cyclique

• L’identification de la composante saisonnière Pour calculer la composante saisonnière, il suffit de soustraire la moyenne mobile 12 de la série initiale. La valeur absolue de la composante saisonnière est ainsi calculée pour chaque période, puis la valeur moyenne de cette composante pour chaque mois, déterminant ainsi la valeur des coefficients saisonniers

198

Vernette.Livre Page 199 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

PRÉVOIR LES VENTES

10,000 5,000 0,000 – 5,000 – 10,000 – 15,000 – 20,000 – 25,000 – 30,000 – 35,000 – 40,000 – 45,000

janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

cycle

Figure 6.10 – Valeur de la composante cyclique

mensuels (tableau 6.6). La figure 6.11 donne une représentation graphique de cette composante saisonnière mensuelle. Des influences saisonnières favorables aux ventes sont ainsi observées en mars, avril, juillet et octobre. 100,000

80,000

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

60,000

40,000

20,000

0,000

janv.

févr.

mars

avr.

mai

juin

juill.

août

sept.

– 20,000

– 40,000

série 1

Figure 6.11 – Coefficients saisonniers

199

oct.

nov.

déc.

Vernette.Livre Page 200 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

➤ La prévision des ventes à partir de méthodes de décomposition

La réalisation opérationnelle de prévisions des ventes met en œuvre des logiciels spécialisés (par exemple le module ETS du logiciel SAS), qui permettent de produire directement les valeurs prévues d’une série en appliquant aux données initiales les principes des méthodes de décomposition que nous venons d’exposer. Un modèle très populaire de prévision des ventes recourant à la décomposition de la série est mis en œuvre par le logiciel X11, développé initialement par le Bureau of Census aux États-Unis 1. Ce modèle permet notamment de comparer les résultats obtenus en testant successivement l’hypothèse d’une composition multiplicative puis d’une composition additive des mouvements élémentaires dans la série. Ce programme permet d’identifier la valeur de chacune des composantes : trend, cycle, composante saisonnière. Des programmes d’utilisation assez simple sont tournés vers la production de prévisions directement exploitables par l’analyste. La figure 6.13 décrit l’évolution de la série des ventes en 2006 prévue par le module FORECAST de SAS-ETS. L’utilisation de ces logiciels de prévision permet à l’analyste de disposer d’une très grande souplesse dans la réalisation des prévisions, notamment en calculant pour chaque période un intervalle de confiance autour de la valeur centrale prévue. La figure 6.12 décrit les prévisions établies par SAS FORECAST pour les valeurs de janvier et février 2006 de la série analysée dans cet exemple. La valeur « forecast » indique la tendance centrale prévue, L95 et U95 les valeurs inférieure et supérieure de l’intervalle de confiance construit autour de cette tendance centrale avec un seuil de confiance de 5 %. Obs

_TYPE_

_LEAD_

SERIE

1

FORECAST

1

203.143

2

L95

1

125.596

3

U95

1

280.691

4

FORECAST

2

195.744

5

L95

2

116.387

6

U95

2

275.102

Figure 6.12 – Exemple de prévisions mensuelles réalisées avec SAS FORECAST

1. Le programme Census X11 est également disponible dans le module ETS de SAS.

200

Vernette.Livre Page 201 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

PRÉVOIR LES VENTES

350,00 300,00

Ventes

250,00 200,00 150,00 100,00 50,00 0,00 janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

Figure 6.13 – Prévisions des ventes 2006

Ces méthodes de décomposition présentent l’avantage de fournir une analyse très fine des évolutions passées du phénomène étudié, notamment en termes de fluctuations cycliques et saisonnières. Leur principale limite résulte du poids égal qu’elles accordent à toutes les observations passées, y compris les plus anciennes. On peut en effet avancer l’hypothèse selon laquelle les données récentes exercent plus d’influence sur le futur proche que les données les plus anciennes. Les méthodes de prévision par lissage vont reposer sur cette hypothèse.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Les méthodes de lissage Les méthodes de prévision fondées sur la décomposition de la série chronologique présentent trois inconvénients méthodologiques : – la prévision accorde le même poids aux informations les plus anciennes et aux plus récentes, alors que ces dernières doivent intuitivement exercer une influence plus forte sur le futur proche ; – le calcul des prévisions utilise toutes les observations, ce qui nécessite la manipulation de fichiers de plus en plus volumineux au fur et à mesure de l’enrichissement de la base de données. Cette limite doit être nuancée : la puissance de calcul des ordinateurs rend en effet la mise en œuvre des logiciels de prévision presque indépendante de la taille des séries usuellement utilisées pour les prévisions (quelques centaines d’observations au plus) ; – tous les paramètres du modèle de prévision sont recalculés chaque fois qu’une nouvelle observation est prise en compte. Chaque donnée nouvelle est en effet susceptible de modifier la valeur du trend, de la composante cyclique et de la composante saisonnière.

201

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Les méthodes de lissage permettent de s’affranchir de ces limites. Le principe de ces méthodes est d’exploiter la plus récente prévision effectuée en incorporant l’erreur entre cette prévision et la valeur réelle pour réaliser la prévision suivante. Soit : Pt = Prévision de la valeur de la série pour la période t xt = Valeur réelle de la série pour la période t α = Constante de lissage La formule permettant de calculer la prévision de la valeur de la série pour la période t est alors : Pt = Pt – 1 + α(xt – Pt – 1) Cette formule correspond à un lissage simple. Elle présente l’inconvénient de n’être applicable que si la série est stationnaire, c’est-à-dire ne présente pas de tendance croissante ou décroissante. Si cette condition n’est pas satisfaite, on doit appliquer le lissage double, c’est-à-dire que l’on applique un second lissage à la série déjà lissée. La formule du lissage exponentiel double est alors : Pt = αxt + (1 – α)at avec at = α(Pt – Pt – 1) + (1 – α)at – 1. Le choix de la constante de lissage alpha conditionne la qualité des résultats obtenus. Selon la valeur choisie, les observations passées sont prises en compte avec plus ou moins d’importance. Plus la valeur de alpha est faible, et plus les observations anciennes sont prises en compte pour lisser la série. Si au contraire alpha est élevé, les observations anciennes exercent peu d’influence sur la prévision, et la série lissée prend davantage en compte les variations des données, même lorsqu’elles résultent d’un aléa conjoncturel. Pratiquement, il est commode de tester la manière dont le lissage se situe par rapport aux données en fonction des valeurs de alpha. La figure 6.14 illustre ce principe en comparant la forme de la série statistique lissée en utilisant successivement des valeurs de alpha de 0,1, de 0,2 et de 0.4. Avec le coefficient égal à 0,4, la sensibilité de la série est beaucoup plus forte. Les logiciels statistiques proposent des applications plus complètes du lissage exponentiel, en particulier en reprenant le principe de décomposition de la série. Ainsi, dans la méthode de Winters 1, l’analyste peut spécifier à la fois le coefficient alpha qui détermine l’importance accordée aux observations les plus anciennes, un coefficient de lissage de la tendance à long terme, et un 1. Cette méthode est notamment disponible dans le module de prévision de SPSS.

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PRÉVOIR LES VENTES

350,000

300,000

250,000

200,000

150,000

100,000

50,000

0,000 janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. janv. avr. juill. oct. 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

SERIE

Alpha0.1

Alpha0.2

Alpha0.4

Figure 6.14 – Lissage exponentiel

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

coefficient de lissage de la composante saisonnière. Les paramètres du modèle sont généralement estimés de manière séquentielle : la tendance et la composante saisonnière sont estimées à partir d’un échantillon des observations (par exemple la première moitié de la série, soit les observations les plus anciennes), puis les constantes de lissage à partir du reste de la série. L’avantage des méthodes de prévision fondées sur le lissage exponentiel réside dans leur simplicité de mise en œuvre. En revanche, le principe même de la méthode, qui fait dépendre les valeurs prévues des observations les plus récentes, limite l’horizon de la prévision au court terme. La stabilité des conditions d’environnement est également une condition de validité des prévisions issues de cette méthode, ce qui limite là encore sa portée.

La méthode de Box et Jenkins et ses prolongements La méthode de Box et Jenkins se démarque sensiblement du caractère déterministe des méthodes de prévision fondées soit sur la décomposition de la série, soit sur le lissage exponentiel. Elle ne spécifie pas de modèle a priori, et permet au contraire à l’analyste d’explorer l’ajustement de plusieurs modèles à la série afin d’identifier celui qui est le mieux adapté. La mise en œuvre de la méthode de Box et Jenkins se déroule en trois étapes. • Étape 1 : la phase d’identification sert d’abord à tester le caractère stationnaire de la série, c’est-à-dire l’absence de tendance et de composante saisonnière.

203

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Si cette condition n’est pas satisfaite, les logiciels utilisés proposent des traitements des données initiales pour satisfaire cette contrainte. La procédure d’identification teste également différents modèles autorégressifs, c’est-àdire des modèles qui évaluent la périodicité de la série en calculant la corrélation de chaque observation avec chacune des observations antérieures. À l’issue de cette phase, l’analyste peut choisir quel modèle semble le mieux adapté aux caractéristiques de la série. • Étape 2 : la phase d’estimation permet de calculer les paramètres du modèle qui a été choisi. Différents indicateurs permettent d’évaluer l’adéquation de ce modèle et son ajustement aux données initiales. • Étape 3 : si les paramètres d’ajustement sont jugés satisfaisants, l’analyste peut utiliser le modèle pour réaliser des prévisions pour lesquelles un intervalle de confiance peur être calculé. L’horizon des prévisions permises par le modèle de Box et Jenkins reste le court terme (moins d’un an). Cette procédure est par exemple proposée par le module ETS du logiciel SAS sous le nom de ARIMA (Auto Regressive Integrated Moving Average). Les résultats de cette méthode seront meilleurs si la série de données initiales est longue (au moins 50 observations). La condition de stationnarité de la série limite cependant le domaine d’application de cette méthode à des séries stables. Le caractère largement automatisable de la procédure peut la rendre intéressante pour traiter des bases de données importantes, par exemple dans le domaine de la gestion des stocks, à condition toutefois que les conditions d’environnement soient assez stables !

Méthodes fondées sur l’expérimentation Dans le cadre de sa stratégie marketing, l’entreprise peut manipuler différentes variables d’action afin d’améliorer sa position concurrentielle et ses ventes. Ces décisions sont le plus souvent motivées par les résultats d’une étude de marché qui a mis en évidence la nécessité de modifications du produit (conditionnement par exemple), de son prix, de la politique de communication ou de la distribution. L’ampleur des investissements engagés à l’occasion de telles actions exige de réduire le plus possible l’incertitude qui entoure l’effet de ces décisions pour l’entreprise. Il est donc habituel de réaliser des tests auprès des clients en vue de quantifier l’évolution des ventes qui résultera du changement de politique de l’entreprise. Mais les décisions de marketing se caractérisent par l’interdépendance des variables manipulées par l’entreprise. En effet, si la firme désire choisir entre deux conditionnements celui qui est le plus attrayant pour la cible, et entre deux niveaux de prix celui qui maximise les ventes, il est nécessaire non seulement de mesurer la relation entre type de conditionnement et ventes d’une part, entre prix et ventes d’autre part, mais aussi l’effet des interactions entre ces variables. Il est toutefois impossible de cerner l’ensemble des

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PRÉVOIR LES VENTES

variables susceptibles d’influencer les ventes, et l’analyste devra se contenter de sélectionner celles dont l’impact est le plus important. Lorsque les variables expérimentales ont été sélectionnées, l’analyste va développer une procédure de mesure de leur effet sur les ventes : c’est l’objectif des plans d’expérience (chapitre 3) L’ensemble du plan marketing de l’entreprise peut aussi être testé expérimentalement auprès d’un sous-ensemble du marché : c’est l’objectif poursuivi par les marchés tests (chapitre 3).

Les plans d’expérience La démarche expérimentale en marketing est schématisée par la figure 6.15. L’objectif de l’analyste est de quantifier l’influence de la variable d’action (variable indépendante) sur la variable dépendante (les ventes par exemple), tout en contrôlant l’influence des variables non maîtrisées que l’on peut regrouper sous le terme d’influences environnementales. La réalisation d’une expérimentation doit s’efforcer de maîtriser le plus complètement possible les facteurs qui peuvent influencer la variable dépendante. Facteurs non maîtrisés par l’analyste Variable dépendante (ventes)

Variable d’action maîtrisée par l’analyste (variable indépendante)

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Figure 6.15 – Principes de l’expérimentation en marketing

Une procédure expérimentale combine toujours deux actions de la part de l’analyste : une exposition des sujets à un stimulus expérimental contrôlé, qui sera désigné Xi dans la suite du texte, et une observation de la variable dépendante que l’on cherche à influencer, qui sera désignée Oi. L’objectif des plans d’expérience est de contrôler le plus étroitement possible tous les facteurs exogènes afin de quantifier le plus précisément possible la part de la variation de O qui est effectivement imputable au traitement X. ➤ Les effets non contrôlés par l’expérimentation

L’analyste doit prendre en compte six facteurs exogènes susceptibles d’affecter la validité d’une expérimentation 1. 1. Churchill G.A., (1995), Marketing Research. Methodological Foundations, 6th ed, Dryden Press, New York, 205-210.

205

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

• L’effet d’histoire : un événement purement aléatoire peut se produire pendant l’expérimentation, par exemple des intempéries qui limitent la possibilité pour les clients de se rendre dans les magasins pendant la période où se déroule l’expérience. • L’effet de maturation : les individus peuvent changer pendant la durée de l’expérience, même si elle est de courte durée (effet de la faim ou de la lassitude). • L’effet de test : le simple fait d’exposer un sujet à un stimulus expérimental va modifier la réponse de ce sujet. Deux effets de test doivent être distingués : d’une part la répétition de la même mesure avant et après l’exposition au stimulus expérimental crée un effet d’accoutumance, et d’autre part l’exposition au stimulus est elle-même affectée par la mesure qui a été préalablement effectuée : le fait d’administrer au sujet un questionnaire sur les téléphones portables (O1) influencera la manière dont il percevra le téléphone qui lui est ensuite présenté (X1), puis qu’on lui demande d’évaluer (O2). • L’effet d’instrumentation : il résulte de modifications de l’instrument de mesure, ou plus souvent de changement des conditions d’administration de l’instrument de mesure. Par exemple, la mesure O2 peut être réalisée dans un magasin soit à l’intérieur de la surface de vente, soit en sortie de caisse. • Le biais de sélection : lorsque des groupes expérimentaux sont constitués, il est souhaitable que les individus qui leur sont affectés soient les plus similaires possible. L’affectation d’un individu à un groupe doit donc être déterminée de la manière la plus strictement aléatoire possible, par exemple en utilisant un tirage de nombres au hasard. • La mortalité expérimentale : elle traduit la perte de certains individus au cours de l’expérimentation. Elle est d’autant plus importante que la durée de l’expérimentation est longue. ➤ Les types de plan d’expérience

Trois types de plan d’expérience peuvent être mis en œuvre : le plan pré-expérimental, le plan expérimental au sens strict, et le plan quasi expérimental.

• Le plan pré-expérimental Le plan pré-expérimental se caractérise par l’absence de contrôle exercé par l’analyste sur les conditions de l’expérimentation et sur l’influence des facteurs d’environnement. S’il présente l’avantage d’être facilement et rapidement mis en œuvre, la portée des résultats qui peuvent en être tirés est très faible. Dans sa forme la plus rudimentaire, le plan pré expérimental se réduit à une seule mesure : X O.

206

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PRÉVOIR LES VENTES

Une telle démarche peut être mise en œuvre dans une perspective exploratoire, notamment pour valider l’instrument de mesure utilisé en O. Mais la portée des résultats en termes de mise en évidence d’une causalité est naturellement très problématique. Un plan pré-expérimental plus élaboré peut prendre la forme suivante : O1 X O2. Le calcul de la différence entre O1 et O2 permet d’estimer l’influence du traitement expérimental X. L’analyste doit alors supposer une parfaite absence d’influence d’autres variables non contrôlées, ce qui peut éventuellement être acceptable dans de strictes conditions de laboratoire. Enfin une troisième variante consiste à isoler un groupe de contrôle qui servira à mesurer la variable dépendante en l’absence d’exposition à l’expérimentation : Groupe test : X O1 Groupe de contrôle : O2 L’effet de l’expérimentation sera alors évalué par O1 – O2.

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• Le plan expérimental au sens strict Le plan expérimental au sens strict suppose une affectation strictement aléatoire des sujets à différents groupes de traitement, afin de mesurer les influences respectives des variables contrôlées et des variables exogènes. – Le plan avant/après avec groupe de contrôle Il aura la configuration suivante : Groupe test : O1 X O 2 Groupe de contrôle : O3 O4 Si l’on désigne par E l’effet de la variable expérimentale et par K l’influence des variables d’environnement non maîtrisées, on peut mesurer l’effet de la variable contrôlée par les équations suivantes : O2 – O 1 = E + K O4 – O 3 = K (O2 – O1) – (O4 – O3) = E – Le plan avant/après avec contrôle de l’interaction Lorsque l’analyste a des raisons de penser que la mesure initiale avant expérimentation va causer une interaction avec l’expérimentation (effet de test), il peut développer un plan d’expérience à quatre groupes en adoptant le design suivant : Groupe test 1 : O1 X O 2 Groupe de contrôle 1 : O3 O4 Groupe test 2 : X O5 Groupe de contrôle 2 : O6 207

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Si l’on désigne par E l’effet du traitement expérimental, par K l’effet des variables d’environnement non contrôlées et par T l’effet de test, nous obtenons les équations suivantes : O2 – O 1 = E + K + T O4 – O 3 = K [O5 – 1/2(O1 + O3)] = E + K [O6 – 1/2(O1 + O3)] = K L’effet du traitement expérimental sera donné par : [O5 – 1/2(O1 + O3)] – [O6 – 1/2(O1 + O3)] = E

• Le plan quasi expérimental L’analyste peut parfois déterminer seulement la chronologie de la mesure et sélectionner les sujets de l’expérimentation sans pouvoir les affecter de manière strictement aléatoire à des groupes de traitement. On parlera alors de plan quasi expérimental. Une illustration de cette démarche est donnée par l’utilisation de séries temporelles selon le modèle suivant : O1 O2 O3 O4 X 05 O6 O7 De nombreuses applications du plan quasi expérimental peuvent être rencontrées dans la pratique marketing des entreprises : impact sur les ventes, observées par un panel, de l’introduction d’une nouvelle marque sur le marché ; impact d’une action promotionnelle d’un concurrent ; modification des bénéfices consommateur associés à un programme de fidélité… Même si cette procédure ne permet pas de cerner l’influence de toutes les variables potentiellement importantes, elle répond au besoin de rapidité d’analyse dans un contexte stratégique. ➤ Les modèles expérimentaux

Nous n’avons abordé jusqu’à présent que le test d’une seule variable explicative. Or les décisions de marketing manipulent en général plusieurs variables simultanément, et il est alors nécessaire de quantifier à la fois l’influence de chacune des variables élémentaires, et parfois l’effet de leur interaction. Les modèles expérimentaux permettent de traiter cette problématique. Nous présenterons successivement les principes de la méthode des blocs aléatoires, du carré latin, qui ne permettent pas de traiter l’effet des interactions entre les variables expérimentales, et enfin des plans factoriels qui permettent le traitement des interactions 1. 1. Nous verrons d’autres exemples d’application de ces modèles dans le chapitre 9 consacré aux tests de prix.

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PRÉVOIR LES VENTES

• La méthode des blocs aléatoires Cette méthode permet d’analyser l’influence d’une variable contrôlée sur différents segments de clients. Prenons l’exemple d’une compagnie aérienne qui veut évaluer l’influence de trois programmes de fidélisation, offrant des bénéfices distincts, désignés W, X et Y, sur trois segments de clients : les passagers « affaires » réguliers, les passagers « affaires » occasionnels, et les passagers « loisirs ». Les blocs aléatoires suivants seront construits :

Clientèle affaires régulière Clientèle affaires occasionnelle Clientèle loisirs

Type de programme de fidélisation W X Y W1 X1 Y1 W2 X2 Y2 W3 X3 Y3

En mesurant la valeur des variables Wi, Xi et Yi, par exemple les ventes enregistrées pendant la durée de l’expérimentation, il est possible de calculer l’influence de chacun des programmes de fidélisation en général, et auprès de chaque segment en particulier, en développant un modèle d’analyse de la variance 1. Les logiciels statistiques intégrés comme SPSS ou SAS proposent des modules complets de conception du plan expérimental et de son traitement par analyse de variance.

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• La méthode du carré latin La méthode du carré latin permet d’évaluer l’influence de deux variables contrôlées sur la variable dépendante, par exemple les ventes. Reprenons l’exemple d programme de fidélisation développé par la compagnie aérienne. Celle-ci souhaite évaluer l’influence du média de communication utilisé pour présenter chacune des modalités de ce programme (W, X et Y) à chacun des trois segments, en comparant les trois média suivants : le marketing direct téléphonique, le marketing direct postal, et le marketing direct par e-mail. La combinaison de ces trois types de programme, des trois modes de relations, et des trois segments, conduit à la construction du carré latin suivant. Type de programme de fidélisation Clientèle affaires régulière Clientèle affaires occasionnelle Clientèle loisirs

W Téléphone E-mail Courrier

X Courrier Téléphone E-mail

Y E-mail Courrier Téléphone

1. Pour un développement du modèle d’analyse de variance appliqué à la méthode des blocs aléatoires, on se reportera par exemple à Churchill, (1995), op. cit., p. 868-872.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Les sujets retenus pour l’expérimentation sont assignés de manière aléatoire à chacun des neuf groupes de traitement, et le volume de transactions qu’ils génèrent pendant la durée de l’expérimentation est mesuré. La construction d’un modèle d’analyse de variance permet ensuite de calculer l’influence de chacune des sources de variation des ventes 1. La conception et le traitement statistique des résultats du carré latin sont également incorporés dans les logiciels statistiques intégrés tels que SPSS et SAS.

• Les plans factoriels Le plan factoriel permet non seulement d’évaluer l’effet de chaque variable contrôlée sur la variable dépendante, mais encore de mesurer l’intensité de l’effet d’interaction entre les variables. Supposons par exemple que la compagnie aérienne teste simultanément l’attractivité des trois programmes de fidélisation W, X et Y, et des trois modes de relation (téléphone, courrier, e-mail), auprès du segment de la clientèle d’affaires régulière. Le plan factoriel suivant sera construit. Type de programme de fidélisation W

X

Y

Téléphone

V1

V2

V3

Courrier

V4

V5

V6

E-mail

V7

V8

V9

En mesurant les ventes Vi réalisées pendant l’expérimentation, on peut ensuite construire un modèle d’analyse de variance qui évaluera les influences suivantes : – Téléphone → Ventes – Courrier → Ventes – E-mail → Ventes – Programme W → Ventes – Programme X → Ventes – Programme Y → Ventes – Téléphone et type de programme → Ventes – Courrier et type de programme → Ventes – E-mail et type de programme → Ventes 1. Pour un développement du modèle d’analyse de variance appliqué à la méthode du carré latin, on se reportera par exemple à Churchill, (1995), op. cit., p. 872-876.

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PRÉVOIR LES VENTES

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Les marchés tests La forme la plus aboutie de test de l’influence d’un programme de marketing sur les ventes passe par la réalisation d’un test de marché, soit dans des conditions de terrain réelles, soit dans un environnement contrôlé Le coût de la réalisation d’un marché test en vraie grandeur et surtout les risques que cette procédure comporte en termes d’information de la concurrence sur les intentions de l’entreprise, ont conduit au développement de marchés tests simulés en laboratoire 1. Les sociétés d’études ont mis au point à partir de données de panels des modèles de simulation qui permettent de conduire des marchés tests simulés dans de bonnes conditions de fiabilité. La démarche de prévision des ventes est alors la suivante 2 : – exposition du consommateur au nouveau produit et aux variables d’action que la firme compte développer, et mesure de l’attitude du consommateur à l’égard du nouveau produit (notoriété, composante affective, intention d’achat) ; – présentation du produit nouveau au consommateur dans son environnement concurrentiel (éventuellement dans un rayon de magasin laboratoire, pour cerner le plus correctement possible l’environnement produit et merchandising), et mesure du taux d’adoption du nouveau produit t, – après un temps de latence égal au délai moyen de réachat observé pour la catégorie de produit, le produit est à nouveau proposé au consommateur, et le taux de réachat r est mesuré. On compare également le volume de consommation des acheteurs du nouveau produit dans la catégorie par rapport à la moyenne des acheteurs dans la catégorie ; – la part de marché prévisionnelle du nouveau produit est alors estimée en appliquant un modèle qui combine la politique de distribution (disponibilité valeur prévue par la marque), le taux de notoriété, le taux de préférence, le taux d’essai et le taux de réachat.

CONCLUSION Les méthodes de prévision des ventes ont connu un important développement sous la double influence des progrès des logiciels statistiques et de la constitution par les entreprises de bases de données permettant de disposer de séries chronologiques longues. 1. Nous verrons deux exemples de ce type de tests dans le chapitre 10 consacré aux tests de communication. 2. Steyer A.,Clauzel A. et Quester P., (2005), Marketing. Une approche quantitative, Pearson Education, p. 111.

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LES ÉTUDES STRATÉGIQUES

Elles ont permis aux entreprises de réaliser de très importants gains de productivité en optimisant la relation avec le marché : la mise en œuvre de flux tendus dans les systèmes logistiques et la généralisation du « zéro stock » ne seraient pas possibles sans la mise en œuvre de méthodes fiables de prévision des ventes. Ces méthodes occupent enfin une place importante dans les logiciels de planification des ressources (ERP, pour Enterprise Resource Planning) qui sont utilisés pour améliorer l’intégration de l’ensemble des opérations qui soustendent la chaîne de valeur de l’entreprise.

BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE BOURBONNAIS, R. et USUNIER J.-C., (2001), Prévision des ventes. Théorie et pratique, 3e édition, Economica. IACOBUCCI, D. et CHURCHILL G.A., (2004), Marketing Research, South Western Publishing. PUPION, P.-C. (2004), Statistiques pour la gestion. Applications avec Excel et SPSS, Dunod.

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PARTIE II

Les études pour optimiser le marketing-mix

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CHAPITRE 7

Études du nouveau produit

Les études pour optimiser le marketing-mix Chapitre 7 Études du nouveau produit

Panorama et aspects méthodologiques Tests de concepts Tests sensoriels Tests hédoniques, attitudes et usages

Chapitre 8 Études de marque Chapitre 9 Études de prix Chapitre 10 Études de communication Chapitre 11 Études de distribution

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Plan du chapitre

L

ES études du nouveau produit sont probablement les études marketing les plus fréquentes dans l’entreprise, mais sont parmi les plus délicates à réaliser et les plus risquées, compte tenu des enjeux financiers. Leur dénomination et leur étendue fluctuent d’une entreprise à l’autre : on trouve, sous cette dénomination, tout aussi bien des études techniques, que des études sur la viabilité d’une idée de produit ou de service, ou sur l’évaluation d’un potentiel de vente. Dans un premier temps, nous définirons et délimiterons les différents périmètres des études de produits ; ce faisant, nous en profiterons pour répondre aux questions méthodologiques les plus récurrentes. Nous présenterons ensuite les quatre types d’étude produits les répandues (voir figure 7.1).

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Validation de l’idée

Validation des phases opératoires de la conception du produit

Test de concept

Test attitude & usage Test hédonique

Champ couvert par le chapitre

Validation des ventes

Marché test réel Marché test simulé

Test sensoriel

Figure 7.1 – Séquence des tests marketing de produit et plan du chapitre

Nous commencerons par le test de concept, poursuivrons avec les tests sensoriels ; nous finirons en traitant dans un dernier paragraphe les études hédoniques, les tests d’attitude et d’usage. Les tests de marché figurent dans la séquence des tests du nouveau produit ; mais du fait de leur nature stratégique, nous les avons évoqués dans le chapitre précédent. Par ailleurs, le nouveau produit peut être testé avec plusieurs niveaux de prix, et selon plusieurs modalités de communication. Nous présenterons ces deux types de marché test dans les chapitres 9 (prix) et 10 (communication).

Panorama et aspects méthodologiques Objectifs des tests de produits Les tests du nouveau produit servent avant tout à orienter le lancement d’un produit ; cependant, certains d’entre d’eux sont également utilisables pour la gestion marketing d’un produit déjà commercialisé. Nous envisagerons deux cas : le cas où le produit n’existe pas encore (test de concept), et le cas où le produit est disponible (test opératoires). ➤ Tests de concept

Les tests de concept déterminent l’acceptabilité par le marché de l’idée du nouveau produit. Le marketing travaille à partir de descriptions du produit ou du service, de croquis ou d’image de synthèse de maquette (voir la deuxième partie de ce chapitre).

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Consommateurs appartenant aux cibles visées Recueil en laboratoire ou à domicile Attributs intrinsèques du produit et/ou du packaging déterminants de la qualité perçue et/ou de la préférence globale Acceptabilité du produit Interactions entre les informations sur le produit et la perception de la communication Jugements d’attitude et comportementaux

Consommateurs potentiels ou clients « naïfs » appartenant à des cibles potentielles Recueil en laboratoire ou à domicile Liste d’attributs déterminants de qualité intrinsèque et/ou de la préférence globale Acceptabilité globale et préférence du produit Effets des interactions d’informations sensorielles et non sensorielles Jugements affectifs Attitude et usage

Experts Consommateurs entraînés Recueil en laboratoire Registre de descripteurs sensoriels (gustatifs, olfactifs, tactiles, auditifs).

Acceptabilité de différentes combinaisons (stimuli) de caractéristiques sensorielles Jugements cognitifs

Spécificités de la collecte des données

Nature des résultats obtenus

Objectifs majeurs

217 Figure 7.2 – Comparaison des tests de produit opératoires

Mesurer la qualité perçue en situation de concurrence Évaluer les préférences globales, les intentions et les comportements d’achat futurs Qualifier les usages réels du produit et leur appréciation

Mesurer la qualité intrinsèque « perçue » : évaluer l’appréciation subjective des attributs du produit Évaluer les préférences globales des produits

Mesurer la qualité intrinsèque « effective » Déterminer le niveau « objectif » des attributs sensoriels du produit Vérifier l’existence d’une différenciation par rapport aux concurrents

Test d’attitude Test d’usage

Test hédonique

Test sensoriel

Caractéristiques

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ÉTUDES DU NOUVEAU PRODUIT

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

➤ Tests opératoires

Ils évaluent la conformité du produit en cours de développement (prototype ou produit de pré-série) avec les spécifications marketing contenues dans le cahier des charges. De façon analogue, ces tests servent à élaborer le plan marketing de produits déjà existants, car ils permettent notamment de comparer les performances du produit à celles des concurrents. Ils regroupent trois formes de tests que nous comparons dans la figure 7.2. • Les tests sensoriels vérifient la conformité des qualités intrinsèques (« objectives ») du produit avec les spécifications du cahier des charges. Ils se pratiquent avec des experts ou des consommateurs entraînés. Nous exposerons leurs principes dans la troisième partie de ce chapitre. • Les tests hédoniques évaluent les différents attributs de la qualité intrinsèque (« perçue »), sous un angle affectif (« j’aime, j’aime pas ») ou de la préférence globale des consommateurs pour le produit. Pour éviter l’influence de l’image de marque sur le jugement, la marque reste cachée lors du test. Ils sont réalisés avec des consommateurs appartenant à la cible visée. • Les tests d’attitude et d’usage sont proches des précédents sur le plan méthodologique ; ils n’en différent souvent que par la présence de la marque lors du test. C’est la raison pour laquelle ces deux types de test seront traités ensembles dans la quatrième partie de ce chapitre.

Réalisation du terrain : questions les plus fréquentes (FAQ) Nous avons listé la plupart des questions communes aux différents types de test que se posent les hommes de marketing. Comme il existe rarement de réponse optimale, nous présenterons les avantages et les risques associés à chaque décision. ➤ Question n˚ 1 : comment comparer les produits ?

La réponse à cette question a des incidences majeures sur la collecte et l’analyse des données. La figure 7.3 montre les différentes familles de test envisageables 1.

• Tests monadiques – Monadique simple : un seul produit doit être évalué. Cette forme, très économique (un seul échantillon est nécessaire), est à réserver au cas où aucune

1. Il existe d’autres variantes. Pour approfondir, voir Morin-Delerm S., (2000), Les tests de produits : quelle technique de test pour quel objectif ?, in Bloch A. et Manceau D., De l’idée au marché, Vuibert, p. 140-155 ; Morin-Delerm, (1995), Mise en œuvre et interprétation des tests de produit : un diagnostic des difficultés, Thèse de doctorat de Sciences de Gestion, IAE de Paris.

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ÉTUDES DU NOUVEAU PRODUIT

Monadique séquentiel Échantillon A

t1

P1

Monadique apparié Échantillon A

Échantillon B

P1

P2

Duo test (pairé) Échantillon A

P1

P2

Triangulaire t2

Échantillon A

P2 P1

P2

P1

Figure 7.3 – Méthodes de comparaison des produits

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comparaison n’est possible. Par exemple, lorsque le produit nouveau crée une nouvelle catégorie, comme les pâtes Bolino ou le lecteur Apple iPod. En fait, dans la pratique, le test est le plus souvent relatif : on demande au répondant de « comparer le produit à celui qu’il utilise habituellement ». – Monadique apparié : cette variante consiste à jumeler des échantillons de répondants sur des variables de contrôle, telles que sociodémographiques, familiarité avec la marque, les quantités consommées. Les répondants sont affectés au hasard : l’échantillon A testera le produit 1, l’échantillon B, le produit 2. On multiplie les échantillons, en fonction du nombre de produit à tester. Ce test permet d’augmenter le nombre de caractéristiques d’évaluation, puisque chaque consommateur ne teste qu’un seul produit. Sur le plan du traitement des données, les mesures seront considérées comme indépendantes, ce qui simplifie l’interprétation des analyses de la variance. La figure 7.4 résume les avantages et difficultés des tests monadiques. Avantages

Difficultés

Proche de la réalité : on n’utilise qu’un seul produit à la fois Rapide et facile à administrer Informations plus riches Formule moins onéreuse

Sélection des variables de contrôle pour l’appariement des échantillons Absence de l’environnement concurrentiel Risque d’absence de repères Source : adapté de Morin-Delerm S., (2000), op. cit., p. 144

Figure 7.4 – Évaluation des tests monadiques

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

• Tests comparatifs – Monadique séquentiel : le consommateur évalue, l’un après l’autre, les différents produits à tester. Après chaque test, il répond à une série de questions, identiques pour les différents produits. Ce test est très économique par rapport au test monadique apparié : en effet, un même échantillon évalue plusieurs produits. En revanche, il ne faut pas faire tester trop de produits, car les effets de rémanence et des biais de présentation peuvent survenir (voir FAQ n˚ 3 et 4). – Duo-test (test pairé) : le répondant compare deux produits en même temps. Cette forme de test est considérée comme trop éloignée de la réalité, car le consommateur n’utilise pratiquement jamais deux produits à la fois. En revanche, elle facilite la formation des jugements de préférence globale, car le répondant a la possibilité d’affiner ses évaluations, attribut par attribut. Lorsqu’on doit tester plusieurs produits concurrents (par exemple A, B, C, D), il convient d’établir un plan factoriel fractionné pour réduire le nombre de comparaisons par paire (par exemple, un groupe teste la paire A vs B, un autre B vs C, etc.). – Test triangulaire : on présente au répondant trois formules de produit, deux d’entre elles étant semblables. L’interviewé indique, après le test, le produit qu’il juge différent des deux autres. Cette technique est précieuse pour les tests sensoriels, car elle permet de vérifier si deux formules de produits sont bien perçues différemment. Les avantages et difficultés de ces tests sont synthétisés dans la figure 7.5. Avantages

Difficultés

Adapté aux tests sensoriels Jugement précis et plus focalisé sur la recherche de différence ou de ressemblance entre les produis

Préférer un produit ne signifie pas nécessairement que l’on est prêt à l’acheter Nécessité de faire tourner les combinaisons de paires si l’on a plus de deux produits à tester

Figure 7.5 – Évaluation des tests comparatifs

En conclusion, nous recommandons les tests monadiques séquentiels pour les tests hédoniques, car ils sont plus rapides et moins coûteux que les tests comparatifs, tout en étant précis. Les tests comparatifs conviennent mieux pour une étude sensorielle ou lorsque les produits sont proches. ➤ Question n˚ 2 : faut-il la présence effective de produits ?

La plupart du temps, les objectifs du test de produit imposent le contact sensoriel avec un produit réel pour pouvoir manipuler, écouter, sentir, observer ou goûter. Cependant, il est possible de remplacer celui-ci par une image de

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ÉTUDES DU NOUVEAU PRODUIT

synthèse (produit virtuel), une photo, voire une simple fiche technique. La banalisation de l’Internet offre la possibilité de test de produit virtuel on line, avec les avantages d’une flexibilité accrue associée à une réduction des coûts (logistique et d’échantillonnage). Des applications intéressantes existent ; certaines ont fait l’objet de validations satisfaisantes 1 : pour le test de nouvelles fonctionnalités dans une voiture, une nouvelle forme de pompe pour gonfler les pneus d’un vélo… Une autre expérience a montré que, dans le cas d’une extension de gamme (dentifrice au soda), on peut remplacer le produit réel par une simple description détaillée de son positionnement et des bénéfices attendus et un visuel. Les résultats des études n’ont pas montré de différence significative pour la préférence globale et intérêt d’achat entre les deux formes de test (présence vs absence) 2. ➤ Question n˚ 3 : combien peut-on présenter de produits durant le test ?

Pour les épreuves faisant intervenir le goût, l’odorat ou l’ouïe, les effets de rémanence des tests antérieurs (arrière-goût, saturation olfactive, fatigue auditive) brouillent les jugements et finissent par atténuer la perception des différences. De plus, les sensations gustatives, olfactives, voire auditives se transforment en fonction de ce qui a été goûté, senti ou entendu au préalable. Dans le cas d’un test monadique séquentiel, il est nécessaire de contrôler l’ordre de présentation (cf. encadré 7.1). Pour des tests hédoniques, le test ne devrait pas dépasser 5 à 7 produits ; pour des tests sensoriels, avec des experts ou des consommateurs entraînés, on peut aller jusqu’à une douzaine de produits. Pour les tests faisant intervenir la vue seule (jugement d’une image, croquis, dessin), on peut faire tester successivement une dizaine, voire une vingtaine, de produits par un même répondant.

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➤ Question n˚ 4 : doit-on contrôler l’ordre de présentation des produits ?

Existe-t-il un biais (favorable ou défavorable) pour le produit présenté en premier, en second ou en dernière position ? Les recherches montrent que le produit présenté en premier tend à être favorisé, mais cet effet n’est pas systématique : tout dépend de la situation et du contexte du test (voir encadré 7.1). Face à ces risques, deux solutions s’offrent au chargé d’étude : • Contrôler l’ordre : on « randomise » les présentations des produits et des questions, c’est-à-dire que l’on varie l’ordre selon les répondants. Cette solution 1. Dahan E. et Hauser J., (2002), « The virtual costumer », The Journal of Product Innovation Management, 19, p. 332-353 ; Dahan E. et Srinivasan V., (2000), « The predictive power of internet-based product concept testing visual despiction and animation », The Journal of Product Innovation Management, 17, p. 99-109. 2. Dickison J. et Wilby C., (1997), « Concept testing without product trial », The Journal of Product Innovation Management, 14, p. 117-125.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

est de loin la plus sûre, car cette alternance neutralise un éventuel biais. Cette tâche, autrefois complexe et fastidieuse, est maintenant plus facile à gérer avec les systèmes de questionnaires automatisés de type CATI, CAPI ou CAWI ; Malgré tout, cela complique toujours le plan d’échantillonnage et accroît la taille des échantillons nécessaires, si les produits à tester sont nombreux. D’un point de vue statistique, l’analyse de covariance permet de vérifier la présence d’un éventuel effet d’ordre. • Garder toujours le même ordre : on confronte les résultats du test à des normes tirées d’une base de données établie sur des tests de produits analogue. On vérifie ainsi si le score du produit A, présenté en premier, est supérieur ou inférieur à la moyenne des tests antérieurs portant sur même la catégorie de produit et avec un ordre de question identique. Cette solution n’est valable que si la base de référence s’appuie sur un grand nombre de tests. ENCADRÉ 7.1

Existe-t-il un biais selon l’ordre ? Arrière-plan théorique Les recherches montrent la présence d’un biais favorable pour le produit testé en premier. Cependant, d’autres facteurs peuvent intervenir, soit pour supprimer cet effet, soit au contraire, pour le renforcer.

Nombre de produits à tester Bien que l’effet de primauté favorise le produit qui est testé le premier, si la série est longue, c’est le dernier produit testé (effet de « récence ») qui l’emporte, toutes choses égales par ailleurs.

Différence de qualité entre les produits Si les produits sont proches en termes de qualité, le produit présenté en premier est favorisé ; à l’inverse, s’ils sont nettement différents, l’effet d’ordre disparaît, le meilleur produit restera toujours le mieux évalué, quelle que soit sa place 1.

Nature du test de produit Le biais en faveur du premier produit testé semble plus marqué pour les tests hédoniques qui mettent en jeu le goût. Une recherche portant sur deux catégories de produit (soft drinks, frites) menée aux USA auprès de 1196 consommatrices âgées de 13 à 49 ans donne les résultats suivants. Lorsqu’on propose deux soft drink, celui qui est présenté

1. Day R.L., (1969), « Position bias in paired product tests », Journal of Marketing Research, février, p. 98-100 ; Moore D., (1999), Organizational Behavior and Human Decision Processes, May, Vol. 78, 2, p. 146-165. Perreault Jr., William D., (1975), « Controlling Order-Effect Bias », Public Opinion Quarterly, Winter, Vol. 39, 4, p. 544-602.

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ÉTUDES DU NOUVEAU PRODUIT

en premier est préféré dans 54,7 % des cas ; dans le cas des frites, le score monte à 62,2 %. La désensibilisation du palais pourrait défavoriser le produit testé en second 1. Une autre étude, plus ancienne, portant sur deux autres produits alimentaires (gâteaux et céréales) va dans le même sens : dans les 2/3 des cas, le produit présenté en premier l’emporte sur le second 2.

Type de tâche Si l’on contrôle la nature de la tâche, les résultats sont plus nuancés 3. Ainsi un pré-test avait montré la supériorité d’un téléviseur portable par rapport à l’autre en terme de préférence. L’effet d’ordre n’est plus significatif quand on indique à l’avance aux répondants qu’ils devront choisir entre les deux produits ; en revanche, lorsque la nature de la tâche n’est pas indiquée, l’effet d’ordre (primauté) favorise fortement le produit présenté en premier.

Effet du genre et de l’implication En matière de préférence pour des publicités, l’effet d’ordre n’est pas le même pour les femmes et pour les hommes : en effet, 58,1 % des hommes préfèrent la dernière publicité, alors que 58, 7 % des femmes préfèrent la première. Cependant, cet effet du genre n’existe que dans une situation de faible implication par rapport à la publicité : il disparaît dans le cas d’une forte implication. Dans ce dernier cas, on retrouve l’effet de primauté qui favorise la première publicité 4.

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➤ Question n˚ 5 : faut-il mettre la marque ?

La réponse dépend de l’objectif du test (voir figure 7.6). En simplifiant, s’il s’agit d’évaluer les qualités intrinsèques (physiques ou organoleptiques), la marque ne doit pas apparaître au répondant : le test est dit « aveugle ». En effet, la marque véhicule une notoriété et des croyances a priori spécifiques qui risquent d’influencer les jugements du répondant. En revanche, pour mesurer l’image de marque, un test de produit en identifié, comme nous le verrons dans le chapitre 8, s’impose à l’évidence. Un test d’usage peut comporter deux volets, selon l’objectif marketing : un premier test en aveugle pour vérifier la perception des fonctionnalités du produit, et un second en identifié pour évaluer l’impact de la marque dans la formation de l’attitude ou de la préférence vis-à-vis du produit. 1. Dean M., (1980), « Presentation order effects in products taste tests », The Journal of Psychology, 105, p. 107-110. 2. Berdy D. (1969), « Order effect in taste test », Journal of the Market Research Society, 11, 4, p. 361-373. 3. Kardes F. et Herr P, (1990), « Order effects in consumer judgment, choice and memory ; the role of initial processing goals », Advances in Consumer Research, 17, p. 541-547. 4. Brunel F. et Nelson M., (2003), « Message order effects and gender differences in advertising persuasion », Journal of Advertising Research, september, p. 331-341.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Test sensoriel

Mesurer la qualité intrinsèque « effective » : test en aveugle

Test d’attitude Test d’usage

Test hédonique

Mesurer la qualité intrinsèque « subjective » : test en aveugle

Mesurer la qualité perçue en situation de concurrence : test en identifié Qualifier les usages : test en aveugle test en identifié

Figure 7.6 – Nature des tests de produits et présence de la marque ➤ Question n˚ 6 : qui interroger ?

Hormis les tests sensoriels qui nécessitent des experts ou des consommateurs entraînés, les autres tests de produits se pratiquent sur des échantillons de consommateurs représentatifs des cibles marketing visées. Les experts ne doivent pas être confondus avec les consommateurs familiers avec le produit 1. Si les deux catégories connaissent bien la catégorie de produit, les premiers se caractérisent par une connaissance plus poussée des marques existantes, des procédures de fonctionnement et/ou d’usage du produit ; les seconds connaissent essentiellement les marques existantes et les différents usages des produits. Dans tous les cas, les individus interrogés doivent avoir une familiarité minimale avec la catégorie de produit à laquelle le produit appartient. Cette familiarité, plus ou moins importante, permet de répartir les consommateurs en trois types, les « PMG » : les Petits ou occasionnels (« light »), les Moyens ou réguliers (« regular »), et les Gros (« heavy users »). Généralement, la question d’auto-évaluation de la familiarité est du type suivant : D’habitude, vous consommez ou utilisez (catégorie de produit) : ❏ (5) Tous les jours ou presque ❏ (4) Une à deux fois par semaine ❏ (3) Une à deux fois par mois ❏ (2) Une à deux fois par an ❏ (1) Jamais Pour le test d’un bien de consommation non durable, les individus ayant coché les cases 5 à 3 sont éligibles, et pour un bien semi-durable ou durable, on peut élargir la cible en incluant ceux qui ont coché la case 2.

➤ Question n˚ 7 : combien faut-il interroger de personnes ?

Pour conserver une précision raisonnable lors de la généralisation des résultats, les contraintes statistiques imposent un minimum de 50 à 100 personnes par produit. En effet, pour 100 personnes interrogées, la fourchette d’estimation 1. Alba J. et Hutchinson J.W., (1987), « Dimensions of consumer expertise », Journal of Consumer Research, 13, march, p. 411-454.

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ÉTUDES DU NOUVEAU PRODUIT

d’un pourcentage oscille dans un intervalle maximal de ± 10 points autour de la valeur calculée dans l’échantillon ; pour diviser par deux cette amplitude, il faut multiplier par quatre l’effectif de l’échantillon 1. En outre, il ne faut oublier que si l’on souhaite comparer les résultats obtenus sur plusieurs cibles (par exemple, les notes des femmes de plus de 40 ans vs celles des moins de 40 ans), les effectifs disponibles dans chaque cellule peuvent tombent rapidement en dessous de 20 à 30 individus, ce qui amène à prévoir une taille minimale de 300 à 400 personnes pour l’échantillon total.

Test de concept Objectif Le test de concept permet de filtrer les idées de nouveaux produits. Sa force réside dans le fait qu’il n’impose pas la présence d’un produit en état de marche : une photo, un dessin stylisé, une maquette, une image virtuelle, suffisent. Ce test n’a de sens que si le produit apporte quelque chose de réellement nouveau par rapport aux concurrents : en effet, dans le cas contraire, les concurrents ont déjà montré la viabilité de l’idée.

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Éléments évalués

Questions d’étude

Clarté

• Vérifier que le concept (tel qu’il est énoncé) est bien compris par la cible visée • Valider le vocabulaire employé pour présenter le produit

Originalité

• Évaluer la différenciation perçue par rapport aux produits concurrents

Crédibilité

• Valider l’acceptation de la promesse par la cible • Déterminer l’impact de l’essai préalable du produit sur l’acceptation finale

Utilité

• Adéquation du produit aux attentes du marché

Attributs

• Quels sont les critères de choix pour cette catégorie de produit ?

Freins et motivations

• Recenser les facteurs qui sous-tendent l’achat et ceux qui le bloquent

Usage

• Dans quelles conditions et comment le futur produit sera-t-il utilisé ? • Quels sont les problèmes envisagés a priori ?

Améliorations

• Quels sont les points faibles actuels ? • Faut-il modifier radicalement le produit ?

Jugement global

• Déterminer l’intérêt global pour l’idée en tant que telle, et en comparaison avec des produits substituables

Intention d’achat

• Probabilité d’achat futur Source : adapté de Le Nagard-Assayag E. et Manceau D. (2005), Marketing des nouveaux produits, Dunod, p. 127-128.

Figure 7.7 – Questions d’étude pour un test de concept 1. Pour un approfondissement, voir Giannelloni J.L. et Vernette E., (2001), op. cit., chapitre 8.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Plus précisément, cinq objectifs sont poursuivis : 1. Évaluer l’acceptabilité marketing d’une idée de nouveau produit ou de service. Le test détermine la recevabilité de l’idée par le consommateur et vérifie si elle correspond à une attente majeure ; 2. Identifier les pistes d’amélioration ou de reformulation ; 3. Cerner la ou les cibles les plus réceptives à l’idée ; 4. Préciser le positionnement ou les axes de valorisation ; 5. Évaluer le marché potentiel, en fonction de scénario de prix.

Mise en œuvre du terrain Nous allons présenter les deux étapes principales du déroulement d’un test de concept. ➤ Étape 1 : préparation du terrain

La taille de l’échantillon varie de 50 à 200 personnes. La représentativité est préférable, car si des cibles particulières ont été déterminées, on pourra comparer la réceptivité de l’idée sur chaque segment. Cela conduit à accroître la taille de l’échantillon, car lors du traitement des résultats, on sera amené à s’intéresser à des segments étroits (par exemple, les professions supérieures habitant en région parisienne) et il faudra disposer alors d’au moins une trentaine de répondants pour chaque cible. La validité du test de concept est meilleure si les répondants ont une bonne expertise de la catégorie de produits concernée, dans tous les cas une connaissance de la catégorie de produit est requise. L’expertise s’impose si le concept représente une innovation majeure ; dans le cas d’une innovation mineure, une bonne connaissance de la catégorie de produit suffit 1. Une salle aménagée est nécessaire si l’on montre des dessins, des photos ou des vidéos. L’administration à domicile reste envisageable, si le matériel n’est pas trop volumineux. Mais, sauf exception (idée très facile à comprendre), ce test ne doit pas être administré par téléphone. L’administration des concepts par Internet se développe rapidement, car elle présente de nombreux avantages : rapidité, possibilité de montrer des photos, images ou vidéos, rotation de l’ordre de présentation, plans factoriels spécifiques, etc.

1. Schoormans P. L., Ortt R J., Cees J. P. et de Bont M, (1995), Journal of Product Innovation Management, 12, 2, p. 153-162.

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ÉTUDES DU NOUVEAU PRODUIT

Si l’on travaille en extérieur, une durée de dix à vingt minutes représente un maximum à ne pas dépasser. En revanche, à domicile, on peut aller jusqu’à une demi-heure, voire une heure, en salle aménagée. ➤ Étape 2 : rédaction du questionnaire

Le questionnaire est fréquemment semi-ouvert : c’est une exception au principe qui consiste à ne pas mélanger des questions ouvertes dans une étude quantitative. Ceci s’explique par les objectifs hybrides du test : mi-qualitatif, mi-quantitatif. D’une manière générale, la première partie du questionnaire décrit l’idée du produit ou du service : c’est un point crucial du test. Cette description doit être claire, simple et facilement assimilable par les répondants. La clarté doit être pré-testée avec un grand soin. Deux solutions sont possibles pour la rédaction du descriptif du concept. • Une présentation « positive » du produit, agrémentée d’un schéma, d’un dessin, d’une photo, voire d’une vidéo qui indique clairement les objectifs et les avantages du produit par rapport aux concurrents. « Voici une nouvelle crème à raser pour homme. Agréablement parfumée, elle ralentit la repousse des poils, ce qui permet de se raser seulement tous les deux jours. »

• Une présentation « enthousiaste » du produit, d’un style proche de celui d’une annonce publicitaire.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

« Se raser tous les jours, quelle barbe ! Voici une fantastique nouvelle crème à raser, pour vous les hommes. Elle ralentit la repousse des poils, ce qui permet de se raser seulement tous les deux jours. Alors, dès demain, dormez dix minutes de plus ! Et en plus, son agréable note de fraîcheur dynamisante vous donnera, dès le réveil, une énergie insoupçonnée. »

Chaque présentation comporte des avantages et des inconvénients. Dans la première, le concept étant présenté de façon objective, le consommateur imagine moins facilement le produit. Avec une accroche publicitaire, l’implication est plus forte, mais on mesure autant les effets propres à la communication (c’est une sorte de pré-test publicitaire) que ceux du concept. Les recherches montrent que les deux modes de présentation sont finalement assez neutres, car ils ne modifient pas la hiérarchie des préférences : en clair, si le concept A est déclaré le plus préféré avec le mode neutre, il le demeurera avec une formulation publicitaire 1.

1. Lee G. et Wright M., (2004), « The effect of concept formulation on concept test scores », Journal of product innovation management, 21, p. 389-400.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Après la présentation globale du concept, les questions suivantes évaluent la clarté du concept et les informations complémentaires jugées nécessaires par les répondants pour avoir une idée plus précise du concept. Les thèmes suivants sont plus particulièrement abordés : – degré de nouveauté du concept ; – perception de(s) avantage(s) par rapport aux produits concurrents substituables ; – crédibilité de ces avantages ; – importance des bénéfices satisfaits par le produit ; – détermination des produits concurrents qui seraient remplacés par le concept (concurrence directe et indirecte) ; – recherche des points faibles du concept (améliorations souhaitées) ; – préférence globale du produit par rapport aux concurrents. D’autres questions permettent de cibler le produit tout en estimant sa viabilité globale financière. Le questionnaire s’achève en demandant au répondant une estimation de son intention de consommation. L’encadré 7.2 propose un test de concept virtuel original qui utilise pleinement les possibilités d’interaction et de créativité offerte par le Web.

