COURS DE DROIT DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE DR KOUADIO 200420 [PDF]

  • 0 0 0
  • Gefällt Ihnen dieses papier und der download? Sie können Ihre eigene PDF-Datei in wenigen Minuten kostenlos online veröffentlichen! Anmelden
Datei wird geladen, bitte warten...
Zitiervorschau

COURS DE DROIT DE LA PROPRIÉTE INTELLECTUELLE

Avril 2020

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Le droit de la propriété intellectuelle est une branche du droit privé qui regroupe les règles applicables aux créations « intellectuelles » ou « immatérielles », c’est-à-dire aux œuvres de l’esprit humain. Lorsqu’une création n’est pas protégée, elle peut être copiée plus ou moins aisément. Par conséquent, il est nécessaire de mettre en place un système de protection. C’est le rôle du droit de la propriété intellectuelle. Ce droit permet au créateur qui a pris des risques, investi du temps, de l’argent pour réaliser une œuvre ou une invention, de récolter les fruits de son succès. Traditionnellement reléguée au domaine des choses inanimées, la propriété intellectuelle s’est étendue, de nos jours, au domaine du vivant. En effet, le droit de la propriété intellectuelle protège les produits de la créativité de l’esprit humain, produits qui remplissent un certain nombre de critères ou de conditions. Il vise, notamment, la protection des œuvres artistiques, des inventions, modèles d’utilité industrielle, noms commerciaux, marques de produits ou de service, emballages des produits que nous utilisons ou consommons au quotidien. Cette protection juridique confère généralement un monopole d’exploitation ou des droits exclusifs au titulaire. Toutefois, le droit de la propriété intellectuelle ne vise pas que la protection des créateurs ou inventeurs. Il réglemente aussi l’exploitation des œuvres de l’esprit afin que celles-ci puissent profiter à la société. A cet égard, si l’on se contentait seulement de protéger les créations intellectuelles sans organiser leur exploitation, la société ne connaitrait pas de progrès technique, technologique et culturel. Ainsi, la protection juridique accordée aux titulaires des droits de propriété intellectuelle ne doit pas faire obstacle à l’expansion des savoirs, et partant, le développement des entreprises et des Etats. De ce qui précède, cette introduction vise à mettre en exergue certains enjeux du droit de la propriété intellectuelle (Paragraphe 1). Par la suite, il sera question de faire brièvement l’historique du droit de la propriété intellectuelle (Paragraphe 2),

1

étudier ses sources (Paragraphe 3), avant de donner l’orientation du cours (Paragraphe 4). Paragraphe I : Les enjeux du droit de la propriété intellectuelle De nos jours, l’ampleur du développement technique et l’essor des technologies de l’information et de la communication, au niveau mondial, ont accru les enjeux liés à la protection des droits de la propriété intellectuelle. Les inventions et innovations constituent des leviers de la compétitivité sur les marchés internationaux. De plus, l’idée selon laquelle la propriété intellectuelle est un facteur de progrès, de croissance et de développement se renforce davantage. En effet, dans les économies actuelles, la richesse naît de l’innovation et du marketing. La clientèle autant que l’entreprise recherchent, l’une, les moyens d’opérer des choix raisonnables, l’autre, les moyens d’un positionnement avantageux dans un marché âprement compétitif et global. La montée croissante de la composante intellectuelle dans les biens et les services, et le développement de la recherche et de l’innovation s’imposent ainsi désormais. Dès lors, les idées et les connaissances représentent une part de plus en plus importante du commerce. Presque chaque jour apparaissent sur le marché, de nouveaux produits, de nouveaux procédés, de nouvelles marques, de nouveaux dessins et modèles, de nouvelles œuvres musicales (…)., fruits de la créativité humaine, montrant ainsi le sens du développement, de la création des richesses, du progrès des peuples et des nations. Les médicaments nouveaux et d’autres produits de haute technicité tiennent surtout des efforts d’invention, d’innovation, de recherche, de conception et d’essai nécessaires à leur fabrication. Les films, les enregistrements musicaux, les livres, les logiciels informatiques et les services en ligne sont vendus et achetés pour l’information et la créativité qui y sont incorporées, et non, en général, pour les matières plastiques, les métaux ou le papier utilisé dans leur production.

2

Beaucoup

de

produits

classés

auparavant

parmi

les

marchandises

techniquement peu élaborées doivent aujourd’hui une plus grande part de leur valeur à l’invention et à la conception : c’est le cas par exemple des vêtements de marque ou de la divulgation des variétés végétales nouvelles. Tout cela pour dire que la propriété intellectuelle est au cœur de l’activité et l’actualité humaine quotidienne à travers le commerce et l’industrie, la musique, les technologies de l’information et de la communication (TIC), les beaux-arts (…). Au reste, la propriété intellectuelle est un système destiné à promouvoir, à encourager et récompenser la créativité. Elle joue ainsi un rôle déterminant dans la stratégie de développement, de la création des pays1. Cela dit, la propriété intellectuelle apparaît comme un ensemble de règles juridiques spéciales qui contribuent à la réservation des droits portant sur les choses immatérielles. Les objets de propriété intellectuelle obéissent à un régime spécifique dérogatoire du droit commun bien qu’il s’en inspire sur divers points. En effet, aux termes de l’article 544 du Code civil : « La propriété est le droit de jouir et abuser des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements ». C’est dire que le droit de propriété peut s’exercer : – sur des choses matérielles, c’est-à-dire qui ont un corps (ex.: un appartement, des bijoux); – sur des choses immatérielles, c’est-à-dire qui ont un objet abstrait (ex.: une invention). Les droits incorporels portent sur cet objet abstrait. Les droits incorporels sont extrêmement variés. Certains portent sur l’activité créatrice de leur titulaire et lui confèrent un monopole d’exploitation. Ce sont les droits de propriété intellectuelle. Une classification déjà ancienne permet de scinder les droits de propriété intellectuelle en deux catégories à savoir, ceux qui relèvent de la propriété industrielle, 1 Cela

suppose que chaque pays doit développer un mécanisme d’accès et d’exploitation du système de la propriété intellectuelle.

3

et ceux qui relèvent de la propriété artistique et littéraire, c’est-à-dire du droit d’auteur et des droits voisins. Quel qu’il en soit, les créateurs peuvent obtenir le droit d’empêcher que d’autres utilisent leurs inventions, dessins et modèles ou autres créations, et utiliser ce droit pour négocier une rémunération en contrepartie de leur utilisation par des tiers (contrat de licence et de franchise). Car, en principe, la propriété intellectuelle est une notion qui vise à protéger et à favoriser la créativité et l’innovation dans le but de stimuler le progrès et le développement économique. En effet, ces droits, appelés « droits de la propriété intellectuelle » parce que conférés à l’individu par une création intellectuelle, donnent généralement au créateur un droit exclusif à l’utilisation de sa création pendant une certaine période. Les gouvernements et les parlements ont conféré ces droits aux créateurs afin de les inciter à produire des idées qui profitent à l’ensemble de la société. Pour le moins qu’on puisse dire c’est que cette étude apparaît indispensable dans la mesure où le droit de la propriété intellectuelle est relativement nouveau du moins pour les pays en développement, et que de surcroît il s’agit d’un droit évolutif et particulièrement technique. Si en Occident, au nom du sacro-saint principe de libre marché, ce concept juridique semble bien admis, en Afrique et dans la plupart des pays en développement, malgré les accords internationaux, le droit de propriété intellectuelle peine à trouver un terrain d’application dans l’espace économique. Paragraphe II : L’historique du droit de la propriété intellectuelle Avant la mise en place d’un système de protection des droits de la propriété intellectuelle, les créations tombaient rapidement dans le domaine public. L’innovation était considérée comme appartenant à tous. Il n’y avait pas de protection juridique et toute personne pouvait utiliser une innovation récente et la copier à sa guise. C’est dans ce contexte qu’a émergé l’idée selon laquelle « une création est la propriété de son auteur, et doit être protégée en tant que telle ». C’est ainsi qu’est apparu le concept de propriété intellectuelle. Il est généralement admis que les droits

4

de propriété intellectuelle ont été reconnus vers le XVIIème - XVIIIème siècle avec l’essor de l’industrie et la nécessité de protéger les nouveaux produits et procédés pour stimuler leurs créateurs. A cette époque, ces droits n’avaient pour objet que de régir les conséquences pratiques des grandes découvertes et inventions de la renaissance. Par exemple, l’imprimerie pour la propriété littéraire, la mécanique et la physique pour les inventions. Alors que la propriété littéraire est la fille des privilèges accordés aux libraires pour canaliser le flot de livres générés par la découverte par GUTEMBERG de l’imprimerie, le droit des brevets était à l’origine, la récompense accordée par la République de Venise à GALILEE et aux autres inventeurs qui ont fait sa puissance économique et commerciale, avant d’être le droit de la première révolution industrielle, caractérisée essentiellement par l’invention des métiers à filer et à tisser, et par la machine à vapeur. A la fin du XVIIIème siècle, les législations de l’Angleterre, des Etats-Unis, de la France et de la Prusse, distinguaient déjà entre la propriété littéraire et artistique, dont l’objet était de protéger les « œuvres de l’esprit relevant des beaux-arts », du droit des brevets dont l’objet était de protéger les inventions ayant un caractère ou une application industrielle. Pourtant, jusqu’au début du XXème siècle la frontière entre la propriété littéraire et artistique et le droit des brevets était relativement floue. L’alinéa 8 de l’article 1er de la Constitution américaine (votée en 1787) donnait pouvoir au congrès de : « promouvoir les progrès de la science et des arts utiles en conférant aux auteurs et aux inventeurs un droit exclusif sur leurs écrits et leurs inventions. » La première loi française sur les brevets, la loi de 1791, avait pour objet de récompenser non pas les « inventeurs » mais « les auteurs de découvertes utiles ». Le terme « auteur » étant alors appliqué indifféremment aux inventeurs et aux auteurs à proprement parlé. La distinction entre ces deux catégories de personnes reposait plutôt sur l’«utilité » de leur réalisation, c’est-à-dire sur son « application », industrielle dans un cas, ou artistique dans un autre, plutôt que sur son mode de création ou d’élaboration.

5

Ceci étant, il est important de rapporter les sources du droit de la propriété intellectuelle de la Côte d’Ivoire. Paragraphe III : Les sources du droit de la propriété intellectuelle Le cadre juridique en droit de la propriété intellectuelle de la Côte d’Ivoire est constitué des dispositions contenues dans l’Accord de Bangui Révisé du 24 février 1999. Ce dispositif normatif est complété par de nombreuses conventions internationales (A), ainsi que des lois nationales relatives à la propriété littéraire et artistique (B). A- Les sources internationales Au rang des Conventions internationales relatives au droit de propriété intellectuelle qu’il faut adjoindre à l’Accord de Bangui révisé, on peut citer la Convention d’Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle, la Convention de Berne pour la protection de la propriété littéraire et artistique, l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC) et autres2. 1. L’accord de Bangui Révisé

« Animés du désir de promouvoir la contribution effective de la propriété intellectuelle au développement de leurs Etats d’une part, et soucieux de protéger sur leur territoire d’une manière aussi efficace et uniforme que possible les droits de la propriété intellectuelle d’autre part »3, certains Etats africains ont créé par convention une Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle. Cette convention dénommée « Accord de Bangui » constitue le Code de la propriété intellectuelle des Etats membres de l’OAPI 4 dont la Côte d’Ivoire fait partie.

Par exemple, on retrouve les droits de propriétés intellectuelles énoncés à l’article 27 alinéa 2 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948. Il consacre le droit de chacun à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur. 3 Voir Préambule de l’Accord de Bangui du 02 mars 1977 instituant l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI). 2

L’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI), dont le siège est à Yaoundé au Cameroun, est, avec l’ARIPO (African Regional Intellectual Property Organization ou Organisation régionale africaine de la propriété industrielle), l’un des deux offices 4

6

En effet, adopté le 2 mars 1977, l’Accord de Bangui régit la propriété intellectuelle au sein des seize (16) Etats membres de l’OAPI. Ainsi, cet Accord est considéré comme une loi nationale pour chacun des Etats. Cependant, l’Accord de Bangui a fait l’objet d’une révision le 24 février 1999. Cette révision avait pour but de mettre la législation de l’OAPI en conformité avec les conventions internationales notamment l’Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC). L’Accord de Bangui Révisé comporte dix annexes fixant les dispositions applicables, dans chaque Etat membre, en ce qui concerne : - les brevets d’invention (Annexe I) ; - les modèles d’utilité (annexe II) ; - les marques de produits ou de services (Annexe III) ; - les dessins et modèles industriels (Annexe IV) ; - les noms commerciaux (Annexe V) ; - les indications géographiques (Annexe VI) ; - la propriété littéraire et artistique (Annexe VII) ; - la protection contre la concurrence déloyale (Annexe VIII) ; - les schémas de configuration (topographies) de circuits intégrés (Annexe IX) ; - la protection des obtentions végétales (Annexe X entrée en vigueur le 1 er janvier 2006). Ce dispositif normatif est complété par des lois nationales relatives à la propriété littéraire et artistique, ainsi que de nombreuses conventions internationales, telles que la Convention d’Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle, la Convention de Berne pour la protection de la propriété littéraire et régionaux africains de propriété intellectuelle. Elle comprend actuellement seize pays africains qui ont adopté, sous son égide, des dispositions juridiques communes appelées Accord de Bangui. Cet Accord constitue la loi nationale de propriété industrielle (brevets et marques) de chacun des pays membres, à savoir le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, la Côte-d’Ivoire, le Gabon, la Guinée, la Guinée Bissau, la Guinée Equatoriale, le Mali, la Mauritanie, le Niger, la République Centrafricaine, le Sénégal, le Tchad et le Togo.

7

artistique, l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC). 2. La Convention d’Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle

La Convention pour la protection de la propriété industrielle fut signée à Paris le 20 mars 1883. C’est la plus vieille convention administrée par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI)5 en matière de propriété industrielle. Elle comptait à l’origine onze pays membres, mais aujourd’hui, elle est ratifiée par près de deux cent pays. Elle pose les grands principes du droit de la propriété intellectuelle. Il s’agit, notamment, du droit de priorité, de l’assimilation de l’unioniste au national et de l’indépendance des titres de protection. En outre, elle régit la protection internationale de la propriété industrielle. Son texte a été modifié à plusieurs reprises depuis son adoption. La dernière révision a eu lieu à Stockholm, le 14 juillet 1967.

3. La Convention de Berne pour la protection de la propriété littéraire et artistique 6

La Convention de Berne est considérée comme la Convention mère en matière de droit d’auteur, la « matrice du droit conventionnel » en matière de propriété littéraire et artistique. Etablie le 9 septembre 1886 à Berne, signée par 165 pays, et révisée à de nombreuses reprises7, la Convention de Berne de 1886 pour la protection des œuvres

5 Acronyme

de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle dont le siège est à Genève en Suisse.

A côté de la Convention de Berne existe la Convention universelle sur le droit d’auteur. Cette convention a été adoptée en 1952 pour permettre une protection des œuvres dans les pays qui ne souhaitaient pas adhérer à la Convention de Berne, notamment les États-Unis et l’URSS. En effet, à la différence de la Convention de Berne, la Convention universelle sur le droit d’auteur n’impose pas aux pays signataires de garantir le droit moral. Depuis l’adhésion de la majorité des États à la Convention de Berne, la Convention universelle a perdu de son importance, et le principe de l’enregistrement obligatoire a en général été abandonné. La Convention universelle introduit le signe © ; ce symbole, accompagné du nom du titulaire du droit d’auteur ou du copyright et de l’année de première publication de l’œuvre, garantit une protection dans tous les pays ayant adhéré à la Convention, y compris ceux prévoyant des formalités d’enregistrement. Toutefois, le signe © reste largement utilisé à titre informatif, pour indiquer qu’une œuvre fait l’objet d’une protection juridique. 6

Signée le 9 septembre 1886 à Berne, la Convention de Berne a été complétée à Paris (1896), révisée à Berlin (1908), complétée à Berne (1914), révisée à Rome (1928), à Bruxelles (1948), à Stockholm (1967) et à Paris (1971) et modifiée en 1979. 7

8

de la propriété littéraire et artistique est administrée, à l’instar de la Convention de Paris, par l’OMPI. Cette convention régit le droit de l’auteur sur son œuvre. Elle pose les grands principes et régit la protection internationale de la propriété littéraire et artistique. Elle fixe les règles minimales de protection des auteurs (les minima de protection8) que les parties contractantes (les Etats parties) ont l’obligation d’intégrer dans leur législation interne. Ces règles ont pour finalité une meilleure protection des œuvres littéraires et artistiques.

8 Les

minima de protection peuvent être impératifs ou facultatifs. En ce qui concerne les œuvres, la protection doit s’appliquer à « toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, quel qu’en soit le mode ou la forme d’expression » (article 2.1 de la Convention). La tradition entre les pays de « droit d’auteur » et ceux de « copyright » étant différente, la Convention de Berne (art 2.2) a laissé aux États le soin de déterminer les œuvres littéraires et artistiques qui « ne sont pas protégées tant qu’elles n’ont pas été fixées sur un support matériel ». Cette énumération des œuvres protégées par la convention n’est donc pas exhaustive. Mais les ajouts de chaque Etat ne sont opposables à un autre Etat de l’union que dans la mesure où celui-ci les a acceptés auparavant. Néanmoins, il existe une règle spéciale adoptée par la Convention à l’art 2.7 « pour les œuvres protégées uniquement comme dessins et modèles dans le pays d’origine, il ne peut être réclamé dans un autre pays de l’Union que la protection spéciale accordée dans ce pays aux dessins et modèles ». À défaut d’une telle protection, ces œuvres seront toutefois « protégées comme œuvres artistiques ». La Convention prévoit également des exclusions de la protection, relativement similaires à celles existantes au sein du droit français. Elles font partie de la marge d’appréciation étatique, mais l’art 2.8 en impose une aux États signataires : celle des «informations de presse ». Ainsi sous réserve de certaines restrictions, limitations ou exceptions permises, les droits suivants figurent parmi ceux qui doivent être reconnus comme des droits exclusifs nécessitant une autorisation de l'auteur ou de ses ayants droit : le droit de traduire ; le droit de faire des adaptations et des arrangements de l’œuvre ; le droit de représenter ou d’exécuter en public des œuvres dramatiques, dramatico-musicales et musicales ; le droit de réciter en public des œuvres littéraires ; le droit de communiquer au public la représentation ou l’exécution de ces œuvres ; le droit de radiodiffuser (avec la possibilité pour un État contractant de prévoir un simple droit à une rémunération équitable au lieu d’un droit d’autorisation) ; le droit de faire des reproductions de quelque manière et sous quelque forme que ce soit (avec la possibilité pour un État contractant de permettre dans certains cas spéciaux la reproduction sans autorisation si elle ne porte pas atteinte à l'exploitation normale de l’œuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur et de prévoir, pour les enregistrements sonores d’œuvres musicales, un droit à une rémunération équitable) ; le droit d’utiliser une œuvre comme point de départ d’une œuvre audiovisuelle, et le droit de reproduire, distribuer, exécuter en public ou communiquer au public cette œuvre audiovisuelle ; le droit de suite est reconnu dans la Convention, art 14 bis, comme un droit inaliénable sur les œuvres et manuscrits originaux. Le paragraphe 2 de l’article précise néanmoins que ce droit est laissé à l’appréciation des États, qui le reconnaissent peu en pratique et dont l’application est soumise à la réciprocité. La Convention prévoit aussi des « droits moraux », c’est-à-dire le droit de revendiquer la paternité de l’œuvre et le droit de s’opposer à toute mutilation, déformation ou autre modification de l’œuvre ou à toute autre atteinte qui serait préjudiciable à l’honneur ou à la réputation de l’auteur (art. 6 bis al 1). Au vu de la diversité existante, la Convention n’a repris ici que les éléments essentiels du droit moral, soit ceux faisant l’objet d’un consensus chez les États contractants. L’art 6 bis 2 précise que « sa durée ne peut être inférieure à celle des droits patrimoniaux ». Les États ont eu le choix de maintenir ou d’exclure la protection du droit moral de l’auteur après son décès. C’est aussi la loi nationale qui est chargée de déterminer les personnes habilitées à agir en justice. En ce qui concerne la durée de protection, la règle générale est que la protection doit être accordée jusqu’à l’expiration de la 50ème année après la mort de l’auteur. Mais cette règle générale connaît des exceptions. Pour les œuvres anonymes ou pseudonymes, la durée de protection expire 50 ans après que l’œuvre a été licitement rendue accessible au public, sauf si le pseudonyme ne laisse aucun doute sur l’identité de l’auteur ou si celui-ci révèle son identité pendant la période en question, auquel cas c’est la règle générale qui s’applique. Pour les œuvres audiovisuelles (cinématographiques), la durée minimale de protection est de 50 ans après que l’œuvre a été rendue accessible au public ou, à défaut d'un tel événement, à compter de la création de l’œuvre. Pour les œuvres des arts appliqués et les œuvres photographiques, la durée minimale est de 25 ans à compter de la création de l’œuvre. Pour les œuvres de collaboration, le point de départ du délai de protection post mortem est la « mort du dernier survivant des collaborateurs ». Les sanctions de la protection : L’art. 15 incite les États unionistes à sanctionner la violation des droits protégés dans la convention, en permettant aux auteurs de se défendre, notamment par une action en contrefaçon. L’art. 16 met en place une procédure de saisie des « œuvres contrefaites » ; disposition « également applicable aux reproductions provenant d’un pays où l’œuvre n’est pas protégée ou a cessé de l’être ».

9

La Convention de Berne énumère également, de façon non exhaustive, les œuvres éligibles à la protection au titre du droit d’auteur9, qu’elles soient publiées ou non. Les pays de l’Union sont tenus de protéger les œuvres ainsi énumérées par leur législation nationale tout comme celles qui, quoique ne figurant pas sur la liste, sont néanmoins considérées comme étant des créations de l’esprit entrant dans la catégorie des œuvres littéraires et artistiques. En clair, La Convention de Berne instaure une protection des œuvres publiées comme non publiées, sans formalité d'enregistrement, mais les États peuvent exiger qu'elles fassent l’objet d'une fixation matérielle. Elle prévoit la reconnaissance du droit moral par les États signataires, et impose une durée de protection minimale de cinquante ans post mortem. Lors de leur adhésion, les États-Unis ont cependant formulé une réserve leur permettant de ne pas appliquer le droit moral. 4. L’Accord sur les ADPIC

Adopté le 15 avril 1994 à Marrakech, cet Accord est le résultat des négociations commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay menées dans le cadre du GATT10, qui ont abouti à la création de l’Organisation Mondiale du Commerce. Tous les Etats membres de l’OAPI ont adhéré à l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Cet accord qui constitue un texte annexé à l’Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, a été signé en 1994. Le but de l’Accord sur les ADPIC est d’harmoniser les normes de protection de la propriété intellectuelle au niveau mondial. L’Accord sur les ADPIC comporte des dispositions des normes minimales de protection régissant les différents secteurs de la propriété intellectuelle (droit d’auteur et droits connexes, brevets d’invention, marques, indications géographiques, dessins

Aux termes de l’article 2 de la Convention de Berne : «les termes œuvres littéraires et artistiques comprennent toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, quel que soit le mode ou la forme d’expression…». 9

10

Le General Agreement on Tariffs and Trade (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) a été signé le 30 octobre 1947 par 23 pays pour harmoniser les politiques douanières des parties signataires.

10

ou modèles industriels, etc.). Les ADPIC prévoient notamment des mesures de contrôle aux frontières pour lutter contre la contrefaçon. En outre, l’Accord sur les ADPIC établit l’obligation générale pour les Etats contractants de prévoir, dans le cadre de leur système judiciaire ordinaire, des procédures loyales et rapides d’application des droits de propriété intellectuelle en cas d’atteinte à ces droits. Ces procédures comprennent des mesures correctives rapides destinées à la fois à empêcher toute atteinte ultérieure et à offrir une compensation adéquate au titulaire du droit, toute décision administrative finale devant pouvoir faire l’objet d’une révision par une autorité judiciaire. Cette obligation générale est assortie de règles spécifiques sur : - les procédures et mesures correctives civiles et administratives ; - les mesures provisoires ; - les mesures à la frontière ; - les procédures pénales. 5. Le nouvel Acte uniforme de l’OHADA portant organisation des sûretés

Le texte a été adopté le 15 décembre 2010 à Lomé. Il est entré en vigueur le 16 mai 2011 et a abrogé l’Acte uniforme portant organisation des sûretés du 17 avril 1997 signé à Cotonou. Il est vrai que le droit positif des sûretés de l’OHADA ne connaît les droits de propriété intellectuelle que comme un complément facultatif du nantissement 11 du fonds de commerce.

11 L’article

156 AUS définit le nantissement des droits de propriété intellectuelle comme « la convention par laquelle le constituant affecte en garantie d’une obligation tout ou partie de ses droits de propriété intellectuelle existants ou futurs, tels que des brevets d’invention, des marques de fabrique et de commerce, des dessins et modèles ».

11

Ce texte propose, autour des articles 156 à 161, une réglementation spécifique de ces droits sur le modèle de l’organisation des autres types de nantissements (définition, règles de constitution, règles d’opposabilité, droits conférés) dont le caractère général est le résultat de la diversité de ces droits. Après l’exposé des sources internationales du droit de la propriété intellectuelle de la Côte d’Ivoire, celui des sources nationales sera abordé. B- Les sources nationales Au plan national, les sources du droit de la propriété intellectuelle sont surtout relatives au droit d’auteur. Ainsi, le texte législatif relatif au droit d’auteur en Côte d’Ivoire est la Loi n°96-564 du 25 juillet 1996 relative à la protection des œuvres de l’esprit, aux droits des auteurs, des artistes-interprètes, et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes12. Hormis cette loi, d’autres textes législatifs et réglementaires se rapportant à l’application du droit d’auteur et à des mesures de lutte contre la piraterie existent. Il s’agit notamment de : - L’arrêté n°47 du 19 août 1999 approuvant l’institution par le Bureau Ivoirien du Droit d’Auteur d’un timbre dénommé « sticker » ; - Le décret de 2006 créant la brigade de lutte contre la piraterie et contrefaçon ; - Le décret créant l’office ivoirien de propriété industrielle (OIPI) ; - Le décret n°2008-357 du 20 novembre 2008 portant réforme du Bureau Ivoirien du Droit d’Auteur (BURIDA) ; - les dispositions du Code pénal général et la procédure pénale. Le Code Pénal, notamment en ses articles 322 et 323, prévoit diverses mesures qui trouvent application dans le domaine du droit d’auteur et de la lutte contre la piraterie ;

12

JORCI n° 52 du jeudi 26 décembre 1996, p. 1212 et suiv.

12

- la loi n° 87-806 du 28 juillet 1987 portant protection du patrimoine culturel13 ; - Arrêté interministériel n°016 du 09 mai 2006 portant organisation et fonctionnement de la brigade de lutte contre la fraude et la piraterie des œuvres culturelles (Brigade culturelle). Au regard des développements précédents, il apparait que le droit de la propriété intellectuelle a un champ vaste. Dès lors, il y a lieu de circonscrire l’orientation de ce cours. Paragraphe IV : L’orientation du cours Ce cours sur le droit de propriété intellectuelle porte sur le régime juridique des créations intellectuelles. Autrement dit, il s’agira de mettre en relief les mécanismes d’appropriation des créations intellectuelles et d’exploitation des droits de propriété intellectuelle. En outre, il sera question de voir de quels moyens juridiques les justiciables disposent pour défendre leurs droits de propriété intellectuelle. Ceci dit, nous étudierons dans une première partie les principes de base qui régissent le droit de la propriété intellectuelle et dans une seconde partie, les règles de défense de ce droit. Première partie : Les principes de base du droit de la propriété intellectuelle Deuxième partie : Les règles de défense du droit de la propriété intellectuelle

13 JORCI,

17 septembre 1987, p. 354.

13

PREMIÈRE PARTIE : LES PRINCIPES DE BASE DU DROIT DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE Le droit de la propriété intellectuelle est traditionnellement scindé en deux catégories (Chapitre 1). En outre, ces droits confèrent des titres de propriété à leurs titulaires (Chapitre 2). CHAPITRE I : LES DEUX PRINCIPALES CATÉGORIES DU DROIT DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE Le droit de la propriété intellectuelle se divise en deux principales catégories à savoir le droit de la propriété industrielle (Section 1) et le droit de la propriété littéraire et artistique (droit d’auteur et droits voisins) (Section 2).

Section I : le droit de la propriété industrielle Les droits qui relèvent de la propriété industrielle peuvent être regroupés en trois catégories qui portent respectivement sur les créations industrielles, les signes distinctifs et la protection contre la concurrence déloyale. C’est ainsi que les inventions, les modèles d’utilité, les dessins ou modèles industriels, les obtentions végétales relèvent des créations industrielles ; alors que les marques, les noms commerciaux et les indications géographiques sont classés dans la catégorie des signes distinctifs. En clair, les droits de propriété industrielle comprennent les brevets d’invention, les modèles d’utilité, les marques de produits ou de services, les dessins ou modèles industriels, les noms commerciaux, les indications géographiques, les obtentions végétales, etc. Ces droits peuvent être rangés en trois groupes en fonction de la nature de la création sur laquelle ils portent : Les créations à caractère technique, les créations à caractère ornemental et les signes distinctifs. Paragraphe I : Les créations à caractère technique Ce sont des créations dont l’objet et la finalité sont techniques (c’est-à-dire l’ensemble des moyens concrets destinés à atteindre des buts précis, industriels notamment). Il s’agit du notamment du brevet d’invention, du modèle d’utilité et de l’obtention végétale.

14

A)- Le brevet d’invention Après avoir défini le brevet d’invention, il sera exposé les conditions de la brevetabilité. 1°)- Définition du brevet d’invention

Le brevet d’invention a fait l’objet de multiples définitions proposées surtout par la doctrine et la jurisprudence. Mais de toutes ces définitions, quelques éléments communs transparaissent. a)- Approches de définition du brevet d’invention Plusieurs auteurs (et même la jurisprudence) proposent une définition du brevet d’invention plus ou moins originale, en essayant chaque fois de faire ressortir un maximum d’éléments clés à la base du système. En voici quelques-unes :  « Un acte de l’autorité publique par lequel, moyennant l’accomplissement de certaines formalités et une certaine publicité, celui qui est propriétaire de l’invention, soit pour en avoir été l’inventeur lui-même, soit pour avoir acquis d’une manière quelconque cette invention, obtient le droit d’en réclamer l’utilisation à son profit exclusif »14 ;  « Le brevet d’invention (…) est un titre public, délivré par l’État ou pour l’État, à toute personne qui en fait la demande, en contrepartie de l’invention ; titre qui donne naissance à un droit exclusif d’exploitation de l’invention en sa faveur » ;  « Le brevet est un titre accordé par une autorité constituée (nationale ou supranationale) qui a pour objet de décrire et de revendiquer une nouvelle invention d’ordre technique et pour fonction de conférer à celui qui en est le propriétaire, pour une durée limitée et sous le contrôle des autorités judiciaires, un droit exclusif d’exploitation de l’invention revendiquée, droit sanctionné par l’action en contrefaçon »15.  « Le brevet peut se définir comme un titre délivré par les pouvoirs publics ou par une autorité reconnue par l’État conférant à son titulaire un monopole temporaire d’exploitation sur l’invention qui en est l’objet »16.  Le brevet peut se définir comme « un monopole d’exploitation d’une durée limitée, reconnu par l’État et portant sur une invention »17. 14 Civ.

Mons, 9 mai 1931, Ing.-Cons., p. 124.

15 B.

REMICHE, Droit des brevets d’invention et du savoir-faire, Katholieke Universiteit Brussel et Katholieke Universiteit Leuven, Diplôme en Droits Intellectuels, année 2005-2006, p. 18. 16

JEAN-CHRISTOPHE GALLOUX, Droit de la propriété industrielle, 2ème édition, Paris, Dalloz, 2003, p. 63, n° 131.

MIREILLE BUYDENS, Droit des brevets d’invention et protection du savoir-faire, Collection Création, Information et Communication, Bruxelles, Larcier, 1999, p. 49, n° 89. 17

15

 « Le brevet d’invention est le titre délivré par l’État qui confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation de l’invention qui en est l’objet »18.  « Les brevets, Patents en anglais (qui vient du latin Litterae Patentes qui signifie ‘’lettres ouvertes’’ suivant une traduction littérale), sont des documents officiels en vertu desquels l’autorité publique confère des droits, des privilèges, des grades ou des titres »19.  « Un brevet est le droit conféré à un inventeur par un État, ou un office régional agissant au nom de plusieurs États, qui autorise l’inventeur à empêcher toute autre personne d’exploiter son invention à des fins commerciales, pour une durée limitée qui est généralement de 20 ans »20. A l’analyse, on pourrait définir le brevet comme un titre délivré (par une autorité constituée nationale - les pouvoirs publics ou par une autorité reconnue par l’État - ou supranationale) pour protéger une invention et qui confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation de l’invention qui en est l’objet pour une durée déterminée. En d’autres termes, « le brevet d’invention est le titre délivré par l’État qui confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation de l’invention qui en est l’objet ». De toutes ces définitions, des plus récentes aux plus anciennes, il se dégage un certain nombre d’éléments essentiels qu’il sied de retenir. b)- Les éléments à retenir dans la définition du brevet Comme énoncé plus haut, le brevet peut être défini comme un titre délivré par une autorité publique (nationale ou supranationale) dans le but de protéger une invention, titre qui confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation de cette invention, droit limité dans le temps et accordé en échange de la divulgation de ladite invention. L’analyse de cette définition permet de se rendre compte que le brevet est un titre, un titre qui délivré par une autorité publique et que le brevet est accordé pour protéger une invention. Le concept d’invention faisant l’objet d’analyses ultérieures, seuls les deux autres éléments seront analysés. b-1)- Le brevet est un titre

18

ALBERT CHAVANNE et JEAN-JACQUES BURST, Droit de la propriété industrielle, 5ème édition, Paris, Dalloz, 1998, p. 8, n° 6.

19

FRITZ MACHLUP (1958).

20

OMPI, « Comprendre la propriété industrielle », p. 6, consultable sur www.wipo.int/ebookshop.

16

C’est de la forme dont il est tenu compte lorsqu’il est dit que le brevet est avant tout un titre. Il s’agit d’un document bien déterminé. La question qui se pose est celle de savoir quelle valeur accorder à ce titre. Un simple certificat de dépôt ? Ou un véritable titre qui vaut la valeur réelle de l’invention ou de la découverte qu’il constate? La valeur à accorder au titre appelé brevet diffère en effet selon qu’il est délivré avec ou sans examen préalable sur le fond. Lorsque le brevet est délivré sans examen préalable, c’est-à-dire aux risques et périls du demandeur et sans garantie quant à la réalité, à la nouveauté ou aux mérites, selon le cas, et quant à l’exactitude de la description, sans préjudice des droits des tiers, il n’a valeur que d’un certificat de dépôt21. Ce certificat enregistre la déclaration de l’impétrant, l’exposé de ses revendications, mais n’établit nullement qu’il y ait en réalité une invention véritable. Le brevet n’est dans ce cas que la constatation que les formalités nécessaires pour reconnaître les droits attachés à une invention ont été accomplies. Les choses se présentent autrement lorsque la loi exige un examen de fond qui vise à établir que l’invention est nouvelle, qu’elle résulte d’une activité inventive et qu’elle est susceptible d’application industrielle. Ici, l’invention doit faire preuve de nouveauté, ce qui enlève au titre que constitue le brevet le caractère d’un simple « certificat de dépôt ». Ce titre indique bien, dans ce deuxième système, ce que vaut en réalité l’invention. L’accord de Bangui révisé adopte à ce sujet une position ambiguë. En effet en même temps qu’il prévoit que la délivrance d’un brevet est subordonnée à l’établissement d’un rapport de recherche visant à établir que l’invention « est nouvelle, qu’elle résulte de l’activité inventive et qu’elle est susceptible d’application industrielle »22, ce qui laisse croire que le titre que constitue le brevet n’est pas un simple « certificat de dépôt » mais plutôt un véritable titre qui vaut la valeur réelle de l’invention ou de la découverte qu’il constate ; en même temps l’Accord atténue ce principe en prévoyant que « dans tous les cas, la délivrance des brevets s’effectue aux risques et périls des demandeurs et sans garantie soit de la réalité, de la nouveauté ou du mérite de l’invention, soit de la fidélité ou de l’exactitude de la description »23. Cela fait croire que le titre que constitue le brevet en Afrique demeure dans une large mesure un simple certificat de dépôt 24 . La cause de cet état de fait tient certainement à l’insuffisance d’infrastructures adéquates qui permettraient de procéder à un examen de fond véritable des demandes des brevets. Le risque est donc 21 T.

