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Un Peuple - Un But – Une Foi
MINISTERE DE L’ECONOMIE DES FINANCES ET DU PLAN DIRECTION GENERALE DE LA PLANIFICATION ET DES POLITIQUES ECONOMIQUES
DIRECTION DE LA PREVISION ET DES ETUDES ECONOMIQUES
Document d’Etude N° 38
IMPACT DES DEPENSES PUBLIQUES SUR LA PAUVRETE ET LES INEGALITES SOCIALES AU SENEGAL DPEE/DEPE @ janvier 2018
Impact des Dépenses Publiques sur la Pauvreté et les Inégalités Sociales au Sénégal : Bourses de Sécurité Familiale et CMU
Par Babacar DIAGNE, Hamat SY et Raqui WANE janvier 2018
Résumé L’objectif de cette étude est de mesurer l’impact des dépenses publiques sur la pauvreté et les inégalités sociales au Sénégal à travers ses composantes principales (les dépenses courantes hors transferts et les investissements publics) de même que les programmes de bourses de sécurité familiale et de Couverture Maladie Universelle (CMU) en utilisant un modèle d’Equilibre Général calculable (MEGC) Inter-temporel avec un module de microsimulation. A cet effet, des chocs sur les dépenses courantes hors transferts et d’investissement public selon les évolutions moyennes constatées depuis la mise en œuvre du PSE en 2014 ont été réalisés. Les résultats révèlent que les investissements publics permettraient en moyenne à 36 880 ménages de sortir de la pauvreté soient environ 344 721 personnes sur le territoire national. Par ailleurs, les dépenses courantes hors transferts offriraient également l’opportunité à 7903 ménages de quitter la situation de pauvreté. Cependant, l’impact serait mitigé car malgré un effet positif à l’échelle nationale avec une baisse de l’incidence de la pauvreté estimée à 0,3% l’impact pourrait être négatif en milieu rural. Le programme des bourses sociales est l’instrument qui agit le plus sur les indicateurs de pauvreté et d’inégalité tels que la profondeur, la sévérité et l’indice de Gini, avec des impacts estimés à 11,8%, 8,6% et 3,6%, il permettrait à environ 32 772 ménages de changer de statut en sortant de la pauvreté. Enfin, la couverture maladie universelle impacterait le plus sur l’incidence avec environ 40 283 ménages qui devraient sortir de la pauvreté soit 371 019 personnes au niveau national. Par ailleurs, la CMU engendrerait une évolution significative des indicateurs de pauvreté et d’inégalité avec des réductions de la sévérité, de la profondeur et de l’indice de Gini estimées respectivement à 4,2%, 2,6% et 1,5% par rapport à la situation référentielle. Mots clés : dépenses publiques, pauvreté, inégalité, MEGC, microsimulation, CMU, bourses de sécurité familiale, MEGC Classification JE: C68, D10, E62, I30
Abstract The aim of this paper is to measure the impact of public spending on poverty and inequality in Senegal, through its main components (public consumption and public investment) and programs such as social allocations by government to households and Universal Health Coverage (UHC), using an inter-temporal Computable General Equilibrium (CGE) model with microsimulation. Hence, shocks on public consumption net of transfers and public investment according to their average evolutions observed since the implementation of the new development plan (PSE) in 2014 have been achieved. Results show that public investment would lead to 36 880 households getting out of poverty, or 344,721 individuals at the national level. The public consumption would offer the opportunity to 7903 household to get out of poverty. However, the impact would be mitigated because of the fact that, despite the positive effect at the national level with the poverty headcount decreasing at 0.3%, an increase in public consumption would benefit more urban areas compared to the rural regions, where the impact would be negative. Government social allocations to households are the most effective programs to reduce severity, poverty gap and inequalities with impacts estimated at 11.8%, 8.6% and 3.6%. In addition, these social allocations would allow to 32 772 households to leave their poverty status. Finally, Universal Health Coverage (UHC) is the program that has more effect on poverty headcount and would help about 40,283 households get out of poverty, corresponding to 371,019 individuals nationwide. In addition, poverty indicators would respond well to UHC with severity, poverty gap and Gini index dropping respectively of 4.2%, 2.6% and 1.5% compared baseline. Keywords: public spending, poverty, inequality, microsimulation, Universal Health Coverage (UHC), social allocations, EGC models JEL Classification: C68, D10, E62, I30
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I.
Introduction
La pauvreté a toujours été au centre des débats dans la mise en œuvre des politiques économiques dans les pays en développement. D’après la Banque mondiale, en 2013, le taux de pauvreté mondiale était de l’ordre de 10,7%, témoignant de l’importante tranche de la population encore concernée. Fort de ce constat, beaucoup d’organismes internationaux, la société civile déclarent œuvrer de façon conjointe ou séparée à côté des gouvernements par la biais notamment des programmes de développement économique et social structurés, afin de réduire significativement la misère et la précarité dans le monde. A cet égard, la Banque mondiale envisage de favoriser l’accroissement des revenus de 40% des habitants les plus pauvres de chaque pays du monde pour atteindre d’ici l’horizon 2030 un faible niveau de pauvreté à l’échelle mondiale, de l’ordre de 3%, à travers un programme international, ayant comme objectif ultime une nette amélioration des conditions de vie des populations. Dans ce contexte particulier de lutte contre la pauvreté, et dans le sens d’appréhender les avancées réalisées dans la réduction des inégalités et de la précarité sociale, les objectifs du millénaire pour le développement ont souvent servi d’instruments de mesure à l’échelle internationale. Cependant, de nouvelles cibles ont vu le jour par le biais d’un nouveau cadre de référence en l’occurrence les ODD (Objectifs de Développement Durable) intégrant à la fois le développement durable et une conception plus large de la pauvreté. Au plan continental, l’Afrique subsaharienne est la région la plus exposée à la pauvreté avec une incidence estimée à 41% de la population. Par contre, la région d’Europe de l’Est - Asie centrale et celle d’Asie de l’Est et du Pacifique qui bénéficient d’un développement économique et social très important se retrouvent avec de faibles pourcentages de pauvres, soit respectivement 2,3% et 3,5% de leurs populations. Au Sénégal, d’après le rapport de la dernière enquête sur la pauvreté (ESPS 2), l’incidence de la pauvreté (au sens monétaire) au niveau national est de l’ordre de 46,7% en 2011 contre 48,3% en 2006 et de 55,2 % en 2001-2002. Toutefois, après la mise en œuvre de l’ESPS en 2011, l’ANSD a mis en place une enquête de perception du bien-être dans l’optique de disposer d’un outil permettant de suivre l’évolution des conditions de vie des ménages.
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L’analyse des différentes données révèle une nette amélioration de la situation de pauvreté sur la première période (2002- 2006) et une faible progression (1,6 de point de pourcentage) entre 2006 et 2011. Cependant, ce taux reste important et cache de fortes disparités régionales, départementales, voire selon le milieu d’habitation (urbaine et rurale). En guise d’illustration, il existe un grand écart entre la capitale, Dakar (la moins touchée par la pauvreté) avec un taux de 26,1% et les régions de Kolda et Kédougou avec respectivement 76,6% et 71,3% (les plus exposées à la pauvreté). Le milieu rural est relativement plus sensible à la pauvreté avec un taux estimé à 57,3% en 2011. En outre, la profondeur et la sévérité sont estimées respectivement à 14,5% et 6,6% au niveau national. Ces observations montrent l’ampleur et l’importance de la problématique. Toutefois, grâce aux efforts consentis par les autorités publiques ces dernières années, une baisse significative du nombre des pauvres pourrait être envisagée. Cependant, l’atteinte de cet objectif nécessite un bon cadre macroéconomique favorisant une croissance soutenue et inclusive. Au Sénégal, la politique budgétaire est l’instrument principal à la disposition des autorités dans la mise en œuvre des politiques socio-économiques du fait de l’appartenance à la zone UEMOA, dont la politique monétaire est confiée à la BCEAO. Ainsi, la politique de réallocation des ressources doit prendre en considération les disparités sociales pour lutter contre la pauvreté et les inégalités. En règle générale, les orientations stratégiques de la politique de développement doivent améliorer de façon significative le niveau de vie des populations via une utilisation optimale des ressources, en prenant en compte les enjeux économiques, sociaux et culturels ainsi qu’au plan sous-régional et à l’échelle internationale. Les dépenses publiques qui traduisent dans une certaine mesure l’orientation des autorités en matière de politique budgétaire permettent d’appréhender les efforts consentis pour améliorer les conditions de vie des ménages à travers leurs composantes sociales (voie de transmission directe), et/ou les autres dépenses (infrastructure, énergie...) susceptibles de réduire la pauvreté via des canaux de transmission indirects. A cet égard, la part des dépenses publiques sociales au Sénégal (la santé, l’éducation, l’environnement, la justice, la protection sociale, l’assainissement et l’hydraulique rurale, notamment), représente environ le tiers du total, démontrant l’importance des efforts consacrés à l’accroissement du bien-être. Cette proportion a connu une évolution légèrement favorable en passant de 31,2% en 2006 à 34,1% en 2013 et un peu plus de 35% en 2016. En particulier, l’éducation concentre la part la plus importante des 4
dépenses sociales (environ les deux tiers). Par ailleurs, le Plan Sénégal Emergent (PSE) qui est le nouveau cadre de référence de la politique économique et sociale du Sénégal traduit la volonté des autorités à améliorer le niveau de vie des populations à travers un ensemble de programmes et projets. En effet, le PSE vise une nette amélioration des conditions de vie des populations en tenant compte de plusieurs aspects liés à la pauvreté multidimensionnelle tels que l’autosuffisance alimentaire, l’accès aux services sociaux de base (services de santé, eau, électricité, etc.), le développement du capital humain, etc. Dans ce cadre, certains projets et programmes dont le Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) et le « Dakar Medical City », devraient améliorer l’accès à des soins de qualité pour toutes les classes sociales, et à des coûts relativement bas. Ces programmes s’inscrivent dans la mise en place de la Couverture Maladie Universelle qui a déjà offert à plus de trois Sénégalais sur cinq l’opportunité de s’inscrire à une mutuelle de santé. Concernant, la protection sociale, la mise en place du programme de Bourses de Sécurité Familiale devrait fournir des allocations aux ménages vivant dans une extrême pauvreté. Ce transfert promeut également un package de politiques sociales telles que l’inscription et le maintien des enfants à l’école, le respect des programmes de vaccination et l’enregistrement des naissances à l’état civil. L’ensemble des mesures phares de politique socio-économique susmentionnées devraient, à moyen terme, aboutir à une amélioration considérable du bien-être social au Sénégal. La présente étude vise à appréhender de manière quantitative les retombées liées aux politiques de dépenses publiques sur la pauvreté des ménages et les inégalités sociales. Il s’agit de mesurer l’impact des dépenses publiques (courantes et en capital) sur la pauvreté et les inégalités, notamment via le programme de bourses de sécurité familiale et celui de la Couverture Maladie Universelle (CMU). Ainsi, le présent document passe d’abord en revue la littérature consacrée à l’analyse de l’impact des politiques économiques sur la pauvreté et les inégalités sociales. La deuxième partie porte sur les faits stylisés et met essentiellement en exergue les caractéristiques des dépenses publiques et le profil social du Sénégal de même que leurs interrelations. Par la suite, une présentation de la méthodologie reposant sur un modèle d’Equilibre Général Calculable (MEGC) avec un module de microsimulation est réalisé. Enfin, les résultats et interprétations des estimations seront présentés, ainsi que la conclusion et les principales recommandations.
