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2 Diagnostic différentiel par arbres décisionnels Le diagnostic différentiel se situe au cœur de toute rencontre clinique initiale et il représente le début de tout projet thérapeutique. Le clinicien doit déterminer quels troubles sont des candidats possibles devant être pris en considération pour le diagnostic différentiel, puis choisir parmi eux le trouble (ou les troubles) qui rend(ent) le mieux compte du tableau clinique. Le problème principal rencontré dans le diagnostic différentiel est la tendance à vouloir conclure de manière précipitée pour arriver à un diagnostic inal. Des études en sciences cognitives ont montré que les cliniciens arrivent typiquement à une conclusion diagnostique dans les 5 premières minutes de leur rencontre avec le patient, et passent ensuite le reste du temps d’évaluation à interpréter (et souvent à interpréter faussement) les informations relevées, à travers le iltre de leurs a priori. Il peut être utile de formuler des impressions initiales car cela aide à suggérer les questions qui doivent être posées et les hypothèses qui doivent être testées. Malheureusement, les premières impressions peuvent être erronées – notamment parce que l’état actuel du patient peut ne pas reléter idèlement son évolution longitudinale. Un diagnostic correct requiert de prendre méthodiquement en considération tous les candidats possibles pour le diagnostic différentiel. La meilleure manière d’éviter de se précipiter prématurément vers une conclusion diagnostique est d’approcher le problème à partir d’en bas : c’est-à-dire en élaborant un diagnostic différentiel fondé sur les symptômes du tableau clinique. Cette section du manuel, qui comporte 29 arbres décisionnels orientés vers des symptômes, facilite ce processus. Chaque arbre décisionnel commence par un symptôme de présentation spéciique et fournit ensuite des points de décision pour déterminer par quel diagnostic ce symptôme peut être expliqué de la manière la plus satisfaisante. Pour tout patient donné, il peut être utile d’appliquer plusieurs arbres décisionnels (qui sont souvent tous pertinents). Dans plusieurs cas, le fait de suivre les arborescences de différents arbres décisionnels pertinents aboutira au même diagnostic, ce qui suggère que les symptômes du tableau clinique constituent en fait un seul syndrome. Dans d’autres cas, plus d’un diagnostic sera indiqué. La première étape dans l’utilisation de ces arbres décisionnels est de déterminer lequel s’applique au tableau clinique. Les listes d’arbres décisionnels qui igurent dans ce manuel sont organisées de trois façons différentes ain de faciliter le choix de l’arbre décisionnel pertinent. Deux listes sont présentées à la in de cette introduction du chapitre 2. La première liste répertorie les arbres décisionnels selon l’ordre des regroupements diagnostiques dans le DSM-5 (les arbres décisionnels liés aux tableaux neurodéveloppementaux sont classés en première place, ceux qui sont en rapport avec les tableaux psychotiques en deuxième place, et ainsi de suite). La deuxième liste est organisée selon la logique des domaines de l’examen de l’état mental (arbre décisionnel en rapport avec l’humeur/les affects, arbres ayant trait au comportement, et ainsi de 17
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suite). Enin, à la in du manuel, igurent un index alphabétique des arbres décisionnels, ainsi qu’un index alphabétique des tableaux pour le diagnostic différentiel qui sont présentés dans le chapitre 3. Tous les arbres décisionnels sont disposés d’une manière standardisée. Le symptôme de présentation pour chaque arbre décisionnel est indiqué en lettres grasses dans un cadre en haut à gauche. Les cadres situés tout à droite contiennent les diagnostics inaux, qui sont écrits sur un fond ombré entouré par une bordure épaisse ; ils indiquent tous les troubles qui doivent être pris en considération dans le diagnostic différentiel du symptôme de présentation. Les codes numériques entre parenthèses indiquent les tableaux de diagnostic différentiel correspondants dans le chapitre 3. Les cases intermédiaires sont des points de décision qui indiquent comment différents troubles sont conirmés ou exclus. Il faut étudier l’afirmation qui apparaît dans la case puis suivre la lèche « oui » si la réponse est positive et la lèche « non » si elle est négative. Parfois, des cases intermédiaires ne représentent pas véritablement des points de décision mais plutôt des conclusions diagnostiques intermédiaires et il n’est pas nécessaire dans ce cas de répondre par oui ou par non. Par exemple, l’arbre décisionnel de l’humeur élevée ou expansive (2.8) inclut des cases intermédiaires dans lesquelles la présence d’un épisode maniaque ou hypomaniaque est afirmée, ce qui relète le fait que les épisodes maniaques et hypomaniaques sont des concepts élémentaires qui entrent dans l’élaboration d’un diagnostic de trouble bipolaire de type I ou de type II. Il faut toujours garder présent à l’esprit le fait que les arbres décisionnels représentent seulement une synthèse du système diagnostique du DSM-5 et qu’ils sont un guide pour le diagnostic différentiel. Le jugement clinique reste toujours indispensable dans l’évaluation de chaque point de décision. De plus, une fois parvenu au terme d’un arbre décisionnel (c.-à-d. au « diagnostic inal »), il est important de passer en revue pour le trouble en question l’ensemble de critères dans le DSM-5 lui-même, ain de s’assurer que l’ensemble des critères pour ce trouble a bien été satisfait. Cette conirmation est nécessaire pour deux raisons. Premièrement, les arbres décisionnels ne contiennent qu’une version résumée des critères diagnostiques du DSM-5 au lieu du texte complet des critères. Deuxièmement, les arbres décisionnels incluent seulement des critères sélectionnés parmi l’ensemble des critères – c’est-à-dire les critères diagnostiques particuliers qui permettent de faire un choix entre divers troubles du DSM-5. Il est indispensable de passer en revue la totalité des groupes de critères du DSM-5 pour s’assurer que le cas clinique satisfait absolument toutes les caractéristiques diagnostiques requises ainsi que les exigences quant à l’évolution (p. ex. persistance, durée minimale) ; ces exigences ne sont généralement pas incluses dans les arbres décisionnels. De nombreux arbres décisionnels suivent un format standard reproduisant le raisonnement séquentiel qui est suivi quand on fait un diagnostic différentiel, comme cela a été détaillé dans le chapitre 1 de ce manuel. La première considération est de savoir si le symptôme donné résulte des effets directs de la consommation d’une substance (y compris un médicament) ou d’une affection médicale (étapes 2 et 3 dans le chapitre 1). Les étapes suivantes dans l’arbre décisionnel s’intéressent typiquement aux troubles mentaux primaires susceptibles d’expliquer le symptôme (étape 4). Les points de décision inaux dans la plupart des arbres décisionnels s’intéressent au diagnostic différentiel pour les tableaux cliniques qui ne sont pas conformes à un diagnostic spéciique dans le DSM-5 ou bien qui restent en deçà du seuil diagnostique. Ces points de décision permettent donc de différencier un trouble de l’adaptation, une catégorie résiduelle comme « autre trouble spéciié » ou « trouble non spéciié », ou bien de conclure à l’absence de trouble mental (étapes 5 et 6). L’étape importante qui est de déterminer
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si le symptôme de présentation a été feint ou simulé (comme dans la simulation ou les troubles factices) n’a pas été incluse dans la plupart des arbres décisionnels car, comme cela a été discuté à l’étape 1 du chapitre 1, cette tâche s’applique potentiellement à l’évaluation de tous les symptômes de présentation mais seulement dans certains contextes et dans des cas particuliers (p. ex. en médecine légale). Comme cela a été noté plus haut, l’ordre des 29 arbres décisionnels dans ce manuel correspond globalement à l’organisation des troubles dans le DSM-5. Les listes suivantes répertorient les arbres décisionnels classés 1) selon les regroupements diagnostiques du DSM-5 et 2) en fonction des domaines de l’examen de l’état mental.
Arbres décisionnels classés selon les regroupements diagnostiques du DSM-5 Tableaux neurodéveloppementaux 2.1 Mauvaises performances scolaires 2.2 Problèmes comportementaux chez un enfant ou un adolescent 2.3 Perturbations du discours 2.4 Inattention Schizophrénie et autres tableaux psychotiques 2.5 Idées délirantes 2.6 Hallucinations 2.7 Symptômes catatoniques Tableaux bipolaires 2.8 Humeur élevée ou expansive 2.9 Humeur irritable Tableaux dépressifs 2.10 Humeur dépressive 2.11 Idéation ou comportement suicidaires 2.12 Ralentissement psychomoteur Tableaux anxieux 2.13 Anxiété 2.14 Attaques de panique 2.15 Comportement évitant Tableaux en rapport avec des traumatismes et des facteurs de stress 2.16 Implication de traumatismes ou de facteurs de stress psychosociaux dans l’étiologie Tableaux avec des symptômes somatiques 2.17 Plaintes somatiques ou anxiété concernant une maladie/l’apparence Tableaux en rapport avec l’alimentation et l’ingestion d’aliments 2.18 Modiications de l’appétit et comportements alimentaires inhabituels Tableaux en rapport avec l’alternance veille-sommeil 2.19 Insomnie 2.20 Hypersomnolence
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Tableaux en rapport avec des dysfonctions sexuelles 2.21 Dysfonctions sexuelles chez la femme 2.22 Dysfonctions sexuelles chez l’homme Tableaux en rapport avec des comportements disruptifs, le contrôle des impulsions et des conduites 2.23 Comportement agressif 2.24 Impulsivité ou problèmes de contrôle des impulsions 2.25 Automutilations ou lésions auto-inligées Tableaux en rapport avec des substances 2.26 Usage excessif de substances Tableaux neurocognitifs 2.27 Pertes de mémoire 2.28 Altérations cognitives Tableaux ayant des étiologies médicales 2.29 Tableaux cliniques dus à des étiologies médicales
Arbres décisionnels classés selon les domaines de l’examen de l’état mental Humeur/affects 2.8 Humeur élevée ou expansive 2.9 Humeur irritable 2.10 Humeur dépressive 2.13 Anxiété 2.14 Attaques de panique Comportement 2.2 Problèmes comportementaux chez un enfant ou un adolescent 2.7 Symptômes catatoniques 2.11 Idéation ou comportement suicidaires 2.12 Ralentissement psychomoteur 2.15 Comportement évitant 2.23 Comportement agressif 2.24 Impulsivité ou problèmes de contrôle des impulsions 2.25 Automutilations ou lésions auto-inligées 2.26 Usage excessif de substances Cognition 2.4 Inattention 2.27 Pertes de mémoire 2.28 Altérations cognitives Discours/expression de la pensée 2.3 Peturbations du discours Contenu de la pensée 2.5 Idées délirantes 2.11 Idéation ou comportement suicidaires
Diagnostic différentiel par arbres décisionnels Perturbations des perceptions 2.6 Hallucinations Symptômes somatiques 2.14 Attaques de panique 2.17 Plaintes somatiques ou anxiété concernant une maladie/l’apparence Caractéristiques de la personnalité 2.24 Impulsivité ou problèmes dans le contrôle des impulsions 2.25 Automutilations ou lésions auto-inligées Sommeil/alimentation/sexe 2.18 Modiications de l’appétit et comportements alimentaires inhabituels 2.19 Insomnie 2.20 Hypersomnolence 2.21 Dysfonctions sexuelles chez la femme 2.22 Dysfonctions sexuelles chez l’homme Fonctionnement 2.1 Mauvaises performances scolaires Facteurs étiologiques 2.16 Implication de traumatismes ou de facteurs de stress psychosociaux dans l’étiologie 2.26 Usage excessif de substances 2.29 Tableaux cliniques dus à des étiologies médicales
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2.1 Arbre décisionnel pour les mauvaises performances scolaires Les mauvaises performances scolaires sont une manifestation très fréquente et peu spéciique de l’enfance et de l’adolescence. D’une part, le clinicien ne doit certainement pas penser que chaque mauvais élève souffre d’un trouble mental qui expliquerait ses mauvais résultats scolaires. D’autre part, la plupart des troubles mentaux (voire tous) survenant chez l’enfant ont un impact négatif probable sur les résultats scolaires et, très souvent, les plaintes concernant l’école sont le principal motif de consultation. La recherche des étiologies de mauvaises performances scolaires inclura habituellement des tests pour évaluer le QI total et pour rechercher des déiciences dans des compétences scolaires spéciiques (p. ex. lecture, mathématique, écriture, langage expressif et réceptif). Un diagnostic déinitif de trouble neurodéveloppemental selon le DSM-5 requiert que les dificultés d’apprentissage ou de communication soient de façon importante et quantiiable inférieures à ce qui serait attendu en fonction de l’âge de la personne et qu’elles interfèrent signiicativement avec le fonctionnement scolaire, professionnel ou social. L’étape suivante est une évaluation soigneuse de la présence de divers troubles mentaux pouvant avoir pour conséquence une altération des performances scolaires. Cela implique un recueil soigneux de l’anamnèse (en ayant également recours à des informations provenant des parents, des enseignants et des pédiatres), une observation clinique et la recherche du rôle éventuel d’un usage de substances. Par exemple, y a-t-il des déicits signiicatifs dans l’utilisation sociale de la communication verbale et non verbale (comme dans le trouble du spectre de l’autisme et dans le trouble de la communication sociale [pragmatique]) ? Y a-t-il des symptômes cliniquement signiicatifs d’inattention et/ou de comportements hyperactifs-impulsifs survenant dans au moins deux cadres différents (comme dans le déicit de l’attention/ hyperactivité) ? Y a-t-il un mode de comportements antisociaux comme l’école buissonnière (comme dans le trouble des conduites) ? Y a-t-il un refus de l’école fondé sur une incapacité de se séparer des igures d’attachement (comme dans l’anxiété de séparation) ? Comme les troubles neurodéveloppementaux et d’autres troubles mentaux surviennent souvent ensemble, il est important d’évaluer toutes les possibilités dans l’arbre décisionnel (ce qui peut nécessiter de repasser plusieurs fois par l’arbre décisionnel) et de porter tous les diagnostics qui semblent adaptés. La présence d’un trouble mental ne garantit pas qu’il soit la cause des problèmes scolaires. D’autres facteurs (p. ex. mauvaises habitudes de travail, temps excessif passé devant la télévision ou avec des jeux vidéo, manque de motivation, mauvais système scolaire, cadre défavorable à la maison ou dans le quartier) peuvent également jouer un rôle signiicatif. Parfois, le trouble psychiatrique est plutôt la conséquence que la cause des mauvaises performances scolaires (p. ex. trouble de l’adaptation, trouble oppositionnel avec provocation, trouble dépressif caractérisé).
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2.2 Arbre décisionnel pour les problèmes comportementaux chez un enfant ou un adolescent Une raison fréquente pour orienter un enfant ou adolescent vers un professionnel de santé mentale est la demande d’une évaluation et d’un traitement éventuel pour un problème comportemental qui est signalé. Il est bien évident, toutefois, que de nombreux problèmes comportementaux survenant chez des enfants ou des adolescents ne sont pas dus à un trouble mental. Dans certains cas, les problèmes comportementaux ne sont pas d’une sévérité ou d’une durée sufisante pour justiier un tel diagnostic. Dans d’autres cas, le problème est plus une perturbation des relations au sein de la famille qu’un problème lié principalement à l’enfant. Enin, il existe quelques problèmes comportementaux très sérieux (p. ex. utilisation d’armes à feu, vol à main armée, viol) qui surviennent pour des raisons qui sont en dehors du champ des troubles mentaux répertoriés dans le DSM-5 (p. ex. gains inanciers, statut, revanche). Les problèmes comportementaux qui débutent tôt dans l’enfance sont le plus souvent associés à un déicit de l’attention/hyperactivité, un trouble oppositionnel avec provocation, un trouble disruptif avec dysrégulation de l’humeur, un trouble du spectre de l’autisme, des mouvements stéréotypés et un handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel). Le diagnostic différentiel entre ces troubles est habituellement clair et il est déterminé par la considération des symptômes associés. L’apparition initiale des problèmes comportementaux à l’adolescence suggère fortement que des substances peuvent jouer un rôle important. Les problèmes comportementaux peuvent résulter des effets directs d’une substance sur le cerveau (comme dans l’intoxication par une substance), être un effet collatéral du trouble de l’usage de substances (p. ex. des activités illégales pour se procurer les produits) ou être motivés par l’appât du gain (p. ex. le projet de s’enrichir rapidement en vendant de la drogue). D’autres troubles qui débutent souvent chez des enfants plus grands ou chez des jeunes adolescents sont le trouble des conduites de type à début pendant l’adolescence (de meilleur pronostic que le type à début pendant l’enfance, survenant avant l’âge de 10 ans), le trouble dépressif caractérisé, le trouble bipolaire, la schizophrénie, la kleptomanie et la pyromanie. Le trouble des conduites apparaissant pendant l’enfance (c.-à-d. avant l’âge de 10 ans) est particulièrement inquiétant car il est associé à une incidence supérieure de violence, de mauvaises relations avec les pairs, et un risque majoré que l’enfant évolue vers une personnalité antisociale à l’âge adulte. Les problèmes comportementaux survenant en réponse un facteur de stress psychosocial suggèrent soit 1) un diagnostic de trouble stress post-traumatique ou trouble stress aigu si le facteur de stress est de nature particulièrement traumatique et si les problèmes comportementaux sont accompagnés par des symptômes de reviviscence intrusive liés aux événements traumatisants, un évitement de ce qui rappelle les événements et des modiications de la cognition, de l’humeur et de l’éveil, soit 2) un diagnostic de trouble de l’adaptation. Si les problèmes comportementaux n’ont pas été couverts par l’un des points de décision jusqu’à ce stade et s’ils sont cliniquement signiicatifs et représentent un dysfonctionnement psychologique ou biologique chez la personne, une catégorie résiduelle – « autre trouble disruptif, du contrôle des impulsions et des conduites, spéciié » ou bien « trouble disruptif, du contrôle des impulsions et des conduites, non spéciié » – s’applique. Le choix entre ces deux catégories dépend de la décision du clinicien de noter le tableau symptomatique dans le dossier (dans ce cas, le diagnostic « autre trouble disruptif, du contrôle des impulsions et des conduites, spéciié » est utilisé, suivi de la raison spéciique) ou pas (dans ce cas on a recours au diagnostic « trouble
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disruptif, du contrôle des impulsions des conduites, non spéciié »). Sinon, les perturbations comportementales peuvent être considérées comme problématiques sans indiquer pour autant un trouble mental ; elles peuvent alors justiier éventuellement un code V ou Z (selon que l’on emploie la CIM-9-MC ou la CIM-10-MC respectivement) pour le comportement antisocial de l’enfant de l’adolescent, qui est répertorié dans les « autres situations pourront faire l’objet d’un examen clinique » dans le DSM-5.