BRAUN et P. STRUYE, Précis des brevets d’invention et de la contrefaçon industrielle. Doctrine, jurisprudence, législation belge et congolaise et conventions internationales, Bruxelles et Paris, Établissement Émile Bruylant et L.G.D.J., 1935, 248 p.., p. 11, n° 1. 22 Art.

20, 2) b) de l’Annexe I de l’accord de Bangui révisé.

23 Art.

22 in fine de l’Annexe I de l’accord de Bangui révisé.

24 Exceptés

les brevets délivrés sur base d’une demande internationale faite dans le cadre du Patent Cooperation Treaty (P.C.T.) qui, même déposée dans un pays africain, devrait théoriquement faire l’objet d’une recherche internationale réelle.

17

grand de voir délivrer des brevets pour des produits ou des procédés qui ne réunissent pas véritablement les conditions requises par les législations sur le brevet d’invention. b-2)- Le brevet, un titre délivré par une autorité publique Le brevet d’invention est un titre délivré par une autorité publique qui peut être nationale ou supranationale. A cet égard, il demeure soumis à la législation de l’État qui le délivre. En Côte d’Ivoire, c’est le ministre ayant l’économie dans ses attributions qui délivre les brevets d’invention. Pour ce qui concerne les pays membres de l’O.A.P.I., l’Accord qui les régit affirme mêmement le caractère national du brevet d’invention en son article 3 : « Les droits afférents aux domaines de la propriété intellectuelle, tels que prévus par les annexes (…) sont des droits nationaux indépendants, soumis à la législation de chacun des États membres (…)». L’O.A.P.I. tient lieu, pour chacun de ses États membres, de service national de la propriété industrielle, au sens de l’article 12 de la Convention de Paris, et d’organisme central de documentation et d’information en matière des brevets d’invention. Elle a mis en place des procédures administratives communes découlant d’un régime uniforme de protection de la propriété industrielle. Cela justifie la délivrance des brevets sur décision du Directeur général de l’Organisation ou sur décision d’un fonctionnaire de l’Organisation dûment autorisé à le faire par le Directeur général25. Cela étant, il faut dire que dans l’espace OAPI tout comme dans la plupart des Offices de propriété industrielle (OIPI en Côte d’Ivoire), le brevet garantit à son titulaire la protection de l’invention pour une durée limitée (minimum) à vingt (20) ans sous réserves pour lui de payer la taxe de maintien en vigueur chaque année 26. C’est aborder la question des conditions de la brevetabilité. 2°)- Les conditions de la brevetabilité :

Pour bénéficier de la protection par le brevet, la création doit remplir certaines conditions de fond et de forme27. a)- Les conditions de fond de brevetabilité : L’article 27 alinéa 1er de l’Accord sur les Aspects des Droits de Propriété 25 Art.

22 de l’Annexe I de l’accord de Bangui révisé.

26 V.

art. 4 de l’Annexe I de l’Accord de Bangui révisé (ABR) ; lire aussi Cass. com du 17 oct. 1995, Ann. propr. ind. 1996 p.1, obs. Mathely. Sur les conditions de brevetabilité, lire Albert Chavanne et Jean Jacques Burst, Droit de la propriété industrielle, 3ème éd. Dalloz 1990, p. 30 et s. 27

18

Intellectuelle qui touchent au Commerce (Accord sur les ADPIC) 28 stipule : « Sous réserve des dispositions des paragraphes 2 et 3, un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle (…) ». En outre, l’article 2 de l’Annexe I de l’Accord de Bangui de 1999 portant révision de l’Accord de Bangui du 2 mars 1977 instituant une Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI)29 précise que : « 1) Peut faire l’objet d’un brevet d’invention (ci-après dénommé brevet), l’invention nouvelle, impliquant une activité inventive et susceptible d’application industrielle. 2) L’invention peut consister en, ou se rapporter à un produit, un procédé, ou à l’utilisation de ceux-ci ». Aux termes de ces textes, les conditions de fond de brevetabilité sont : Il doit s’agir d’abord d’une invention ; cette invention doit être nouvelle, doit impliquer une activité inventive et être susceptible d’application industrielle. a-1)- La création doit être une invention : • Définition de l’invention La plupart des lois sur la protection des inventions ne définissent pas véritablement la notion d’invention. Toutefois, un certain nombre de pays définissent les inventions comme de nouvelles solutions à des problèmes techniques. Ainsi, l’article 1er de l’Annexe I de l’Accord portant révision de l’Accord de Bangui30 définit l’invention comme « une idée qui permet dans la pratique la solution d’un problème particulier dans le domaine de la technique ». Selon des auteurs, comme « une création (c’est-à-dire une prestation intellectuelle aboutissant à un « résultat ») dans le domaine technique » 31 , comme « une prestation intellectuelle d’une certaine intensité, cristallisée en une règle exécutable par un homme de métier (règle achevée) en vue d’une action technique (mise en œuvre des forces naturelles) »32, L’Accord sur les ADPIC constitue l’annexe 1C de l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui a été conclu le 15 avril 1994 et qui est entré en vigueur le 1 er janvier 1995. L’Accord sur les ADPIC est un accord commercial multilatéral qui lie tous les membres de l’OMC, conformément à l’article II : 2 de l’Accord sur l’OMC. 28

En Afrique, dès le début des indépendances, les Etats appartenant à la Zone Franc avaient conclu un Accord relatif à la création d’un Office Africain et Malgache de la Propriété Intellectuelle (OAMPI) le 13 septembre 1962, plus connu sous le nom d’Accord de Libreville, en vue de protéger, sur leurs territoires, les droits de la propriété intellectuelle (V. pour plus amples développements à ce propos, Ibrahima CAMARA, les droits de propriété industrielle en Afrique noire francophone avant et après les indépendances, revue EDJA, 1987 ,n° 1, p. 2). Quinze ans plus tard, les membres fondateurs de l’OAMPI révisaient cet Accord pour le remplacer par celui de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) signé à Bangui le 2 mars 1977. Dans cet Accord de Bangui de 1977, les pays signataires s’engagent à adhérer à toutes les Conventions internationales intervenues en matière de propriété intellectuelle, montrant ainsi leur volonté d’intégrer l’Accord de Bangui dans le réseau mondial de la protection de la propriété intellectuelle. L’Accord de Bangui a fait l’objet d’une révision le 24 février 1999 qui harmonise la protection africaine de la propriété intellectuelle avec les dispositions de l’Accord sur les ADPIC signé dans le cadre de l’Organisation Mondial du Commerce (OMC). 29

30

Accord de Bangui du 02 mars 1977 instituant une Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle révisé le 24 février 1999.

31

Mireille Buydens, La protection de la quasi-création…, 1993, Larcier, p. 53.

32

Mireille Buydens, La protection de la quasi-création…, 1993, Larcier, p. 345.

19

comme « (…) une solution à un problème particulier dans le domaine de la technique»33, comme « le fait de trouver ou de concevoir une chose qui n’existait pas»34-35, comme « une solution technique à un problème technique, grâce à des moyens techniques » 36 , « comme recouvrant un élément…devant avoir un caractère technique et donc être en principe susceptible d’application industrielle (...) »37. En d’autres termes, l’invention est une idée qui apporte une solution à un problème donné relevant du domaine de la technique, la solution technique nouvelle à un problème technique, grâce à des moyens techniques. Autrement dit, une invention est l’expression concrète d’une idée dans un objet utile, l’expression concrète d’une idée dans un objet utile, un médicament, une matière. En effet, une idée n’est pas en soit protégeable par un brevet. Seuls les moyens techniques mis en œuvre pour la réaliser sont protégeables. Il est vrai que le terme « idée » est en soi une notion abstraite ; mais l’idée peut être suffisamment concrète dans la mesure où elle est destinée à atteindre un but technique. Seulement, une idée ne serait donc pas considérée comme technique, comme concrète si, par exemple, les moyens proposés ne peuvent pas permettre d’atteindre le but prétendu dans le respect des lois de la nature, si une idée ne fait que prétendre à des résultats techniques sans donner des descriptions complètes des moyens nécessaires pour y arriver, s’il s’agit d’une simple proposition de moyens, qui ne démontre pas comment la finalité technique est obtenue, si la description d’une idée ne fournit pas suffisamment de données obtenues lors de l’expérimentation, alors que celles-ci sont indispensables pour reconnaître l’idée comme un élément apte à résoudre le problème technique posé. A l’analyse, l’invention est une création technique résultant d’un effort intellectuel ou « la seule création qui produit un effet technique »38. On le voit, ce qui constitue le critère de définition de l’invention est donc l’existence d’un enseignement technique, technique que seul l’être humain est capable de mettre en œuvre et que la nature est incapable d’accomplir par elle-même.

DENIS EKANI, Les brevets d’invention, Encyclopédie juridique de l’Afrique, Abidjan-Dakar-Lomé, Les Nouvelles Éditions Africaines, 1982, p. 449-464. 33

THOMAS BRAUN et PAUL STRUYE, Précis des brevets d’invention et de la contrefaçon industrielle. Doctrine, jurisprudence, législation belge et congolaise et conventions internationales, Bruxelles et Paris, Établissement Émile Bruylant et L.G.D.J., 1935, p. 23, n° 35. 34

Cela distingue évidemment l’invention de la découverte qui, elle, « est le fait de se rendre compte d’une chose existante, mais qui n’avait pas encore été observée » (THOMAS BRAUN et PAUL STRUYE, op. cit.). Pour la distinction entre invention et découverte, voir infra, p. 45 ss, n° 125 ss. 35

J.M. MOUSSERON, Traité des brevets – 1844, 1968, 1978 – Obtention des brevets, Paris, Librairies techniques, 1984, p. 173 et s., cité par Alex Kabinda Ngoy, Brevets pharmaceutiques et accès aux médicaments dans les pays francophones d’Afrique subsaharienne, Thèse, département de droit économique de la faculté de droit de l’ université catholique de Louvain, année 2008, p. 27. 36

Michel Vivant, Le droit des brevets, Dalloz 1997, citant une décision de l’Office européen des brevets (OEB) (Ch. Des recours techniques, 19 mars 1992), p. 23. 38 CHAVANNE Albert et BURST Jean - Jacques, Droit de la propriété industrielle, op. cit., n° 71, p. 67. 37

20

Idées reçues certes, mais ne convient-il pas d’approfondir l’analyse ? En effet, que doit-on entendre par les vocables « technique », « solution technique » et « problème technique » ? A propos du terme « technique », par exemple, il est dit qu’il ne faut pas y voir la technique mécanique ; on entend alors couramment des moyens concrets destinés à atteindre des buts précis, industriels notamment. Ainsi, « est technique, l’enseignement destiné à utiliser méthodiquement des forces naturelles maîtrisables en vue d’un résultat obtenu sur la base d’une causalité prévisible »39. Ce terme peut donc être utilisé, en ce cas, dans n’importe quel domaine où le but peut être atteint par les efforts ou l’entraînement personnel, notamment dans le domaine pharmaceutique. Mais une telle définition ne demeure-t-elle pas aussi encore floue ? En réalité, ces concepts, c’est-à-dire les concepts « technique », « solution technique » et « problème technique », des « concepts mous »40 qui ne peuvent conduire qu’à une insécurité juridique. Face à cela, ne pourrait-on pas se limiter tout simplement à dire que celui qui révèle ce que nul n’a jamais vu, et donc propose une solution jusqu’alors ignorée à un problème, fait œuvre d’une technique nouvelle ? Michel VIVANT n’irait pas en sens contraire, lui qui se fondant sur la définition donnée par Heidegger de la technique comme « mode de dévoilement » 41 , affirme : « l’invention apparaît bien comme le résultat d’un processus intellectuel de dévoilement, de mise en lumière, de mise au jour, comme on voudra, d’un produit, d’un procédé, d’une substance éventuellement connue mais point alors dans l’application revendiquée. L’important est que soit apportée une solution neuve. Une solution dite technique à un problème dont on exige toujours aujourd’hui qu’il soit technique»42.

R. Singer, The European Patent Convention, n° 52.04, p. 111, cité par J.-C. GALLOUX, revue Propriétés intellectuelles, juillet 2007/ N° 24, p. 343. 39

M.-A. Hermitte, Le rôle des concepts mous dans les techniques de déjuridicisation : l’exemple des droits intellectuels, Archives de Philosophie du droit, T. 30, 1985, p. 338, cité par Michel Vivant, note sous Div. opp. OEB 8 décembre 1994, in Les Grands arrêts de la propriété intellectuelle, Dalloz 2004, n° 18, p. 236. 40

M. Heidegger, La question de la technique, in Essais et conférences, Gallimard, 1958, qui commente : « C’est comme dévoilement, non comme fabrication, que la technè est une production». 41

M. Heidegger, La question de la technique, in Essais et conférences, Gallimard, 1958, qui commente : « C’est comme dévoilement, non comme fabrication, que la technè est une production». 41

Michel Vivant, note sous Div. opp. OEB 8 décembre 1994, in Les Grands arrêts de la propriété intellectuelle, Dalloz 2004, n° 18, p. 239. 42

21

A l’analyse, il ressort que l’exigence de l’invention implique, en réalité, un caractère concret43. L’invention doit donc appartenir « au monde des réalisations »44. Elle amène à quitter le domaine de « l’artificiel »45, pour ne retenir comme brevetable que les choses concrètes, réelles. Ce qui conduira à admettre, par exemple, la brevetabilité de moyens de réalisation d’un résultat lui-même insusceptible d’être breveté, le résultat étant une abstraction. De ce qui précède, on peut affirmer que ne sont pas des inventions, donc insusceptibles d’ouvrir droit à la sollicitation d’un brevet, notamment, les découvertes, les théories scientifiques et les méthodes mathématiques, les créations esthétiques, les plans, principes et méthodes, les programmes d’ordinateurs, les présentations d’informations, etc. En effet, « (ces) différents exemples de créations non considérées comme des inventions semblent être fondés sur l’absence de caractère concret des créations en cause », affirment Joanna SCHMIDT-SZALEWSKI et Jean-Luc PIERRE46. Car, avec la création esthétique, par exemple, on sort de l’univers de la technique pour entrer dans celui du Beau ; et pour ce type de création, il faut songer plutôt au droit d’auteur ou au droit des dessins et modèles qu’à un brevet d’invention. • Catégories d’invention : En tenant compte de leur objet, l’Accord de Bangui révisé distingue deux types d’inventions ; mais on peut citer en plus les inventions par application nouvelle d’un moyen connu et les inventions par combinaison nouvelle de moyens connus. -

L’invention de produit : elle consiste en un objet matériel qui se distingue par les caractéristiques de sa constitution, notamment par sa composition, sa structure ou sa forme. Autrement dit, le produit est un objet matériel, concret et déterminé, une chose matérielle, un corps déterminé ayant une structure particulière (= aspect statique de la notion d’invention).

Exemple : une prothèse de genoux. -

L’invention de procédé : il s’agit de tout facteur ou agent qui conduit à l’obtention d’un résultat ou d’un produit ; une action ou série d’actions accomplies sur un substrat afin d’en modifier l’état ; une manière de faire, une

Une idée est considérée non concrète, par exemple, si les moyens proposés ne peuvent pas permettre d’atteindre le but prétendu dans le respect des lois de la nature, ou si cette idée technique ne fait que prétendre des résultats sans donner des descriptions complètes des moyens nécessaires pour y arriver ou s’il s’agit d’une simple proposition de moyens, qui ne démontre pas comment la finalité technique est obtenue ou si la description de cette idée ne fournit pas suffisamment de données obtenues lors de l’expérimentation, alors que celles-ci sont indispensables pour reconnaître l’idée comme un élément apte à résoudre le problème technique posé. 43

44

Michel Vivant, op. cit., p. 21.

45

B. EDELMAN, Vers une approche juridique du vivant, D. 1980, Chron. 329.

46

Schmidt-Szalewski J. et Pierre J.-L., Droit de la propriété industrielle, Litec, 1996, n° 73.

22

formule, une série d’opérations qui servent à obtenir un produit ou un résultat (= aspect dynamique de la notion d’invention). Exemple : un procédé de fabrication des médicaments ; procédé d’extraction des protéines. -

L’invention par application nouvelle d’un moyen connu 47 : elle consiste à utiliser, pour la première fois, un moyen technique déjà connu de manière à obtenir un résultat inattendu : le moyen en cause était connu, mais pas le fait de l’utiliser de telle manière et obtenir tel résultat.

Exemple : les sulfamides48 étaient déjà connus comme des colorants, mais il y a eu invention par application nouvelle lorsqu’on les a utilisés pour leurs propriétés antibiotiques. -

L’invention par combinaison nouvelle de moyens connus : elle consiste dans le fait d’assembler de manière nouvelle, en vue d’un but commun, des moyens qui étaient déjà en eux-mêmes connus, à associer des moyens qui n’avaient pas encore été réunis de la même manière en vue de leur faire produire un résultat d’ensemble.

• Distinction entre invention et découverte : L’invention ne doit pas être confondue avec la découverte scientifique qui est la révélation d’un phénomène préexistant dans la nature mais jusque-là méconnu du public. La découverte est l’« action de trouver ce qui était inconnu, ignoré ou caché ». La découverte désigne donc une simple constatation de certaines caractéristiques naturelles existantes, c’est-à-dire quelque chose qui existait déjà mais que l’on n’avait encore jamais aperçue auparavant. Dans la découverte, une place est accordée au hasard. A la différence de la découverte, dans l’invention, il y a au départ un objectif recherché et construit en chemin. L’invention est une démarche volontaire et organisée. Il ne s’agit pas de hasard. L’invention est généralement acceptée comme quelque chose de nouveau, découvert et/ou mis au point à l’issue d’une activité soutenue durant plusieurs années. Sans donc aller très loin dans l’analyse sémantique, on peut dire qu’il y a ‘‘découverte’’ lorsqu’on met à jour une ‘‘chose’’ qui préexistait mais qui était jusqu’alors demeurée inconnue, cachée, ou inaccessible. Quant à ‘‘l’invention’’, elle est une création ; c’est ‘‘quelque chose’’ qui n’existait pas et que l’homme a conçu puis réalisé, à la suite d’un processus ‘‘intelligent’’ qui peut avoir jailli spontanément dans son esprit, ou à la suite de longues réflexions, de nombreux essais ou échecs se déroulant sur une période plus ou moins longue.

47

Un seul moyen est appliqué d’une façon nouvelle sinon on serait en présence d’une combinaison nouvelle de moyens connus.

48

En pharmacie, c’est un groupe de substances antibactériennes obtenues par synthèse chimique.

23

Exemple : La découverte de la pénicilline par Alexander FLEMING en est un exemple : grâce à la contamination de ses préparations par un champignon, le Penicillium notatum (la pénicilline) fut trouvée. Exemple : la découverte au siècle dernier de l’électricité statique n’est pas une invention. a-2)- Cette invention doit être nouvelle 49 , c’est‐à‐dire qu’elle ne doit jamais avoir été divulguée. Dès lors, ce qui est déjà connu ne peut être considéré comme une invention susceptible d’être brevetée50. En effet, si, au sens commun, la nouveauté est la qualité de ce qui apparaît pour la première fois, au sens juridique cette notion peut avoir une étendue variable. Il est vrai que, d’une manière générale, la nouveauté est définie comme une différence par rapport à ce qui existe déjà (est donc nouveau ce qui se distingue de ce qui existe), mais le système de droit des brevets peut être plus ou moins exigeant quant au lieu et au moment où l’invention « apparaît pour la première fois ». Il est alors acquis qu’une invention est considérée comme nouvelle « si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique » 51 , ou en d’autres termes « si elle n’a pas d’antériorité dans l’état de la technique »52. A l’analyse, l’appréciation de la nouveauté comme condition de la brevetabilité suppose donc une comparaison de l’invention avec l’« état de la technique »53, « dans le but de vérifier l’extériorité de celle-ci par rapport à celui-là » 54 . L’appréciation de la nouveauté consiste alors à rechercher les différences entre l’« état de la technique » et l’invention, lesquelles différences s’apprécient de façon objective. Et pour que la nouveauté de l’invention soit détruite, il faut qu’on trouve, dans l’« état de la technique (…) au moins une réalisation reproduisant l’ensemble de ses caractéristiques essentielles, selon la même forme, le même agencement, le même fonctionnement » 55 . Autrement dit il est admis que la nouveauté d’une invention ne peut être ruinée que par une antériorité de toutes pièces (et non partielle ou la combinaison d’antériorités partielles), c’est-à-dire une antériorité qui reprend les éléments principaux de l’invention brevetée, dans un agencement identique (c’est-à-dire qui présente tous les moyens caractéristiques de l’invention brevetée, réunis de la même façon, pour y 49

V. art. 3 alinéa 1 de l’Annexe I de l’ABR.

50 Le

problème peut être nouveau ou ancien mais la solution, pour mériter le nom d’invention, doit être nouvelle.

51 Art.

54-2 de la Convention de Munich sur les brevets européens.

52 V.

notamment l’article 3-1) de l’Annexe I de l’Accord de 1999 portant révision de l’Accord de Bangui du 02 mars 1977 instituant une Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle ; article L. 611-11 du Code de propriété intellectuelle français. L’« état de la technique » est communément défini comme « constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen ». L’état de la technique est donc constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public, quel que soit le lieu (dans tous les pays du monde), le moyen ou la manière, avant le jour du dépôt de la demande du brevet. C’est dire qu’il est en théorie impossible d’obtenir un brevet, par exemple, pour un médicament déjà commercialisé en quelque endroit que ce soit. 53

54

Schmidt-Szalewski J. et Pierre J.-L., op. cit., n° 79.

55

Idem, n° 93 et Cass. com. 8 juin 1982, Juris-Data n° 2005.

24

remplir la même fonction et aboutir aux mêmes résultats). Ainsi, « le brevet qui réunit les moyens présents dans les antériorités, ne présente aucun caractère de nouveauté, dès lors que ces moyens continuent à y jouer le rôle propre et distinct qui était le leur, sans obtenir un résultat différent de celui qu’ils avaient »56. Hormis cela, il faut dire que la nouveauté a un caractère absolu57, ce qui signifie que l’invention en cause ne doit avoir été déjà réalisée nulle part à travers le monde. Il faut également noter que la nouveauté est détruite par tout fait de nature à rendre l’invention accessible au public58 : pour dire que l’« état de la technique » ne contient que les informations accessibles au public, c’est-à-dire « toute personne non tenue au secret (à propos des informations qu’elle reçoit) ». Ainsi, « tant que la connaissance de l’invention reste limitée au cercle de personnes tenues au secret, légalement ou contractuellement (par ex., fonctionnaires, salariés, ou collaborateurs de l’inventeur), l’invention n’est pas accessible au public et conserve son caractère nouveau »59. C’est dire que, par exemple, la divulgation même à une seule personne non tenue au secret, la livraison d’un prototype à un seul client non tenu au secret60, détruit la nouveauté. Enfin, il faut souligner que concernant la question de la preuve de la nouveauté, le défaut de nouveauté soulève le problème de la preuve d’un fait (négatif). Or la preuve d’un fait peut se faire par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes61, des témoignages62, des brevets produits avec leur traductions s’il y a lieu et avec citation des passages qui affectent la nouveauté63, des demandes de brevets, des documents publicitaires, des articles publiés dans une G. Ripert - R. Roblot – Louis Vogel, Traité de droit commercial, Tome 1, vol. 1, 18ème édition, LGDJ, 2001, citant Cass. Com. 4 oct. 1994, Bull. civ., IV, n° 269. 56

La considération du droit comparé donne de constater que la notion de nouveauté peut être interprétée objectivement ou subjectivement, et alors les systèmes de brevets se partagent entre une condition de nouveauté absolue et celle de nouveauté relative. Interprétée objectivement, la nouveauté signifie que l’ensemble de l’« existant » servant de référence à l’appréciation de la nouveauté est considéré de manière absolue, c’est-à-dire comprend tout ce qui existe objectivement dans le monde. Et ainsi, il est exigé que l’invention brevetable n’ait jamais été connue à aucun endroit du monde avant la date de dépôt de la demande de brevet ; les antériorités susceptibles d’interdire la prise d’un brevet peuvent alors être recherchées en tout temps et en tous endroits. Lorsqu’elle est interprétée subjectivement, elle signifie que l’ensemble de l’« existant » servant de référence à l’appréciation de la nouveauté est considéré de manière relative, sera limité à ce qui existait pour le sujet qui a créé l’objet en cause. Ainsi, dans un tel système, on accepte de breveter des inventions connues à l’étranger, mais importées pour la première fois sur le territoire national (on parlera de « brevet d’importation ») ou des inventions oubliées qui réapparaissent dans l’économie nationale (on parlera de « brevet de résurrection »). A l’heure actuelle, avec la mondialisation, et surtout avec la prise en compte du système des brevets dans le cadre de l’OMC, la considération de la nouveauté dans son sens subjectif, et donc la nouveauté relative semble difficilement tenable ; ce système serait soutenable si les Etats vivaient en autarcie, en vase clos. Ce qui n’est pas le cas ; si bien qu’en droit des brevets, actuellement, la nouveauté est interprétée de façon objective, et donc c’est une nouveauté absolue qui est prise en compte. Cela revient à ne considérer nouvelle une invention qu’à la considération qu’elle soit inconnue en quelque point du monde que ce soit en quelque époque que ce soit. 57

58

Sur ce point, lire Jean–Christophe Galloux, Droit de la propriété industrielle, 2è édition, Dalloz 2003, p. 94 et s.

59

Schmidt-Szalewski J. et Pierre J.-L., op. cit., n° 82.

60

V. Lyon 10 janv. 1973, Ann. propr. ind. 1974, 106, cité par Schmidt-Szalewski J. et Pierre J.-L., op. cit., n° 82.

61

Com. 25 oct. 1950, Ann. propr. ind. 1950, 234;

Trib. Gde Inst. Paris, 22 décembre 1971, RTD com. 1973.84, n° 2, obs. A. CHAVANNE et J. AZEMA ; Paris 2 déc. 1974, PIBD 1975. III. 99. 62

63 Trib.

Gde Inst. Paris, 21 septembre 1984, PIBD 1985.III.70.

25

revue64, des attestations écrites de la main de celui qui atteste et précisant qu’elle est destinée à être produite en justice 65, etc. Il suffit seulement que l’existence de cette antériorité caractérisée soit établie avec certitude et ne laisse aucun doute sur sa présence. Cette question de la constatation de l’absence de la divulgation relève de l’appréciation souveraine des juges66. S’agissant de la charge de cette preuve, elle incombe à celui qui veut détruire la présomption de validité du brevet, c’est-à-dire celui qui conteste la nouveauté67 . Il revient donc à l’adversaire du breveté d’établir que l’invention ultérieurement réservée a fait l’objet d’une utilisation antérieure la rendant accessible au public. Ce dernier doit fait la démonstration, notamment, de la date à laquelle a eu lieu cette utilisation antérieure et en quoi a consisté exactement cette utilisation antérieure et les circonstances dans lesquelles a eu lieu cette utilisation antérieure, encore que s’agissant de cette dernière question qui englobe celle de la confidentialité, il serait permis d’affirmer qu’il reviendrait plus au breveté de faire la preuve de la confidentialité due par ceux qui pouvaient connaître l’information. a-3)- Cette invention doit impliquer une activité inventive : L’exigence de cette condition d’activité inventive fit l’objet d’une longue controverse doctrinale avant d’être aujourd’hui admise. Désormais admise comme condition autonome de brevetabilité, l’invention est considérée comme impliquant une activité inventive si elle ne découle pas de manière évidente de l’« état de la technique » (« prior art» en anglais), si elle ne résulte pas de manière évidente pour un homme du métier (« person having ordinary skill in the art » ou « phosita », en anglais). En effet, la prestation créative déployée par l’inventeur (et expliquée dans la demande de brevet) qui justifie fondamentalement l’octroi de la protection du droit des brevets qui apparaît à la fois comme la juste sanction d’un effort particulier et la « contrepartie » d’un enrichissement de la collectivité. L’activité inventive ne s’entend donc pas dans le sens commun de l’activité créatrice de l’inventeur (qui supposerait que toute invention ait une activité inventive), mais au sens juridique, au sens du droit des brevets. A cet effet, c’est en réalité une notion d’origine anglaise qui a été reprise pour donner son sens à la notion d’activité inventive. Il s’agit de la notion de « non

64 Paris, 65Trib. 66

21 décembre 1982, PIBD 1983, III, 80.

Gde inst. Paris, 25 mai 1979, Dossiers Brevets, 1980.V. n°1.

Cass. com. 12 déc. 1995, Bull. civ., 4, n° 291.

C’est du moins ce que laisse transparaître, notamment, la décision T 472/92 de la Chambre de recours technique de l’Office européen de brevet en date du 20 novembre 1996. Cette décision rappelle : « dans les cas où il est allégué l’existence d’une utilisation antérieure qui aurait rendu l’invention accessible au public, les preuves de cette utilisation antérieure se trouvent la plupart du temps presque toutes en la possession de l’opposant et ne sont connues que de lui seul, si bien que le titulaire du brevet ne peut que difficilement ou même ne peut absolument pas se les procurer. Tout ce qu’il peut faire en pratique, c’est contester ces preuves en faisant ressortir les contradictions qu’elles contiennent, ou signaler toute lacune dans la succession des activités commerciales dont l’opposant doit apporter la preuve, afin de montrer le bien fondé de son motif d’opposition. Par conséquent, c’est à l’opposant de produire la preuve incontestable du bien fondé de ses allégations, car le titulaire du brevet ne dispose guère ou ne dispose pas de moyens de preuve pour montrer à l’inverse qu’il n’y a pas eu utilisation antérieure ayant rendu l’invention accessible au public » (V. Chambre de recours technique de l’OEB, décision T 472/92, 20 novembre 1996, JO off. eur. Brevets 1998, 4, 161, cité in JCP, éd. E., 1999, chron. p. 414). 67

26

obviousness » 68 , de « non-évidence » (en français). Ainsi, sous le terme d’activité inventive, on recherche la « non obviousness » ou la non évidence de l’invention. Avec la notion de « non-évidence » il s’agit de déterminer si l’invention représente une avancée suffisante par rapport à l’état de la technique. Cette notion apparaît alors comme un « filtre » permettant de refuser l’octroi de monopole pour des inventions qui ne relèvent pas d’une intelligence ou d’une créativité particulière. Le critère de l’évidence et de la non évidence est apprécié au regard de l’homme du métier69 : S’agissant de la nature de l’homme du métier, la première question qui s’est posée est celle de savoir si l’homme du métier constitue un concept a priori présentant certains attributs purement théoriques et plutôt immuables ou si, au contraire, il s’agit d’un concept découlant de la réalité et dont les attributs évolueront en conséquence en fonction des développements techniques, scientifiques et culturels, et des modifications des modes de travail. En clair, la question s’est posée de savoir si l’homme du métier constitue une personne fictive ou réelle. A n’en point douter, la réponse à cette question peut faciliter la tentative de donner une définition précise à la notion de l’homme du métier. Les caractéristiques de l’homme du métier n’ayant pas été définies légalement, il en résulte, ou du moins il est généralement admis que l’homme du métier est un personnage de référence théorique, est une fiction juridique. En effet, l’analyse des législations nationales sur les brevets montre que selon certains pays, il devrait s’agir d’une personne réelle, tandis que d’autres soulignent qu’il ne peut s’agir plutôt que d’une personne fictive hypothétique. Et comme explications de ce dernier choix, il est avancé que s’il ne s’agissait pas d’une personne fictive, un tel standard ne serait pas reproductible. C’est du moins cette dernière position qui est admis par la majorité des législations sur les brevets dont le droit OAPI. Il faut alors se rendre à l’évidence que « l’homme du métier » du droit des brevets est « comme le bon père de famille de l’article 1374 C. C. »70, ou « l’homme raisonnable »71 auxquels se réfèrent tant de branches du droit, c’est-à-dire un personnage abstrait, fictif « qu’on est assuré de ne jamais croiser dans une rue ». Il est certes essentiel au jeu du droit mais il est pour l’essentiel fictif, « il sait beaucoup (puisqu’il maîtrise cet état de la technique par rapport à quoi s’apprécie la non-évidence) mais ne sait pas tout (car d’improbable 68 C’est

la section 103 du Patent Act de 1952 des Etats-Unis qui a posé comme condition de brevetabilité la « non obviousness » (traduit en français par « non évidence »). V. art. 4 de l’Annexe I de l’ABR. Il faut relever que « l’homme du métier » auquel il convient de se référer pour apprécier l’activité inventive est quasiment le même que celui qui est chargé d’apprécier l’identité de l’invention et dont il a été question à propos de la nouveauté de l’invention. Seulement, alors que l’homme du métier appréciant l’identité de l’invention se contente de rechercher l’antériorité de toutes pièces dans l’invention en cause, celui qui apprécie l’activité inventive doit aller au-delà d’une simple constatation pour rechercher si l’invention est ou non évidente pour lui. 69

Michel Vivant, Le droit des brevets, Dalloz 1997, p. 30 ; Schmidt-Szalewski et J-L Pierre, Droit de la propriété industrielle, Litec 1996, p. 50, n° 102. L’article 1374 du Code civil français dispose : « Il est tenu d’apporter à la gestion de l’affaire tous les soins d’un bon père de famille ». 70

71

Schmidt-Szalewski et J-L Pierre, Droit de la propriété industrielle, Litec 1996, p. 50, n° 102.