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II.
Revue de la littérature
La littérature économique porte une attention particulière au volet social à travers de nombreuses analyses théoriques et empiriques, souvent utilisées par les décideurs comme outils de prise de décision dans la mise en œuvre des politiques de développement. Ainsi, l’économie du développement qui regroupe l’essentiel des questions relatives à la pauvreté, aux inégalités, et à la dimension sociale du développement en général, est marquée par de nombreuses réflexions menées par des économistes et spécialistes de la question. C’est dans ce cadre que Cashin et al. (2001) ont mis en exergue l’existence d’une relation positive entre la croissance économique et l’amélioration des indicateurs de bien-être, sans préciser les politiques macroéconomiques susceptibles d’accroître le PIB, ni celles capables de réduire la pauvreté. Lustig et al. (2013) quant à eux, ont cherché à mesurer l’impact des taxes et des dépenses sociales sur la pauvreté et les inégalités, à travers une analyse de l’incidence fiscale dans différents pays de l’Amérique latine. Les résultats de leurs recherches ont montré que les taxes directes et les transferts monétaires permettent de réduire de manière considérable les inégalités et la pauvreté en Argentine, au Brésil et en Uruguay. Cependant, leurs effets sont un peu moins prononcés au Mexique et relativement négligeables en Bolivie et au Pérou. Par ailleurs, les transferts en nature dans l’éducation et la santé ont un plus fort impact sur la réduction des inégalités et de la pauvreté dans les pays couverts par l’étude que ceux monétaires. Niang (2005) a cherché à analyser l’incidence des dépenses publiques d’éducation sur la pauvreté au Sénégal. Il a ainsi comparé les courbes de concentration de ces dépenses gouvernementales à celle des consommations des ménages. Il ressort des résultats que les dépenses publiques dans l’enseignement primaire sont relativement mieux réparties en termes d’équité entre les catégories sociales, que celles des ménages. Par contre, les dépenses publiques liées à l’enseignement technique et professionnel apparaissent peu profitables aux ménages les plus pauvres (20% des moins riches). Dans le même sillage, Lanjouw et al. (2001), ont mené une analyse statique de l’impact des dépenses publiques d’éducation et de santé sur la pauvreté en Indonésie. Ils ont trouvé que les dépenses consacrées à l’éducation de base et les soins de santé primaires sont généralement plus favorables aux pauvres. Par contre les dépenses liées à l’enseignement supérieur et aux hôpitaux sont moins bénéfiques à cette catégorie sociale.
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Afonso et al. (2008), quant à eux, ont cherché à analyser l’impact des dépenses publiques, de l’éducation et des institutions sur la distribution des revenus dans les pays avancés, en utilisant un outil non paramétrique en l’occurrence les modèles DEA (Data envelopment analysis). Les résultats de l’étude montrent que les politiques publiques affectent significativement la répartition des revenus à travers les dépenses sociales, et indirectement via une formation ou un capital humain hautement qualifié et des institutions économiques saines. Laabas et Limam (2004) ont utilisé des modèles économétriques pour analyser les interactions existant entre la croissance, les inégalités de revenu et la pauvreté. Leurs résultats montrent que les politiques publiques n’affectent la pauvreté que de manière indirecte, à travers leurs impacts sur la distribution des revenus et la consommation par tête. Par contre, l’ouverture à l’extérieur, bien que favorable à la croissance, influe négativement sur la distribution de revenus et la pauvreté. A travers un modèle d’équations simultanées, Fan et al. (1999) ont, pour leur part, cherché à estimer les effets directs et indirects des différents types de dépenses publiques sur la pauvreté rurale et la productivité en Inde. Les résultats de leurs recherches ont montré que les investissements publics dans les infrastructures rurales telles que les routes, la recherchedéveloppement dans l’agriculture et les dépenses en éducation ont un impact positif très sensible sur la réduction de la pauvreté et la hausse de la productivité. Toutefois, pour les autres types de dépenses liées par exemple à l’irrigation, la conservation des eaux et des sols, la santé, et le développement rural et communautaire, les contributions respectives à la réduction de la pauvreté et la hausse de la productivité restent assez modestes. Dans la même lignée, Fan et al. (2002) en conduisant des études similaires en Chine, ont trouvé que les dépenses publiques orientées vers l’éducation ont le plus fort impact sur la réduction de la pauvreté rurale et des inégalités régionales, en plus de l’effet significatif sur la hausse de la production. Ces auteurs ajoutent que l'augmentation de l'emploi non agricole en milieu rural explique en grande partie cette diminution. Par ailleurs, Dahmardeh Tabar (2013) ont ressorti une relation de long terme entre la pauvreté et les dépenses publiques du gouvernement iranien dans les provinces de Sistan et Baloutchistan, en utilisant une série de données entre 1978 et 2008. Ils se sont basés sur la méthodologie développée par Pesaran et Shin (1995) pour déterminer une relation de cointégration qui lie les dépenses publiques du gouvernement et la pauvreté dans les deux provinces. Toutefois, à long terme, il est ressorti un impact négatif sur la pauvreté ; ce qui est 7
inattendu. Mehmood et Sadiq (2010) ont également étudié la relation entre les dépenses publiques et la pauvreté par l’analyse de cointégration au Pakistan, sur une période d’analyse allant de 1976 à 2010 et ont identifié l’existence d’une relation de long terme entre les deux variables. Cependant, la relation qui en découle ne semble pas conforter la théorie économique dans la mesure où les dépenses publiques ne permettent pas selon leurs résultats de réduire le niveau de pauvreté, mais l’accentuent plutôt. Par ailleurs, Dabla-Norris et Matovu (2002) ont cherché à mesurer les effets des dépenses de l’Etat, sous forme de transferts publics dans les secteurs de l’éducation et des infrastructures, sur les décisions des ménages en matière de scolarisation des enfants ou d’accumulation d’actifs. A travers un modèle dynamique à générations imbriquées, les auteurs ont trouvé qu’une hausse des dépenses publiques dans l’enseignement primaire et secondaire, a un impact positif sur la réduction de la pauvreté et sur l’économie, malgré une baisse des investissements dans les infrastructures. En outre, l’impact de transferts publics sur les agrégats macroéconomiques et la pauvreté dépend fortement de leurs ampleurs. Autrement dit, s’ils sont assez conséquents et ciblent les couches les plus défavorisées alors des effets considérables pourraient être attendus sur la réduction de la pauvreté et la croissance économique. Par contre, de faibles transferts auraient un impact assez marginal sur la pauvreté et l’économie. Dans un autre registre, Balma et al. (2010) ont utilisé un MEGC pour évaluer les répercussions directes et indirectes des politiques publiques en matière d’éducation sur le bien-être, la pauvreté et la distribution des revenus au Burkina Faso. Les résultats des simulations indiquent qu’une augmentation uniforme de 40% des dépenses publiques en éducation de base compensée par une hausse de la taxe de vente (une taxe additionnelle sur les biens de consommation) se traduirait non seulement par une amélioration du bien-être mais aussi par une baisse de l’incidence de la pauvreté pour les ménages salariés. Cependant, les résultats montrent que dans ces conditions de coût unitaire de l’éducation élevé chez les ménages agriculteurs, leur situation ne s’améliorerait pas en termes de bien-être et de pauvreté, alors que la structure de la répartition des revenus resterait inchangée. Rhazi et al. (2009) ont aussi construit un MEGC pour simuler les effets de quelques politiques sur l’économie nationale et sur les niveaux de vie des ménages, notamment les classes modeste, moyenne et aisée au Maroc. Il résulte de cette étude qu’une hausse de 10% de l’investissement global engendrerait une mobilité sociale du bas vers le haut. La part des ménages de la tranche moyenne dans la population totale passerait, en effet, de 53% à 55% et celle de la classe aisée 8
de 13% à 13,5%, contrairement à la part de la catégorie des modestes qui fléchirait de 34% à 31,5%. Les inégalités seraient légèrement en hausse puisque l’indice de GINI passerait de 0,406 à 0,409. Néanmoins, l’importance de la croissance économique l’emporterait sur la persistance des inégalités et par conséquent la pauvreté serait en baisse. Le taux de pauvreté national diminuerait de plus d’un demi-point de pourcentage, soit près de 214 mille personnes qui sortiraient de la pauvreté. Enfin, d’après Rasoazanatody (2005), les effets des dépenses publiques dans le processus d’accélération de la croissance et de la réduction de la pauvreté ne peuvent être attendus que sur le moyen ou le long terme. En effet, à travers des simulations effectuées sur la base du modèle RMSM-X+P1 (Banque Mondiale) au Madagascar entre 2007 et 2012, l’auteur montre qu’une progression des dépenses d’éducation et de santé respectivement à hauteur de 25% et 15% des dépenses totales du gouvernement à partir de 2007, réduirait le niveau de pauvreté jusqu’à 44,2% en 2012 (contre 57,8% en 2007), soit une baisse de 13,6 points de pourcentage. III.