ENCADRÉ 7.2

Exemple de test de concept virtuel on line 1 Le concept est un appareil de photo miniature destiné aux pré-adolescents et adolescents. Il permet de développer instantanément des photos autocollantes de la taille d’un grand timbre ; celles-ci peuvent être collées sur toutes sortes de supports. L’appareil de photo est d’abord présenté aux répondants avec un simple visuel complété par les caractéristiques majeures de son fonctionnement : bouton déclencheur, sélection de l’ouverture, le style du boîtier, la qualité d’image, le mode d’éjection des photos, la qualité et le format des photos.

1. Dahan E. et Hauser J., (2002), « The virtual costumer », The Journal of Product Innovation Management, 19, p. 332-353.

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ÉTUDES DU NOUVEAU PRODUIT

Picture taking

Light selection

Picture ejection

Styling covers

Image quality

Slides open

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Dans un second temps, des dessins apparaissent sur l’écran ils représentent les différents supports sur lesquels les photos peuvent être collées. Le texte comporte un simple titre « Comment puis-je l’utiliser ? » et une phrase précise : « Bien, si tu veux, retire la pellicule au dos de la photo et tu peux la coller PARTOUT ! Essaie-le et clique sur n’importe quelle image ». Les répondants voient ainsi une démonstration de l’application par exemple, une photo est collée sur un manuel de mathématique ou sur un téléphone portable.

Dans un troisième temps un questionnaire apparaît, Les réponses alimentent un modèle de mesures conjointes. Les répondants doivent juger 8 différentes paires d’appareils de photo, sur une échelle d’intervalle allant de « Je préfère totalement l’appareil A à B » à « Je préfère totalement l’appareil B à A ». En effleurant les échelons intermédiaires, il est possible de voir ce que chaque point signifie.

229

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

L’encadré 7.3 propose un exemple d’un questionnaire d’un test de concept, plus classique, destiné à évaluer l’intérêt d’une idée d’un « micro-vidéo portable » 1. ENCADRÉ 7.3

Test de concept : exemple de questionnaire Image projetée sur un tableau ou mur blanc

100 % 75 % 50 % 25 %

Optique auto-rétractable

A BCDE FG H

Micro-ordinateur portable

« Voici un micro-ordinateur portable dont l’écran permettrait une projection directe du texte ou des images sur un mur ou un tableau blanc. Aucun acessoire, ni branchement ne serait nécessaire. Une optique autorétractable, ultracompacte et orientable serait activée ou désactivée par le conférencier au moyen d’une touche spécifique du clavier ou grâce à une télécommande. La ventilation serait incorporée dans le système. Le tout pèserait environ 4 kilos. » Q1. – La description des caractéristiques de ce produit vous apparaît : (5) Très facile à comprendre

(4) Plutôt facile à comprendre

(3) Ni facile Ni difficile

(2) Plutôt difficile à comprendre

(1) Très difficile à comprendre

Q2. – De prime abord, pour vous-même, ce produit serait : (5) Tout à fait utile

(4) Plutôt utile

(3) Ni intéressant Ni utile

(2) Plutôt inutile

(1) Tout à fait inutile

Q3. – Par rapport aux autres solutions existantes aujourd’hui sur le marché, ce produit serait : (5) Tout à fait innovant

(4) Plutôt innovant

(3) Ni innovant Ni semblable

(2) Plutôt semblable

(1) Tout à fait semblable

1. Cet encadré s’inspire largement de Vernette É., (2006), Techniques d’études de marché, 2e éd., Vuibert, p. 107-114.

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ÉTUDES DU NOUVEAU PRODUIT

Q4. – De quelles autres informations auriez-vous besoin pour pouvoir mieux juger ce produit ?

Q5. – Quels seraient les points forts de ce produit par rapport aux solutions concurrentes qui existent ajourd’hui ?

Q6. – Quelles seraient les faiblesses de ce produit par rapport aux solutions alternatives qui existent ajourd’hui ?

Q7. – Combien seriez-vous prêt à payer de plus pour disposer de la fonction projection, par rapport à un micro-ordinateur de la même marque et identique sur toutes les autres caractéristiques (mettre une croix dans la case concernée) ?

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0€

100 €

200 €

300 €

400 €

500 €

600 €

Q8. – A qui, selon vous, ce type de produit conviendrait-il bien (plusieurs réponses possibles). (1) (2) (3) (4)

Enseignants, formateurs Conférenciers Cadres dirigeants Commerciaux

(5) (6) (7) (8)

Chargés díétude Consultants Chercheurs À personne

Autres, précisez : ............................................ (9)

Q9. – En fin de compte, seriez-vous personnellement prêt à acheter (ou à faire acheter par votre entreprise) si le prix supplémentaire à payer correspond à celui que vous avez indiqué précédemment ? (4) oui, sûrement

(3)

(2)

oui, probablement

non, probablement pas

231

(1) non, sûrement pas

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Q10. – Afin de mieux vous situer, cochez les cases correspondantes : Âge : ...... ans Enseignants, formateurs Conférenciers Cadres dirigeants Commerciaux

(1) (2) (3) (4)

Chargés d’étude Consultants Chercheurs Autre cas

(5) (6) (7) (8)

Disposez-vous (chez vous ou au travail) d’un micro-ordinateur portable ? Oui (1)

Non (2)

Analyse des données Les questions ouvertes sont traitées par analyse de contenu, à la main ou en utilisant des logiciels d’analyse textuelle 1. Les catégories sont formées sur la base des attributs les plus valorisés, des points faibles et forts, des informations recherchées, etc. On calcule les fréquences d’apparition (tris à plats) des différentes catégories. On peut croiser les fréquences des catégories selon les différentes cibles. Un test du Khi-deux détecte les éventuelles associations entre les modalités de différentes variables. Une représentation graphique, fournie par une analyse factorielle des correspondances, permet de déterminer « qui valorise quoi », d’où une validation ou pas du positionnement prévu pour le concept 2. Le calcul de scores moyens est possible pour les questions fermées dont les échelles respectent les propriétés d’intervalle. Les tests de moyennes (ou l’analyse de variance) déterminent l’existence d’éventuelles différences d’évaluation du concept (ou d’intention de choix) statistiquement significatives selon les segments. On peut répéter ces analyses avec la variable prix.

Évaluation des résultats De façon générale, l’incorporation d’un visuel (image, dessin, photo, story board) illustratif du produit donne une meilleure validité prédictive aux résultats que si l’on se contente de le décrire ; par ailleurs, l’administration par Internet donne de bons résultats (voir figure 7.8). Il est recommandé de garder la même forme de présentation pour le test des différents concepts afin de ne pas introduire de biais : il serait hasardeux de comparer les intentions d’achat d’un concept A présenté avec un visuel et un style publicitaire, avec un concept B présenté sans visuel, sous une forme neutre. 1. Pour une comparaison des principaux logiciels existant, voir Helme-Guizon A. et GavardPerret M.L., (2004), « L’analyse automatisée de données textuelles en marketing : comparaison de trois logiciels », Décisions Marketing, 36. 2. Sur ces aspects techniques, le lecteur pourra se reporter à Giannelloni J.L. et Vernette E., (2001) Études de Marché, op. cit.

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ÉTUDES DU NOUVEAU PRODUIT

Méthodes

Marque A

Marque B

Marque C

Test du concept « on line » avec image animée

32,1 %

25,6 %

10,3 %

Test du concept « on line » avec image fixe

27,6 %

32,2 %

11,5 %

Test du concept avec description verbale

14,4 %

13,2 %

3,1 %

Score d’essai réel du produit

31,4 %

30,4 %

9,8 %

Source : Dahan E. et Srinivasan V. (2000), « The predictive power of internet-based product concept testing visual despiction and animation », The Journal of Product Innovation Management, 17, p. 106.

Figure 7.8 – Comparaison des intentions d’essai et essai réel du produit

La principale limite d’un test de concept est que les consommateurs surestiment leurs intentions d’achat. Certains praticiens estiment qu’il faut au moins 80 % de personnes favorables ou très favorables au concept pour que celui-ci ait une chance de succès. Ce biais de complaisance résulte de la sympathie pour l’enquêteur ou d’une contrainte financière sous-estimée. Ainsi, si moins de 60 % des répondants sont favorables ou très favorables, certains recommandent d’abandonner le concept. La zone d’incertitude se situe dans l’intervalle 60-80 %.

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Modalités

Intention déclarée

Facteur de conversion

Essai potentiel

Achèterait certainement

10 %

0,8

8%

Achèterait probablement

50 %

0,3

15 %

Achèterait peut-être

10 %

0,1

1%

N’achèterait probablement pas

10 %

0,0

0%

N’achèterait certainement pas

20 %

0,0

0%

Total

100 %



24 %

Source : adapté de Bourgeat P. et Merunka D., (2000), in Bloch A. et Manceau D., De l’idée au marché, Vuibert, p. 166.

Figure 7.9 – Exemple de facteur de conversion des intentions d’achat

La figure 7.9 propose des exemples (fictifs) de facteurs de conversion des scores d’intention d’achat en pourcentage d’essai potentiel. Malgré tout, les facteurs de conversion sont difficiles à estimer. En effet, si le degré de nouveauté du concept est important, le consommateur a du mal à imaginer les usages et les bénéfices qu’il retirera du produit futur. Dans ce cas, même avec des scores mitigés, il peut être important de persévérer, car c’est le test d’usage qui se révélera le plus décisif pour l’évaluation du produit, comme le montre l’exemple du Post-it (voir encadré 7.4).

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

ENCADRÉ 7.4

Le post-it de 3M « Les premiers tests réalisés en 1977 sont peu optimistes : les clients interrogés ne voient pas l’intérêt d’un marque-page adhésif ou de son extension à un support de correspondance adhésif. Les services marketing rejettent donc l’idée, soutenus par son coût de fabrication trois fois plus élevé qu’un bloc-notes classique. Cette réaction illustre bien la difficulté à appréhender une innovation radicale : les clients l’associent à une catégorie de produits qu’ils connaissent déjà (ici les blocs-notes) mais qui n’est pas forcément pertinente pour comprendre en quoi consiste l’innovation. Malgré les mauvais résultats des premiers tests, un vice-président de 3M décide de tester lui-même le produit auprès des secrétaires de son service. Les résultats montrent là encore un faible intérêt a priori, mais une rapide adoption du produit après un premier essai. L’utilité du produit n’apparaît au client qu’une fois le produit remis entre ses mains. Les services marketing décident alors d’accorder une place essentielle à l’échantillonnage dans les modalités de commercialisation du produit. Ils lancent un test à grande échelle fondé sur la distribution d’échantillons aux sociétés d’intérim et observent une intention d’achat de 90 % après le premier essai. Fort de ces résultats, un lancement à grande échelle est décidé en 1980 par la direction générale, avec le succès que l’on connaît. » Source : Le Nagard-Assayag E. et Manceau D., (2005), Marketing des nouveaux produits, Dunod, p. 101.

En revanche, les scores obtenus pour le test d’un concept peu innovant sont très proches de ceux enregistrés ultérieurement lors d’un essai du produit réel. La figure 7.10 montre que, pour un nouveau dentifrice effervescent au soda, les notes moyennes d’évaluation ne différent pas significativement entre ceux qui essayé le dentifrice et ceux qui ont été soumis au seul test de concept. Questions

Test de concept

Essai du produit

« J’aimerai le goût »

3,23

3,53

« J’aimerai l’acheter, juste pour l’essayer »

4,2

4,24

« D’une façon générale, j’aime ce dentifrice »

4,03

4,02

Source : Dickison J. et Wilby C. (1997), « Concept testing without product trial », The Journal of Product Innovation Management, 14, p. 122.

Figure 7.10 – Comparaison des scores d’évaluation d’un dentifrice au soda

Tests sensoriels Le marketing s’intéresse de plus en plus aux tests sensoriels, autrefois apanage des services de R & D. Ce regain d’intérêt résulte en grande partie de l’ouverture du marketing vers le « sensoriel », c’est-à-dire « un ensemble de variables

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ÉTUDES DU NOUVEAU PRODUIT

contrôlées par le producteur ou le distributeur pour créer autour du produit ou du service une atmosphère multisensorielle spécifique, soit à travers les caractéristiques du produit lui-même, soit à travers la communication, soit à travers l’environnement du produit au point de vente » 1.

Objectif L’analyse évalue les qualités intrinsèques d’un produit pour le caractériser, de la manière la plus objective possible, en le soumettant à une série d’épreuves sensorielles. Ces tests sont réalisés par des experts ou des consommateurs spécialement entraînés. Les épreuves consistent à noter le produit sur un certain nombre de « descripteurs » techniques, c’est-à-dire les attributs considérés comme les plus caractéristiques pour la formation du jugement sensoriel (goût, odorat, toucher, vue, ouïe). Par exemple, pour un plat cuisiné à base de viande, une liste de 46 descripteurs est établie. La dimension « saveur » est décomposée en 4 descripteurs « piquant », « épicé », « viande », « légumes » ; d’autres dimensions interviennent ensuite, telles que la « cuisson », « l’aspect », etc. 2

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Dans le domaine du cuir, une étude réalisée pour Cartier a retenu 6 descripteurs pour qualifier le toucher d’une peau : accrochant, adhérent, chaud, marquable, brillant, ferme. La difficulté est d’arriver à relier ces termes avec ceux utilisés par les fournisseurs qui parlent plutôt d’un toucher sec, gras, bougie, soyeux, etc. 3.

Les jugements visent à caractériser l’intensité des produits sur les différents descripteurs, mais n’intègrent pas d’évaluation affective. Ainsi, le fait que l’odeur d’un parfum soit qualifiée de « fortement fleurie » n’est pas considéré a priori comme favorable ou défavorable. Cette caractérisation « objective » du produit est nécessaire pour crédibiliser ultérieurement la communication d’un positionnement du produit. Par exemple, Nescafé positionne sa gamme Nespresso en empruntant un vocabulaire touchant à la fois à l’œnologie et à la parfumerie. La référence « Cosi » donne « une mousse douce et onctueuse et une acidité rafraîchissante de la note de citron » ; « Voluto » comporte « des notes douces évoquant les céréales et une note ronde et fraîche, renforcée par une pointe d’acidité ». 1. Filser M., (2003), « Le marketing sensoriel : la quête de l’intégration théorique et managériale », Revue Française du Marketing, septembre, 194, p. 5-11. 2. Dorion F. et Morin-Delerm S., (1996), « Les tests sensoriels », Décisions Marketing, 9, p. 81-89. 3. cité par Le Nagard-Assayag E. et Manceau D., (2005), Marketing des nouveaux produits, Dunod, p. 144.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Méthodologie La figure 7.11 distingue les trois étapes nécessaires à la mise en œuvre d’un test sensoriel. Nous allons successivement les présenter 1. Sélection et entraînement des experts

Test en aveugle

Évaluation de l’acceptabilité des produits

Figure 7.11 – Mise en œuvre d’un test sensoriel ➤ Étape 1 : sélection et entraînement des experts

Un véritable expert doit démontrer, au moins l’un des quatre types de compétences : – reconnaissance des saveurs de base (produits alimentaires), des odeurs (parfum, alimentaire), des couleurs (alimentaire et cosmétique), des textures (alimentaire, habillement, cosmétique), des sons (automobile, alimentaire) ; – qualification de l’intensité d’un stimuli : concentration d’une odeur, saturation d’une couleur, degré d’amertume ou d’acidité pour une saveur, etc. ; – mémorisation des saveurs, odeurs, couleurs, sons et impressions tactiles ; – discrimination des produits sur les différents descripteurs. L’établissement d’une liste de descripteurs peut se faire de deux manières : – utilisation de référentiels préétablis par les instituts nationaux ou internationaux de normalisation (par exemple, la norme Afnor BP X 10-040 de 2003 « de la matière première au produit fini ») ; – utilisation du vocabulaire propre aux juges. Plusieurs itérations sont nécessaires pour qu’un consensus sur le sens et l’intensité des différents descripteurs s’établisse entre les experts. Une variante permet l’utilisation d’un profil de réponse totalement libre, chaque expert utilisant alors son propre vocabulaire ; dans ce cas, les analyses seront plus complexes 2. 1. Pour approfondir : Dorion F. et Morin-Delerm S., (1996), « Les tests sensoriels », op. cit. ; Giboreau A., Garrel C. et Nicod H., (2004), « Le profil sensoriel : un outil au service du marketing », Revue Française du Marketing, février, 196, p. 5-17. 2. Les analyses procrustes sont utilisées ; pour application à l’automobile, voir Blumenthal D., Danzart M et Sieffermann J.M., (2000), « Application de la méthode du profil libre pour une étude sur le confort des sièges automobiles », Revue Française du Marketing, 179-180, 4,5, p. 143-155.

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ÉTUDES DU NOUVEAU PRODUIT

Pour une crème hydratante, « le tiraillement de la peau après deux heures », est un attribut souvent évoqué ; pour enlever un pansement, c’est « le picotement sur la peau », alors que pour une bière, c’est « la taille des bulles de la mousse » 1.

Les critères de recrutement des experts supposent l’existence d’un don minimal préalable, une bonne motivation et une disponibilité certaine. Les individus qui réunissent des telles prédispositions sont alors « entraînés » pour apprendre le vocabulaire, décomposer le jugement sur les différents descripteurs, qualifier l’intensité des produits en utilisant des échelles de notes, distinguer des produits sur les descripteurs. L’objectif est d’obtenir des scores fiables, c’est-à-dire que l’expert doit noter de la même manière un même produit si l’on répète le test. On estime qu’il faut de 4 à 5 mois (soit environ de 10 à 30 sessions d’une à deux heures) pour former un bon expert en analyse sensorielle. Des séances de réentraînement périodique sont nécessaires.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

➤ Étape 2 : test en aveugle

Les produits sont présentés sans aucun signe distinctif, dans des conditionnements identiques et neutres. Ces tests se font en laboratoire ou dans des salles spécifiquement aménagées. Il est important de vérifier que les conditions d’évaluation sont les mêmes pour tous les experts et pour tous les produits. Par exemple, la température pour la dégustation d’une bière, d’un café ou d’un plat cuisiné doivent être contrôlées avec soin, de même que l’éclairage de la pièce, la ventilation, le bruit, etc. La taille de l’échantillon varie usuellement de 10 à 50 juges. Le nombre de produits testé par séance est inférieur à la dizaine, de l’ordre de 5 à 6 produits. Les méthodes de test sont de type monadique séquentiel (plusieurs produits sont testés successivement) ou comparatif (plusieurs produits sont testés en une seule fois). Dans la pratique, les tests sont plutôt comparatifs : duo-test (test pairé) ou triangulaire (deux produits identiques sont combinés avec un troisième). Cependant d’autres variantes existent. • L’épreuve A – non A : l’expert a appris à reconnaître un produit spécifique « A » ; on lui présente successivement une série de produits en lui demandant s’il s’agit du produit A ou pas. • Le test duo-trio : parmi un ensemble de trois produits, l’un est présenté comme le témoin (= la référence) ; le juge précise, parmi les deux produits restant, celui qui est identique (ou s’apparente le plus) au témoin. 1. Giboreau A., Garrel C. et Nicod H., (2004), « Le profil sensoriel : un outil au service du marketing », Revue Française du Marketing, février, 196, p. 5-17.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

• L’épreuve de quantification : parmi un ensemble de produits à tester, un ou deux produits témoins sont introduits, sans que l’expert le sache. Les différences éventuelles sont étalonnées par rapport aux jugements enregistrés avec le produit témoin. Les jugements des produits sur les descripteurs peuvent être type ordinal (classement des produits en fonction de leur intensité) : par exemple, les différentes bières seront classées selon l’intensité de leur amertume (du moins amer ou plus amer), puis en fonction de la persistance de la mousse, de leur légèreté, etc. On peut procéder par cotation, en demandant de répartir les différents produits dans des catégories prédéfinies à l’avance : par exemple, l’odeur des parfums sera qualifiée de boisée, chyprée, sucrée, cuivrée. Pour ce faire, on peut utiliser différentes échelles de notation, de type sémantique différentielle ou attribution de points (notation de 0 à 10 par exemple). La figure 7.12 montre que le choix d’une méthode de test et de notation dépend de l’objectif du test sensoriel. Objectifs

Méthodes de test

Vérifier si une modification du produit est décelable

Test triangulaire Test pairé

Tester l’intensité d’un arrière-goût

Épreuve A-non A Test duo-trio

Valider les différences d’intensité Quantifier les intensités par rapport à un produit témoin

Épreuve de quantification

Rechercher le produit optimal dans la série Évaluer des produits selon un critère

Classement (monadique séquentiel) Classement ou scores

Source : adapté de Dorion F. et Morin-Delerm S., (1996), « Les tests sensoriels », Décisions Marketing, 9, p. 81-89.

Figure 7.12 – Objectifs des méthodes de test sensoriel ➤ Étape 3 : évaluer l’acceptabilité des produits

Les données recueillies sont d’abord traitées statistiquement selon la nature des échelles de mesures. Les résultats sont comparés aux jugements obtenus par les produits témoins ou les concurrents ciblés. Enfin, on évalue la conformité des notes obtenues par les produits avec les exigences figurant dans le cahier des charges établi par le chef de produit. Si les jugements ont été enregistrés sur des échelles d’intervalle, on calcule les moyennes des produits sur l’ensemble des descripteurs. La représentation des profils sensoriels se fait couramment par graphique en radar (voir figure 7.13) Pour évaluer la signification statistique d’un écart de moyenne entre deux produits, on pratique une analyse de variance ou des tests de moyenne.

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ÉTUDES DU NOUVEAU PRODUIT

On peut réduire le nombre de descripteurs, en travaillant sur les redondances entre les attributs. L’analyse factorielle en composantes principales (mesures d’intervalle), l’analyse multidimensionnelle des similarités (mesure ordinale) ou encore l’analyse des correspondances (mesure nominale) sont utilisables 1. Acide Marque A

4 3,5

Amer

Marque B

Salé

Marque C

3 2,5 2 1,5

Douceâtre

Râpeux

1 0,5 0

Métallique

Astringent

Minéral

Épaisseur Persistance Source : adapté Giboreau A., Garrel C. et Nicod H., (2004), « Le profil sensoriel : un outil au service du marketing », Revue Française du Marketing, février, 196, 5-17

Figure 7.13 – Profils sensoriels de trois eaux minérales

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Applications spécifiques Le marketing agroalimentaire utilise largement les études sensorielles. Le secteur automobile est aussi un grand habitué des études sensorielles, pour tester par exemple, le confort d’un freinage 2 ou celui des sièges 3. D’autres secteurs s’ouvrent à ces applications. Par exemple, dans le domaine du confort thermique 4. EDF a voulu caractériser ce qui rend une température 1. Sur ces techniques, voir notamment, Giannelloni J.L. et Vernette É., (2001), Études de marché, op. cit. 2. Schlich P. et Chabanon C., (2000), « L’analyse sensorielle appliquée au confort de freinage », Revue Française du Marketing, 179-180, 4,5, p. 129-142. 3. Blumenthal D., Danzart M et Sieffermann J.M., (2000), « Application de la méthode du profil libre pour une étude sur le confort des sièges automobiles », Revue Française du Marketing, 179-180, 4,5, p. 143-155. 4. Petit C., Siekierski E., et Lageat T., (2003), « Du confort thermique à la caractérisation sensorielle des ambiances », Revue Française du Marketing, septembre, 194, p. 39-47.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

agréable ; en effet, une même température peut être qualifiée de chaleur « douce » ou « enveloppante », ou au contraire de « desséchante », selon les modes d’énergie.

Tests hédoniques, attitude et usage Nomenclature des tests À la différence des tests sensoriels qui supposent des consommateurs experts entraînés, cette famille de tests se pratique auprès de consommateurs « ordinaires » potentiels ou réels. La figure 7.14 compare ces types de test. Test hédonique (affectif)

Test d’attitude (croyance et affectif)

Test d’usage (comportement)

Questions prioritaires d’étude

Évaluer « objectivement » l’appréciation globale du produit (« j’aime ou j’aime pas » ou par attribut (« j’aime ou je n’aime pas cet attribut »)

Évaluer les attributs ou le produit global Évaluer la préférence par rapport aux concurrents Déterminer les intentions d’achat

Évaluer la satisfaction globale ou par attribut Évaluer la préférence par rapport au produit habituel et l’intention d’achat Évaluer le rachat

Individus éligibles

Consommateurs potentiels ou clients (réguliers ou occasionnel)

Consommateurs potentiels ou clients (réguliers ou occasionnel)

Clients dans la catégorie de produits (réguliers ou occasionnel)

Taille échantillon

100-200

200-400

200-400

Nature du test

Aveugle (marque absente)

Aveugle ou identifié

Identifié

Apport pour la décision marketing

Valider ou choisir une formule de produit Définir le produit « idéal »

Valider une formule de produit Évaluer l’impact de la marque sur l’intention de choix

Évaluer et valider le mode d’emploi de produit Tester la robustesse, la durabilité produit

Caractéristiques

Figure 7.14 – Famille des tests de produits opératoires

• Les tests hédoniques sont centrés sur l’évaluation (globale ou par attribut) – la plus objective possible – du plaisir ou du déplaisir ressenti par les individus lorsqu’ils découvrent, puis consomment le produit. Par exemple : « J’aime l’arrière-goût de cette bière » ou « je déteste l’aspect de cette crème hydratante ». Les marques et les packaging sont absents. Ils permettent au marketing de déterminer la formule de produit la plus préférée ou celle qui se rapproche le plus de l’idéal de chaque cible. • Les tests d’attitude ont un objectif plus large, puisqu’ils enregistrent les jugements (globaux ou par attribut) des individus (« cette sauce est légèrement amère »), et l’évaluation favorable ou défavorable de ces jugements (« j’aime l’amertume de cette sauce »). La marque peut être cachée ou révélée ; le packaging est absent. Lorsque la marque est présente, on mesure à la fois les

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ÉTUDES DU NOUVEAU PRODUIT

qualités intrinsèques du produit, mais aussi l’influence du capital de marque sur les jugements. Dans ce cas, le test est très proche d’un test d’image de marque (voir chapitre 8) : la seule différence est que l’individu peut toucher, voir, sentir ou goûter la marque avant de juger, alors que dans un test d’image on se contente, le plus souvent, de faire appel à la mémoire du répondant. • Les tests d’usage prolongent les tests d’attitude. La différence majeure est que le produit est laissé à la disposition du consommateur qui peut ainsi l’essayer dans des conditions réelles d’usage. La durée du test dépend de la nature du produit. Elle varie d’une à deux semaines pour des produits alimentaires courants, d’un à deux mois pour des produits d’entretien. On administre un questionnaire avant le prêt et un autre au terme de l’essai. Ce test est fréquemment pratiqué lors des marchés test réels ou simulés. On accorde une grande attention aux conditions réelles d’usage : ainsi, on sera attentif aux difficultés éventuelles rencontrées par le consommateur dans la lecture du mode d’emploi, les éventuels détournements d’usage pratiqués, la personnalisation et les modes d’appropriation, etc.

Méthodologie Ces trois types de tests présentent de nombreux points communs. Nous nous appuierons sur le cas du test d’attitude, forme la plus représentative. Nous l’illustrerons par un exemple réel portant sur différentes marques de bières 1.

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➤ Objectifs

L’étude poursuivait quatre objectifs : – évaluer le degré d’appréciation global de 3 marques de bières ; – évaluer objectivement les profils des marques sur des attributs déterminant du choix d’une bière pour la cible (test en aveugle) ; évaluer l’impact de la présence de la marque sur les perceptions sur les attributs et la préférence globale (test en identifié) ; – Comparer les positionnements des 3 marques selon la nature du test (aveugle et identifié) et par rapport à une marque de bière idéale ; – évaluer le poids respectifs des attributs dans la préférence globale. ➤ Collecte des données

100 personnes représentatives (quota à 3 niveaux selon âge, sexe, PCS) des acheteurs réguliers et occasionnels de la catégorie de produits ont été interrogées dans une salle spécifiquement aménagée pour la dégustation des produits. 1. Cet exemple s’appuie sur un travail effectué par les étudiants du Master marketing de l’IAE de Toulouse (promotion 2002) ; certains résultats ont été modifiés dans un but pédagogique.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Elles goûtaient d’abord trois bières de luxe (Carrefour, 1664, Leffe) présentées dans des verres (numérotés de 1 à 3) transparents, servies à une température identique. Le test était de nature monadique séquentielle. Après chaque dégustation, les individus notaient le produit sur 6 attributs, en utilisant des échelles sémantiques différentielles en cinq points, puis donnaient un jugement global sur leur appréciation de la bière (voir figure 7.15). Ces attributs avaient été identifiés après un pré-test sur un échantillon appartenant à la cible 1. Après avoir testé les 3 produits en aveugle, les répondants procédaient de la même façon avec les 3 marques présentées dans leur packaging d’origine. L’ordre de dégustation était alterné selon les individus. Après chaque dégustation, les répondants étaient invités à boire quelques gorgées d’eau et à prendre un peu de pain de mie, pour éviter la persistance d’éventuels arrière-goût. Finalement, les répondants devaient définir sur une échelle identique le profil de la marque de bière qu’ils considéreraient comme idéale. « Après avoir gouté cette bière, notez de 1 à 5 les caractéristiques suivantes (entourez le chiffre qui convient) » Teneur en alcool faible Plat Mousse légère Arôme fruité Désaltérant Saveur lègère

1 1 1 1 1 1

2 2 2 2 2 2

3 3 3 3 3 3

4 4 4 4 4 4

5 5 5 5 5 5

Teneur en alcool forte Pétillant Mousse tenace Arôme amer Donne soif Saveur corsée

Dans l'ensemble, tout compte fait, quel jugement global portez-vous sur cette bière ? » Extrêmement mauvais Médiocre Moyen 1 2 3

Bon Extrêmement bon 4 5

Figure 7.15 – Extraits du questionnaire ➤ Analyses et résultats

• Appréciation globale Les jugements des trois marques de bières testées en aveugle sont très proches (voir figure 7.16) : « Carrefour » obtient un score moyen de 3,06, la « 1664 » un score de 3,15 et « Leffe » une note de 3,21 points. La seule différence statistiquement significative existe entre « Carrefour » et « Leffe ». Les tests en identifié montrent nettement l’impact du capital de marque sur les jugements hédoniques : l’enseigne « Carrefour » fait baisser significativement les scores (2,62 vs 3,06) ; la présence de la marque « 1664 » accroît significativement la note globale (3,33 vs 3,15) ; il en va de même pour 1. La méthode de citation directe a été utilisée (voir chapitre 3) ; les six attributs sélectionnés sont considérés comme des critères de choix d’une bière, parce qu’ils ont été cités par au moins 50 % des répondants.

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ÉTUDES DU NOUVEAU PRODUIT

« Leffe » (3,55 vs 3,21). En identifié, le classement global montre des écarts d’appréciation significatifs entre les trois marques : « Leffe » est la marque la plus souvent préférée, suivie de la « 1664 », et loin derrière, « Carrefour ». Il apparaît nettement que la réputation préalable des marques est un déterminant majeur dans la préférence d’une bière. Aveugle

4

Identifié 3,55

3,5

3,15

3,06

3,33

3,21

3

2,62 2,5

2

1,5

1

0,5

0

Carrefour

1664

Leffe

Figure 7.16 – Scores hédoniques globaux des marques de bières (aveugle et identifié)

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• Évaluation des marques sur les attributs Les répondants ont été capables de différencier les 3 marques de bières sur les différents attributs, lors des tests en aveugle 1. Ainsi, des consommateurs naïfs sont capables de porter des jugements sensoriels discriminant sur au moins 4 attributs (teneur en alcool, pétillance, mousse, saveur), dès lors qu’ils disposent d’une connaissance minimale de la catégorie de produits (voir figure 7.17). Ces mêmes évaluations évoluent sensiblement lorsque les marques sont présentes (voir figure 7.19). Un net effet de halo apparaît : la marque « Leffe » voit ses scores s’améliorer pour 5 attributs sur 6 ; les notes de la « 1664 » varient assez peu, et celles de « Carrefour » sont globalement tirées vers le bas. 1. Ceci est contraire aux résultats de la célèbre étude américaine de Alison et Uhl (1964) qui montrait que les répondants n’arrivaient pas, en aveugle, à discriminer les marques de bière entre elles. Alisom R. et Uhl K., (1964), « Influence of beer brand on taste perception », Journal of Marketing Research, 1, 3, p. 36-39.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

4

Carrefour

3,5

1664

Leffe 3,34

3,23

3,13

3,08

3

2,95

2,86

2,83

2,86

2,86

2,79

2,87

2,76 2,62

2,5

2,47

2,34

2,31

2,22 2,05

2 1,5 1 0,5 0

Teneur alcool

Pétillance

Mousse

Arôme

Soif

Saveur

Figure 7.17 – Comparaison des profils des marques de bières (en aveugle)

4

Carrefour

1664

Leffe

3,63

3,52

3,5 3,21

3 2,5

3,01

2,92 2,97 2,77 2,4

2,36

3,01 2,87

2,35

3,09

2,99 2,82 2,76

2,47

2,44

2 1,5 1 0,5 0

Teneur alcool

Pétillance

Mousse

Arôme

Soif

Saveur

Figure 7.18 – Comparaison des profils des marques de bières (en identifié)

• Positionnement perçu des marques On a procédé à une analyse factorielle en composantes principales en considérant l’ensemble des évaluations des marques (aveugle et identifié) sur les 6 attributs (voir figure 7.19). Deux axes ont été identifiés. Le premier restitue

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ÉTUDES DU NOUVEAU PRODUIT

40 % de la variance globale et présente de fortes corrélations avec les attributs « soif », « arôme », « teneur en alcool », « saveur » : il correspond à des éléments constitutifs du goût ; le second explique 20 % de la variance globale et est relié a la « pétillance », « quantité de mousse » : il correspond à un aspect plus visuel d’une bière. On constate que « Leffe » (test en identifié) est très proche de la marque de bière idéale, alors que la marque « Carrefour » s’en éloigne considérablement. La marque « 1664 » est relativement neutre : la distance par rapport à la marque idéale est comparable en aveugle et en identifié. 3,5 3 2,5 2

Aspect visuel

1,5 1 0,5 –3

–2

–1

0 0

1

2

3

4

1664 (aveugle) Leffe (aveugle) Idéal Carrefour 1664 Leffe Carrefour (aveugle)

– 0,5 –1 – 1,5 –2

Goût

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Figure 7.19 – Comparaison des positionnements perçus des marques de bière

Pour déterminer les pôles positifs et négatifs des juments sensoriels sur les 6 attributs et leur degré de déterminance, une série de corrélation simple des scores d’évaluation des marques sur les attributs avec la note globale d’appréciation, a effectuée. On constate que les arômes fruités sont plus préférés que les arômes amers (corrélations négatives) ; le pôle « désaltérant » est logiquement préféré au pôle « donne soif », mais l’impact de cet attribut sur l’appréciation globale n’est pas significatif. Les consommateurs préfèrent une marque de bière pétillante à une marque plate, et des marques plus fortement alcoolisées plutôt que faiblement. Enfin, les coefficients de corrélation sont relativement stables quel que soit le mode d’évaluation (identifié ou aveugle) : ils expliquent de la même manière la formation du jugement global (voir figure 7.20).

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Attributs

Aveugle

Identifié

Teneur en alcool

0,20

0,195

Pétillance

0,257

0,225

Mousse

0,113

0,114

Arôme

– 0,198

– 0,138

Soif

– 0,105

– 0,045

0,38

0,41

Saveur

NB : les corrélations en gras sont significatives au seuil de p < 0.05.

Figure 7.20 – Corrélations des attributs avec l’appréciation globale d’une bière (tests en aveugle et identifié)

CONCLUSION Nous avons balayé dans ce chapitre un grand nombre de méthodologies de tests de produits. La plupart des approches s’inscrivent dans une logique d’étude quantitative, à l’exception du test de concept qui mélange des préoccupations qualitatives et quantitatives. Le matériel nécessaire pour la mise en œuvre du test, la durée d’administration relativement longue, la nécessité de disposer de salles aménagées rend ces tests relativement coûteux, ce qui conduit les instituts à réduire la taille des échantillons. Les effectifs oscillent fréquemment entre 200 et 300 répondants, ce qui est souvent très – sinon trop – juste pour déceler des différences significatives, dès lors que l’on travaille sur des cibles étroites. D’où le dilemme suivant : la difficulté et l’importance pour la décision marketing des tests de nouveaux produits conduiraient logiquement les chargés d’études à accroître les tailles d’échantillons, mais la réduction des budgets marketing les amènent plutôt à les réduire. Les tests de produit par Internet, grâce à la réduction potentielle des coûts d’administration, offriront peutêtre une réponse à ce dilemme.

BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE BLOCH A. et MANCEAU D., (2000), De l’idée au marché, Vuibert. DORION F. et MORIN-DELERM S., (1996), « Les tests sensoriels », Décisions Marketing, 9, 81-89. LE NAGARD-ASSAYAG E. et MANCEAU D., (2005), Marketing des nouveaux produits, Dunod.

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CHAPITRE 8

Études de marque

Les études pour optimiser le marketing-mix Chapitre 7 Études du nouveau produit Chapitre 8 Études de marque

Création du nom de marque Audit des composantes d’une marque Diagnostic global d’une marque

Chapitre 9 Études de prix Chapitre 10 Études de communication Chapitre 11 Études de distribution

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Plan du chapitre

L

A marque se définit comme « l’ensemble des noms, signes, symboles, graphismes ou visuels qui permettent de reconnaître et de différencier un produit ou un service de ses concurrents ». Portée aux nues, puis remise en cause, sinon délaissée, la marque, plus que tout autre objet marketing, joue sur un registre affectif qui fascine tout autant le consommateur et le « marketeur » que le financier. Un paradoxe majeur est que la marque doit transcender les courants de mode, rester fidèle à ses valeurs, tout en renouvelant régulièrement ses essences. Si ses forces et faiblesses peuvent se mesurer à tout moment, sa « vraie » valeur s’apprécie sur la longue période. Pour toutes ces raisons, les études de marques forment une catégorie un peu hétéroclite, avec des objectifs parfois flous, sinon mal définis. Nous essaierons d’apporter un peu de clarté dans ce domaine, en adoptant une vision dynamique

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

des différentes formes d’étude. Nous commencerons logiquement par présenter les études portant sur la création d’un nom de marque, puisque ce sont celles qui donnent naissance à la marque. Puis nous aborderons les études qui scrutent les diverses facettes d’une marque (notoriété, image, noyau et personnalité) de façon à pouvoir « auditer » les essences constitutives d’une marque. Nous finirons avec les études qui évaluent, plus globalement, les forces et faiblesses de l’entité « marque » auprès des consommateurs : attachement, confiance, satisfaction et capital de marque. La figure 8.0 illustre les différentes phases du chapitre.

Création du nom de marque Le processus de création comporte deux temps. Une première phase produit un assez grand nombre de marques, progressivement réduit en un ensemble plus petit ; plusieurs techniques, assez dissemblables, sont utilisables. En second lieu, une phase de validation, marketing et juridique, intervient pour examiner soigneusement les qualités des « graines » de marque proposées, de façon à retenir la meilleure d’entre elles. Nous allons successivement parcourir ces deux étapes.

Techniques de création 1 ➤ Groupes spécifiques

Ils partagent nombre de points communs avec les méthodes usuelles de réunion de groupe : présence d’un animateur, interactions entre membres, intérêt commun pour la catégorie de produit. Les différences résident dans l’orientation créative et le style d’animation, très proche d’un brainstorming 2. Les participants sont en nombre restreint (4 à 8 personnes). Il peut s’agir de créatifs, d’experts (dans le domaine de la mode ou du suivi des tendances culturelles et sociales) ou de consommateurs réguliers de la catégorie de produit. L’animateur commence par exposer les grandes lignes du cahier des charges marketing du produit : positionnement voulu, bénéfices spécifiques, cibles visées, etc. Les membres du groupe travaillent notamment sur la base d’évocations spontanées, d’analogies naturelles, de relations de complémentarité. L’animateur oriente à sa guise les recherches vers des pistes plus spécifiques en suggérant, par exemple, différentes racines étymologiques (grecques, latines, indo-europénnes, etc.) ou en transposant le produit dans d’autres univers thématiques (oiseau, pays, matière, parfum). Le recours aux thésaurus, atlas, dictionnaires, 1. Pour approfondir, voir Botton M. et Cegarra J.-J., (1991), Le nom de marque, Éditions d’Organisation. 2. Sur les méthodes créativité et le brainstorming, voir Giannelloni J. L et Vernette É., (2001), Études de Marché, Vuibert, chapitre 6.

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ÉTUDES DE MARQUE

encyclopédies permet d’élargir les champs créatifs. Les listes de noms sont ensuite reprises et retravaillées par le groupe (éliminations sommaires, combinaisons, classement par thème, etc.). Au terme de la réunion, on dispose fréquemment de cinquante à cent noms de marques. Cette première liste sera ensuite épurée par l’institut en prenant en compte les critères du cahier des charges marketing, de façon à ne présenter au client qu’une short-list de 3 à 10 noms. L’encadré 8.1 donne un aperçu de la genèse de quelques nouveaux noms de marques. ENCADRÉ 8.1

Exemples de création de noms de marques évocateurs « Pour trouver un nouveau nom au groupe formé par Snecma et Sagem, 4 250 dénominations (dont 40 % imaginées par les salariés) ont été passées au crible. Safran, la nouvelle raison sociale, ne passe pas inaperçue, parle aux fans de navigation, qui y retrouvent une pièce du corps du gouvernail, comme aux gastronomes, qui pensent aux épices. Certains lui reprochent néanmoins de ne plus refléter les univers industriels de l’électronicien et du motoriste aéronautique. […]. L’enveloppe liée à la fois aux dépôts de marques dans de multiples pays et au rachat de marques – souvent nécessaires – tend à gonfler. Safran aurait pu ainsi peut-être pu s’appeler Airel (mélange d’air et d’électronique) si les obstacles juridiques n’avaient pas été trop élevés.

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Les personnages historiques font ainsi une percée, dans la lignée de Thales ou de Vinci. Très en vogue dans les années 1980-1990, l’antiquité grecque et latine reste une grande source d’inspiration. La branche chimie de Total s’est rebaptisée Arkema, à partir du mot « arkhè » qui signifie « commencement », « première place, autorité » en grec ancien. Afin de trouver de nouvelles pistes, les créatifs exploitent aussi des langues qu’ils jugent chantantes comme le swahili ou le lituanien. Il faut en effet chercher toujours plus loin pour éviter des effets de mode qui, poussés jusqu’au bout, risquent de provoquer une lassitude et une dilution des marques. Dans l’industrie, la finale en « is » s’est longtemps bien portée, de Lactalis à Altadis en passant par Novartis. Après Yahoo ! et Wanadoo, Internet a connu la déferlante des doubles « o », avec Kelkoo ou Ooshop. » Source : C. Briard, Les Échos, 25 mars 2005.

➤ Recherche linguistique et sémiotique

Elle s’appuie sur les évocations suggérées par des préfixes, des suffixes ou des radicaux. Ce travail est confié à des linguistes spécialisés ou à des sémioticiens du langage. Cette approche peut être utilisée de manière autonome ou en complément des méthodes de groupe pour réduire la liste de noms. Si la marque a une vocation internationale, les évocations sont analysées dans les langues et cultures des principaux pays ciblés. Les exemples de choix douteux, voire carrément triviaux, ne manquent pas. Par exemple, dans le domaine

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

automobile, la racine latine « nova » a été retenue car elle suggère l’innovation ; malheureusement elle signifie aussi défaillance ou panne en espagnol. De même « focus » évoque, certes, la focalisation, l’objet qui attire le regard, mais à condition de bien prononcer la dernière lettre du mot, car sinon l’évocation d’un « faux-cul » n’est guère évidente pour asseoir une image positive. ➤ Logiciel de création

À partir des directives du cahier des charges et des spécifications marketing (radical imposé, nombre maximal de lettres ou de syllabes, évocations, positionnement, etc.), un logiciel spécifique explore une base de vocabulaire et propose une série de 80 à 100 noms 1. La plupart des instituts spécialisés dans la création de nom de marques proposent à leurs clients de tels types d’outils. ➤ Cahier de tendances

À l’image du cahier de tendances qui oriente les acheteurs et les stylistes en matière de mode vestimentaire, certains cabinets spécialisés rédigent un document qui synthétise les grandes orientations du moment pour la création de noms. Dans la pratique, il s’apparente à une synthèse documentaire fondée sur l’analyse des derniers lancements, complété par un résumé d’échanges avec des créateurs de noms pour déterminer « ce qui est dans l’air du temps » (voir encadré 8-2). Cette approche est intéressante pour réduire une liste de noms ; elle nous semble plus hasardeuse pour une création pure. En effet, le risque est grand de proposer des noms de marques éphémères, reflet d’une tendance momentanée, à l’image des cycles de mode pour les prénoms d’enfants. La marque devient « datée » puis se transforme progressivement en nom de marque démodé. ENCADRÉ 8.2

Création de nom de marque et tendances • Selon vous, y a-t-il une tendance quand on parle de noms de marque ? « Dans les années 1980, qu’on pourrait appeler les « années paillettes », on cherchait à charger la marque de bénéfices supplémentaires pour être sûr de sa séduction. Le consommateur n’est plus dupe, il ne joue plus le jeu de la séduction ; il attend une promesse recentrée sur le vrai, sur l’essentiel. C’est toute la thématique du « consom’acteur », qui veut rester maître et garder le contrôle sur la marque. On peut dire aujourd’hui que les marques jouent moins sur la notion d’enchantement. On veut aujourd’hui des noms qui tombent sous le sens de l’évidence, qui soient autoportants.

1. Voir Cegarra J.J. et Pastelot M.F., (1988), « La création de marques assistée par ordinateur, » Actes du Congrès international de l’Association Française du Marketing, vol 4.

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ÉTUDES DE MARQUE

Créer un nom, c’est avoir au moins deux objectifs en vue : savoir intégrer ce nom intuitivement dans l’esprit des gens et lui donner pourtant un caractère singulier et différenciant. Mon sentiment aujourd’hui est que nous ne cherchons plus la nouveauté pour la nouveauté. On veut aujourd’hui des noms qui tombent sous le sens de l’évidence. À nous de créer des mots plus simples, plus justes, plus intuitifs, plus naturels. Créer un nom, c’est avoir au moins deux objectifs en vue : savoir intégrer ce nom intuitivement dans l’esprit des gens et lui donner pourtant un caractère singulier et différenciant. • Pour autant, les marques sont-elles condamnées au registre descriptif et signifiant ? Absolument pas, la créativité, c’est réinventer. On ne cherche plus la créativité débridée ; on cherche à surprendre, d’une autre manière, par l’évidence, en magnifiant des termes qui ne l’étaient plus, en transposant d’un univers à l’autre pour créer un décalage, une surprise, l’inattendu. Finalement, la métaphore existe toujours, mais pour être acceptée, elle ne doit plus être gratuite, elle doit être en résonance avec l’ADN du produit ou de l’offre. La marque Diesel a été précurseur en la matière. Plus récemment, on peut citer Safran, reprenant le nom Sagem et véhiculant la thématique de la navigation ou Palatine réinterprétant la marque San Paolo, en préservant ses origines latines et sa promesse haut de gamme. • Pourtant, la tendance consistant à exprimer l’origine d’une marque au travers du nom a toujours existé ? Oui, bien sûr, il y a eu la mode des noms originés comme Quezac, Ushuaïa qui correspondait à une période où l’on cherchait à proposer un contrat relationnel entre la marque et le consommateur fondé sur le rêve, l’exotisme, l’évasion. On inventait des mythes fondateurs aux marques, dont le nom était le premier mot de l’histoire. Aujourd’hui, on revient certes à l’authentique, non plus en le fabriquant ou en allant chercher dans des langages ancestraux, mais une authenticité qui est du ressort de la simplicité et de l’immédiatement perceptible.

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• En résumé, la tendance d’aujourd’hui c’est le simple, le vrai, quelles étaient les tendances d’hier ? Il y a eu la mode des noms en “oo” comme Tatoo, le premier pager téléphonique, comme Wanadoo aussi. Il fallait créer avec le nom une relation d’apprentissage avec le consommateur, dans des univers techniques et complexes. Il fallait lui donner envie de découvrir cet univers tout en levant les inquiétudes liées à ces nouvelles technologies non maîtrisées. Les modes ludiques et enfantins sont efficaces dans ces cas-là, ils rassurent et traduisent l’émerveillement de l’enfant face à la découverte de l’objet. Cela ne veut pas dire que ce langage ait disparu dans le paysage des marques. On en rencontre encore l’utilité, dans des marques qui répondent à un besoin d’instantanéité, de spontanéité, pour créer des réflexes d’usage et l’initiation à une catégorie : je pense ici à Prem’s, la nouvelle offre tarifaire de la SNCF, qui reprend le langage des cours de récré. » Source : C. Veillé, Ipsos Insight, janvier 2006 ; http://www.ipsos.fr/canalipsos/articles/1768.asp.

➤ Marques libres

Certains instituts proposent des marques libres, c’est-à-dire des noms à vendre, ceux-ci ayant déjà été déposés à l’INPI 1. Les noms ont été présélectionnées 1. Citons, parmi d’autres, l’institut Lago, http://www.lago.tm.fr/creation

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

par l’agence pour leurs qualités, telles que leur pouvoir d’évocation, de séduction ou leur euphonie. Les marques exposées ont fait l’objet au minimum d’une recherche d’antériorité à l’identique et, pour certaines, d’une recherche de similitude réalisée par un professionnel du droit. Un support en ligne permet aux vendeurs et acheteurs de marques enregistrées d’entrer en relation. Solution économique et rapide, cette approche reste néanmoins incertaine et aléatoire. En tout état de cause, elle ne dispense pas des phases de validation marketing et juridiques que nous allons aborder maintenant.

Validation du nom ➤ Adéquation marketing

On évalue l’euphonie (sonorité agréable à l’oreille), la facilité de prononciation, le degré de mémorisation et la nature des associations spontanées suggérés par les noms de marques potentiellement éligibles. Les instituts spécialisés proposent généralement ce type de validation, effectué en interne de manière qualitative ou en externe sur un échantillon de consommateurs. La figure 8.1 propose quelques exemples de questions destinées à évaluer la recevabilité de noms de marque potentiels. Objectifs

Exemple de questions « Pour chacun des noms suivants, diriez-vous qu’il vous semble » :

Euphonie Facilité de prononciation

Agréable à l’oreille : — — — — — — — : Désagréable à l’oreille Facile à prononcer : — — — — — — — : Difficile à prononcer « Regardez 30 secondes la liste de noms suivants. Puis, dites nous les noms dont vous vous souvenez »

Mémorisation Évocations spontanées (Méthode de citation directe) (voir chapitre 3)

« Pour chacun des noms suivants, dites-moi ce qui vous vient spontanément à l’esprit quant, vous pensez à chacun d’eux comme étant une marque de… (Catégorie de produit) que vous pourriez acheter »

Figure 8.1 – Exemples de tests de validation marketing d’un nom de marque ➤ Adéquation juridique

On vérifie que le nom retenu est déposable à l’INPI. Pour cela, il doit être disponible et être en accord avec la jurisprudence du moment. Si la recherche d’antériorité est relativement aisée pour un profane, le second point nécessite en revanche l’intervention d’un conseil juridique spécialisé.

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ÉTUDES DE MARQUE

Audit des composantes d’une marque La marque possède plusieurs facettes, toutes susceptibles de constituer un objet d’étude. Certaines, bien connues et facilement mesurables, sont régulièrement auditées par les hommes de marketing : c’est notamment le cas de la notoriété et de l’image de marque. D’autres aspérités, comme le noyau ou la personnalité, sont des concepts récents dérivés de la recherche en comportement du consommateur : elles sont étudiées depuis peu. Nous présenterons successivement les différentes techniques.

Notoriété La notoriété s’appréhende à trois niveaux (voir figure 8.2). Niveaux

Exemple de question

Indices

Sommet de l’esprit « Top of mind »

« Quelle est la marque qui vous vient immédiatement à l’esprit quand vous pensez à… (citer une catégorie de produit) ? »

Nombre de fois où la marque est citée en 1er/nombre de répondants

Notoriété spontanée

« Quelles sont les marques de… (citer une catégorie de produit) que vous connaissez, ne serait-ce que de nom ? »

Nombre de fois où la marque est citée/nombre de répondants

Notoriété assistée

« Quelles sont, parmi la liste de marques suivantes, celles que vous connaissez, ne serait-ce que de nom ? »

Nombre de fois où la marque est citée/nombre de répondants

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Figure 8.2 – Évaluer les niveaux de notoriété d’une marque

• Notoriété « sommet de l’esprit » (top of mind) : c’est la première marque citée spontanément par le répondant dans une catégorie de produit. Elle représente la « part de mémoire » occupée par la marque dans l’esprit de l’interviewé. C’est la plus coûteuse à obtenir pour la marque, mais elle apporte une quasi-certitude d’appartenance à l’ensemble évoqué du consommateur. • Notoriété spontanée : elle mesure la saillance de la marque, sa capacité à être naturellement associée à une catégorie de produit. Elle témoigne de la force concurrentielle de la marque. Une forte notoriété donne un net avantage à la marque pour les produits à faible implication, car elle a toutes les chances d’être considérée par l’acheteur au moment du choix. • Notoriété assistée : c’est le rappel en mémoire du nom d’une marque à partir d’une liste de marques appartenant à une catégorie de produit. C’est le niveau minimal de connaissance pour qu’une marque puisse être évaluée

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

par le répondant ; c’est une fonction de réassurance pour le consommateur, dans la mesure où « il en a déjà entendu parlé » 1.