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2.3 Arbre décisionnel pour les perturbations du discours L’arbre décisionnel pour les perturbations du discours passe en revue trois types d’anomalies : la désorganisation du discours, les altérations de la production du langage et le discours insolite. La désorganisation du discours est caractérisée par le fait que la personne passe d’un sujet à l’autre, sans qu’il n’y ait de lien perceptible entre les différents thèmes, ou bien qu’elle fournisse des réponses à des questions qui n’ont qu’un lien indirect, voire aucun lien, avec les demandes de l’interlocuteur. Les altérations de la production du langage peuvent être en rapport avec des problèmes concernant l’acquisition ou l’utilisation du langage, la capacité d’articuler des mots de façon intelligible, ou la luidité du discours. Le discours insolite désigne des déiciences dans la compréhension ou le respect des règles de la communication verbale, un discours ralenti ou logorrhéique, ou un discours répétitif ou stéréotypé. La désorganisation du discours est l’un des symptômes les plus ardus à diagnostiquer car il n’existe pas de règles permettant de déterminer à partir de quel moment un discours est « désorganisé ». Ce jugement dépend en partie des capacités de compréhension du clinicien et des modes de production du langage du patient. De plus, personne ne parle constamment avec des phrases logiques, cohérentes et correctes grammaticalement. De nombreux cliniciens conirmés ou bien en formation ont tendance à diagnostiquer de façon excessive un « relâchement des associations » cliniquement signiicatif devant un discours légèrement illogique. Ce que l’on appelle « désorganisation du discours » dans cet arbre décisionnel doit avoir une intensité évidente pour tout observateur. Si l’on a des dificultés à décider si le discours du patient est désorganisé ou non, cela signiie que ce dernier ne doit probablement pas être considéré comme pathologique. Une fois que l’on a établi que la personne présente un discours désorganisé, altéré ou insolite, l’étape suivante consiste à déterminer, parmi plusieurs troubles mentaux possibles, lequel explique le mieux le tableau clinique. Cela impose habituellement d’évaluer le contexte et les symptômes associés. Une altération du discours causée par une affection médicale pourra conduire un diagnostic d’aphasie, d’état confusionnel, ou de trouble neurocognitif majeur ou mineur, en fonction des autres symptômes associés. L’altération du discours dans l’état confusionnel est accompagnée par une perturbation de l’attention et de la conscience, tandis que l’altération du discours dans le trouble neurocognitif majeur ou mineur est associée à d’autres déicits cognitifs. Une aphasie (altération de la compréhension ou de la transmission des idées par la parole, causée par une lésion ou une maladie des centres cérébraux impliqués dans le langage) qui survient en l’absence d’autres symptômes cognitifs peut être diagnostiquée avec le code 784.3 dans la CIM-9-MC (ou bien avec le code R47.10 selon la CIM-10-MC). La désorganisation du discours est une manifestation courante de l’usage de substances. Un diagnostic d’intoxication par une substance ou de sevrage d’une substance sufira habituellement, mais une désorganisation grave du discours suggère un diagnostic d’état confusionnel dû à l’intoxication par une substance ou au sevrage d’une substance, ou un trouble neurocognitif majeur induit par une substance/un médicament sous-jacent. Le diagnostic différentiel de la désorganisation du discours dans un épisode maniaque et celle dans la schizophrénie ont fait l’objet de nombreux débats. La désorganisation du discours dans un épisode de schizophrénie (p. ex. ce que l’on appelle relâchement des associations) est théoriquement distinguée de la « fuite des idées » dans la manie par le fait que, dans cette dernière, l’observateur peut parvenir
2.3 Arbre décisionnel pour les perturbations du discours
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à suivre l’enchaînement des idées. En principe au moins, on peut discerner comment le patient est passé d’un thème à l’autre dans la fuite des idées, alors que les « déraillements » dans le discours des patients souffrant de schizophrénie sont beaucoup moins compréhensibles. Bien que cette distinction puisse être utile dans les cas les plus classiques, il existe de nombreuses situations incertaines où il est dificile, voire impossible, de différencier un relâchement des associations d’une fuite des idées. De même, bien qu’un discours logorrhéique ou accéléré soit souvent caractéristique de la manie, le discours d’un patient souffrant de schizophrénie, qui est excité ou agité, peut également être débordant. Il est donc plus judicieux de fonder le diagnostic différentiel entre la schizophrénie et les épisodes maniaques sur les symptômes associés et sur l’évolution globale plutôt que sur une appréciation isolée des types de discours. L’arbre décisionnel comporte également les diagnostics différentiels pour plusieurs troubles qui sont caractérisés par une altération du langage apparaissant durant le développement. Un diagnostic de trouble du langage peut être justiié si la personne a des symptômes comme une dificulté à comprendre des mots, des phrases ou des types particuliers de mots, un vocabulaire manifestement limité et/ou des dificultés à former des phrases. Des dificultés avec la production de phonèmes interférant avec l’intelligibilité du discours peuvent justiier un diagnostic de trouble de la phonation. Des perturbations de la luidité verbale et du rythme de la parole ne correspondant pas à l’âge du sujet et aux compétences langagières suggèrent un diagnostic de trouble de la luidité verbale apparaissant durant l’enfance (bégaiement). On observe dans le trouble du spectre de l’autisme et dans le trouble de la communication sociale (pragmatique) des déicits dans l’utilisation sociale de la communication verbale et non verbale. Ces problèmes peuvent se manifester par le fait que la personne a des dificultés à comprendre et à suivre les règles sociales de la complication verbale et non verbale dans des contextes naturels, à changer de registre de langage en fonction des besoins de l’interlocuteur ou selon la situation, et à suivre les règles pour une conversation ou pour raconter une histoire. Des émissions vocales inappropriées dans le contexte d’un discours qui est par ailleurs normal suggèrent des tics.
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2.3 Arbre décisionnel pour les perturbations du discours
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2.4 Arbre décisionnel pour l’inattention
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2.4 Arbre décisionnel pour l’inattention L’inattention désigne l’incapacité d’éliminer des stimuli étrangers lorsque l’on essaye de se concentrer sur une tâche ou sur une activité particulière. Il s’agit d’un symptôme très peu spéciique qui survient dans une large gamme de troubles mentaux, ainsi que chez des personnes indemnes de trouble mental. Le diagnostic différentiel repose sur l’âge de début, la sévérité, les symptômes associés à l’inattention, et sur le fait qu’il s’agit ou non d’une réaction à un facteur de stress externe. Une inattention cliniquement signiicative apparaissant durant la petite enfance suggère un diagnostic de déicit de l’attention/hyperactivité. Une inattention qui apparaît à l’adolescence suggère plusieurs diagnostics possibles, notamment la récurrence d’intoxications par une substance ou de sevrages d’une substance, un trouble dépressif caractérisé ou bipolaire, et une schizophrénie. Quand l’inattention apparaît plus tard dans la vie, il est particulièrement important d’envisager le rôle étiologique possible d’un médicament, d’une drogue donnant lieu à abus, ou d’une affection médicale. Il faut envisager le diagnostic d’état confusionnel (delirium) lorsque l’inattention est grave et qu’elle est associée à d’autres symptômes cognitifs ou perceptuels (p. ex. désorientation, hallucinations). La caractéristique distincte d’un état confusionnel est une perturbation de l’attention et de la conscience – le patient est incapable d’évaluer ou de répondre de manière adaptée à l’environnement externe, d’éliminer les stimuli non pertinents, et de suivre des instructions ou de répondre à des questions. Comme l’état confusionnel est souvent une urgence médicale, il est capital d’identiier (puis de corriger) les facteurs étiologiques sous-jacents qui peuvent être liés à une affection médicale, à l’usage d’une substance (y compris les effets secondaires des médicaments) ou à l’association de ces différents facteurs. L’inattention est rarement le symptôme de présentation de troubles autres que le déicit de l’attention/hyperactivité ou l’état confusionnel. L’évaluation du diagnostic différentiel dépend des symptômes associés (p. ex. une humeur élevée dans l’épisode maniaque, une anxiété et des soucis excessifs dans l’anxiété généralisée, des symptômes psychotiques persistants dans la schizophrénie). Il est également toujours utile de déterminer si le patient a été confronté à des facteurs de stress psychosociaux qui peuvent entraîner ou aggraver l’inattention. Enin, chacun de nous a des capacités diverses à éliminer les stimuli étrangers de l’environnement. De plus, la nature et le niveau des stimulations caractéristiques de l’environnement peuvent augmenter ou bien réduire notre capacité à maintenir notre attention. On ne peut répondre à la question de savoir si une manifestation donnée d’inattention relète un trouble mental ou bien doit être considérée comme faisant partie de la normalité qu’en prenant en compte sa sévérité et sa persistance et en recherchant si elle entraîne une détresse ou une altération du fonctionnement cliniquement signiicatives.
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2.4 Arbre décisionnel pour l’inattention
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2.5 Arbre décisionnel pour les idées délirantes Une erreur fréquente concernant le diagnostic différentiel des idées délirantes consiste à supposer qu’une croyance qui est inhabituelle (au moins du point de vue du clinicien) est nécessairement une idée délirante. Cette erreur peut être évitée grâce à une application rigoureuse de la déinition des idées délirantes selon le glossaire du DSM-5 : Croyance erronée fondée sur une déduction incorrecte concernant la réalité extérieure, fermement soutenue en dépit de l’opinion très généralement partagée et de tout ce qui constitue une preuve incontestable et évidente du contraire. Il ne s’agit pas d’une croyance habituellement acceptée par les autres membres du groupe ou du sous-groupe culturel du sujet (p. ex. il ne s’agit pas d’un article de foi religieuse). Quand une croyance erronée implique un jugement de valeur, on ne la considère comme une idée délirante que si le jugement est tellement excessif qu’il dépasse toute crédibilité. Il est souvent dificile de distinguer une idée délirante d’une idée surinvestie (dans laquelle une croyance ou une idée déraisonnable existe mais sans être aussi fermement soutenue que dans le cas d’une idée délirante). (DSM-5, p. 970)
Il est utile de garder à l’esprit certains aspects de cette déinition lorsque l’on tente de déterminer si un patient présente des idées délirantes. Les convictions délirantes sont hermétiques à des preuves indiscutables sur leur manque de plausibilité, et la personne reste totalement persuadée de leur véracité, en rejetant d’emblée d’autres explications possibles. Avant de décider si une croyance est assez igée et fausse pour être considérée comme une idée délirante, on doit d’abord chercher s’il y a une erreur importante dans le système de déductions et dans l’interprétation de la réalité et déterminer ensuite l’intensité de cette conviction. Il peut être utile de discuter longuement avec le patient à propos de ses convictions parce que c’est souvent uniquement dans les détails que les erreurs d’attribution deviennent apparentes. Lorsque l’on évalue la force de la conviction délirante, il faut proposer des explications alternatives (p. ex. la possibilité que des appels téléphoniques où l’interlocuteur raccroche tout de suite sont le fait de personnes qui ont composé un numéro erroné). Le patient qui ne peut même pas envisager la possibilité de ces explications est fort probablement délirant. Il convient de noter que l’évaluation des croyances religieuses en tant qu’idées délirantes est un sujet particulièrement sensible car on ne peut pas typiquement établir que des croyances religieuses sont « vraies » ou « fausses » et elles ne peuvent pas donc être remises en question avec des preuves incontestables ou avec la preuve du contraire. Dans ces cas, le clinicien doit tenir compte des paramètres du système de croyance qui est caractéristique pour la religion de la personne et déterminer si les croyances de cette dernière présentent des écarts importants par rapport à ce qui serait considéré comme « normal » dans sa religion. Si le clinicien n’a pas une bonne connaissance des croyances religieuses ou culturelles caractéristiques du milieu du patient, il est souvent nécessaire qu’il consulte d’autres personnes familiarisées avec la culture et la religion du sujet, ain d’éviter de porter un diagnostic erroné d’idée délirante devant une croyance religieuse. Comme il est indiqué dans la première étape de cet arbre décisionnel, les croyances ixes qui sont sanctionnées par la culture ou la religion de cette personne ne doivent pas être considérées comme des idées délirantes. Une fois que l’existence d’une idée délirante est établie, la tâche suivante consiste à déterminer de quel trouble il s’agit parmi les nombreuses possibilités du DSM-5. La forme et le thème particuliers d’une idée délirante sont beaucoup moins importants
2.5 Arbre décisionnel pour les idées délirantes
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pour le diagnostic que le contexte dans laquelle elle se produit. L’erreur de diagnostic la plus fréquente ici est de négliger le rôle très important des substances (y compris des médicaments) et des affections médicales dans l’étiologie des idées délirantes. Chez les jeunes patients présentant des idées délirantes, il est important d’exclure un abus de substances au moyen d’une anamnèse minutieuse et d’un dépistage de drogues. L’apparition d’idées délirantes à un âge avancé doit toujours attirer l’attention vers une éventuelle affection médicale sous-jacente ou des effets secondaires de médicaments. Une fois que des étiologies telles qu’une affection médicale ou une substance ont été écartées, la tâche suivante consiste à déterminer si des symptômes thymiques cliniquement signiicatifs sont également présents. La présence d’un épisode maniaque ou dépressif caractérisé évoque la possibilité que les idées délirantes font partie d’un trouble bipolaire de type I avec caractéristiques psychotiques, d’un trouble bipolaire de type II avec caractéristiques psychotiques, d’un trouble dépressif caractérisé avec caractéristiques psychotiques, ou d’un trouble schizoaffectif. Le diagnostic différentiel dans ce cas dépend de la relation temporelle entre les idées délirantes et les épisodes thymiques. Si les idées délirantes sont limitées exclusivement aux épisodes thymiques, alors le diagnostic est trouble bipolaire de type I avec caractéristiques psychotiques, ou trouble bipolaire de type II avec caractéristiques psychotiques, ou trouble dépressif caractérisé avec caractéristiques psychotiques. En revanche, si les idées délirantes et autres symptômes psychotiques se produisent aussi avant ou après les épisodes thymiques, le diagnostic pourrait être la schizophrénie, le trouble schizophréniforme, le trouble délirant ou le trouble schizoaffectif, en fonction du chevauchement entre les épisodes thymiques et les idées délirantes, et de la durée relative des épisodes thymiques par rapport aux idées délirantes. Le diagnostic porté est la schizophrénie, le trouble schizophréniforme ou le trouble délirant soit s’il n’y a pas de période de chevauchement entre les épisodes thymiques et les idées délirantes, soit, quand il y a une période de chevauchement, si les épisodes thymiques sont présents pendant une part mineure de la durée totale de la psychose (p. ex. plusieurs mois d’épisodes thymiques pendant une perturbation psychotique chronique durant plusieurs années). En revanche, le diagnostic porté est celui du trouble schizoaffectif si les épisodes thymiques se chevauchent avec les épisodes délirants et si les épisodes thymiques sont présents la plupart du temps par rapport à la durée totale de la psychose (p. ex. une affection psychotique pendant 2 ans avec 1 an ½ de symptômes thymiques). À noter que dans certains cas de schizophrénie, de trouble schizophréniforme ou de trouble délirant dans lesquels il y a des épisodes thymiques qui soit 1) ne se chevauchent pas avec les symptômes psychotiques, soit 2) ne sont présents que pendant une part mineure de la durée totale de la psychose, on peut porter un diagnostic de comorbidité de trouble bipolaire de type I, de trouble bipolaire de type II ou de trouble dépressif caractérisé. On note ce changement par rapport au DSM-IV-TR, du fait que la hiérarchie entre schizophrénie – trouble schizophréniforme – trouble délirant et trouble bipolaire – trouble dépressif caractérisé a été éliminée dans le DSM-5, rendant possible pour un individu d’avoir deux diagnostics comorbides : 1) schizophrénie, trouble schizophréniforme ou trouble délirant et 2) trouble bipolaire ou trouble dépressif caractérisé. Une fois que des épisodes thymiques signiicatifs ont été éliminés, le diagnostic différentiel dépend du schéma des symptômes et de leur durée. La distinction entre la schizophrénie et le trouble délirant est généralement fondée sur la présence dans la schizophrénie d’un ou plusieurs autres symptômes caractéristiques (p. ex. des hallucinations, un discours désorganisé, un comportement grossièrement désorganisé ou catatonique, des symptômes négatifs). La durée de l’épisode est la caractéristique qui différencie la schizophrénie (une durée de plus de 6 mois), du trouble schizophréniforme (une durée entre 1 et 6 mois) et du trouble psychotique bref (moins de 1 mois).
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2.5 Arbre décisionnel pour les idées délirantes
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2.6 Arbre décisionnel pour les hallucinations Les hallucinations sont des perceptions sensorielles qui surviennent sans stimulus externe. Lorsque l’on tente de déterminer l’étiologie d’une hallucination, il est important de considérer la modalité sensorielle concernée (c.-à-d. si l’hallucination est auditive, visuelle, gustative, olfactive ou tactile). En règle générale, les hallucinations visuelles, gustatives et olfactives sont en faveur d’une étiologie en lien avec l’utilisation d’une substance ou avec une affection médicale et requièrent un bilan médical approfondi. De la même façon, un début tardif des hallucinations, quelles que soient les modalités de celles-ci, impose un bilan médical particulièrement approfondi. Les hallucinations peuvent survenir dans plusieurs situations : dans le contexte d’un état confusionnel (delirium) (induit par une substance/un médicament ou dû à une affection médicale), dans le contexte d’un trouble neurocognitif majeur ou léger dû à une autre affection médicale (auquel cas on doit utiliser la spéciication « avec perturbations du comportement »), en l’absence de déicit cognitif associé, comme conséquence physiologique directe de l’effet d’une substance ou d’une affection médicale (on porte alors le diagnostic de trouble psychotique induit par une substance/un médicament ou de trouble psychotique dû à une affection médicale) ou comme une caractéristique typique d’un syndrome d’intoxication ou de sevrage d’une substance. Après avoir éliminé une affection médicale ou une substance comme facteur étiologique, on doit considérer l’éventualité que l’hallucination est un symptôme d’un trouble psychotique. Il existe quatre circonstances dans lesquelles les « hallucinations » ne doivent pas orienter le diagnostic vers un trouble psychotique : 1) celles qui surviennent dans le contexte d’une conversion (ce que l’on appelle des pseudo-hallucinations), qui ont tendance à toucher plusieurs modalités sensorielles en même temps et à avoir des contenus psychologiquement compréhensibles, présentées au clinicien sous la forme d’une histoire intéressante ; 2) les expériences hallucinatoires qui font partie d’un rituel religieux ou sont une expérience culturellement acceptée (p. ex. entendre la voix d’un parent décédé donnant des conseils) ; 3) les hallucinations induites par des substances qui surviennent dans le contexte d’une perception intacte de la réalité (p. ex. un sujet conscient que les perturbations perceptuelles sont dues à une utilisation récente d’hallucinogènes) ; et 4) les hallucinations hypnopompiques ou hypnagogiques qui surviennent au début ou à la in d’épisodes de sommeil. La tâche suivante consiste à déterminer si des symptômes thymiques cliniquement signiicatifs sont présents et, le cas échéant, la relation entre les hallucinations et les symptômes thymiques. La présence d’un épisode maniaque ou dépressif caractérisé soulève la possibilité que les hallucinations font partie d’un trouble bipolaire de type I avec caractéristiques psychotiques, d’un trouble bipolaire de type II avec caractéristiques psychotiques, d’un épisode dépressif caractérisé avec caractéristiques psychotiques ou d’un trouble schizoaffectif. Dans ce cas, le diagnostic différentiel dépend de la relation chronologique entre les hallucinations et les épisodes thymiques. Si les hallucinations surviennent uniquement pendant les épisodes thymiques, on porte le diagnostic de trouble bipolaire de type I avec caractéristiques psychotiques, de trouble bipolaire de type II avec caractéristiques psychotiques ou d’épisode dépressif caractérisé avec caractéristiques psychotiques. De telles hallucinations peuvent être congruentes à l’humeur (p. ex. des voix accusatrices et punitives chez un individu déprimé) ou non congruentes à l’humeur (c.-à-d. des hallucinations qui n’ont pas de lien avec l’humeur dominante). En revanche, si les hallucinations ou les autres symptômes psychotiques surviennent avant ou après les épisodes thymiques, on peut porter les diagnostics de
2.6 Arbre décisionnel pour les hallucinations
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schizophrénie, de trouble schizophréniforme ou de trouble schizoaffectif, en fonction du chevauchement entre les épisodes thymiques et les hallucinations, et de la durée relative des épisodes thymiques par rapport à la durée totale du trouble psychotique. On porte le diagnostic de schizophrénie ou de trouble schizophréniforme s’il n’y a pas de chevauchement entre les épisodes thymiques et les hallucinations ou, en cas de chevauchement, si les épisodes thymiques ont été présents pendant une part mineure de la durée totale de la psychose (p. ex. quelques mois d’épisodes thymiques dans le cadre d’un trouble psychotique chronique durant plusieurs années). En revanche, on porte le diagnostic de trouble schizoaffectif si les épisodes thymiques se chevauchent avec les hallucinations et si les épisodes thymiques sont présents pendant une part majeure de la durée totale de la perturbation (p. ex. une perturbation psychotique de 2 ans avec 1 an ½ de symptômes thymiques). Il convient de noter que dans certains cas de schizophrénie ou de trouble schizophréniforme durant lesquels soit 1) les épisodes thymiques ne se chevauchent pas avec les symptômes psychotiques, soit 2) tous les épisodes thymiques sont présents pendant une durée mineure par rapport à la durée totale de la perturbation psychotique, on peut porter le diagnostic de comorbidité de trouble bipolaire ou de trouble dépressif caractérisé. Cela est un changement par rapport au DSM-IV-TR, dans le sens où la hiérarchie entre la schizophrénie et le trouble bipolaire/trouble dépressif caractérisé a été éliminée dans le DSM-5, rendant possible la comorbidité entre la schizophrénie et le trouble bipolaire ou le trouble dépressif caractérisé. Les illusions sont différentes des hallucinations ; l’illusion est une perception erronée d’un stimulus réel. Lorsque des illusions surviennent en l’absence d’hallucinations, elles ne sont pas considérées comme un symptôme psychotique et suggèrent plutôt un état confusionnel (delirium), une intoxication par une substance ou un sevrage d’une substance, une personnalité schizotypique ou l’absence d’un trouble mental.