FAITS STYLISES
3.1 Structure des dépenses publiques au Sénégal La lutte contre la pauvreté constitue l’une des principales priorités des autorités publiques. C’est également l’objet de l’axe 2 du PSE qui ambitionne d’étendre l’accès aux services sociaux de base, notamment à l’éducation et aux soins de qualité, à l’eau potable et à un cadre de vie sain. Dans l’atteinte de cet objectif, l’Etat s’appuie très souvent sur des investisseurs internationaux notamment à travers les partenariats-public-privé (PPP). La réduction de la pauvreté passe nécessairement par la prise en compte des recommandations des administrés. Ainsi, l’enquête de suivi de la pauvreté au Sénégal (ESPS 2011) a révélé que 42,8% des ménages sénégalais considèrent que le meilleur moyen de lutter contre la pauvreté consiste à développer des activités génératrices de revenus. Dès lors, il urge d’effectuer un diagnostic fonctionnel et structurel des dépenses publiques afin de vérifier si elles répondent aux objectifs de réduction de la pauvreté et des inégalités. Structure fonctionnelle des dépenses publiques La politique budgétaire expansionniste a longtemps constitué l’instrument privilégié des autorités publiques en vue d’éradiquer la pauvreté et de réduire les inégalités, à travers la création d’activités génératrices de revenus.
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A l’origine, il s’agit d’une extension du modèle Harrod-Domar qui a connu des améliorations jusqu’à l’intégration d’autres modules supplémentaires, dont la pauvreté et les indicateurs sociaux.
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Figure 1 : Dépenses totales, dépenses courantes et investissement global (en % du PIB) 40% 30%
Investissement global /PIB
20%
Dépenses courantes globales /PIB
10%
2016
2015
2014
2013
2012
2011
2010
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
0%
Dépenses totales et prêts nets / PIB
Source : Direction de la prévision et des études économiques (DPEE)
Sur les quinze dernières années, le ratio dépenses publiques sur PIB a connu une croissance importante, passant de 20,8% en 2001 à 27,2% en 2007 et 31,1% en 2016. Cette progression se justifie par les nouvelles orientations stratégiques du pays durant la période. Celles-ci se caractérisent successivement par le développement d’importantes infrastructures et la réalisation de projets et programmes visant à atteindre la transformation structurelle de l’économie, développer le capital humain, renforcer la protection sociale, la sécurité et la gouvernance, en vue d’inscrire le Sénégal dans le cercle des économies émergentes d’ici l’horizon 2035. A cela s’ajoute les performances réalisées dans la collecte des recettes sur la période récente qui ont fortement contribué à cette hausse des dépenses publiques. Concernant la structure fonctionnelle des dépenses publiques, les dépenses courantes rapportées aux dépenses totales sont passées de 69% en 2001 à 62,1% en 2006 et 59,6% en 2016. Cette baisse progressive s’inscrit dans la dynamique de rationalisation des dépenses courantes engagée par les autorités étatiques en vue de disposer davantage de marges de manœuvre budgétaires à réallouer aux investissements publics. A titre illustratif, la part du poste « fournitures, entretien et autres » sur les dépenses totales est passée de 17,5% en 2001 à 14% en 2006 et 11,9% en 2016. Conjointement à ce besoin de rationalisation des dépenses courantes, les investissements publics sont passés de 31% des dépenses publiques en 2001 à 35,7% en 2006 et 40,4% en 2016. En effet, à partir de 2006, d’importants projets d’infrastructures ont été réalisés notamment dans les domaines routier et aéroportuaire. Le secteur énergétique a aussi bénéficié de la création en 2011 d’un fonds spécial de soutien. Plus récemment, l’Etat s’est engagé dans la réalisation d’importants investissements dans le cadre du PSE afin de poursuivre la réalisation des infrastructures routières et aéroportuaires et d’engager de nouveaux projets porteurs de croissance et pourvoyeurs de revenus.
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Composition sectorielle des dépenses d’investissement Au-delà de la répartition fonctionnelle des dépenses publiques, il est également important d’analyser leur composition sectorielle qui rend compte des priorités du gouvernement. Les dépenses publiques sont financées par des ressources internes ou avec le concours de bailleurs et investisseurs internationaux. Le graphique suivant renseigne sur les dépenses en capital réalisées sur ressources internes par l’Etat durant l’exercice budgétaire 2015 : Figure 2 : Part des secteurs dans les dépenses totales d’investissements sur ressources internes
41 Hydraulique urbaine Assainissement
24 Energies classiques/renouve llables
22 Industries
49 Appui-Renf. & A. T. quaternaire
43 Habitat & Urbanisme
44 Santé et nutrition
45 Education & Formation
46 Développement social
33 Transports routiers
11 Agriculture
47 Equipements administratifs
25% 20% 15% 10% 5% 0%
Source : Direction de la coopération économique et financière (DCEF)
Les secteurs qui absorbent le plus de dépenses d’investissement public sont les équipements administratifs (19,5%), l’agriculture (14,2%), les transports routiers (13,9%), le développement social (8,6%). Les investissements relatifs aux équipements administratifs sont censés répondre aux exigences du service public. Le secteur agricole occupe près de la moitié de la population active et, par conséquent, fait partie des secteurs privilégiés de l’Etat. Les transports routiers permettent une plus grande mobilité urbaine et constituent un levier d’accroissement de la productivité et de soutien à la production. Le développement social est lié à l’amélioration du bien-être de l’ensemble de la population. Par ailleurs, les parts qui reviennent au secteur industriel (3,4%) et aux énergies classiques/renouvelables paraissent relativement faibles. Le graphique ci-après met en évidence les dépenses d’investissements financées par les bailleurs et investisseurs internationaux.