27

modèle il deviendrait alors impossible figure). Il est doté de capacités inventives (puisque, pour lui, il est des inventions, nouvelles, qui ne sont qu’évidence) mais celles-ci demeurent limitées (puisque l’invention digne d’être protégée par brevet est, par définition, celle, non-évidente, qui normalement lui échappe…)»72. Etant quasiment admis que l’homme du métier est un personnage fictif, se pose toutefois la question de savoir si, même étant une personne fictive, ses caractéristiques ne peuvent pas être influencées par la réalité technique et l’organisation de méthodes de travail. Cela paraît être la position d’un certain nombre de pays73 même si quelques uns74 soulignent en revanche qu’il s’agit non seulement d’un personnage fictif, mais qu’il est bien différent des personnes réelles dans ses attributs et compétences. Cependant, est-ce qu’il ne faudrait pas admettre qu’en faisant référence à l’homme du métier comme d’un technicien (puisque l’homme du métier maîtrise cet état de la technique par rapport à quoi s’apprécie la non-évidence), cela montre bien l’influence que la réalité du travail technique a sur le modèle de l’homme du métier ? Et puisque tel est le cas, il semble que la position à exprimer est que même si l’homme de métier est une construction fictive, il ne doit cependant pas être déconnecté de la vie réelle. Cela étant, et pour conclure l’exposé sur la nature de l’homme du métier s’est posée également la question de savoir s’il s’agit d’une personne ou de plusieurs personnes pouvant notamment constituer une équipe de travail. Autrement dit, l’homme du métier doit-il être conçu sous la forme d’un seul technicien ou d’une équipe de techniciens. La réponse à cette question dépendant fortement de la technologie à laquelle fait appel l’invention du brevet, il est admis qu’il pouvait s’agir non seulement d’une personne, mais également de plusieurs personnes constituant une équipe. En effet, il est admis que cet homme du métier peut parfois « se voir mué, transmué, en équipe, spécialement dans les secteurs à haute technicité où il est rare que la recherche puisse être solitaire »75. S’agissant de ce dernier cas, c’est-à-dire l’hypothèse dans laquelle l’homme du métier est composé d’une équipe, la question s’est également posée de savoir si ses membres devraient avoir les mêmes compétences et capacités. Apparemment aucune réponse n’est universellement admise à ce sujet. Cependant, il semble qu’on puisse accepter que l’équipe soit pluridisciplinaire, c’està-dire les membres de cette équipe pourraient provenir de domaines techniques différents, de disciplines variées, à la condition toutefois que les capacités techniques des membres d’une telle équipe soient similaires. Toute cette analyse, ou du moins tous ces postulats concernant la nature de l’homme du métier appellent quelques remarques : 72

Michel Vivant, Le droit des brevets, Dalloz 1997, p. 30.

73 C’est

le cas de la Belgique et de la Finlande.

C’est le cas de la Grande Bretagne avec notamment la jurisprudence telle que la décision "Pfizer's Patent" 2001 FSR 201 cité par Association internationale pour la protection de la propriété intellectuelle (AIPPI), Rapport de synthèse Q 213 : L’homme du métier dans le contexte de la condition de l’activité inventive prévue par le droit des brevets, op. cit. 74

75

Michel Vivant, Le droit des brevets, Dalloz 1997, p. 31.

28

En effet, de cette connaissance profonde que « l’homme du métier » est un personnage abstrait, fictif, il n’est donc pas étonnant de constater la diversité de définition à son sujet. Seulement le constat est que toutes les définitions données mettent en évidence l’appréciation des qualités de cet homme du métier. Ainsi, « l’homme du métier » est « celui qui possède les connaissances normales de la technique en cause »76, « le professionnel d’une discipline »77, « un praticien normalement qualifié, au courant de ce qui formait les connaissances générales communes de la technique à la date en question (...) supposé avoir eu accès à tous les éléments de l’état de la technique, notamment aux documents cités dans les rapports de recherche, et avoir eu à sa disposition les moyens et les capacités dont on dispose normalement pour procéder à des travaux d’expérience courante »78, « celui qui possède les connaissances normales de la technique en cause et est capable, à l’aide de ses seules connaissances professionnelles, de concevoir la solution du problème que se propose de résoudre l’invention »79, « un praticien normalement qualifié, c’est-à-dire d’une intelligence moyenne, lui permettant de résoudre les problèmes que la technique lui pose couramment » 80 , « un spécialiste du domaine technique en question »81 qui « est notamment supposé connaître tous les brevets (publiés) en la matière »82, un homme qui a « le droit et même le devoir d’être intelligent »83, « consciencieux et diligent »84 , « le professionnel auquel est posé le problème technique que résout l’invention considérée »85, «le professionnel de la discipline industrielle auquel se pose le problème technique que résout l’invention»86. Cependant, il faut le relever, dans l’expression « homme du métier », en plus de l’« homme » qu’il faut identifier (ce à quoi s’attèlent les définitions ci-devant), identification qui se résume de façon générale en ses qualités, il y a le « métier » effectué par cet « homme » qu’il ne faut pas occulter. Car quelles que soient les qualités dont il fait preuve, il est l’homme d’« un » métier. Et pourtant cette question est souvent oubliée : En référence à quel métier cet homme doit-il être identifié ?

76

Chambre des recours techniques, 25 février 1997, J.C.P. – E. 1999, chron. p. 415.

77

Michel Vivant, J.-Cl. Brevets, Fasc. 4250, 2003, voir « Activité inventive », spéc. n° 33.

78

Directives de l’OEB, C., IV, 9, 6.

Cass. com., 17 oct. 1995, P.I.B.D., 1996. III. 35 ; Bull. civ., 4, n° 232 et sur renvoi, Douai, 16 mars 1998, P.I.B.D. 1998, 3, 289 ; J.C.P., éd. E, 1999, 415, obs. MOUSSERON. 79

80

Mireille Buydens, Droit des brevets d’invention et protection du savoir-faire, op. cit., p. 67, n° 130.

81

Idem

82

Mireille Buydens, Droit des brevets d’invention et protection du savoir-faire, op. cit.,

Dassesse, Examen de jurisprudence , R.C.J.B. 1972, 554, cité par Mireille Buydens, Droit des brevets d’invention et protection du savoirfaire, op. cit., p. 65, n° 130. 83

Robert PLAISANT, La loi du 2 janvier 1968 sur les brevets d’invention et ses textes d’application, Recueil Dalloz Sirey, 1969, chron. p. 109, n° 47. 84

85

Paris, 19 octobre 1979, P.I.B.D. 1980, 253, III, 48.

86

Chambre Commerciale de la Cour de Cassation française, arrêt rendu le 13 juin 1995.

29

Pour la jurisprudence, le métier dont il est fait référence est la discipline industrielle auquel se pose le problème d’ordre technique que résout l’invention87. Cela relève de la casuistique et revient à « personnaliser » la définition de l’homme du métier et à désigner pour chaque secteur le type de personnage aux yeux de qui l’invention ne doit pas être évidente. Mais, quels sont les contours de cette discipline, de cette spécialité ? En réalité, la proposition est encore abstraite et difficile qu’il ne paraît à mettre en œuvre de façon concrète, de sorte qu’il n’y ait pas grand place pour une décision qui fixerait la question. Il convient alors d’admettre que le métier dont il est question est tout ce qui se rapporte certes à un champ technique, mais un champ technique non rigoureusement défini, de sorte que l’homme du métier est celui qui est censé avoir une ouverture sur les domaines voisins du domaine technique concerné. Il a même été jugé que « si le problème suggère à l’homme du métier de rechercher la solution dans un autre domaine de la technique, le spécialiste compétent pour trouver la solution est le spécialiste dans ce domaine (et qu’en) conséquence, les connaissances et les possibilités de ce spécialiste doivent être prises pour base pour apprécier si la solution implique une activité inventive »88. En dernière analyse, on peut admettre que le métier dont il est question est « la technique qui concerne cet homme abstrait ou l’essentiel des techniques analogues ou connexes à cette technique qui le concerne » de sorte que « son niveau sera différent selon les branches et sera susceptible d’évolution »89. Le dire c’est entrer dans la sphère des compétences personnelles de l’homme du métier : au sujet des attributs personnels et capacités de l’homme du métier, la principale question est de s’interroger sur « l’existence ou non des capacités créatives, de raisonnement ou de conduite de l’expérimentation dont serait investi l’homme du métier »90. Le constat est que les réponses provenant des pays relativement à cette interrogation divergent à cet égard. Ainsi, si la plupart des pays semblent considérer qu’il s’agit de quelqu’un qui n’a pas de capacités créatrices 91 , d’autres semblent admettre l’existence de capacités créatives nécessaires de l’homme de métier à trouver la solution au problème typique92. Certains encore soulignent que l’homme du métier a les capacités de trouver les solutions qui doivent être résolus par l’invention sur la 87 Voir,

notamment, Paris 30 juin 1988, P.I.B.D. 1988, 445, III, 550 ; Cour d’appel de Douai, 16 mars 1998, P.I.B.D. 1998, n° 655, III,

p. 289. 88

O.E.B., Ch. des recours techniques, 5 mars 1982, Journal officiel O.E.B. 1982, 225.

89

Jean Marc MOUSSERON, Recueil Dalloz, droit commercial, v° Brevets d’invention, n° 87.

Association internationale pour la protection de la propriété intellectuelle (AIPPI), Rapport de synthèse Q 213 : L’homme du métier dans le contexte de la condition de l’activité inventive prévue par le droit des brevets, op. cit., p. 6. 90

91

Comme cela est la position de la Chine, de la Grèce, de la Nouvelle Zélande, de la Pologne, de la Suède ou de la Suisse.

92 C’est

par exemple le cas de la Belgique.

30

base de ses propres capacités conceptuelles 93 tandis que d’autres encore estiment quant à eux que l’homme du métier bénéficierait de capacités créatives élevées, notamment dans le domaine des nouvelles technologies94. Certains pays encore, tout en précisant que l’homme de métier n’a pas de capacités créatives, lui reconnaissent néanmoins la capacité de conduire une recherche de routine consistant à faire varier les dispositifs connus95. D’autres pays par contre soulignent que l’homme du métier est capable de raisonner et d’établir les liens entre différents dispositifs ou procédés96. Enfin, il semble qu’en revanche, des pays 97 aient une position différente et caractérisent les capacités de l’homme du métier comme essentiellement exécutives et dépourvues d’un quelconque degré de créativité tandis que d’autres lui reconnaissent des capacités créatives et de raisonnement qui vont au-delà de simples compétences d’exécution98. A l’analyse, cette question semble diviser les pays. Mais on peut néanmoins observer que si tel est le cas, même dans les pays qui semblent dénier à l’homme du métier des capacités créatives, il lui est reconnu la possibilité et la compétence d’effectuer des travaux de « routine » mais aussi des recherches et l’expérimentation. Cela voudrait dire que « si l’on pouvait (…) reconnaître (à l’homme du métier) certaines capacités créatives, elles ne devraient pas lui permettre d’aboutir normalement à des solutions originales et surprenantes par rapport aux solutions de l’art antérieur »99. Autrement dit, il faut reconnaître (ou on devrait reconnaître) que pour l’appréciation de l’activité inventive, du moins pour l’appréciation du caractère évident ou non-évident des inventions, l’homme du métier doit posséder ou doit se voir attribuer quelque capacité créative, limitée fut-elle, des compétences à la fois théoriques et pratiques, car cela « lui permettrait de trouver plus facilement des solutions aux problèmes posés »100. Une autre question relative à l’homme de métier peut être ainsi posée : quelle est l’étendue des connaissances de l’homme du métier. Il s’agit de parler plus particulièrement des questions concernant la définition des connaissances générales, ou du moins du degré de connaissances, de l’homme du métier ainsi que le niveau de son éducation. Cela est d’autant plus important que, l’homme du métier étant l’un des éléments permettant d’apprécier la notion d’activité inventive, « si l’on retient le savant comme homme de métier, il est clair que l’activité inventive sera appréciée très sévèrement. A l’inverse si l’homme du métier est celui qui ignore tout de la technique en cause, l’activité 93 C’est 94

l’exemple du Japon.

C’est le cas de la Roumanie.

95 C’est

le cas de l’Autriche.

96 Cette

position est partagée par Le Brésil, l’Egyptien, la Hongrie, l’Israélien et la Norvège, notamment.

97

Comme l’Espagnol et la Grande-Bretagne.

98

C’est le cas surtout des Etats-Unis.

99 Association

internationale pour la protection de la propriété intellectuelle (AIPPI), Rapport de synthèse Q 213 : L’homme du métier dans le contexte de la condition de l’activité inventive prévue par le droit des brevets, op. cit., p. 7. 100 Association

internationale pour la protection de la propriété intellectuelle (AIPPI), Rapport de synthèse Q 213 : L’homme du métier dans le contexte de la condition de l’activité inventive prévue par le droit des brevets, op. cit., p. 8.

31

inventive sera appréciée de façon beaucoup plus libérale puisque pour lui rien n’est évident »101. Il faut de prime abord dire que cette question est également appréciée de façon diverse par les législations nationales. Mais d’une façon générale, on considère que les connaissances de l’homme de métier sont très étendues même si son niveau de compréhension peut varier en fonction du domaine technique, qu’il a accès à toute la connaissance du domaine technique de l’invention, et même que tout ce qui est publié dans son domaine particulier fait partie de ses connaissances générales. Cependant, les législations de certains pays expriment une position plus nuancée en ce qui concerne en particulier la notion des connaissances générales de l’homme du métier. Ainsi quelques pays semblent exclure de ces connaissances les publications très particulières ou spécialisées102. Ces prises de positions ont fini par faire admettre que l’homme du métier est un spécialiste de bon niveau, qui connaît bien son domaine mais qui n’ignore pas certaines connaissances voisines ou relevant d’une culture générale. Il a donc des connaissances à « géométrie variable, et reste plus ou moins habile selon les secteurs ». Et, selon Michel VIVANT, « (l’homme du métier) sait beaucoup mais ne sait pas tout. Il est doué de capacités inventives mais celles-ci demeurent limitées »103. Ainsi, c’est la « voie moyenne » qui est choisie pour la définition des connaissances de l’homme du métier. C’est dire que « pour évaluer l’activité inventive, il faut donc se placer dans les ‘‘souliers’’ d’une personne qui, sans être un inventeur, possède une bonne connaissance de l’industrie » 104 . C’est du moins ce qu’exprime l’analyse de la jurisprudence que reprend ou fixe notamment un arrêt rendu le 17 octobre 1995 par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation française 105 qui a jugé que les connaissances de l’homme du métier sont les « connaissances normales de la technique en cause mais qu’il doit toutefois avoir des connaissances complémentaires »106. Autrement dit, il doit s’agir de l’homme du métier moyen, c’est-à-dire de l’homme du métier qui possédant des connaissances normales de la technique en cause doit être capable, « à l’aide de ses seules connaissances professionnelles et par le jeu de simples opérations d’exécution »107, d’apercevoir directement le problème posé et la solution qui devait lui être apportée. Pour ce faire, dans un arrêt rendu le 18 mai 2005, la 4ème chambre de la Cour d’Appel de Paris a retenu que l’homme du métier doit « consulter non seulement le domaine spécifique dont relève le brevet, mais également l’état de la technique dans un domaine proche où se posent les problèmes 101

Chavanne Albert et Burst Jean-Jacques, op. cit., n°55, p. 53.

C’est par exemple la position du Canada. Quant au Singapour, on considère que les brevets ne font pas partie des connaissances générales de l’homme du métier. 102

103 Vivant

Michel, Le droit des brevets, Dalloz, 1997, p. 30.

104 STEELE

Alexandra et ROBIC Leger Richard, Le critère d'originalité en matière de dessins industriels au canada, www.robic.ca., p.

13. Cour de cassation française (Chambre commerciale), 17 octobre 1995, PIBD 1996, n° 602.III.34. Consultable sur www.juricaf.org/arret/FRANCE-COURDECASSATION. 105

106 Cette

décision ne fait que rappeler ou confirmer une solution acquise antérieurement : voir notamment Paris, 28 novembre 1977, Ann. propr. ind. 1978.60. 107 Voir

Paris, 22 janvier 1980, Ann. propr. ind. 1982.39 ou Paris, 3 janvier 1984, PIBD 1984.III.98.

32

identiques ou analogues à ceux rencontrés dans le domaine particulier sur lequel porte la demande et que l’homme du métier devrait normalement connaître »108. Autant dire que l’« homme du métier » a des connaissances normales dans un métier particulier et technique, mais n’est pas pour autant un génie. Cela un arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis l’a relevé. En effet, dans l’arrêt KSR International Co. v. Teleflex Inc. rendu le 30 avril 2007, la Cour Suprême des Etats-Unis a précisé que la « phosita » est « une personne à la créativité ordinaire et non un automate, et qu’elle est dotée de bon sens ». D’où les expressions anglaises « person having ordinary skill in the art » ou « phosita ». Mais nonobstant ces diverses indications jurisprudentielles sur la question, la notion d’homme du métier reste parfois vague tant « ses critères peuvent sembler difficiles à employer ». Alors se pose la question du « bon critère » déterminant les connaissances générales ou normales ou ordinaires de l’homme du métier. A ce sujet, le critère de la « facilité d’accès aux documents publiés » est souvent proposé. Le moins qu’on puisse dire c’est que la facilité de l’accès à l’information soulignée par certains points de vue « rend probablement moins pertinentes certaines définitions traditionnelles des connaissances générales de l’homme du métier dans lesquelles on se référait aux manuels et encyclopédies »109. A l’analyse, on pourrait considérer que le niveau des compétences et des connaissances de l’homme du métier doit être d’un niveau « élevé » (et non savant)110 de sorte à inclure tous les documents accessibles, quel que soit le moyen de publication y compris les brevets. Et alors, même si l’homme du métier doit posséder les connaissances normales de la technique en cause de sorte à sélectionner et à combiner ce qui est connu sur le plan technique, « son niveau d’éducation doit être considéré comme élevé et ses connaissances dans le domaine de la technique concernée doivent être considérées comme très larges, compte-tenu de la facilité d’accès aux informations dont il bénéficie » 111 . Cela est probablement dû au fait qu’aujourd’hui l’information est en général facilement accessible et le fait de limiter les connaissances générales à des manuels académiques ou publications à caractère encyclopédique ne correspondrait plus à la réalité de la recherche et du travail technique. Enfin, il faut souligner que de nombreux indices ont été dégagés par la jurisprudence pour apprécier l’activité inventive, pour reconnaitre la non-évidence ou 108

Cour d’Appel de Paris (4ème Chambre), 18 mai 2005, PIBD 2005, n°814.III.496.

109 Association

internationale pour la protection de la propriété intellectuelle (AIPPI), Rapport de synthèse Q 213 : L’homme du métier dans le contexte de la condition de l’activité inventive prévue par le droit des brevets, op. cit., p. 9. 110 Il

faut le préciser, ces connaissances complètes ne concernent que le domaine technique de l’homme du métier et, en général, il est considéré comme n’ayant pas de compétences spécialisées dans d’autres domaines techniques. Association internationale pour la protection de la propriété intellectuelle (AIPPI), Rapport de synthèse Q 213 : L’homme du métier dans le contexte de la condition de l’activité inventive prévue par le droit des brevets, op. cit., 111

33

l’évidence de l’invention112. A la lecture de l’arrêt Graham contre John Deere Co. de la Cour suprême des Etats-Unis du 21 février 1966113, on peut citer entre autres facteurs ou indices à prendre en compte pour déterminer si une invention est non évidente et mérite dès lors le sceau d’un brevet : - La victoire sur un préjugé d’ordre technique généralement répandu ou préjugé vaincu 114 : Il est parfois possible de prouver l’existence d’une activité inventive en montrant qu’il a fallu surmonter un préjugé connu, c’est-à-dire un avis largement répandu mais inexact à propos d’un fait technique, idée préconçue, largement ou universellement répandu parmi les experts dans ce domaine. En effet, le « préjugé vaincu » fait généralement référence à la situation où l’art antérieur révèle des enseignements intéressants mais où tout indique que la combinaison revendiquée présenterait des aspects indésirables ou inexploitables. Cet indice signifie donc que, alors que tout l’existant incitait à utiliser ou à ne pas utiliser tel élément, l’inventeur est passé outre. Autrement dit, si l’état de la technique dissuadait en principe de faire ce que le breveté a fait, cela indiquerait la présence d’activité inventive (à condition bien sûr que ce préjugé soit d’ordre technique)115. Ainsi, il a été jugé que l’invention d’un médicament n’est pas inventive car sans préjugé vaincu, l’inventeur n’ayant fait que sélectionner le médicament parmi six substances 116 . On peut citer une décision de l’OEB à titre d’exemple : Dans la décision T 1212/01 117 , le brevet portait sur les pyrazolopyrimidinones utilisées pour traiter l’impuissance (Viagra). Le titulaire du brevet a fait référence à quelque trente articles scientifiques afin de démontrer l’existence d’un préjugé de l’homme du métier selon lequel les médicaments destinés à faire baisser la pression sanguine sont plutôt une cause d’impuissance qu’une forme de traitement de ce trouble. Cependant, la Chambre des recours de l’OEB a estimé que le contenu d’une telle sélection de documents de l’état de la technique ne pouvait pas être considéré en soi comme établissant un préjugé contre le traitement par voie orale d’un dysfonctionnement érectile chez l’homme. L’existence d’un tel préjugé ne peut être établie qu’en prouvant qu’il existait parmi les hommes du métier de ce domaine, avant la date de priorité du brevet litigieux, une erreur ou une méprise relativement répandue en rapport avec la solution technique de l’invention, ce qui n’était pas le cas dans la présente espèce. 112 Cela

ne veut pas dire qu’en se fondant sur ces indices les juges du fond peuvent se contenter d’alléguer le défaut d’activité inventive, car même s’ils y ont un pouvoir souverain d’appréciation de cette question, c’est de façon objective que cela doit se faire, les indices ne servant qu’à confirmer l’existence de l’activité inventive. D’ailleurs, en France, la Cour de cassation exerce un contrôle à ce sujet (voir par exemple, Cass. com., 8 juin 1982, Ann. propr. ind. 1982.232 ou Cass. com. 6 mars 1979, Dossiers Brevets 1979.IV.3. 113

Graham c/ John Deere Company, 383 US 1 (1966).

Quelques décisions ayant retenu cet indice : Paris, 19 oct. 1979, D. 1980, I.R., 428, obs. J. M. MOUSSERON et LE STANC ; Paris, 19 déc. 1995, P.I.B.D., 1996, III, 147 ; Paris, 6 mars 1975, J.C.P. 1975, II, 18193, note S. VANDER-HEYM ; Trib. Gde Inst. Lyon, 13 nov. 1997, J.C.P., éd. E, 1999, 415, obs. J.-M. MOUSSERON ; Trib. Gde Inst. Lyon, 15 janvier 1998, J.C.P., éd. E, 1999, 415, obs. J.-M. MOUSSERON. 114

115 Si

le préjugé vaincu n’est pas d’ordre technique, il ne saurait être pris comme un indice d’activité inventive. Voir notamment Trib. Gde Inst. Paris, 3 décembre 1987, PIBD 1988.III.151 dans lequel on a considéré que le préjugé n’était pas d’ordre technique. 116

Paris, 17 oct. 1980, D. 1982, I.R., 229, obs. J.-M. MOUSSERON.

117 Voir

Jurisprudence de la Chambre des recours de l’Office européen des brevets : http://www.epo.org/law-practice/legaltexts/html/caselaw/2010/f/clr_i_d_9_2.htm).

34

- Le caractère inattendu ou imprévisible ou surprenant, pour l’homme du métier, du résultat : L’homme du métier ne pouvait s’attendre à la solution adoptée, dû certainement à son scepticisme. En effet, l’inventeur a recherché la solution dans un domaine technique étranger au domaine habituelle de l’invention, domaine dans lequel l’homme du métier n’aurait, en principe, aucune raison d’y aller pour ses recherches118. - Le fait que le problème posé est nouveau en soi 119 : Avec cet indice, ce que recherche le juge est que le problème à résoudre ne soit pas posé dans l’art antérieur de sorte que l’homme du métier ne soit pas à mesure « avec ses seules connaissances et sans faire alors œuvre inventive d’appliquer pour résoudre ce problème des moyens au demeurant identiques à ceux du brevet et qui jusqu’alors étaient employés à d’autres fins »120. Autrement « si le problème était déjà clairement posé et si la solution était évidente, il n’y a pas activité inventive »121. - Le nombre des essais et les échecs des essais précédents ou la satisfaction d’un besoin longtemps ressenti (la durée plus ou moins longue qui a été nécessaire pour réaliser l’invention)122 : avec cet indice, le juge recherche la satisfaction d’un besoin ressenti de longue date et l’échec des concurrents, c’est-à-dire le fait que le monde professionnel s’efforçait depuis longtemps à trouver une solution au problème que vient résoudre l’invention démontre à suffisance que les différents procédés techniques connus antérieurement ne rendaient pas évidente, pour l’homme du métier, la technique mise au point par le demandeur de brevet. L’échec des concurrents est un véritable un indicateur de brevetabilité car cet échec pour réaliser une invention prouve directement que de nombreuses compagnies ont fait des efforts de recherche parallèles, et que « l’inventeur a gagné la course. Tant que la course a été longue et qu’il y a un gagnant bien identifie, il est difficile d’établir une faute avec une telle preuve de brevetabilité ». - Le succès commercial : une invention qui se traduit par un succès commercial peut être non évidente, parce que son acceptation par le marché tend à en montrer l’importance. On considère que si l’invention était évidente, quelqu’un aurait déjà tenté de la commercialiser pour son propre profit financier. Mais, il est avancé que le succès commercial est « un indicateur de brevetabilité bien pauvre, car son efficacité dépend d’une longue chaine de déductions et les maillons d’une chaine sont parfois douteux ». - L’adhésion commerciale : les tentatives des concurrents pour conclure avec le 118

V. par exemple Paris, 3 janv. 1984, P.I.B.D. 1984, III, 98.

119

V. par exemple Trib. Gde Inst. Paris, 14 nov. 1985, D. 1987, Somm. comm., 117, obs. J.-M. MOUSSERON et J. SCHMIDT.

120

V. par exemple Cour d’Appel Paris, 27 mars 1990, PIBD 1990.III.411.

Chavanne Albert et Burst Jean-Jacques, op. cit., n° 57, p. 58 citant Paris, 17 oct. 1980, PIBD 1981.III.267 et Trib. Gde Inst. Paris, 26 avril 1984, PIBD 1984.III.259. 121

122 V.

par exemple Cour d’Appel Paris, 19 mars 1985, Ann. propr. ind. 1986.64 ; Cour d’Appel Paris, 4 juin 1985, PIBD 1985.III.299 ; Cour d’Appel Paris, 29 mars 1984, PIBD 1984.III.165 ou Ann. propr. ind. 1984.14, note P. Mathély.

35

propriétaire des licences leur permettant d’exploiter l’invention ou de la vendre tendent à prouver la non-évidence, sur laquelle, autrement, les tierces parties se seraient fondées pour revendiquer l’invalidité du brevet. - Le plagiat : le plagiat ou la violation du brevet par autrui vont dans le sens de la non-évidence, car, autrement, le violateur aurait été en mesure de mettre au point l’invention de manière indépendante. Bien d’autres indices encore sont utilisés comme l’avantage marquant apporté par l’invention, l’effet technique ou le résultat surprenant123, l’élimination d’opérations longues et coûteuses, le progrès technique apporté par l’invention124, l’économie de temps et d’argent, le long délai entre la connaissance du problème et celle de sa solution125 ou entre la connaissance du produit et celle de son activité, le fait que l’invention relève ou non de la fonction normale de l’homme du métier (Ainsi, l’invention ne sera pas inventive si elle relève de la fonction normale de l’homme du métier), l’utilisation de techniques radicalement différentes126 ou la rupture avec les méthodes traditionnelles127, etc. Ces différents indices, il faut le souligner, ne constituent pas par eux-mêmes des conditions autonomes de brevetabilité ; ils ne sont que des moyens de preuve de l’existence ou non de l’activité inventive qui, elle, est une des conditions de brevetabilité. Mais ce ne sont que des indices ; le problème de l’absence définition de la non-évidence demeurant, cela a bien évidemment pour conséquence de faire varier les points de vue des examinateurs ou des juges, la question relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond128. Et alors d’une approche objective de la non-évidence ne tomberait-on pas, en réalité, sur une approche subjective de la non-évidence d’autant que les autorités compétentes peuvent, dans leur appréciation, mettre la barre plus ou moins haut. D’ailleurs, certains de ces indices montrent bien que la jurisprudence ne rejette pas l’approche subjective de la non-évidence, car les indices comme le préjugé vaincu font référence à l’effort inventif de l’inventeur. a-4)- Cette invention doit être susceptible d’application industrielle 129 : Cette condition d’application industrielle est entendue comme le moyen de s’assurer du fait que le monopole que confère le brevet ne soit octroyé qu’à des inventions susceptibles d’entraîner la fabrication concrète de quelque chose, de donner un résultat industriel, et soit dès lors refusé à des principes abstraits. La conséquence logique de cet état de 123

V. par exemple Trib. Gde Inst. Paris, 15 nov. 1985, D. 1985, Somm. comm., 127, obs. J. M. MOUSSERON et J. SCHMIDT.

124

V. par exemple Douai, 25 février 1975, PIBD 1976.III.73.

125

V. par exemple Paris, 6 mars 1975, J.C.P. 1975.II.18193, obs. S. VANDER-HEYM.

V. par exemple Trib. Gde Inst. Paris, 6 juillet 1978, PIBD 1978.III.325; Trib. Gde Inst. Paris, 19 oct. 1976, Dossiers Brevets, 1977.III, n° 4. 126

V. par exemple Trib. Gde Inst. Paris, 21 mars 1974, PIBD 1974.III.178 ; V. par exemple Trib. Gde Inst. Lyon, 19 oct. 1975, RTD com. 1976.68, obs. A. CHAVANNE et J. AZEMA. 127

128

Cass. com., 10 juin1986, Dossiers Brevets 1986.III.4.

129

V. art. 5 de l’Annexe I de l’ABR.

36

fait est que l’invention, pour être brevetée, doit ainsi être industrielle, c’est-à-dire doit permettre une utilisation industrielle, doit avoir un caractère directement opérationnel, directement utile à l’industrie. Ainsi, une invention est susceptible d’application industrielle si son objet peut être fabriqué ou utilisé dans tous genres d’industries. L’invention n’est donc brevetable qu’autant qu’elle a un caractère industriel, que si elle se traduit en un résultat tangible pour l’industrie. MATHELY 130 a systématisé ce propos en déclarant, selon une trilogie bien connue aujourd’hui, que « l’invention doit être industrielle dans son objet, dans son application et dans son résultat » : L’invention est industrielle dans son objet si elle se situe dans le domaine de l’industrie, de l’utile, par opposition au domaine de l’esthétique ou de l’art, des créations à caractère exclusivement ornemental 131 . Elle est industrielle dans son application si elle est susceptible d’une réalisation industrielle, si elle peut être fabriquée ou utilisée industriellement132. L’invention est industrielle dans son résultat si elle engendre un effet technique ; autrement dit, les effets produits par les moyens qui constituent l’invention doivent être techniques, effets déterminés dans la fonction qui est assignée à l’invention133. Le principe ainsi posé voudrait qu’une invention ne réponde à la condition d’application industrielle que si elle peut être produite industriellement ou si elle trouve une application technique dans une industrie. A propos des expressions « industriel » ou « industrie », il est admis qu’elles ne doivent pas être prises au sens étroit qui correspond à une production réalisée à l’aide de technique mécanique, mais dans un sens large 134 , celui de l’étymologie industria latine, qui s’entend de « ce qui être fabriqué ou utilisé dans tout genre d’industrie » ou « toute activité humaine pour façonner et utiliser la matière ». Mais alors « qu’est-ce qui, pensé, conçu par les hommes, serait insusceptible d’être ‘‘fabriqué’’ ou (...) ‘‘utilisé’’ par eux ? »135. L’Office européen des brevets répond en affirmant que le terme « industrie » doit se comprendre comme « l’exercice de toute activité physique à caractère technique, c’està-dire une activité qui relève du domaine des arts mécaniques par opposition aux beauxarts »136. P. Mathély, Le nouveau régime des brevets d’invention, Ann. propr. ind. 1969, 9 – V. dans le même sens J. M. MOUSSERON, Traité des brevets, Litec, 1984, nos 110 et s. 130

131 Voir

notamment Cass. com., 22 février 1966, JCP 1967.2.15196 ou Cass. com., 19 oct. 1970, Bull. civ. 1970.4.270 ou Trib. Gde Inst. Paris, 27 mai 1971, Ann. propr. ind.1971.268. 132 Voir

Trib. Gde Inst. Seine, 9 février 1957, Ann. propr. ind. 1963.329, note M. DEHAAS au sujet de la vitamine B12.

Voir A. Chavanne et J.-J. Burst, Droit de la propriété industrielle, op. cit., n° 19, p. 32 citant Trib. Gde Inst. Paris, 25 juin 1973, PIBD 1973.III.381. 133

Voir notamment l’article 5 de l’Accord de Bangui révisé de 1999 qui stipule : « Une invention est considérée comme susceptible d’application industrielle si son objet peut être fabriqué ou utilisé dans tout genre d’industrie. Le terme .industrie. doit être compris dans le sens le plus large ; il couvre notamment l’artisanat, l’agriculture, la pêche et les services.» 134

135

Michel Vivant, Le droit des brevets, Dalloz 1997, p. 34.

136

Directives OEB, C, IV, 4, p. 31 et 43.

37

En réalité, l’expression demeure encore formelle et rhétorique. De la sorte, la jurisprudence considère cette condition remplie dès lors que l’invention peut « faire l’objet d’une exploitation commerciale ou industrielle », « si son objet peut simplement être fabriqué ou utilisé dans tout genre d’industrie »137. L’industrie doit être comprise au sens large ; elle intègre l’artisanat, l’agriculture, la pêche et les services, etc.

Pour finir, il faut dire que les conditions de nouveauté et d’activité inventive (non-évidence) doivent être remplies à une certaine date, en général celle du dépôt de la demande. Il existe une exception à cette règle, le droit de priorité d’un déposant, régie notamment par la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle. Cette exception ne s’applique qu’aux demandes effectuées dans des pays parties à la Convention de Paris. Le droit de priorité signifie que, lorsqu’il a déposé une demande dans un pays partie à la Convention de Paris, le déposant (ou son ayant droit) peut, dans un délai déterminé, demander la protection de la même invention dans tout autre pays partie à cette convention. Ces demandes ultérieures seront considérées comme ayant été déposées à la même date que la première demande. Par exemple, si un inventeur dépose d’abord une demande de protection par brevet au Japon, puis une deuxième demande, pour la même invention, en France, il suffit que les conditions de non-évidence aient été remplies à la date de dépôt de la demande japonaise. En d’autres termes, la demande ultérieure, en France, acquiert une priorité sur d’autres demandes portant sur la même invention déposées par d’autres déposants entre les dates de dépôt des première et deuxième demandes par l’inventeur. Le droit de priorité est subordonné au respect d’un délai n’excédant pas 12 mois entre ces deux dates. • Domaine de l’invention : L’invention doit entrer dans le cadre des objets brevetables tel qu’il est défini par le droit national. Ce cadre varie d’un pays à l’autre. De nombreux pays excluent des objets tels que les théories scientifiques, les méthodes mathématiques, les variétés végétales ou animales, les découvertes de substances naturelles, les méthodes de traitement médical (par opposition aux produits médicaux) et toute invention dont l’exploitation commerciale est exclue par l’ordre public, les bonnes mœurs ou la santé publique. Ainsi, peut-on lire dans l’Accord sur les ADPIC : « Les membres pourront exclure les inventions dont il est nécessaire d’empêcher l’exploitation commerciale sur le territoire pour protéger l’ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux (…) »138. Cette même exclusion est émise par l’Accord de Bangui qui dispose : « L’invention dont l’exploitation est contraire à l’ordre public ou aux 137

Voir notamment Cour d’Appel de Paris, 7 juin 1982, RTD com. 1982.417, obs. A. CHAVANNE et J. AZEMA.

138

Article 27-2 de l’Accord sur les ADPIC.