Image de marque L’image est l’ensemble des associations et des croyances favorables ou défavorables que le consommateur attribue à une marque. Mesurer une image revient à identifier la nature, la force et le degré de certitude de ces associations et croyances. Ces dernières évoluant au fil du temps, sous l’effet de l’action du temps (l’oubli) et de la lutte concurrentielle (lancement de nouvelles marques), la mesure d’une image s’apprécie surtout de façon dynamique : on parle alors de baromètre d’image. Pour avoir un sens, l’étude d’image de marque suppose que la marque et ses attributs soient un minimum connus par les consommateurs. Un achat préalable n’est pas pour autant nécessaire : on peut très bien avoir une excellente image d’une marque, sans jamais l’avoir consommée, par exemple, parce que son prix est au-dessus de nos moyens budgétaires 2. La confrontation des images des consommateurs et non-consommateurs est importante, car elle révèle souvent des opportunités marketing pour de nouvelles cibles. L’étude d’image ne permet pas de dire si l’acheteur est satisfait par l’image actuelle : c’est la comparaison entre l’évaluation actuelle de la marque sur ces attributs et les attentes initiales de l’acheteur qui le permet. L’étude de satisfaction, que nous verrons plus loin, est un prolongement classique de l’étude d’image. De même, l’étude d’image de marque n’indique pas quels potentiels de vente découlent du profil d’image : ceci ressort des études de positionnement (voir chapitre 5). ➤ Collecte des données

• Échantillon Compte tenu des objectifs, la représentativité de l’échantillon est quasi obligatoire ; elle s’obtient par tirage aléatoire ou par usage de quota. Par ailleurs, il faut préciser avec soin les contours des bases de sondage potentielles : les images ne seront pas les mêmes chez les consommateurs et les non-consommateurs des marques Ces variables comportementales devront figurer dans la fiche signalétique du questionnaire. Dans tous les cas, il convient d’exclure de 1. Kapferer J.N., (1998), Les Marques, capital de l’entreprise, 3e édition, Éditions d’Organisation, p. 158. 2. L’image se différencie de l’attitude, dans la mesure où elle n’intègre que les dimensions cognitives (croyances) et affectives (évaluation des croyances) ; l’attitude comporte une composante conative, c’est-à-dire orientation vers l’action (l’achat) qui est absente de l’image.

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ÉTUDES DE MARQUE

la base de sondage les répondants qui ont une expérience très faible ou nulle dans la catégorie de produit. La précision recherchée pour la généralisation ultérieure des résultats détermine la taille de l’échantillon. 200 à 400 répondants suffisent si l’on n’a besoin que d’une estimation globale. Mais si l’on souhaite comparer les images sur des segments plus étroits (par exemple, l’image de la marque chez les femmes cadre supérieurs de + 40 ans vs celles de moins de 40 ans), un échantillon total minimum de 800 personnes est nécessaire ; une étude plus fouillée conduit rapidement à interroger près de 2000 répondants.

• Questionnaire L’encadré 8.3, répertorie les questions les plus fréquentes qui se posent lors de la construction d’un questionnaire. ENCADRÉ 8.3

Les questions récurrentes d’un questionnaire d’image de marque Quelles échelles privilégier ? Une étude d’image requiert des échelles d’attitude, telles que supports sémantiques, Likert, sémantique différentielle ou icônes. Chacune a ses propres avantages et ses inconvénients 1 ; nous recommandons néanmoins l’usage d’une échelle à supports sémantiques, car elle est facile à comprendre par les répondants et plus rapide à administrer que les formes alternatives.

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Combien faut-il de barreaux (postes) dans les échelles ? Les recherches montrent que le nombre de postes de l’échelle et leur parité ou imparité éventuelle (possibilité d’avoir un pôle médian) importe peu. En revanche, il est primordial que les intervalles entre les supports de l’échelle soient situés à des écarts perceptuels équivalents. En d’autres termes, il doit y avoir la même distance perceptuelle entre les postes (1) et (2) de l’échelle qu’entre les postes (2) et (3) : des listes d’adjectifs et de termes sémantiques ont ainsi été validées 2.

1. Pour une présentation des différents types d’échelles, voir Giannelloni J. L et Vernette É., (2001), Études de marché, Vuibert, chapitre 9 ; pour comparaison, voir Vernette É. (1991), « L’efficacité des instruments d’études : évaluation des échelles de mesure », Recherche et Applications en Marketing, vol. 6, n˚ 2, p. 43-66. 2. Angelmar R. et Pras, B., (1978), « Verbal ratings scales for multinational research », European Research, vol.6, n˚ 2, p. 62-67. ; Myers, J.H., et Warner, G., (1968), « Semantic properties of selected evaluation adjectives », Journal of Marketing Research, novembre, p. 409-412, 1968. ; Pras B., (1976), « Échelles d’intervalles à supports sémantiques », Revue Française du Marketing, cahier 61, p. 87-95.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Faut-il prévoir des cases « Ne sait pas » ? À notre avis, puisque le répondant connaît la marque de nom, il vaut mieux « forcer » la réponse, et donc ne pas offrir cette possibilité. En effet, au moment du choix, si on ne sait pas bien ce que vaut une marque sur un attribut déterminant, dans le doute, on peut l’écarter, ce qui revient à la sous-noter, ou se baser sur les notes données pour des attributs voisins (effet de halo). Ces éventuelles incertitudes sont une composante à part entière de l’image. On peut mesurer plus précisément la solidité des croyances par des questions spécifiques, mais cela alourdi malheureusement très rapidement le questionnaire, et donc renchérit le coût de l’étude.

Comment réduire l’effet de halo ? C’est la contamination du jugement affectif dans l’évaluation des produits. Ainsi, si une personne adore une marque, elle tend à la surnoter sur tous les critères ; inversement, si elle la déteste, elle la défavorise systématiquement sur tous les critères. Ceci pose un problème délicat pour certaines analyses multivariées (notamment pour la régression multiple) et réduit l’intérêt des évaluations pour le marketing. Pour limiter cet effet, il est recommandé de faire évaluer toutes les marques sur un premier attribut, puis de passer au deuxième, et ainsi de suite. L’évaluation globale des marques intervient alors en dernier lieu.

La conception d’un questionnaire d’image de marque passe par plusieurs étapes. Nous les présentons en nous appuyant sur l’exemple d’une étude d’image de marque de stations de sports d’hiver. Les résultats présentés sont fictifs et n’ont qu’un caractère pédagogique. • Étape 1 : délimiter les non-consommateurs absolus de la catégorie de produits. On stoppera l’enquête pour les répondants qui ont coché la case « Aucune fois ». « Au cours des cinq dernières années, vous êtes partis aux sports d’hiver » moins 1 semaine

Aucune fois (0)

1à2 semaines

(1)

3à5 semaines

(2)

Plus de 5 semaines

(3)

(4)

• Étape 2 : éliminer les marques inconnues. On écartera les questionnaires des répondants qui ont coché une ou zéro case, car leur connaissance de la catégorie de produit est trop faible. « Cochez dans la liste ci-dessous les stations que vous connaissez, ne serait-ce que de nom » Chamonix (1)

Les Deux Alpes (2)

Les Rousses (3)

Megève (4)

Pralognan (5)

Tignes (6)

• Étape 3 : recueil des croyances vis-à-vis des marques. Il faut disposer au préalable d’une liste d’attributs déterminant du choix de la marque (voir

256

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ÉTUDES DE MARQUE

chapitre 3). Dans notre exemple, 8 attributs déterminants ont été sélectionnés par la méthode duale (voir chapitre 3) : « architecture », « longueur des pistes », « débit des remontées mécaniques », « enneigement », « nombre de pistes », « animation », « proximité des pistes », « accueil ». Nous avons choisi une échelle avec 5 supports sémantiques. Les répondants évaluent toutes les marques sur un premier attribut (« architecture »), puis sur un second (« débit des remontées mécaniques »), etc. jusqu’à épuisement de la liste. « Indiquez comment vous jugez l’architecture de chacune des stations suivantes (cochez une seule case par ligne) : » Architecture

Extrêmement Mauvaise

Médiocre

Moyenne

Bonne

Extrêmement Bonne

Chamonix

(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

(A)

Les Deux Alpes

(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

(B)

Les Rousses

(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

(C)

Megève

(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

(D)

Pralognan

(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

(E)

(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

(F)

Tignes

Extrêmement Mauvaise

Médiocre

Moyenne

Bonne

Extrêmement Bonne

« Indiquez comment vous jugez le débit des remontées mécaniques de chacune des stations suivantes (cochez une seule case par ligne) : »

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Débit des remontées mécaniques

Extrêmement Mauvais

Chamonix

(1)

(2)

(3)

Extrêmement Bon (4) (5)

Les Deux Alpes

(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

(B)

Les Rousses

(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

(C)

Megève

(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

(D)

Pralognan

(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

(E)

(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

(F)

Tignes

Extrêmement Mauvais

Médiocre

Médiocre

Moyen

Moyen

Bon

Bon

(A)

Extrêmement Bon

• Étape 4 : fiche signalétique. Pour pouvoir affiner ultérieurement les conclusions marketing, on introduit des variables susceptibles de mettre en

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

évidence des différences significatives de profil d’image. Les plus intéressantes sont généralement : – variables comportementales : niveau de pratique (expert, débutant…), fréquentation de la station. Pour cette dernière, la question pourra être de la forme suivante : « Indiquez, pour chacune des stations, le nombre total de semaines que vous y avez passé au cours des cinq dernières années : (cochez la case concernée) » N’y suis pas allé

1à2 semaines

1à6 jours

3à5 semaines

Plus de 5 semaines

Chamonix

(0)

(1)

(2)

(3)

(4)

Les Deux Alpes

(0)

(1)

(2)

(3)

(4)

Les Rousses

(0)

(1)

(2)

(3)

(4)

Megève

(0)

(1)

(2)

(3)

(4)

Pralognan

(0)

(1)

(2)

(3)

(4)

Tignes

(0)

(1)

(2)

(3)

(4)

– variables socio-démographiques : sexe, âge, situation de famille, PCS, revenu, région d’habitation. Pour évaluer une marque sur 10 attributs, il faut compter environ de 2 à 3 minutes. Généralement, on fait souvent juger 5 à 10 marques, plus les questions de situation, le temps moyen d’administration du questionnaire oscille entre 10 et 20 minutes. La passation s’effectue en face-à-face, de préférence à domicile ou en salle aménagée, ou par voie postale. Les enquêtes par téléphone passent mal, car les échelles sont peu adaptées à ce mode ; l’administration dans la rue n’est pas recommandée compte tenu de la durée trop élevée des questionnaires. L’administration par Internet est probablement le mode de passation qui se développe le plus aujourd’hui.

• Traitement des données. Le chargé d’étude dispose d’un paquet de données en trois dimensions : les individus évaluent plusieurs marques sur plusieurs attributs (voir figure 8.3). Les analyses multivariées se prêtent mal à cette contrainte : la plupart du temps, il faudra travailler avec les profils moyens de marques calculés sur les différentes arrêtes du cube. Le nombre total d’observations est égal à N = (m × k × n), avec m = nombre de marques jugées, k = nombre de marques, n = taille de l’échantillon. Supposons que dans notre exemple, nous ayons interrogé 800 répondants ; nous avons 6 marques et 8 attributs. Cela donne un total de : 800 × 6 × 8, soit 11 200 observations.

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ÉTUDES DE MARQUE

n = taille de l'échantillon Attribut 1 Attribut 2... k Marque 1 Marque 2 ... Marque m Interviewé 1

Interviewé i

Figure 8.3 – La base de données d’une étude d’image de marque

Le traitement le plus fréquent est le calcul de profils moyens des marques sur les attributs (voir figure 8.4), assorti d’une comparaison graphique des profils (voir figure 8.5). Dans cet exemple, on constate que Megève et Pralognan ont des profils d’image assez voisins, de même que les Deux Alpes et Tignes. Les Rousses et Chamonix se différencient nettement des autres stations. Architecture

Longueur piste

Débit remontées

Neige

Nombre pistes

Proximité piste

Accueil

Chamonix

4,43

4,86

2,14

3,86

4,29

1,86

1,29

1,57

Les 2 Alpes

2,43

4,14

3,86

4,00

4,29

2,14

4,14

2,29

Les Rousses 4,43

1,57

1,57

1,43

1,71

1,86

3,86

3,86

Animation

Megève

4,86

2,14

2,14

2,71

3,14

3,29

1,43

2,57

Pralognan

4,86

3,14

2,14

3,14

3,14

3,29

3,00

3,14

Tignes

1,14

4,43

4,86

4,71

4,71

2,57

4,71

2,29

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Figure 8.4 – Notes moyennes des marques sur les attributs (données fictives)

Accueil

Proximité piste

Architecture 5,00 4,00 3,00 2,00 1,00 0,00

Longueur piste Débit Remontées

Accueil

Proximité piste

Neige

Animation

Pralognan

Longueur piste Débit Remontées

Neige

Animation

Nombre piste Megève

Architecture 5,00 4,00 3,00 2,00 1,00 0,00

Nombre piste Tignes

Chamonix

Les 2 Alpes

Figure 8.5 – Graphique des profils d’image des stations

259

Les Rousses

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Stations

Axe 1 – Domaine skiable

Axe 2 – Qualité vie

1

0,6

Chamonix (Bon skieur)

1.2

0,9

Chamonix (Faible skieur)

1.4

0,3

Chamonix

Les 2 Alpes

1,4

– 0,7

Les 2 Alpes (Bon skieur)

1,3

– 0,8

Les 2 Alpes (Faible skieur)

1,5

– 0,6

Les Rousses

– 1,3

0,1

Les Rousses (Bon skieur)

– 2,2

– 0,4

Les Rousses (Faible skieur)

– 0,9

0,8

Megève

-0,6

1,6

Megève (Bon skieur)

– 1,1

1,3

0

2,3

Pralognan

Megève (Faible skieur)

0,5

0,2

Pralognan (Bon skieur)

0,1

0,1

Pralognan (Faible skieur)

1,1

0,4

Tignes

2,5

1

Tignes (Bon skieur)

2,9

1,2

2

1,1

Tignes (Faible skieur)

Figure 8.6 – Coordonnées (points moyens) des stations sur les axes

L’analyse factorielle offre la possibilité de construire une carte perceptuelle (« mapping ») qui situe les marques sur des dimensions déterminantes de l’image. Ces axes sont formés par des combinaisons linéaires spécifiques des attributs, leurs coefficients étant calculés de façon à restituer un maximum de l’information initiale. On calcule ensuite les différents scores des marques sur ces composantes (points moyens obtenus avec l’ensemble des répondants) ; on peut étudier des profils plus spécifiques, par exemple ceux correspondant aux images de différents segments. La figure 8.6 récapitule les scores obtenus pour les cibles « bon skieur » et « faible skieur », sur les deux premières dimensions, c’est-à-dire celles qui représentent le plus fort pourcentage de variance contenue dans les données initiales. La figure 8.7 donne la projection des scores sur les deux premiers axes. On observe que si Tignes, Chamonix et Les 2 Alpes sont les stations les mieux évaluées sur la dimension « Domaine skiable », seule Tignes a une bonne image sur l’axe « Qualité de vie » ; cependant, une analyse plus attentive montre que cela n’est vrai que pour la cible « Bon skieur ». D’un autre côté, Megève,

260

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ÉTUDES DE MARQUE

2,5

2

1,5

Qualité de la vie

1

–3

0,5

0 –2

–1

0

1

2

3

4

– 0,5

–1

Chamonix Chamonix (Bon skieur) Chamonix (Faible skieur) Les 2 Alpes Les 2 Alpes (Bon skieur) Les 2 Alpes (Faible skieur) Les Rousses Les Rousses (Bon skieur) Les Rousses (Faible skieur) Megève Megève (Bon skieur) Megève (Faible skieur) Pralognan Pralognan (Bon skieur) Pralognan (Faible skieur) Tignes Tignes (Bon skieur) Tignes (Faible skieur)

– 1,5 Domaine skiable

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Figure 8.7 – Perception des images des stations (cibles Bon et Faible skieurs)

station la mieux placée sur l’aspect de la qualité de vie, reste pénalisée par une appréciation mitigée de son domaine skiable. Enfin, les Rousses, moins bien notée sur les deux axes par les bons skieurs, s’en sort mieux avec les « Faibles skieurs », plus indulgents pour évaluer sa qualité de vie.

Noyau central et système périphérique d’une marque Comment s’organisent dans l’esprit du consommateur les différentes croyances constitutives d’une image de marque ? Il est probable que certaines d’entre elles sont plus fortement associées à la marque que d’autres. Autrement dit, l’image de marque pourrait se structurer autour d’un noyau central, lui-même complété par un système de croyances périphériques 1. Dans cette perspective, la marque s’apparente à un « objet social organisé », par analogie avec le concept 1. Michel G., (1999), « L’évaluation des marques : approche par la théorie du noyau central », Recherche et Applications en Marketing, 14, 4, p. 33-53 ; Michel G., (2004), Au cœur de la marque, Dunod.

261

Vernette.Livre Page 262 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

de représentation sociale développé en sociologie 1. L’encadré 8.4 expose les principes théoriques et les implications marketing de cette approche. ENCADRÉ 8.4

Noyau central et système périphérique d’une marque Le noyau central Le noyau central représente le cœur de la marque. Il regroupe les associations qui sont perçues par une majorité de consommateurs comme indissociables de la marque. Les consommateurs ne reconnaissent plus la marque si elle ne respecte pas ces associations centrales. C’est l’élément le plus stable, celui qui assure la pérennité (fonction organisatrice). Le noyau donne la signification aux autres associations de la marque (fonction génératrice). Par exemple, si deux marques sont associées à la caractéristique « ancienne », celle-ci n’aura pas le même sens selon que le noyau reflète une image vieillotte ou traditionnelle. De même, on peut parfaitement concevoir deux associations dont l’importance est identique et très forte, c’est-à-dire qu’elles apparaissent toutes les deux très fréquemment dans le discours des individus, mais une seule se trouve dans le noyau central. Autrement dit, seule l’association « centrale » donne sa signification à l’image de marque. Par exemple, les associations « enfants » et « magique » sont fortement associées à la marque Disney, mais seule l’association « magique » représente une association centrale de la marque, en lui apportant sa signification. Concrètement, seule la comparaison des attributs constitutifs du noyau permet d’évaluer la proximité de l’image de plusieurs marques.

Le système périphérique Le système périphérique répond à deux fonctions essentielles. Il intègre les éléments concrets au sein de la représentation de la marque (fonction de concrétisation) et protège la marque contre des dérives résultant d’actions marketing perturbantes (fonction de défense). Ainsi, la marque Moulinex intègre dans son système périphérique, les éléments tangibles tels que cafetière, fer à repasser, etc. De surcroît, le système périphérique joue un rôle essentiel dans l’adaptation de la marque. Car quand l’image de marque évolue, le consommateur commence par modifier ses associations périphériques. Si l’essence de la marque est menacée par d’éventuelles incohérences marketing, il défend la marque en intégrant les nouvelles informations qui constituent les réalités de la marque ; celles-ci induisent de nouvelles interprétations, plus ou moins congruentes avec les associations existantes au préalable. Par exemple, la marque Yoplait a vu son système périphérique évoluer à la suite du lancement des substituts de repas Menu Minceur. Des associations de féminité, de minceur ont en effet été intégrées dans le système périphérique de la marque sans toucher à ce qui fait la signification fondamentale de Yoplait. Source : D’après Ambroise L., Michel G., Valette-Florence P. (2005), « Mesures du noyau central et de la personnalité de la marque : comparaison des premiers résultats de validité prédictive vis-à-vis de l’attachement à la marque et l’intention d’achat », Actes du XXI e Congrès AFM, Nancy.

1. Abric J.C., (1994), Les représentations sociales : aspects théoriques, Pratiques sociales représentations., Puf. ; Moliner P., (1996), Images et représentations sociales, Presse Universitaires de Grenoble.

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ÉTUDES DE MARQUE

➤ Mesure des associations centrales et périphériques 1

Les étapes de la méthode sont les suivantes : • Étape 1 : établissement d’une liste globale d’associations. On peut utiliser une méthode de génération d’attributs (voir chapitre 3). Parmi celles-ci, la méthode de citation directe est particulièrement bien adaptée, car la question que l’on pose est directement centrée sur la génération d’associations propres à chaque marque. On obtient une liste extensive de couples d’association/marque. « Chanel/Sophistiqué » ; « Chanel/classique » ; « H & M/Tendance » ; « H & M/ Petit prix », etc.

• Étape 2 : évaluation de la force de l’association. La liste des couples d’associations obtenus à l’étape précédente est soumise à un échantillon de consommateurs représentatifs des segments visés. L’ensemble des associations étant imposée aux individus, il est probable que seules certaines d’entre elles appartiendront au noyau central. L’idée sous-jacente est que la remise en cause d’une association centrale modifierait le sens de la marque ; à l’inverse, la remise en cause d’une association périphérique ne changerait pas le sens. Un exemple de questions destinées à évaluer l’effet de ces remises en cause est donné dans la figure 8.8. Oui Tout à fait

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

À votre avis, les produits suivants Non peuvent-ils être pas du tout ou Pas tout à fait de la marque Chanel ? du tout Si le produit n’est pas classique peut-il être de la marque Chanel ?

1

2

3

4

5

6

7

Si le produit n’est pas à la mode peut-il être de la marque Chanel ?

1

2

3

4

5

6

7

Si le produit n’est pas sophistiqué peut-il être de la marque Chanel ?

1

2

3

4

5

6

7

Figure 8.8 – Mesure de la force des associations

• Étape 3 : détermination des associations centrales et périphériques. La procédure s’apparente à celle utilisée par la méthode duale pour l’identification des attributs déterminants (voir chapitre 3). On calcule dans un premier temps les différents scores moyens des couples d’associations/marques, puis la grande moyenne (moyenne des scores moyens de couple association/ 1. Pour un approfondissement voir, Ambroise L., Michel G., Valette-Florence P. (2005), « Mesures du noyau central et de la personnalité de la marque : comparaison des premiers résultats de validité prédictive vis-à-vis de l’attachement a la marque et l’intention d’achat », Actes du XXI˚ Congrès international de l’AFM, Nancy.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

marque). Les couples d’associations dont le score moyen est supérieur à cette grande moyenne sont considérés comme centraux. Une autre façon de procéder est de pratiquer un test du χ2 en comparant la répartition en % des associations entre les deux modalités « Oui » (score = 1, 2 ou 3) vs « Non » (Score = 4, 5, 6 ou 7) à celle d’une distribution théorique équilibrée (Oui = 50 %, Non 50 %). Si la différence est statistiquement significative au seuil de 0,05 l’association sera, selon le sens de différence, qualifiée de centrale ou de périphérique. Dans l’exemple précédant portant sur des marques de vêtements, 105 personnes ont répondu « 1, 2 ou 3 » pour l’association « Zara/Féminin » et 61 personnes ont coché « 4, 5, 6 ou 7 » (voir figure 8.9). Si l’on compare cette répartition à une répartition théorique de 82/81, la valeur du test du Chi-deux d’inférence est de 11,66 et la probabilité associée est de 0,00. Une majorité significative d’individus ayant répondu négativement, l’association « Féminin » est donc dans le noyau central de la marque Zara. La figure 8.9 donne les répartitions des différentes associations. Associations centrales Féminin À la mode Actuel Citadine

Effectifs [1-3 ]

Effectifs [4-7]

c2

Probabilité

105 98 93 92

61 68 70 70

11,66 5,42 2,41 2,41

0,00 0,02 0,04 0,04

90 63 61 58 56 54 44 40

76 103 105 108 110 112 122 126

1,18 9,63 11,66 15,06 17,56 20,26 36,65 44,55

0,27 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00

Associations périphériques Vêtement Femme. Active Dynamique Variété Branché Qualité Jeune Tous les jours

Source : D’après Ambroise L., Michel G., Valette-Florence P., (2005), « Mesures du noyau central et de la personnalité de la marque : comparaison des premiers résultats de validité prédictive vis-à-vis de l’attachement a la marque et l’intention d’achat », Actes du XXI˚ Congrès AFM, Nancy.

Figure 8.9 – Exemple d’associations centrales et périphériques pour Zara

Personnalité de marque La personnalité d’une marque se définit comme « l’ensemble des caractéristiques humaines associées à une marque » 1. Par rapport à l’image de marque, qui englobe indifféremment attributs physiques, fonctionnels, sociaux ou psycho1. Aaker J.L. (1997), « Dimensions of brand personality », Journal of Marketing Research,

34, 3, p. 347-356.

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ÉTUDES DE MARQUE

logiques, la personnalité de marque se limite aux deux dernières catégories d’attributs qui permettent au consommateur d’affirmer une identité personnelle. Celle-ci peut s’exprimer par rapport à soi : « le soi réel » (ce que j’estime être) ou « le soi rêvé » (ce que je voudrais être) ; elle se prolonge également dans la relation sociale avec « le soi social réel » (ce que les autres pensent de moi) ou avec « le soi social rêvé » (ce que j’aimerais que les autres pensent de moi). L’anthropomorphisme des marques, bien que discuté, est globalement validé par les recherches en comportement du consommateur 1. En fait, la principale difficulté réside dans le fait que seuls certains traits de la personnalité humaine peuvent être transposés sur des objets inanimés, tels que des marques ; d’autre part, le sens des traits de personnalité varie en fonction de la marque à laquelle ils sont attribués 2. Néanmoins, plusieurs échelles de mesure de la personnalité de marque ont été validées. Chaque trait est mesuré sur une échelle de Likert en 5 points. « Si la marque X était une personne, je la verrais comme… (citez le trait) » Tout à fait en désaccord

Plutôt en désaccord

Ni en désaccord Ni d’accord

Plutôt d’accord

Tout à fait d’accord

1

2

3

4

5

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Nous proposons deux échelles qui ont été validées dans un contexte français. • La première est une adaptation de l’échelle américaine de Jennifer Aaker : elle comporte des traits de personnalité spécifiques pour une marque, sans correspondance avec la personnalité humaine. La personnalité de marque se structure en six dimensions, identifiées par analyse factorielle : domination, compétence, consciencieuse, masculinité, expansivité, séduction. La figure 8.10 montre les traits de caractère les plus corrélés avec chaque dimension. 1. Aaker J.L., (1997), « Dimensions of brand personality », Journal of Marketing Research, 34, 3, p. 347-356. Azoulay A. et Kapferer J.N., (2003), « Do brand personality scales really measure brand personality ? », Brand management, 11, 2, p. 143-155. ; Ferrandi J.M. et Valette-Florence P., (2002), « Premiers test et validation de la transposition d’une échelle de personnalité humaine aux marques », Recherche et Applications en Marketing, 17, 3, p. 21-40. 2. Caprara G.V., Barbaranelli C. et Guido G., (2001), « Brand personality : How to

make the metaphor fit ? », Journal of Economic Psychology, 22, 3, p. 377-395 ; traduit en français : (2002), « La personnalité de marque : la métaphore est-elle appropriée ? », Recherche et Applications en Marketing, 17,1, p. 75-88.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Domination Unique Indépendante Sûre d’elle Contemporaine Leader

Compétence

Fiable Robuste Technique Sûre

Consciencieuse Réaliste Travailleuse Organisée Intelligente Honnête

Masculinité

Expansivité

Masculine Virile Rude

Audacieuse Imaginative Fougueuse Dans le vent Gagnante Gaie

Séduction Envoûtante Séduisante Belle Sentimentale Féminine Excitante Distinguée

Source : Koebel M-N. et Ladwein R., (1999), « L’échelle de personnalité de la marque de Jennifer L. Aaker : adaptation au contexte français », Décisions Marketing, n° 16, p. 81-88.

Figure 8.10 – Personnalité de marque (adaptation échelle d’Aaker)

• La seconde est une adaptation et une réduction du modèle OCEAN, initié par Goldberg 1, qui est couramment utilisé pour la mesure de la personnalité en psychologie. Introversion Réservé Timide Renfermé

Amabilité Chaleureux Compatissant Gentil

Consciencieux Organisé Efficace Méthodique

Neurotisme Envieux Susceptible Jaloux

Ouverture Imaginatif Créatif Malin

Source : Adapté de Ferrandi J.M. et Valette-Florence P., (2002), « Premiers test et validation de la transposition d’une échelle de personnalité humaine aux marques », Recherche et Applications en Marketing, 17, 3, 21-40.

Figure 8.11 – Personnalité de marque (adaptation échelle de Saucier)

Le marketing fait l’hypothèse que le choix d’un consommateur est influencé par l’image qu’il a de lui même et que sa consommation exprime une certaine image de lui 2. En d’autres termes, le consommateur rechercherait une congruence entre les traits d’image d’une marque et ses propres traits de personnalité : le consommateur exprime l’image de soi en choisissant des marques dont la personnalité lui semble proche de sa propre personnalité. Plusieurs recherches concluent dans ce sens 3. Cependant, il convient de rester 1. Goldberg L.R., (1990), An alternative description of personality : The Big Five-Factor structure, Journal of Personality and Social Psychology, 59, p. 1216-1229. 2. Sirgy J., (1982), Self-Concept in Consumer Behavior : A Review, Journal of Consumer Research, Vol. 9. 3. Ericksen M.K., (1996), « Using self-congruity and ideal congruity to predict purchase intention : a european perspective », Journal of Euro-Marketing, 31, 3/4, p. 41-56. ; Graeff T.R., (1996), « Using promotional messages to manage the effects of brand and self-image on brand evaluations », Journal of Consumer Marketing, 13, 3, p. 4-18. ; Ericksen, (1996) ; Metha A. (1999), « Using self-concept to assess advertising effectivness », Journal of Advertising Research, 39, janv.-févr., p. 81-89 ; Sirgy J., (1985), Using self-congruity and ideal congruity to predict purchase motivation, Journal of Business Research, 13, p. 195-206.

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ÉTUDES DE MARQUE

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

prudent, car il apparaît que la recherche d’une congruence entre personnalité de marque et personnalité individuelle n’est pas absolue : tout dépend de la catégorie du produit et de la nature de l’image de soi. Une recherche portant sur un échantillon représentatif de 10 000 Français, couvrant 24 catégories de produits, et utilisant l’échelle de la figure 8.10, a montré des résultats contrastés 1. En effet, selon que l’on se place au niveau du soi réel, du soi social réel, du soi idéal et du soi social idéal, la congruence peut être voulue ou, au contraire, refusée. Par exemple pour l’ameublement et la décoration, la congruence n’est recherchée qu’avec le soi rêvé et le soi social rêvé ; pour l’automobile, la congruence n’est voulue que pour le soi social rêvé. À l’inverse, la congruence est rejetée pour les parfums et soins pour hommes ; pour les parfums femmes, elle n’est attendue que pour le soi rêvé (voir figure 8.12). Catégories produits

Soi réel

Soi social réel

Soi idéal

Soi social idéal

Électroménager Ameublement, décoration Bricolage, jardinage Automobile Hifi, photo, vidéo Micro-informatique Internet Téléphonie Parfums, soin et toilette hommes Parfums, soin et toilette femmes Maquillage Mode, habillement hommes Mode, habillement femmes Maroquinerie et accessoires Produits pour les enfants Boissons sans alcool Vins, champagne, alcools Bières Alimentation Produits d’entretien Magasins, grandes surfaces Voyages, vacances Banques

0,21 0,02 0,29 0,13 0,20 0,21 0,38 0,28 – 0,54 – 0,18 – 0,14 – 0,33 – 0,16 – 0,08 0,38 0,65 0,63 0,62 0,48 0,34 0,72 0,67 0,65

0,17 – 0,02 0,30 0,12 0,15 0,16 0,30 0,22 – 0,46 – 0,14 – 0,11 – 0,38 – 0,18 – 0,13 0,35 0,69 0,67 0,70 0,38 0,32 0,63 0,66 0,57

0,24 0,42 0,06 0,22 0,28 0,26 0,28 0,27 – 0,39 0,35 0,33 – 0,17 0,41 0,47 0,40 0,46 0,10 0,00 0,48 0,24 0,31 0,45 0,24

0,37 0,43 0,35 0,31 0,41 0,38 0,50 0,44 – 0,43 0,23 0,26 – 0,18 0,29 0,38 0,67 0,89 0,56 0,54 0,69 0,45 0,71 0,86 0,57

Moyenne des coefficients

0,36

0,34

0,30

0,48

Source : Vernette É. (2003), « Personnalité de marque et image de soi », 3e congrès international sur les tendances du marketing, Venise, EAP, ESCP, (Actes CD-Rom).

Figure 8.12 – Corrélations personnalité individu et personnalité marque 1. Vernette É., (2003), « Personnalité de marque et image de soi », 3e congrès international sur les tendances du marketing, Venise, EAP, ESCP, (Actes CD-Rom).

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Diagnostic global de la marque Jusqu’à présent, nous avons présenté des techniques qui se focalisent sur l’étude de telle ou telle facette d’une marque pour observer les forces et faiblesses de la marque. Nous allons maintenant exposer des méthodes qui considèrent la marque comme une entité globale : les conclusions s’apparentent à un diagnostic de la « santé » affective ou cognitive de la marque.

Attachement Avoir une bonne image globale d’une marque est un point favorable pour le marketing. Mais cela ne suffit pas forcément pour qu’il existe une intention d’achat. En revanche, si les associations se transforment en liens émotionnels, sources d’affection, un attachement apparaît, lui-même source de fidélité 1. Ceci est cohérent avec la vision anthropomorphique d’une marque « humaine » : l’attachement témoigne d’une relation affective durable et inaltérable, dans laquelle une éventuelle séparation serait douloureuse. L’attachement à la marque renvoie à des associations empreintes de nostalgie qui se traduisent par une certaine indulgence pour d’éventuelles faiblesses de la marque. Nous proposons deux échelles de mesure de l’attachement ; toutes les deux disposent de bonnes qualités psychométriques. La première, de nature unidimensionnelle, a été validée dans un contexte français (voir figure 8.13) ; la seconde comporte trois dimensions développées dans un contexte nordaméricain (voir figure 8.14). Voici des affirmations concernant la marque Pas XXX ; donnez votre du tout opinion allant de d’accord « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord »

Tout à fait d’accord

J’ai beaucoup d’affection pour XXX

1

2

3

4

5

6

7

Penser à XXX me procure beaucoup de joie, de plaisir

1

2

3

4

5

6

7

Je suis très lié(e) à XXX

1

2

3

4

5

6

7

XXX m’attire

1

2

3

4

5

6

7

Source : Lacoeuilhe J., (2000), « L’attachement à la marque : proposition d’une échelle de mesure », Recherche et Applications en Marketing, 15, 4, 60-77.

Figure 8.13 – Échelle unidimensionnelle d’attachement à la marque 1. Lacoeuilhe J., (2000), « L’attachement à la marque : proposition d’une échelle de mesure »,

Recherche et Applications en Marketing, 15, 4, p. 60-77 ; Thomson M., McInnis D., Park C.W. (2005), « Les liens attachants : mesure de la force de l’attachement émotionnel des consommateurs à la marque », Recherche et Applications en Marketing, 20, 1, p. 89-98.

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ÉTUDES DE MARQUE

Affection

Passion Passionné Enchanté Captivé

Affectueux Amical Paisible Aimé « Dans quelle mesure les mots suivants décrivent vos sentiments habituels envers la marque X ? » Affectueux Amical, etc.

Connexion Connecté Lié Attaché

Pas du tout d’accord 1

Tout à fait d’accord 2

3

4

5

6

7

Source : Thomson M., Mc Innis D., Park C.W., (2005), « Les liens attachants : mesure de la force de l’attachement émotionnel des consommateurs à la marque », Recherche et Applications en Marketing, 20, 1, 89-98.

Figure 8.14 – Échelle tridimensionnelle d’attachement à la marque

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Confiance Dans la lignée d’une marque dotée d’une personnalité humaine, des chercheurs ont proposé de se focaliser sur la capacité d’une marque, considérée comme un partenaire, à tenir ses promesses. En d’autres termes, on suppose que l’acheteur préfère se fier à une marque transparente, qui « dit ce qu’elle va faire » et sincère, qui « fait ce qu’elle dit ». De nombreuses définitions de la confiance ont été proposées 1. Nous retenons la suivante, qui nous semble opérationnelle et riche d’implications marketing : la confiance est « l’espérance forte que la marque fournira ce qui attendu, plutôt que ce qui est craint » 2. L’intérêt d’étudier ce concept, plutôt que d’autres, est qu’un consommateur qui fait confiance à une marque accepterait délibérément de réduire le champ des comparaisons avant l’achat, parce qu’il sait qu’il ne sera pas trompé, ni déçu. Cette situation de vulnérabilité – librement acceptée – favorise l’attachement affectif à la marque, et par suite, la fidélité. Comme pour les concepts précédents, plusieurs mesures ont été proposées par les chercheurs. La figure 8.15 propose une échelle qui comporte trois dimensions : la crédibilité, l’intégrité, la bienveillance. Les items sont évalués sur des échelles de Likert en 5 ou 7 points. Sa structure a été validée dans un contexte français et sa capacité à prédire l’engagement vis-à-vis de la marque a été établie 3. 1. Pour une revue, voir Gurviez P. et Korchia M., (2002), « Proposition d’une échelle multidimensionnelle de la confiance dans la marque », Recherche et Applications en Marketing, 17, 3, p. 41-61. 2. Fournier S., (1998), « Consumers and their brands : developing relationship theory in

consumer research », Journal of Consumer Research, 24, p. 343-373. 3. Gurviez P. et Korchia M., (2002), « Proposition d’une échelle multidimensionnelle de la confiance dans la marque », Recherche et Applications en Marketing, 17, 3, p. 41-61.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Dimensions

Items

Crédibilité

Les produits de cette m’apportent de la sécurité J’ai confiance dans la qualité des produits de cette marque Acheter des produits de cette marque, c’est une garantie

Intégrité

Cette marque est sincère vis-à-vis des consommateurs Cette marque est honnête vis-à-vis de ses clients Cette marque montre de l’intérêt pour ses clients

Bienveillance

Cette marque renouvelle ses produits pour tenir compte des progrès de la recherche Cette marque cherche continuellement à améliorer ses réponses aux besoins des consommateurs

Source : Gurviez P. et Korchia M. (2002), « Proposition d’une échelle multidimensionnelle de la confiance dans la marque », Recherche et Applications en Marketing, 17, 3, p. 41-61.

Figure 8.15 – Échelle tridimensionnelle de confiance en la marque

D’après cette recherche, c’est la dimension « crédibilité » qui influence le plus fortement la confiance (lien structurel = 0,71), devant « l’intégrité » (= 0,29) et la « bienveillance » (= 0,17).

Satisfaction La mesure de la satisfaction suppose une consommation préalable du produit ou du service. Ce contact, unique ou répété, avec le produit ou le service permet au consommateur de formuler un jugement subjectif sur l’expérience vécue. Trois approches cohabitent pour expliquer la formation de ce jugement ; leurs mesures et analyses sont différentes, mais leurs résultats sont raisonnablement convergents. ➤ La satisfaction comme confrontation entre attentes et perceptions

La satisfaction résulte d’une comparaison entre ce qui est attendu par le consommateur (attente) et ce qui est effectivement reçu après l’expérience (valeur délivrée). Le jugement se cristallise sur la « qualité » perçue et attendue. Concrètement, le consommateur est indifférent (ni satisfait, ni insatisfait) si sa perception de la qualité globale (produit ou service) est conforme à ce qu’il attendait. Il sera insatisfait si elle est inférieure, et satisfait si elle est supérieure à ces attentes initiales (voire figure 8.16). La mesure de la satisfaction nécessite deux décisions : • Choix des bornes. Le chargé d’étude doit classer les répondants entre les trois états possibles : satisfait, indifférent, insatisfait. Il faut pour cela sélectionner les termes sémantiques correspondant aux bornes supérieures et inférieures de la zone d’indifférence, puis compléter l’échelle avec d’autres supports pour apprécier les degrés d’insatisfaction ou de satisfaction.

270

Vernette.Livre Page 271 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

ÉTUDES DE MARQUE

Qualité perçue < Qualité attendue « Moins bien que prévu » = INSATISFACTION

Qualité perçue = Qualité attendue « Comme prévu » = TOLÉRANCE (ou INDIFFÉRENCE)

Évaluation globale après l’expérience

Qualité perçue > Qualité attendue « Mieux que prévu » = SATISFACTION

Figure 8.16 – La satisfaction, confrontation entre attente et perception

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Plusieurs recherches ont tenté de trouver les meilleurs termes, pour conserver une distance perceptuelle équivalente entre les supports, de façon à pouvoir utiliser la panoplie complète des analyses de données. La figure 8.17 propose une échelle ordinale, qui nous semble, malgré tout, guère éloignée des propriétés d’intervalle. Intolérable

Minimum tolérable

Mieux serait désirable

1,10

2,20

3,19

1

2

3

Faible performance

Comme désiré

Excellente

4,68

5,27

6,85

4

5

6

Comme attendu

Zone d’indifférence

Forte performance

2e

Les nombres figurant sur la ligne correspondent aux repères perceptuels déterminés par la recherche ; ceux de la 3e ligne pourraient à la rigueur être retenus si l’on confère des propriétés d’intervalle à l’échelle. Source : Adapté de Chandon J. L, et Bartikowski B. (2004), « Une échelle ordinale permettant de classer les répondants en “satisfait”, “indifférent” et “insatisfait” », Recherche et Applications en Marketing, 19,1, p. 39-53 ;

Figure 8.17 – Bornes de la zone d’indifférence

• Choix du niveau de mesure. La mesure peut se centrer sur la satisfaction globale du consommateur ou explorer les composantes de cette satisfaction. La figure 8.18 donne un exemple permettant d’évaluer la satisfaction globale.

271

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Entourez le chiffre qui convient le mieux au jugement global que vous portez « sur le produit (service) que vous avez utilisé (reçu) » Intolérable

Minimum tolérable

Mieux serait désirable

Comme attendu

Comme désiré

1

2

3

4

5

Excellent 6

Figure 8.18 – Mesure de la satisfaction globale

Pour identifier les dimensions de satisfaction d’un produit, on peut utiliser l’une des méthodes présentées dans le chapitre 3 pour identifier les attributs déterminants. Dans le domaine des services, cinq dimensions, déclinables en plusieurs attributs, communes à la plupart des services, ont été répertoriées ; la figure 8.19 récapitule les items qui les composent 1. Éléments tangibles

Fiabilité

Serviabilité

Assurance

Empathie

• Apparence des supports physiques • Équipement • Apparence du personnel

• Capacité à délivrer le service • Précision

• Volonté d’aider • Service rapide

• Compétence • Courtoisie • Confiance

• Personnalisation • Considération

Source : adapté de Zeithalm V., Parasuraman, A., Berry L. (1990), Delevering Quality Service, Free Press.

Figure 8.19 – L’échelle Servqual

De nombreuses recherches ont montré que la structure globale de l’échelle est acceptable, mais qu’il faut adapter les libellés des échelles à la nature du service étudié ; les méthodes présentées dans le chapitre 3 sont adaptées à cet objectif. À titre d’exemple, la figure 8.20 donne des extraits d’un questionnaire mesurant la satisfaction des clients des banques. La mesure de la contribution des différentes dimensions à la satisfaction globale se fait de manière directe ou indirecte. Dans l’approche directe, on peut utiliser les méthodes duales ou d’auto-évaluation de l’importance pour estimer les poids moyens des attributs. Dans l’approche indirecte, on construit un modèle de régression multiple avec les scores de satisfaction des marques sur les différents attributs (variables prédictives), et le score de satisfaction globale des marques (variable dépendante) ; les principes de calculs sont les mêmes que ceux utilisés pour l’identification des attributs déterminants (voir chapitre 3 : méthodes des coefficients de régression partiels standardisés).

1. Parasuraman A., Zeithalm V. et Berry L., (1988), « Serqual, a multiple-item scale for measuring consumer perception of service quality », Journal of Retailing, 64, p. 12-40.

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ÉTUDES DE MARQUE

« Entourez les chifres qui correspondent le mieux à vos appréciations du service reçu » Attribut

Intolérable

Minimum tolérable

Mieux serait désirable

Comme attendu

Comme désiré

Excellent

Compétence du conseiller

1

2

3

4

5

6

Courtoisie du personnel

1

2

3

4

5

6

Ponctualité des rendezvous

1

2

3

4

5

6

Propreté de l’agence

1

2

3

4

5

6

Attente du guichet

1

2

3

4

5

6

Personnalisation du service

1

2

3

4

5

6

Figure 8.20 – Mesure de la satisfaction pour des services bancaires ➤ La satisfaction comme performance

Dans cette approche, la satisfaction dépend de la perception de la performance globale (satisfaction globale) ou des performances respectives des marques sur chacun des attributs déterminants du produit ou du service (voir figure 8.21). On fait l’hypothèse que toute amélioration dans la perception des performances du produit ou du service accroît la satisfaction du client. Performances de la marque faibles ou moyennes = INSATISFACTION

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Évaluation globale après l’expérience

Performances de la marque élevées = SATISFACTION

Figure 8.21 – Satisfaction = performance globale

La satisfaction globale peut être mesurée avec des échelles à supports sémantiques situés à des intervalles équivalents (voir figure 8.22) ; l’échelle à « Quelle est votre appréciation globale de ce produit (ou service) ? » Pas du tout satisfait

Plutôt pas satisfait

Ni satisfait Ni insatisfait

Plutôt satisfait

Tout à fait satisfait

1

2

3

4

5

Figure 8.22 – Évaluation globale des performances (supports sémantiques)

273

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

icônes présentée dans la figure 8.23 offre une alternative intéressante car elle est facile à comprendre, rapide à administrer et bien adaptée pour aux études multiculturelles 1. « Quel visage correspond le mieux à votre appréciation globale du produit (ou service) ? »

Figure 8.23 – Évaluation globale des performances (échelles à icônes)

La mesure de la perception des performances des marques sur les différents attributs constitutifs de la satisfaction globale se fait avec des échelles à supports sémantiques ou à icônes. La figure 8.24 offre un exemple de questionnaire à supports sémantiques. « Entourez les chiffres qui correspondent le mieux à vos appréciations du service reçu » Extrêmement Mauvaise

Faible

Moyenne

Bonne

Excellent

1

2

3

4

5

1

2

3

4

5

1

2

3

4

5

1

2

3

4

5

Attente au guichet

1

2

3

4

5

Personnalisation du service

1

2

3

4

5

Attributs Compétence du conseiller Courtoisie du personnel Ponctualité des rendez-vous Propreté de l’agence

Figure 8.24 – Évaluation des performances des attributs d’un service bancaire

L’évaluation de la contribution des différentes dimensions à la satisfaction globale peut se faire, tout comme pour l’approche attente/perception, de manière directe (méthode duale) ou indirecte (coefficient de régression). La comparaison 1. Vernette E, (1992), « Évaluation des propriétés d’intervalle des échelles à icônes », Actes du Congrès international de l’Association Française de Marketing, vol. 8, p. 447-461, Lyon, mai. ; Vernette É. (1993), « Les qualités de l’échelle de mesure à icônes pour une étude marketing internationale », Actes du 20e séminaire international de recherche en marketing, La Londe des Maures (IAE d’Aix en Provence), juin, p. 443-468.

274

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ÉTUDES DE MARQUE

des performances de la marque sur les attributs avec la contribution respective des attributs pour la satisfaction globale est riche d’implications managériales 1. L’encadré 8.5 propose une illustration avec le cas de la RATP. ENCADRÉ 8.5

La mesure et le suivi de la satisfaction à la RATP Contexte 7,5 millions d’habitants de la région parisienne âgés de plus de 10 ans utilisent au moins le métro une fois par an ; ils sont près de 3 millions à l’emprunter au moins une fois par semaine. La RATP a mis en place depuis 1993 un panel, composé de 3 360 clients âgés de plus de 10 ans, pour suivre l’évolution de leur satisfaction. Dix items ont été identifiés comme contribuant à la formation de la satisfaction globale. Chaque année les scores de chaque item sont comparés à ceux de l’année précédente.

Résultats La figure suivante donne les scores obtenus sur les items durant l’année 2000. On observe que les points forts du métro sont la rapidité, l’attente et la ponctualité ; à l’inverse, la disponibilité, l’affluence et la propreté sont les attributs les moins bien notés. Notes par composante Rapidité de circulation Durée attente station Ponctualité et respect horaire Fréquence pannes

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Note globale Sécurité agressions Amabilité/compétence Information si perturbations Propreté stations Affluence dans les véhicules Présence/Dispo personnel

Quand on croise l’importance des critères pour la contribution à la satisfaction (scores obtenus par ailleurs) avec les notes précédentes, on constate que la RATP doit travailler plus particulièrement sur les items d’affluence, d’amabilité, de sécurité et de propreté.

1. Pour un approfondissement, voir par exemple : D. Ray, (2001), Mesurer et développer la satisfaction clients, Éditions d’Organisation.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Affluence dans les véhicules Amabilité et compétence du personnel du Métro Ponctualité et le respect des horaires Sécurité contre les agressions Propreté des stations Présence et disponibilité du personnel du Métro en cas de besoin

Rapidité de circulation Fréquence des pannes & incidents techniques

Information en cas de perturbation de trafic

Pas satisfaisant

Durée de l'attente en station

Moins important

Moins important Importance Important

Satisfaisant

Important

Mapping Satisfaction / Importance

Pas satisfaisant

Satisfaisant

Satisfaction

En ce qui concerne la sécurité, l’amélioration est régulière depuis 1994, avec un net progrès en 1999, comme le montre le schéma ci-dessous : Qualité de l’environnement Transport Propreté station Affluence véhicule

févr- 93

oct-93

févr-94

Sécurité agressions Global

mars-95

mars-97

févr-98

févr-99

mars-00

Source : Journée Entreprise-afm, Paris, 21 septembre 2000

➤ L’impact asymétrique des attributs sur la satisfaction globale

Une dernière approche considère que la satisfaction et l’insatisfaction ne sont pas forcément les deux extrémités d’un même continuum. En clair, cela signifie qu’une bonne performance d’une marque sur un attribut peut se révéler sans effet sur la satisfaction, mais à l’inverse, une mauvaise performance sur ce même attribut conduirait à une forte insatisfaction. Par exemple, le fait qu’un train arrive à l’heure à la seconde près n’améliore pas forcément la satisfaction globale, mais un retard de deux heures dégraderait considérablement l’appréciation précédente.

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ÉTUDES DE MARQUE

Dans la pratique, quatre catégories d’attributs ont été identifiées1 : les attributs « clés », les « secondaires », les « plus » et les « basiques ». La figure 8.25 récapitule les incidences de différentes perceptions de performances des marques sur chaque type d’attribut : elle montre que l’entreprise à tout intérêt à soigner ses prestations sur les attributs « clés » et « plus » pour améliorer la satisfaction globale, tout en n’enregistrant pas de défaillances sur les attributs « basiques ». Performances de la marque faibles ou moyennes pour des « Attributs Clés » = INSATISFACTION Performances de la marque faibles ou moyennes pour des « Attributs basiques » = INSATISFACTION

Évaluation globale après l’expérience

Performances de la marque élevées pour des « Attributs Basiques » = INDIFFÉRENCE Performances de la marque élevées (ou faibles) pour des attributs « Secondaires » = INDIFFÉRENCE

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Performances de la marque élevées pour des « Attributs Plus » = SATISFACTION Performances de la marque élevées pour des « Attributs Clés » = SATISFACTION

Figure 8.25 – Contribution asymétrique des attributs à la satisfaction globale

Plusieurs méthodes sont disponibles pour classer les attributs dans les différentes catégories : analyse factorielle des correspondances, calcul de ratios (par exemple, % consommateur satisfait sur l’attribut/consommateur satisfait 1. Llosa S., (1997), « L’analyse de la contribution des éléments du service à la satisfaction : un modèle tétra-classe », Décisions Marketing, 10,1, p. 81-88 ; Lichtlé M.C., Llosa S. et Plichon V. (2002), « La contribution des différents éléments d’une grande surface alimentaire à la satisfaction du client », Recherche et Applications en Marketing, 17,4, p. 23-34.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

globalement), régression multiple avec variable muette, etc. Une comparaison a montré une convergence relativement faible entre ces méthodes, toutes sont empreintes de différents biais 1.

Capital de marque (brand equity) La définition la plus courante du capital de marque est probablement la suivante : « L’ensemble des éléments de l’actif (ou du passif ) liés au nom et au symbole d’une marque qui augmente (diminue) la valeur du produit ou du service pour l’entreprise et/ou pour ses clients » 2. Le capital de marque se subdivise en deux branches. La première représente un supplément de valeur (ou une moins-value) financière pour l’entreprise ; elle se mesure par des méthodes comptables ou financières (par exemple, le goodwill). La seconde correspond au surcroît (ou à la diminution) de valeur marketing accordée par un consommateur à un produit de la marque par rapport à un produit non marqué. La mesure de cet « effet différentiel » sur les réponses du consommateur (préférence, fidélité, etc.) représente la « dimensionclient » du capital de marque. Voici des affirmations concernant Pas la marque XXX ; donnez votre du tout opinion allant de « pas du tout d’accord d’accord » à « tout à fait d’accord »

Tout à fait d’accord

« C’est normal d’acheter X plutôt que toute autre marque, même si leurs produits sont très similaires »

1

2

3

4

5

6

7

« Même si le produit d’une autre marque a les mêmes caractéristiques que celui de la marque X, je préférerais acheter X »

1

2

3

4

5

6

7

« Si je trouve une autre marque dont le produit est aussi bon que celui de X, je préfère quand même acheter X »

1

2

3

4

5

6

7

« Si le produit d’une autre marque ressemble à celui de X en tout point, c’est quand même mieux d’acheter X »

1

2

3

4

5

6

7

Source : Yoo B., Donthu N., (2001), « Developing and validating a multidimensional consumer-based brand equity scale », Journal of Business Research, 52, p. 1-14.

Figure 8.26 – Échelle de mesure du capital de marque 1. Ray D. et Gotteland D., (2005), Mesurer l’asymétrie des impacts des attributs sur la satisfaction : comparaison de la validité convergente de cinq méthodes, Recherche et Applications en Marketing, 20, 1, p. 1-20. 2. Aaker D., (1996), Building strong brands, NY, The Free Press.

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ÉTUDES DE MARQUE

Les composantes de la valeur marketing de la marque sont de nature cognitive, affective et comportementale. Elles sont constituées par la notoriété de la marque, la force et le nombre d’associations favorables ou défavorables (liées au produit, aux symboles évoqués, à la personnalité de la marque), l’attachement à la marque et la confiance. La dimension conative s’exprime par un comportement de fidélité ou d’infidélité, selon le cas. Nous proposons l’échelle de la figure 8.26, parmi d’autres, pour mesurer la dimension client du capital de marque, parce qu’elle est simple, rapide à administrer ; elle a été validée aux États-Unis.