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Figure 3: Part des secteurs dans les dépenses totales d’investissements sur ressources externes 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0%
Source : Direction de la coopération économique et financière (DCEF)
Les projets et programmes publics sont financés par les organismes internationaux sous la forme d’emprunts ou de subventions. Les financements sont plus concentrés dans les domaines des transports routiers (30,3%), de l’agriculture (21,3%), de la santé et la nutrition (11,9%), des énergies classiques et renouvelables (10,4%), de l’éducation et la formation (10%). Les investissements sont fortement orientés dans les secteurs sociaux de base. Le secteur industriel n’absorbe que 0,3% des fonds d’investissements extérieurs. En définitive, les secteurs de l’agriculture et des transports routiers sont ceux qui absorbent le plus les dépenses d’investissement de l’Etat. Spécificités des dépenses sociales Sur la période 2004-2014, les dépenses publiques destinées aux secteurs sociaux se sont considérablement accrues en valeur absolue, passant de 342,4 milliards en 2004 à 876,5 milliards en 2014. Toutefois, rapportées aux dépenses publiques totales hors prêts nets, il ressort que la part des dépenses sociales est restée quasi stable sur la période sous-revue, tournant autour de 35% du total sauf en 2012. Pour cette année, les dépenses sociales ont en effet drastiquement baissé à 14,6% des dépenses totales. Cette coupe a touché toutes les lignes de dépenses sociales, aussi bien l’éducation, la santé que les autres secteurs sociaux. En termes de structure, l’éducation est le secteur qui bénéficie le plus des dépenses de l’Etat. En moyenne sur la période, les dépenses destinées à l’éducation ont représenté 65% des dépenses sociales totales, leur part étant en continuelle progression (59,2% en 2004 contre 70,8% en 2014). Le secteur de la santé occupe la deuxième place dans les dépenses sociales, représentant en moyenne 19% du portefeuille sur la période sous-revue. Il faut, toutefois, noter que sa part dans les dépenses sociales diminue progressivement passant de 24,3% en 2004 à 16,8% en 2014. Les autres dépenses sociales regroupent celles destinées à la justice, au 12
développement social, à l’environnement, à l’assainissement et à l’hydraulique rural. Ces secteurs ont occupé en moyenne 16% des dépenses sociales entre 2004 et 2014 et à l’instar de la santé, leur part a progressivement diminué (16,5% en 2004 contre 12,4% en 2014). Figure 4 : Part des dépenses sociales dans les dépenses totales hors prêts nets Total
Education
Sante
Autres depenses sociales
60,0% 40,0% 20,0% 0,0% 2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
Source : Direction de la prévision et des études économiques (DPEE)
La répartition des dépenses sociales suivant les dépenses de fonctionnement et en capital met en exergue la prédominance de celles courantes sur toute la période sous-revue. En effet, ces dernières ont représenté en moyenne 73%, leur part restant globalement stable entre 2004 et 2014. En dehors de l’année 2004, il faut noter que la part des dépenses sociales en capital n’a jamais atteint la barre des 30%. Considérant les secteurs de destination des dépenses, il ressort que les dépenses sociales de fonctionnement sont en moyenne principalement absorbées par l’éducation (77,4%), la santé (15%) et ensuite les autres secteurs sociaux (7,6%). Par contre, les dépenses sociales en capital, sont quasi équitablement réparties entre trois groupes : 31,1% pour l’éducation, 29,8% pour la santé et 39,1% pour les autres secteurs sociaux. Figure 5 Décomposition des dépenses publiques sociales 100% 80% 60%
capital
40%
courante
20% 0% 2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
Source : Direction de la prévision et des études économiques (DPEE)
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Programme national de bourse de sécurité familiale et Couverture maladie universelle Dans le PSE, la question de la réduction de la pauvreté occupe une place centrale à travers le deuxième axe portant sur le capital humain, la protection sociale et le développement durable. Dans ce cadre, plusieurs projets sont en train d’être mis en œuvre parmi lesquels nous pouvons citer deux programmes phares présentant un intérêt certain pour la présente étude. Il s’agit notamment, du programme national des bourses familiales et du programme de la couverture médicale universelle. Ils ont la particularité d’être conçus pour avoir un effet direct sur la qualité de vie des individus ; la cible étant la population elle-même, en opposition à d’autres types de programmes existants dont la portée est plutôt indirecte. Le programme national de bourses de sécurité familiale, mis en place en 2013, vise à lutter contre la vulnérabilité et l’exclusion sociale des ménages les plus pauvres. Le programme procède à l’identification des ménages à travers un registre national unique qui facilite leur ciblage aussi bien au niveau national, régional et local. Le financement octroyé à chaque ménage s’élève à 25 000 FCFA par trimestre soit 100 000 FCFA par an. Ayant débuté avec une cible de 50 000 ménages en 2013, le programme s’est graduellement élargi, passant à 100 000 en 2014, 200 000 en 2015 pour s’établir à 300 000 ménages en 2017, soit 30 milliards de FCFA en termes de dépenses publiques effectuées. Dans le projet de loi des finances de l’année 2018, le budget du programme devrait atteindre 40 milliards de FCFA. Concernant le programme portant sur la couverture maladie universelle, il a également été lancé en 2013 dans le but de faciliter l’accès aux soins sanitaires de base à toute la population, notamment aux couches les plus démunies et les plus vulnérables. L’esprit du programme est de permettre à toutes les couches de la population de bénéficier des mêmes soins que les personnes affiliées aux autres régimes de sécurité sociale que sont les imputations budgétaires et les Instituts de Prévoyance Maladie (IPM). Parti d’un taux de couverture de la population de 13,6% en 2012, les cibles fixées pour atteindre l’objectif global du programme sont respectivement de 27,70% en 2013, 46,32% en 2014, 50,50% en 2015, 60,30% en 2016 et 75,5% en 2017. Pour ce faire, des initiatives concrètes ont été mises en place s’articulant autour de deux axes : la gratuité de certains types de soins et la création et l’adhésion aux mutuelles de santé communautaires. La politique de gratuité de certains soins vise à prendre en charge la totalité des soins sanitaires de quelques couches de la population bien déterminées. Il s’agit entre autres de la gratuité des
14
soins des enfants âgés de moins de cinq ans, de la césarienne, de la dialyse et de la prise en charge totale des personnes âgées de 60 ans et plus (Plan Sésame). Pour ce qui est des mutuelles de santé, la stratégie adoptée est de favoriser leur décentralisation et leur maillage sur tout le territoire national afin d’assurer une couverture totale du pays et l’accès des mutuelles aux zones les plus reculées. Du point de vue des modalités d’adhésion, le montant de la cotisation par personne est fixé à 7000 FCFA par an, subventionnée à hauteur de 50% par l’Etat. La cotisation est totalement prise en charge par l’Etat dans le cas des personnes indigentes, en l’occurrence pour tous les ménages bénéficiant des Bourses de Sécurité Familiale. Le paquet offert couvre le poste de santé, le centre de santé et l’hôpital avec une prise en charge de 80% pour les consultations, les analyses, les examens, les hospitalisations et médicaments génériques et de 50% pour les médicaments fournis dans les pharmacies privées. En 2015, le financement de la CMU était majoritairement assuré par l’Etat (59,9%), suivi de la population (15,95%), le secteur privé (13,24%) et les partenaires (11%). En août 2016, le taux de couverture avait atteint 45,7% pour une cible de 62,5% pour cette année. Tableau 1: Quelques résultats de la CMU Prévision
Objectif de couverture du
Niveau d’atteinte
risque maladie en 2016
en Aout 2016
Assurance maladie communautaire
32,60%
14,34%
34,69%
Gratuité des enfants de 0 à 5 ans
13,40%
13,40%
13,40%
Plan SESAME
5,50%
5,50%
5,50%
11,00%
11,00%
11,00%
1,50%
1,50%
45,74%
66,09%
Régimes
Assurance Maladie obligatoire (Fonctionnaires et secteur privé formel) Autres types d'assurance Couverture Totale
62,50%
décembre 2016
Source : Agence de la Couverture Maladie Universelle
3.2 Diagnostic de la pauvreté au Sénégal L’incidence de la pauvreté qui représente la proportion d’individus vivant en dessous du seuil de pauvreté s’est inscrite sur une tendance baissière durant la dernière décennie. Elle a été estimée à 46,7% en 2011 contre 48, 3% en 2006 et 55,2 % en 2002. Il est important de noter que la progression la plus importante a été observée dans la période allant de 2002 à 2005 où
15
un net repli, d’environ 6,9 points de pourcentage, a été enregistré contre seulement 1,6 point de pourcentage entre 2005 et 2011. Figure 6: Evolution de l’incidence de la pauvreté au Sénégal
56 54 52 50 48 46 44 42 40
incidence pauvreté Puissance (incidence pauvreté)
2001/2002
2005/2006
2010/2011
Source: ESAM 2, ESPS I & II, ANSD
Les données relatives à la pauvreté suivant le milieu de résidence révèlent de fortes disparités. En effet, les populations issues de la ville de Dakar se présentent comme étant les mieux loties avec une incidence de l’ordre de 26,1 % en 2011. Sur la même période les autres villes se caractérisent par une part importante de pauvres estimée à 41,2% ; un taux relativement bas comparé au monde rural où l’incidence est estimée à 57,3 %. Par ailleurs, l’évolution de la pauvreté à l’échelle nationale cache un certain nombre de disparités. En effet, sur la période 2002-2006, toutes les populations issues des différents milieux urbains ont observé une amélioration de leur niveau de vie. Cependant, entre 2006 et 2011 les conditions de vie des habitants des autres villes sont restées quasiment stables, alors que celles des dakarois et des ruraux ont connu une légère amélioration. Figure 7 : Evolution de l’incidence de la pauvreté au Sénégal selon le milieu de résidence 70 60 50 40
2001/2002
30
2005/2006
20
2010/2011
10 0 dakar
autres milieux urbains
milieu rural
Source: ESAM 2, ESPS I & II, ANSD
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Les indicateurs de pauvreté montrent également des écarts importants au niveau régional. En effet, étant relativement plus développé et offrant davantage d’opportunités en termes d’emploi et de placement, Dakar est moins exposé à la pauvreté avec une d’incidence estimée à 26,1% et une sévérité de l’ordre de 2,1% (figure 8). La région de Louga qui bénéficie d’importants transferts de fonds issus de la diaspora arrive en deuxième position avec 26,8% de pauvres. Cependant, les régions de Kolda et Kédougou sont les plus exposées à la précarité avec des taux d’incidence estimés respectivement à 76,6% et 71,3% (figure 8). La pauvreté au Sénégal est également très liée aux caractéristiques démographiques. A cet égard, les ménages dirigés par des personnes âgées d’au moins 60 ans sont plus exposés. D’après le rapport de l’ESPS 2, ce groupe de ménage représente 38,7% du total des pauvres au Sénégal. Par ailleurs, les résultats des estimations de l’enquête montrent une certaine corrélation entre le sexe du chef de ménage et la situation de pauvreté. Il apparait dans les données de l’enquête que les ménages dirigés par les femmes sont relativement moins exposés avec un pourcentage de pauvres estimé à 34,7% contre 50,6% pour ceux dirigés par les hommes. Ce résultat s’inscrit en droite ligne avec ceux de la théorie économique du développement dans lesquels la plupart des travaux mettent en relief une relation positive entre l’amélioration des conditions de vie et le fait que le ménage soit dirigé par une femme. Figure 8 : Profil Social du Sénégal au niveau régional 150
incidence
écart de pauvreté
sévérité
100 50 0
Source : ESPS 2011, ANSD
17
Figure 9: Niveau de pauvreté au Sénégal en 2011
Source : ESPS 2011, ANSD
IV.