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2.6 Arbre décisionnel pour les hallucinations
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2.7 Arbre décisionnel pour les symptômes catatoniques
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2.7 Arbre décisionnel pour les symptômes catatoniques Les symptômes catatoniques traités ici comprennent la stupeur (c.-à-d. pas d’activité psychomotrice, pas de relation active avec l’environnement), la catalepsie (c.-à-d. induction passive d’une posture maintenue contre la gravité), la lexibilité cireuse (c.-à-d. résistance légère ou nette lors du positionnement induit par l’examinateur), le mutisme (c.-à-d. absence ou quasi-absence de réponse verbale), le négativisme (c.-à-d. opposition ou absence de réponse à des instructions ou des stimuli extérieurs), la prise de posture (c.-à-d. maintien actif, contre la pesanteur, d’une posture adoptée spontanément), le maniérisme (c.-à-d. caricatures bizarres ou solennelles d’actions ordinaires), les stéréotypies (c.-à-d. mouvements non dirigés vers un but, répétitifs et anormalement fréquents), l’agitation (non inluencée par des stimuli externes), l’expression faciale grimaçante, l’écholalie (c.-à-d. répétition des paroles d’un autre), et l’échopraxie (c.-à-d. reproduction des mouvements d’un autre). La tâche initiale consiste à déterminer s’il existe un « syndrome » catatonique. Cela peut être dificile du fait qu’un certain nombre de manifestations peuvent ressembler à d’autres types de symptômes caractéristiques de divers troubles du DSM-5 (p. ex. l’excitation catatonique peut ressembler à l’agitation psychomotrice d’un épisode maniaque ou dépressif caractérisé, la stupeur catatonique peut ressembler au ralentissement psychomoteur extrême d’un épisode dépressif caractérisé ou d’un état confusionnel [delirium], le mutisme catatonique peut ressembler à l’alogie et à l’aboulie de la schizophrénie). La distinction entre ces troubles repose en partie sur le contexte dans lequel les symptômes surviennent (c.-à-d. la présence des multiples symptômes catatoniques versus la présence des symptômes caractéristiques d’un autre trouble) et sur la présentation (c.-à-d. que les sujets ayant des symptômes catatoniques semblent indifférents aux stimuli extérieurs, même s’ils peuvent s’avérer ultérieurement capables de décrire avec précision ce qui se passait autour d’eux). Si des symptômes catatoniques sont présents mais sans constituer un syndrome catatonique, il faut d’abord rechercher s’ils ne sont pas induits par l’usage d’une substance/ d’un médicament. Si les symptômes sont dus aux effets physiologiques directs d’une substance, par exemple à une intoxication par la phencyclidine, on porte le diagnostic d’intoxication par une substance ou de sevrage d’une substance. Si des symptômes d’allure catatonique sont attribués à l’utilisation d’un traitement neuroleptique, on porte le diagnostic de l’un des troubles des mouvements induits par des neuroleptiques (c.-à-d. syndrome malin des neuroleptiques, dystonie induite par des neuroleptiques ou parkinsonisme induit par des neuroleptiques). Une fois que l’existence d’un syndrome catatonique a été établie, l’étape suivante consiste à en déterminer l’étiologie. Un syndrome catatonique peut être dû aux effets physiologiques directs d’une affection neurologique ou d’une autre affection médicale (dans ce cas on porte le diagnostic de trouble catatonique dû à une autre affection médicale), une manifestation d’un épisode maniaque ou d’un épisode dépressif caractérisé (dans ce cas on porte le diagnostic de catatonie associée à un trouble bipolaire de type I, à un trouble bipolaire de type II ou à un trouble dépressif caractérisé), ou peut survenir dans le contexte d’autres symptômes psychotiques tels que des idées délirantes, des hallucinations ou un discours désorganisé (dans ce cas on porte le diagnostic de catatonie associée avec [le trouble psychotique approprié]). Si des symptômes catatoniques cliniquement signiicatifs sont présents, n’ont pas été expliqués par l’un des repères de décision décrits jusqu’ici et représentent un dysfonctionnement psychologique ou biologique du sujet (répondant ainsi aux exigences de la déinition d’un trouble mental), on portera le diagnostic résiduel de catatonie non spéciiée. Dans le cas contraire, les symptômes moteurs seront considérés comme faisant partie du répertoire des variations normales dans l’activité ou le comportement psychomoteur et non comme le signe d’un trouble mental.
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2.7 Arbre décisionnel pour les symptômes catatoniques
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2.8 Arbre décisionnel pour l’humeur élevée ou expansive La plupart des gens ont connu au moins certaines périodes d’humeur élevée ou expansive pendant leur vie, généralement en réponse à une expérience ou à un événement particulièrement gratiiants, comme tomber amoureux, avoir un enfant, obtenir un diplôme, décrocher un emploi convoité, être victorieux à un événement sportif ou gagner de l’argent à un jeu de hasard. Ces états d’humeur deviennent une préoccupation seulement lorsqu’ils sont anormalement élevés ou expansifs et qu’ils sont déconnectés des facteurs contextuels, en ce sens que la personne se sent constamment euphorique sans aucune raison particulière. La première étape du diagnostic différentiel consiste à s’assurer que la perturbation de l’humeur n’est pas causée par une affection médicale ou par l’utilisation d’une substance. Le premier rélexe du clinicien, particulièrement lorsque le début des symptômes est tardif, doit être d’effectuer un bilan médical approfondi et d’évaluer si la personne utilise des médicaments (ou des substances donnant lieu à abus) qui peuvent avoir comme effet secondaire des changements d’humeur. Chez les sujets les plus jeunes, il existe toujours une forte possibilité que les modiications de l’humeur soient causées par les effets d’une intoxication par une substance ou d’un sevrage d’une substance. L’étape suivante consiste à déterminer si l’humeur élevée ou expansive s’intègre dans le cadre d’un épisode maniaque ou hypomaniaque. Ces épisodes ne sont pas codés séparément dans le DSM-5 mais forment plutôt les composantes fondamentales des troubles bipolaires. Il convient de noter que les déinitions symptomatiques des épisodes maniaques et hypomaniaques sont essentiellement identiques. La frontière entre les deux dépend du jugement clinique quant à la sévérité et au dysfonctionnement causé par la perturbation de l’humeur. Par déinition, un épisode hypomaniaque n’entraîne pas une altération ou une détresse notables et peut même être compatible avec une amélioration de la performance sociale et professionnelle. Les troubles bipolaires sont constitués par des combinaisons d’épisodes maniaques, hypomaniaques et dépressifs caractérisés. Le trouble bipolaire de type I consiste en au moins un épisode maniaque et (facultativement) en un ou plusieurs épisodes dépressifs caractérisés. Le terme bipolaire est utilisé même pour ceux et celles qui ont eu uniquement des épisodes maniaques unipolaires (sans épisodes dépressifs) parce que la grande majorité de ces personnes présentera ultérieurement des épisodes dépressifs caractérisés, et que l’évolution, l’anamnèse familiale et les questions thérapeutiques sont les mêmes que dans les cas où il y a eu à la fois des épisodes maniaques et dépressifs caractérisés. Le trouble bipolaire de type II consiste en un ou plusieurs épisodes dépressifs caractérisés avec des épisodes hypomaniaques intercurrents. Si le sujet présente des antécédents d’idées délirantes ou d’hallucinations, il faut s’assurer de distinguer le trouble bipolaire de type I ou II avec caractéristiques psychotiques d’autres troubles psychotiques, tels que la schizophrénie, le trouble délirant ou le trouble schizophréniforme. Si les symptômes psychotiques sont limités aux épisodes maniaques ou dépressifs caractérisés, on porte alors le diagnostic de trouble bipolaire de type I ou de type II avec caractéristiques psychotiques. Mais s’il y a des idées délirantes et des hallucinations cliniquement signiicatives au-delà des épisodes thymiques, on portera un diagnostic de trouble psychotique non lié à l’humeur pour tenir compte des symptômes psychotiques. Pour afiner le diagnostic différentiel, on doit dans ces cas consulter les arbres décisionnels pour les idées délirantes (2.5) ou les hallucinations (2.6).
2.8 Arbre décisionnel pour l’humeur élevée ou expansive
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Le trouble cyclothymique est un trouble relativement rare du spectre bipolaire, caractérisé par l’alternance de périodes d’hypomanie et de dépression moins sévères que lors d’épisodes maniaques, hypomaniaques ou dépressifs caractérisés. Enin, comme des périodes d’humeur élevée et expansive sont courantes par intermittence chez la plupart des personnes s’adonnant aux jeux d’argent (c.-à-d. au moins quand le sujet gagne), il est important de ne pas diagnostiquer de tels symptômes comme preuve de manie s’ils sont limités aux périodes de jeu. Néanmoins, étant donné que certaines personnes peuvent s’engager dans des jeux d’argent (souvent irréléchis) aux cours des épisodes maniaques, l’association d’une humeur euphorique et du jeu d’argent n’exclut pas le diagnostic de trouble bipolaire.
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2.8 Arbre décisionnel pour l’humeur élevée ou expansive
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2.9 Arbre décisionnel pour l’humeur irritable Chaque personne peut devenir plus ou moins irritable dans certaines circonstances (p.ex. manque du sommeil, être pris dans un embouteillage, être sous la pression de délais). Cet arbre décisionnel pour l’humeur irritable n’est pas destiné à être appliqué aux expériences d’humeur irritable de la vie quotidienne mais plutôt aux périodes d’irritabilité qui sont sufisamment persistantes ou graves pour entraîner une détresse ou une altération du fonctionnement cliniquement signiicatives. La première étape du diagnostic différentiel consiste à s’assurer que l’irritabilité n’est pas causée par une affection médicale ou par l’utilisation d’une substance/d’un médicament. Le premier rélexe du clinicien, particulièrement lorsque le début des symptômes est tardif, doit être de mener un bilan médical approfondi et d’évaluer si la personne utilise des médicaments (ou des substances donnant lieu à abus) qui peuvent avoir comme effet secondaire de l’irritabilité. Chez les sujets les plus jeunes, il existe toujours une forte possibilité que l’irritabilité soit causée par les effets d’une intoxication par une substance ou d’un sevrage d’une substance. L’étape suivante consiste à déterminer si l’humeur irritable fait partie d’un épisode maniaque ou hypomaniaque. Un épisode maniaque ou hypomaniaque est déini par une période nettement délimitée d’humeur irritable de façon anormale et persistante, accompagnée par une augmentation de l’activité ou de l’énergie et par au moins quatre autres symptômes caractéristiques. Il est à noter qu’en l’absence d’une humeur élevée ou expansive, il est nécessaire d’avoir quatre symptômes maniaques ou hypomaniaques (à la place des trois nécessaires habituellement) ain que l’épisode puisse plus facilement être différencié d’un épisode dépressif caractérisé associé à une irritabilité. Ces épisodes ne sont pas codés séparément dans le DSM-5 mais forment les composantes de base des troubles bipolaires. Le trouble bipolaire de type I consiste en au moins un épisode maniaque et (facultativement) un ou plusieurs épisodes dépressifs caractérisés. Le trouble bipolaire de type II consiste en un ou plusieurs épisodes dépressifs caractérisés avec des épisodes hypomaniaques intercurrents. Dans le trouble cyclothymique, qui est caractérisé par un mode persistant d’alternance entre des périodes d’hypomanie et de dépression, l’humeur irritable peut survenir durant les périodes d’hypomanie. L’irritabilité est aussi une caractéristique associée fréquente de l’humeur dépressive. D’ailleurs, selon la déinition originale du DSM-III, l’épisode dépressif majeur a été déini en termes d’« humeur dysphorique », qui était caractérisée par des symptômes tels que se sentir déprimé, triste, avoir le blues, sans espoir, bas, au fond du trou ou irritable. De ce fait, les étapes suivantes de l’arbre décisionnel impliquent d’examiner si l’humeur irritable se produit dans le contexte d’un épisode dépressif caractérisé, d’un trouble dépressif persistant (dysthymie) ou d’un trouble dysphorique prémenstruel. La suite dans le diagnostic différentiel considère deux troubles qui débutent durant l’enfance et présentent de l’irritabilité au premier plan : le trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle, caractérisé par des crises de colère sévères récurrentes, qui sont nettement hors de proportion avec la situation, avec une humeur irritable de façon persistante ou colérique entre les crises, et le trouble oppositionnel avec provocation qui est également caractérisé par un mode persistant d’humeur colérique et irritable associée à un comportement querelleur, provocateur et à un esprit vindicatif. Si l’irritabilité fait partie intégrante du répertoire caractéristique des états thymiques de la personne, alors le diagnostic le plus approprié peut être celui de trouble de la personnalité. De plus, deux des troubles de la personnalité du DSM-5, la personnalité borderline et la personnalité antisociale, incluent l’irritabilité chronique parmi leurs particularités caractéristiques.
2.9 Arbre décisionnel pour l’humeur irritable
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Pour terminer, une irritabilité cliniquement signiicative non traitée par les questions précédentes pourrait être un élément de diagnostic pour un trouble de l’adaptation si elle survient comme une réponse inadaptée à un stress psychosocial. Autrement, une irritabilité cliniquement signiicative qui ne répond pas aux critères d’un autre trouble mental mais qui est estimée représenter un dysfonctionnement psychologique ou biologique de la personne pourrait justiier un diagnostic d’autre trouble bipolaire ou apparenté spéciié ou de trouble bipolaire ou apparenté non spéciié.