38

bonnes mœurs, étant entendu que l’exploitation de ladite invention n’est pas considérée comme contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs du seul fait que cette exploitation est interdite par une disposition légale ou réglementaire »139. b)- La condition de forme de brevetabilité : Le droit attaché au brevet n’étant pas un droit qui naît du seul fait de la création, quiconque veut obtenir un brevet d’invention ou bénéficier de la protection établie par les lois sur les brevets d’invention, doit en faire la demande et se voir délivrer un brevet par l’autorité compétente (auprès de l’OAPI au plan communautaire ou de l’OIPI en Côte d’Ivoire). La notion de « demande » est définie ici dans son sens courant. La demande de brevet apparaît, alors, comme un acte juridique unilatéral d’appropriation d’un bien sans maître. Car le déposant « demandant » requiert ou sollicite la délivrance d’un brevet. En effet, « sur un bien libre de toute prérogative absolue, l’acte de volonté que constitue le dépôt établit un droit et l’acquiert à son auteur. La demande peut alors se définir comme l’acte juridique unilatéral par lequel le détenteur d’une innovation de tout droit absolu, érigée en valeur économique par ses caractères d’utilité – caractère industriel – et de rareté – caractère nouveau et inventif – manifeste, dans certaines conditions de forme et de publicité destinés à assurer la sécurité des tiers, la volonté de constituer sur ce bien un droit absolu et de se l’approprier » 140 . A cette fin, le déposant doit décrire l’invention pour permettre l’examen de cette invention. Car une demande d’un brevet n’est autre qu’une description d’une invention, dûment authentifiée par l’autorité publique qui délivre le brevet. En pratique, cette demande de brevet consiste en la constitution d’un dossier conforme à des prescriptions légales à déposer auprès des autorités habilitées à délivrer le brevet dans chaque Etat qui devront analyser les formalités d’acquisition du brevet. C’est dire que s’agissant des formalités d’acquisition du brevet ordinaire, il faut se référer à la législation de l’Etat duquel on veut obtenir un brevet. Ainsi, en ce qui concerne les pays de l’OAPI dont fait partie la Côte-d’Ivoire, aux termes de l’article 14 relatif au « dépôt de la demande » de l’Annexe I de l’Accord de Bangui, « quiconque veut obtenir un brevet d’invention doit déposer ou adresser par pli postal recommandé avec demande d’avis de réception à l’Organisation ou au Ministère chargé de la propriété industrielle141 : - sa demande au Directeur général de l’Organisation, en nombre d’exemplaires suffisants ; 139

Article 6-a de l’Annexe I de l’Accord de Bangui instituant une Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle.

140

J.-M. MOUSSERON, Le droit du breveté d’invention : contribution à une analyse objective, thèse, Montpellier, 1961, n° 76 et suiv.

141

En Côte-d’Ivoire, il s’agit du ministère de l’industrie.

39

- la pièce justificative du versement à l’Organisation de la taxe de dépôt et de la taxe de publication ; - un pouvoir sous seing privé, sans timbre, si le déposant est représenté par un mandataire ; - un pli cacheté renfermant en double exemplaire ; - une description de l’invention faisant l’objet du brevet demandé, effectuée d’une manière claire et complète pour qu’un homme du métier ayant des connaissances et une habilité moyennes puisse l’exécuter ; - les dessins qui seraient nécessaires ou utiles pour l’intelligence de l’invention ; - la ou les revendications définissant l’étendue de la protection recherchée et n’outrepassant pas le contenu de la description visée au sous alinéa i) ci-dessus ; - et un abrégé descriptif résumant ce qui est exposé dans la description, la ou les revendications visées à l’alinéa iii) ci-dessus, ainsi que tout dessin à l’appui dudit abrégé. » Cette disposition communautaire permet de faire le constat que ce qui est imposé dans la quasi-totalité des cas au déposant de la demande de délivrance de brevet, c’est qu’il divulgue l’invention d’une manière suffisamment claire et complète pour qu’une personne du métier puisse l’exécuter, qu’il indique la meilleure manière d’exécuter l’invention connue de lui à la date du dépôt ou, dans les cas où la priorité est revendiquée, à la date de priorité de la demande. C’est d’ailleurs ce qui ressort de l’article 29 de l’Accord sur les ADPIC intitulé « Conditions imposées aux déposants de demandes de brevets ». Car en réalité, le brevet n’est accordé qu’en contrepartie de la révélation complète de l’invention au public. B)- Le modèle ou le certificat d’utilité Bien que n’ayant pas une portée aussi large que les brevets, les modèles d’utilité142 servent aussi à protéger des inventions. En effet, l’expression “modèle d’utilité” n’est qu’un nom donné à un titre de protection pour certaines inventions, par exemple dans le domaine mécanique. Les modèles d’utilité sont généralement demandés pour des inventions techniquement moins complexes ou ayant une durée de vie commerciale courte. Le modèle d’utilité est donc considéré comme un moyen supplémentaire de protection des inventions. Mais à la différence du brevet, le modèle d’utilité protège spécifiquement les inventions se rapportant aux « instruments de travail ou les objets destinés à être utilisés ou les parties de ces instruments ou objets pour autant qu’ils soient utiles au travail ou à l’usage auquel ils sont destinés grâce à une configuration nouvelle, à un arrangement ou à un dispositif nouveau et qu’ils soient susceptibles d’application industrielle »143. Les modèles d’utilité sont prévus par la loi dans plus de 30 pays ainsi que par les accords régionaux de l’Organisation régionale africaine de la propriété intellectuelle (ARIPO) et de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI). De plus, certains pays tels que l’Australie et la Malaisie prévoient des titres de protection appelés brevets d’innovation, similaires à des modèles d’utilité. Dans d’autres pays, comme Hong Kong, l’Irlande et la Slovénie, il existe des brevets de courte durée équivalant aux modèles d’utilité. 142

143

V. art. 1er de l’Annexe II de l’ABR.

40

Exemple : un tire bouchon. A la différence du brevet d’invention qui protège l’invention pour une période de vingt ans, le modèle d’utilité a une durée de protection de dix ans à compter de la date de dépôt de la demande d’enregistrement144. Ainsi, on peut affirmer que le modèle ou le certificat d’utilité est un titre de propriété industrielle qui protège une invention pendant une durée plus brève que le brevet. Les conditions de protection de protection sont généralement moins strictes. D’où le nom de « petits brevets ». La procédure d’obtention de la protection pour un modèle d’utilité est généralement plus rapide et plus simple que pour un brevet. Les conditions de fond et de forme 145 en vertu du droit applicable varient sensiblement entre les pays et les régions concernées, mais les différences entre modèles d’utilité et brevets d’invention sont généralement les suivantes : S’il est vrai que pour être valablement protégé, le modèle d’utilité doit présenter une configuration nouvelle, un arrangement ou un dispositif nouveau et être susceptible d’application industrielle, les conditions à remplir pour l’acquisition d’un modèle d’utilité sont moins strictes que pour les brevets. Si le critère de « nouveauté »146 doit toujours être satisfait, celui de l’« activité inventive » ou de la « non-évidence » peut être beaucoup moins strict voire absent 147 . En pratique, la protection des modèles d’utilité est souvent demandée pour des innovations qui sont plutôt des améliorations et qui ne remplissent peut-être pas les critères de brevetabilité. En plus, la durée de protection maximale prévue par la loi pour un modèle d’utilité est généralement plus courte que celle des brevets d’invention (généralement entre 7 et 10 ans). Enfin, les taxes requises pour l’obtention et le maintien des droits sont généralement plus faibles que pour les brevets. Hormis cela, il faut dire que comme tous les droits de propriété intellectuelle, les droits conférés par le modèle ou certificat d’utilité, découlant du certificat d’enregistrement du modèle est limité148. Pour finir, il convient de relever que la demande de brevet peut être transformée en demande de modèle d’utilité149 et inversement. 144 V.

art. 6 de l’Annexe II de l’ABR.

145 V.

Titre II de l’Annexe II de l’ABR.

146 V.

art. 2 de l’Annexe II de l’ABR.

Dans l’Annexe II de l’ABR, cette condition est même absente car il est exigé en plus de la nouveauté la condition d’application industrielle conformément à l’article 3 de ce texte. 147

148 V.

art. 9 de l’Annexe II de l’ABR.

149 V.

art. 14 de l’Annexe II de l’ABR.

41

C)- Le certificat d’obtention végétale (COV) Après avoir défini l’obtention végétale ou du moins le certificat d’obtention végétale, il sera analysé la question de sa protection. 1°)- Définition du certificat d’obtention végétale

L’obtention végétale est une variété végétale créée par l’homme. Ainsi, aux termes de l’article 1er b) de l’Annexe X de l’Accord de Bangui Révisé, « Aux fins de la présente Annexe, on entend par : (…) b) ‘‘variété végétale’’, l’ensemble végétal d’un taxon botanique du rang le plus bas connu qui, qu’il réponde ou non pleinement aux conditions pour la délivrance d’un certificat d’obtention végétale, peut être : i) défini par l’expression des caractères résultant d’un certain génotype ou d’une certaine combinaison de génotypes ; ii) distingué de tout autre ensemble végétal par l’expression d’au moins un desdits caractères ; et iii) considéré comme une entité eu égard à son aptitude à être reproduit conforme ». Le certificat d’obtention végétale (COV) est ainsi le titre délivré pour protéger une nouvelle variété végétale. Si l’obtention végétale fait l’objet de protection, c’est bien parce que la « matière première » de cette profession étant à la fois autoreproductible et vitale pour l’humanité, il était nécessaire de trouver une formule qui garantisse à la fois la reconnaissance du travail du sélectionneur et la liberté de travail de l’agriculteur. Le certificat d’obtention végétale (COV) a donc été créé pour protéger l’activité de sélectionneur de semences, devenue un métier à part entière au cours du XVIIIème siècle. L’intérêt du COV réside en ce qu’il garantit au sélectionneur la protection de la dénomination de l’invention et le monopole quasi exclusif sur la vente des semences pendant une certaine durée150 : Pour l’agriculteur, le COV laisse le droit de prélever une partie de sa récolte pour la ressemer, en payant un montant réduit ; c’est ce qu’on appelle le privilège de l’agriculteur. De plus, la mise au point d’une nouvelle variété à partir d’une variété protégée par un COV est permise et cette nouvelle variété peut être mise sur le marché sans que son inventeur ne doive rien au détenteur du COV. Il faut cependant que la nouvelle

Cette durée est généralement de 20 à 30 ans. Dans l’espace OAPI, cette durée est de 25 ans conformément à l’article 33 de l’Annexe X de l’ABR. 150

42

variété puisse se perpétuer indépendamment de la première variété. C’est l’exemption en faveur de l’obtenteur. Il faut encore mentionner l’exemption de la recherche qui permet aux chercheurs d’utiliser gratuitement la variété protégée dans leurs travaux. Ces caractéristiques distinguent le COV du brevet car, tout en reconnaissant la performance intellectuelle de l’inventeur et en garantissant à celui-ci un retour sur investissements, il met le savoir à disposition de tous. 2°)- La protection des obtentions végétales

Le système de protection des obtentions végétales s’applique à l’ensemble du règne végétal. Les variétés sauvages sont exclues. Mais, si l’homme apporte une amélioration à cette variété sauvage, l’obtention peut être protégée. C’est l’Union Internationale pour la Protection des Obtentions Végétales (UPOV)151 qui organise la protection internationale des obtentions végétales. Les pays utilisant les COV sont donc regroupés au sein de cette Union. La protection est subordonnée152 à la nouveauté, à la distinctivité, à l’homogénéité, à la stabilité et à une dénomination. En d’autres termes, pour être protégée, l’obtention végétale doit être : nouvelle, distincte, homogène, stable et faire l’objet d’une dénomination153. Selon la formule législative, une variété est nouvelle « si, à la date de dépôt de la demande ou, le cas échéant, à la date de priorité, du matériel de reproduction ou de multiplication ou un produit de récolte de la variété n’a pas été vendu ou remis à des tiers d’une autre manière, par l’obtenteur ou son ayant droit ou ayant cause, ou avec, le consentement de l’obtenteur ou de son ayant droit ou ayant cause, aux fins de l’exploitation de la variété : a) sur les territoires des Etats membres de l’Organisation, depuis plus d’un an ; et b) sur les territoires des Etats non membres, depuis plus de : i) six ans, dans le cas des arbres et de la vigne ; ou, ii) quatre ans dans le cas des autres espèces »154. 151http://www.wipo.int/treaties/fr/upov/index.html 152 Voir 153

et http://www.wipo.int/treaties/fr/documents/word/x-upovf.doc

article 4 de l’Annexe X de l’Accord de Bangui Révisé.

V. art. 5 et s. de l’Annexe X de l’ABR.

154 V.

art. 5 de l’Annexe X de l’ABR. Les alinéas 2 et 3 de ce texte ajoutent : « 2) La nouveauté ne se perd pas par une vente ou une remise à des tiers : a) qui est le résultat d’un abus commis au détriment de l’obtenteur ou de son ayant droit ou ayant cause ; b) qui s’inscrit dans le cadre d’un accord de transfert du droit sur la variété ; c) qui s’inscrit dans le cadre d’un accord en vertu duquel un tiers a augmenté, pour le compte de l’obtenteur ou de son ayant droit ou ayant cause, les stocks de matériel de reproduction ou de multiplication de la variété en cause, à condition que les stocks multipliés soient retournés sous le contrôle de l’obtenteur ou de son ayant droit ou ayant cause, et à condition que lesdits stocks ne soient pas utilisés pour produire une autre variété ; d) qui s’inscrit dans le cadre d’un accord en vertu duquel un tiers a effectué des essais en plein champ ou en laboratoire ou des essais de transformation sur une petite échelle pour évaluer la variété ; e) qui s’inscrit dans le cadre de l’accomplissement d’une obligation juridique ou réglementaire notamment en ce qui concerne la sécurité biologique ou l’inscription des variétés à un catalogue officiel des variétés admises à la commercialisation ; ou, f) qui a pour objet un produit de récolte constituant un produit secondaire ou excédentaire obtenu dans le cadre de la création de la variété ou des activités mentionnées aux points c) à e) du présent alinéa, à condition que ce produit soit vendu ou remis de manière anonyme (sans identification de la variété) à des fins de consommation. 3) Lorsque la production d’une variété exige l’emploi répété d’une ou de plusieurs autres variétés, la vente ou la remise à des tiers de matériel de

43

Une variété est distincte « si elle se distingue nettement de toute autre variété dont l’existence, à la date de dépôt de la demande ou, le cas échéant, à la date de priorité, est notoirement connue »155. Elle homogène « si elle est suffisamment uniforme dans ses caractères pertinents, sous réserve de la variation prévisible compte tenu des particularités de sa reproduction sexuée ou de sa multiplication végétale »156. Elle est stable « si ses caractères pertinents restent inchangés à la suite de ses reproductions ou de multiplications successives, ou, en cas de cycle particulier de reproductions ou de multiplications, à la fin de chaque cycle »157. La dénomination est destinée à être « la désignation générique de la variété »158. Peuvent constituer des dénominations « tous mots, combinaisons de mots et de chiffres et combinaisons de lettres et de chiffres, ayant ou non un sens préexistant, à condition que de tels signes soient propres à identifier la variété ». Autant dire qu’en matière de certification d’obtention végétale, il existe deux types de publication : - la publication du certificat d’obtention végétale. - la publication de la demande de la dénomination végétale159 ; Cette publication permet aux tiers de faire opposition, le cas échéant, dans un délai de six mois à compter de la publication. Conformément l’article 9 de l’Annexe X de l’Accord de Bangui Révisé, le droit au certificat d’obtention végétale appartient à l’obtenteur. L’obtenteur est mentionné comme tel dans le certificat d’obtention végétale. Et si plusieurs personnes ont obtenu une variété en commun, le droit au certificat d’obtention végétale leur appartient en commun. Le déposant est considéré, jusqu’à preuve du contraire, comme titulaire du droit au certificat d’obtention végétale. De la sorte, lorsqu’une personne n’ayant pas droit au certificat d’obtention végétale a déposé une demande, l’ayant droit peut intenter une action en cession de la demande ou, s’il est déjà délivré, du certificat d’obtention végétale. Cette action en cession se prescrit cinq ans à compter de la date reproduction ou de multiplication ou du produit de récolte de cette variété sont des faits pertinents pour la nouveauté de l’autre ou des autres variétés ». 155

V. art. 6 de l’Annexe X de l’ABR.

156 V.

art. 7 de l’Annexe X de l’ABR.

157 V.

art. 8 de l’Annexe X de l’ABR.

158 V.

art. 23 de l’Annexe X de l’ABR.

159

V. art. 23 de l’Annexe X de l’ABR.

44

de la publication de la délivrance du certificat d’obtention végétale. Cependant, l’action dirigée contre un défendeur de mauvaise foi n’est liée à aucun délai. En outre, le droit au certificat d’obtention végétale peut être cédé ou transmis par voie successorale. L’obtention végétale a une durée de protection de vingt cinq ans à compter de la date de délivrance du certificat d’obtention végétale. La protection des obtentions végétales soulève certains problèmes dans l’espace OAPI : Il s’agit essentiellement du privilège de l’agriculteur 160 prévu par l’Accord de Bangui Révisé mais insuffisamment encadré pour un meilleur équilibre des intérêts en présence à savoir celui des obtenteurs et celui des agriculteurs.

Paragraphe II : Les créations à caractère ornemental : les dessins ou modèles industriels Les créations à caractère ornemental diffèrent des créations à caractère technique en ce que leur objet et leur finalité sont esthétiques. Ici, c’est l’aspect extérieur d’un produit qui est pris en compte et non ses fonctionnalités. A)- Définition et fonction du dessin ou modèle industriel Le dessin ou modèle industriel161 est constitué par l’aspect ornemental ou esthétique d’un objet utile. Il peut consister en éléments tridimensionnels (exemple : la forme ou la texture de l’objet) ou bidimensionnels (exemple : les motifs, les lignes ou la couleur)162. Les dessins ou modèles industriels s’appliquent aux produits les plus divers de l’industrie et de l’artisanat : instruments techniques et médicaux, montres, bijoux et autres articles de luxe, meubles, objets ménagers, appareils électriques, véhicules, structures architecturales, motifs textiles, articles de loisir, etc. C’est donc l’aspect ornemental d’un produit ou d’un objet pouvant résider dans la forme, les traits, ou les couleurs, la texture, composition, les motifs, lignes ou encore une combinaison. Dans la plupart des cas, ils renvoient à l’aspect visuel, c’est-à-dire V. art 30 d) de l’Annexe X de l’ABR qui dispose : « Les droits conférés par le certificat d’obtention végétale ne s’étendent pas :… à l’utilisation par un agriculteur sur sa propre exploitation, à des fins de reproduction ou de multiplication, du produit de la récolte qu’il a obtenu par la mise en culture, sur sa propre exploitation, d’une variété protégée ou d’une variété visée à l’article 29.4) a) ou b) ; cette exception ne s’applique pas aux plantes fruitières, forestières et ornementales ». 160

Sur le régime juridique des dessins et modèles dans l’espace OAPI, lire Stéphanie Ngo Mbem, Les enjeux de la protection des dessins et modèles industriels dans le développement en Afrique : le cas des pays membres de l’Organisation Africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), thèse doctorat en droit, Université de Strasbourg III- Robert Schuman, 2007. 161

162

Pour plus de précision sur la définition du dessin et modèle se rapporter à l’annexe IV de l’ABR.

45

aux caractéristiques de forme, de configuration, de composition ou d’ornement ou à une combinaison de ces caractéristiques, d’un produit, par opposition aux caractéristiques qui peuvent être protégées par d’autres types de droits de la propriété intellectuelle tels que les brevets les modèles d’utilité. Le dessin ou modèle doit être attrayant et remplir sa fonction prévue de façon efficace. De plus, il doit pouvoir être reproduit par des moyens industriels, c’est l’objectif essentiel du dessin ou modèle et c’est la raison pour laquelle il est dit industriel. Sur le plan juridique, un dessin ou modèle industriel vise le droit conféré dans de nombreux pays, conformément à un système d'enregistrement, pour protéger les caractéristiques originales, ornementales et non fonctionnelles d'un produit résultant d'une activité de conception industrielle. L’attrait visuel est l’un des facteurs principaux qui influencent les consommateurs dans leur préférence pour un produit plutôt qu’un autre. Lorsque les performances techniques d’un produit proposé par plusieurs fabricants sont relativement équivalentes, les consommateurs fonderont leur choix sur le prix et l’aspect esthétique. Ainsi, en faisant enregistrer leurs dessins et modèles industriels, les fabricants protègent l’un des éléments distinctifs qui déterminent le succès commercial. En récompensant les créateurs pour leurs efforts en matière de production de nouveaux dessins et modèles industriels, cette protection juridique joue aussi un rôle d’incitation concernant l’investissement de ressources dans les activités de conception industrielle. L’un des principaux objectifs de la protection des dessins et modèles industriels est d’encourager l’aspect esthétique de la production. C’est la raison pour laquelle les lois sur les dessins et modèles industriels ne protègent généralement que ceux qui peuvent être utilisés dans l’industrie ou fabriqués à grande échelle. Cette condition d’utilité représente une différence notable entre la protection des dessins et modèles industriels et le droit d’auteur puisque les premiers ne s’appliquent qu’aux créations esthétiques. B)- Protection du dessin ou modèle industriel La protection du dessin ou modèle industriel est subordonné au critère de nouveauté ou d’originalité163 et d’aspect visuel (ou caractéristiques perceptibles de l’apparence). Il ne peut pas être considéré comme tel s’il ne diffère pas de façon significative de dessins ou modèles connus ou de combinaison de dessins ou modèles connus. En d’autres termes, pour pouvoir être enregistré, un dessin ou modèle doit répondre à deux conditions de fond : être nouveau et posséder un caractère propre : La nouveauté : Un dessin ou un modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun 163

Complété ou remplacé dans certaines législations par le critère de « caractère individuel » comme en France.

46

dessin ou modèle identique n’a été divulgué. Un dessin ou modèle est divulgué lorsqu’il a été rendu accessible au public par une publication, un usage ou tout autre moyen. Il est nécessaire de souligner que, comme en matière de brevet, cette divulgation peut être le fait même du créateur du dessin ou modèle ; ainsi, le créateur d’un dessin ou modèle peut en détruire la nouveauté en le divulguant, à moins, qu’il ne soit procédé aux formalités de dépôt dans l’année qui suit la divulgation. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants. Ainsi, les juges ont refusé d’accorder la protection pour défaut de nouveauté à un emblème appartenant au fonds commun de la franc-maçonnerie. De même, a été annulé un modèle dont les caractéristiques ont été divulguées par des brevets antérieurs, qui ne répond qu’à des modalités d’ordre fonctionnel et qui est dépourvu de caractère esthétique ou de fantaisie. Enfin, la création peut ne pas être entièrement nouvelle mais consister en une combinaison nouvelle de moyens connus. Le caractère propre : Un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscite chez l’observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée. La notion d’ « observateur averti » n’est pas définie par le Code. Toutefois, cet observateur est plus connaisseur qu’un simple consommateur, mais sans atteindre le niveau de l’homme de l’art. Il peut ainsi être décrit comme un utilisateur doté non d’une attention moyenne mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du domaine considéré. La notion de « caractère propre » n’est pas plus définie. Ce critère est toutefois à distinguer de celui d’originalité. Le caractère propre est apprécié non pas intrinsèquement mais par comparaison entre le dessin ou modèle et ceux déjà connus dans l’art antérieur. La question du caractère propre d’un rasoir a été posée aux juges. Ces derniers ont relevé que la combinaison du modèle en cause confère à l’ensemble un caractère propre dès lors que s’en dégage une impression globale qui lui permet de se démarquer d’autres rasoirs du même type. Cette notion est bien entendu très subjective et laisse une grande part d’appréciation aux juges. Il est notamment tenu compte, lors de cette appréciation, du degré de liberté dont dispose le créateur dans la réalisation de son dessin ou modèle. Ainsi, un modèle

47

de pull comportera nécessairement deux manches ; l’appréciation du caractère propre portera alors sur les autres éléments qui le distinguent des modèles de pulls déjà créés. En outre, dans la plupart des lois existant dans ce domaine, les dessins et modèles qui sont régis uniquement par la fonction de l’objet concerné sont exclus de la protection : Si le dessin ou modèle d’un objet produit par de nombreux fabricants, tel qu’une vis, est essentiellement régi par la fonction qu’il est censé remplir, alors la protection de ce dessin ou modèle aurait pour effet d’empêcher tous les autres fabricants de produire des objets destinés à remplir la même fonction. Cette exclusion n’est pas justifiée si le dessin ou modèle n’est pas suffisamment nouveau ou inventif pour bénéficier d’une protection par brevet. En d’autres termes, la protection juridique offerte par les dessins et modèles industriels ne concerne que le dessin ou modèle qui s’applique à des objets ou à des produits ou qui est incorporé dans un objet ou un produit. Cette protection n’empêche pas d’autres fabricants de produire ou de vendre des objets ou des produits similaires, tant que ces derniers n’incorporent ni ne reproduisent le dessin ou modèle protégé. En sus, le droit des dessins ou modèles ne protège pas les aspects techniques du produit auquel il s’applique, lesquels sont susceptibles d’être protégés au titre du brevet d’invention ou du modèle d’utilité164. La durée d’un droit sur un dessin ou modèle industriel varie d’un pays à l’autre. Cette durée souvent divisée en périodes au terme desquelles le propriétaire doit faire renouveler l’enregistrement pour obtenir la prolongation de la protection. Cette durée de protection relativement courte peut être liée à l’association des dessins ou modèles avec des styles de modes plus généraux, qui tendent à bénéficier d’une reconnaissance ou d’un succès plus ou moins provisoire, en particulier dans les secteurs très sensibles à la mode, tels que l’habillement ou les chaussures. Dans l’espace OAPI, le dessin ou modèle industriel est protégé pour une durée de cinq ans renouvelable deux fois. C)- Le cumul de protection du dessin ou modèle industriel Les dessins ou modèles industriels ont une nature hybride en ce qu’ils touchent à la fois à l’art et à l’industrie. Ce dualisme a un impact sur le régime juridique de cette catégorie de biens intellectuels qui n’appartient pas à un terrain juridique précis. Son régime est en effet à cheval entre le droit d’auteur et le droit de la propriété industrielle.

164

V. art. 12 de l’Annexe II de l’ABR.

48

Les créations de forme ou l’aspect extérieur donné à un produit, industriel ou artisanal, peuvent donc être protégés à un double titre165 :  

par le droit d’auteur ; par le droit des dessins et modèles.

En effet, tout objet industriel caractérisé par une esthétique particulière est considéré comme une création artistique et bénéficie à ce titre de la protection par le droit d’auteur (sous réserve d’originalité) en plus de la protection par le droit des dessins et modèles. A cet effet, les dessins ou modèles peuvent être protégés par le droit d’auteur (« en raison du principe de l’unité de l’art qui veut qu’aucune distinction ne soit possible entre l’art pur et l’art appliqué à l’industrie » 166 , c’est-à-dire des objets qui ont une double dimension, à la fois esthétique et utilitaire) ou par la législation sur la concurrence déloyale prévue pour les dessins ou modèles d’utilité. Deux situations doivent donc être envisagées : - si le créateur d’un dessin ou d’un modèle dépose sa création à l’OAPI, cette formalité lui permet de bénéficier de la protection spécifique du droit des dessins ou modèles industriels issue de l’Annexe IV de l’Accord de Bangui révisé. En sus, il a la latitude d’agir cumulativement ou alternativement sur le fondement du droit d’auteur ; - si le créateur d’un dessin ou modèle n’a procédé à aucun dépôt, il agira seulement sur le terrain du droit d’auteur. Paragraphe III : Les signes distinctifs Les signes distinctifs sont des « moyens phonétiques ou visuels qui permettent à la clientèle de reconnaître les produits, les services ou les établissements qu’elle recherche et de les distinguer des produits, des services ou des établissements similaires »167. Il s’agit notamment des marques de produits ou de services, des noms commerciaux et des indications géographiques. A)- La marque de produits ou de services Après avoir défini la marque et exposé ses fonctions, l’étude de sa protection précédera celle des différents types de marque.

Ce cumul de protection, que l’on désigne également par l’expression « unité de l’art », n’est pas appliqué dans tous les pays. Ainsi, les Etats-Unis refusent ce cumul de protections. L’Allemagne, elle, exige un degré artistique très élevé pour pouvoir bénéficier de la double protection. 165

166

Xavier Linant de Bellefonds, Droits d’auteur et droits voisins, Paris, Dalloz, 2002, p 13.

167 A.

Chavanne et J.-J. Burst, Droit de la propriété industrielle, Précis Dalloz, 5ème éd., n° 855.

49

1°)- Définition de la marque de produits ou de services

La marque est un signe visible, ou une combinaison de signes visibles, utilisé(s) par une personne physique ou morale pour distinguer ses produits ou services de ceux de ses concurrents, permettant de distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’une autre entreprise. La marque est donc un signe distinctif qui indique que des produits ou services sont produits ou fournis par une certaine personne ou une certaine entreprise. En clair, une marque est un signe apposé sur des produits ou utilisé dans le cadre de la commercialisation de ceux-ci. La marque peut apparaître non seulement sur les produits eux-mêmes mais aussi sur le contenant ou sur le papier d’emballage dans lequel ces derniers sont vendus. Lorsqu’il est utilisé dans le cadre de la commercialisation des produits, le signe peut apparaître dans des publicités, par exemple dans des journaux ou à la télévision, ou dans la vitrine des boutiques où les produits sont vendus. Un nombre croissant de pays prévoient aussi l’enregistrement de formes moins traditionnelles, telles que des signes tridimensionnels (comme la bouteille de CocaCola ou la barre chocolatée Toblerone), des signes audibles (des sons, comme le rugissement du lion qui précède les films produits par la MGM 168 ) ou des signes olfactifs (des odeurs, telles que les parfums). Mais bon nombre de pays ont fixé des limites quant à ce qui peut être enregistré en tant que marque, n’autorisant en général que les signes qui sont perceptibles visuellement ou qui peuvent être représentés graphiquement. Au sein de l’OAPI, l’Accord de Bangui169 énumère de manière significative les signes qui sont susceptibles de constituer une marque, bien que la marque ait un caractère facultatif 170 . Il s’agit notamment des noms patronymiques, des dénominations particulières, arbitraires ou de fantaisie, de la forme caractéristique du produit ou de son conditionnement, des étiquettes, enveloppes, emblèmes, empreintes, timbres, cachets, vignettes, liserés, combinaisons ou dispositions de couleurs, dessins, reliefs, lettres, chiffres, devises, pseudonymes. 2°)- Fonctions de la marque :

Une marque remplit plusieurs fonctions qui ont un lien avec le fait de distinguer des produits ou des services, l’origine commerciale de ceux-ci, leur qualité et leur promotion sur le marché.

Metro-Goldwyn-Mayer Inc. (ou MGM) est l’une des plus grandes sociétés de production et de distribution pour le cinéma et la télévision. Son siège social se situe à Los Angeles (aux États-Unis). Ses principales filiales sont MGM Pictures et United Artists. 168

169

V. art. 2 de l’Annexe III de l’ABR.

170 V.

art. 1er de l’Annexe III de l’ABR.

50

a)- Fonction de distinction de la marque : La marque permet de distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. Ce système aide les consommateurs à reconnaître et à acheter un produit ou un service donné parce que la nature et la qualité de celui-ci, indiquées par sa marque unique, répond à leurs besoins. La marque aide ainsi le consommateur à choisir les produits ou les services qu’il va acquérir. Elle aide le consommateur à identifier un produit ou service qu’il connaît déjà ou pour lequel de la publicité a été faite. Le caractère distinctif de la marque doit être évalué compte tenu des produits ou des services auxquels celle-ci s’applique. Par exemple, le terme “apple” (pomme) ou l’image d’une pomme ne permet pas de distinguer des pommes les unes des autres mais de distinguer des ordinateurs. La marque ne permet pas uniquement de distinguer des produits ou des services en tant que tels. Elle permet également de les distinguer compte tenu de leur lien avec l’entreprise d’où ils proviennent, de renvoyer à l’entreprise précise, pas nécessairement connue du consommateur, qui a mis ces produits ou ces services sur le marché. Ainsi, la marque permet de distinguer les produits ou les services d’une source de produits ou de services identiques ou similaires émanant d’autres sources. Cette fonction est importante lorsqu’il s’agit de définir la portée de la protection de la marque.

b)- Fonction de garantie de la marque : La fonction de garantie de la marque vise à faire référence à une qualité précise propre au produit ou au service pour lequel elle est utilisée afin que les consommateurs soient assurés de l’uniformité de la qualité des produits offerts sous cette marque. Une marque n’est pas toujours utilisée par une seule entreprise puisque son propriétaire peut concéder des licences d’utilisation de la marque à d’autres entreprises. Il est par conséquent essentiel que les preneurs de licences respectent les normes de qualité imposées par le propriétaire de la marque. En outre, les entreprises commerciales utilisent souvent des marques pour des produits qu’elles obtiennent de différentes sources. Dans ce cas, le propriétaire de la marque n’est pas responsable de la production des produits mais plutôt – et cela peut être tout aussi important - de la sélection des produits satisfaisant aux normes et exigences de qualité. Cette argumentation est étayée par le fait que, même lorsque le propriétaire de la marque est le fabricant d’un produit particulier, il peut souvent utiliser des éléments qu’il n’a pas fabriqués mais qu’il a sélectionnés. c)- Fonction d’attraction ou de promotion de la commercialisation de la marque :

51

La marque ne sert pas uniquement à distinguer des produits ou des services ou à renvoyer à une entreprise précise ou encore à une qualité précise mais aussi à encourager les ventes. La marque a donc également une fonction de promouvoir de la commercialisation et la vente des produits, ainsi que de la commercialisation et la prestation de services. Toute marque appelée à remplir cette fonction doit être minutieusement choisie. Elle doit attirer le consommateur, susciter son intérêt et lui inspirer un sentiment de confiance. C’est la raison pour laquelle cette fonction s’appelle parfois la fonction d’attraction. 3°)- Protection de la marque de produits ou de services :

L’enregistrabilité de la marque est subordonnée à la perceptibilité visuelle des signes, et pour les signes qui ne sont pas en soi distinctifs, au caractère distinctif acquis par l’usage171. C’est dire que pour être protégée, la marque doit remplir les conditions suivantes 172 : - elle doit être distinctive en ce sens qu’elle ne doit pas décrire ou être la désignation nécessaire du produit couvert. C’est ainsi que la marque APPLE pour désigner des pommes ou des produits à base de pomme ne peut pas être enregistrée puisque ce terme est la traduction anglaise du mot français POMME ; - elle doit être disponible en ce sens qu’elle ne doit pas avoir fait l’objet d’une appropriation antérieure. De manière plus prosaïque, elle ne doit pas déjà avoir fait l’objet d’un enregistrement au profit d’une autre personne, dans la même classe de produits ou de services ou pour les produits ou services similaires, c’est‐à‐dire dans le respect du principe de la spécialité ; - elle ne doit pas être contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. C’est ainsi que pendant longtemps, l’enregistrement de la marque OPIUM a été refusé dans les offices de propriété industrielle, notamment à l’Institut National Propriété Intellectuelle en France ; - elle ne doit pas être de nature à tromper le public sur son origine géographique, la nature ou les caractéristiques du produit ou du service. C’est ainsi qu’une marque qui vante les produits à base de plantes médicinales alors que ce ne sont que des dérivés de plantes médicinales n’est pas valable ; - elle ne doit pas reproduire les armoiries ou les poinçons officiels. C’est le cas d’une marque qui reproduit les couleurs du drapeau d’un pays173 ou le signe de la CROIX ROUGE et du CROISSANT ROUGE à savoir une croix.

171

Voir Paragraphe 1 de l’article 15 des Accords sur les ADPIC.

172 V. 173

art. 3 de l’Annexe III de l’ABR. Lire décision du Directeur général de l’INPI du 30 janv. 1987, PIBD. 1987. III.122.