Méthodologie
La modélisation choisie dans le cadre de cette étude permettra, d’identifier les différentes interactions entre les agrégats macroéconomiques et les indicateurs de pauvreté et de mesurer l’impact des dépenses publiques sur le niveau de vie des ménages. A cet effet, la dernière enquête portant sur la pauvreté au Sénégal datant de 2011 réalisée par l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie sera utilisée. Ainsi, les Modèles d’Equilibre Général Calculable inter-temporels, qui ont la particularité d’offrir une lecture globale de l’impact des politiques économiques sur plusieurs périodes à partir d’une année référence donnée, semblent plus adaptés. Par ailleurs, un module de microsimulation sera également intégré dans la spécification du modèle afin d’avoir une connaissance fine des conséquences de la politique budgétaire jusqu’au niveau ménage. Le modèle sera également en mesure d’identifier les différents canaux de transmission, ainsi que les délais nécessaires à la perception des premiers effets sur les agrégats macroéconomiques et les indicateurs de pauvreté à travers la microsimulation. En outre, la spécification mettra en relief les relations entre les différents agents économiques à savoir l’Etat, les ménages, les firmes et le reste du monde. Elle prendra également en compte les fondamentaux structurels de l’économie sénégalaise, ce qui explique son fort niveau de désagrégation (15 secteurs) afin de faire ressortir les particularités de chaque 18
secteur. Par ailleurs, le modèle intègre une différenciation du prix pour mieux appréhender les caractéristiques socio-économiques de chaque localité du pays. Autrement dit, un ménage vivant à Dakar devrait se retrouve avec un niveau de prix différent du kaolackois et reflétant mieux les réalités économiques de la capitale sénégalaise. Cette prise en compte du pouvoir d’achat aura un fort impact sur les orientations en termes de politique économique. En outre, les hypothèses suivantes seront retenues : -
Le modèle considère une petite économie ouverte avec quatre agents (ménages, firmes, gouvernement et reste du monde), deux types de biens (biens domestiques et biens importés) et plusieurs secteurs d’activités j.
-
Les ménages détiennent les firmes (sur lesquelles elles reçoivent des dividendes), consomment des biens et services et offrent leur force de travail. Ils payent également la dette extérieure et des taxes au gouvernement.
-
Les firmes assurent la production. Elles payent également des taxes au gouvernement et distribuent des dividendes aux ménages.
-
Le reste du monde assure une partie du financement de l’investissement privé grâce à son épargne, paye des taxes au gouvernement et effectue des transferts vers les ménages et le gouvernement.
-
Le gouvernement collecte des taxes, effectue des transferts vers les ménages, consomme des biens et services et effectue des dépenses d’investissement.
-
Les agents économiques sont supposés avoir accès au marché mondial des capitaux sur lequel ils peuvent prêter et emprunter à taux d’intérêt constant 𝑟.
-
Les ménages et les firmes sont supposés vivre plus d’une période et ont un comportement prospectif. En d’autres termes, ils sont dotés de la faculté d’intégrer un arbitrage intertemporel dans leurs décisions de consommation et d’investissement. Le taux de croissance de la population explique aussi en partie le progrès technologique lié à l’utilisation du travail :
-
Toutes les variables du modèle sont exprimées per capita.
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Ménage représentatif : A chaque période, l’économie est peuplée par un nombre fini de ménages constituant une population qui croit à un taux annuel constant N. Le ménage représentatif maximise son utilité en consommant des biens et services et ne valorise pas le loisir. A chaque période, il est doté d’une unité de travail qu’il offre sur le marché ; l’offre étant inélastique à la demande. Le revenu courant des ménages provient des dividendes reçus des firmes, du revenu du travail, des transferts du gouvernement et du reste du monde. Le revenu du travail et les dividendes sont taxables. La ménage cherche, à chaque période, une allocation optimale pour son épargne et sa consommation. Le consommateur maximise sa fonction d’utilité inter-temporelle ∞
1 𝑡 𝑈𝑂 = ∑ ( ) 𝑙𝑛(𝐶𝑡 ) 1+𝜌 𝑡=0
Avec, 𝑈𝑂 , l’utilité du ménage, 𝜌, le taux de préférence pour le temps Sous la contrainte suivante :
F(t+1),h *(1 + N) = (1 + r)*Ft,h + βk h *(1-t L )*Wt *LSt + TRGHt,h +ER t *TRROWHt,h -PCt,h *Ct,h - βk h * t k * ∑ Div(j, t) j
Où Ft ,h , représente la richesse financière du ménage h, 𝑡𝐿 correspond au taux de taxe sur le revenu du travail, Wt est le taux de salaire, 𝐿𝑆𝑡 , l’offre de travail, 𝑇𝑅𝐺𝐻𝑡,ℎ les transferts du gouvernement au ménage h, 𝐸𝑅𝑡 , le taux de change nominal, 𝑇𝑅𝑅𝑂𝑊𝐻𝑡,ℎ , les transferts du reste du monde au ménage, 𝑡𝑘 , le taux de taxe sur les revenus du capital et 𝐷𝑖𝑣(𝑗, 𝑡), les dividendes versées par les firmes aux ménages. La contrainte budgétaire du ménage peut également être sous sa forme agrégée, 𝛽𝑘ℎ la part du ménage h dans le revenu global des ménage.
20
ℎ
F(t+1) ∗ (1 + N) = (1 + r) ∗ Ft + (1 − t L ) ∗ Wt ∗ LSt + ∑ TRGHt,h 𝑡=0 ℎ
ℎ
+ER t ∗ ∑ TRROWH t,h − ∑ PCt,h ∗ Ct,h − ∗ t k ∗ ∑ Div(j, t) 𝑡=0
Avec
𝑡=0
j
Ft, = ∑ℎ𝑡=0 Ft,h
Après avoir déterminé son niveau de dépenses de consommation agrégée, le ménage procède à son allocation à travers les différents biens en utilisant une spécification de type CobbDouglas : 𝐶𝑡,ℎ = 𝐴𝐶ℎ ∗ ∏ 𝐶𝑖,ℎ,𝑡 𝛼𝑐𝑖,ℎ 𝑖
Avec 𝐶𝑖,ℎ,𝑡 , la consommation du ménage en bien i, 𝐴𝐶ℎ , le paramètre d’échelle de la fonction Cobb Douglas du ménage représentatif h, 𝛼𝑐𝑖,ℎ , la part du bien i dans la consommation totale du ménage. Les conditions de premier ordre qui en découlent permettent de calculer 𝑃𝐶ℎ,𝑡 (qui est un prix dual) du ménage h ainsi que sa consommation en bien i. Cette étape qui traduit les préférences des ménages en termes de choix d’allocation des ressources entre les différents biens permet de déterminer les prix composites des différents paniers de consommation. Ainsi en fonction de ses habitudes de consommation et chaque ménage se retrouve avec un prix spécifique reflétant la réalité de son environnement économique. Cette forme de modélisation offre une différenciation des prix selon les districts à travers la technologie utilisée et la pression fiscale qui varient en fonction des secteurs de l’économie. En effet, chaque secteur i de l’économie se caractérise par un prix 𝑃𝑖,𝑡 qui est étroitement lié à la technologie qu’il utilise, de même l’autorité publique dans sa politique fiscale applique des taux différents selon les produits. Ainsi, le ménage en fonction de ses préférences choisit le panier qui optimise son utilité et minimise le prix à chaque période. Gouvernement La dépense totale du gouvernement est considérée comme exogène. Elle agrège les dépenses par produit suivant une spécification de type Cobb-Douglas.