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2.9 Arbre décisionnel pour l’humeur irritable
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2.10 Arbre décisionnel pour l’humeur dépressive
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2.10 Arbre décisionnel pour l’humeur dépressive L’humeur dépressive ou dysphorique est l’un des symptômes les plus fréquemment retrouvés dans la présentation des troubles mentaux et elle est une composante de nombreuses affections psychiatriques. Le diagnostic différentiel de l’humeur dépressive exige d’examiner à la fois le contexte d’apparition de la dépression, et l’ensemble et la durée des symptômes. On doit tout d’abord éliminer un usage de substances (en incluant à la fois les substances donnant lieu à abus et les effets secondaires de médicaments). Une dépression peut survenir au cours d’une intoxication par certaines substances (p. ex. le cannabis), après la prise d’un médicament ou au cours d’un sevrage (p. ex. la cocaïne). Comme l’humeur dépressive est fréquemment un symptôme concomitant d’une intoxication ou d’un sevrage, elle ne requiert habituellement pas un diagnostic séparé. Néanmoins, si les symptômes dépressifs prédominent dans la présentation clinique et sont sufisamment graves pour justiier une prise en charge clinique, le diagnostic de trouble dépressif induit par une substance/un médicament peut être plus approprié. Le diagnostic différentiel entre un trouble dépressif induit par une substance/un médicament et un trouble dépressif non induit par une substance peut être établi en fonction de l’anamnèse si l’on démontre que l’humeur dépressive survient uniquement en relation avec l’utilisation d’une substance/d’un médicament. Quand ces informations anamnestiques ne sont pas disponibles, une période d’abstinence est habituellement requise ain de déterminer si l’humeur dépressive disparaît une fois que les effets de la substance s’estompent. Le DSM-5 suggère d’attendre « environ 1 mois » après l’arrêt de l’utilisation de la substance pour juger si les symptômes thymiques disparaissent spontanément, bien que ce délai puisse varier en fonction du médicament et de la situation clinique. Les autres facteurs qui doivent être pris en compte sont les antécédents d’épisodes dépressifs caractérisés, les antécédents familiaux et la probabilité que ce type de substance à la dose absorbée ait pu causer les symptômes dépressifs. Si les symptômes thymiques persistent après un délai raisonnable de sevrage, alors le diagnostic de trouble dépressif induit par une substance/un médicament est peu probable et le diagnostic porté doit être celui de trouble dépressif non induit par une substance. L’un des aspects les plus dificiles du diagnostic différentiel en psychiatrie est la distinction entre les troubles dépressifs primaires et ceux qui sont une conséquence physiologique directe d’une affection médicale. Des nombreuses affections médicales sont connues pour être à l’origine de dépressions du fait de leurs effets directs sur le cerveau. Si une détérioration grave des fonctions cognitives est également présente, on doit envisager le diagnostic de trouble neurocognitif majeur dû à une autre affection médicale, avec perturbation du comportement. Néanmoins, il est important de ne pas considérer que la sévérité de la détérioration cognitive indique nécessairement un diagnostic de trouble neurocognitif dû à une autre affection médicale. L’altération cognitive qui survient lors d’un épisode dépressif caractérisé peut être assez sévère pour simuler un trouble neurocognitif majeur. Souvent, seuls le temps, les évaluations répétées et les essais thérapeutiques consécutifs permettront de juger si le tableau clinique est mieux expliqué par un trouble neurocognitif majeur ou par un épisode dépressif caractérisé avec des symptômes cognitifs graves. L’étape suivante du diagnostic différentiel consiste à déterminer si l’humeur dépressive fait partie d’un épisode thymique (p. ex. un épisode dépressif caractérisé ou un épisode maniaque avec caractéristiques mixtes). Ces épisodes ne sont pas codés
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séparément dans le DSM-5 mais ils constituent des parties constitutives des troubles thymiques (p. ex. trouble dépressif caractérisé, trouble bipolaire de type I, trouble bipolaire de type II). Un épisode dépressif caractérisé requiert une durée minimale d’au moins 2 semaines d’humeur dépressive présente quasiment toute la journée, presque tous les jours. De plus, l’humeur dépressive doit être accompagnée d’au moins quatre autres symptômes pendant la même période (p. ex. modiication de l’appétit ou du poids, du sommeil, du niveau de l’activité motrice et idéation suicidaire). Si les critères sont simultanément réunis pour un épisode maniaque, alors la coexistence de symptômes dépressifs et maniaques est considérée comme un épisode maniaque dans le DSM-5 et on utilise la spéciication « avec caractéristiques mixtes » pour indiquer la symptomatologie dépressive concomitante. Les trois étapes suivantes de l’arbre décisionnel permettent d’identiier les sujets dont la présentation actuelle est dépressive mais dont l’évolution globale est caractéristique de l’un des troubles de la classe diagnostique des troubles bipolaires et apparentés du DSM-5. Les symptômes dépressifs associés à des antécédents d’épisodes maniaques évoquent un trouble bipolaire de type I, l’association d’épisodes hypomaniaques et d’épisodes dépressifs caractérisés évoque un trouble bipolaire de type II, et des symptômes dépressifs persistants alternant avec des périodes de symptômes hypomaniaques justiient le diagnostic de trouble cyclothymique. Une fois que des antécédents personnels de symptômes maniaques ou hypomaniaques ont été écartés, les points restants dans l’arbre décisionnel servent à déinir quel trouble dépressif explique le mieux les symptômes présentés. Le diagnostic spéciique dépend de la présence d’épisodes dépressifs caractérisés, auquel cas le diagnostic porté est soit celui de trouble dépressif caractérisé, soit celui d’un trouble du spectre de la schizophrénie ou d’un autre trouble psychotique (p. ex. quand les symptômes psychotiques persistent en l’absence d’une dépression marquée). La permanence de l’épisode dépressif caractérisé actuel pendant au moins 2 ans justiie un diagnostic additionnel de trouble dépressif persistant (dysthymie). Un diagnostic indépendant de trouble dépressif persistant est justiié pour des présentations caractérisées par une dépression chronique qui persiste pendant au moins 2 ans et dont la symptomatologie est toujours en dessous du seuil d’un épisode dépressif caractérisé. On porte le diagnostic de trouble dysphorique prémenstruel pour les périodes d’humeur dépressive qui surviennent régulièrement dans la semaine précédant les règles et qui disparaissent dans la semaine après les règles. Enin, même si la dépression n’est pas expliquée d’une manière adéquate par les éléments précédents de cet arbre décisionnel, elle peut encore justiier un diagnostic selon le DSM-5. Si la dépression est la manifestation symptomatique d’une réponse inadaptée à un stress psychosocial, le diagnostic de trouble de l’adaptation avec humeur dépressive peut s’appliquer. Dans le cas contraire, et si la dépression est cliniquement signiicative et représente un dysfonctionnement psychologique ou biologique de l’individu (pouvant ainsi être qualiiée de trouble mental), une catégorie résiduelle peut être applicable, selon que le clinicien souhaite enregistrer la présentation symptomatique dans le dossier (dans ce cas on porte le diagnostic d’autre trouble dépressif spéciié, suivi par un motif spéciique) ou non (dans ce cas on porte le diagnostic de trouble dépressif non spéciié). Dans le cas contraire, la dépression peut être considérée comme faisant partie des périodes de tristesse « normale » de la vie et non pas comme l’indice d’un trouble mental.
2.10 Arbre décisionnel pour l’humeur dépressive
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2.10 Arbre décisionnel pour l’humeur dépressive
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2.11 Arbre décisionnel pour les idées ou les comportements suicidaires
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2.11 Arbre décisionnel pour les idées ou les comportements suicidaires Lorsque l’on évalue le risque suicidaire, il est important de déterminer le caractère pressant des pensées suicidaires actuelles, à quel point des projets suicidaires ont été préparés et concrétisés, la disponibilité des moyens permettant un geste suicidaire, le caractère létal de la méthode envisagée, la force des impulsions, la présence de symptômes psychotiques, les antécédents personnels de pensées et de tentatives de suicide, les antécédents familiaux de comportements suicidaires, et l’utilisation de substances actuelle ou passée. Le risque suicidaire varie selon un continuum qui va des souhaits récurrents de mourir, des sentiments que les autres seraient soulagés par sa propre mort (« pensées suicidaires passives »), de la verbalisation de projets suicidaires, jusqu’aux comportements suicidaires manifestes. La plupart des gens associent étroitement le suicide aux troubles de l’humeur, probablement parce que le comportement suicidaire est l’un des critères déinissant les épisodes dépressifs caractérisés. C’est pour cette raison que le 3e embranchement de cet arbre décisionnel propose un « mini-diagnostic différentiel » des affections du DSM-5 associées à une humeur dépressive, et que le 4e embranchement couvre les affections qui présentent simultanément des symptômes dépressifs et maniaques (ce que l’on appelle les états mixtes). Comme cela est illustré par cet arbre décisionnel, même si l’idéation suicidaire est l’une des caractéristiques principales des troubles de l’humeur, elle doit être prise en compte dans la prise en charge d’un vaste ensemble de troubles du DSM-5. De plus, le risque de suicide augmente considérablement quand un patient présente plus d’un trouble, car chacun de ces troubles peut contribuer indépendamment au risque (p. ex. une association particulièrement fréquente et à haut risque inclut le trouble dépressif caractérisé, le trouble de l’usage de l’alcool et la personnalité borderline). Le comportement suicidaire peut être la conséquence de symptômes autres que l’humeur dépressive. Par exemple, un comportement suicidaire peut survenir sous l’inluence d’idées délirantes ou d’hallucinations donnant des ordres (p. ex. dans la schizophrénie, le trouble bipolaire avec caractéristiques psychotiques ou le trouble dépressif caractérisé avec caractéristiques psychotiques), peut être lié à une confusion ou à d’autres altérations cognitives (p. ex. dans un état confusionnel, un trouble neurocognitif majeur, une intoxication par une substance ou le sevrage d’une substance), ou encore peut être le résultat d’une désinhibition (p. ex. dans un épisode maniaque ou dans une intoxication par une substance). La personnalité borderline et la personnalité antisociale comportent un risque de mort par suicide de 5 à 10 %, résultant probablement de l’impulsivité, de la labilité de l’humeur, de la faible tolérance à la frustration, et des fréquences élevées d’utilisation de substances, caractéristiques des sujets atteints de ces troubles. De même, le trouble des conduites est un facteur prédictif important de suicide chez les adolescents, en particulier lorsqu’il est associé à l’utilisation de substances et à des symptômes thymiques. L’évaluation des idées et des comportements suicidaires doit prendre en compte le fait que de tels symptômes sont souvent feints pour obtenir une hospitalisation ou pour « résoudre » d’autres problèmes existentiels. Les patients apprennent rapidement l’eficacité d’une phrase telle que « je veux me tuer » pour inluencer des cliniciens, les membres de leurs familles et d’autres personnes importantes dans leur vie. Dans la simulation, la motivation du patient est un gain externe manifeste (p. ex. être transféré de la prison à l’hôpital, trouver un endroit où passer la nuit). En revanche, la motivation
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présumée dans le trouble factice est un besoin psychologique de jouer le rôle de malade, particulièrement pour les sujets qui tentent de faire de l’hôpital leur domicile plus ou moins permanent. On porte le diagnostic de trouble de l’adaptation chez les personnes qui présentent des idées ou des comportements suicidaires en réponse à des facteurs de stress psychosociaux, en l’absence d’autres symptômes qui pourraient satisfaire les critères d’un trouble spéciique du DSM-5. Ce diagnostic est le plus souvent utilisé pour décrire les comportements suicidaires des adolescents. Une autre possibilité est que dans certaines circonstances extrêmes (p. ex. une maladie incurable en phase terminale), le désir de se tuer ne relève pas nécessairement d’un trouble mental. Néanmoins, avant d’arriver à cette conclusion, une évaluation clinique rigoureuse est nécessaire ain d’éliminer les autres causes d’idées suicidaires pouvant bénéicier d’un traitement (p. ex. dépression, douleur, insomnie, psychose, état confusionnel [delirium]).
2.11 Arbre décisionnel pour les idées ou les comportements suicidaires
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2.11 Arbre décisionnel pour les idées ou les comportements suicidaires
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2.12 Arbre décisionnel pour le ralentissement psychomoteur Le ralentissement psychomoteur est déini comme un ralentissement visible et généralisé des mouvements et de la parole. Dans sa forme extrême, le ralentissement psychomoteur peut être caractérisé par une absence de réponse et un mutisme impossibles à distinguer de la stupeur catatonique. Le ralentissement psychomoteur doit être distingué d’autres symptômes similaires. L’épuisement est une sensation subjective de manque d’énergie ou de fatigue permanente, mais elle n’est pas accompagnée de preuves visibles d’un ralentissement des mouvements. Les « membres en plomb » correspondent à la sensation subjective d’avoir les bras et les jambes « aussi lourds que du plomb » et font partie d’un ensemble de symptômes « atypiques » déinissant l’épisode dépressif caractérisé avec caractéristiques atypiques. L’aboulie (un des symptômes négatifs de la schizophrénie) est caractérisée par un manque de motivation à poursuivre des activités plutôt qu’un ralentissement physique. Les affections médicales peuvent être à l’origine d’un ralentissement psychomoteur qui ne justiie pas habituellement un diagnostic indépendant de trouble mental. Il est important de se rappeler que les modiications psychomotrices associées à l’état confusionnel (delirium) vont dans les deux sens. Très peu de cliniciens passent à côté du diagnostic des tableaux spectaculaires de l’état confusionnel (delirium) associé à une agitation psychomotrice (p. ex. le patient arrachant sa perfusion). Mais les cas « tranquilles » d’état confusionnel (delirium) avec ralentissement psychomoteur ont plus de risques de ne pas être diagnostiqués. Dans de tels cas, on note comme spéciication du niveau d’activité psychomotrice qu’il est « hypoactif ». Une autre cause fréquente non diagnostiquée de ralentissement psychomoteur est le syndrome parkinsonien induit par des neuroleptiques. Cette distinction est compliquée par le fait que de nombreux troubles pour lesquels la prescription des neuroleptiques est justiiée peuvent présenter par eux-mêmes un ralentissement psychomoteur (p. ex. la schizophrénie, le trouble bipolaire ou le trouble dépressif caractérisé avec caractéristiques psychotiques, l’état confusionnel). Un changement de traitement (p. ex. une diminution des doses de neuroleptique ou la prescription d’un traitement anticholinergique) peut souvent être utile pour faire cette distinction.
2.12 Arbre décisionnel pour le ralentissement psychomoteur
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2.13 Arbre décisionnel pour l’anxiété
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2.13 Arbre décisionnel pour l’anxiété Comme c’est toujours le cas, la première étape du diagnostic différentiel consiste à éliminer une affection médicale ou l’usage d’une substance/d’un médicament comme cause physiologique directe de l’anxiété. Étant donné que l’anxiété peut être une caractéristique associée de l’état confusionnel (delirium) et du trouble neurocognitif majeur ou léger, ces pathologies plus spéciiques sont également prises en compte dans cette partie de l’arbre décisionnel. Lorsque l’anxiété survient sous la forme d’épisodes distincts avec un début brutal et qu’elle est accompagnée par un certain nombre des symptômes somatiques (p. ex. palpitations, dyspnée, vertiges) et cognitifs (p. ex. peur de devenir fou ou d’avoir une crise cardiaque), on porte le diagnostic d’attaque de panique (ou celui d’« attaques paucisymptomatiques » si le nombre de symptômes caractéristiques reste en deçà du seuil de quatre). Du fait des implications thérapeutiques spéciiques de l’attaque de panique, un arbre décisionnel séparé (2.14) leur est consacré. Les étapes restantes du diagnostic différentiel dans cet arbre décisionnel visent à distinguer les troubles anxieux les uns des autres à partir de plusieurs questions : de quoi l’individu a-t-il peur, quelles sont les situations évitées, et l’anxiété survient-elle en réponse à un facteur de stress ? Dans le trouble panique, l’anxiété est liée à la crainte d’avoir d’autres attaques de panique et aux conséquences possibles de ces attaques. L’agoraphobie est similaire dans le sens où la personne a peur des endroits ou des situations d’où il pourrait être dificile ou embarrassant de s’échapper en cas de survenue d’une attaque de panique ou de symptômes de type panique, mais l’accent est mis sur la peur et l’évitement de ces endroits ou situations plutôt que sur les attaques de panique elles-mêmes. Ain de reléter le caractère plus large de l’évitement dans l’agoraphobie (par rapport à celui plus limité dans des pathologies telles que la phobie spéciique), le diagnostic d’agoraphobie requiert que l’individu craigne des situations d’au moins deux « clusters agoraphobogènes » : les transports publics, les espaces ouverts, les espaces fermés, être dans une ille d’attente ou dans une foule, et être seul à l’extérieur de chez soi. L’anxiété de séparation, l’anxiété sociale (phobie sociale), la phobie spéciique et la crainte excessive d’avoir une maladie se focalisent chacune sur des peurs et des évitements spéciiques (c.-à-d., respectivement, la séparation des principales igures d’attachement, les situations où la personne peut être exposée à l’observation attentive d’autrui, l’exposition à un objet craint [p. ex. une araignée] ou à une situation redoutée [être dans un avion], avoir une maladie grave). Les affections appartenant au groupe du trouble obsessionnel-compulsif et des troubles apparentés peuvent aussi être associées à de l’anxiété (p. ex. anxiété associée à la préoccupation concernant un défaut corporel imaginé dans l’obsession d’une dysmorphie corporelle, au fait d’être contaminé dans le trouble obsessionnel-compulsif, au fait d’être obligé de jeter des objets personnels dans la thésaurisation pathologique [syllogomanie]). Bien que non incluse dans la classe diagnostique des troubles obsessionnels-compulsifs et apparentés, l’anxiété généralisée est phénoménologiquement similaire dans le sens où elle est caractérisée par des ruminations et inquiétudes excessives à propos d’événements désagréables, qui accompagnent l’anxiété chronique. L’anxiété qui se développe en réponse à un facteur de stress traumatisant peut indiquer un trouble stress post-traumatique ou un trouble stress aigu si d’autres symptômes caractéristiques sont également présents (c.-à-d. des symptômes envahissants et d’évitement en lien avec l’événement stressant ou ses circonstances, des altérations négatives de l’état cognitif et thymique, et des altérations de l’éveil et de l’activité).
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La distinction entre les deux troubles est fondée sur la durée (c.-à-d. un mois ou moins pour le trouble stress aigu, et plus d’un mois pour le trouble stress post-traumatique). De l’anxiété se manifeste si souvent durant des épisodes dépressifs caractérisés, des épisodes maniaques ou des épisodes hypomaniaques que cette association est plutôt la règle que l’exception. Ain d’indiquer la présence de l’anxiété comme une comorbidité, le DSM-5 a introduit la spéciication « avec détresse anxieuse » qui permet au clinicien d’indiquer la sévérité de l’anxiété comorbide (allant de légère à grave). Enin, si l’anxiété n’est pas expliquée de manière adéquate par l’une des étapes de l’arbre décisionnel, un diagnostic selon le DSM-5 peut encore être indiqué. Si l’anxiété est une manifestation symptomatique d’une réponse inadaptée à un facteur de stress psychosocial, le diagnostic est trouble de l’adaptation avec anxiété. Dans le cas contraire, et si l’anxiété est cliniquement signiicative et représente un dysfonctionnement psychologique ou biologique de l’individu (pouvant ainsi être qualiiée de trouble mental), une catégorie résiduelle peut être applicable. Dans ce cas, si le clinicien souhaite enregistrer la présentation symptomatique dans le dossier, il peut porter le diagnostic d’« autre trouble anxieux spéciié », suivi par le motif spéciique, sinon il peut porter le diagnostic de « trouble anxieux non spéciié ». Autrement, l’anxiété peut être considérée comme faisant partie du répertoire normal des expressions émotionnelles et non pas comme la marque d’un trouble mental.
2.13 Arbre décisionnel pour l’anxiété
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2.13 Arbre décisionnel pour l’anxiété
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2.14 Arbre décisionnel pour les attaques de panique Les attaques de panique sont des épisodes distincts de peur ou de malaise intenses, accompagnés par des symptômes tels que des palpitations, des sensations de « soufle coupé », de la transpiration, des tremblements, une déréalisation et une peur de perdre le contrôle de soi ou de mourir. Bien que la présence d’attaques de panique soit requise pour le diagnostic de trouble panique, ces attaques surviennent également dans d’autres troubles du DSM-5 énumérés dans l’arbre décisionnel. Par exemple, un patient ayant une phobie des serpents qui met le pied sur un serpent lors d’une randonnée pourrait facilement présenter une attaque de panique qui serait en faveur d’une phobie spéciique plutôt que d’un trouble panique. La première étape du diagnostic différentiel d’une attaque de panique consiste à éliminer l’utilisation d’une substance/d’un médicament comme facteur étiologique. Un certain nombre des substances et de médicaments peuvent induire des attaques de panique si les doses sont sufisamment importantes ou lors du sevrage. La caféine étant une cause fréquente mais méconnue dans ce domaine, il est indispensable d’avoir une anamnèse détaillée sur la consommation de boissons caféinées. On porte le diagnostic de trouble anxieux induit par une substance/un médicament si les attaques de panique en lien avec l’utilisation de substances justiient une prise en charge clinique ; autrement, les diagnostics d’intoxication par une substance ou de sevrage d’une substance peuvent sufire. Parfois, des personnes présentent leur première attaque de panique après une prise de substance et développent ensuite des nouvelles attaques de panique en dehors de toute prise de substances. De telles attaques ultérieures ne doivent pas être considérées comme induites par des substances mais peuvent plutôt justiier un diagnostic de trouble panique. Ensuite, il faut rechercher si l’étiologie est en rapport avec des affections médicales, telles qu’une hyperthyroïdie ou un phéochromocytome. Si des arguments indiquent qu’une affection médicale est la cause directe des attaques de panique (p. ex. le début des attaques de panique coïncide avec le début de l’affection médicale, et les attaques de panique cessent après l’initiation d’un traitement eficace de l’affection médicale), on peut porter le diagnostic de trouble anxieux dû à une autre affection médicale. Bien que le prolapsus de la valve mitrale semble être plus fréquent chez les personnes ayant des attaques de panique, une connexion étiologique directe n’a pas été établie ; par conséquent, un individu présentant un prolapsus de la valve mitrale et des attaques de panique est considéré comme ayant un trouble panique primaire. Une fois qu’il est clair que les attaques de panique ne sont pas la conséquence physiologique directe d’une substance ou d’une affection médicale, l’étape suivante consiste à rechercher un lien entre les attaques de panique et une éventuelle situation déclenchante. Par déinition, dans le trouble panique, au moins deux attaques de panique n’ont pas de facteur déclenchant – c’est-à-dire qu’il n’existe aucun lien entre les attaques de panique et un indice situationnel (c.-à-d. que les attaques surviennent à l’improviste). En revanche, les attaques de panique qui surviennent chez les patients ayant une anxiété sociale (phobie sociale), une phobie spéciique, une anxiété de séparation, un trouble stress post-traumatique ou un trouble stress aigu, une crainte excessive d’avoir une maladie, un trouble obsessionnel-compulsif et une anxiété généralisée sont étroitement liées à une situation déclenchante particulière (p. ex. respectivement, des situations sociales comme parler en public, des situations particulières comme les espaces fermés, être séparé des principales igures d’attachement, être exposé à des stimuli associés à un traumatisme, la possibilité d’avoir une maladie grave, des préoccupations
2.14 Arbre décisionnel pour les attaques de panique
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obsessionnelles comme des peurs de contamination, des inquiétudes à propos de certains événements ou situations). Si les attaques de panique ne représentent pas une caractéristique associée à un trouble spéciique du DSM-5 mais semblent néanmoins cliniquement signiicatives, on peut porter le diagnostic de trouble de l’adaptation (si les attaques de panique surviennent en réponse à un facteur de stress psychosocial) ou le diagnostic d’une catégorie résiduelle (autre trouble anxieux spéciié ou trouble anxieux non spéciié). Enin, les attaques de panique déclenchées par une menace réelle (p. ex. être menacé par une arme à feu) ou l’expérience d’une attaque de panique unique et isolée (ou des attaques de panique très occasionnelles) ne justiient pas un diagnostic de trouble mental.