52

Par ailleurs, la marque pour être protégée doit faire l’objet d’une demande d’enregistrement, notamment auprès de l’OAPI174. En effet, aux termes de l’article 5 de l’Annexe III de l’ABR, la propriété de la marque appartient à celui qui, le premier, en a effectué le dépôt et Nul ne peut revendiquer la propriété exclusive d’une marque s’il n’en a effectué le dépôt dans les conditions prescrites par l’article 8 de l’Annexe III de l’ABR. Selon l’article 18 des Accords sur les ADPIC, l’enregistrement initial confère une protection minimale de sept ans (7 ans), de même que les renouvellements. L’enregistrement en sus est renouvelable indéfiniment moyennant paiement des taxes correspondantes. La protection des marques est assurée par les tribunaux qui, dans la plupart des systèmes, ont compétence pour faire cesser toute atteinte. 4°)- Les différents types de marque :

À côté des marques permettant d’identifier la source commerciale des produits ou des services (marques individuelles), il existe d’autres catégories de marques comme les marques collectives, les marques de certification (Les marques de certification, telles que Woolmark175, servent à respecter des normes définies mais ne supposent pas une adhésion à un groupe), marque de services (Une marque utilisée en rapport avec des services s’appelle une marque de services. Les marques de services sont utilisées, par exemple, par des hôtels, des restaurants, des compagnies aériennes, des agences de tourisme, des agences de location de voitures, des blanchisseries et des teintureries. Tout ce qui a été dit à propos des marques s’applique aussi aux marques de services). a)- La marque individuelle et la marque collective On distingue traditionnellement la marque individuelle de la marque collective. La marque individuelle permet de différencier les produits ou services proposés par une entreprise de ceux des autres entreprises ou des concurrents. A titre d’exemple on peut citer les marques ORANGE, MTN pour les services de téléphonie mobile ; MALTA GUINNESS, MALTA QUENCH, CASTEL, 33 EXPORT, MÜTZIG ou ISENBECK pour les produits brassicoles ; DUNHILL, MARLBORO pour les cigarettes ; LA VACHE QUI RIT pour les fromages, etc.

174 V.

art. 8 et suiv. de l’Annexe III de l’ABR.

175 La

Woolmark est le sigle de la laine vierge. Elle est aujourd’hui "portée" par la Woolmark Company, société à but non lucratif, d’expertise et de recherche technologique. Le certificat Woolmark est employé pour identifier les marchandises qui contiennent de la laine vierge provenant de la tonte d’animaux sains et vivants, par opposition à la laine récupérée sur les toisons d’animaux abattus et à la laine recyclée. L’étiquette Woolmark garantit un produit en pure laine vierge (100 % de la composition). Pour répondre aux tendances de diversification des matières utilisées dans le prêt à porter et tirer parti des avantages procurés par les certains mélanges de fibres, le logo a été décliné pour identifier des articles contenant une part variable de laine vierge : Mélanges majoritaires (de 50 à 99 % de la composition) : WOOLMARK BLEND ; Mélanges minoritaires (entre 30 et 49 %) : WOOL BLEND. Les désignations 100 % laine, pure laine ou laine, qui peuvent correspondre à une laine de moindre qualité ou à de la laine recyclée, n’ont pas droit à ce certificat. Le logo Woolmark est propriété de la marque déposée.

53

Bien que la définition puisse varier d’un pays à un autre, les marques collectives sont généralement définies comme des marques qui caractérisent l‘origine géographique, le matériau utilisé, le mode fabrication, la qualité ou d’autres caractéristiques communes aux problèmes ou services de différentes entreprises, institutions publiques, associations qui l’utilisent. La marque collective est donc celle dont les conditions d’utilisation sont fixées par un règlement approuvé par l’autorité compétente. Son régime juridique est sensiblement différent de celui de la marque individuelle. Les marques collectives appartiennent à une association, par exemple une association représentant des comptables ou des ingénieurs, dont les membres utilisent la marque pour mettre en évidence un certain niveau de qualité ou le respect d’autres exigences fixées par l’association. L’Accord de Bangui énumère les personnes habilitées à bénéficier de la marque collective. Il s’agit des groupements de droit public, des syndicats ou groupements de producteurs, d’industriels, d’artisans ou de commerçants176. b)- Le régime spécial de la marque notoire ou renommée Lorsqu’une marque, qu’elle soit individuelle ou collective, acquiert une certaine renommée, elle devient notoire177 et bénéficie d’un régime spécial de protection contre les signes considérés comme reproduction, imitation, traduction de la marque à condition qu’ils soient susceptibles de créer la confusion dans l’esprit du secteur concerné du public. La marque peut revêtir un caractère notoire dès lors qu’elle est connue d’une large fraction du public. Il ne suffit donc pas que la marque soit connue d’un public spécialisé, par exemple dans un cercle professionnel. Le plus souvent il sera exigé que la marque soit connue d’une grande partie du public, c’est‐à‐dire l’ensemble de la population. Selon la lettre de l’article 6 bis de la Convention d’Union de Paris et de l’article 16 alinéas 2 et 3 de l’Accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, la notoriété doit être constatée dans le pays où la protection est demandée. Sans doute, n’est-il pas nécessaire que la marque soit utilisée dans ce pays, mais il est nécessaire qu’elle y soit connue. Contrairement aux marques ordinaires, la marque notoire n’a pas besoin de faire l’objet d’un dépôt pour bénéficier d’une protection légale. L’appréciation de la notoriété relève du pouvoir souverain du juge.

176

V. art. 2 (2) et 32 et suiv. de l’Annexe III de l’ABR.

177 V.

art. 6 de l’Annexe III de l’ABR.

54

B)- Le nom commercial (et les dénominations) Le nom commercial est la dénomination ou l’appellation sous laquelle une personne physique ou morale désigne l’entreprise ou le fonds de commerce qu’elle exploite pour l’identifier dans ses rapports avec la clientèle, un nom ou une dénomination permettant d’identifier une entreprise. C’est la dénomination sous laquelle est connu et exploité un établissement commercial, industriel, artisanal ou agricole. Il peut consister en un nom patronymique178 tel que « Chez Hassan », « Ford », ou un nom de fantaisie telle que « Louloulou », « Patati Patata », « Chic madame » par exemple. Le choix de la dénomination ne doit pas créer une confusion dans l’esprit des clients (risque de confusion) car comme le stipule l’article 2 de l’Annexe V de l’Accord de Bangui Révisé : « Ne peut constituer un nom commercial, le nom ou la désignation qui, par sa nature ou l’usage qui peut en être fait, est contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public et qui, notamment, pourrait tromper les milieux commerciaux ou le public sur la nature de l’établissement commercial, industriel, artisanal ou agricole désigné par ce nom. » Dans la plupart des pays, les noms commerciaux peuvent être enregistrés par l’administration compétente. Toutefois, selon l’article 8 de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, le nom commercial est protégé sans obligation de dépôt ou d’enregistrement, qu’il fasse ou non partie d’une marque de fabrique ou de commerce. En ce qui concerne le régime OAPI du nom commercial, il faut dire qu’il a une nature hybride puisque ce droit naît tantôt de l’usage, tantôt de l’enregistrement179. Le régime du nom commercial enregistré emprunte beaucoup au régime de la marque tant en ce qui concerne les formalités que pour ce qui est de ses effets. D’une manière générale, la protection signifie que le nom commercial d’une entreprise ne peut pas être utilisé par une autre entreprise en tant que nom commercial ou marque de commerce ou marque de services, et qu’un nom ou une dénomination analogue au nom commercial, s’il ou si elle est susceptible d’induire le public en erreur, ne peut pas être utilisé(e) par une autre entreprise. L’atteinte portée au nom commercial est sanctionnée par l’action en concurrence déloyale. L’action en contrefaçon est donc exclue pour cette catégorie d’objet de propriété industrielle. Le nom commercial a une durée de protection de dix ans à compter du dépôt. Toutefois, ce délai peut être prorogé tous les dix ans sans limitation180. 178 V.

art. 1er de l’Annexe V de l’ABR.

179 V.

art. 3 de l’Annexe V de l’ABR. S’agissant de l’usage, ce texte stipule : « L’usage d’un nom commercial ne peut être prouvé que par des écrits, imprimés ou documents contemporains des faits d’usage qu’ils tendent à établir ». 180

V. art. 11 de l’Annexe V de l’ABR.

55

Pour finir, il faut souligner que prolongement du nom commercial, l’enseigne est un signe apposé sur un établissement commercial et servant à le distinguer des autres établissements et à rallier la clientèle. Dénomination de fantaisie, ou emblème, pouvant se confondre avec le nom commercial, elle est nécessairement distincte de la marque. C)- L’indication géographique La protection internationale des indications géographiques est organisée notamment par la Convention de Paris sur la protection de la Propriété industrielle du 20 mars 1883 181 , l’Arrangement de Madrid concernant la répression des indications de provenance fausses ou fallacieuses de produits du 14 avril 1891 182, l’Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d’origine et leur enregistrement international du 31 octobre1985183 et les Accords sur les ADPIC184 et l’accord de Bangui révisé185. L’indication géographique est une mention précisant qu’un produit donné provient d’une aire géographique déterminée, dans le cas où une qualité, réputation ou une autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique 186 . C’est un signe apposé sur des produits ayant une origine géographique particulière, qui possèdent des qualités ou une renommée dues à ce lieu d’origine. En réalité, l’indication géographique est un signe distinctif qui permet d’attester que les produits extraits ou fabriqués dans une aire géographique limitée présentent des caractéristiques spécifiques conformes à la tradition locale. En effet, les produits agricoles ont le plus souvent des qualités qui proviennent de leur lieu de production et sont soumis à l’influence de facteurs locaux précis, tels que le climat ou le sol. Les indications géographiques peuvent être utilisées pour un large éventail de produits agricole, tels que « Toscane » pour une huile d’olive produite dans une région précise de l’Italie ou « Roquefort » pour un fromage produit dans une région précise de la France. Mais, les indications géographiques ne sont pas utilisées uniquement pour les produits agricoles. Elles peuvent aussi mettre en valeur des qualités particulière d’un produit, dues à des facteurs humains propres au lieu d’origine des produits, tels qu’un savoirfaire précis ou certaines traditions. Ce lieu d’origine peut être un village ou une ville, 181

http://www.wipo.int/treaties/fr/ip/paris/index.html ou http://www.wipo.int/treaties/fr/documents/word/d-parisf.doc

182

http://www.wipo.int/treaties/fr/ip/madrid/index.html ou http://www.wipo.int/treaties/fr/documents/word/f-mdrd-o.doc

183

http://www.wipo.int/treaties/fr/registration/lisbon/index.html ou http://www.wipo.int/treaties/fr/documents/word/j-lisbnn.doc

184

Voir articles 22 à 24. http://www.wipo.int/clea/docs/fr/wo/wo030fr.htm

185

V. Annexe VI de l’ABR.

D’après l’article 1er alinéa a) de l’Annexe VI de l’ABR, on entend par indication géographique : "des indications qui servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire, ou d’une région, ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique. ". 186

56

une région ou un pays. Dans ce dernier cas, on peut citer à titre d’exemple le substantif « Suisse » ou l’adjectif « suisse », qui est souvent perçue comme une indication géographique pour des produits fabriqués en Suisse, en particulier pour les montres. Il en est de même du vin comme les « Bordeaux ». Pour savoir si un signe constitue une indication, il faut se référer à la législation nationale et à la perception des consommateurs. Ainsi, aux termes de l’article 2 de l’Annexe VI de l’Accord de Bangui Révisé, « 1) Est refusé ou invalidé tout enregistrement d’une marque de produits qui contient une indication géographique ou est constituée par une telle indication, si l’utilisation de cette indication dans la marque de produits pour de tels produits est de nature à induire le public en erreur quant au véritable lieu d’origine. 2) Est également refusé ou invalidé tout enregistrement d’indication géographique qui, bien qu’elle soit littéralement exacte pour ce qui est du territoire, de la région ou de la localité dont les produits sont originaires donne à penser à tout un public que les produits sont originaires d’un autre territoire. » En d’autres termes, « sont exclues de la protection, les indications géographiques : a) qui ne sont pas conformes à la définition de l’article 1.a) ; ou, b) qui sont contraires aux bonnes m.urs ou à l’ordre public ou qui, notamment, pourraient tromper le public sur la nature, la provenance, le mode de fabrication, les qualités caractéristiques ou l’aptitude à l’emploi des produits considérés ; c) qui ne sont pas protégées dans leur pays d’origine ou qui ont cessé de l’être, ou qui sont tombées en désuétude dans ce pays »187. Il convient de préciser que l’atteinte à une indication géographique n’est pas sanctionnée par l’action en contrefaçon mais notamment par celle en concurrence déloyale. En effet, les indications géographiques sont protégées conformément à différentes branches du droit national, telles que la législation sur la concurrence déloyale, la législation sur la protection des consommateurs, la législation sur la protection des marques de certification ou la législation spéciale sur la protection des indications géographiques ou des appellations d’origine. En bref, des tiers non autorisés ne peuvent pas utiliser une indication géographique lorsque cette utilisation est susceptible d’induire le public en erreur quant à l’origine véritable du produit. Les sanctions applicables vont d’injonctions prononcées par les tribunaux à l’effet de faire cesser toute utilisation non autorisée jusque, dans les cas graves, à des peines d’emprisonnement en passant par le versement de dommages-intérêts et le paiement d’amendes. Pour finir, il faut souligner que les indications géographiques comprennent également les indications de provenance et les appellations d’origine : Une indication de provenance intéresse la provenance d’un produit, « son origine géographique et non à un autre type d’origine tel que le siège du fabricant ou le lieu où le produit a été assemblé »188. Elle « ne signifie ni que le produit est d’une certaine qualité, ni qu’il a été produit d’une certaine façon, ni qu’il présente une quelconque caractéristiques ; elle indique simplement d’où vient le produit »189 (par exemple Made in United Kingdom, Fabriqué en 187 188

189

V. art. 5 de l’Annexe VI de l’ABR. Revue de l’OMPI, septembre 1999, p 12. Idem

57

Côte d’Ivoire). La notion d’indication géographique comprend également les appellations d’origine. Une appellation d’origine est une catégorie spéciale d’indication géographique, utilisée pour des produits ayant une qualité particulière exclusivement ou essentiellement due à l’environnement géographique du lieu de fabrication de ceuxci. Parmi les appellations d’origine protégées par les États parties à l’Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d’origine et leur enregistrement international figurent “Habana” pour le tabac cultivé dans la région cubaine de La Havane ou “Tequila” pour l’eau-de-vie fabriquée dans certaines régions du Mexique. C’est dire que l’appellation d’origine indique non seulement d’où vient le produit mais fait également référence à une certaine réputation, un caractère remarquable ou une qualité particulière du produit, dus au lieu de production et à la manière dont il a été produit. Enfin, les vins et les spiritueux bénéficient d’une protection additionnelle. Elle consiste à « empêcher l’utilisation d’indication géographique identifiant un vin pour des vins qui ne sont pas originaires du lieu indiqué par l’indication géographique en question, ou identifiant les spiritueux pour des spiritueux qui ne sont pas originaires du lieu indiqué par l’indication géographique en question »190. En marge du droit de propriété industrielle, le droit de la propriété intellectuelle se compose également du droit de la propriété littéraire et artistique (droit d’auteur et droits voisins). Section II : Le droit de la propriété littéraire et artistique (droit d’auteur et droits voisins) Le droit de la propriété littéraire et artistique comprend le droit d’auteur et les droits voisins du droit d’auteur. En d’autres termes, les droits qui relèvent de la propriété littéraire et artistique comprennent le droit d’auteur (droits des artistes musiciens, des auteurs de romans, des auteurs d’œuvres cinématographiques, etc.) et les droits voisins du droit d’auteur (droits des artistes interprètes et exécutants, des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes, etc.). Paragraphe I : Le droit d’auteur Après la définition du droit d’auteur, il sera abordé la question des conditions de protection du droit d’auteur ainsi que celle des titulaires de ce droit.

190 Voir

article 23, paragraphe 1 de l’Accord les ADPIC.

58

A)- Définition du droit d’auteur Le droit d’auteur est le droit qui protège les œuvres littéraires et artistiques telles que les écrits, les œuvres musicales, les œuvres d’art (peinture, sculpture), etc. C’est donc un domaine du droit qui accorde aux auteurs (écrivains, musiciens, artistes et autres créateurs) une protection de leurs œuvres. Toutes les législations nationales 191 sur le droit d’auteur donnent une liste non exhaustive des œuvres protégées aussi bien dans leur forme première que dans leur forme dérivée, reprenant ainsi l’énumération de l’article 2 de la Convention de Berne sur la protection des œuvres littéraires et artistiques. On entend par « forme première » : les œuvres littéraires, y compris les programmes d’ordinateur, les compositions musicales avec ou sans paroles, les œuvres audiovisuelles, etc. La « forme dérivée » résulte d’œuvres qui sont issues d’autres œuvres qui leur sont antérieures : les traductions, les adaptations, les recueils d’œuvres, etc. Il est à noter que le droit d’auteur protège les œuvres, c’est‐à‐dire l’expression d’une conception, et non les idées192. Autrement dit, c’est l’expression littéraire ou artistique qui est protégée au titre du droit d’auteur et non pas l’idée comme telle, la forme te non pas le fond193. En effet, la distinction entre œuvres protégées et idées est au cœur du droit d’auteur. La protection d’une œuvre donnée s’applique à l’expression des idées qui y sont contenues. Les simples idées qu’on peut trouver dans une œuvre ne peuvent être protégées par le droit d’auteur et elles peuvent être librement utilisées. En conséquence, pour que le droit d’auteur sur une œuvre soit violé, il faut que soit copiée la forme sous laquelle les idées sont exprimées. La simple utilisation des idées qu’on peut trouver dans une œuvre ne constitue pas une atteinte au droit d’auteur. Par exemple, toute personne a le droit d’écrire un ouvrage expliquant au public comment utiliser une version récente d’un programme d’ordinateur, mais la personne qui a écrit l’ouvrage en question ne peut s’approprier cette idée. En conséquence, l’auteur ne saurait empêcher quiconque de publier un ouvrage sur le même sujet. Cependant, les auteurs qui Bien que l’Annexe VII de l’ABR fixe les dispositions relatives au droit d’auteur et aux droits connexes, les Etats membres conservent la latitude de légiférer en cette matière sous cette réserve que la législation interne doit être en conformité avec l’Accord. La quasi-totalité des Etats membres de l’OAPI ont déjà légiféré en la matière. Voir par ex. article 6 de loi ivoirienne n° 96-564 du 25 juillet 1996 relative à la protection des œuvres de l’esprit et aux droits des auteurs, des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et vidéogrammes; art. 5 de la loi n° 032-99/AN du 22 décembre 1999 portant protection de la propriété littéraire et artistique au Burkina Faso ; art. 8 de la loi n° 2005-30 du 10 avril 2006 relative à la protection du droit d’auteur et des droits voisins en République du Bénin ; art. 3 et s. de la loi n°2000/11 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins au Cameroun ; art. 6 de la loi n° 2008-09 du 25 janvier 2008 sur le droit d’auteur et les droits voisins au Sénégal. 191

Cass. 1ère ch. Civ., 25 mai 1992, Boisset et autres c/ Sté Worldvision Entreprises INC, Décision n° 4, Jugements et arrêts fondamentaux de la propriété intellectuelle, Jean Luc Piotraut, p. 8. 192

193 Voir

Civ. 1ère, 18 déc. 1978, D. 1980, 49, note Colombet.

59

écriraient ensuite sur le même sujet doivent s’abstenir de faire des copies à partir d’ouvrages publiés ou écrits précédemment ou par d’autres. La distinction entre expressions protégées et idées non protégées ou l’idée de la dichotomie idée-expression a d’importantes conséquences pratiques : Elle signifie que le droit d’auteur n’interdit pas à d’autres personnes d’utiliser les informations divulguées dans l’œuvre d’un auteur. Par exemple, l’auteur d’un manuel d’échecs sera protégé contre la production et la vente par d’autres personnes d’exemplaires de l’ouvrage, mais cette protection n’empêchera aucune personne jouant aux échecs d’appliquer les instructions qui y sont données. De même, le droit d’auteur ne protège pas l’idée qui est à la base de la création de certaines œuvres. Le droit d’auteur sur le célèbre personnage de Mickey, par exemple, ne concerne que les traits spécifiques de ce personnage particulier de dessin animé et ne confère pas d’exclusivité sur l’idée générale de créer des œuvres artistiques ayant pour sujets les souris ou autres animaux parlants. Enfin, ces observations s’appliquent aussi au style ou à la méthode propre à un artiste. Chacun peut peindre dans le style cubiste conçu par Pablo Picasso ou dans le style impressionniste. Ce n’est que si une œuvre matérielle de ces peintres est reproduite qu’il y a atteinte au droit d’auteur. D’autres exemples d’idées qui n’ont pas droit à la protection du droit d’auteur comprennent les théories scientifiques, les concepts de marketing et les algorithmes. Il faut le souligner, l’Accord de Bangui Révisé prévoit également des dispositions relatives au droit d’auteur qui sont contenues dans l’Annexe VII traitant de la propriété littéraire et artistique. Ces dispositions ont primauté sur celles issues des différentes lois nationales éponymes (du même nom) en vertu du principe de la hiérarchie des normes juridiques, l’Accord de Bangui Révisé étant un traité qui a une valeur supranationale. B)- Les conditions de protection du droit d’auteur Une œuvre ne peut être protégée qu’autant qu’elle est originale même sans accomplissement de formalité particulière. 1)- L’exigence d’originalité

La propriété littéraire et artistique protège les œuvres de l’esprit qui présentent une certaine originalité. Autrement dit, pour avoir droit à la protection du droit d’auteur, une œuvre doit d’abord et avant tout être originale. L’originalité est donc la condition nécessaire, sine qua non et même l’unique condition194 de protection des œuvres de la C’est la condition unique exigée en matière de droit d’auteur. C’est la pierre angulaire du droit d’auteur. Pour dire que l’on ne porte pas un jugement de valeur sur l’œuvre avant de lui accorder une protection ; autrement dit, on ne tient pas compte ni des performances ni de la valeur vénale de l’œuvre pour la protéger. Ce qui importe c’est sa forme originale. Cette condition signifie aussi qu’il y a absence de formalités pour qu’une œuvre soit protégée. C’est ce qui ressort de l’article 2 de la loi ivoirienne sur le 194

60

Propriété littéraire et artistique195, des œuvres de l’esprit. Il n’y a pas unanimité quant à ce que signifie l’originalité, ni de normes universellement acceptées. Les pays se divisent globalement en deux catégories. Dans les pays de common law, les tribunaux exigent de l’auteur qu’il démontre un certain degré de compétence, de travail et de jugement pour que son œuvre soit considérée comme originale (ce qu’on appelle la « sweat of the brow theory » - théorie de la « sueur du front »). Dans les pays de droit romain ou système romano-germanique, les tribunaux exigent davantage : pour qu’une œuvre soit originale, il faut qu’elle reflète la personnalité de son créateur. La simple preuve de compétence, de travail et de jugement ne suffit pas : il faut aussi que l’auteur démontre de la créativité. Cette différence d’appréciation peut entraîner des résultats différents, vu que les tribunaux de common law peuvent être moins sévères dans leur évaluation de l’originalité. Il se pourrait donc que certaines œuvres qui ne seraient pas considérées comme originales dans les pays de droit romain le soient néanmoins dans les pays de common law si l’auteur a démontré un degré suffisant de compétence, de travail et de jugement. En dépit des différences qui caractérisent la notion d’originalité, il faut reconnaître que le consensus est beaucoup plus grand en ce qui concerne la question de savoir ce qui n’est pas requis pour bénéficier de la protection du droit d’auteur : autrement dit, la qualité, la nouveauté, le mérite ou la valeur artistique ne sont pas des critères pertinents pour déterminer si une œuvre est ou non originale. Une œuvre peut être sévèrement critiquée pour son contenu et condamnée pour son style par les spécialistes et le public, mais elle n’est pas privée pour autant de la protection du droit d’auteur. Enfin, peu importe à quelle fin une œuvre a été créée, qu’elle soit utilitaire ou purement culturelle : un morceau de musique composé pour une publicité a tout autant droit à la protection qu’une sonate ou une symphonie. A l’analyse, même si l’originalité est une notion à géométrie variable 196, elle peut être définie comme « l’expression juridique de la créativité de l’auteur, (…) l’empreinte de sa personnalité » ou « le reflet de la personnalité de l’auteur (du créateur)» 197 ; c’est la conception subjective. Selon la conception objective, c’est « l’effort personnalisé allant audelà de la simple logique automatique et contraignante, matérialisation de cet effort résidant dans la structure organisée » pour reprendre la formule jurisprudentielle de l’arrêt

droit d’auteur qui dispose : « les auteurs des œuvres de l’esprit jouissent sur ces œuvres, du seul fait de leur création et sans formalité aucune, d’un droit de propriété incorporelle, exclusif et opposable à tous ». Selon la jurisprudence française, « la protection inhérent aux droits appartient aux productions originales aussi bien par le fond que la forme » (CA Aix 12 janvier 1958 CP, 1958, 142). L’originalité est la condition nécessaire de la protection. En général, le critère d’originalité est plus strict dans les pays de Civil Law. 195

196 L’originalité

n’est pas définie de façon légale en droit français. Le soin a donc été laissé à la jurisprudence de la définir. Il en résulte une certaine variation dans les définitions suivant les juridictions. CA Paris, 4 mars 1982 ; Paris, 24 nov. 1988, cah. dr. auteur, juin 1989, p. 4. S’il semble facile de retrouver la marque de la personnalité de l’auteur dans une œuvre littéraire et artistique ordinaire, il est par contre plus difficile de déceler la marque de la personnalité d’un auteur dans une création purement technique et utilitaire tel que le logiciel car les règles de programmation laissent, semble-t-il, peu de place à la fantaisie. 197

61

Pichot198. En Côte d’Ivoire, c’est l’article 10 alinéa 1er de la loi ivoirienne relative aux œuvres de l’esprit qui donne une définition de l’originalité. Ce texte dispose que « ‘’œuvre originale’’ s’entend d’une œuvre qui, dans ses éléments caractéristiques et dans sa forme, ou dans sa forme seulement, permet d’individualiser son auteur ; …d’une œuvre fondée sur des éléments préexistants ». La lecture de ce texte laisse apparaître que l’originalité peut s’apprécier doublement : au niveau des éléments caractéristiques (c’est-à-dire les éléments qui singularisent l’œuvre) et de la forme de l’œuvre et au niveau de la forme seulement de l’œuvre. Pour finir, il faut noter qu’une œuvre peut être protégée en tant qu’œuvre originale même si elle est fondée sur une œuvre préexistante. Le droit d’auteur protège aussi les « œuvres dérivées » : les traductions, adaptations, arrangements musicaux et autres modifications d’une œuvre littéraire ou artistique jouissent de la même protection que les œuvres originales. Il en est de même des recueils d’œuvres littéraires et artistiques tels que les encyclopédies et les anthologies, pourvu qu’ils remplissent l’exigence d’originalité du fait du choix ou de l’organisation de leur contenu. Dans le cas des œuvres dérivées comme dans celui des collections, la protection est accordée « sans préjudice du droit d’auteur » sur l’œuvre préexistante ou sur l’œuvre faisant partie du recueil comme le dispose l’article 7 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit199. Cela veut dire que l’auteur d’une traduction doit obtenir de l’auteur de l’œuvre à traduire l’autorisation de procéder à cette traduction. De même, l’auteur d’une anthologie de poèmes doit obtenir des différents auteurs l’autorisation de publier les poèmes choisis. 2)- La non exigence de formalités200

De nos jours, il presque universellement admis que la protection des droits des auteurs découle automatiquement de l’acte de création et ne dépend pas de l’accomplissement de formalités telles que l’enregistrement ou le dépôt de l’œuvre. A cet égard, le droit d’auteur diffère considérablement de la plupart des formes de protection de la propriété industrielle comme les brevets ou les marques, qui requièrent généralement un acte d’enregistrement.

198 C.

Cass. française, 7 mars 1986 ; Civ. 10 mai 1995, RIDA, oct. 1995, p. 291. En ce sens, l’œuvre originale est donc celle qui porte la trace d’un effort personnel de création et de recherche d’esthétique dans la combinaison des éléments caractéristiques. Ce texte dispose : « Sont protégées comme des œuvres originales, sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre originale : 1° Les traductions, adaptations, arrangements d’œuvres littéraires, musicales, artistiques ou scientifique ; 2° Les recueils d’œuvres littéraires ou artistiques tels que les encyclopédies ou les anthologies, qui par, le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles ; 3° Les œuvres inspirées du folklore. » 199

200 L’absence

de formalités est prévue par plusieurs Conventions internationales. Aujourd’hui, un petit nombre de pays seulement n’est pas signataire d’au moins une de ces Conventions. Le symbole bien connu © a été introduit par la Convention universelle sur le droit d’auteur (UCC) de 1952 administrée par l’UNESCO afin de disposer d’une forme imposée simple de mention du droit d’auteur : ce symbole, accompagné du nom du titulaire du droit d’auteur et de l’année de la première publication, qui figure sur tous les exemplaires d’une œuvre protégée par le droit d’auteur, garantit sa protection dans tous les pays parties à l’UCC, y compris ceux qui subordonnent la protection à l’accomplissement de formalités.

62

En effet, les œuvres littéraires et artistiques sont protégées du seul fait de la création indépendamment de leur mérite ou de leur destination. Aucun dépôt n’est exigé comme en matière de propriété industrielle. Il y a absence de formalités201 pour qu’une œuvre soit protégée. C’est du moins ce qui ressort de l’article 2 de la loi ivoirienne sur le droit d’auteur qui dispose : « les auteurs des œuvres de l’esprit jouissent sur ces œuvres, du seul fait de leur création et sans formalité aucune, d’un droit de propriété incorporelle, exclusif et opposable à tous »202. Le droit d’auteur est donc un droit de propriété incorporel exclusif et opposable à tous accordé à l’auteur d’une œuvre de l’esprit du seul fait de sa création. L’œuvre est réputée créée dès qu’elle est réalisée. Le respect d’une procédure n’est pas donc exigé. Autrement dit, dès qu’une personne crée une œuvre, elle n’a pas besoin de saisir l’administration (notamment le BURIDA) pour lui délivrer un titre de propriété ou un quelconque papier. C’est là l’une des grandes différences entre le droit de propriété littéraire et artistique et le droit de propriété industrielle. En effet, on constate que le droit de propriété sur une œuvre de l’esprit résulte d’un fait juridique (la création) lorsque cette œuvre est protégée par le droit d’auteur alors que s’agissant d’un droit de propriété sur une invention par exemple, comme cela a été vu ci-devant, il naît d’un acte juridique unilatéral d’appropriation résultant du ou des dépôt(s) de demande de brevets203. Cependant, s’il est vrai que le droit d’auteur d’une œuvre de l’esprit naît du seul fait de sa création, la sagesse recommande, en prévision d’un litige sur sa titularité, de procéder à un dépôt auprès d’un office national de droit d’auteur (comme le BURIDA en Côte d’Ivoire)204. En effet, bien que l’enregistrement obligatoire ait maintenant été supprimé presque partout, beaucoup de lois nationales comme en Côte d’Ivoire permettent un enregistrement volontaire des œuvres par l’administration nationale du droit d’auteur ou un organe similaire. Cet enregistrement peut servir de preuve prima facie utile dans les différends juridiques. 3°)- L’exigence de fixation dans le droit d’auteur ?

La question de savoir si une œuvre doit être fixée sous une forme matérielle pour être protégée n’a pas de réponse uniforme. Généralement, les pays de common law prescrivent que pour jouir de la protection, l’œuvre doit être fixée sous une forme matérielle (elle peut par exemple être écrite sur un morceau de papier, ou enregistrée 201 L’absence

de formalités pour l’exploitation des droits d’auteur est une exigence majeure formulée par l’article 5 alinéa 2 de la Convention de Berne. Aux termes de l’article 3 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit, « les œuvres de l’esprit produites à l’étranger par des ressortissants ivoiriens, qu’elles soient publiées ou non, jouissent de cette protection, au même titre que celles produites en Côte d’Ivoire ». Cependant, aux termes de l’article 4 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit « les œuvres des ressortissants étrangers qui sont publiées pour la première fois en Côte d’Ivoire jouissent, en vertu de la présente loi, de la même protection que les œuvres des ressortissants ivoiriens ». 202

203

Voir pour ce faire Jean-Marc Mousseron, le droit du breveté d’invention, LGDJ, 1961, n° 108, p. 137.

204

Ou d’une organisation de gestion collective, d’un huissier, d’un notaire (l’enveloppe Soleau en France).

63

sur une cassette, un CD, un DVD, ou stockée sur une disquette ou sur le disque dur d’un ordinateur), alors que les pays de droit romain n’imposent pas cette condition. Les instruments internationaux autorisent les deux possibilités. Le fait qu’une œuvre doit ou non être fixée pour jouir de la protection a d’importantes conséquences pratiques, surtout en ce qui concerne les œuvres d’improvisation telles que la musique, les discours ou les chorégraphies. Si la fixation est requise, ces œuvres ne peuvent pas être protégées avant d’avoir été enregistrées ou transcrites. En revanche, dans un pays qui n’exige pas de fixation, le droit d’auteur est protégé dès que l’œuvre est créée, c’est-à-dire dès que la musique ou la danse improvisée est exécutée ou le discours prononcé. Il semble que tel est le cas en Côte d’Ivoire car l’article 5 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit dispose : « L’œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation, du seul fait de sa conception, de sa réalisation, de son existence à l’état achevé ou non et de la qualité de l’auteur. » C)- Les titulaires du droit d’auteur Il faut distinguer les titulaires originaires des titulaires dérivés. 1°)- Les titulaires originaires

Qui est l’« auteur » d’une œuvre de l’esprit ? Dans le cas le plus simple et le plus fréquent, l’auteur est la personne physique qui a créé l’œuvre. L’auteur (ou titulaire originaire) est donc la personne physique qui a créé une œuvre littéraire ou artistique (le créateur de l’œuvre), c’est-à-dire celui ou ceux sous le nom ou le pseudonyme desquels l’œuvre est divulguée. Ainsi, à la question de savoir qui est l’auteur de l’œuvre, il faut répondre qu’au premier chef, c’est la personne qui a créé l’œuvre. Cependant, les approches adoptées par les lois nationales sur le droit d’auteur diffèrent en ce qui concerne la définition de la qualité d’auteur lorsque des tiers sont en cause : dans les pays de common law, les tiers peuvent avoir la qualité d’auteurs (ex : personnes morales ou entités juridiques) alors que dans les pays de tradition de droit romain, il n’y a pas d’auteur autre que le créateur. En effet, de nombreuses lois, surtout dans les pays de common law, appliquent des critères assez larges qui permettent d’attribuer la titularité initiale du droit d’auteur à d’autres personnes que le créateur. Par exemple, le droit d’auteur peut, dès la première manifestation de la création de l’œuvre, appartenir à une personne morale ou entité juridique, qui est réputée être l’« auteur » en vertu d’une fiction juridique. Cela est particulièrement important dans le cas des œuvres réalisées dans le cadre d’un louage de services. En revanche, la tradition de droit romain attribue généralement la qualité d’auteur à la personne qui a créé l’œuvre. Cela veut dire, du moins lorsque ce principe est strictement respecté, que seuls les êtres humains peuvent être les titulaires initiaux du droit d’auteur sur les œuvres littéraires et artistiques. Contrairement à ce qui se passe dans les pays de common law, les entités juridiques ne peuvent avoir la qualité

64

d’auteurs vu qu’elles n’ont pas la capacité de créer des œuvres, sauf peut-être exception. Les entités juridiques devront donc acquérir ensuite les droits sur l’œuvre par la conclusion de contrats. Ainsi, aux termes de l’article 11 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit, « le ou les auteurs d’une œuvre sont, sauf preuve du contraire, celui ou ceux sous le nom ou le pseudonyme desquels l’œuvre est divulguée. » (une présomption simple de titularité est donc créée au profit du créateur ou auteur de l’œuvre qui en devient le premier titulaire des droits). Cela pour dire que l’auteur d’une œuvre de l’esprit peut varier en fonction du type d’œuvre ou du moins de la nature de l’œuvre : - L’œuvre de collaboration ou œuvre conjointe est l’œuvre à la création de laquelle ont concouru deux ou plusieurs auteurs. Ainsi, aux termes de l’article 10 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit, « ‘’œuvre de collaboration’’ s’entend d’une œuvre dont la réalisation est issue du concours de deux ou plusieurs auteurs, que ce concours puisse être individualisé ou non ». Exemple : Une encyclopédie. Il importe cependant de relever que chacun des coauteurs doit avoir un rôle créatif original. Ici, tous les auteurs sont les premiers titulaires du droit d’auteur. Les droits sur les œuvres de collaboration appartiennent en commun aux coauteurs. Conformément à l’article 12 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit, l’œuvre de collaboration appartenant en commun aux coauteurs, ceux-ci doivent exercer leurs droits d’un commun accord. En cas de désaccord, il appartiendra à la juridiction compétente de statuer. Et lorsque la participation des coauteurs relève de genres différents, chacun pourra, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l’exploitation de l’œuvre commune. - L’œuvre composite est une œuvre nouvelle qui incorpore une œuvre préexistante et qui est réalisée sans la collaboration mais avec l’accord de l’auteur originel205. L’auteur d’une œuvre composite est le premier titulaire du droit d’auteur sur celle-ci, c’est-à-dire celui qui l’a réalisée sous réserve du respect des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante206. - L’œuvre collective est une œuvre créée par plusieurs auteurs à l’initiative et sous la responsabilité d’une personne physique ou morale qui la publie sous son nom. C’est du moins ce que laisse transparaître l’article 10 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit qui dispose : « ‘’œuvre collective’’ s’entend d’une œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et 205 Voir

article 10 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit de 1996.

