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Réseaux d’innovation VERS DE NOUVEAUX MODÈLES DE GESTION DES ÉCOLES ET DES SYSTÈMES
Ce nouveau volume de la collection L’école de demain du CERI présente l’analyse issue de ces séminaires. Il vient compléter les précédents volumes consacrés à l’innovation, aux scénarios d’évolution de l’école, aux TIC dans l’enseignement et à la fracture numérique en matière d’apprentissage. Cet ouvrage, qui étudie des exemples de politiques et de réseaux éducatifs innovants, réunit les recherches conduites dans ce domaine par des spécialistes de différents pays et disciplines. Il présente les grandes orientations politiques et pratiques qui se dégagent de ces séminaires. Cette publication ne manquera pas d’intéresser tous les acteurs et observateurs du changement éducatif des pays de l’OCDE.
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ISBN 92-64-10036-9 96 2003 04 2 P
VERS DE NOUVEAUX MODÈLES DE GESTION DES ÉCOLES ET DES SYSTÈMES
On associe de plus en plus souvent les pays de l’OCDE à des « sociétés en réseau ». Cette évolution conduit inévitablement à s’interroger sur le rôle des réseaux éducatifs. Dans quelle mesure ceux-ci peuvent-ils se substituer aux pesantes bureaucraties comme modes de gestion et comme sources d’innovation et de professionnalisme ? D’aucuns, comme le Professeur Michael Barber dans ce volume, prédisent l’effondrement des grands services publics, dont l’évolution est si lente. Mais si tel est le cas, par quoi seront-ils remplacés et comment garantir que ce changement soit porteur de réels progrès ? Et face à l’autonomie croissante des écoles et à la complexité grandissante du monde, quelles formes d’organisation et de gouvernance pourront empêcher la fragmentation du système d’éducation et le chaos ? Voilà quelques-unes des questions qui ont inspiré les récents séminaires organisés en Hongrie, aux Pays-Bas et au Portugal, avec la collaboration du Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement (CERI) de l’OCDE. Ces séminaires ont analysé les modalités – et non seulement la nature et les raisons – de la transformation de l’école de demain.
Réseaux d’innovation
L’école de demain
« L’école de demain
Réseaux d’innovation VERS DE NOUVEAUX MODÈLES DE GESTION DES ÉCOLES ET DES SYSTÈMES
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L’école de demain
Réseaux d’innovation Vers de nouveaux modèles de gestion des écoles et des systèmes
ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES
ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES En vertu de l’article 1er de la Convention signée le 14 décembre 1960, à Paris, et entrée en vigueur le 30 septembre 1961, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) a pour objectif de promouvoir des politiques visant : – à réaliser la plus forte expansion de l’économie et de l’emploi et une progression du niveau de vie dans les pays membres, tout en maintenant la stabilité financière, et à contribuer ainsi au développement de l’économie mondiale ; – à contribuer à une saine expansion économique dans les pays membres, ainsi que les pays non membres, en voie de développement économique ; – à contribuer à l’expansion du commerce mondial sur une base multilatérale et non discriminatoire conformément aux obligations internationales. Les pays membres originaires de l’OCDE sont : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse et la Turquie. Les pays suivants sont ultérieurement devenus membres par adhésion aux dates indiquées ci-après : le Japon (28 avril 1964), la Finlande (28 janvier 1969), l’Australie (7 juin 1971), la NouvelleZélande (29 mai 1973), le Mexique (18 mai 1994), la République tchèque (21 décembre 1995), la Hongrie (7 mai 1996), la Pologne (22 novembre 1996), la Corée (12 décembre 1996) et la République slovaque (14 décembre 2000). La Commission des Communautés européennes participe aux travaux de l’OCDE (article 13 de la Convention de l’OCDE).
Also available in English under the title:
Networks of Innovation Towards New Models for Managing Schools and Systems
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AVANT-PROPOS
Avant-propos Ce rapport est la nouvelle publication du projet du CERI de l’OCDE sur « L’école de demain ». Les précédents volumes avaient décrit les défis qui se posent aux écoles et systèmes innovants, analysé les tendances et construit des scénarios, et s’étaient intéressés aux TIC à l’école et à la « fracture numérique de l’apprentissage ». Cette collection doit son origine à une réunion des ministres de l’Éducation de l’OCDE de 1996, à l’occasion de laquelle l’OCDE avait été invitée à « évaluer ce qu’impliquent différentes visions de l’école de demain ». Alors que la précédente analyse de « L’école de demain » s’attachait aux tendances et scénarios généraux (OCDE, 2001a), ce volume s’intéresse aux moyens par lesquels ces avenirs brossés à grands traits pourraient se concrétiser – le « comment ? », en plus du « quoi ? » et du « pourquoi ? », des transformations de l’école de demain. Beaucoup déplorent la persistance tenace de modèles bureaucratiques d’écoles et de systèmes datant de « l’ère industrielle », inadaptés aux sociétés du savoir du XXIe siècle. Dans quelle mesure les réseaux éducatifs peuvent-ils se substituer aux pesantes bureaucraties comme sources d’innovation, de décision et de professionnalisme ? Et quelles sont les formes plus larges de gestion et de gouvernance adaptées à des systèmes dans lesquels les écoles sont plus autonomes, les sources d’apprentissage de plus en plus diversifiées et le monde plus complexe ? Ces questions constituent le fil conducteur des différents chapitres de ce volume. Ce rapport repose sur les analyses et conclusions de trois conférences organisées dans trois pays de l’OCDE : le séminaire Portugal/OCDE, « L’école de demain : innovation et réseaux » (Lisbonne, septembre 2000) ; la conférence Pays-Bas/OCDE dédiée à « L’école de demain » (Rotterdam, novembre 2000) et la conférence Hongrie/OCDE consacrée à la « Gestion de l’éducation pour l’apprentissage tout au long de la vie » (Budapest, décembre 2001). La participation à Rotterdam et à Budapest était ouverte aux experts et fonctionnaires de tous les pays de l’OCDE, tandis que le séminaire de Lisbonne a réuni un petit nombre de réseaux éducatifs innovants. Ce rapport comprend trois parties précédées d’une introduction du Secrétariat qui analyse les principaux thèmes et enjeux et établit le lien avec les scénarios de l’école de demain. La première partie présente une sélection d’analyses de spécialistes consacrées aux réseaux et à la gouvernance dans l’enseignement (par Hans F. van Aalst, Judith Chapman, Ron Glatter, Bill Mulford, Dale Shuttleworth, Anne Sliwka). Malgré le large éventail de recherches et de pays évoqués, ces chapitres ne sauraient prétendre à
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AVANT-PROPOS
l’exhaustivité. Les chapitres réunis dans la deuxième partie sont dédiés aux pays d’accueil des conférences : le premier a été rédigé par Maria do Céu Roldão (Portugal), le deuxième par Gabor Halász (Hongrie), le troisième, qui est consacré aux Pays-Bas, s’appuie sur des rapports politiques récents, tandis que le chapitre de Michael Barber, qui reprend le discours principal de la conférence de Rotterdam et fait largement référence aux politiques mises en place en Angleterre, trouve naturellement sa place dans cette partie. Enfin, la dernière partie réunit les principales conclusions ressortant de cette série de conférences, telles qu’elles ont été résumées par leurs présidents et rapporteurs (Ylva Johansson à Rotterdam, David Hopkins à Lisbonne et Donald Hirsch à Budapest). Nos remerciements vont aux auteurs des chapitres, qui ont tous apporté une précieuse contribution aux travaux de « L’école de demain », mais aussi à ceux qui, outre les auteurs, ont joué un rôle central dans l’organisation des trois conférences et séminaires internationaux. Nous remercions tout particulièrement les personnes suivantes et les organisations pour lesquelles elles travaillaient au moment de ces manifestations : Maria Emilia Brederode Santos et Filomena Matos de l’Institut pour l’innovation dans l’enseignement (IIE) au Portugal ; Marceline Engelkes et Jan van Ravens du ministère néerlandais de l’Éducation, de la Culture et de la Science ; et Istvan Kovacs et Rózsa Juhász du ministère hongrois de l’Éducation. De nombreuses autres personnes ont bien sûr participé aux séminaires et conférences évoqués dans ce volume, ainsi qu’à la préparation de l’analyse qui en résulte et de cette publication. Au sein du Secrétariat du CERI/OCDE, David Istance et Mariko Kobayashi ont été les principaux responsables des travaux sur « L’école de demain » et de la compilation de ce volume. (Madame Kobayashi est depuis retournée au ministère japonais de l’Éducation, de la Culture, des Sports, de la Science et des Technologies.) Ce rapport est publié sous la responsabilité du Secrétaire général de l’OCDE.
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TABLE DES MATIÈRES
Table des matières Introduction David Istance et Mariko Kobayashi .................................................................. 1. 2. 3.
Introduction.................................................................................................. Importance de l’analyse des processus de changement pour l’école de demain ..................................................................................................... L’école de demain – gouvernance, gestion, direction et réseaux dans les scénarios........................................................................................
9 10 10 22
PARTIE I
Analyses des réseaux, de la gestion et de la gouvernance Chapitre 1. Le travail en réseau dans la société, les organisations et l’éducation Hans F. Van Aalst................................................................................................
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1. 2. 3.
Importance du travail en réseau et gestion des savoirs ........................ Typologie des réseaux................................................................................. Caractéristiques des réseaux .....................................................................
32 34 35
Chapitre 2. L’école de demain : les réseaux d’apprentissage Judith Chapman ..................................................................................................
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1. 2.
Le concept de « réseau » ............................................................................. La pertinence du « réseau » pour l’école au XXIe siècle..........................
42 43
Chapitre 3. Les réseaux pour l’innovation dans l’enseignement : analyse comparative Anne Sliwka.........................................................................................................
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1. 2. 3. 4. 5. 6.
50 50 51 53 56 63
Introduction.................................................................................................. Réseaux et innovation ................................................................................ Innovation dans les systèmes scolaires ................................................... Les réseaux dans l’éducation – principaux objectifs .............................. Structures et caractéristiques des réseaux d’éducation ........................ Conclusion ....................................................................................................
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TABLE DES MATIÈRES
Chapitre 4. Gouvernance, gestion et direction Ron Glatter, Bill Mulford, Dale Shuttleworth .................................................. 1. 2.
3.
Les modèles de gouvernance et leurs implications pour l’autonomie, la responsabilité et la direction des établissements : Ron Glatter ...... Quel type de direction pour l’apprentissage organisationnel des établissements scolaires et de meilleurs résultats des élèves ? (Bill Mulford)................................................................................................. Gestion et direction pour le XXIe siècle – redéfinir l’innovation : (Dale E. Shuttleworth) .................................................................................
65 66
75 81
PARTIE II
Études de cas des pays Chapitre 5. Stratégies d’encouragement des bonnes pratiques et de l’innovation dans les écoles – Le cas portugais Maria do Céu Roldão........................................................................................... 1. 2. 3.
L’innovation dans un système traditionnel............................................. Centralisme et « expérimentations pédagogiques »............................... Deux stratégies pour le travail en réseau et le changement : refonte des programmes de l’école primaire (1996-2001) et programme Bonne Espérance (1998-2001)...........................................
89 90 91
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Chapitre 6. Réforme de la gestion publique et pilotage des systèmes éducatifs – Le cas de la Hongrie Gábor Halász........................................................................................................ 101 1. Principales caractéristiques du pilotage de l’éducation en Hongrie ...... 2. Réforme de la gestion publique et gouvernance éducative................... 3. Le cas de la Hongrie – nouveaux mécanismes de pilotage.................... 4. Conclusion .................................................................................................... Annexe...................................................................................................................
102 103 106 111 113
Chapitre 7. Objectifs réalisables et défis stratégiques – Point de vue de l’Angleterre sur la reconceptualisation de l’enseignement public Michael Barber .................................................................................................... 115 1. 2. 3. 4.
6
Le défi des attentes croissantes du public ............................................... Quatre objectifs réalisables ........................................................................ Cinq défis stratégiques ............................................................................... Conclusion ....................................................................................................
116 118 124 133
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TABLE DES MATIÈRES
Chapitre 8. Écoles et gouvernance aux Pays-Bas – Évolutions récentes et réflexion politique pour l’avenir le ministère de l’Éducation, de la Culture et de la Science, Pays-Bas ......... 135 1. 2. 3.
« Des établissements forts, un État responsable ».................................. 136 « Apprendre sans contrainte »................................................................... 143 Conclusions – le rôle de l’État .................................................................... 147 PARTIE III
Conclusions des conférences « l’école de demain » des années 2000-2001 Chapitre 9. L’école de demain – principes et orientations pour l’action publique Ylva Johansson.................................................................................................... 151 1. 2.
Orientations à donner à l’action publique ............................................... 153 Favoriser et faire connaître les innovations ............................................ 155
Chapitre 10. Comprendre les réseaux pour l’innovation dans l’action publique et la pratique David Hopkins ..................................................................................................... 157 1. 2. 3. 4. 5.
Les réseaux et le séminaire de Lisbonne.................................................. Conditions nécessaires à l’efficacité des réseaux................................... Les principales parties prenantes des réseaux ....................................... Le rôle des réseaux dans l’appui à l’innovation...................................... Rôle des gouvernements et implications pour l’action publique .........
158 161 162 163 166
Chapitre 11. Gestion de l’enseignement, des écoles et des systèmes Donald Hirsch...................................................................................................... 169 1. 2. 3. 4.
Introduction.................................................................................................. Créer et préserver des environnements de qualité pour l’apprentissage ............................................................................................. Gérer les écoles pour la complexité et le changement .......................... Perspectives..................................................................................................
170 170 172 179
Bibliographie....................................................................................................... 181 Liste des encadrés 1.1. 6.1. 6.2. 6.3. 8.1.
Deux systèmes de connaissances différents ........................................ Pilotage du système éducatif hongrois .................................................. Incertitudes croissantes dans le système éducatif .............................. Pilotage de la formation continue en Hongrie ...................................... Enseignement professionnel dans les réseaux stratégiques : les technocentres ......................................................................................
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37 102 107 110 139
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TABLE DES MATIÈRES
8.2.
Périmètre de la planification stratégique dans l’enseignement primaire ...................................................................................................... 142 10.1. Présentation des cinq réseaux étudiés .................................................. 159 Liste des tableaux 4.1. 6.1. 6.2. 7.1.
Modèles de gouvernance dans l’enseignement scolaire ..................... 67 Typologie des modes de pilotage dans l’éducation ............................. 105 Nouveaux dispositifs de pilotage mis en place dans le système éducatif hongrois ...................................................................................... 108 Ensemble des « fortes ambitions et soutien élevé »............................. 120
Liste des figures 4.1. 6.1. 6.2. 7.1.
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Principales relations à l’école explicatives des résultats des élèves........ 76 Modèle des réformes de la gestion publique élaboré par Robinson ........ 104 Financement de l’enseignement scolaire en Hongrie ......................... 111 Ensemble des normes............................................................................... 123
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ISBN 92-64-10036-9 Réseaux d’innovation Vers de nouveaux modèles de gestion des écoles et des systèmes © OCDE 2003
Introduction par David Istance et Mariko Kobayashi1 Secrétariat de l’OCDE
Résumé. L'introduction, qui se veut plus étoffée qu'un simple résumé, comprend un examen approfondi des thèmes essentiels et des principales conclusions des différents chapitres contenus dans le présent rapport. Les auteurs y décrivent la nécessité d'analyser les changements s'opérant dans les systèmes scolaires compte tenu du nouveau contexte dans lequel s'inscrivent la gestion et la gouvernance. Se penchant sur les aspects d'abord généraux puis plus précis, ils examinent diverses questions : la gouvernance, notamment la responsabilisation, les réseaux et les partenariats, ainsi que la gestion et la direction des organisations. Ils examinent les liens avec les précédentes analyses faites dans le cadre de l'activité L'école de demain, en rattachant ces thèmes aux six scénarios présentés dans le rapport de l'OCDE diffusé en 2001 sous le titre Quel avenir pour nos écoles ? ; ils définissent les dispositifs de gouvernance, de gestion, de direction et de réseaux, compatibles avec chacun de ces six scénarios.
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INTRODUCTION
1. Introduction La gestion du changement éducatif tient indéniablement une place centrale dans toute analyse de ce que l’école sera demain. Alors que les travaux précédents du projet L’école de demain (OCDE, 2001a) s’étaient attachés à dresser un tableau général, formé de tendances et de scénarios, l’égale importance des moyens et mécanismes par lesquels se réaliseront ces avenirs brossés à grands traits a conduit le CERI à s’intéresser cette fois-ci au concept de réseau. Ce rapport s’efforce, d’une part de mieux appréhender la nature et la portée des réseaux – lesquels, comme le montrent les chapitres qui leur sont consacrés, revêtent une multiplicité de formes et diffèrent très nettement par leurs ambitions et leur influence et, d’autre part, d’analyser le contexte plus large dans lequel s’inscrivent les activités en réseau, à savoir la gestion et la gouvernance de l’école. Après avoir dégagé les thèmes centraux du rapport, des aspects généraux de la gouvernance, notamment la responsabilisation, aux organisations et à la direction, cette introduction revient sur les six scénarios2 de l’école de demain pour éclairer les dispositifs de gouvernance, de gestion, de direction et de réseau qui pourraient les caractériser.
2. Importance de l’analyse des processus de changement pour l’école de demain De nombreux observateurs, dont plusieurs auteurs de ce rapport, soulignent la nécessité de redynamiser les établissements scolaires pour délaisser les modèles « industriels » et bureaucratiques de l’éducation mis en place dans les premières décennies du XXe siècle. Ceux-ci pourraient semble-t-il être remplacés par des modèles flexibles et professionnalisés, adaptés à l’ère post-industrielle du XXIe siècle. L’idée qu’une transformation radicale des établissements et des systèmes scolaires est indispensable pour leur assurer demain une forte position est un thème récurrent de ce rapport, qui propose des structures et des exemples pour la mise en œuvre de ces transformations. Dans ces analyses, le changement organisationnel, la direction, la gestion des connaissances, la mise en réseau et les nouvelles formes de gouvernance remplissent tous des fonctions cruciales. Cependant, ces mêmes analyses montrent que la tâche est bien plus complexe qu’elle ne l’a été – les solutions ne peuvent être appliquées par décret ou par une planification à l’ancienne. Au contraire, les frontières entre systèmes « internes » et environnements « externes » se faisant plus floues et allant même
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INTRODUCTION
jusqu’à disparaître, la tâche des pouvoirs publics est plutôt d’instaurer des conditions propices à un changement souhaitable. La complexité de cette situation exige des analyses bien plus approfondies, auxquelles ce rapport contribue, mais il reste encore beaucoup à faire. Les enjeux sont d’importance. Parmi les auteurs de ce rapport les plus proches du monde politique, Ylva Johansson, ancienne ministre suédoise de l’Éducation (chapitre 9), entrevoit un avenir dans lequel les écoles sont tout aussi fondamentales dans la transformation des sociétés industrielles en sociétés du savoir qu’elles l’ont été dans la mutation du modèle agraire au modèle industriel. Cependant, ajoute-t-elle, il est indispensable pour cela de leur imprimer « une impulsion et un dynamisme nouveaux » et non de poursuivre sur la même voie. Michael Barber, spécialiste de l’enseignement chargé aujourd’hui de hautes responsabilités politiques au Royaume-Uni, avance une idée similaire de façon plus spectaculaire (chapitre 7) : les systèmes éducatifs publics risquent d’être « balayés par de puissantes forces nouvelles » menace que les acteurs de l’éducation ne pourront prévenir qu’en embrassant une conception radicalement nouvelle de l’enseignement. Pour lui, l’augmentation du revenu disponible et les attentes croissantes pourraient amener de nombreux parents à choisir des solutions individualisées privées pour leurs enfants si leurs exigences ne sont pas satisfaites. Tous deux insistent aussi très fortement sur le rôle des réseaux et des partenariats pour y parvenir. Ainsi, Ylva Johansson dans sa conclusion de la Conférence internationale de Rotterdam (2000) a-t-elle déclaré : L’autonomie des établissements scolaires passe nécessairement par des liens avec le monde extérieur, avec d’autres éducateurs et avec la société en général, d’où le rôle décisif des réseaux et des partenariats. Dans les pays de l’OCDE, les pratiques pédagogiques se caractérisent trop par l’isolement : isolement des établissements scolaires par rapport aux parents et au monde extérieur ; isolement des enseignants et des apprenants dans les classes. Des partenariats peuvent être instaurés dans des domaines variés – qualifications, emploi, société et culture – ou réunir des segments différents du monde éducatif. Les arguments ci-dessus trouvent leur expression dans les scénarios élaborés par le projet de l’OCDE L’école de demain. De l’avis général, les sociétés devraient s’efforcer d’éviter toute configuration fondée sur « une tentative de maintien du statu quo » dans laquelle les systèmes scolaires bureaucratiques prédominent (Scénario 1.a, plus loin dans cet introduction). Cette inertie pourrait de toute façon aboutir à un phénomène de « désintégration » (Scénario 1.b) ou à des situations de « déscolarisation » dans lesquelles les systèmes scolaires sont démantelés et remplacés par des réseaux d’apprenants (Scénario 3.a) ou par les marchés (Scénario 3.b)3. Pour être fortes et bénéficier d’une nouvelle vitalité, les écoles emprunteront la voie de la « rescolarisation » soit en réservant une place de choix aux objectifs sociaux et
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INTRODUCTION
collectifs (Scénario 2.a) soit en s’attachant étroitement aux connaissances scolaires en tant qu’organisations apprenantes (Scénario 2.b). Parallèlement, des éléments de « déscolarisation » pourraient aussi s’insérer dans l’abandon des modèles « industriels » bureaucratiques, surtout dans le deuxième cycle d u se c o n d a i re, e t p l u si eu r s a ut eu r s s o u li gn e n t l ’ im p o r t a n c e d e s apprentissages informels hors de l’enceinte scolaire.
2.1. Réseaux et partenariats dans le contexte élargi S’emparer de nouvelles formes d’organisation, de gestion et de gouvernance dans le domaine de l’éducation exige de prêter attention à l’environnement plus vaste qui empiète constamment sur le monde de l’école. Le ministère néerlandais de l’Éducation, de la Culture et de la Science (chapitre 8) recense les principales caractéristiques de cet environnement : la mondialisation, l’immigration, la montée de l’individualisme, les technologies de l’information et de la communication (TIC), l’influence des valeurs de marché, l’essor du travail féminin. Van Aalst (chapitre 1) fait écho à certains de ces phénomènes lorsqu’il évoque « les transformations fondamentales de l’économie mondiale, notamment l’importance croissante du savoir et la mondialisation des échanges. La généralisation des communications électroniques puissantes et peu coûteuses accélère ce processus ». L’un des principaux moteurs des partenariats est le partage des savoirs ou des services que l’un ou l’autre des partenaires ne possède pas à lui seul. Ces partenariats apportent une valeur ajoutée, élargissent la palette des services offerts ou créent de nouveaux débouchés en développant l’échelle et l’éventail des activités ; Van Aalst analyse plus particulièrement l’aspect de la gestion des savoirs dans le travail en réseau. Les partenariats permettent de partager les coûts, en particulier lorsque le développement de nouveaux produits ou services requiert d’importants investissements, et procurent des ressources financières et humaines. Mais hormis le coût du développement, ils permettent aussi d’en partager les risques, la diminution des risques étant un facteur d’innovation. Bien que l’analyse qui précède n’ait pas porté spécifiquement sur le domaine éducatif, elle s’y applique indéniablement. Comme de nombreux services publics, le système éducatif est engagé dans une transformation, quoique inégale et diversement rythmée, dans laquelle la planification et l’organisation emmenée par les producteurs cèdent la place à une orientation plus guidée par ses multiples parties prenantes. Il devient de plus en plus nécessaire d’être réceptif aux besoins de la société du savoir ; les partenariats offrent un moyen de satisfaire les exigences nouvelles. Les compétences requises évoluent, des qualifications plus poussées, spécialisées sont indispensables, des programmes de formation « personnalisés » et adaptés aux besoins des individus ou des groupes sont demandés. De nouvelles
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INTRODUCTION
opportunités et la concurrence apparaissent dans ce secteur par tradition public, ce qui favorise les partenariats public-privé, et les réductions budgétaires poussent aussi le secteur public à rechercher de nouveaux partenaires (y compris dans le secteur privé). D’importantes questions sociales et politiques se posent aujourd’hui, qui concernent tout autant l’éducation que le domaine technologique et économique. Pour Chapman (chapitre 3), des courants de philosophie et d’action politiques apparaissent dans lesquels de nouvelles conceptions de la collectivité complètent ou remplacent les hiérarchies traditionnelles. Pour l’auteur, le recul de l’État nation contribue lui aussi à mettre le travail en réseau au premier plan. Une récente analyse de l’OCDE accorde une importance comparable à la participation dans le développement des partenariats et des réseaux : Auparavant, les partenariats étaient principalement formés en réponse à un important problème représentant une menace pour un territoire déterminé. Par exemple, le déclin d’une industrie vitale à une région exigeait de mobiliser les ressources disponibles pour y faire face de la manière la plus appropriée. Aujourd’hui, les acteurs locaux souhaitent être plus systématiquement associés à l’élaboration de stratégies concernant leur région. Ce désir de participer davantage à l’échelon local a été suscité par les médiocres résultats obtenus par des politiques ne prenant guère en compte les caractéristiques locales. C’est aussi une réaction au fait que, malgré la croissance économique récente, l’exclusion sociale et les problèmes qui y sont liés persistent. Les partenariats sont vus comme un moyen d’améliorer la qualité de la vie (OCDE, 2001b, p. 13). Halász, au chapitre 6, argue de la nécessité de lier les questions de gestion de l’éducation aux programmes plus vastes des politiques publiques. Il note qu’en dépit de leur caractère évident, les interconnexions entre la réforme générale de la gestion publique et les difficultés auxquelles se heurtent la gouvernance éducative ont rarement été rendues explicites. A titre d’exemple, le mouvement général de décentralisation n’est en aucun cas spécifique à l’éducation et l’on comprendra mieux les forces et les contraintes qui s’exercent sur l’éducation en les reliant à ce contexte plus général ; de même, d’autres secteurs de la politique publique pourraient bien offrir des solutions imaginatives aux problèmes de gestion éducative4.
2.2. Gouvernance, gestion et responsabilité Dans un contexte de complexité et d’incertitudes croissantes, doublé de très fortes pressions et exigences pesant sur l’éducation, plusieurs contributions au rapport étudient le rôle du gouvernement dans le cadre plus général des décisions impliquant toutes les parties prenantes. Pour Barber
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INTRODUCTION
(chapitre 7), ces incertitudes et cette complexité accentuent la nécessité de gérer les savoirs à l’échelle du système et pas seulement à celle des établissements : La réforme des systèmes éducatifs publics pose donc un formidable défi. Les responsables ne peuvent compter sur aucune certitude. Ils peuvent en revanche gérer et transférer les savoirs sur ce qui donne de bons résultats, intervenir en cas de performances insuffisantes, donner au système la capacité de changer et veiller à ce qu’il soit suffisamment flexible et adaptable pour apprendre constamment et mettre en œuvre efficacement. Le document d’orientation néerlandais « Apprendre sans contrainte » dont il est question au chapitre 8 considère que le rôle des pouvoirs publics est essentiellement de fixer les conditions de trois piliers ou principes interconnectés : direction, latitude et responsabilité. La précédente étude, intitulée « Des établissements forts, un État responsable » et rendue publique en 1999, reconnaît elle aussi qu’au lieu d’être une simple conséquence souhaitable de la gestion et de la gouvernance, le travail en réseau peut en faire partie intégrante. Elle considère les « réseaux stratégiques » comme un objectif central : ils « intègrent les établissements d’enseignement aux sociétés qu’ils servent ; [plaçant] l’éducation au cœur de la société et la société au cœur de l’éducation ». Cela étant, elle admet aussi que la régulation complexe que demandent le pilotage et le fonctionnement en réseau peut finir par être perçue comme un excès de réglementation. Lorsqu’elles se doublent de la fragmentation des financements, ces formes de gouvernance militent contre la gestion intégrée du système et interrogent même ce qui aujourd’hui constitue un « système ». La plus grande autonomie des établissements, le choix, les structures horizontales et la réceptivité à la demande rendent la satisfaction des intérêts collectifs difficile. A cette complexité Halász (chapitre 6) propose un cadre d’analyse formé de deux dimensions – spécificité des actifs et opportunisme/adhésion aux attentes fondamentales de la société – inspiré du modèle de science politique développé par Robinson (2000). Étant donné le coût croissant de l’obtention de cette adhésion et la complexité grandissante des systèmes éducatifs, la seule voie réaliste se révèle être le quadrant associant une forte « spécificité des actifs » et un « opportunisme » faible, qui est décrit comme la « gestion par la libération ». L’engagement professionnel et social des enseignants est une variable cruciale dans la poursuite de cet objectif : au lieu d’être imposées par le haut, les réglementations devraient de plus en plus venir de l’intérieur. Il reconnaît aussi qu’avec une telle imprévisibilité, la cohérence obtenue sera nécessairement limitée.
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INTRODUCTION
Au vu de ces analyses, l’une des fonctions importantes des pouvoirs publics est le soutien à l’innovation dans les établissements ou au niveau intermédiaire/des réseaux. Johansson (chapitre 9) le souligne : « Une aide importante doit être apportée aux innovations et aux expérimentations concluantes pour que les avantages qu’elles procurent s’inscrivent dans la durée. » Elle soutient qu’il « faut favoriser un climat d’expérimentation dans le cadre des grands objectifs nationaux ». Dans le même esprit, Hirsch (chapitre 11) pense qu’il faut adopter une représentation plus constructive de « l’échec » et considérer celui-ci comme une composante normale de l’expérimentation des systèmes et des écoles, faisant partie intégrante d’un processus d’apprentissage continu. Le Programme portugais « Bonne espérance » décrit par Roldãu au chapitre 5 propose un modèle de soutien à l’innovation et de diffusion des pratiques. Ce programme d’envergure nationale a été conçu pour aider les enseignants et les établissements dans différents domaines de l’éducation : mesures d’inclusion, emploi pédagogique des TIC, efforts de réorganisation des établissements et interactions écoletissu local. Une attention considérable a été accordée à l’instauration de conditions propices à l’innovation et à la constitution de réseaux. Pourtant, même lorsque les gouvernements encouragent de nouvelles approches de la gestion éducative fondées sur le soutien à l’innovation, l’ampleur des problèmes potentiels ne doit pas être sous-estimée. Roldãu montre combien il est difficile d’amener un changement systémique réel, allant bien plus loin que la simple tolérance d’initiatives restant à la périphérie du système. Or, faute de transformation culturelle, l’innovation peut s’avérer très difficile à entretenir. Tout aussi fondamentale est la nature de la responsabilité. Les auteurs qui ont contribué à ce volume sont convaincus de l’importance de la responsabilité ; pour Johansson, par exemple, qui appelle à une expérimentation audacieuse et au soutien à l’innovation, il est clair que ces deux orientations doivent être conjuguées à « des systèmes perfectionnés d’évaluation et de responsabilisation » (chapitre 9). Le gouvernement néerlandais est favorable à des systèmes de responsabilité sophistiqués accompagnant une plus grande réceptivité à la demande et en faisant partie intégrante. Enfin, le cadre proposé par Halász au chapitre 6 évoque la « gestion par la libération » restant toutefois dans le cadre de politiques recherchant une forte adhésion et un faible opportunisme (qui est une forme de responsabilité). Cependant, l’instauration d’une culture d’expérimentation audacieuse et de tolérance aux « échecs » découlant de l’expérimentation se heurte à une question critique : dans quelle mesure les mécanismes choisis pour mieux responsabiliser militent-ils précisément contre l’ouverture et la confiance nécessaires à l’innovation ? Les efforts destinés à libérer les énergies locales en accordant une plus grande autonomie aux établissements et un soutien
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accru au travail en réseau et à l’innovation seront neutralisés s’ils sont en même temps soumis à d’intenses pressions de conformité. De ce fait, si l’innovation et la responsabilité ne sont pas nécessairement des objectifs contradictoires, de puissantes tensions pourraient s’exercer entre eux. La distinction soulignée par Glatter (chapitre 4) entre responsabilité « contractuelle » et « réceptive » concerne ces tensions. Dans le premier cas, il s’agit surtout de demander des comptes aux éducateurs en termes de normes et de résultats ; dans le second, « les décisions sont prises par les éducateurs en tenant compte des intérêts et des souhaits des parties intéressées ». La mise en place de mécanismes clairs de responsabilisation est étroitement liée à la montée en puissance du choix et de la demande en matière d’éducation. Le mouvement de responsabilisation repose en grande partie sur la volonté d’assurer la transparence nécessaire à des choix informés. De même, la plus grande responsabilité des écoles à l’égard des parents et du public peut être analysée comme le signe d’une évolution de systèmes fondés sur l’offre vers un enseignement réceptif à la demande. La question de savoir si ce sont là deux expressions différentes d’objectifs identiques reste pour l’instant ouverte car selon la typologie de Glatter, promouvoir le choix et la demande implique une opposition de valeurs incompatibles, qui se différencient par le consumérisme de certaines formes de « responsabilité contractuelle » et l’autonomisation inhérente à la « responsabilité réceptive ». Les contributions à ce volume examinent également certains aspects des dispositifs de marché dans le domaine de l’éducation. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas, deux des pays abordés dans ce rapport, sont décrits dans le chapitre de Glatter comme des systèmes particulièrement décentralisés accordant une place privilégiée au marché. Ils se différencient d’autres systèmes dans lesquels le siège du pouvoir réside soit au centre, soit dans la région/province ou encore dans la collectivité locale. La Hongrie, dont il est question au chapitre 6, figure parmi les pays les plus axés sur le marché et les plus décentralisés de la zone OCDE. Il ne faut pas en conclure que ces systèmes répondent véritablement aux caractéristiques de l’un des scénarios de « déscolarisation » car celui-ci implique un démantèlement radical du système scolaire public. En fait, nombre des dispositifs de marché visibles aujourd’hui dans le domaine de l’éducation sont compatibles avec l’existence continue d’établissements publics, mais ils accentuent l’intervention du choix et celle des « clients » et des « consommateurs » dans la scolarité ou introduisent une privatisation limitée dans des modèles mixtes et des dispositifs de « quasimarché ». Bien entendu, les marchés ou la privatisation ne suscitent pas un enthousiasme unanime : Johansson interprète les réactions des participants à la Conférence de Rotterdam comme un rejet du modèle de marché.
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2.3. Réseaux et partenariats Les réseaux et les partenariats intéressent tout particulièrement la gouvernance, la gestion et l’organisation de l’éducation. Ils peuvent eux-mêmes être considérés comme des formes de gouvernance dont l’importance va croissant, ce que Chapman explicite au chapitre 2 en soulignant leur nature horizontale et participative et leur capacité à supplanter les structures décisionnelles hiérarchiques et bureaucratiques. Tout aussi important, ce sont des composantes décisives du niveau intermédiaire, entre le niveau supérieur de l’élaboration des politiques publiques d’une part et celui des établissements d’autre part. Parce qu’il crée des liens et des connexions, le niveau intermédiaire d’action et de décision revêt une signification particulière lorsque les écoles acquièrent une autonomie considérable : elles risquent d’être isolées et déconnectées tandis que les autorités centralisées voient diminuer leurs pouvoirs directs de planification. Faute d’une attention étroite à la médiation entre le niveau supérieur et inférieur, l’offre éducative pourrait se déliter en un ensemble d’actions et d’unités désagrégées. Hopkins (chapitre 10) souligne l’importance des réseaux dans ce contexte : Ils permettent de « réinventer » le niveau intermédiaire en promouvant différentes formes de collaboration, de liens et de partenariats multifonctionnels, parfois appelés « structures transversales ». A cet égard, le réseau permet aux parties prenantes de nouer des relations et de coordonner les activités autour de priorités communes. Il ne s’agit pas de contrôler (ce qui est impossible) mais d’exploiter les capacités interactives des forces systémiques. Autrement dit, il faut « resserrer les maillages lâches » en période de changement rapide pour mettre en place des structures plus réceptives et coopératives. Les réseaux, soutient Hopkins, peuvent y contribuer fortement. Plusieurs auteurs de ce rapport s’attachent à cette fonction d’intermédiaire des réseaux. Barber appelle à une réflexion imaginative par rapport au niveau intermédiaire, notamment les réseaux et les partenariats considérés comme des composantes critiques des systèmes de transfert de savoirs. Hirsch (chapitre 10) donne l’exemple des médiateurs de l’éducation et de la fonction de relais qu’ils assument dans le système hongrois très décentralisé, décrit dans le cadre du séminaire de Budapest organisé en 2001. Glatter recense les caractéristiques qui différencient les « autorités et fonctions intermédiaires » dans chacune des quatre formes de gouvernance qu’il propose. Cependant, si les réseaux et les partenariats se classent aisément comme des composantes du niveau intermédiaire, la réciproque n’est pas vraie : les structures de ce niveau ne sont pas toutes des réseaux et des partenariats. Hopkins met en g a rd e s u r l e f a i t q u e l e s s t r u c t u re s d ’ a p p u i q u e re p r é s e n t a i e n t traditionnellement les autorités éducatives locales et les circonscriptions
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INTRODUCTION
scolaires correspondent davantage à des éléments d’un statu quo à évolution lente qu’à une nouvelle topographie dynamique de gouvernance éducative. Plaider pour un « resserrement du maillage lâche » en encourageant l’activité en réseau n’est pas un appel général à simplement étoffer le niveau intermédiaire. Les réseaux peuvent être tout à la fois encouragés par des mesures gouvernementales et considérés comme une forme de gouvernance. Les relations en jeu sont complexes ; c’est ce que conclut Hopkins en montrant qu’il n’existe pas de distinction simple entre les réseaux créés et maintenus par les pouvoirs publics et ceux qui fonctionnent en apparente indépendance. Il en va de l’innovation comme de la gouvernance et de l’action publique : les réseaux peuvent soutenir l’innovation et constituer une forme d’innovation à part entière. Pour Van Aalst (chapitre 1), leur attrait réside dans leurs avantages pour l’apprentissage organisationnel et professionnel : ●
Les réseaux donnent accès à une diversité de sources d’information ;
●
ils offrent un éventail plus large de possibilités d’apprentissage que les organisations hiérarchiques ;
●
ils offrent une base plus flexible, et en même temps plus stable, à l’apprentissage coordonné et interactif que ne le fait l’anonymat du marché ;
●
ils contribuent à produire des connaissances tacites et à y accéder.
Cependant, à côté de ces avantages pour l’innovation et l’apprentissage existent des inconvénients. Sliwka (chapitre 3) relève un inconvénient majeur des groupements innovants et dynamiques – leur relative fragilité. Participer aux réseaux peut être tout aussi stimulant que frustrant car leur efficacité est très variable. Sliwka et Hopkins précisent les conditions propices à leur efficacité, qui peuvent servir de guide aux politiques encourageant l’innovation et la réforme dans l’éducation. Pour Hopkins, les conditions les plus importantes sont la cohérence des valeurs et des objectifs, la clarté de structure, la production, l’utilisation et la transmission des savoirs, les gratifications liées à l’apprentissage, une fonction dirigeante diffuse, l’autonomie et des ressources adéquates. Étant donné la diversité des définitions et des formes des réseaux – les définitions ne font pas consensus – cette liste ne peut qu’être indicative : beaucoup dépend de leurs membres, de leurs objectifs, du contexte dans lequel ils fonctionnent, etc. Cela dit, Sliwka et Hopkins opèrent une intéressante distinction entre leurs différents degrés d’ambition et d’influence. Apparaît ainsi toute une palette de réseaux allant des pratiques efficaces aux nouvelles formes de gouvernance en passant par l’innovation et l’apprentissage. La typologie établie par Hopkins se décline de la façon suivante : ●
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A son niveau le plus élémentaire, un réseau peut être considéré simplement comme des groupes d’enseignants qui se réunissent pour élaborer un programme scolaire et partager les bonnes pratiques.
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INTRODUCTION
●
A un niveau plus ambitieux, les réseaux peuvent réunir des groupes d’enseignants et d’établissements afin d’améliorer l’école, l’objectif explicite étant de faire progresser l’apprentissage et l’enseignement dans tout un établissement ou dans des groupes d’établissements, et non plus seulement d’échanger des pratiques.
●
Les réseaux peuvent également favoriser le partage de connaissances et l’amélioration de l’école, mais aussi réunir des groupes de parties prenantes pour la mise en œuvre de politiques précises au niveau local, voire national.
●
Plus ambitieux encore, des groupes de réseaux (internes et extérieurs à la sphère éducative) s’unissent pour améliorer le système en termes de justice sociale et d’inclusion.
●
Enfin, des groupes de réseaux peuvent coopérer pour faire progresser la justice sociale mais aussi pour servir explicitement d’agents de renouvellement et de transformation du système.
Cette typologie recense les différents modes de contribution à la pratique, à l’innovation et à la gouvernance. Elle devrait faire l’objet d’un développement plus approfondi et d’une clarification dans le cadre de l’analyse des réseaux dans l’enseignement, actuellement en cours.
2.4. Gestion et direction organisationnelles L’importance des établissements scolaires en tant qu’organisations est analysée à plusieurs reprises dans ce rapport ; notamment parce que dans le très net mouvement vers une plus grande autonomie des établissements, ceux-ci se voient confier la responsabilité d’organiser leurs solutions individuelles. Cependant, comme le remarque Glatter, « l’autonomie » n’est pas un concept simple ou unique : une plus grande autonomie conférée à l’une des principales catégories de variables – entrée, structure, processus et environnement de l’école – peut nuire à celle des autres. Une plus grande influence des gestionnaires d’établissements peut par exemple diminuer celle des autres parties prenantes, comme les enseignants. De manière plus positive, la nécessité de cibler l’analyse sur les écoles en tant qu’organisations ne découle pas seulement de leur autonomie croissante, et parfois problématique, mais constitue un objectif politique à part entière. Pour Johansson au chapitre 9, la première « orientation à donner à l’action publique » se fonde sur des « organisations fortes ». Cet objectif repose sur les données empiriques présentées au chapitre 4, dans lequel Mulford décrit le programme de recherche « Leadership, Organisational Learning and Student Outcomes » (LOLSO). Celui-ci montre que « l’apprentissage organisationnel » est la variable intermédiaire déterminante entre les moyens mis en œuvre et la fonction dirigeante d’un côté et les résultats des élèves de l’autre, les
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processus de changement et de pratique organisationnelle étant le trait d’union essentiel entre les deux. Au-delà de la gestion des établissements se pose aussi la question de la gestion du processus d’apprentissage. Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, comme le note Hirsch à partir des discussions de la conférence de Budapest, les classes ne sont pas des lieux où les élèves travaillent en coopération avec les enseignants et ont réellement envie d’apprendre ; elles restent trop souvent dominées par les anciens modèles didactiques. La vision d’avenir du gouvernement néerlandais est conforme à ces principes (chapitre 8) : l’enseignement et l’organisation de l’apprentissage doivent mieux se conformer aux principes de la gestion des savoirs et de la « rescolarisation ». Cette orientation exigera davantage de compétences spécialisées et de travail pédagogique d’équipe et devrait assurer la flexibilité organisationnelle nécessaire à l’adaptation de l’apprentissage à la demande et aux besoins des élèves. L’accent mis sur la pratique et l’apprentissage organisationnels n’est pas exclusif aux travaux de L’école de demain du CERI/OCDE. C’est aussi un aspect central de l’analyse parallèle de la gestion des connaissances, qui compare les pratiques de l’éducation à celles d’autres secteurs (voir OCDE 2000a). Ces travaux montrent qu’à ce jour, les pratiques de l’école ne relèvent pas d’une approche de gestion des savoirs, laquelle se caractérise entre autres par la généralisation du travail en réseau parmi les enseignants, le développement et l’utilisation d’une solide base de connaissances issues de la recherche pédagogique et de l’expérience et l’apprentissage continu des établissements et des enseignants. Favoriser ces approches devrait être une des priorités des politiques publiques. On pourrait penser que privilégier les établissements en tant qu’organisations apprenantes, les structures intermédiaires et les réseaux pourrait réduire l’importance de la fonction dirigeante, mais ce n’est pas ce qui ressort des contributions à ce rapport. Selon Sliwka, même les structures de réseaux définies par l’absence de hiérarchie et de lignes de contrôle descendantes doivent être considérées « comme des organisations qui, pour fonctionner efficacement, nécessitent à la fois des structures relativement stables et une forme de direction organisationnelle ». Johansson (chapitre 9) pense que « les établissements scolaires ne peuvent jouir d’une grande autonomie et répondre à des objectifs ambitieux que s’ils sont également dotés d’un encadrement solide – dirigeants, chefs d’établissements et gestionnaires ». Il ne s’agit pas de la direction entendue au sens traditionnel. Comme l’affirme Shuttleworth (chapitre 4), cela reviendrait à rechercher des solutions dans des paradigmes de « gestion scientifique » inadaptés à l’ère post-industrielle, une dissonance qui a, semble-t-il, caractérisé une partie de la réflexion sur les politiques éducatives de ces récentes décennies. Mulford et Hirsch
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(chapitres 4 et 11) réfutent « la théorie du chef charismatique » ; de même, Johansson plaide contre l’idée de faire confiance à « l’influence particulière d’une personnalité charismatique ». Leurs arguments sont de deux ordres : premièrement, les formes modernes d’organisation – scolaire ou autre – exigent une direction qui ne soit pas définie par des relations très hiérarchisées ; deuxièmement, la complexité des environnements contemporains nécessite des équipes et non des individus. Même les individus qui occupent un poste de direction de premier plan n’ont pas pour mission d’impulser une direction à eux seuls. Recensant les caractéristiques du « chef d’établissement transformationnel » Mulford souligne que celui-ci devrait associer l’ensemble du personnel au processus de décision et de changement organisationnel au lieu de l’imposer « de haut en bas » : ●
Soutien individuel – il apporte un soutien moral, montre qu’il apprécie le travail du personnel et tient compte de leur avis.
●
Culture – s’efforce d’instaurer une atmosphère de confiance et d’attention à l’autre au sein du personnel, donne le ton à des rapports respectueux avec les élèves et démontre sa volonté de changer les pratiques à la lumière de nouvelles analyses.
●
Structure – établit une structure encourageant les décisions participatives, soutient la délégation et le partage de la fonction dirigeante et encourage la prise de décisions et l’autonomie des enseignants.
●
Vision et objectifs – œuvre au consensus de l’ensemble du personnel sur les priorités de l’école et communique celles-ci aux élèves et au personnel pour créer une forte cohésion autour des objectifs.
●
Attentes en matière de performances – attend beaucoup des élèves et demande aux enseignants d’être efficaces et innovants.
●
Stimulation intellectuelle – incite les membres du personnel à réfléchir à leurs objectifs à l’égard des élèves et à la manière dont ils s’efforcent de les atteindre ; encourage les apprentissages mutuels au sein du personnel et intègre l’apprentissage continu dans sa pratique.
Il faut noter cependant la nature frictionnelle de la relation entre les fortes pressions en faveur de formes de responsabilité assez étroites d’une part et les exhortations aux dirigeants à être plus « transformationnels » suivant les orientations de la liste ci-dessus d’autre part. Et il ne s’agit pas non plus de remplacer une forme dépassée de direction par une autre plus actuelle car des approches diversifiées seront indispensables. Le contexte du fonctionnement des écoles – Glatter distingue les structures diversifiées de gouvernance et Mulford décrit l’environnement socioéconomique comme un élément contextuel pertinent – influence la marge de manœuvre autorisée
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pour l’exercice efficace de la fonction dirigeante. Il n’existe pas de modèle de direction idéal adapté à toutes les circonstances. Quelques auteurs examinent plus particulièrement les relations entre la direction et le travail en réseau. Pour Hopkins, l’efficacité des réseaux est conditionnée par une « fonction dirigeante diffuse », « l’autonomie » et une forte place accordée au travail d’équipe. Or les directeurs d’établissement sont eux-mêmes de plus en plus appelés à travailler efficacement en réseau. Shuttleworth estime que les chefs d’établissement « font partie intégrante d’un milieu micropolitique de réseaux […] qui se font concurrence pour des ressources rares, voire le pouvoir politique ». Plus généralement, affirme-t-il, la formation professionnelle des gestionnaires et des dirigeants a été sérieusement négligée dans le programme de réforme de l’école, surtout pour ce qui est de leur préparation à faire face aux multiples exigences auxquelles ils sont confrontés.
3. L’école de demain – gouvernance, gestion, direction et réseaux dans les scénarios 3.1. Scénarios 1.a et b : « Extrapolation du statu quo » Dans ces deux scénarios, les caractéristiques de base des systèmes actuels sont maintenues très longtemps, soit par choix public, soit par incapacité à opérer une transformation radicale. Dans le Scénario 1.a, l’avenir est l’aboutissement d’une évolution graduelle du présent, les systèmes scolaires restant forts, tandis que dans le Scénario 1.b, le système connaît une crise majeure, déclenchée par de fortes pénuries d’enseignants.