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2.15 Arbre décisionnel pour le comportement évitant
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2.15 Arbre décisionnel pour le comportement évitant Le comportement évitant est souvent adapté (particulièrement dans certaines situations réellement dangereuses). Cet arbre décisionnel s’applique uniquement lorsque l’évitement est expliqué par des craintes excessives et non réalistes et qu’il aboutit à une détresse ou une altération signiicative du fonctionnement. L’évitement est un symptôme assez omniprésent et non spéciique et il représente une caractéristique associée à de nombreux troubles. L’évaluation de ce symptôme requiert de déterminer les circonstances spéciiques qui l’ont déclenché. Cet arbre décisionnel est l’un des rares dans ce livre à ne pas comporter des étapes diagnostiques pour éliminer l’usage d’une substance/d’un médicament ou une affection médicale comme facteurs étiologiques. Cela est dû au fait que le comportement évitant est presque toujours une réaction psychologique à une anxiété ou à une peur sous-jacentes. Bien que l’usage d’une substance/d’un médicament ou une affection médicale puissent provoquer de l’anxiété, le manque d’associations contextuelles rend improbable le développement d’un comportement d’évitement lié au trouble anxieux induit par une substance/un médicament ou au trouble anxieux dû à une affection médicale. La première étape consiste à déterminer si le comportement évitant concerne des situations ou des lieux multiples. Le cas échéant, et si les situations sont évitées à cause de pensées qu’il pourrait être dificile de s’échapper ou que de l’aide pourrait ne pas être disponible en cas de survenue des symptômes de type panique, on peut porter le diagnostic d’agoraphobie. Les personnes associent le risque d’avoir une attaque de panique ou des symptômes similaires à la panique à des endroits ou des situations particulières qui deviennent alors des stimuli conditionnés particulièrement susceptibles de déclencher des attaques supplémentaires. Par la suite, les personnes vont éviter ce qui leur semble être des situations « déclenchantes » dans le but de réduire au minimum le risque d’avoir des attaques de panique ou des symptômes de type panique. L’évitement dans l’anxiété sociale (phobie sociale) est lié à la crainte d’être embarrassé socialement. Cet évitement se manifeste sous deux formes : la forme de l’anxiété sociale qui est liée à la performance concerne l’évitement des activités publiques (p. ex. parler, jouer de la musique, jouer un rôle, manger, uriner, écrire) qui peuvent être facilement effectuées par le sujet dans l’intimité de son propre domicile – cette forme peut être indiquée par la spéciication « seulement de performance », et la forme généralisée qui comprend pratiquement toutes les situations impliquant une interaction sociale et qui dans de nombreux cas peut être quasiment identique à la personnalité évitante. Les phobies spéciiques nécessitent probablement une certaine interaction entre des peurs innées prédéterminées et la survenue d’expériences de vie précoces aversives qui renforcent ces peurs. Dans l’anxiété de séparation, qui peut survenir durant l’enfance ou l’âge adulte, la personne évite les situations dans lesquelles elle est loin des principales igures d’attachement. Dans le trouble stress post-traumatique ou le trouble stress aigu, les sujets évitent les situations qui rappellent le facteur de stress traumatisant (p. ex. quelqu’un qui ressemble à l’assaillant, des bruits intenses qui rappellent la guerre, des tremblements qui rappellent un séisme). Certaines personnes ayant un trouble obsessionnel-compulsif apprennent que l’évitement de certaines situations déclenchantes préviendra l’apparition des obsessions (p. ex. le fait d’éviter des poignées de main permettra de réduire les obsessions de contamination). De même, certains individus ayant une crainte excessive d’avoir une maladie vont éviter des situations qui selon
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eux pourraient compromettre leur santé (p. ex. rendre visite à des parents malades) de crainte qu’elles ne déclenchent des ruminations d’avoir contracté une maladie grave. De nombreux autres troubles psychiatriques peuvent comporter de l’évitement comme caractéristique associée. Par exemple, un comportement d’évitement peut survenir dans un trouble psychotique dans le contexte d’un système délirant particulier, comme cela peut être le cas chez un patient délirant qui évite de sortir par crainte d’être espionné par la police. Une baisse de la motivation, qui peut être due à l’anhédonie dans un épisode dépressif caractérisé ou faire partie des symptômes négatifs de la schizophrénie, peut amener à un évitement généralisé des sorties en dehors de la maison. Une personne présentant une dysfonction sexuelle peut éviter les situations intimes à cause de la crainte d’avoir une faible performance sexuelle médiocre. Les sujets atteints d’anorexie mentale et de restriction ou évitement de l’ingestion d’aliments évitent certains aliments (p. ex. des aliments riches en calories dans l’anorexie mentale, des aliments tenus en aversion dans la restriction ou l’évitement de l’ingestion d’aliments), ce qui conduit à une perte de poids cliniquement signiicative et une éventuelle malnutrition. Un mode général d’évitement caractérise la personnalité évitante qui, par déinition, apparaît au début de l’âge adulte et a tendance à être relativement persistante et stable durant la vie entière. Enin, si le comportement évitant n’est pas expliqué d’une manière adéquate par l’une des étapes de l’arbre décisionnel, un diagnostic selon le DSM-5 peut encore être indiqué. Si le comportement évitant est une manifestation symptomatique d’une réponse inadaptée à un facteur de stress psychosocial, on peut porter le diagnostic de trouble de l’adaptation. Dans le cas contraire, et si le comportement évitant est cliniquement signiicatif et s’il représente un dysfonctionnement psychologique ou biologique de l’individu (pouvant ainsi être qualiié de trouble mental), une catégorie résiduelle peut être applicable. Le DSM-5 ne comporte pas de catégorie résiduelle pour le comportement évitant en soi. La catégorie résiduelle la plus proche serait « autre trouble anxieux spéciié » ou « trouble anxieux non spéciié » parce que l’évitement sert probablement à empêcher une certaine forme d’anxiété. Le choix de la catégorie dépend du désir du clinicien d’enregistrer la présentation symptomatique dans le dossier (il peut porter le diagnostic d’autre trouble anxieux spéciié, suivi par la raison spéciique) ou non (il peut porter le diagnostic de trouble anxieux non spéciié). Autrement, le comportement évitant peut être considéré comme faisant partie du répertoire normal des comportements humains et non pas comme la marque d’un trouble mental.
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2.16 Arbre décisionnel pour les étiologies impliquant un traumatisme...
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2.16 Arbre décisionnel pour les étiologies impliquant un traumatisme ou un facteur de stress psychosocial Les facteurs de stress psychosociaux sont importants dans la pathogenèse de tous les troubles du DSM-5, mais ils ont un rôle étiologique spéciique qui entre dans la déinition de quelques troubles seulement. Selon le DSM-5, quatre troubles ne peuvent être diagnostiqués que chez des personnes qui ont été exposées à un facteur de stress extrême : le trouble stress post-traumatique, le trouble stress aigu, le trouble réactionnel de l’attachement et la désinhibition du contact social. Le trouble stress post-traumatique exige l’exposition à un événement qui comporte la mort effective ou une menace de mort, une blessure grave ou des violences sexuelles, et est caractérisé par des symptômes envahissants persistants associés à l’événement traumatique (p. ex. souvenirs envahissants de l’événement, rêves provoquant un sentiment de détresse, lash-backs, détresse lors de l’exposition à des indices évoquant l’événement), par l’évitement des stimuli associés à l’événement, par des altérations négatives des cognitions et de l’humeur associées à l’événement (p. ex. croyances négatives concernant soi-même ou le monde, distorsions cognitives poussant à croire que soi-même ou les autres sont coupables, sentiment de détachement, état émotionnel négatif persistant, incapacité d’éprouver des émotions positives), et des altérations marquées de l’éveil et de la réactivité. La symptomatologie du trouble stress aigu ressemble étroitement à celle du trouble stress post-traumatique, avec la différence que les symptômes durent moins d’un mois. Le trouble réactionnel de l’attachement et la désinhibition du contact social sont deux troubles qui supposent d’avoir été longtemps exposé comme jeune enfant à des niveaux extrêmes de négligence ou de carence éducatives, comme des changements répétés des personnes qui s’occupent principalement de l’enfant ou le fait de grandir dans des institutions démunies en personnel. Bien que cela ne soit pas exigé dans la déinition de ces troubles, le trouble psychotique bref, l’amnésie dissociative et le trouble de conversion (trouble à symptomatologie neurologique fonctionnelle) se développent souvent en réponse à un facteur de stress psychosocial grave. Un diagnostic de trouble psychotique bref s’applique si la réaction un facteur de stress extrême implique le développement de symptômes psychotiques qui durent moins d’un mois. Le diagnostic d’amnésie dissociative peut s’appliquer si la personne est incapable de se rappeler des informations autobiographiques importantes liées à une expérience traumatique. Un diagnostic de trouble de conversion peut s’appliquer si la personne développe des symptômes d’altération de la motricité volontaire ou des fonctions sensorielles qui sont incompatibles avec une étiologie neurologique reconnue en réponse à un facteur de stress psychosocial. Bien que le développement de ces trois troubles soit souvent lié à l’exposition à un facteur stressant traumatique, ces affections peuvent également survenir en l’absence d’exposition à un facteur stressant. De nombreux cliniciens sont embarrassés par la relation entre les troubles de l’adaptation et les autres affections du DSM-5 qui sont souvent déclenchées par la présence d’un facteur de stress psychosocial. Le trouble de l’adaptation est un diagnostic qui est porté devant les tableaux cliniques où une réponse inadaptée à un facteur de stress provoque une détresse ou une altération du fonctionnement cliniquement signiicatives, sans que le seuil diagnostique d’un trouble spéciique du DSM-5 ne soit atteint. Inversement, quand les critères d’un trouble spéciique du DSM-5 sont remplis, ce trouble est diagnostiqué indépendamment de la présence ou de l’absence d’un facteur
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de stress associé. Par exemple, dans le cas d’une réaction dépressive survenant en réponse à la perte d’un emploi ou à la découverte d’une maladie grave, le diagnostic est celui de trouble dépressif caractérisé si la réaction remplit tous les critères d’un épisode dépressif caractérisé. Une réaction dépressive moins grave, mais cliniquement signiicative, pourrait être plutôt diagnostiquée comme un trouble de l’adaptation avec humeur dépressive. Enin, certaines personnes, suite à la perte d’un être cher, développent une réponse de deuil persistante, prolongée et anormale, qui a été dénommée « deuil complexe persistant » (cf. « Affections proposées pour des études supplémentaires » dans la section III du DSM-5). Cette affection implique la persistance pendant au moins 12 mois de symptômes tels qu’un désir ou une nostalgie extrêmes concernant le défunt, une douleur émotionnelle et une peine intenses, et des préoccupations à propos du défunt et des circonstances de sa mort. Bien qu’il existe sans aucun doute des personnes qui souffrent de ce syndrome et qui pourraient bénéicier d’une prise en charge, les auteurs du DSM-5 ont estimé que l’on ne disposait pas de données sufisantes sur les éléments spéciiques de la déinition de cette affection pour justiier son inclusion dans la partie principale du DSM-5. Les cliniciens souhaitant porter ce diagnostic doivent indiquer « autre trouble lié à des traumatismes ou à des facteurs de stress, spéciié » et préciser « deuil complexe persistant ».
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2.17 Arbre décisionnel pour les plaintes somatiques ou l’anxiété...
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2.17 Arbre décisionnel pour les plaintes somatiques ou l’anxiété concernant une maladie/l’apparence Quand un patient présente des plaintes somatiques qui entraînent une détresse, le diagnostic différentiel se concentre généralement sur la détermination de l’affection médicale qui explique le mieux les symptômes somatiques. Cependant, quand les plaintes somatiques sont accompagnées par des pensées, des sentiments et des comportements anormaux, la présence d’un trouble à symptomatologie somatique ou d’un autre trouble mental doit être envisagée. Des plaintes physiques qui sont feintes par le patient justiient le diagnostic soit de trouble factice, soit de simulation, état qui n’est pas considéré comme un trouble. La distinction entre ces deux situations repose sur l’examen du contexte dans lequel les symptômes somatiques se sont développés. Quand la falsiication de symptômes survient en l’absence de bénéices externes évidents, le diagnostic de trouble factice est porté. En revanche, l’imitation de symptômes somatiques dans un contexte où leur présence procure à la personne des avantages inanciers ou autres évidents suggère la simulation d’une maladie. Des plaintes somatiques peuvent constituer la manifestation d’une grande variété d’affections psychiatriques. L’intoxication par une substance ou le sevrage d’une substance se traduisent typiquement par un syndrome caractéristique comprenant des symptômes somatiques et comportementaux. Les états d’anxiété intense sont associés de façon caractéristique avec diverses plaintes somatiques. Par conséquent, les plaintes somatiques sont couramment associées à de nombreux troubles anxieux. Dans le cas de certains troubles anxieux, comme le trouble panique et l’anxiété généralisée, les plaintes somatiques caractéristiques et pénibles sont le motif qui pousse les patients à demander des soins. Dans d’autres cas, les plaintes somatiques peuvent être liées aux manifestations d’un trouble psychotique (p. ex. des idées délirantes somatiques) ou d’un trouble obsessionnel-compulsif ou apparenté, comme la préoccupation par un défaut physique imaginé dans l’obsession d’une dysmorphie corporelle. Quand les plaintes somatiques sont elles-mêmes le souci principal du patient, le diagnostic le plus approprié est probablement celui de l’un des troubles à symptomatologie somatique et apparentés. Chez les personnes présentant des symptômes neurologiques, comme des paralysies ou des convulsions qui, selon les examens cliniques et complémentaires, ne se conforment pas au tableau caractéristique d’une affection neurologique ou médicale connue, on peut porter le diagnostic de trouble de conversion (trouble à symptomatologie neurologique fonctionnelle). D’autres types de plaintes somatiques, quand elles sont accompagnées par des pensées disproportionnées quant à la sévérité de la maladie, par des niveaux constamment élevés d’anxiété à propos de la santé ou des symptômes, ou par une énergie et un temps excessifs consacrés aux symptômes ou aux préoccupations pour la santé, peuvent justiier un diagnostic de trouble à symptomatologie somatique. À la différence des troubles somatoformes du DSM-IV où les plaintes somatiques devaient être, par déinition, sans explication médicale, un diagnostic de trouble à symptomatologie somatique dans le DSM-5 peut être porté chez des personnes qui ont une affection médicale avérée. Le diagnostic selon le DSM-5 repose sur la présence de cognitions, de sentiments et de comportements qui sont, selon le jugement du clinicien, « excessifs » par rapport à la nature de l’affection médicale. Ain d’éviter de « pathologiser » des réactions adaptées à une affection médicale sévère ou handicapante, ce diagnostic doit être porté avec prudence chez des personnes souffrant d’une maladie et il doit être réservé aux cas où les réactions de la personne malade sont clairement extrêmes et inadaptées.