206 Voir

article 14 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit de 1996.

65

dans laquelle la contribution des divers auteurs participant à son élaboration se font dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé ». Autrement dit, une œuvre est dite collective quand elle est créée dans des conditions telles que les auteurs dont les contributions ont été réunies, ne puissent se réclamer de droits qui ait la même assiette que ceux des coauteurs d’une œuvre de collaboration, c’est-à-dire l’ensemble de l’œuvre. Dès lors ces auteurs sont investis de droits individuels qui portent sur leurs contributions respectives, non de droits qui aient comme point d’application l’œuvre entière. Ici, le premier titulaire du droit d’auteur est la personne qui en a pris l’initiative, c’està-dire la personne physique ou morale sous le nom de laquelle l’œuvre est divulguée qui est investie des droits de l’auteur. En effet, aux termes de l’article 15 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit, « l’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est réputée investie des droits de l’auteur. » Comme le voit, à la différence des autres œuvres, les droits sur une œuvre collective peuvent être originairement attribués à une personne morale. C’est donc le seul cas dans lequel la personne morale devient originairement auteur d’une œuvre de l’esprit. N.B. : les œuvres de collaboration, les œuvres composites et les œuvres collectives font partie des œuvres créées par plusieurs personnes207. Dans les œuvres conjointes, il y a des contributions fondues dans une unité indissociable ou interdépendante ; le droit d’auteur est donc conjoint de tous les contributeurs sur la nouvelle œuvre. Dans les œuvres composites, les œuvres préexistantes sont incorporées dans une nouvelle création ; les droits d’auteur sur les œuvres préexistantes restent distincts et alors le droit d’auteur est conjoint de tous les contributeurs sur la nouvelle œuvre. Dans les œuvres collectives, il y a assemblent simplement plusieurs contributions ; les droits d’auteur sur les contributions restent donc distincts et il y a le droit d’auteur du maître d’œuvre sur la collection.

207 Une

œuvre peut être créée par plusieurs personnes. En effet, Deux ou plusieurs personnes peuvent collaborer à la création d’une œuvre de différentes manières. La titularité du droit d’auteur sur ces œuvres obéit à différentes règles qui sont fonction du degré de la contribution individuelle au regard du résultat final. Lorsque les contributions sont faites dans l’intention de les fondre dans une unité indissociable ou interdépendante, on parle d’ « œuvres de collaboration » (ou « œuvres conjointes »). Tel est le cas, par exemple, quand deux auteurs unissent leurs efforts pour écrire ensemble un livre. Toutefois, si le livre est écrit par un auteur et qu’un autre contribue à la rédaction d’un chapitre particulier et est crédité de sa contribution, il ne s’agit pas d’une œuvre conjointe parce que les contributions ne sont pas indissociables ou interdépendantes. Dans le cas des œuvres de collaboration, les contributeurs sont considérés comme des coauteurs qui sont conjointement titulaires des droits sur leur création. En tant que titulaires conjoints, ils doivent généralement exercer leurs droits ensemble. La règle essentielle est que les coauteurs ne peuvent refuser sans raison de donner leur accord à l’exploitation de l’œuvre. Sauf stipulation contractuelle contraire, les profits sont répartis également. Il faut distinguer les œuvres conjointes des « œuvres composites ». Cette dernière expression est utilisée si deux ou plusieurs œuvres préexistantes sont incorporées dans une nouvelle création sans perdre leur caractère individuel. Par exemple, lorsqu’une musique est écrite sur des paroles préexistantes, et qu’il y a donc création d’une chanson, la musique comme les paroles peuvent être utilisées séparément de la chanson, sans affecter les droits sur la nouvelle œuvre « composite ». Dans ce cas, alors que les droits sur cette nouvelle œuvre (la chanson) sont détenus conjointement, le droit d’auteur sur les contributions individuelles (la musique et les paroles) continue en règle générale d’appartenir à leurs créateurs respectifs, sous réserve des arrangements contractuels spécifiques qui peuvent avoir été conclus. Enfin, une « œuvre collective » ne fait qu’assembler plusieurs contributions sans constituer une œuvre conjointe. Parmi les exemples d’œuvres collectives, on peut citer les périodiques, les anthologies et les encyclopédies, ainsi que les bases de données, dans une certaine mesure. Bien que dans ce cas les contributions soient distinctes et discernables, elles sont souvent fournies à l’initiative d’une personne qui planifie, organise, coordonne, prépare et publie la collection (souvent appelé « éditeur »). Il est donc généralement admis que, sans préjudice du droit d’auteur sur les œuvres individuelles, il existe un droit d’auteur distinct sur le tout, qui est généralement attribué à cette personne ou entité juridique.

66

- L’œuvre de commande est une œuvre créée pour le compte d’une personne physique ou morale dénommée commanditaire moyennant ou non rémunération. Autrement dit, c’est une œuvre créée à la suite d’une commande. Aux termes de l’article 16-1° de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit de 1996, « l’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance du droit reconnu à l’article 2 : 1° Dans le cas d’une œuvre produite par un auteur employé en vertu d’un contrat de louage de service ou d’ouvrage, le droit d’auteur appartient à l’auteur, sauf Convention contraire ». L’auteur de l’œuvre est le premier titulaire du droit d’auteur. Toutefois, les droits patrimoniaux sont transférés par dispositions contractuelles au commanditaire ou donneur d’ordre : la commande d’une œuvre s’analysant en un contrat de louage d’ouvrage (un contrat d’entreprise), un tel contrat ne donne pas automatiquement au donneur d’ordre un droit de propriété sur l’œuvre ainsi réalisée ; seule une stipulation contraire peut déroger aux règles de dévolution posées par l’article 16 de la loi. La question pourrait se poser de savoir si le donneur d’ordre ne peut pas être considéré comme un coauteur de l’œuvre dans la mesure où il a contribué à sa naissance ; on serait alors dans l’hypothèse d’une œuvre de collaboration qui est, à titre de rappel, une œuvre dont la réalisation est issue du concours de deux ou plusieurs auteurs que ce concours puisse être individualisé ou non. A cette question, on peut répondre que si en principe rien ne s’oppose à ce que le commanditaire ou donneur d’ordre soit coauteur, il faut cependant, pour qu’il ait cette qualité, qu’il ait effectivement concouru à la mise en forme de l’œuvre. Autrement dit, il ne suffit pas qu’il ait simplement satisfait au devoir de collaboration qui pèse sur lui en tant que cocontractant. Ainsi, si le donneur d’ordre se content de faire état de ses besoins en cas de commande d’un programme d’ordinateur, il ne saurait avoir la qualité de coauteur de l’œuvre. Pour finir, même si l’auteur de l’œuvre de commande est le premier titulaire du droit d’auteur, l’article 16-2° de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit dispose que « lorsqu’il s’agit d’une œuvre plastique ou d’un portrait sur commande, par peinture, photographie ou autrement, son auteur n’a pas le droit d’exploiter l’œuvre ou le portrait, par n’importe quel moyen, sans l’autorisation expresse de la personne qui a commandé l’œuvre ». - Les œuvres produites dans le cadre d’un contrat de travail : ce sont les œuvres créées en vertu d’un contrat de travail. Selon la tradition juridique de common law, lorsqu’un employé produit une œuvre dans le cadre normal de son emploi, l’employeur est considéré comme le titulaire initial du droit d’auteur sur l’œuvre et donc considéré comme l’auteur, sauf accord exprès en sens contraire. La justification de cette règle tient au fait que l’employeur est celui qui prend les décisions et les initiatives, qui paie l’œuvre et sa production. L’employeur doit donc bénéficier de tous les avantages économiques résultant de l’œuvre. Dans les pays où les lois sur le droit d’auteur attribuent exclusivement la qualité d’auteurs aux 67

personnes physiques, l’approche est différente : les droits sont conférés initialement à l’employé, et l’employeur (qu’il s’agisse d’une personne physique ou d’une entité juridique, telle une société) qui a engagé l’employé peut ensuite acquérir les droits sur une œuvre par voie de contrat. C’est du moins le cas de la Côte d’Ivoire à travers l’article 16 de la loi sur les œuvres de l’esprit. C’est dire que, contrairement au droit des brevets d’invention, les droits d’auteurs n’étant reconnus en côte d’Ivoire qu’à l’auteur, l’existence ou la conclusion d’un contrat de travail par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance du droit exclusif qui est reconnu à l’auteur par la loi ; le salarié demeure donc le titulaire des droits sur l’œuvre qu’il a créée en vertu de ce contrat de travail. Cette solution ou disposition qui consiste à dire que le salarié demeure donc le titulaire des droits sur l’œuvre qu’il a créée en vertu de ce contrat de travail soulève des difficultés ou présente des inconvénients pour l’économie d’un pays et la création intellectuelle surtout en ce qui concerne certaines œuvres comme en matière de programme d’ordinateur. En effet, avec cette solution, l’employeur d’un créateur de logiciel ne peut pas avoir de droits sur le logiciel créé par son employé même si c’est dans le cadre des fonctions ou de la mission de l’employé ou avec les moyens fournis par l’employeur. Si l’employeur n’a aucun droit sur le logiciel créé par son employé et avec les moyens par lui fournis, alors pourquoi embaucherait-il des salariés à cette fin ? Les conséquences d’une telle situation sur l’économie et la création intellectuelle peuvent donc être néfastes208. Malgré cela, en droit ivoirien, il n’est pas permis en l’état actuel de transférer sur la tête de l’employeur les droits nés de la création d’une œuvre fut-elle une création d’un logiciel. S’il doit y avoir transfert de droits, ce ne sera que dans le cadre de stipulations contractuelles, sauf à recourir à la notion d’œuvre collective. - Les œuvres pseudonymes ou anonymes sont des œuvres dans lesquelles l’auteur utilise un pseudonyme ou garde l’anonymat, c’est-à-dire des œuvres pour lesquelles l’identité civile de l’auteur n’est pas révélée et laisse planer un doute. En effet, les lois sur le droit d’auteur reconnaissent généralement qu’il y a des cas où une personne peut désirer publier une œuvre sans divulguer son nom (œuvre anonyme) ou la publier sous un nom d’emprunt (œuvre pseudonyme). Dans la plupart des pays, c’est l’éditeur qui exerce le droit d’auteur sur ces œuvres pour le compte de l’auteur, sauf dans le cas de pseudonymes transparents qui ne permettent aucun doute quant à l’identité des auteurs et sont donc assimilables aux noms réels de ceux-ci (par exemple George Sand ou Molière).

C’est sans doute la raison pour laquelle le législateur français a modifié les règles de dévolution des droits en matière de création salariée en décidant, à travers l’article L.113-9 du Code de propriété intellectuelle français que « sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à l’employeur qui est seul habilité à les exercer. » 208

68

Ainsi, conformément à l’article 13 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit, les auteurs des œuvres pseudonymes ou anonymes sont représentés dans l’exercice de leurs droits par l’éditeur ou le publicateur originaire tant qu’ils n’auront pas fait connaître leur identité civile et justifié de leur qualité, à la condition que le pseudonyme adopté par l’auteur ne laisse aucun doute sur son identité civile. Pourtant, il faut bien préciser que dans ces cas, l’éditeur n’est pas le véritable titulaire du droit d’auteur mais est seulement fondé à protéger les droits de l’auteur et à en assurer le respect en vertu d’une fiction juridique selon laquelle il est présumé représenter l’auteur. Une fois que l’auteur a divulgué sa véritable identité, cette présomption n’est plus valable. A partir de ce moment, l’éditeur s’efface et les droits sont exercés exclusivement par l’auteur, à moins que celui-ci ne les cède à un tiers. Il ya donc une présomption légale en faveur des éditeurs valable jusqu’à ce que l’auteur révèle son identité. - Les œuvres posthumes s’entendent des œuvres accessibles au public après le décès de leurs auteurs. Aux termes de l’article 45 alinéa 3 c), les droits sur les œuvres posthumes « appartiennent aux ayants droits209 de l’auteur si l’œuvre est divulguée au cours de la période prévue à l’alinéa premier. Si l’œuvre est divulguée après l’expiration de cette période, ces droits appartiennent aux propriétaires des manuscrits ou originaux afférents à l’œuvre s’ils en effectuent ou s’ils en font effectuer la publication. Les œuvres posthumes doivent faire l’objet d’une publication séparée, sauf dans le cas où elles ne constituent qu’un fragment d’une œuvre précédemment publiée. Elles ne peuvent être jointes à ses œuvres du même auteur précédemment publié que si les ayants droit de l’auteur jouissent encore sur celles-ci du droit d’exploitation ». - Les œuvres audiovisuelles : La définition de l’œuvre audiovisuelle est complexe car elle n’est pas traitée de la même façon par le droit de la propriété intellectuelle et le droit de la communication210. La définition de l’œuvre audiovisuelle en droit de la Les ayants droit (ou ayants cause) sont des personnes physiques ou morales ayant acquis d’une autre, appelée l’auteur, un droit. On distingue l’ayant cause à titre universel de l’ayant cause à titre particulier. L’ayant cause à titre universel est celui qui a acquis l’ensemble du patrimoine de son auteur, ou une quote-part (l’héritier légitime par exemple) ; tous les actes accomplis par son auteur lui sont opposables. L’ayant cause à titre particulier a acquis de son auteur un ou plusieurs droits déterminés (l’acheteur par exemple), et seuls les actes accomplis par son auteur avant sa transmission et sur les biens ou droits acquis lui sont opposables. Il faut le faire remarquer, en principe, il ne faut pas confondre les notions d’ayant cause et d’ayant droit ; et pourtant, la notion d’ayant-droit est souvent confondue, à tort, avec celle d’ayant-cause. En effet, en droit civil, l’ayant droit est, comme son nom l’indique, celui qui dispose d’un droit. Par exemple : un héritier est l’ayant droit de la personne décédée, une victime d’accident de la circulation est l’ayant droit de l’auteur de l’accident, etc. L’ayant-cause est en effet la personne qui tiendra son droit d’une autre personne, laquelle les lui aura expressément transmis. Exemple : l’acheteur est l’ayant-cause du vendeur ; quand la vente aura été faite, la propriété du bien acheté aura été transférée du vendeur à l’acheteur. 209

210 La

définition des œuvres audiovisuelles donnée en droit de propriété intellectuelle n’emporte aucune distinction économique des programmes de stock (tels les fictions, documentaires, c’est-à-dire tout programme pouvant être exploité au cours une période indéterminée) et les programmes de flux (divertissements, magazines, il s’agit là d’œuvres dont la vocation est d’être exploitée sur du court terme). L’œuvre audiovisuelle est aussi définie par le droit de la communication dans une approche plus économique. L’intérêt de cette définition n’est pas sans conséquence car elle détermine d’une part, sa prise en compte au titre des quotas de diffusion et des obligations de production ainsi que d’autre part, son éligibilité au compte de soutien aux industries de programme. Les œuvres audiovisuelles sont des émissions qui ne relèvent pas de l’un des genres suivants : œuvre cinématographique de longue durée, journaux et émissions d’information, variété, jeux, émissions autres que de fiction majoritairement réalisées en plateau, retransmissions sportives, messages publicitaires, téléachats, autopromotion, services de télétextes. Selon cette définition, les œuvres audiovisuelles sont des œuvres qui doivent « présenter un caractère d’ordre culturel, technique ou économique et appartenir à l’un des genres suivants : fiction, à l’exclusion des sketches, animation, documentaire de création, captation ou récréation de spectacles vivants ».

69

propriété intellectuelle consacre l’existence d’un genre dans lequel il est possible d’intégrer aussi bien des documentaires que des jeux télévisés ou des dessins animés. Ainsi, les œuvres audiovisuelles comprennent les œuvres cinématographiques ainsi que les œuvres consistant dans des séquences animées d’images, sonorisées ou non, dénommées ensemble œuvres audiovisuelles. Aux termes de l’article 17 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit, l’œuvre audiovisuelle est la propriété des « personnes physiques qui réalisent la création intellectuelle de cette œuvre ». Ce texte ajoute que « sauf preuve contraire, les coauteurs d’une œuvre audiovisuelle réalisée en collaboration sont les auteurs de scénario, de l’adaptation, du texte parlé, des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement créées pour la réalisation de ladite œuvre, et le réalisateur211 de celle-ci. L’auteur d’une œuvre préexistante protégée, de laquelle est tirée une œuvre audiovisuelle, est coauteur de cette œuvre nouvelle ». Quant au producteur de l’œuvre, c’est-à-dire « la personne physique ou morale qui prend l’initiative et la responsabilité de la réalisation de l’œuvre », conformément à l’article 18 de la loi ivoirienne sur le droit d’auteur, il peut avoir la qualité de coauteur s’il a effectivement participé à la création de l’œuvre ; et alors ses rapports avec les autres coauteurs « sont réglés par un contrat (écrit) qui, exception faite pour les auteurs de compositions musicales avec ou sans paroles, comporte, sauf clause contraire, cession ou profit du producteur, des droits d’exploitation audiovisuelle de ladite œuvre, à l’exception des autres droits ». Pour finir, quelques mots sur les œuvres cinématographiques : La multiplicité des contributeurs à la production d’un film pose des problèmes particuliers aux lois sur le droit d’auteur. Selon la tradition juridique à laquelle elles se rattachent, les lois nationales apportent deux solutions fondamentales à la question de la titularité du droit d’auteur sur les œuvres cinématographiques. Dans les pays qui adhèrent à la tradition juridique romaine, le droit d’auteur sur un film appartient généralement aux personnes physiques qui ont contribué à la création de l’œuvre. Cependant, les modèles peuvent varier considérablement d’un pays à l’autre. Dans certains cas, les films sont considérés comme les œuvres conjointes d’un certain nombre de coauteurs (tels que le réalisateur, le scénariste, le compositeur) qui sont conjointement titulaires du droit d’auteur sur l’ensemble de l’œuvre. D’autres pays considèrent uniquement le réalisateur comme l’auteur du film et accordent, selon les règles applicables aux œuvres composites, un droit d’auteur distinct sur chacune des autres contributions créatives. Dans un cas comme dans l’autre, le producteur doit conclure des arrangements contractuels avec chaque titulaire de droits avant que l’exploitation commerciale du film puisse commencer. Selon l’article 20 de la loi ivoirienne sur le droit d’auteur, « le réalisateur d’une œuvre audiovisuelle est la personne physique ou morale qui assume la direction et la responsabilité artistique de la transformation en image et son, du découpage de l’œuvre audiovisuelle ainsi que de son montage final ». 211

70

En revanche, les lois sur le droit d’auteur qui suivent la tradition de la common law considèrent généralement le producteur d’un film comme le seul titulaire du droit d’auteur, et les contributeurs individuels ne jouissent fondamentalement d’aucun droit. Même lorsque certains droits sont conférés aux principaux collaborateurs (comme les droits que la législation du Royaume-Uni sur le droit d’auteur accorde au réalisateur), ils sont d’ordinaire très limités et leur application est assujettie à un certain nombre de conditions. La raison d’être de cette approche est qu’il s’agit de faciliter l’entrée du film sur le marché en évitant des négociations laborieuses avec de multiples titulaires de droits. 2°)- Les titulaires dérivés ou successifs

Il convient de faire observer que la titularité du droit d’auteur peut être transférée, que ce soit par voie de succession après décès ou par des accords contractuels. Les titulaires dérivés sont donc des personnes qui tiennent leurs droits non pas directement de la loi, mais des premiers titulaires par le biais d’un acte juridique unilatéral ou bilatéral, notamment les ayants cause. Exemples : le cessionnaire, le légataire, etc. Paragraphe II : Les droits voisins ou connexes A)- Définition du droit voisin On entend communément par droits voisins, aussi appelés « droits connexes », les droits accordés pour protéger les personnes, autres que les auteurs d’œuvres, qui participent à la diffusion des œuvres protégées par le droit d’auteur. « Concourant à la diffusion et non à la création »212 d’œuvres littéraires et artistiques, les droits voisins protègent les prestations des artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et les entreprises de communication audiovisuelle. Et d’ailleurs, à l’échelon international, cette expression est particulièrement utilisée en ce qui concerne les droits des artistes-interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion ; ces personnes et organismes apportent des compétences créatives, techniques et organisationnelles qui sont essentielles au processus de communication d’une œuvre au public et sont donc considérées comme méritant d’être protégées. Autrement dit, ces personnes « sont des auxiliaires de la création littéraire et artistique, car les interprètes consomment le destin des compositions musicales et des œuvres dramatiques, les entreprises d’enregistrement phonographiques assurent la permanence fugitive, les organismes de radiodiffusion abolissent les distances »213. C’est donc une relation d’interdépendance. Le terme « voisins » est assez évocateur. 212

Claude Colombet, Grands principes du droit d’auteur et des droits voisins dans le monde, Litec, Paris, p. 114.

213

Henri Desbois, Le droit d’auteur en France, Collection Droit des affaires, Litec, Paris, 1986, p. 213.

71

Ils tirent donc leur origine d’une œuvre protégée par le droit d’auteur 214. Les droits voisins tirent leur origine d’une œuvre protégée par le droit d’auteur et s’apparentent à celui‐ci à certains égards. Ils ont pour objet de protéger les intérêts juridiques de certaines personnes physiques ou morales qui contribuent à rendre les œuvres accessibles au public. En d’autres termes, le terme « voisins » ou « connexes » laisse entendre une certaine parenté avec le droit d’auteur tout en distinguant les droits en question du droit d’auteur. Par exemple, dans le cas d’une chanson, le droit d’auteur appartient à l’auteur des paroles et au compositeur. Les interprètes de la chanson (chanteurs, musiciens), le producteur qui enregistre la chanson sur un CD et l’organisme de radiodiffusion qui transmet un programme contenant cette chanson auront un droit voisin, chacun en ce qui concerne sa contribution (à savoir l’interprétation, l’enregistrement sonore ou la radiodiffusion). La terminologie des droits voisins ou connexes reflète la conception européenne de droit romain du droit d’auteur, où l’objet autre que les « œuvres » au sens strict est classé dans des catégories distinctes de droits. Dans les pays de common law, les producteurs d’enregistrements sonores et les organismes de radiodiffusion sont traditionnellement titulaires du « droit d’auteur » sur leurs productions et sur leurs émissions de radiodiffusion. B)- Les bénéficiaires des droits voisins L’expression « droits voisins » ou « droits connexes », consacrée par l’usage, s’applique à diverses personnes. Chaque catégorie est protégée pour des raisons différentes. Alors que, par exemple, l’interprétation ou exécution porte la marque de la personnalité de l’artiste-interprète ou exécutant comme l’œuvre reflète la personnalité de son auteur, les activités des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion ont un caractère beaucoup plus technique et organisationnel. Nonobstant cela, les bénéficiaires des droits voisins peuvent être réparties en trois groupes en tenant compte des droits voisins les plus importants : - les artistes interprètes ou exécutants (personnes qui représentent, récitent, ou exécutent une œuvre ou y participent : chanteurs, acteurs, danseurs, musiciens, etc.) ; - les producteurs de phonogrammes (les producteurs d’enregistrements sonores) ou de vidéogrammes (producteurs d’enregistrements sonores et audiovisuels) ; - les organismes de radiodiffusion ou les entreprises de communication audiovisuelle. La protection au titre des droits voisins est similaire au droit d’auteur, bien que les prérogatives accordées aux artistes-interprètes ou exécutants, aux producteurs de phonogrammes et aux organismes de radiodiffusion aient une portée plus limitée. Les 214

Académie de l’OMPI, Cours DL-101, 2003.

72

droits voisins, en règle générale, sont librement transférables et soumis à des exceptions et limitations comparables à celles qui s’appliquent au droit d’auteur, selon les conventions internationales pertinentes.

CHAPITRE II : LES DROITS CONFÉRÉS PAR LES TITRES DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE L’analyse des droits conférés par les titres de propriété industrielle précédera celle des titres de propriété littéraire et artistique. Section I : Les droits conférés par les titres de propriété industrielle Les droits conférés par les titres de propriété industrielle seront abordés relativement aux droits conférés respectivement par le brevet d’invention, le modèle d’utilité, la marque, le dessin ou modèle industriel, le nom commercial, le certificat d’obtention végétale et le certificat d’enregistrement de l’indication géographique. Pour chaque catégorie de droit, il sera exposé le contenu des droits conférés et les limitations à ces droits. Paragraphe I : Les droits conférés par le brevet d’invention A)- Le contenu des droits conférés par le brevet d’invention En vertu de l’article 7 Annexe I de l’Accord de Bangui Révisé, le breveté jouit des prérogatives suivantes : - le droit exclusif d’exploiter l’invention brevetée. Ce droit varie selon qu’il s’agit d’un brevet de procédé ou de produit : Lorsque le brevet a été délivré pour un produit, le breveté bénéficie du droit de fabriquer, d’importer, d’offrir en vente, de vendre et d’utiliser le produit, de détenir ce produit aux fins de l’offrir en vente, de le vendre ou de l’utiliser. Lorsque le brevet a été délivré pour un procédé, le breveté bénéficie du droit d’employer le procédé, le droit d’accomplir les actes mentionnés ci‐dessus à l’égard d’un produit résultant directement de l’emploi du procédé. - le droit d’interdire à toute personne l’exploitation de l’invention brevetée ; - le droit de céder ou de transmettre par voie successorale le brevet et de conclure des contrats de licence.

73

- En sus de tous autres droits, recours ou actions dont il dispose, le titulaire du brevet a le droit d’engager une procédure judiciaire devant le tribunal du lieu de la contrefaçon contre toute personne qui commet une contrefaçon du brevet accomplissant, sans son consentement, l’un des actes mentionnés ci‐dessus ou qui accomplit des actes qui rendent vraisemblable qu’une contrefaçon sera commise. Les droits sus-énumérés ne sont pas absolus. Ils sont assortis de limitations. B)- Les limitations aux droits conférés par le brevet d’invention Elles sont prévues par l’article 8 Annexe I de l’Accord de Bangui Révisé. Selon cet article, les droits découlant du brevet ne s’étendent pas : a) aux actes relatifs à des objets mis dans le commerce sur le territoire d’un Etat membre par le titulaire du brevet ou avec son consentement215 ; b) à l’utilisation d’objets à bord d’aéronefs, de véhicules terrestres ou de navires étrangers qui pénètrent temporairement ou accidentellement dans l’espace aérien, sur le territoire ou dans les eaux d’un Etat membre ; c) aux actes relatifs à une invention brevetée accomplis à des fins expérimentales dans le cadre de la recherche scientifique et technique ; d) aux actes effectués par toute personne qui, de bonne foi à la date du dépôt ou, lorsqu’une priorité est revendiquée, à la date de priorité de la demande sur la base de laquelle le brevet est délivré et sur le territoire d’un Etat membre, utilisait l’invention ou faisait des préparatifs effectifs et sérieux pour l’utiliser, dans la mesure où les actes ne différent pas, dans leur nature ou leur finalité, de l’utilisation antérieure effective ou envisagée. Le droit de l’utilisateur visé ci‐dessus ne peut être transféré ou dévolu qu’avec l’entreprise ou la société ou la partie de l’entreprise ou de la société dans laquelle ont lieu l’utilisation ou les préparatifs en vue de l’utilisation. Cela étant, deux points essentiels relatifs au brevet méritent d’être soulevés : la copropriété et les inventions de salariés.

Il s’agit du principe de l’épuisement des droits. Pour plus de détails sur ce principe, lire P. Edou Edou, op. cit. pp. 224 et s. ; Carlos Correa, Intégration des considérations de santé publique dans la législation en matière de brevets des PED, South Centre, 2001, p. xiv. ; A. Tankoano, Les importations parallèles et les licences non volontaires dans le nouveau droit des brevets des États membres de l’OAPI , in : Commerce, propriété intellectuelle et développement durable vus del’Afrique ; sous la direction de R. M. Ortiz, C. Bellmann, A. Chetaille, T. B. Abdallah ; ICTSD, Solagral, ENDA Tiers Monde ; 2002, pp. 116 et 117 ; Carole et M. Vivant, « Propriété intellectuelle et libre circulation : À propos de l’épuisement du droit », in : Les grands arrêts de la propriété intellectuelle, par les chercheurs de l’Equipe de recherche Créations immatérielles et droit; sous la Direction de M. Vivant, Dalloz 2004, p. 43. 215

74

C)- Considérations particulières sur la copropriété et les inventions de salariés : 1°)- La copropriété du brevet d’invention

Une invention est en général l’œuvre d’une personne. Mais plusieurs personnes peuvent réaliser une invention en commun. Dans cette hypothèse, le droit au brevet leur appartient en commun216. Il en est de même des héritiers, cessionnaires du droit au brevet par voie successorale217. L’Accord n’organise pas un régime spécifique de la copropriété des brevets218. C’est donc le droit commun de la copropriété des biens corporels qui a vocation à s’appliquer en cette occurrence. 2°)- Les inventions de salariés

Les inventions de salariés sont les inventions réalisées par les salariés du secteur privé ou public dans le cadre ou en dehors de leurs missions219. Lorsque l’invention est réalisée par le salarié en exécution d’un contrat de travail, on parle d’invention de mission. Ici, l’invention appartient en principe à l’employeur220. L’Accord de Bangui de 1999 reconnaît cependant au salarié auteur d’une invention de mission le droit à une rémunération supplémentaire qui s’ajoute à son salaire normal si l’importance de l’invention est très exceptionnelle221. Lorsque l’invention est réalisée par le salarié en dehors du contrat de travail mais avec les données et moyens mis à sa disposition par l’employeur, on parle d’invention hors mission. Dans ce cas, l’employé a droit à une rémunération qui tienne compte de l’importance de l’invention brevetée. A défaut d’entente, l’Accord de Bangui révisé donne aux tribunaux le pouvoir de fixer la rémunération. Pour finir, il faut dire que dans les inventions de salariés, l’employeur peut renoncer de manière expresse au brevet et le brevet revient dès lors de plein droit à l’employé.

216

V. art. 10(2) de l’Annexe I de l’ABR.

217

V. art. 10(4) de l’Annexe I de l’ABR.

Lire P. Edou Edou, Les incidences de l’Accord des ADPIC sur la protection de la propriété industrielle au sein de l’OAPI, thèse de doctorat en droit privé, Université de Strasbourg II, 31 mai 2005, pp. 232 à 233. 218

Sur ce point, lire Jean Paul Martin, Droit des inventions de salariés, France, Allemagne, Royaume Uni, Etats-Unis, Japon, 3è édition, Litec. 219

220

V. art. 11 alinéa 1 de l’Annexe I de l’ABR.

221

V. art. 11 alinéa 1 de l’Annexe I de l’ABR.

75

Paragraphe II : Les droits conférés par le modèle d’utilité A)- Le contenu des droits conférés par le modèle d’utilité Le titulaire du certificat d’enregistrement d’un modèle d’utilité a le droit d’interdire à toute personne l’accomplissement des actes suivants : la fabrication, la vente, l’offre de vente, l’utilisation, l’importation ou la détention dudit modèle aux fins de l’offrir en vente, de le vendre ou de l’utiliser. B)- Les limitations aux droits conférés par le modèle d’utilité Ne sont pas considérés comme portant atteinte aux droits conférés par le modèle d’utilité : - les actes relatifs à des objets mis dans le commerce sur le territoire d’un Etat membre par le titulaire ou avec son consentement ; - l’utilisation d’objets à bord d’aéronefs, de véhicules terrestres ou de navires étrangers qui pénètrent temporairement ou accidentellement dans l’espace aérien, sur le territoire ou dans les eaux des Etats membres ; - les actes accomplis à des fins expérimentales dans le cadre de la recherche scientifique et technique ; - les actes effectués par toute personne de bonne foi qui utilisait le modèle d’utilité ou qui faisait des préparatifs effectifs et sérieux pour l’utiliser, à la date du dépôt de la demande ou de la priorité, dans la mesure où les actes ne diffèrent pas, dans leur nature ou leur finalité, de l’utilisation antérieure effective ou envisagée. Paragraphe III : Les droits conférés par la marque A)- Le contenu des droits conférés par la marque L’enregistrement de la marque confère à son titulaire : - le droit exclusif d’utiliser la marque, ou un signe lui ressemblant, pour les produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée, ainsi que pour les produits ou services similaires222 ; - le droit exclusif d’empêcher tous les tiers agissant sans son consentement de faire usage au cours d’opérations commerciales de signes identiques ou similaires pour des produits ou services qui sont similaires à ceux pour lesquels la marque de produits ou 222

V. art. 7 de l’Annexe III de l’ABR.

76

de services est enregistrée dans le cas où un tel usage entraînerait un risque de confusion. En cas d’usage d’un signe identique pour des produits et services identiques, un risque de confusion sera présumé exister. B)- Les limitations aux droits conférés par la marque - Les tiers peuvent librement faire usage de bonne foi de leur nom, de leur adresse, d’un pseudonyme, d’un nom géographique, ou d’indications exactes relatives à l’espèce, la qualité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou l’époque de la production de leurs produits ou de la présentation de leurs services, pour autant qu’il s’agisse d’usage limité à des fins de simple identification ou d’information et qui ne puisse induire le public en erreur sur la provenance des produits ou services. - Les tiers peuvent également faire usage de la marque en relation avec les produits qui ont été licitement vendus sous la marque sur le territoire national de l’Etat membre dans lequel le droit d’interdiction est exercé, sous la condition que ces produits n’aient subi aucun changement.