3.1.1. Scénario 1.a : « Maintien de systèmes scolaires bureaucratiques » Ce scénario s’appuie sur le maintien de systèmes très bureaucratiques, de fortes pressions d’uniformisation et la résistance à toute transformation radicale. Les écoles sont des institutions très différenciées, unies au sein de dispositifs administratifs complexes. En dépit de fréquentes critiques des politiques et des médias, des résistances font barrage à une transformation radicale. Beaucoup craignent que les autres dispositifs possibles n’assument pas les tâches fondamentales telles que la prise en charge et la socialisation, aux côtés des objectifs liés aux connaissances scolaires et aux diplômes, ni n’assurent l’égalité des chances. C’est le modèle que Barber qualifie de dépassé au chapitre 7 et dont il prédit la disparition progressive du fait de son inadaptation au XXIe siècle. Il pourrait cependant s’avérer bien plus résistant que cela. Gouvernance : l’éducation étant une caractéristique importante de la souveraineté nationale, la nation – ou l’État/province dans les systèmes
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fédéraux – reste le lieu privilégié de l’autorité politique. Le souci d’efficacité administrative et de responsabilisation conduit à expérimenter divers schémas de distribution de l’autorité. La souveraineté nationale est néanmoins sapée par une multiplicité de facteurs : décentralisation vers les écoles et les collectivités (malgré les efforts de l’État pour équilibrer les pouvoirs), intérêt croissant des entreprises et des médias à l’égard du marché de l’éducation et pressions globalisantes liées aux comparaisons internationales ou aux décisions et financements transnationaux. Parmi les modèles de gouvernance décrits par Glatter au chapitre 4, celui qui correspond le mieux à ce scénario est celui du « Contrôle qualité » qu’il qualifie de « bureaucratique » et qui se caractérise par un rôle central des autorités éducatives, des formes très précises d’évaluation et de contrôle et la responsabilité contractuelle au sien de structures hiérarchiques. Direction et gestion : dans ce scénario, la fonction dirigeante requiert de fortes capacités administratives pour gérer les exigences bureaucratiques et les intérêts contradictoires qui se rencontrent dans le lieu que l’on appelle école, d’autant plus que les ressources sont limitées. Non seulement l’école ne bénéficie pas de nouvelles ressources significatives – financières ou humaines – pour assumer les fonctions qui lui sont déjà confiées, mais de nouvelles tâches viennent continuellement alourdir ses missions. Les pressions en faveur de la responsabilisation sont fortes et absorbent une grande partie du temps alloué à la gestion et beaucoup d’énergie. On observerait une grande diversité dans la qualité des bâtiments et des équipements, et les investissements nécessaires continueraient de souffrir de la concurrence intense avec les autres postes budgétaires. Ce scénario comporte donc de fortes exigences en termes de gestion et de direction. Réseaux : les réseaux sont une des caractéristiques de ce scénario, surtout lorsqu’ils sont mis en place par des individus et groupes motivés qui communiquent pour partager des solutions. Des programmes pilotes diversifiés s’appuient souvent sur des structures de travail en réseau et reçoivent une aide financière additionnelle. On observerait néanmoins des tensions entre la nature hiérarchique du système bureaucratique et le fonctionnement des réseaux. La motivation indispensable au maintien du travail en réseau ne serait pas universelle et les réseaux dépendants de financements additionnels disparaîtraient souvent en fin de programme. Le chapitre de Roldãu sur l’innovation au Portugal décrit précisément ces tensions : des évolutions expérimentales et innovantes émergent aux côtés d’un système comportant de nombreuses caractéristiques hiérarchiques, tout en y imprimant peu d’impact mesurable. Dans le même ordre d’idée que les observations de Sliwka au chapitre 3 sur la fragilité des réseaux, l’innovation risque de fortement dépendre du soutien apporté par des systèmes
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essentiellement centralisés et bureaucratiques et de tendre à disparaître lorsque ce soutien touche à sa fin.
3.1.2. Scénario 1.b : « Exode des enseignants – le scénario de la désintégration » Ce scénario est marqué par une forte crise de recrutement des enseignants, qui serait extrêmement résistante aux actions gouvernementales traditionnelles. Elle est déclenchée par le rapide vieillissement de la profession, exacerbé par la baisse de moral des enseignants et la richesse des débouchés dans des carrières plus attrayantes. Étant donné l’importance des effectifs enseignants, les mesures destinées à renforcer l’attrait comparatif de la profession sont coûteuses et mettent du temps à produire des effets tangibles sur les chiffres d’ensemble. L’intensité de la crise varie fortement selon le domaine sociogéographique et la discipline. Des résultats très différents pourraient s’ensuivre : à un extrême, un cercle vicieux de retranchement et de conflit, à l’autre, des stratégies d’urgence déclenchent une innovation radicale et un changement collectif. Gouvernance : la crise renforce la position des autorités nationales, qui acquièrent des pouvoirs étendus, mais elle l’affaiblit lorsqu’elle perdure. Les communautés épargnées par de sérieuses pénuries d’enseignants pourraient chercher à se protéger et à accroître leur autonomie à l’égard des autorités nationales. L’intérêt des entreprises et des médias pour le marché de l’apprentissage pourrait s’intensifier. A l’international, la coopération s’accroît entre les pays qui mettent en place des mesures pour « prêter » et « emprunter » des enseignants qualifiés, y compris entre le Nord et le Sud ; elle décline à mesure de la généralisation des pénuries et lorsque plusieurs pays se font concurrence pour attirer des enseignants qualifiés en nombre limité. Constituant l’issue la plus négative de la tentative de maintien du statu quo, ce scénario ne correspond à aucun des modèles décrits par Glatter (chapitre 4). Direction et gestion : les caractéristiques de direction et de gestion du scénario 1.a se retrouvent ici aussi, mais la situation est véritablement caractérisée par une « gestion de crise » tant pour ceux qui gèrent les systèmes que pour les gestionnaires locaux et les chefs d’établissement. Dans les zones sociogéographiques connaissant les problèmes les plus aigus, la pénurie de candidats à ces postes pourrait même être plus forte que celle des enseignants. Une mentalité de repli se généraliserait dans les quartiers comparativement épargnés par la « désintégration ». Les investissements en équipements scolaires seraient probablement sévèrement rationnés par le transfert des ressources sur les salaires pour tenter d’attirer davantage d’enseignants. Si la désintégration n’aboutit qu’à de nouveaux retranchements et conflits, il en va de même de la « gestion de crise ». En revanche, si des stratégies d’urgence nationales commençaient à porter leurs fruits et à apporter innovation et
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changement, on pourrait voir apparaître tout un nouveau corps de gestionnaires d’écoles et de directeurs et de nouvelles énergies. Réseaux : le travail en réseau et les partenariats apparaîtront par nécessité ; les regroupements se multiplieront pour faire face aux pénuries. Cependant, en raison des fortes pressions engendrées par la gestion de crise, les réseaux eux-mêmes, quoique très innovants, pourraient être moins axés sur le partage de connaissances professionnelles que sur la survie. L’orientation qui ressortira de ce scénario – retranchement ou dynamisme – définira la place des réseaux, marginale dans le premier cas, critique dans le second.
3.2. Scénarios 3.a et b : « Dé-scolarisation » Au lieu d’un statut élevé et de ressources généreuses pour les écoles, l’insatisfaction de différents acteurs influents conduit à un démantèlement plus ou moins marqué des systèmes scolaires. Dans le Scénario 3.a, de nouvelles formes de réseaux coopératifs finissent par dominer, alors que des mécanismes concurrentiels caractérisent le Scénario 3.b.
3.2.1. Scénario 3.a : « Réseaux d’apprentissage et société en réseau » L’insatisfaction suscitée par les dispositifs existants et l’expression d’exigences diversifiées conduisent à l’abandon des établissements scolaires au profit d’une multiplicité de réseaux d’apprentissage diversifiés, mouvement accéléré par les vastes possibilités qu’offrent des TIC puissantes et peu coûteuses. La désinstitutionnalisation, voire le démantèlement, des systèmes scolaires serait une caractéristique majeure de la nouvelle « société en réseau ». Les dispositifs de socialisation et de formation des enfants font appel à l’expression puissante de voix culturelles, religieuses et communautaires, certaines très locales, d’autres exploitant les possibilités des réseaux à distance et internationaux. Gouvernance : ce scénario suppose l’élimination des structures existantes de gouvernance et de responsabilité car les acteurs locaux et les sociétés de communication contribuent à « renverser » l’école dans les systèmes nationaux. Le local et l’international sont renforcés aux dépens de la dimension nationale – de nouvelles formes d’accréditation internationale pourraient par exemple apparaître pour les élites. La réduction de la « fracture numérique » la régulation du marché et la supervision des établissements publics qui subsistent deviennent les principales fonctions des pouvoirs publics. Des groupes d’employeurs peuvent devenir très actifs si ces dispositifs en réseau n’apportent pas une base de compétences adéquate et si le gouvernement n’est pas prêt à rétablir l’école. Ce scénario se définit pratiquement par
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INTRODUCTION
l’absence de structures de gouvernance et ne correspond donc étroitement à aucun des modèles décrits par Glatter (chapitre 4). Direction et gestion : la transformation progressive du système en réseaux imbriqués aboutit à une large dispersion de l’autorité et de la fonction dirigeante. Une part importante de ce qui est aujourd’hui organisé par les autorités éducatives et les écoles serait reprise par des individus, des groupes et divers acteurs, qui développeraient leurs propres projets et méthodes pédagogiques pour les apprenants. Loin de simplifier la gestion de l’éducation, une telle configuration serait au contraire extrêmement complexe. L’élimination des structures visibles en place exigerait de tous ceux qui participent à l’éducation des jeunes de pouvoir opérer des « mini-systèmes » – d’être capables d’enseigner, de faciliter, d’organiser les ressources locales, de suivre une formation continue, de gérer l’infrastructure et les aspects financiers, etc. Le démantèlement du système impliquerait une forte réduction des équipements publics et des locaux institutionnalisés, qui seraient remplacés par divers dispositifs de marché comme au scénario 3.b, tandis que les équipements locaux et privés joueraient également un rôle important. L’affectation des locaux existants, voire leur vente pure et simple, seraient l’une des questions qui se poseraient alors. Réseaux : les réseaux définissent et caractérisent ce scénario dans toutes ses composantes, mais ils concernent tous les scénarios même s’ils revêtent diverses formes et sont influencés par des forces différentes. De ce fait, les dispositifs examinés dans ce rapport ne trouveraient pas tous une place prédominante dans ce scénario, notamment les liaisons entre établissements, enseignants et établissements d’enseignement supérieur qui dépendent du système éducatif en place. Les groupements et les dispositifs non formels ou informels, et non les structures éducatives formelles, sont ici l’élément central.
3.2.2. Scénario 3.b : « Extension du modèle de marché » Les dispositifs de marché existants dans le domaine éducatif sont s e n s i ble m e n t d é ve l o p p é s c a r l e s g o u ve r n e m e n t s e n c o u rag e n t l a diversification dans un contexte général de changement impulsé par le m a rc h é . C e t t e é v o l u t i o n s e r a i t n o u r r i e p a r l ’ i n s a t i s f a c t i o n d e s « consommateurs stratégiques » reflet d’une culture considérant globalement l’école non pas comme un bien public, mais comme un bien privé. De multiples prestataires sont incités à prendre pied sur le marché de l’éducation, encouragés par de vastes réformes des structures de financement, des mesures d’incitation et de la réglementation. Un ensemble croissant d’indicateurs, de mesures et de dispositifs d’accréditation remplace le suivi direct et la réglementation des programmes par les autorités publiques.
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INTRODUCTION
Certes, l’innovation abondent, mais les transitions et inégalités douloureuses sont elles aussi nombreuses. Gouvernance : suivant la logique du modèle de marché, le rôle des prestataires centraux et des autorités publiques de l’éducation serait sensiblement réduit. Ils pourraient avoir une fonction de régulation du marché, mais participer moins directement au « pilotage » et au « suivi » qui entraînent des distorsions dans les activités de marché. Les dispositifs de financement, y compris le niveau absolu des ressources, jouent un rôle essentiel dans la configuration des nouveaux marchés de l’apprentissage et de leurs résultats. Des prestataires internationaux et des agences d’accréditation pourraient bien apparaître, mais des acteurs forts, dont bon nombre relèveraient du secteur privé, opéreraient à tous les niveaux – local, national et international. Les acteurs ayant une forte influence sur la gouvernance éducative seraient bien plus diversifiés. Ce scénario correspond bien au modèle du « marché compétitif » présenté par Glatter (chapitre 4), à ceci près que dans ce modèle, l’école reste une unité centrale tout en opérant dans des environnements très compétitifs, tandis que ce scénario suppose un important démantèlement des écoles elles-mêmes et l’apparition d’un large éventail d’autres prestataires pour les jeunes. Direction et gestion : alors que les modes administratifs de gestion et de direction domineraient dans le premier ensemble de scénarios, et les modes professionnels dans le deuxième, l’esprit d’entreprise serait ici beaucoup plus apparent sans toutefois s’y limiter car toutes les caractéristiques des scénarios précédents pourraient figurer de manière notable dans le modèle de marché – capacités administratives, gestion de crise, participation de la c o l l e c t iv i t é , h i é ra rchi e h o r i z o n t a l e e t t rava il d ’é q u i p e, d i rec t i o n professionnelle et pluricompétences. Le champ d’action de la gestion et de la direction serait étendu en raison du rôle essentiel de l’information et des conseils, des indicateurs et des évaluations, et de la nécessité de développer des échanges dynamiques entre l’offre et la demande éducative. Tout un ensemble de changements axés sur le marché serait introduit dans les régimes de propriété, de location et de fonctionnement de l’infrastructure d’apprentissage. Des solutions très innovantes pourraient se faire jour, mais le creusement des inégalités pourrait bien impliquer des ressources éducatives abondantes dans certains lieux et une dégradation de l’infrastructure dans d’autres. Réseaux : la diversité des dispositifs dans ce scénario « déscolarisé » apporterait très certainement une multiplicité de réseaux et de partenariats. Certains seraient internationaux, d’autres nationaux ou régionaux, d’autres très locaux. Ils se rencontreraient dans les quartiers les plus touchés par « les dysfonctionnements du marché » mais aussi dans ceux qui bénéficient d’un développement dynamique. Cependant, et surtout dans ces derniers, la
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INTRODUCTION
participation aux réseaux serait davantage motivée par les avantages compétitifs ainsi obtenus que par des raisons plus altruistes ou éducatives. Cette introduction a montré la place essentielle que les questions de gouvernance et de gestion, y compris le travail en réseau, tiennent dans l’analyse de l’école de demain. Ces questions se font de plus en plus complexes et font peser des tensions croissantes sur les autorités éducatives en place. De multiples idées nouvelles apparaissent également sur les solutions qui seront apportées à ces tensions dans les prochaines années, comme nous le verrons plus en détail dans les chapitres suivants. Cependant, il n’existe pas de voie toute tracée, ce que souligne la discussion relative aux scénarios et aux formes très différentes de gestion et de gouvernance qui s’offrent à l’avenir de l’école.
Notes 1. Responsable au sein du Secrétariat du CERI/OCDE pour l’activité « L’école de demain » sur l’innovation et des réseaux jusqu’à son retour au ministère de l’Éducation, de la Culture, des Sports, de la Science et de la Technologie au Japon. 2. Il y a trois ensembles de deux scénarios chacun, donc six scénarios en tout : 1. une tentative de maintien du statu quo (Scénario 1.a « Maintien de systèmes scolaires bureaucratiques » ; Scénario 1.b « Exode des enseignants » – le scénario de la « désintégration ») 2. Rescolarisation (Scenario 2.a « Les écoles au cœur de la collectivité » ; Scénario 2.b « L’école comme organisation apprenante ciblée ») 3. « Dé-scolarisation » (Scénario 3.a « Réseaux d’apprentissage et société en réseau » ; Scénario 3.b « Extension du modèle de marché »). 3. Depuis la publication de OCDE 2001a, le groupement des scénarios a été revu, le scénario de la « désintégration » représentant maintenant l’issue la plus négative du maintien du statu quo et le « modèle de marché » figurant dans la « déscolarisation ». 4. L’examen des évolutions et des leçons à tirer d’autres secteurs a caractéristisé l’analyse de la gestion des connaissances conduite par le CERI/OCDE en parallèle aux travaux sur l’école de demain (voir OCDE 2000a). 5. Cette combinaison de complexité et de solutions imaginatives est anticipée par le gouvernement néerlandais (chapitre 8) dans le domaine des équipements : « Une école communautaire peut être implantée dans des locaux appartenant à un tiers (un organisme sans but lucratif ou une SARL) ; dans ce cas, elle sera l’un des locataires d’un bâtiment polyvalent. »
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PARTIE I
Analyses des réseaux, de la gestion et de la gouvernance
Chapitre 1. Le travail en réseau dans la société, les organisations et l’éducation Hans F. Van Aalst ................................................................................................
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Chapitre 2. L’école de demain : les réseaux d’apprentissage Judith Chapman ..................................................................................................
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Chapitre 3. Les réseaux pour l’innovation dans l’enseignement : analyse comparative Anne Sliwka .........................................................................................................
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Chapitre 4. Gouvernance, gestion et direction Ron Glatter, Bill Mulford, Dale Shuttleworth ..................................................
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PARTIE I
Chapitre 1
Le travail en réseau dans la société, les organisations et l’éducation par Hans F. Van Aalst Katholiek Pedagogish Centrum (KPC) Group, Pays-Bas1
Résumé. Dans ce chapitre, l'auteur examine les raisons pour lesquelles les réseaux sont importants ainsi que les différentes formes qu'ils revêtent (« la communauté de pratique », « l'organisation en réseaux » et « la communauté virtuelle »). Il y décrit les caractéristiques des réseaux : les réseaux permettent aux producteurs et aux clients de nouer des liens entre eux et les uns avec les autres, ils sont interactifs, ils bénéficient d'une certaine autogestion, ils ont un objectif commun, ils renforcent les valeurs et la cohésion dans certaines circonstances, sans pour autant avoir un caractère permanent. Bien que les exemples soient parfois empruntés au monde de l'éducation, ils proviennent dans leur majorité de la documentation plus générale traitant des organisations. Les moyens électroniques jouent un rôle de plus en plus important dans l'instauration des réseaux bien que le travail en réseau soit fondamentalement humain. Les liens avec la gestion du savoir en particulier sont mis en évidence dans ce chapitre dans la mesure où la constitution de réseaux est un aspect important de la création, de la transmission et de l'utilisation des connaissances.
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I.1.
LE TRAVAIL EN RÉSEAU DANS LA SOCIÉTÉ, LES ORGANISATIONS ET L’ÉDUCATION
C
e chapitre examine les raisons de l’importance du travail en réseau et étudie les différents types de réseaux et leurs caractéristiques. Quelques exemples sont puisés dans la sphère éducative, mais la plupart des références sont tirées de la littérature organisationnelle générale. Les moyens électroniques jouent un rôle croissant dans le travail en réseau, bien qu’il s’agisse fondamentalement d’une activité humaine. L’analyse privilégie ici la gestion des connaissances en raison du rôle important que jouent les réseaux dans la production, la médiation et l’utilisation des savoirs.
1. Importance du travail en réseau et gestion des savoirs Le travail en réseau désigne l’établissement et l’utilisation (gestion) systématiques de liaisons internes et externes (communications, interactions et coordinations) entre des personnes, des équipes ou des organisations (« nœuds ») dans un objectif d’amélioration des performances. Cette définition comprend quatre éléments clés : ●
Gestion systématique.
●
« Nœuds » : experts, équipes et institutions.
●
« Liaisons » : communications, interactions et coordination entre nœuds.
●
Amélioration des performances.
Les réseaux sont de plus en plus utilisés comme des sources intrinsèques de savoir, des structures organisationnelles permettant d’améliorer l’efficacité et des sources d’innovation. « Une part grandissante du processus d’innovation intervient dans les réseaux par opposition aux hiérarchies et aux marchés… une petite minorité seulement d’entreprises et d’organisations innovent seules et… la plupart des innovations mobilisent de multiples organisations » (Lundvall et Borrás, 1997, p. 104). Les raisons à cela sont complexes et ancrées dans les transformations fondamentales de l’économie mondiale, notamment l’importance croissante du savoir et la mondialisation des échanges. La généralisation des communications électroniques puissantes et peu coûteuses accélère ce processus. De l’avis de Butler et al., ce facteur pourrait entraîner la disparition de la fonction traditionnelle des intermédiaires ou la transformer essentiellement en aide aux opérations de marché : auparavant, les organisations avaient besoin d’intermédiaires pour réduire les coûts de transaction ; ceux-ci ayant baissé, un nombre croissant de
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LE TRAVAIL EN RÉSEAU DANS LA SOCIÉTÉ, LES ORGANISATIONS ET L’ÉDUCATION
consommateurs effectuent eux-mêmes leurs recherches à l’aide des nouveaux médias et des outils de recherche en ligne (Butler et al., 1997). L’apprentissage en réseau est un mode de production de connaissances particulier, qui n’intervient pas aisément au sein des organisations ou sur le marché ouvert. Son attrait réside dans les caractéristiques suivantes : ●
Les réseaux donnent accès à une diversité de sources d’information.
●
Ils offrent un éventail plus large de possibilités d’apprentissage que les organisations hiérarchiques.
●
Ils offrent une base plus flexible, et en même temps plus stable, à l’apprentissage coordonné et interactif que ne le fait l’anonymat du marché.
●
Ce sont des mécanismes tacites de production de connaissances et d’accès à celles-ci.
Nous commençons à comprendre qu’une partie des connaissances sur lesquelles s’appuient les politiques et l’innovation est difficile à saisir et que l’écrit ne suffit pas à lui seul à en rendre compte – que les rapports s’appuient sur des recherches théoriques ou sur les pratiques éprouvées et sur l’expérience. En effet, le savoir est en grande partie enchâssé dans les structures sociales, au sein des organisations ou entre elles et il est très difficile, et parfois impossible, de l’expliciter. Dans l’éducation par exemple, la recherche pédagogique suscitait beaucoup d’espoirs il y a trente ans ; on espérait notamment qu’elle permettrait de constituer le corpus de connaissances nécessaire à l’élaboration des politiques et à la pratique. L’expérience est venue modérer ces attentes, sans que la médiocre qualité de la recherche pédagogique, ni son volume insuffisant, ni même l’absence de mécanismes de transfert soient en cause. La raison est en fait plus fondamentale : les connaissances pédagogiques sont en grande partie tacites (de 70 à 90 % selon les estimations). Les processus et structures nécessaires à l’échange et au développement des connaissances tacites diffèrent de ceux auxquels les recherches font appel. L’usage qui est fait des rapports écrits pour l’innovation est souvent décevant, notamment parce que les utilisateurs doivent partager une compréhension tacite du processus de codification avec les auteurs. Or, cette condition est rarement remplie. Ceux qui prennent part à la production des rapports ont appris à analyser et à combiner des données, à en rendre compte de manière cohérente et agréable, etc. Les autres, qui n’ont pas participé à ce travail, peinent à comprendre ce que l’on peut en apprendre parce qu’il leur manque les clés indispensables. L’exploitation d’un savoir codifié requiert un savoir tacite « complémentaire » (Lundvall, 2000 ; voir aussi Lundvall et Borrás, 1997). Tout document ayant une double composante, informative et sociale, il
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LE TRAVAIL EN RÉSEAU DANS LA SOCIÉTÉ, LES ORGANISATIONS ET L’ÉDUCATION
faut élaborer des « codes interprétatifs » pour en dégager le sens2. Si les clients sont hétérogènes, il faudra plusieurs ensembles de « codes interprétatifs » pour que le document puisse être utilisé. Le réseau peut contribuer à relayer le savoir codifié en développant les connaissances complémentaires et les codes interprétatifs nécessaires et donner par là une « vie sociale » aux documents. Il peut donc compléter l’information écrite codifiée et aider à renforcer l’efficacité des documents pour l’action et ainsi fonctionner lui-même comme un producteur de savoir. Les interactions entre savoirs tacites et codifiés servent de générateurs de la production de savoirs. Nonaka et Takeuchi (1995) décrivent les quatre interactions de base : entre tacite et tacite : socialisation ; de tacite à codifié : extériorisation ; entre codifié et codifié : combinaison ; et de codifié à tacite : intériorisation. Le travail en réseau peut aussi remplacer la production d’informations codifiées car il est plus efficace par rapport aux coûts que la production de livres ou de bases de données. L’effort de codification est souvent ardu, coûteux et lent. Les réseaux peuvent directement faciliter l’échange des savoirs tacites en évitant l’effort et le coût de la codification préalable. Les nouveaux réseaux pour la formation continue des enseignants et des chefs d’établissement, par exemple, tendent à être plus efficaces que les formations basées sur des données théoriques. Hansen, Nohria et Tierney (1999) ont identifié l’équilibre entre codification et personnalisation. Cependant, les réseaux ne sont pas une garantie systématique de production de connaissances et d’apprentissage ; certaines conditions les favorisent ou y font obstacle.
2. Typologie des réseaux Les réseaux revêtent de multiples formes, les plus connues étant les arrangements informels comme les clubs d’affaires, les « mentorats » les s é m i n a i r e s c o n j o i n t s , l e s l i s t e s d ’ a d re s s e s é l e c t r o n i q u e s e t l e s téléconférences. Les structures de coopération plus formelles comprennent les contrats d’externalisation, les joint-ventures et les organisations en réseau. Il arrive souvent que les structures formelles se substituent progressivement aux structures informelles. Les réseaux peuvent fonctionner horizontalement – entre institutions d’un même secteur ou de secteurs différents, entre entreprises et centres de recherche ou entre entreprises concurrentes – ou être organisés verticalement entre clients et fournisseurs. Ils peuvent avoir un caractère régional ou mondial. Les réseaux locaux et régionaux puisent une grande partie de leur puissance dans l’échange de connaissances tacites et présentent souvent une forte composante informelle et sociale. Les réseaux mondiaux organisent fréquemment les interactions entre savoirs codifiés et tacites. On peut différencier trois types de réseaux, qui peuvent se combiner dans la pratique.
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LE TRAVAIL EN RÉSEAU DANS LA SOCIÉTÉ, LES ORGANISATIONS ET L’ÉDUCATION
i) La communauté de pratique : ce type de réseau est mu par le besoin qu’ont des praticiens de trouver des solutions à des problèmes pratiques. Le terme a été introduit par Xerox, l’un des premiers grands groupes à exploiter le savoir intégré dans les réseaux pour améliorer les performances de l’entreprise. Souvent, les savoirs échangés et enchâssés dans ces réseaux ne sont pas codifiés ; les échanges se basent sur le modelage et le remodelage de l’expérience, sur la redondance et les métaphores, sur l’identification de celui qui sait. Certains réseaux de ce type allient une base de données bien organisée d’expériences codifiées (le savoir factuel et le savoir-faire) à un mode de communication et de recherche rapide et interactif (le « savoir qui » et le « savoir où ») ; c’est le cas, notamment, du réseau Anderson Consulting (Finerty, 1997). De nombreux réseaux de la sphère éducative sont des versions simples de ce type3. L’équipe virtuelle (Lipnack et Stamps, 2000), groupe doté d’un objectif précis, n’étant pas lié dans le temps ou l’espace, et se servant des TIC pour accomplir sa tâche, peut se ranger dans cette catégorie. ii) L’organisation en réseau : on peut décrire ce type de réseau comme « une coopération explicite ou tacite entre des organisations autonomes, reposant sur des relations semi-stables. La valeur ajoutée pour les groupes clients est générée par l’utilisation des noyaux de compétences et du positionnement commercial des uns et des autres » (Pullens, 1998). L’avantage de l’organisation en réseau est de permettre à chaque participant de rester autonome et de renforcer ses compétences centrales, mais aussi de livrer un meilleur produit à ses clients en exploitant les capacités de ses partenaires, et de servir leurs clients. Si l’on prend l’exemple de la coopération entre stations-service et distributeurs alimentaires, les premières bénéficient de l’expertise logistique du distributeur alimentaire, tandis que celui-ci profite des points de ventes répartis sur des emplacements aisément accessibles en voiture, chacun bénéficiant de la clientèle de l’autre. iii)La communauté virtuelle : ce terme couvre une grande diversité de communautés se servant des TIC pour échanger des informations, étendre leur sphère d’influence à un public plus large, et parvenir à un résultat précis. L’objet d’une « communauté virtuelle » peut être uniquement ludique (par exemple Kim, 2000). Cette forme de réseau revêt une importance croissante dans le domaine de la gouvernance publique.
3. Caractéristiques des réseaux Les réseaux et les modes de travail en réseau présentent plusieurs caractéristiques d’ordre général plus ou moins évidentes, dont les suivantes sont particulièrement intéressantes : ●
Des liens sont noués non seulement avec les producteurs (dans la sphère éducative, ce sont les spécialistes de la recherche et de l’innovation dans
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I.1.
LE TRAVAIL EN RÉSEAU DANS LA SOCIÉTÉ, LES ORGANISATIONS ET L’ÉDUCATION
l’enseignement et les enseignants) mais de plus en plus avec les clients (ministères, écoles, enseignants, parents et, avec l’apprentissage tout au long de la vie, d’autres parties prenantes comme les employeurs). Les réseaux servent à identifier les besoins des clients et à les servir en conséquence.
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●
Les liens sont interactifs. Les clients potentiels spécifient leurs besoins au début d’un projet ou d’un service et évaluent les résultats intermédiaires. Contrairement au modèle traditionnel dans lequel ils sont rémunérés pour leur prestation, les experts espèrent ici bénéficier de leur participation à un réseau. Les contrats de coopération peuvent très bien spécifier les bénéfices mutuels attendus.
●
Les réseaux bénéficient d’une certaine autogestion. Cela ne signifie pas absence de chef ou de gestion des processus, car ceux-ci sont en fait plus essentiels que dans les organisations traditionnelles, mais ils diffèrent de ceux pratiqués dans les organisations hiérarchiques ou bâties autour de l’unité de lieu et de temps, et requièrent des compétences spécifiques. Dans les réseaux, les responsabilités sont souvent partagées par domaine et la fonction dirigeante peut changer constamment. Les processus de travail de groupe dans un réseau diffèrent de ceux d’une équipe plus traditionnelle.
●
Les participants – nœuds – d’un réseau ont un but commun. Ce peut être une vision, une mission ou un objectif plus concret. Les participants restent actifs dans le réseau tant qu’il leur apporte un bénéfice, lequel est aussi, en dernier ressort, un avantage pour leurs clients. Dans les organisations en réseau, les participants obtiennent ce bénéfice tout en restant autonomes.
●
Les réseaux vont et viennent. Ce sont des structures dynamiques, qui changent – type et nombre de participants, rôles des participants, etc. – et finissent.
●
Les moyens électroniques permettent et accroissent les échanges en réseau, mais les réseaux sont humains. Par exemple, les discussions électroniques exigent une très forte adhésion aux codes de respect et la confiance est un facteur de succès. Les équipes virtuelles ne réussissent que si les communications électroniques sont complétées par des contacts réguliers en face à face, lesquels peuvent avoir une fonction plus sociale qu’utilitaire.
●
En général, les grands réseaux sont efficaces lorsqu’ils suscitent et nourrissent un sentiment d’appartenance, de cohésion et de renforcement des valeurs. Pour être plus rapidement productifs, les groupes les plus larges tendent à se morceler en réseaux plus petits et les équipes virtuelles comportent souvent un petit noyau actif de 5 à 7 personnes, même si les membres sont plus nombreux.
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Les conflits de valeurs qui caractérisent de nombreuses organisations occidentales peuvent mener à controverser le travail en réseau. Celui-ci se superpose aux styles de management traditionnels, les modifie ce faisant, et traduit aussi une évolution de la valeur que l’on attache aux connaissances. Nonaka et Takeuchi (1995) décrivent le système de connaissances occidental, qui s’oppose à celui du Japon où la plupart des organisations travaillent traditionnellement en réseau. Alice Lam (1998) explique les problèmes que posent, pour les ingénieurs britanniques et japonais amenés à travailler ensemble, des systèmes de connaissances très différents – le modèle professionnel et le modèle organisationnel, qui contrastent par trois dimensions : corpus de connaissances, organisation des connaissances et transmission des connaissances (voir encadré 1.1). Ces deux sources montrent les difficultés posées par le concept de « savoir enchâssé dans les groupes/réseaux » aux professionnels des sociétés occidentales.
Encadré 1.1. Deux systèmes de connaissances différents
Corpus de connaissances
Modèle professionnel
Modèle organisationnel
Connaissances rationalisées.
Connaissances tirées de l’expérience.
Connaissances acquises par une formation structurée.
Connaissances acquises par l’action et l’expérimentation.
Connaissances assez abstraites et théoriques, génériques et spécialisées, très rationalisées et cohérentes en interne.
Connaissances enchâssées dans des routines et procédures organisationnelles particulières, comprises et partagées par les membres ayant une expérience et des valeurs communes.
Assez faciles à diffuser, mais difficiles à appliquer à un problème pratique donné et à intégrer.
Assez difficiles à diffuser à des contextes différents, mais plus concrètes, pratiques et intégratives.
Structure et organisation des connaissances
Spécifiques aux tâches, séquentielles, basées sur l’individu.
Diffuses, superposées, basées sur les groupes.
Descriptions de poste précises.
Descriptions de postes larges et ambiguës.
Coordination et transmission des connaissances
Explicites et basées sur des documents. Tacites et fondées sur le réseau humain. Règles et procédures écrites, spécifications détaillées.
Interactions intensives et approfondies entre les membres du groupe.
3.1. Risques et bénéfices Les réseaux s’accompagnent des risques et pièges suivants : ●
Un réseau peut freiner le changement et être lui-même une force conservatrice. Ses membres peuvent s’habituer aux normes et valeurs qu’il
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exprime, ce qui fait obstacle au changement. Ce peut être une raison de fixer une date butoir à la participation à un réseau ou au réseau lui-même. ●
Un réseau peut s’écarter lentement des intérêts des partenaires ; c’est même un processus fréquent. Certains participants peuvent s’en détacher et se réunir pour former un nouveau cycle et un nouveau réseau.
●
Un réseau peut être constitué sans vision ou objet commun, ou se fixer des missions incompatibles ou qui ne répondent pas aux aspirations des participants.
●
La définition des fonctions manque souvent de précision.
●
Certains nœuds du réseau peuvent finir par dominer et troubler une culture coopérative.
Hutt (2000) décrit les relations fonctionnelles et personnelles dans un réseau et il existe des check-lists susceptibles d’aider à la mise en place et à la gestion d’un réseau, qui peuvent ainsi contribuer à réduire ces risques, sinon à les supprimer totalement. Pour comprendre les bénéfices et les coûts du travail en réseau, il faut le pratiquer. En un sens, la mise en réseau n’est pas une nouveauté, et nous gérons tous des contacts formels et informels au quotidien. Une première étape est alors d’y réfléchir systématiquement en s’aidant de certains outils. Les principales catégories d’évaluation sont les suivantes : les personnes impliquées (partenaires, fonctions dirigeantes, niveaux de participation), le but (coopération, tâches, résultats) et les liaisons utilisées (choix des médias, interactions, relations de confiance)4. L’étape suivante consiste à améliorer les méthodes de travail traditionnelles par de nouvelles méthodes. Si l’on parvient à intégrer explicitement ces deux étapes dans la culture d’une organisation, le travail en réseau peut être un puissant outil d’amélioration. L’échange en réseau n’est pas neutre. Il concerne tout à la fois ce que nous pensons que sont les savoirs utiles et la manière dont nous échangeons avec des experts extérieurs, des collègues, des concurrents, des clients potentiels et les uns avec les autres. Il faut en faire l’apprentissage, à partir de l’expérience acquise et en testant de nouvelles méthodes. Une réflexion systématique sur les deux aspects est indispensable. On dispose d’informations abondantes sur le fonctionnement des réseaux dans le monde de l’entreprise, et de plus en plus dans celui de l’éducation. Des réseaux entre écoles et enseignants sont déjà opérationnels dans la plupart des pays, même s’ils présentent des degrés divers de sophistication, et il existe aussi plusieurs réseaux internationaux. Le travail en réseau est intrinsèquement un acte d’innovation. Il serait intéressant de rassembler des informations évaluatives sur le fonctionnement de ces réseaux dans différents contextes éducatifs et de comprendre leurs incidences sur la gestion et la gouvernance. Dans ce
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LE TRAVAIL EN RÉSEAU DANS LA SOCIÉTÉ, LES ORGANISATIONS ET L’ÉDUCATION
processus, les perspectives d’autres secteurs, en particulier dans le domaine de la gestion des savoirs, peuvent s’avérer très précieuses.
Notes 1. Consultant auprès du CERI/OCDE de 1995 à 1998. 2. Brown et Duguid (1996) suggèrent que les documents ne contiennent pas seulement de l’information, mais qu’ils suscitent tous des « communautés d’interprétation ». L’état « figé » du document et « l’état fluide » des communautés d’interprétation sont complémentaires. 3. Quelques exemples de réseaux internationaux dans le domaine de l’éducation : • www.esp.educ.uva.nl/ (European Schools Project, pour les écoles connectées à Internet) • www.scienceacross.org/ (Science across the World) • www.eun.org/eun.org (European Schoolnet) • www.iecc.org/ (Intercultural Classroom Connections) • www.iearn.org/professional/prof_connections.html (formation continue). 4. Pour ces catégories, voir le site : www.virtualteams.com/library/lib_fr.asp, qui offre une source abondante de critères d’évaluation de l’efficacité des réseaux.
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PARTIE I
Chapitre 2
L’école de demain : les réseaux d’apprentissage par Judith Chapman* Université catholique australienne
Résumé. L'auteur dans ce chapitre affirme qu'il pourrait être très fructueux du point de vue des activités éducatives de s'intéresser aux réseaux et à leurs conséquences pour l'acquisition de connaissances. Pour étayer cette affirmation, Mme Chapman fait état des récentes avancées dans le domaine des sciences et du langage, de la philosophie sociale et politique, et se réfère également aux développements de la psychologie cognitive et de la théorie de l'apprentissage. Le concept de « réseaux » offre une solide base pour engager une réflexion sur l'école en tant qu'organisation, sur la collectivité en tant que lieu d'acquisition de connaissances et sur l'élaboration d'une politique de coopération. L'auteur étudie ces différentes questions sous un certain nombre de rubriques : former les jeunes pour la société en réseaux ; créer une population active adaptable et travaillant en réseaux ; transformer les environnements d'apprentissage en favorisant le travail en équipes et en réseaux ; la formation tout au long de la vie à travers des parcours complexes ; et le réseau mondial.
* L’auteur souhaite ici remercier le Professeur David Aspin, Professeur de philosophie de l’éducation, université de Monash, Australie, pour le concours apporté à cette communication.
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I.2.
L’ÉCOLE DE DEMAIN : LES RÉSEAUX D’APPRENTISSAGE
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ans le débat sur l’apprentissage tout au long de la vie et sur la nature de l’école au XXIe siècle commence à s’insérer une discussion sur la nécessité de nouvelles conceptualisations de l’enseignement, de nouvelles stratégies d’offre et d’une approche plus souple de l’innovation et du changement. Le concept de « réseau » promet de faire partie intégrante de tous ces aspects.
1. Le concept de « réseau » Le « réseau » diffère par sa nature de tous les autres termes qui ont été historiquement utilisés dans le contexte de l’école ou d’autres établissements d’enseignement, de leurs dispositifs organisationnels et de la manière d’appréhender l’innovation et le changement. Il se différencie des formes traditionnelles de regroupement des écoles et des systèmes, qu’il s’agisse de modèles hiérarchiques et bureaucratiques ou des formes organisationnelles basées sur les principes de marché et l’autogestion sur lesquelles on a plus récemment mis l’accent. Le « réseau » souligne l’idée de « communauté » comme composante commune et le principe de connexion entre institutions. Les écoles ne sont pas seulement des « grappes » terme qui dénote la proximité géographique, ni des « groupes » qui suggèrent une agglomération quasi accidentelle d’établissements disparates. En fait, elles sont plus ouvertement associées les unes aux autres par des formes de connexions qui ont été délibérément mises en place et travaillées dans la poursuite d’intérêts et d’objectifs communs. Il s’agit donc de constructions intentionnelles, liées par un tissu de buts communs, dont les parties constitutives sont également imbriquées et doivent apporter une contribution identique à la promotion de leurs intérêts partagés. Le « World-Wide Web », la « Toile », offre ici une métaphore appropriée. L’interconnexion des sites s’effectue suivant les ramifications d’un filigrane de champs liés les uns aux autres. Une interrogation dans un domaine mène, par des voies et liaisons interconnectées, à une zone congruente ou contiguë à partir de laquelle de nouvelles avenues d’interrogations peuvent être ouvertes, explorées et élargies. Cette métaphore trouve tout son intérêt lorsque l’on considère la sphère internationale, pour souligner que les réseaux ne sont pas seulement locaux, mais plus généraux et universels. Les « flux » de théories, pensées, cultures et innovations qui sont aujourd’hui exprimés entre les écoles et d’autres établissements d’enseignement ont, de plus en plus, une portée et un impact planétaires.
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La pertinence du terme « réseau » procède aussi de l’évolution de la philosophie. En opposition à la conception traditionnelle de structures basée sur des principes empiriques de différences et de démarcations des disciplines, de nouvelles représentations se sont fait jour dans la philosophie des sciences et du langage. Celles-ci arguent que la croissance et l’évolution de la théorie, du savoir et de l’apprentissage est holistique et que leur intégration s’effectue de manière comparable à la construction graduelle de la toile d’araignée. Chaque « fil de pensée » peut être connecté à d’autres fils voisins ou même distants, le long d’un réseau de connexions cognitives. Ensemble, ils constituent une réticulation globale, un lien cognitif unificateur, de la « théorie » que nous avons du monde (voir par exemple Quine et Ullian 1970 ; et Wilson 1998). Ces nouvelles lignes de pensée sociale et politique trouvent leur origine dans une déception croissante à l’égard des positions opposées des philosophies sociales et politiques existantes. Elles ont apporté une base de plus en plus forte à la conceptualisation des écoles comme des communautés et comme des nœuds dans l’évolution et la mise en place des réseaux d’apprentissage. Ces dernières années, les concepts de communauté ont fortement influencé la pensée sociale et politique (Etzioni, 1995, 1996 ; Gray, 1997 ; McIntyre 1980 ; Sandel, 1981). Ils ont soustendu une nouvelle réflexion sur la moralité politique, la politique publique et les relations sociales et la création de formes, de structures et d’interactions sociales innovantes, qui ont de vastes implications pour l’éducation.
2. La pertinence du « réseau » pour l’école au XXIe siècle 2.1. Former les jeunes pour la société en réseau Diverses raisons ont été avancées à l’importance continue qu’il convient d’accorder à l’école au XXIe siècle – par exemple, la croissance accélérée du rôle et de l’importance des technologies de l’information et le maintien, voire le renforcement, des compétences en communication comme exigence majeure pour tous dans la « société en réseau ». Mais tout le monde n’a pas accès à un PC et à Internet à la maison, ou même dans des cybercafés, et ceux qui en sont privés sont ainsi disqualifiés de la participation à l’économie et à la société élargies qui reposent sur ces modes de communication. Il est donc nécessaire que certains jeunes y aient accès, ainsi qu’aux matériels et logiciels nécessaires, et ce dans un environnement positif de conseil et de soutien. Comme l’a montré Ackerman (1980), il ne peut y avoir de véritable communication que dans le cadre d’un groupe, au sein d’un réseau de relations interpersonnelles, où les conversations sons sous-tendues par le respect de certaines normes et conventions. Les écoles sont des lieux idéaux pour aider les jeunes à prendre conscience des autres et, par les conversations et la communication, de l’importance des obligations envers les autres
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membres de la collectivité. L’école peut aider les jeunes à progresser sur la voie de la citoyenneté active et de la responsabilité à l’égard d’autrui en leur apprenant comment peser les questions, se faire une opinion et avoir conscience des conséquences de leurs actions sur les autres. Cet apprentissage revêt une importance particulière lorsque par l’Internet, les élèves ont accès à des possibilités incalculables, à la fois bénéfiques et nocives. Certaines parties du monde sont le foyer de menaces croissantes d’instabilité sociale et d’insécurité des personnes. Il faut que les jeunes, futurs citoyens de démocraties participatives, se forgent une opinion sur les questions de portée nationale et internationale. Ce type d’apprentissage ne peut se faire à partir d’un serveur de fichiers ou d’un terminal à écran de visualisation. Les jeunes ont besoin de modèles appropriés de comportement relationnel et social au travers desquels apprendre à comprendre les responsabilités et les obligations à l’égard de la collectivité. La famille est le lieu naturel de ce processus, mais d’autres, parmi lesquelles les écoles tiennent une place prééminente, jouent un rôle vital de soutien. Il existe une autre raison au caractère indispensable des écoles comme agents d’apprentissage dans des sociétés complexes. Les jeunes doivent être initiés à un très large éventail d’activités parmi lesquelles ils pourront faire leur sélection propre pour bâtir un ensemble satisfaisant de choix de vie. En général, le foyer ne peut fournir à lui seul un éventail aussi large : il existe des intérêts, des capacités et des objectifs que la cellule familiale ne connaît pas ou auxquels elle ne peut pas pourvoir. Bien entendu, les écoles ne sont pas le seul lieu offrant un large choix d’activités, mais elles sont bien connectées à divers réseaux d’apprentissage et activités. Elles peuvent aider les jeunes à devenir sélectifs (Chapman et Aspin, 1997).
2.2. Former des travailleurs adaptables, travaillant en réseau dans des lieux de travail transformés L’étude de l’OCDE intitulée Une flexibilité durable (1997) maintient que dans l’économie fondée sur le savoir du XXI e siècle, marquée par une rapide évolution des technologies et des marchés, la nature du travail sera transformée. Cette transformation altère les attentes relatives au type de travailleurs dont on aura besoin ; selon les auteurs, elle sera caractérisée par la flexibilité et le travail en réseau, dans lesquels interviendront des interactions complexes entre des travailleurs plus instruits, prêts à apprendre rapidement pour se charger de nouvelles tâches et à être mobiles, et des entreprises affichant les meilleures performances, qui encouragent une plus grande flexibilité moyennant une formation générale, des emplois à tâches multiples et la participation des salariés à la prise de décision. Ils suggèrent que la nécessité de former des travailleurs plus compétents en résolution de
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problèmes et capables de contribuer à élargir les possibilités d’apprentissage a de profondes implications pour l’école : ●
Premièrement, il s’ensuit que les formes normalisées de l’enseignement professionnel, organisées en fonction de compétences spécifiques pour des emplois spécifiques, sont presque entièrement anachroniques, sauf si elles peuvent être utilisées pour enseigner des méthodes de résolution des problèmes et des techniques d’organisation et d’enseignement aux élèves qui ont dû abandonner des filières plus classiques d’apprentissage.
●
Deuxièmement, cela signifie que l’apprentissage dans les établissements d’enseignement devrait être de plus en plus organisé dans la perspective d’une coopération, ce qui implique que les élèves étudient en groupe, présentent un travail de groupe et, souvent, soient évalués en tant que groupe.
●
Troisièmement, le programme d’étude devrait permettre l’acquisition de connaissances sur la mise en réseau, le rôle de la motivation et la pédagogie, de sorte que les élèves puissent avoir une bonne perception du comportement humain et des caractéristiques du groupe. Dans l’environnement centré sur l’apprentissage auquel a donné naissance l’ère de l’information, le processus d’apprentissage et la motivation nécessaire à l’apprentissage devraient faire partie intégrante du programme d’étude proprement dit [ibid. p. 34-35].
Florida (1995, p. 535), dans un examen des environnements et infrastructures des sociétés du XXIe siècle fondées sur le savoir, conclut : « Les systèmes industriels et d’innovation du XXIe siècle seront très différents de ceux qui ont fonctionné pendant la plus grande partie du XXe siècle. Le savoir et l’intelligence humaine, et non plus le travail physique, constitueront la principale source de valeur. Les mutations technologiques s’accéléreront et atteindront un rythme inconnu jusque là : l’innovation sera perpétuelle et continue. Les organisations à forte composante de savoir fondées sur les réseaux et les équipes remplaceront la bureaucratie verticale, pierre angulaire du XXe siècle. »
2.3. Créer des environnements d’apprentissage optimaux en s’appuyant sur les équipes et les réseaux Lorsque au XIXe siècle, l’enseignement gratuit est devenu obligatoire pour tous dans la plupart des sociétés occidentales, la conception des écoles reposait sur celle que l’on avait alors de la nature des institutions, du fonctionnement de l’esprit et des processus d’apprentissage. La vision du monde que l’on avait au tournant du siècle dernier insistait sur l’idée de l’apprentissage comme linéaire, séquentiel, généralisable et mécaniste. Les écoles se caractérisaient par une organisation hiérarchique ; le savoir était
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compartimenté en séquences discrètes et gérables ; l’évaluation se fondait sur le mesurable et le quantifiable. Ces hypothèses ne sont plus en mesure, pour autant qu’elles l’aient jamais été, de satisfaire les exigences des apprenants qui se préparent au XXIe siècle. Une nouvelle réflexion sur la nature et les styles d’apprentissage, adaptés aux modes de progression et d’acquisition cognitive des élèves, doit former la base du travail dans les écoles de demain. Celles-ci devraient mieux refléter les découvertes et implications de la compréhension que l’on a aujourd’hui de l’apprentissage, d e l ’ a c q u i s i t i o n d e c o n n a i s s a n c e s e t d e s s c i e n c e s c o g n i t ive s e t métacognitives. Faisant le point sur les recherches récentes, Griffey et Kelleher (1996, pp. 3-9). c o n c l u e n t q u e l ’ e nv i r o n n e m e n t o p t i m a l e s t c e l u i d a n s l e q u e l l’apprentissage s’appuie sur l’offre d’une expérience directe par l’action dans son contexte d’application, avec des experts exercés dans ce contexte. Chacun devrait prendre conscience de ses théories implicites sur l’apprentissage, de sa stratégie d’apprentissage, s’en considérer maître et le voir comme intrinsèquement gratifiant. Le travail d’équipe devrait s’inscrire dans des conditions qui permettent d’acquérir de l’expérience dans « l’apprendre à apprendre » et de réfléchir à la formulation des problèmes et à leurs stratégies de résolution. Les animateurs et les enseignants devraient eux-mêmes s’engager dans l’apprentissage. Les écoles comme centres de réseaux d’apprentissage, conscientes de leur identité propre, de leur quartier, de la société et de la communauté mondiale vont dans le sens de ces conclusions. La réalisation d’un tel modèle nécessitera d’importantes réformes des programmes d’enseignement, de la pédagogie, de l’offre d’enseignement et de l’organisation des écoles, notamment des approches des rythmes scolaires.