CONCLUSION Nous avons vu dans ce chapitre un aperçu des multiples champs couverts par les études de marque. Cette étendue n’est guère surprenante car elle résulte de la montée en puissance des recherches sur la marque qui se sont multipliées depuis une vingtaine d’années. Ces dernières ont notamment mis en évidence le rôle de médiateur de nouvelles variables, telles la personnalité, la confiance, l’attachement ou le capital de marque pour expliquer la décision d’achat. L’homme d’étude dispose aujourd’hui d’une large panoplie d’instruments pour suivre et mesurer l’évolution de ces différentes facettes des marques. Une bonne politique marketing doit se traduire par une augmentation de la valeur de marque pour le consommateur. Corrélativement, il peut être tentant pour l’entreprise d’augmenter le prix de vente pour récolter les fruits des investissements marketing. L’objet des études de prix est justement d’évaluer ces éventuelles marges de manœuvre en tenant compte, notamment, de la perception par le consommateur d’une variation de prix. Nous allons aborder ces questions dans le prochain chapitre.

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BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE AAKER J.L., (1997), « Dimensions of brand personality », Journal of Marketing Research, 34, 3, 347-356. BOTTON M. et CEGARRA J.-J., (1991), Le nom de marque, Éditions d’Organisation KAPFERER J.-N. (1998), Les marques, capital de l’entreprise, 3e édition, Éditions d’Organisation. MICHEL G., (2004), Au cœur de la marque, Dunod. RAY D., (2001), Mesurer et développer la satisfaction clients, Éditions d’Organisation. ZEITHALM V., PARASURAMAN, A., BERRY L., (1990), Delevering Quality Service, Free Press.

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CHAPITRE 9

Études de prix

Les études pour optimiser le marketing-mix Chapitre 7 Études du nouveau produit Chapitre 8 Études de marque Chapitre 9 Études de prix Chapitre 10 Études de communication

Approche cognitive : la connaissance des prix Approche perceptuelle : le jugement d’un prix Approche comportementale : le choix selon le niveau de prix

Chapitre 11 Études de distribution

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Plan du chapitre

L

questions liées à la fixation du prix d’un produit ou d’un service se posent à deux moments : soit lors de la conception du produit, quand l’homme de marketing s’interroge sur le prix de son futur nouveau produit, soit durant les phases du cycle de vie du produit, lorsque le manager envisage d’ajuster, à la hausse ou à la baisse, le prix d’un produit déjà existant. Les études de prix s’articulent autour de trois axes. – Le premier concerne la connaissance : est-ce que le consommateur connaît le prix du produit qu’il envisage d’acheter ou est-ce qu’il se souvient du prix du produit qu’il vient d’acquérir ? – Le deuxième a trait à la perception : est-ce que le prix proposé est jugé correct, trop cher ou trop bon marché ? – Le troisième s’appuie sur les comportements réels ou les intentions d’achat, selon les niveaux de prix pratiqués ou envisagés. ES

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Nous allons successivement présenter dans un paragraphe distinct les études de prix correspondant à chacun de ces axes (voir figure 9.0).

Approche cognitive : la connaissance des prix La mesure de la « connaissance d’un prix » conduit le chargé d’étude à préciser le type de prix qui constituera l’objet de sa mesure. En effet, nous verrons dans un premier paragraphe qu’il existe deux catégories de prix : le prix de référence interne et le prix de référence externe. En second lieu, le chargé d’étude sera en mesure d’évaluer la connaissance, plus ou moins grande, des différents types de prix.

De quel prix parle-t-on ? De manière générale, l’acheteur compare le prix de référence interne, correspondant au prix qu’il a en tête avant l’achat de produit, au prix de référence externe, c’est-à-dire le prix effectivement constaté sur le point de vente au moment du choix. La confrontation entre ces différents éléments forme la perception globale de cherté ou de bon marché du prix. Nous allons présenter ces différentes catégories de prix 1. • Prix de référence interne : c’est le prix que le consommateur a mémorisé (lors du dernier achat) ou estimé (pour un éventuel achat) dans une catégorie de produit ou de service spécifique. À chaque niveau de qualité est associé un prix de référence particulier, propre à chaque consommateur. Par exemple, un automobiliste a en tête un prix de référence pour le litre de diesel, un autre pour l’essence sans plomb ; ceux-ci sont formés par ses passages successifs devant des stations services.

Dans la pratique, ce prix interne se décompose en plusieurs branches : – prix interne attendu : c’est l’objectif de prix ou le budget que s’est fixé le consommateur avant l’achat du produit ou du service, – prix interne du marché : ce sont les différents intervalles de prix mémorisés par l’acheteur concernant les produits ou marques de bas, moyenne et haut de gamme ; ils se fondent normalement sur des observations récentes du marché. Ainsi, bon nombre d’automobilistes actualisent régulièrement leurs prix internes correspondant à un plein d’essence, sous l’effet des fluctuations du prix baril de pétrole ; ils ont un prix interne pour un achat en grande surface, un autre pour un plein sur l’autoroute, etc. 1. Pour aller plus loin, voir notamment Zollinger M., (1999), « Le prix de référence interne », Décisions Marketing, 6, p. 89-101.

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ÉTUDES DE PRIX

– prix interne historique : c’est le prix d’équilibre, forgé sur une séquence d’achats antérieurs. Noyau « raisonnable » du prix, ce niveau évolue plus lentement que le prix interne de marché. Il freine ou accélère la décision, si l’acheteur anticipe une baisse ou une hausse ultérieure des prix, par exemple dans le cas d’un investissement immobilier. • Prix de référence externe : c’est le prix effectivement constaté sur l’étiquette au point de vente. Tout comme pour le prix de référence interne, il existe plusieurs prix de référence externe : – prix externe normal : il renvoie au prix régulier du produit, habituellement constaté en magasin, – prix externe annoncé : c’est le prix annoncé par le vendeur comme correspondant au prix externe normal. En période de solde, il correspond par exemple au prix barré, – prix externe exceptionnel : c’est le prix temporaire constaté sur un point de vente, durant une période de vente promotionnelle. Un prix externe exceptionnel qui serait maintenu de façon durable sera assimilé par le consommateur au prix externe normal.

Évaluation de la mémorisation du prix La connaissance des prix mémorisés par les consommateurs est importante pour au moins trois raisons :

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

• les prix de référence interne servent de pivot pour évaluer la cherté ou le caractère bon marché des prix de référence externe. L’étude permet de comparer les niveaux de prix internes et externes annoncés par une cible avec la réalité des prix du marché ; • d’une manière générale, si le consommateur ne se souvient pas du prix d’un produit, cela indique une faible sensibilité au prix. Autrement dit, dans cette catégorie de produit, le prix n’est pas un critère de choix, même si, par ailleurs, ce même consommateur déclare le contraire ; • enfin, si les consommateurs estiment mal les prix du marché, les résultats des études de la perception des prix seront délicats à interpréter, notamment ceux portant sur l’estimation d’un prix psychologique (voir deuxième partie de ce chapitre). En effet, à quoi bon vouloir déterminer le « bon prix », si les estimations de prix de marché (prix maximum, prix minimum) fournies sont irréalistes ? L’encadré 9.1 est relativement rassurant de ce point de vue, car il montre que, si la connaissance des prix par les consommateurs est globalement faible, l’erreur moyenne des estimations est néanmoins modérée.

283

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

ENCADRÉ 9.1

La connaissance des prix : quelques repères et implications Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les recherches montrent qu’une part importante de consommateurs (36 %) ne regarde jamais les prix, et que seulement 19 % des acheteurs se déclarent prêts à changer de point de vente pour profiter d’une promotion de prix 1. Peu de consommateurs sont capables de citer le prix exact des produits qu’ils ont achetés auparavant. La connaissance d’un prix diminue rapidement : l’acheteur tend à oublier le prix du produit acheté quelques secondes auparavant, dès qu’il porte son attention sur l’achat suivant. Cependant les estimations fluctuent selon les recherches : ainsi, 30 à 50 % des consommateurs sont capables de fournir une estimation avec une marge d’erreur minime (à ± 10 %), 30 à 40 % font une erreur importante et environ 20 % n’ont aucune idée du prix. La marge d’erreur moyenne tourne autour de ± 15 % par rapport au prix exact 2. Les produits ayant la marge d’erreur la plus forte sont ceux pour lesquels le consommateur dispose de peu d’expérience : plus on achète souvent dans une catégorie de produit, plus on mémorise un prix exact. L’erreur moyenne s’accroît avec le niveau de revenu ; de même, en période de croissance économique, les consommateurs tendent à moins se souvenir des prix, alors qu’en période de chômage ou de récession, c’est l’inverse. En revanche, la catégorie de produit ne semble pas avoir d’effet significatif sur le souvenir des prix. Globalement, ces différents résultats renforcent l’hypothèse que le fait de se souvenir du prix témoigne d’une plus grande sensibilité au prix ; inversement, ne pas s’en souvenir, ou commettre une marge d’erreur importante, traduit une plus grande insensibilité au prix. D’un point de vue managérial, si un consommateur surestime le prix de sa marque (mais pas ceux des marques concurrentes), l’entreprise peut augmenter son prix pour amélioration ses marges. Elle peut aussi le maintenir, si elle préfère accroître sa part de marché, mais il lui faudra alors communiquer sur son véritable prix pour améliorer la connaissance des clients potentiels. Le problème est plus délicat si le consommateur sous-estime le prix de cette marque et pas ceux des concurrents : les intentions de choix seront alors artificiellement accrues, les ventes réelles seront probablement en deçà des prévisions.

Différentes méthodes permettent d’évaluer la sous-estimation ou la surestimation des prix mémorisés par les répondants (voir figure 9.1). On distingue les mesures fondées sur le rappel qui déterminent le degré d’exactitude de la réponse fournie (calcul d’une marge d’erreur), et les mesures fondées sur la reconnaissance qui évaluent la capacité de reconnaître parmi un ensemble d’alternatives la bonne réponse (calcul d’un taux de succès). 1. Urbany J.E., Dickson P.R. et Sawyer A.G., (2000), « Insights into cross and within store price search : retailers estimates vs consumer self report », Journal of Retailing, 76, summer, p. 243-254. 2. Sur ces questions, voir Zollinger M., (2004), « Le jugement comparatif des prix par le consommateur », Recherche et Applications en Marketing, vol. 19, 2.

284

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ÉTUDES DE PRIX

Mesures

Question-type

Analyses

Rappel

« À quel prix avez-vous payé ce produit ? »

Pourcentage d’écart (PEi) = [(Prix correct – Prix annoncé par l’individu i) * 100]/Prix correct Pourcentage d’écart moyen (PEM) = (Σ PEi)/n (n = nombre de répondants) Distribution d’erreur des réponses (MDE) = % des répondants ayant un PEM égal à 0 %, % des répondants ayant un PEM compris entre 0 et 10 %, etc.

Reconnaissance

« Quel est, parmi les prix suivants, celui qui correspond au prix que vous avez payé pour ce produit ? »

Pourcentage de réponses exactes = Nombre de fois où la bonne réponse est cochée/n (n = nombre de répondants)

Figure 9.1 – Mesures de mémorisation d’un prix

Approche perceptuelle : le jugement d’un prix Le jugement d’un prix est propre à chaque consommateur : pour un même prix, l’un le considérera cher, l’autre bon marché. Les techniques d’études s’attachent toutes à recueillir ces perceptions individuelles. Elles se différencient les unes des autres par le fait qu’elles se concentrent, soit sur le seul niveau de prix, soit sur l’inclusion d’autres attributs. Nous verrons successivement les méthodes qui évaluent la sensibilité du consommateur au prix seul, puis celles qui reconstituent les arbitrages de l’acheteur entre le prix et d’autres variables ; nous terminerons par celles qui décomposent la perception d’un prix sur les niveaux d’attributs propres à chaque produit.

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Évaluer la sensibilité au prix du consommateur : le prix psychologique L’objet des études de prix psychologique est de déterminer le « juste » prix pour un produit ou une marque en testant les réactions d’acheteurs potentiels face à différents niveaux de prix. Le postulat de base est que le consommateur se sert du prix comme d’un indicateur pour évaluer un niveau de qualité intrinsèque d’un produit, niveau qu’il n’a aucun moyen d’estimer par ailleurs. En réalité, ce n’est pas la qualité intrinsèque du produit qui est évaluée par le prix, mais une représentation, plus ou moins exacte, et spécifique à chaque consommateur, de cette qualité. On parle alors de « qualité perçue ». Les hypothèses théoriques sous-jacentes sont de trois types : • existence d’une relation entre le prix et la qualité. Bon nombre d’observations suggèrent l’existence d’une corrélation positive entre le prix et la qualité perçue du produit par le consommateur : plus le prix est considéré comme

285

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

cher, meilleure sera la qualité perçue. Les recherches montrent que si cette relation existe, elle ne peut être généralisée. (voir encadré 9.2) ; ENCADRÉ 9.2

Dans quels cas une relation entre la qualité et le prix existe-t-elle ? L’histoire du vendeur d’oranges sur un marché est souvent prise comme exemple pour illustrer cette relation. « Un marchand voyant la fin de la matinée approcher et constatant qu’il lui reste encore trop d’oranges décide de diviser son stock en deux tas. Il fixe le prix du premier à 0, 95 euros le kilo, et celui du second à 1,75 euros. À sa grande surprise, les oranges les plus chères partent le plus vite, et en fin de marché, une bonne part du stock d’oranges les moins chères demeure invendue. La semaine suivante, il interroge ses clientes : celles qui ont acheté les oranges les plus chères se révèlent plus satisfaites de leur qualité que celles qui ont acheté les oranges les moins chères. » En fait, la réalité n’est pas aussi simple. Les recherches montrent que la relation n’existe que dans certains cas. Tout d’abord elle ne fonctionne que si le consommateur ne connaît pas la marque, ou si la marque n’existe pas, comme pour les produits premiers prix ou pour les fruits et légumes. Dans ce contexte, plusieurs cas doivent être envisagés. 1. – L’achat n’a pas de caractère impliquant. Sous réserve que le consommateur ne dispose d’aucune autre information que le prix et qu’il soit un néophyte (pas d’expérience antérieure dans la catégorie de produit), alors la relation entre la qualité et le prix fonctionne relativement bien. Les fruits et légumes ou les produits courants (sel, sucre, etc.) peuvent correspondre à cette situation. On notera que le test préalable à l’achat (dégustation, essai, manipulation, etc.) du produit ou l’avis d’amis apporte des informations qui réduisent ou annulent la relation. 2. – L’achat a un caractère impliquant. La relation fonctionne avec les consommateurs qui sont peu, ou pas du tout, familiers avec le produit. En d’autres termes, les consommateurs dont l’expertise est faible ont tendance à considérer que la qualité est bonne s’ils jugent le prix du produit élevé. En revanche, la relation ne fonctionne pas pour les consommateurs disposant déjà d’une bonne expérience avec le produit. L’explication vient du fait que l’expert utilise d’autres indicateurs que le prix pour évaluer la qualité du produit. Par exemple, l’observation de la cambrure et de la finition d’un ski apporte au skieur de compétition des informations sur la qualité ; alors que pour un débutant, seul le prix a un sens clair. Source : adapté de Vernette, (1997), L’essentiel du Marketing, Éditions d’Organisation.

• présence d’un prix de référence et connaissance des prix de marché. Même s’il ne dispose pas d’une grande familiarité avec la catégorie de produit, le consommateur doit pouvoir estimer les prix moyens des différents segments du marché. Dans cet intervalle, il dispose d’un ou plusieurs prix de référence interne ;

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ÉTUDES DE PRIX

• formation d’une zone d’acceptabilité des prix. L’existence d’une relation entre le prix et la qualité d’une part, et la connaissance des prix du marché, d’autre part, détermine un prix plancher en dessous du quel l’acheteur considère que le produit n’est pas de qualité suffisante, et un prix plafond, au-dessus duquel se contraintes budgétaires interdisent l’achat. Ces éléments donnent plusieurs plages de prix qui se superposent (voir figure 9.2). Dans cet exemple, l’étendue des prix d’une eau de toilette du consommateur varie entre 20 € et 90 € (prix du marché). Le bas de gamme varie de 20 à 40 €, le haut de gamme est supérieur à 90 € ; un prix inférieur à 30 € serait jugé comme trop faible, et un prix supérieur à 90 € serait excessif ; l’objectif de prix à payer (prix de référence interne) se situe entre 50 et 60 €. Étendue perçue des prix du marché « Eau de toilette » Marge d’acceptation des prix Marge Prix r référence interne

Étendue perçue des prix les plus bas du marché

20 €

30 €

40 €

50 €

Prix bas

60 €

90 €

120 €

Prix élevé

Figure 9.2 – Zone d’acceptabilité du prix d’une eau de toilette

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

L’objectif des différentes méthodes d’estimation du prix psychologique est de déterminer les frontières de la zone d’acceptabilité des prix et d’estimer les ventes potentielles associées à chaque niveau de prix. Nous allons présenter les trois méthodes les plus courantes. ➤ Méthode des prix minimum-maximum

Cette méthode a été popularisée par les travaux de Stoezel et Adam 1. Elle donne directement la fourchette de prix acceptable pour chaque consommateur, le taux d’acceptabilité pour chaque tranche de prix et les ventes potentielles associées. • Recueil des informations. On interroge un échantillon d’environ 200 à 300 personnes appartenant à la cible visée 2. On pose à chaque répondant deux questions : 1. Stoezel J., (1954), « Le prix comme limite », in P.L. Reynaud, La psychologie économique, Paris, M. Rivière ; Adam D., (1958), Les réactions du consommateur devant le prix, Sedep. 2. On peut réduire, sans trop de risques sur le plan statistique, cette taille à 30 personnes par une procédure de type bootstrap ; voir Malecot J.-F., Pontier S. et Simon L., (1994), Décisions Marketing, 2, p. 93-99.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

– Q1 : « En dessous de quel prix n’achèteriez-vous plus ce produit, parce que vous estimeriez sa qualité insuffisante ? » – Q2 : « À partir de quel prix considérez-vous que ce produit est vendu à un prix excessif ? » • Analyse. On calcule indirectement une zone de prix acceptable, correspond à celle où le prix proposé garantit une qualité suffisante, tout en restant abordable au plus grand nombre de consommateurs. On cumule les pourcentages des différents seuils de prix minimum et maximum et, par soustraction, on détermine les taux de pénétration. La figure 9.3 donne un extrait de 5 questionnaires tirés d’un échantillon de consommateurs interrogés sur le prix d’une nouvelle crème solaire aux extraits de réglisse.

Répondants

« En dessous de quel prix, n’achèteriezvous plus cette crème solaire, car vous jugeriez sa qualité insuffisante ? »

« À partir de quel prix considéreriezvous que cette crème solaire, est vendue à un prix excessif ? »

n˚ 1

1€

3€

n˚ 2

2€

4€

n˚ 3

3€

5€

n˚ 4

2€

6€

n˚ 5

1€

4€

Figure 9.3 – Réponses obtenues sur 5 questionnaires

Il existe deux manières de cumuler (descendante et ascendante) les réponses des différents seuils de prix. Nous les présentons dans les figures 9.4 et 9.5 suivantes. La première est plus courante, mais la seconde permet une représentation graphique plus aisée de la zone d’acceptabilité. Les chiffres des colonnes (1) et (2) de la figure 9.5 donnent graphiquement la zone de prix acceptable optimale : on vérifie qu’elle est bien comprise entre 2 et 4 €, avec un potentiel de pénétration du marché égal à 80 %. ➤ Méthode des prix limites

C’est une variante de la méthode précédente proposée par Gabor et Granger 1. La zone d’acceptabilité est identifiée par présentations successives aux répondants de différents scénarios de prix. Le prix psychologique n’est pas demandé 1. Gabor A. et Granger J., (1966), « Price as an indicator of quality : report of an inquiry », Economica, février, p. 43-70.

288

289

1

0

0

0

3 à 3,99 €

4 à 4,99 €

5 à 5,99 €

=6€ 0%

0%

0%

20 %

40 %

40 %

0%

Prix qualité insuffisante (% répondants)

0%

0%

0%

0%

20 %

60 %

100 %

Prix qualité insuffisante (cumul % répondants) (1)

1

1

2

1

0

0

0

Prix excessif (effectif répondants)

20 %

20 %

40 %

20 %

0%

0%

0%

Prix excessif (% répondants)

100 %

80 %

60 %

20 %

0%

0%

0%

Prix excessif (cumul % répondants) (2)

0%

20 %

40 %

80 %

80 %

40 %

0%

Pénétration (% acheteurs) = 100 – (1+ 2)

0€

5,5 €

9€

14 €

10 €

3€

0,00 €

Chiffre d’affaires potentiel théorique (3)

Figure 9.4 – Calcul du prix psychologique (cumuls ascendants et descendants combinés)

(1) 100 % des répondants considèrent que jusqu’à 0,99 € cette crème solaire ne peut être de qualité suffisante ; 60 % des répondants (100 % – 40 %) considèrent que jusqu’à 1,99 € cette même crème ne peut être de qualité suffisante, etc. (2) Aucun répondant ne pense qu’un prix égal ou inférieur à 2,99 € soit excessif pour la crème solaire, mais 20 % considèrent qu’à partir de 3 € le prix est excessif, puis 60 % (20 % + 40 %) indiquent qu’à partir de 4 € le prix est excessif, etc. (3) On a retenu comme prix moyen le milieu de chaque intervalle, soit pour 1,5 € pour (1 à 1,99 €) ; dans cette tranche, le chiffre d’affaires est de 3 € (1,5 € × 40 % × 5 répondants).

2

2

1 à 1,99 €

0

0 à 0,99 €

2 à 2,99 €

Prix qualité insuffisante (effectif répondants)

Intervalle de prix

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Vernette.Livre Page 289 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

ÉTUDES DE PRIX

290

0

2

2

1

0

0

0

Intervalles de prix

0 à 0,99 €

1 à 1,99 €

2 à 2,99 €

3 à 3,99 €

4 à 4,99 €

5 à 5,99 €

=6€ 0%

0%

0%

20 %

40 %

40 %

0%

Prix qualité insuffisante (% répondants)

100 %

100 %

100 %

100 %

80 %

40 %

0%

Prix qualité insuffisante (cumul % répondants) (1)

1

1

2

1

0

0

0

Prix excessif (effectif répondants)

100 %

80 %

60 %

20 %

0%

0%

0%

Prix excessif (cumul % répondants) (2)

0%

20 %

40 %

80 %

80 %

40 %

0%

Pénétration (% acheteurs potentiels) = (1) – (2)

0€

5,5 €

9€

14 €

10 €

3€

0,00 €

Chiffre d’affaires potentiel théorique (3)

Figure 9.5 – Calcul du prix psychologique (cumuls ascendants seuls)

(1) 0 % des répondants considèrent que jusqu’à 0,99 €, cette crème solaire peut être de qualité suffisante ; 80 % des répondants (0 % + 40 % + 40 %) considèrent que jusqu’à 2,99 € cette même crème peut être de qualité suffisante, etc. (2) Aucun répondant ne pense qu’un prix égal ou inférieur à 2,99 € soit excessif pour la crème solaire, mais ils sont 20 % à considérer qu’à partir de 3 € le prix est excessif, puis 60 % (20 % + 40 %) indiquent qu’à partir de 4 € le prix est excessif, etc. (3) On considère comme prix moyen le milieu de chaque intervalle, soit pour 1, 5 € pour (1 à 1,99 €) ; le chiffre d’affaires est de 3 €, soit 1,5 € × 40 % × 5 répondants.

Prix qualité insuffisante (effectif répondants)

Vernette.Livre Page 290 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Vernette.Livre Page 291 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

ÉTUDES DE PRIX

100 % 90 % 80 %

Zone prix acceptable

70 % 60 % 50 % 40 % 30 % 20 % 10 % 0% 0 à 0,99 €

1 à 1,99 €

2 à 2,99 €

3 à 3,99 €

Trop bon marché

4 à 4,99 €

5 à 5,99 €

>6€

Trop cher

Figure 9.6 – Illustration graphique des zones d’acceptabilité

directement aux répondants, mais se déduit des réponses séquentielles. Pour chaque scénario, deux questions sont posées : – Q1 : « Achèteriez-vous ce produit au prix de x € ? » ; – Q2 : « Diriez-vous que ce prix est : trop bon marché, correct, trop cher ? » Bien que plus longue à administrer, cette approche donne aux répondants des prix de marché plausibles, les scénarios étant choisis par le chargé d’étude. En revanche, il arrive que les intervalles de prix proposés ne contiennent pas les bornes de prix acceptables et inacceptables, ce qui constitue une limite de la méthode. Différentes variantes existent dans la manière de poser les questions (voir encadré 9.3).

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

ENCADRÉ 9.3

Prix psychologique d’un plat cuisiné. La société IOD a interrogé 120 personnes pour évaluer un plat cuisiné dont le prix de vente a été estimé par le marketing à environ 5 €. L’enquêteur dispose d’une enveloppe contenant de 10 à 14 prix de référence, les intervalles étant approximativement égaux. L’enquêteur tire au hasard une étiquette de prix, puis pose les questions suivantes : « Si ce produit était vendu au prix de… euros, l’achèteriez-vous ? » ; « Si non, est-ce parce que vous le trouvez trop cher ou trop bon marché ? ». Une troisième possibilité de réponse est proposée (« Refus d’acheter pour d’autres raisons que le prix »), mais celle-ci a été rarement utilisée. Les cumuls des réponses obtenues pour chaque niveau de prix forment deux courbes de prix : les seuils de prix accepté et les seuils de prix refusé. L’intersection des deux courbes donne le prix acceptable qui maximise le potentiel de marché. Dans cette étude, celui-ci se situait aux environs de 5,20 €, point conforme aux attentes initiales du marketing. Source : adapté de Malecot J.-F., Pontier S. et Simon L., (1994), Décisions Marketing, 2, p. 93-99.

291

Vernette.Livre Page 292 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

➤ Méthode PSM (Price Sensitivity Meter)

Elle élargit l’approche des prix mini-maxi en définissant plusieurs limites de prix. De nombreuses applications de cette technique ont eu lieu durant les années 1970 1. • Collecte : on pose quatre questions à un échantillon de 200 à 300 consommateurs appartenant à la cible visée 2 : – « Quel prix vous semblerait relativement cher, bien que justifiable ? » – « Quel prix serait vraiment trop cher ? » – « Quel prix vous semblerait approprié, tout en restant encore bon marché ? » – « Quel prix vous semblerait si faible que vous auriez des doutes sur la qualité du produit ? » Cette question peut être adaptée selon la nature de produit. Par exemple, pour un abonnement téléphonique, la pérennité à long terme de l’opérateur peut être évaluée, la sécurité pour une compagnie aérienne ou pour une rallonge électrique. • Analyse : les cumuls des réponses aux questions 1 et 2 donnent des courbes croissantes, les cumuls des questions 3 et 4 donnent les courbes décroissantes. L’intersection entre les courbes 1 et 4 donne le prix « marginal économique » : réduire le prix en dessous de cette limite ne serait pas avantageux, car la proportion de consommateurs qui rejetterait le produit parce que le prix serait trop faible, excéderait celle qui continuerait à l’acheter, bien que le prix soit jugé un peu cher. L’intersection entre les courbes 2 et 3 donne le prix « marginal de cherté ». Le prix ne doit pas excéder cette limite supérieure, car la proportion des consommateurs qui considère ce prix comme trop élevé l’emporterait sur celle qui juge le prix encore bon marché. La surface comprise entre ces deux limites correspond à la zone de prix acceptable. En complétant les données de l’exemple de la crème solaire (voir figure 9.3) on observe qu’ici le prix marginal de cherté se situe dans la tranche de 3 à 4 €, le prix marginal économique est compris entre 2 et 3 € (voir figure 9.7). Le prix psychologique optimum est de l’ordre de 3 €.

1. Van Westendorp P.H., (1976), « NSS Price Sensitivity Meter, a new approach to the study of consumer perception of price », Proceedings of the 29th Esomar Congress, Amsterdam. 2. Wildner R. (2003), « Using market research to set price », vol. 1, Year Book of Marketing and Consumer Research, Gfk Ed, Nurnberg, p. 8.

292

Vernette.Livre Page 293 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

ÉTUDES DE PRIX

Prix

Trop cher (courbe 2)

Relativement cher (courbe 1)

Encore bon marché (courbe 3)

Trop bon marché (courbe 4)

0 à 0,99 €

0

0

100

100

1 à 1,99 €

0

10

90

75

2 à 2,99 €

5

25

65

25

3 à 3,99 €

20

50

30

5

4 à 4,99 €

60

75

10

0

5 à 5,99 €

80

95

2

0

=6€

100

100

0

0

Figure 9.7- Cumuls des réponses de la sensibilité au prix pour une crème solaire 120

Cumul % répondants

100

80

60

40

Zone d’acceptabilité

20

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

0

0 à 0,99 € 1 à 1,99 € 2 à 2,99 € 3 à 3,99 € 4 à 4,99 € 5 à 5,99 €

Trop cher Encore bon marché

> 6 € Prix

Relativement cher Trop bon marché

Figure 9.8 – Courbes de sensibilité multiple au prix

Comprendre les arbitrages entre le prix et les autres critères de choix d’un produit : les mesures conjointes Préférez-vous une voiture bon marché à l’achat, mais qui consomme beaucoup, ou l’inverse ? Accepteriez-vous d’acheter un papier peint d’une couleur que vous aimez modérément, mais avec une remise de 25 % sur le prix public, ou préféreriez-vous payer le prix normal pour avoir la couleur dont vous rêvez ?

293

Vernette.Livre Page 294 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

C’est à ce type de questions, et bien d’autres, que les modèles de mesures conjointes répondent. Ces méthodes ont été développées durant les années 1970 1. Leur apport majeur est de pouvoir décomposer un jugement global (généralement la préférence pour un produit) en donnant un poids aux différentes modalités des attributs constitutifs du produit. Réciproquement, ils prévoient les choix qu’opéreront les acheteurs selon les différentes combinaisons de modalités d’attribut. Ceci permet de calculer des parts de marchés en simulant plusieurs plans marketing. Bien que les modèles de mesures conjointes servent aussi pour orienter la conception de produit 2 ou pour segmenter un marché, nous les présentons dans le chapitre consacré aux études prix pour deux raisons. D’une part, l’analyse conjointe décèle l’impact de différents niveaux de prix sur le choix, tout en intégrant l’effet des autres critères de choix utilisés par le consommateur. D’autre part, les méthodes d’études de prix étant en nombre restreint, les qualités théoriques des modèles mesures conjointes seront d’autant plus précieuses dans un tel contexte de pénurie. La figure 9.9 récapitule les étapes du fonctionnement de la méthode 3. Sélection des modalités et des attributs

Calcul des utilités

Plan de collecte

Simulation de marché

Figure 9.9 – Mise en œuvre d’un modèle de mesures conjointes ➤ Étape 1 : sélection des attributs et des modalités

Le chargé d’étude doit disposer d’une liste de critères de choix propre à la cible visée (voir chapitre 3). L’attribut « prix » fait par hypothèse partie de cette liste ; l’analyse des données permettra de connaître ultérieurement son degré de déterminance réel. Les produits sont décrits sous forme de panier d’attributs déterminants, chaque attribut pouvant prendre plusieurs modalités. Par exemple, le prix de la semaine en haute saison, la distance par rapport à la plage, la surface en m2 et la vue pourraient être les critères de choix majeurs pour le choix d’une location saisonnière en bord de mer. Une analyse documentaire portant sur l’offre 1. Pour approfondir, voir notamment Green P. E et Rao V., (1971), « Conjoint measurement for quantifying judgemental data », Journal of Marketing Research, 8, 3, p. 355-363. 2. Lilien G., Kotler P. et Moorthy S., (1992), Marketing Models, Prentice Hall, International Edition, Englewood Cliff ; NJ. 3. Nous résumons ici les étapes principales. Pour une synthèse pédagogique, voir Green P.E.

et Srinivasan V., (1978), « Conjoint analysis in consumer research : issues and outlook », Journal of Consumer Research, 5, septembre, p. 103-123.

294

Vernette.Livre Page 295 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

ÉTUDES DE PRIX

disponible permet de sélectionner les modalités les plus pertinentes pour chaque attribut (voir figure 9.10). On obtient ici 3 × 3 × 3 × 2 combinaisons possibles, soit 54 produits à faire évaluer par les répondants. Par exemple, un premier produit sera « 500 €, 30 m2, à moins de 500 m de la plage, vue sur la mer », un second « 750 €, 30 m2, à moins de 500 m de la plage, vue sur la mer », etc. Prix semaine (2 pièces)

Surface en m2

Distance plage

Vue

500 € 750 € 1 000 €

30 m2 35 m2 40 m2

< 500 m 500 à 1000 m > 1 km

Mer Cour

Figure 9.10 – Critères de choix et modalités pour une location saisonnière

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

On prend conscience d’emblée de la première limite des mesures conjointes : l’obligation de se limiter aux 3 ou 4 critères de choix les plus déterminants, et aux 2 ou 3 modalités les plus pertinentes. Nous verrons plus loin que l’on peut travailler avec un plus grand nombre de critères en utilisant des plans factoriels fractionnés ; d’autre part des procédures hybrides et/ou adaptatives permettent d’utiliser un plus grand nombre d’attributs et de modalités. Mais dans tous les cas, la sélection des attributs et des modalités doit se faire dans un souci de parcimonie maximale pour que la méthode reste intelligible pour le répondant, tout en limitant les coûts de l’étude. La deuxième difficulté vient de l’obligation de travailler avec des attributs non corrélés entre eux, sous peine d’estimation instable de l’utilité. Or l’introduction du prix entraîne souvent de fait un tel problème. Une solution consiste à éliminer alors les modalités aberrantes, c’est-à-dire les moins plausibles, pour relâcher en partie la contrainte. Par exemple, la modalité « pas cher, au bord la plage avec vue sur la mer et une grande surface » ; ou le cas inverse : « très cher, loin, sans vue et petite surface ».

Une troisième difficulté peut survenir pour la dénomination des modalités de certains attributs de nature subjective, tels l’esthétique, la réputation d’une marque. On doit alors ajouter des qualificatifs du type « excellent », « moyen », « médiocre » ; mais l’accumulation de tels qualificatifs rend les produits de plus en plus abstraits, ce qui complique fortement les jugements des répondants. ➤ Étape 2 : plan de collecte

• Construction des produits : trois familles de méthode sont possibles. La figure 9.11 décrit les différentes options. • Évaluation des produits. Trois mesures sont envisageables : nominale, ordinale ou métrique. Avec la première, les répondants choisissent un produit, avec la deuxième, ils classent les différents produits par ordre de préférence

295

296

Nécessité d’un système de collecte informatisé (type CAPI, CATI ou CAWI) pour la présentation des profils de produits. Performances théoriques parfois problématiques, mais importantes voie de recherche, car méthode bien adaptée à une administration par Internet.

Chaque répondant évalue d’abord l’importance des attributs, la désirabilité des modalités d’attributs ; une sélection de quelques profils complets (attributs × modalités), les plus caractéristiques (de 3 à 9), est jugée ensuite. Exemple : Pour un répondant i, le prix et la distance sont les deux attributs les plus importants ; par ailleurs, 500 et 700 €, < 500 m et 500-1000 m sont les deux modalités les plus recherchées. Celui-ci évaluera alors 4 profils : « 500 € ; < 500 m » ; « 500 € 500 m-1000 m ». ; « 750 € ; < 500 m » ; « 750 €, 500 m-1000 m ».

Trade-off

Hybrides 1 et algorithmes adaptatifs

Figure 9.11 – Construction des profils de produits

1. Pour un approfondissement, voir Green P.E., (1984), « Hybrid models for conjoint analysis : an expository review », Journal of Marketing Research, 33, may, p. 155-169.

Durée d’administration très longue si le nombre d’attribut s’accroît, car les répondants évaluent séquentiellement toutes les combinaisons de paires d’attributs. Ainsi, avec 7 attributs, on a : (7 × 6)/2 = 21 séquences possibles. Possibilité de réduire le nombre de combinaison de paires en utilisant des plans en bloc incomplet.

Les produits sont formés par les différentes modalités d’un couple de deux attributs Les répondants classent toutes les combinaisons des modalités de ces deux attributs (tri croisé) Exemple : Le couple (prix, vue) donne 4 produits à évaluer : « 500 €, vue mer » ; « 500 €, vue cour » ; « 750 €, vue mer » ; « 750 €, vue cour » ; « 1 000 €, vue mer » ; « 1 000 €, vue cour »

Profil complet

Remarques Nécessité d’utiliser des plans factoriels fractionnés au-delà de 3 attributs et 2 modalités. Nombre d’attributs et de modalité très réduits, même avec des plans fractionnés (maximum 7-8 attributs, 3 à 4 modalités).

Principes

Les produits évalués sont formés par des combinaisons complètes des différents attributs et modalités. Exemple : « 500 €, 30 m2, à moins de 500 m de la plage, vue sur la mer »

Méthodes

Vernette.Livre Page 296 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Vernette.Livre Page 297 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

ÉTUDES DE PRIX

décroissante (échelle ordinale : du plus ou moins préféré). Enfin, avec la troisième, ils notent l’attractivité des produits sur des échelles de type supports sémantiques (« Extrêmement mauvais, Médiocre, Moyen, Bon, Extrêmement bon ») ou l’intention d’achat (répartition de 100 points selon la probabilité d’achat). La possibilité de travailler avec des mesures ordinales est un avantage majeur des mesures conjointes : l’analyse « enrichit » les données en offrant après traitement des mesures d’intervalle, d’où une meilleure exploitation marketing des résultats. Le recueil de jugements ordinaux est préférable pour un nombre réduit de produit à classer (moins de 6-7 profils). • Plan de collecte. Il répond à deux questions simples : combien de répondants interroger et quels profils de produits faut-il présenter ? En respectant la terminologie utilisée en expérimentation 1, les différents attributs sont les facteurs, leurs modalités sont les niveaux des facteurs, les traitements correspondant aux différentes combinaisons des modalités des attributs. Deux options sont envisageables : soit les répondants évaluent la totalité des traitements, soit ils ne jugent qu’un sous-ensemble spécifique de traitements. Dans le premier cas, on parle de plan factoriel complet, dans le second de plan factoriel fractionné (ou incomplet). La construction de plans fractionnés est nécessaire dès que le nombre de produits à juger (traitements) dépasse la dizaine. Elle n’est possible que si l’on admet qu’il n’existe pas d’interaction entre les facteurs, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de renforcement ou de diminution d’effet quand on combine certaines modalités des facteurs.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

➤ Étape 3 : calcul des utilités

Le problème à résoudre est d’estimer le « poids » (appelé ici « utilité partielle ») que représente chaque modalité des attributs dans la formation du jugement global vis-à-vis des produits. On considère que les différentes utilités partielles s’additionnent pour donner l’utilité globale propre à chaque produit. Le modèle est de la forme suivante :

U(X) =

n

k

∑ ∑ αij xij

i=1 j=1

avec : U(X) = Utilité globale d’un produit X αij = utilité partielle de la modalité j (j variant de 1 à k) de l’attribut i (variant de 1 à n) xij = 1 si la modalité i de l’attribut j est présente, 0 si absente. 1. Sur ce point, voir par exemple, Giannelloni J.L. et Vernette É., (2001), Études de marché, Vuibert, chapitre 15 ; Evrard Y., Pras B. et Roux E., (2003), Market, chapitre 6.

297

Vernette.Livre Page 298 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Les méthodes d’estimation sont conditionnées par la nature des mesures des utilisées pour évaluer les différents produits (voir figure 9.12). Échelles de mesure évaluation des produits U(X)

Modèle d’estimation

Intervalle

Analyse de variance, Régression (avec variables muettes)

Ordinale

Monanova (Analyse monotone de variance) Prefmap Linmap (programmation mathématique)

Nominale

Probabiliste (Logit, Probit)

Figure 9.12 – Modèles d’estimation des utilités ➤ Étape 4 : simulation de marché

Supposons que nous ayons obtenu sur un échantillon de 100 répondants les scores moyens d’utilités partielles αij correspondant aux différentes modalités des attributs « Prix », « Distance/mer », « Vue ». Ils sont donnés figure 9.13 et illustrés graphiquement figure 9.14. Prix 500 € 750 €

a 1j 1,7 0,2

a 2j

Distance mer

a 3j

Vue

a 4j

30

m2

– 0,3

< 500 m

1,6

Vue mer

1,3

35

m2

0,1

500 à 1 000 m

0,3

Vue cour

– 1,2

40

m2

0,5

> 1 000m

– 2,1

Surface

1 000 €

– 2,1

(Valeur αij Maxi) – (Valeur αij Mini)

3,8

0,8

3,7

2,5

Importance attribut

0,35 (*)

0,07

0,34

0,23

(*) 0,35 = 3,8 / (3,8 + 0,8 + 3,7 + 2,5)

Figure 9.13 – Résultats de l’étude du prix d’une location saisonnière

On calcule tout d’abord l’utilité globale correspondant aux différentes simulations de produits, ce qui permet de voir quel est l’effet d’une hausse ou d’une baisse de prix sur l’utilité globale. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, le fait de passer de 500 € à 750 € se traduit par une baisse d’utilité de 1,5 point (= 1,7 – 0,2) ; en revanche, passer de 750 € à 1 000 €, soit une même augmentation en valeur absolue, se traduit par une perte d’utilité de 2,3 points [= 0,2 – (– 2,1)]. En d’autres termes, la sensibilité au prix est plus grande pour cet intervalle que pour le précédent. Pour obtenir les parts de préférence, une manière simple consiste à calculer des parts proportionnelles à l’utilité globale de chaque profil de produit,

298

Vernette.Livre Page 299 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

ÉTUDES DE PRIX

Utilité Prix

Utilité Surface 0,6

2

Utilité partielle

1,5

500 €

0,5

0,5

0,4

1

0,3 0,5 0 500 € – 0,5

0,2

0,2 600 €

700 €

800 €

900 €

1 000 €

0,1

0,1

0

–1

– 0,1

– 1,5

30 m2

35 m2

– 0,2

–2

– 2,1

– 0,3

-0,3

– 0,4

– 2,5

Surface en m2

Prix Utilité Vue

Utilité distance/mer 2

1,5 1,3

1,5

1

Utilité partielle

40 m2

1,6

1 0,5

0,5

0,3

0 < 500 m

0 Vue mer

500 à 1 000 m

> 1 000 m

– 0,5

Vue cour

–1

– 0,5

– 1,5 –1

–2

– 1,2

– 2,1

– 2,5

– 1,5

Distance/mer

Type de vue

Figure 9.14 – Utilités partielles des différentes modalités des attributs

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

rapportée à la somme des utilités globales de tous les produits 1. Par exemple, en supposant qu’il n’existe que trois produits : – le produit 1 « 500 €, 30 m2, à moins de 500 m de la plage, vue sur la mer » obtient une utilité totale de : (1,7 – 0,3 + 1,6 + 1,3) = 4,3 points ; – le produit 2 : « 750 €, 30 m2, à moins de 500 m de la plage, vue sur la mer » obtient une utilité totale de : (0,2 – 0,3 + 1,6 + 1,3) = 2,8 points ; – le produit 3 : « 1 000 €, 30 m2, à moins de 500 m de la plage, vue sur la mer » obtient une utilité totale de : (– 2,1 – 0,3 + 1,6 + 1,3) = 0,5 point. Les parts de préférence seront de 56,6 % (4,3/( 4,3 + 2,8 +0,5) pour le produit 1, de 36,8 % (= 2,8/7,6) pour le produit 2 et de 6,6 % (0,5/7,6) pour le produit 3. 1. Dans la pratique, on effectue un changement d’origine en affectant la valeur 0 à la modalité de l’attribut ayant l’utilité partielle la plus faible et on ajuste en conséquence les utilités partielles restantes.

299

Vernette.Livre Page 300 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

D’autres calculs intéressants peuvent être effectués. Supposons que l’on dispose des informations suivantes : le prix d’achat moyen est d’environ 4 000 € le m2 pour un appartement en bord de mer, de 3 500 € à moins d’un kilomètre et de 3 000 € à plus d’un kilomètre. La vue sur la mer augmente le prix de 400 € par m2. Que conseiller d’acheter à un investisseur, sachant que les prix de vente proposés sont de 132 000 € pour le produit 1 (« 30 m2, vue mer, à 400 m de la plage ») et de 133 000 € pour le produit 2 (« 35 m2, vue cour, à 700 m de la plage ») ? Les scores d’utilité globale du consommateur seront de 2,6 points pour le produit 1 et de – 1,4 pour le second : le produit 1 est donc nettement préférable. De plus, l’investisseur louera plus facilement le produit 1 000 à 1 000 € la semaine (utilité globale = 0,5), que le produit 2 à 500 € la semaine (utilité globale = 0,3).

Évaluer le prix des attributs : prix hédonique et supplément à payer L’idée de base est d’arriver à prévoir le prix que le consommateur sera prêt à payer pour acquérir un produit ou un service qui possède différents attributs. Comme pour les mesures conjointes, on fait l’hypothèse qu’un produit est un panier d’attributs, plus ou moins valorisés par le consommateur. Mais à la différence des mesures conjointes, on cherche à expliquer, non pas la formation de la préférence ou de l’utilité globale vis-à-vis d’un produit, mais les différents niveaux de prix des produits. Ces prix sont fonction des combinaisons de modalités d’attributs : en d’autres termes, le prix d’un produit résulte de la valorisation par le consommateur des modalités d’attributs. Deux méthodes complémentaires sont utilisables : le prix hédonique et le supplément à payer. ➤ Prix hédonique L’hypothèse de base est que le prix (Pi) d’un produit i est fonction des attributs (Xj) qui le composent et du poids (bj) de ces attributs. Le modèle s’apparente à une équation de régression multiple dans laquelle le prix (Pi) serait la variable dépendante et Xj les variables indépendantes prédictrices. Comme pour tout modèle de régression multiple, les différents Xj doivent être le moins corrélés possible entre eux, sinon l’estimation des coefficients bj est instable, ce qui limite la capacité prédictive du modèle. Le modèle est de la forme suivante :

Pi = b0 + b1X1 + b2X2 +… + bnXn + ε• avec Pi = prix effectif du produit i (observé sur le marché) b1, b2, bn = coefficients de régression à estimer par le modèle b0 = constante X1, X2, Xn = valeurs constatées sur le marché pour les attributs composant le produit i ε• = terme d’erreur. 300

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ÉTUDES DE PRIX

• Étape 1 : collecte des données Les prix Pi sont relevés sur le marché en observant les prix pratiqués par les concurrents et par l’entreprise 1. Les attributs déterminants (Xj) peuvent s’obtenir par une méthode d’identification proposée dans le chapitre 3. Les valeurs des Xj correspondent aux scores respectifs des différents produits sur les attributs. Pour les attributs objectifs mesurables sur une échelle métrique (par exemple, le poids, la taille, la vitesse, etc.), on reporte les valeurs des spécifications techniques ; pour les attributs mesurables sur une échelle nominale (par exemple la présence d’un ABS), on utilise un codage binaire (présent = 1, absent = 0). Pour les attributs subjectifs (confort, esthétique, réputation, etc.) les notes sont estimées par le marketing sur la base d’études d’image préalables (par exemple, le confort, l’esthétique, la réputation de la marque seront notés de 1 à 5 avec une échelle à support sémantique). La collecte des données est donc de nature hybride, puisqu’elle porte à la fois sur des comportementales et des données perceptuelles. La figure 9.15 offre un exemple simplifié pour quelques assistants numériques personnels (PDA) de la marque Palm One. Modèles PDA

Palm One Zire 31

Palm One Zire 71

Palm One Zire 72

Prix en €

170

300

330

Mémoire Ram (Mo)

16

32

64

Vitesse processeur (MHz)

400

312

400

Taille écran (mm)

55 × 82

56 × 56

55 × 82

Agenda

1 (Oui)

1 (Oui)

1 (Oui)

Dictaphone

0 (Non)

0 (Non)

1 (Oui)

Nombre de couleurs

4 096

65 536

65 536

Résolution (pixel)

160 × 160

320 × 320

320 × 480

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Source : dossier Fnac 2005.

Figure 9.15 – Collecte d’information pour le calcul de prix hédoniques

• Étape 2 : analyse et interprétation des résultats Les coefficients de régression partiels (bi) sont estimés par le modèle de régression multiple 2. Ils représentent la variation attendue du prix quand l’attribut j 1. Pour éviter de biaiser l’échantillon, on peut stratifier celui-ci en fonction des chiffres d’affaires en volume des entreprises ; cela revient à pondérer les prix par les quantités vendues, pour tenir compte de l’effet des parts de marché différentes des entreprises. 2. L’estimation peut se faire avec un modèle de régression linéaire ou non linéaire. D’autres méthodes ont été proposées, telle les réseaux de neurones. Pour une comparaison, voir Desmet P. et Hendaoui F., (2000), « La relation qualité-prix dans l’automobile : comparaison de méthodes d’estimation des prix hédoniques », Revue Française du Marketing, 179-180, p. 167-179.

301

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

change d’une unité, avec le niveau des autres attributs maintenu constant. Pour estimer le poids de l’attribut (importance), il faut au préalable centrer et réduire les données : les βi, coefficients partiels standardisés, donnent le poids respectif des attributs dans la formation du prix hédonique. Attributs

bi

Location 1

Composantes du prix hédonique

Location 2

Composantes du prix hédonique

X1 = Surface (en m2)

25

50 m2

1250 €

30 m2

750 €

X2 = Distance mer (en m)

– 0,2

2 000 m

– 400 €

50 m

– 10 €

X3 = Vue mer

300

0 (non)

0,00 €

1 (oui)

300 €

850 €

Prix hédonique

1 040 €

Figure 9.16 – Calcul du prix hédonique pour une location saisonnière

Pour calculer le prix de marché d’un nouveau produit incorporant un panier d’attribut spécifique, il suffit de multiplier les coefficients bi respectifs par les valeurs des attributs Xj et d’additionner ces valeurs. La figure 9.16 donne un exemple d’application pour le calcul du prix hédonique d’une location saisonnière dans une station balnéaire. Les bi ont été calibrés par le modèle sur la base des prix pratiqués (Pi) dans la région considérée ; les données Xj ont été collectées à partir des descriptifs des différentes offres. Pour estimer le prix de nouveaux produits, l’agence de location pourra appliquer ces bi aux différentes valeurs des attributs des produits. La méthode des prix hédoniques présente l’avantage d’offrir une décomposition d’un prix global sur les différents attributs fondée sur les observations de prix réels. Elle permet à l’entreprise de comparer les prix de revient de certains attributs avec les prix acceptés par le marché. Elle est utile pour orienter la fixation du prix des produits nouveaux. Ses limites sont néanmoins nombreuses. Tout d’abord, une estimation stable des bi impose que les attributs Xj ne soient pas corrélés entre eux. Or dans la pratique marketing, c’est souvent le cas : la réputation de la marque est corrélée avec l’esthétique perçue, le standing, etc. D’autre part, le codage de certains attributs subjectifs est délicat si l’on ne dispose pas d’étude d’image sur les concurrents, et la prise en compte des attributs discrets alourdit rapidement le modèle. L’apparition de bi négatif peut être parfois gênante pour la compréhension de la structure du prix hédonique ; ceci n’est pas toujours le cas, comme dans notre exemple, où la distance par rapport à la mer a un coefficient négatif : celui-ci s’interprète aisément comme une moins-value. Enfin, l’hypothèse que les prix actuels du marché reflètent un équilibre, si elle arrange les économistes, n’est pas forcément réaliste : les études marketing ont souvent pour objectif de traquer des insatisfactions des acheteurs par rapport

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ÉTUDES DE PRIX

à l’offre disponible, et donc les bi estimés par le modèle donnent une photographie biaisée des attentes réelles. De plus, le progrès technologique conduit à une baisse des prix des produits hi-tech (par exemple les téléviseurs à écran plat) ou un maintien des prix avec une performance accrue (par exemple, la mémoire vive ou la capacité de stockage d’un disque dur) : dès lors, la valeur des bi des attributs respectifs diminuera mécaniquement dans le modèle, alors que rien ne prouve que la déterminance de ces attributs ait baissé. ➤ Supplément à payer

On peut demander à l’acheteur d’évaluer lui-même s’il est prêt à payer un supplément de prix pour obtenir une meilleure performance sur un attribut Xj ; on peut également lui demander d’évaluer les moins-values associées à une dégradation. Les données sont généralement recueillies sur des échelles métriques de type « dollar-metric » : le répondant indique « combien il serait prêt à payer de plus (ou de moins) par rapport au produit de base » si le produit disposait en plus de la modalité de l’attribut cible. On calcule ensuite les plus ou moins-values moyennes associées à chaque variation du niveau de l’attribut par rapport au niveau de base. L’encadré 9.4 donne un exemple d’application pour la fixation du prix d’un nouveau stylo-feutre. ENCADRÉ 9.4

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La fixation du prix de vente d’un nouveau stylo-feutre La société Parker souhaitait tester deux prototypes de stylo-feutre : « Itala », design typé italien, et « Vector » d’esthétique britannique plus classique. La détermination du prix que le consommateur serait prêt à payer pour « un stylo plus lourd que le produit de base et disposant d’une pointe plus résistante à l’usure » faisait l’objet d’une attention particulière. Dans un premier temps, la méthode des prix hédonique a donné un prix à 1$ 07 pour le stylo de base. Ce prix s’explique par deux dimensions : la « sensation » (0,84 $) et le « contrôle de l’écriture » (0, 23 $). Les attributs composant la première sont : le poids (0,15 $), la taille de la pointe (0,19 $), la forme de la pointe (0,12 $), l’équilibre (0,19 $), l’impression tactile (0,178 $). La seconde dimension est composée par la résistance de la pointe (0,1 $) et la consistance (0, 18 $). Un échantillon de répondants est soumis dans un second temps à un exercice d’écriture avec le stylo à 1 $ 07. Le poids et les caractéristiques d’écriture correspondent aux niveaux de base. Les répondants imaginent ensuite des produits dont un attribut (par exemple le poids) serait plus ou moins alourdi ou réduit par rapport au produit de référence. Pour chaque profil la question posée est la suivante : « Si le produit de base que vous avez testé précédemment valait 1,07 $, combien seriez vous à payer de plus (en $) pour acquérir un stylo similaire qui pèserait 10 %, 20 %, 30 % de plus » ? La question est ensuite renversée, avec des valeurs négatives (un poids inférieur de 10 %, 20 %,

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

1,8 1,6 1,4 1,2 1 0,8 0,6 0,4 0,2 0

3 1,59

1,58

1,29 0,98 0,71

2,5

Prix hédonique

Prix hédonique

30 %). Chaque attribut est manipulé dans un sens favorable ou défavorable ; les consentements à payer respectifs sont enregistrés pour chaque niveau de l’attribut.