Paragraphe IV : Les droits conférés par le dessin ou modèle industriel A)- Le contenu des droits conférés par le dessin ou modèle industriel Le dépôt d’un dessin ou modèle assure à son titulaire un droit exclusif d’utilisation du dessin ou modèle. L’article 3 Annexe IV de l’Accord de Bangui Révisé vise les prérogatives du titulaire d’un dessin ou modèle industriel. Ce dernier a le droit exclusif d’exploiter son dessin ou modèle et de vendre ou faire vendre à des fins industrielles ou commerciales les produits dans lesquels ce dessin ou modèle est incorporé, dans les conditions prévues par les dispositions de l’Annexe IV de l’Accord de Bangui sans préjudice des droits qu’ils tiendraient d’autres dispositions légales. B)- Les limitations aux droits conférés par le dessin ou modèle industriel Elles sont prévues à l’article 7 Annexe IV de l’Accord de Bangui. Le dessin ou modèle industriel enregistré ne produit pas d’effet à l’égard du tiers qui, au moment du dépôt de la demande d’enregistrement exploitait déjà ledit dessin ou modèle sur le territoire de l’un des Etats membres ou avait pris des mesures nécessaires pour cette exploitation. Ce tiers est autorisé à utiliser ce dessin ou modèle

77

pour les besoins de son entreprise, dans ses propres ateliers ou dans ceux d’autrui. Ce droit ne peut être transmis qu’avec l’entreprise. Paragraphe V : Les droits conférés par le nom commercial A)- Le contenu des droits conférés par le nom commercial Le propriétaire d’un nom commercial enregistré ou non a le droit de l’utiliser pour ses activités commerciales, industrielles, artisanales ou agricoles. Il a également le droit d’interdire tout usage illicite de ce nom et d’exercer les actions prévues par la loi pour la défense de son droit. B)- Les limitations aux droits conférés par le nom commercial Le titulaire d’un nom commercial ne peut interdire aux tiers l’usage de bonne foi de leur nom, de leur adresse, d’un pseudonyme, d’un nom géographique ou d’indications exactes relatives à l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou l’époque de la production de leurs produits ou de la prestation de leurs services, pour autant qu’il s’agisse d’un usage limité à des fins de simple identification ou d’information et qui ne puisse pas induire le public en erreur sur la provenance des produits ou des services.

Paragraphe VI : Les droits conférés par le certificat d’obtention végétale A)- Le contenu des droits conférés par le certificat d’obtention végétale Aux termes de l’article 28 Annexe X de l’Accord de Bangui, le certificat d’obtention végétale confère à son titulaire : - le droit exclusif d’exploiter la variété faisant l’objet du certificat c’est‐à‐dire produire ou reproduire, conditionner aux fins de reproduction ou de multiplication, offrir à la vente, vendre, exporter, importer, détenir aux fins sus évoquées ; - le droit d’interdire à toute personne l’exploitation de la variété faisant l’objet du certificat ; - le droit de céder ou de transmettre par voie successorale, le certificat et de conclure des contrats de licence ; - en sus de tous autres droits, recours ou actions dont il dispose, le droit d’engager une procédure judiciaire contre toute personne qui commet une violation des droits qui lui sont conférés par le certificat d’obtention végétale en accomplissant, sans son 78

consentement, l’un des actes mentionnés ci‐dessus, ou qui accomplit des actes qui rendent vraisemblable qu’une violation sera commise ; - en sus de tous autres droits, recours ou actions dont il dispose, le droit d’engager une procédure judiciaire contre toute personne qui utilise une désignation en violation de l’article 23. 4), ou omet d’utiliser une dénomination variétale en violation de l’article 23.5) de l’Annexe X de l’Accord de Bangui. B)- Les limitations aux droits conférés par le certificat d’obtention végétale Elles sont prévues par l’article 30 de l’Annexe X de l’Accord de Bangui. D’après cette disposition, les droits conférés par le certificat d’obtention végétale ne s’étendent pas : - aux actes accomplis dans un cadre privé à des fins non commerciales ; - aux actes accomplis à titre expérimental ou de recherche ; - aux actes accomplis aux fins de la création de nouvelles variétés ainsi que, à moins que les dispositions de l’article 29.4) ne soient applicables, aux actes mentionnés à l’article 29.1) à 3) accomplis avec de telles variétés ; - à l’utilisation par un agriculteur sur sa propre exploitation, à des fins de reproduction ou de multiplication, du produit de la récolte qu’il a obtenu par la mise en culture, sur sa propre exploitation, d’une variété protégée ou d’une variété visée à l’article 29.4) a) ou b) ; cette exception ne s’applique pas aux plantes fruitières, forestières et ornementales ; - aux actes accomplis par tout tiers de bonne foi avant le dépôt de la demande du certificat d’obtention végétale. Paragraphe VII : Les droits conférés par le certificat d’enregistrement de l’indication géographique A)- Le contenu des droits conférés par le certificat d’enregistrement de l’indication géographique Le certificat d’enregistrement de l’indication géographique confère aux producteurs exerçant leurs activités dans l’aire géographique indiquée au registre le droit d’utiliser à des fins commerciales, pour les produits indiqués au registre, l’indication géographique enregistrée, pour autant que ces produits aient les qualités caractéristiques essentielles indiquées au registre.

79

B)- Les limitations aux droits conférés par le certificat d’enregistrement de l’indication géographique Toute personne a le droit d’utiliser l’indication géographique pour les produits lorsque ceux‐ci ont été mis en circulation dans les conditions définies à l’alinéa précédent sous une indication géographique enregistrée.

Section II : les droits conférés par la propriété littéraire et artistique Paragraphe I : Les prérogatives du titulaire du droit d’auteur Les législations des Etats membres de l’OAPI confèrent au titulaire deux catégories de droits : le droit moral et les droits patrimoniaux. Après exposé du contenu de ces droits, il sera analysé les limitations qui peuvent y être apportées. A)- Le contenu des droits conférés par le droit d’auteur En tant que création de l’esprit, l’œuvre reflète la personnalité de son auteur. En dehors des considérations économiques, l’auteur peut donc avoir dans l’œuvre des intérêts qui ne sont pas strictement financiers ou monétaires, tels que le droit de revendiquer la paternité de l’œuvre ou de s’opposer aux utilisations de cette œuvre préjudiciables à son honneur ou à sa réputation. Les prérogatives de ce type sont désignées sous le nom de droits moraux de l’auteur, par opposition à ses droits économiques ou droits patrimoniaux. 1°)- Le droit moral ou extrapatrimonial de l’auteur

Sous cette expression, il faut entendre l’ensemble des droits non évaluables en argent qui sont attachés à la personne de l’auteur de l’œuvre. Le droit moral de l’auteur fait partie de des droits qu’on qualifie de droits de la personnalité et qui ne peuvent être détachés de la personne à laquelle ils sont attachés d’autant plus qu’ils sont perpétuels, inaliénables, imprescriptibles et insaisissables comme le dispose l’article 23 de la loi ivoirienne sur le droit d’auteur. En partie en vertu des traités internationaux, la plupart des lois nationales sur le droit d’auteur ont aujourd’hui adopté la notion de droits moraux, encore que la portée et l’application de ces droits soient très variables d’un pays à un autre. Le droit international requiert la reconnaissance de deux types de droits moraux : le droit d’attribution (ou le droit de revendiquer la paternité de l’œuvre) et le droit à l’intégrité. Cependant, nombre de législations nationales accordent aussi à l’auteur d’autres droits moraux, comme le droit de choisir si l’œuvre doit ou non être publiée, généralement appelé droit de divulgation, et le droit de retrait.

80

a)- Les caractéristiques des droits moraux de l’auteur Les droits moraux sont par leur nature même liés à la personnalité de leur auteur – ce ne sont pas des droits de propriété. En conséquence, les droits moraux appartiennent aux auteurs même s’ils ont cédé leurs droits patrimoniaux à quelqu’un d’autre. De plus, et contrairement aux droits patrimoniaux, les droits moraux sont inaliénables. Les auteurs ne peuvent céder leurs droits moraux à quelqu’un d’autre, alors qu’ils peuvent vendre leurs droits patrimoniaux. Par exemple, un auteur peut avoir cédé à un éditeur le droit de reproduire et de distribuer son roman, mais cela n’a pas d’incidence sur le destin des droits moraux, qui continuent d’appartenir à l’auteur, lequel peut donc revendiquer la paternité du roman. De plus, l’éditeur ne peut pas supprimer son nom en tant qu’auteur de l’œuvre ou le remplacer par un autre. Cependant, certains pays, en particulier ceux qui adhèrent au système de common law, autorisent la renonciation aux droits moraux sous certaines conditions. b)- le contenu des droits moraux de l’auteur Le droit moral comprend : - le droit de divulgation223 : c’est le droit conféré à l’auteur de décider du moment où son œuvre doit être portée à la connaissance du public. En effet, en vertu du droit de divulgation, il appartient à l’auteur de décider si son œuvre doit être communiquée au public pour la première fois et, dans l’affirmative, sous quelle forme et à quelles conditions. Cette prérogative couvre la révélation du contenu de l’œuvre ainsi que la publication d’une description. Dans certains pays, le droit de divulgation peut aller jusqu’à permettre à un auteur d’empêcher la divulgation de l’œuvre au public si, pour des raisons personnelles, il n’en est pas satisfait, et ce en dépit de l’existence d’un accord contractuel qu’il peut avoir conclu. Par exemple, dans une affaire jugée en France à la fin du XIXème siècle, le célèbre peintre James McNeill Whistler fut autorisé à ne pas livrer à celui qui l’avait commandé un portrait dont il n’était pas satisfait. Il importe de noter que porter l’œuvre à la connaissance d’autres personnes ne constitue pas en soi une divulgation. Celle-ci nécessite une divulgation au-delà du cercle privé – famille et amis - de l’auteur. Par exemple, la représentation d’une pièce à l’occasion d’une réunion familiale privée ne constitue pas une divulgation, contrairement à la représentation de la même pièce par une troupe théâtrale locale, quel que soit le nombre des spectateurs.

Trib. Civ de la Seine, 10 juillet 1946, Rouault c/ Consorts Vollard, Décision n° 106, jugements et arrêts fondamentaux de la propriété intellectuelle, Jean-Luc Piotraut, op.cit. p. 236. 223

81

Le droit de divulgation n’est pas prévu par la Convention de Berne et est reconnu principalement dans des pays appartenant à la tradition de droit romain comme en Côte d’Ivoire. - le droit d’attribution ou à la paternité de l’œuvre : Le droit d’attribution est souvent appelé droit de « paternité », ce qui fait allusion au lien de parenté spirituelle entre l’œuvre et son créateur, bien que cette terminologie puisse aujourd’hui paraître datée. En vertu du droit d’attribution, les auteurs ont le pouvoir exclusif de décider d’associer ou non leur nom à l’œuvre et de déterminer quand l’œuvre sera publiée ou mise d’une autre manière à la disposition du public. C’est donc le droit de revendiquer la paternité de l’œuvre, ainsi que le droit de rester dans l’anonymat. L’auteur peut aussi utiliser un nom d’emprunt (un pseudonyme), comme l’auteur d’ « Alice au pays des merveilles », né Charles Lutwige Dodgson mais connu sous le nom de Lewis Carroll, ou bien se servir d’un acronyme (comme le célèbre « AD » du peintre allemand du début du XVIe siècle Albrecht Dürer). A cette prérogative est associée l’obligation pour les utilisateurs de donner acte de la source et du nom de l’auteur quand ils citent ou mentionnent d’une autre manière une œuvre. En d’autres termes, avec le droit de paternité de l’œuvre, l’auteur est fondé à exiger sa désignation en qualité de créateur pour toute l’exploitation de son œuvre. Pour l’auteur, le droit à la paternité est la preuve éclatante de la filiation qui existe entre son œuvre et lui-même ; sa notoriété en dépend. L’auteur a également la faculté de publier son œuvre sous une forme anonyme ou de se faire désigner par un pseudonyme. Le droit de l’auteur d’être reconnu en tant que tel doit être distingué du droit de s’opposer à toute attribution illicite de paternité, comme par exemple lorsque la signature d’un artiste célèbre est imitée sur une peinture qui n’est pas son œuvre. La possibilité de défendre son nom contre son usurpation par des tiers ne relève pas à strictement parler de la catégorie des droits moraux de l’auteur mais fait plutôt partie de la catégorie générale des droits de la personnalité qui appartiennent à tous les individus, qu’ils soient auteurs ou non. - le droit à l’intégrité ou au respect de l’œuvre : ce droit permet à l’auteur d’exiger que son œuvre soit communiquée au public exactement comme il souhaite qu’elle soit224. En effet, le droit à l’intégrité permet à l’auteur d’empêcher toute déformation, mutilation ou autre action dépréciative commise en rapport avec l’œuvre, qui serait préjudiciable à son honneur ou à sa réputation. Cette prérogative prend acte du fait que la personnalité de l’auteur est intimement liée à l’œuvre. Ce droit est donc aussi souvent appelé « droit au respect ». Le droit à l’intégrité protège contre les modifications non autorisées (un éditeur ne peut, par exemple, supprimer des chapitres d’une œuvre narrative), ainsi que contre l’utilisation Cass, 1ère ch. Civ., 6 juillet 1965, Fersing c/ Buffet, Décision n° 109, jugements et arrêts fondamentaux de la propriété intellectuelle, Jean-Luc Piotraut, p. 244. 224

82

de l’œuvre dans un contexte dégradant (comme l’utilisation d’une œuvre musicale dans un film pornographique). Ce droit d’explique car avec les progrès de la technologie numérique, les auteurs sont confrontés à de nouveaux types de menaces contre l’intégrité de leurs œuvres, vu qu’il devient de plus en plus facile de manipuler et de modifier leur contenu à volonté. Pourtant, tout écart par rapport à la conception initiale de l’auteur ne doit pas forcément être considéré comme une atteinte au droit à l’intégrité. Le problème est particulièrement délicat dans le cas des adaptations. Par exemple, lorsqu’un roman fait l’objet d’une adaptation cinématographique, la nouvelle forme d’expression rend inévitables certains changements. L’article 6bis de la Convention de Berne est assez souple à cet égard, en ce qu’il permet d’apporter à une œuvre certaines modifications, pourvu qu’elles ne soient pas préjudiciables à l’honneur ou à la réputation de l’auteur. Nombre de législations nationales ont donc subordonné le droit à l’intégrité à un équilibre entre les intérêts légitimes de toutes les parties concernées. Comme on le voit, le droit au respect est une notion souple qui s’applique différemment selon l’œuvre concernée. - le droit de repentir et de retrait : c’est le droit dont dispose l’auteur d’une œuvre régulièrement publiée de la retirer du marché moyennant paiement d’une indemnité aux éventuels cocontractants. En effet, il peut arriver que les idées ou opinions de l’auteur sur les questions exposées dans l’œuvre changent et que l’œuvre ne reflète plus ses vues intellectuelles ou artistiques. Si ce changement intervient après que l’œuvre a été légalement portée à la connaissance du public, l’auteur ne peut recourir au droit de divulgation pour empêcher sa distribution. Toutefois, certaines lois sur le droit d’auteur accordent à l’auteur le droit de retirer son œuvre de la circulation. Etant donné que le retrait affecte les intérêts de ceux qui ont déjà acquis le droit d’utiliser l’œuvre (par exemple l’éditeur, qui a le droit de produire et de distribuer les exemplaires de l’œuvre), le droit de retrait est normalement soumis à une série de conditions. Ces conditions sont conçues pour tenir compte des intérêts légitimes des personnes qui ont conclu des arrangements contractuels avec l’auteur. Celles-ci ont généralement le droit d’être indemnisées des pertes qu’elles ont subies (et d’ailleurs l’abus de droit de repentir est sanctionné). De plus, certaines lois prévoient que les contractants initiaux jouiront d’une priorité concernant la conclusion d’un nouveau contrat au cas où l’auteur déciderait de reprendre l’exploitation de l’œuvre. 2°)- Les droits patrimoniaux de l’auteur

Contrairement aux droits moraux, les droits patrimoniaux permettent aux auteurs de vivre de leurs œuvres de création. Dans la plupart des cas, les musiciens, artistes et autres créateurs n’exercent pas personnellement leurs droits patrimoniaux mais s’en

83

remettent à des partenaires professionnels comme les éditeurs de livres ou les producteurs d’enregistrements pour mettre leurs œuvres sur le marché. Les droits patrimoniaux sont généralement des droits exclusifs. Sur le plan pratique, cela a deux conséquences majeures : En premier lieu, il appartient aux titulaires de droits d’autoriser les tiers à accomplir un acte qui relève de leurs droits. En conséquence, quiconque désire utiliser une œuvre protégée selon une modalité couverte par les droits patrimoniaux de l’auteur (par exemple en publiant un roman ou en enregistrant une chanson) doit demander l’autorisation du titulaire des droits à cet effet. Ce dernier peut ainsi déterminer les conditions de l’utilisation, y compris la rémunération. En second lieu, l’auteur a aussi le droit de refuser son autorisation à celui qui voudrait utiliser l’œuvre (droit de refus). En pareil cas, si les utilisateurs ne cessent pas leur activité (en représentant en public une pièce pour laquelle l’autorisation a été refusée), ils peuvent être poursuivis pour atteinte au droit d’auteur. Il convient de mentionner que les droits patrimoniaux n’ont pas toujours un caractère exclusif. Dans certains cas, les législations nationales ainsi que les traités internationaux autorisent les utilisations d’une œuvre dans certaines situations, sans qu’il soit besoin de demander et d’obtenir l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, à condition néanmoins que l’utilisateur verse une rémunération afin de rétribuer l’auteur pour l’utilisation de l’œuvre. Si et quand de telles situations se produisent, les droits des auteurs se limitent à un droit à rémunération et n’ont plus de caractère exclusif. Le droit de prêt public et le droit de suite sont deux exemples de droits à rémunération. Les droits patrimoniaux sont traditionnellement accordés sous la forme d’une série de prérogatives individuelles qui correspondent aux différentes modalités selon lesquelles une œuvre peut être portée à la connaissance du public. Chaque prérogative peut être exercée isolément. Par exemple, un auteur dramatique qui cède à un éditeur le droit de publier sa pièce sous forme de livre ne consent pas de ce fait à la représentation publique de sa pièce. Conformément à plusieurs conventions internationales, la plupart des pays reconnaissent aujourd’hui un certain catalogue standard de droits patrimoniaux, qui s’est constamment enrichi avec l’évolution de moyens de reproduction et de communication de plus en plus efficients. Ainsi, conformément à l’article 25 de la loi ivoirienne sur le droit d’auteur, « les attributs patrimoniaux du droit d’auteur emportent le droit exclusif pour l’auteur d’autoriser l’exploitation se son œuvre sous quelque forme que ce soit, et d’en tirer un profit pécuniaire. Le droit d’exploitation comprend le droit de représentation, le droit de reproduction et le droit de suite ». C’est dire que les droits patrimoniaux comprennent : - le droit de représentation ou de communication au public : La représentation s’entend de la communication directe par quelque procédé que ce soit de l’œuvre au public. C’est 84

le droit d’interpréter une œuvre telle qu’une chanson, le droit de communiquer l’œuvre au public et de procéder à la radiodiffusion. La notion de « communication au public » comprend un large éventail d’activités visant à mettre l’œuvre à la disposition du plus grand nombre (un nombre indéfini de personnes). Conformément au droit international, une distinction est traditionnellement établie entre la représentation publique d’une œuvre et différentes formes de transmission à distance : Le droit de représentation publique s’entend de la présentation ou de l’exécution d’œuvres hors du cercle familial et des relations sociales les plus proches de l’auteur. Ce droit ne s’applique pas seulement aux concerts en direct, aux représentations de pièces de théâtre et à la projection de films dans les salles de cinéma. La musique de fond qu’on peut entendre dans les bars et les boutiques (soit en direct soit enregistrée) est également une forme de représentation publique. En fait, les droits concernant ces dernières utilisations sont souvent désignés sous le nom de « petits droits » (par opposition aux « grands droits » de représentation d’œuvres dramatiques ou dramatico-musicales comme les pièces de théâtre et les opéras). Les « petits droits » représentent aujourd’hui une source considérable de recettes dans le secteur musical. Ces droits sont généralement gérés par des sociétés de gestion collective, qui collectent les redevances et les répartissent entre les titulaires de droits. Les droits concernant la transmission à distance des œuvres ont été constamment étendus depuis les origines. Ils couvrent aujourd’hui la transmission sans fil (radio, télévision, satellite) et par fil (par câble (cable-cast), par exemple) et aussi – depuis peu seulement – la mise à disposition d’œuvres en ligne. Il convient de noter que chaque fois qu’une représentation, une émission de radiodiffusion ou autre transmission est ensuite mise à la disposition d’un auditoire dans un espace public, c’est-à-dire hors du cercle familial 225 , un nouvel acte de communication au public intervient (habituellement désigné sous le nom d’ « utilisation secondaire »). Cet acte requiert lui aussi le consentement du titulaire du droit d’auteur. Plusieurs utilisations secondaires ultérieures peuvent intervenir lorsque, par exemple, un concert (représentation publique) est diffusé à la télévision, sur un appareil allumé dans un pub.

Autrement dit, lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille. Lorsque les conditions requises sont réunies (gratuité et cercle de familles) aucun droit n’est dû, par exemple au BURIDA en matière musicale. Tout le problème réside dans l’interprétation de la notion de « cercle de famille ». Plus précisément : une soirée organisée par des étudiants sans droit d’entrée doit-elle « cotiser » au BURIDA ? L’interprétation de la jurisprudence est restrictive : « C’est une notion (le cercle de famille) qui doit s’entendre de façon restrictive et concerner les personnes parents ou amis très proches, qui sont unies de façon habituelle par des liens familiaux ou d’intimité ». La gratuité de la soirée ne justifie pas à elle seule le non-paiement. C’est dire que la notion de ‘’cercle de famille’’ se comprend au sens strict. Cependant, la Cour de cassation française dit qu’on peut comprendre qu’il s’agit d’un groupe limité de personnes entre lesquelles il existe un lien tellement étroit qu’il peut être assimilé à un lien familial. 225

85

Pour finir, il faut dire que le droit de communication au public comprend le droit de mise à la disposition du public. En effet, aujourd’hui, conformément au droit international, la plupart des pays se sont engagés à accorder aux auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la mise à la disposition du public de leurs œuvres de telle manière que les membres du public puissent y avoir accès de l’endroit et au moment qu’ils choisissent individuellement. Cette prérogative est donc conçue comme un élément du droit plus large de communication au public appartenant à l’auteur. Le principal exemple de « mise à disposition » est celui des œuvres proposées sur l’Internet. Cependant, le droit de mise à disposition va au-delà de l’état actuel de la technologie et vise à couvrir toutes les situations possibles impliquant l’accès aux œuvres au moment et à l’endroit choisis individuellement par les membres du public qui pourraient se présenter à l’avenir. - le droit de reproduction226 (exemple : autoriser une photocopie) : La reproduction s’entend de la fixation matérielle de l’œuvre par tous les procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière directe. C’est la prérogative de l’auteur d’autoriser ou d’interdire la fabrication d’exemplaires de l’œuvre. Le droit de reproduction peut être considéré comme le droit patrimonial le plus fondamental, vu que le contrôle de la reproduction est le fondement juridique de toute une série d’utilisations commerciales ultérieures. Conformément au droit international, la reproduction doit être interprétée largement, couvrant tous les modes possibles de copie d’une œuvre, déjà connus ou encore à découvrir. Les exemples habituels comprennent l’impression ou la photocopie de livres ou d’articles ainsi que l’enregistrement de musique et de films. Les récents progrès accomplis dans le domaine de la technologie numérique ont suscité un large consensus, consacré par les accords internationaux, selon lequel le stockage d’une œuvre sous forme numérique à l’aide d’un support électronique constitue aussi une reproduction au regard du droit d’auteur, même si le résultat n’est pas visible. Une seule exception a été faite en ce qui concerne les actes temporaires ou éphémères de reproduction (par exemple « l’antémémorisation ou caching ») dont le seul but est de permettre une transmission sur un réseau et qui n’ont pas d’importance économique en eux-mêmes. - le droit de distribution : La distribution signifie la mise en circulation de copies matérielles d’une œuvre protégée. Alors que certains pays considèrent le droit de distribution comme un élément du droit de reproduction, des instruments internationaux comme le Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT) de 1996 ont expressément reconnu le droit de distribution comme une prérogative distincte, qui Voir l’article 2 de l’annexe 7 de l’Accord de Bangui révisé consacré aux ‘‘définitions’’ qui définit la reproduction comme « la fabrication d’un ou plusieurs exemplaires d’une œuvre ou d’une partie de celle-ci dans une forme matérielle quelle qu’elle soit, y compris l’enregistrement sonore et visuel. La fabrication d’un ou plusieurs exemplaires tridimensionnels d’une œuvre bidimensionnelle et la fabrication d’un ou plusieurs exemplaires bidimensionnels d’une œuvre tridimensionnelle ainsi que l’inclusion d’une œuvre ou d’une partie de celle-ci dans un système d’ordinateur (soit dans l’unité de mémorisation interne soit dans une unité de mémorisation externe d’un ordinateur) sont aussi une ‘‘reproduction’’. (…) ‘’La reproduction reprographique’’ d’une œuvre est la fabrication d’exemplaires en fac-similé d’originaux ou d’exemplaires de l’œuvre par d’autres moyens que la peinture, par exemple la photocopie. La fabrication d’exemplaires en fac-similé qui sont réduits ou agrandis est aussi considérée comme une ‘’reproduction reprographique’’ » 226

86

peut être exercée ou cédée indépendamment. Il ne faut pas confondre le droit patrimonial de distribution avec le droit moral de l’auteur de décider de la divulgation ou de la première publication de son œuvre. Le droit de distribution est soumis à une limitation importante en faveur de la libre circulation des biens qui est habituellement désignée sous le nom de principe d’épuisement du droit : lorsqu’un exemplaire particulier d’une œuvre a été distribué pour la première fois avec le consentement du titulaire du droit d’auteur, l’acquéreur de cet exemplaire peut en disposer, par exemple en le donnant ou même en le revendant, sans demander une nouvelle autorisation à l’auteur. Il appartient à la législation nationale de déterminer si l’effet de l’épuisement sera limité au territoire national où l’exemplaire en question a été mis sur le marché ou aura une portée plus large, c’est-à-dire régional : des blocs commerciaux comme l’Union européenne ou l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) appliquent par exemple un épuisement régional ; tel est le cas des Etats OAPI. L’épuisement mondial est une autre possibilité pour laquelle peuvent opter les législations nationales vu que les instruments internationaux ne contiennent pas de restrictions à cet égard. Pour finir, il faut souligner que la location et le prêt d’exemplaires d’une œuvre sont en un sens similaires à la vente de ces exemplaires : D’une part, du point de vue du droit d’auteur, les deux actes opèrent comme des formes de distribution. Toutefois, il ne faut pas oublier que la première vente d’un exemplaire entraîne généralement l’épuisement du droit de distribution. Le titulaire du droit d’auteur n’a donc pas de pouvoir sur les utilisations ultérieures de l’œuvre et ne peut pas tirer profit des activités qui interviennent après la vente, comme la location ou le prêt de l’œuvre. De plus, quand des exemplaires sont empruntés ou loués au lieu d’être achetés, il peut en résulter une diminution du volume des ventes et donc des recettes du titulaire du droit d’auteur. D’autre part, l’emprunt ou la location d’un exemplaire n’est peut-être que le premier acte qui précède sa copie dans le cadre privé. Au lieu d’acheter un programme d’ordinateur ou un CD, on peut le louer pour une petite somme d’argent, en faire une copie chez soi – procédure facile et peu coûteuse – et ainsi éviter d’acheter le produit. Afin de réduire le préjudice causé aux titulaires de droit d’auteur par ces pratiques, la plupart des pays ont introduit des droits de location, conformément aux dispositions du Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur de 1996, au moins en ce qui concerne les œuvres cinématographiques, les enregistrements sonores et les programmes d’ordinateur, c’est-à-dire les domaines dans lesquels les titulaires de droits ont le plus souffert des activités de location. On entend par location la mise à disposition de l’original ou d’une copie de l’œuvre aux fins de prêt sur une base commerciale, par exemple dans une boutique de location vidéo. Ce droit a un caractère exclusif et les titulaires de droits l’ont parfois exercé en refusant d’autoriser des activités de location

87

qui étaient préjudiciables à leurs intérêts économiques (c’est par exemple généralement le cas de la location de programmes d’ordinateur). Dans certains pays, un droit de prêt a aussi été introduit. Le prêt est consenti sur une base non commerciale, par exemple dans les bibliothèques publiques. Alors que les droits de location sont des droits vraiment exclusifs, le droit de prêt ne donne généralement à l’auteur que le droit à une rémunération équitable et il est habituellement exercé par le biais d’un système de gestion collective des droits ou des subventions publiques. - le droit à l’adaptation : c’est le droit de modification d’une œuvre en vue de créer une autre œuvre, transformer un roman en un film par exemple. Faire une adaptation signifie modifier une œuvre existante pour produire une nouvelle œuvre, généralement appelée « œuvre dérivée ». Il peut s’agir par exemple de la transformation d’un roman en scénario ou en pièce de théâtre, ou de la modification de l’organisation d’un programme d’ordinateur ou d’une base de données. Un cas particulier d’adaptation est la traduction, qui dans certaines législations fait l’objet d’un droit distinct. En d’autres termes, le droit d’adaptation permet au titulaire du droit d’auteur d’autoriser ou d’interdire la création et l’utilisation des œuvres dérivées. La simple utilisation comme source d’inspiration, et quel qu’en soit le degré, des idées d’autrui ne constitue cependant pas automatiquement une atteinte au droit d’auteur. Chacun est libre de tirer son inspiration d’œuvres existantes, et la plupart des romans policiers, des comédies romantiques ou des westerns, par exemple, sont fondés sur des schémas plus ou moins semblables. Pour qu’on puisse parler d’adaptation, il faut que l’œuvre dérivée intègre une certaine portion de l’œuvre protégée sous une certaine forme, ce qui n’est pas toujours facile à déterminer. Il convient de mentionner que l’auteur de l’adaptation a son propre droit d’auteur sur l’œuvre dérivée, si celle-ci satisfait aux critères de protection. En pareil cas, l’utilisation de l’œuvre dérivée par les tiers requiert le consentement des deux titulaires de droits. - le droit à la traduction : c’est l’expression d’une œuvre dans une langue autre que celle de la version originale. - le droit de suite : Le droit de suite, également appelé droit de revente, est le droit qui permet à l’auteur d’une œuvre plastique ou graphique de percevoir une quote-part sur le produit des ventes ultérieures de l’œuvre cédée. En effet, le droit de suite a été adopté par un nombre croissant de pays afin de garantir aux auteurs d’œuvres graphiques ou plastiques (par exemple les peintures et les sculptures) une part du produit de la revente de leurs œuvres dans les ventes aux enchères et en galerie. L’artiste perçoit un certain pourcentage du prix de revente qui

88

lui est versé par la maison de vente aux enchères ou par le marchand, mais il n’a généralement pas le pouvoir d’interdire la transaction. Le droit de revente constitue donc un droit à rémunération et non un droit exclusif. Contrairement aux auteurs d’œuvres littéraires ou musicales, les artistes visuels ne peuvent profiter des droits patrimoniaux traditionnels de reproduction et de communication au public que dans des cas exceptionnels. Souvent, surtout au début de leur carrière, ils sont contraints de céder leurs œuvres à bas prix pour vivre. Le droit de suite joue donc un rôle compensatoire dans la mesure où il permet à l’artiste de participer à une augmentation ultérieure de la valeur des œuvres vendues. Ce droit de suite se transmet aux héritiers et légataires au décès de l’auteur conformément aux articles 44 alinéa 2 et 45 alinéa 2 de la loi ivoirien sur le droit d’auteur. 3)- La durée des droits d’auteur :

Une des questions importante relativement à la protection des droits d’auteur est celle de leur durée : S’agissant des droits moraux, cette question est traditionnellement source de controverse. Alors que les pays de common law, en règle générale, tendent à stipuler que les droits moraux cessent d’être protégés à la mort de l’auteur, la tradition de droit romain considère généralement les droits moraux comme perpétuels : dans ce cas, les droits en question peuvent être exercés après la mort de l’auteur par ses héritiers ou, comme le prévoient certaines lois nationales, par certains organismes publics ou privés dans l’intérêt du patrimoine culturel du pays. La Convention de Berne contient un compromis selon lequel les droits accordés au titre de l’article 6 bis sont maintenus au moins jusqu’à l’extinction des droits patrimoniaux. Aujourd’hui, de nombreux Etats parties ont adopté cette règle et prévoient la même durée de protection pour les droits moraux et pour les droits patrimoniaux. En vertu des normes internationales, la durée de la protection des droits patrimoniaux est de 50 ans à compter de la mort de l’auteur, mais certains pays prévoient une durée de 70 ans voir plus. En Côte d’Ivoire, conformément à l’article 23 de la loi ivoirienne sur le droit d’auteur, les attributs d’ordre intellectuel et moral du droit d’auteur, c’est-à-dire les droits qui sont attachés à la personne de l’auteur, sont perpétuels, inaliénables et imprescriptibles de sorte qu’au décès de l’auteur, ses droits sont transmissibles à ses héritiers ou légataires.

89

S’agissant de la durée des droits patrimoniaux, en Côte d’Ivoire, conformément à l’article 45-1° de la loi sur les œuvres de l’esprit, le principe est la règle dite de 99 ans post mortem qui signifie que, par principe, « les droits patrimoniaux de l’auteur durent pendant toute la vie de ce dernier. A son décès, ces droits persistent (au profit de ses ayants droit) pendant l’année civile en cours et les quatre vingt dix neuf années qui suivent ». Nonobstant, ce principe, la durée des droits d’auteur est fonction de la nature de l’œuvre comme cela est décrit dans l’article 45-2° de la loi ivoirienne sur le droit d’auteur. B)- Les limitations aux droits conférés par le droit d’auteur Les lois sur le droit d’auteur doivent prendre en considération les intérêts des auteurs et des créateurs ainsi que les besoins de la société d’accéder aux connaissances et aux informations. Ainsi, afin d’établir un équilibre entre les uns et les autres, le droit d’auteur est soumis à deux types de limitations : une limitation de la durée de la protection du droit d’auteur et une limitation du contenu du droit d’auteur 1)- Les limitation de la durée de la protection du droit d’auteur :

Les œuvres ne sont protégées que pendant une certaine période. Lorsque le délai de protection expire, elles tombent dans le domaine public et peuvent donc être librement utilisées par quiconque. En effet, le droit d’auteur est destiné à assurer aux auteurs leur vie durant, et dans une certaine mesure à leurs héritiers et successeurs, la jouissance exclusive du fruit de leur travail créatif. Cependant, au bout d’un certain délai après la mort de l’auteur, l’intérêt public que revêt le libre accès aux œuvres intellectuelles prévaut, et en conséquence les droits des auteurs, ou du moins leurs droits patrimoniaux, expirent. Une œuvre qui n’est plus protégée par le droit d’auteur est dite appartenir au domaine public. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, la durée de la protection a constamment été prolongée. A titre de rappel, les récentes conventions internationales prévoient une protection durant la vie de l’auteur et un minimum de 50 ans après sa mort. De nombreux pays, notamment les Etats-Unis d’Amérique et les Etats membres de l’Union européenne, ont adopté une durée de protection qui comprend la vie de l’auteur et 70 ans après sa mort. Il en est de même des pays OAPI227. Il convient de noter que dans certains pays, la durée de protection prescrite par la loi s’applique également aux droits patrimoniaux et aux droits moraux, tandis que dans d’autres la protection des droits moraux cesse après la mort de l’auteur (comme le permet la Convention de Berne). Dans un troisième groupe de pays, appartenant pour 227 Avec

l’ABR, l’œuvre est protégée toute la vie de l’auteur et 70 ans au moins après son décès (V. art. 25 de l’Annexe VII de l’ABR). Toutefois la législation de certains pays prévoit une durée de protection moins longue ou plus longue. L’article 45 de la loi ivoirienne relative au droit d’auteur et aux droits voisins prévoit en effet une durée de protection de 99 ans post mortem.