2.4. Les réseaux d’apprentissage extrascolaires Les écoles se caractérisent de plus en plus par des combinaisons plus fluides – entre offre scolaire et travail, apprentissage formel et informel. Des formes et des moyens innovants sont indispensables pour que les jeunes apprennent par le lieu de travail et la collectivité. Ils doivent être des agents actifs qui planifient et gèrent les possibilités qui leur sont offertes dans le cadre de l’école et de la formation continue, leur expérience professionnelle et leur carrière en devenir. Une attention particulière doit être accordée à la manière dont les écoles aident les élèves « à risque » à se réintégrer, ce qui suppose notamment des conseils d’orientation plus efficaces. L’apprentissage au travail et dans la collectivité, en partenariat avec les écoles, nécessite une forte collaboration inter- et intraprofessionnelle et un changement d’organisation.
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Le nouveau modèle qui présidera à la construction de réseaux articulés et interconnectés pour l’apprentissage tout au long de la vie ne se basera pas sur une progression linéaire suivant une succession d’échelles. Il s’appuiera sur la notion d’une structure qui se complexifie et se développe progressivement, dans laquelle les élèves explorent de nombreuses possibilités d’épanouissement personnel et d’avancement professionnel (Smethurst, 1995). Ils acquièrent compétences et confiance en empruntant des parcours diversifiés, en accroissant leurs acquis en matière d’apprentissage personnel et professionnel et la satisfaction qu’ils en retirent.
2.5. Le réseau mondial L’idée d’établir les liens entre les écoles et la société plus large ne revêt pas seulement une pertinence locale, régionale ou même nationale, mais concerne aussi l’international. Les écoles étaient traditionnellement un bras important de l’État-nation, mais la domination de ce dernier subit une érosion progressive, particulièrement en Europe, dans le domaine de la finance, des stratégies de défense, de la politique monétaire, de la représentation régionale et des pouvoirs de décision. Les écoles sont affectées par les forces centrifuges qui génèrent cette transformation. Elles doivent aujourd’hui réfléchir aux moyens de développer au mieux chez leurs élèves une conscience nationale, régionale et internationale pour les préparer à la vie au XXIe siècle. Dès lors, l’une des difficultés qui se posent aux écoles est de savoir comment rendre la société mondiale accessible à tous les élèves, en termes de perspectives d’emploi, de culture, de sensibilité culturelle et de compréhension des autres cultures. Cela est d’autant plus important que l’accès à une éducation tournée vers l’international n’est généralement possible qu’à un coût financier considérable tant pour ses bénéficiaires que pour les prestataires. L’autre difficulté est de nourrir les cultures nationales et le sentiment d’identité collective alors même que les citoyens composent avec des cadres de plus en plus internationaux, soumis à des influences mondiales. Il est révélateur qu’au moment même où les dangers de perte de l’identité locale liée à la mondialisation devenaient évidents, on ait accordé une attention croissance à l’idée de « collectivité » comme caractéristique centrale de la vie politique, sociale et individuelle. Dans l’éducation, l’apprentissage pour tous au travers des collectivités et des réseaux d’apprentissage est une question importante. En résumé, l’intérêt porté aux réseaux d’apprentissage et à l’innovation peut s’avérer très fructueux pour l’éducation. Il trouve ses origines intellectuelles dans les récentes avancées de la théorie, des sciences et du langage, de la philosophie sociale et politique, et dans les développements de la psychologie cognitive et de la théorie de l’apprentissage. Le concept de
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« réseaux » offre une nouvelle base à la réflexion sur l’école comme organisation, sur la collectivité comme site d’apprentissage et sur l’élaboration d’une politique de coopération capable de servir au mieux l’intérêt de tous les membres de la société.
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PARTIE I
Chapitre 3
Les réseaux pour l’innovation dans l’enseignement : analyse comparative par Anne Sliwka Université d’Erfurt, Allemagne
Résumé. L'auteur de ce chapitre examine l'essor et la pertinence des réseaux régionaux, nationaux, voire parfois internationaux, dans le domaine de l'éducation. Elle décrit la tendance à la création de réseaux et le contexte dans lequel s'inscrit ce processus assimilable à une forme d'interaction sociale qui suscite un intérêt croissant. Elle analyse les forces sociales et éducatives plus générales qui sous-tendent la formation des réseaux ainsi que le rôle et la finalité des réseaux dans l'innovation en matière d'enseignement. Elle donne une description des types de réseaux, des acteurs qui y prennent part, de leurs initiateurs, de leurs membres, des systèmes de direction et des facteurs organisationnels. Elle examine les facteurs incitatifs et les conditions préalables propices à l'efficacité des réseaux. En conclusion, elle étudie le rôle du travail en réseaux dans le domaine de l'éducation et les conséquences qui en découlent pour l'action des gouvernements. L'auteur dans son analyse ne prétend pas couvrir la multitude de réseaux mis en place dans les pays de l'OCDE mais se concentre sur ceux qui ont participé aux activités du CERI/OCDE et sur quelques autres en place en Europe et en Amérique du Nord.
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LES RÉSEAUX POUR L’INNOVATION DANS L’ENSEIGNEMENT : ANALYSE COMPARATIVE
1. Introduction Ce chapitre examine l’essor et l’intérêt des réseaux régionaux, nationaux et, dans certains cas, internationaux dans le domaine de l’éducation. Après avoir décrit les tendances générales et le contexte dans lesquels s’inscrit le travail en réseau, forme d’interaction sociale suscitant un intérêt croissant, il analyse les forces sociales et éducatives plus générales qui sous-tendent la formation des réseaux, leur rôle dans l’innovation dans l’enseignement et certains de leurs grands objectifs. Adoptant ensuite une perspective plus systémique, il étudie la fonction des réseaux dans un système complexe de collaboration entre les établissements au travers de leurs structures, de leurs ins tig ateu rs , de le urs sys tèm es de direction e t de leu rs fac teu rs organisationnels, ainsi que les facteurs incitatifs et les conditions préalables favorisant leur réussite. Enfin, la dernière partie dégage quelques conclusions sur la fonction et l’avenir du travail en réseau dans l’éducation et sur son potentiel pour l’action publique. Il faut souligner que cette analyse ne prétend pas couvrir la multitude de réseaux mis en place dans les pays de l’OCDE. Elle s’attache à ceux qui ont participé aux activités du CERI/OCDE, en particulier au séminaire de Lisbonne de 2000, et à d’autres réseaux d’Europe et d’Amérique du Nord, familiers à l’auteur.
2. Réseaux et innovation La forme spécifique de coopération et de collaboration sociale entre i ndividu s et in stitutions qu e cons titue l e travail en ré seau s’e st considérablement développée ces dernières années. Alors que les réseaux sociaux de proximité physique existent depuis longtemps, les nouvelles t e ch n o lo g i e s e t l a f o r t e b a i s s e d e s c o û t s d e c o m mu n i c a t i o n o n t considérablement facilité les contacts par-delà de bien plus grandes distances physiques. Les réseaux investissent des domaines aussi divers que les échanges commerciaux, les arts et la politique publique. La formation professionnelle s’est toujours déroulée dans le cadre de réseaux collégiaux informels au sein desquels des individus ayant des expériences, des intérêts et des antécédents similaires échangeaient leurs connaissances cumulées pour développer et encourager l’apprentissage mutuel. Les réseaux sociaux permettent traditionnellement un échange souple et peu coûteux de savoirs entre pairs.
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Les recherches sur les réseaux montrent que ceux-ci peuvent revêtir des formes très diverses et qu’il ne se dégage pratiquement pas de consensus autour de leur définition (Hämälainen et Schienstock, 2000). Cependant, on peut raisonnablement affirmer qu’au sein d’un réseau, divers acteurs indépendants nouent des relations assez lâches pour poursuivre des objectifs communs (Johannison 1987, p. 9). Les réseaux se différencient par leur portée géographique, locale, régionale, nationale ou internationale, et par leur organisation : horizontale – connectant des individus et des organismes dans des domaines fonctionnels similaires, ou verticale – reliant des personnes et des entités dans des domaines fonctionnels différents mais interdépendants (par exemple, un processus de production). En tant que forme d’échange entre pairs, les réseaux sont des organisations plus ou moins dépourvues de hiérarchie qui ne dépendent pas d’une administration directive traditionnelle. Il faut néanmoins les considérer comme des organisations qui, pour fonctionner efficacement, requièrent à la fois des structures relativement stables et une forme de direction organisationnelle. En ce sens, tout réseau suppose une forme de sousstructure d’administration et de gestion qui déclenche le processus de mise en réseau, formule les principes et lignes directrices relatifs à la participation, recrute les membres, crée une infrastructure de communication et facilite l’échange continu entre les membres.
3. Innovation dans les systèmes scolaires Historiquement, la plupart des systèmes scolaires encourageaient peu la coopération et l’échange entre établissements, lesquels fonctionnaient dans un isolement plus ou moins grand, surtout dans les pays où les écoles ont très peu d’autonomie. Ils recevaient leurs directives administratives de leur autorité de tutelle, généralement un ministère de l’Éducation ou un conseil d’administration régional. Le programme d’enseignement, les pratiques pédagogiques et les procédures administratives étant largement prescrites par la superstructure bureaucratique, la plupart des systèmes encourageaient peu les écoles à développer des profils individualisés et des compétences professionnelles de gestion. Cependant, on considère depuis les années 80 que l’évolution des écoles est davantage encouragée par l’impulsion et l’initiative locales que par des changements imposés du sommet par une autorité éducative distante. De ce fait, la plupart des sociétés industrielles ont accordé une plus grande autonomie aux établissements à l’intérieur d’un cadre général de normes et de directives. En échange de ces nouvelles libertés, les établissements ont dû davantage rendre compte au public de leur évolution et de leur efficacité. L’assurance qualité et l’évaluation ont été rendues obligatoires dans de nombreux systèmes
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scolaires. Une autonomie budgétaire plus ou moins grande, la liberté d’embaucher du personnel et une intervention accrue dans la conception de certaines parties des programmes d’enseignement – ont suscité un nouveau besoin de structures d’appui et de perfectionnement professionnel. Des praticiens innovants, moteurs de ce processus nouvellement encouragé, ont recherché de nouveaux modes d’apprentissage mutuel et de perfectionnement professionnel. Nombre d’entre eux – jusque là relativement isolés dans des établissements hiérarchisés et rigides – se sont tournés vers l’extérieur afin de trouver d’autres idées pour améliorer le processus d’évolution de leur école et des possibilités d’échanger des expériences et solliciter des conseils et des retours d’informations auprès d’amis objectifs et critiques. Les centres d’enseignants « teacher centres » apparus dans les années 70 et 80 dans plusieurs systèmes scolaires décentralisés comme l’Australie, les Pays-Bas, la Scandinavie, le Royaume-Uni et les États-Unis préfiguraient les réseaux d’éducation. Ils permettaient aux enseignants de différents établissements de se rencontrer à l’extérieur pour échanger avec leurs collègues et se former. En Norvège et aux Pays-Bas notamment, ils se sont imposés comme des lieux d’appui à l’innovation régionale et au changement dans les établissements en offrant aux praticiens novateurs la possibilité de se rencontrer et de se perfectionner (Dalin, 1999, p. 351). Cependant, le fonctionnement des centres d’enseignants est coûteux et beaucoup n’ont pas survécu aux restrictions budgétaires. Les réseaux peuvent être des plates-formes au service des praticiens de l’éducation dans un contexte de plus grande autonomie et de responsabilisation des établissements. Autrefois, il était exceptionnel que les écoles d’un même périmètre géographique forment des partenariats pour échanger des idées et des pratiques exemplaires, et les incitations à le faire étaient rares. Même lorsque les écoles ont acquis plus d’autonomie en matière d’organisation et de programme, les établissements d’un même quartier se considéraient plus souvent comme des concurrents que comme des pairs et étaient donc réticents à coopérer. Ils développaient délibérément des profils spécifiques mais évitaient de partager des informations d’intérêt stratégique (sources de parrainage, idées et contacts pour la coopération en contexte local, etc.) avec d’autres écoles du quartier. La participation à un réseau d’écoles permet d’échanger des connaissances et des pratiques fructueuses avec des écoles situées hors du voisinage immédiat. L’essor de nouvelles formes de réseaux parmi les praticiens innovants et les écoles dédiées au changement dans les années 80 et 90 doit donc être envisagé comme une conséquence de transformations plus fondamentales intervenues dans le pilotage politique des établissements d’enseignement, coïncidant avec des changements technologiques qui facilitent grandement les communications à distance.
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4. Les réseaux dans l’éducation – principaux objectifs Des réseaux d’éducation de taille et de type divers, horizontaux ou verticaux, ont été formés à l’échelle régionale, nationale ou internationale. Les réseaux horizontaux connectent des enseignants, des chefs d’établissement ou des établissements, tandis que les réseaux verticaux réunissent des institutions ayant des fonctions différentes mais interdépendantes, comme les écoles, les conseils d’établissement, les chercheurs en éducation et les ministères de l’Éducation. L’un des principaux objectifs des réseaux est de créer des possibilités d’échanges continus et de collaboration entre praticiens de l’éducation. Les réseaux d’établissements et d’individus sont donc de plus en plus considérés comme un puissant encouragement à l’apprentissage et à l’évolution organisationnels. Les praticiens innovants rejoignent des réseaux pour partager des approches de l’enseignement et de l’apprentissage, de la culture et des valeurs de l’école, ainsi que de la gestion et de la direction des établissements. Certains réseaux s’attachent plus particulièrement à faciliter les échanges entre pairs et le perfectionnement professionnel, d’autres visent à stimuler un changement de l’école tout entière. Dans ses recherches sur les écoles innovantes, Dalin (1999, p. 348) définit les réseaux comme des « systèmes sociaux temporaires au sein desquels des individus peuvent acquérir un maximum d’informations avec un effort minimal ». Les réseaux se différencient par leur durée et leur pérennité. Ils peuvent être formés pour atteindre un objectif précis à court terme comme, par exemple, les projets modèles « Modellvorhaben » de la Bund-Länder-Kommission1 allemande, qui se consacrent au développement et à l’évaluation d’innovations précises dans un petit réseau d’écoles modèles sur trois à cinq ans. Les réseaux peuvent aussi poursuivre des objectifs plus larges comme la formation continue des enseignants ou un processus de changement à l’échelle d’une école tout entière (voir partie suivante). Les réseaux qui se sont fixé des objectifs à long terme tendent à présenter une forme et une infrastructure plus stables et plus permanentes. C’est le cas par exemple du Learning Consortium, un partenariat école/université entre quatre districts scolaires dans l’Ontario et le Ontario Institute for Studies in Education (OISE)/ Université de Toronto (UT), dont l’objectif est d’améliorer la qualité de l’éducation par la formation continue des enseignants et l’évolution de l’école. Les réseaux ont des objectifs multidimensionnels qui comprennent une ou plusieurs des quatre fonctions suivantes (voir Dalin, 1999, p. 349) : ●
Fonction politique : la mise en réseau permet à des individus poursuivant un objectif donné de rencontrer des personnes de même sensibilité. Leur coopération peut produire une force et une contribution politiques plus importantes qu’ils n’auraient individuellement. Les réseaux peuvent ainsi servir de groupes de pression pour faire avancer des idées innovantes.
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Fonction d’information : le travail en réseau permet l’échange rapide d’informations pertinentes pour les processus de développement individuel et organisationnel, contournant la paperasserie et les hiérarchies.
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Fonction psychologique : les innovateurs sont souvent isolés au sein de leur organisation. Le réseau leur permet de collaborer et d’échanger et peut donc leur donner des moyens d’action.
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Fonction d’acquisition de compétences : le travail innovant requiert un ensemble de nouvelles compétences que n’offrent pas toujours les dispositifs de formation traditionnels. La mise en réseau permet aux innovateurs de se former auprès de leurs collègues.
La définition des réseaux qui a pu être établie à partir du séminaire OCDE de Lisbonne (voir chapitre 10) indique également que les réseaux de la sphère éducative ont de multiples fonctions : ce sont des entités sociales, dotées d’un objectif, caractérisées par un souci de qualité et de rigueur et l’accent mis sur les résultats. Ce sont aussi d’efficaces moyens de soutenir l’innovation dans un contexte de changement. Dans le secteur éducatif, les réseaux favorisent la diffusion des pratiques exemplaires, contribuent au perfectionnement professionnel des enseignants, concourent au développement des capacités dans les écoles, servent d’intermédiaires entre structures centralisées et décentralisées et participent au processus de restructuration et de transformation culturelle des organisations et systèmes éducatifs.
4.1. Perfectionnement professionnel De nombreux réseaux offrent la possibilité de se former par des conférences et des instituts de formation. Les programmes de formation permettent d’apprendre auprès d’experts du fonctionnement de l’école, de travailler avec ces spécialistes et d’échanger des pratiques innovantes avec des collègues d’autres établissements. Certains réseaux ont mis en place des modules de formation dans divers domaines du fonctionnement de l’école à l’intention de leurs membres. Improving the Quality of Education for All (L’IQEA)2 au Royaume-Uni, le programme Bonne Espérance au Portugal, le Learning Consortium en Ontario, Canada, et le Réseau d’écoles innovantes en Allemagne proposent tous des programmes de formation. Les écoles membres de l’IQEA constituent un groupe pour l’amélioration de l’école qui sera formé aux principes du réseau. Le Réseau international des systèmes scolaires innovants (INIS) organise des universités d’été sur les méthodes innovantes d’enseignement, d’apprentissage et de direction d’établissement. Outre les activités de formation professionnelle de type ateliers et instituts de formation, quelques réseaux offrent des cours et des conseils sur site. Le Projet d’amélioration scolaire du Manitoba au Canada, l’IQEA au Royaume-Uni et la Coalition of Essential Schoools (CES) aux États-Unis proposent à leurs écoles
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LES RÉSEAUX POUR L’INNOVATION DANS L’ENSEIGNEMENT : ANALYSE COMPARATIVE
membres une aide professionnelle et une formation individualisée et évaluent leurs progrès.
4.2. Développement de l’école Les réseaux peuvent permettre au grand public d’accéder aux pratiques les plus fructueuses mises au point par leurs membres. Les outils de développement de l’école dans les domaines de l’enseignement et de l’apprentissage, de l’implication de l’école dans la société qui l’entoure, de la participation des élèves, de la coopération avec des partenaires extérieurs (les parents ou des entreprises, par exemple), de la gestion et de l’administration sont tous partagés entre les écoles membres. L’Internet est une plate-forme très prisée pour la diffusion et la publication des pratiques exemplaires. Le Projet d’amélioration scolaire du Manitoba propose plusieurs outils pour la gestion des processus de changement de l’école sur sa page Web. Le Réseau d’écoles innovantes de la fondation Bertelsmann en Allemagne propose lui aussi un kit d’innovations pédagogiques constitué à partir des pratique innovantes et de l’expérience des écoles membres du réseau. Tous les outils accessibles au public et téléchargeables sont censés avoir été testés et évalués dans la pratique quotidienne d’écoles innovantes pour garantir leur faisabilité et leur efficacité.
4.3. Catalyseur d’un changement systémique Certains réseaux sont autocentrés et fournissent des moyens de communication, d’échange, voire de formation professionnelle à leurs écoles membres. D’autres, au contraire, se considèrent comme une « avant-garde », un groupe de pression dont l’objectif est de susciter un changement systémique plus vaste ; ils tendent à investir des ressources considérables en relations publiques. Nombre d’entre eux poursuivent une stratégie délibérée de diffusion auprès des acteurs influents susceptibles de peser sur la configuration du système éducatif et certains ouvrent des circuits de communication avec des décideurs de haut niveau. Le Learning Consortium d’Ontario publie sur la page d’accueil de son site un « livre d’idées » qui présente les meilleures pratiques de ses écoles membres à l’intention des enseignants, des élèves, des parents et des membres de la société. Pour susciter le changement du système scolaire à travers les écoles du réseau, la fondation Bertelsmann cultive de nombreux contacts avec des fonctionnaires ministériels. Les pratiques et approches innovantes acquises grâce au travail en réseau sont régulièrement présentées lors de conférences auxquelles les décideurs sont conviés. De même, l’Observatoire européen vise à encourager l’innovation à l’échelle européenne en recensant, regroupant et publiant des connaissances sur l’innovation et en les présentant à des décideurs de haut rang.
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5. Structures et caractéristiques des réseaux d’éducation 5.1. Types de réseaux Les réseaux d’innovation dans l’enseignement peuvent se différencier par plusieurs caractéristiques. Premièrement, ils varient en taille et en envergure géographique. Il existe des réseaux régionaux comme le Learning Consortium, créé par quatre districts scolaires et une université de l’Ontario au Canada, et le Programme d’amélioration scolaire du Manitoba au Canada. Beaucoup sont nationaux – comme le Réseau d’écoles innovantes en Allemagne, le Projet Bonne Espérance au Portugal – et quelques-uns réunissent écoles et experts de l’éducation de différents pays tels que l’IQEA du RoyaumeUni, l’Observatoire européen en France ou encore Réseau international de systèmes scolaires innovants (l’INIS) en Allemagne. Deuxièmement, les réseaux diffèrent par les membres auxquels ils s’adressent. On peut d’abord recenser les réseaux d’experts dont l’objectif est de réunir des individus innovants à différents niveaux fonctionnels pour recueillir et échanger des informations et des idées sur l’innovation. C’est le cas notamment de l’Observatoire européen des innovations en éducation et en formation en France (www.inrp.fr/Acces/Innova/home.htm) et du Réseau international de systèmes scolaires innovants (INIS) en Allemagne. Le Learning Consortium (fcis.oise.utoronto.ca/~learning/), un partenariat école-université entre quatre districts scolaires en Ontario, fédère des enseignants, des administrateurs et des formateurs d’enseignants. Une deuxième catégorie de réseau s’efforce d’encourager le changement à l’échelle d’un établissement tout entier en regroupant des établissements ; c’est le cas de l’IQEA au Royaume-Uni (www.nottingham.ac.uk/education/), du programme Bonne Espérance (www.iie.min-edu.pt/proj/boa-esperanca/index.htm) au Portugal et du Réseau d’écoles innovantes de la fondation Bertelsmann en Allemagne (www.inis.stiftung.bertelsmann.de/set.htm). Dans ces configurations, ce sont des établissements qui adhèrent au réseau, parfois par contrat écrit. L’efficacité d’un réseau à conforter le changement d’un établissement tout entier dépend de sa capacité à intégrer toutes les parties prenantes de chaque école participante dans le processus (enseignants, élèves, parents, la communauté). Ainsi, certains contrats stipulent que la participation au réseau s’appuie sur une majorité qualifiée de parties prenantes à l’intérieur de cet établissement. Certains réseaux limitent l’accès à un type d’établissement. Dans le projet américain ASP (Accelerated Schools Project) (www.stanford.edu/group/ASP/), plus de 1 000 établissements d’enseignement primaire et de premier cycle du secondaire s’investissent dans l’idée d’améliorer la scolarité des enfants dans les communautés à risque en proposant des programmes enrichis et des méthodes pédagogiques traditionnellement réservés aux élèves les plus doués. Le Réseau des écoles de l’Agenda 21 en Allemagne (nibis.ni.schule.de/agenda/projekt.htm)
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facilite la coopération et l’échange entre établissements d’enseignement primaire, secondaire et professionnel qui cherchent à sensibiliser leurs élèves aux principes de développement durable exposés dans l’Agenda 21. Le réseau des Core Knowledge Schools aux États-Unis (www.coreknowledge.org) est dédié à la mise en place d’un enchaînement d’apprentissages fondamentaux – un programme classe par classe dans les disciplines principales (langues, lettres, histoire, géographie, mathématiques, sciences et beaux-arts). A l’inverse, certains réseaux peuvent être ouverts à tout établissement apportant la preuve qu’il a atteint un certain niveau d’innovation et qu’une majorité de ses éducateurs est prête à s’engager dans un processus de développement plus complet. Ainsi, le Réseau d’écoles innovantes de la fondation Bertelsmann en Allemagne envoie un questionnaire aux écoles souhaitant participer et leur demande de lui communiquer leur programme et d’autres informations sur le processus de développement. Pour être certains que les écoles qui participent au réseau remplissent les critères de base et sont prêtes à s’impliquer dans un processus de collaboration avec d’autres établissements, la fondation a instauré une procédure de candidature complexe. Toute école allemande peut faire partie du réseau dans la mesure où elle a engagé un processus de développement global et accepte de communiquer ses méthodes et ses expériences aux autres participants. La candidature des écoles est évaluée par une équipe de praticiens expérimentés (des chefs d’établissement innovants, par exemple) et un membre du conseil consultatif. Si l’école est admise dans le réseau, elle reçoit un certificat de confirmation.
5.2. Parties prenantes De nombreux réseaux de la sphère éducative réunissent des acteurs qui, bien qu’ils aient des fonctions différentes dans le système éducatif, se respectent professionnellement et attachent de la valeur aux échanges réciproques et à la collaboration : ●
des enseignants et des chefs d’établissement innovants ;
●
des universités, instituts de recherche, organismes publics et fondations caritatives ;
●
des gestionnaires de réseau, qui peuvent être les instigateurs ou une forme de gestion professionnelle mise en place par les instigateurs d’un réseau ;
●
des consultants ou formateurs dont la mission est d’assurer la formation professionnelle des membres et de leur apporter réflexion et conseils ;
●
des évaluateurs et des chercheurs recueillant des données sur le processus et l’impact du réseau ;
●
des décideurs invités pour faire avancer la cause de l’amélioration de l’école.
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5.3. Schémas de développement Les réseaux d’éducation suivent différents schémas de développement. Plusieurs réseaux ont été créés à l’initiative d’individus autour d’une idée ou d’un modèle de réforme précis. L’IQEA, par exemple, est une initiative d’universitaires de Cambridge, Angleterre, et l’Observatoire européen a été formé par deux spécialistes de l’éducation en France. Les réseaux peuvent aussi naître d’un événement isolé tel une conférence. Ainsi, le Réseau d’écoles innovantes de la fondation Bertelsmann en Allemagne a été constitué à la suite d’un concours national pour l’innovation dans l’école. 330 établissements qui avaient participé au concours ont exprimé le besoin d’une plate-forme permanente. La Déclaration de Münster faite par le Réseau d’écoles innovantes le 27 mars 1998 appelle à un changement continu : « Les réseaux créent un forum d’échange d’informations et d’expériences. Ils permettent aux personnes de travailler ensemble à des projets de leur choix. Ils créent des liens et apportent la sécurité. Les réseaux mettent en commun les ressources et l’énergie. Ils démontrent que les projets qui ont des objectifs communs peuvent et doivent franchir les frontières nationales. » Ce réseau est donc né du besoin de collaboration et d’échanges continus exprimé par un groupe dispersé de praticiens innovants. Les réseaux sont souvent des constructions ouvertes qui évoluent et croissent avec le temps. Dans la sphère éducative, la plupart partent d’un petit noyau d’experts ou d’écoles et se développent progressivement en accueillant d’autres membres. Ils peuvent alors mettre en place des sousstructures régionales pour faciliter les échanges directs. Le Réseau d’écoles innovantes de la fondation Bertelsmann fonctionne sur deux niveaux depuis l’origine. Le « super-réseau » est ouvert aux écoles de différentes régions d’Allemagne et accepte continuellement de nouveaux membres. Ses sousunités, appelées « réseaux d’apprentissage régionaux » sont formées de quatre ou cinq écoles partenaires qui travaillent sur une thématique de l’évolution de l’école et acceptent de coopérer pendant trois ans. Les écoles membres d’un « réseau d’apprentissage » relèvent d’un même territoire géographique pour faciliter les communications, les rencontres régulières et les visites d’établissement. La CES (Coalition of Essential Schools) américaine est un autre exemple de réseau développé progressivement. Fondée en 1984 par douze écoles, elle fédère aujourd’hui plus de 1 000 établissements implantés sur le territoire américain et à l’étranger et comprend 24 centres régionaux qui apportent aux écoles un appui local, des possibilités de formation continue et une assistance technique.
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5.4. Instigateurs Si historiquement, les mesures en faveur de l’innovation pédagogique ont souvent été déclenchées par une action des pouvoirs publics venue du sommet, les initiatives plus récentes ont été engagées par différents organismes de la collectivité. On peut classer dans un premier groupe les réseaux dont l’instigateur est un universitaire ou un institut de recherche spécialiste de l’éducation. C’est le cas, par exemple, du programme IQEA mis en place il y a dix ans à l’Université de Cambridge, Angleterre. Comme ce projet est piloté par une université, il n’a pas automatiquement accès au financement public ; il s’autofinance et dépend de la cotisation annuelle des écoles qui en sont membres (3 500 livres sterling). Certaines autorités éducatives locales couvrent tout ou partie de la cotisation. En échange, les universités proposent un programme de formation du personnel et un « conseiller de liaison » qui apporte son appui à chacune des écoles pendant son processus de changement, joue le rôle de consultant et d’ami objectif et critique et apporte connaissances et retour d’informations pour maintenir la dynamique. La collaboration entre les écoles participantes et les universitaires est mue par la recherche. Les écoles membres sont encouragées à mener des investigations internes et à se servir de la base extérieure de connaissances de pointe sur l’apprentissage et l’enseignement. Aux États-Unis, plusieurs instituts universitaires et centres de recherche ont été à l’origine de réseaux d’écoles et leur ont servi de quartier général. Citons ici la Coalition of Essential Schools (CES), créée par Ted Sizer et ses collègues de l’Université Brown et l’un des premiers et des plus vastes réseaux d’écoles, et le projet Accelerated Schools Project (ASP) fondé en 1986 par le Professeur Henry Levin dans une perspective globale du changement à l’école et conçu pour améliorer l’enseignement dispensé aux enfants dans les communautés à risque. Parti de deux écoles primaires pilotes, ce projet s’est depuis étendu à plus de 1 000 établissements d’enseignement primaire et de premier cycle du secondaire dans le pays. Dix centres régionaux ont été mis sur pied pour coordonner les travaux des établissements. Le Centre national de l’ASP demeure situé à Stanford, qui gère la structure complexe. Un réseau d’écoles créé et géré par un institut de recherche universitaire peut être considéré comme une relation symbiotique assortie d’activités mutuellement bénéfiques. En transmettant des connaissances de pointe aux écoles et en jouant le rôle de consultants, d’amis critiques et d’évaluateurs, les chercheurs de l’université acquièrent des connaissances sur les évolutions complexes et les processus de changement des établissements. Même lorsque le réseau n’a pas été créé à l’initiative d’une université (voir ci-dessous), il peut très activement impliquer des chercheurs universitaires, qui peuvent donner
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des conseils fondés sur la recherche, étudier l’évolution et le changement dans les réseaux et fournir des évaluations basées sur celles-ci. Les institutions publiques peuvent aussi être à l’origine de réseaux d’éducation. Divers gouvernements centraux et collectivités régionales ont cherché à stimuler l’innovation dans l’enseignement en donnant aux écoles recensées comme innovateurs potentiels l’autonomie et les moyens b u dg étai re s né ce ss aire s p o ur me ne r de s ex pé ri enc es . Le s éc o le s expérimentales peuvent jouer le rôle d’une « avant-garde » en testant les idées nouvelles avant leur diffusion plus large dans l’ensemble du système. Les idées innovantes jugées exemplaires sont ensuite mises en œuvre hors du cadre des projets expérimentaux. Ce principe est très répandu en Allemagne où les écoles expérimentales (Versuchsschulen) se voient accorder un statut spécial pour une durée limitée et reçoivent des ressources additionnelles pour expérimenter de nouvelles formes d’enseignement et d’apprentissage ou de gestion. Ce projet est cependant critiqué car il n’a pas réussi à surmonter le problème crucial de la diffusion. En effet, les écoles expérimentales créent souvent des poches d’innovation intéressantes, mais ne parviennent pas à influencer durablement l’évolution des autres établissements. C’est la raison pour laquelle les programmes d’innovation conduits par le gouvernement ont été réorganisés. Toutes les écoles bénéficient d’une plus grande autonomie pour développer leur profil propre. Les projets expérimentaux (Modellversuche) gérés par la Bund-Länder-Komission für Bildungsplanung und Bildungsforschung (BLK) s’apparentent de plus en plus à des réseaux d’éducation et se concentrent généralement sur un domaine d’innovation scolaire (instruction civique, didactique des sciences naturelles, apprentissage culturel avec les nouveaux médias). Les écoles les plus innovantes des différents Länder forment un groupe qui, sur une période limitée, trois ans par exemple, reçoivent un soutien additionnel pour échanger, tester, mettre en œuvre et évaluer de nouvelles pratiques avec les conseils et le suivi de chercheurs. Ces derniers rendent ensuite les résultats publics et les intègrent aux programmes de formation des enseignants. Le programme Bonne Espérance (Boa Esperança) portugais est un autre exemple de réseau d’écoles créé par les pouvoirs publics (voir chapitre 5) et financé sur le budget de l’État. Il est coordonné par un institut de recherche pédagogique, l’Instituto de Inovação Educacional de Lisbonne, qui sert de facilitateur et de catalyseur pour le travail thématique en réseau entre diverses écoles portugaises. Le troisième groupe d’instigateurs est celui des organisations non gouvernementales, souvent des fondations privées œuvrant pour le progrès et la réforme pédagogique, capables de fournir les ressources et l’infrastructure
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nécessaires à l’appui des réseaux d’écoles. Historiquement, les fondations caritatives ont stimulé les réformes éducatives en finançant des recherches et en parrainant des conférences à l’intention des agents potentiels du changement. La mise en place de réseaux d’innovation dans l’enseignement à l’initiative de fondations caritatives privées est une évolution assez récente. Créer et gérer un réseau, organiser son infrastructure de communication électronique et les rencontres physiques, publier les résultats par écrit et en ligne, autant de fonctions qui exigent des ressources financières et une infrastructure organisationnelle que les établissements ne pourraient assumer individuellement. Les fondations caritatives peuvent ainsi jouer un précieux rôle de vecteur d’échanges entre les établissements et facilitent les processus de travail en réseau dans le cadre d’un partenariat public-privé. Cependant, on sous-estimerait le rôle des fondations caritatives si on les considérait exclusivement comme des médiateurs de changement dans un certain nombre d’écoles innovantes. Certaines de ces fondations œuvrent aux innovations pédagogiques et à leur diffusion. La fondation Walter et Duncan Gordon est une fondation caritative canadienne à l’origine du Projet d’amélioration scolaire du Manitoba en 1991 (www.sunvalley.ca/msip/), choisi comme site pilote d’un projet de réforme de l’enseignement secondaire canadien. Sa direction n’est pas majoritairement composée d’universitaires, mais repose en grande partie sur les ressources représentées par le savoir professionnel d’enseignants novateurs. En s’appuyant sur des praticiens innovants sur le terrain, le réseau a anticipé les réformes publiques destinées à renouveler l’école. Le Réseau d’écoles innovantes de la fondation Bertelsmann en Allemagne a joué un rôle comparable en puisant dans les pratiques innovantes développées dans les écoles. En identifiant certains domaines d’innovation comme l’éducation pour les élèves talentueux ou les stratégies destinées à réduire la déscolarisation et en sélectionnant certaines écoles pour ses réseaux d’apprentissage, la fondation contribue à piloter les processus d’innovation et a défini un programme de changement de l’école à l’intérieur du système scolaire global.
5.5. Membres Les réseaux se différencient par leur degré d’ouverture. Certains sont ouverts à tous ceux qui souhaitent les rejoindre, d’autres fixent des critères d’adhésion afin d’assurer un certain investissement à l’égard de la qualité. Les réseaux d’écoles comme le Réseau d’écoles innovantes en Allemagne, l’IQEA au Royaume-Uni et le programme Bonne Espérance au Portugal sont ouverts aux établissements qui ont déjà engagé un processus d’évolution et peuvent apporter la preuve de leurs réalisations. L’admission se fait souvent sur candidature écrite dans laquelle l’école présente son histoire et son approche
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relative à l’objectif du réseau et s’engage à respecter ses principes et structures de travail. Le projet IQEA a instauré une procédure de sélection qui impose aux écoles de souscrire à un ensemble de conditions avant de rejoindre le projet. Dans un premier temps, le principe de l’adhésion doit être approuvé par au moins 80 % du personnel de l’établissement et le temps alloué à la formation doit être affecté au projet pendant trois semestres. L’école doit ensuite constituer un « groupe cadre » chargé de diriger le processus de changement enclenché par le projet. Chaque école admise accepte de se soumettre à une évaluation interne et externe et d’apporter ses ressources propres et les fonds levés auprès de ses autorités éducatives locales. Le Projet d’amélioration scolaire du Manitoba garantit en revanche un important financement aux écoles. Pour devenir membre et avoir accès à ces fonds, chaque école doit soumettre un programme préalable précisant les objectifs de développement, les ressources allouées, un budget et une méthodologie d’évaluation. Les candidatures sont évaluées selon plusieurs critères : la mesure dans laquelle elles reposent sur l’école et l’initiative des enseignants, intègrent une démarche coopérative et participative au sein de l’école, portent sur des questions fondamentales d’amélioration de l’éducation, ciblent les besoins des élèves adolescents, incluent une composante d’évaluation appropriée et peuvent avoir un impact pérenne sur l’école. Les écoles peuvent choisir leur axe de développement dans la mesure où il accorde une attention particulière au soutien des « élèves à risque » et engage l’ensemble de la communauté éducative de l’établissement dans un processus de communication sur l’amélioration. Une fois son programme approuvé, l’école a accès à un financement et à un appui importants pendant plusieurs années.
5.6. Incitations, cohésion et conditions préalables La coopération au sein d’un réseau d’éducation demandant d’importants investissements en temps et en énergie, les réseaux, pour être viables, doivent offrir à leurs membres des avantages supérieurs à ces investissements. De nombreux réseaux se basent sur le principe de réciprocité : les chefs d’établissement et les enseignants fournissent des informations sur leurs pratiques innovantes, ce qui bénéficie aux autres participants, tandis que les établissements membres bénéficient très souvent de toute une palette de services pour faciliter leur évolution. La productivité et la « profondeur » du travail en réseau dépendent davantage du partage d’expériences et de réflexions personnelles que de formes d’échange lâches. En dépit des facilités de communication à distance, l’efficacité du fonctionnement des réseaux d’éducation requiert généralement
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des contacts physiques entre les membres. Il est important de nouer des relations de confiance pour susciter l’investissement personnel. Les sousstructures régionales d’un réseau sont un autre moyen de créer un engagement et un contact personnel au sein d’une structure lâche. On peut donc considérer les réseaux d’éducation comme des structures larges facilitant une ample diffusion des idées et pratiques et des sous-structures régionales développant la confiance et l’investissement personnel. Les réseaux analysés dans ce chapitre organisent régulièrement des conférences. Les membres de la CES (Coalition of Essential Schools) par exemple, peuvent participer à un forum d’automne annuel et à des réunions locales et nationales. Le Réseau d’écoles innovantes de la fondation Bertelsmann verse des subventions aux écoles membres des petits réseaux d’apprentissage, ce qui leur permet de se rencontrer à intervalles réguliers. Ces réunions sont essentielles au processus d’échange et de collaboration sans lequel la capacité des réseaux à produire des résultats communs se trouverait diminuée. Cela dit, la stabilité des réseaux est très variable. Du par leur nature lâche, ce sont des organismes sociaux relativement fragiles. On dit souvent de l’expérience du travail en réseau qu’elle est « à double tranchant » – stimulante et frustrante. Le succès repose sur certaines conditions. Les réseaux ont besoin d’une fonction dirigeante et des règles de conduite élémentaires sont des conditions préalables à une participation continue. La majorité des réseaux efficaces se sont dotés de structures de gestion et d’une direction institutionnalisée. La communication physique et électronique doit être facilitée. La dispersion géographique qui caractérise les réseaux rend l’engagement durable difficile car la stimulation et l’influence sociale mutuelles sont limitées. Élaborer et accepter des règles crée un tronc commun de normes partagées. La confiance est une condition préalable à la réciprocité, mais comme l’ouverture, l’échange et l’apprentissage mutuels ne sont pas nécessairement acquis, la confiance et les compétences sociales doivent être délibérément développées par des activités de formation et de renforcement de l’esprit d’équipe.
6. Conclusion L’idée qu’une autonomie et une responsabilisation accrues des établissements sont indispensables à une évolution de qualité et pérenne s’est progressivement imposée au cours des trois dernières décennies. Ce changement de paradigme vers l’autonomie, conjugué à la demande de responsabilité à l’égard du public, est cohérent avec la multiplication des réseaux d’écoles. Les réseaux réunissent des individus ou des établissements dans le cadre d’un partenariat horizontal dont le fondement logique est
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l’échange démocratique et la stimulation et la motivation mutuelles, et non les réformes imposées par le sommet. Bien que le manque de données empiriques limite les possibilités d’évaluation précise de l’impact des réseaux d’innovation, on peut raisonnablement supposer que ce sont des forces puissantes et dynamiques de diffusion des pratiques éducatives innovantes parmi les chefs d’établissements et les enseignants. Les réseaux contribuent à surmonter l’isolement des écoles et des éducateurs en leur donnant la possibilité de prendre part à un échange, à une évolution et à un enrichissement professionnels organisés. Les écoles perçoivent les réseaux comme des structures d’appui pour l’évolution stratégique, qui remplissent divers objectifs comme le partage et la diffusion des pratiques fructueuses, la formation continue des enseignants et des chefs d’établissement, l’évolution de l’organisation par un retour d’informations critiques et la rupture de l’isolement des enseignants. Ils peuvent constituer une approche efficace pour aider des groupes d’écoles plutôt que des établissements individuels. Les réseaux peuvent ainsi former des moteurs dynamiques de changement dans l’éducation. Ils donnent à des écoles par ailleurs isolées et à des individus innovants de nouveaux moyens de communiquer avec des institutions et individus de sensibilité proche et de toucher un public plus vaste. Comparativement aux styles traditionnels d’administration éducative, ils peuvent offrir un certain nombre d’avantages structurels tels que de meilleures possibilités d’échanges et de coopération entre pairs, le perfectionnement professionnel des enseignants et une plus grande influence politique issue de la collaboration. On peut donc raisonnablement penser que les réseaux joueront un rôle important dans l’élaboration des politiques éducatives futures.
Notes 1. Commission paritaire des gouvernements fédéraux et des Länder pour la coordination de la politique éducative. 2. Le projet est actuellement conduit par des chercheurs spécialistes du fonctionnement de l’école des universités de Cambridge et de Nottingham en Angleterre et fédère plus de cinquante écoles en Angleterre, au pays de Galles, en Islande, à Porto Rico et en Afrique du Sud.
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ISBN 92-64-10036-9 Réseaux d’innovation Vers de nouveaux modèles de gestion des écoles et des systèmes © OCDE 2003
PARTIE I
Chapitre 4 Gouvernance, gestion et direction par Ron Glatter (The Open University, Royaume-Uni) Bill Mulford (Université de Tasmanie, Australie) Dale Shuttleworth (Training Renewal Foundation, Ontario, Canada)
Résumé.
Ron Glatter présente quatre modèles de gouvernance dans le domaine de l'éducation, qui correspondent à un type idéal : le marché compétitif, l'autonomie de l'établissement, l'autonomie locale et le contrôle de la qualité. Il analyse, eu égard à la recherche internationale, les conséquences qui en découlent pour des facteurs essentiels de gouvernance et de gestion : l'autonomie de l'établissement ; la responsabilité, l'autorité et les fonctions intermédiaires, et la direction des établissements. Bill Mulford présente les principaux résultats du Projet de recherche australien LOLSO (Leadership for Organisational Learning and Student Outcomes) qui porte sur ces activités de recherche plus générale effectuées à l'échelle internationale. Le style de direction qui fait la différence dans les établissements d'enseignement secondaire influe non pas directement mais indirectement sur les résultats des élèves à travers l'apprentissage organisationnel qui génère l'efficacité collective des enseignants. Cet auteur décrit également le « chef d'établissement transformationnel » et réfute la théorie du chef charismatique. Dale Shuttleworth présente les principaux résultats d'une étude de l'OCDE/CERI intitulée « Des innovations dans l'enseignement », parue en 2000, qui analyse les innovations introduites dans la gestion des établissements scolaires dans neuf pays. Il examine la tension qui se manifeste entre les approches « descendantes » de la réforme et le processus de renouvellement « de bas en haut » par la gestion du savoir.
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GOUVERNANCE, GESTION ET DIRECTION
1. Les modèles de gouvernance et leurs implications pour l’autonomie, la responsabilité et la direction des établissements : Ron Glatter1 1.1. Les modèles de gouvernance dans l’enseignement scolaire Le terme « gouvernance » est un concept général qui permet de construire un cadre couvrant d’autres notions courantes liées à la structure et aux processus, telles que l’autonomie et la responsabilité. Élaboré à partir de Glatter et Woods (1995), le cadre résumé au tableau 4.1 analyse quatre modèles types de gouvernance dans l’enseignement scolaire : marché compétitif, autonomie de l’établissement, autonomie locale et contrôle qualité. Dans la pratique, chaque système est un mélange composite de ces modèles ; ils peuvent se compléter et se conforter dans leurs incidences sur les localités et les écoles, mais leurs interactions peuvent aussi susciter des tensions que les participants doivent s’efforcer de résoudre. Après une rapide présentation des politiques caractéristiques des quatre modèles, les aspects fondamentaux des structures et des processus de gouvernance qui leur sont propres seront examinés à partir du cadre d’analyse proposé ici. Marché compétitif : ce modèle repose sur l’analogie avec le marché. L’école est considérée comme une entreprise de taille petite ou moyenne, qui bénéficie d’une forte autonomie et a peu de liens avec l’Administration. L’axe principal du système n’est pas l’établissement scolaire considéré individuellement, mais « la sphère compétitive » concernée (Woods et al., 1998), à l’intérieur de laquelle plusieurs établissements (généralement) voisins se font concurrence pour attirer des élèves et des fonds. La nature de cette sphère varie en fonction de facteurs tels que le profil socio-économique du quartier, notamment l’accès à un véhicule particulier, et la densité de population ; lorsque celle-ci est très dispersée, il peut ne pas y avoir de sphère. Autonomie de l’établissement : les responsables de l’action gouvernementale déclarent souvent vouloir donner de l’autonomie aux parties prenantes à l’échelle des établissements, notamment au directeur ou au principal et à d’autres membres du personnel, ainsi qu’aux parents. La délégation de fonctions aux établissements a été « légitimée par un discours d’autonomie » (Arnott, 2000, p. 70). La logique qui sous-tend ce modèl e peut être politique (au sens large de dispersion des pouvoirs) ou managériale. Dans certains pays, elle est exclusivement managériale, selon le principe que plus la décision est proche du lieu de l’action meilleure elle est, tandis que dans d’autres, les
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I.4.
GOUVERNANCE, GESTION ET DIRECTION
arguments ont été formulés en termes de liberté et de choix. Si, dans la pratique, ce modèle se combine souvent au marché compétitif, il s’en différencie analytiquement et par l’idée de l’école qui est véhiculée. En effet, il est plus axé sur l’établissement lui-même et sur son mode de gestion que sur ses activités compétitives par rapport à d’autres établissements. Il recouvre des idées de participation, d’identification et de partenariat – l’école conçue comme une communauté élargie – et s’oppose en cela au modèle du marché compétitif. L’unité qui constitue le « centre de gravité » du système est l’école elle-même.
Tableau 4.1. Modèles Politiques caractéristiques
Modèles de gouvernance dans l’enseignement scolaire Marché compétitif (MC)
Autonomie de l’établissement (AE)
Financement lié au nombre d’élèves, par exemple par des bons.
Autorité déléguée à l’école pour les ressources, le recrutement et Inscriptions le déploiement plus ouvertes. des enseignants, Publication de données les programmes, sur les performances l’admission des élèves. de l’école. Importants pouvoirs Diversité des types conférés au conseil d’établissements. d’administration de l’école.
Autonomie locale (AL)
Contrôle qualité (QC)
Autorité déléguée à la collectivité locale pour les ressources, le recrutement et le déploiement des enseignants, les programmes, l’admission des élèves.
Inspections régulières, systématiques. Objectifs de performances détaillés. Obligations en matière de programmes et d’évaluation.
Pouvoirs substantiels alloués à l’organe d’administration de la collectivité locale.
Logique(s) principale (s) Commerciale.
Politique et/ou managériale.
Politique et/ou managériale.
Administrative.
École perçue comme
Une petite entreprise.
Une communauté participative.
Un membre d’une « famille » d’écoles locales.
Un point de livraison, un débouché local.
Centre de gravité du système
La sphère compétitive concernée.
L’établissement.
La collectivité locale L’État ou d’autres en tant qu’unité sociale organismes publics. et éducative.
Nature de l’autonomie des établissements
Importante.
Déléguée.
Consultative.
Encadré.
Forme de responsabilité Contractuelle ; consumériste.
Réceptive ; « duelle ».
Réceptive ; forum local.
Contractuelle ; hiérarchique.
Objectif des mesures de performances
Informer sur la gestion.
Comparaison des unités.
Suivi et développement du système.
Principale fonction Entrepreneur. du chef d’établissement
Directeur et codirecteur.
Participant d’un réseau.
Responsable de la production.
Fonction de l’autorité intermédiaire
Soutien, conseil.
Coordination stratégique.
Supervision de la production en tant qu’agent de l’instance de contrôle.
Éclairer les choix des consommateurs.
Minimale.
Source : Glatter et Woods (1995), Glatter (2000).
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Autonomie locale : certains pays se sont davantage attachés à déléguer aux autorités locales et municipales qu’aux écoles. Bien que le modèle de l’autonomie locale et celui de l’autonomie de l’établissement partagent le terme « autonomie » et certaines caractéristiques, ils présentent aussi des différences notables. Comme pour l’autonomie de l’établissement, la justification de cette forme d’autonomie peut être politique, managériale ou les deux. Cependant, l’établissement est perçu différemment : il est ici plus clairement vu comme un membre d’une « famille » d’écoles, appartenant à un système local éducatif, et comme un membre d’une communauté plus large au sein de laquelle existent des droits et des obligations. Le contraste avec le modèle compétitif est très net. Martin et al. (2000, p. 12) ont construit un cadre qui, « dans un système d’éducation local, oppose la délégation selon les principes de gouvernance locale à la délégation selon les principes de marché » dans lequel ils comparent la démocratie « consumériste » à la démocratie « locale ». Dans le modèle de l’autonomie locale, la collectivité locale, en tant qu’unité sociale et éducative, et ses instances représentatives constituent le centre de gravité du système, même si la mise en œuvre satisfaisante d’une démocratie locale représentative pose de nombreuses difficultés. Contrôle qualité : sous la pression de la concurrence mondiale et de contraintes budgétaires croissantes, les gouvernements s’efforcent de mieux contrôler la qualité des principaux processus et produits de l’école, même dans des systèmes fortement délégués ou de type marché. La logique qui sous-tend le contrôle qualité est essentiellement administrative ; il s’agit d’établir des règles et des obligations et de se plier à des procédures, des contrôles et des dispositifs de suivi. L’image implicite de l’école est celle d’un « point de livraison » des nombreux « biens » éducatifs proposés. Les objectifs relatifs à « l’éventail des produits » et à leur « qualité » sont fixés au niveau central ou à celui des États selon les dispositions constitutionnelles. Dans ce modèle, les unités du système qui constituent le « centre de gravité » émanent de l’État ou des pouvoirs régionaux, ou y sont étroitement liées.