1,07

0,69

2

– 0,2

– 0,1

Base

0,1

0,2

0,3

2,69

1,89

1,5 1,07

1 0,5 0

– 0,3

2,49

0,49

0,69

0,2 – 0,3

– 0,2

– 0,1

Base

0,1

0,2

0,3

Niveaux de résistance de la pointe

Niveaux du poids

Finalement, le consentement à payer pour le style italien a été négatif, à l’inverse du style britannique. Si Parker souhaite cibler une cible moyenne gamme pour son futur stylo-feutre, l’analyse marginale des consentements à payer est optimale pour un poids de + 20 % et une résistance de + 10 %. Par rapport au prix hédonique de base de 1,07 $, les suppléments de prix pour ces deux attributs sont respectivement de + 0,52 $ et de + 0,82 $, soit un prix hédonique global de 2,41 $. Source : Les données chiffrées sont extraites de : Tomkovick C. et Dobie K., (1995), « Applying hedonic pricing models and factorial surveys at Parker pen to enhance new product success », Journal of Product innovation and Management, 12, p. 334-345 ; les analyses sont de notre fait.

Approche comportementale : le choix selon le niveau de prix Une dernière manière d’étudier les réactions des consommateurs face au prix est d’observer leurs comportements effectifs. Les techniques mesurent les choix des acheteurs selon les variations (à la hausse ou à la baisse) de prix ; ces variations peuvent aussi être manipulées dans un cadre expérimental ou au sein de marchés simulés. Nous allons passer en revue ces différents cas.

Élasticité : les variations des choix en fonction du niveau de prix Elle mesure la réaction d’un groupe d’acheteurs confrontés à une variation du prix d’un produit ou d’une marque, les autres attributs du produit étant maintenus constants. Sachant que ces individus achetaient auparavant la marque au prix P1, continueront-ils à l’acheter au prix P2 ? Deux types d’élasticité (e) peuvent être calculés : l’élasticité simple et l’élasticité croisée. L’encadré 9.5 présente les différentes formules de calcul. La demande est dite inélastique si le coefficient varie entre 0 et –1 : dans ce cas, la demande réagit faiblement à une hausse de prix. Si e = – 2, la demande est dite très élastique, c’est-à-dire que les acheteurs sont très sensibles à une baisse (ou une hausse) des prix : une baisse (hausse) de 10 % du prix entraîne une hausse (baisse) d’au moins 20 % des ventes en volume.

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ÉTUDES DE PRIX

ENCADRÉ 9.5

Élasticités de la demande par rapport au prix Élasticité simple Elle se définit par le rapport entre la variation relative des ventes en volume et la variation relative du prix : dQ/Q Variation de la demande (Q) en pourcentage = dP/P Variation du prix (P) en pourcentage Exemple Durant le mois de janvier, le dentifrice Frylis est en promotion à 1 € le tube de 100 ml ; 1 000 tonnes ont été vendues : à partir de février, la promotion s’achève, le prix revient à 1,2 € le tube de 100 ml ; les ventes passent à 780 tonnes. L’élasticité prix est de : (780 – 1 000)/1 000 – 0,22 = = – 1,1 + 0,20 (1,2 – 1,0)/1,0

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Une hausse de 20 % du prix entraîne une baisse de la demande de 22 %. L’élasticité de la demande pour la marque Frylis est donc relativement sensible à une variation des prix, elle est « élastique ». Remarques Une manière alternative de calculer l’élasticité consiste à mettre au dénominateur et au numérateur les valeurs moyennes pour les prix et les quantités durant la période. Ainsi, les ventes moyennes durant les mois de janvier et de février ont été de : (780 + 1 000)/2 = 890 tonnes ; de même, le prix moyen a été sur cette période de : (1,2 + 1,0)/2 : 1,1 €. L’élasticité est alors égale à : [(– 220/890)/(0,2/1,1)] = 0,247/0,1 818) = – 1,36. Par ailleurs, on peut calculer l’élasticité comme un arc entre les deux points de référence de la fonction de prix ; il existe une autre approche de calcul portant sur l’élasticité pour un point précis (tangente de la fonction de prix) 1.

Élasticité croisée Son calcul est intéressant, parce qu’il intègre les effets d’une baisse des prix pratiquée par un concurrent dans une même catégorie de produit ou dans une catégorie différente. L’analyse des élasticités permet de définir l’intensité de la pression concurrentielle au sein du marché et/ou la proximité concurrentielle des différentes marques 2. Variation de la demande du produit A (Qa) en pourcentage Variation du prix du produit B (Pb) en pourcentage

=

dQa/Qa dPb/Pb

1. Pour approfondir, voir Desmet P. et Zollinger M., (2002), Le prix, Economica, 2e éd., p. 77-80. 2. Sur ce point, voir Benavent, (1995), « Élasticités-prix et structure concurrentielle », Décisions Marketing, 6, p. 119-125.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

– Quand l’élasticité est positive, les produits sont substituables, donc concurrents directs ou indirects : par exemple, si le prix du gaz et du fuel augmente, la demande de chauffage électrique augmente. De même, si Coca-Cola augmente ses prix de 10 %, il est probable que les ventes perdues par la marque se reporteront sur les concurrents directs, tels que Pepsi-Cola ou les marques de distributeurs. – Une élasticité croisée nulle signifie que les marques ne sont pas concurrentes ou que la marque dispose d’un tel capital de marque qu’elle a conservé l’essentiel de ses clients (dans ce cas l’élasticité directe pour la marque est nulle ou proche de zéro). – Si l’élasticité est négative, les produits ou les marques sont complémentaires : une baisse de prix des imprimantes à jets d’encre couleur augmente la consommation des cartouches d’encre couleur et noir et blanc.

L’INSEE, sur la base de modèles économétriques, estime sur le long terme les différents coefficients pour chaque catégorie de produit. Elle obtient ainsi une élasticité de – 0,6 pour l’essence, – 0,84 pour les boissons alcoolisées, – 1,41 pour l’habillement, – 1,7 pour les shampooings, – 2,0 pour la confiserie, etc. Dans la pratique, la grande majorité des indices évolue entre – 3 et 0,5, avec une élasticité moyenne égale à – 1,76 1. Malheureusement ces coefficients sont sujets à des fluctuations statistiques importantes et supposent une stabilité des réactions concurrentielles entre les mesures. Or ceci n’est pratiquement jamais le cas, car les budgets publicitaires évoluent sans cesse, de nouveaux produits sont lancés, etc. De plus, l’entrée de marques fortes ou faibles dans un secteur peut modifier à court terme ces indices. En conséquence, la portée pratique des calculs d’élasticité-prix reste limitée : les méthodes expérimentales et les simulations de marché que nous allons évoquer maintenant sont plus efficaces pour estimer les réactions des consommateurs à des variations de prix durables ou temporaires (promotion des ventes).

Expérimentation : les choix selon les combinaisons de prix avec d’autres facteurs Comme nous l’avons vu dans le chapitre 6, l’expérimentation teste l’existence de relation de causalité entre variables. Les principes de mise en œuvre ayant déjà été traités, nous ne présenterons que les aspects propres au test de prix. ➤ Organisation du plan de collecte d’un test de prix

On cherche à mesurer l’effet d’une variation d’un niveau de prix (variable indépendante) sur les ventes (variable dépendante). Le chargé d’étude teste fréquemment dans la foulée l’effet d’autres variables du mix (packaging, formule de produit, publicité). Plus le nombre de variables pris en compte s’élève, meilleure sera la reconstitution du marché. 1. Tellis G. (1988), « The price elasticity of selective demand : a meta-analysis », Journal of Marketing Research, 25, november, p. 337.

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ÉTUDES DE PRIX

On doit d’abord définir la nature et la mesure de la variable dépendante. Plusieurs choix sont possibles : ventes réelles (cas d’un marché test), ventes simulées (marché test simulé) ou intentions de choix (étude ad hoc). Ensuite, le chargé d’étude détermine les différents niveaux que prendra la variable indépendante, c’est-à-dire les différents prix que l’on souhaite tester. Chaque niveau de la variable manipulée (ici le prix) correspond à un « traitement ». Si on retient 4 prix, on a donc 4 traitements à appliquer aux différents répondants. Dans la pratique, on teste fréquemment 3 à 4 niveaux de prix différents. On peut souhaiter manipuler d’autres variables indépendantes (par exemple, le packaging). Enfin, il est possible de contrôler le niveau d’autres variables (par exemple, l’exposition des répondants à la publicité) susceptibles de perturber les effe ts des variables manipulées sur la variable dépendante. Comme à l’accoutumée, dès que l’on veut combiner des variables comportant plusieurs niveaux, le nombre de cellules du plan s’accroît rapidement, ce qui conduit à un échantillon très coûteux. Les différentes procédures de construction des plans permettant de minimiser la taille d’échantillon sont récapitulées dans la figure 9.17. Nous ne présenterons que les trois les plus courantes en matière de test de prix. Nombre de variables manipulées

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Une

Deux

Trois

Type de plan

Plan d’expérience simple

Plan d’expérience factoriel

Plan d’expérience factoriel

Nombre de variables contrôlées

Type de plan envisageable

Aucune

Randomisation totale

Une

Bloc aléatoire

Deux

Carré latin Bloc à deux niveaux

Trois

Gréco latin

Aucune

Plan complet

Une

Plan fractionné (Carré latin)

Deux

Plan fractionné (Gréco latin)

Aucune

Plan complet Plan fractionné (Carré latin)

Une

Plan fractionné (Gréco latin)

Deux

Plan fractionné (Hyper Gréco latin)

Figure 9.17 – Nomenclature des plans d’expérience

307

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

• Plan en randomisation totale : les unités expérimentales (individus, points de ventes) sont réparties au hasard pour chaque niveau de prix. Variable manipulée : Prix (3 traitements = 3 niveaux de prix)

P1 9,95 €

P2 10,45 €

P3 10,95 €

Effectifs N = 360

n1 = 120

n2 = 120

n3 = 120

Figure 9.18 – Plan en randomisation totale

• Plan en bloc aléatoire : la variable à contrôler est subdivisée en groupes, appelés « blocs » ; au sein de chaque bloc, les unités sont homogènes par rapport à une des modalités de la variable. Par exemple, pour la taille du point de vente, on constitue 3 blocs : les hypers, les supers et les supérettes ; le bloc est dit complet, parce que toutes les unités d’un même bloc reçoivent tous les traitements de la variable manipulée (ici les 3 niveaux prix). Dans la figure 9.19, les 360 unités sont réparties aléatoirement parmi les 9 cellules du plan. Variable manipulée : Prix (3 traitements = 3 niveaux de prix)

Variable externe contrôlée : taille du point de vente (3 blocs = 3 types de point de ventes)

Effectif total : N = 360

Prix 1 9,95 €

Prix 2 10,45 €

Prix 3 10,95 €

Bloc 1 = Hyper n11 = 40

Bloc 1 = Hyper n21 = 40

Bloc 1 = Hyper n31 = 40

Bloc 2 = Super n12 = 40

Bloc 2 = Super n22 = 40

Bloc 2 = Super n32 = 40

Bloc 3 = Supérette n13 = 40

Bloc 3 = Supérette n23 = 40

Bloc 3 = Supérette n33 = 40

n1 = 120

n2 = 120

n3 = 120

Figure 9.19 – Plan en bloc aléatoire complet

• Plan en carré latin : si le chargé d’étude veut en outre contrôler l’effet du packaging et du point de vente, sans augmenter la taille de son échantillon, il peut utiliser un plan en carré latin. Mais les deux variables externes doivent avoir le même nombre de modalités que la variable manipulée : ici, nous avons trois niveaux de prix manipulés, il faut donc 3 modalités pour les variables « Point de vente » (hyper, super, supérette) et « Packaging » (Vert, Rouge, Noir). Dans un carré latin, chaque modalité de la variable manipulée (ici le prix) apparaît le même nombre de fois en ligne et en colonne (voir figure 9.20). Ce plan réduit considérablement la taille de l’échantillon, par rapport à un plan factoriel complet où l’on aurait testé toutes les combinaisons de modalités des variables. Ainsi, au lieu de 3 × 3 × 3 (soit

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ÉTUDES DE PRIX

27 cellules), nous n’avons que 9 cellules. Avec 360 individus, nous disposons de 40 unités par cellule ; pour conserver ce même effectif par cellule, le plan complet aurait conduit à interroger 1080 personnes. Une dernière condition doit être remplie : il ne doit pas exister d’interaction entre les différentes variables. Dans notre exemple, nous prenons un certain risque, car il est possible qu’une couleur spécifique du pack influence la perception de la qualité du produit, et donc modifie les ventes, à niveaux de prix constant. Variables externes (contrôlées)

Rouge

Noir

Vert

Hyper Effectif cellule

9,95 € n11 = 40

10,45 € n12 = 40

10,95 € n13 = 40

Super Effectif cellule

10,45 € n21 = 40

10,95 € n22 = 40

9,95 € n23 = 40

Supérettes Effectif cellule

10,95 € n31 = 40

9,95 € n32 = 40

10,45 € n33 = 40

Effectif total

n1 = 120

n2 = 120

n3 = 120

Figure 9.20 – Plan en carré latin

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➤ Analyse des données

On applique un modèle d’analyse de variance adapté au plan choisi. Le principe général est de répartir la variance globale contenue dans les données sur les différents facteurs principaux (variable(s) manipulée(s) par le chargé d’étude), sur les éventuels facteurs contrôlés et, le cas échéant, sur les interactions entre les facteurs. En d’autres termes, on vérifie si les différentes manipulations expérimentales ont un effet statistiquement significatif sur la variable dépendante. Plus particulièrement, dans le cas du prix, on recherchera les combinaisons optimales de variables du marketing mix qui maximisent la part de marché ou la rentabilité, selon les objectifs du plan.

Simulation de marché : anticiper les choix futurs selon les prix et les produits disponibles sur le marchés Nous allons présenter brièvement trois modèles, par ordre de complexité croissante. ➤ Brand PriceTrade-off (BPTO)

C’est une variante simplifiée d’un modèle de mesures conjointes, de type trade-off. L’hypothèse majeure du modèle est que la marque résume à elle seule l’ensemble des attributs du produit, le prix reste alors le seul attribut dont il utile de manipuler le niveau.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

• Collecte des données 1 La taille d’échantillon varie de 200 à 600 consommateurs appartenant à la cible visée : si l’on souhaite affiner les analyses sur différents sous-groupes d’acheteur, la fourchette haute est nécessaire ; à l’inverse, pour une analyse globale, le seuil plancher suffit. Les procédures de collecte assistées par ordinateur de type CAPI ou CAWI sont à privilégier, car les questions posées varient en fonction des réponses des interviewés. Les prix maximum et minimum correspondant à la catégorie de produit sont relevés, ainsi que les principales marques. On obtient généralement un couple d’une dizaine de marque et d’une dizaine de seuil de prix. Seules les combinaisons correspondant à l’ensemble évoqué du répondant seront testées. Ce dernier est construit à partir des réponses aux 4 questions suivantes, soit [ensemble 1 – (ensembles 2 +3) + ensemble 4]. – Quelles sont les marques que vous connaissez, ne serait-ce que de nom ? (ensemble 1) – Parmi ces marques, quelles sont celles que vous avez déjà achetées au moins une fois ? (ensemble 2) – Parmi celles-ci, quelles sont celles que vous n’avez jamais rachetées ? (ensemble 3) – Parmi les marques que vous connaissez, ne serait-ce que de nom, mais que vous n’avez pas encore achetées, quelles sont celles que vous seriez susceptible d’acheter ? (ensemble 4) En pratique, la taille de cet ensemble varie entre 3 et 6 marques, ce qui réduit le nombre de combinaisons de couple (marques × niveau de prix) à environ une trentaine. Dans la première itération, le prix de toutes les marques appartenant à l’ensemble évoqué sont identiques et fixés au niveau de prix le plus faible. Le répondant effectue un premier choix. Dans la seconde itération, le prix de la marque choisie à l’étape précédente passe au palier immédiatement supérieur, les autres prix restant inchangés ; le répondant doit choisir une deuxième fois. Ainsi, à chaque étape, le prix de la marque choisie à l’itération précédente est augmenté d’un palier, jusqu’à ce que le répondant déclare ne plus vouloir acheter, vu les prix proposés. Généralement, la procédure s’achève au bout d’une vingtaine de simulations. L’exemple de la figure 9.21 montre que ce répondant a privilégié fortement 3 marques (Dior, Chanel, Hermès) lors des choix précédents, puisque les prix ont atteint les niveaux les plus élevés ; en revanche, Loulou et Samsara continuent à être délaissées, en dépit de niveaux de prix relativement bas. 1. Ce paragraphe s’appuie sur Wildner R., (2003), « Using market research to set price », vol.1, Year Book of Marketing and Consumer Research, Gfk Ed, Nurnberg, p. 12-16.

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ÉTUDES DE PRIX

« Lequel de ces produits choisiriez-vous ? »

Samsara Guerlain 44 € 100ml

YSL Opium 49 € 100 ml

Pure Poison Dior 52 € 100 ml Aucun

Loulou Cacharel 39 € 100 ml

Calèche Hermès 56 € 100 ml

Chanel n° 5 59 € 100 ml

Figure 9.21 – Exemple de choix « Marque-Prix » (BPTO)

• Analyse des données On calcule les utilités respectives des différents niveaux de prix et des différentes marques, selon les algorithmes propres au modèle de mesures conjointes trade-off. Par ailleurs, les données permettent de calculer l’élasticité simple et croisée de la demande par rapport au prix.

• Évaluation

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L’avantage majeur de la méthode est d’intégrer les niveaux de prix dans un univers concurrentiel réaliste calqué sur l’ensemble évoqué du répondant. En ce sens, les données permettent de calibrer un modèle simple de marché-test simulé. Malheureusement, la procédure accroît artificiellement la sensibilité au prix du répondant, par effet de « punition », ressenti rapidement par le répondant : à chaque fois qu’il choisit une marque, son prix augmente à l’étape suivante. Pour contrer cet effet, les répondants mettent en place des stratégies de retardement, en choisissant plus souvent les marques moins chères, juste pour éviter de voir augmenter le prix de leur marque favorite à l’étape suivante. Une présentation aléatoire (i.e. indépendante des choix précédents) des produits à chaque itération réduit ce biais. Néanmoins, même dans ce cas, une recherche a montré que, par rapport à une élasticité de – 2,88 calculée sur des données de panels scannérisés, l’élasticité à la 10e simulation atteint – 4,77 1. 1. Erickson B et Bischoff A., (1988), TESI preis-model, unpublished G & I Brochure, cité par Wildner R., (2003), op. cit., p. 15.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

➤ Price Challenger 1

C’est un modèle de simulation des ventes d’un produit en fonction de la variation du prix d’un produit ou d’une marque. Il s’appuie sur des données fournies par une approche randomisée de couple « Marque/Prix » du type BTPO. Les hypothèses sous-jacentes au modèle sont les suivantes : – chaque produit a une utilité propre à chaque individu ; – plus l’utilité partielle du produit est grande et le prix relatif faible, et plus forte sera sa probabilité d’achat. Sa formulation mathématique est de la forme suivante :

1 Wij = --------------------------------------------------------β [ ( u ij – u ik ) + ( p k – p j ) ] 1 + ∑e k≠ j

avec Wij = Probabilité qu’un individu i achète le produit j uij = utilité pour l’individu i du produit j pk = prix du produit k β = Paramètre d’élasticité du prix à estimer, sachant que β est < 0 Il est facile de vérifier que dans le cas d’un marché réduit à deux produits, si k1 et k2 ont la même utilité pour un individu i, le dénominateur sera égal à : 1 + e0 = 2 ; la probabilité d’acheter k1 ou k2 est alors égale à 1/2, soit 50 %. Dans le cas de trois produits k1, k2, k 3 (ayant la même utilité), le dénominateur est égal à : 1 + e0 + e0 = 3, et donc la probabilité d’achat de k1, k2, k 3 est égale à 1/3, soit 33 %. Ainsi, si l’élasticité β est relativement faible, l’effet d’une variation de prix de k1 sur la probabilité d’achat du produit sera limité ; inversement, si β est fortement négatif, l’effet d’une variation de prix sur la demande sera prononcé. Le modèle calibre les valeurs β en fonction des choix de produits effectués par les répondants à chaque itération de couple « marque-prix ». Il fournit en sortie une estimation des ventes en volume correspondant à chaque niveau de prix de la marque ou du produit. ➤ Price Aid

Ce modèle fait partie d’un modèle de simulation de part de marché plus vaste, conçu par l’Institut Novaction et commercialisé par le groupe IPSOS. Tout comme le modèle précédent, son objectif est de prévoir l’impact d’un niveau de prix ou d’un changement de prix sur le comportement de l’acheteur. En 1. Wildner R., (2003), op. cit., p. 16-24.

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ÉTUDES DE PRIX

outre, il estime l’essai et le rachat du produit selon les différentes versions de produits. La collecte des données se fait dans des magasins laboratoires où l’on a reconstitué de véritables linéaires avec les marques principales du marché. On peut ainsi manipuler les niveaux de prix de sa marque et celles de concurrents, puis observer l’effet sur les ventes.

CONCLUSION Nous venons de parcourir les différentes techniques d’étude qui aident le manager marketing dans la tâche fort délicate de fixation d’un « juste » prix, en harmonie avec les attentes du consommateur. Les seuils de prix ainsi calculés sont confrontés avec les seuils de rentabilité et les orientations de la politique de prix propre à l’entreprise : si l’adéquation est satisfaisante, les prix pourront être ajustés en conséquence. Après avoir passé en revue les études de produit et les études de prix, nous allons aborder dans le chapitre suivant les études concernant la communication, troisième variable du marketing mix.

BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

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DESMET P. et HENDAOUI F., (2000), « La relation qualité-prix dans l’automobile : comparaison de méthodes d’estimation des prix hédoniques », Revue Française du Marketing, 179-180, p. 167-179. DESMET P. et ZOLLINGER M., (2002), Le prix, 2e édition, Economica. SIMON H, JACQUET F. et BRAULT F. (2005), La stratégie Prix, Dunod. TELLIS G., (1988), « The price elasticity of selective demand : a meta-analysis », Journal of Marketing Research, 25, november, p. 337. WILDNER R., (2003), « Using market research to set price », vol. 1, Year Book of Marketing and Consumer Research, Gfk Ed, Nurnberg, p. 12-16.

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CHAPITRE 10

Études de communication

Les études pour optimiser le marketing-mix Chapitre 7 Études du nouveau produit Chapitre 8 Études de marque Chapitre 9 Études de prix Chapitre 10 Études de communication Chapitre 11 Études de distribution

Évaluer l’efficacité publicitaire Évaluer l’efficacité promotionnelle Évaluer l’efficacité du parrainage

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Plan du chapitre

B

IEN que la France ne soit, somme toute, qu’un annonceur modeste au plan international 1, la communication des entreprises n’en draine pas moins, dans notre pays, des budgets très importants. En 2005, les dépenses des annonceurs se sont élevées à 31,844 milliards d’euros. La publicité médias représente 11,357 milliards, soit 35,6 % du total. Le hors médias se taille donc la part du lion avec 64,4 %, dont 47,2 % pour le marketing direct et la promotion 2.

1. Pour les dépenses publicitaires uniquement, notre pays se situe au 5e rang mondial en volume global et au 7e pour les dépenses par habitant. Source : http://www.aacc.fr/statistiques/9_international. htm. Données mises à jour en juillet 2005. 2. Source : http://www.irep.asso.fr/.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Comme toute action résultant d’une décision de gestion, la communication n’est considérée efficace que si elle atteint les objectifs qui lui ont été assignés. Ceux-ci peuvent être subjectifs et arbitraires. Un spot publicitaire ayant permis d’atteindre une notoriété spontanée de 65 % en trois mois pourra ainsi être jugé moins efficace qu’une campagne de parrainage sportif pour laquelle ce résultat ne sera que de 50 % en un an. Tout dépend du marché, notamment de son degré de maturité, de l’intensité concurrentielle qui y règne et du « bruit » réalisé en communication par l’ensemble des acteurs présents, de la situation de l’entreprise sur ce marché (leader, challenger ou suiveur) et des dépenses qui ont été engagées. En partant du principe que le lecteur maîtrise les principaux concepts de base en matière de communication commerciale 1, l’objectif de ce chapitre est de présenter un panorama des différents types d’études que l’on peut réaliser en matière de communication. En termes de budgets alloués, les principaux outils de communication utilisés aujourd’hui sont la publicité, la promotion des ventes et le parrainage 2. Ce chapitre s’articule donc autour de ces trois outils de communication.

Évaluer l’efficacité publicitaire Qu’est-ce qu’une communication efficace ? Étymologiquement, efficace signifie « réaliser, exécuter ». Un dictionnaire courant le définit par « qui produit l’effet qu’on en attend ». Le concept d’efficacité se rapporte donc à une action passée dont on compare le résultat, ou l’effet, à quelque chose que l’on attendait, sous-entendu que l’on a imaginé préalablement à l’action. Il s’ensuit que l’évaluation de l’efficacité d’une action sera facilitée par l’assignation à cette dernière d’objectifs précis. Dans l’idéal, ceux-ci doivent être chiffrés, assortis de délais, hiérarchisés et cohérents avec les moyens mis en œuvre. Mener une campagne publicitaire consiste à planifier dans le temps la conception et la diffusion de messages destinés aux consommateurs actuels ou potentiels d’un produit ou d’une marque ou plus généralement d’une organisation si l’on rentre dans le champ de la communication institutionnelle. 1. Il existe en langue française deux manuels de référence spécialisés sur ce thème : Malaval P. et Décaudin J.-M., (2005), Pentacom. Communication : théorie et pratique, Pearson Education, et Lendrevie J. et De Beynast A., (2004), Publicitor, 6e éd., Dalloz. 2. On ne confondra pas ici l’outil et le vecteur de la communication, qu’on peut aussi appeler média. L’Internet, par exemple, n’est pas un nouvel outil de communication mais un nouveau moyen de véhiculer des messages publicitaires, promotionnels ou de parrainage (entre autres).

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

Il s’agit d’une activité clairement inscrite dans la stratégie marketing de l’entreprise parce qu’elle implique une totale cohérence avec le positionnement voulu et l’ensemble des composantes du marketing mix 1. La publicité est à la fois vecteur de communication et vecteur d’influence, ce qui définit deux niveaux de contrôle spécifiques. Comme vecteur de communication, la publicité doit faciliter le contact avec la cible et permettre la transmission sans défaut de toute la substance du message. Il est donc nécessaire de contrôler a priori la création publicitaire pour garantir cette transmission. Comme vecteur d’influence, la publicité doit produire sur la cible visée un certain nombre d’effets. Ceux-ci vont résulter de la synergie entre la qualité du message et celle du plan médias et doivent être facilement mesurables a posteriori. 2 De manière générale et non limitative, on attend, directement ou indirectement, de la publicité : – une amélioration de la performance commerciale : évolution des ventes, de la part de marché… ; – un impact sur l’attitude et le comportement de la clientèle potentielle : progression de l’image, de la notoriété, des intentions d’achat, évolution du profil des clients, de la fidélisation, du trafic au point de vente… ; – un impact sur d’autres cibles : en interne (personnel, actionnaires) renforcement du sentiment d’appartenance et en externe (pouvoirs publics, environnement professionnel, analystes financiers, fournisseurs…) amélioration du « goodwill » (au sens large) à l’égard de l’entreprise… ; – un impact économique et financier : rentabilité générale des produits et/ou des marques, rentabilité de l’entreprise, appréciation boursière de l’entreprise… ; La communication en général, et la publicité en particulier, mettent un certain temps avant d’être efficaces. Les outils de mesure doivent en tenir compte. Enfin, l’effet d’une communication peut être influencé par un certain nombre de facteurs rivaux tels que la demande, la concurrence, et les autres variables d’action marketing.

Le point de vue « macro » Sur le long terme, les dépenses médias et hors-médias des entreprises jouent un rôle moteur dans l’économie. Depuis les années 1920, de nombreuses études ont en effet montré une relation quasi linéaire entre les investissements publi1. Steyer A., Clauzel A. et Quester P., (2005), Marketing. Une approche quantitative, Collection Synthex, Pearson Éducation, p. 223. 2. Caumont D., (2000), « Budget et contrôle de l’efficacité publicitaire », in É. Vernette (Ed.), La publicité. Théories, acteurs et méthodes, La Documentation Française, p. 182.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

citaires et le PIB d’un pays, ainsi qu’entre les investissements publicitaires et la consommation des ménages. Des travaux récents viennent de le confirmer 1. La publicité peut également être efficace sur le court terme. Par exemple, le Short Term Advertising Strengths (STAS) est un système automatisé permettant, à partir de la collecte de données de comportement recueillies sur un rythme hebdomadaire auprès de panélistes, de produire des indices montrant que 2 : – les variations du STAS permettent de mesurer la réaction des ventes dans les 7 jours qui suivent la parution de l’annonce. Cet impact est temporaire et peut s’atténuer dès la semaine suivante, à cause de la réaction des consommateurs face au STAS des autres marques, mais peut aussi se répéter plusieurs fois sur une même année. – le STAS met en évidence que l’effet à long terme de la publicité peut se résumer à une série d’effets à court terme. En ce sens, il est préférable de communiquer de manière régulière et continuelle ; – plus l’impact initial sur les ventes est fort, plus il a de chances de se prolonger sur le long terme ; – il existe un effet de seuil au-delà duquel les dépenses de communication marginales nuiront au produit au lieu de faire sa promotion (phénomène de saturation) ; – le STAS représente une lecture simple et directe de l’efficacité publicitaire immédiate. Il est particulièrement approprié pour les marques communiquant régulièrement, pour lesquelles des méthodologies avant/après (campagne) sont difficilement applicables. Ce système, mis au point aux États-Unis au milieu des années 1990 a ensuite été adapté à d’autres pays, et notamment en France (encadré 10.1). ENCADRÉ 10.1

Exemple d’étude STAS « L’objectif du STAS est de mesurer […] de semaine en semaine, les achats additionnels attribuables à un contact publicitaire très récent. » Le STAS global résulte de la comparaison entre un STAS simulé et un STAS de base. Il exprime la probabilité pour qu’un achat donné soit lié à un contact publicitaire très

1. Voir http://www.uda.fr/index.php?id=1565. 2. Pour en savoir plus : Jones J.P., (2004), Fables, fashions, and facts about advertising : a study of 28 enduring myths, London, Sage Publications ; Jones, J.P., (2002), The ultimate secrets of advertising, London, Sage Publications ; Jones J.P., (1998), How advertising works : the role of research, London, Sage Publications ; Jones, J.P., (1995), When ads work. New proof that advertising triggers sales, Simon and Schuster.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

récent. Le STAS simulé est égal au pourcentage d’actions dédiées au produit dans la catégorie pendant la semaine S0, au sein des foyers en contact durant les semaines S1 ou S0 ; le STAS de base est égal au pourcentage d’actions dédiées au produit dans la catégorie durant la semaine S0, au sein des foyers n’ayant pas eu de contacts pendant les semaines S1 ou S0.

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Exemple : marché du produit X (alimentaire) – 1er semestre 1998 :

Commentaires 1 Les deux campagnes pour la marque concernée ont généré des achats additionnels à court terme de 38 % pour la première vague et de 12 % pour la seconde (STAS 138 et 112). La 1re vague a bénéficié d’une pression considérable par semaine active et d’une « part de popularité » instantanée, mais d’aucune synergie promotionnelle ; la 2 e vague fut moins efficace, en raison d’une campagne plus puissante du concurrent A. Le concurrent B a fait le choix d’une communication étalée dans le temps, qui a probablement manqué de visibilité en termes de support promotionnel. Source : http:// www.marketingscan.fr

1. La définition du GRP et d’autres indicateurs d’intensité publicitaire est donnée en annexe au chapitre.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Panorama des mesures de l’efficacité publicitaire Cette partie du chapitre va être consacrée à une analyse rapide des apports et limites des principales méthodes. ➤ Panorama des critères à mesurer Le choix des critères à mesurer doit être guidé par le positionnement du produit à l’origine du choix de l’axe de communication et par une analyse rigoureuse des effets recherchés par la campagne. L’optique dans laquelle on effectue le contrôle détermine également le type d’outil à utiliser. La figure 10.1 résume les principaux critères d’analyse existants 1. Niveau d’analyse

Le message

La marque ou le produit

Le comportement

Connaissance ou reconnaissance

Degré de visibilité et de lisibilité de l’annonce Mémorisation et notoriété Force de l’impact perceptif : top of mind

Mémorisation et notoriété de la marque (du produit) Identification des caractéristiques de la marque ou du produit Identification et compréhension des arguments

Identification de la marque (notoriété prouvée) Degré d’association des caractéristiques présentées à la marque (au produit) Intérêt pour la marque

Évaluation

Plaisir, émotion esthétique Degré d’originalité Réactivité au style Agrément global

Crédibilité de l’argumentation Jugement sur les composantes de l’image Acceptabilité du message

Valeur informative (intérêt, utilité de la publicité) Crédibilité et attribution des qualités à la marque Agrément global

Comportement

Durée d’exposition Réexposition volontaire Communiquer sur la publicité

Degré d’adhésion au message

Modification des opinions et des attitudes envers la marque Intention d’essai, d’achat

Figure 10.1 – principaux critères d’efficacité publicitaire

• Le diagnostic perceptuel concerne le contrôle de la qualité des caractéristiques techniques que la publicité réalisée doit posséder pour générer un minimum d’impact sur la cible et focaliser son attention sur elle. Il s’agit de vérifier sa capacité à s’imposer dans le « bruit » publicitaire créé par la concurrence. Les critères d’analyse privilégiés sont centrés sur la rapidité d’identification et le niveau de souvenir de la publicité. Ce type de diagnostic implique de tester un message pratiquement finalisé. Ici, on s’intéresse essentiellement à l’impact de la publicité, c’est-à-dire à sa capacité à atteindre sa cible. • Le diagnostic communicationnel permet d’étudier la capacité du message à transmettre tout le contenu informationnel lié aux objectifs de commu1. Caumont D., (2000), op. cit., p. 183.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

nication visés et susceptible de convaincre les prospects. En s’articulant autour de critères tels que compréhension, crédibilité, acceptabilité et mémorisation (du contenu du message), ce diagnostic apprécie de fait la qualité du traitement de l’information par le prospect. • Le pronostic de persuasion intègre l’objectif d’influence et vérifie que les effets susceptibles d’être produits par le message sont à la hauteur des objectifs visés. Les indicateurs permettent d’apprécier l’influence du message sur l’image de la marque et son évolution, ainsi que sur les intentions d’achat du prospect. Ce dernier objectif de relève pas directement de la logique même du pré-test mais son caractère stratégique (influencer positivement le rapport du prospect au produit ou à la marque promus) le rend légitime à ce stade. Dans ces deux cas, on s’intéresse à l’efficacité de la publicité, c’est-à-dire sa capacité à exercer une influence sur sa cible. ➤ La notoriété

Il s’agit du niveau de connaissance qu’un individu a d’une marque, d’un produit ou d’une entreprise. Cette mesure se décline classiquement en top of mind, spontanée, assistée (suggérée, aidée) ou prouvée :

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– un score de notoriété top of mind se traduit par le nombre (ou le pourcentage) d’individus capables de citer spontanément la marque (ou le message) en premier ; – la notoriété spontanée traduit la capacité d’une marque (ou d’un message) à être citée « de mémoire » (i.e. sans assistance) mais pas nécessairement en premier ; – la notoriété assistée se traduit par l’identification de la marque (ou du message) dans une liste. Si une marque (ou un message) cité peut être décrite précisément, ce qui apporte la preuve de sa bonne identification, la notoriété est dite prouvée. La mesure de la notoriété est simple et peu coûteuse, mais un score élevé de notoriété n’est pas systématiquement synonyme d’achat. Par exemple : – il y a toujours une limite au nombre des marques citées spontanément par un interviewé, indépendamment du nombre réellement connu, sous l’effet de facteurs qui peuvent être endogènes (e.g. stress) ou exogènes (e.g. puissante campagne d’un concurrent au moment de la collecte) ; – une augmentation de notoriété n’a pas le même sens pour un produit nouveau que pour un produit déjà très connu. Le moment de la mesure dans le cycle de vie du produit est important ; – la notoriété n’est pas indépendante des caractéristiques individuelles et notamment des capacités cognitives de l’individu, qui peuvent modérer l’influence des messages.

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➤ La reconnaissance

La mesure de reconnaissance (dite également d’impact) consiste généralement à montrer (ou à faire entendre) aux interviewés un message, en leur demandant de citer la marque concernée (celle-ci étant occultée par l’enquêteur). L’utilisation de cette mesure est sujette à caution : – la plupart du temps, il est difficile d’isoler l’effet d’un spot d’autres effets qui se conjuguent avec celui du message testé ; – le rappel de la publicité peut être lié à l’implication, au niveau culturel, ou à un effet support ; – la reconnaissance n’est pas synonyme d’achat. On peut reconnaître une publicité et avoir une attitude très négative à l’égard du message, du produit ou de la marque. ENCADRÉ 10.2

Exemples de questions liés à l’impact (mémorisation et reconnaissance) 1 À l’issue d’une séquence de visionnage d’un certain nombre de films publicitaires (dont celui en test), on peut poser les questions suivantes :

Mémorisation spontanée « Dans les films publicitaires que vous venez de voir, de quelles marques et produits vous souvenez-vous ? » On note les termes exacts cités, dans l’ordre : messages, produits, marques. Si un ou plusieurs messages sont cités sans indication de produit, relancer par : « Vous m’avez cité le message _______, de quel produit s’agit-il ? » Si un ou plusieurs messages sont cités sans indication de marque, relancer par : « Vous m’avez cité le message _______, de quelle marque s’agit-il ? »

Mémorisation assistée Si la publicité XXX n’a pas été citée : « Dans la liste de films qui va vous être montrée, lesquels vous souvenez-vous avoir vu ? » Si XXX est cité : « Qu’avez-vous vu et entendu dans ce film ? »

➤ Les attitudes et usages

Il existe plusieurs centaines de définitions de l’attitude. Ce qu’il faut en retenir peut se résumer assez simplement : l’attitude est un jugement évaluatif acquis (qui se verbalise par « j’aime/je n’aime pas ») à l’égard d’un objet, fondé sur la 1. Adapté de Caumont D., (2000), op. cit., p. 187.

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mise en relation de nombreux schémas mentaux liés à cet objet (croyances, émotions, images, comportements passés), bref une sorte de « base de données » de tout ce que l’individu a pu apprendre, penser, juger, vivre… de/avec cet objet (personne, marque, idée…). En matière publicitaire, les mesures d’attitude peuvent être classées en deux groupes 1 : – les mesures relatives à l’attitude à l’égard de la publicité (Aad ), qui peuvent être déclinées en plusieurs variables : capacité à être appréciée (likeability), valeur de divertissement (entertainment value), richesse du sens véhiculé (meaningfulness), empathie, chaleur… – les mesures relatives à l’attitude à l’égard du produit (ou de la marque) mis en avant dans le message. Les diverses réactions émotionnelles au message et l’attitude globale à l’égard de ce dernier vont contribuer à modifier l’attitude à l’égard de la marque ou du produit. 2

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Les pré-tests publicitaires Avant toute diffusion à grande échelle, il est essentiel d’évaluer la manière dont les éléments de la création publicitaire sont évalués par la/les cible(s) visée(s). Les pré-tests permettent d’améliorer ces divers éléments avant le passage à la réalisation finale : – compréhension et adhésion à un concept et/ou un message ; – compréhension identique pour toutes les cibles ; – qualité des composants techniques (lisibilité, audibilité…) ; – risques de mauvaise interprétation ou de détournement. Les pré-tests publicitaires concernent directement les éléments de création et d’élaboration du message. Une bonne part de l’efficacité de ce dernier est toutefois due à la pertinence de l’axe de communication au regard de la personnalité de la marque, de son territoire ou de son positionnement voulu. 1. Stewart D. W et al., (1983), « Advertising evaluation : a review of measures », in Houston M.J. et Lutz R.J. (Eds.), Marketing Communications. Theory and Research, Chicago, American Marketing Association Proceedings Series, p. 4. 2. De Barnier V., (2002), « Le rôle des émotions sur l’attitude envers la marque (Ab) : pour une médiation totale de l’attitude envers le message (Aad ) », Recherche et Applications en Marketing, 17, 3, p. 81-99.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Le choix de cet axe, parmi les nombreux possibles, est donc crucial. Pour cela, on utilise d’autres outils, qui relèvent davantage des études de motivation 1. Les pré-tests faisaient classiquement l’objet d’études ad hoc, ou de techniques de laboratoire, mais il existe aujourd’hui un grand nombre d’outils « intégrés » mis au point par les agences. ➤ Les enquêtes

Elles supposent au moins un entretien, pendant ou après l’expérience. Elles peuvent être réalisées sous forme qualitative, par entretiens de groupe ou individuels, ou sous forme quantitative. Dans ce cas, les mesures vont porter sur : – le principal message retenu ; – des indicateurs liés à ce qui fonctionne ou pas dans le message (sentiments, émotions, contre argumentation…) ou plus généralement dans la campagne ; – la probabilité d’influencer le comportement ; – les supports susceptibles de favoriser l’attention accordée à la campagne. ➤ Les tests de laboratoire

Ils se résument essentiellement à des mesures physiologiques (modifications du rythme cardiaque, de la pression artérielle, de la sudation, de la dilatation des pupilles…). Comme pour les détecteurs de mensonges, on peut s’interroger sur la validité de ces instruments. L’émotivité « naturelle » des sujets (stress induit par l’appareillage, facteurs liés à l’environnement ou à la situation…) peut influencer leurs réactions autant que l’annonce (voir figure 10.2). ➤ Les outils intégrés des agences

La plupart des sociétés d’études proposent des outils intégrés mesurant un grand nombre de variables d’efficacité. Les principaux outils disponibles sur le marché sont AdVisor (Burke), AdEval (TNS-Sofres), AdVantage/ACT (GFK), Next*TV (IPSOS, se décline en Next*Kids, Next*Print, Next*Online et Next*Idea). La plupart sont plutôt conçus pour pré tester l’efficacité de la publicité télévisée. L’encadré 10.3 présente les détails du fonctionnement d’AdVantage/ACT. Chacun a ses particularités, mais tous s’articulent autour : – de l’existence ou non d’un pré recrutement des personnes interrogées pour vérifier leur connaissance de la marque testée et/ou leurs habitudes de consommation ;

1. Voir le chapitre 2 de cet ouvrage.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

Technique

Principe

Variable testée

Laboratoire Caméra pupillométrique (eye camera)

Caméra oculaire qui filme le parcours des yeux, leurs points d’arrêt, ainsi que le temps de fixation exprimé en secondes ou en fractions de secondes (eye tracking)

Attention

Galvanomètre, psycho-galvanomètre

Système d’électrodes permettant d’enregistrer les variations de niveau de sudation de la paume des mains pour mesurer l’état émotionnel provoqué par un stimulus

État émotionnel suscité par l’annonce

Tachytoscope

On projette les séquences d’un message, une à une, pendant un temps très court afin de déterminer les seuils de perception des différents éléments composant ces séquences

Perception

Diaphanomètre

Même principe que le tachytoscope, mais on joue sur la netteté de l’image et non sur le temps d’exposition

Perception

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Enquêtes Folder test

Insertion d’annonces dans de faux support de presse ; puis mesure de leurs impacts respectifs

Reconnaissance, compréhension et mémorisation (presse)

Revue d’expérience

Véritable revue dans laquelle le message à tester est inséré

Reconnaissance, compréhension et mémorisation (presse)

Split run test

consiste à diffuser différentes versions de l’annonce dans des zones géographiques différentes

Reconnaissance, compréhension et mémorisation (tous supports)

Radar

Détecteur de présence mesurant en continu le nombre de téléspectateurs devant le poste de TV

Réaction physique à l’annonce (TV)

Méthode Clucas et Schwerin

Présentation puis test d’un message, entier ou par séquences, sur grand écran, seul ou inséré dans une séquence de messages

Composantes de l’attitude (TV, cinéma)

Méthode AMO

Insertion d’un ensemble d’annonces puis chronométrage du temps passé sur chaque page

Notoriété et mémorisation (presse)

Figure 10.2 – Synthèse des approches de pré-tests par enquête ou techniques de laboratoire

– du mode de collecte de l’information : face à face en salle, téléphone, autoadministration après exposition en box… ; – du moment de la mesure : pendant ou après l’exposition au message ; – de l’intensité : nombre d’expositions avant la mesure.

325

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

ENCADRÉ 10.3

Le fonctionnement détaillé de AdVantage/ACT (GFK) – Nature des informations collectées : qualitatives et quantitatives. – Objectifs : comprendre les réponses cognitives, émotionnelles et comportementales des utilisateurs et des non-utilisateurs d’une marque. – Situation : faible implication ; l’objectif de la collecte n’est pas dévoilé aux sujets. Les résultats sont analysés et interprétés en fonction de la stratégie de la marque et des objectifs de communication. Ils sont par ailleurs adossés à la base de données AD*VANTAGE®/ACT (37 000 tests, réalisés partout dans le monde)

Conditions de test – Échantillon de n = 125 utilisateurs de la catégorie de produit. – Programme TV incluant écrans publicitaires ; questions sur le programme et sur les spots diffusés ; collecte de type CATI par enregistrement intégral (questions ouvertes), et écran tactile (questions fermées).

– Exposition unique ou multiple. – Spot à l’étude inséré dans un écran publicitaire « réaliste ». – Analyse scène par scène. – Mesures avant et après. – Conditions strictement identiques d’un test à l’autre.

Objectifs et questions clés – Mémorisation : souvenir du spot, de la marque, des visuels et des messages. – Attitude : le spot génère-t-il un sentiment positif à l’égard de la marque ? – Comportement (persuasion) : le spot va-t-il pousser les non-utilisateurs à essayer le produit ? Va-t-il améliorer la fidélité à la marque parmi les clients actuels ? – Principaux paramètres mesurés : notoriété, identification, image de la marque, bénéfices produit, compréhension Source : d’après http://www.gfkcr-ww.com

Le lien des pré-tests avec le media planning est fondamental. Apprécier l’impact du message revient à estimer le nombre d’expositions optimal pour la meilleure efficacité. Le β de Morgensztern en est l’exemple le plus classique (voir en annexe à ce chapitre).

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

Les post-tests publicitaires L’efficacité d’une campagne publicitaire est le produit de l’action combinée d’un message et de sa diffusion dans les médias. Les procédures de post-tests intègrent donc ces deux éléments et permettent d’identifier, dans les effets, la contribution respective de chaque média. Une analyse détaillée des résultats permet ainsi d’identifier les combinaisons médias-niveau de pression publicitaire les plus efficaces. Outre l’évaluation de l’efficacité des campagnes à l’aune des objectifs de communication fixés au préalable, les post-tests s’attachent de plus en plus à analyser les ventes générées par lesdites campagnes. Dans le premier cas on va se fonder sur des enquêtes, dans le second on aura recours aux panels et au single source. Ces deux types d’outils ont surtout été développés par les instituts d’études. ➤ Les enquêtes

• Le Day After Recall (DAR) Il s’agit d’un score de mémorisation, mesuré le lendemain de la première diffusion d’un message, sur 150 interviews utiles (suivant les instituts). Cette méthode suppose des écrans à forte audience. La banque de données permet la constitution de scores moyens standards par rapport auxquels on compare les scores de la campagne testée. Le DAR a deux inconvénients : la sélection des standards de comparaison et le calcul de la mémorisation. On peut suggérer de fixer les standards en fonction, au moins, de la catégorie de produit. La mémorisation est calculée après une seule exposition. Mais, il faut souvent davantage de répétitions pour que l’attribution se fasse et la méthode ne prend pas en compte les effets de rémanence liés aux campagnes antérieures.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

• Le tracking Le tracking consiste à interroger un échantillon sur un rythme hebdomadaire « glissant ». Ce terme signifie que les individus sont différents d’une vague à l’autre mais choisis pour être comparables. Le questionnaire administré prend en compte toutes les marques d’un marché et renseigne sur leur notoriété ainsi que les attitudes et usages à leur encontre. Administrées à intervalles réguliers, les études de tracking permettent la constitution de bases de données. Elles offrent ainsi des références pour la compréhension des scores individuels, en fonction des caractéristiques des campagnes, sur des cibles ou des segments spécifiques.

• Les bilans de campagne Le questionnaire est administré en omnibus ou en étude ad hoc auprès d’échantillons composés de 400 à 1 000 personnes. Les critères d’efficacité mesurés sont classiques : – le souvenir et l’image ;

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

– la notoriété ; – l’impact (souvenir et contenu) ; – l’acceptation (compréhension, crédibilité et agrément) ; – l’image du produit et l’implication à son égard ; – les attitudes et les intentions d’achat ; L’efficacité publicitaire peut être mise en évidence de deux manières : – prendre des mesures après chaque vague de campagne et constater l’évolution des résultats au cours du temps, en fonction des investissements publicitaires ; – relier, pour un individu donné, son niveau d’exposition publicitaire aux valeurs prises sur les critères. ENCADRÉ 10.4

Exemple de résultats issus d’un bilan de campagne Supposons une campagne mesurée à 3 reprises auprès de 3 échantillons de 400 personnes pour un produit lancé le 18/05/nn, diffusée sur 3 chaînes de télé avec un film identique de 30 secondes. Le suivi des principaux indicateurs d’efficacité montre que toutes les fonctions sont au minimum croissantes durant les 4 premiers mois : % 60

Score brut 50

Score prouvé Notoriété

40

Intention de réachat des acheteurs 30

Intention d’achat des non-acheteurs

20

Pénétration

10

Semaines 5

11

17 depuis le lancement

Bilan de campagne Suivi des indicateurs

Ici, la décroissance de l’intention d’achat des non-acheteurs entre C2 et C3 semble indiquer une certaine incapacité de la communication à « créer » de nouveaux acheteurs. Les autres indicateurs progressent. Sur ces bases, il est assez aisé de déterminer à terme la pénétration du produit.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

La seconde méthode suppose de déterminer une probabilité d’exposition au plan média pour chaque individu de l’échantillon (par exemple par le biais des enquêtes CESP). Croiser cette information à la mémorisation (score prouvé), par exemple, donne le graphique suivant : Fréquence % 18 16

Mémorisation %

14 12 10 8 6 4 2 0 0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

Nombre de contacts

La mémorisation décolle chez les individus ayant été au moins 4 fois en contact avec le message (18 %). Elle plafonne, par contre, à partir de 4 contacts. Pour optimiser l’investissement, la répétition ne semble donc pas être l’objectif prioritaire. Il s’agit plutôt d’optimiser la couverture pour ce niveau de répétition.

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Source : http://efficacitepublicite.free.fr.

Le résultat ci-dessus est-il bon ou mauvais ? Pour répondre à cette question il est nécessaire de faire appel à des normes. Celles-ci sont obtenues par des études identiques sur un ensemble de campagnes, qui permettront par comparaison de juger de la qualité du résultat. Malheureusement, ces normes sont spécifiques à chaque institut, sans comparaison possible de l’un à l’autre. Une autre limite, tant des études de tracking que des bilans de campagne, tient à ce que tous les résultats reposent sur du déclaratif. L’influence réelle d’une campagne sur les achats peut ainsi être assez délicate à appréhender. Pour pallier cet inconvénient, les instituts d’études ont mis au point des méthodes fondées sur l’observation directe des comportements. ➤ Panels et études single source L’objectif est de mesurer directement les retombées commerciales d’une campagne publicitaire à partir d’une observation contrôlée du prospect. On dispose pour cela de sources uniques d’information (single source) qui permettent de connaître précisément l’intégralité des achats et de l’exposition à la publicité de panels composés de plusieurs dizaines de milliers d’individus. On peut procéder par « études média produit » ou par marché témoin en zone contrôlée.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

• Les études « média produit » Pour les panels concernés, on croise par fusion de fichiers les données de comportement, les caractéristiques de la clientèle (occasionnelle ou régulière, niveau de consommation habituel ou exceptionnel, fidélité ou mixité des achats…) et les indicateurs de vente classiques [pénétration, part de marché, quantités achetées totales rapportées au nombre d’acheteurs pour la catégorie de produit (QA/NA)] avec la probabilité qu’a chaque individu de se trouver exposé à la campagne, que l’on déduit des comportements observés de fréquentation des médias et des supports. Ces études restent cependant centrées sur l’analyse des effets sur les ventes à court terme.