21
Les conditions de premier ordre de la minimisation de la fonction de dépenses de consommation du gouvernement permettent de déterminer les dépenses de consommation du gouvernement par produit et le prix composite. Les prix 𝑃𝐶𝐺𝑖𝑡 sont évalués avec taxe. Dans ce modèle, le solde budgétaire est par hypothèse versé aux ménages min GTOTt = AG ∏ PCGit Git αGi Git
i
Sous la contrainte 𝑃𝐺𝑡 𝐺𝑇𝑂𝑇𝑡 = ∑𝑖 𝑃𝐶𝐺𝑖𝑡 𝐺𝑖𝑡
Ainsi, les dépenses courantes hors transferts qui constituent souvent une demande effective pour le secteur privé offrent des débouchés aux firmes, améliorent indirectement le revenu du ménage et par conséquence ses conditions de vie. Par ailleurs, les investissements publics réalisés par le gouvernement sont essentiellement des supports à la création de richesses et entrent dans la fonction de production comme un capital physique public qui agit positivement sur la productivité globale des facteurs. Concernant, les dépenses sociales, elles peuvent agir également sur la productivité globale des facteurs en assurant la mise en place de dispositifs sécuritaires et juridiques, en favorisant le bon fonctionnement des marchés, le respect des droits de propriété, l’accès aux besoins de première nécessité, etc. Les équations d’accumulation de capital permettent de définir le stock de capital physique à chaque période. L’équation suivante est celle relative à la dynamique du capital physique privé (1 + 𝑁)𝐾𝐺𝑗,𝑡+1 = (1 − 𝛿𝑔)𝐾𝐺𝑗,𝑡 + 𝜑𝑗 𝐺𝐼𝑁𝑉𝐽,𝑡 𝐾𝐺𝑗,𝑡+1 représente le capital physique public dans le secteur j à la période t+1 et 𝜑𝑗 paramètre d’efficience des dépenses d’investissement public dans le secteur j, 𝐺𝐼𝑁𝑉𝑡 les dépenses d’investissement public en capital physique, 𝑁 le taux de croissance annuelle de la population. Cette dynamique permet de quantifier à chaque période le stock de capital physique disponible dans l’économie. L’équation suivante est celle des dépenses publiques en fonction de ses deux grandes composantes :
𝐺𝑡 = 𝐺𝐶𝑡 + 𝐺𝐼𝑁𝑉𝑡 22
Avec 𝐺𝐶𝑡 les dépenses courantes, 𝐺𝐼𝑁𝑉𝑡 les dépenses d’investissement en capital physique, 𝐺𝐼𝑁𝑉𝑗,𝑡 = 𝛾𝑗 𝐺𝐼𝑁𝑉𝑡 Avec 𝐺𝐼𝑁𝑉𝑗,𝑡 les dépenses d’investissement de l’Etat dans le secteur j et 𝛾𝑗 la part du secteur j dans les investissements publics. La Firme Représentative : Dans chaque secteur, la firme représentative produit un seul bien i composite en utilisant du travail, du capital et des biens de consommation intermédiaires. Chaque bien composite, produit par la firme, est une combinaison, de la valeur ajoutée et de biens de consommation intermédiaires. Le travail et le capital combinés, génèrent de la valeur ajoutée, avec une technologie d’élasticité de substitution constante (CES). Le facteur travail est supposé parfaitement mobile entre les différents secteurs de production tandis que le capital physique est spécifique à chaque secteur, dans le court terme. Les firmes, font, par ailleurs, face à deux types de taxes : la taxe sur la production 𝑡𝑝𝑗 et la taxe sur les consommations intermédiaires 𝑡𝑣𝑗 . A l’instar du ménage, le comportement de la firme représentative est compartimenté. En effet, elle choisit d’abord à chaque période les niveaux appropriés d’investissement, de travail, de consommations intermédiaires afin de maximiser son profit inter-temporel sous réserve de l’accumulation du capital. Ensuite, elle décide de l’allocation de sa production suivant les différents marchés. En outre, par hypothèse l’investissement comprend des coûts d’ajustement ou coûts d’installation que l’entreprise supporte à chaque augmentation de capital. De ce fait, la firme maximise son profit inter-temporel 𝑉0 sous la contrainte de l’accumulation du capital 𝑉0 = ∑ ( 𝑡
1 𝑡 ) 𝐷𝐼𝑉𝑗𝑡 1+𝑟
sous la contrainte de la dynamique du capital (𝑁 + 1)𝐾𝑗𝑡+1 = (1 − 𝛿𝑘𝑗 )𝐾𝑗𝑡 + 𝐼𝑁𝑉𝑗𝑡 avec 𝐾𝑗𝑡 le stock de capital, 𝑁 le taux de croissance de la population et 𝐼𝑁𝑉𝑗𝑡 l’investissement privé à l’instant t. 𝜂
1−
𝑉𝐴𝑗𝑡 = 𝐴𝑉𝑗 𝐾𝐺𝑗,𝑡 [𝛼𝑣𝑗 𝐾𝑗𝑡
1 𝜎𝑣𝑗
1−
+ (1 − 𝛼𝑣𝑗 )𝐿𝐷𝑗𝑡
1 𝜎𝑣𝑗 𝜎𝑣𝑗
]
23
Avec 𝛼𝑣𝑗 la part du facteur capital de la fonction de valeur ajoutée, 𝜎𝑣𝑗 un paramètre d’élasticité des facteurs (travail et capital) dans la fonction de valeur ajoutée du secteur j, 𝜂 l’élasticité de la valeur ajoutée par rapport aux évolutions du stock de capital public physique, 𝐿𝐷𝑗𝑡 la demande de travail du secteur j, 𝐴𝑉𝑗𝑡 le paramètre d’échelle de la fonction de valeur ajoutée, 𝐾𝑗𝑡 stock de capital privé et 𝐾𝐺𝑗𝑡 celui du capital public.
Equations du Reste du Monde
La production agrégée XTS des entreprises est ventilée suivant les différents types de marchés à chaque période. En d’autres termes, chaque firme alloue sa production locale
XDS it
XTS it
entre vente
et exportations EX it . L’optimisation est réalisée par maximisation du revenu : 𝑀𝑎𝑥 𝑃𝑋𝑇𝑆𝑖𝑡 ∗ 𝑋𝑇𝑆𝑖𝑡 = 𝑃𝐸𝑥𝑖𝑡 ∗ 𝐸𝑥𝑖𝑡 + 𝑃𝐷𝑖𝑡 ∗ 𝑋𝐷𝑆𝑖𝑡
Sous la contrainte 1 Xi 1 Xi XTS it AX i Xi * EX it Xi 1 Xi * XDS it Xi
Xi 1 Xi
Par ailleurs, l’hypothèse d’Armington est formulée de la manière suivante : la demande totale de chaque bien i est composée d’importation et de production locale. 𝑀𝑎𝑥 𝑃𝐶𝑖𝑡 ∗ 𝑋𝑇𝐷𝑖𝑡 = 𝑃𝑀𝑖𝑡 ∗ 𝑀𝑖𝑡 + 𝑃𝐷𝑖𝑡 ∗ 𝑋𝐷𝐷𝑖𝑡
Sous la contrainte Mi 1 Mi 1 Mi XTDit AM i Mi * M i 1 Mi * XDD Mi
Mi 1 Mi
L’épargne du reste du monde, correspondant à l’opposé du solde du compte courant et l’équation d’accumulation de la dette extérieure sont données respectivement par les expressions suivantes : ℎ
𝐹𝑆𝐴𝑉𝑡 = 𝑃𝑊𝑀𝑖𝑡 ∗ 𝑀𝑖𝑡 − ∑ 𝑃𝑊𝐸𝑋𝑖𝑡 ∗ 𝐸𝑋𝑖𝑡 − ER t ∗ ∑ TRROWH t,h − 𝑇𝑅𝑅𝑂𝑊𝐺𝑡 𝑖
𝑡=0
(1 + 𝑁) ∗ 𝐵𝐹𝑡+1 = 𝐵𝐹𝑡 ∗ (1 + 𝑟)+𝐸𝑅𝑡 ∗ 𝐹𝑆𝐴𝑉𝑡 24
En outre, cinq conditions d’équilibre caractérisent le modèle : D’abord, l’offre totale du produit composite est égale à la somme des demandes intermédiaires, de la consommation finale des ménages, de la consommation du gouvernement, de l’investissement gouvernementale et des variations de stock.
XTDit Cit Git DINVit GINVit Vijt DSTK it j
La deuxième condition d’équilibre est celle du marché du travail ∑ 𝐿𝐷𝑗𝑡 = 𝐿𝑆𝑡 𝑗
Sur le marché des biens et services, les prix s’ajustent pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande 𝑋𝐷𝐷𝑖𝑡 = 𝑋𝐷𝑆𝑖𝑡 La quatrième condition est relative à l’équilibre entre l’épargne des agents économiques et du reste du monde avec l’investissement totale 𝐹𝑡 = 𝑊𝐾𝑡 − 𝐸𝑅𝑡 𝐵𝐹𝑡 Enfin, la valeur de la firme est déterminée par la condition suivante 𝑊𝐾𝑡 = ∑𝑗 𝑄𝑗𝑡 ∗ 𝐾𝑗𝑡+1 La désagrégation du compte ménage dans la MCS s’avère nécessaire dans la mesure où l’étude ambitionne de mesurer l’impact des dépenses publiques sur le la pauvreté et les inégalités au Sénégal. Cela nous permettra d’avoir des effets très variés liés aux décisions économiques souvent différentes des ménages. En outre, l’ESPS 2 (Enquête de suivi de la Pauvreté au Sénégal) réalisée en 2011 sera utilisée comme base de données d’enquête pour estimer l’impact des dépenses publiques au niveau des ménages à travers un module de micro simulation. A cet effet, la méthode FGT qui permet appréhender la pauvreté au sens monétaire a été retenue pour le calcul des indicateurs de pauvreté classiques en l’occurrence l’incidence, la sévérité et la profondeur. Ainsi, d’après cette approche l’incidence de la pauvreté représente la part de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, elle est calculée selon la formule suivante : 25
𝐻 = 𝑃⁄𝑁 Avec H, l’incidence de la pauvreté, P, le nombre de pauvres et N, la population totale. La profondeur, quant à elle mesure l’écart entre la consommation d’un ménage pauvre et celui d’un ménage qui se trouve sur la frontière de pauvreté. Elle permet de mettre en relief le gap exprimé en termes monétaire empêchant à un ménage donné de sortir de la situation de pauvreté. Contrairement, à la profondeur, la sévérité est égale au carré de la distance qui sépare le ménage de la frontière de pauvreté et elle s’obtient grâce à la formule suivant : 𝑃 𝑌 − 𝑌𝑓 𝑆 = ∑ 1⁄𝑁 ( )² 𝑌𝑓 𝑁
Avec Y et 𝑌𝑓 la consommation d’un ménage donné et la frontière de pauvreté Enfin, le coefficient de concentration de Gini sera utilisé pour mesurer l’impact des politiques budgétaires sur les inégalités sociales au Sénégal. Ce coefficient est très couramment utilisé dans la littérature économique pour le calcul des inégalités.