1.2. Autonomie de l’établissement Les quatre modèles se différencient par la nature de l’autonomie des établissements. L’autonomie est liée au mouvement de délégation des pouvoirs à des niveaux inférieurs observé dans de nombreux pays. Green (1999, p. 61) décrit les formes que cette tendance peut revêtir : « la décentralisation a été diversement entendue comme la délégation des pouvoirs aux régions, aux antennes régionales de l’État (déconcentration), aux autorités locales, aux partenaires sociaux et aux établissements eux-mêmes. » Il soutient qu’en dépit de cette tendance générale, des différences marquées subsistent entre les pays, selon que le centre détient la majeure partie des
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pouvoirs (comme en France et au Japon), le contrôle régional est le plus fort (comme en Allemagne et en Suisse), le contrôle local prédomine (les pays nordiques) et des pouvoirs substantiels ont été dévolus aux écoles et au marché (Pays-Bas et Royaume-Uni). Il est donc nécessaire de clarifier les formes et les tendances en posant deux questions de fond : l’autonomie pour qui ? Dans quel domaine ? Bullock et Thomas (1997) différencient l’autonomie de l’apprenant, de l’éducateur et de l’établissement. De leur point de vue, le degré d’autonomie peut être accru pour l’un et réduit pour les autres. Ce caractère relatif de l’autonomie apparaît également lorsque l’on considère les domaines dans lesquels les écoles peuvent exercer leur indépendance. Sharpe (1994) présente un « continuum d’autogestion » allant du contrôle externe total à l’autogestion absolue et, dans le cas de l’Australie, observe des mouvements concernant quatre variables sur un intervalle de vingt ans : les variables d’entrée, comme les ressources financières, le personnel et les élèves ; les variables de structure, comme les décisions relatives aux modalités des prestations ; les variables de processus, comme la gestion du programme ; et les variables d’environnement, qui concernent la communication des informations et le marketing. Il conclut que le contrôle accru de l’État dans certains domaines a modifié, voire annulé, l’impact d’une plus grande autogestion dans d’autres. Bullock et Thomas ont étudié quatre dimensions de la décentralisation dans onze pays très divers dont la Chine, la Pologne, l’Ouganda et les ÉtatsUnis : programmes et évaluations ; ressources humaines et physiques ; ressources financières et accès (admissions des élèves). Ils ont constaté des évolutions allant aussi bien vers plus que vers moins d’autonomie et concluent que l’impact de la décentralisation sur l’autonomie est incertain et problématique. Dans certains pays comme le Royaume-Uni et la NouvelleZélande, ils ont également noté le « paradoxe » d’une centralisation et d’une décentralisation simultanées – la première dans le domaine des programmes (et dans une certaine mesure, des régimes de financement), le gouvernement ayant davantage de pouvoirs sur la définition des priorités éducatives, la seconde dans la marge de manœuvre laissée aux établissements pour la mise en œuvre de ces priorités. Simkins (1997) différencie le pouvoir sur les critères, qui concerne la détermination des objectifs et des structures, et le pouvoir opérationnel, qui porte sur les prestations de services. Karlsen (2000, p. 531) évoque lui aussi cette distinction dans son analyse de la gouvernance éducative en Norvège et en Colombie-Britannique, Canada – « une dynamique de décentralisation dans laquelle l’initiative revient au pouvoir central, tandis que la mise en œuvre et la responsabilité relèvent du local ». En dépit du paradoxe du « centralisme décentralisé » les écoles britanniques ont acquis une autonomie substantielle au cours des dernières années. Les attributions des chefs d’établissement ont été sensiblement
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élargies, notamment en matière de ressources. Les pressions extérieures en faveur de l’amélioration des performances et de modifications des programmes ont étendu le champ des responsabilités et intensifié le travail et aujourd’hui, le directeur d’établissement est généralement aidé dans ses fonctions par une équipe expérimentée incluant le directeur adjoint (Levacic, 1998 ; Wallace et Hall, 1994). On peut soutenir en revanche que l’instauration du programme national et l’impact des budg ets confiés à chaque établissement sur la position dans l’emploi de nombreux enseignants ont réduit l’autonomie des autres enseignants (Bullock et Thomas, 1997). L’extrême rareté des données corroborant l’impact de la délégation sur l’apprentissage des élèves est due, au moins en partie, à la complexité des processus en jeu et aux difficultés inhérentes à leur étude. Des recherches montrent que la délégation a sensiblement amélioré la qualité des capacités de planification et des processus internes des établissements (Levacic, 1998). La plus grande autonomie accordée aux écoles dans certains domaines, conjuguée au renforcement du contrôle central dans d’autres, dans un contexte de « marché » limité, a eu une autre conséquence quelque peu paradoxale. Dans l’ensemble, les écoles ont cherché, non pas à se différencier pour se spécialiser dans un créneau spécifique, mais à attirer un large groupe de parents et d’élèves. Les dispositions structurelles n’ont pas non plus promu la diversité parmi les établissements car ceux-ci ont surtout cherché à émuler le modèle dominant de l’école réputée (Woods et al., 1998). Au moment où nous écrivons, le gouvernement britannique compte introduire des mesures pour promouvoir la diversité (Department for Education and Employment, 2001). Dans toute démarche de délégation se pose la question cruciale de l’efficacité des systèmes d’appui, et notamment des opportunités de développement. Une étude de l’OCDE portant sur 14 systèmes éducatifs nationaux (OCDE, 1995) a distingué trois modes de décision : pleine autonomie, décisions prises après consultation d’une autre autorité à un niveau voisin et décisions prises dans le respect de principes directeurs définis par une autre autorité, généralement au sommet. Le tableau 4.1 présente cette classification simple adaptée aux modèles de gouvernance. Dans le modèle du marché compétitif, les écoles jouiraient d’une autonomie considérable, même si une indépendance « pleine et entière » est virtuellement inimaginable car il subsiste toujours des contraintes, notamment juridiques (même pour une école indépendante, très éloignée du modèle traditionnel ; voir Sharpe, 1994). L’ u n d e s o b j e c t i f s f o n d a m e n t a u x d u m o d è l e d e l ’ a u t o n o m i e d e s établissements est de maximiser celle-ci à l’intérieur d’un système global, si bien qu’elle peut être ici qualifiée de « déléguée ». Dans le modèle de l’autonomie locale, l’école est considérée comme un membre d’une famille d’établissements travaillant en coopération, de sorte que l’autonomie est de nature « consultative » selon la typologie établie par l’OCDE en 1995. Enfin,
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dans le modèle du contrôle qualité, le rôle de l’autorité centrale ou de l’État est plus prononcé ; la forme d’autonomie est donc « encadrée ». Commentant la démarche des écoles américaines de type school-based management (SBM), Wohlstetter et Sebring (2000, p. 174) arguent que « l’une des prémisses de ce modèle est que les partenaires au niveau de l’établissement échangent une autonomie accrue pour une responsabilité accrue ».
1.3. Responsabilité La responsabilité est un concept complexe et contesté, qui a été décrit comme « le moteur de l’action des pouvoirs publics » (Cotter, 2000). Il convient ici d’opérer une importante distinction entre responsabilité contractuelle et responsabilité réceptive (Halstead, 1994). La première concerne la réponse qu’apportent les éducateurs aux attentes de normes et de résultats de certains publics et se fonde sur un contrat explicite ou implicite avec eux. Elle fait généralement appel à des mesures, les facteurs mesurés – éducatifs, financiers et autres – étant sélectionnés par ces publics en fonction de leurs préférences et exigences perçues. La notion de responsabilité réceptive implique quant à elle que les décisions sont prises par les éducateurs en tenant compte des intérêts et des souhaits des parties prenantes concernées. Il s’agit davantage de processus que de résultats et d’encourager la participation et les échanges pour que les décisions prises répondent à un éventail de besoins et de préférences. Bien que cette distinction ne puisse être appliquée trop strictement, elle témoigne néanmoins de priorités différentes. Ainsi, dans le modèle du marché compétitif, la prestation scolaire est analogue à un service commercial et la forme dominante de responsabilité est contractuelle. Dans le modèle de l’autonomie de l’établissement, qui considère l’école comme une communauté participative, c’est la dimension de réceptivité qui est prépondérante. Dans le modèle de l’autonomie locale, dont l’unité centrale est la communauté locale élargie, l’écoute des parties prenantes est encore plus prononcée. Enfin, dans le modèle du contrôle qualité, la responsabilité est contractuelle et spécifiée, non par les parents ou les « consommateurs » comme dans le marché compétitif, mais par l’État ou ses agents. La comptabilité étant le moyen d’information du public traditionnellement retenu par l’État, le contrôle qualité tend à puiser dans le « modèle comptable de la responsabilité, qui comprend des échelles de mesures discrètes basées sur des postes et des catégories prédéfinies… Cela conduit souvent l’administration à organiser les tests et à en communiquer les résultats chiffrés » (Cotter, 2000, pp. 4 ; 12).
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Chaque modèle s’accompagne d’un mode de responsabilisation différent. Dans celui du marché compétitif, le mode est consumériste, les représentants des consommateurs (parents ou gardiens) étant en principe libres de choisir l’établissement que fréquentera leur enfant. La situation est plus complexe dans le modèle de l’autonomie des établissements : de nombreuses formulations (par exemple, Halstead, 1994 ; Kogan, 1986 ) font référence à la responsabilité professionnelle, mais les professionnels doivent souvent partager l’autorité avec les conseils d’administration des établissements auxquels siègent des parents et des membres de la communauté. Ils sont souvent décrits comme des organes faibles, aux fonctions floues, dont l’ordre du jour est fixé par les professionnels, en particulier le directeur et d’autres personnels de haut niveau (Levacic, 1995). Ce modèle permet cependant une participation non professionnelle significative, notamment dans les établissements d’enseignement secondaire ou supérieur où les intérêts des employeurs peuvent être représentés aux conseils d’établissement. Cette forme de responsabilité apparaît donc « duelle ». Dans le modèle de l’autonomie locale, le mode de responsabilisation peut être décrit comme un « forum local » : en dernier ressort, l’autorité relève d’un échelon local au-delà de l’école, même si cette unité peut présenter des caractéristiques de taille et de nature sociogéographique très diverses, et fonctionner sur un mode collégial ou directif. Cette configuration autorise des dispositifs de réseau ou de partenariat étendu, lesquels tendent à s’accompagner d’une certaine fragmentation et d’une « responsabilité opaque » (Rhodes, 1999). Dans le modèle du contrôle qualité, le mode est hiérarchique, l’obligation de rendre des comptes étant due à l’instance chargée de définir et de contrôler la qualité, généralement située à l’échelon national ou au niveau des États. Un dernier aspect de la responsabilité à considérer dans le cadre des modèles est l’objectif des mesures. Si celles-ci tiennent une place plus proéminente dans les versions contractuelles que réceptives de la responsabilité, les services publics de nombreux pays ont été marqués par une récente montée en puissance de la détermination d’objectifs, de la gestion des performances et de la « société de l’audit ». L’objectif premier de ces mesures diffère selon le modèle. Dans le marché compétitif, il s’agit d’informer le choix des consommateurs, dans l’autonomie des établissements, la mesure et l’analyse des performances produisent des informations destinées à faciliter l’amélioration organisationnelle. Dans le modèle de l’autonomie locale, l’un des principaux objectifs est de donner des informations comparatives couvrant plusieurs unités organisationnelles pour promouvoir l’amélioration du système local. Enfin, dans le modèle du contrôle qualité, il s’agit de suivre, de contrôler et de développer l’ensemble du système.
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1.4. Autorité et fonctions intermédiaires Les fonctions et missions principales de l’autorité intermédiaire – lorsque ce niveau existe – varient sensiblement d’un modèle de gouvernance à l’autre. Dans un modèle de marché compétitif pur, ses fonctions peuvent se limiter à l’information des parents et au soutien aux élèves ayant des besoins éducatifs particuliers. Dans le modèle de l’autonomie des établissements, l’autorité intermédiaire aura surtout une mission de soutien et de conseil. Dans celui de l’autonomie locale, son rôle dépend en grande partie du rapport entre le périmètre géographique de ses responsabilités et le concept de « système scolaire local » qui sous-tend le modèle. Dans certains contextes, périmètre géographique et système scolaire sont identiques, dans d’autres, le territoire a été découpé en zones moins étendues que celles couvertes par l’autorité intermédiaire (par exemple les Zones d’action éducative Education Action Zones en Angleterre, DfEE, 1999). Les autorités intermédiaires de certains pays, par exemple les municipalités en Suède et de nombreux districts scolaires aux États-Unis, sont plus proches par la taille d’un modèle de « gouvernance locale » que leurs homologues d’autres pays. Par souci de simplicité, ces nuances ne sont pas développées au tableau 4.1, si bien que dans le modèle de l’autonomie locale, la fonction principale de l’autorité intermédiaire est la coordination stratégique. Dans le modèle du contrôle qualité en revanche, l’autorité intermédiaire, qui est l’agent d’une instance centrale de contrôle, a une mission plus axée sur la supervision de la production. Dans la réalité, l’éclectisme de nombreux dispositifs nationaux est source de fortes tensions et de dilemmes, notamment pour les écoles et leurs directeurs.
1.5. Direction des établissements Les attributions des chefs d’établissement ne sont pas identiques dans tous les modèles. Dans le modèle du marché compétitif, on attend d’eux qu’ils dispensent le type d’éducation recherché par les consommateurs, ou plus exactement leurs substituts – parents et gardiens. De ce fait, « identifier et stimuler la demande des parents pour le type d’éducation que l’organisation peut produire le plus efficacement possible devient une tâche prioritaire du gestionnaire » (McGinn et Welsh, 1999, p. 47), ce qui exige un style de direction essentiellement entrepreneurial. Dans le modèle de l’autonomie des écoles, le directeur d’établissement doit conjuguer les nombreux aspects éducatifs, managériaux et financiers dans le travail de l’école et inciter, voire inspirer les professionnels à mieux faire. Certains éléments montrent que dans le cadre d’une gestion d’établissement déléguée, les fonctions du directeur général et du responsable des questions pédagogiques revêtent une importance accrue (Levacic, 1998). A cela s’ajoute une dimension externe exigeante : « bien que les chefs d’établissement aient gagné en autonomie, ils doivent aussi satisfaire des exigences de plus en plus diverses venant de toutes parts et sont
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souvent pris dans des conflits. Les chefs d’établissement ont mal à la tête » (Hernes, 2000, p. 2). Ce modèle exige tout à la fois un style directif et coordinateur. Dans le modèle de l’autonomie locale, les chefs d’établissement doivent apprendre à travailler efficacement en réseau, tant pour promouvoir les intérêts de l’école dans le système local que pour collaborer de façon productive avec leurs pairs dans un esprit de partenariat. Dans le modèle du contrôle qualité, ils ont un rôle plus proche de celui d’un responsable de production, et organisent l’école et son personnel pour livrer des produits ou obtenir des résultats conformes à la qualité requise. Cette analyse est nécessairement simplificatrice. Dans la pratique, les directeurs d’établissement interprètent et remplissent diversement leur fonction suivant leur personnalité, la culture de leur établissement et d’autres facteurs. L’analyse permet néanmoins de penser que le contexte de la gouvernance exerce une influence importante et souvent négligée sur la direction des établissements. Les caractéristiques associées à une direction efficace donnent souvent lieu à des généralisations qui ne tiennent pas compte des structures de gouvernance spécifiques dans laquelle elle est exercée. Ainsi, Cotter suggère que « les exhortations au leadership transformationnel faites aux chefs d’établissement ne se prêtent pas bien à des formes étroites de responsabilité » (2000, p. 8). De son point de vue, ces formes, dans lesquelles les chefs d’établissement sont censés accepter des catégories données sans y réfléchir, s’accordent mieux à des styles de direction transactionnels, comme dans l’analogie ci-dessus avec le chef de production du modèle de contrôle qualité. Dans la pratique, la vie est encore plus complexe et les chefs d’établissement ne sont pas confrontés à un modèle unique de gouvernance, mais à plusieurs. Des composantes du modèle de marché compétitif se conjuguent souvent à des éléments issus des modèles de l’autonomie des établissements et du contrôle qualité. Comme le suggère Leithwood (2001, p. 228), face à cet « éclectisme des politiques » on peut comprendre que les chefs d’établissement se sentent tiraillés de tous côtés en même temps. Ils le sont effectivement. Cela crée des tensions et des dilemmes comme lorsque à l’intérieur de leur école « les directeurs doivent tout à la fois faire partie de la troupe et en être la vedette » (Wildy et Louden, 2000, p. 180), tandis que dans le système élargi, ils sont censés coopérer et se concurrencer. Ils doivent réussir à composer avec ces tensions et ces ambiguïtés. L’une de leurs attributions majeures est de jouer le rôle d’amortisseurs entre le personnel et les pressions externes qui entrent en conflit avec les objectifs de l’école sans l’isoler des influences légitimes pour son amélioration. Mener à bien cette tâche difficile est aujourd’hui l’une des missions essentielles des chefs d’établissement.
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Les structures de gouvernance varient fortement d’un pays à l’autre. Conséquence des vastes réformes entreprises dans de nombreux pays, ces s t r u c t u re s s o n t s o u ve n t t r è s m o u va n t e s . L e s p ra t i c i e n s d o ive n t soigneusement analyser leur environnement et tenir compte de cette analyse pour gérer leurs relations externes.
2. Quel type de direction pour l’apprentissage organisationnel des établissements scolaires et de meilleurs résultats des élèves ? (Bill Mulford2) 2.1. La réforme de l’école doit se fonder sur une base factuelle – la contribution du projet « Leadership, Organisational Learning and Student Outcomes » (LOLSO) Les réformes de l’école, si bien pensées, puissamment parrainées ou étroitement auditées soient-elles, échouent souvent face à la résistance culturelle opérant à l’intérieur des établissements, qu’elle vienne des élèves (voir par exemple Rudduck et Flutter, 2000), des enseignants (Berends, 2000), des cadres intermédiaires (Busher et Harris, 2000) ou encore des directeurs (Leithwood et Duke, 1999). Si cette résistance est parfois souhaitable pour que les écoles ne deviennent pas la proie des colporteurs de nouveautés, qui vantent les mérites de leur dernier élixir présenté comme la solution miracle, elle peut aussi condamner à l’échec des réformes plus riches de potentialités. Comment différencier les idées réellement porteuses d’une amélioration à long terme des idées superficielles et de courte vue ? Un solide corpus de faits est indispensable et une importance croissante y est d’ailleurs attachée, tant dans les politiques que dans la pratique. Sa valeur dépend étroitement de la validité des faits eux-mêmes. Cette contribution présente quelques conclusions dégagées à partir d’une base de données de qualité, applicable à la réforme des écoles – le projet de recherche australien Leadership for Organisational Learning and Student Outcomes (LOLSO). Ses qualités découlent de sa validité descriptive et prédictive, ainsi que de variables clairement définies. Il est en mesure de rendre compte d’aspects complexes correspondant plus étroitement aux réalités auxquelles les écoles sont confrontées que de nombreuses recherches antérieures. Les données n’ont pas été recueillies auprès des directeurs d’établissement, car ils tendent à surestimer l’efficacité des réformes par rapport aux enseignants (Mulford et al., 2001) ; d’autre part, les personnes chargées de la collecte des données n’ont pas conçu ou mis en place les réformes, et ne sont donc pas directement parties prenantes3. Sa validité prédictive réside dans la relation qu’il permet d’établir entre la fonction dirigeante et l’apprentissage organisationnel et, ce qui est inhabituel, les résultats des élèves.
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Le projet LOLSO est une base de données particulièrement puissante, qui associe les éléments suivants : i) un large échantillon d’établissements d’enseignement secondaire ; ii) une conception longitudinale ; iii) des variables clairement définies ; iv) l’inclusion du concept d’apprentissage organisationnel ; v) « l’expression » des élèves et des enseignants ; vi) un g ra n d n o m b re d e va r i abl e s c o u v ran t l e s p ro c e s s u s d e d i re c t i o n , l’apprentissage organisationnel, les résultats des élèves, ainsi que le niveau socio-économique (NSE), l’environnement familial éducatif et la taille de l’établissement ; et, comme dans le récent rapport du Programme for International Student Participation (PISA) de l’OCDE (2001), vii) une mesure des résultats des élèves dépassant la seule réussite scolaire. La recherche a été organisée en quatre phases de collecte et d’analyses de données sur quatre ans, ce qui a permis des cycles itératifs de développement théorique et de tester et d’utiliser de multiples formes de données factuelles4. Les principales relations établies de manière empirique à partir des données du projet LOLSO sont présentées à la figure 4.1.
Figure 4.1. Principales relations à l’école explicatives des résultats des élèves Relations positives
Relations négatives
Taille de l’établissement
Ancrage dans la communauté
Environ. éducatif familial
Attitude face à l’activité intellect.
Direction équipe admin. Style de direction transformationnel
Personnel valorisé
NSE
AO
Professeur «Leadership»
Travail des prof.
Réussite scolaire
Participation
Invest. personnel des élèves
Rôle/«Leadership» «Leadership» Organisation principale partagé scolaire
Travail Résultats des maîtres non académiques de l’élève
« Voix » du maître
« Voix » de l’élève
Durée scolarité
Résultats académiques de l’élève
Source : Auteur.
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2.2. Relations entre direction, apprentissage organisationnel et résultats des élèves Les recherches menées dans le cadre du projet LOLSO ont clairement montré que dans les établissements d’enseignement secondaire, le style de direction qui fait la différence est à la fois basé sur le poste (chef d’établissement) et distributif (équipe administrative et enseignants). Mais ces deux aspects n’ont qu’une incidence indirecte sur les résultats des élèves. L’apprentissage organisationnel, ou l’efficacité collective des enseignants, est l’importante variable intermédiaire entre la direction et le travail des enseignants, puis les résultats des élèves. Ainsi, la fonction dirigeante contribue à l’apprentissage organisationnel, qui à son tour influence l’activité centrale de l’école – l’enseignement et l’apprentissage. Elle a une incidence sur la perception qu’ont les élèves de la manière dont les enseignants organisent et conduisent leur enseignement, sur les échanges des enseignants avec leurs élèves et sur ce qu’ils en attendent. La perception positive du travail des enseignants par les élèves promeut directement leur participation à l’école, une attitude positive à l’égard de l’activité intellectuelle et l’investissement dans l’école. La réussite scolaire, telle que mesurée par un score global d’entrée dans le supérieur obtenu dans cinq disciplines, est directement liée à la participation des élèves et indirectement (par la prolongation de la scolarité de la 10e à la 12e année) à leur investissement personnel. Les recherches LOLSO ont clairement démontré que la direction la plus propice à l’apprentissage organisationnel et à l’amélioration des résultats des élèves est un chef d’établissement compétent en leadership transformationnel et un engagement actif des enseignants et des administrateurs dans la mission fondamentale de l’école (fonction dirigeante partagée). Ce qui compte vraiment à cet égard, c’est que le personnel participe activement et collectivement à l’école et sente que sa contribution est valorisée. Les recherches ont montré que le chef d’établissement transformationnel s’attache tout particulièrement aux éléments suivants : ●
Soutien individuel – il apporte un soutien moral, montre qu’il apprécie le travail du personnel et tient compte de leur avis.
●
Culture – s’efforce d’instaurer une atmosphère de confiance et d’attention à l’autre au sein du personnel, donne le ton à des rapports respectueux avec les élèves et démontre sa volonté de changer.
●
Structure – établit une structure encourageant les décisions participatives, soutient la délégation et le partage de la fonction dirigeante et encourage la prise de décisions et l’autonomie des enseignants.
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●
Vision et objectifs – œuvre au consensus de l’ensemble du personnel sur les priorités de l’école et communique celles-ci aux élèves et au personnel pour créer une forte cohésion autour des objectifs.
●
Attentes en matière de performances – attend beaucoup des élèves et demande aux enseignants d’être efficaces et innovants.
●
Stimulation intellectuelle – incite les membres du personnel à réfléchir à leurs objectifs à l’égard des élèves et à la manière dont ils s’efforcent de les atteindre ; encourage les apprentissages mutuels au sein du personnel et intègre l’apprentissage continu dans sa pratique.
Le projet a par ailleurs démontré que l’apprentissage organisationnel implique une séquence claire de facteurs allant de l’instauration d’un climat de confiance et de coopération à une mission partagée et suivie, puis à la prise d’initiatives et de risques dans un contexte de perfectionnement professionnel continu. Mieux les enseignants perçoivent l’école sur ces dimensions séquentielles définissant l’apprentissage organisationnel, mieux leur travail en classe est perçu par leurs élèves, ce qui a une incidence sur leur scolarité. Nous avons également constaté que ni sexe du chef d’établissement, ni l’expérience professionnelle, la formation, l’âge et le sexe des enseignants n ’ o n t d ’ i n c i d e n c e s u r l a f o n c t i o n d i r i g e a n t e o u l ’ a p p re n t i s s a g e organisationnel. En revanche, la taille de l’école a une influence : les grands établissements urbains de plus de 900 élèves n’offrent pas l’environnement le plus propice au style de direction transformationnel, au partage de responsabilités avec les enseignants ou à la participation des élèves, même s’il existe une corrélation positive entre un établissement plus important et l’attitude des élèves à l’égard de l’activité intellectuelle. Nos résultats confortent les recherches concluant aux avantages des établissements de taille réduite (Lee et Loeb, 2000). Dans certaines régions des États-Unis, les grands établissements sont actuellement scindés en unités plus petites afin d’apporter le soutien indispensable à l’investissement des élèves et des enseignants dans l’école et à une meilleure mise à profit de la formation par les élèves (Hodges, 2000). Le niveau socio-économique de l’école est un autre facteur contextuel important. Celui-ci présente la corrélation positive attendue avec la réussite scolaire, la durée de la scolarité et l’attitude à l’égard de l’activité intellectuelle. Fait intéressant, le niveau socio-économique de l’école est négativement corrélé avec la manière dont les élèves perçoivent le travail des enseignants. D’un autre côté, l’environnement éducatif familial des élèves (disposer d’un espace et de matériels d’aide aux devoirs, avoir des discussions à la maison, de l’aide pour le travail scolaire et des conversations sur l’actualité internationale) est plus fortement corrélé avec l’attitude des élèves
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à l’égard de l’activité intellectuelle que le niveau socio-économique de l’école. Il présente également une forte corrélation positive avec la participation des élèves à l’école et leur perception du travail des enseignants. L’ancrage de l’école dans la communauté – les enseignants estiment que l’école a des relations fructueuses avec la communauté et les administrateurs de l’école sont à l’écoute de celle-ci et travaillent activement avec elle – est un autre résultat de la direction dans ses formes transformationnelle et distributive. Cependant, il n’a pas été observé de lien entre l’ancrage dans la communauté et l’apprentissage organisationnel ou de meilleurs résultats des élèves. Cela peut paraître problématique, mais d’après nos résultats, s’il faut choisir entre travailler avec la communauté et être à son écoute d’une part, et améliorer l’environnement éducatif familial d’autre part, la deuxième option a un effet plus direct et plus immédiat sur les résultats des élèves. Enfin, il convient de noter un autre résultat potentiellement sujet à controverses, à savoir que l’attitude des élèves à l’égard de l’activité intellectuelle n’a aucun lien avec leur réussite scolaire.
2.3. Discussion Les résultats du projet de recherche LOLSO sont cohérents avec de récentes recherches identifiant les principaux facteurs de réussite des réformes scolaires (Silins et Mulford, 2002). Les chances de réussite sont plus fortes lorsque les personnes agissent au lieu de réagir : elles sont autonomes, prennent part aux décisions dans le cadre d’une structure aidante et transparente ; on leur témoigne de la confiance et du respect. L’équipe professionnelle devrait partager certaines valeurs – valoriser la diversité et l’amélioration continue de l’apprentissage pour tous les élèves, et rompre l’isolement professionnel individuel par la coopération et le dialogue. Tous les enseignants devraient avoir une forte capacité d’apprentissage, illustrée par un programme clair de perfectionnement professionnel. Aux États-Unis, Goddard et al. (2000) et Heck (2000) ont observé des liens étroits entre l’environnement de l’école et une meilleure formation des élèves. Les premiers ont identifié l’efficacité collective des enseignants comme un important présage de réussite des élèves, d’impact plus marqué que les variables démographiques (notamment le niveau socio-économique de l’établissement). Heck a pour sa part constaté des améliorations plus fortes que prévu de l’apprentissage des élèves lorsque le style de direction du chef d’établissement était jugé aidant et axé sur l’excellence pédagogique et l’amélioration de l’école, et le climat de l’école apparaissait favorable. Des recherches effectuées dans onze écoles britanniques dont l’efficacité dans des quartiers défavorisés avait été démontrée cinq ans plus tôt ont identifié le partage de la fonction dirigeante, la participation et l’investissement des élèves et l’apprentissage organisationnel comme les principaux leviers
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d’amélioration (Maden, 2001). Dans leur étude, Riley et Louis s’attachent à un mode de direction qui implique l’instauration de relations fondées sur les valeurs et non pas seulement sur les fonctions, cette dispersion de la fonction dirigeante reposant sur une importante capacité d’expression des élèves et des enseignants. Nos résultats réfutent la théorie du chef charismatique, qui peut certes apporter une réussite initiale, mais aboutit à terme à la médiocrité sinon à l’échec en raison de la dépendance qu’il instaure. Ceci est très éloigné de ce qui ressort du projet LOLSO sur l’aide, la confiance, la participation et le consensus partagé par l’ensemble du personnel. Le projet LOLSO et d’autres recherches contemporaines laissent à penser qu’on devrait attacher moins d’importance aux stratégies organisationnelles et managériales ou au leadership transactionnel qu’on ne l’a généralement fait jusqu’ici. En effet, les éléments dont on dispose ne font pas apparaître de liens directs entre celui-ci et l’apprentissage organisationnel ou les résultats des élèves. La tentation de nombreuses approches managériales est de « bien faire les choses plutôt que de faire ce qu’il faut » une attitude que Sizer (1984) a décrit comme le « compromis d’Horace » – œuvrer à une façade de détermination ordonnée. Une réforme réussie de l’école n’est pas affaire de procédures mais d’évolution véritable et donc d’apprentissage. Ceci soulève un autre principe important : le changement requiert de la stabilité. Il faut d’abord parvenir au partage de la fonction dirigeante, à l’efficacité collective des enseignants et au climat de coopération, qui contribueront à placer les objectifs éducatifs au cœur des priorités et à assurer le suivi d’une mission partagée. Lorsque ces bases sont posées et que la confiance dans les réalisations de l’école et dans les objectifs est acquise, les chefs d’établissement et l’école peuvent s’attacher explicitement à l’apprentissage et au changement, notamment en travaillant avec d’autres établissements dans le cadre de dispositifs en réseau. Une autre implication du projet LOLSO est l’importance du contexte pour la direction et la réforme de l’école. Le milieu socio-économique, l’environnement éducatif familial et la taille de l’établissement ont une incidence claire sur la direction, l’école et les résultats des élèves, ce qui laisse à penser qu’il faut se méfier des styles de direction prônant une seule manière de bien faire. Les récentes recherches sur la direction des établissements confrontés à des contextes difficiles suggèrent que pour être efficace, celle-ci doit être « fermée » sur les valeurs, les objectifs et l’orientation, mais « ouverte » à une participation large (Harris et Chapman, 2001). Reynolds (non daté) estime que ces établissements peuvent exiger un style de direction plus « déclencheur » et moteur que les écoles favorisées, obtenant de bons taux de réussite scolaire, qui auront besoin d’une direction plus managériale. Cela
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tant que le directeur visionnaire ne détourne pas les enseignants de l’enseignement et de l’apprentissage.
3. Gestion et direction pour le XXIe siècle – redéfinir l’innovation (Dale E. Shuttleworth5) L’étude de l’OCDE « Des innovations dans l’enseignement » analyse l’innovation apportée à la gestion de l’école dans neuf pays. Comment rechercher et soutenir l’innovation dans les sociétés post-industrielles ? L’étude attire l’attention sur la tension qui se manifeste entre les approches descendantes de la réforme, basées sur le style managérial scientifique de l’ère industrielle, et celles qui recherchent un renouvellement du bas vers le haut, par la gestion des savoirs dans les organisations apprenantes du XXIe siècle. Cette contribution identifie quelques tendances et exemples tirés de cette étude en matière de gouvernance, de gestion, d’évaluation et de direction. Naturellement, les exemples cités ne servent que d’illustration.
3.1. Tendances et cas Parmi les pays couverts par l’étude de l’OCDE, la Belgique (communauté flamande) et les Pays-Bas ont une longue tradition de gestion décentralisée locale des écoles qui procède d’une politique du droit de choisir. Le secteur privé sans but lucratif gère la majorité des écoles, l’État assurant le financement tout en gardant la maîtrise des programmes. Ce système tout à la fois « ouvert » et « fermé » semble proposer une approche efficace de la responsabilité nationale et locale. La délégation des responsabilités opérationnelles au niveau local permet de répondre avec souplesse aux besoins émergents des communautés religieuses, immigrantes et migrantes. Le système hongrois, qui autorise le secteur privé à créer et à gérer des écoles, offre un autre exemple de centralisation associée à la déréglementation. Le système axé sur le marché comprend la formation continue privatisée et l’amélioration de la qualité (programme d’assurance qualité Comenius 2000) faisant appel à des consultants privés sélectionnés sur appel d’offres pour assister à leur mise en œuvre. Les charter schools aux États-Unis et, en Angleterre, le système national d’inspection des écoles par des équipes sous contrat sont deux autres exemples de fonctionnement du secteur privé à l’intérieur du système public. La plupart des pays ont mis en place une procédure standard pour évaluer le niveau des élèves dans certaines classes sur la base de critères obligatoires définis dans un programme national (ou au niveau des États). Les résultats de ces évaluations sont souvent publiés dans les médias. Leur contenu et leur méthodologie font toujours débat, tout comme la question d’une prise en compte suffisante des langues minoritaires et du milieu
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culturel dans l’évaluation des capacités. Par ailleurs, une autre source de préoccupation est la place de paradigme dominant que tient toujours le mouvement de gestion scientifique de « l’ère industrielle » par opposition aux indicateurs comparatifs de l’apprentissage et de l’employabilité à l’ère de l’information, ainsi que l’impact que ces procédures peuvent avoir sur les pratiques de classe (préparation à l’évaluation par exemple) et sur le moral et l’estime de soi des enseignants, des parents et des élèves. English Office for Standards in Education (L’OFSTED) a instauré un système d’inspection dans le cadre duquel une équipe externe évalue chaque établissement dans un cycle de quatre ans. Formées aux procédures définies dans le manuel d’inspection, les équipes examinent la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage dans chaque discipline, ainsi que la gestion de l’école. Les contributions des parents et des élèves sont autorisées et la visite est suivie d’un rapport officiel. Le système est transparent car le public peut avoir accès au manuel d’inspection précisant les procédures d’inspection. Le rapport est lui aussi un document public, dont les écoles doivent diffuser le résumé à tous les parents. Cependant, l’évaluation descendante externe reste controversée, et des questions se posent inévitablement quant à la compétence, aux qualifications et à l’expérience des équipes sous contrat. Le système néerlandais fait lui aussi appel à une évaluation par inspection. L’Inspectorat de l’enseignement primaire effectue des visites de d e u x à t r o i s j o u r s t o u s l e s d e u x a n s . E n G r è c e, l e s é c o l e s s o n t traditionnellement rétives à toute forme d’inspection descendante et un projet d’auto-évaluation a été introduit dans six écoles pilotes, à titre de mesure moins menaçante et moins intrusive de l’amélioration de l’école. Coordonné par l’Institut pédagogique, il fait activement participer les enseignants, les parents et les élèves, et l’Institut a édité un guide destiné à aider les établissements à développer des méthodologies d’auto-évaluation. Le gouvernement fédéral du Mexique a lui aussi lancé un projet innovant d’auto-évaluation dans les écoles élémentaires. Couvrant 200 écoles en 1997-1998, le Projet de recherche et d’innovation dans le domaine de l’éducation pour la gestion des écoles élémentaires avait déjà été étendu à 2 000 écoles dans 20 États. En ce qui concerne la gestion de structures diversifiées, le monde éducatif encourage la coordination locale de services sociaux (santé, emploi, protection infantile, littératie des adultes, aide aux familles, loisirs, etc.). Plusieurs pays et districts scolaires ont opté pour ce type d’approche. Répondre aux besoins de services sociaux, notamment dans les quartiers défavorisés au plan socio-économique, requiert une participation active de l’établissement et l’impulsion de son directeur. La Suède a innové en fusionnant les services pour les enfants et en estompant les lignes de
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séparation claires qui divisaient autrefois l’accueil des tout-petits, la maternelle, les centres de loisirs et l’enseignement primaire. Un programme a été élaboré pour renforcer les passerelles de la maternelle à l’enseignement obligatoire. Les enfants dont les parents travaillent ou étudient ont accès à l’éducation préscolaire dès leur premier anniversaire, et il arrive très souvent que les enfants passent toute leur journée dans un centre intégrant préscolaire, école primaire et centre de loisirs. Dans ce modèle de gestion intégrée, la responsabilité de l’équipement peut être confiée au directeur (ou à l’équipe dirigeante) de l’une des trois disciplines.
3.2. Nouveaux rôles et tensions nouvelles pour les chefs d’établissement La fonction d’administration de l’école est apparue au XXe siècle lorsque des responsabilités techniques ont été ajoutées au travail de l’enseignant praticien. Au fil du siècle, la fonction s’est développée dans de nombreux pays ; le poste est aujourd’hui celui d’un gestionnaire professionnel des ressources humaines, financières et autres, exerçant à temps plein. La formation pédagogique des enseignants, l’évaluation du personnel, la gestion du budget, l’évaluation des performances et les relations avec la communauté ont progressivement élargi le périmètre de la fonction. Lorsque le fonctionnement de l’école était calqué sur le modèle de « l’ère industrielle » les tâches étaient relativement simples ; de nombreux enseignants, souvent des hommes, voyaient dans la direction d’établissement le couronnement de leur carrière pédagogique. Mais de nouvelles évolutions, notamment le mouvement de réforme de l’éducation, ont transformé les attentes. On demande aujourd’hui aux chefs d’établissement d’être des dirigeants motivants et des gestionnaires des savoirs dans la nouvelle ère économique, qui encouragent les élèves et les enseignants à rechercher l’excellence et à se renouveler continuellement dans des organisations apprenantes. La décentralisation a souvent délégué la gestion à l’école, tandis que la déréglementation a estompé les frontières de l’établissement. Le rôle de l’école locale dans les décisions et la gestion a été mis en avant. Conséquence, les compétences en gestion et en marketing, notamment pour recruter des élèves sur un marché ouvert, revêtent une importance cruciale. Les chefs d’établissement font partie intégrante d’un milieu micropolitique de réseaux composés d’individus et de groupes venus des écoles et de leur quartier, qui se font concurrence pour des ressources rares, voire le pouvoir politique. Dans ce microcosme se côtoient les chefs d’établissement, les enseignants et les autres catégories de personnel (y compris les syndicats), les fonctionnaires des bureaux centraux, les membres du conseil d’administration de l’école, les parents, les élèves, les personnels des services de proximité et les employeurs. L’environnement micropolitique de l’école appelle de plus en plus une participation et une direction actives au sein d’organes décisionnels partagés,
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des structures de coopération transversales à plusieurs instances, et l’attention aux exigences des hommes politiques locaux, aux réalités socioéconomiques et à l’action sociale. Pour les chefs d’établissement, comprendre tous les enjeux micropolitiques est aujourd’hui indispensable à la survie dans de nombreux systèmes (Lindle, 1997). Alors que s’intensifie la concurrence pour une offre limitée de financements publics, les écoles et leurs organes directeurs recherchent d’autres ressources financières et en nature. La recherche de financements de projets publics spéciaux, de dons et de partenariats commerciaux est une explication de l’intérêt des chefs d’établissement pour l’acquisition de compétences en recherche de financement et en rédaction de projets. C’est à ce besoin que répond la création de fondations éducatives ou d’organismes sans but lucratif : trouver d’autres sources de financement et d’appui matériel pour l’innovation à l’école et l’enrichissement des programmes (Shuttleworth, 1993). La réduction des budgets alloués à l’éducation a souvent eu pour résultat prévisible un entretien insuffisant des locaux scolaires et leur dégradation. La Grèce, à travers son projet Réorganisation de l’école, a montré que les locaux scolaires peuvent être modernisés et l’environnement physique de l’apprentissage de l’école sensiblement amélioré. L’importance des chefs d’établissement dans la transformation de locaux mixtes dégradés en un bâtiment plus sûr et viable au plan éducatif a été démontrée dans les établissements secondaires de la région d’Athènes. La Fondation pour l’éducation catholique à Maastricht, Pays-Bas, n’est qu’un défenseur parmi d’autres de la différenciation des salaires sur la base du mérite, un principe qui gagne du terrain. Des consultations avec les syndicats professionnels ont permis d’établir un système de primes et de rémunérations complémentaires temporaires pour les enseignants particulièrement performants, et les chefs d’établissement ont été formés aux procédures d’évaluation des performances. Aux États-Unis, un grand nombre d’États et de districts scolaires versent des primes ou d’autres incitations aux enseignants titulaires du certificat délivré par le National Board for Professional Teaching Standards. Mais il n’en reste pas moins que l’opposition des syndicats d’enseignants à rejeter la rémunération au mérite est presque universelle. La montée des exigences faites aux dirigeants et aux gestionnaires pose inévitablement la question de leur préparation professionnelle. Or jusqu’ici, cette formation a été généralement négligée. L’école de gestion Vlerick à Gand, en Belgique, a adopté une approche innovante de la formation initiale et continue des chefs d’établissement : ses programmes s’efforcent d’instiller des compétences créatives, critiques et de résolution des problèmes aux équipes scolaires dans leur environnement local. Un concours inhabituel de gestion sur site à l’école a été mis en place pour promouvoir une combinaison de savoirs théoriques et d’expérience pratique. Également inhabituelle est
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l ’ o u ve r t u re d e s p ro g ra m m e s a u x é q u i p e s d ’ a d m i n i s t ra t e u r s d e s établissements, aux enseignants, aux parents, aux membres du conseil d’établissement et à d’autres citoyens. La Suède a elle aussi innové en matière de formation initiale ; des étudiants suivent des programmes universitaires interdisciplinaires de développement humain avant de se spécialiser dans leur domaine professionnel (enseignement, puériculture, loisirs, assistance sociale, services de santé, etc.). Ce système encourage la coopération et la complémentarité des futurs professionnels travaillant dans des locaux polyvalents.
3.3. Conclusion : investir dans les écoles et dans leur fonction dirigeante Toutes ces pressions concurrentes exercées sur les chefs d’établissement suscitent une tension majeure. Doivent-ils être aujourd’hui les superviseurs de normes de contrôle qualité comme dans les modèles issus de « l’ère industrielle » (le principal puissant), ou des gestionnaires de ressources humaines et physiques, qui possèdent des connaissances multidimensionnelles, partagent les pouvoirs et œuvrent à la création de communautés centrées sur l’apprenant ? Ces fonctions peuvent-elles être conjuguées ? Où trouver ces dirigeants ? Au cours des dix dernières années, de nombreux enseignants et chefs d’établissement se sont sentis dévalorisés et déstabilisés par l’évolution de leur fonction ; le stress s’est accru en même temps que diminuait l’estime de soi. De nombreux jeunes hésitent à s’engager dans une carrière enseignante ou la rejettent, tandis que nombre des enseignants en exercice n’aspirent plus à une carrière menant au stress du bureau du directeur. Cela alors même qu’il faut recruter des milliers de personnes pour pourvoir les postes laissés vacants par le départ en retraite de la génération du baby boom, et que les attentes à l’égard de l’éducation sont plus fortes que jamais. Il faut des chefs d’établissement et des équipes dirigeantes fortes, stimulantes, et cependant compréhensives, pour aider à se frayer un chemin entre les hypothèses hiérarchiques et linéaires d’un autre temps et la souplesse infinie de la société axée sur l’apprentissage tout au long de la vie. Les écoles, les enseignants et les chefs d’établissement doivent bien entendu assumer leurs responsabilités à l’égard des personnes qu’ils desservent, mais les standards devraient être créés plus que définis, obtenus par une amélioration continue basée sur l’évaluation collective des besoins d’apprentissage. Un système organique de prestations de services doit constamment répondre aux divers besoins des consommateurs, mais en tant que service public, il ne peut choisir ses clients ni manipuler les résultats. Les écoles ne sont qu’une des facettes d’une infrastructure de services publics essentiels qui a été confrontée à la décentralisation, à la responsabilité à
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l’égard des contribuables, à la restructuration et à la privatisation avec un soutien financier mince. Pour que nos sociétés obtiennent le service éducatif et le système scolaire performants qu’elles méritent, nous devons investir dans le renouvellement de l’estime de soi, des capacités d’apprentissage et des compétences de direction de ces professionnels.
Notes 1. Cette contribution s’appuie sur le chapitre de l’auteur « Governance, Autonomy and Accountability in Education » dans The Principles and Practice of Educational Management, T. Bush et L.A. Bell (eds.), Paul Chapman Publishing (2002, Londres). 2. Cette contribution a été écrite en collaboration avec Halia Silins, Maître de conférences, School of Education, Flinders University of South Australia. 3. Le recueil des données a été réalisé par l’Australian Research Council. 4. Phase 1 : enquête auprès de 3 500 élèves de 10e année et de 2 500 de leurs enseignants et chefs d’établissement dans la moitié des établissements d’enseignement secondaire d’Australie du Sud et dans tous les établissements secondaires de Tasmanie. Phase 2 : des études de cas transversales et longitudinales des meilleures pratiques ont été réalisées dans quatre établissements afin d’enrichir les données de l’enquête. Phase 3 : une nouvelle enquête a été effectuée auprès des enseignants et chefs d’établissement d’Australie du Sud et auprès des élèves de 12 e année. Phase 4 : les résultats quantitatifs et qualitatifs ont été utilisés pour mettre au point des interventions de perfectionnement professionnel des chefs d’établissement. Pour un compte rendu plus complet du projet LOLSO, voir : Silins et Mulford ; Silins et al. (2000). 5. Auteur principal de l’étude OCDE « Des innovations dans l’enseignement » Gestion des établissements : de nouvelles approches, qui couvre la Belgique (communauté flamande), les États-Unis, la Grèce, la Hongrie, le Japon, le Mexique, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède.
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PARTIE II
Études de cas des pays
Chapitre 5. Stratégies d’encouragement des bonnes pratiques et de l’innovation dans les écoles – Le cas portugais Maria do Céu Roldão...........................................................................................
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Chapitre 6. Réforme de la gestion publique et pilotage des systèmes éducatifs le cas de la Hongrie Gábor Halász ........................................................................................................ 101 Chapitre 7. Objectifs réalisables et défis stratégiques – Point de vue de l’Angleterre sur la reconceptualisation de l’enseignement public Michael Barber..................................................................................................... 115 Chapitre 8. Écoles et gouvernance aux Pays-Bas – Évolutions récentes et réflexion politique pour l’avenir Le ministère de l’Éducation, de la Culture et de la Science, Pays-Bas......... 135
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ISBN 92-64-10036-9 Réseaux d’innovation Vers de nouveaux modèles de gestion des écoles et des systèmes © OCDE 2003
PARTIE II
Chapitre 5
Stratégies d’encouragement des bonnes pratiques et de l’innovation dans les écoles – Le cas portugais par Maria do Céu Roldão Institut polytechnique de Santarém, Université catholique, et Institut d’éducation, Portugal
Résumé. Ce chapitre porte sur les réformes mises en œuvre au Portugal pour favoriser l'innovation dans le domaine de l'éducation ; le Portugal a accueilli le séminaire sur les réseaux, organisé en 2000 par l'OCDE/CERI, dans le cadre de l'activité intitulée L'école de demain. Deux de ces stratégies de réforme engagées à la fin des années 90 sont mises en lumière : La « Refonte des programmes de l'école primaire » et le « Programme Bonne espérance » mis en œuvre à l'échelle nationale. Ces deux réformes reposent sur des stratégies « descendantes » et « ascendantes » dont l'objet est de chercher à établir des liens entre les pratiques des établissements scolaires et des enseignants d'une part et l'innovation à l'échelle du système d'autre part. Dans un cas comme dans l'autre, l'innovation et le changement servent d'outils formateurs pour les établissements scolaires et, dans les deux cas, une stratégie de mise en réseau permet de favoriser et de faire connaître les pratiques scolaires. Par ailleurs, ces deux réformes associent recherche, soutien et formation.