• Les marchés-témoins en zone contrôlée 1 La technique est comparable à ce qui précède. Elle consiste à mesurer et à croiser, sur un panel spécifique de foyers recrutés dans une zone de chalandise généralement limitée à une ville de taille moyenne (par exemple Angers et Le Mans pour BehaviorScan) : – les achats, directement relevés par scanner sur le lieu de vente (sur présentation d’une carte de panéliste), ou relevés à domicile par scanner individuel ; – l’audience des médias et des supports, relevée par audimètre pour la télévision. Mais l’intégration possible de l’étude de variables marketing observées sur le terrain (niveaux de prix, promotions, merchandising…) permet un affinement des conclusions. De plus, sous certaines conditions liées à la diffusion des messages (télévision et presse), il devient possible d’utiliser ce type d’approche pour pré-tester (niveau de pression et plan média) des messages ou des campagnes publicitaires afin de pronostiquer l’effet sur les ventes. Tout en restant dans une logique de post-test puisque la campagne est lancée dans une version a priori finale, on fonctionne néanmoins comme le font les pré-tests, puisque le lancement sur une zone géographique restreinte permet, en cas d’échec, de revenir sur certains éléments du marketing mix, dont la communication. La plupart des instituts d’études proposent des produits correspondant à ce type d’approche. ENCADRÉ 10.5

Fonctionnement d’un panel single source, l’exemple de BehaviorScan BehaviorScan®, est un « produit » généraliste, dont le volet efficacité de la communication a récemment été décliné en TV Scan®, CinéScan®, RadioScan®, AffiScan®, Print-efficiency® et e-efficiency®. Ce volet communication se concentre sur la résolution des problèmes suivants :

1. Les marchés témoins, ou marchés tests, sont également présentés au chapitre 6.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

– Quelle est l’efficacité d’une campagne publicitaire TV sur les ventes ? – Comment mesurer son retour sur investissement ? – Comment optimiser la pression média ? – Quels sont les profils des foyers exposés à la campagne ? Le fonctionnement général du système s’illustre assez facilement :

9 000 foyers représentatifs résidant dans la même ville, Angers, et confrontés aux mêmes actions de marketing

Exposition aux campagnes publicitaires

Recueil des achats par scanning Téléspectateurs et consommateurs

En définissant les groupes de foyers en fonction de leur exposition à la campagne, TVScan permet de mesurer l’impact de la campagne sur la performance de la marque :

Efficacité de la campagne TV Performances en fonction de l’exposition à la campagne

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Cible Marketing Foyers acheteurs de la catégorie X

1 377 Foyers Non Exposés 0 Contact Période AVANT Campagne Sem 9707 à 9713

PdM (kg) 67,0

Période PENDANT + APRÈS Campagne Sem 9711 à 9720

INDICE : Période Pdt + Après Période Avant

100

58,5

67,0

Pénétration (%)

4 779 Foyers Exposés à 1 Contact et +

Q/A / NA (kg)

PdM (kg)

Pénétration (%)

28,5

100

27,3 22,3

0,36

0,35

52,6

56,0

23,7

67,0

100

97

100

108

100

INDICE NORME : Indice Exposés Indice Non exposés

123

331

115

Q/A / NA (kg)

0,38

0,38

100

100

147 103

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Les foyers sont ensuite répartis plus finement selon leur niveau d’exposition à la campagne, ce qui permet de définir le niveau de contact le plus efficace :

Efficacité de la campagne TV en fonction du niveau d’exposition des foyers Évolution de la part de marché (volume) de la marque Cible Marketing Foyers acheteurs de la catégorie X

Période AVANT Campagne Sem 9707 à 9713

1 377 Foyers NON Exposés 0 Contact

67,0

59,5

1 395 Foyers PEU Exposés 1-2 Contacts

65,6

61,5

1 670 Foyers MOYENNEMENT Exposés 3-8 Contacts

58,4

1 714 Foyers FORTEMENT Exposés 9 Contact ET +

63,2 38,9

46,0

Période PENDANT + APRÈS Campagne Sem 9714 à 9720 INDICE : Période Pdt + Après Période Avant

100

88

100

INDICE NORME : Indice Exposés Indice Non exposés

94

106

100

108

100

121

118

133

Ces résultats peuvent être enrichis par des études d’affinité. En mettant en relation les comportements d’audience et les comportements d’achats, celles-ci permettent de répondre à des questions comme : – Quelles sont les chaînes les plus regardées par ma cible d’acheteurs ? – L’émission A est-elle en affinité avec les consommateurs de mon marché ?

En plus du fait que les panélistes peuvent être exposés à volonté à des actions publicitaires totalement contrôlées, leurs achats étant par ailleurs suivis de façon très précise, ce système a 4 avantages essentiels : – il permet de mesurer les achats de tous les produits avec code barre, quel que soit le lieu d’achat des produits (dans des magasins équipés de scanners ou non), le crayon optique permettant l’enregistrement du code au foyer ; – la lecture directe des achats par le crayon optique peut avoir lieu dans n’importe quel foyer et lieu. Cela permet à l’annonceur d’opter pour un échantillonnage aléatoire des foyers sur n’importe quel marché ; – il permet la constitution d’un panel standard et la disponibilité des données dans le temps ; – les données d’exposition à la publicité et d’achat peuvent être collectées au niveau individuel.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

Toutefois, étant donné le niveau élevé d’investissements requis pour un marché-test, ainsi que la situation de risque dans laquelle on se trouve lors d’un lancement de produit nouveau, cette méthode n’est, en pratique, pas exploitée de façon très poussée pour valider des campagnes publicitaires. Corollairement, il s’agit de procédures généralistes, plus souvent utilisées pour tester les effets globaux du marketing mix que focalisées sur les seuls effets d’une campagne publicitaire, même si les produits des instituts se déclinent facilement à ces différents niveaux (voir l’exemple de BehaviorScan, encadré 10.5). On a pu constater dans ce qui précède que la mémorisation (qui se traduit par la notoriété), la reconnaissance et les changements d’attitude et/ou d’usages sont les principaux critères utilisés. Pour largement éprouvés qu’ils soient, ces critères rendent toutefois difficile la comparaison de messages différents, éloignés dans le temps et ne répondant pas aux mêmes objectifs. Comment comparer, par exemple, un message pour un produit en lancement destiné à construire de la notoriété et un second message pour le même produit, quelques années après, destiné à le renforcer sur des positions-clés du marché ? Un indicateur de l’efficacité de la campagne de lancement est le nombre de personnes restituant le nouveau produit, alors qu’un indicateur pour la seconde campagne peut être l’amélioration du score sur un baromètre d’image. Le mode de traitement de l’information contenue dans un message publicitaire est spécifique à chaque individu. Par exemple, un même message provoquera chez les uns des réactions très rationnelles (e.g. contre-argumentation), alors que d’autres se laisseront envahir par l’émotion (e.g. rire). La nature de la réaction, ajoutée à de nombreux autres facteurs, va nécessairement influencer l’efficacité du message (e.g. mémorisation).

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Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut ainsi établir que la sensibilité des critères varie selon : – le type de message publicitaire (affectif, informatif, humour…) ; – l’attitude à l’égard de la publicité en général, et du message en particulier ; – le niveau d’implication du récepteur à l’égard de la catégorie de produit/ service ; – l’investissement publicitaire (nombre de passages, qualité du plan média…) ; – l’antériorité de la campagne, voire son usure ; – le niveau de maturité du marché (i.e. originalité vs répétitivité des copies stratégies) ; – l’intensité concurrentielle sur ce marché (i.e. le niveau de « bruit » émis par les concurrents) ; – la familiarité, voire l’expertise, avec le produit.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Évaluer l’efficacité promotionnelle La promotion des ventes (qui peut prendre des formes très variées) est un outil de communication que les entreprises, industriels ou distributeurs, des secteurs de la grande consommation, des services ou de B to B utilisent massivement. Les fins d’année voient systématiquement les budgets de promotion croître au détriment des dépenses en publicité télévision. Ceci s’explique par l’efficacité de la promotion sur les ventes 1. Cela étant, la manière d’évaluer l’efficacité promotionnelle a beaucoup changé depuis une vingtaine d’années. La principale évolution dans ce domaine est celle apportée à l’orée des années 1990 par les données de scanner. Les volumes de données sont devenus plus importants, plus réguliers et plus précis, ce qui a permis de progresser dans la mise en évidence des effets de la promotion. En particulier, des effets à court terme très puissants ont pu être mis en évidence : une tête de gondole ou un prospectus permettent de multiplier les ventes d’une référence par 3, voire par 5 2. Cet effet était masqué par les anciens modes de recueil des données de panels distributeurs, qui permettaient, au mieux, des retours bimestriels au client. Les pics de ventes obtenus lors des promotions étaient ainsi noyés dans les ventes plus basses des semaines sans promotion. Ces nouvelles données amènent par ailleurs à se focaliser sur l’impact à court terme des actions promotionnelles. Les panels de consommateurs mettent notamment en lumière un double déterminisme. Une promotion modifie sensiblement la probabilité qu’a le consommateur d’acheter le produit. Mais la « finesse » du recueil permet également d’observer des fidélités de diverses natures (marque, référence, taille d’emballage…) et de montrer que la fidélité, définie de cette manière, a un fort pouvoir prédicteur des comportements futurs de court terme. Comme pour la publicité, la mesure des effets d’une promotion est indispensable. Il s’agit soit d’en évaluer l’impact et la rentabilité, soit d’en modifier les caractéristiques avant qu’elle ne soit lancée à grande échelle. Dans les deux cas, les données de panels, détaillants et consommateurs, sont largement utilisées. Dans le cas des pré-tests, on met en place des plans d’expérience au cours desquels les variables constitutives des promotions sont manipulées et les résultats enregistrés aux moyen des données de panels, enrichies (éventuellement) de données d’exposition aux médias dans une logique single source et/ou de données ad hoc, par exemple de nature attitudinale, recueillies par questionnaire. 1. Macé S., (2002), « Effets dynamiques pré et post promotionnels », Échos de la recherche, ESCP-EAP, 11, avril, p. 1-2. 2. Bernadet J.-P. et al., (1997), « La promotion des ventes en France : évolutions et révolution », Décisions Marketing, 12, 3, p. 17.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

Pré-tests et expérimentations Le succès d’une promotion dépend en grande partie de l’attractivité de la dotation et du mécanisme de l’offre. Les études par questionnaires visent à comprendre les déterminants du fonctionnement d’une offre, à vérifier le fonctionnement de celle-ci ou à permettre de faire un choix entre différentes options. Dans ce dernier cas, on va privilégier une approche expérimentale 1. Dans le contexte promotionnel, l’expérimentation consiste à comparer les performances de deux groupes de sujets (individus ou magasins) soumis à des conditions différentes. Les « sujets » expérimentaux sont affectés aléatoirement aux différents « traitements » (i.e. les différentes variantes de l’offre). Lors de ces traitements (présentation d’offres promotionnelles variant sur l’importance de la réduction de prix par exemple), la collecte d’informations peut être enrichie par des données relatives à la psychologie du consommateur face à la promotion (encadré 10.6). ENCADRÉ 10.6

Psychologie du consommateur face à la promotion

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Échelle d’attitude générale face à la promotion2 – Cette offre promotionnelle : m’a l’air compliquée à obtenir m’incite à acheter le produit est de grande valeur est originale est malhonnête me donne l’impression d’en avoir pour mon argent me plaît est de qualité m’intéresse Nota 1 : chacune de ces propositions est évaluée sur une échelle de Likert à 7 points : Ni en accord ni en désaccord

Pas d’accord du tout 1

2

3

4

Tout à fait d’accord 5

6

7

1. Un rapide exposé des principaux plans d’expérience et de leur fonctionnement peut être trouvé dans Giannelloni J.-L. et Vernette E. (2001), Études de marché, op. cit., chap. 15, ou dans le chapitre 6 de cet ouvrage. 2. D’Astous A. et Jacob I., (2000), « Une étude des réactions des consommateurs aux offres promotionnelles comportant une prime », Actes du 16e Congrès International de l’Association Française de Marketing, Montréal, CD-Rom.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Échelle de sensibilité à la promotion1 Je suis à l’affût des promotions sur les… Je recherche les promotions sur les… Au moment d’acheter, mon attention est attirée par les promotions sur les… Au moment d’acheter, je remarque les promotions sur les… Au moment d’acheter, je regarde les promotions sur les… J’attends les promotions sur les… Nota 2 : chacune de ces propositions est évaluée sur une échelle de Likert, dont le nombre de points n’est pas précisé par l’auteur. Nota 3 : ces deux exemples sont limitatifs ; le nombre de variables pouvant être utilisé dans ce contexte est très important (implication, réactions affectives, style de traitement cognitif de l’information, tendance à la recherche de variété)…

En plus de l’apport des données de scanner, l’approche de la mesure des effets promotionnels s’articule autour de trois types d’outils, qui ont également connu des évolutions récentes. Ces outils récents permettent d’adresser des promotions à des cibles très spécifiques. On parle dans ce cas de « micro-ciblage ». Les progrès des fichiers clients accompagnés du développement du data mining et du CRM, ont permis ces opérations de micro-ciblage. Mais on peut également procéder à ce type d’opération sans disposer de fichier permanent. Certaines sociétés ont mis au point un système permettant d’éditer, à la demande, des coupons de réduction en sortie de caisse. Cette édition peut se faire selon les termes d’un plan expérimental formel, permettant ainsi une mesure très fine de l’efficacité d’une promotion ou de l’une de ses composantes (on peut faire varier, par exemple, le montant de la réduction toutes choses égales par ailleurs). On peut ainsi combiner les outils de microciblage à des mesures expérimentales en vente directe, second outil des trois évoqués ci-dessus. Celles-ci peuvent être utilisées pour elles-mêmes. L’essai systématique de différentes variantes d’opérations dont les effets sont comparés à ceux obtenus sur des zones « blanches » est un outil connu. Les études expérimentales sur l’impact promotionnel sont principalement le fait de deux sociétés d’études, qui exploitent pour cette occasion les zones test évoquées plus haut. On parlera alors de tests « in vivo », par opposition aux études ad hoc, qui peuvent être organisées en laboratoire (« in vitro »). Le couplage des panels de détaillants et de consommateurs permet d’obtenir des résultats intéressants. À titre d’exemple, on présente le fonctionnement du « module » promotion de BehaviorScan (encadré 10.7 ; voir aussi encadré 10.5). 1. Froloff L., (1993), « Vers une formalisation des antécédents individuels du comportement face à la promotion : une étude préliminaire », Actes du 9e Congrès International de l’Association Française du Marketing, Marseille, p. 201-241.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

ENCADRÉ 10.7

Fonctionnement de « PromoTrack® » PromoTrak® mesure l’influence des promotions en magasins sur le comportement d’achat des foyers et repose sur le dispositif single source d’Angers et du Mans. Du fait de la taille de ces zones, par ailleurs « hermétiques », ce dispositif permet de relier achats des consommateurs et offres promotionnelles en magasins. Chaque semaine (depuis début 2001), les promotions en magasins (têtes de gondole, prospectus, animations) au sein des panels Distributeurs des deux marchés-test sont relevées par une équipe d’enquêteurs sur les principales catégories de produits (épicerie, produits frais, entretien, hygiènebeauté). Le panel Distributeurs (20 hypermarchés et supermarchés représentant plus de 100 000 m2 de surface de vente) reflète l’activité promotionnelle sur 7 enseignes majeures (Auchan, Carrefour, Champion, Géant Casino, Leclerc, Intermarché et Système U) qui représentent les trois-quarts de la DV 1 nationale. Les achats des 9 000 foyers panélistes sont également enregistrés chaque semaine de manière exhaustive et sont reliés à chaque magasin. Pour chaque foyer, il y a donc un lien direct entre l’exposition à la promotion et l’achat du produit. Le fonctionnement du système et les résultats produits sont illustrés par une opération « Temps fort » : Le test « Temps fort » en magasin est une opération couplée (Tête de gondole avec animations et remise de bons de réduction). On s’intéresse à la croissance de la part de marché, au recrutement d’une nouvelle clientèle et à l’accroissement de la consommation (versus une anticipation d’achat). Deux groupes de foyers sont distingués sur la période pendant et après : le groupe Temps Fort, composé des foyers acheteurs des références animées et le groupe hors Temps Fort, composé des foyers acheteurs de la marque hors références animées.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

La comparaison s’effectue ensuite en séquentiel : avant temps fort et pendant et après temps fort sur des périodes de durée identique (16 semaines avec un temps fort de 4 semaines). Le résultat des analyses s’exprime sous forme de schéma :



1. Distribution Valeur. Il s’agit des ventes totales dans l’univers de consommation (généralement les GMS), exprimées en valeur, pour une catégorie de produit donnée. Les ventes de cette catégorie de produits dans les 7 enseignes citées représentent donc 75 % des ventes totales de la catégorie au plan national.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX



Conclusions Cette opération permet de développer la catégorie de produits à moyen terme (+ 7 % de volume additionnel). La marque animée évolue plus favorablement au sein du groupe Temps Fort (+ 8,6 pts de part de marché volume) versus le groupe hors Temps Fort (+ 5,7 pts de part de marché en volume). L’opération a été privilégiée par les fidèles de la marque (pas de recrutement) et a fonctionné à travers une forte élévation de leur niveau de consommation. Ces fidèles ont accru les quantités achetées par acte et le nombre d’actes sur les 16 semaines étudiées ne s’est pas dégradé. Ils n’ont donc pas simplement anticipé leurs achats. Cet opportunisme par rapport à l’offre promotionnelle s’est par conséquent accompagné d’un renforcement de la fidélité à la marque. Le bilan est positif pour l’annonceur : une opération qui dynamise le rayon et un Temps Fort qui consolide son cœur de clientèle sur un marché très actif en promotion.

Modélisation des impacts promotionnels sur données de panels On distingue les modèles fonctionnant sur données de ventes agrégées et ceux qui traitent des informations individuelles 1. ➤ Les modèles sur données de ventes

La mesure brute des volumes n’est pas suffisante. D’abord il faut en déduire les ventes qui auraient eu lieu même sans promotion. C’est ce qu’on appelle les ventes de référence ou Base line. Ce qui reste donne le volume incrémental (encadré 10.8). Ensuite, il faut retirer de celui-ci l’effet des ventes cannibalisées sur les autres articles de la gamme et les ventes transférées dans le temps par le décalage du moment d’achat et par le surstockage. Enfin, il faut pouvoir comprendre la part de chaque composante de l’opération dans le résultat final observé.

1. Desmet P., (2002), Promotion des ventes. Du 13 à la douzaine à la fidélisation, 2e éd., Dunod, p. 239-255.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

ENCADRÉ 10.8

Le base lining dans PromoTrack®

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Il s’agit d’identifier l’impact de la variable introduite lors du test, en dehors de tout effet exogène. Le modèle utilisé par PromoTrack® produit les résultats suivants :

Grâce à ce modèle, l’impact identifié de la baisse de prix montre une augmentation des ventes fond de rayon de la marque A de plus de 10 %. L’effet de la baisse de prix entraînera une absence d’effet significatif sur les ventes totales de la marque, du fait d’une différence de pression promotionnelle entre les deux périodes. À l’inverse, l’analyse de l’évolution des ventes de base confirme l’effet positif de cette baisse de prix sur les ventes fond de rayon de la marque.

L’intérêt de ces modèles diffère pour le distributeur et le producteur. Pour le premier, il s’agit surtout de prévoir des ventes. Des modèles simples, efficaces et peu coûteux, aux propriétés uniquement prédictives, suffisent. Pour le second, il s’agit également de comprendre les sources des effets obtenus. Des modèles économétriques plus sophistiqués, à propriétés explicatives sont alors nécessaires. Au sein des modèles prédictifs, on distinguera encore les méthodes endogènes des méthodes exogènes. Les premières, fondées sur des techniques de lissage, s’appuient uniquement sur les ventes passées pour prédire les ventes normales en période de promotion. Les secondes s’appuient sur des calculs d’élasticités des ventes aux différentes caractéristiques promotionnelles.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

L’objectif des modèles endogènes prédictifs est de lisser les effets des facteurs externes, non contrôlés voire inconnus, pour obtenir le base line des ventes. Le volume incrémental est ensuite calculé par différence avec les ventes observées. Des modèles économétriques fondés sur des méthodes de lissage permettent d’atteindre cet objectif. L’encadré 10.9 illustre le fonctionnement d’un modèle (relativement) simple de lissage 1. ENCADRÉ 10.9

Fonctionnement et illustration du modèle PromotionScan 2 Il s’agit d’un modèle développé par IRI-Sécodip pour les distributeurs, à partir de travaux plutôt adaptés à la problématique du fabriquant 3. Mathématiquement, il s’agit d’une méthode de lissage exponentiel (voir chapitre 6). Le principe est celui de la décomposition de la série chronologique des ventes pour identifier les éléments récurrents tels que la tendance T(t), la saisonnalité SI(t) et les événements exceptionnels X(t) [e.g. rupture de stock]. Cette décomposition permet de mettre en évidence la baseline b(t). Sa formalisation (simplifiée) est : S(t) = [T(t) × SI(t) × X(t)] × [b(t) + p(t) + e(t)] Avec : t : semaine S (t) : ventes en semaine t du produit i dans le magasin j T (t) : tendance en semaine t SI (t) : coefficient saisonnier en semaine t X (t) : événements exceptionnels extra-saisonniers en t b (t) : ventes de base après ajustement des trois précédents p (t) : effet promotionnel en t e (t) : alea en t L’impact d’une promotion est obtenu très facilement en calculant l’écart entre la valeur observée des ventes et la valeur de la baseline ajustée par le modèle. Les résultats communiqués aux clients sont traduits sous forme graphique pour ressembler à ceux de l’encadré 10.7.

Les modèles explicatifs sont plutôt de nature multiplicative ou exponentielle, et intègrent des effets d’interaction entre les variables explicatives (encadré 10.10). 1. Les principes et le fonctionnement d’un modèle de type SARIMA (Seasonal Autoregressive Integrated Moving Average) sont présentés dans Indjehagopian J.-P. et Macé S., (1994), « Mesures d’impact de promotion des ventes : description et comparaison de trois méthode » s, Recherche et Applications en Marketing, 9, 4, p. 53-79. 2. Macé S., (1997), « Techniques de mesure de l’efficacité des promotions des ventes par quatre instituts de panels », Décisions Marketing, 12, 3, p. 63-75. 3. Abraham M. et Lodish L., (1993), « An implemented system for improving promotion productivity using store scanner data », Marketing Science, 12, 3, p. 248-268.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

Parmi celles-ci, on va souvent retrouver la promotion, le prix, l’effet saisonnier, la présence de produits concurrents, les effets dus aux magasins et des variables externes (publicité, température externe, animation…). ENCADRÉ 10.10

Fonctionnement et illustration du modèle SCAN*PRO® 1 Ce modèle est utilisé par Nielsen 2. Il calcule les élasticités selon les types de promotions en tenant compte d’éventuels effets saisonniers, d’effets magasin et de l’influence des promotions concurrentes. Pour estimer ces élasticités, il est nécessaire de définir les caractéristiques du modèle : les variables explicatives (prix, publicité, présence de mise en avant…), la forme de la relation (linéaire, multiplicative ou exponentielle) et la méthode d’estimation. SCAN*PRO® établit une relation multiplicative entre ventes du produit i dans le magasin j en semaine t et les variables causales, à savoir le prix du produit et la présence d’une opération promotionnelle par mise en avant ou prospectus. Ce modèle permet de mettre en évidence de fortes disparités dans les élasticités promotionnelles selon la zone géographique. Il se formalise par : S ijt = α ⋅

J

β ij

D ( 1 ijt )

∏ [ Pijt ⋅ γ t

ij

D ( 2 ijt )

⋅ γ 2ij

D ( 3 ijt )

⋅ γ 3ij

] ⋅ exp ( u ijt )

j=1

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Avec : Sijt

: ventes du produit i dans le magasin j en semaine t Pijt : prix du produit i dans le magasin j en semaine t : variable indicatrice des prospectus D(1ijt) : variable indicatrice des mises en avant D(2ijt) : variable indicatrice des prospectus et mises en avant D(3ijt) α : constante βij : élasticité prix γ1ij : coefficient multiplicateur des ventes lorsque qu’une promotion par prospectus est réalisée en semaine t γ2ij : coefficient multiplicateur des ventes lorsque qu’une promotion par mise en avant est réalisée en semaine t γ3ij : coefficient multiplicateur des ventes lorsque qu’une promotion par prospectus et mise en avant est réalisée en semaine t uijt : terme d’erreur n : nombre total de références

1. Macé S. (1997), op. cit., p. 66. 2. Wittink D.R., Addona M.J., Hawkes W.J. et Porter, J.C. (1987), SCAN*PRO® : a model to measure short-term effects of promotional activities on brand sales based on store level scanner data, Working Paper, Johnson Graduate School of management, Cornell University, Ithaca, NY.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Ces modèles mettent également en évidence des effets indirects. Les ventes d’un produit en promotion ne sont pas les seules à être affectées. Il peut y avoir des effets de substitution entre produits de la même catégorie, de complémentarité entre catégories de produits et de substitution entre magasins. Ces informations sont importantes, tant pour les distributeurs (la promotion engendre-t-elle une augmentation globale des ventes pour l’ensemble de la catégorie ?) que pour les fabricants (la promotion induit-elle un effet de cannibalisation entre ses propres références ?). 1 ➤ Les modèles sur données individuelles d’achat

Ces données, via les panels de consommateurs ou les programmes de fidélisation des distributeurs, qui permettent l’identification du porteur, sont maintenant largement disponibles. Chaque transaction est clairement identifiée au moyen d’un nombre important d’informations relatives à la personne, la date, le détail des achats et les promotions utilisées (bons de réduction par exemple). La modélisation des choix individuels à partir de ces données repose en grande partie sur des méthodes de type Logit multinomial dans lesquelles on introduit une composante stochastique (i.e. aléatoire). Selon l’hypothèse formulée quant à l’effet de la mémoire des achats précédents sur les achats futurs (nulle, de court terme ou de long terme), on aura affaire à différentes classes de modèles. L’encadré 10.11 présente le principe général du modèle Logit multinomial. ENCADRÉ 10.11

Utilisation d’un modèle Logit multinomial pour l’explication des choix individuels 2 Initialement proposé par McFadden 3, le modèle Logit multinomial est aujourd’hui largement utilisé pour l’analyse des données individuelles de comportement d’achat, issues des scanners en sortie de caisse des points de vente. Les évolutions actuelles de ce modèle permettent de tenir compte de l’hétérogénéité des comportements en introduisant des variables de fidélité.

1. Pour une illustration très concrète des conclusions que permet de formuler SCAN*PRO®, voir Gros G., (2000), « La performance des outils promotionnels pour les produits de grande consommation », in Volle P. (Ed.), Études et recherches sur la distribution, Coll. Recherche en gestion, Economica, p. 287-295. 2. Cet encadré est largement inspiré de Desmet P., (1993), « Portée et limites de l’utilisation du modèle Logit pour l’étude des comportements d’achat », Recherche et Applications en Marketing, 8, 3, p. 65-78. 3. McFadden D., (1974), « Conditional Logit analysis of qualitative choice behaviour », in P. Zarembka (Ed.), Frontiers of econometrics, NY, Academic Press, p. 105-142.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

Le modèle Logit multinomial formalise, au niveau individuel, un choix entre alternatives comparables en situation d’achat au point de vente. Ceci induit au moins deux limites : l’ensemble de considération (chapitre 5) se limite à l’offre du magasin et les jugements perceptuels sur les caractéristiques des alternatives sont occultés. Par ailleurs, les données ne sont pas recueillies au niveau individuel stricto sensu, mais au niveau du ménage. Ceci pose au moins un problème : la sensibilité à la promotion est celle de l’acheteur et pas nécessairement celle de l’utilisateur ou plus généralement de l’ensemble du foyer. Le choix est déterminé par des caractéristiques de l’offre liées au produit ou découvertes sur place (dites déterministes), et par des perturbations de nature aléatoire. L’utilité [uk] d’une alternative (k) est composée d’une utilité déterministe stable [vk] et d’une variable aléatoire [εk]. L’utilité déterministe est une fonction linéaire des attributs [xjk] pondérés par leur valeur [wj]. Soit : uk = vk + εk vk =

∑ wj ⋅ xjk j

Avec : uk : utilité aléatoire de l’alternative k vk : utilité déterministe de l’alternative k xjk : jème attribut de l’alternative k wj : importance de l’attribut j εk : une variable aléatoire Dans ces conditions, la probabilité de choix de l’alternative k s’écrit : exp ( v k ) P k = ---------------------------m ∑ exp ( vl ) l=1

Où l est l’ensemble (variant de 1 à m) des alternatives possibles.

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Les variables explicatives des choix individuels sont liées aux actions marketing (prix, notoriété… ou effets directs tels que prospectus – oui/non – ou tête de gondole – oui/non – etc.), au produit (marque, taille du conditionnement…), à l’environnement (effet saisonnier, événement particulier…) et à l’individu (préférences). Ce modèle a deux défauts assez importants. D’une part, la formulation linéaire de la fonction d’utilité qui ne permet pas de rendre compte des effets d’interaction des variables entre elles. Entre autres, on a montré que l’effet d’un attribut dépend de la part de marché. D’autre part, la substituabilité des marques est considérée identique d’une marque à l’autre (i.e. l’écart de préférence entre deux marques est considéré identique pour toutes les paires de marques). Par ailleurs, il repose sur des présupposés assez restrictifs : l’absence d’influence du magasin sur l’impact de la promotion et l’objectif de maximisation de son utilité par l’individu (incompatible avec les phénomènes de recherche de variété par exemple).

Ces modèles donnent déjà des résultats très opérationnels (cf. encadrés 10.7 et 10.8) mais reposent sur des présupposés parfois difficiles à tenir. Pour cette raison, des travaux de développement continuent d’être menés pour les rendre plus réalistes, plus fiables et plus opérationnels dans leur capacité à faciliter les choix du décideur.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Évaluer l’efficacité du parrainage Le parrainage est une technique de communication dont la pratique, évaluée en termes de budgets dépensés, reste modeste comparativement à la publicité et à la promotion. Cependant, modeste ne signifie pas marginal, et son mode d’influence, relativement spécifique, plaide également pour la mise en place de plans systématiques de mesure de son efficacité. Le fait d’associer son nom à un individu ou à un événement à portée socioculturelle pour en retirer un bénéfice de communication est une pratique qui remonte à l’antiquité, en passant par les mécènes du moyen âge et les premiers tours de France cyclistes du début du XXe siècle. Sous sa forme actuelle, cependant, le parrainage est apparu dans les années 1980. Dans le champ du marketing, le domaine conceptuel du parrainage n’est pas encore stabilisé. Chaque auteur ayant travaillé sur le sujet a donc proposé sa propre définition, jugeant que les précédentes souffraient d’un manque de précision sur les termes, ou de complétude. Sans proposer de définition supplémentaire, ce qui sortirait du champ de l’ouvrage, soulignons simplement que le parrainage est une technique de communication à part entière. Elle consiste pour l’essentiel à chercher à bénéficier du potentiel de communication d’une entité (événement, individu, organisation…) dont l’envergure au plan socioculturel lui assure une certaine visibilité, en particulier médiatique. Il s’agit, pour un annonceur, d’un investissement en communication comme un autre et, à ce titre, ses effets doivent être mesurés. Le parrainage est une technique complémentaire à la publicité et à la promotion des ventes. Par rapport aux autres modes de communication, il présente des caractéristiques et un mode d’influence qui peuvent être considérés comme particuliers, ce qui induit des mesures d’efficacité spécifiques. Ces deux points vont être développés successivement.

Caractéristiques et mode d’influence du parrainage ➤ Objectifs du parrainage

Le parrainage a la particularité de permettre à l’entreprise de s’adresser simultanément à plusieurs cibles et types d’audience. Avec le même « message », on peut ainsi atteindre les mêmes objectifs de communication, à quelques nuances près, auprès de cibles externes (consommateurs et clients, mais aussi partenaires divers – stakeholders) et internes (personnel). Le succès du parrainage, en termes de communication, passe en premier lieu par la meilleure adéquation possible entre la cible de l’entreprise et l’audience de « l’objet » parrainé. Comme le fait le CESP pour la publicité, décrire et qualifier les audiences de différents événements (e.g. compétitions sportives

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

ou émissions de télévision) est par conséquent une première série d’études à mener pour permettre le meilleur « média planning » possible (choix de l’entité parrainée au regard des objectifs de communication). L’audience directe est constituée des individus physiquement en contact avec l’entité parrainée, c’est-à-dire présents sur le lieu et au moment de l’événement par exemple. Celle-ci est souvent intéressante au plan qualitatif (plus impliquée et attentive), mais rarement importante au plan quantitatif. De fait, il est vital pour l’annonceur de pouvoir entrer en contact avec une audience indirecte, par le biais des médias ayant relayé l’événement. Par exemple, une finale de coupe du monde de football ou de superbowl (finale du championnat NFL) est suivie directement, au mieux, par 80 à 100 000 personnes et indirectement par plusieurs centaines de millions de téléspectateurs et/ou d’internautes.

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Les objectifs assignés au parrainage sont nombreux et varient selon les types de cibles. Pour l’essentiel, cependant, il s’agit d’objectifs classiques de notoriété et d’image 1. Un éventuel effet sur les ventes n’est que marginalement recherché et celui-ci ne sera pas développé dans la suite du chapitre. Notons qu’en termes d’image, les objectifs peuvent être « commerciaux », en portant sur la marque, une ligne de produits, etc. ou institutionnels, en portant sur l’entreprise en tant qu’institution. On ne fait généralement pas de distinction à ce niveau, puisque les ressorts de communication concernés sont les mêmes. L’efficacité du parrainage sur la notoriété (d’une marque, d’une entreprise) souffre d’un certain nombre de limites, bien que des cas exemplaires de réussite sur cet objectif existent 2. Les messages véhiculés sont rarement argumentés et disposent de peu d’espace de visibilité, ce qui pénalise leur capacité à attirer l’attention de l’audience. Le parrainage n’échappe plus, aujourd’hui, à l’encombrement dont souffre la publicité médias. Une combinaison de pÎlote de Formule 1 est une suite de logos dans laquelle identifier un nom en particulier relève de l’exploit pour le spectateur ou le téléspectateur. Construire une notoriété par le parrainage implique par conséquent une communication « parallèle » classique (par exemple en publicité) nécessaire pour enrichir le message, ce qui alourdit considérablement le coût de l’opération. On remarque au passage que les investissements en parrainage sont réalisés la plupart du temps par des groupes dont la notoriété est déjà bien établie. 1. C’est en tout cas ce que disent les entreprises au travers des enquêtes régulières de l’Union des Annonceurs (UDA), sur le sujet. Améliorer leur image est l’objectif de plus de 80 % des entreprises interrogées ; la notoriété est un objectif pour environ 50 % d’entre elles. 2. Cofidis a gagné en 2 ou 3 ans plusieurs dizaines de points de notoriété spontanée grâce au parrainage de l’équipe cycliste professionnelle qui porte son nom.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Image et attitude sont les objectifs clés d’un investissement en parrainage. Il s’agit de deux concepts complémentaires 1, l’objectif recherché étant dans les deux cas la création, où l’amélioration, d’une « posture » favorable de l’individu vis-à-vis de la marque, y compris au plan comportemental. Le parrainage permet d’agir sur des attributs fonctionnels et/ou symboliques de la marque (ou de l’entreprise). Pour les attributs fonctionnels, il est nécessaire que parrain et entité parrainée soient proches en termes d’activité. Le produit ou la marque sont mis en situation extrême et sa performance vient à l’appui d’un message (implicite) d’adéquation au besoin d’usage de l’individu. On parle dans ce cas de « sponsoring de la preuve ». On se situe dans ce registre quand Adidas parraine une équipe de football ou quand Quechua parraine Karine Ruby. Dans le second cas, l’objectif est de renforcer les attributs symboliques de dynamisme, de courage, de ténacité, de modernité ou de prestige social, par exemple. On est dans ce registre quand les Banques populaires parrainent un voilier ou quand Lancôme parraine une compétition de golf. Le fondement théorique de cette évolution de l’image/attitude grâce au parrainage repose sur un principe de transfert de l’intensité et de la valence d’évaluation des attributs de l’entité parrainée sur ceux du parrain. ➤ Spécificités du parrainage 2

L’audience, directe ou indirecte, traite d’abord et avant tout l’information liée à l’événement en lui-même (match, émission, concert, exposition…). L’attention accordée aux éléments périphériques à cet événement (par exemple les panneaux autour d’un stade) est donc limitée. Le traitement du message véhiculé par la présence du parrain est superficiel, voire pré conscient. Or la condition préalable à la persuasion par un message, quel qu’il soit, est d’être vu et entendu avec suffisamment de clarté. Tout l’enjeu, pour le sponsor, est là : faire en sorte que son « message » entre dans le champ de perception consciente de la cible. Ce message est implicite dans la majorité des cas. Implicite signifie qu’il se limite à véhiculer un logo ou un nom (marque, entreprise…) sur ou à proximité de l’entité parrainée. C’est donc au récepteur du message de faire l’intégralité du travail de décodage et de donner un sens à ce qui est reçu. Cette dimension implicite limite à l’évidence les inférences qu’il est possible de retirer du message, donc pénalise le mécanisme de transfert évoqué plus haut. 1. « Image » est un terme plus volontiers issu du langage des managers, « attitude » étant plus académique. 2. Cette partie est largement inspirée de Fleck-Dousteyssier N., (2006), Effet du parrainage sur les réponses affectives et cognitives du consommateur envers la marque : le rôle de la congruence, Thèse pour le Doctorat en Sciences de Gestion, Université Paris-Dauphine, 8 mars, p. 28-30. On pourra aussi consulter Walliser, Björn, (2006), Le parrainage, Dunod.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

Le cadre non commercial dans lequel est reçu le message est, par contre, un avantage. Aucune technique de persuasion explicite n’est utilisée par l’annonceur, comme cela peut être le cas en publicité. Or la « compétence » croissante du consommateur, à laquelle se réfèrent aujourd’hui la plupart des manuels de comportement du consommateur, réside en partie dans une meilleure compréhension des tactiques de persuasion mises en œuvre par les annonceurs. Ils peuvent ainsi plus facilement élever des barrières contre ces tactiques. Sur le lieu d’un événement (sportif, artistique, social…), l’individu est en situation moins défensive car la marque n’est pas explicitement en situation de séduire ou de vendre. À l’inverse, elle se pose en soutien d’un événement qui, dans bien des cas, ne pourrait avoir lieu autrement. L’objectif est donc de bénéficier de la bienveillance de l’audience.

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Fondamentalement, le « discours » est maîtrisé par l’entité parrainée et pas par le parrain. L’indépendance de l’entité parrainée et l’absence de contrôle de la part du parrain renforcent l’authenticité et la crédibilité du message aux yeux du grand public. Bien entendu, le risque est grand de voir l’entité parrainée ne pas remplir sa part du contrat (e.g. ne pas citer le nom du sponsor ou masquer son logo lors d’une interview), volontairement ou non. La « glorieuse incertitude du sport » rend cette association parfois dangereuse pour le sponsor (parrainer un bateau pour une course autour du monde et voir le bateau couler à la sortie du port de départ est une mésaventure qui s’est déjà produite ; de même, beaucoup d’entreprises présentes dans le sport cycliste professionnel ont jeté l’éponge ces dernières années face aux affaires récurrentes de dopage). Par le parrainage, les entreprises cherchent à se construire une image en « empruntant » certaines des valeurs attribuées à l’entité parrainée et en ancrant leur démarche toute entière dans l’action et dans le réel. Tout ceci est gage de crédibilité, elle-même composante de la confiance que l’on peut avoir dans la marque ou dans l’entreprise. ➤ Mode d’influence du parrainage

Ce qui précède suggère que le mode d’influence du parrainage est différent de celui de la publicité ou de la promotion des ventes. Le registre implicite, donc plus difficilement perceptible, mais apparemment neutre commercialement donc plus crédible, implique, a minima, l’adaptation des modèles de traitement de l’information classiquement utilisés. Les recherches ont testé alternativement des modèles cognitifs, affectifs ou mixtes, sans réellement être très concluantes 1. 1. Le problème étant d’avoir eu des résultats encourageants avec des modèles assez différents les uns des autres plutôt que de ne pas avoir eu de résultats du tout. Aucun des modèles n’a montré empiriquement sa supériorité. Abondance de biens nuit parfois…

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Les modèles cognitifs dérivés des travaux de McGuire ou Bettman, basés sur une hiérarchie des effets classique de type exposition, attention, compréhension, acceptation (ou persuasion), préférence et choix ont montré des résultats intéressants dans le contexte du parrainage. Comprendre pourquoi le parrain s’est associé à cette entité (événement, individu, émission…) est le point clé, qui permet ensuite (crédibilité aidant) d’influencer la réponse attitudinale de l’individu exposé au message. Un autre moyen d’expliquer le mode d’influence du parrainage est de s’appuyer sur des modèles fondés sur un processus affectif. On se fonde ici sur le principe selon lequel un individu peut développer une nouvelle relation entre un stimulus et une réponse comportementale sans que les activités cognitives du sujet soient sollicitées au-delà de la simple mémorisation inconsciente du stimulus. 1 Pour que ce conditionnement soit qualifié d’affectif, il est nécessaire que l’entité parrainée (stimulus non conditionné) soit connue et appréciée et provoque une réaction forte, que le parrain (stimulus conditionné) soit nouveau et que le message génère un faible niveau d’élaboration. Par ailleurs, une faible implication des individus pour le parrain peut être compensée par la répétition de l’association parrain/entité parrainée. Ces conditions sont rarement remplies en pratique. Par exemple, le parrain (stimulus conditionné) est rarement nouveau. D’autre part, ce modèle évacue toute dimension cognitive à la persuasion et ne permet pas de rendre compte du transfert de sens évoqué ci-dessus. La recherche s’est donc orientée vers des modèles mixtes, en prenant appui sur le principe, décrit par McCracken 2, de l’endossement par le public des significations associés aux célébrités dans le domaine culturel. Le parallèle avec le parrainage est direct, l’entité parrainée jouant le rôle de la célébrité (ce qu’elle est parfois). Toutefois, le mécanisme décrit peut être interprété à la fois comme l’apprentissage d’une réponse cognitive conditionnée de façon inconsciente et automatique ou comme une relation d’influence l’un sur l’autre de deux stimuli contigus dont les individus ont conscience 3. Par ailleurs, le transfert décrit est de nature cognitive et ne permet pas de prendre en compte la dimension affective de l’influence du parrainage, qui se traduit dans les mesures d’attitude à l’égard du parrain après exposition au message. Les modèles de persuasion les plus récemment testés dans le contexte du parrainage intègrent donc un processus de transfert affectif (figure 10.2). 1. Filser M., (1994), Le comportement du consommateur, Coll. Gestion +, Dalloz, p. 70-83. 2. McCracken G., (1989), « Who is the celebrity endorser ? Cultural foundations of the endorsement process », Journal of Consumer Research, 16, 3, p. 310-321. 3. Didellon L., (1997), Mode de persuasion et mesure d’efficacité du parrainage : une application au domaine sportif, Thèse pour le doctorat en sciences de gestion, IAE-Université Pierre Mendès-France, Grenoble, 13 novembre, p. 178-180.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

RCa

RA a

RCa

RA a

RCp

RA p

RCp

RA p

Transfert affectif

Médiation duale

RCa,p = réactions cognitives à l’association, au parrain RA a,p = réactions affectives à l’association, au parrain Certains chercheurs prennent appui sur l’association entité parrainée/parrain, comme le font ces modèles, d’autres sur l’entité parrainée elle-même.

Figure 10.2 – Principaux modèles d’influence du parrainage

Mesures d’efficacité du parrainage Les effets du parrainage étant encore mal connus au plan théorique, il n’est pas étonnant de constater que leur mesure est assez sommaire, quand elle est réalisée. Les sociétés d’études ont récemment développé des outils pour cela, mais ceux-ci sont globalement moins sophistiqués que pour la publicité et la promotion des ventes.

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Contrairement à ce qui se pratique en matière de publicité, le syndrome de la « danseuse du président » reste d’actualité en matière de parrainage, même s’il a très probablement beaucoup régressé face à l’envolée des budgets nécessaires pour être simplement visible dans certains sports (formule 1 et football en particulier). Dans ce cas, les objectifs de l’investissement ne sont pas clairement établis et aucune démarche systématique de mesure des effets de l’opération n’est engagée. Trois types d’outils sont principalement utilisés pour mesurer l’efficacité du parrainage. La pige média, les baromètres de notoriété/mémorisation et des études ad hoc de mesure d’impact sur l’image/attitude. ➤ Les piges médias

Il est étonnant de constater que de nombreuses entreprises se contentent d’estimer l’équivalent en achat d’espace des retombées médias (presse, télévision et radio) concernant leurs opérations de parrainage, à partir des piges effectuées sur les différents médias par les instituts spécialisés. Cette mesure très simple, voire simpliste, serait utilisée par 90 % des annonceurs. 1

1. Renaud F., (1994), « Le parrainage sort-il de la crise ? Synthèse de l’enquête U.D.A. », Revue Française du Marketing, 150, 5, p. 71-74.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

ENCADRÉ 10.12

La pige médias d’une opération de parrainage L’audience ciblée est le plus souvent indirecte. On s’efforce donc de recueillir systématiquement tout ce que les médias auront publié et/ou diffusé à propos de l’entité parrainée. Pour la diffusion presse, les choses sont relativement simples. En principe, la largeur des colonnes est fixe dans tous les supports presse. Il suffit donc de mesurer, en centimètres, la hauteur totale de rédactionnel obtenu. Pour enrichir et relativiser cette approche, on peut suggérer les indicateurs suivants : Évaluation quantitative

Évaluation qualitative

Nombre d’articles

Types de supports

Longueur totale des articles

Types d’articles

Nombre de citations du nom du sponsor

Ton des articles

Part des citations du sponsor X sur le total de citations de tous les sponsors

Emplacement des articles dans les supports

Audience des supports

Évolution du ton des articles en fonction du déroulement de l’événement

Rien n’empêche, après analyse de contenu du matériau qualitatif, d’attribuer une échelle de notation à chaque critère. Ceux-ci peuvent être pondérés et fournir un total de points par opération. On peut facilement calculer un « coût au point » qui servira de standard de comparaison entre les différentes opérations menées par un annonceur. Pour la radio et la TV, les opérations sont plus complexes. On donne ci-dessous les retombées obtenues par les Caisses d’Épargne d’Aquitaine à l’issue du Vendée Globe de 1990 1 : Presse

2 854 articles répartis sur 136 supports différents 55 supports presse magazine 11 supports presse quotidienne nationale 70 supports presse quotidienne régionale Les 2 854 articles représentent 50 % des articles parus sur l’ensemble des skippers et des bateaux. On y a dénombré 143 citations Caisses d'épargne écureuil ; 3 292 citations Ecureuil d’Aquitaine (nom du bateau) et 8 761 citations Titouan Lamazou (Skipper du bateau)

TV

TF1 A2 FR3 M6 Canal +

1 h 50 minutes 2h 5 h 20 (dont 0 h 55 sur FR3 Aquitaine) 22 minutes 6 minutes

Au total 11 heures d'antenne ont été chronométrées, soit 55 % du temps global d’antenne consacré à la course

1. Corones H., (1991), « Écureuil d’Aquitaine : le tour du monde d’une région », Revue Française du Marketing, 131, p. 82-88.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

Très réductrice, cette manière de procéder ne permet pas, sauf de manière très indirecte, de calculer l’audience de l’événement. De plus, l’espace alloué à un article sur un événement est sous le contrôle total du média, qui peut décider de rendre invisible (par floutage, montage…) la présence du sponsor. Ce n’est donc pas équivalent du tout, par exemple dans un support presse, à la même surface consacrée à une publicité, puisque celle-ci est, par définition, sous le contrôle total de l’annonceur. Le message, déjà plus rudimentaire en parrainage, peut par conséquent être totalement occulté, et le fait que l’événement soit présent massivement dans les médias ne change rien à cette situation. A fortiori, les piges médias ne donnent pas non plus d’information sur l’impact de l’opération en termes de notoriété et d’image qui, on l’a vu, sont les deux objectifs majeurs du parrainage. ➤ Les baromètres de notoriété

De plus en plus, des sociétés d’études mettent en place des suivis longitudinaux de l’impact, notamment mémoriel, du parrainage. Elles peuvent ainsi proposer à leurs clients des outils leur permettant de mieux choisir leur domaine d’investissement (sport, musique, théâtre…) ou le support le plus porteur (e.g. football, tennis, Formule 1…) ; certaines études permettent également de suivre dans le temps l’évolution de l’attitude globale du grand public à l’égard du parrainage 1. ENCADRÉ 10.13

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Baromètre TNS Sofres de mesure de l’efficacité du parrainage télévisuel sur TF1 Les objectifs sont opérationnels : évaluer l’efficacité de nombreuses opérations de parrainage pour aboutir à un système de normes quant à cette efficacité. La mesure de l’efficacité globale des dispositifs repose sur : – l’impact (mémorisation spontanée et assistée, reconnaissance du billboard), - les bénéfices pour la marque (notoriété, image, attractivité), – la légitimité de l’association marque/émission, agrément du billboard – une évaluation de l’efficacité du parrainage selon les niveaux d’exposition aux dispositifs (comparaison exposés/non exposés et courbes de réponses) La fréquence est de 12 vagues par an (600 interviews par vague), sur une cible de 1565 ans. Les données sont recueillies par un questionnaire auto-administré diffusé à l’Access Panel « 6th dimension » de TNS Sofres.

1. Drews H.-P. et Angenendt C., (1992), « Means of evaluation of sponsorship effectiveness », Proceedings of the International Conference Sponsorship Europe, ESOMAR, Monte Carlo, 2-4 décembre, p. 185-215.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Synthèse des bilans de mémorisation pour 40 parrains en 2003 Une mémorisation des opérations de parrainage au-dessus de la norme sur TFI

Mémorisation globale sur

47 % Norme sponsoring IPSOS : 37 %

Et davantage encore auprès des téléspectateurs réguliers aux émissions :

+ 12 puisés en moyenne auprès des réguliers

dont

Mémorisation spontanée Quelle était le marque associée à cette émission ?

14 % Norme sponsoring IPSOS : 5 %

Ces sociétés se sont surtout intéressées au parrainage TV, dont l’efficacité est, d’une certaine manière, plus facile à mesurer : les téléspectateurs sont captifs (possesseurs de boîtiers d’audimétrie) et les messages sont mieux formatés en durée et dans leur diffusion (immédiatement avant et/ou après une émission). Cette forme de parrainage s’est d’abord développée auprès des secteurs interdits de publicité TV classique, qui l’ont parfois utilisée de manière exclusive. Aujourd’hui, les annonceurs attendent une quantification plus fine de ses effets (encadré 10.14) ENCADRÉ 10.14

Mesure d’efficacité du parrainage TV par Carat Sponsorship et Démoscopie « Nous voulons montrer comment le parrainage TV joue de façon inconsciente en termes d’association à la marque de tout ou partie des valeurs portées par le programme parrainé. » (Laure Shapira, directeur associé de Démoscopie) Les informations recueillies sont relatives à la notoriété dans l’univers (top of mind, spontanée, globale et assistée), à l’impact (marques dans l’univers que les interviewés ont vu associées à un programme TV) et à l’adéquation de la marque au programme. L’échantillon est national et représentatif de la cible (400 à 500 personnes interrogées en face à face à domicile par CAPI) Il est conçu de façon à pouvoir différencier les individus exposés et les non-exposés au programme concerné.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

Selon Hervé Wittenauer, directeur des études, Carat Sponsorship, les principaux résultats sont les suivants : plus la marque est connue, plus le parrainage agit sur le top of mind. Moins elle est connue, plus il agit sur la notoriété assistée. En moyenne, on gagne 6 points sur le top of mind, 7 points sur la notoriété spontanée et 11 sur l’assistée. L’effet le plus important se fait sur l’image par le transfert de valeurs associées au programme et la relation affective que les téléspectateurs peuvent avoir avec une émission. Ainsi, les items de sympathie peuvent progresser de 12 points, ceux de modernité de 13 points, ceux de proximité de 11 points. Cet effet est totalement indépendant du fait qu’il y a ou non mémorisation, ce qui est particulièrement spécifique à ce mode de communication. Source : Marketing Magazine, n˚ 75 - 01/12/2002 – Anika Michalowska

➤ Impact du parrainage sur l’image

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Dans le domaine du parrainage, on peut utiliser trois approches : une évaluation sur des caractéristiques (e.g. croyances) préalablement déterminées, une mesure holistique et/ou des associations librement élaborées. La seconde approche consiste à utiliser un item unique du type « Je pense que cette opération de parrainage va améliorer l’image de [X] ». Cette approche a le mérite de la simplicité mais n’apporte guère d’information et devrait par conséquent être évitée. Les approches un et trois sont complémentaires et l’on peut recommander leur utilisation conjointe pour obtenir la mesure la plus riche possible. Dans une première phase, l’image peut être évaluée par les associations ou pensées librement énoncées à propos de la marque et/ou de l’entreprise. Dans ce cas, ce sont surtout leur nombre et leur valence qui sont analysés. Le type de mesure le plus fréquent consiste à faire émerger, par des entretiens qualitatifs préalables (individuels semi-directifs ou focus groups pour l’essentiel), une liste d’attributs caractéristiques, pour les répondants, de la marque ou de l’entreprise. Dans une seconde phase, on va utiliser cette liste de caractéristiques pour évaluer la force de l’association à la marque, par une batterie d’échelles ad hoc (encadré 10.15). Ces listes de caractéristiques sont, par définition, différentes d’une marque à l’autre. Cependant, les différentes études menées sur le sujet montrent une certaine convergence vers : qualité du produit, importance, niveau de gamme, modernité, catalyseur de rêve ou vecteur d’expression de soi. Quand on cherche à faire émerger une image d’entreprise, on va obtenir le plus souvent : impliquée dans la communauté (notamment, rend l’événement possible), bien gérée, à l’écoute des consommateurs, dynamique, attirante, populaire ou professionnelle.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

ENCADRÉ 10.15

Mesure de la richesse, de la valence et de la force des associations (cognitives) à une marque 1 Le point de départ consiste à utiliser une méthode classique, de type citation directe par exemple (cf. chapitre 3 de cet ouvrage). On fait l’hypothèse que le stimulus de départ active toute l’information stockée en mémoire à long terme et que celle-ci est rappelée en mémoire de travail. Pour optimiser ce rappel, on peut procéder par stimuli initiaux multiples. Par exemple : « Qu’évoque X pour vous ? » « Quelles sont toutes les idées qui vous viennent à l’esprit quand vous pensez à X ? » « Pourquoi achète-t-on la marque X ? » « Comment imaginez-vous un consommateur/client typique de la marque X ? » « Comment décririez-vous un produit typique de la marque X ? » On examine ensuite la richesse et la valence des associations exprimées. La richesse est fonction du nombre d’associations exprimées. La valence, c’est-à-dire le côté positif, négatif ou neutre de l’association, est identifiée par post-codage. La force de l’association est plus facilement mesurée au moyens d’échelles, qui nécessitent une approche plus quantitative au sens où l’on présente aux répondants une liste d’associations (i.e. caractéristiques d’image) préétablie. Par exemple : « Pouvez-vous évaluer la force avec laquelle chacune des idées suivantes est associée, selon vous, à la marque X » [haut de gamme] [jeune] [etc.]

Très faiblement associée Très faiblement associée

1 1

2 2

3 3

4 4

5 5

6 6

7 Très fortement associée 7 Très fortement associée

Une fois cette image cernée, il reste encore à évaluer l’influence qu’a pu avoir sur elle une « opération » de parrainage. Les résultats empiriques dans ce domaine montrent une supériorité évidente des approches expérimentales ou quasi expérimentales avec, au minimum, des mesures de type « avant-après ». On peut s’intéresser en particulier à la variation, entre les deux mesures, des scores de richesse, de valence et de force des associations (encadré 10.16). 1. Fleck-Dousteyssier N., (2006), Effet du parrainage sur les réponses affectives et cognitives du consommateur envers la marque : le rôle de la congruence, Thèse pour le Doctorat en Sciences de Gestion, Université Paris-Dauphine, 8 mars, p. 193-201.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

ENCADRÉ 10.16

Mesure de l’effet du parrainage sur l’image par la mesure de la variation de la richesse, de la valence et de la force des associations 1 Richesse Pour chaque individu, la variation du nombre des associations, avant et après exposition, est donnée par : ∆na = nat1 – nat0 où nat1 et nat0 sont, respectivement, le nombre d’association « après » et « avant ». Pour une opération de parrainage donnée, on peut calculer la variation moyenne du nombre d’associations sur l’ensemble de l’échantillon : 1 n ∆ na = --- ∑ ∆ na i ni = 1 où n est la taille d’échantillon et ∆na1 le « gain » d’associations pour l’individu i. La marque peut ensuite comparer les ∆ na relatifs à chacune de ses opérations de parrainage.