26
V.
RESULTATS ET INTERPRETATIONS
Pour analyser l’impact des dépenses publiques sur la pauvreté et les inégalités, plusieurs scénarii ont été simulés afin d’avoir une parfaite visibilité sur le rôle de la politique budgétaire, à travers ses différentes composantes, en matière de lutte contre la pauvreté. Simulation 1 Le premier scénario consiste à effectuer des chocs isolés sur les deux composantes des dépenses publiques à savoir celles d’investissement et courantes hors transferts sur une période de cinq ans. L’amplitude de ces chocs sera égale aux progressions moyennes des deux agrégats observés depuis 2014 correspondant à l’année de la mise en œuvre du PSE. Cela permettra d’identifier le type de dépense qui contribuerait le plus à la réduction de la pauvreté, et qui pourrait être choisi comme levier phare dans la quête de l’amélioration du bien-être des populations sénégalaises. Simulation 2 Dans une optique de mesurer l’impact de certains programmes qui s’inscrivent dans le volet social du PSE tels que la Couverture maladie Universelle et la Bourse de Sécurité Familiale, des scénarii de simulation spécifiques à ces programmes ont été également mis en œuvre. Simulation sur les Bourses de Sécurité Familiale Le programme de bourse de sécurité familiale a connu une ampleur et une dimension considérable, depuis sa mise en œuvre avec un premier lot de 50 000 ménages devant bénéficier d’une allocation annuelle à hauteur de 100 000 FCFA. La loi de finance initiale en l’occurrence celle de 2018 prévoit une enveloppe de 40 milliards de FCFA destinée à 400 000 ménages sénégalais traduisant une nette augmentation de la population ciblée et témoignant de la forte progression durant les 5 premières années de mise en œuvre. Ainsi, la simulation pour l’évaluation de ce programme sera traduite par un choc sur les transferts de l’Etat à hauteur de 1 00 000 FCFA vers les 400 000 ménages les plus démunis caractérisés par les niveaux de sévérité les plus élevés. Simulation sur la Couverture Maladie Universelle Pour mesurer l’impact attendu du programme de Couverture Maladie Universelle, les différentes composantes sont prises en compte à savoir le plan SESAME, la gratuité des soins pour les moins de cinq ans et les Mutuelles de Santé pour envisager le scénario le plus réaliste 27
possible. Par ailleurs, les dépenses de santé seront réparties de façon équitable entre les différentes personnes d’un même ménage afin de déterminer la part allouée à chaque membre. Ainsi, concernant la gratuité des soins pour les moins de 5ans, seuls les frais de consultations sont subventionnés, donc la simulation prend dans un premier temps toutes les dépenses consenties par le ménage pour cette ligne budgétaire au profit des personnes qui rentrent dans cette catégorie d’âge. Par ailleurs, le plan SESAME qui se caractérise par une prise en charge de l’ensemble des dépenses de santé sauf celle dédiées à l’achat de médicaments pour les personnes âgées de 60 ans ou plus, sera également pris en compte. Enfin, les mutuelles qui représentent la composante principale de la CMU, seront intégrées de deux manières. Elles devraient d’abord se traduire par un transfert du gouvernement égal à 80% des dépenses en santé des personnes (supposés être les plus pauvres) qui ont adhéré aux programmes des mutuelles à travers la CMU et ne concerneront que 43,6% de ménages supplémentaires au niveau national afin d’atteindre l’objectif d’une couverture nationale fixé à 75% en 2017 par les autorités. En somme, le scénario pour la CMU va se traduire comme un transfert du gouvernement vers les ménages qui portera sur toutes les composantes réunies (SESAME, Mutuelle et gratuité moins de 5ans) afin de faciliter l’accès au soin de santé et donc améliorer le revenu et le niveau de vie des ménages. Résultats des simulations La simulation réalisée sur les dépenses d’investissement de l’Etat montre globalement une amélioration de la consommation des ménages d’environ 1% en moyenne sur les deux premières périodes. Par la suite, les ménages ont revu globalement leur consommation à la baisse afin d’augmenter leurs placements se traduisant par une hausse considérable de l’investissement à partir de la deuxième période d’environ 7,6% (contre 3,1% sur la première période). Par ailleurs, le PIB a connu une augmentation de 3,4% sur la période de simulation. Ces résultats s’expliquent par l’accumulation du capital public qui agit directement sur la productivité globale stimulant ainsi l’activité économique. Cela a favorisé l’accroissement de la valeur ajoutée et par voie de conséquence une hausse de la rémunération des facteurs de production en particulier le salaire qui a augmenté de 1,2 % en moyenne. Dans le même sillage, la rémunération du capital a enregistré une évolution positive à hauteur de 2%. Ces résultats témoignent d’une hausse de la richesse des ménages qui devrait avoir un impact positif sur l’amélioration du bien-être et donc sur la réduction de la pauvreté. En effet, les dépenses d’investissement de l’Etat permettraient à 36 880 ménages de sortir de la pauvreté soit environ 344 721 personnes. A cet égard, la répartition spatiale du choc selon les zones d’habitation 28
montre une réponse plus importante dans le milieu rural avec une part estimée à 46% contre 24,3% et 29,7% respectivement à Dakar et dans les autres centres urbains. Figure 10 : Répartition de l'impact des dépenses publiques sur l'incidence de la pauvreté selon le milieu résidence 100% 80%
29,7%
60%
24,3%
90,5%
40% 46,0%
20%
41,0%
0% -31,5%
Ginv
-20%
Rural
Dakar
GC
Autres villes
Par ailleurs, l’impact laisse apparaitre une nette baisse de l’incidence de la pauvreté qui diminue en milieu urbain de Dakar et les autres villes ainsi qu’en zone rurale, avec des baisses respectives de 5,8%, 7,9% et 3,6% du nombre de pauvres par rapport à la situation de référence. En outre une réduction des inégalités sociales devrait être observée au niveau national avec une légère baisse de l’indice de Gini estimée à 1,78%, avec une diminution plus importante dans les autres villes de l’ordre de 3,4% par rapport à la situation de référence (annexe 1).