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STRATÉGIES D’ENCOURAGEMENT DES BONNES PRATIQUES ET DE L’INNOVATION DANS LES ÉCOLES
Stratégies d’encouragement des bonnes pratiques et de l’innovation dans les écoles
1. L’innovation dans un système traditionnel Le système scolaire portugais est historiquement très centralisé, cela en raison de l’influence historique des modèles d’administration napoléoniens qui ont prédominé au début du XIX e siècle et ont malheureusement été renforcés pendant la dictature de Salazar et l’État Nouveau (1926-1974). Les considérables changements et la modernisation intervenus depuis au Portugal, notamment la démocratisation et l’amélioration du système éducatif, ont néanmoins été conçus et mis en œuvre dans le cadre des paramètres centralistes qui président à l’organisation globale des services éducatifs. Les modestes mouvements qui ont commencé à pénétrer ce centralisme sont avant tout une conséquence de la massification de l’éducation – en particulier de l’allongement à 9 ans de la scolarité obligatoire, qui n’est intervenu qu’après 1986 (Loi 14/86). Mais même ces changements ont été lents. Le centralisme du système s’est surtout manifesté dans deux grands domaines : l’administration des établissements et les programmes scolaires. En matière d’administration, les écoles sont habituées à fortement dépendre du budget national et ont peu d’autonomie car elles suivent les directives du ministère pour la majorité de leurs actions. Leur travail s’appuie en grande partie sur les lois, règles et normes issues des bureaux centraux ou régionaux du ministère et très peu sur leurs décisions et leurs responsabilités propres. Jusqu’en 1974, les chefs d’établissement étaient nommés par l’administration centrale, la sélection étant très orientée sur la conformité politique. Après la Révolution, le système d’administration des écoles s’est orienté vers un processus plus démocratique, en opposition délibérée avec le système antérieur, et a autorisé les enseignants à participer à l’élection de leur conseil d’administration et à y siéger. Après les quelques changements intervenus dans les vingt dernières années, la législation aujourd’hui en vigueur (DL 115/A/95 – Autonomie des établissements d’enseignement) prévoit l’élection du conseil d’administration et des autres organes qui gouvernent l’école. Elle accorde également une plus grande indépendance aux établissements et encourage des échanges plus développés avec les communautés locales. Cependant, l’affectation des enseignants reste déterminée par un système national de candidature conçu pour garantir une plus grande équité. Cette politique ayant toujours eu l’appui des enseignants et de leurs syndicats, il est très difficile de la changer. Les
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écoles n’ont donc pas pouvoir pour sélectionner leurs enseignants et c’est là un des aspects problématiques, fortement ancrés, de la tradition éducative portugaise. En matière de programmes scolaires, le fonctionnement du système a toujours reposé sur un programme normatif et uniforme, conçu et préparé par les autorités centrales et des équipes d’enseignants et de spécialistes invités, assorti de prescriptions détaillées pour chaque discipline, et mis en œuvre de manière uniforme dans les établissements. Les enseignants étant rarement conviés ou autorisés à prendre des décisions sur le programme de leur école, et a fortiori à l’élaborer, ils suivent le programme national et, pour eux comme pour les établissements, le souci prioritaire est de réussir à le « couvrir » surtout aux niveaux supérieurs du secondaire. L’ample réforme conduite en 1989-1991 a permis de mieux articuler les apprentissages du primaire et du secondaire, d’améliorer l’organisation et de moderniser les programmes dans l’ensemble du système. Elle a également ouvert un espace aux projets interdisciplinaires à développer de façon autonome par chaque établissement et introduit des objectifs d’éducation de la personne et d’éducation sociale. Malgré leur caractère innovant à plusieurs égards et leur cohérence avec les réformes des programmes entreprises à la même époque dans d’autres pays, ces réformes n’ont modifié ni le niveau de décision des programmes, ni leur organisation type, ni les pratiques des enseignants dans les établissements. Conséquence, alors que les écoles travaillent avec de meilleurs matériels pédagogiques, elles s’efforcent comme avant de « couvrir » les programmes et interviennent et décident peu. Quoique simplifié, ce bref historique est essentiel à une bonne compréhension des particularités de l’évolution contemporaine, des politiques d’innovation et des pratiques au Portugal.
2. Centralisme et « expérimentations pédagogiques » Le tableau ci-dessus dresse le portrait d’un système éducatif relativement inchangé en termes de structure, d’organisation et de programmes. Néanmoins, plusieurs mouvements d’innovation significatifs sont intervenus dans ce cadre rigide. L’un des premiers mécanismes juridiques à avoir permis ces changements a été la « Loi sur les expérimentations pédagogiques » de la fin des années 60 (DL 47 587/1967). Conçue à une époque de strict contrôle politique de l’éducation et de l’école, elle a créé un espace permettant des pratiques différentes dans la mesure où elles étaient contrôlées et considérées comme « expérimentales ». De multiples innovations scolaires et projets locaux, initiatives individuelles et collectives, jusqu’à l’introduction d’un nouveau programme « expérimental » par des décideurs ministériels novateurs pour les classes de
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niveau 7 et 8 en 1973, se sont appuyés sur cette loi. Elle a progressivement perdu de l’importance au cours des dernières décennies à mesure que le discours politique se faisait plus enthousiaste à l’égard de l’innovation et de l’amélioration. Cependant, la « culture de l’expérimentation » conçue et vécue comme une exception à une règle générale par ailleurs inchangée, a profondément pénétré les écoles et le professionnalisme des enseignants. Ainsi, le concept influent de projet, auquel la théorie et la politique accordent une place privilégiée depuis la fin des années 80 et 90, semble aujourd’hui largement assimilé à l’idée antérieure d’expérimentation dans les pratiques des écoles et des enseignants portugais. Cette idée « d’expérimentation positive » implique surtout quelque chose d’intéressant et d’innovant qui touche quelques personnes dans un établissement ou un segment du système, sans affecter le travail courant ou les pratiques dominantes des enseignants et des écoles. On voit donc bien là une tension, sinon un paradoxe : la coexistence d’un vigoureux discours de changement et d’un système pratiquement inchangé, l’organisation centralisée de l’école et des programmes côtoyant la multiplication de petits projets innovants très divers, relativement impuissants à impulser une transformation fondamentale du système. Tout système pourrait être aujourd’hui caractérisé par ces mouvements conflictuels, mais ils sont particulièrement patents au Portugal et influencés par des conceptions antérieures et des traditions historiquement intégrées au système éducatif. Le débat sur l’innovation et le changement éducatif doit être lu dans le contexte de cette évolution particulière. La participation du Portugal à plusieurs projets de l’OCDE, notamment le projet « l’école de demain » du CERI (qui a débuté par la participation de l’Institut pour l’innovation dans l’éducation (IEE) à la Conférence d’Hiroshima en novembre 1997) a contribué à éclairer les points communs et les particularités de la perception du changement éducatif dans les différents pays. L’une des préoccupations communes concerne justement l’identification de stratégies permettant de connecter des innovations isolées et d’opérer ainsi un changement et une amélioration plus vastes.
3. Deux stratégies pour le travail en réseau et le changement : refonte des programmes de l’école primaire (1996-2001) et programme Bonne Espérance (1998-2001) Le discours international et la recherche qualifient régulièrement le travail en réseau et la diffusion des « bonnes pratiques » d’amélioration et d’innovation prometteuse (Fullan, 1993, 2000 ; Hargreaves, 1994 ; Hopkins, 2000 ; OCDE, 1999). Au Portugal, l’innovation est à l’ordre du jour depuis vingt ans, comme en témoigne la création de l’Institut pour l’innovation dans l’éducation (IEE) par le ministère de l’Éducation. Le soutien que cet institut apporte à l’innovation et à la recherche suscite à son tour un intérêt accru
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STRATÉGIES D’ENCOURAGEMENT DES BONNES PRATIQUES ET DE L’INNOVATION DANS LES ÉCOLES
pour ces questions ; il finance, appuie et diffuse les innovations produites par les écoles via le programme du Service des incitations à la qualité dans l’éducation (SIQE). Mais l’appui donné à des innovations précises a eu relativement peu d’impact sur le système dans son ensemble. Depuis quelques années, une prise de conscience de ces limites a conduit à l’adoption de politiques de mise en œuvre des stratégies d’innovation plus appropriées. Ces politiques constituent intrinsèquement une innovation car elles rompent avec les méthodes habituellement employées pour promouvoir le chang ement dans le système. Deux d’entre elles méritent plus particulièrement d’être soulignées : ●
la Refonte du programme scolaire de l’enseignement primaire, sous la direction du Département de l’enseignement primaire, 1996-2001, Departamento de Educação Básica (DEB) ;
●
le Programme Bonne Espérance, 1998-2001, sous la direction de l’IIE.
Ces initiatives destinées à encourager le changement et l’innovation présentent plusieurs points communs. Dans les deux cas, les processus d’innovation ont l’appui de la base : dans le programme Bonne Espérance, ils commencent par des pratiques probantes, tandis que la Refonte des programmes est soutenue par l’expérience des écoles qui se sont portées volontaires pour y participer. Les deux initiatives font appel à des stratégies descendantes et ascendantes qui interagissent en cherchant à lier écoles et pratiques pédagogiques d’une part et innovation plus globale à l’échelle du système d’autre part. Leur objectif est de se servir du processus de changement comme d’un outil formateur pour les écoles en suscitant, à partir des « expérimentations » une action informée dans ces écoles et en direction des établissements avec lesquels elles sont en contact, et autour des établissements d’enseignement supérieur qui apportent leur concours aux écoles. Les deux initiatives intègrent une stratégie de mise en réseau pour l’appui et la diffusion des pratiques scolaires faisant appel à divers modes d’interaction : information du public par l’école, événements régionaux pour la présentation des travaux à d’autres établissements de la région, séminaires avec des groupes d’écoles participantes dans le pays, etc. Elles associent recherche, soutien et formation au processus de changement et intègrent une marge d’évolution – la refonte des programmes se poursuit. Enfin, elles ont un objectif commun de diffusion et de visibilité horizontale qui s’oppose à la verticalité de la mise en œuvre des changements dans les réformes descendantes.
3.1. La Refonte des programmes de l’école primaire La Refonte des programmes de l’école primaire a débuté en 1996 par l’ouverture d’un débat national sur les préoccupations relatives aux
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II.5.
STRATÉGIES D’ENCOURAGEMENT DES BONNES PRATIQUES ET DE L’INNOVATION DANS LES ÉCOLES
programmes exprimées par les écoles confrontées à un important taux d’échec et à la diversité croissante des milieux socioculturels des élèves. L’objectif premier était de changer l’organisation et la gestion des programmes, d’accroître l’autonomie des établissements dans la construction de leurs propres projets de programmes et de casser progressivement le modèle centraliste. Première phase, 1996-97. Compte tenu de la complexité des nouveaux problèmes posés aux écoles, tous les enseignants du primaire ont été invités à débattre à partir d’un ensemble de documents préparé par une é q u i p e d e ch e rch e u r s s p é c i a l i s t e s d e s p ro g ra m m e s s c o l a i re s e t d’enseignants sous la direction du Département de l’enseignement élémentaire (DEB) du ministère de l’Éducation. La réflexion proposée portait sur les difficultés rencontrées dans l’organisation centraliste normative du Portugal et dans les pratiques scolaires relatives aux résultats des élèves. Des solutions destinées à donner plus d’autonomie et de souplesse aux écoles en matière de programmes, fondées sur les recommandations de politiques internationales et les recherches récentes, ont été envisagées et débattues au cours de l’année scolaire 1996-97. Les documents étaient les suivants : ●
une discussion générale des orientations des programmes ;
●
un ensemble proposé de compétences à acquérir par chaque élève à la fin du primaire ;
●
une possible réorganisation des programmes pour identifier les compétences fondamentales dans chaque discipline et dans l’ensemble du programme, en articulation avec les compétences universelles désirées évoquées plus haut ;
●
des exemples de situations d’ajustement des programmes et d’amélioration des apprentissages rencontrées par les écoles et les élèves à débattre par les professeurs.
Après avoir discuté de ces documents, les écoles devaient formuler des suggestions et des propositions en suivant les lignes directrices de l’équipe centrale. Un rap p ort natio nal a été élab oré à partir des données communiquées et a été diffusé à chaque école et aux services du ministère. Cette première étape, appelée « Réflexion participative sur le programme de l’école primaire » a fortement mobilisé les écoles primaires, parmi lesquelles environ 80 % ont répondu. Deuxième phase, 1998-1999. A la suite de ce débat, en 1997/98, la secrétaire d’État à l’Éducation, Ana Benavente, a invité les écoles primaires à formuler des propositions destinées à ajuster le programme à leur situation en soumettant un projet de programme d’école aux services régionaux du ministère et au DEB. La réglementation du secrétaire d’État reposait sur des principes de
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refonte du programme et d’une plus grande autonomie des écoles. Elle incluait aussi une proposition de modèle pour réorganiser l’emploi du temps, qui intègre de nouveaux domaines d’apprentissage et réaménage le temps alloué aux disciplines. Parallèlement, l’équipe du DEB poursuivait son travail sur les compétences. De nouveaux documents sur les compétences générales et spécifiques à chaque discipline du programme ont été élaborés et diffusés aux é coles. Un cons eil national form é de représentants de syndicats d’enseignants, d’écoles engagées dans des projets de programme autonome et de spécialistes des programmes scolaires a été constitué pour suivre le processus. Des études ont été menées par l’université et des instituts de formation des enseignants sur certains sujets liés à la refonte des programmes envisagée, en s’attachant p lus particulièrement aux compétences de base et à la gestion du programme par les établissements. Elles ont elles aussi été distribuées à chaque établissement pour enrichir le débat et aider le travail de réflexion des enseignants. Le processus a été progressif : 10 écoles se sont portées volontaires en 1997-1998, ce nombre ayant été porté à 30 environ en 1998-1999 et à 100 en 1999-2000. Elles rendent compte chaque année de leur expérience au DEB et au conseil national et certaines suggestions ont été intégrées. Une nouvelle réglementation appelée Gestion flexible du programme Gestão Flexível do Currículo (GFC), plus normative quant à l’organisation des disciplines, a été instaurée en 1998-1999. Plusieurs établissements de formation des enseignants (universités et instituts universitaires) ont apporté un appui local aux écoles participant au projet GFC à compter de 1998-1999. Troisième phase, 2000-2001. Une nouvelle législation (DL 6/2001) instaure le principe de l’autonomie des écoles en matière de programmes ; elle crée aussi de nouveaux domaines pour le travail par projet, les études et recherches individuelles et l’éducation à la citoyenneté, accorde aux écoles des possibilités de réaménager l’emploi du temps et les oblige à élaborer leur propre projet de programme et des projets spécifiques pour chaque classe afin d’ajuster le programme national à la situation particulière des élèves. Elle s’appliquera aux classes de niveau 1 et 5 (première année du 1 er et du 2 e cycle de l’enseignement primaire) dans chaque école en octobre 2001, et progressivement aux autres classes et au troisième cycle (niveaux 7-9). Cependant, le programme national et les supports pédagogiques n’ont pas changé. Au niveau central, le DEB (avec l’appui d’une nouvelle équipe consultative réunissant des chercheurs, des formateurs d’enseignants et des enseignants) travaille à la mise en place graduelle de la réorganisation voulue. A partir des analyses et positions
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existantes, cette équipe s’efforce de redéfinir un système de programmes sur deux axes : ●
la fixation de lignes directrices nationales plus générales et moins normatives, plus axées sur les compétences, pour l’ensemble des programmes de l’enseignement primaire ;
●
le renforcement des projets de programmes centrés sur l’école, tels qu’instaurés par la loi DL 6/2001.
3.2. Le programme Bonne Espérance 3.2.1. Objectifs Le programme Bonne Espérance est un programme public national destiné à aider les enseignants et les établissements scolaires à diffuser leurs pratiques exemplaires, dans le double objectif de soutenir ces pratiques et de les diffuser à d’autres enseignants et écoles. L’intention est que d’autres s’inspirent et profitent des expériences et solutions trouvées. A cette fin ont été choisies 28 bonnes pratiques relevant des grands thèmes suivants : ●
amélioration de l’apprentissage pour tous ;
●
amélioration organisationnelle et sociale de l’école en tant qu’établissement d’enseignement ;
●
interaction école-communauté ;
●
emplois pédagogiques des TIC.
3.2.2. Historique et contexte Créé par le ministère de l’Éducation en mars 1998 et opérationnel depuis début 1999 à l’issue d’une période préparatoire ayant abouti à la sélection de pratiques innovantes, le programme Bonne Espérance a été conçu pour trois années scolaires. Il a été mis en place pour élaborer une politique volontariste de soutien et de promotion d’innovations concluantes dont les effets n’avaient jamais été soulignés ou évalués. Il constitue lui-même une innovation dans le contexte portugais car il contraste avec la centralisation traditionnelle en encourageant l’autonomie et l’expérimentation par des recherches sur les bonnes pratiques émergentes, en les analysant, en les diffusant et en soutenant le travail des enseignants et des écoles. Le programme reconnaît les compétences professionnelles des enseignants et la capacité des écoles à s’organiser elles-mêmes en cohérence avec leurs objectifs et leurs contextes. Il respecte le caractère unique de chaque situation et met les ressources publiques au service des enseignants pour leur permettre d’apprendre et de partager leurs expériences.
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II.5.
STRATÉGIES D’ENCOURAGEMENT DES BONNES PRATIQUES ET DE L’INNOVATION DANS LES ÉCOLES
3.2.3. Procédures et parties prenantes Les écoles et enseignants qui y participent peuvent compter sur l’appui technique d’équipes régionales formées de chercheurs, de personnel des services centraux et régionaux du ministère de l’Éducation et des centres de formation continue. D’autres membres d’institutions locales peuvent être invités à rejoindre les équipes si leur présence peut contribuer à faire avancer les objectifs du programme. Dans ce processus, les services publics, les chercheurs et les instituts de formation d’enseignants apprennent à interagir et à créer des synergies à l’appui de chaque innovation reconnue. Parallèlement, la participation au programme suppose que les praticiens et leurs établissements acceptent de faire analyser et évaluer leurs pratiques par des observateurs ou critiques extérieurs, deviennent des agents de diffusion de leurs pratiques innovantes, produisent des publications ou d’autres types de matériels, partagent leur expérience avec d’autres écoles et deviennent des chefs de file de l’évolution. Les équipes régionales évoquées ci-dessus, en articulation avec une autre équipe de l’IEE chargée de la coordination nationale du programme, constituent ainsi un important réseau d’aide à l’amélioration et à la diffusion des pratiques pour les enseignants et les écoles. Ce réseau s’est chargé des activités suivantes : ●
Création d’une plate-forme commune d’information, comprenant un site (www.iie.min-edu.pt/proj/boa-esperanca/index.htm) qui décrit toutes les bonnes pratiques couvertes par le programme et indique les personnes à contacter. De plus, la description, par les coordinateurs, de leurs propres pratiques est publiée dans l’un des magazines de l’IEE, NOESIS, qui est largement et gratuitement diffusé dans les établissements d’enseignement primaire et secondaire.
●
Production et distribution de vidéos ou de CD-ROM présentant la genèse, les processus et les résultats de chaque innovation, lorsque ces supports représentent un moyen intéressant de communiquer les objectifs et la nature de l’innovation.
●
Mise en place d’un forum pour débattre des questions d’intérêt commun, sélectionnées avec la participation des personnes directement impliquées dans l’innovation, et stimulée par des experts invités. Le premier thème retenu a été l’auto-évaluation, pour aider les enseignants à améliorer, pérenniser et diffuser leurs pratiques innovantes.
●
Appui technique à la production et à la diffusion de documents et matériels, à publier et à distribuer. Des formations sont également organisées par l’intermédiaire de l’IEE pour aider les enseignants participants à créer leur page personnelle sur Internet.
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●
Promotion de rencontres thématiques entre praticiens pour débattre des problèmes rencontrés et des réalisations.
●
Encouragement à la mise en réseau des écoles pour stimuler l’évolution et transmettre les bonnes pratiques.
●
Médiation pour assurer les ressources humaines et financières nécessaires à la diffusion qui est attendue des écoles participantes.
Les écoles reçoivent une dotation complémentaire destinée à compenser la réduction horaire des participants, qu’elles gèrent de manière autonome pour la coordination et la mise en œuvre de leurs projets. Les équipes régionales servent de conseillers et d’intermédiaires pour l’obtention des ressources dont les enseignants ont besoin, dans la mesure où elles sont cohérentes avec les objectifs du programme.
3.2.4. Flux d’informations Au-delà de ces différentes procédures, l’information emprunte plusieurs circuits. Les praticiens, d’un ou de plusieurs établissements, se rencontrent pour transmettre les pratiques, une des obligations qu’ils acceptent lorsqu’ils se joignent au programme. Des discussions thématiques ou régionales sont organisées sur des sujets d’intérêt commun et des forums de discussion sur Internet ont été mis en place. Les contacts électroniques entre établissements contribuent à l’évolution et à la diffusion des pratiques concernées, les rencontres et séminaires portent certaines pratiques à l’attention d’autres enseignants et écoles et peuvent inciter d’autres partenaires à s’engager. Enfin, la diffusion des informations fait aussi appel aux publications traditionnelles.
3.2.5. Ressources financières L’activité est entièrement financée par l’État, par un budget alloué par le ministère de l’Éducation et géré de façon souple en fonction de la spécificité de chaque pratique et des besoins recensés dans les plans annuels des établissements. Le principe de financement est triple : i) la coordination des équipes d’appui régional par le chercheur et son institution est rémunérée par une formule de financement correspondant au salaire d’un enseignant à l’échelon le plus élevé de l’enseignement supérieur pour un poste à mitemps ; ii) les écoles obtiennent le budget qu’elles demandent pour atteindre les programmes qu’elles ont négociés avec les équipes ; iii) la production, la publication et la distribution des documents et matériels sont couvertes par l’IEE et financées sur son budget. Les dépenses liées aux activités du type i) et ii) se sont élevées approximativement à EUR 300 000 chaque année ; le montant des dépenses afférentes au point iii) n’est pas encore disponible.
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3.2.6. Enseignants Les enseignants constituent la clé de voûte des processus d’amélioration, de consolidation et de diffusion de leurs pratiques ; le programme a été créé avant t ou t p o ur l eu r en d o nne r les moye ns en met t ant e n p lac e l’indispensable aide technique, logistique et financière. Le réseau d’appui fait essentiellement office de consultant sur les innovations dans le cadre du programme. Les personnes affectées au support technique des équipes régionales identifient les besoins de formation qui sont pourvus par les centres de formation continue des enseignants, lesquels sont également gérés par des enseignants de primaire et secondaire. (Ces centres, comme il a été noté, peuvent aussi être partenaires des équipes régionales de support.) Les formations proposées sont financées par le PRODEP, le Programme de développement éducatif pour le Portugal (financé par le Fonds social européen). D’autres formations sont assurées par des praticiens qui servent « d’amplificateurs » de l’innovation et sont couvertes dans les plans annuels des écoles et donc financées sur leurs budgets. Hormis la réduction des horaires de travail, les enseignants qui participent au programme Bonne Espérance ont la possibilité de continuer à travailler dans la même école sur toute la durée du programme, quelle que soit l’école à laquelle ils sont affectés par ailleurs, après une demande de dérogation au mécanisme national d’affectation des postes.
3.2.7. Évaluation et suivi Les enseignants qui participent au programme sont encouragés à évaluer leurs pratiques. De plus, le programme fait l’objet d’une évaluation externe par des experts non portugais1. Les évaluations d’efficacité couvrent des domaines tels que : ●
les savoirs, produits en matière de solutions innovantes aux problèmes, d’emploi efficient des ressources et d’amélioration de la qualité de l’apprentissage ;
●
l’accès à des informations pertinentes à jour sur des exemples de bonnes pratiques, en fonction des thèmes définis dans les « Objectifs » ;
●
les ressources et les divers résultats tangibles produits à partir des expériences et des études réalisées, susceptibles de servir à d’autres ;
●
les connaissances acquises sur les critères de qualité et les conditions propices à l’apparition, à la viabilité et à la diffusion des bonnes pratiques ;
●
la mise en place de réseaux opérationnels comme stratégie d’évolution de l’éducation générant qualité et innovation ;
●
la promotion d’une culture de réflexion aux différents niveaux du système.
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II.5.
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L’introduction de ces deux innovations majeures dans le système éducatif portugais est très prometteuse, d’une part parce qu’elle témoigne de nouveaux modes de pensée en matière d’éducation et, d’autre part, parce qu’elle encourage des stratégies d’amélioration de l’enseignement et des pratiques organisationnelles en permettant une meilleure appropriation par les praticiens. Cependant, ces deux initiatives restent largement perçues par les enseignants, les écoles et le système comme des expérimentations introduites par les autorités centrales. Les processus d’évolution de la culture des professionnels et des établissements sont à la fois lents et complexes. Un long chemin reste à parcourir, en nous appuyant sur ce que nous apprennent les réussites et les échecs de ces innovations, pour qu’elles soient reconnues comme des stratégies de changement pérenne.
Notes 1. Cette évaluation a été confiée aux experts français Françoise Cros et Francine Vaniscotte, qui ont toutes deux participé à l’Observatoire européen représenté au séminaire de Lisbonne en septembre 2000.
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ISBN 92-64-10036-9 Réseaux d’innovation Vers de nouveaux modèles de gestion des écoles et des systèmes © OCDE 2003
PARTIE II
Chapitre 6
Réforme de la gestion publique et pilotage des systèmes éducatifs – le cas de la Hongrie par Gábor Halász (directeur général, Institut national de l’éducation publique, Budapest)
Résumé. Ce chapitre traite de la gouvernance et de la réforme en Hongrie, pays où a eu lieu la conférence de l'OCDE/CERI de 2001 sur la gestion dans le domaine de l'éducation. Depuis plus de dix ans, le système éducatif hongrois est confronté à la délicate question de savoir comment garantir la qualité, l'efficacité et l'équité, tout en maîtrisant la complexité, les risques et les conflits, dans un contexte de forte décentralisation. L'auteur de ce chapitre soutient que l'on peut utilement établir des liens plus étroits entre l'analyse et les modèles de la gestion publique en général et du système éducatif en particulier. Nombre des nouveaux mécanismes de réglementation mis au point dans le secteur de l'éducation hongrois sont analogues à ceux qui sont appliqués dans les réformes de la gestion publique dans d'autres pays. La complexité accrue exige un assouplissement et une décentralisation des systèmes de réglementation et dans le même temps des outils de réglementation plus sophistiqués sont nécessaires pour que les unités locales plus autonomes contribuent à la réalisation des objectifs fixés à l'échelle du système.
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RÉFORME DE LA GESTION PUBLIQUE ET PILOTAGE DES SYSTÈMES ÉDUCATIFS
Réforme de la gestion publique et pilotage des systèmes éducatifs
1. Principales caractéristiques du pilotage de l’éducation en Hongrie Après une évolution progressive engagée depuis plusieurs décennies et accélérée dans la seconde moitié des année 80 (voir annexe à ce chapitre), le système éducatif hongrois était, au début des années 90, l’un des plus décentralisés du monde (voir OCDE 1998 : sur les huit pays examinés, seule la Finlande se comparait à la Hongrie au plan de la délégation des décisions aux écoles et au niveau local, et même alors, elle accordait une moindre importance au niveau des établissements). L’encadré 6.1 suivant décrit les principales caractéristiques du pilotage du système actuel (Balázs et al., 1998 ; Setenyi, 2000).
Encadré 6.1. Pilotage du système éducatif hongrois L’administration de l’enseignement public est très décentralisée et les responsabilités sont partagées entre plusieurs acteurs, horizontalement entre le ministère de l’Éducation et d’autres ministères et, verticalement, entre les échelons national, régional, local et les établissements. Au niveau local et régional, l’administration de l’éducation est intégrée au système général d’administration publique, sans organisation séparée. Au niveau local et régional, l’administration publique (et celle de l’éducation) se fonde sur l’autonomie, sous le contrôle d’instances élues, politiquement autonomes. Le gouvernement central ne peut donner d’instruction directe aux collectivités locales. Le rôle des régions est assez limité alors que les collectivités locales, très nombreuses et assez petites en moyenne, exercent un très large éventail de responsabilités.
Les dispositifs de pilotage actuels sont fortement déterminés par des contraintes constitutionnelles. En effet, en application de la Loi de 1990 sur l’autonomie, les municipalités, politiquement autonomes, sont propriétaires de la majorité des écoles publiques. Le Parlement ne peut amender cette loi que par un vote à la majorité des deux tiers. Dans ce contexte, la grande difficulté pour la politique éducative publique est de veiller à la réalisation des objectifs généraux de service public comme l’équité, la qualité et l’efficacité. Au cours de la dernière décennie, le secteur éducatif hongrois a mis en place plusieurs
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II.6.
RÉFORME DE LA GESTION PUBLIQUE ET PILOTAGE DES SYSTÈMES ÉDUCATIFS
mécanisme susceptibles d’aider à tenir ces objectifs. Bien qu’il n’y ait pas de discours explicite sur la réforme de la gestion dans l’éducation et qu’on ne considère généralement pas ces nouveaux mécanismes comme un tout cohérent, une analyse attentive peut révéler des parallèles avec les évolutions générales de la « réforme de la gestion publique » ou de la « nouvelle gestion publique ». Dans ce chapitre, le terme « pilotage » désigne une fonction essentielle qui caractérise tous les secteurs de service public, éducation comprise. Il est naturellement lié à d’autres concepts comme la gestion, la gouvernance ou l’administration. Son emploi sert ici à souligner la délégation des responsabilités et le maintien du contrôle de l’État sur les processus éducatifs de base, (Michel, 1993).
2. Réforme de la gestion publique et gouvernance éducative Les analyses de la réforme de la gestion publique produites par les pays et l’OCDE font rarement référence au secteur éducatif (voir par exemple : Hood, 1995 ; Hood & Scott, 2000 ; OCDE, 1995 ; Paquet, 2001 ; Trosa, 1995 ; Vignon, 2000 ; Wright, 1997), mais certains travaux s’y consacrent explicitement (par exemple : Lee Hiu-hong, 2000 ; Sabel & Liebman, 2001 ; Sabel, 2001). De même, il est rare que les réformes du secteur éducatif soient directement liées aux réformes plus générales de la gestion publique. Pourtant, comme le reconnaît la publication de l’OCDE « Gestion des établissements : de nouvelles approches » (OCDE, 2001d), « les réformes de la gestion publique ont d’importantes implications pour le secteur éducatif, et nombre des changements éducatifs actuels peuvent avoir des incidences sensibles en termes de gestion publique ». L’un des grands axes de la réflexion sur les réformes de la gestion publique porte sur la complexité et l’incertitude croissantes auxquelles celle-ci est confrontée (voir, par exemple, Hodgson, 2000). Certains y voient un facteur décisif à l’origine des réformes. La décentralisation et l’autonomie accrue des organismes gestionnaires locaux figurent parmi les principales mesures adoptées. Une partie de ce processus implique la contractualisation, la création d’agences et l’approche gestionnaire, partant du principe que transformer des unités administratives formellement pilotées en agences autonomes et les laisser diriger, non par des fonctionnaires, mais par des responsables sous contrat, permet de mieux gérer la complexité et l’incertitude. Cela conduit logiquement à un autre grand défi : comment garantir l’adhésion des agences autonomes et des gestionnaires sous contrat à la politique nationale et aux attentes fondamentales de la société ? Robinson (2000) développe la typologie des réformes élaborée par Paul Lights dans un modèle que je reprends dans ce chapitre. Basé sur la théorie de la
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II.6.
RÉFORME DE LA GESTION PUBLIQUE ET PILOTAGE DES SYSTÈMES ÉDUCATIFS
délégation, il offre une structure permettant d’appréhender les changements apportés au pilotage – en particulier au secteur de l’éducation – et le cas hongrois. Pour Robinson, les réformes de la gestion publique peuvent être classifiées selon deux dimensions (voir figure 6.1). La première porte sur le degré de spécificité des tâches de l’agent. Cette question est étroitement liée à la dimension centralisation/décentralisation, car une forte spécificité rend la g es tion plus difficile. La deuxième dimension port e sur le degré d’opportunisme de l’agent local ; la décentralisation et l’autonomie fonctionnent lorsque l’opportunisme est faible, ce qui garantit l’adhésion des unités locales aux politiques.
Figure 6.1. Modèle des réformes de la gestion publique élaboré par Robinson Forte spécificité des actifs
1. «Gestion par la libération»
2. « Surveillance attentive »
Opportunisme faible
Opportunisme fort
3. «Gestion scientifique»
4. « Guerre aux gaspillages »
Faible spécificité des actifs Source : Robinson (2000).
Dans ce modèle (figure 6.1), les réformes actuelles de la gestion publique relèvent du type 1 (« gestion par la libération »), qui présuppose une forte spécificité des actifs – grande complexité du domaine piloté – et un opportunisme faible – disposition des unités locales à suivre les orientations de politique centrale. Le modèle suggère également des directions possibles pour résoudre les problèmes de pilotage : on peut réduire la « spécificité » ou complexité du domaine piloté (par exemple en diminuant la différenciation fonctionnelle) et « l’opportunisme » des unités locales (par exemple en développant l’investissement des professionnels).
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II.6.
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Le modèle de Robinson est manifestement applicable aux systèmes éducatifs. Bien que son analyse ait initialement porté sur les responsables politiques cherchant à contrôler le comportement des fonctionnaires, on peut aisément faire l’analogie avec les responsables de la politique éducative et les administrateurs d’une part, et les établissements et les enseignants d’autre part. Les systèmes éducatifs peuvent être décrits selon deux dimensions, la première caractérisant la représentation sociale de la nature de l’éducation, la seconde concernant la volonté et la capacité des écoles et des enseignants à répondre aux attentes fondamentales de la société à l’égard de l’éducation. Cette dernière dimension est à son tour très dépendante du degré de professionnalisme et d’investissement personnel des enseignants. La place qu’un système éducatif occupe dans l’espace formé par ces deux dimensions détermine le mode de pilotage et l’orientation des réformes éventuelles. Le tableau 6.1 présente le modèle de Robinson adapté au secteur éducatif.
Tableau 6.1.
Typologie des modes de pilotage dans l’éducation Professionnalisme et investissement personnel des enseignants à la politique éducative
Représentation sociale de l’éducation
Professionnalisme élevé et fort engagement social de la part des enseignants.
Professionnalisme et engagement social plus faibles ; les enseignants veulent plus de temps libre et être mieux payés.
L’éducation est une profession complexe, très individualisée, se prêtant mal à la normalisation.
Type de pilotage 1 Autonomie des écoles ; accent placé sur les résultats.
Type de pilotage 2 Supervision paternaliste et soutien.
L’éducation est une profession assez simple qui peut être pilotée par des règles formelles externes.
Type de pilotage 3 Pilotage précis des programmes, strict contrôle des moyens basé sur le professionnalisme.
Type de pilotage 4 Contrôle continu et méticuleux.
Source : Auteur.
L e d é ve l o p p e m e n t d e l a p a r t i c i p a t i o n e t l ’ a c c e n t u a t i o n d e s différenciations internes ont rendu les systèmes éducatifs si complexes qu’ils se caractérisent aujourd’hui par une forte spécificité des actifs. Il semble très improbable que la complexité du système puisse être significativement réduite et il est presque certain que les politiques de formation tout au long de la vie ajouteront encore à cette complexité. Il devient toujours plus coûteux de s’assurer l’adhésion des enseignants dans de tels systèmes. Théoriquement, le problème pourrait être résolu par une réforme de type 2 (la « Surveillance attentive » dans la terminologie de Robinson) mais la complexité croissante rend cette solution de moins en moins praticable. La plupart des spécialistes
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II.6.
RÉFORME DE LA GESTION PUBLIQUE ET PILOTAGE DES SYSTÈMES ÉDUCATIFS
de la gestion moderne considèrent que la seule option concevable est une réforme de type 1. Les solutions déterminées dans le cadre des réformes actuelles de la gestion publique sont particulièrement intéressantes pour ceux qui affrontent la complexité grandissante des systèmes éducatifs modernes ; les caractéristiques sont les suivantes : ●
Pilotage des procédures (« Prescrire des procédures applicables à la définition des actions au lieu de prescrire les actions »).
●
Consultation et participation (« Laisser les gens débattre et tenter de trouver leurs solutions propres »).
●
Médiation et soutien à la gestion locale des conflits (« Apporter un appui extérieur aux personnes qui tentent de résoudre leurs problèmes entre eux »).
●
Approches centrées sur le client (« Déterminer les désirs des clients – usagers ou consommateurs »).
●
Communication et apprentissage (« Aider les acteurs locaux à s’adapter aux circonstances nouvelles en facilitant la communication et l’apprentissage »).
●
Contractualisation (« Passer des contrats et non confier des missions définies de manière unilatérale »).
●
Agences dirigées par des gestionnaires (« Confier la tâche à une agence au lieu de la maintenir dans l’administration, embaucher un gestionnaire capable de prendre des risques, qui s’intéresse aux résultats, plutôt que des fonctionnaires »).
●
Partenariat public/privé (« Travailler avec des entreprises privées et des entrepreneurs »).
●
Programmes et projets (« Travailler sur des projets bien cernés au lieu de toujours considérer l’ensemble du service »).
●
Renforcer l’autonomie (« Donner de l’autonomie aux unités locales »).
●
Fixer des normes et évaluer les résultats (« Fixer des normes générales et déterminer si elles sont respectées »).
●
Pilotage par incitations (« Encourager les acteurs locaux à prendre l’initiative »).
●
Ensembles complexes de pilotage (« Utiliser plusieurs outils se renforçant mutuellement et agissant en synergie »).
3. Le cas de la Hongrie – nouveaux mécanismes de pilotage Le système hongrois est non seulement très décentralisé, mais le degré de décentralisation est fixé par des principes constitutionnels généraux qui ne peuvent être annulés qu’en présence d’un fort consensus politique et social. Lorsque la tendance vers la décentralisation a été engagée, le professionnalisme
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du corps enseignant et la disposition des écoles à exercer leur autonomie étaient globalement plus faibles que dans la plupart des systèmes très décentralisés – conséquence, notamment, de plusieurs décennies de contrôle central fort et d’une relative faiblesse de la société civile. Le système éducatif se caractérise par une grande complexité, due en partie aux évolutions indiquées dans l’encadré 6.2 ci-dessous. L’aptitude du centre national à gérer cette complexité est limitée, de même que sa capacité à garantir l’adhésion des acteurs locaux.
Encadré 6.2. Incertitudes croissantes dans le système éducatif L’hétérogénéité croissante des élèves implique qu’une plus forte proportion d’entre eux nécessite une prise en charge spécifique, ce qui complique la planification de l’offre. La plus grande diversité des programmes accroît les risques, pour chaque élève, de prendre de mauvaises décisions ou de faire des choix mal fondés. Avec l’évolution rapide de l’économie, il devient plus difficile d’aligner les résultats de l’éducation sur les besoins économiques ; les déséquilibres moyens-résultats sont plus fréquents. L’enrichissement de l’offre de programmes et des manuels rend leur sélection plus difficile. Compte tenu de cet enrichissement, en particulier avec l’apparition de nouveaux logiciels multimédia, il est plus difficile de garantir la qualité des programmes et des manuels. L’accélération des changements complique la transmission des informations du centre aux écoles et enseignants : il est fréquent que les enseignants ne connaissent pas les objectifs des réformes décidées au centre.
Depuis le début des années 90, de nombreux dispositifs de pilotage ont été mis en place. On peut considérer qu’il s’agit là d’une réaction naturelle aux défis de la décentralisation, de la complexité et de l’adhésion des enseignants. Il faut souligner ici que nombre de ces nouveaux dispositifs et instruments s’inscrivent dans les orientations des réformes de la gestion publique même s’ils n’en découlent pas. Le cas hongrois illustre les solutions nouvelles qui peuvent être tentées pour gérer la complexité et piloter dans un système décentralisé. Ces dispositifs et instruments ont été mis au point pour tenter de résorber les tensions suscitées par une complexité et une décentralisation croissantes d’une part, et, selon la volonté de l’État, pour garder la maîtrise du système et satisfaire aux attentes croissantes de la société en matière d’équité, de qualité et d’efficacité d’autre part (voir tableau 6.2).
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Tableau 6.2.
Nouveaux dispositifs de pilotage mis en place dans le système éducatif hongrois
Nouveaux dispositifs de pilotage
Exemples (date d’introduction)
Pilotage des procédures (« Prescrire des procédures applicables à la définition des actions au lieu de prescrire les actions »)
• Élaboration des stratégies au niveau des écoles dans une structure participative (depuis 1993) • Planification locale et régionale obligatoire dans une structure participative (depuis 1996) • Création d’organes d’accréditation des programmes (depuis 1999)
Consultation, participation (« Laisser les gens débattre et tenter de trouver leurs solutions propres »)
• Organes consultatifs au niveau national, régional, local et des établissements (lois de 1985, 1993 et 1996) • Importants droits de consultation du personnel enseignant sur la nomination du chef d’établissement (1986) • Planification territoriale de l’éducation (1996) • Soutien de l’État aux syndicats nationaux (depuis le début des années 90) • Série de débats ouverts (par exemple sur les programmes nationaux dans les années 90)
Médiation et soutien à la gestion locale • Médiation assurée par le médiateur de l’éducation (depuis 1999) des conflits (« Apporter un appui extérieur aux personnes qui tentent de résoudre leurs problèmes entre eux ») Approches centrées sur le client (« Déterminer les désirs des clients – usagers ou consommateurs »).
• Approche de partenariat du programme d’assurance qualité Comenius 2000 (depuis 1999) • Protection des droits des parents par le médiateur de l’éducation (depuis 1999) • Publication des résultats des écoles (depuis le début des années 90) • Développement des communications électroniques ; sites éducatifs ouverts au public (depuis la seconde moitié des années 90) • Système d’information national pour faciliter le passage du primaire au secondaire – système KIFIR (1999) • Marketing inclus dans la formation à la gestion de l’éducation (depuis 1998)
Communication et apprentissage (« Aider les acteurs locaux à s’adapter aux circonstances nouvelles en facilitant la communication et l’apprentissage »)
• Soutien de l’État à l’organisation de conférences professionnelles (depuis la fin des années 80) • Nouveau système de formation continue (1996) • Recherche considérée comme un outil de communication (depuis la fin des années 80) • Médias éducatifs (pas de date précise)
Contractualisation (« Passer des contrats au lieu de confier des missions définies de manière unilatérale »)
• Programme pédagogique au niveau de l’école formulé comme un « contrat » (depuis 1998) • Possibilités pour une école d’intenter une action en justice contre sa municipalité propriétaire (depuis 1993) • Contrats par projet (depuis le milieu des années 90)
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Tableau 6.2. Nouveaux dispositifs de pilotage mis en place dans le système éducatif hongrois (suite) Nouveaux dispositifs de pilotage
Exemples (date d’introduction)
Agences dirigées par des gestionnaires (« Confier la tâche à une agence au lieu de la maintenir dans l’administration, embaucher un gestionnaire capable de prendre des risques, qui s’intéresse aux résultats, plutôt que des fonctionnaires »)
• Nouvelles entreprises publiques pour certaines tâches, dirigées par des gestionnaires sélectionnés par un mécanisme de mise en concurrence : – Fonds central pour l’innovation – 1988 – Programmes européens – 1996 – Services d’information – 2001 – Nouveau système de formation continue – 1996 – Bureau du programme d’AQ de Comenius – 2000
Partenariat public/privé (« Travailler avec des entreprises privées et des entrepreneurs »)
• Évaluation des écoles par des consultants du secteur privé (depuis 1993) • Fonds publics alloués aux écoles et municipalités pour leur permettre d’acheter les services de consultants (après 1999) • Programme d’AQ Comenius 2000 – consultants privés (depuis 1999) • Dispositifs autorisant la formation continue par des entreprises privées (après 1997)
Programmes et projets (« Travailler sur des projets bien cernés au lieu de toujours considérer l’ensemble du service »)
• Fonds pour l’innovation (1987)
Renforcer l’autonomie (« Donner de l’autonomie aux unités locales »)
• Écoles comme entités juridiques ayant leur propre statut de financement (depuis 1993)
• AQ conçue comme un programme de développement (1999) • Programmes PHARE pour le développement de l’éducation (1996)
• Extension des droits du personnel enseignant (1985, 1993) Fixer des normes et évaluer les résultats (« Fixer des normes générales et déterminer si elles sont respectées »)
• Normes de contenu dans les programmes nationaux (1995) • Normes relatives aux bâtiments, équipements et manuels (1998-2001) • Centre national pour l’évaluation et les examens (1999) • Évaluations fondées sur les méthodologies des sciences sociales (par exemple, l’enquête sur une maternelle en 2001) • Suivi national régulier des résultats des élèves (depuis 1986) • Accréditation des programmes de formation continue et des formateurs (1997)
Pilotage par incitations (« Encourager les acteurs locaux à prendre l’initiative »)
• Nouveaux mécanismes de financement (1989, 1996)
Ensembles complexes de pilotage (« Utiliser plusieurs outils se renforçant mutuellement et agissant en synergie »)
• Nouveau mécanisme de financement (1989, 1996)
• Fonds pour l’innovation (1987) • Systèmes locaux pour les demandes de financement (1997)
• Formation continue (1996)
Source : Auteur.
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Les ensembles complexes de pilotage méritent eux aussi une attention particulière à travers deux exemples : l’un dans le domaine de la formation continue des enseignants (voir encadré 6.3), l’autre du financement (voir figure 6.2).
Encadré 6.3. Pilotage de la formation continue en Hongrie ●
Financement garanti sur le budget de l’État.
●
Aide financière à la formation continue allouée aux écoles sous forme de forfait par enseignant.
●
Concurrence ouverte des programmes et des prestataires de formation (dont les prestataires privés).
●
Accréditation par l’État des programmes et formateurs.
●
Pilotage de l’emploi que font les écoles de l’aide financière de l’État à la formation continue (par exemple plans d’embauche d’enseignants au niveau de l’école).
●
Promotion individuelle au niveau de l’école conditionnée à la formation continue.
●
Centre national de coordination, de développement et d’assurance qualité.
Pour revenir à la typologie de Robinson, tous les dispositifs de pilotage présentés dans la figure 6.2. peuvent être classés dans la catégorie gestion par la libération. Le paradoxe que l’on pourrait voir dans le fait que la « libération » vise à renforcer le contrôle sur le système n’est, à mon avis, qu’apparent. En effet, pour réduire et éviter les risques et conflits et renforcer le pilotage et l’adhésion des enseignants à la politique éducative dans un environnement très complexe, une « libération » bien organisée et structurée est probablement la seule solution possible pour maintenir le contrôle de la société sur les services publics comme l’éducation. Comme nous l’avons vu plus haut, les aspects cruciaux sont l’investissement personnel et l’attitude des enseignants d’une part, et la représentation sociale dominante de l’éducation d’autre part (tableau 6.1). Ainsi, une diminution de l’investissement professionnel et social des enseignants favorise la réapparition de structures conjuguant supervision paternaliste et soutien. Si la société tend à considérer l’enseignement comme une tâche simple, qui peut être aisément pilotée par des règles extérieures au lieu d’y voir une profession complexe, très individualisée, le pilotage pourrait bien se faire plus précis et plus formel. Théoriquement, on ne peut écarter un
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Figure 6.2. Financement de l’enseignement scolaire en Hongrie Définition des normes
Financement
NIVEAU NATIONAL
Fixation des normes opérationnelles, générales au niveau des écoles (ce qui a une incidence sur la négociation des budgets locaux)
Financement normatif (forfait par tête) NIVEAU LOCAL Négociation du budget (Respect des normes nationales générales)
2 à 3 % des fonds vont directement aux écoles servant certains objectifs nationaux
NIVEAU DE L’ÉTABLISSEMENT Source : Auteur.
scénario de pilotage basé sur un contrôle continu, méticuleux et mesquin (pilotage de type 4 dans le tableau 6.1). Néanmoins, compte tenu du principe de décentralisation posé par la constitution hongroise, la probabilité d’un tel cas de figure est très faible et il n’y a guère d’autre solution que le pilotage de type 1 (basé sur l’autonomie des établissements d’enseignement et sur le contrôle des résultats). Par conséquent, il faut renforcer le professionnalisme et l’engagement social des enseignants hongrois et souligner que l’enseignement est un métier complexe, très individualisé.
4. Conclusion Depuis le début des années 90, le système éducatif hongrois est confronté à un défi de plus en plus difficile : garantir la qualité, l’efficacité et l’équité tout en contrôlant la complexité, les risques et les conflits dans un contexte de forte décentralisation. Comme les contraintes constitutionnelles et les capacités de gestion limitées de l’appareil central de l’État écartent l’hypothèse d’une « recentralisation », il a fallu instaurer de nouveaux mécanismes de pilotage. L’analyse montre que nombre de ces nouveaux mécanismes sont proches de ceux qui ont été appliqués récemment par d’autres pays pour réformer leur gestion publique, ce qui tient sans doute à la similitude des problématiques auxquelles sont confrontés les systèmes
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modernes de services publics. La complexité accrue exige des régimes de pilotage plus souples et décentralisés, tandis que garantir l’adhésion d’unités locales plus autonomes à la politique éducative requiert des instruments de pilotage plus sophistiqués.
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Annexe Les grandes étapes de l’intégration et de la décentralisation après la Seconde Guerre mondiale (voir Balázs et al., 1998) ●
Dans les années 50, avec l’introduction du système de conseils « soviet », l’administration de l’éducation a été intégrée au système global d’administration publique – comme dans les autres pays du bloc soviétique.
●
A la fin des années 60, la « double subordination » des unités locales et régionales d’administration éducative a été abolie. Dès lors, les échelons administratifs les plus élevés n’ont pu donner d’instructions directes aux niveaux inférieurs.
●
A la fin des années 60 a été introduit un système unifié de planification régionale des infrastructures, intégrant l’éducation.
●
La Loi sur les conseils du début des années 70 a accru l’autonomie globale des conseils et leur a également confié des responsabilités plus larges dans le domaine de l’entretien des écoles.
●
Au milieu des années 70, l’administration de l’enseignement professionnel secondaire a été déléguée aux régions, puis, à la fin de la décennie, aux conseils municipaux.
●
Au début des années 80, les unités chargées de l’administration de l’éducation au sein des conseils ont été fusionnées avec les unités responsables d’autres domaines (comme les soins de santé et les affaires sociales).
●
Au milieu des années 80 (Loi de 1985 sur l’enseignement public), l’inspection pédagogique a été séparée de l’administration publique et réorganisée en un nouveau service d’appui, tandis que l’autonomie des écoles a été largement étendue.
●
En 1989, les budgets locaux et nationaux, qui avaient été précédemment fusionnés, ont été séparés, l’aide de l’État aux conseils locaux a été basée sur un système de forfait et les collectivités locales ont dû participer à leur financement.