Valence L’indicateur pertinent est le gain net d’associations positives entre les deux mesures. Une façon de procéder est : ∆ va = ( na +t1 – na –t1 ) – ( na +t0 – na –t0 ) Où na +t1 et – na –t1 sont, respectivement, le nombre d’associations positives et négatives au temps ti pour chaque individu. On peut ensuite calculer le gain moyen de valence des associations : 1 n ∆ va = --- ∑ ∆ vai ni = 1

Force

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Pour chaque association, on calcule la variation de force entre les deux mesures : ∆ fa = ( fa t1 – fa t0 ) Ceci permet d’en déduire la variation moyenne de la force de l’association a pour l’ensemble des individus : 1 n ∆ fa = --- ∑ ∆ fai ni = 1 où ∆ fai est la variation de la force de l’association a pour l’individu i. On calcule enfin la variation moyenne de la force de l’ensemble des associations à une marque donnée m : m 1 ∆ fa = --k

k

⎛1

n

∑ ⎜⎝ --n- ∑ ∆fa

j=1

i=1

⎞ ⎟ ⎠

i, j

où k est le nombre d’associations et ∆ fai, j est la variation de la force de l’association j pour l’individu i.

1. Fleck-Dousteyssier N., (2006), op. cit., p. 196-201.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Pour aller un peu plus loin, toutes les variantes des méthodes d’analyse de variance peuvent être utilisées pour le traitement statistique des données. Certaines peuvent être très simples, et faire appel, par exemple, à un test de différences de moyennes (encadré 10.17). ENCADRÉ 10.17

Mesure de l’effet du parrainage sur l’attitude globale à l’égard d’une marque À partir d’une mesure simple d’attitude, par exemple : « À propos de la marque X, je peux dire que : » Je ne l’apprécie pas Je la trouve déplaisante Elle est mauvaise Je ne l’aime pas

1 1 1 1

2 2 2 2

3 3 3 3

4 4 4 4

5 5 5 5

6 6 6 6

7 7 7 7

Je l’apprécie Je la trouve déplaisante Elle est bonne Je l’aime

On peut calculer un score moyen « avant » et un score moyen « après ». On peut ensuite tester le caractère significativement différent de l’attitude par un test de différence de moyennes sur échantillons appariés 1. Supposons que l’on dispose des données suivantes :

m

m

m

Am0

A1m

D

8 13 7 20 6 15 17 12 21

10 16 8 27 9 14 23 13 25

2 3 1 7 3 –1 6 1 4

m

Où D = ( A 1 – A 0 ) et A 0 et A 1 sont respectivement l’attitude à l’égard de la marque m avant et après exposition au message de parrainage. Les scores sont obtenus en faisant, pour chaque individu, la somme des « notes » obtenues pour chaque item. On teste l’hypothèse nulle selon laquelle le message n’a pas d’effet dans la population dont on a extrait l’échantillon, soit µD ≤ 0. Si cette hypothèse est vraie, la statistique du test suit une loi en t de Student à n – 1 degrés de liberté et s’écrit : D–µ 2,89 – 0 t n – 1 = ----------------D- = ---------------------------- = 3,44 sd n 2,52 ⁄ ( 9 )

1. Une présentation synthétique du fonctionnement de ce test est donnée dans Giannelloni, J.-L. et Vernette, E. (2001), op. cit., p. 344.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

Où D est la moyenne des différences observées, et sd est l’écart type d’échantillonnage de ces différences. Le test étant unilatéral, la valeur critique du test pour un seuil de risque α = 5 % et un degré de liberté égal à 8 est de 1,8595. La valeur calculée étant supérieure à cette valeur critique, on peut rejeter l’hypothèse nulle et conclure que le parrainage a bien eu un effet sur l’attitude à l’égard de la marque.

D’autres peuvent être plus complexes et avoir recours à la modélisation par équations structurelles (encadré 10.18). ENCADRÉ 10.18

Effet du parrainage sur l’image d’entreprise 1 Une liste de 13 croyances relatives à une entreprise a d’abord été élaborée, puis administrée deux fois à un échantillon de 100 individus. Entre les deux administrations, un sous-groupe de 65 individus a été exposé à un message de parrainage. La structure factorielle de l’échelle fait apparaître trois dimensions (Attirance, Dynamisme et Contribution sociale) auxquelles contribuent les 13 croyances de départ. On a modélisé l’effet du message au moyen d’équations structurelles, en choisissant une approche PLS qui permet de généraliser l’analyse de variance multivariée en étant beaucoup moins exigeante sur la qualité des données. Le modèle et les résultats sont schématisés dans la figure suivante :

0,519

Effet du message

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0,146

Dynamisme ω2 = 0,313

0,099 Sexe

Attirance ω2 = 0,080

0,179 Interaction Sexe*message

– 0,198

Contribution sociale ω2 = 0,049

1. Cet exemple est emprunté à Giannelloni J.-L., (1993), « L’influence de la communication par l’événement sur la nature de l’image de l’entreprise », Recherche et Applications en Marketing, 8, 1, p. 5-29.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Cette expérience a permis de mettre en évidence un fort effet positif du message sur le dynamisme perçu de l’entreprise et, à un moindre degré, sur ses dimensions d’attirance et de contribution sociale. Le genre, seul, n’a pas d’effet, mais il interagit avec le message : chez les garçons ayant vu le message, l’attirance pour l’entreprise augmente, tandis que sa dimension de contribution sociale perçue diminue.

Aujourd’hui, toutes les recherches académiques portant sur l’efficacité du parrainage ont recours, au moins pour partie, à la modélisation par équations structurelles et, a minima, à l’analyse de variance. La première famille de méthodes est incontournable dès lors que l’on souhaite modéliser des interrelations (effets directs et indirects) entre variables appréhendées au niveau théorique. L’analyse de variance, sous ses diverses formes, reste précieuse pour tester les effets des plans d’expériences 1.

CONCLUSION Ce chapitre s’est attaché à présenter les principales études de mesure des effets de la communication. Celle-ci a été circonscrite aux trois techniques principales, en termes d’investissements : la publicité, la promotion et le parrainage. Les mesures d’efficacité publicitaire se différencient selon que l’on cherche à anticiper sur les effets d’une campagne (pré-tests) ou que l’on cherche à évaluer les effets obtenus par une campagne diffusée (post tests). Les mesures effectuées en pré tests s’intéressent au potentiel de communication et de persuasion de la campagne. Les indicateurs utilisés sont de nature cognitive (e.g. mémorisation du message, compréhension des arguments…), affective (e.g. plaisir ressenti, crédibilité du message…) ou comportementale (e.g. adhésion au message, intention d’essai…). De nombreux tests peuvent être menés en laboratoire : suivi du regard par caméra pupillométrique ou reconnaissance et mémorisation des messages par Folder test par exemple. Les agences développent de nombreux outils intégrant un nombre très important de mesures. Les post tests se distinguent en enquêtes ad hoc ou en études single source menées sur des panels gérés dans des zones tests considérées représentatives de la population française du point de vue sociologique. Les bilans de campagne, par exemple, visent à évaluer différents critères d’impact à partir de vagues d’enquêtes répétées sur une période donnée. Les études single source évaluent directement l’impact des campagnes publicitaires sur les achats en magasin des panélistes. 1. Roussel, P. et al. (2002), Méthodes d’équations structurelles : recherche et applications en gestion, Economica permet de s’initier à cette famille de méthodes. Une présentation synthétique de l’analyse de variance est proposée dans Giannelloni, J.-L. et Vernette É., (2001), op. cit., p. 437-444.

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ÉTUDES DE COMMUNICATION

Les études d’efficacité de la promotion fonctionnent pour partie de manière similaire, sous forme de pré-tests et/ou de post-tests. La différence essentielle avec ce qui précède est que l’usage des données de panels est aujourd’hui massif. Dans le cas des pré-tests, on met en place des plans d’expérience au cours desquels les variables constitutives des promotions sont manipulées et les résultats enregistrés aux moyen des données de panels, enrichies (éventuellement) de données d’exposition aux médias dans une logique single source et/ou de données ad hoc, par exemple de nature attitudinale, recueillies par questionnaire. Pour les post-tests, la modélisation économétrique sur données de ventes permet d’identifier l’impact des promotions. Le parrainage a un mode d’influence spécifique fondé sur un message le plus souvent implicite, parce que non argumenté et souvent peu visible. Par ailleurs, les émotions générées par l’événement au cours duquel est diffusé le message sont souvent plus fortes que face à un message publicitaire. Les mesures d’audience et d’efficacité du parrainage sont donc plus rares et moins sophistiquées qu’en publicité. Néanmoins, trois outils principaux peuvent être utilisés. La pige médias vise à évaluer quantitativement les retombées presse et médias audio visuels d’une opération de parrainage. Les baromètres de notoriété visent à évaluer de manière longitudinale l’impact mémoriel du parrainage. Les mesures d’image et/ou d’attitude à l’égard de la marque ou de l’entreprise sont plus sophistiquées et impliquent des collectes de données relativement lourdes et délicates à mener en raison du côté « fuyant » du message.

BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

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BERNADET, J.-P. et al. (1997), « La promotion des ventes en France : évolutions et révolution », Décisions Marketing, 12, 3, p. 9-21. CAUMONT D. (2000), « Budget et contrôle de l’efficacité publicitaire », in. E. Vernette (Ed.), La publicité. Théories, acteurs et méthodes, La Documentation Française. CAUMONT, Daniel (1996), « Le bilan de campagne publicitaire, outil d’aide à la décision », Recherche et Applications en Marketing, 11, 4, p. 93-109. D’ASTOUS, A. et JACOB, I. (2000), « Une étude des réactions des consommateurs aux offres promotionnelles comportant une prime », Actes du 16e Congrès International de l’Association Française de Marketing, Montréal, CD-ROM. DE BARNIER, V. (2002), « Le rôle des émotions sur l’attitude envers la marque (Ab) : pour une médiation totale de l’attitude envers le message (Aad) », Recherche et Applications en Marketing, 17, 3, p. 81-99. DESMET, P. (2002), Promotion des ventes. Du 13 à la douzaine à la fidélisation, 2e édition, Dunod.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

FLECK-DOUSTEYSSIER, N. (2006), Effet du parrainage sur les réponses affectives et cognitives du consommateur envers la marque : le rôle de la congruence, Thèse pour le Doctorat en Sciences de Gestion, Université Paris-Dauphine, 8 mars, 400 p. KAPFERER, J.-N. (1978), Les chemins de la persuasion, Dunod. MACÉ S. (2002), « Effets dynamiques pré et post promotionnels », Échos de la recherche, ESCP-EAP, 11, avril, p. 1-2. STEWART, D. W et al. (1983), « Advertising evaluation : a review of measures », in Houston M.J. et Lutz R.J. (Eds.), Marketing Communications. Theory and Research, Chicago, American Marketing Association Proceedings Series, p. 3-6. STEYER A., CLAUZEL A. et QUESTER P. (2005), Marketing. Une approche quantitative, Collection Synthex, Pearson Education, p. 223. WALLISER, B. (2006), Le sponsoring, Dunod.

360

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ANNEXE AU CHAPITRE 10

Annexe au chapitre 10

Indicateurs d’efficacité et de sélection des médias

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L

’EFFICACITÉ d’une campagne publicitaire dépend à la fois des caractéristiques de la création publicitaire et des supports (médias) utilisés pour véhiculer le message. Le media planning, c’est-à-dire la planification des médias à utiliser et du nombre de répétitions du/des messages dans chacun des supports est par conséquent un déterminant important du succès d’une campagne publicitaire. Pour « optimiser » le media planning, il est donc important de connaître a priori l’efficacité de chaque média et de chaque support dans la diffusion des messages. On liste ci-dessous les principaux de ces critères d’efficacité 1. • L’audience totale est l’ensemble des individus qui ont lu, vu ou entendu un support de communication. Elle se subdivise en plusieurs indices : – l’audience utile (ou pénétration d’un support) est l’ensemble des individus de la cible visée appartenant à l’audience, – l’audience moyenne est la moyenne des audiences enregistrées pendant une période donnée (par exemple toutes les 15 minutes en radio), – l’audience cumulée est le nombre total d’individus touchés au moins une fois, après plusieurs diffusions du message. Elle est nette lorsque la diffusion concerne le même support, – l’audience multicomptée est la proportion de l’audience touchée au moins une fois par la diffusion d’un message dans plusieurs supports. Elle est calculée par la formule d’Agostini : Audience totale A M = -------------------------------------------------------------------------------------------------------∑ duplications 2 à 2 1 + α ⎛ --------------------------------------------------------------------------------------⎞ ⎝ audiences totales de chaque support⎠ ∑

α est un coefficient connu en moyenne et donné.

1. Steyer A., Clauzel A. et Quester P., (2005), Marketing. Une approche quantitative, Collection Synthex, Pearson Education, p. 223.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

• Le multicomptage d’audience est le fait d’être en contact avec le message publicitaire dans plusieurs supports. Par exemple, la duplication d’audience est le fait d’être en contact avec deux supports :

Support B

Support A

Duplication d’audience A∩B

Le nombre d’individus touchés par un message inséré dans A et dans B est : N = A + B –(A ∩ B) • L’affinité du support avec la cible est la proportion d’individus appartenant à la cible qui utilisent ce support. Elle se calcule par : cible utile (%) -------------------------------------------audience du support • Le point de pénétration brut, ou point de couverture brute (Gross Rating Point ou GRP) est le nombre moyen de contacts utiles qu’ont eus 100 individus avec le message. Il permet de synthétiser le nombre de personnes touchées et le nombre de fois où ces personnes sont touchées par le message. Il peut se calculer par : nombre d’individus cibles touchés GRP = ---------------------------------------------------------------------------- × répétition moyenne population cible Un support touche 18,6 % des femmes entre 18 et 49 ans. Si cette population cible a l’occasion de voir deux fois un message publicitaire (fréquence moyenne de répétition de la publicité sur le support), on obtient un GRP de 18,6 × 2 = 37,2.

• Le taux de couverture publicitaire est le nombre d’individus touchés par un support, par rapport à la population totale, exprimé en pourcentage. • Le coût pour mille (CPM) est le coût de l’insertion d’un message diffusé auprès de 1 000 individus : coût de la publicité CPM = ------------------------------------------ × 1 000 audience utile • Le b de Morgenzstern est le taux de mémorisation enregistré après un premier contact avec le message. À chaque diffusion du message, le même β s’applique aux individus n’ayant pas encore mémorisé le message. La loi du souvenir

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ANNEXE AU CHAPITRE 10

qui en découle permet de prévoir la mémorisation suite à n contacts. Le souvenir S au nième contact se calcule par : Sn = 1 – (1 – β)n

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La valeur de β est stable pour un média donné. En moyenne ses valeurs sont, par exemple, de 15 % pour la télévision et 10 % pour la presse.

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CHAPITRE 11

Études de distribution

Les études pour optimiser le marketing-mix Chapitre 7 Études du nouveau produit Chapitre 8 Études de marque Chapitre 9 Études de prix Chapitre 10 Études de communication Chapitre 11 Études de distribution

Implantation du point de ventes Études de la zone de chalandise Mesurer l’attractivité d’une enseigne Optimiser l’assortiment et la rotation des stocks

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Plan du chapitre

L

E secteur de la distribution a longtemps été considéré comme un monde

à part du point de vue de la pratique du marketing en général, et des études de marché en particulier. Convaincus du caractère éminemment intuitif de leurs pratiques de vente (résumé par le vieil adage : « le commerce est un art ») et de la difficulté de cerner de manière formalisée la double dynamique de la demande et de la concurrence, les commerçants ont longtemps limité la pratique des études à des actions ponctuelles, davantage destinées à confirmer a posteriori la justesse des décisions prises, qu’à éclairer la prise de décisions opérationnelles et a fortiori stratégiques. La concentration de l’affrontement concurrentiel entre un nombre limité d’enseignes, tant sur le marché alimentaire que non alimentaire, puis plus récemment l’internationalisation de ces enseignes, ont fait entrer la distribution

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

dans un contexte stratégique comparable à celui des producteurs de biens et services. L’enseigne et le point de vente doivent développer une stratégie de ciblage de la clientèle, de construction d’un positionnement distinctif face à la concurrence et de création de valeur pour les clients. À ces pratiques classiques du marketing s’ajoute une caractéristique particulière dans le cas de la distribution : la contrainte spatiale. Dans le domaine commercial, c’est au chaland de se déplacer pour visiter le point de vente physique. La localisation de ce point de vente constitue donc une décision spécifique lourde de conséquences pour les détaillants. Les enjeux des décisions de localisation se trouvent encore exacerbés par le lent, mais régulier, développement de la vente hors magasin, de la traditionnelle vente par catalogue aux formes de commerce électronique en développement rapide. Les études en distribution s’organisent de ce fait à partir de deux critères de classification ; l’objet de l’étude et sa place dans la démarche marketing de l’entreprise. • L’objet de l’étude : l’enseigne ou le point de vente. L’enseigne présente de nombreuses analogies avec la marque. Principal vecteur de la communication, elle a pris une importance primordiale depuis l’apparition des nouvelles générations de marques de distributeurs qui ont suivi l’introduction par Carrefour en avril 1976 des « Produits libres ». Comme la marque du producteur, l’enseigne est confrontée à des problèmes de délimitation de son territoire. On ne compte plus les diversifications menées avec succès par les distributeurs sous leur enseigne : produits de crédit et de placement, assurances, voyages… Cet élargissement du périmètre des activités couvertes par l’enseigne pose directement la question de son image auprès du consommateur, de son potentiel à cautionner des produits à travers la marque de distributeur, aussi bien que des services, ou même une offre hors magasin à travers le commerce électronique. Même si l’enseigne présente des caractéristiques spécifiques par rapport à la marque, les deux concepts restent très proches, du fait de leur place dans le processus de décision du consommateur. Les techniques d’étude développées pour la marque pourront donc généralement être transposées sans trop de difficultés à l’enseigne : analyses qualitatives des évocations symboliques, études quantitatives d’image et de positionnement, ou encore baromètres de satisfaction présentent très peu de spécificités lorsqu’ils sont transposés de la sphère de la marque à celle de l’enseigne. Les études concernant le point de vente sont en revanche caractérisées par de fortes spécificités. D’un point de vue marketing, le point de vente se définit par la conjonction de trois éléments : une enseigne, un ensemble de caractéristiques physiques (surface de vente, architecture), et une localisation géographique. La relation du consommateur avec le point de vente ne se réduit donc pas à sa seule relation à l’enseigne.

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ÉTUDES DE DISTRIBUTION

Un exemple illustre l’importance des facteurs hors enseigne dans la perception d’un magasin. Les premiers hypermarchés de Nancy, Metz et Strasbourg ouvrirent entre 1970 et 1972 sous l’enseigne Carrefour, qu’ils abandonnèrent en 1975 au profit de l’enseigne Cora. Trente ans plus tard, il est encore fréquent que des clients de ces magasins les désignent sous leur enseigne originelle : la perception du point de vente est alors dominée par sa localisation et ses caractéristiques physiques, l’influence de l’enseigne étant marginale.

Les études concernant le point de vente seront donc toujours plus contingentes que les études relatives à l’enseigne, et elles devront prendre en compte la relation spatiale du chaland avec le point de vente : le client qui habite à moins d’un kilomètre d’un hypermarché de 15 000 m2 n’aura pas la même relation avec ce magasin que le client qui habite à 30 kilomètres, notamment en termes de fréquence de visite. Les notions de distance et de fréquence seront donc des éléments importants à prendre en compte dans la conception des études des points de vente.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

• La place dans la démarche de l’entreprise : études a priori et a posteriori. Cette dichotomie est classique dans le cas des études produits : l’étude en vue du lancement d’une nouvelle variété de produit ne présente que peu de similitudes méthodologiques avec l’étude de satisfaction. Nous retrouverons cette dichotomie dans le cas de la distribution, avec une séparation très nette entre les études a priori (études d’implantations de magasins, études de modification d’assortiment ou de linéaire), et les études a posteriori qui servent à évaluer les résultats de ces décisions (études de zone de chalandise, études d’image et de satisfaction, études de l’efficacité du merchandising). À partir de cette dichotomie, ce chapitre sera organisé en quatre sections. La première sera consacrée aux études d’implantation des points de vente, la seconde à l’étude de la zone de chalandise des points de vente existants. La troisième section sera consacrée à l’étude de l’image de l’enseigne, et enfin la quatrième aux études d’assortiment et de merchandising.

Implantation du point de vente Les études d’implantation doivent répondre à deux questions étroitement liées : – Où localiser le point de vente ? – Quelles caractéristiques lui donner (surface, équipement, personnel…) ? Cette problématique de l’implantation a une portée générale, et dépasse le seul domaine des points de vente pour concerner plus généralement tous les établissements de prestations de services : agences bancaires, restaurants, fast-food, hôtels, etc.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Problématique Une même contrainte pèse sur toutes les décisions d’implantation de points de vente au sens large : le volume d’affaires possible pour l’implantation est-il compatible avec son seuil de rentabilité ? La réponse à cette question est d’autant plus délicate que ces deux termes sont interdépendants. En effet, un point de vente attirera d’autant plus de chalands que son offre sera importante (ce qui exige une surface de vente plus importante), mais cette augmentation quantitative du volume d’offre augmente aussi les frais fixes, et donc le seuil de rentabilité. En outre, le succès d’une implantation dépend à la fois de facteurs contrôlés par le détaillant, et de facteurs qui lui échappent. Si l’entreprise peut avoir une influence sur l’échelle de sa réalisation (sous contraintes institutionnelles, qui feront l’objet du point suivant), elle n’a en revanche pas d’influence sur la démographie de la zone d’implantation, son pouvoir d’achat, ou encore les infrastructures de transport qui conditionnent directement l’accessibilité. Enfin, le succès d’une implantation dépendra directement de son environnement concurrentiel. L’activité d’un point de vente nouveau dépendra de deux facteurs : – le potentiel de la zone dans laquelle le point de vente est implanté, et sur lequel le distributeur n’exerce pratiquement aucune influence. Ce potentiel dépend à la fois de l’effectif de la population et de son pouvoir d’achat (figure 11.1) ; Pouvoir d’achat Population

Élevé

Forte

Potentiel maximum Exemple : « Triangle d’Or » dans la banlieue ouest de Paris

Trafic important, faible panier moyen Exemple : grands ensembles

Faible

Trafic faible, forts paniers moyens, produits « premium » Exemple : XVIe arrondissement de Paris

Très faible potentiel Exemple : zones rurales à démographie décroissante

Faible

Figure 11.1 – Typologie des déterminants du potentiel d’une implantation

– la capacité du point de vente à attirer le plus grand nombre de clients possible, qui dépend de la politique marketing du distributeur, et en premier lieu de son positionnement concurrentiel. Cette capacité d’attraction variera fortement selon les activités. Certains types de points de vente peuvent attirer des clients dans un rayon de plus de 50 kilomètres (magasins de meubles Ikéa par exemple). Au contraire, certains commerces ont besoin d’un flux de trafic existant à partir duquel ils vont capter leur clientèle, le rayon d’attraction n’étant alors que de quelques dizaines de mètres (les boutiques de presse Relay dans les gares, par exemple). On distingue ainsi, selon les activités,

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ÉTUDES DE DISTRIBUTION

des commerces d’attraction (ou de destination), et des commerces de trafic, dont les caractéristiques sont rappelées dans le figure 11.2. Commerce de destination/attraction

Commerces de trafic

Processus de décision de l’acheteur

Long et complexe

Simple

Influence des facteurs situationnels

Faible

Forte

Influence de l’enseigne

Importante

Faible

Exemples de produits

Ameublement, équipements de sport, achats alimentaires planifiés

Loisirs, certains produits textiles, restauration rapide

Figure 11.2 – Commerces de destination et commerces de trafic

En résumé, la problématique de la décision d’implantation d’un point de vente se résume par une équation et une inéquation : Ventes prévisionnelles = Potentiel du secteur × Taux d’attraction exercé par le point de vente Ventes prévisionnelles > Seuil de rentabilité du point de vente

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Si le calcul du seuil de rentabilité prévisionnel pose peu de problèmes grâce aux informations dont dispose le distributeur sur les conditions d’exploitation de ses magasins existants, le calcul des ventes prévisionnelles exige la mise en œuvre de méthodes d’étude spécifiques. Il faut cependant relativiser l’influence des études sur les décisions d’implantation. En effet, dans la très grande majorité des pays industriels, et tout spécialement en France, les décisions d’implantation échappent dans une large mesure aux distributeurs. Les créations de nouveaux magasins dépendent en effet de procédures d’autorisation souvent lourdes et longues.

Contraintes juridiques La comparaison du potentiel économique relatif de plusieurs projets d’implantation devrait constituer le principal critère de décision du distributeur. Mais la très grande majorité des pays européens ont adopté des législations spécifiques destinées à encadrer la création de nouveaux points de vente : lois Royer (1973) et Raffarin (1996) en France ; BauNV (1977 et 1996) en Allemagne ; loi 426/71 (1971) en Italie ; lois 2 et 7/1996 en Espagne ; Town and Country Planning Acts au Royaume-Uni ; loi « Cadenas » en Belgique. Un principe commun à ces développements réglementaires est d’une part de préserver un potentiel d’activité pour les formes de commerce traditionnelles, et d’autre

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

part d’éviter un développement anarchique des implantations commerciales. L’encadré 11.1 rappelle les principales dispositions applicables en France. ENCADRÉ 11.1

Le contexte réglementaire français La loi Raffarin de 1996 fixe les modalités d’implantation de nouvelles surfaces de vente. Les demandes d’autorisation sont présentées par les distributeurs devant une Commission départementale d’équipement commercial (CDEC) composée de six membres (3 élus, 3 représentants du monde économique et des consommateurs). Toute création de magasin de plus de 300 m2 de surface de vente est conditionnée par un avis favorable de la CDEC. Tout projet de plus de 6 000 m2 de surface de vente doit être accompagné d’une enquête publique devant évaluer son impact économique et social sur l’environnement. Toute décision de la CDEC peut faire l’objet d’un recours devant la Commission nationale d’équipement commercial (CNEC) composée de 8 membres nommés par Décret. Les décisions de la CNEC peuvent faire à leur tour l’objet d’un recours devant le Conseil d’État 1. La préparation d’un dossier de demande d’autorisation d’implantation accorde une place importante aux études d’évaluation du potentiel de la zone de chalandise envisagée, et notamment à la capacité de cette zone à supporter une nouvelle surface de vente sans que les conditions normales d’exploitation des points de vente existants ne soient remises en cause. L’incompatibilité de plusieurs dispositions de cette loi avec la réglementation européenne devrait entraîner une réforme de la réglementation de l’urbanisme commercial en 2008.

Le cadre réglementaire français accorde de facto un pouvoir important aux collectivités locales qui disposent ainsi d’un puissant levier pour orienter les implantations commerciales selon des modalités compatibles avec les programmes d’urbanisme locaux, et plus généralement en fonction de leur politique d’aménagement du territoire. Lorsqu’un projet d’implantation est autorisé, il peut être très éloigné du projet que le distributeur considérait comme optimal en termes de performance commerciale. Il faut enfin rappeler que ces dispositions réglementaires entraînent deux conséquences pour les entreprises : d’une part, le nombre de projets qui aboutissent est faible (peu de chaînes d’hypermarchés sont parvenues à ouvrir plus d’un nouveau magasin par an depuis 1997) ; d’autre part, le délai qui sépare le lancement d’un projet 1. On trouvera une présentation complète du cadre réglementaire de l’urbanisme commercial dans : Lamy Droit Économique, « Concurrence, distribution, consommation », (2003), p. 1343-1381.

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ÉTUDES DE DISTRIBUTION

de sa réalisation est très long (il n’est pas rare de voir des projets de centres commerciaux mettre dix ans et plus pour aboutir).

Analyse de bases de données géographiques Le développement de bases de données géographiques a ouvert de nouvelles perspectives à l’étude des implantations de nouveaux points de vente. Leur principe est d’associer à une représentation cartographique d’une zone géographique (géographie physique, infrastructures de transport, équipements…) des bases de données décrivant les caractéristiques démographiques, économiques et sociologiques de cette même zone. La figure 11.3 présente la structure d’une base de données géographiques.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Un secteur géographique donné (ici, un canton) est découpé en secteurs de taille identique dotés de coordonnées (A1, B6, etc.). Plusieurs bases de données sont ensuite constituées pour associer à ces cellules élémentaires des caractéristiques statistiques. Dans l’exemple présenté ici, une base de données démographiques (alimentée par exemple par le recensement INSEE) décrira les caractéristiques de la population de chaque cellule : nombre de ménages, nombre d’habitants, structure par âges, etc. Une seconde base de données regroupera des informations économiques (revenu moyen disponible par ménage, dépenses commercialisables moyennes par ménage, coefficients budgétaires de différentes familles de produits, etc.). On pourrait encore imaginer d’autres bases de données complémentaires décrivant par exemple la localisation de la concurrence, ou encore le taux de pénétration des magasins concurrents dans chacune des cellules. Le calcul matriciel permet ensuite de combiner les informations fournies par ces bases de données multiples pour calculer de nouveaux indicateurs qui serviront à préparer la prise de décision de l’entreprise qui commandite cette étude. Par exemple, en réalisant le produit du vecteur « Nombre de ménages » tiré de la base des données démographiques par le vecteur « Dépenses commercialisables moyennes par ménage » tiré de la base de données économiques, on peut calculer un vecteur des dépenses commercialisables potentielles pour chacune des cellules. Cette analyse sera complétée par l’utilisation d’une base de données géographiques qui rattachera chaque adresse d’une commune à une cellule du découpage adopté. Il sera ainsi possible de déterminer le profil sociodémographique et économique d’une adresse ou d’un ensemble d’adresses (par exemple toutes les adresses d’une même rue). Une telle analyse fournira des indications précieuses sur le potentiel d’un secteur géographique donné pour une opération de marketing, ou naturellement pour l’implantation d’un point de vente.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Canton de Béville Zone 1

2

3

4

A

A

A

Nombre habitants

% < 20 ans

% 20-30 ans

etc.

C1

A

C2

A

C3

B

etc.

C

Base de données démographiques

D

Zone Nombre emplois

E

C1

Indice de pouvoir d’achat

Dépenses par habitant

C2 F

C3 etc. Base de données démographiques

Figure 11.3 – Principes d’une base de données géographiques

Un prolongement de ces analyses géographiques est offert avec le développement des bases de données décrivant les comportements d’achat et/ou les intentions comportementales des consommateurs. Il est alors possible de localiser dans le découpage géographique établi les acheteurs actuels et les acheteurs potentiels, ce qui peut contribuer à orienter l’allocation des moyens d’action du marketing des entreprises.

Modélisation La démarche analytique qui précède la décision d’implanter un point de vente à un emplacement donné est donc relativement standardisée, même si sa mise en œuvre est naturellement dépendante des informations disponibles. Les sociétés d’études comme les entreprises de distribution ont élaboré des modèles destinés à faciliter l’application de cette démarche analytique. La performance économique d‘un point de vente dépend de deux facteurs : • d’une part l’attraction qu’il exerce sur la zone géographique dans laquelle il est implanté. Il est donc nécessaire d’estimer cette attraction, dont l’expression la plus simple est la probabilité pour qu’un habitant de la zone considérée se rende dans le magasin pour faire des achats ; • d’autre part le potentiel économique de la zone d’implantation. Celui-ci dépend à la fois du nombre d’habitants et du montant des dépenses de consommation. Si les dépenses de consommation dans la zone sont élevées,

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ÉTUDES DE DISTRIBUTION

par exemple du fait d‘un pouvoir d’achat plus important de la population, la zone sera plus attrayante pour un nouveau magasin 1. En appliquant le taux d’attraction prévisionnelle du magasin au montant total des dépenses de consommation de la zone, on peut ainsi estimer commodément le chiffre d’affaires prévisionnel du magasin. Ces deux étapes de l’analyse vont être présentées. ➤ Le calcul de l’attraction exercée par un magasin

Nous présenterons successivement les modèles issus du courant gravitaire, les modèles d’utilité, puis le modèle analogique, et enfin les modèles traitant de l’implantation simultanée de plusieurs points de vente.

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• Les modèles dérivés du courant gravitaire La géographie a été la première discipline à aborder l’analyse des implantations commerciales. Sa perspective dépassait la question de la localisation d’un seul point de vente, pour se consacrer plutôt à l’organisation des infrastructures commerciales dans une région donnée. La théorie des places centrales, développée par Christaller, constitue à cet égard une référence fondatrice pour les travaux consacrés à la structure de l’appareil commercial 2. La théorie des places centrales a dégagé un principe explicatif de la structure de l’appareil commercial qui va désormais inspirer la majorité des analyses de l’attraction : plus un centre commercial (une ville dans le modèle originel) a une offre importante, et plus son rayon d’attraction sera important. Reilly développa un premier modèle de l’attraction commerciale en adoptant la métaphore de la loi de la gravitation universelle. De même que l’attraction qu’exerce une planète sur une autre est fonction de sa masse, de même l’attraction exercée par un centre urbain sur la région qui l’entoure sera proportionnelle à sa population. On parlera de modèles gravitaires pour désigner ensuite les nombreuses variantes de modèles d’attraction reposant à un degré variable sur ce principe de Reilly. Il est possible de délimiter la frontière des zones d’attraction de deux centres urbains à partir du rapport de leurs populations. Par élargissement du modèle, on peut l’appliquer à l’analyse de la frontière des zones d’attraction de deux points de vente en utilisant leur surface de vente comme 1. On peut rappeler que les premiers centres commerciaux régionaux de très grande surface (plus de 50 000 m2 de surface de vente) se sont installées dans l’ouest de l’agglomération parisienne (Parly 2, Vélizy 2), en raison justement de l’importance du potentiel de dépenses de consommation dans ces secteurs à l’époque de ces implantations. 2. Christaller W., (1966), Central Places in Southern Germany, Prentice Hall, Englewood Cliffs, NJ. Pour une présentation de la théorie des places centrales, voir : Filser, M., des Garets V. et Paché G. (2001), La distribution : organisation et stratégie, Éditions EMS, Caen, p. 67-69.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

variable explicative : c’est le principe du modèle de Reilly-Converse 1 (voir encadré 11.2) ENCADRÉ 11.2

Le modèle de Reilly-Converse Formule de calcul D ab D a = ------------------S 1 + -----b Sb avec : Da : rayon d’attraction du magasin A Dab : distance entre les magasins A et B Sa et Sb : surfaces de vente des magasins A et B

Application Auchan a une surface de 5 000 m2, et se situe à 6 km de Cora, dont la surface de vente est de 9 000 m2. Le rayon d’attraction de Auchan sera de : 6 D a = ----------------------------6 000 1 + --------------5 000

soit : 2,86 km

Réciproquement, le rayon d’attraction de Cora sera : 6 – 2,86 = 3,14 km

• Les modèles d’utilité Les modèles gravitaires présentent plusieurs inconvénients. Ils supposent d’abord une détermination stricte de la fréquentation d’un point de vente en fonction de la localisation spatiale du client. Or la distance n’est pas le seul facteur influençant le choix du point de vente, et un prospect peut fréquenter un magasin un peu plus éloigné s’il estime que son offre est mieux adaptée à ses attentes. En second lieu, l’effet de la distance ne sera pas le même pour tous les achats. Le client peut hésiter à parcourir une plus longue distance pour acheter un paquet de pâtes, mais il ira volontiers plus loin acheter un micro-ordinateur si l’offre lui paraît plus intéressante.

Les modèles d’utilité vont prendre en compte cette diversité des critères intervenant dans le processus de décision de l’acheteur. Dans le prolongement 1. Converse P.D., (1949), « New Laws of Retail Gravitation », Journal of Marketing, Vol. 14, 4, p. 379-384.

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ÉTUDES DE DISTRIBUTION

de l’axiome de choix de Luce 1, le géographe Huff va proposer un nouveau modèle explicatif de l’attraction du point de vente (figure 11.4) 2.

P i, j

S ------βjD ij = -----------------n Sk ------∑ βk = 1 D ik

avec : Pij : probabilité pour qu’un habitant du secteur i fréquente le magasin j (i = 1,2,…m) Sk

: surface de vente du magasin k (k = 1,2,…,j,…,n)

Dik : distance en km ou temps de parcours du secteur i au magasin k

β

: paramètre mesurant la sensibilité au temps de parcours pour la fréquentation d’un magasin

n

: nombre de magasins en concurrence dans le secteur considéré.

Figure 11.4 – Le modèle d’attraction de Huff

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Le modèle de Huff apporte une amélioration sensible à l’analyse des phénomènes d’attraction, dans la mesure où son caractère probabiliste permet de rendre compte de la possibilité qu’a un habitant d’un secteur géographique donné de fréquenter plusieurs points de vente selon les scénarios d’achat considérés. Ce modèle permet notamment d’identifier des secteurs géographiques dans lesquels le potentiel d’attraction de deux points de vente est proche, et donc leur concurrence maximale. Le principal problème posé par ce modèle concerne l’estimation du paramètre β qui reflète la sensibilité d’un client au temps de déplacement vers un magasin. Diverses méthodes d’estimation de ce paramètre ont été développées, utilisant notamment l’estimation par les moindres carrés ou la méthode du maximum de vraisemblance. L’inconvénient de cette démarche est d’exiger un lourd travail de calibrage du modèle alors même que le coefficient ainsi estimé se révèle assez instable dans le temps, du fait même de l’évolution de l’offre des points de vente dans le cadre de leur politique concurrentielle. Une autre limite du modèle de Huff réside dans la prise en compte de la surface de vente comme seul facteur d’attraction du client. Cette limite va être levée par un autre modèle d’utilité, le modèle d’interactions concurrentielles 1. Luce R., (1959), Individual Choice Behavior, John Wiley, New York. 2. Huff D.L., (1964), « Defining and Estimating a Trading Area », Journal of Marketing, Vol. 28, July, p. 34-38.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

multiples (ou modèle MCI), développé par Nakanishi et Cooper 1. La figure 11.5 présente les caractéristiques de ce modèle. E

βe

∏ Aije

e=1 P ij = -----------------------------n E βe ∑ ∏ Aije k=1 e=1

Pij : Probabilité pour qu’un habitant du secteur i fréquente le magasin j (i = 1,2,…, m) Aike : Évaluation d’un magasin k (k = 1,2,…,j,…,n) sur l’attribut e (e = 1,2,…,E) par un habitant du secteur i (i = 1,2,…,m) βe : Paramètre mesurant l’influence de l’attribut e sur le choix du magasin.

Figure 11.5 – Le modèle d’interactions concurrentielles multiples (MCI)

Le modèle MCI gagne en capacité explicative dans la mesure où le choix d’un magasin dépend désormais d’un ensemble d’attributs permettant de rendre compte de la complexité de son offre. En revanche, l’estimation des paramètres βe est très longue et complexe 2, et comme dans le cas du modèle de Huff, la stabilité de ces paramètres dans le temps est faible, ce qui exige pratiquement de calibrer à nouveau le modèle chaque fois que l’environnement commercial du point de vente a été modifié par le jeu concurrentiel. En dépit de leurs limites, les modèles d’utilité constituent une batterie d’instruments utiles pour les entreprises de distribution désirant procéder à une évaluation assez précise du potentiel d’attraction d’un magasin nouveau dans un secteur donné. L’encadré 11.3 présentera plus loin un exemple d’application de ces modèles à l’analyse d’un projet d’ouverture de magasin. ➤ Le calcul du potentiel de chiffre dépenses de consommation dans la zone

Le chiffre d’affaires prévisionnel du magasin sera calculé en appliquant la formule suivante : Chiffre d’affaires = Taux d’attraction du prévisionnel magasin sur la zone × Dépenses totales de consommation dans la zone Il serait trop coûteux de réaliser des études ad hoc de la structure de la consommation des ménages pour chaque nouvelle implantation de magasin. L’estimation des dépenses de consommation dans la zone étudiée va donc recourir à une démarche empirique qui recourt largement à des approximations. 1. Nakanishi M. et Cooper L.G., (1974), « Parameter Estimation for a Multiplicative Competitive Interaction Model-Least Squares Approach », Journal of Marketing Research, Vol.11, August, p. 303-311. 2. Cliquet G., (1992), Management stratégique des points de vente, Sirey, Paris, p. 113-126.

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ÉTUDES DE DISTRIBUTION

Une première décomposition va être appliquée : Dépenses totales = Nombre d’habitants dans la zone 1 × Dépenses moyennes de consommation de la zone par habitant Le nombre d’habitants est connu sans difficultés grâce aux résultats des recensements. Le montant des dépenses de consommation est tiré d’enquêtes spécialisées. Dans le cas de la France, c’est principalement l’Insee qui publie ce type de données. Mais les enquêtes de consommation sont généralement réalisées au moyen d’échantillons représentatifs de l’ensemble du pays, ou à la rigueur de grandes régions (6 à 8 régions en France selon les sources statistiques). Il peut être prudent de corriger ces données nationales pour tenir compte de disparités régionales, en particulier pour prendre en compte les différences de pouvoir d’achat selon les secteurs géographiques. La méthode de correction la plus généralement utilisée consiste à appliquer aux dépenses moyennes nationales un coefficient correcteur qui reflète l’écart entre la richesse de la zone et la richesse nationale moyenne. Les indices publiés par la société Proscop (indices de richesse vive) ou le Cecod (indices de disparité) sont les plus couramment utilisés. Les sociétés d’études qui commercialisent ces indices mettent en œuvre des batteries d’indicateurs qui reflètent la richesse de la population pour calculer un indice synthétique dont la valeur est 1 pour la moyenne nationale, supérieure à 1 si la richesse locale est plus élevée que la moyenne nationale, inférieure à 1 dans le cas contraire. La formule de calcul des dépenses de consommation de la zone devient alors :

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Dépenses de consommation par habitant de la zone

=

Dépenses de consommation, France entière

×

Indice correctif de la richesse de la zone

Pour synthétiser l’ensemble des étapes d’une étude d’implantation, l’encadré 11.3 présente une application de ces différentes procédures de calcul. ENCADRÉ 11.3

Un exemple de modélisation d’implantation d’un point de vente Le marché L’agglomération de Blanville compte 18 000 habitants. Elle possède actuellement l’équipement commercial suivant : – un supermarché A de 800 m2 de surface de vente ;

1. On peut également retenir le nombre de ménages plutôt que le nombre d’habitants, et les dépenses par ménage plutôt que par habitant. Les résultats seront naturellement identiques. Le choix est déterminé par la disponibilité des statistiques.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

– un hard discount alimentaire B de 400 m2 de surface de vente ; – un supermarché C de 1 200 m2 de surface de vente ; – un marché hebdomadaire le samedi, qui connaît une fréquentation régulière. La chaîne des magasins Delta a analysé le marché de Blanville et souhaite y implanter un magasin de 2 500 m2 de surface de vente, à dominante alimentaire, mais avec un assortiment non alimentaire significatif. La figure 1 présente la configuration de cette agglomération, la localisation des points de vente existants, et la localisation du projet Delta. Le découpage est celui des unités géographiques types adopté par le service statistique national. La direction des magasins Delta souhaite estimer le chiffre d’affaires potentiel réalisable par ce magasin. Figure 1 – Le marché de Blanville

Îlot 3 1 000 hab.

Îlot 5 2 000 hab. C

Îlot 2 2 000 hab.

Îlot 4 2 000 hab.

Îlot 1 5 000 hab. A

B

Îlot 6 1 000 hab.

Îlot 8 4 000 hab.

Îlot 7 1 000 hab. Delta

Calcul du potentiel de l’agglomération Secteur

Population

Indice de richesse relative

Dépenses annuelles €

Dépenses potentielles €

Îlot 1

5 000

0,8

1 800

7 200 000

Îlot 2

2 000

1,45

1 800

5 220 000

Îlot 3

1 000

0,9

1 800

1 620 000

Îlot 4

2 000

0,8

1 800

2 880 000

Îlot 5

2 000

0,85

1 800

3 060 000

Îlot 6

1 000

1,25

1 800

2250 000

Îlot 7

1 000

1,05

1 800

1 890 000

Îlot 8

4 000

0,75

1 800

5 400 000

378

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ÉTUDES DE DISTRIBUTION

Calcul des taux d’attraction (modèle de Huff, b = 2) Distance Distance Distance Distance Secteur magasin magasin magasin projet A B C Delta

Utilité Delta

Utilité A

Utilité B

Utilité Attracti C on Delta

Îlot1

1

3,5

3

2,5

400,00

800,00

32,65

133,33

0,29

Îlot2

3

6,5

5,5

3

277,78

88,89

9,47

39,67

0,67

Îlot3

3

4,5

2,5

5,5

82,64

88,89

19,75

192,00

0,22

Îlot4

2,5

1,5

1

4,5

123,46

128,00

177,78 1200,00

0,08

Îlot5

3,5

1,5

1

5,5

82,64

65,31

177,78 1200,00

0,05

Îlot6

3

5,5

5,5

1,5

1 111,11

88,89

13,22

0,89

Îlot7

3

3

3,5

1,5

1 111,11

88,89

44,44

97,96

0,83

Îlot8

4

1

2

5

100,00

50,00

400,00

300,00

0,12

39,67

Calcul du chiffre d’affaires prévisionnel du magasin Delta Secteur

Attraction Delta

Potentiel secteur

CA prévu Delta

Îlot1

0,29

7 200 000

2 088 000

Îlot2

0,67

5 220 000

3 497 400

Îlot3

0,22

1 620 000

356 400

Îlot4

0,08

2 880 000

230 400

Îlot5

0,05

3 060 000

153 000

Îlot6

0,89

2 250 000

2 002 500

Îlot7

0,83

1 890 000

1 568 700

Îlot8

0,12

5 400 000

648 000

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Total

10 544 400

Il appartient alors à la société qui projette d’implanter le magasin de comparer le chiffre d’affaires prévu au seuil de rentabilité afin d’évaluer la rentabilité potentielle de cette implantation.

➤ Le modèle analogique

Le modèle analogique d’Applebaum constitue l’une des références théoriques fondatrices de cette démarche 1. Il consiste à rechercher des déterminants de la performance moyenne d’un point de vente, en utilisant des méthodes statistiques explicatives telles que la régression multiple. Une chaîne de supermarchés 1. Applebaum W., (1966), « Methods for determining Store Trade Areas, Market Penetrattion and Potential Sales », Journal of Marketing Research, Vol. 3, May, p. 127-141.

379

Vernette.Livre Page 380 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

pourrait ainsi construire un modèle explicatif de la productivité de ses magasins en adoptant le modèle suivant : Chiffre d’affaires annuel par m2

= a

Dépenses potentielles totales

+ b

Part de marché du principal concurrent

+ c

Budget publicitaire annuel du magasin

Les coefficients a, b et c de la fonction seront estimés par l’application d’un modèle de régression linéaire multiple appliqué à une base de données internes de l’entreprise qui regroupe l’ensemble des indicateurs utilisés dans son tableau de bord opérationnel. On peut par exemple utiliser une régression linéaire pas à pas (stepwise regression) qui sélectionne les variables les plus explicatives de la variable à analyser. En appliquant cette fonction aux valeurs que prennent les variables explicatives dans le cas étudié, il est possible de calculer la valeur prévue que prendra le chiffre d’affaires au m2 du nouveau magasin. ➤ Les modèles d’implantations multiples Les chaînes de magasins doivent prendre en compte une contrainte supplémentaire dans leurs choix d’implantation : le fait que les magasins d’une même chaîne se font également concurrence entre eux. Il faut alors développer un modèle de localisation qui prenne en compte la présence simultanée de plusieurs points de vente de la même chaîne dans un même secteur géographique. De tels modèles sont applicables à des points de vente de taille réduite, pour lesquels il existe une réelle diversité d’options d’implantations dans un même secteur géographique. En effet, dans le cas de grandes unités, les contraintes externes d’implantation (notamment réglementaires) sont telles qu’il est illusoire de prétendre maîtriser de surcroît les effets d’interactions entre points de vente d’une même chaîne 1. En revanche, l’application de modèles de localisations multiples est pertinente pour des magasins alimentaires de proximité, des établissements de restauration rapide, des boutiques de location de vidéos, des agences bancaires ou des établissements franchisés de vente au détail ou de prestations de services (vêtements, réparation automobile, agences immobilières, etc.) 2. 1. Il est d’ailleurs raisonnable de penser que la procédure d’autorisation d’implantation d’une grande unité de vente supplémentaire prendra explicitement en compte l’absence de position dominante de l’enseigne dans la région considérée. On peut donc estimer qu’un nouveau point de vente aura en général peu d’interactions avec d’autres magasins de la même chaîne, même si des exceptions sont toujours possibles (l’ouverture de Carrefour à Carré Sénart a crée une concurrence pour Carrefour Villiers en Bière). 2. On peut également appliquer ces modèles à des décisions d’implantation de services publics (bureaux de poste, services sociaux, etc.). Voir par exemple : Peeters D., Thisse J.-F. et Thomas I., (2002), « Modèles opérationnels de localisation des équipements collectifs », in : G. Cliquet et J-M Josselin, eds, Stratégies de localisation des entreprises commerciales et industrielles, De Boeck, p. 69-91.

380

Vernette.Livre Page 381 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

ÉTUDES DE DISTRIBUTION

Le modèle Multiloc a développé la base théorique sur laquelle repose la majorité des modèles de localisations multiples 1.

Étude de la zone de chalandise Lorsque le point de vente est en exploitation, le distributeur va attacher une importance considérable à l’analyse de la zone géographique de laquelle le point de vente tire sa clientèle, appelée « zone de chalandise ». L’étude de la zone de chalandise poursuit deux objectifs complémentaires : – un objectif de nature descriptive : elle permettra en effet de savoir où résident les clients du magasin, ce qui permettra de mieux connaître leurs caractéristiques et donc d’adapter l’offre du magasin ; Un hypermarché développera son rayon jardinage si la zone de chalandise comporte une part significative d’habitat pavillonnaire avec jardins.

– un objectif de nature prescriptive : en comparant la zone de chalandise effective avec la zone de chalandise théorique, il sera possible d’identifier des secteurs géographiques qui devraient induire une fréquentation théorique plus élevée que la fréquentation observée. Le magasin devra alors chercher à analyser les raisons de cette sous-performance dans ces secteurs et tenter d’y remédier (distribution plus importante de prospectus, campagnes d’affichage, etc.).

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

La description de la zone de chalandise La zone de chalandise d’un magasin résulte de la conjonction de trois facteurs : • l’offre du point de vente, et notamment sa taille. On retrouve ici le déterminant de l’attractivité d’un point de vente retenu par les modèles gravitaires et les modèles d’utilité. • la géographie physique et les infrastructures. Des obstacles aux déplacements (voies ferrées, cours d’eau, relief ) limitent l’extension de la zone de chalandise. Des infrastructures routières de bonne qualité (autoroutes, voies express, échangeurs) élargissent au contraire l’attractivité d’un magasin. • la concurrence. Plus les concurrents sont nombreux, et plus il est difficile d’étendre la zone d’attraction du magasin. La description de la zone de chalandise d’un magasin prendra en compte ces différents facteurs. L’influence de la géographie physique et des infrastructures est prise en compte en déterminant la structure de la zone de chalandise selon 1. Achabal Dale D., Wilpen L. Gorr et Vijay Mahajan, (1982), « Multiloc : A Multiple Store Location Decision Model », Journal of Retailing, Vol. 58, Summer, p. 5-25.

381

Vernette.Livre Page 382 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

la méthode des isochrones. Cette méthode purement empirique consiste à relier sur une carte tous les points se trouvant à un même temps de parcours du magasin étudié (par exemple 5, 10, 15, 20 minutes pour un hypermarché). Il est ainsi possible d’identifier des zones dans lesquelles les clients potentiels se trouvent à égale distance du point de vente et d’un point de vente concurrent (figure 11.6).

Magasin B

Magasin A

Magasin C Concurrence directe Isochrone 5’ Isochrone 10’

Figure 11.6 – Description de la zone de chalandise par la méthode des courbes isochrones

La méthode des isochrones reste une méthode descriptive relativement théorique, dans la mesure où elle décrit une zone de chalandise résultant de la prise en compte par le client de la seule contrainte spatiale. Or d’autres facteurs vont naturellement influencer la fréquentation d’un magasin (image perçue par rapport à la concurrence, passage à proximité du magasin à l’occasion de déplacements de type domicile/travail, etc.). Il reste donc indispensable de déterminer empiriquement la zone de chalandise à partir de l’observation des comportements effectifs de la clientèle. Deux grands types d’enquêtes peuvent être mis en œuvre : • l’enquête en sortie de caisses : elle consiste à interroger un échantillon représentatif de la clientèle afin de localiser la provenance de ces clients. Mais le traitement de ces questionnaires exige de prendre en compte la fréquence des visites au magasin pour pondérer les résultats, sans quoi on surestime le poids des clients fréquents et on minore le poids des clients occasionnels (voir encadré 11.4) 1. 1. Guilbert F. et Huchette J.-N. (1983), « Les enquêtes en sortie de caisse : intérêts et limites », Cahiers du 4e Séminaire « Méthodologie de la recherche en marketing », IAE Lille, p. 402-43.

382

Vernette.Livre Page 383 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

ÉTUDES DE DISTRIBUTION

• l’enquête à domicile (notamment par téléphone) : elle permet de constituer un échantillon représentatif de la population de la zone étudiée et de l’interroger sur son comportement de fréquentation des magasins de cette zone. Comme toute enquête déclarative, elle présente l’inconvénient de reposer sur des déclarations des répondants qui ne pourront que difficilement être vérifiées. Dans le cas de magasins fréquentés régulièrement, ce risque reste cependant assez limité. ENCADRÉ 11.4

L’enquête en sortie de caisse pour décrire une zone de chalandise Objectif Déterminer le nombre de ménages habitant le secteur A qui fréquentent le magasin X à partir d’une enquête en sortie de caisse. La population totale du secteur A est de 1 200 ménages.