Figure 11 : Impact des dépenses courantes et d'investissement public sur la sévérité (en % par rapport à la situation initiale) 0,02 0,01 0 -0,01
Ginv
GC
-0,02 -0,03
En somme, les dépenses d’investissement de l’Etat devraient avoir un impact globalement positif sur la sévérité et la profondeur de la pauvreté au plan national, avec des baisses estimées à 1,1% et 3,1% (figure 11 et 12). 29
Figure 12 : Baisse de la profondeur par rapport à la situation initiale
0,1 0,08 0,06 0,04 0,02 0 Ginv
GC
bourse
CMU
Cependant, le choc effectué sur les dépenses courantes hors transferts révèle un impact relativement différent sur les agrégats macroéconomiques mais également sur les canaux de transmissions en termes de politique de lutte contre la pauvreté, comparé aux dépenses publiques d’investissement. Ainsi, il apparait qu’une hausse de ces dépenses se traduit par une augmentation des richesses du pays avec une contribution sur l’accroissement du PIB à hauteur de 1,5%, qui s’expliquerait par l’accroissement de la demande effective à travers l’augmentation des dépenses de consommation de l’Etat. Cet impact est relativement moins important confronté à celui des dépenses investissements publics et s’explique essentiellement par l’augmentation de la demande effective à travers la commande publique qui stimule la production. Par contre, la consommation privée agrégée diminue en moyenne de 2% sur la période, du fait de la hausse de la TVA pour satisfaire les besoins de financement de l’Etat. Cette évolution globalement négative cache des disparités importantes à l’échelle des ménages, car la majorité aurait revu leur consommation à la hausse. En outre, les résultats montrent une légère augmentation de l’investissement privé de 0,04% sur la période de simulation qui s’explique en partie par l’accroissement de la rentabilité des rémunérations du capital. Par ailleurs, l’impact sur les indicateurs de pauvreté s’avère globalement positif avec des effets très différents suivant le milieu de résidence. Il apparait que les ménages qui habitent dans les zones urbaines à savoir Dakar et les autres villes bénéficient davantage d’une hausse des dépenses courantes hors transferts avec une nette réduction de l’incidence de la pauvreté qui baisserait respectivement de 2,1% et 5,1%. En d’autres termes, cela permettrait à 3243 ménages dakarois de sortir de la pauvreté, de même que 7151 ménages des autres zones urbaines. Cependant, l’impact apparait plutôt négatif en milieu rural qui devrait observer une légère dégradation de l’incidence à hauteur de 0,5%, à cause de la hausse des prix. Cela pourrait s’expliquer par la commande publique qui est plus avantageuse pour les ménages disposant d’une part de capital importante et résidant le plus souvent en zone urbaine. Ainsi, cela permettrait aux entrepreneurs 30
de ces localités de bénéficier d’une demande effective supplémentaire incitative à la production et par voie de conséquence à une hausse du revenu. Une baisse des inégalités mesurées par l’Indice de Gini serait également perceptible avec une réduction des disparités sociales au niveau national à hauteur de 1,8%. La politique de Couverture Maladie Universelle, quant à elle se traduirait par une hausse des transferts de l’Etat d’environ 0,08% du PIB pour un niveau de couverture nationale de l’ordre de 75%. Cette politique qui vise à faciliter l’accès aux soins médicaux permet de soulager financièrement les ménages en augmentant leurs budgets et leur offre l’opportunité de faire face aux dépenses de santé qui sont souvent imprévues. Ainsi, les résultats montrent une amélioration de la consommation privée à l’échelle nationale d’environ 0,11%. Cette progression est couplée à une hausse de l’investissement privé sur les trois premières périodes de simulation en réponse à l’augmentation du revenu des ménages. Ces résultats constatés au niveau des agrégats macroéconomiques devraient se traduire par des améliorations considérables en termes de bien-être social pour les ménages à travers les indicateurs de pauvreté et d’inégalité. Figure 13 : répartition des impacts du programme de Bourses Sociales et de la CMU selon le milieu de résidence 100% 80% 60%
26,0%
27,7%
27,3%
22,2%
46,7%
50,1%
Bourse
CMU
40% 20% 0%
Rural
Dakar
Autres villes
L’impact au niveau des indicateurs de pauvreté révèle une diminution significative de l’incidence d’environ 5,3%, ce qui correspond à 40 283 ménages qui devraient sortir de la pauvreté soit 371 019 personnes. Dans le même sillage, la profondeur et la sévérité devraient reculer respectivement de 4,2% et 2,6%. L’analyse des résultats selon la zone de résidence révèle que les ruraux sont les plus impactés avec environ 20171 ménages qui devraient sortir de la pauvreté. Une réduction des disparités sociales pourrait également être observée avec une diminution de l’indice de Gini de l’ordre de 1,9% au plan national.
31
Figure 14 : Impact de la CMU et des Bourses de sécurité familiale sur la Sevérité (en % par rapport à la situation initiale)
0,14 0,12 0,1 0,08 0,06 0,04 0,02 0 Bourse
CMU
Enfin, la dernière simulation concerne le programme des bourses de sécurité familiale qui se traduit par un transfert de l’Etat de 100 000 CFA/an destiné aux 400 000 ménages les plus pauvres du Sénégal. A cet effet, l’impact de ce programme sur les agrégats macroéconomiques révèle une hausse moyenne du PIB d’environ 0,5% en réponse à l’augmentation de la consommation privée agrégée qui devrait également connaitre une légère hausse estimée à 0,11% sur la période de simulation. Dans la même veine, les bourses de sécurité familiale impacteraient le plus la profondeur de la pauvreté qui devrait reculer significativement d’environ 11,8% par rapport à la situation de référence, de même que la sévérité qui baisserait de 8,6% sur le territoire national. Elles auraient également un impact considérable sur les inégalités sociales avec une diminution de l’indice de Gini estimée à 3,6% (annexe 2). Ces résultats s’expliquent en partie par le caractère social de ces fonds qui sont souvent utilisés comme des compléments à la consommation des ménages. En outre, le fait d’avoir choisi les ménages les plus pauvres dans la mise en œuvre de ce programme, peut être perçu comme une politique de redistribution agissant significativement sur la réduction des inégalités. L’analyse de l’impact sur les disparités sociales selon la zone de résidence montre une réduction de l’indice de Gini dans le milieu urbain de Dakar, ainsi que dans les autres villes et le monde rural estimée respectivement à 2,75%, 5,01% et 1,45%. Par ailleurs, le programme des bourses, permettrait à 32 772 ménages de sortir de la pauvreté, dont les 46,7% résident en milieu rural contre 27,3% et 26% respectivement à Dakar et les autres villes.
32
VI.
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Cette étude a eu pour objectif principal de mesurer l’impact des dépenses publiques courantes et d’investissement de même que celui des programmes de bourses de sécurité familiale et de la couverture maladie universelle sur la pauvreté et les inégalités sociales au Sénégal. Elle a ainsi permis d’identifier le rôle de la politique budgétaire dans la lutte contre la pauvreté. Il ressort des résultats que les bourses sociales constituent l’instrument qui agirait le plus sur la plupart des indicateurs de pauvreté et d’inégalité, avec des impacts sur la profondeur, la sévérité et l’indice de Gini estimés à 11,8%, 8,6% et 3,6%. Elles offriraient aussi l’opportunité à 32 772 ménages de changer de statut en sortant de la situation de pauvreté. Cependant, les investissements de l’Etat permettraient à plus de ménages de sortir de la pauvreté, comparés aux dépenses publiques courantes avec 36 880 ménages qui quitteraient le statut de pauvre soit environ 344 721 personnes sur le territoire national. Les investissements publics réduiraient également considérablement la précarité et amélioreraient le niveau de vie des ménages. En effet, la sévérité et la profondeur devraient connaitre des baisses de l’ordre de 1,1% et 3,1%. A cela s’ajoute, le fait que ces investissements agiraient positivement sur la plupart des agrégats macroéconomiques. Les dépenses courantes hors transferts auraient aussi des résultats importants en termes d’amélioration des conditions de vie des Sénégalais. Cependant, l’impact est mitigé car malgré un résultat globalement positif sur les indicateurs de pauvreté, elles seraient plus profitables au monde urbain contrairement au milieu rural où l’impact pourrait être négatif à cause notamment d’une hausse des prix. L’incidence baisserait de 0,3% à l’échelle nationale et augmenterait d’environ 0,5% en milieu rural. En somme, les dépenses courantes hors transferts devraient permettre à 7 903 ménages de sortir de la pauvreté. Enfin, la couverture maladie universelle constituerait l’instrument le plus apte à faire changer de statut social les Sénégalais, avec environ 40 283 ménages qui sortiraient de la pauvreté soit une estimation de 371 019 personnes à l’échelle nationale. Son impact sur les autres indicateurs de pauvreté et d’inégalité serait également significatif avec des réductions de la sévérité, de la profondeur et de l’indice de Gini respectivement d’environ 4,2%, 2,6% et 1,5% par rapport à la situation initiale. Cependant, malgré les impacts globalement positifs constatés certaines mesures permettraient d’améliorer les résultats obtenus.
33
A cet effet, il serait judicieux d’utiliser davantage les dépenses d’investissement public de la lutte contre la pauvreté et les inégalités, car elles constituent un instrument efficace et un moyen d’assurer une stabilité macroéconomique tout en stimulant l’activité économique. Les dépenses courantes hors transferts constitueraient également un bon instrument en matière de politique de réduction de la pauvreté. Cependant, leur impact pourrait être amélioré en favorisant l’accès à la commande publique aux entrepreneurs Sénégalais. De même, pour accroitre ses moyens budgétaires, l’Etat pourrait relever le taux des taxes spécifiques et/ou ajouter une ligne de taxation (par exemple sur la consommation de biens de luxe) afin de mieux prendre en compte des disparités sociales et d’avoir un meilleur effet en milieu rural. Par ailleurs, la politique liée aux bourses de sécurité sociale constituerait un outil important pour l’amélioration de la qualité de vie des Sénégalais. Cependant, l’impact devrait augmenter à travers une meilleure politique de ciblage visant à sélectionner les ménages les plus nécessiteux. Dans le même sillage, l’incidence de ce programme serait plus importante par le biais d’une discrimination positive consistant à offrir un montant relativement plus élevé aux ménages les plus démunis et à prendre en compte les différences en termes de pouvoir d’achat caractérisant les différentes localités du pays. Enfin, le programme de couverture maladie universelle, malgré son impact significatif attendu sur la pauvreté, pourrait s’améliorer par la biais d’une augmentation du taux de couverture nationale d’une part, mais aussi à travers l’intégration de plus de lignes de dépenses de santé dans la prise en charge des moins de 5 ans.
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36
ANNEXE:
Annexe 1 résultats des simulations sur la profondeur et la sévérité
Sevérité Ginv
Profondeur 0,01081189
0,03077304
-0,02245686
0,0032409
Bourse
0,11816081
0,08552957
CMU
0,02630249
0,04187437
GC
Annexe 2 : résultats des simulations sur l’indice de GINI
gini %
Rural
Autres villes urbaines
Dakar
Total
Ginv
1,71%
-2,06%
-3,42%
-1,78%
GC
1,68%
-2,08%
-3,45%
-1,80%
-1,44%
-2,75%
-5,02%
-2,12%
1,48%
-2,16%
-3,47%
-1,93%
bourse
CMU
37
38