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●
En 1990, les anciens conseils locaux ont été remplacés par les collectivités locales politiquement autonomes, désormais propriétaires des écoles qui appartenaient auparavant à l’État.
●
En 1992, les enseignants ont été inclus dans le champ d’application de la Loi sur l’emploi public et leur salaire minimum a été déterminé par la grille nationale.
●
En 1993, la loi sur l’Enseignement public a confié de vastes responsabilités aux collectivités locales et annulé la régulation centrale étroite des programmes.
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PARTIE II
Chapitre 7 Objectifs réalisables et défis stratégiques – Point de vue de l’Angleterre sur la reconceptualisation de l’enseignement public par Michael Barber* Cabinet Office, Londres, Royaume-Uni
Résumé. Inspiré de la communication de Barber lors de la conférence organisée à Rotterdam en 2000 dans le cadre de l'activité L'école de demain, ce chapitre annonce que les systèmes d'enseignement public pourraient être balayés face à l'accroissement des attentes, à la nouvelle économie et à la mondialisation, à moins que des changements importants de stratégie ne s'opèrent. Dans le contexte actuel de la gouvernance, l'action gouvernementale devrait avoir pour but de gérer et de transmettre les savoirs sur ce qui donne de bons résultats, intervenir en cas de performances insuffisantes, donner au système les moyens de changer et veiller à ce que ce dernier soit suffisamment souple. Ce chapitre définit un cadre pour l'examen de ces questions du point de vue à la fois de la recherche internationale et de la politique de l'éducation de l'Angleterre. Il présente quatre objectifs réalisables : un bon niveau de formation pour tous ; réduire les écarts de résultats ; individualiser l'enseignement ; et une « éducation avec du caractère ». Il définit cinq défis stratégiques : repenser l'enseignement ; créer des écoles très autonomes et très performantes ; créer les capacités et gérer les connaissances ; nouer de nouveaux partenariats ; et réinventer le rôle des pouvoirs publics.
* Le Professeur Michael Barber, chef du Cabinet Office Delivery Unit, Londres, était Directeur de la Standards and Effectiveness Unit du ministère de l’Éducation et de l’Emploi lorsqu’il a écrit ce texte.
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1. Le défi des attentes croissantes du public Les systèmes éducatifs publics qui ont été intégrés au tissu des États providence du XX e siècle étaient le produit de deux forces décisives du XXe siècle : l’industrialisation et l’État nation. Ils préparaient les populations à participer à la société industrielle et modelaient l’identité nationale. Alors que s’ouvre le XXe siècle et que nous tentons d’entrevoir le futur à travers le voile de complexité et d’incertitudes, notre tâche première est sûrement de justifier le maintien de systèmes éducatifs publics. Après tout, la société industrielle et l’État nation qui sont tous deux à l’origine de leur existence sont aujourd’hui remis en question. La nouvelle économie et la mondialisation, qui résultent toutes deux de l’extraordinaire révolution technologique dans laquelle nous sommes engagés, définissent la nouvelle ère. Sans justification claire, les systèmes éducatifs publics pourraient être balayés par ces puissantes forces nouvelles. De même que la religion est devenue une affaire de choix privée et de conscience individuelle après les Lumières, l’éducation pourrait bien être entraînée sur le même chemin par la croissance continue des économies développées. En effet, des parents de plus en plus nombreux ont un revenu disponible toujours plus élevé : n’est-il pas possible qu’ils décident, comme choix de mode de vie, d’allouer ces revenus à leurs biens les plus précieux, leurs enfants, en achetant une éducation adaptée au point de vue qu’ils ont sur le monde ? Et s’ils le faisaient, serait-il facile de les convaincre de continuer à payer des impôts pour subvenir, entre autres choses, à l’éducation des enfants des autres ? La justification de l’enseignement public n’est donc plus une « cause entendue » comme elle l’était au XXe siècle. Il faut la reformuler pour le nouveau siècle, ce qui conduira à une conception radicalement nouvelle de l’enseignement public. Il s’agit en partie d’une intensification d’un argument ancien : la qualité du système éducatif revêt une importance croissante, non seulement pour l’épanouissement d’une économie moderne, mais aussi pour l’avènement d’une société socialement juste. Au XXe siècle, la plupart des éducateurs souscrivaient à cet argument, mais peu de systèmes éducatifs, voire aucun, obtenaient les résultats universellement élevés qu’il supposait. Le rythme des évolutions sociales et technologiques s’est tellement accéléré que le citoyen instruit assez chanceux pour trouver du travail aujourd’hui ne peut être assuré qu’il en trouvera demain. Sur le marché mondial qui se dessine, les pays s’efforceront tous d’atteindre les niveaux observés ailleurs,
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OBJECTIFS RÉALISABLES ET DÉFIS STRATÉGIQUES – POINT DE VUE DE L’ANGLETERRE SUR LA
aussi bien pour attirer les entreprises que pour permettre à leurs citoyens de réussir leur vie. La répartition de l’instruction dans la population a aussi un impact crucial sur la distribution des revenus et sur la cohésion sociale. Une des questions centrales qui se pose à toute personne cherchant à hiérarchiser les priorités de la réforme de l’enseignement et à corriger les défauts d’un système éducatif conçu au XXe siècle est de savoir où chercher des données sur la manière de procéder. On dispose en effet d’amples informations sur ce qui a fonctionné sur le passé, mais pas sur ce qui donnera des résultats à l’avenir. L’explosion des connaissances sur le cerveau humain et sur la nature de l’apprentissage et la puissance croissante des technologies pourraient bien transformer jusqu’à l’unité la plus fondamentale de l’éd ucation – l’interaction entre l’enseignant et l’apprenant. D’autre part, des transformations sociales considérables, telles que la diversité croissante et la mobilité des populations, placent les éducateurs dans des situations nouvelles, qui ne cessent de se transformer. Il est donc peu probable que les facteurs qui ont fait le succès des systèmes éducatifs en 1975, par exemple, soient ceux qui présideront à la réussite de demain. L’ère des grands services publics, lents, réguliers, respectés et administratifs, si bons qu’ils aient pu être selon les normes antérieures, est révolue. Dans la nouvelle ère, les services publics devront être capables de changer rapidement, de nouer des partenariats avec le secteur des entreprises, seront comptables de leurs résultats devant le public et ouverts à la diversité, rechercheront des critères de comparaison de tout premier ordre et apprendront en continu. En fait, ils seront en cela proches des organisations commerciales les plus performantes, qui mobilisent toutes leurs ressources disponibles, humaines et autres, autour de la réussite de leurs objectifs et qui sont prêtes à prendre des risques dans un monde de plus en plus complexe. Mais ils devront de plus convaincre un public souvent sceptique et toujours impatient que leurs résultats sont probants et qu’ils progressent. La réforme des systèmes éducatifs publics pose donc un formidable défi. Les responsables ne peuvent compter sur aucune certitude. Ils peuvent en revanche gérer et transférer les savoirs sur ce qui donne de bons résultats, intervenir en cas de performances insuffisantes, donner au système la capacité de changer et veiller à ce qu’il soit suffisamment flexible et adaptable pour apprendre constamment et mettre en œuvre efficacement. Nous devons identifier les « objectifs réalisables » et les « défis stratégiques » auxquels font face les systèmes éducatifs du XXIe siècle, et c’est là l’objet de ce chapitre.
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2. Quatre objectifs réalisables 2.1. 1er objectif réalisable : un bon niveau de formation pour tous Si, par le passé, on a souvent utilisé la rhétorique de la « réussite pour tous », la réalité était tout autre. Il est vrai que certains pays obtenaient de meilleurs résultats que d’autres, mais tous toléraient un important taux d’échec ou de sous-performance. Le défi pour le XXIe siècle est de faire de cette réussite pour tous une réalité. Cela exige à la fois que les éducateurs soient convaincus que tous les élèves peuvent avoir de bons résultats et que les politiques soient conçues pour obtenir ces résultats dans l’ensemble du système éducatif. Bref, le nouveau siècle pose, pour les systèmes éducatifs, un objectif bien plus ambitieux qu’il n’a jamais été, ce qui explique en partie la pression croissante sur les enseignants et tous ceux qui travaillent dans les systèmes scolaires. L’effort d’amélioration générale du niveau de formation va entraîner une transformation radicale de la logique des politiques éducatives du XXe siècle. Les décideurs politiques se concentraient alors sur le contrôle ou sur la standardisation des moyens – capacité d’accueil des écoles, qualifications des enseignants, contenu des programmes, effectifs par classe, heures d’enseignement chaque semaine, nombre de jours d’école dans l’année et fourniture de manuels et de matériel. Autrement dit, les constantes de la politique étaient les moyens. Étant donné la diversité qui caractérise nos sociétés et les milieux socioculturels des élèves, la conséquence évidente est que les niveaux de formation atteints, c’est-à-dire les résultats, sont devenus les variables. Le nouveau défi – un bon niveau de formation pour tous – suppose que le résultat devienne la constante, auquel cas les moyens deviennent nécessairement les variables. Certains élèves ont besoin d’un temps d’apprentissage plus long pour atteindre de bons résultats ; ce temps devrait leur être donné. D’autres ont besoin de cours individuels intensifs, ceux-ci devraient être assurés. En grandissant, certains élèves apprennent mieux sur le lieu de travail ou dans la société qu’ils ne le font à l’école ; ils devraient avoir ces possibilités. Différentes approches de l’enseignement et de l’apprentissage conviennent à différents élèves ; les enseignants devraient adapter leur pédagogie. Pour que tous les élèves réussissent leur scolarité, les moyens doivent être aussi variés que nécessaire. En d’autres termes, le nouveau défi d’une bonne formation pour tous remet en question nombre des hypothèses qui ont sous-tendu la pensée éducative au XXe siècle. « Si le niveau de formation général est une constante, alors tous les autres facteurs doivent être une variable » deviendra notre slogan. Les deux objectifs réalisables suivants procèdent directement de ce principe.
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2.2. 2e objectif réalisable : réduire les écarts de résultats En vingt ans, les connaissances sur l’efficacité et l’amélioration des écoles et sur les politiques susceptibles de les promouvoir se sont considérablement développées. Le cadre que l’Angleterre met actuellement en place positionne ce corpus de connaissances au cœur de la politique. Ses composantes forment un système conjuguant fortes ambitions et soutien élevé. Les données montrant que cette approche obtient des résultats probants sont de plus en plus nombreuses. Elle encourage l’amélioration dans toutes les écoles et, de ce fait, les principaux indicateurs de performance en Angleterre évoluent dans le bon sens. Ainsi, chaque cas de sérieuse insuffisance est désormais identifié et traité. Depuis que ce cadre a été mis en place, plus de 600 écoles en situation d’échec ont « recouvré la santé » et continuent de progresser. Les données issues d’une approche similaire – par exemple le Texas ou le Kentucky aux États-Unis – sont elles aussi concluantes. Si le modèle « fortes ambitions et soutien élevé » est indispensable, il n’est pas suffisant. Il ne relèvera pas le niveau général assez vite pour satisfaire un public sceptique. Il ne parviendra pas non plus à lui seul à resserrer l’écart entre les résultats des écoles situées dans des quartiers défavorisés et les autres. Certains pays ont assez bien réussi à réduire le différentiel de niveau entre quartiers, mais dans d’autres, comme en Angleterre, la difficulté est aggravée par les inégalités socio-économiques historiques. D’autre part, même dans les pays où les divisions sociales sont moins nombreuses qu’en Angleterre, l’ampleur des immigrations récentes confère une importance croissante à ce problème dans l’ensemble de la zone OCDE. Tous les systèmes doivent donc accorder une priorité constante au resserrement de l’écart entre les niveaux de formation de différents quartiers ou groupes d’élèves. C’est la raison pour laquelle, outre l’instauration de ce cadre d’amélioration continue, le gouvernement a mis en œuvre des Stratégies nationales de littératie et de calcul en Angleterre. Celles-ci ont profondément transformé l’enseignement et l’apprentissage dans toutes les écoles primaires (20 000) et fortement amélioré les résultats des élèves. Ainsi, en 2000, le nombre d’enfants de onze ans ayant obtenu de bons résultats en littératie et en calcul a augmenté de plus de 125 000 par rapport à 1996. Les données révèlent non seulement une augmentation générale des performances, mais aussi un resserrement de l’écart entre les résultats des quartiers favorisés et défavorisés. Il en va de même en mathématiques. Fait remarquable, les autorités éducatives locales les moins performantes du pays obtiennent aujourd’hui des résultats supérieurs à la moyenne générale d’il y a quatre ans. Ces stratégies jettent les bases de l’inclusion sociale de la prochaine génération.
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Tableau 7.1.
Ensemble des « fortes ambitions et soutien élevé »
Normes ambitieuses
Normes élevées exposées dans le Programme national Évaluations nationales à 7, 11, 14 et 16 ans Programmes d’enseignement détaillés basés sur les meilleures pratiques Évaluations optionnelles pour les 10 % d’élèves ayant obtenu les meilleurs résultats au TIMSS de 1995
Délégation des responsabilités
École considérée comme une unité responsable de ses résultats Délégation de ressources et de capacités d’embauche aux écoles Financement basé sur le nombre et les caractéristiques des élèves Absence de sectorisation
Donneées fiables/ objectifs clairs
Données sur chaque élève recueillies au niveau national Analyse des performances aux évaluations nationales Données de référence communiquées chaque année à tous les établissements Comparaisons avec tous les autres établissements ayant une population similaire Fixation obligatoire d’objectifs au niveau des districts et des établissements
Accès aux meilleures pratiques et à la qualité : perfectionnement professionnel
Formation continue universelle dans les priorités nationales (littératie, calcul, TIC) Droit au développement des capacités dirigeantes Site consacré aux performances (www.standards.dfee.gov.uk) Beacon Schools Responsabilité des autorités éducatives locales (districts) Dotation aux établissements pour la formation continue Réforme de la recherche pédagogique
Responsabilité
Système d’inspection national des écoles et des autorités éducatives locales (districts) Inspection de chaque école tous les 4 à 6 ans Publication systématique des rapports d’inspection Publication annuelle des performances réelles et ciblées des écoles/districts
Intervention inversement proportionnelle aux réussites (récompenses, assistance, conséquences)
Pour les écoles obtenant de bons résultats Statut de beacon school Célébrations Reconnaissance Programme de récompense des résultats des écoles Autonomie accrue Pour toutes les écoles Plan d’action après inspection Subvention pour la mise en œuvre du plan d’action Suivi des performances par les autorités éducatives locales (district) Pour les écoles obtenant des performances insuffisantes Plan d’action plus normatif Suppression possible du budget et des responsabilités délégués Suivi des performances au niveau national et des autorités éducatives locales Financement additionnel pour aider au redressement (uniquement pour des mesures d’amélioration pratiques) Pour les écoles en échec Comme pour les écoles obtenant des performances insuffisantes, plus Fermeture envisagée Programme élaboré par le district pour l’école précisant le délai de redressement ciblé (maximum de 2 ans) Suivi national trois fois par an Fresh Start ou City Academy (politiques pour changer la gestion de l’école) Pour les autorités éducatives locales en échec (districts) Intervention du gouvernement central Externalisation possible des fonctions au secteur privé
Source : Auteur.
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Par ailleurs, ces stratégies réduisent aussi l’écart entre les résultats des filles et des garçons en anglais, et les quartiers ayant de fortes concentrations d’élèves de minorités ethniques enregistrent des progrès plus rapides que l’ensemble de la population, aussi bien en mathématiques qu’en anglais. Ces progrès semblent être la conséquence d’attentes ambitieuses à l’égard de tous les enfants et de toutes les écoles et de l’investissement soutenu dans une formation continue de qualité pour tous les enseignants. Ils résultent aussi de la mise en place d’une stratégie qui est universelle, et inclut donc toutes les écoles, mais qui est aussi ciblée, et apporte donc un soutien additionnel aux écoles rencontrant les plus grandes difficultés. Il s’agit là d’un changement radical par rapport aux tentatives, la plupart décevantes, engagées par le passé pour réduire les inégalités, actions bien intentionnées qui ciblaient des groupes particuliers et ont abouti, sans doute involontairement, à les séparer des élèves « ordinaires » et à réduire les attentes. L’Angleterre engage maintenant des stratégies pour le secondaire qui s’appuieront sur les réussites obtenues dans le primaire. Un nouveau programme destiné à relever le niveau des enfants de 11 à 14 ans en anglais, en mathématiques et en sciences est actuellement en phase expérimentale dans 204 établissements d’enseignement secondaire. Un programme ciblé, Excellence in Cities, apporte un soutien additionnel aux établissements du secondaire situés dans les quartiers les plus difficiles. Il est encore trop tôt pour conclure que ces mesures réduiront les écarts au niveau du secondaire, mais les premières données autorisent un optimisme prudent. Ce n’est qu’en poursuivant les réformes de l’enseignement primaire pendant plusieurs années et en réformant l’enseignement secondaire que nous serons en mesure de capitaliser sur ces progrès précoces et d’imprimer une différence irréversible. D’autres pays, caractérisés par des situations initiales et une histoire sociale différentes, adopteront d’autres stratégies, mais tous devront absolument réduire les écarts de niveau dans les dix années qui viennent.
2.3. 3e objectif réalisable : individualiser l’enseignement Faire des résultats la constante et varier les moyens reviendrait à terme à adapter précisément l’offre aux besoins et aspirations de chaque élève. Cette idée peut sembler très ambitieuse mais, sauf à la mettre en pratique, la réussite scolaire pour tous ne sera jamais réalité. Et, comme l’ont montré d’autres secteurs de l’économie, l’application des technologies modernes autorise une individualisation auparavant impossible. Le constructeur informatique Dell ne vous vend pas un ordinateur en stock, il construit le vôtre à vos spécifications. C’est dans la même approche que les systèmes éducatifs devraient devenir suffisamment sensibles et réactifs pour éliminer les
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obstacles à l’apprentissage intra- et extra-scolaires qui empêchent certains jeunes de réussir leur scolarité. Les exemples venus d’Angleterre montrent ce qui peut être fait. Des conseillers d’apprentissage sont nommés dans près de 1 000 établissements d’enseignement secondaire situés dans de grandes zones urbaines pour apporter un soutien individuel ciblé aux élèves dont la situation familiale compliquée gêne la scolarité. Conséquence directe, le comportement, la régularité de présence et les résultats de ces élèves s’améliorent, mais aussi ceux des autres élèves de leur classe. De même, des programmes individualisés à plein-temps sont conçus pour les élèves que leurs difficultés émotionnelles et comportementales empêchent de bien apprendre en environnement scolaire. Notschool.net est un projet mis en place dans ce cadre ; c’est une communauté d’apprentissage virtuelle en ligne d’environ 100 élèves adolescents qui ont été exclus ou déscolarisés pour diverses raisons. Les élèves sont soutenus par voie électronique et par des travaux dirigés périodiques en face à face avec des enseignants. La BBC et le National Science Museum sont partenaires du projet. Il est encore trop tôt pour préjuger des résultats de cette expérience, mais un projet similaire organisé par la University of the First Age de Birmingham a déjà obtenu des résultats prometteurs. Il est intéressant de noter que les coûts unitaires de ce type d’éducation ne sont pas beaucoup plus élevés que ceux de l’enseignement traditionnel ; ils sont assurément beaucoup plus faibles que les coûts sociaux d’une absence totale d’éducation pour les élèves dans ces situations. L’individualisation est également essentielle pour satisfaire les diverses aspirations des élèves, qui vont au-delà de l’apprentissage des matières principales. Qu’il s’agisse de jouer du piano, de dominer le milieu de terrain au football ou de peindre un vase de tournesols, les systèmes éducatifs doivent donner aux élèves la possibilité d’exceller. Outre leur intérêt intrinsèque, ces activités aident les jeunes à acquérir la confiance, l’autonomie et la motivation qui leur permettront de réussir dans l’ensemble du programme. De nouveaux dispositifs sont mis en place dans les grandes villes d’Angleterre pour les élèves talentueux et partout, des possibilités d’apprentissage extrascolaire se développent. Dans la prochaine phase de la réforme, il s’agira de renforcer la cohérence de toutes ces évolutions. Tous les trimestres, les écoles fixeront des objectifs de progression individuels ambitieux à chacun de leurs élèves en les associant, eux et leurs parents, aux décisions. Dans les meilleures écoles primaires et secondaires, c’est une pratique déjà bien ancrée ; l’objectif de la diffusion des meilleures pratiques et des programmes de formation continue est de la rendre universelle. Ensuite, outre le programme national et celui de l’école, un programme individuel sera pour la première fois élaboré pour chaque élève, conçu pour exploiter au mieux les différentes possibilités d’apprentissage qui lui sont offertes à l’école, hors de l’école et à la maison. Le principe de l’adaptation
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des individus au système, qui prévalait au XXe siècle, cèdera la place à un système conçu autour des besoins et aspirations des individus.
2.4. 4e objectif réalisable : une « éducation avec du caractère » L’argumentation ci-dessus concerne la réussite scolaire de tous les élèves et celle-ci reste une priorité. Mais les bases de la réussite pour les individus et pour les collectivités font appel à un ensemble plus large d’attributs qui vont au-delà des seuls résultats scolaires. Les Pays-Bas parlent de « compétences sociales » et les États-Unis « d’habitudes de l’esprit et d’habitudes du cœur », tandis que Gandhi évoquait une « éducation avec du caractère ». Toutes ces expressions renvoient à un ensemble de caractéristiques qui appellent à un élargissement du concept de réussite dans les dix prochaines années. A cet égard et indiqué dans la figure 7.1, le travail de Michael Bernard, le psychologue australien qui vit actuellement en Californie, offre une approche intéressante.
Figure 7.1. Ensemble des normes
OBJECTIFS Réussite et bien-être émotionnel ÉTUDES ET DIPLÔMES Programme, instruction et évaluation BASES
Acceptation de soi
Prise de risque
Indépendance
Confiance en soi
Optimisme
Centre de contrôle interne pour l’apprentissage
Persévérance
Forte tolérance à la frustration
Fixation d’objectifs
Organisation
Tolérance aux autres
Résolution des problèmes par réflexion
Tolérance des limites
Autonomie
HABITUDES D’ESPRIT Source : Auteur.
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Ce qu’il décrit comme les bases est souvent laissé au hasard. La plupart des écoles se concentrent sur les études et les diplômes et partent du principe que les élèves acquerront accessoirement les habitudes de l’esprit nécessaires. Le résultat, on s’en doute, est que certains le font et d’autres non. Pourtant ces bases peuvent être enseignées systématiquement et efficacement, sans les séparer du programme, mais en les y intégrant. Lorsqu’elles sont enseignées, le niveau scolaire augmente. L’Angleterre commence tout juste à s’intéresser à cela. La récente réforme a intégré l’apprentissage de la réflexion au programme national. La citoyenneté – pas seulement théorique, mais la participation active à l’école et à la collectivité – deviendra obligatoire en 2002. Dans les trois ans à venir, les programmes de formation continue pour les établissements secondaires permettront aux enseignants d’apprendre des stratégies pour renforcer la motivation des élèves et leur faire acquérir des compétences d’ordre supérieur. Tous les pays devront accorder plus d’attention à la manière dont sont mesurées les performances des élèves, des écoles et du système en matière de compétences sociales. Office for Standards in Education (L’OSE), qui veille à ce que toutes les écoles d’Angleterre soient inspectées tous les 4 à 6 ans, peut servir de modèle. Les lignes directrices applicables à l’inspection de l’école, par exemple, exigent déjà des inspecteurs qu’ils examinent comment les écoles développent les qualités sociales, morales, spirituelles et culturelles de leurs élèves, ce qui donne d’importantes informations sur ces aspects à l’échelle du système. Le développement des recherches sur l’attitude des élèves face à l’école et leur investissement dans l’école a un impact sensible au niveau des écoles et du système en Angleterre, en Europe et aux États-Unis. Ces évolutions, conjuguées aux grands projets internationaux comme le PISA, nous offriront une base pour développer les systèmes de mesure et les indicateurs de performances sophistiqués pour une « éducation avec du caractère » dont nous aurons besoin d’ici dix ans.
3. Cinq défis stratégiques 3.1. 1er défi stratégique : repenser l’enseignement Il s’ensuit que si les objectifs des systèmes éducatifs changent aussi radicalement que je le pense, le personnel éducatif – surtout le corps enseignant – devra lui aussi se transformer complètement. Tout devra changer, des attitudes à la pédagogie. Ne plus tenir les moyens, mais les résultats, pour constante exige une mentalité totalement nouvelle de la part des enseignants et tout d’abord d’être convaincus que tous les élèves peuvent obtenir de bons résultats. C’est une question de confiance tout autant que de données factuelles, mais elle n’en est pas moins essentielle. En fait, comme
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les attentes fortes sont un facteur crucial de réussite, cet acte de foi porte en lui le germe de la réalité. Personne ne doit sous-estimer la difficulté à concrétiser ce changement, au quotidien, dans toutes les classes, sur tout le territoire. Lorsqu’un élève échoue, par exemple, cela suppose que les enseignants ne demandent plus « qu’est-ce qui ne va pas ? » mais « que dois-je modifier pour qu’il/elle réussisse la prochaine fois ? » Bref, cela suppose des enseignants prêts à assumer la responsabilité des résultats de leurs élèves ; des enseignants constamment à la recherche des meilleures pratiques, qui affinent et développent ce qu’ils font ; qui travaillent en équipes d’apprentissage professionnel dans leur école, mais aussi à l’extérieur ; qui ont le temps et l’envie d’examiner systématiquement en équipes le travail des élèves qui ressort d’un cours, de discuter des résultats obtenus et d’en considérer les implications pédagogiques ; qui acceptent la nécessité d’un suivi de leur enseignement et réservent un bon accueil aux possibilités d’accéder aux pratiques exemplaires mises au point par leurs pairs. Accepter la responsabilité et la nécessité d’une formation continue n’est qu’un premier pas. Une révolution bien plus importante de la pédagogie est indispensable. La révolution technologique qui a transformé tant de secteurs de l’économie atteindra bientôt la masse critique dans les systèmes éducatifs. Dans de nombreux pays, les investissements réguliers en matériels seront de plus en plus rejoints par des investissements dans la connectivité, la maintenance des systèmes et les compétences des enseignants en matière de technologies de l’information et de la communication. Les investissements des entreprises en logiciels éducatifs de réelle qualité sont eux aussi en plein essor. De plus, au cours des deux dernières décennies, des avancées considérables ont été réalisées dans la compréhension du cerveau humain et des modes d’apprentissage. Cette combinaison de nouvelles technologies et de nouveaux savoirs est la clé de l’individualisation et de la réussite pour tous. Cette révolution, qui autorisera de nouvelles formes de collaboration des enseignants, des autres personnels paraprofessionnels et des experts au-delà des frontières de l’école permettra l’apparition de nouvelles et puissantes pédagogies. Déjà, dans quelques établissements anglais spécialisés et dans certaines Zones d’action éducative (Education Action Zones), les professeurs d’un établissement peuvent enseigner à des élèves d’autres établissements grâce à la technologie associant large bande et tableau blanc. Les élèves peuvent enquêter, par exemple, sur l’éthique médicale en contactant directement des experts médicaux du terrain par courrier électronique. La visioconférence interactive permet aux élèves de travailler en coopération avec des élèves d’autres pays. Les programmes informatiques comme Successmaker de la société RM offrent un enseignement individualisé, un retour d’informations rapide et un renforcement positif aux élèves qui
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travaillent seuls. L’enseignement des langues rares, par exemple, devient économique. Les tests et examens, qui font de plus en plus appel à l’ordinateur, peuvent être bien plus imaginatifs et effectués en fonction des besoins, plutôt qu’à des périodes précises de l’année. Si les enseignants restent profondément attachés aux pratiques anciennes, la révolution sera menaçante. Mais s’ils l’accueillent et la façonnent, elle deviendra une formidable opportunité – d’améliorer leur pédagogie, de former de nouvelles équipes, d’innover, de trouver plus de temps pour une formation continue de meilleure qualité et, surtout, de permettre aux élèves d’obtenir de meilleurs résultats. La révolution technologique est la clé de l’individualisation. Pour les enseignants comme pour le système dans son ensemble, l’alternative est simple : surfer la vague ou se laisser engloutir sous sa force.
3.2. 2e défi stratégique : créer des écoles très autonomes et très performantes Le changement ne cesse de s’accélérer. Il a fallu près de 40 ans pour que 50 millions d’Américains écoutent la radio. Quatre ans ont suffi pour que 100 millions de personnes dans le monde utilisent l’Internet. Pour tous les gouvernements, le grand défi stratégique consiste à créer un système éducatif capable non seulement de suivre ces rapides mutations, mais aussi de les anticiper. En Angleterre, nous nous efforçons d’y parvenir en déléguant de plus en plus de responsabilités, y compris l’embauche du personnel, et en finançant les « unités du front » – c’est-à-dire les écoles. Cette évolution s’inscrit en droite ligne de celle du monde des affaires, qui a lui aussi délégué de grands pans de responsabilité au front. Suivant le principe de l’intervention inversement proportionnelle à la réussite, nous espérons pouvoir déléguer de nouvelles responsabilités aux écoles à mesure de l’amélioration du système. Nous avons fixé pour objectif de déléguer 90 % du financement aux écoles, contre 85 % aujourd’hui. L’autonomie que cela confère aux établissements n’est pas inconditionnelle. Il faut qu’ils apportent la preuve de leurs performances par des procédures justificatives. Lorsque les performances sont insuffisantes, l’autorité éducative locale ou, en dernier recours, le gouvernement central, intervient au nom des élèves. Avec l’amélioration progressive du système, la nécessité de ces interventions devrait régulièrement décroître. Entre-temps, les écoles qui accomplissent des progrès exceptionnels ou parviennent à une excellence durable seront récompensées par des primes de salaire pour le personnel et par la possibilité de devenir des beacon schools, qui sont chargées de contribuer à la diffusion des pratiques les plus concluantes. Ce processus de délégation des responsabilités au front est presque
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certainement appelé à se diffuser dans toute la zone OCDE sous dix ans parce que les bureaucraties centralisées seront incapables de changer assez vite. Cette délégation pourra s’effectuer selon divers modèles et dans certains cas, une communauté ou un district scolaire, et non pas les établissements, pourront être considérés comme « l’unité du front ». Il reste à voir quel sera l’impact de ce processus sur la nature des relations au sein du service éducatif. Les anciens systèmes bureaucratiques tendaient à créer une culture de dépendance : lorsque survenait un problème, le personnel du système scolaire se demandait ce que ferait le gouvernement pour y remédier. Mais cette attitude ne tient plus dès lors que 90 % du budget total, et une grande part des responsabilités, sont confiés aux écoles. Il n’appartient plus aux pouvoirs publics mais à l’école de réglementer, par exemple, la taille des classes dans l’enseignement secondaire. Nous commençons seulement à observer les signes d’une évolution des relations entre le gouvernement et les chefs d’établissements car ceux-ci commencent à comprendre que le début de la solution à un problème n’est pas « que va faire le gouvernement ? » mais « que pouvons-nous faire ensemble pour le résoudre ? ». L’objectif devrait être l’instauration d’une culture dans laquelle chacun, ministre inclus, accepte la responsabilité des résultats des élèves et son rôle dans la résolution des problèmes qui surviennent inévitablement dans tout service en rapide mutation.
3.3. 3e défi stratégique : créer les capacités et gérer les connaissances Le concept d’écoles autonomes et performantes est porteur d’un paradoxe : elles ne peuvent être très performantes qu’en collaborant avec d’autres écoles et en consommant avidement les connaissances générées par les infrastructures éducatives tels que les départements de recherche universitaire. Toutes les écoles, si autonomes soient-elles, doivent pouvoir nouer des partenariats. Ce paradoxe trouve un parallèle répété dans le monde des entreprises. Les recherches sur l’efficacité et l’amélioration des écoles ont montré ce qui peut être fait dans un établissement pour améliorer les résultats des élèves. C’est important, mais insuffisant. Comme David Hargreaves argue dans un document non publié : Les écoles, comme les entreprises, doivent trouver de nouveaux moyens pour gérer et exploiter leurs atouts intellectuels, tout particulièrement les enseignants. Comme ceux-ci ne savent pas bien comment développer les nouvelles connaissances et compétences dont les élèves ont besoin, ils vont devoir apprendre à produire ce savoir professionnel et à le transmettre rapidement et efficacement à l’ensemble du corps enseignant… Un modèle d’amélioration de l’école requiert donc des
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concepts de production de savoirs, d’innovation et de transmission pour générer de puissants effets de levier. Cet argument a deux conséquences. Premièrement, dans toute école, confiance très forte et culture professionnelle de coopération sont essentiels. Deuxièmement, les écoles doivent pouvoir accéder aux meilleures pratiques élaborées ailleurs et être encouragées à partager leur savoir avec le reste du système. C’est la raison pour laquelle il faut une réflexion radicale et imaginative quant au niveau intermédiaire du service éducatif entre établissements et autorités centrales. La nécessité d’accorder de l’attention à ce niveau est à la base de la réforme de la mission des autorités éducatives locales entreprise en Angleterre. Elles ont désormais des responsabilités claires en matière de planification des capacités d’accueil, de suivi des performances de tous les établissements, d’intervention lorsqu’une école obtient des performances insuffisantes et d’encouragement à la diffusion et à l’adoption des pratiques exemplaires. Elles se montrent d’ailleurs de plus en plus innovantes dans la manière d’assumer leurs fonctions. Certaines travaillent en partenariat avec des entreprises pour améliorer la qualité de leurs services ; beaucoup facilitent les partenariats entre établissements pour leur permettre de partager les problèmes rencontrés. De plus, de nombreuses écoles, encouragées par le gouvernement central, forment elles-mêmes des réseaux et des partenariats. Ainsi, les établissements d’enseignement secondaire situés dans les plus grandes zones urbaines d’Angleterre coopèrent à la mise en œuvre du programme Excellence in Cities. Plus de mille écoles sont implantées dans des Zones d’action éducative (Education Action Zones). Les beacon schools créent rapidement des réseaux de pratiques exemplaires. Le NCSL (National College for School Leadership) fait de même. De nouveaux réseaux de recherche auxquels participent des écoles et des universités apparaissent. Le rôle du gouvernement a été de concevoir et de tester divers modèles de coopération et d’inciter les écoles à participer. Le quasi-marché mis en place à la fin des années 80 et en 1990 a été radicalement réformé pour garantir que la collaboration, le partage des connaissances et la contribution des établissements à la résolution des problèmes de l’ensemble du système soient valorisés et reconnus. Le gouvernement a par ailleurs fortement investi dans la formation continue des enseignants afin que les meilleures pratiques soient diffusées, mais aussi adoptées. Ainsi, l’orientation vers les systèmes de production et de transmission des savoirs proposés par Hargreaves, cité plus haut a été engagée. Il ne manque pas d’autres exemples dans le monde. L’un des plus concluants est le El Paso Collaborative for Academic Excellence au Texas, qui réunit une fondation nationale, une université locale et trois districts scolaires, et a eu un impact
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remarquable sur les résultats des élèves. L’idée est de créer ce que Michael Fullan (1993) appelle des « capacités » – l’aptitude à apprendre et à susciter un changement probant – à tous les niveaux du système. Les administrations hiérarchisées héritées du passé ne seront pas capables de le faire, pas plus qu’aucun autre modèle. Créer les capacités suppose de proposer une variété de sources de savoir et d’expertise parmi lesquelles les enseignants et les établissements peuvent sélectionner la mieux à même de résoudre leurs problèmes.
3.4. 4e défi stratégique : nouer de nouveaux partenariats Comme nous l’avons dit plus haut, donner des capacités aux systèmes scolaires exige de nouveaux partenariats entre les écoles, les autorités locales et les universités. La prochaine décennie nécessitera aussi de nouveaux partenariats qui dépasseront le système scolaire et connecteront l’éducation à d’autres services publics, au secteur associatif et à celui des entreprises. Pour de nombreux individus et familles, en particulier dans les quartiers défavorisés, l’éducation est l’un des services publics vitaux. Si ces services ne coopèrent pas au niveau local ou, pis, s’ils appliquent des politiques contradictoires, ils risquent davantage d’exacerber les problèmes de ces personnes que de les résoudre. Réduire l’exclusion sociale exige que les divers services du secteur public travaillent ensemble à la résolution des problèmes. Plusieurs initiatives récentes s’inscrivent dans cet esprit. Dans le Comté d’Angleterre, Hertfordshire, l’autorité locale a réuni ses services sociaux et éducatifs pour résoudre les problèmes des enfants et de leurs familles. Certaines Zones d’action éducative, comme celle de Wythenshawe à Manchester, associent les services sanitaires, sociaux et la police aux côtés de l’éducation pour tenter de trouver une solution aux problèmes locaux. Dans les grandes villes, de nouveaux partenariats créatifs réunissent les établissements d’enseignement et les organismes culturels pour améliorer l’accès au théâtre, à la musique et aux arts dans les quartiers défavorisés. Les écoles se voient accorder à la fois la responsabilité et les moyens de résoudre certains problèmes de leurs élèves qui dépassent le cadre strict de l’école. Ainsi, des conseillers professionnels à plein-temps aident les enseignants qui peuvent ainsi se concentrer sur leur mission principale, bien enseigner, au lieu de se laisser distraire par les problèmes sociaux. Dans 19 Zones d’action éducative, plus de 800 étudiants des universités locales travaillent avec des jeunes de 14 et 15 ans pour accroître leurs attentes et les aider à progresser. Hormis leurs mérites intrinsèques, ces initiatives offrent un important avantage : favoriser le soutien du public à un enseignement public de qualité en élargissant le cercle des parties prenantes du système.
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Le même argument s’applique à l’implication croissante des entreprises dans l’éducation. Le secteur des entreprises a toujours été l’un des « consommateurs » des « produits » du système éducatif. Sur le marché mondial très concurrentiel, avoir un personnel très bien formé est devenu crucial. Les entreprises peuvent donc être de puissants défenseurs de l’enseignement public, mais seulement s’il obtient des résultats de grande qualité avec un rapport qualité-prix raisonnable. Aux États-Unis, mais ailleurs aussi – Hong-Kong par exemple – les chefs d’entreprise sont souvent à l’avantgarde des réformes. Lorsque c’est le cas, ils peuvent aider à donner une tournure radicale à la réforme et ils favorisent une plus grande confiance de l’opinion publique. Mais surtout, ils peuvent contribuer à inscrire l’effort de réforme dans la durée, quelles que soient les fantaisies du processus politique. Les 15 ans d’engagement du Pritchard Committee aux réformes radicales entreprises dans le Kentucky en offrent un bel exemple. Les entreprises sont également appelées à jouer un rôle croissant d’investisseurs et de prestataires de services d’enseignement. L’État ne pourra pas offrir immédiatement tous les services nécessaires à des systèmes d’éducation performants. A titre d’exemple, l’explosion de l’Internet et d’autres technologies nouvelles exige un investissement en logiciels ; les entreprises, et non l’État, réaliseront une grande partie de cet investissement. Le raccourcissement de la durée de vie des ordinateurs pose un défi de financement que les États ne pourront pas résoudre seuls. Entretenir et développer un parc de bâtiments scolaires adapté au nouveau siècle requiert des investissements colossaux. Dans chacun de ces domaines, la question n’est pas de savoir si les entreprises participeront, mais à quelles conditions. Le Private Finance Initiative et le National Grid for Learning au Royaume-Uni sont différents moyens de bâtir les nécessaires partenariats public-privé. D’autre part, l’application de l’expertise des entreprises est appelée à s’étendre à des domaines plus traditionnellement réservés au secteur public, en raison des investissements que cette participation apportera, mais aussi de l’efficacité des prestations qu’elle permettra. C’est la raison pour laquelle l’État a encouragé les entreprises à assumer de nouvelles fonctions de conseil et de services aux écoles, notamment là où les services traditionnels des autorités locales se sont avérés inadaptés. Chacune de ces évolutions montre que l’ancienne question de politique publique « qui fournit ? » cède la place à une interrogation nouvelle : « comment l’intérêt public sera-t-il assuré ? » Certains personnels des systèmes éducatifs publics se sentiront menacés ou même offensés, mais c’est regarder en arrière à une époque de rapides mutations. Il est préférable de percevoir le changement comme la possibilité d’améliorer l’offre et de renforcer le soutien de l’opinion publique à l’enseignement public.
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3.5. 5e défi stratégique : réinventer le rôle des pouvoirs publics Dans un système éducatif du futur, le rôle de l’État devra radicalement changer. La partie suivante décrit brièvement les futures grandes tâches de l’État en matière d’enseignement public.
3.5.1. Investissements Qui veut la fin, veut les moyens. Cela vaut aussi pour l’État. Les systèmes éducatifs performants du XXI e siècle seront coûteux. Les entreprises investiront et les individus seront davantage prêts à contribuer mais ces sources additionnelles de financement ne se substitueront pas aux investissements de l’État. Au contraire, pour que tous les élèves obtiennent de bons résultats, quel que soit leur milieu socioculturel, les États devront investir davantage, et non moins. Dans le cadre de l’augmentation globale des dépenses, ils devront, pour assurer un service universel et promouvoir l’équité, allouer des ressources additionnelles aux quartiers qui en ont le plus besoin. Ils devront lier l’augmentation des investissements à l’amélioration des résultats pour garantir le changement et non le renforcement du statu quo. Ils devront investir régulièrement, et non « au coup par coup », pour que les écoles puissent penser à l’avenir avec ambition et confiance. Cette pratique est peut-être déjà bien installée dans certains pays. Au Royaume-Uni, le remplacement des budgets sur un an par des budgets sur trois ans est assez récent et la liaison des investissements dans tous les services publics à des Contrats de service public (Public Service Agreements) entre les départements qui dépensent et le Trésor n’en est qu’à ses débuts. La promesse d’une croissance réelle annuelle de plus de 5 % des dépenses d’éducation dans les trois prochaines années a redonné confiance au service de l’éducation ; elle a donné un nouveau sentiment de priorité dans chaque service et une plus grande focalisation sur l’efficacité des prestations.
3.5.2. Vision et stratégie Étant donné l’importance croissante de l’éducation dans l’épanouissement des sociétés, les pouvoirs publics doivent faire de l’éducation une forte priorité – politique, sociale et économique. Ils doivent convaincre que l’éducation peut contribuer à la réalisation des ambitions d’une société et à répondre aux aspirations des citoyens. Ils doivent anticiper les tendances et ouvrir les débats de l’avenir pour en faire un aspect central du discours public. Ils devraient célébrer et commenter les progrès, et devraient défier en débat public les partisans du statu quo ou d’un retour au passé. Transformer la vision en réalité demande plus que des investissements : cela suppose une stratégie, le troisième grand rôle des pouvoirs publics. Il ne manque pas, dans l’histoire de la réforme éducative, d’initiatives
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prometteuses abandonnées ou négligées avant d’avoir pu imprimer une marque durable sur les performances des élèves. Étant donné les pressions de changement qui pèsent sur les systèmes éducatifs, l’impatience des citoyens qui exigent des services publics plus performants et leur tolérance limitée à l’augmentation des impôts, une mise en œuvre inadaptée n’est tout simplement plus acceptable. Les pouvoirs publics doivent avoir un sens clair des priorités et parfaitement appréhender les moyens d’assurer la réussite du changement. Ils doivent pour cela tirer les enseignements des changements réussis auprès d’autres organisations et pays. Tout comme les écoles, les pouvoirs publics doivent apprendre en s’inspirant des pratiques exemplaires, quel que soit leur pays d’origine. En Angleterre, les stratégies nationales de littératie et de calcul mises en place dans les écoles primaires offrent d’excellents exemples. Michael Fullan, leur évaluateur canadien, estime qu’elles figurent « parmi les stratégies de réforme les plus ambitieuses au monde, tant par leurs objectifs que par leur portée ». Le gouvernement investit depuis trois ans déjà dans ces stratégies [au moment de la rédaction de cette contribution : 2000] et prévoit de poursuivre ses investissements pendant au moins trois ans. Lorsqu’elles ont été lancées, elles semblaient excessivement ambitieuses et incroyablement exigeantes aux éducateurs alors qu’elles sont aujourd’hui bien acceptées et ont réellement transformé les pratiques de classe. Des enquêtes indépendantes montrent que les enseignants du primaire prennent maintenant plaisir à enseigner l’anglais et les mathématiques, notamment parce que la possibilité leur a été donnée pour la première fois d’apprendre systématiquement des pédagogies qui donnent de réels résultats. Ce que Fullan appelle leur « attention explicite et complète » à ce qui est indispensable à la réussite d’une réforme a été essentiel.
3.5.3. Apprentissage Dans un contexte de mutation rapide, l’une des grandes difficultés qui se posent aux pouvoirs publics est de pouvoir déterminer à tout moment les effets de leurs politiques. Ils doivent être ouverts aux idées nouvelles et capables d’apprendre. La production et la transmission de savoirs sont vitales pour les écoles comme pour les gouvernements. Ces processus ne surviennent pas par hasard : les pouvoirs publics doivent sans relâche se donner les moyens d’apprendre vite et précisément sur ce qui est bien et sur ce qui est nouveau. En Angleterre, plusieurs expériences radicales ont été tentées pour améliorer notre capacité à cet égard, des initiatives modestes – appeler les chefs d’établissement qui écrivent pour se plaindre des politiques pour mieux comprendre leur insatisfaction – aux plus ambitieuses comme organiser cinq conférences en différents lieux en cinq jours avec plusieurs centaines de chefs d’établissement pour commenter la stratégie en cours et débattre de la stratégie future. Ces deux exemples supposent que l’on ne dépende plus, pour
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OBJECTIFS RÉALISABLES ET DÉFIS STRATÉGIQUES – POINT DE VUE DE L’ANGLETERRE SUR LA
le retour d’informations, d’intermédiaires ou de représentants d’enseignants, mais que l’on mette en place une communication directe avec le « front ». Au vu de la rapidité des changements, c’est indispensable et les nouvelles technologies accroîtront l’efficacité de ces communications. Les dirigeants du système éducatif de Hong-Kong sont en communication électronique directe avec chaque enseignant et en Angleterre le nouveau National College for School Leadership intègre un réseau électronique de directeurs d’écoles qui, à terme, inclura la totalité des 24 000 chefs d’établissement. Ils pourront ainsi apprendre rapidement les uns des autres et donner aux pouvoirs publics un moyen de tester des idées et d’obtenir un retour d’informations. Le retour d’informations direct et rapide permet un affinage continu des politiques et devrait sensiblement renforcer le taux de succès des efforts de réforme de l’éducation qui, historiquement, a été très faible. Les moyens permettant de susciter une nouvelle réflexion politique ont eux aussi changé. Les comités ou forums de représentants de l’establishment éducatif, qui déterminaient autrefois la pensée politique, ont en grande partie été remplacés par différentes sources, notamment les organismes de recherche et les groupes de réflexion. L’idéal serait que toute équipe du gouvernement responsable de l’élaboration des politiques recherche, dans le cadre de ce processus, les meilleures pratiques internationales dans le domaine concerné. Les comparaisons internationales, des résultats des élèves mais aussi des approches politiques, devraient devenir pratique courante. Ces approches ne donneront des résultats que si les fonctionnaires sont en contact avec la réalité, très bien informés de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’application effective des politiques, et travaillent quotidiennement avec des praticiens du terrain. Ils doivent être des experts du changement et non des administrateurs de la stagnation. C’est pourquoi le processus de modernisation de l’État doit aller de pair avec la modernisation des services publics eux-mêmes.
4. Conclusion Dans ce bref chapitre, nous n’avons pu que donner un aperçu des défis auxquels l’école publique sera confrontée dans les dix prochaines années. Ils sont immenses à tous les niveaux, de l’interaction enseignant-élève à l’État. On dispose de nombreuses recherches et expériences dans lesquelles puiser, mais même cumulativement, elles n’apportent pas les réponses à toutes les questions. Nous devons également recourir à l’ingénuité et à l’expertise des personnes, travaillant dans les systèmes éducatifs et ailleurs, qui ont à cœur la réussite future de l’enseignement public. En bref, il nous faut avoir « la foi, une démonstration des choses qu’on ne voit pas ».
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PARTIE II
Chapitre 8
Écoles et gouvernance aux Pays-Bas – Évolutions récentes et réflexion politique pour l’avenir par le ministère de l’Éducation, de la Culture et de la Science, Pays-Bas
Résumé.
Les Pays-Bas ont accueilli à Rotterdam en novembre 2000 la conférence internationale sur « L'école de demain ». Ce pays s'est employé ces dernières années à engager en matière d'éducation une réflexion stratégique s'inscrivant davantage dans la durée, à mieux tenir compte de la demande dans ce secteur et à associer les principaux acteurs à de nouvelles formes de coopération en réseau. Ce chapitre s'inspire d'extraits de deux récents documents de fond établis par le ministère de l'Éducation sur l'avenir de l'éducation. Le premier intitulé « Des établissements forts, un État responsable » est paru en 1999 sous forme de livre vert, devenu depuis la ligne de conduite officielle des pouvoirs publics. Le deuxième « Apprendre sans contrainte » est une étude prospective sur l'éducation et la recherche en 2010, rendue publique en 2001. Ce chapitre porte expressément sur les établissements d'enseignement primaire et secondaire et plus particulièrement sur les sections de ces rapports consacrées à la gestion et à la gouvernance.
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ÉCOLES ET GOUVERNANCE AUX PAYS-BAS
Écoles et gouvernance aux Pays-Bas
L
es Pays-Bas ont une longue tradition de dialogue en matière d’éducation et de prise de décision. Cependant, le gouvernement s’est récemment efforcé d’introduire une réflexion politique stratégique de plus long terme dans l’éducation, de mieux tenir compte de la demande et d’associer les principaux acteurs à de nouvelles formes de coopération en réseau. De plus, ou peut-être de ce fait, les Pays-Bas ont accueilli la conférence internationale intitulée « l’école de demain »à Rotterdam en novembre 2000. Le cas néerlandais a donc naturellement toute sa place dans cette partie du rapport. Ce chapitre s’appuie sur des extraits de deux récents documents de fond du ministère de l’Éducation sur l’avenir de l’éducation. Le premier, intitulé « Des établissements forts, un État responsable » est paru en 1999 sous forme de Livre vert, devenu depuis la politique officielle. Le deuxième « Apprendre sans contrainte » est une étude prospective sur l’éducation et la recherche en 2010, rendue publique en 2001 (Pays-Bas, 1999 et 2001). Les extraits retenus pour ce chapitre concernent l’enseignement primaire et secondaire, mais ces documents n’étaient pas limités à l’école et couvraient le champ plus large de l’éducation et des apprentissages. Étant donné le thème du rapport de l’OCDE, les passages les plus révélateurs des problématiques de la gestion et de la gouvernance ont été sélectionnés.