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2.18 Arbre décisionnel pour les modiications de l’appétit et les comportements alimentaires inhabituels Cet arbre décisionnel aborde plusieurs symptômes divers qui sont associés à l’alimentation : les modiications du poids et de l’appétit, les accès hyperphagiques (bingeeating), le mérycisme et le pica. Comme des modiications de l’appétit et du poids sont couramment entraînées par des affections médicales, il faut tout d’abord exclure la présence d’un cancer, de perturbations endocriniennes, d’infections chroniques et d’autres maladies avant de supposer que les symptômes ont une origine psychiatrique. C’est particulièrement le cas quand la perte ou la prise de poids atteignent des proportions majeures et sont concomitantes d’autres symptômes somatiques. Il faut noter que l’obésité est répertoriée dans l’arbre décisionnel parmi les causes médicales possibles dans le diagnostic différentiel d’une prise de poids. Cela traduit le fait que l’obésité (déinie par un index de masse corporelle [IMC] ≥ 30 kg/m2) n’est pas considérée en elle-même comme un trouble mental mais plutôt comme une affection médicale. Un IMC ≥ 30 kg/m2 n’est considéré comme faisant partie d’un trouble psychiatrique que s’il est la conséquence d’un mode d’alimentation perturbé (comme dans le trouble accès hyperphagiques [binge-eating disorder]). Des modiications de l’appétit et du poids (dans les deux sens) sont également souvent causées par l’utilisation de certaines drogues donnant lieu à abus (notamment les psychostimulants et le cannabis) et de certains médicaments obtenus sur prescription médicale. En fait, une des principales raisons de mauvaise observance de nombreux traitements psychotropes (p. ex. inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, antidépresseurs tricycliques, lithium, divalproate, inhibiteurs de la monoamine-oxydase, antipsychotiques atypiques) est la peur de l’augmentation de poids qui accompagne souvent leur prise. Élucider la cause des modiications du poids peut être dificile car de nombreuses affections soignées par ces psychotropes sont elles-mêmes associées à des variations pondérales indépendamment de l’utilisation des médicaments. Par exemple, si un patient déprimé prend du poids alors qu’il est soigné par un antidépresseur, cela peut être un effet indésirable de l’antidépresseur, un symptôme caractéristique de dépression, ou encore un effet désirable du traitement (p. ex. un retour de l’appétit chez quelqu’un qui avait auparavant perdu l’envie de manger). Comme les modiications de l’appétit et les prises ou pertes de poids sont fréquentes dans de nombreux troubles mentaux, elles sont relativement peu spéciiques par ellesmêmes et fournissent peu d’indices pour le diagnostic différentiel. Il faut donc faire attention à la relation temporelle avec les autres symptômes du tableau clinique avant de décider quelle est l’explication la plus adaptée pour les modiications de l’appétit ou du poids. Par exemple, est-ce que la personne ne mange pas à cause de croyances délirantes que la nourriture est empoisonnée (comme dans le trouble délirant), à cause de sentiments d’indignité et d’une perte du plaisir de manger (comme dans le trouble dépressif caractérisé), ou à cause d’un appétit diminué ou parce qu’elle est « trop occupée » (comme dans un épisode maniaque) ? Chez certaines personnes, la perte ou la prise de poids sont le plus souvent associées à un tableau clinique spéciique comprenant des distorsions graves de l’image du corps et/ou des accès hyperphagiques. Dans l’anorexie mentale, la peur pathologique
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d’être (ou de devenir) gros(se) entraîne un poids qui est souvent dangereusement bas. Certaines personnes ayant une anorexie mentale ont des accès hyperphagiques et des comportements purgatifs, alors que d’autres parviennent à un poids faible uniquement par le jeûne et l’exercice physique. À la différence des personnes ayant une anorexie mentale, celles qui présentent une boulimie (bulimia nervosa) ont un poids qui est normal ou supérieur à la normale. Elles s’engagent dans des cycles d’accès hyperphagiques qui sont compensés par le recours à des méthodes inadaptées pour contrecarrer les effets de leur absorption excessive de calories (p. ex. vomissements provoqués, abus de laxatifs, jeûne, exercice physique à outrance). Les personnes présentant des accès hyperphagiques (binge-eating disorder) ont régulièrement des crises de gloutonnerie (c.-à-d. au moins une fois/semaine pendant au moins 3 mois) sans recourir à des comportements compensatoires inappropriés pour prévenir une prise de poids. Ces personnes sont donc typiquement en surpoids. Certains individus ont une perte de poids signiicative (ou bien sont incapables d’atteindre le poids attendu) en l’absence d’une peur de prendre du poids ou de devenir gros. La perte de poids résulte plutôt d’un manque d’intérêt pour l’alimentation, ou d’un évitement de la nourriture fondé sur ses caractéristiques sensorielles (p. ex. aspect, couleur, texture, température ou goût des aliments), ou encore de l’anticipation de conséquences négatives comme s’étouffer avec un aliment. On peut porter chez ces individus le diagnostic de restriction ou évitement de l’ingestion d’aliments. L’arbre décisionnel contient également plusieurs perturbations de l’alimentation qui surviennent essentiellement chez les nourrissons, les jeunes enfants ou les personnes présentant un handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel). Le pica est l’ingestion répétée et non adaptée de substances non nutritives, d’une façon qui ne correspond pas au niveau de développement de l’individu (p. ex. copeaux de peinture, icelle, terre, déjections d’animaux). Le mérycisme désigne la régurgitation répétée et le remâchage de la nourriture. La restriction ou évitement de l’ingestion d’aliments, catégorie diagnostique discutée précédemment, s’applique également aux nourrissons ou aux enfants présentant une perte de poids grave (ou ne parvenant pas à atteindre le poids attendu) ; ce trouble résulte généralement de l’interaction entre un enfant dificile à nourrir et un adulte inexpérimenté. Des modiications cliniquement signiicatives du poids ainsi que des comportements alimentaires pathologiques qui n’ont pas encore été abordés dans cet arbre décisionnel peuvent survenir en réponse à des facteurs de stress psychosociaux. Dans ces cas, un diagnostic de trouble de l’adaptation est éventuellement pertinent. D’autres troubles de l’alimentation cliniquement signiicatifs mais qui ne répondent pas aux critères de l’un des troubles des conduites alimentaires spéciiques du DSM-5 (p. ex. comportements purgatifs répétés sans accès hyperphagiques) peuvent être diagnostiqués au moyen d’une catégorie résiduelle. Si le clinicien souhaite noter le tableau symptomatique dans le dossier, il peut porter le diagnostic « autre trouble de l’alimentation ou de l’ingestion d’aliments, spéciié » et indiquer la raison spéciique ; dans le cas contraire, le diagnostic « trouble de l’alimentation ou de l’ingestion d’aliments, non spéciié » est utilisé. Enin, il est important de se rappeler que les préoccupations concernant l’apparence du corps et la prise ou perte de poids, ainsi que les régimes alimentaires à la mode, sont des questions très présentes dans la vie normale. Les diagnostics « autre trouble de l’alimentation ou de l’ingestion d’aliments, spéciié » et « trouble de l’alimentation ou de l’ingestion d’aliments, non spéciié » ne doivent être employés que si la perturbation de l’alimentation représente un dysfonctionnement psychologique ou biologique chez la personne.
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2.19 Arbre décisionnel pour l’insomnie
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2.19 Arbre décisionnel pour l’insomnie L’insomnie est déinie dans le DSM-5 comme une insatisfaction liée à la quantité ou à la qualité du sommeil, avec des plaintes concernant la dificulté à trouver le sommeil ou à rester endormi. Des substances donnant lieu à abus ainsi que de nombreux médicaments obtenus avec ou sans ordonnance peuvent engendrer de l’insomnie comme effet indésirable signiicatif. Pour les substances donnant lieu à abus, le diagnostic d’intoxication par une substance ou de sevrage d’une substance couvre en général les symptômes d’insomnie. Un diagnostic de trouble du sommeil induit par une substance/un médicament, type insomnie ne peut être évoqué que si l’insomnie prédomine dans le tableau clinique et si elle est sufisamment grave pour justiier une prise en charge clinique. On peut aussi porter le diagnostic de trouble du sommeil induit par une substance/un médicament pour une insomnie cliniquement sévère induite par des médicaments. Il faut ensuite exclure le rôle étiologique d’autres troubles du sommeil plus spéciiques dans l’insomnie ; en effet, les manifestations de ces autres troubles du sommeil peuvent aussi interrompre le sommeil nocturne. La narcolepsie est caractérisée par des périodes récurrentes d’un besoin irrépressible de sommeil accompagnées de cataplexie (c.-à-d. des épisodes brefs de perte soudaine et bilatérale du tonus musculaire provoqués par le rire), une déicience en hypocrétine (mesurée dans le liquide céphalorachidien) ou des résultats polysomnographiques caractéristiques (c.-à-d. latence du sommeil paradoxal inférieure ou égale à 15 minutes, ou test itératif de latence d’endormissement avec une latence d’endormissement moyenne de 8 minutes ou moins, et endormissements en sommeil paradoxal à au moins deux reprises). Le DSM-5 inclut trois troubles différents dans la section sur les troubles du sommeil liés à la respiration, chacun pouvant être la cause d’une insomnie à cause de réveils au cours de la nuit. L’apnée/hypopnée obstructive du sommeil, forme la plus fréquente de trouble du sommeil lié à la respiration, est caractérisée par des épisodes répétés d’obstruction des voies aériennes supérieures survenant pendant le sommeil. L’apnée centrale du sommeil est caractérisée par des épisodes répétés d’apnées et d’hypopnées pendant le sommeil occasionnés par une instabilité de l’effort respiratoire. L’hypoventilation liée au sommeil est caractérisée par des épisodes de baisse de ventilation pendant le sommeil associés à des taux élevés de CO2. Les troubles de l’éveil en sommeil non paradoxal sont caractérisés par des épisodes récurrents de réveil incomplet, survenant habituellement pendant le premier tiers de la nuit, qui peuvent prendre la forme de terreurs nocturnes ou de somnambulisme. Les cauchemars et les troubles du comportement en sommeil paradoxal sont des phénomènes problématiques qui se produisent pendant le sommeil paradoxal : des rêves prolongés, extrêmement dysphoriques, dont le souvenir persiste lors de l’éveil pour les cauchemars, et des réveils répétés pendant le sommeil paradoxal associés à des vocalisations ou des comportements moteurs complexes pour les troubles du comportement en sommeil paradoxal. Le syndrome des jambes sans repos est caractérisé par un besoin récurrent et persistant de bouger les jambes en réponse à des sensations désagréables. Le trouble de l’alternance veille-sommeil lié au rythme circadien est caractérisé par un décalage entre les horaires de la personne et son rythme endogène d’alternance veille-sommeil. L’insomnie qui survient exclusivement pendant l’un de ces troubles du sommeil et qui est correctement expliquée par ce trouble ne justiie pas un diagnostic séparé d’insomnie. Si la gravité de l’insomnie dépasse ce que l’on attendrait d’un autre trouble du sommeil ou survient à des moments où ce trouble du sommeil n’est pas présent, un diagnostic d’insomnie comorbide peut être approprié.
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L’étape suivante consiste à évaluer si l’insomnie est un symptôme d’un autre trouble mental. Un certain nombre de troubles mentaux, tels que le trouble dépressif caractérisé, peuvent inclure des symptômes importants d’insomnie. Si l’insomnie est bien expliquée par la présence du trouble mental, on porte uniquement le diagnostic de ce trouble mental et on ne porte pas un diagnostic additionnel d’insomnie. Néanmoins, si l’insomnie prédomine dans le tableau clinique et si elle est sufisamment grave pour justiier une prise en charge clinique, on peut porter un diagnostic comorbide d’insomnie. De même, un certain nombre d’affections médicales, telles que les dorsalgies, peuvent perturber considérablement le sommeil. Un diagnostic additionnel d’insomnie peut néanmoins être justiié dans ces cas si l’insomnie n’est pas correctement expliquée par l’affection médicale. Certaines dificultés d’endormissement (ou de maintien du sommeil) peuvent survenir dans la vie de tout un chacun, particulièrement en rapport avec des facteurs de stress psychosociaux ou avec l’âge. L’insomnie ne doit être considérée comme un symptôme d’un trouble mental que si elle est sévère, prolongée et si elle est à l’origine d’une détresse ou d’une altération du fonctionnement cliniquement signiicatives.
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2.20 Arbre décisionnel pour l’hypersomnolence L’hypersomnolence est un terme diagnostique général qui englobe des symptômes liés à une quantité excessive de sommeil (p. ex. un sommeil nocturne prolongé ou des siestes diurnes involontaires), une détérioration de la qualité de l’état de veille (c.-à-d. des dificultés à se réveiller et l’incapacité de rester éveillé quand c’est nécessaire) et l’inertie du sommeil (c.-à-d. une période d’altération des performances et de vigilance réduite au moment du réveil). On ne peut porter un diagnostic d’hypersomnolence que si la personne a pu bénéicier régulièrement de quantités sufisantes de sommeil – ce diagnostic n’est pas justiié chez des personnes qui présentent une privation de sommeil, soit du fait d’une insomnie, soit pour répondre à un mode de vie surchargé. Des substances donnant lieu à abus et de nombreux médicaments obtenus avec ou sans ordonnance peuvent induire une somnolence diurne comme effet secondaire. Pour les substances donnant lieu à abus, le diagnostic d’intoxication par une substance ou de sevrage d’une substance couvre en général les symptômes d’hypersomnolence. Un diagnostic de trouble du sommeil induit par une substance/un médicament, type somnolence diurne, ne peut être évoqué que si l’hypersomnolence prédomine dans le tableau clinique et si elle est sufisamment grave pour justiier une prise en charge clinique. On peut aussi porter le diagnostic de trouble du sommeil induit par un médicament pour une hypersomnolence cliniquement sévère en lien avec des médicaments. Il faut ensuite éliminer d’autres troubles du sommeil spéciiques comme cause de l’hypersomnolence ; en effet, une somnolence diurne est un élément caractéristique de certains troubles du sommeil (p. ex. la narcolepsie) ou peut être la conséquence de la perturbation du sommeil nocturne causée par d’autres troubles du sommeil (p. ex. des cauchemars). La narcolepsie est caractérisée par des périodes récurrentes d’un besoin irrépressible de sommeil accompagnées de cataplexie (c.-à-d. des épisodes brefs de perte soudaine et bilatérale du tonus musculaire provoqués par le rire), une déicience en hypocrétine (mesurée dans le liquide céphalorachidien), ou des résultats polysomnographiques caractéristiques (c.-à-d. latence du sommeil paradoxal inférieure ou égale à 15 minutes, ou test itératif de latence d’endormissement avec une latence d’endormissement moyenne de 8 minutes ou moins, et endormissements en sommeil paradoxal à au moins deux reprises). Le DSM-5 inclut trois troubles différents dans la section sur les troubles du sommeil liés à la respiration, chacun pouvant être la cause d’une somnolence diurne. L’apnée/hypopnée obstructive du sommeil, forme la plus fréquente de trouble du sommeil lié à la respiration, est caractérisée par des épisodes répétés d’obstruction des voies aériennes supérieures survenant pendant le sommeil. L’apnée centrale du sommeil est caractérisée par des épisodes répétés d’apnées et d’hypopnées pendant le sommeil occasionnés par une instabilité de l’effort respiratoire. L’hypoventilation liée au sommeil est caractérisée par des épisodes de baisse de ventilation pendant le sommeil associés à des taux élevés de CO2. Les troubles de l’éveil en sommeil non paradoxal sont caractérisés par des épisodes récurrents de réveil incomplet, survenant habituellement pendant le premier tiers de la nuit, qui peuvent prendre la forme de terreurs nocturnes ou de somnambulisme. Les cauchemars et les troubles du comportement en sommeil paradoxal sont des phénomènes problématiques qui se produisent pendant le sommeil paradoxal : des rêves prolongés, extrêmement dysphoriques, dont le souvenir persiste lors de l’éveil pour les cauchemars, et des réveils répétés pendant le sommeil paradoxal associés à des vocalisations ou des comportements moteurs complexes pour les troubles du comportement en sommeil paradoxal. Le syndrome
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des jambes sans repos est caractérisé par un besoin récurrent et persistant de bouger les jambes en réponse à des sensations désagréables. Le trouble de l’alternance veillesommeil lié au rythme circadien est caractérisé par un décalage entre les horaires de la personne et son rythme endogène d’alternance veille-sommeil. Enin, l’insomnie, en tant que trouble, est caractérisée par des plaintes portant essentiellement sur une insatisfaction liée à la qualité ou la quantité du sommeil, des dificultés à s’endormir ou à rester endormi, ou des réveils matinaux précoces. L’hypersomnolence qui survient exclusivement pendant l’un de ces troubles du sommeil, et qui est correctement expliquée par ces troubles, ne justiie pas un diagnostic séparé d’hypersomnolence. Si l’hypersomnolence dépasse en gravité ce que l’on attendrait d’un autre trouble du sommeil ou si elle survient à des moments où d’autres troubles du sommeil sont absents, un diagnostic comorbide d’hypersomnolence peut être approprié. L’étape suivante consiste à évaluer si l’hypersomnolence est en fait un symptôme d’un autre trouble mental. Un certain nombre de troubles mentaux peuvent comporter des symptômes importants d’hypersomnolence, particulièrement les épisodes dépressifs caractérisés avec des caractéristiques atypiques, que l’on peut voir dans le cadre d’un trouble dépressif caractérisé, ou d’un trouble bipolaire de type I ou de type II. Si la fatigue diurne est correctement expliquée par la présence du trouble mental, on porte uniquement le diagnostic de ce trouble mental et on ne porte pas un diagnostic additionnel d’hypersomnolence. Toutefois, si l’hypersomnolence prédomine dans le tableau clinique et si elle est sufisamment grave pour justiier une prise en charge clinique, on peut porter un diagnostic comorbide d’hypersomnolence. De même, un certain nombre d’affections médicales, telles que la mononucléose, peuvent être caractérisées par de la somnolence diurne. Un diagnostic additionnel d’hypersomnolence peut être justiié si sa sévérité n’est pas expliquée d’une manière adéquate par l’affection médicale.
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2.21 Arbre décisionnel pour les dysfonctions sexuelles chez la femme
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2.21 Arbre décisionnel pour les dysfonctions sexuelles chez la femme La principale dificulté quand il s’agit d’évaluer des dysfonctions sexuelles chez l’homme comme chez la femme est le fait qu’il n’existe pas de recommandations validées permettant de déterminer ce qui est un fonctionnement sexuel « normal ». Le seuil déinissant un fonctionnement sexuel normal varie selon l’âge de la femme et ses expériences sexuelles antérieures, la disponibilité de partenaires et le degré de familiarité avec eux, et les attentes et les normes caractéristiques du milieu culturel, ethnique et religieux de l’intéressée. Une excitation et un orgasme satisfaisants requièrent un niveau de stimulation sexuelle qui est adéquat par son objet, sa durée et son intensité. Le diagnostic de trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle ou de l’excitation sexuelle chez la femme ou de trouble de l’orgasme chez la femme doit être fondé sur le jugement clinique que l’intéressée a pu ressentir une stimulation adéquate. De plus, des dysfonctions sexuelles occasionnelles appartiennent à la sexualité humaine normale et ne signiient pas qu’un trouble est présent, sauf si elles sont persistantes (c.-à-d. qu’elles durent au moins 6 mois) ou récurrentes et si elles entraînent une détresse marquée et des dificultés interpersonnelles. Une fois que le jugement clinique a permis d’établir que la dysfonction sexuelle est cliniquement signiicative, l’étape suivante consiste à déterminer son étiologie. Les étiologies possibles incluent des facteurs psychologiques, des affections médicales, les effets secondaires de nombreux médicaments prescrits, et les conséquences d’un abus de drogues. Cette évaluation peut être dificile car il est très fréquent que plusieurs étiologies contribuent à la dysfonction sexuelle. Avant de conclure qu’une dysfonction sexuelle repose entièrement sur des facteurs psychologiques, il faut rechercher la contribution possible d’une affection médicale ou d’une consommation de substance (y compris les effets secondaires de médicaments), avant tout parce que ces étiologies entraînent des implications thérapeutiques spéciiques (p. ex. l’arrêt du médicament en cause). D’autre part, il ne faut pas oublier que l’identiication du rôle étiologique spéciique d’une affection médicale, d’un médicament ou d’une drogue donnant lieu à abus n’empêche pas que des facteurs psychologiques puissent contribuer de façon importante à l’étiologie de la dysfonction sexuelle. Les problèmes sexuels sont couramment associés à plusieurs troubles mentaux (p. ex. troubles dépressifs, troubles anxieux, spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques). Un diagnostic additionnel de dysfonction sexuelle n’est pas porté si les problèmes sexuels sont mieux expliqués par le trouble mental. Par exemple, un faible désir sexuel survenant seulement durant un épisode dépressif caractérisé ne justiie pas un diagnostic distinct de trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle ou de l’excitation sexuelle chez la femme. Les deux diagnostics ne peuvent être portés conjointement que si l’on estime que le faible désir sexuel est indépendant du trouble dépressif (c.-à-d. qu’il précède le début de l’épisode dépressif caractérisé ou qu’il persiste longtemps après la rémission de la dépression). De même, une dysfonction sexuelle qui est mieux expliquée comme étant la conséquence d’une détresse relationnelle sévère sera diagnostiquée comme un problème relationnel plutôt que comme une dysfonction sexuelle, sauf si des éléments prouvent que la dysfonction sexuelle est survenue indépendamment du problème relationnel. Une fois que la consommation de substances, des affections médicales et des détresses relationnelles ont été envisagées et éliminées, l’attention doit se tourner vers les dysfonctions sexuelles primaires elles-mêmes. Ce qui était dénommé dans le DSM-
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IV-TR « trouble : baisse du désir sexuel » chez la femme et « trouble de l’excitation sexuelle chez la femme » a été regroupé dans le DSM-5 dans une catégorie diagnostique unique appelée « trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle ou de l’excitation sexuelle chez la femme ». Cette modiication relète des arguments indiquant que le désir sexuel et l’excitation sexuelle sont souvent des concepts non séparables chez la femme. Ainsi, le trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle ou de l’excitation sexuelle chez la femme recouvre des problèmes très divers, comprenant une diminution de l’intérêt pour les activités sexuelles, une réduction de la fréquence des pensées ou des fantasmes érotiques, une diminution des initiatives d’initier des rapports sexuels, une diminution de l’excitation ou du plaisir sexuels durant les rapports, un abaissement de l’intérêt ou de la stimulation en réponse à des stimuli érotiques, et une diminution des sensations génitales et non génitales durant l’activité sexuelle. Le trouble de l’orgasme chez la femme comprend un retard marqué pour parvenir à l’orgasme ou une diminution marquée de l’intensité des sensations orgasmiques. La catégorie du DSM-5 appelée « trouble lié à des douleurs génito-pelviennes ou à la pénétration » regroupe deux catégories du DSM-IV-TR (c.-à-d. le vaginisme et la dyspareunie) et est caractérisée par des dificultés lors des rapports vaginaux ou de la pénétration ; des douleurs vulvovaginales ou pelviennes marquées lors des rapports ou des tentatives de pénétration, une peur ou une anxiété marquées d’une douleur vulvovaginales ou pelviennes par anticipation, pendant ou résultant de la pénétration vaginale, ou une tension ou crispations marquées de la musculature du plancher pelvien au cours des tentatives de pénétration vaginale. Si une dysfonction sexuelle ne satisfait pas les critères de l’une des dysfonctions sexuelles décrites ci-dessus (peut-être parce que les critères de fréquence et de durée ne sont pas remplis) ou survient dans le cadre d’une réponse inadaptée un facteur de stress psychosocial, un diagnostic de trouble de l’adaptation peut être approprié.