90

la plupart à la tradition de droit romain, il n’y a pas de limite de durée pour la protection des droits moraux : dans ce cas, on parle de droit moral perpétuel. Après la mort de l’auteur, le droit de s’opposer aux utilisations dépréciatives de l’œuvre est exercé par les héritiers ou par une autorité publique. 2)- Les limitations du contenu du droit d’auteur :

Durant la période de protection, les droits des auteurs de contrôler l’exploitation économique (l’utilisation) de leurs œuvres peuvent être restreints par des exceptions et des limitations prescrites par les lois nationales qui autorisent certaines utilisations à des fins déterminées par le législateur, et pouvant généralement être faites sans compensation financière228. Lorsque ces limitations sont mises en œuvres, l’auteur de l’œuvre ne peut s’opposer à l’exploitation de son œuvre, encore que ces limitations ou exceptions sont enfermées dans des conditions strictes et leurs justifications varient suivant le droit mis en cause. Il convient de mettre en relief les principales limitations au droit d’auteur avant d’en donner le fondement ou les justifications. a)- Les principales limites ou exceptions au droit d’auteur - les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre, à condition qu’elles soient accompagnées par la mention de la source et du nom de l’auteur, si ce nom figure dans la source 229 . Autrement dit, l’auteur ne peut interdire « les analyses, les revues de presse, les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information», les résumés230 de l’œuvre ; 228 On

confond parfois l’utilisation autorisée des œuvres avec le système dit des « licences non volontaires ». Dans certains cas, les lois nationales peuvent, conformément à la norme internationale, remplacer certains droits exclusifs des auteurs par un tel système de licences non volontaires : cela veut dire, dans la pratique, que les titulaires de droits ne peuvent refuser aux tiers l’autorisation d’utiliser l’œuvre, mais ils conservent le droit de recevoir une rémunération et d’en négocier le montant. On peut trouver des exemples types de licences non volontaires dans le domaine de la radiodiffusion. La mise en œuvre de cette limitation en matière d’œuvres d’information (banques de données) a entraîné une vive polémique en droit français à la suite d’une série de décisions rendue par la jurisprudence. Voir notamment Cass. Ass. Plén, 30 octobre 1987, Sté Microfor c/ Sté Le Monde, Décision n° 2, jugements et arrêts fondamentaux de la propriété intellectuelle, Jean-Luc Piotraut, p. 5, D. 1988, 21 ; Cass. ass. plén., 30 octobre 1987, JCP (E) 1988.II.15093, obs. Vivant et Lucas ; Paris, 18 décembre 1985, JCP 1986, II, 20615. 229

230 S’agissant

du résumé, le monopole de l’auteur n’est pas entamé dès lors qu’il ne reprend pas la forme de l’œuvre ; le résumé qui ne fait qu’emprunter les idées est parfaitement libre, même si la Cour de cassation française avait remis cette solution en cause dans l’affaire précitée, Sté Microfor c/ Sté Le Monde, en estimant que « les ‘’résumés’’, constitués uniquement de courtes citations de l’œuvre ne dispensant pas le lecteur de recourir à celle-ci… », pouvaient librement se constituer. Il faut le souligner, cette position a été beaucoup critiquée pour la rupture qu’elle marque. Mêmes les solutions traditionnelles concernant l’analyse et la courte citation d’une œuvre protégée par le droit d’auteur semblent avoir été remises en cause par la même affaire Sté Microfor c/ Sté Le Monde car contrairement la solution qui voudrait que pour qu’il y ait courtes citations ou analyses, il faudrait qu’il y ait œuvre citante, car les citations, outre qu’elles doivent comporter les mentions obligatoires, ne doivent être qu’accessoires de l’œuvre à laquelle elle s’incorporent, la Cour de cassation a adopté une attitude nouvelle en estimant que « la matière de l’œuvre seconde peut être constituée, sans commentaire ou développement personnel de son auteur, par la réunion elle-même et le classement de courtes citations empruntées à des œuvres préexistantes ». En droit ivoirien, en l’absence de décisions, il est difficile de se prononcer sur la question ; mais comme les termes de l’article 31 de la loi ivoirienne sur le droit d’auteur sont identiques à ceux de l’article L.122-5 du code de propriété intellectuelle français, un alignement des juges ivoiriens sur leurs homologues français en raison d’un certain mimétisme juridique des tribunaux ivoiriens ne saurait surprendre !

91

- les copies privées231 : ce sont les reproductions et les transformations privées, en un seul exemplaire destinées à un usage strictement personnel et privé (et non lucratif) qui sont autorisées par la loi232 ; - la parodie : le pastiche et la caricature visent à faire rire ou sourire le public à travers une œuvre de l’esprit. Sous réserve de rester dans la limite " des lois du genre", elle constitue une exception aux droits patrimoniaux de l’auteur ; - la libre utilisation pour l’enseignement : l’auteur ne peut s’opposer à « l’utilisation (de ses) œuvres littéraires, artistiques ou scientifiques à titre d’illustration d’enregistrements sonores ou visuels, sous réserve qu’une telle utilisation ne soit pas abusive et qu’elle soit dénuée de tout caractère lucratif ». Pour dire que le droit de paternité doit être respecté dans la mise en œuvre de cette limitation ; - la reproduction reprographique par les bibliothèques et les services d’archives : les reproductions présentant un caractère exceptionnel de documentation et les enseignements ayant une valeur culturelle peuvent être conservés dans les archives officielles et alors l’auteur a droit à une rémunération équitable ; - la libre reproduction à des fins judiciaires ou administratives ; - la libre utilisation ou reproduction à des fins d’information : selon l’article 32 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit, dans un but d’information et par courts extraits, « les œuvres littéraires vues ou entendues au cours d’un événement d’actualité peuvent (…) être reproduites et rendues accessibles au public à l’occasion d’un compte-rendu de cet événement par le moyen de la photographie, de l’audiovisuel ou par voie de télédiffusion ou de transmission au fil au public. » Et aux termes de l’article 33 de la loi précitée, « sous réserve de la mention du nom de l’auteur et de la source, à condition que les droits de reproduction ou de télédiffusion n'en aient pas été expressément réservés à des fins d’information, peuvent être reproduites par la presse ou télédiffusés : • Les articles d’actualité de discussion économique, politique ou religieuse publiée dans les journaux ou recueils périodiques ou télédiffusés ; • Les discours prononcés dans les discours délibérants, dans les audiences publiques des tribunaux, dans les réunions politiques ou lors des cérémonies officielles. » Comme on le voit, cette limitation ne vaut que si la publication répond à une exigence d’information ou d’actualité233 ; - la libre utilisation d’images, d’œuvres situées en permanence dans des endroits publics ;

L’article 31 de la loi ivoirienne sur le droit d’auteur vise les reproductions et exécutions privées. Il faut souligner que les reproductions d’œuvres d’art ne sont pas concernées par cette exception. 231

Est ainsi exclue toute exploitation à des fins lucratives d’une œuvre (voir notamment Cass, 1 ère ch. civ. 7 mars 1984, Sté RannouGraphic c/comité national pour la prévention des reproductions illicites et autres, Décision n° 127, jugements et arrêts fondamentaux de la propriété intellectuelle, Jean-Luc Piotraut, p. 286.). 232

233 V.

TGI paris, 28 mai 1986, D. 1987, IR 151.

92

- le libre enregistrement éphémère par les organismes de radiodiffusion : conformément à l’article 36 de la loi ivoirienne sur le droit d’auteur, « pour ses émissions différées et par ses propres moyens », l’organisme de télédiffusion peut faire un enregistrement (reproduction) éphémère en un ou plusieurs exemplaires de toute œuvre qu’il autorise à diffuser, sans pour autant pouvoir céder ni prêter ni louer cet enregistrement. Cet enregistrement doit de surcroit être détruit dans le délai de deux (2) mois sauf convention contraire autorisant un délai de conservation plus long ; - la libre représentation ou exécution lors des cérémonies officielles ou religieuses, ou dans un établissement d’enseignement à l’intention des étudiants et professeurs. En tout état de cause, la loi réprime toute reproduction d’une œuvre qui porterait atteinte à son exploitation normale ou causerait un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur. En clair, les limitations aux droits des auteurs concernent essentiellement le droit de reproduction et le droit de représentation de l’œuvre, comme cela ressortit de l’article 31 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit. Concernant, le droit de représentation, ce texte pose deux conditions de mise en œuvre des exceptions au droit de représentation : il faut un cercle de famille, c’est-à-dire « toutes personnes liées par un lien de parenté » (et non un public) et la représentation ne doit pas donner lieu à recette (il doit s’agir d’une représentation gratuite). Concernant, le droit de reproduction, il faut dire qu’il admet plus de limitations que ne l’est le droit de représentation. Ces limitations sont fonction de l’objet et du but de la reproduction. Ainsi, il y a une libre reproduction à des fins privées encore appelée « exception de copie privée » qui concerne « les reproductions, traductions et adaptations destinées à un usage strictement personnel et privé, et non destinées à une utilisation collective, à l’exception des œuvres d’art » et qui n’est acceptée que si la copie est réservée à l’usage privé (utilisation personnelle ou familiale)234 du copiste235. b)- Le fondement ou les justifications des limitations du contenu du droit d’auteur Toutes les lois sur le droit d’auteur prévoient des exceptions et des limitations en faveur de certains groupes d’utilisateurs ou du public en général. Les intérêts légitimes Cela exclut du champ de l’exception les copies destinées à l’usage interne mais collectif d’un groupe comme par exemple la distribution du rapport annuel d’une société reproduisant la présentation originale du Figaro Economie (v. Cour d’appel de Paris, 1er oct. 1990, RIDA, juill. 1991, p. 206). 234

235 Cette

notion doit être strictement entendue. De la sorte, selon la jurisprudence, la personne qui met à la disposition du public des moyens de reproduire des œuvres doit être considérée comme un copiste, non pas pour bénéficier de l’exception mais en vue de la sanctionner. Tel serait le cas d’un entrepreneur qui met à la disposition du public des photocopieurs ; cet entrepreneur, sans distinguer qu’il ait lui-même actionné la machine ou laissé le client le faire, ne peut se prévaloir de l’exception de copie privée dans la mesure om les copies obtenues ne sont nullement réservées à l’usage de l’entrepreneur copiste qui a tiré de l’opération un bénéfice analogue à celui d’un éditeur (V. Civ. 1ère, 7 mars 1984, Bul. civ. I, n° 90).

93

reconnus par les législations nationales et la jurisprudence qui justifient l’existence d’exceptions peuvent être réparties en quatre grandes catégories : la promotion de la liberté d’expression, l’accès aux connaissances, les buts afférents à la justice et à l’intérêt public, enfin l’utilisation privée ou personnelle. Pourtant, il ne faut pas oublier que la notion d’ « intérêt légitime » peut considérablement varier d’un pays à un autre. Ce qui peut être autorisé à titre d’exception dans un pays n’est donc pas forcément permis dans un autre. Les limitations prévues dans les lois nationales et la forme de chaque limitation particulière sont généralement déterminées par l’évaluation de la mesure dans laquelle il est nécessaire et souhaitable que la société utilise une œuvre, en conformité avec la politique nationale et les traditions du pays. Les résultats de ce processus d’évaluation varient beaucoup d’un pays à l’autre : alors que certains pays (principalement ceux qui adhèrent à la tradition de droit romain) ont adopté un ensemble très restrictif de limitations à la protection du droit d’auteur, d’autres prévoient dans leur législation des dispositions comparativement larges permettant de procéder à des actes sans autorisation préalable du titulaire des droits. Le concept flexible de « fair use » (usage loyal ou utilisation équitable) aux Etats-Unis et le concept plus restrictif de « fair dealing » (acte loyal ou traitement équitable) au Royaume-Uni, au Canada et en Australie, sont des exemples de cette dernière approche. Il convient de noter ici que les exceptions et limitations n’ont pas été harmonisées à l’échelon international et que toutes les exceptions prévues par la Convention de Berne à l’exception d’une seule (le droit de citation) sont facultatives : autrement dit, les législateurs nationaux peuvent décider de les adopter ou de les écarter. Cependant, le « triple test » a fini par être considéré comme le critère international des exceptions aux droits exclusifs. Initialement introduit par la Convention de Berne en tant qu’ensemble de critères d’évaluation de toute exception au droit de reproduction, il a maintenant été adopté par les instruments internationaux les plus récents (l’Accord sur les ADPIC et les Traités de l’OMPI de 1996) et sert de base à l’évaluation de toutes les exceptions aux droits exclusifs des auteurs. Selon ce test en trois étapes, les limitations et exceptions aux droits exclusifs doivent être restreintes (1) à certains cas spéciaux (2) où il n’est pas porté atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre (3) ni causé de préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire des droits. De façon globale, les limitations au droit d’auteur sont prévues généralement en faveur de la liberté d’expression, de l’accès aux connaissances, des besoins de justice et d’administration, de l’usage privé et de l’environnement numérique, notamment. b-1)- Les limitations en faveur de la liberté d’expression La liberté d’expression consiste essentiellement en la possibilité de rechercher, de collecter et de diffuser des informations. Ces activités sont une condition essentielle de la formation des opinions et des valeurs dans une société démocratique. Reconnue comme un droit de l’homme par la Déclaration universelle des droits de l’homme, la

94

liberté d’expression est la raison d’être d’un certain nombre d’exceptions à la protection du droit d’auteur. Ces exceptions permettent aux membres de la société qui désirent utiliser une œuvre protégée par le droit d’auteur pour transmettre leur propre message, ou qui voudraient simplement utiliser les informations et les idées contenues dans une telle œuvre, d’en faire certaines utilisations sans demander le consentement du titulaire des droits. Le droit de citer des œuvres à des fins de critique et de reportage, ainsi que le droit de reproduite une œuvre à des fins de parodie revêtent une importance particulière parmi les limitations admises dans les lois sur le droit d’auteur pour protéger la liberté d’expression des utilisateurs et promouvoir la libre circulation de l’information. De fait, le droit de citation est la seule exception obligatoire prévue par la Convention de Berne, qui autorise à citer les œuvres déjà publiées à condition que les citations soient conformes aux bons usages et dans la mesure justifiée par le but à atteindre. La Convention ne contient pas d’indications spécifiques quant à la longueur permise de la citation, mais certaines législations nationales prescrivent des chiffres précis à cet égard. Enfin, en règle générale, le nom de l’auteur et la source de la citation doivent être indiqués dans la citation ou la reproduction de manière appropriée. b-2)- Les limitations en faveur de l’accès aux connaissances Certaines limitations reconnues en faveur des écoles, universités, bibliothèques publiques et institutions similaires visent à encourager la diffusion des connaissances et des informations parmi les membres de la société en général. Ces limitations reflètent l’idée que la société dans son ensemble sera plus bénéficiaire si l’on permet certaines utilisations spécifiques, dans des conditions soigneusement prescrites, sans le consentement du titulaire des droits, que si l’on respecte strictement le contrôle exercé par les titulaires de droits sur leurs œuvres protégées. Le plus souvent, ces limitations couvrent des actes comme la reproduction aux fins de préservation et de remplacement d’exemplaires d’œuvres perdus ou endommagés (dans le cas des bibliothèques), ainsi que la reproduction d’exemplaires d’œuvres protégées à des fins d’enseignement. L’utilisation des œuvres « à titre d’illustrations » (c’est la formulation employée dans la Convention de Berne) peut inclure l’utilisation non seulement de matériels imprimés mais aussi d’émissions de radiodiffusion ou d’enregistrements sonores et audiovisuels. Généralement, ces limitations ne peuvent être invoquées que par les institutions qui n’ont pas de but lucratif et sont financées sur fonds publics. Les lois nationales présentent des variations considérables en ce qui concerne le contenu et la forme de ces limitations. Un certain nombre de lois internes prévoient aussi le paiement d’une rémunération équitable aux titulaires des droits pour certaines des libres utilisations susmentionnées. Parmi les limitations prévues dans les législations nationales qui visent à encourager la diffusion des connaissances et des informations, de nombreux pays ont récemment

95

commencé à adopter des dispositions spécifiques en faveur des personnes handicapées. b-3)- Les limitations en faveur des besoins de justice et d’administration Les besoins de la justice, de l’application de la loi et du fonctionnement des pouvoirs publics ont universellement été reconnus par les lois sur le droit d’auteur. En général, les textes officiels tels que les décisions de justice et les décisions des organes administratifs sont exclus du champ de la protection. Certaines lois ne protègent pas les discours prononcés à l’occasion de procès, de sessions parlementaires ou d’autres manifestations publiques. Enfin, dans la plupart des pays, les œuvres protégées peuvent être produites devant les tribunaux et dans d’autres contextes juridiques à des fins de fourniture de preuves sans l’autorisation du titulaire des droits. b-4)- Les limitations en faveur de l’usage privé Un certain nombre de lois disposent qu’une œuvre peut être reproduite par l’utilisateur pour son usage personnel ou pour un cercle limité de membres de sa famille et d’amis. Pour bénéficier de cette exception, l’œuvre copiée doit en règle générale avoir déjà été rendue publique et l’utilisation ne doit pas avoir de but lucratif. Afin de rémunérer les titulaires de droits, les dispositions relatives à la copie privée sont ordinairement (mais pas toujours) accompagnées de dispositifs de rémunération fondés sur une taxe : ces dispositifs visent à dédommager au moins partiellement les titulaires de droits qui peuvent subir du fait de la copie privée un préjudice considérable, par exemple en cas de photocopie d’œuvres imprimées ou d’enregistrement privé de films et de musique. Des taxes sont généralement perçues sur la vente des appareils de reproduction, tels que les machines à photocopier ou les appareils d’enregistrement, ainsi que sur les supports sonores ou vidéo vierges, et administrées par les organismes de gestion collective, souvent sur une base obligatoire. Avec l’émergence des technologies numériques, la reproduction de contenus protégés devient de plus en plus facile et bon marché. Cela a suscité de vifs débats sur la question de la copie privée ces dernières années.

b-5)- Les limitations en faveur de l’environnement numérique L’environnement numérique, l’utilisation de plus en plus fréquente des œuvres sur les réseaux numériques et le recours à des mesures techniques de protection (MTP) et à des systèmes de gestion des droits numériques qui visent à faire obstacle à la copie illicite des œuvres protégées, ont suscité un débat animé sur la question de savoir si ces mesures limitent ou non la possibilité d’exercer les libres utilisations légitimes autorisées par les lois nationales sur le droit d’auteur, ainsi que sur les solutions possibles pour apaiser ces tensions. La jurisprudence varie selon les pays et le débat se

96

poursuit : il n’y a pas de solution universellement admise et il appartient aux législateurs et aux tribunaux nationaux de déterminer au cas par cas si les critères généraux du triple test sont remplis. Paragraphe II : Les droits conférés par les droits voisins L’exposé du contenu des droits conférés par les droits voisins précédera celui de leurs limitations. A)- Le contenu des droits conférés par les droits voisins Les droits des artistes-interprètes ou exécutants, ceux des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et ceux des entreprises de communication audiovisuelle seront analysés respectivement. 1)- Les droits des artistes-interprètes ou exécutants

L’artiste interprète est généralement une personne qui interprète ou exécute des œuvres ou des expressions du folklore236. Autrement dit, il s’agit d’un acteur, chanteur, musicien, danseur et autre personne qui interprète ou exécute des œuvres littéraires ou artistiques 237 , c’est-à-dire les créations qui ont droit à la protection du droit d’auteur, indépendamment du fait qu’une telle œuvre soit déjà tombée dans le domaine public au moment de l’exécution et des « expressions du folklore », c’est-àdire des créations des communautés locales qui se sont développées au fil des générations et qui ne remplissent normalement pas les conditions requises pour être protégées par le droit d’auteur238. Conformément aux articles 80 à 83 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit, l’artiste interprète jouit des droits suivants : droit de communication au public de son interprétation ; droit de représentation ; droit de distribution ; droit de location et de mise à disposition ; et de droits moraux239 à l’identification et à l’intégrité, c’est-à-dire le droit d’être identifié en tant qu’artiste-interprète ou exécutant et celui de s’opposer à toute déformation ou autre modification de ses interprétations ou exécutions qui serait préjudiciable à sa réputation. 2)- Les droits des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes

On entend par producteur de phonogrammes la personne physique ou morale à 236

Voir à ce sujet l’article 78 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit pour les définitions.

237 Les

activités des artistes de variétés et de cirque sont mêmes concernées !

238 Voir

article 8 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit pour la définition du folklore. Voir également loi n° 87-806 du 28 juillet 1987 portant protection du patrimoine culturel, JORCI, 17 septembre 1987, p. 354, car le folklore est un élément du patrimoine culturel national de sorte qu’il bénéficie de la protection instituée par cette loi. Pour dire que l’artiste interprète ou exécutant a droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation (le droit moral de l’artiste interprète et exécutant qui est attaché à sa personne). 239

97

l’initiative et sous la responsabilité de laquelle une interprétation ou exécution ou d’autres sons sont fixés pour la première fois. Ce qui est protégé, c’est la fixation des sons sur un support, généralement appelé « phonogramme ». Les sons enregistrés peuvent être – mais pas nécessairement – des œuvres. En tant que tels, les enregistrements de chants d’oiseaux ou de vagues de l’océan, par exemple, sont donc protégeables. Les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes jouissent des droits suivants : droit de reproduction ; droit de distribution et de mise à disposition ; droit de représentation ; droit de location. C’est du moins ce qui ressort de l’article 83 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit qui dispose : « La reproduction, la commercialisation, l’échange ou le louage, la communication au public des phonogrammes et des vidéogrammes sont soumis à l’autorisation préalable du producteur. » 3)- Les droits entreprises de communication audiovisuelle

Conformément à l’article 78 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit, l’entreprise de communication audiovisuelle s’entend de tout organisme et fournisseur de service de communication audiovisuelle, titulaire d’une concession de service publique ou déclarée ou autorisée. Aux termes de l’article 86 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit, « La reproduction des programmes ainsi que leur commercialisation, leur louage ou leur échange, leur télédiffusion et leur communication au public dans un lieu accessible à celui-ci moyennant paiement d’un droit d’entrée sont soumises à l’autorisation préalable de l’entreprise de communication audiovisuelle. » C’est dire que les entreprises de communication audiovisuelle jouissent des droits suivants : droit de fixation ; droit de représentation ; droit de distribution ; droit de réémission des programmes. B)- Les limitations aux droits conférés par les droits voisins Ce sont les mêmes exceptions qu’en droit d’auteur comme le dispose l’article 88 de la loi ivoirienne sur les œuvres de l’esprit : « les limitations prévues aux articles 31, 32 et 33 de la présente loi sont applicables également aux artistes interprètes et aux producteurs de phonogramme et vidéogrammes. »

98

DEUXIÈME PARTIE : LES RÈGLES DE DÉFENSE DU DROIT DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE (Non traité)

99

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

 OUVRAGES 1- ALLA Koffi Etienne, Droit de la propriété intellectuelle, Abidjan, Ed. ABC, 2017. 2- BRAUN Thomas et STRUYE Paul, Précis des brevets d’invention et de la contrefaçon industrielle. Doctrine, jurisprudence, législation belge et congolaise et conventions internationales, Bruxelles et Paris, Établissement Émile Bruylant et L.G.D.J., 1935. 3- BUYDENS Mireille, Droit des brevets d’invention et protection du savoir-faire, Collection Création, Information et Communication, Bruxelles, Larcier, 1999. 4- CHAVANNE Albert et BURST Jean-Jacques, Droit de la propriété industrielle, 5ème éd., Paris, Dalloz, 1998. 5- CORNU Emmanuel, Le droit des affaires en évolution : la propriété intellectuelle omniprésente dans l'entreprise, 2008. 6- GALLOUX Jean-Christophe, Droit de la propriété industrielle, 2ème éd., Paris, Dalloz, 2003. 7- MENIE M'ESSONO Philippe, La protection juridictionnelle dans l'espace OAPI: de la nécessité d'une Cour africaine de propriété intellectuelle, Editions universitaires européennes, 2013. 8- SCHMIDT-SZALEWSKI J. et PIERRE J.-L., Droit de la propriété industrielle, Litec, 1996. 9- VIVANT Michel, Le droit des brevets, Dalloz, 1997. 10- VIVANT Michel, Les Grands arrêts de la propriété intellectuelle, Dalloz 2004.  ARTICLES 1- DENIS EKANI, « Les brevets d’invention », Encyclopédie juridique de l’Afrique, Abidjan-Dakar-Lomé, Les Nouvelles Éditions Africaines, 1982, p. 449-464. 2- PRAT Frédéric, « Afrique : la propriété intellectuelle aux dépens de la ‘‘création variétale’’, consultable sur https://www.infogm.org/spip.php?page=spipdf& spipdf

100

3- Robert PLAISANT, « La loi du 2 janvier 1968 sur les brevets d’invention et ses textes d’application », Recueil Dalloz Sirey, 1969, chron. n° 47, p. 109.  TEXTES 1- Accord de Bangui du 02 mars 1977 instituant une Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle révisé le 24 février 1999 2- Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) 3- Acte uniforme portant organisation des sûretés du 17 avril 1997 4- Arrêté n°47 du 19 août 1999 approuvant l’institution par le Bureau Ivoirien du droit d’Auteur d’un timbre dénommé « sticker » 5- Convention de Berne pour la protection de la propriété littéraire et artistique 6- Convention instituant l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle signé à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifiée le 28 septembre 1979 7- Convention pour la protection de la propriété industrielle fut signée à Paris le 20 mars 1883 8- Décret créant l’office ivoirien de propriété industrielle (OIPI) 9- Décret de 2006 créant la brigade de lutte contre la piraterie et contrefaçon 10- Décret n°2008-357 du 20 novembre 2008 portant réforme du Bureau Ivoirien du Droit d’Auteur (BURIDA) 11- Loi n°96-564 du 25 juillet 1996 relative à la protection des œuvres de l’esprit  JURISPRUDENCES  Côte d’Ivoire 1- CSCJ., Form. Civ., arrêt n°277/12 du 05 avril 2012, inédit (Société WUZHOU Battery Factory /c Société SINO Overseas Corp, TANG CHIN HSU et HSU CHIN HUNG). 2- CSCJ., Form. Civ., arrêt n° ‘’à/12 du 14 juin 2012, inédit (Société des produits NESTLE SA /c DIALLO Koho O. 3- Abidjan, Arrêt n°184/2017 - Affaire : Compagnie Africaine des Produits Alimentaires en Côte D’Ivoire dite CAPRACI c/ Société ANIL / CCJA

101

 Europe 1- Cass. com., 17 oct. 1995, P.I.B.D., 1996. III. 35 ; Bull. civ., 4, n° 232 et sur renvoi, Douai, 16 mars 1998, P.I.B.D. 1998, 3, 289 ; J.C.P., éd. E, 1999, 415, obs. MOUSSERON. 2- Cass. com. 12 déc. 1995, Bull. civ., 4, n° 291. 3- Décision T 472/92 de la Chambre de recours technique de l’Office européen de brevet en date du 20 novembre 1996.  DOCUMENTS D’INFORMATIONS 1- Association internationale pour la protection de la propriété intellectuelle (AIPPI), Rapport de synthèse Q 213 : L’homme du métier dans le contexte de la condition de l’activité inventive prévue par le droit des brevets, p. 7. 2- OAPI Magazine, http://www.oapi.int/Ressources/oapimagazine/2015/ OAPI_MAG_027_DECEMBRE_2015.pdf 3- OMPI, « Comprendre la propriété industrielle », p.6, consultable sur www.wipo.int/ebookshop.

102

TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION GÉNÉRALE ..................................................................................................................... 1 Paragraphe I : Les enjeux du droit de la propriété intellectuelle ............................................ 2 Paragraphe II : L’historique du droit de la propriété intellectuelle ......................................... 4 Paragraphe III : Les sources du droit de la propriété intellectuelle ........................................ 6 A- Les sources internationales............................................................................................. 6 1. L’accord de Bangui Révisé ........................................................................................... 6 2. La Convention d’Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle ........ 8 3. La Convention de Berne pour la protection de la propriété littéraire et artistique ... 8 4. L’Accord sur les ADPIC ............................................................................................... 10 5. Le nouvel Acte uniforme de l’OHADA portant organisation des sûretés .................. 11 B- Les sources nationales .................................................................................................. 12 Paragraphe IV : L’orientation du cours.................................................................................. 13 PREMIÈRE PARTIE : LES PRINCIPES DE BASE DU DROIT DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ............ 14 CHAPITRE I : LES DEUX PRINCIPALES CATÉGORIES DU DROIT DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ....................................................................................................................................................... 14 Section I : le droit de la propriété industrielle........................................................................... 14 Paragraphe I : Les créations à caractère technique .............................................................. 14 A)- Le brevet d’invention ................................................................................................... 15 1°)- Définition du brevet d’invention ............................................................................ 15 a)- Approches de définition du brevet d’invention ................................................... 15 b)- Les éléments à retenir dans la définition du brevet ............................................ 16 b-1)- Le brevet est un titre ........................................................................................ 16 b-2)- Le brevet, un titre délivré par une autorité publique ....................................... 18 2°)- Les conditions de la brevetabilité : ......................................................................... 18 a)- Les conditions de fond de brevetabilité : ............................................................. 18 a-1)- La création doit être une invention : ................................................................ 19 a-2)- Cette invention doit être nouvelle .................................................................... 24 a-3)- Cette invention doit impliquer une activité inventive ...................................... 26 a-4)- Cette invention doit être susceptible d’application industrielle ...................... 36 b)- La condition de forme de brevetabilité : ............................................................. 39 B)- Le modèle ou le certificat d’utilité ............................................................................... 40 C)- Le certificat d’obtention végétale (COV) ..................................................................... 42

103

1°)- Définition du certificat d’obtention végétale ......................................................... 42 2°)- La protection des obtentions végétales ................................................................. 43 Paragraphe II : Les créations à caractère ornemental : les dessins ou modèles industriels . 45 A)- Définition et fonction du dessin ou modèle industriel ................................................ 45 B)- Protection du dessin ou modèle industriel .................................................................. 46 C)- Le cumul de protection du dessin ou modèle industriel ............................................. 48 Paragraphe III : Les signes distinctifs ..................................................................................... 49 A)- La marque de produits ou de services ......................................................................... 49 1°)- Définition de la marque de produits ou de services ............................................... 50 2°)- Fonctions de la marque : ........................................................................................ 50 a)- Fonction de distinction de la marque : ................................................................ 51 b)- Fonction de garantie de la marque : .................................................................... 51 c)- Fonction d’attraction ou de promotion de la commercialisation de la marque : 51 3°)- Protection de la marque de produits ou de services : ............................................ 52 4°)- Les différents types de marque : ............................................................................ 53 a)- La marque individuelle et la marque collective ................................................... 53 b)- Le régime spécial de la marque notoire ou renommée ....................................... 54 B)- Le nom commercial (et les dénominations) ................................................................ 55 C)- L’indication géographique ........................................................................................... 56 Section II : Le droit de la propriété littéraire et artistique (droit d’auteur et droits voisins) .... 58 Paragraphe I : Le droit d’auteur ............................................................................................ 58 A)- Définition du droit d’auteur ......................................................................................... 59 B)- Les conditions de protection du droit d’auteur ........................................................... 60 1)- L’exigence d’originalité ............................................................................................ 60 2)- La non exigence de formalités ................................................................................. 62 3°)- L’exigence de fixation dans le droit d’auteur ?....................................................... 63 C)- Les titulaires du droit d’auteur .................................................................................... 64 1°)- Les titulaires originaires .......................................................................................... 64 2°)- Les titulaires dérivés ou successifs ......................................................................... 71 Paragraphe II : Les droits voisins ou connexes ...................................................................... 71 A)- Définition du droit voisin ............................................................................................. 71 B)- Les bénéficiaires des droits voisins .............................................................................. 72 CHAPITRE II : LES DROITS CONFÉRÉS PAR LES TITRES DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE................ 73 Section I : Les droits conférés par les titres de propriété industrielle ...................................... 73

104

Paragraphe I : Les droits conférés par le brevet d’invention ................................................ 73 A)- Le contenu des droits conférés par le brevet d’invention ........................................... 73 B)- Les limitations aux droits conférés par le brevet d’invention ..................................... 74 C)- Considérations particulières sur la copropriété et les inventions de salariés : ........... 75 1°)- La copropriété du brevet d’invention ..................................................................... 75 2°)- Les inventions de salariés ....................................................................................... 75 Paragraphe II : Les droits conférés par le modèle d’utilité ................................................... 76 A)- Le contenu des droits conférés par le modèle d’utilité ............................................... 76 B)- Les limitations aux droits conférés par le modèle d’utilité.......................................... 76 Paragraphe III : Les droits conférés par la marque................................................................ 76 A)- Le contenu des droits conférés par la marque ............................................................ 76 B)- Les limitations aux droits conférés par la marque ....................................................... 77 Paragraphe IV : Les droits conférés par le dessin ou modèle industriel ............................... 77 A)- Le contenu des droits conférés par le dessin ou modèle industriel ............................ 77 B)- Les limitations aux droits conférés par le dessin ou modèle industriel ....................... 77 Paragraphe V : Les droits conférés par le nom commercial.................................................. 78 A)- Le contenu des droits conférés par le nom commercial ............................................. 78 B)- Les limitations aux droits conférés par le nom commercial ........................................ 78 Paragraphe VI : Les droits conférés par le certificat d’obtention végétale ........................... 78 A)- Le contenu des droits conférés par le certificat d’obtention végétale........................ 78 B)- Les limitations aux droits conférés par le certificat d’obtention végétale .................. 79 Paragraphe VII : Les droits conférés par le certificat d’enregistrement de l’indication géographique......................................................................................................................... 79 A)- Le contenu des droits conférés par le certificat d’enregistrement de l’indication géographique..................................................................................................................... 79 B)- Les limitations aux droits conférés par le certificat d’enregistrement de l’indication géographique..................................................................................................................... 80 Section II : les droits conférés par la propriété littéraire et artistique ...................................... 80 Paragraphe I : Les prérogatives du titulaire du droit d’auteur .............................................. 80 A)- Le contenu des droits conférés par le droit d’auteur .................................................. 80 1°)- Le droit moral ou extrapatrimonial de l’auteur ...................................................... 80 a)- Les caractéristiques des droits moraux de l’auteur ............................................. 81 b)- le contenu des droits moraux de l’auteur............................................................ 81 2°)- Les droits patrimoniaux de l’auteur........................................................................ 83 3)- La durée des droits d’auteur : .................................................................................. 89

105

B)- Les limitations aux droits conférés par le droit d’auteur ............................................. 90 1)- Les limitation de la durée de la protection du droit d’auteur : ............................... 90 2)- Les limitations du contenu du droit d’auteur : ........................................................ 91 a)- Les principales limites ou exceptions au droit d’auteur ...................................... 91 b)- Le fondement ou les justifications des limitations du contenu du droit d’auteur ................................................................................................................................... 93 b-1)- Les limitations en faveur de la liberté d’expression ......................................... 94 b-2)- Les limitations en faveur de l’accès aux connaissances ................................... 95 b-3)- Les limitations en faveur des besoins de justice et d’administration............... 96 b-4)- Les limitations en faveur de l’usage privé ........................................................ 96 b-5)- Les limitations en faveur de l’environnement numérique ............................... 96 Paragraphe II : Les droits conférés par les droits voisins ...................................................... 97 A)- Le contenu des droits conférés par les droits voisins .................................................. 97 1)- Les droits des artistes-interprètes ou exécutants.................................................... 97 2)- Les droits des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes ..................... 97 3)- Les droits entreprises de communication audiovisuelle.......................................... 98 B)- Les limitations aux droits conférés par les droits voisins............................................. 98 DEUXIÈME PARTIE : LES RÈGLES DE DÉFENSE DU DROIT DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE.......... 99 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ....................................................................................................... 100

106