1. « Des établissements forts, un État responsable » L’éducation est vitale pour la société, mais le système éducatif est en constante évolution. Certains changements viennent de l’intérieur, d’autres sont imposés par le monde extérieur. Après tout, le système éducatif n’est pas seul ; il subit l’influence de multiples évolutions socioéconomiques comme la mondialisation, l’immigration, l’individualisme c roi s sa nt, l’é volu t ion de s te ch nol og i es d e l’i nfor mat ion et de la communication et des autres, et l’essor du travail féminin. Ces nouvelles évolutions peuvent apporter des solutions aux difficultés, mais bien plus souvent, elles sont porteuses de nouveaux problèmes et défis. Comment réagir ? Notre gouvernement a l’intention de réagir aux évolutions prévisibles auxquelles le système éducatif sera confronté à moyen ou long terme. Nous exposons nos idées sur les menaces et opportunités qui nous attendent et
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décrivons la direction que nous avons l’intention de prendre et avons, dans une certaine mesure, déjà prise. Nous avons trois grands objectifs : ●
une éducation de qualité pour tous : qui tiennent compte des particularités de chaque individu et privilégie l’élargissement de l’accès et les meilleures chances possibles données à chacun ;
●
une entreprise publique : des établissements responsables, forts, capables de repérer les évolutions socio-économiques et de prendre des initiatives pour s’y adapter ;
●
des réseaux stratégiques : qui intègrent les établissements d’enseignement aux sociétés qu’ils servent ; « placer l’éducation au cœur de la société et la société au cœur de l’éducation ».
Plus que jamais, nous appelons les parties prenantes – établissements, enseignants, parents, élèves et employeurs – à être plus autonomes. Mais cette approche comporte un paradoxe : d’une part nous avons besoin d’un État déterminé pour piloter le changement ; d’autre part, l’État ne devrait pas s’occuper des détails. Pour susciter le fort appui du public indispensable à des établissements autonomes et responsables, le débat sur l’avenir de l’éducation devra certes associer les acteurs directement concernés, mais aussi tous les secteurs de la société. C’est pourquoi nous voulons engager l’éducation sur une nouvelle voie : vers des établissements forts et un État ferme et responsable.
1.1. Des établissements forts et dynamiques et un État responsable Ce sont les établissements eux-mêmes qui doivent avant tout réagir efficacement aux évolutions. Ils doivent disposer d’une marge de manœuvre, d’autonomie et tenir compte de la demande : une marge de manœuvre pour réagir aux évolutions, l’autonomie pour le faire avec efficacité dans une position de force, et tenir compte de la demande pour pourvoir aux réels besoins sociaux. Mais surtout, ils doivent pouvoir s’adapter avec rapidité et souplesse aux évolutions. Ils peuvent, mieux que tout autre, apporter des solutions adaptées. C’est eux, après tout, qui sont responsables de la qualité. L’envers de l’autonomie est la responsabilité. Les établissements ont le devoir d’expliquer aux élèves, aux parents et aux gouvernements comment ils comptent assurer une éducation de qualité. Et ils doivent être comptables de leurs résultats. L’État doit garantir un encadrement efficace à des établissements d’enseignement forts, en appliquant quatre critères : qualité, accessibilité, efficacité et responsabilité. L’État assume la responsabilité générale du système. Il doit forger des liens, créer les conditions propices à la réussite et assurer la fonction dirigeante globale. Il doit veiller à ce que les jeunes et les vieux aient accès à une éducation de qualité, que des possibilités soient offertes à tous et que soient réunies les conditions garantissant la qualité du système. Il doit aussi veiller à une bonne coordination au sein du système. Et il doit créer les
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conditions stratégiques qui permettront aux différents acteurs de trouver ensemble les solutions requises : les parents avec les écoles, les employeurs avec les salariés, les chefs d’établissement avec les organes de tutelle des écoles, et les municipalités avec les partenaires directs et indirects au niveau local. Si important soit-il, l’État n’a pas vocation à intervenir à ce niveau : certainement pas si cela suppose de constamment restreindre la capacité des établissements à gérer leurs affaires. Il faut pour cela aussi un État déterminé. Il faut donner une chance au changement et responsabiliser les établissements. Dans une certaine mesure, cela fait partie des interactions normales des forces sociales, mais comme certains acteurs se trouvent défavorisés, l’État doit parfois protéger les plus « faibles » – non par condescendance, mais pour améliorer la qualité du travail d’équipe. Et le travail d’équipe ne doit pas être confiné aux acteurs de la sphère éducative. Le système éducatif a de solides liens avec d’autres domaines : entreprises, société civile, action locale, prise en charge des enfants, police, etc. Nous devons créer de meilleures conditions pour un travail d’équipe efficace – ce qui demande une réflexion concertée et une porte ouverte sur l’éducation. L’intention n’est pas de charger le système éducatif de problèmes plus nombreux, mais de renforcer la cohésion par le travail d’équipe et de trouver de meilleures solutions aux problèmes et défis sociaux.
1.2. Placer l’éducation au cœur de la société et la société au cœur de l’éducation Les établissements d’enseignement appartiennent aujourd’hui à des réseaux stratégiques et doivent pouvoir y développer leur identité. Divers établissements, niveaux d’administration et entreprises travaillent aujourd’hui ensemble pour pourvoir aux besoins sociaux tout en partageant des équipements coûteux, etc. La nécessité de « décompartimenter » à divers niveaux de l’administration publique est une autre conséquence des évolutions socio-économiques récentes. Les villes, par exemple, doivent pouvoir mener des politiques sociales intégrées et réaliser des synergies en instaurant simultanément les innovations sociales et d’infrastructure dans différents quartiers. Les différents échelons administratifs devraient aider et encourager, et non pas gêner, les écoles ou les centres de formation régionaux qui s’efforcent de mettre en œuvre un volet d’une politique locale ou régionale efficace. L’éducation a d’importantes fonctions sociales, culturelles et économiques dans notre société, mais elle ne peut les assumer seule. La meilleure stratégie est la synergie avec les parties prenantes dans d’autres domaines de la politique socio-économique, comme les affaires urbaines, la jeunesse, les minorités, etc. Les synergies sont aussi un puissant instrument de l’entreprise publique : en cherchant activement à nouer des liens avec les
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Encadré 8.1. Enseignement professionnel dans les réseaux stratégiques : les technocentres Les technocentres sont des organismes intermédiaires créés par des entreprises, des établissements d’enseignement et les collectivités territoriales d’une région. Ces réseaux régionaux officiels ne sont pas de nouveaux établissements ; ils ont vocation à surmonter les obstacles et à développer les opportunités sur le marché du travail de leur région. Ils négocient des accords, nouent des liens et organisent. Consortiums régionaux public-privé structurés, ils améliorent l’interface entre l’éducation, la formation et le marché du travail, contribuent à la diffusion des connaissances et permettent aux établissements de partager des équipements. Ils offrent aux établissements qui en sont membres (centres de formation régionaux, établissements d’enseignement supérieur professionnel et établissements du secondaire) d’amples opportunités de renforcer leurs racines dans la région.
entreprises et les organismes de la société civile, les établissements gagnent en efficacité et évitent l’isolement, ou pis encore, la contradiction involontaire avec d’autres organisations. Cette évolution transforme aussi le rôle du ministère, que les politiques générées au sein des réseaux diversifie. L’élaboration interactive des politiques requiert de nouvelles méthodes de travail et un éventail plus large de moyens d’action.
1.3. Diversité croissante et pressions sur les écoles Notre société se diversifie. La famille traditionnelle a cédé la place à diverses formes de cohabitation et de modes de vie. Dans un couple, il est fréquent que les deux partenaires travaillent, mais pas toujours de neuf heures à dix-sept heures. L’arrivée d’immigrants au cours des dernières décennies a apporté une grande diversité, non seulement culturelle, ethnique et religieuse, mais aussi linguistique – il arrive que des douzaines de langues soient parlées dans une même école. On demande de plus en plus aux établissements du primaire et du secondaire de faire davantage pour leurs élèves (et leurs parents) que les éduquer. Certains parents ne parviennent pas à inculquer des règles élémentaires de politesse à leurs enfants. D’autres envoient leurs enfants à l’école sans petit-déjeuner. Ces problèmes nourrissent le débat sur le rôle de l’école et de l’enseignant. On presse de plus en plus les écoles d’assumer d’autres tâches, surtout dans les grandes zones urbaines. Les enseignants considèrent les problèmes sociaux comme un obstacle à leur capacité à remplir leur mission première, dispenser une éducation de qualité. Soucieux de leurs élèves, enseignants et écoles font tout leur possible pour trouver des solutions.
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Dans le cadre de notre politique de lutte contre le handicap scolaire, des municipalités de grande et moyenne importance introduisent des écoles « communautaires », « multi-services », au sein desquelles du personnel et des ressources extérieurs se chargent des problèmes qui absorbent trop les enseignants aujourd’hui. L’idée est d’intégrer l’école dans un tissu social serré et de la libérer pour qu’elle puisse pleinement se consacrer à ses missions. Ce type de stratégie peut être appliqué dans toutes les écoles, pas seulement celles des quartiers défavorisés. Et nous pensons qu’elle peut aider à améliorer l’accueil des enfants, la cantine du midi, la prise en charge après l’école et les programmes d’apprentissage du néerlandais pour la petite enfance. Dans le cadre de sa politique de revitalisation urbaine, le gouvernement prépare une approche qui associera tous les acteurs pour améliorer la qualité de l’éducation dans ces écoles. C’est possible, comme l’a montré le projet KEA de Rotterdam (une expérience de petite échelle pour prévenir les retards scolaires). Certaines écoles obtiennent des résultats de qualité bien qu’elles soient dans des quartiers défavorisés et accueillent de nombreux enfants de minorités ethniques ; leur expérience servira d’exemple pour le plan d’action du gouvernement pour les écoles multi-ethniques. Les problèmes propres aux écoles multi-ethniques, majoritairement urbaines, recensés par les inspecteurs requièrent une approche spécifique qui puise dans l’expérience et s’appuie sur quatre principes de base : les écoles doivent se renforcer en tant qu’établissements, elles doivent systématiquement améliorer la qualité et doivent travailler avec d’autres institutions, éducatives ou non ; l’État et les collectivités locales doivent créer les conditions pour le leur permettre.
1.4. Secteur public et secteur marchand Il est compréhensible que de nombreux individus et entreprises soient prêts à dépenser une partie de leur revenu disponible pour disposer d’options plus nombreuses et plus satisfaisantes en matière d’éducation – pour euxmêmes, pour leurs enfants, leurs partenaires, leurs employés, etc. Les dépenses privées allouées à l’éducation vont de l’achat de logiciels pédagogiques bon marché et du soutien scolaire après la classe à des programmes de formation coûteux dans des universités privées étrangères. De plus, les élèves scolarisés dans les établissements publics doivent contribuer à certaines dépenses comme les frais de scolarité et les manuels scolaires. Tout le monde n’a pas les moyens de financer une éducation complémentaire ou différente. Nous devons suivre de très près l’impact social de l’augmentation du financement privé. Ajuster les méthodes de financement peut être une solution pour influer sur la répartition du budget de l’éducation entre les différents groupes de la société. L’exemple que l’on connaît déjà est le système de pondération utilisé pour allouer les ressources destinées à la lutte contre le handicap scolaire. Assortir l’aide aux élèves de
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conditions de ressources est une autre solution satisfaisante car elle demande aux individus de contribuer au coût de leur éducation (s’ils le peuvent) tout en évitant l’exclusion des personnes à faibles revenus. La répartition entre financement public et privé influence également l’idée que nous avons du sponsoring, des contributions parentales volontaires et des services que les écoles demandent aux parents et aux enfants de payer. Nous pensons qu’il serait contre-productif de les restreindre. Après tout, si les écoles ne pouvaient pas proposer ces services, d’autres solutions seraient trouvées pour pourvoir aux besoins et désirs des parents, et des inégalités d’accès persisteraient, quoique sous une forme plus masquée. Mais nous ne devons pas laisser le sponsoring donner une impression erronée. L’État est et restera le principal bailleur de fonds de l’éducation – ce qui veut dire absence de publicité dans la cour de récréation. Nous ne devons pas non plus laisser le sponsoring nuire à la qualité de l’éducation ou limiter les options offertes aux jeunes. Le système public doit donner à chacun des chances égales. Les codes de conduite pour les écoles et d’autres institutions, éventuellement élaborés avec des syndicats, pourraient les aider à adopter une approche équilibrée vis-à-vis de la publicité et du sponsoring. Nous devons autoriser ces évolutions, mais le gouvernement a le devoir d’examiner minutieusement leur impact sur l’accès. Nous souscrivons donc à l’accord volontaire conclu avec les organismes éducatifs. Le budget que les ménages sont prêts à allouer à l’éducation privée est la pierre de touche de la qualité du système public. Si l’école publique est de qualité et accessible à tous, les familles seront satisfaites d’y recourir. Notre priorité doit être de promouvoir la qualité sur l’ensemble du spectre du système public, de l’école primaire à l’université, tout en admettant que l’enseignement privé peut offrir des dispositifs complémentaires intéressants et servir de moteur de changement. Les relations entre enseignement privé et public varient d’un secteur à l’autre, par exemple en matière de reconnaissance des qualifications. Nous ne prévoyons pas de changement de ces relations au cours de notre mandat.
1.5. Périmètre de gestion et décisions conjointes Concevoir les établissements d’enseignement comme des « entreprises publiques » pose aussi la question du rôle des parents et des élèves et des dispositifs législatifs qui le régissent. Sont-ils seulement des clients de l’établissement ? Ou sont-ils des membres de la communauté que forme l’établissement, qui s’y investissent et prennent part aux décisions sur ses orientations futures ? De nouveaux dispositifs associant les parents et les élèves d’un établissement aux décisions pourraient apporter une solution. Les
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établissements pourraient ainsi conserver la puissance d’une activité à petite échelle sans perdre les avantages d’une gestion et d’une planification stratégique interne. A tout le moins, les parents et les enfants doivent pouvoir s’exprimer dans les domaines qu’ils jugent importants.
Encadré 8.2. Périmètre de la planification stratégique dans l’enseignement primaire Dans l’enseignement primaire, la planification stratégique s’inscrit dans un petit périmètre. En 1999, 53 % des conseils d’administration supervisaient une seule école ; en 1991, ce chiffre était de 63 %. En 1997, une école primaire accueillait en moyenne 214 élèves, contre 167 en 1991. Un nombre croissant de conseils d’administration fusionne. Entre 1991 et 1997, le nombre de conseils d’administration d’écoles primaires a été ramené de 3 488 à 2 562. Outre ces fusions, les conseils d’administration travaillent de plus en plus dans le cadre de consortiums, encouragés en cela par un programme public dont 372 groupes ont bénéficié en 1998/99 (ce qui représente 60 % des écoles) : 229 « grands » conseils d’administration et 143 consortiums.
Les parents peuvent contribuer à plusieurs niveaux. Premièrement, à l’échelle de la classe, ils devraient passer des accords fermes, écrits si nécessaire, avec les enseignants. Nous testons actuellement des « contrats famille-école ». Deuxièmement, à l’échelle de l’établissement, les parents doivent avoir accès à des informations complètes sur toutes les écoles locales pour choisir celle qui convient à leur enfant. Ces informations figurent dans les brochures éditées par les écoles, les projets d’établissement et les rapports des inspecteurs. Lorsque les parents ont choisi une école, ils doivent avoir leur mot à dire sur son fonctionnement. Pour cela, ils doivent pouvoir participer aux décisions et être représentés au conseil d’administration. Enfin, au niveau national, la formulation de la politique éducative doit donner toute son attention à la position des parents1. La planification stratég ique, la g estion et l’administration se professionnalisent, aussi bien dans l’enseignement primaire que secondaire. Les écoles s’efforcent de plus en plus de planifier et de gérer dans un cadre plus large que le leur. Cela a beaucoup d’avantages, mais demande un solide consensus sur la contribution des différentes partenaires aux décisions. En même temps, nous devons garder à l’esprit que de nombreuses écoles, surtout dans le primaire, sont petites et ont leur propre conseil d’administration indépendant. Elles devront voir leurs capacités renforcées, malgré les contraintes imposées par leur taille et celle de leurs organes directeurs.
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2. « Apprendre sans contrainte » Les systèmes éducatifs primaire et secondaire sont régis par un ensemble de réglementations interconnectées et de contrôles complexes dans lequel interviennent de nombreux acteurs. Les écoles le ressentent comme un excès de réglementation. La fragmentation des financements et la complexité des réglementations empêchent toute gestion intégrée. De plus, les données sur la qualité des systèmes éducatifs ne sont pas encore suffisamment transparentes ou accessibles aux parties prenantes, et les écoles n’assument pas suffisamment la responsabilité de leurs mauvais résultats. La stratégie politique pour l’enseignement primaire et secondaire doit être axée sur la résolution de ces problèmes et permettre aux écoles d’assumer leur tâche première – offrir un enseignement de qualité aujourd’hui et demain. Dans ce processus, l’autonomie que l’État accorde aux écoles ne doit pas souffrir de nouveaux carcans réglementaires imposés par d’autres niveaux d’administration ou organismes éducatifs. A l’avenir, de nouvelles approches exigeant des compétences plus spécialisées pourront améliorer l’image de la profession – enseignement en équipes ou « partenariats » par exemple. Une plus grande différenciation des fonctions conduirait à la création de nouveaux profils de postes, des assistants de classe et auxiliaires-enseignants (exigeant des qualifications de niveau secondaire professionnel) à la nomination de spécialistes de formation universitaire en passant par les enseignants débutants et confirmés (plus qualifiés) et le recours temporaire à d’autres professionnels de ce niveau. Sous l’effet des TIC notamment, l’enseignement traditionnel en classe en groupes fixes cédera la place à une organisation plus souple de l’enseignement et de l’apprentissage. Dans certains cas, les TIC peuvent également se substituer à l’enseignant et lui permettre de se concentrer davantage sur les échanges avec ses élèves. Une plus grande latitude sera donnée aux écoles, mais celles-ci ne pourront pleinement l’exploiter que si elles ont suffisamment de personnel très professionnel, des ressources suffisantes, des locaux adaptés et ont accès à une gestion efficace. Il faut agir sur tous ces points. Les écoles elles-mêmes s’adapteront en continu aux évolutions de la société ou de l’éducation. Cela exigera une gestion intégrée vigoureuse avec une forte vision éducative et une assurance qualité interne efficace ; il faudra donc consentir des investissements additionnels pour former et perfectionner les chefs d’établissement. Il est indispensable qu’ils aient les compétences adaptées. Compte tenu de l’importance de l’éducation primaire et secondaire pour le bien collectif, il est essentiel que toutes les écoles offrent une qualité élémentaire2 sans dépendre de financement tiers. Néanmoins, l’autonomie des écoles devrait inclure la liberté de lever des fonds auprès de sources
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privées, dans la mesure où cela n’implique pas de sélection des élèves. Les écoles devraient percevoir une subvention globale. Dans le primaire, ce serait une nouveauté. Les dotations globales existent déjà dans le secondaire, mais la façon dont elles sont calculées doit être modifiée pour tenir compte des nouvelles attentes à l’égard des écoles. Il est essentiel que les budgets soient intégrés et déréglementés pour leur permettre de décider librement de l’emploi de leurs ressources. La subvention globale devrait inclure un montant pondéré pour chaque élève, qui servirait à couvrir tous les coûts de l’éducation (y compris les cours de mise à niveau et les dispositifs pour les besoins spéciaux et éventuellement les locaux).
2.1. Demande sociale La position des écoles dans la société est une question importante. Le nombre d’écoles « communautaires » augmente rapidement. Trois quarts des collectivités locales néerlandaises souhaitent créer de une à cinq écoles de ce type dans les prochaines années. La plupart de ces écoles travaillent en coopération avec les garderies et les crèches, mais aussi avec les services sociaux, culturels et les équipements sportifs. Les écoles – et surtout les écoles primaires – commencent à jouer un rôle plus important dans leur environnement et cela a de précieuses répercussions sur la société. Les écoles « communautaires » apportent aussi une solution au besoin croissant qu’ont les familles de pouvoir conjuguer responsabilités professionnelles et parentales. Une coopération plus étroite avec les services jeunesse peut aider les écoles à résoudre les problèmes personnels et sociaux de leurs élèves. La collectivité locale coordonne et dirige l’offre (services sociaux, enseignement pour adultes, jeunesse, loisirs, culture, sports, aménagement foncier, logement, etc.), ce qui appelle une définition claire des responsabilités et des partenariats entre pouvoirs publics, écoles, organisations et secteur privé. L’État peut encourager cette orientation. Une école communautaire peut aussi être implantée sur des locaux appartenant à un tiers (un organisme sans but lucratif ou une SARL) ; dans ce cas, elle sera l’un des locataires d’un bâtiment polyvalent.
2.2. Demande parentale Les parents se font de plus en plus entendre et se font aussi plus critiques. Ils veulent choisir la meilleure école pour leurs enfants, les principaux critères étant la qualité, la distance et, dans une moindre mesure, le fondement religieux ou éthique de l’établissement. Pour ce faire, ils doivent pouvoir accéder à des informations fiables et comparables sur les établissements et leurs performances. Les projets d’établissement et les brochures éditées par les écoles ne sont qu’un premier pas. L’inspection académique aura là un rôle majeur à jouer. Cependant, les parents forment un groupe de plus en plus diversifié ; ils sont de plus en plus nombreux (surtout
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ceux qui sont issus d’un milieu non néerlandais) à ne pas s’en sortir et à avoir besoin d’aide. Les parents jouent déjà de nombreux rôles dans le système éducatif, comme bénévoles, aux conseils d’école et comme membres des conseils d’administration des établissements. Ces contributions peuvent encore être développées. Les parents doivent pouvoir exprimer les souhaits qu’ils ont pour leurs enfants. Les écoles pourraient également passer avec les parents des contrats définissant des engagements additionnels précis de la part des deux parties (comme dans le cas du budget individuel pour les enfants handicapés). Cependant, les différences de contributions des parents ne doivent jamais conduire à sélectionner les élèves ni à lier directement l’éducation dispensée à un élève à la contribution de ses parents.
2.3. Demande des élèves, enseignement individualisé Chaque enfant est en droit de recevoir une éducation adaptée à ses capacités, à son style d’apprentissage et à ses talents. Les écoles peuvent y pourvoir de diverses manières : différenciation (par exemple dans le rythme), transition en douceur du primaire au secondaire, processus d’apprentissage continu, filières d’enseignement souples, TIC, systèmes de suivi des élèves (rendus possibles par le code informatique individuel joint au dossier de chaque enfant), calendrier souple des évaluations et des tests de diagnostics. Les élèves en difficulté doivent recevoir une aide adaptée. Ce peut être fait dans l’école, par exemple en apportant un soutien spécialisé aux enseignants et aux parents ou en faisant appel à une aide extérieure, travailleurs sociaux ou éducateurs spécialisés. Les écoles peuvent organiser leurs propres dispositifs. L’aide aux devoirs, les combinaisons école-travail et les réseaux d’aide aux jeunes menacés d’exclusion peuvent contribuer à réduire le taux d’abandon. A court terme, les systèmes de suivi informatique des élèves pourraient aider les écoles et des expériences pourraient aussi être tentées pour améliorer le soutien apporté aux élèves défavorisés et à ceux qui ont des besoins spéciaux.
2.4. Municipalités, la liberté d’éducation et d’information Au fil des ans, les municipalités se sont vu confier différents rôles dans l’éducation. Le premier est celui de conseil d’administration des établissements publics, auquel ont été progressivement ajoutés la responsabilité des locaux, la coordination des actions pour lutter contre le handicap scolaire, l’enseignement des langues minoritaires et les services consultatifs aux écoles. L’effacement progressif de la fonction de prestataire des collectivités locales au profit de la coordination et la montée en puissance des écoles dans le système vont probablement conduire à une accentuation des conflits générés par les
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différentes attributions et responsabilités des municipalités – par exemple, la double responsabilité des municipalités, qui sont à la fois conseil d’administration et décident de l’emploi des ressources disponibles au niveau local pour réduire le handicap scolaire. Pour que les municipalités puissent assumer leur rôle de coordination, ces fonctions devront être reconsidérées. D’autres évolutions ont des implications majeures pour l’enseignement public. Ainsi, le développement de la société multiculturelle et l’individualisme croissant ont atténué les différences entre enseignement public et privé. Les écoles publiques ont des droits et libertés différents de ceux des établissements privés ; la question est de savoir si cette disparité est encore justifiée, par exemple en ce qui concerne les politiques d’admission, la construction de nouvelles écoles, la fusion des établissements publics et privés et le rôle des parents et élèves dans l’école. Cette question renvoie à l’article 23 de la constitution néerlandaise (1917) qui instaure la liberté d’éducation et le droit pour les écoles de percevoir des financements publics. Il donne le droit à tous de recevoir une éducation respectueuse des convictions, religieuses et autres, des parents. Ce principe n’est pas moins important pour la société néerlandaise aujourd’hui qu’il ne l’était autrefois. Pourtant les tendances observées conduisent à se demander si la formulation actuelle et l’interprétation de la constitution permettent les réformes aujourd’hui nécessaires.
2.5. Efficacité, transparence, qualité Accorder plus d’importance aux résultats de l’éducation susciterait une demande d’information à la fois sur les résultats individuels des élèves et sur la valeur ajoutée apportée par les écoles. Or celles-ci ne peuvent être tenues responsables des résultats que si des moyens adaptés permettent de les déterminer. Ce n’est pas simple. Il est difficile, par exemple, d’identifier la contribution précise de l’école (ou de l’enseignant) aux résultats des élèves. De plus, les tests existants se concentrent principalement sur les acquis cognitifs et moins sur la mesure des compétences. Pourtant, une meilleure information sur les résultats du système éducatif est indispensable. Les bons systèmes de suivi des élèves et les tests de diagnostic satisfaisants se concentrent sur les élèves considérés individuellement et sur leurs capacités. Les TIC peuvent fournir des instruments viables, mais il faut aussi concevoir des tests à l’entrée et à la sortie pour mesurer les performances cognitives et les compétences. Ces tests permettront de comparer les écoles et donc de mieux apprécier les résultats de l’éducation. A plus long terme, nous pourrons examiner comment les ressources ont été utilisées et quelles sont les possibilités d’éliminer les écoles qui n’obtiennent pas de bons résultats, de proposer des
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mesures et un appui appropriés ou de récompenser les enseignants ou des équipes d’enseignants. L’inspection d’académie devrait jouer un rôle plus important et plus indépendant conforme à ses pouvoirs et responsabilités prévues par la loi et dresser un rapport annuel de l’état de l’éducation sans intervention du ministre. En cas de mauvaises performances systématiques d’un établissement, des actions d’amélioration planifiées pourraient être engagées (par exemple, sous la direction d’un organe indépendant constitué à cet effet).
3. Conclusions – le rôle de l’État Dans la stratégie esquissée ci-dessus, le rôle de l’État différerait en plusieurs points importants de celui qu’il joue aujourd’hui. Les écoles gagneraient en autonomie : dans des limites définies, elles pourraient assumer leurs responsabilités et fixer leurs priorités propres. L’État devrait leur offrir les conditions et ressources adaptées pour qu’elles bénéficient d’une autonomie maximale. Il devrait moins réglementer et davantage coordonner, équiper et stimuler. Une plus grande liberté donnée aux écoles s’accompagnerait d’une accentuation de leurs différences. Pour cette raison, il resterait essentiel que l’État garantisse des normes générales de qualité et d’accès. Il devrait fixer des conditions claires à cet égard et les écoles devraient en assumer la responsabilité. Avec des écoles fortes, il faudrait de solides pouvoirs compensateurs. L’équilibre administratif des pouvoirs changerait. Il importe donc de réfléchir à la manière dont le système pourrait être restructuré en fonction de cette situation nouvelle. La vision du rôle futur de l’État est une question très importante. Dans sa forme actuelle, le contrôle de l’État est souvent inefficace. Le système est encore trop basé sur l’offre de systèmes d’éducation et de recherche et sur des institutions traditionnelles, plus que sur la demande des consommateurs. Un chang eme nt institutionnel est nécessaire pour que les systèmes d’éducation et de recherche répondent mieux à la demande des élèves, des étudiants et des utilisateurs de la recherche. Cela suppose de changer le rôle de l’État. Il devra s’appuyer sur trois grands principes : ●
Direction : l’État doit définir les grands principes. Dans le cas des systèmes éducatifs et de recherche, il doit exiger une qualité, un accès et une efficacité satisfaisants. En ce qui concerne les autres partenaires, l’État devra fournir des informations claires sur les responsabilités publiques, les conditions auxquelles elles doivent être assumées et les résultats attendus.
●
Latitude : l’État doit accorder une plus grande marge de manœuvre aux écoles, aux collectivités locales, aux employeurs et aux autres partenaires pour atteindre ces résultats. Pour que chaque apprenant ait la possibilité de réaliser pleinement le potentiel qui lui est propre, les professionnels du
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II.8.
ÉCOLES ET GOUVERNANCE AUX PAYS-BAS
terrain (et d’autres acteurs relativement proches du terrain) doivent être plus libres d’organiser le processus d’éducation comme ils l’entendent. Ils sont mieux placés pour identifier les besoins et circonstances locaux dont l’éducation doit tenir compte. De plus, l’État maximisera la concurrence dans l’intérêt de l’individualisation et de l’efficacité. ●
Responsabilité : quelque 50 milliards de florins3 sont actuellement alloués à l’éducation et à la recherche. Il faut que les résultats obtenus avec l’argent des contribuables soient clairs tant pour le gouvernement que pour les parents et les autres acteurs de la société. Cela suppose que les établissements doivent assumer davantage de responsabilités que par le passé quant à des résultats mesurables. Ces résultats doivent être accessibles au public. Lorsqu’ils ne sont pas satisfaisants, l’État ne devrait pas hésiter à prendre des mesures, par exemple, en appelant les conseils d’administration des établissements à rendre compte de leurs actions, ou en appliquant des sanctions financières. La loi donne déjà des possibilités de le faire.
Ces trois concepts – direction, latitude, responsabilité – sont bien entendu étroitement imbriqués. Plus l’État dirige, moins les établissements et les collectivités locales ont de marge de manœuvre. Une plus grande latitude (qu’elle soit donnée par l’État ou revendiquée par d’autres parties) peut également accroître la nécessité de responsabilité.
Notes 1. De plus, s’il existe une demande suffisante des parents pour un type d’école particulier, la législation prévoit que ces formes d’écoles, religieuses, libres ou autre, doivent être créées. 2. Ce terme « qualité élémentaire » est utilisé par l’inspection « académique » et transposé dans les cadres d’évaluation, lesquels incluent des critères de qualité pour chaque secteur, dérivés de la législation, de la recherche et du point de vue des parents, des enseignants, des syndicats, des conseils d’établissement et autres partenaires. 3. Euros 22.7 billions.
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PARTIE III
Conclusions des conférences « l’école de demain » des années 2000-2001
Chapitre 9. L’école de demain – principes et orientations pour l’action publique Ylva Johansson .................................................................................................... 151 Chapitre 10. Comprendre les réseaux pour l’innovation dans l’action publique et la pratique David Hopkins ..................................................................................................... 157 Chapitre 11. Gestion de l’enseignement, des écoles et des systèmes Donald Hirsch ...................................................................................................... 169
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PARTIE III
Chapitre 9
L’école de demain – principes et orientations pour l’action publique par Ylva Johansson1 @veta, Organisation suédoise de cyberformation
Résumé. Mme Johansson, ancien ministre de l'Éducation de la Suède, en sa qualité de présidente de la conférence de Rotterdam sur L'école de demain, a formulé les conclusions suivantes. Elle soutient que les établissements scolaires « représentent un investissement très important pour nos pays dans la nouvelle transformation vers la société du savoir d'aujourd'hui et de demain, mais à cette fin il faut leur imprimer une impulsion et un dynamisme nouveaux ». Ses conclusions sont présentées sous la forme d'Orientations à donner à l'action publique sous les rubriques suivantes : de grandes ambitions, des organisations fortes ; des établissements scolaires en tant qu'agents démocratiques de la cohésion sociale ; des dotations en ressources correctes pour assumer des responsabilités collectives difficiles ; rôle décisif des réseaux et des partenariats ; de l'enseignement à l'acquisition de connaissances ; les enseignants et les dirigeants ; les TIC en tant qu'instruments d'apprentissage et de perfectionnement. Mme Johansson examine également un certain nombre de points en rapport avec le thème Favoriser et faire connaître les innovations : normes nationales, autonomie des établissements scolaires ; audace dans l'expérimentation, l'évaluation et la diffusion ; le rôle clé des partenariats ; et pérennité de l'innovation et de l'amélioration.
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III.9.
L’ÉCOLE DE DEMAIN – PRINCIPES ET ORIENTATIONS POUR L’ACTION PUBLIQUE
N
ous avons eu le privilège de participer à la Conférence de Rotterdam sur « l’école de demain ». Je tiens à remercier la municipalité de Rotterdam et tous ceux qui n’ont pas ménagé leur peine lors de cette conférence : les organisateurs, les éducateurs, les autorités néerlandaise et l’OCDE. Grâce à leurs efforts conjugués, ils ont su mettre en place un programme qui nous a vraiment permis d’étudier les grandes questions qui seront celles de l’école de demain, sans pour autant faire abstraction des actions et des réalités d’aujourd’hui. Par ailleurs, je souhaite vous remercier tous qui, venus de nombreux pays différents et d’horizons variés, avez su assurer le succès de cette conférence.
Il nous faut mettre en place de nouvelles formes de gouvernance et de nouveaux modes d’élaboration des politiques pour préparer nos écoles au XXIe siècle. Notre conférence a elle-même donné corps à bon nombre des principes qui, selon nous, doivent étayer ce processus : une portée et une optique internationales s’appuyant cependant sur une action locale ; une vision à long terme, qui reste toutefois d’actualité ; des objectifs ambitieux et exigeants ; une synergie dynamique des différents partenaires engagés dans la constitution de réseaux et dans le dialogue. Nous avons également besoin d’une base de connaissances très abondantes et pertinentes. C’est précisément ce que nous ont offert en vue de notre conférence les rapports établis par l’intermédiaire de l’OCDE et les nombreuses études de cas nationales. Le rapport analytique de l’OCDE a été particulièrement utile en amorçant une réflexion sur la nature de l’enfance à l’aube du XXIe siècle, sur un éventail de questions décisives en rapport avec la famille, la collectivité, les valeurs et la cohésion sociale, ainsi que sur les aspects de la société du savoir en mutation rapide et du secteur de l’éducation, dont on estime souvent qu’ils déterminent les priorités de l’école future. Les élèves et étudiants, les enseignants et les établissements scolaires, mais aussi les décideurs doivent être en situation de formation permanente. A cette fin, des méthodes et des stratégies de réflexion à long terme s’imposent. Bien que l’éducation soit par excellence un investissement et un processus évolutif s’inscrivant dans la durée, les méthodes tournées vers l’avenir sont malheureusement peu développées dans notre secteur d’activité. Les scénarios pour l’avenir présentés dans le rapport de l’OCDE m’ont semblé, ainsi qu’à d’autres participants, représenter un outil utile pour éclairer les choix stratégiques s’offrant à nos sociétés.
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L’ÉCOLE DE DEMAIN – PRINCIPES ET ORIENTATIONS POUR L’ACTION PUBLIQUE
L’OCDE a défini cinq scénarios : « Maintien du statu quo » « L’école au cœur de la collectivité » « L’école comme organisation apprenante ciblée » « Le modèle de marché » « Technologie et société en réseau »2. Nous avons nousmêmes évalué à travers une enquête auprès des participants à la conférence, à la fois l’opportunité et la probabilité de ces différents scénarios futurs. A cette occasion, un avis a été clairement exprimé en faveur des scénarios de « rescolarisation » – en particulier le Scénario 3, « L’école comme organisation apprenante ciblée » le modèle de marché étant quant à lui rejeté. L’exaucement de nos vœux pour l’avenir suppose un programme d’action ambitieux favorisant l’innovation et le dynamisme à tous les niveaux. Mes conclusions portent à la fois sur les grandes orientations à donner à l’action des gouvernements et sur les mesures en faveur de l’innovation à l’échelon local.
1. Orientations à donner à l’action publique De grandes ambitions, des organisations fortes : Dans les sociétés du savoir d’aujourd’hui et de demain, les établissements scolaires doivent se fixer des objectifs très ambitieux afin d’atteindre leur potentiel et de demeurer des organisations très utiles pour la collectivité. Il est capital de combler les écarts de résultats aussi bien dans les établissements scolaires qu’entre eux. Les écoles et les autres lieux d’apprentissage doivent être solides, indépendants et bien outillés. Des systèmes perfectionnés d’évaluation et de responsabilisation sont nécessaires pour faire savoir que les objectifs ambitieux des établissements scolaires sont atteints dans le respect des finalités nationales plus vastes. Les établissements scolaires en tant qu’agents démocratiques de la cohésion sociale : L’un des volets de l’ambitieux programme des établissements scolaires est de renforcer la cohésion et le capital social. Les écoles comptent parmi les instruments d’intégration les plus efficaces et ce résultat devrait être l’un des principaux critères à l’aune desquels mesurer leur succès. Des dotations en ressources correctes pour assumer des responsabilités collectives difficiles : Les établissements scolaires ne pourront atteindre leurs objectifs ambitieux sans être correctement dotés en ressources. Ils doivent avoir la certitude de recevoir les financements dont ils ont besoin pour assumer les responsabilités collectives qui leur ont été clairement confiées, que ces financements proviennent directement ou indirectement de l’État. Bien que les partenariats divers constituent à présent une caractéristique importante du système éducatif, les établissements scolaires ne devraient pas avoir à compter sur eux pour répondre à leurs besoins de financement de base.
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III.9.
L’ÉCOLE DE DEMAIN – PRINCIPES ET ORIENTATIONS POUR L’ACTION PUBLIQUE
Rôle décisif des réseaux et des partenariats : L’autonomie des établissements scolaires passe nécessairement par des liens avec le monde extérieur, avec d’autres éducateurs et avec la société en général, d’où le rôle décisif des réseaux et des partenariats. Dans les pays de l’OCDE, les pratiques pédagogiques se caractérisent trop par l’isolement : isolement des établissements scolaires par rapport aux parents et au monde extérieur ; isolement des enseignants et des apprenants dans les classes. Des partenariats peuvent être instaurés dans des domaines variés – qualifications, emploi, société et culture – ou réunir des segments différents du monde éducatif ; les parents constituent l’un des principaux partenaires des établissements scolaires. De l’enseignement à l’acquisition de connaissances : Le programme d’enseignement est au cœur du processus scolaire. La pédagogie doit être centrée non plus sur l’enseignant mais sur l’apprenant. L’idée maîtresse qui guide ce changement d’orientation doit être que les établissements scolaires jettent les bases de la formation tout au long de la vie – autrement dit, inculquent les connaissances, les compétences et la motivation qui permettront de continuer à apprendre, dans de nombreux cadres, au-delà de l’école. Afin de pouvoir favoriser ce changement d’orientation dans le programme d’enseignement, les installations scolaires doivent être attrayantes, modulables et adaptées à des finalités très variées. Les enseignants et les dirigeants : Loin d’impliquer une quelconque diminution de l’importance du rôle de l’enseignant, la réorientation de la pédagogie qui n’est plus centrée sur l’enseignant mais sur l’apprenant exige du premier qu’il soit encore plus polyvalent. Les enseignants doivent euxmêmes faire preuve d’une grande motivation et travailler au sein de réseaux et d’équipes. Il est extrêmement inquiétant de constater que dans de nombreux pays de graves problèmes de recrutement et d’offres d’enseignant se font jour. De nouvelles mesures incitatives au chapitre aussi bien des conditions de travail que des rémunérations doivent être prises pour attirer des recrues de grande qualité et préserver le dynamisme et la diversité du corps enseignant. Les établissements scolaires ne peuvent jouir d’une grande autonomie et répondre à des objectifs ambitieux que s’ils sont également dotés d’un encadrement solide – dirigeants, chefs d’établissements et gestionnaires. Il est donc capital d’assurer le perfectionnement professionnel des dirigeants et gestionnaires. Les TIC en tant qu’instruments d’apprentissage et de perfectionnement : Il convient d’utiliser au maximum les TIC dans la formation scolaire et à cette fin, il y a lieu de dépasser le stade de l’investissement de base dans le matériel informatique et de concevoir une utilisation innovante des TIC en classe. Les investissements destinés à aider les enseignants à utiliser de concert les TIC comme outils d’apprentissage peuvent générer une pédagogie plus élaborée
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III.9.
L’ÉCOLE DE DEMAIN – PRINCIPES ET ORIENTATIONS POUR L’ACTION PUBLIQUE
pour l’ensemble de l’établissement. Enseignants et élèves doivent tirer parti des énormes possibilités qu’offrent les TIC de communiquer et d’apprendre en commun. Il faut utiliser les stratégies de formation à l’aide des TIC pour instaurer des liens beaucoup plus étroits entre l’école, le domicile et le monde extérieur et par là même combler le « fossé numérique » susceptible de se faire jour.
2. Favoriser et faire connaître les innovations Cette conférence doit son succès à un autre élément important : les visites organisées à Rotterdam – certaines dans des établissements scolaires, d’autres ailleurs – pour étudier les projets novateurs et les comparer à des projets analogues entrepris dans d’autres pays. L’action des pouvoirs publics devrait créer des conditions propices à la multiplication des innovations et à la diffusion des pratiques exemplaires ; certaines conclusions portent expressément sur ce point. Normes nationales, autonomie des établissements scolaires : Les autorités devraient fixer pour l’école des normes claires et ambitieuses, mais il faut laisser aux acteurs locaux une marge de manœuvre suffisante pour atteindre ces normes. Les établissements scolaires devraient devenir des organisations apprenantes autonomes et l’innovation dans le secteur éducatif devrait trouver leur origine dans des besoins et des problèmes définis à l’échelon local. Audace dans l’expérimentation, l’évaluation et la diffusion : Il faut favoriser un climat d’expérimentation dans le cadre des grands objectifs nationaux. et concevoir des solutions ingénieuses aux problèmes réellement rencontrés sur le terrain. L’évaluation et le retour d’informations sont essentiels. Certains échecs sont inévitables et doivent être acceptés pour favoriser la prise de risque ; de précieux enseignements peuvent en être tirés, tout comme des succès. Les leçons tirées et les pratiques couronnées de succès doivent non pas rester dans l’ombre, mais faire l’objet d’une diffusion afin d’avoir un retentissement beaucoup plus large. Les stratégies de diffusion satisfaisante manquent et leur élaboration est une priorité. Le rôle clé des partenariats : Les partenariats sont essentiels à l’école aujourd’hui et le seront demain : ils donnent accès à des connaissances nouvelles et à de nouvelles possibilités d’apprendre ; ils établissent le lien indispensable de l’école et le monde qui l’entoure ; ils élargissent l’assise dont dépend le dynamisme des établissements scolaires et le professionnalisme des enseignants. Pérennité de l’innovation et de l’amélioration : Une aide importante doit être apportée aux innovations et aux expérimentations concluantes pour que les avantages qu’elles procurent s’inscrivent dans la durée. Les établissements
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III.9.
L’ÉCOLE DE DEMAIN – PRINCIPES ET ORIENTATIONS POUR L’ACTION PUBLIQUE
qui sont confrontés aux plus grandes difficultés et qui accumulent les désavantages sont ceux qui on le plus besoin de cette aide. L’excellence et l’innovation locales ne sauraient perdurer simplement grâce à l’influence particulière d’une personnalité charismatique – enseignants, chefs d’établissement, responsables locaux – bien que ces personnalités soient de formidables sources d’inspiration. En somme, les établissement scolaires sont des institutions qui ont joué un rôle très important et bien souvent avec succès. Ils ont fait partie intégrante de la transformation de la société au moment de la révolution industrielle. Ils représentent un investissement très important pour nos pays dans la nouvelle transformation vers la société du savoir d’aujourd’hui et de demain, mais à cette fin il faut leur imprimer une impulsion et un dynamisme nouveaux. Nous avons indiqué comment atteindre cet objectif.
Notes 1. Présidente du Forum des stratégies du réseau scolaire européen ; ancien ministre de l’Éducation en Suède et Présidente de la Conférence internationale de Rotterdam (2000) OCDE/Pays-Bas. 2. Nombre porté à six après Rotterdam (voir OCDE 2001a).
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ISBN 92-64-10036-9 Réseaux d’innovation Vers de nouveaux modèles de gestion des écoles et des systèmes © OCDE 2003
PARTIE III
Chapitre 10
Comprendre les réseaux pour l’innovation dans l’action publique et la pratique par David Hopkins1 (Department for Education and Skills, Royaume-Uni)
Résumé.
Les conclusions de David Hopkins en tant que rapporteur du séminaire international de 2000, tenu au Portugal sur les réseaux, reposaient en particulier sur les enseignements tirés du fonctionnement de cinq grands réseaux – le Programme portugais Bonne espérance ; le Conseil scolaire de Durham et le Congrès d'apprentissage, Ontario, Canada ; le Réseau allemand d'écoles innovantes créé par la Fondation Bertelsmann ; Improving the Quality of Education for All (IQEA) (améliorer la qualité de l'éducation pour tous), en Angleterre et ailleurs ; et l'Observatoire européen des innovations en éducation et en formation, dont les activités sont coordonnées à partir de la France avec les représentants de 13 pays. David Hopkins définit les conditions essentielles nécessaires à l'efficacité des réseaux dans le domaine de l'éducation : cohérence des valeurs et des objectifs ; clarté de structure ; production, utilisation et transmission des savoirs ; gratifications liées à l'apprentissage ; fonction dirigeante diffuse et autonomie ; et ressources adéquates. Il définit et analyse également le rôle des principales parties prenantes des réseaux – celui des enseignants, des chefs d'établissement et des écoles qui font preuve d'innovation ; celui des initiateurs de réseaux ; celui des gestionnaires de réseaux ; celui des consultants ou des formateurs ; celui des évaluateurs et des chercheurs ; celui des décideurs publics. Le chapitre comprend un examen du rôle des pouvoirs publics et de leur action.
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III.10.
COMPRENDRE LES RÉSEAUX POUR L’INNOVATION DANS L’ACTION PUBLIQUE ET LA PRATIQUE
1. Les réseaux et le séminaire de Lisbonne Consacré aux réseaux et à l’innovation, le séminaire portugais a apporté une importante contribution aux travaux du programme L’école de demain de l’OCDE. Il se proposait : a) d’appréhender la nature, les conditions et le potentiel de certains réseaux et initiatives innovants, présentant des structures diversifiées et issus de différents pays et traditions éducatives et b) d’examiner l’aide que peuvent apporter les politiques aux réseaux et initiatives et de définir des principes directeurs. La sélection des cinq réseaux proposée (voir encadré 10.1) 2 ne prétendait pas à l’exhaustivité ni à représenter tous les types de réseaux, mais elle était destinée à illustrer un éventail de pratiques. Il s’agissait de cinq exemples suffisamment différents pour servir de base à l’élaboration d’une typologie émergente des réseaux et assez proches pour présenter des caractéristiques communes. En dépit des interprétations diverses du concept de réseau, les participants au séminaire se sont accordés sur le fait que les réseaux ne sont pas seulement des « clubs ». En effet, si les réseaux réunissent des personnes ayant des intérêts communs, ils offrent bien plus que la possibilité de partager des « pratiques exemplaires ». Les discussions qui se sont déroulées dans le cadre du séminaire ont permis d’élaborer la définition suivante : Les réseaux sont des entités sociales, dotées d’un objectif, caractérisées par un souci de qualité et de rigueur et l’accent mis sur les résultats. Ce sont aussi d’efficaces moyens de soutenir l’innovation dans un contexte de changement. Dans le secteur éducatif, les réseaux favorisent la diffusion des pratiques exemplaires, contribuent au perfectionnement professionnel des enseignants, concourent au développement des capacités dans les écoles, servent d’intermédiaires entre structures centralisées et décentralisées et particip ent au processus de restructuration et de transformation culturelle des organisations et systèmes éducatifs. Tous les cas ne partagent pas ces caractéristiques, mais en règle générale, les cinq réseaux examinés ont apporté les avantages suivants au travail en coopération :
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diminution de l’isolement ;
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perfectionnement professionnel coopératif ;
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solutions communes aux problèmes partagés ;
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III.10.