2.21 Arbre décisionnel pour les dysfonctions sexuelles chez la femme
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2.22 Arbre décisionnel pour les dysfonctions sexuelles chez l’homme
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2.22 Arbre décisionnel pour les dysfonctions sexuelles chez l’homme La principale dificulté quand il s’agit d’évaluer des dysfonctions sexuelles chez l’homme comme chez la femme est qui n’existe pas de recommandations validées permettant de déterminer ce qui est un fonctionnement sexuel « normal ». Le seuil déinissant un fonctionnement sexuel normal varie selon l’âge de l’homme et ses expériences sexuelles antérieures, la disponibilité de partenaires et le degré de familiarité avec eux, et les attentes et les normes caractéristiques du milieu culturel, ethnique et religieux de l’intéressé. Une excitation et un orgasme satisfaisants requièrent un niveau de stimulation sexuelle qui est adéquat par son objet, sa durée et son intensité. Un diagnostic de trouble de l’érection ou d’éjaculation retardée doit être fondé sur le jugement clinique que l’intéressé a pu ressentir une stimulation adéquate. De plus, des dysfonctions sexuelles occasionnelles appartiennent à la sexualité humaine normale et ne signiient pas qu’un trouble est présent, sauf si elles sont persistantes (c.-à-d. qu’elles durent au moins 6 mois) ou récurrentes et si elles entraînent une détresse marquée et des dificultés interpersonnelles. Une fois que le jugement clinique a permis d’établir que la dysfonction sexuelle est cliniquement signiicative, l’étape suivante consiste à déterminer son étiologie. Les étiologies possibles incluent des facteurs psychologiques, des affections médicales, les effets secondaires de nombreux médicaments prescrits, et les conséquences d’un abus de drogues. Cette évaluation peut être dificile car il est très fréquent que plusieurs étiologies contribuent à la dysfonction sexuelle. Par exemple, il n’est pas rare que quelqu’un qui développe un trouble léger de l’érection à cause d’une affection médicale (p. ex. problèmes vasculaires) développe aussi d’autres dysfonctions sexuelles (p. ex. baisse du désir) comme conséquence psychologique. Avant de conclure qu’une dysfonction sexuelle repose entièrement sur des facteurs psychologiques, il faut rechercher la contribution possible d’une affection médicale ou d’une consommation de substance (y compris les effets secondaires de médicaments), avant tout parce que ces étiologies entraînent des implications thérapeutiques spéciiques (p. ex. l’arrêt du médicament en cause). D’autre part, il ne faut pas oublier que l’identiication du rôle étiologique spéciique d’une affection médicale, d’un médicament ou d’une drogue donnant lieu à abus n’empêche pas que des facteurs psychologiques puissent contribuer de façon importante à l’étiologie de la dysfonction sexuelle. Les problèmes sexuels sont couramment associés à plusieurs troubles mentaux (p. ex. troubles dépressifs, troubles anxieux, spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques). Un diagnostic additionnel de dysfonction sexuelle n’est pas porté si les problèmes sexuels sont mieux expliqués par le trouble mental. Par exemple, un faible désir sexuel survenant seulement durant un épisode dépressif caractérisé ne justiie pas un diagnostic distinct de diminution du désir sexuel chez l’homme. Les deux diagnostics ne peuvent être portés conjointement que si l’on estime que le faible désir sexuel est indépendant du trouble dépressif (c.-à-d. qu’il précède le début de l’épisode dépressif caractérisé ou qu’il persiste longtemps après la rémission de la dépression). De même, une dysfonction sexuelle qui est mieux expliquée comme étant la conséquence d’une détresse relationnelle sévère sera diagnostiquée comme un problème relationnel plutôt que comme une dysfonction sexuelle, sauf si des éléments prouvent que la dysfonction sexuelle est survenue indépendamment du problème relationnel. Les dysfonctions sexuelles primaires chez l’homme sont classées en fonction de la phase où survient le problème au cours du cycle de la réponse sexuelle. La diminution du désir sexuel chez l’homme est liée à la phase initiale, le désir sexuel. Le trouble de l’érection est lié à la seconde phase, l’excitation sexuelle. L’éjaculation retardée et l’éjaculation prématurée (précoce) sont des problèmes qui surviennent durant la troisième
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phase, l’orgasme. Il n’est pas rare que des problèmes surviennent dans plusieurs phases du cycle de la réponse sexuelle. Comme les phases du cycle de la réponse sexuelle surviennent l’une après l’autre, un fonctionnement correct dans une phase exige généralement un fonctionnement correct dans les phases précédentes (p. ex. l’orgasme requiert un certain niveau d’excitation, lequel requiert un certain niveau de désir). Cependant, l’anticipation de la récurrence de problèmes dans une phase tardive (p. ex. des dificultés d’éjaculation) entraîne souvent des problèmes dans une phase précoce (p. ex. avoir comme conséquence un trouble de l’érection ou un faible désir sexuel).
2.22 Arbre décisionnel pour les dysfonctions sexuelles chez l’homme
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2.23 Arbre décisionnel pour le comportement agressif Le comportement agressif fait partie de la déinition de seulement quelques troubles du DSM-5 (c.-à-d. le trouble explosif intermittent, le trouble des conduites, la personnalité antisociale et le trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle) mais il représente une complication de nombreux troubles mentaux. Il est important de souligner que la plupart des comportements violents surviennent pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le domaine de la maladie mentale (p. ex. gains matériels, statut, plaisir sadique, vengeance, défense d’une cause politique ou religieuse). Cela trouve son expression à la in de l’arbre décisionnel, où le comportement agressif qui ne représente pas un dysfonctionnement psychologique ou biologique chez la personne est considéré comme un comportement antisocial non psychiatrique. De plus, même quand le comportement agressif est associé à un trouble mental, cela ne rend pas automatiquement la personne irresponsable des actes commis. Parmi les troubles du DSM-5, les troubles liés à une substance représentent les causes de loin les plus fréquentes de comportements agressifs. L’agressivité peut être également la conséquence de l’altération cognitive et de la diminution du contrôle des impulsions qui sont caractéristiques de l’état confusionnel (delirium) et du trouble neurocognitif majeur ou léger dus à une autre affection médicale. Lorsque le comportement agressif est la conséquence physiologique directe d’une affection médicale mais qu’il survient en l’absence d’altération cognitive, on doit porter le diagnostic de modiication de la personnalité due à une autre affection médicale. Une des questions qui est parfois débattue dans ce dernier diagnostic est celle de savoir si des signes médicaux non spéciiques (p. ex. signe neurologiques légers, ralentissement diffus à l’électroencéphalogramme) peuvent être considérés comme des preuves du rôle étiologique d’une affection médicale. La convention dans le DSM-5 est de porter le diagnostic de modiication de la personnalité due à une autre affection médicale seulement si les signes trouvés prouvent clairement le diagnostic d’une affection médicale déinie. Cependant, lorsque le jugement clinique suggère fortement qu’un dysfonctionnement du système nerveux central est présent et qu’il est responsable des modiications de personnalité, sans qu’un diagnostic spéciique ne puisse être établi, l’affection médicale dénommée « affection du cerveau, sans précision » dans la CIM-10 (G93.9) peut être indiquée comme étant le trouble étiologique et être codée comme diagnostic additionnel (CIM9-MC : 348.9, CIM-10-MC : G39.9). Bien que l’association soit dans ce cas beaucoup moins importante, des épisodes de comportement agressif peuvent survenir avec une fréquence légèrement plus élevée chez les personnes atteintes de schizophrénie, d’autres troubles psychotiques et de troubles bipolaires. Un mode ancien de comportement agressif suggère que ces conduites rentrent dans le cadre d’un trouble de la personnalité (p. ex. personnalité antisociale, personnalité borderline). Des comportements agressifs peuvent survenir chez l’enfant dans le contexte de plusieurs troubles. Quand ces comportements surviennent au sein d’un ensemble de conduites antisociales chez un enfant, le diagnostic de trouble des conduites peut être appliqué. Quand les comportements agressifs surviennent dans le contexte de crises de colère sévères qui sont nettement hors de proportion en intensité et en durée avec la situation ou la provocation, avec une humeur qui est de façon persistante irritable ou colérique entre les crises, on peut envisager le diagnostic de trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle, nouveau dans le DSM-5. Beaucoup plus rarement, des comportements agressifs peuvent être associés
2.23 Arbre décisionnel pour le comportement agressif
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à d’autres troubles de l’enfance, notamment le trouble oppositionnel avec provocation, le déicit de l’attention/hyperactivité, l’anxiété de séparation, le trouble du spectre de l’autisme et le handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel). Des épisodes récurrents de comportements agressifs (c.-à-d. d’agressions verbales ou physiques contre des personnes, des animaux ou des biens) qui ne sont pas expliqués par un autre trouble mental (y compris un trouble de la personnalité) peuvent justiier un diagnostic de trouble explosif intermittent si les critères minimums sont remplis pour la fréquence des accès (deux fois/semaine durant 3 mois pour les agressions verbales ou physiques qui n’entraînent pas des blessures ou la destruction de biens, ou bien trois accès dans une période de 12 mois s’ils causent une blessure ou des dommages matériels). Des comportements agressifs peuvent également survenir en réponse à un facteur de stress. Si le facteur de stress est de nature traumatique, le comportement agressif peut faire partie d’un trouble stress post-traumatique (ou d’un trouble stress aigu si la durée est inférieure à un mois). Autrement, le comportement agressif peut être la manifestation d’un trouble de l’adaptation.
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2.24 Arbre décisionnel pour l’impulsivité ou les problèmes de contrôle des impulsions L’arbre décisionnel 2.24 concerne deux symptômes apparentés : l’impulsivité en tant que trait, et les problèmes de diminution du contrôle des impulsions. L’impulsivité désigne la tendance à agir dans l’instant, avec peu ou pas d’anticipation, de rélexion ou de considération des conséquences. Plusieurs troubles du DSM-5 sont caractérisés par une impulsivité excessive. D’autres troubles sont caractérisés par des problèmes à contrôler certaines impulsions (p. ex. l’impulsion de s’arracher les cheveux dans la trichotillomanie, celle d’avoir des épisodes de gloutonnerie dans les accès hyperphagiques). Tant l’impulsivité excessive que l’altération du contrôle d’impulsions spéciiques peuvent conduire à des comportements impulsifs qui sont dangereux pour la personne comme pour autrui. L’usage de substances est une cause fréquente et dévastatrice d’impulsivité et il doit être envisagé comme cause éventuelle, unique ou associée, dans tout tableau de comportement impulsif. Des affections médicales peuvent aussi entraîner une désinhibition du contrôle des impulsions, qui est souvent accompagnée par un jugement déicient et par d’autres symptômes cognitifs justiiant un diagnostic d’état confusionnel (delirium) ou de trouble neurocognitif majeur ou léger. Quand une affection médicale provoque une impulsivité persistante qui survient en l’absence d’altération cognitive cliniquement signiicative, on porte le diagnostic de modiication de la personnalité due à une autre affection médicale (en spéciiant le plus souvent : type désinhibé ou type agressif). Certains troubles sont caractérisés par une impulsivité qui se limite exclusivement aux épisodes de l’affection. Une fois que l’usage de substances et une affection médicale ont été éliminés, l’étape suivante consiste à déterminer si le tableau clinique comporte des symptômes pouvant suggérer un diagnostic de trouble bipolaire, de troubles dépressifs, de schizophrénie ou d’un autre trouble psychotique, ou de trouble stress post-traumatique ou de trouble stress aigu. Une impulsivité généralisée qui débute précocement et suit une évolution persistante est très probablement associée à un déicit de l’attention/hyperactivité, un trouble des conduites, une personnalité antisociale ou une personnalité borderline. Des troubles très divers du DSM-5 sont caractérisés par des comportements spéciiques qui peuvent être conceptualisés comme des manifestations d’une altération du contrôle des impulsions. Il s’agit par exemple du jeu d’argent pathologique (trouble lié au jeu d’argent), où la capacité de la personne à contrôler ses jeux d’argent est altérée, de la boulimie (bulimia nervosa) et des accès hyperphagiques (binge-eating disorder), caractérisés par des accès hyperphagiques non contrôlés, de la pyromanie et de la kleptomanie, caractérisées par l’incapacité de résister aux impulsions d’allumer des incendies ou de voler des objets sans grande valeur respectivement, de la trichotillomanie et de la dermatillomanie, caractérisées par l’incapacité de résister aux impulsions de s’arracher ses propres cheveux ou de se triturer la peau respectivement, et du trouble explosif intermittent, caractérisé par une incapacité intermittente de résister à des impulsions agressives.
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2.25 Arbre décisionnel pour les automutilations et les lésions auto-inligées Les lésions auto-inligées et les automutilations incluent le fait de se scariier, de se brûler, de se cogner la tête, de s’arracher les cheveux, de se triturer la peau, de se mordre et de se frapper en différents endroits du corps. Les automutilations sont notablement plus fréquentes dans les situations où la personne est enfermée (p. ex. dans un hôpital, en prison, dans un foyer pour mineurs). Un dilemme intéressant se présente donc quand un patient qui est sur le point de quitter l’hôpital accroît ses conduites d’automutilation, ces dernières pouvant en réalité en être renforcées par la prolongation du séjour hospitalier. Les motifs d’automutilations varient selon les diagnostics qu’elles compliquent. Le diagnostic le plus souvent associé à des automutilations est la personnalité borderline. Chez certains individus présentant cette personnalité, les automutilations sont souvent un moyen de « soigner » des états dissociatifs car elles permettent aux patients de retrouver l’impression de se sentir bien vivants quand ils ressentent la douleur ou voient du sang. Chez d’autres patients ayant une personnalité borderline, les automutilations sont un moyen de « traiter » une dysphorie profonde ou de contenir une colère intense. La probabilité d’épisodes d’automutilation est considérablement augmentée en cas d’intoxication par une substance ou de sevrage d’une substance. Le motif des automutilations chez les patients psychotiques est habituellement une croyance délirante (p. ex. le besoin de punir des esprits malfaisants) ou la réponse à des hallucinations donnant des ordres. Dans l’état confusionnel (delirium) ainsi que dans le trouble neurocognitif majeur, les automutilations surviennent parfois comme une conséquence de la confusion (p. ex. quand un patient attaché par des liens cherche à se libérer). Les automutilations qui compliquent rarement les troubles obsessionnels-compulsifs sont provoquées par l’incapacité de résister au besoin constant d’accomplir un acte compulsif (p. ex. se laver les mains jusqu’à s’abîmer la peau à cause de compulsions de lavage des mains). Il existe dans la trichotillomanie une incapacité de résister à l’impulsion de s’arracher les cheveux, ce qui peut entraîner des plaques de calvitie. La même incapacité de résister à l’impulsion de se triturer la peau dans la dermatillomanie entraîne des excoriations cutanées visibles. Dans le trouble masochisme sexuel, la motivation des automutilations est le plaisir sexuel. Des stéréotypies, susceptibles d’entraîner des automutilations, sont l’élément central du trouble « mouvements stéréotypés ». Quand les mouvements stéréotypés provoquent des automutilations cliniquement signiicatives, il est possible de spéciier « avec comportement d’automutilation ». Les stéréotypies ne sont pas rares dans le handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel) ; elles ne peuvent être diagnostiquées séparément comme des « mouvements stéréotypés » que si elles ne sont pas expliquées correctement par la cause sous-jacente du handicap intellectuel. Des automutilations peuvent parfois être la manifestation d’un trouble factice ou d’une simulation. Le patient découvre que le fait de se scariier ou de se brûler provoquera l’hospitalisation qu’il souhaite, ou préviendra une in d’hospitalisation qu’il ne désire pas. Le trouble factice et la simulation sont distingués l’un de l’autre par le fait que les comportements feints surviennent en l’absence ou en présence de bénéices extérieurs manifestes ; il s’agira dans le premier cas de troubles factices. Si l’imitation de conduites d’automutilation survient seulement en présence de bénéices externes manifestes, on parlera de simulation.