Méthode On classe les questionnaires administrés en sortie de caisse en fonction du secteur de résidence du répondant et on traite les réponses correspondant à chaque secteur en corrigeant le nombre de réponses obtenues en caisse par la fréquence de visite (une personne déclarant venir une fois par jour générera 6 passages par semaine ; une personne venant une fois par mois générera 0,25 passage par semaine, etc.). Nombre de répondants interrogés en sortie de caisse habitant en A

Nombre de passages en caisse par semaine et par répondant

Nombre corrigé de répondants habitant en A

Tous les jours

40

6

6

2 fois par semaine

60

2

30

1 fois par semaine

150

1

150

2 fois par mois

60

0,5

120

1 fois par mois

30

0,25

120

Moins d’une fois par mois

10

0,05

200

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Fréquence de visite au magasin déclarée

Total Taux d’emprise du magasin sur A

350

626

350/1 200 = 0,29

626/1 200 = 0,52

La structure de la zone de chalandise est souvent décrite en distinguant : – une zone primaire, la plus proche du magasin, relativement abritée de la concurrence ; la clientèle de cette zone fréquente souvent le magasin, mais son panier d’achats est inférieur à la moyenne du point de vente ;

383

Vernette.Livre Page 384 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

– une zone secondaire, se situant entre des isochrones de 5 à 20 minutes, d’où le magasin tire la part la plus importante de son chiffre d’affaires, mais dont une part importante est exposée à divers concurrents ; – enfin une zone tertiaire, la plus éloignée, incorporant souvent des zones rurales ou des centres urbains moins importants, qui procurera une clientèle à faible fréquence de visite mais à panier moyen élevé. Les professionnels accordent une attention particulière à l’identification de ce que la société IRI-SECODIP a appelé les « zones de bascule », secteurs de la zone de chalandise exposés à la concurrence de deux ou plusieurs points de vente, et dans lesquels la clientèle peut aisément abandonner une enseigne au profit d’une autre. Ces zones font l’objet d’une attention particulière en matière de distribution d’imprimés sans adresses afin de maintenir la pression promotionnelle de l’enseigne sur la concurrence. Un affichage permanent en faveur de l’enseigne est aussi un moyen d’induire des courants de trafic au détriment de la concurrence.

L’analyse de la zone de chalandise L’analyse de la zone de chalandise vise à identifier trois catégories de secteurs : • des secteurs où le taux de pénétration de l’enseigne est conforme à son taux de pénétration théorique calculé en appliquant un modèle d’attraction ; • des secteurs où le taux de pénétration est supérieur au taux théorique, et qui constituent donc des points forts de l’enseigne ; • des secteurs où le taux de pénétration est inférieur au taux théorique, et qui constituent des points faibles à corriger au moyen d’une action commerciale plus intense. Certaines enseignes d’hypermarchés ont développé des panels de clients permettant d’observer et d’analyser les comportements d’achat dans les différentes enseignes présentes dans la zone de chalandise. Cette méthode permet d’affiner l’analyse de la position de l’enseigne dans les différents secteurs de sa zone de chalandise en distinguant : • le taux d’emprise sur la zone, c’est-à-dire le pourcentage des ménages clients de l’enseigne ; • le taux de nourriture moyen, c’est-à-dire la part des dépenses des ménages réalisées auprès de l’enseigne ; • le taux de nourriture par famille de produits (textile, équipement de la maison, produits frais, etc.), ce qui peut contribuer à orienter les décisions d’assortiment de l’enseigne. L’analyse de la zone de chalandise sert enfin à optimiser l’affectation des moyens d’action commerciale de l’enseigne. L’encadré 11.5 expose une méthode d’analyse

384

Vernette.Livre Page 385 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

ÉTUDES DE DISTRIBUTION

de l’efficacité de la distribution de prospectus par une grande surface spécialisée dans une agglomération du centre de la France.

ENCADRÉ 11.5

Comment analyse l’efficacité d’une distribution de prospectus ? Informations disponibles

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

L’unité d’analyse retenue est le code postal, demandé au client à chaque passage en caisse. On peut ainsi rattacher au code postal à la fois le chiffre d’affaires réalisé pendant la période étudiée, et le nombre de prospectus distribués dans les boites aux lettres (pour des raisons de confidentialité, les données originales ont été modifiées). On connaît ainsi pour chaque secteur élémentaire de la zone de chalandise la pression publicitaire et l’activité commerciale.

Code postal

Nombre de prospectus distribués (¥ 100) 1er semestre 2003

Chiffre d’affaires 1er semestre 2003 (indice)

xxx01

17,00

12 999

xxx60

20,00

11 288

xxx10

38,00

17 561

xxx70

11,00

5 543

xxx21

35,00

14 714

xxx61

24,00

9 376

xxx02

19,00

7 541

xxx03

793,00

276 765

xxx04

92,00

32410

xxx05

103,00

35126

xxx06

23,00

8 342

xxx07

13,00

4 734

xxx08

49,00

15 690

xxx10

15,00

4 958

xxx50

59,00

1 7643

xxx40

56,00

14 879

xxx21

16,00

4 308

xxx71

6,00

1 059

385

Vernette.Livre Page 386 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Calibrage d’un modèle explicatif Un modèle explicatif simple de la performance commerciale est calibré à partir de ces données en appliquant une régression linéaire simple : Chiffre d’affaires = a (Distribution prospectus) + b TOTCA

TOTCOM Coefficients a

Coefficients non standardisés Modèle 1

B

Erreur standard

(constante)

682,510

725,411

TOTCOM

347,481

3,781

Coefficients standardisés Bêta

,999

Signification

t ,941

,361

91,902

,000

a. Variable dépendante : TOTCA (chiffre d’affaires total)

La régression est significative (p = 0,000). On peut donc l’utiliser pour calculer le chiffre d’affaires théorique que devrait réaliser le magasin sur la zone si le modèle de performance moyen représenté par la régression linéaire était vérifié.

Comparaison de la performance théorique et de la performance réelle Code postal

CA théorique (indice)

Chiffre d’affaires 1er semestre 2003 (indice)

CA Réalisé/CA théorique

xxx01

6 589,7

12 999

1,97

xxx60

7 632,1

11 288

1,48

xxx10

13887

17 561

1,26

xxx70

4 504,8

5 543

1,23

xxx21

12844

14714

1,15

xxx61

9 022,0

9 376

1,04

xxx02

7 284,6

7 541

1,04

xxx03

276 234

276 765

1,00

xxx04

32651

32410

,99

xxx05

36473

35 126

,96

xxx06

8 674,6

8 342

,96

xxx07

5 199,8

4 734

,91

xxx08

17709

15 690

,89

xxx10

5 894,7

4 958

,84

xxx50

21184

17 643

,83

xxx40

20141

14 879

,74

xxx21

6 242,2

4 308

,69

xxx71

2 767,4

1 059

,38

386

Vernette.Livre Page 387 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

ÉTUDES DE DISTRIBUTION

Les secteurs géographiques de la zone de chalandise sont alors classés en fonction du rapport entre performance commerciale effective et performance théorique. Les secteurs ombrés enregistrent une performance supérieure aux prévisions, ce qui traduit un bon positionnement du magasin dans ces zones. Dans la zone xxx03, la performance observée est égale à la performance théorique. Enfin, dans les autres zones, la performance de l’enseigne est inférieure aux prévisions du modèle : le magasin devra analyser plus finement sa position par rapport aux concurrents dans ces secteurs, notamment pour identifier une éventuelle inadéquation de son assortiment aux attentes des clients de ces secteurs. La réalisation d’une étude ad hoc peut alors être préconisée.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Mesurer l’attractivité d’une enseigne Si les facteurs spatiaux exercent une influence importante sur la fréquentation des points de vente, leur capacité à expliquer l’attraction d’un point de vente sur sa clientèle est limitée. Du point de vue du consommateur, le statut de l’enseigne est de plus en plus assimilable au statut d’une marque. Lorsqu’un chaland prend la décision de fréquenter un magasin de préférence à un autre, l’image de l’enseigne joue un rôle comparable au rôle de la marque lors de la prise de décision d’achat d’un produit. De même que les fabricants de produits et les prestataires de services analysent constamment l’image perçue de leur marque, les distributeurs ont désormais intégré à leur démarche d’étude du marché le suivi de l’attractivité perçue de leur enseigne. Par rapport à une marque de produit, l’enseigne a une spécificité : elle se décompose en effet en une image globale de l’enseigne (l’image de Carrefour) et une image de cette enseigne appliquée à chacun de ses points de vente (Carrefour Bourges vs Carrefour La Rochelle Angoulins). Enfin l’image de l’enseigne peut être appréhendée à trois niveaux distincts 1 : • l’image voulue par le distributeur, traduction de ses choix stratégiques de positionnement ; • l’image vécue par le personnel du magasin, reflet de l’interprétation par ce personnel de la volonté stratégique perçue dans l’enseigne ; • l’image perçue par le consommateur, qui conditionnera sa fréquentation des magasins de l’enseigne. Les recherches en comportement du consommateur ont fait émerger deux approches méthodologiques de l’analyse de la perception d’une marque : • une approche analytique qui appréhende une marque à travers les attributs (essentiellement fonctionnels) caractéristiques de la catégorie de produits ou services auxquels elle est rattachée. Ainsi, un hypermarché peut être 1. Pontier S., (1988), « Image du point de vente : pour une prise en compte de l’image interne », Recherche et Applications en Marketing, Vol. 3, n˚3, p. 3-20.

387

Vernette.Livre Page 388 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

évalué sur ses prix, l’étendue de son assortiment, l’amplitude de ses horaires d’ouverture, etc. L’image globale de l’enseigne résulte de l’intégration de son évaluation sur l’ensemble de ces critères au moyen d’un processus multi-attributs ; • une approche globale qui tente de cerner les dimensions plus symboliques de la marque. Le développement récent de notions telles que la personnalité de la marque ou le tempérament de la marque se rattache à cette démarche qui considère la marque comme une entité avec laquelle le consommateur décide d’entrer en relation pour d’autres raisons que des motifs strictement fonctionnels. On peut alors appréhender la fiabilité, l’honnêteté ou le dynamisme perçus d’une enseigne.

L’approche analytique de l’image de l’enseigne Pour analyser l’image d’une enseigne et la comparer à celle d’enseignes concurrentes, le détaillant doit d’abord identifier les attributs rattachés par les clients à la catégorie à laquelle appartient l’enseigne. La détermination de la catégorie dépendra de la conjonction de nombreux facteurs : forme de vente (hypermarché, grand magasin, vente à distance, magasin spécialisé, etc.), catégorie de produits (assortiment généraliste, textile, électronique, bricolage, etc.), et éventuellement d’autres éléments comme le niveau de gamme (magasin de luxe vs distribution de masse) ou des déterminants situationnels de la fréquentation (magasin habituel, magasin de dépannage, magasin sur le lieu de vacances, etc.). Des études qualitatives (entretiens individuels et de groupe) permettent de dresser une liste des attributs retenus par le consommateur pour évaluer les enseignes de la catégorie. Il est alors possible de construire une échelle de mesure de l’image de l’enseigne et de ses concurrents sur chacun des attributs retenus. La figure 11.7 présente un exemple de cette démarche d’analyse comparative de l’image de deux enseignes de distribution spécialisée (Kiabi et C&A) alors que l’enseigne Kiabi se posait en challenger de l’enseigne C&A, mieux établie sur le marché. Une échelle sémantique différentielle à six graduations a été utilisée pour comparer les enseignes sur six attributs. Les scores moyens obtenus peuvent être comparés et faire l’objet d’une représentation graphique qui met en évidence les forces et faiblesses respectives de chaque enseigne 1. La comparaison des images perçues d’une enseigne et de ses concurrents sur chacun des critères gouvernant le choix d’un point de vente par le consommateur constitue une source d’information précieuse, mais limitée. En effet, certains attributs peuvent être redondants, ce qui conduit à leur accorder plus de poids dans l’analyse qu’ils n’en occupent dans le processus de décision du client. 1. Pour une présentation détaillée de cette technique, voir la deuxième partie du chapitre 8.

388

Vernette.Livre Page 389 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

ÉTUDES DE DISTRIBUTION

Image Comparée C&A et Kiabi

C&A

Kiabi

Prix

5,146

5,222

Marques

3,698

3,444

Qualité

4,268

3,944

Choix

4,994

4,806

Mode

4,686

4,750

Ambiance

3,880

4,258

Prix 6

Ambiance

4 2

Marques

0

Mode

Qualité Choix

C&A Kiabi

Filser Marc, (1985), La dynamique des canaux et formules de distribution : une approche méthodologique, Thèse de Sciences de Gestion, Université de Montpellier 1, vol.2, p. 260-263.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit

Figure 11.7 – Comparaison des images des enseignes C&A et Kiabi sur le marché français en 1984

Un moyen de remédier à cette limite est de conduire une analyse factorielle des perceptions des enseignes. Chaque facteur sera une combinaison linéaire des attributs élémentaires, et les attributs dont le statut est voisin dans le processus d’évaluation des acheteurs se trouveront donc associés à un même facteur. Cette méthode permet également de représenter les voisinages perçus entre enseignes à partir de l’ensemble des attributs caractérisant les magasins. Elle est donc bien adaptée à l’identification de groupes d’enseignes occupant un positionnement voisin, et se trouvant donc en concurrence maximale. Cette méthode peut être affinée par une étude des positionnements perçus des enseignes en fonction de segments de clientèle, ainsi qu’en fonction de situations spécifiques d’achat (par exemple : achats de dépannage par opposition aux achats planifiés en alimentaire). À titre d’illustration, la figure 11.8 représente les perceptions d’un ensemble d’enseignes de distribution alimentaires françaises en 1984. Pour obtenir cette représentation, une analyse en composantes principales a été appliquée à un tableau de donnant décrivant les scores d’évaluation moyens obtenus par ces enseignes sur huit critères de choix. Les deux premiers axes factoriels restituent 85 % de la variance totale du nuage de points initial, ce qui permet de représenter l’ensemble des points (enseignes) dans un plan à deux dimensions.

L’approche holiste de l’image de l’enseigne Il peut également être utile d’appréhender les dimensions symboliques qui peuvent être rattachées à une enseigne, et que ne reflètent pas les seuls attributs fonctionnels retenus pour l’étudier, tels que le prix ou l’étendue de l’assortiment : l’enseigne Leclerc a ainsi cherché à se positionner comme un défenseur actif des intérêts de ses clients. Il est certes possible d’adopter une démarche

389

Vernette.Livre Page 390 Mercredi, 12. d cembre 2007 6:52 18

LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Score facteur 2



vieux gourmet 2,00 0 00



1,00 0 00



codec



printemps



succursales

nouvelles galeries

•gro • suma 0,00 0 00

• •

prisunic

monoprix



rad ar •ron point ••leclerc • euroma rché interma rché

–1,00000

• cora • carrefo ur • m ammouth

– 2,00000

– 1,00000

0,00 0 00

1,00 0 00

Score facteur 1

Figure 11.8 – Représentation des perceptions des principales enseignes de la distribution alimentaire française en 1984

résolument qualitative pour analyser en profondeur l’image d’une enseigne. Les travaux de Floch appliquant la sémiotique à l’analyse de l’hypermarché ont ainsi contribué à identifier des options stratégiques de positionnement en rupture par rapport aux pratiques traditionnelles du secteur 1 : l’introduction de l’implantation par « univers » de consommation (par exemple : la culture, l’aménagement de la cuisine, l’enfant, etc.) est un prolongement direct de ces travaux. Une limite des méthodes qualitatives réside dans la difficulté d’enrichir par leurs résultats les analyses classiques de la demande conduites par les enseignes, par exemple pour qualifier certains segments de clients ou non-clients, ou pour compléter des analyses de bases de données géographiques. Pour adopter une option méthodologique intermédiaire, un courant de recherche récent

1. Floch J.-M., (1989), « La contribution d’une sémiotique structurale à la conception d’un hypermarché », Recherche et Applications en Marketing, Vol.4, 2, p. 37-60.

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ÉTUDES DE DISTRIBUTION

s’efforce d’adapter à l’enseigne les travaux qui permettent de caractériser la personnalité 1 ou le tempérament 2 de la marque. Les auteurs qui se rattachent à ce courant cherchent à caractériser au moyen d’une étude qualitative des dimensions qui structurent la perception globale de l’enseigne par le consommateur (13 dimensions pour la personnalité, 5 pour le tempérament, selon les recherches citées), puis développent des batteries d’items de mesure de chacune de ces dimensions. Leur administration auprès des populations habituellement analysées dans le cadre des études d’image pourrait permettre d’enrichir la compréhension des représentations symboliques développées par les clients autour des enseignes. Un problème théorique non résolu à ce jour concerne la possibilité de transposer à l’analyse d’une relation marchande (l’individu en relation avec la marque ou l’enseigne) des concepts tels que la personnalité et le tempérament qui sont issus de cadres théoriques d’analyse des relations interpersonnelles. En effet, la relation du client avec le point de vente est une relation principalement marchande, gouvernée par une rationalité principalement économique. Au contraire, les relations interpersonnelles, que la personnalité ou le tempérament ont vocation à expliquer, sont des relations non marchandes. Les limites du recours à la métaphore comme processus explicatif doivent encore être précisées.

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Optimiser l’assortiment et la rotation des stocks Le marketing de l’entreprise de distribution repose sur trois démarches complémentaires : un marketing d’attraction, qui cherche à faire venir dans le magasin le plus grand nombre possible de chalands ; un marketing de transformation qui s’efforce de faire évoluer les visiteurs entrant dans le magasin vers un statut d’acheteurs actifs ; et enfin un marketing de fidélisation qui vise à faire revenir ces acheteurs le plus souvent possible pour réaliser la part la plus importante possible de leurs achats dans le magasin. Alors que l’analyse de la zone de chalandise et l’action sur le positionnement perçu du magasin s’inscrivent dans la perspective du marketing d’attraction, le travail d’optimisation de l’assortiment et de son implantation dans le magasin, domaine par excellence des techniques de merchandising, relèvent du marketing de transformation.

1. Ambroise L., Ferrandi J.-M., Valette-Florence P. et Merunka D., « Première application du baromètre de mesure de la personnalité de la marque à deux enseignes françaises », Actes du 6e Colloque Etienne Thil, Université de la Rochelle, CD-Rom. 2. Capelli S. et Pantin-Sohier G., (2003), « Le tempérament de la marque enseigne : une première étude », Actes du 6e Colloque Etienne Thil, Université de la Rochelle, CD-Rom.

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

Si l’intuition des acheteurs en centrale joue un rôle important dans l’identification du « bon » produit, et si l’imagination des merchandisers contribue fortement au succès des politiques d’implantation des magasins et des rayons, cette phase d’optimisation de l’assortiment et de sa présentation s’appuie aussi sur diverses méthodes d’analyse formalisées. Nous analyserons successivement les apports des analyses des panels de détaillants, puis la gestion de catégories, et enfin les méthodes d’optimisation de l’allocation du linéaire.

Analyse des panels de distributeurs L’analyse des données de panels constitue une source très importante d’information pour le détaillant. Il va en effet utiliser cet outil pour évaluer les performances des différentes catégories de produits pour tenter d’élaborer un assortiment optimum de produits de ces différentes catégories. La figure 11.9 rappelle l’articulation des différents niveaux qui composent un assortiment. La catégorie renvoie à un ensemble de produits susceptibles de répondre à une famille de besoins des consommateurs. Un certain nombre de marques sont présentes dans chaque catégorie, et elles développent des produits de caractéristiques spécifiques (déclinaison de gamme). Enfin chaque couple produit/marque est susceptible d’être décliné en un ensemble de variantes (par exemple des conditionnements de tailles différentes) ; le niveau élémentaire de la référence est matérialisé par le code GENCOD à 13 chiffres qui figurera sur le conditionnement du produit sous forme de code à barres pouvant être reconnu par les lecteurs optiques des caisses des magasins. Optimiser un assortiment exige donc d’être en mesure d’opérer des arbitrages à tous les niveaux de cette hiérarchie : choisir quelles catégories développer, autour de quelles marques, en retenant certains produits et certaines références.

Catégorie

Yaourts aux fruits

Marques

Danone

Produits

Lait entier

Références

Codes élémentaires GENCOD

Yoplait

Nestlé

Marque de distributeur

Allégé

Figure 11.9 – Les différents niveaux d’analyse d’un assortiment

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ÉTUDES DE DISTRIBUTION

Les panels, de consommateurs aussi bien que de détaillants, vont être organisés autour de cette hiérarchie. La figure 11.10 rappelle les fonctions dévolues à ces deux catégories de panels. Panels de consommateurs

Panels de détaillants

Unités d’analyse

Échantillon de ménages

Échantillon de points de vente au détail

Objet de l’analyse

Comportements d’achat

Ventes (en valeur et en volume) Organisation de l’offre : place accordée aux produits, disposition en rayon

Principaux indicateurs

Quantités achetées Prix d’achat Lieu d’achat

Quantités vendues Présence en linéaire Promotions en magasin

Figure 11.10 – Les apports respectifs des panels de consommateurs et de détaillants

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Le panel de consommateurs peut offrir au détaillant un panorama des comportements des clients, en permettant notamment d’évaluer les comportements de fréquentation de différents circuits d’approvisionnement (par exemple : hypermarché, hard discount et magasin populaire), et la part de ces différents circuits selon les catégories de produits et les segments de clientèle. Ces informations sont davantage utiles pour la prise de décisions de marketing d’attraction, plutôt que de marketing de transformation. C’est surtout le panel de détaillants qui va permettre de disposer des informations nécessaires à cette seconde catégorie d’actions marketing des distributeurs. Nous présenterons successivement les informations disponibles dans un panel de détaillants, puis leur exploitation dans le cadre de procédures d’optimisation de l’assortiment et des ventes. ➤ Les informations fournies par un panel de détaillants

Un panel de détaillants va fournir pour chacun des niveaux de l’assortiment (catégorie, marque, produit, référence) trois séries d’informations : • des informations sur la performance, c’est-à-dire les ventes ; • une décomposition de la performance à partir de ses deux antécédents. Pour qu’une référence (ou un produit, une marque, ou une catégorie) réalise des ventes élevées, elle doit combiner une présence maximale et une rotation maximale dans les magasins où elle est présente ; • des informations sur le contexte de présentation en magasin : longueur du linéaire alloué, soutien promotionnel (fond de rayon, tête de gondole, réduction de prix, présence dans un catalogue du magasin diffusé en boîtes aux lettres, etc.). Cette troisième catégorie d’informations sera utilisée pour

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

comparer les données issues des deux autres séries : on pourra comparer les ventes, et les facteurs de performance, en distinguant les magasins qui ont ou non réalisé une promotion dans la catégorie, placé la catégorie dans un catalogue ou un prospectus, etc. La figure 11.11 expose l’articulation de ces catégories d’informations, que nous allons décrire. • La performance est appréciée à travers les ventes, exprimées en volume et en valeur. Une marque qui occupe un positionnement « premier prix » sera performante en volume, mais sa position en valeur sera moins favorable que celle d’une marque « premium ». Les ventes en volume et valeur serviront à calculer les parts de marché respectives (volume et valeur) dans la catégorie. On peut penser à Cristalline dans la catégorie des eaux de source, qui a une politique de volume, tandis qu’Évian poursuit des objectifs de valeur dans la catégorie des eaux minérales. Antécédents de la performance Présence en magasin : ß Disponibilité numérique ß Disponibilité valeur

Indicateurs de performance Ventes : ß Valeur ß Volume

Part de marché : ß Valeur ß Volume

Linéaire développé

Mises en avant ß Promotion ß Publicité

Ventes en magasin : ß Volume ß Part de marché détenteurs

Ruptures de stocks

Influence des variables d’action marketing

Figure 11.11 – L’articulation des informations fournies par un panel de détaillants

• La présence en magasin est un premier antécédent de la performance. Plus une référence est présente dans un grand nombre de magasins et plus sa probabilité d’être achetée est importante. La présence en magasin est décomposée en deux facettes : – la disponibilité numérique (DN) exprime le nombre de magasins qui vendent la référence, quelle que soit leur taille. Si une marque a une DN

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ÉTUDES DE DISTRIBUTION

de 60 %, c’est qu’elle est distribuée par 60 % des magasins susceptibles de vendre la catégorie, qu’il s’agisse d’un Petit Casino de 200 m2 ou de Carrefour Portet-sur-Garonne avec ses 24 000 m2 de surface de vente ; – la disponibilité valeur (DV) mesure la part des ventes de la catégorie de produits réalisée par les magasins qui distribuent la marque. Si la marque était distribuée par des points de vente lui réservant l’exclusivité, sa part de marché serait égale à sa DV. Il est intéressant de rapprocher la DN de la DV pour évaluer dans quels types de magasins la marque (ou respectivement le produit ou la référence) est vendue (figure 11.12). Stratégie 1

Stratégie 2

Stratégie 3

DN

60 %

40 %

20 %

DV

30 %

45 %

70 %

Commentaires

Présence massive dans des magasins à faible volume de vente

Présence concentrée dans des magasins dont les ventes sont dans la moyenne du marché

Concentration de la présence dans des magasins qui réalisent les plus fortes ventes

Figure 11.12 – L’interaction DN/DV : trois stratégies de distribution

• Les ventes en magasin constituent le second antécédent de la performance commerciale. En effet, une marque peut être présente dans de nombreux magasins et réaliser des ventes marginales. Ce sera par exemple le cas d’une marque de whisky de très haut de gamme, dont la présence dans l’assortiment est valorisante pour le rayon en lui conférant une image de prestige, mais dont le prix de vente est trop élevé pour la très grande majorité des clients.

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Les ventes en magasin doivent être appréhendées à deux niveaux : – le volume des ventes proprement dit (moyenne des ventes en valeur et en volume dans chaque magasin où la marque est présente) ; – la part de marché détenteurs, c’est-à-dire la part de marché (en volume et en valeur) détenue par la marque dans les magasins où elle est distribuée. Il est intéressant, notamment pour le détaillant, d’identifier les magasins dans lesquels la marque est sur-performante (part de marché détenteur supérieure à la part de marché) ou sous – performante. • Les variables d’action marketing seront enfin prises en compte pour expliquer les différences de performance. Trois séries de facteurs pourront être analysées : – la politique de présence en linéaire, en mesurant le linéaire développé (LD) alloué à la catégorie, à la marque, aux produits et aux références. On peut mesurer le LD soit en centimètres (longueur du rayon dévolue

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

à la référence), soit en nombre d’unités du produit visibles par le chaland : on parle alors de mesure en nombre de facings ; – la politique promotionnelle : la marque (référence, etc.) bénéficie-t-elle d’une réduction de prix (en fond de rayon ou en tête de gondole), d’une opération « produit en plus », d’un coupon de réduction, d’une annonce dans un catalogue diffusé par le magasin sur sa zone de chalandise ? La prise en compte de ces actions jouera un rôle très important dans l’analyse des performances respectives de différents assortiments ; – la gestion logistique doit enfin permettre d’éviter les ruptures de stock. Si des ruptures surviennent, il sera important d’identifier dans quels types de magasins elles se sont produites. On pourra ainsi calculer une DN rupture (pourcentage des magasins détenant la marque subissant une rupture sur cette marque) et une DV rupture (pourcentage des ventes de la catégorie de produit réalisé par les magasins en rupture sur la marque). Les effets d’une rupture de stocks sur une marque se répercutent en effet sur le reste de la catégorie 1. ➤ Les méthodes d’optimisation de l’assortiment et des ventes

L’optimisation de l’assortiment va s’appuyer sur l’exploitation des bases de données issues des panels de distributeurs, ou pour les plus grandes entreprises de distribution, sur des bases de données développées en interne à partir des informations recueillies par les caisses des magasins. La généralisation de la lecture optique permet en effet de disposer d’informations en temps réel sur les ventes de toutes les références d’un magasin. La véritable difficulté à laquelle sont confrontées les entreprises est plutôt le traitement de cette quantité énorme d’informations. Une autre question délicate concerne le niveau d’optimisation qui va être choisi par le détaillant. Celui-ci peut en effet tenter de réaliser des optimisations à chacun des niveaux de l’assortiment. Toutefois, il est pratiquement impossible de parvenir à optimiser simultanément tous les niveaux dès lors que l’on se situe dans une forme de vente non spécialisée (super ou hypermarché, grand magasin) où le nombre des références est de plusieurs dizaines de milliers d’unités. Le principe des modèles d’optimisation repose en effet toujours sur la recherche d’analogies dans les bases de données analysées. Si l’on souhaite optimiser une référence dans un contexte concurrentiel particulier (par exemple : un format de magasin, une enseigne, une période de l’année, une région et un type d’opération promotionnelle), on ne dispose pas d’un nombre suffisant 1. Campo K., Gijsbrechts E. et Nisol P., (2003), « The impact of retailer stockouts on wether, how much, and what to buy », International Journal of Research in Marketing, Vol.20, p. 273-286.

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ÉTUDES DE DISTRIBUTION

d’observations dans la base de données (ou respectivement le panel) pour pouvoir estimer de manière fiable les paramètres du programme mathématique d’optimisation. La figure 11.13 rappelle les principales options d’optimisation entre lesquelles le détaillant devra opérer un arbitrage. Une conséquence importante de cette interdépendance entre les niveaux de l’assortiment sera une transmission des effets d’une action à un niveau sur les autres niveaux : une mise en avant d’une référence peut conduire une augmentation de ses ventes au détriment des autres marques de la catégorie, et à une absence de gain net des ventes de la catégorie. Et la mise en avant d’une catégorie peut se faire au détriment d’autres catégories sans que les ventes totales du magasin augmentent. Niveau

Objectifs

Méthodes

Catégorie

Maximiser les ventes et la rentabilité de la catégorie

Arbitrer les moyens entre les catégories (surface de vente, budgets promotionnels)

Marque

Maximiser les ventes et la rentabilité de la marque

Opération de coopération avec le fournisseur, arbitrages entre produits et références de la marque

Produit

Maximiser les ventes et la rentabilité d’un produit

Opération de coordination des offres de plusieurs fournisseurs pour une mise en avant du produit

Référence

Maximiser les ventes et la rentabilité d’une référence

Mise en avant de la référence en optimisant les moyens d’action promotionnels

Figure 11.13 – Les niveaux d’optimisation d’un assortiment

La méthodologie dominante dans les modèles d’optimisation est une démarche de simulation. Le détaillant va injecter dans le modèle de la catégorie le plan d’action commerciale qu’il compte développer, par exemple :

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• L’introduction d’une nouvelle référence d’une marque existante (conditionnement familial de 1 kg d’une poudre chocolatée pour le petit-déjeuner). • Une mise en avant promotionnelle d’une référence existante (opération « produit en plus » en fond de rayon ou en tête de gondole). • Une mise en avant croisée de deux références de deux marques différentes de produits différents en tête de gondole (une marque A de lingettes pour les sols et une marque B de lingette pour la poussière…). À partir de la connaissance des élasticités des ventes des références, des produits, des marques et des catégories à chacune de ces actions, le modèle simulera l’impact prévisionnel de l’action envisagée sur les ventes (plus rarement sur la rentabilité). En fonction des résultats, une négociation commerciale est généralement engagée avec le fournisseur afin de tenter d’améliorer les résultats de cette action, notamment en tenant compte d’autres actions marketing que le fournisseur peut réaliser de son côté (publicité média par exemple). La confrontation des analyses prévisionnelles émanant du fournisseur et du détaillant dans le

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

cadre de la programmation d’une action promotionnelle fait notamment partie des opérations supportées par les places de marché électronique développées par la grande distribution 1.

Gestion des catégories La gestion des catégories (category management) est une pratique de gestion des relations entre membres du canal de distribution : producteurs, prestataires logistiques et détaillants. Son objectif est de tenter d’optimiser l’offre du point de vente en termes de réponse aux attentes des clients. Les praticiens illustrent cette préoccupation par une comparaison très parlante : la gestion par catégories devrait permettre de ranger les produits en magasin de la même façon que les clients les rangent dans leurs placards. Deux étapes d’études sous-tendent l’adoption de la gestion par catégories : l’identification des catégories, et l’optimisation de l’offre dans chaque catégorie. ➤ L’identification des catégories

L’identification des catégories va s’appuyer sur trois sources d’informations : • Des données consommateurs, le plus souvent issues de panels d’acheteurs, vont servir à identifier des produits achetés concurremment ou simultanément. Par exemple, la sauce tomate en conserve peut être achetée en même temps que des pâtes. L’exploitation des bases de données des caisses des magasins permet de compléter cette analyse par la recherche de voisinages entre produits dans le contenu des chariots des clients 2. Cette première étape de l’analyse va définir les contours de catégories potentielles pertinentes du point de vue des scénarios d’achat des consommateurs. Une application importante de cette analyse est l’identification d’univers de consommation, c’est-à-dire des catégories qui sont définies à partir des scénarios de consommation plutôt que des caractéristiques techniques de produits : un « univers bébé » incorporera les aliments pour bébés, les couches, les produits de toilette, les accessoires pour le repas et le bain, etc. • Des données logistiques : pour que la catégorie puisse servir de base à l’implantation du magasin et du linéaire, il est souhaitable que les approvisionnements de toutes les références composant une catégorie puissent être harmonisés. Les circuits d’approvisionnement de la catégorie vont donc être analysés pour tenter de les optimiser. 1. Filser M., (2002), « Les places de marché électroniques. De la recherche de l’optimisation des achats à la mise en réseau des membres du canal de distribution », Actes du 5e colloque Etienne Thil, Université de la Rochelle, CD-Rom. 2. Jiang J.J., Klein G. et Pick R.A., (1998), « A marketing category management system : a decision support system using scanner data », Decision Support Systems, 23, p. 259-271.

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ÉTUDES DE DISTRIBUTION

• Des données fournisseurs : les producteurs disposent d’analyses de la cible de leurs produits et de leur environnement concurrentiel. Il est alors possible d’enrichir l’analyse de la demande, par exemple en prenant en compte les niveaux d’offre identifiés par les fournisseurs (par exemple les produits premiers prix, les marques de distributeurs et les produits premium). Les études menées par les fournisseurs accordent également une importance particulière aux conditions d’utilisation ou de consommation du produit, qui peuvent contribuer à enrichir la définition de la catégorie en y associant des produits complémentaires, selon le principe de la vente croisée (cross merchandising), par exemple des sauces prêtes à l’emploi peuvent être proposées au rayon « marée » d’un supermarché). Au terme de cette phase, le distributeur dispose d’une ventilation de son offre en catégories hiérarchisées. Il peut alors tenter d’optimiser l’offre dans chaque catégorie. ➤ L’optimisation de l’offre dans chaque catégorie

La première étude nécessaire à l’optimisation de l’offre d’une catégorie consiste à classer les références rattachées à cette catégorie en fonction de leur demande. La figure 11.14 décrit un exemple de classification. L’affectation des références à chaque type de produit est réalisée au moyen d’une analyse statistique de l’historique des ventes sur une période de plusieurs années (les applications de gestion des catégories de la société AC Nielsen exploitent par exemple des historiques de trois à cinq ans).

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Dénomination

Caractéristiques

Produits de base

Présents dans tous les magasins toute l’année

Compléments de formats

Présents toute l’année dans les plus grands magasins Exemple : hypermarchés de plus de 6 000 m2

Compléments saisonniers

Produits présents dans tous les magasins à certaines périodes de l’année, identifiées à partir de la saisonnalité des ventes. Exemple : produits d’entretien pour les piscines de mai à septembre

Compléments régionaux

Produits présents toute l’année dans une région. Exemple : marques régionales de café dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais.

Figure 11.14 – Un exemple de classement des produits à l’intérieur d’une catégorie

La politique marketing de la catégorie est ensuite élaborée. Elle va permettre de tester l’impact de décisions de prix, de communication et de promotion sur les ventes des références d’une part, de la catégorie d’autre part. La méthode d’étude est alors l’expérimentation qui sert à quantifier les variations des volumes

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LES ÉTUDES POUR OPTIMISER LE MARKETING-MIX

de vente en fonction des actions mises en œuvre pour la catégorie notamment en évaluant les élasticités respectives des ventes de chaque référence et de la catégorie à la manipulation des variables d’action commerciale 1. Cette démarche est illustrée par la figure 11.15 qui décrit une application d’optimisation de catégorie menée par un fabricant de confiseries vendues en distributeur automatique. On voit que l’une des actions testées (expérience 2) maximise l’effet des ventes pour la référence promue et la catégorie. Parc test de distributeurs automatiques

Expérience 1 « Produit girafe » sur une référence

Résultat en volume : + 0,5 % pour la référence + 1,7 % pour la machine

Expérience 2 « Produit girafe » et réduction de prix pour une référence

Résultat en volume : + 3,0 % pour la référence + 3,3 % pour la machine

Expérience 3 Réduction de prix pour une référence

Résultat en volume : + 2,9 % pour la référence + 2,8 % pour la machine

Figure 11.15 – Exemple d’expérimentation d’action dans une catégorie

Allocation d’espace dans le linéaire L’espace de vente en rayon constitue le principal actif du distributeur, et son allocation aux différents produits est donc stratégique. Si l’allocation de l’espace poursuit un objectif de maximisation de la rentabilité du linéaire, elle doit prendre en compte simultanément des contraintes difficiles à concilier : • Des contraintes logistiques : la quantité d’une référence présentée en rayon doit prendre en compte l’unité de conditionnement dans laquelle est livrée cette référence. Le linéaire doit pouvoir recevoir au moins une unité de conditionnement (par exemple un carton) 2. En raison de la multiplication des références dans le rayon des eaux minérales, les fabricants ont dû développer des livraisons par demi-palettes pouvant être directement incorporées dans le linéaire. Si l’unité de conditionnement était restée la palette complète, les magasins auraient été incapables d’intégrer dans leur linéaire un nombre 1. Walters R.G. et Bommer W., (1996), « Measuring the Impact of Product and PromotionRelated Factors on Product Category Price Elasticities », Journal of Business Research, 36, p. 203-216. 2. Urban T.L., (1998), « An Inventory-Theoretic Approach to Product Assortment and Shelf-Space Allocation », Journal of Retailing, 74, 1, p. 15-35.

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ÉTUDES DE DISTRIBUTION

significatif de références nouvelles, alors que la demande consommateurs existait. La contrainte logistique est donc un déterminant important de la relation entre allocation du linéaire et rentabilité 1. • Des contraintes de demande : un nombre minimum de références doit être implanté face au client (nombre de facings) pour que la présence de la référence en rayon soit perçue par le chaland. Symétriquement, les ventes se stabilisent au-delà d’un certain nombre de facings, variable selon les références. Il est donc nécessaire de mesurer expérimentalement, pour chaque référence, ces seuils d’implantation minimum et maximum qui alimenteront les systèmes d’information merchandising des magasins. • Des contraintes de rentabilité : il est nécessaire de prendre en compte dans l’allocation du linéaire non seulement les effets de volume, mais aussi la marge du produit et éventuellement les coûts directs que sa distribution supporte. • Des contraintes visuelles : lorsque l’implantation théorique du linéaire est déterminée, il faut évaluer son aspect visuel et sa perception par le client. La facilité de repérage de l’organisation du rayon par le chaland est un autre critère à prendre en compte, même si les détaillants tendent désormais à développer massivement le balisage du rayon afin de signaler la localisation des différentes familles de produits et des références bénéficiant d’opérations promotionnelles. Dans le cas français, la multiplication des opérations de coopération commerciale entre fournisseurs et détaillants conduit à une véritable prolifération de repères visuels devant aider le client à comprendre la complexité de cette offre promotionnelle (réductions immédiates, réductions sur le prochain achat, produit gratuit, coupon de réduction magasin, bonus sur le programme de fidélisation du magasin, etc.).

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La démarche d’allocation d’espace en linéaire s’organise en deux phases : • Une phase de modélisation des ventes qui vise à identifier les facteurs influençant les ventes de la référence et de la catégorie et leur relation avec le linéaire disponible, et à mesurer des indicateurs de ces variables. On retiendra en général des caractéristiques de la catégorie de produits (achat d’impulsion ou achat planifié, intensité promotionnelle, saisonnalité des ventes), des caractéristiques du point de vente (structure de l’assortiment, environnement concurrentiel) et les caractéristiques du linéaire (espace disponible) 2. 1. Le système SLIM (Store Labor and Inventory Management) constitue l’un des plus anciens exemples de modèles d’allocation de linéaire prenant en compte la contrainte logistique. Voir : Fady A. et Seret M., (2000), Le merchandising. Techniques modernes du commerce de détail, 5e éd., Vuibert Gestion, p. 116-122. 2. Desmet P. et Renaudin V., (1998), « Estimation of product category sales responsiveness to allocated shelf space », International Journal of Research in Marketing, 15, p. 443-457.

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• Une phase d’estimation d’un modèle mathématique d’optimisation du profit du rayon sous contraintes en fonction du linéaire alloué à chaque référence 1. L’utilisation de logiciels développés par des sociétés spécialisées est alors indispensable. La figure 11.16 énumère les principaux systèmes d’aide à l’allocation de l’espace en linéaire développés sur le marché français. Cette phase permet d’élaborer un prototype de linéaire (appelé « planogramme » par les praticiens) qui doit ensuite être testé empiriquement auprès de la clientèle avant d’être validé. Certaines chaînes développent même un « magasin fantôme » destiné exclusivement à l’expérimentation des plans d’implantation des rayons. Société

Produit

Principales caractéristiques Système intégré de conception de l’assortiment, de gestion de la catégorie, du linéaire et des approvisionnements.

AC Nielsen

Spaceman

IRI Secodip

Apollo

Système intégré d’élaboration du linéaire et de gestion des stocks.

Optiline

Optimisation de l’offre en linéaire par catégories de produits et types d’environnement en magasin.

BCMW Conseil

Figure 11.16 – Les principaux systèmes d’aide à l’optimisation de l’allocation du linéaire commercialisés sur le marché français

CONCLUSION Le développement quantitatif des services « études » dans les entreprises de commerce de détail illustre l’importance prise désormais par les études en distribution dans la connaissance du marché. Cette évolution peut s’expliquer par l’évolution du comportement du consommateur à la suite de la généralisation du libre-service et du développement quantitatif de l’offre. Le prospect est désormais confronté à une offre de plus en plus diversifiée, et doit choisir le produit qu’il achète sur la base de ses connaissances en l’absence de vendeur pour le conseiller. Il est donc indispensable d’organiser en magasin l’offre des produits pour que celle-ci soit la plus compréhensible pour l’acheteur. Les entreprises commerciales doivent également prendre en compte leur environnement concurrentiel pour s’efforcer de se différencier les unes des autres. Entre l’offre dépouillée du hard discount et le luxe des grands centres commerciaux 1. Bultez A. et Naert P., (1988), « SH.A.R.P. : Shelf Allocation for Retailer Profit », Marketing Science, 7, 3, Summer, p. 211-231 ; Borin, N., Farris P.W. et Freeland J.R., (1994), « A Model for Determining Retail Product Category Assortment and Shelf Space Allocation », Decision Sciences, 25, 3, p. 359-384 ; Bultez A., Pardoen É. et Sinigaglia N., (1995), « L’esprit de géométrie souffle dans les gondoles », Revue Française de Gestion, janvier-février, p. 71-85.

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ÉTUDES DE DISTRIBUTION

régionaux, les détaillants doivent identifier le positionnement le mieux adapté à leur cible de clientèle, et à leurs propres compétences managériales. Il faut également observer que les entreprises commerciales disposent d’une exceptionnelle capacité de connaissance des clients. La généralisation des cartes de fidélité correspond à cette recherche d’identification du client lors de son passage en caisse, point de passage nécessaire à la constitution de bases de données qui permettent de cerner avec précision les profils des transactions réalisées dans les magasins. Il est symptomatique à cet égard de souligner l’augmentation régulière des effectifs dans les services chargés des études marketing dans les entreprises de distribution, y compris dans les services centraux des entreprises du commerce associé ou des franchiseurs. Le développement des études en distribution est donc une conséquence logique de la place décisive qu’occupent désormais sur les marchés les entreprises du commerce de détail.

BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

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CLIQUET G. (éd.) (2002), Le géomarketing, Hermès. CLIQUET G. et JOSSELIN J.-M. (éds.) (2002), Stratégies de localisation des entreprises commerciales et industrielles, De Boeck. FILSER M., DES GARETS V. et PACHÉ G. (2001), La distribution : organisation et stratégie, EMS.

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Conclusion générale

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N

OUS avons présenté dans cet ouvrage une panoplie presque exhaustive des différentes méthodes d’études qui sont à la disposition du manager marketing. Ces dernières permettent d’orienter les choix stratégiques ou de légitimer les décisions en matière de marketing-mix. Le lecteur aura constaté que ces différentes méthodes s’inscrivent tout aussi bien dans une démarche quantitative que qualitative, les deux approches nous semblant beaucoup plus complémentaires que concurrentes. En revanche, tout cet arsenal méthodologique poursuit un même objectif : apporter des informations « à forte valeur ajoutée », capables de réduire l’incertitude inhérente à toute décision marketing. Le consommateur représente le point focal, prioritaire, de ces diverses formes d’investigation. On aura pu constater, au travers des différents chapitres, que les techniques d’étude marketing appliquée explorent de très nombreuses facettes de cet individu mystérieux : ses désirs, ses motivations, ses expériences, ses perceptions, ses attitudes, ses intentions ou préférences, ses idéaux, ses comportements passés, présents ou futurs, sont ainsi minutieusement passés au crible. Une telle profusion de méthodes ne doit pourtant pas conduire l’utilisateur à un excès de confiance, ni au dénigrement sectaire. La modestie, la prudence et le doute sont les compagnons du chargé d’étude rigoureux. Car approcher un consommateur, tour à tour, indécis ou sûr de lui, fidèle ou volage, enflammé ou désabusé, impliqué ou détaché, ignare ou expert, constitue probablement la plus délicate et la plus périlleuse des missions confiées à l’homme de marketing !

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Index

A

audience cumulée 361 directe 345 indirecte 345 moyenne 361 multicomptée 361 totale 361 utile 361 auto-évaluation 88

AdVantage/ACT (GFK) 326 affinité du support avec la cible 362 algorithme génétique 130 allocation de l’espace 400 analyse 45 de variance 356 des correspondances 176 des similarités et des préférences 151 horizontale 46 qualitative 21 quantitative 21 verticale 46 annonceur 5 appel d’offres 14 approche phénoménologique 63 qualitative 10 quantitative 11 attachement 268 attitude 322, 326, 328, 333, 335, 346, 348, 356 attraction 372 attributs 78 déterminants 164 importants 79

B baromètre de notoriété 351 base de sondage 17 Base line 338 bases de données géographiques 371 BehaviorScan® 330, 336 besoin 37, 39 bêta de Morgenzstern 362 bilan de campagne 327 budget 13

C caméra pupillométrique 325 capital de marque 278 carte perceptuelle 176, 181 catégorisation 46 categorisator 171 chaînage cognitif 60

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

efficacité du parrainage 344 promotionnelle 334 publicitaire 316, 328 immédiate 318 élasticité de la demande par rapport au prix 305 prix 341 endossement 348 enquête en sortie de caisses 382 ensemble de considération 148, 150, 171, 175 évoqué 77, 144 entretien en profondeur 43 qualitatif 353 espace perceptuel 168 ethnographie 53 ethnométhodologie 56 étude ad hoc 23 barométrique 23 de la zone de chalandise 381 de motivation 324 documentaire 8 marketing 2 omnibus 23 expérience 41, 62 expérimentation 306, 335

chaînes moyens-fins 59 cible 317, 320, 346 citation directe 85 communication 315 competitor 145 conclusion 4 concurrence 143, 146, 173 confiance 269 contenu 45 coût pour mille 362 création de marque 248 de nouveaux points de vente 369 crédibilité du message 347 critère de choix 78, 164 de segmentation 119 cycle 193

D datamining 130 Day After Recall (DAR) 327 Delphi-leader 95 désir 38, 39 détection automatique des interactions (Automatic Interaction Detection, AID) 126 déterminance 79 diaphanomètre 325 différenciation 142 duo-test 220

F folder test 325

G

E

galvanomètre 325 gestion des catégories 398 grille 82 Gross Rating Point 362 groupe 248 de réflexion 48 guide d’animation 49 d’entretien 44

échantillon, taille 17 échelle 154, 354 à icônes 273 à supports sémantiques 274 de mesure 18 Servqual 272 effet de halo 256

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INDEX

H

mesures conjointes 294 métaphore 70 méthode AOL 67 de Box et Jenkins 203 de lissage 202 Delphi 190 du Khi-deux 122 prix limites 288 prix minimum-maximum 287 PSM (Price Sensitivity Meter) 292 qualitative 42 R-F-M 129 ZMET 72 méthodologie 13 modèle analogique 379 d’attente-valeur 181 d’Engel, Kollat et Miniard 76 d’Holbrook et Hirschman 77 d’implantations multiples 380 d’utilité 374 issu du courant gravitaire 373 tétra-classe 277 modélisation par équations structurelles 357 motivation 40 affective 41 cognitive 41 moyenne mobile 196

herméneutique 62 hiérarchie des effets 348 hors médias 315

I identification des composantes d’une série 195 image 328, 345, 353 de l’enseigne 387 de marque 254 immersion 66 implication 333 pour la catégorie de produit 163 importance 79, 88 inertie 179 intensité concurrentielle 172, 316, 333

J journaux 59 jugement de la force de vente 189 de préférences 168

K

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Kelly 82

L lead users 113 leader d’opinion 96 lissage 339 liste extensive 164 Logit multinomial 342

N netnographie 53 notoriété 253, 321, 328, 345 spontanée 316 noyau central 261

M marchés-témoins 330 marché-test 333 simulé 29 marque 247 media planning 326 mémorisation 326, 333 du prix 283

O observation 50, 87 non participante 51 participante 51 optimisation de l’assortiment 396 ordre de présentation 221

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ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

P

Q

panel 25, 327, 329, 334 de distributeurs 392 parrainage 316, 344 personnalité de marque 264 phénoménologie 63 photographie expérientielle 67 pige média 349 plan d’expérience 205, 307 médias 317 point idéal 168 points colonnes 179 lignes 179 portrait métaphorique 70 positionnement 141, 177, 183, 244, 317 post-tests publicitaires 327 potentiel économique 372 préférence 155 PREFMAP 169 PREFSCAL 169 pré-tests publicitaires 323 prix de référence externe 283 interne 282 hédonique 300 limite 288 minimum-maximum 287 psychologique 287 supplément à payer 303 projet d’étude 12 promotion des ventes 316 PromotionScan 340 protocoles verbaux 58, 87 PROXSCAL 161, 169, 174, 184 publicité 316, 317 médias 315 pulsion 36

questionnaire dual 92 question d’étude 6 managériale 6 méthodologique 215

R R2 162 récit d’achat 58 reconnaissance 322, 333 relance 44, 61 relation entre le prix et la qualité 285 réseaux de neurones 130

S saillance 79 satisfaction 270 SCAN*PRO® 341 scénarios d’usage 149 segmentation 109, 178 par les avantages recherchés 131, 159 par les bénéfices 131 sensibilité au prix 285 série chronologique 193 Short Term Advertising Strengths (STAS) 318 similarité perçue 147 simulation de marché 309 single source 327, 329, 334 split run test 325 structure de marché 143 substituabilité des marques 343

T tableau de contingence 177, 178 individus/variables 164 tachytoscope 325 taux de couverture publicitaire 362 technique des groupes nominaux 149

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INDEX

terrain 3, 16, 20 test comparatif 220 d’attitude 217, 218, 240 d’usage 217, 218, 240, 241 de concept 216, 225 virtuel 228 de différence de moyennes 356 de laboratoire 324 du Khi-deux 178 en aveugle 223, 237 en identifié 223 hédonique 217, 218, 240 monadique 218 sensoriel 217, 218, 234 triangulaire 220 top of mind 253 spontanée, assistée 321 tracking 327

trade-off 296 traitement du message 346 transfert 346 affectif 348 trend 193 tri croisé 178 typologie 127

V valence 346, 354 validité d’une expérimentation 205 variation aléatoire 194 saisonnière 194

Z

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ZMET 73 zone de chalandise 384 d’indifférence 271

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PERFORMANCE INDUSTRIELLE

Marketing

MARKETING COMMUNICATION

Communication

ANIMATION DES HOMMES • RH VENTE DISTRIBUTION

Éric Vernette Marc Filser Jean-Luc Giannelloni

GESTION FINANCE DIRECTION CONSEIL

ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES

ÉRIC VERNETTE

De la stratégie au mix : analyses et tests pour optimiser votre action marketing Aujourd’hui, certains managers remettent en cause l’intérêt des études marketing. Le consommateur, tour à tour malin ou volatil, expert ou opportuniste, fantôme ou omniprésent, serait devenu un objet d’étude insaisissable. Cet ouvrage présente, avec rigueur, mais en adoptant un ton délibérément pédagogique et pratique, une panoplie d’études marketing performantes. ១ les études stratégiques : – motivations d’achat et critères de choix d’un produit – techniques de segmentation d’un marché – méthodes pour positionner un produit et prévoir les ventes ១ les études appliquées aux variables du marketing-mix : – produit, marque, prix, communication et distribution De nombreux exemples d’application et cas pratiques enrichissent les présentations techniques. Les managers marketing, les praticiens des études, les étudiants en master et formation continue qui s’engagent dans une fonction marketing trouveront les éléments nécessaires à la construction et au développement de leurs compétences professionnelles actuelles et futures.

ISBN 978-2-10-0536405

www.dunod.com

Professeur à l’IAE de l’Université de Toulouse I. Auteur de nombreux ouvrages et articles scientifiques, en marketing et dans le domaine des études. MARC FILSER

Professeur à l'IAE de Dijon. Ses recherches et publications portent sur le comportement du consommateur et les canaux de distribution. JEAN-LUC GIANNELLONI

Professeur à l’Institut de Management de l’Université de Savoie. Ses travaux portent sur la psychologie de la consommation, notamment appliquée à l’éco-consommation.

ÉTUDES MARKETING APPLIQUÉES



É. VERNETTE M. FILSER J.-L. GIANNELLONI

FONCTIONS DE L’ENTREPRISE

Études marketing appliquées De la stratégie au mix : analyses et tests pour optimiser votre action marketing Éric VERNETTE Marc FILSER Jean-Luc GIANNELLONI