COMPRENDRE LES RÉSEAUX POUR L’INNOVATION DANS L’ACTION PUBLIQUE ET LA PRATIQUE
Encadré 10.1. Présentation des cinq réseaux étudiés Programme Bonne Espérance, Portugal – Conçu pour trois ans, le programme Bonne Espérance a été mis en place par le ministère de l’Éducation portugais en mars 1998 et a été opérationnel en janvier 1999. Ce programme d’envergure nationale était innovant dans le contexte portugais : il se démarquait de la centralisation traditionnelle en encourageant l’autonomie et l’expérimentation par la production de recherches sur les nouvelles pratiques exemplaires, leur analyse et leur diffusion, et l’aide au travail des enseignants et des écoles. Il s’articulait autour de quatre axes : i) améliorer l’apprentissage pour tous ; ii) développer la dimension d’institution éducative de l’école ; iii) assurer l’interaction entre école et collectivité ; et iv) usages pédagogiques des TIC. Conseil scolaire de Durham et Learning Consortium, Ontario, Canada – Fondé en 1988, le Learning Consortium est un partenariat école/université réunissant quatre districts scolaires, qui bénéficie de l’appui régulier de la Faculté d’éducation de l’université de Toronto. Son objectif est d’améliorer la qualité de l’enseignement dispensé dans les écoles et les universités en s’attachant au perfectionnement professionnel des enseignants, à l’amélioration de l’école et à la restructuration des districts scolaires locaux. La formation des enseignants est au cœur de ce travail : la formation continue, les ateliers, les instituts et les conférences sont conçus pour répondre aux besoins exprimés par les enseignants d’améliorer leurs compétences pédagogiques et évaluatives. Réseau allemand d’écoles innovantes (NIS) – Le Réseau allemand d’écoles innovantes a été créé par la fondation Bertelsmann en 1998 à l’occasion de la Conférence de Munster dans le sillage du Prix Carls Bertelsmann 96 (Carl Bertelsmann-Preis 1996). Réseau ouvert de 460 écoles organisées en 13 réseaux d’apprentissage financés pour 3 ans (1998-2001), il est conçu pour faciliter les « transferts de connaissances » entre les établissements scolaires dans un double objectif d’amélioration et de réforme de l’école. Il permet aux écoles innovantes d’échanger des informations, mais sert aussi de nouvelle forme de perfectionnement professionnel des enseignants, dont la profession était traditionnellement isolée. Improving the Quality of Education for All (IQEA), Angleterre et ailleurs – Initialement développé en 1990 à l’université de Cambridge, le réseau IQEA est aujourd’hui basé à l’université de Nottingham. Quelque 200 écoles ont participé à ce programme, principalement en Angleterre, mais aussi à l’international. Son objectif est de renforcer la capacité des écoles à gérer le changement extérieur dans une perspective d’amélioration continue et de créer les conditions d’un enseignement et d’un apprentissage plus efficaces. Bien que sa démarche repose sur un travail individualisé avec chaque école,
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III.10.
COMPRENDRE LES RÉSEAUX POUR L’INNOVATION DANS L’ACTION PUBLIQUE ET LA PRATIQUE
Encadré 10.1. Présentation des cinq réseaux étudiés (suite) l’IQEA offre une efficacité optimale lorsque les établissements se réunissent en réseau pour partager leurs bonnes pratiques et apprendre les uns des autres. Observatoire européen des innovations en éducation et en formation – L’Observatoire européen a été créé en 1994-95, après la ratification du traité de Maastricht, pour faciliter la constitution de réseaux d’information qui contribueraient à résoudre les problèmes éducatifs liés aux politiques nationales et aux priorités fixées par l’Union européenne. Réunissant des participants de 13 pays européens et soutenu par l’Institut national de la recherche pédagogique (INRP) à Paris, l’Observatoire a les objectifs suivants : i) recueillir et analyser des informations sur l’innovation ; ii) identifier les signes de changement et les « points névralgiques » ; iii) permettre aux innovateurs de travailler en réseau et de soulever des questions théoriques ; iv) favoriser l’innovation à l’échelle européenne ; v) décrire et comparer les politiques nationales et régionales et vi) mettre en commun et comparer les connaissances sur l’innovation.
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échange de pratiques et d’expertise ;
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facilitation du partage des savoirs et de l’amélioration de l’école ;
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possibilités de faire appel à des acteurs extérieurs.
Les réseaux offrent davantage de possibilités qu’on ne le pensait peutêtre jusque là de soutenir et d’améliorer les processus et résultats de l’enseignement. Les extraits suivants du séminaire donnent une idée de l’enthousiasme que suscitent ces possibilités.
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●
Les bons réseaux sont des partenariats horizontaux qui attachent de la valeur à l’expertise professionnelle et à l’apprentissage mutuel. Ils contournent ainsi les hiérarchies et créent des liens entre les différents niveaux du système. Ce sont des structures d’appui au perfectionnement des enseignants et des écoles.
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Les bons réseaux se vouent à la production de savoirs et à l’apprentissage des enseignants. Ils sont mus et liés par le désir d’améliorer nos écoles et la vie des jeunes qui y font étape.
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Nous voulons préparer les jeunes à une participation active dans la société. Nous devons donner l’exemple par notre coopération au sein de la communauté éducative.
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L’apprentissage coopératif n’est pas un concept pédagogique – c’est un mode de vie.
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COMPRENDRE LES RÉSEAUX POUR L’INNOVATION DANS L’ACTION PUBLIQUE ET LA PRATIQUE
Travailler avec des personnes de bonne volonté est toujours un grand plaisir.
2. Conditions nécessaires à l’efficacité des réseaux Cependant, les qualités dont les réseaux doivent être dotés pour réaliser leur potentiel d’innovation et de changement ne s’acquièrent pas aisément. Le séminaire a permis de recenser les conditions indispensables qui doivent être réunies : ●
Cohérence des valeurs et des objectifs – il importe que les participants d’un réseau aient un objectif commun et qu’ils expriment clairement et s’approprient ses valeurs intrinsèques. Cette cohérence des valeurs et de l’objectif est également liée à la nécessité de cohérence entre l’objectif du réseau et la politique générale.
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Clarté de structure – les réseaux efficaces sont bien organisés, avec des procédures opératoires claires et des mécanismes garantissant une participation maximale des établissements et de leurs personnels. Loin d’être étroites, limitatives ou spécifiques, ces structures favorisent une participation large, de préférence à l’échelle d’une organisation ou d’un système tout entier.
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Production, utilisation et transmission des savoirs – l’objectif central des réseaux est de produire et de diffuser des connaissances pour favoriser l’amélioration et l’innovation dans la sphère éducative. Ces savoirs et pratiques doivent être fondés sur des données, axés sur les caractéristiques fondamentales de l’école et être soumis à de solides procédures d’assurance qualité.
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Gratifications liées à l’apprentissage – les membres d’un réseau doivent avoir l’impression que leur participation leur apporte quelque chose, les meilleurs apports étant la formation et l’encouragement à l’apprentissage. Les réseaux efficaces investissent dans les personnes.
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Fonction dirigeante diffuse et autonomie – les réseaux très efficaces réunissent des personnes compétentes qui coopèrent et travaillent ensemble de façon satisfaisante. Les membres d’un réseau doivent avoir des compétences semblables à celles des équipes efficaces, notamment une fonction dirigeante diffuse et l’autonomie.
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Ressources adéquates – les réseaux doivent disposer de ressources adaptées, notamment en termes de temps, de financement et de capital humain. A cet égard, la quantité absolue de ressources importe moins que la souplesse de leur allocation.
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III.10.
COMPRENDRE LES RÉSEAUX POUR L’INNOVATION DANS L’ACTION PUBLIQUE ET LA PRATIQUE
3. Les principales parties prenantes des réseaux3 Pour recenser et soutenir les pratiques éducatives exemplaires, la plupart des réseaux aspirent à fonctionner comme des partenariats horizontaux privilégiant la coopération et les échanges mutuels. De nombreux groupes et individus interviennent dans la création et le maintien des réseaux ; les partenaires apprennent les uns des autres et se considèrent mutuellement comme des interlocuteurs professionnels dignes d’écoute. La coopération est par nature continue et, dans l’idéal, elle conduit tous les partenaires à appréhender l’innovation et le changement dans une perspective plus systémique. Bien que la configuration des partenaires diffère selon les réseaux, il paraît important d’identifier ces groupes et les contributions qu’ils peuvent apporter. Une caractéristique essentielle des réseaux est ainsi mise en lumière : ils reflètent une méthode de travail basée sur un investissement dans les personnes et dans les relations, et non dans les structures et les hiérarchies. Le groupe de parties prenantes le plus important est celui des enseignants/ chefs d’établissements innovants et de leurs écoles. Bien qu’ils constituent le centre de convergence des activités du réseau, ils n’en sont pas toujours les instigateurs. Le deuxième groupe, qui recoupe parfois le premier, est celui des instigateurs. Ce peut être des enseignants ou des chefs d’établissement innovants, mais souvent, ce sont aussi des universités ou instituts de recherche, des administrations publiques ou des fondations caritatives. Le troisième groupe est formé de ceux qui gèrent un réseau – son comité de pilotage. Celui-ci peut être composé des instigateurs, des représentants des écoles en qualité de principales parties prenantes ou être une autre forme de direction mise en place par les instigateurs du réseau. De nombreux réseaux font appel à des consultants ou formateurs, qui constituent le quatrième groupe de partenaires. Leur rôle est d’apporter un soutien au travail de développement du réseau. Il arrive que des consultants venus de l’extérieur assurent la formation professionnelle, mais ce sont souvent les enseignants d’écoles innovantes du réseau qui se chargent de la formation des autres participants. Après une phase initiale de développement, de nombreux réseaux commencent à évaluer leurs progrès et leur efficacité : évaluateurs et chercheurs constituent un cinquième groupe de parties prenantes. On observe parfois des recoupements avec les autres groupes de partenaires comme lorsque les consultants auprès des écoles en réseau conduisent aussi des recherches ou des évaluations. La fonction de ce groupe est donc de recenser et de collecter les données liées au processus et aux impacts.
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III.10.
COMPRENDRE LES RÉSEAUX POUR L’INNOVATION DANS L’ACTION PUBLIQUE ET LA PRATIQUE
Enfin, les gouvernants forment le sixième groupe. Les réseaux pour l’innovation œuvrent fréquemment à influer sur le cadre politique général pour faire avancer la cause de l’amélioration de l’école. Pour favoriser l’appropriation et l’acceptation, ils doivent impliquer les gouvernants concernés au tout début de leur constitution.
4. Le rôle des réseaux dans l’appui à l’innovation Les réseaux de la sphère éducative ont un rôle essentiel d’aide à l’innovation et au développement et doivent donc être considérés comme des structures d’appui aux écoles innovantes. Ils assument cette fonction en diffusant les pratiques exemplaires, mais aussi en rompant l’isolement traditionnel des écoles et, jusqu’à un certain point, en remettant même en question les structures traditionnelles des systèmes hiérarchiques. Traditionnellement, le fonctionnement de la plupart des systèmes scolaires reposait presque exclusivement sur des unités discrètes – enseignants, départements, écoles ou organismes locaux – et cet isolement convenait sans doute à une époque de stabilité, mais aujourd’hui, en période de changement, il faut resserrer les maillages lâches pour développer la coopération et mettre en place des structures plus fluides et plus réceptives. Les réseaux peuvent y contribuer fortement. Les réseaux ne se bornent pas à faciliter l’innovation : ils peuvent aussi constituer une innovation intrinsèque en autorisant des méthodes de travail inédites. Cet aspect est tout particulièrement important dans les systèmes éducatifs contemporains compte tenu de la tendance à réduire le niveau intermédiaire d’appui aux écoles. Il est possible que ces structures d’appui, que représentaient traditionnellement les autorités éducatives locales, les circonscriptions scolaires, les universités locales et d’autres organismes, aient plus fréquemment réussi à conforter le statu quo qu’à soutenir le changement. Pourtant, les innovations et les changements qui se font jour ont accru l’importance du niveau intermédiaire, non pas sous forme d’institutions démodées, mais de structures plus créatives et réceptives pour travailler avec les écoles. Les réseaux peuvent ainsi faciliter l’innovation et le changement et contribuer à une réforme de grande ampleur. Ils permettent de « réinventer » le niveau intermédiaire en promouvant différentes formes de collaboration, de liens et de partenariats multifonctionnels, parfois appelés « structures transversales ». A cet égard, le réseau permet aux parties prenantes de nouer des relations et de coordonner les activités autour de priorités communes. Il ne s’agit pas de contrôler (ce qui est impossible) mais d’exploiter les capacités interactives des forces systémiques (voir Fullan, 2000).
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D’une manière ou d’une autre, les réseaux étudiés lors du séminaire remplissent tous cette fonction. Le programme Bonne Espérance, qui est une initiative du gouvernement portugais, est directement lié au programme d’action gouvernemental, mais il promeut aussi les évolutions à la base. Les méthodes de travail du Conseil scolaire de Durham et de son partenaire le Learning Consortium aident les écoles et favorisent la prise d’autonomie locale. Large groupement national, le Réseau allemand d’écoles innovantes est en mesure de soutenir des innovations de grande ampleur dans les écoles et d’influer sur le programme d’action national. Le projet IQEA fonctionne efficacement dans un cadre d’action bien défini et fait office de groupe de pression pour persuader les décideurs d’inscrire la réforme de l’éducation dans une démarche de renforcement des capacités. Enfin, de par sa dimension internationale, l’Observatoire français exerce une influence dans toute l’Union européenne. L’étude de cas suggère également que les réseaux doivent non seulement apporter un appui lorsque le processus de changement est engagé, mais aussi prendre part au processus dès qu’il s’amorce. Ils ont un rôle à jouer dans toutes les phases du changement, et encouragent par exemple : En phase « d’amorçage » : ●
l’investissement individuel et l’appropriation partagés ;
●
l’initiative à différents niveaux ;
●
l’amélioration des relations avec les organes et partenaires extérieurs à l’école ;
●
une définition claire des objectifs. En phase de « mise en place » :
●
une meilleure appréhension de l’apprentissage et de la gestion du changement ;
●
une utilisation plus souple et créative de l’espace, du temps, des structures de communication et des personnes ;
●
un appui social et technique ;
●
un succès précoce et sa célébration. En phase « d’institutionnalisation » :
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●
la généralisation des méthodes de travail coopératives ;
●
la préparation de la « montée en puissance » ;
●
la redéfinition et l’adaptation des idées à partir des données recueillies ;
●
un retour d’informations profitable en interne et une évaluation utile en externe.
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III.10.
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En résumé, les réseaux peuvent soutenir l’innovation et le changement dans le secteur éducatif : a) En offrant un point de convergence pour la diffusion des pratiques exemplaires, la généralisation de l’innovation et la production de savoirs « tournés vers l’action » quant aux pratiques éducatives efficaces. b) En maintenant le cap sur les objectifs centraux de l’école et, notamment, en créant et en nourrissant un discours sur l’enseignement et l’apprentissage. c) En développant les compétences d’agents du changement et les capacités de gestion du processus de changement parmi les enseignants, les chefs d’établissement et d’autres personnels éducatifs. d) En renforçant les capacités d’amélioration continue au niveau local et, en particulier, en créant des communautés de perfectionnement professionnel dans les écoles et entre elles. e) En assurant l’intégration, et non la segmentation, des systèmes de pression et d’appui, par exemple l’intégration transparente des pressions et des appuis au sein des communautés de perfectionnement professionnel. f) En servant de lien entre le centralisé et le décentralisé, dont la séparation résulte de nombreuses mesures contemporaines prises par les pouvoirs publics, notamment en contribuant à la cohérence horizontale et verticale des politiques.
4.1. Vers une typologie des réseaux Le séminaire de Lisbonne a montré que les réseaux peuvent fonctionner à différents niveaux et servir divers objectifs à partir desquels il a été possible d’établir une typologie évolutive. Du niveau élémentaire, auquel les réseaux facilitent le partage des bonnes pratiques au niveau le plus élevé, où ils peuvent servir d’agent de renouvellement du système, la typologie qui se dessine est la suivante : ●
A son niveau le plus élémentaire, un réseau peut être considéré simplement comme des groupes d’enseignants qui se réunissent pour élaborer un programme scolaire et partager les bonnes pratiques.
●
A un niveau plus ambitieux, les réseaux peuvent réunir des groupes d’enseignants et d’établissements afin d’améliorer l’école, l’objectif explicite étant de faire progresser l’apprentissage et l’enseignement dans tout un établissement ou dans des groupes d’établissements, et non plus seulement d’échanger des pratiques.
●
Les réseaux peuvent également favoriser le partage de connaissances et l’amélioration de l’école, mais aussi réunir des groupes de parties prenantes pour la mise en œuvre de politiques précises au niveau local, voire national.
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●
Plus ambitieux encore, des groupes de réseaux (internes et extérieurs à la sphère éducative) s’unissent pour améliorer le système en termes de justice sociale et d’inclusion.
●
Enfin, des groupes de réseaux peuvent coopérer pour faire progresser la justice sociale mais aussi pour servir explicitement d’agents de renouvellement et de transformation du système.
●
Si cette typologie n’était pas entièrement représentée dans le séminaire, elle permet néanmoins de catégoriser les réseaux et de souligner leur rôle potentiel. Elle se situe explicitement dans une perspective systémique et a d’importantes implications pour le rôle des pouvoirs publics et pour leur action.
5. Rôle des gouvernements et implications pour l’action publique Lorsque l’on considère les relations entre gouvernements et réseaux, on peut être initialement tenté de chercher à différencier les réseaux soutenus par l’État et ceux qui ne le sont pas. Cependant, cette distinction élémentaire masque la complexité des relations et banalise les synergies potentielles entre aspirations politiques et pratiques des réseaux. Les cinq cas analysés dans le cadre du séminaire de Lisbonne illustrent bien cette complexité. On pourrait dire, pour diverses raisons, que le réseau Bonne Espérance et l’Observatoire français sont soutenus par l’État car ils reçoivent des encouragements et des ressources des pouvoirs publics. Mais tous deux favorisent l’autonomie et l’expérimentation de la part des établissements d’enseignement et influencent l’action gouvernementale et la réforme par leur dimension, leurs résultats et leurs méthodes. On pourrait considérer en revanche que le partenariat Conseil scolaire de Durham/Learning Consortium et le programme IQEA sont indépendants des pouvoirs publics, ce qui est vrai dans la mesure où ceux-ci ne les ont pas mis en place et ne les ont pas directement financés. Pourtant, ces réseaux ont été établis en premier lieu pour aider les écoles à interpréter et à gérer des changements imposés par l’État ; leurs écoles les plus performantes sont celles qui poursuivent leur programme d’amélioration propre, mais ont aussi une démarche complémentaire aux réformes gouvernementales. De plus, le Conseil scolaire de Durham/Learning Consortium et le programme IQEA exercent une influence subtile sur le processus et sur la substance de l’action publique. Le Réseau allemand d’écoles innovantes créé par la fondation Bertelsmann apporte une autre perspective sur les relations complexes entre pouvoirs publics et réseaux. Pour certains commentateurs, ce réseau a été mis en place pour critiquer et, par son succès, influencer directement le gouvernement. Considéré sous un angle plus positif et stratégique, il
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représente un modèle de partenariat public/privé qui pourrait bien avoir une influence sur la future organisation des réseaux. Ainsi, différencier les réseaux sur la base du soutien apporté par les pouvoirs publics fait courir le risque d’une simplification excessive, d’autant plus qu’à l’avenir, les gouvernements s’appuieront de plus en plus sur les réseaux pour mettre en œuvre leurs réformes éducatives. Bien qu’ils aient fortement augmenté depuis dix ans dans la plupart des pays de l’OCDE, les efforts de réforme n’ont pas eu un impact aussi marqué qu’on l’espérait sur les résultats des élèves. Il faut reconnaître qu’il existe des « poches » de succès, comme l’ENLS (English National Literacy Strategy), mais en règle générale, on dispose d’abondantes données sur l’échec des réformes récentes à relever les résultats des élèves pour les aligner sur les objectifs (Hopkins et Levin, 2000). La raison première en est que la politique d’éducation n’a pas tenu suffisamment compte de ce que l’on sait sur le processus d’amélioration des écoles, si bien qu’une formidable source de synergie a été perdue et que les acquis scolaires restent encore inférieurs à ce qu’ils pourraient être (voir, par exemple, Hargreaves et al. 1998, 4 vol.). C’est là un solide argument pour que les pouvoirs publics adoptent les réseaux, non seulement comme une aide à la mise en œuvre de leurs réformes, mais aussi comme une innovation à part entière. A défaut, il y a tout lieu de penser que les aspirations des réfo rmes de l’enseignement, particulièrement dans les systèmes décentralisés, continueront de croître plus vite que la capacité des systèmes à produire les résultats espérés (voir Hopkins 2001, en particulier le chapitre 10). Les spécificités d’un cadre d’action réglementaire à la mise en réseau dépassent l’objet de ce chapitre, mais dans le prolongement de cet exposé, ce cadre s’attacherait plus particulièrement aux aspects suivants : ●
Comment les réseaux facilitent l’application pratique de la réforme et servent de véhicules à l’information, sur laquelle peut se fonder une réforme de second niveau.
●
Comment les réseaux peuvent devenir des agents de diffusion – mais aussi de production, de transmission et d’utilisation – des connaissances.
●
Comment les réseaux peuvent devenir des « lieux » de perfectionnement des enseignants de plus en plus efficaces et un moyen, pour les écoles, de développer leur capacité à mieux mettre en œuvre les axes prioritaires des réformes (et à y résister).
●
Comment les réseaux peuvent assurer l’intégration horizontale et verticale de l’appui et la cohérence de la politique en exploitant les synergies entre les structures existantes et en en créant de nouvelles.
●
Comment les réseaux peuvent favoriser l’amplification du changement, surtout lorsque leur objectif est la diffusion du professionnalisme ou de
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l’éthique des enseignants, et non celle d’un programme scolaire et pédagogique complet. ●
En premier lieu, les gouvernements devraient insister pour que les écoles adoptent une approche réfléchie du changement et de l’amélioration, sans exiger nécessairement que tout le monde fasse la même chose de manière identique, au même moment. Les réseaux sont peut-être le meilleur moyen dont nous disposons aujourd’hui pour susciter et soutenir cette attente.
Le séminaire de Lisbonne s’est déroulé dans le contexte du programme de l’OCDE consacré à « L’école de demain ». L’avenir de l’école exige une perspective systémique, qui implique une forte cohérence de toutes les actions et une priorité sans relâche aux résultats et à l’apprentissage des élèves. Infrastructures naturelles d’innovation et d’information de l’action gouvernementale, les réseaux offrent un important moyen d’y parvenir.
Notes 1. Chef du Standards and Effectiveness Unit, ministère de l’Éducation et des Compétences. Ancien doyen de l’Éducation, Université de Nottingham. Rapporteur du séminaire Portugal/OCDE sur l’innovation et les réseaux, organisé à Lisbonne, les 14 et 15 septembre 2000. 2. Chacun de ces réseaux était représenté au moins par un praticien et un facilitateur et plusieurs experts internationaux avaient été invités à participer au séminaire. 3. Cette partie s’appuie sur l’analyse de Dr Anne Sliwka, voir chapitre 3.
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PARTIE III
Chapitre 11 Gestion de l’enseignement, des écoles et des systèmes par Donald Hirsch* Consultant international en éducation, Royaume-Uni
Résumé. Donald Hirsch rédige ce chapitre en sa qualité de rapporteur de la conférence internationale tenue en décembre 2001 sur la gestion et la gouvernance dans le domaine de l'éducation. Les débats lors de la conférence se sont appuyés sur l'étude « Des innovations dans l'enseignement », publiée en 2000, dans laquelle l'OCDE/CERI analyse les innovations introduites dans la gestion de l'école dans neuf pays. La conférence de Budapest, relate Donald Hirsch, a mis en évidence le rôle central des aspects de la gestion dans l'avenir de l'école. Lors de cette rencontre, ces questions ont été examinées tout d'abord à l'échelle de la salle de classe et d'autres environnements pédagogiques puis par rapport à la gestion des établissements scolaires en tant qu'organisations et enfin du point de vue plus vaste de la gouvernance de l'enseignement et de la réforme publique. La conclusion tirée par Donald Hirsch de la conférence est que l'amélioration des modes d'apprentissage des élèves dépend toujours de la manière dont les établissements scolaires eux-mêmes se développent en tant qu'organisations apprenantes. Les écoles sont certes des entités complexes mais elles ne sont pas les seules et il existe une marge de manœuvre pour adapter au monde éducatif des modèles de changement élaborés dans d'autres secteurs, aussi bien publics que privés.
* Rapporteur du séminaire Hongrie/OCDE sur le thème « Gestion de l’éducation pour l’apprentissage tout au long de la vie » 6-7 décembre 2001, Budapest.
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GESTION DE L’ENSEIGNEMENT, DES ÉCOLES ET DES SYSTÈMES
1. Introduction Les questions relatives à la gestion de l’école sont étroitement mêlées au domaine plus vaste de l’enseignement. L’étude de l’OCDE intitulée Gestion des établissements : de nouvelles approches (OCDE, 2001b) a souligné qu’une bonne gestion dépasse largement le recrutement d’individus forts et efficaces pour diriger les établissements scolaires : il s’agit d’améliorer l’école elle-même en tant qu’organisation humaine et sociale. Le séminaire de Budapest qui a suivi cette étude a souligné le caractère central des aspects de la gestion dans l’avenir de l’école – l’enseignement, l’apprentissage et la gestion dans l’éducation sont aujourd’hui inextricablement imbriqués. Les trois sessions du s é m i n a i re s e s o n t s u c c e s s ive m e n t a t t a ch é e s à l ’ e nv i ro n n e m e n t d’apprentissage à l’échelle des établissements, puis à la gestion des écoles en tant qu’organisations, et enfin aux questions plus vastes de la gouvernance de l’enseignement et de la réforme publique, ces trois niveaux étant eux-mêmes étroitement mêlés. D a n s s o n i n t ro d u c t i o n , l e m i n i s t re d e l’ É d u c a t i o n h o n g ro i s , József Pálinkás, a présenté les moyens mis en œuvre pour permettre de nouveaux types d’apprentissage et instaurer de nouveaux processus pour y parvenir. La Hongrie a décentralisé son système éducatif et s’efforce aujourd’hui de surmonter les obstacles au respect de critères rigoureux de résultats et de qualité de l’enseignement au sein de structures décentralisées. Le nouveau système mis en place, qui englobe les programmes et le système d’évaluation, vise à conjuguer l’autonomie de gestion des établissements à une approche des contenus d’apprentissage qui leur permette d’élaborer des programmes plus utiles, davantage axés sur les compétences nécessaires à l’apprentissage tout au long de la vie que sur la reproduction de savoirs imposée dans les examens de fin de scolarité par les universités. La redéfinition des compétences et du profil de carrière des enseignants est au cœur de cette transformation.
2. Créer et préserver des environnements de qualité pour l’apprentissage « Pendant un siècle », a déclaré Mats Ekholm, directeur de l’Agence nationale de l’éducation suédoise, « l’éducation a consisté à transmettre des connaissances des vieilles têtes aux jeunes têtes ; nous n’avons que récemment commencé à apprendre aux élèves à apprendre ». Dans tous les pays de
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l’OCDE, les éducateurs s’efforcent d’engager les élèves dans une démarche d’apprentissage actif, dans laquelle ils coopèrent avec les enseignants et ne sont plus de simples récepteurs passifs des savoirs. Les « vraies écoles » sont des lieux dans lesquels intervient un réel apprentissage au sens où les élèves font quelque chose parce que cela les intéresse et non parce qu’ils y sont contraints. Pour Alexandru Crisan, originaire de Roumanie, où le système était autrefois très centralisé, la décentralisation progressive est une condition préalable à l’instauration et à la gestion d’un environnement d’apprentissage efficace. Il ne suffit pas que le centre lâche prise, il faut aussi renforcer les capacités des établissements pour permettre aux enseignants et aux élèves de mieux s’approprier le processus d’apprentissage. Le Hongrois Zoltán Poór a réfléchi à la difficulté de former des personnalités autonomes, capables de se fixer des ambitions et objectifs précis, de définir le contenu de leur apprentissage et d’identifier leurs besoins. Un consensus s’est ainsi dégagé sur la désirabilité de nouvelles relations d’apprentissage dans l’école du XXIe siècle, mais aussi sur la lenteur de l’évolution : le modèle traditionnel – celui de l’enseignant devant sa classe – domine encore. Parallèlement, certains participants se sont demandé si des méthodes d’apprentissage plus ouvertes sont systématiquement préférables aux approches éprouvées et étroitement structurées. On ne peut préjuger de ce qui donne des résultats dans un cadre éducatif donné. Une partie de la difficulté qui se pose aux établissements est d’évaluer les approches à mesure qu’elles se présentent, d’être prêts à les adapter au vu de leurs résultats et de différencier les stratégies selon les contextes. En d’autres termes, les écoles elles-mêmes doivent savoir apprendre. Cela montre qu’il est important de veiller à ce que la formation initiale et continue des chefs d’établissement accorde une attention suffisante à la gestion de l’environnement d’apprentissage, qui implique un nouveau type de relations entre élèves, enseignants et chefs d’établissement. Tous doivent acquérir une plus grande autonomie : les apprenants autonomes doivent, par exemple, être capables de déterminer leurs objectifs et de sélectionner les outils qui leur permettront de les atteindre. Les enseignants, pour leur part, doivent assumer la responsabilité de leur travail et aider à élaborer les programmes, et ne plus seulement jouer le rôle d’agents du système. Enfin, les chefs d’établissement doivent pouvoir composer avec des personnels de compétences et d’attitudes diversifiées et réfléchir à leurs propres performances. Ainsi, les nouvelles démarches en matière de gestion des responsabilités à l’école sont liées aux approches de l’apprentissage des élèves. Dans leur fonction, les chefs d’établissement doivent avoir conscience que les facteurs liés à la participation peuvent contribuer à la motivation des enseignants et des élèves. Les données présentées lors du séminaire suggèrent qu’il n’existe
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pas de relation directe entre une fonction dirigeante forte et de bons résultats de la part des élèves. Les recherches australiennes présentées par Bill Mulford (le projet de recherche « LOLSO ») révèlent que les chefs d’établissement opèrent dans un tissu complexe de relations dans lesquelles une bonne direction favorise davantage un climat propice à l’apprentissage qu’elle n’incite directement les élèves à réussir. « L’apprentissage organisationnel », ou « une efficacité collective des enseignants » est la variable intermédiaire importante entre la direction et le travail des enseignants, puis « les résultats des élèves ». L’idée que les directeurs d’établissement ont une influence indirecte sur l’apprentissage, au lieu par exemple d’inspirer directement les élèves, pourrait paraître évidente ; pourtant, l’accent mis ces dernières années sur le rôle du chef d’établissement a conduit à placer des espoirs excessifs en un directeur charismatique. Cela a rarement apporté une solution pérenne aux écoles et s’est même parfois avéré contre-productif, car les réalisations de ces fortes personnalités tendent à se déliter après leur départ, sauf si leur démarche s’est appuyée sur la transformation des autres. Assurément, certains des exemples de gestion d’établissement scolaire les plus probants recensés dans l’étude de l’OCDE reposent sur un travail d’équipe. Mais, comme il a été noté lors du séminaire, cela ne signifie pas seulement constituer une équipe dirigeante soudée. Certains estiment que pour réussir, il faut impérativement confier aux enseignants ordinaires des responsabilités allant au-delà de leur classe pour qu’ils prennent part à la gestion du changement et s’en sentent parties prenantes. Dans ce contexte, la réforme la plus importante du ministre de l’Éducation hongrois a été la création d’un nouveau profil de carrière des enseignants, aménageant différents niveaux de responsabilités, de salaire et de statut à chaque étape de carrière. Deux idées-forces peuvent être rappelées. Premièrement, la qualité de la gestion et de la direction a une influence réelle sur les résultats des élèves ; deuxièmement, les chefs d’établissement doivent piloter ingénieusement dans un tissu complexe de relations, et non rechercher des solutions simplistes. Quel que soit leur niveau, ils doivent composer avec la complexité résultant de la multiplicité de parties prenantes et de processus concernés.
3. Gérer les écoles pour la complexité et le changement La deuxième session du séminaire s’est intéressée à la gestion des écoles dans le contexte de sociétés et de systèmes en rapide mutation, y compris dans les structures décisionnelles, où de nombreuses responsabilités ont été déléguées aux écoles. Dans ce nouvel environnement, les relations entre les établissements et les intérêts de la collectivité deviennent critiques, ce qui ajoute à la complexité de la mission de l’école. Ces difficultés ont fait l’objet
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d’une étude approfondie dans le rapport du CERI sur la gestion des écoles (ibid.), sur laquelle ce séminaire s’est largement appuyé. Comme l’a exposé l’un de ses principaux auteurs, Dale Shuttleworth, dans son introduction à la session, les écoles sont soumises à de nouvelles exigences politiques et sociétales, qui sont souvent à l’origine d’une impression de pression ou de crise continue. Il est fort possible que, du point de vue des chefs d’établissements, ces nouvelles exigences ne soient pas assorties du soutien et des ressources nécessaires pour les satisfaire. Pourtant, on observe aussi de nombreux cas instructifs d’écoles réagissant aux nouveaux défis en changeant réellement leurs méthodes de travail. Le gouvernement hongrois a récemment placé l’amélioration de l’enseignement scolaire au cœur de son programme Comenius 2000. Celui-ci apporte un cadre national aux initiatives prises au niveau des établissements, fondé sur l’hypothèse que les concepts d’assurance qualité élaborés dans l’industrie peuvent être adaptés et appliqués à l’école. L’un des aspects importants de cette approche est le recours à des consultants issus d’horizons très divers, notamment le secteur privé. Le programme fait appel à un modèle articulé autour de trois axes, dont les grands principes sont précisés : le premier est destiné à susciter l’adhésion aux objectifs définis en partenariat avec les collectivités locales pour répondre aux besoins. L’établissement devrait établir et mettre en place un système de gestion de la qualité reposant sur des documents écrits, qui couvre tous les processus susceptibles d’influencer les activités pédagogiques de l’établissement, avec des mécanismes appropriés d’évaluation, de retour d’informations et de contrôle. Le deuxième est la mise en place d’une gestion de qualité totale reposant sur la création d’organisations apprenantes, par laquelle la direction de l’établissement devrait sciemment développer sa culture organisationnelle en impliquant les membres du personnel, et ce à l’aide de systèmes et processus spécifiés. Le troisième est la diffusion de ce processus dans l’ensemble du système : la direction et le personnel de l’établissement devraient appliquer le cycle planifier-faire-vérifier-agir/normaliser-faire-vérifier-agir (PDCA-SDCA) dans tous les domaines du fonctionnement de l’établissement. Ces processus ne sont aucunement exclusifs à la Hongrie. Plusieurs pays ont tenté de faire appel à un éventail plus large d’expertise extérieure pour améliorer la qualité. Le système éducatif de la communauté flamande de Belgique, par exemple, tenait à ouvrir ses portes aux compétences extérieures. Les chefs d’établissement doivent avoir été préalablement formés à l’enseignement, mais ce peut être des personnes extérieures qui n’exercent plus ce métier et un cabinet privé de conseil en gestion a été invité à établir des descriptions de poste élaborées à partir de discussions avec un panel d’employeurs, de chefs d’établissement et d’enseignants. Le gouvernement du Royaume-Uni souhaite faire intervenir le secteur privé dans l’offre de services
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publics où il peut améliorer les performances, ce qui peut être sujet à controverses. Dans l’éducation, par exemple, des entreprises du secteur privé ont été invitées à offrir des services pour le compte des autorités éducatives locales en situation d’échec ou qui enregistrent des performances très insuffisantes. Récemment, trois écoles qui étaient en difficulté dans le comté du Surrey ont été confiées à des entreprises privées qui ont passé contrat avec l’autorité éducative locale pour améliorer les performances en contrepartie d’une commission annuelle de gestion. Élaborer un modèle de changement et le mettre en œuvre avec succès sont deux choses bien différentes. La discussion du séminaire a révélé diverses difficultés à surmonter. L’une est de s’ouvrir au monde extérieur. Les écoles peuvent bénéficier d’une coopération, certes avec d’autres établissements, mais aussi avec des acteurs extérieurs au secteur éducatif. Pourtant, cette coopération peut être difficile, pour des raisons qui ne tiennent pas seulement aux résistances culturelles. Par exemple, les consultants extérieurs doivent comprendre la complexité de l’enseignement et les contraintes de la politique éducative. Néanmoins, les participants étaient confiants dans les avantages potentiels que l’on peut obtenir en dépassant les sources de recrutement traditionnelles des chefs d’établissement. Un participant a suggéré que recruter des chefs d’établissement sans expérience professionnelle de l’enseignement pourrait avoir un double avantage : premièrement, il peut être plus facile de demander des comptes directs sur les résultats à des directeurs détachés du corps enseignant ; deuxièmement, leur présence pourrait aider les écoles à traiter avec certains de leurs partenaires extérieurs – par exemple d’autres organisations du secteur public comme les services sanitaires ou sociaux. Peut-être la plus grande difficulté réside-t-elle dans la démarche d’apprentissage des écoles en tant qu’organisations. Dans le cadre de la collaboration avec des partenaires du secteur éducatif, « l’apprentissage horizontal » auprès des collègues – au sein d’une même école et à l’extérieur – et donc la mise en réseau, est crucial. Mais pour qu’il devienne réalité, un important changement de culture est nécessaire : les enseignants doivent apprendre à coopérer bien plus avec leurs collègues que par le passé. L’approche systématique consistant à définir des objectifs, à analyser les moyens de les atteindre et à suivre ouvertement les progrès tout en tirant les leçons de ses erreurs exige une réelle détermination de la part des chefs d’établissement, car ce n’est pas une démarche traditionnelle. La politique éducative et les modalités de sa mise en œuvre ne facilitent pas toujours la tâche aux écoles car leurs efforts de développement organisationnels sont submergés par de nombreuses exig ences extérieures et pressions quotidiennes.
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3.1. Ouverture et responsabilisation… L’une des tensions importantes que génère la gestion de l’éducation en tant que service public vient de la nécessité de simultanément produire les résultats désirés et d’être ouvert sur les processus par lesquels ces résultats sont obtenus. L’auto-évaluation sincère, indispensable à une organisation apprenante, peut créer des problèmes à des organismes responsables à l’égard du public, qui peuvent être accusés d’échec, mais ont en même temps des difficultés à garder leur fonctionnement secret. Les réponses nationales à ces dilemmes sont diverses. Dans certains pays, les informations destinées au suivi interne restent confidentielles, tandis que dans d’autres, la loi exige de publier les résultats. La revendication du « droit de savoir » du public peut accélérer la transition de la première situation à la seconde. Ainsi, aux PaysBas, un journal a intenté un procès pour contraindre les établissements à publier les résultats d’un exercice comparatif qui n’étaient pas destinés à être communiqués au public. Les débats du séminaire ont laissé entrevoir deux pistes pour résoudre ce problème. La première est de mettre au point des outils d’évaluation plus cohérents avec les objectifs des écoles. La publication des performances brutes des élèves peut parfois créer des incitations perverses si elles ne s’accompagnent pas de mesures plus larges des résultats. Le Programme de l’OCDE pour le suivi des acquis des élèves (PISA), qui inclut des mesures des caractéristiques des élèves en tant qu’apprenants, est un pas dans cette direction, mais un ensemble encore plus large d’indicateurs inclurait les résultats non cognitifs de l’éducation. Même avec des instruments d’évaluation parfaitement adaptés à ses objectifs, une école peut quand même être découragée d’examiner honnêtement ses performances dans le cadre du processus d’amélioration. Une deuxième partie de la solution doit donc résider dans une représentation plus constructive de l’échec, comme c’est parfois le cas dans le secteur privé. Pour que l’échec soit considéré comme une composante normale du processus d’apprentissage, un nouveau discours politique devrait appréhender les initiatives prises dans les systèmes ou les établissements comme une partie intégrante d’un processus d’apprentissage continu, au lieu de « vendre » chaque nouvelle idée comme une recette infaillible de succès. Des progrès ont été accomplis dans ce sens ces dernières années, mais il faut encore progresser en élaborant un ensemble d’instruments sophistiqués permettant de se corriger et de tirer les leçons des échecs dans un environnement ouvert.
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3.2. … Expérimentation et innovation ●
« Nous structurons encore l’enseignement dans la classe autour d’un modèle bâti au XIXe siècle, qui repose sur des classes avec un professeur unique et des leçons de courte durée. Nous devons tester d’autres modèles pour déterminer ce qui donne de bons résultats » ;
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« Les enseignants sont constamment soumis à de nouvelles mesures et au changement. La plupart de ces initiatives ne tiennent pas leurs promesses ou sont très vite remplacées par une nouvelle mode ».
Ces deux attitudes (paraphrasées) présentent des points de vue conflictuels quant à la désirabilité d’une transformation radicale de nos systèmes éducatifs. D’une part, elle est jugée urgente et incontournable ; d’autre part, les écoles accomplissent déjà d’énormes tâches en socialisant les enfants et en apportant de la stabilité dans des communautés souvent fragiles. Il n’est certainement pas aisé de repenser totalement la logistique et les méthodes d’enseignement sans mettre en danger cet ensemble stable de fonctions, mais il ne faut pas non plus nier la valeur du changement. Dans sa réflexion autour de ce dilemme, le séminaire s’est attaché aux distinctions qu’il convient d’opérer entre des initiatives fragmentaires et un processus d’expérimentation véritable. Dans les phases pilotes des initiatives politiques, par exemple, les gouvernements, les autorités locales ou les écoles doivent être prêts à renoncer à ce qui ne fonctionne pas et à bâtir sur ce qui donne de bons résultats. Il faut pour cela accepter qu’une nouvelle idée pédagogique, si intuitivement attrayante soit-elle, n’est pas assurée de fonctionner ou d’être adaptée à toutes les circonstances. Quant à l’évaluation, elle peut prendre si longtemps si elle est réalisée avec rigueur que lorsqu’elle est publiée, elle a peu d’influence sur le projet concerné. De nouvelles approches sont nécessaires pour pouvoir évaluer l’effet des changements de manière réellement indépendante, mais dans des délais suffisamment courts. Le mode de diffusion des innovations concluantes est un problème apparenté au précédent. Le modèle hongrois met fortement l’accent sur la diffusion active à l’intérieur du système, tout comme le font des initiatives comme les Beacon Schools au Royaume-Uni. Mais l’impératif de changement systémique et de diffusion des meilleures pratiques est-il conciliable avec l’autonomie locale ? La solution à ce nœud gordien réside repose en grande partie dans la force et la réussite des mécanismes de mise en réseau. L’une des grandes tâches des gouvernements est de construire et de soutenir ces liens, et non d’essayer d’imposer l’innovation par décret. Le séminaire a également révélé un certain enthousiasme pour la diffusion internationale des innovations fructueuses – les participants ont reconnu l’ampleur des changements intervenus depuis l’époque où les enseignements susceptibles d’être tirés de l’expérience des autres pays paraissaient accessoires. Ainsi, l’intérêt suscité par
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les comparaisons internationales présentées récemment par le PISA est une indication du caractère, certes national et local, mais déjà international, du cadre dans lequel est évalué le changement éducatif.
3.3. Problématique systémique : réforme et gouvernance La dernière session du séminaire de Budapest a été consacrée à l’horizon plus large de la gestion et de la gouvernance à l’échelle du système : la décentralisation et ses implications, et les grands courants de la réforme de la gestion publique liés à l’éducation. Ce thème recoupe le précédent car il est difficile de différencier le niveau « systémique » de la gestion publique de son niveau « organisationnel » surtout dans les systèmes décentralisés. La gouvernance a été entendue comme l’orientation formelle donnée aux écoles par les organes directeurs et les agences centrales, mais aussi comme la contribution des points de vue et intérêts des multiples partenaires d’un établissement à la gouvernance de ses actions et de ses objectifs. Dans son introduction à la session, le professeur Ron Glatter, de l’Open University au Royaume-Uni, a estimé que la gouvernance est une question qui, dans l’éducation, a reçu moins d’attention que la gestion : « Les théories du management sont fort nombreuses, celles sur la gouvernance sont rares ». Rappelant que la gouvernance est un sujet d’abord difficile, il a décrit un large éventail de dispositifs de gouvernance dans différents pays entrant dans la catégorie des marchés compétitifs, de la prise d’autonomie des écoles, de l’autonomie locale et du contrôle qualité. Ces quatre modèles ne se rencontrent pas sous leur forme pure, mais se combinent à différents degrés. Le modèle qui domine détermine le type de direction adapté – même si parfois, les chefs d’établissement se sentent tiraillés de tous côtés. Ce cadre soulève la question de la mesure dans laquelle ces différents modèles peuvent se faire concurrence, s’opposer ou coexister. Une grande partie de la discussion du séminaire s’est portée sur les avantages de la décentralisation, mais aussi sur les tensions qu’elle peut susciter. La gouvernance des écoles a été récemment décentralisée dans la plupart des pays. Dans certains, cette évolution a été noyée sous de nouvelles formes de mécanismes d’évaluation et d’obligations en matière de résultats et de responsabilités, définies au niveau central. Dans d’autres, notamment en Hongrie, on a craint que la décentralisation ait pu initialement accentuer les écarts de niveaux entre établissements et diminuer la capacité à réaliser les objectifs du système. Kari Pitkänen, du Conseil national de l’éducation de Finlande, a souligné combien l’éducation reste une affaire de politique publique, pour laquelle il existe une stratégie éducative nationale. On observe cependant l’émergence d’un programme supranational, allant à l’encontre de la tendance à la décentralisation. En ce qui concerne
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l’Europe, certains des principes sur lesquels repose cette évolution ont été exposés par Guy Haug, de la Commission européenne, en particulier ceux qui ont trait à des objectifs essentiels comme le développement des aptitudes nécessaires à la société du savoir, le développement particulier des compétences en TIC et la nécessité de privilégier les sciences et la technologie. La poursuite de ce programme est laissée à l’appréciation des pays sur la base d’accords internationaux portant sur le partag e des fonctions, le développement d’instruments communs de suivi des progrès, le partage des informations et l’entente sur une action à l’échelle de l’Union lorsqu’il semble que celle-ci peut apporter une valeur ajoutée. Ces intérêts communs – tels que le séminaire de Budapest lui-même s’en fait l’écho – revêtent aujourd’hui une haute importance, et avec elle les pressions en faveur d’une coopération internationale, par exemple en matière de diffusion des pratiques exemplaires. Dans sa recherche de moyens pour concilier la décentralisation avec la qualité et les objectifs du système dans son ensemble, chaque pays doit inventer de nouvelles formes de relations. Le résultat, d’après un participant, est que le « recul de l’État » s’accompagne de « l’arrivée de nouvelles formes dispersées de contrôle » ; comme le disait un autre participant, « de tentatives de reprise de contrôle où la responsabilité a été dévolue ». Ce phénomène peut générer des pressions contradictoires et des tensions, ainsi que de multiples formes de gouvernance et de contrôle. Les mécanismes aujourd’hui nécessaires pour préserver la qualité sont très différents de ceux qu’il fallait autrefois. Le modèle hongrois, qui consiste à mettre en place des processus de gestion de la qualité dans certaines écoles, puis à diffuser les pratiques probantes, est très éloigné d’un système centralisé. Cependant, quand il s’agit de savoir qui décide, par exemple, du contenu des programmes, aucun modèle stable n’a encore émergé. La Finlande tend aujourd’hui à accorder une bien plus grande autonomie aux écoles en matière de programmes, tandis que d’autres pays comme le Royaume-Uni ont opté pour un modèle centralisé, même s’ils recherchent aujourd’hui des solutions pour encourager la diversité locale. La position des autorités locales et des autres organes situés entre l’État et l’école est devenue incertaine. Si certains participants les voient comme d’utiles médiateurs entre exigences centrales et priorités locales, ce niveau intermédiaire a perdu de l’importance dans de nombreux pays. D’autres formes de médiation existent, comme le médiateur hongrois pour l’éducation, dont la fonction mérite davantage d’attention. Enfin, les conseils et autres organes administrant directement les écoles, qui sont les mécanismes de participation des collectivités locales à la gestion des établissements, n’ont pas été suffisamment étudiés. Ils jouent un rôle essentiel, notamment en impliquant les collectivités locales dans la gestion des écoles. Pour le chef d’établissement, diriger une école implique de négocier avec des pouvoirs multiples qui sont chacun partie prenante dans la gouvernance de l’éducation, au lieu d’affirmer
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simplement l’autonomie de l’école comme unité indépendante ou de suivre les ordres d’une autorité unique.
4. Perspectives Ce séminaire a souligné qu’il est impossible de séparer l’amélioration des modes d’apprentissage des élèves de la manière dont les écoles elles-mêmes se développent en tant qu’organisations apprenantes. Les écoles sont certes des entités complexes, mais elles ne sont pas les seules et il existe une marge de manœuvre pour adapter au monde éducatif des modèles de changement élaborés dans d’autres secteurs complexes, tant publics que privés. De multiples pressions pèsent sur les systèmes éducatifs, ce qui suscite de vives tensions pour ceux qui les gèrent. En l’absence de voie toute tracée et de modèle pédagogique idéal, de structures éducatives ou de composantes déterminantes pour le succès ou l’échec de l’école, le changement ne saurait être une progression linéaire vers des modèles précis élaborés à l’avance ; il doit être au contraire un cheminement sur une voie dont le tracé est constamment affiné. Cela dit, on peut raisonnablement compter sur des repères stables, comme le caractère indispensable d’un véritable travail d’équipe participatif dans la gestion de toute école performante au lieu de s’en remettre au charisme de quelques chefs d’établissement. Associer l’ensemble du personnel n’exclut pas les relations hiérarchiques, mais ne peut se faire en l’absence d’un sentiment partagé de la mission et des responsabilités. Deux tensions ressortent plus particulièrement sur la voie à suivre. La première est entre l’évaluation constructive et la responsabilité. Les organisations peuvent-elles apprendre efficacement lorsqu’elles sont sous les projecteurs ? Une attitude plus tolérante à l’égard de l’expérimentation à court terme (et donc de la possibilité d’un échec) pourrait aider, mais au niveau politique, il est difficile d’y parvenir. Deuxièmement, il existe une tension évidente entre la transformation radicale qui peut être nécessaire pour susciter un « apprentissage réel » et la nécessité de préserver des systèmes stables et viables pour instruire les enfants. Hormis les résistances politiques à une transformation radicale, l’échelle et la complexité de l’entreprise éducative freinent, en pratique, la rapidité de réalisation de ce changement. Et qu’en est-il des personnes qui devront suivre cette voie et en adapter le tracé en chemin ? Il faut aujourd’hui bien plus qu’un responsable des aspects pédagogiques, il faut une personne capable de faire fonctionner des systèmes complexes – d’écouter, de négocier et de diriger, sans perdre de vue les objectifs et valeurs fondamentaux de l’organisation. En fait, une meilleure compréhension des principes de bonne gestion publique de la part de ceux qui travaillent dans les écoles et les systèmes éducatifs est peut être tout aussi importante qu’une meilleure appréhension des modes d’apprentissage des élèves.
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