2.25 Arbre décisionnel pour les automutilations et les lésions auto-inligées
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2.26 Arbre décisionnel pour l’usage excessif de substances
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2.26 Arbre décisionnel pour l’usage excessif de substances De nombreuses personnes peuvent consommer des substances sans présenter des problèmes cliniquement signiicatifs pouvant justiier un diagnostic selon le DSM-5. Cependant, les troubles liés à une substance igurent parmi les troubles mentaux les plus fréquents et les plus invalidants. Comme des tableaux cliniques en rapport avec des substances sont très fréquemment observés dans les lieux de soins psychiatriques, dans les centres d’addictologie, ainsi que dans les dispositifs de soins primaires, un trouble lié à une substance doit toujours être envisagé dans le diagnostic différentiel. Dans le DSM-5, l’expression lié à une substance désigne les troubles associés à des drogues donnant lieu à abus, les effets secondaires des médicaments et des états induits par des produits toxiques. Il existe deux types de diagnostics liés à une substance dans le DSM-5 : les troubles de l’usage d’une substance, qui décrivent un mode d’usage problématique d’une substance, et les troubles induits par une substance (comprenant l’intoxication par une substance, le sevrage d’une substance et les troubles mentaux induits par une substance/un médicament), qui désignent des syndromes comportementaux causés par les effets directs d’une substance sur le système nerveux central (SNC). Le plus souvent, les troubles induits par une substance surviennent dans le contexte d’un trouble de l’usage d’une substance concomitant et, dans ce cas, les deux troubles doivent être diagnostiqués. La méthode pour coder ces diagnostics dépend des règles des systèmes de codage de la CIM-9-MC ou de la CIM-10-MC. Quand la CIM-9-MC était utilisée (c.-à-d. jusqu’au 1er octobre 2014), deux diagnostics devaient être portés (p. ex. trouble de l’usage de l’alcool grave et sevrage de l’alcool). Depuis l’introduction de la CIM-10-MC (c.-à-d. depuis le 1er octobre 2014), un seul diagnostic combiné est porté (p. ex. trouble de l’usage de l’alcool grave avec sevrage de l’alcool). Des informations supplémentaires sont données dans les notes de codage du DSM-5. Pour cette raison, l’arbre décisionnel débute par une question qui signale que les troubles de l’usage d’une substance et les troubles induits par une substance sont souvent comorbides, et qui indique clairement que si un trouble de l’usage d’une substance est présent et s’il existe des éléments probants indiquant que la substance a causé des symptômes psychiatriques à cause de ses effets directs sur le SNC, le reste de la décision doit être passé en revue pour déterminer le diagnostic différentiel du trouble induit par une substance pertinent. L’intoxication par une substance et le sevrage d’une substance peuvent être caractérisés par une symptomatologie qui ressemble à celle d’autres troubles du DSM-5 et doivent toujours être envisagés dans le diagnostic différentiel de chaque affection (cf. l’étape 2 dans le chapitre 1). Les troubles mentaux induits par une substance/un médicament (p. ex. les troubles psychotiques induits par une substance/un médicament, les troubles bipolaires ou apparentés induits par une substance/un médicament, etc.) ont été inclus dans le DSM-5 pour les tableaux cliniques où des symptômes particuliers, comme des idées délirantes, des hallucinations ou la manie sont au premier plan et nécessitent une prise en charge clinique. Par exemple, presque toutes les personnes subissant un sevrage de la cocaïne ressentiront une certaine humeur dysphorique, et dans la plupart des cas le diagnostic de sevrage de la cocaïne sufira. Cependant, si la personne devient déprimée au point d’être suicidaire, le diagnostic de trouble dépressif induit par la cocaïne sera vraisemblablement plus approprié. Souvent, plus d’un symptôme (p. ex. humeur dépressive et anxiété) peuvent être assez marqués pour justiier une prise en charge clinique. Dans ces situations, il est généralement préférable
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de porter seulement le diagnostic de trouble induit par une substance/un médicament, en indiquant le symptôme qui prédomine. Un usage de substances/médicaments peut entraîner des séquelles psychiatriques dans quatre situations : 1) un effet aigu de l’intoxication par la substance, 2) un effet aigu du sevrage de la substance, 3) un effet secondaire d’un médicament qui n’est pas forcément lié à l’intoxication par la substance ou au sevrage de la substance, et 4) un effet qui persiste après la correction des symptômes de l’intoxication ou du sevrage (dans le cas du trouble neurocognitif majeur ou léger induit par une substance/un médicament, et du trouble persistant des perceptions dû aux hallucinogènes). L’état confusionnel (delirium) dû à des étiologies multiples et le trouble neurocognitif majeur ou léger dû à des étiologies multiples ont été inclus dans le DSM-5 (et dans cet arbre décisionnel) pour souligner que ces conditions sont souvent causées par l’interaction d’étiologies multiples, y compris des substances. Une erreur fréquente (et aux conséquences parfois graves) et de supposer que le travail est ini une fois que l’on a déterminé qu’une substance contribue à l’étiologie de l’état confusionnel ou du trouble neurocognitif majeur ou léger et d’ignorer ainsi la contribution associée d’un traumatisme crânien ou d’une autre affection médicale.
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2.27 Arbre décisionnel pour les pertes de mémoire
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2.27 Arbre décisionnel pour les pertes de mémoire Les pertes de mémoire peuvent être caractérisées par la dificulté à enregistrer de nouveaux souvenirs et/ou à se rappeler des souvenirs antérieurs. Les divers aspects du fonctionnement de la mémoire peuvent être testés séparément. Ceux-ci comprennent 1) l’enregistrement (capacité du patient de répéter des chiffres ou des mots immédiatement après les avoir entendus), 2) le rappel à court terme (capacité du patient de répéter les noms de trois objets indépendants après une période de plusieurs minutes), 3) la reconnaissance (capacité du patient de récupérer des noms précédemment oubliés si on lui fournit des indices), et 4) la mémoire à long terme (capacité du patient de se rappeler des événements personnels ou historiques importants). Les diagnostics différentiels de cet arbre décisionnel sont liés aux questions suivantes : l’étiologie des pertes de mémoire est-elle un effet physiologique direct lié à l’utilisation d’une substance/d’un médicament ou à une affection médicale ? Ou bien est-elle une caractéristique associée à un autre trouble mental ? Ou encore la perte de mémoire est-elle un phénomène dissociatif (p. ex. dans le trouble stress post-traumatique ou dans le trouble dissociatif) ? L’altération de la mémoire est l’une des perturbations cognitives qui caractérisent l’état confusionnel (delirium) ou le trouble neurocognitif majeur ou léger. La caractéristique essentielle de l’état confusionnel est une obnubilation luctuante de la conscience caractérisée par une perturbation de l’attention (c.-à-d. une diminution de la capacité de diriger, focaliser, soutenir et déplacer son attention) et de la conscience (c.-à-d. une diminution de l’orientation dans l’environnement). La déinition de l’état confusionnel nécessite aussi une perturbation associée de la cognition (qui peut prendre la forme d’un déicit de la mémoire, du langage, des habiletés visuospatiales ou des perceptions). Le trouble neurocognitif est déini comme un déclin dans un ou plusieurs domaines neurocognitifs, spéciiés par le DSM-5 comme incluant l’attention complexe, les fonctions exécutives, l’apprentissage et la mémorisation, le langage, les activités psychomotrices et la cognition sociale. Même si de tels troubles cognitifs se manifestent le long d’un continuum, le DSM-5 a scindé cette dimension en deux troubles catégoriels : le trouble neurocognitif majeur et le trouble neurocognitif léger. Le trouble neurocognitif majeur est caractérisé par un déclin cognitif signiicatif, assez sévère pour interférer avec l’autonomie. Dans le trouble neurocognitif léger, le déclin cognitif est limité uniquement à un degré « modeste » de gravité. On porte le diagnostic quand le sujet, un informateur iable ou le clinicien observent un déclin léger des fonctions cognitives du patient ; ce déclin doit être accompagné par des preuves d’une altération modeste des performances cognitives documentée par un bilan neuropsychologique standardisé ou par une autre évaluation clinique quantiiée. Les altérations de la mémoire associées à l’utilisation de substances peuvent être soit temporaires (comme dans l’intoxication par une substance, le sevrage d’une substance, l’état confusionnel [delirium] dû à une intoxication par une substance ou au sevrage d’une substance, et d’autres effets secondaires d’un médicament), soit persistantes (comme dans le trouble neurocognitif majeur ou léger induit par une substance/un médicament, qui requiert le fait que les altérations cognitives persistent au-delà de la durée habituelle de l’intoxication aiguë ou du sevrage). L’altération de la mémoire est aussi une caractéristique associée commune à de nombreux troubles mentaux. Par exemple, des altérations de la mémoire survenant dans le contexte d’un épisode dépressif caractérisé peuvent être assez graves pour ressembler
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à un processus démentiel irréversible. Souvent, il devient clair qu’il n’y avait pas de trouble neurocognitif majeur comorbide uniquement une fois que les troubles de la mémoire ont disparu grâce au traitement antidépresseur. Ce diagnostic différentiel est d’autant plus compliqué que des médicaments (p. ex. lithium) pris par le patient peuvent aussi induire des troubles de la mémoire. La dissociation est une désagrégation du fonctionnement habituellement intégré de la conscience, de la mémoire, de l’identité ou de la perception de l’environnement. La perte de mémoire, notamment des événements traumatiques, est une caractéristique de l’amnésie dissociative et du trouble dissociatif de l’identité, mais aussi du trouble stress post-traumatique et du trouble stress aigu. En particulier, lorsque quelqu’un a été exposé à un événement qui est à la fois physiquement et psychologiquement traumatisant (p. ex. un accident de voiture), il peut être dificile de démêler si la perte de mémoire est une réaction psychologique aux événements ou si elle est due à des lésions cérébrales directes. De plus, dans des situations médico-légales, des fausses plaintes de perte de mémoire peuvent être utilisées pour échapper à ses responsabilités. Dans des tels cas, le diagnostic est soit le trouble factice soit la simulation, le trouble factice étant diagnostiqué lorsque la simulation des pertes de mémoire est évidente, même en l’absence de bénéices externes manifestes. Dans le cas contraire, on porte le diagnostic de simulation (qui n’est pas considéré comme un trouble mental). Il convient aussi de noter que quasiment tout le monde souhaite que sa mémoire soit meilleure qu’elle ne l’est, et que ce souhait devient habituellement plus pressant au fur et à mesure que les gens avancent en âge et commencent à avoir plus de dificultés à gérer leurs souvenirs. Avant de passer en revue les troubles de cet arbre décisionnel, on doit déterminer si la perte de mémoire est sufisamment grave pour être cliniquement signiicative et si elle est plus grave que ce que l’on pourrait attendre étant donné le niveau antérieur de fonctionnement de la personne et les normes pour son âge.
2.27 Arbre décisionnel pour les pertes de mémoire
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2.28 Arbre décisionnel pour les altérations cognitives
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2.28 Arbre décisionnel pour les altérations cognitives Bien que le terme d’altération cognitive soit assez large et qu’il puisse s’appliquer à l’altération de quasiment toutes les fonctions cognitives, dans le contexte de cet arbre décisionnel, ce terme fait référence aux déiciences dans l’un des domaines cognitifs répertoriés dans les critères du trouble neurocognitif majeur ou léger : attention complexe, fonctions exécutives, apprentissage et mémorisation, langage, activités perceptivomotrices ou cognition sociale. Si l’altération cognitive est limitée à la perte de mémoire, il faut consulter l’arbre décisionnel des pertes de mémoire (2.27) pour le diagnostic différentiel. Le modèle des altérations cognitives qui déinissent le syndrome de l’état confusionnel (delirium) est assez spéciique. La caractéristique essentielle de l’état confusionnel (delirium) est une obnubilation luctuante de la conscience caractérisée par une perturbation de l’attention (c.-à-d. une diminution de la capacité de diriger, focaliser, soutenir et déplacer son attention) et de la conscience (c.-à-d. une diminution de l’orientation dans l’environnement) qui s’installe en un temps court et tend à luctuer en sévérité tout au long de la journée. La déinition de l’état confusionnel (delirium) nécessite aussi une perturbation associée de la cognition (qui peut prendre la forme d’un déicit de mémoire, du langage, des habiletés visuospatiales ou des perceptions). Une fois que l’existence du syndrome d’état confusionnel (delirium) est établie, le diagnostic effectif selon le DSM-5 dépend de l’étiologie ; l’état confusionnel peut être la conséquence d’étiologies multiples (état confusionnel [delirium] dû à des étiologies multiples), des effets physiologiques de substances ou de médicaments (état confusionnel [delirium] dû à une intoxication par une substance, état confusionnel [delirium] dû au sevrage d’une substance, état confusionnel [delirium] induit par un médicament) ou des effets physiologiques d’une affection médicale (état confusionnel [delirium] dû à une autre affection médicale). Une altération cognitive signiicative survient aussi dans le contexte de nombreux troubles mentaux. Bien que la détérioration cognitive ne fasse pas partie des symptômes déinissant la schizophrénie, des symptômes cognitifs, particulièrement une dégradation de la mémoire de travail et déclarative, de la fonction du langage et d’autres fonctions exécutives, sont très fréquentes et sont un facteur majeur du mauvais fonctionnement à long terme qui caractérise souvent la schizophrénie. De même, bien que de nombreuses personnes puissent, durant un épisode maniaque, se sentir plus coniantes dans leurs capacités cognitives, on peut retrouver entre les épisodes thymiques des altérations cognitives signiicatives ayant un impact négatif sur le fonctionnement à long terme. Les troubles dépressifs, tels que le trouble dépressif caractérisé et le trouble dépressif persistant (dysthymie), sont caractérisés par des capacités réduites à réléchir ou à se concentrer, qui dans certains cas peuvent être assez graves pour ressembler à une pathologie démentielle (pseudo-démence). La dificulté à se concentrer est fréquente durant les périodes dysphoriques du trouble dysphorique prémenstruel, et fait aussi partie des tableaux symptomatiques du trouble stress post-traumatique, du trouble stress aigu et de l’anxiété généralisée. L’inattention et la distractibilité sont des caractéristiques entrant dans la déinition du déicit de l’attention/hyperactivité. Comme le trouble neurocognitif majeur ou léger peut toujours survenir tant que comorbidité avec ces pathologies, l’arbre décisionnel aiguille vers le trouble neurocognitif si la totalité des symptômes cognitifs qui font partie du tableau présenté ne sont pas entièrement expliqués par l’un de ces autres troubles mentaux.
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On distingue parmi les troubles neurocognitifs le trouble neurocognitif majeur et le trouble neurocognitif léger, puis ils sont typés selon leur étiologie. La distinction entre majeur et léger est faite selon que la personne présente une altération importante des fonctions cognitives interférant avec l’autonomie (trouble neurocognitif majeur) ou qu’elle présente un déclin modeste des fonctions qui n’est pas assez grave pour gêner l’autonomie dans les actes du quotidien (trouble neurocognitif léger). Du fait de l’importance clinique supérieure du trouble neurocognitif majeur, cet arbre décisionnel fournit les éléments de décision pour déterminer le type étiologique uniquement pour cette affection. Les mêmes éléments de décision seraient également applicables pour établir le type étiologique pour le trouble neurocognitif léger. De même que pour l’état confusionnel (delirium), si le trouble neurocognitif majeur a plusieurs facteurs étiologiques, on porte le diagnostic de trouble neurocognitif majeur dû à des étiologies multiples. Dans le cas contraire, des éléments de décision sont donnés pour les étiologies médicales spéciiques variées, en commençant par la maladie de Parkinson, suivie ensuite par les lésions cérébrales traumatiques, l’infection par le VIH, les maladies à prions (p. ex. maladie de Creutzfeldt-Jakob), la dégénérescence lobaire frontotemporale (p. ex. maladie de Pick), la maladie à corps de Lewy, les affections cérébrovasculaires et la maladie d’Alzheimer. Certaines étiologies (c.-à-d. la maladie de Parkinson, la dégénérescence lobaire frontotemporale, la maladie à corps de Lewy, les affections cérébrovasculaires et la maladie d’Alzheimer) doivent être ultérieurement spéciiées comme « probables » ou « possibles », en tenant compte de critères diagnostiques spéciiques. On porte le diagnostic de trouble neurocognitif majeur dû à une autre affection médicale si une autre étiologie médicale est responsable du trouble neurocognitif majeur (p. ex. la sclérose en plaques). Enin, on porte le diagnostic de trouble neurocognitif majeur induit par une substance/un médicament si le trouble neurocognitif majeur est causé par des effets physiologiques d’une substance qui persistent au-delà de l’intoxication aiguë ou du sevrage. S’il est impossible de déterminer l’étiologie du trouble neurocognitif majeur, on porte le diagnostic de trouble neurocognitif non spéciié.
2.28 Arbre décisionnel pour les altérations cognitives
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1. Les éléments décisionnels spéciiques pour déterminer les divers types étiologiques possibles du trouble neurocognitif léger ont été supprimés de cet arbre décisionnel pour des raisons de concision. Se référer aux éléments décisionnels spéciiques pour déterminer les divers types étiologiques possibles du trouble neurocognitif majeur et consulter les critères du DSM-5.
2.29 Arbre décisionnel pour les tableaux cliniques...
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2.29 Arbre décisionnel pour les tableaux cliniques dus à des étiologies médicales Un élément essentiel dans l’évaluation de chaque patient est d’envisager la possibilité que les symptômes sont dus aux effets physiologiques d’une affection médicale (cf. l’étape 3 du chapitre 1). En effet, les symptômes psychiatriques sont parfois les premiers signes précurseurs d’une affection médicale pas encore diagnostiquée. Établir qu’une affection médicale est à l’origine de la psychopathologie a des conséquences thérapeutiques évidentes parce que le traitement de l’affection médicale est essentiel et conduit souvent à la rémission des symptômes psychiatriques. Tous les symptômes comportementaux ayant pour origine une affection médicale ne justiient pas un diagnostic de trouble mental dû à une affection médicale. La plupart des patients anxieux, tristes, fatigués ou insomniaques du fait d’une affection médicale ne relèvent certainement pas d’un diagnostic de trouble mental au sens de ceux qui sont décrits dans cet arbre. On ne devrait envisager les troubles de cet arbre que lorsque les symptômes sont sufisamment graves et prolongés pour justiier une prise en charge clinique. Assez souvent, les tableaux psychiatriques dus à des affections médicales sont caractérisés par l’association de symptômes issus de plusieurs registres (p. ex. dépression, anxiété et sommeil). Dans la plupart des cas, il convient de choisir le diagnostic qui correspond au tableau symptomatique prédominant. L’état confusionnel (delirium) dû à des étiologies multiples est inclus dans le DSM-5 (et dans cet arbre décisionnel) pour souligner que ces troubles ont très fréquemment des étiologies multiples intriquées. De plus, les médicaments utilisés pour traiter les affections médicales ont souvent des effets secondaires comportementaux qui peuvent être confondus aussi bien avec des symptômes psychiatriques primaires qu’avec les manifestations psychiatriques de l’affection médicale elle-même. Cela est particulièrement fréquent chez les sujets âgés, qui peuvent être soignés par une polymédication et avoir des capacités réduites de métabolisation. Les troubles neurocognitifs majeur et léger, particulièrement lorsqu’ils sont persistants, ont souvent comme cause une affection médicale et sont sous-typés en fonction des étiologies médicales spéciiques. La distinction entre trouble neurocognitif majeur ou léger est faite selon que la personne présente une altération importante des fonctions cognitives interférant avec l’autonomie (c.-à-d. trouble neurocognitif majeur) ou qu’elle présente un déclin modeste des fonctions qui n’est pas assez grave pour gêner l’autonomie dans les actes du quotidien (c.-à-d. trouble neurocognitif léger). Du fait de l’importance clinique supérieure du trouble neurocognitif majeur, cet arbre décisionnel fournit les éléments de décision pour déterminer le type étiologique uniquement pour cette affection. Les mêmes éléments de décision seraient également applicables pour établir le type étiologique pour le trouble neurocognitif léger. Enin, lorsque l’on communique ou que l’on enregistre le diagnostic, il convient d’utiliser le nom de l’affection médicale plutôt que le terme générique « dû à une autre affection médicale » (p. ex. 293.83 [F06.32] trouble dépressif dû à une hypothyroïdie, avec épisode de type dépression caractérisée). De plus, il est obligatoire de répertorier (et de coder) l’affection médicale étiologique sur les formulaires diagnostics immédiatement avant le trouble mental dû à une autre affection médicale (p. ex. 244.9 [E03.9] hypothyroïdie ; 293.83 [F06.32] trouble dépressif dû à une hypothyroïdie, avec épisode de type dépression caractérisée).
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2. Les éléments décisionnels spéciiques pour déterminer les divers types étiologiques possibles du trouble neurocognitif léger ont été supprimés de cet arbre décisionnel pour des raisons de concision. Se référer aux éléments décisionnels spéciiques pour déterminer les divers types étiologiques possibles du trouble neurocognitif majeur et consulter les critères du DSM-5.
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