Concept Bobath Et Rééducation en Neurologie [PDF]

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Zitiervorschau

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 26-060-B-10

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Concept Bobath et rééducation en neurologie H Cochet T Allamargot A Bertin P Jaillard S Lapierre T Lassalle

Résumé. – Bertha et Karel Bobath ont progressivement formulé, au travers de leurs pratiques et de leurs écrits, une conception évolutive de la rééducation des patients cérébrolésés. Elle repose sur une compréhension hiérarchisée du fonctionnement du système nerveux central. De nombreuses réactions motrices préexistent, se régulent entre elles, et sont affinées par le contrôle volontaire afin de produire la sélectivité, la diversité et l’adaptabilité caractérisant notre patrimoine moteur. Les désordres observés en pathologie dans la répartition du tonus et l’organisation du mouvement s’expliquent par la libération de ces réactions et la perturbation de leur régulation. Le rééducateur développe sa connaissance du déroulement « normal » du mouvement humain dans ses multiples variations. Son œil, sa main, en acquièrent l’habitude. Normalisation du tonus, guidage gestuel avec inhibition des schémas parasites et facilitation de séquences perceptivomotrices physiologiques tentent, dans un échange infini de sensations et d’informations, de conduire le patient à construire ou reconstruire une motricité et un maintien postural optimaux. Les activités proposées sont globales ou segmentaires, libres ou finalisées, impliquant un corps à corps thérapeutique précis et dynamique. Le modelage de l’environnement, la prise en compte du handicap global, font partie de cette approche transdisciplinaire. C’est constamment l’amélioration de la qualité de vie du patient qui anime le projet thérapeutique. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Intentions

© Elsevier, Paris

Cet article cherche à mettre à disposition du lecteur, qu’il soit rééducateur, prescripteur ou concepteur de dispositifs de rééducation en neurologie, les éléments constitutifs d’une réflexion qui fut impulsée par les travaux de Bertha et Karel Bobath. Il tente de mettre l’accent sur une vision globale de la prise en charge des patients neurologiques, sur une forme d’interaction clinique au plus près de chaque cas, sur une conversation rééducative de corps à corps tournée vers l’établissement ou le rétablissement d’une gestuelle plus adaptée, moins coûteuse et plus efficace. Ce point de vue interactionniste, soucieux d’agir autant avec la personne éduquée ou rééduquée qu’avec son environnement, trouve tout son sens dans l’expression « échange infini ». Observer, guider, apporter l’aide minimale, inventer sans cesse des situations

Hervé Cochet : Cadre de santé masseur-kinésithérapeute. Thierry Allamargot : Cadre de santé masseur-kinésithérapeute. Annie Bertin : Cadre de santé masseur-kinésithérapeute. Pascale Jaillard : Cadre de santé masseur-kinésithérapeute. Sylvie Lapierre : Cadre de santé masseur-kinésithérapeute. Thierry Lassalle : Cadre de santé masseur-kinésithérapeute. IFMK école d’Assas, IFMK Guinot, IFMK Valentin Haüy, IFMK Lariboisière, unité de rééducation Widal 0, professeur O Dizien, service du professeur Bussel, hôpital Raymond-Poincaré, 104, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches, France.

rééducatives aux limites des possibilités du patient dans des conditions motrices et posturales les plus proches possibles de la normale, solliciter ses sensations, sa compréhension, son organisation motrice, sont les bases de cette réflexion, mêlant connaissances et astuces, remises en cause et obstination. La finalité de cet article est d’aider chacun à concevoir sa propre approche neurologique rééducative, en évoquant une façon de penser évolutive, une façon de concevoir les patients neurologiques, enfants ou adultes, celle qu’a vécue, explorée, développée, expérimentée et théorisée le couple Bobath. Les Bobath, particulièrement au travers de leurs écrits, se sont toujours tournés vers l’édification d’une expérience clinique argumentée par des appuis théoriques solides et référencés. Simultanément, leur démarche s’est essentiellement fiée à la compréhension de chaque cas particulier. Abordée et comprise sous l’angle d’un concept et non d’une méthode ou d’une idéologie, l’approche Bobath est destinée à alimenter le débat, à enrichir la prise en charge éducative et rééducative des patients neurologiques, tout en prenant en compte les paramètres essentiels que constituent les situations sociales, économiques et culturelles du monde de la santé dans lequel elle se développe.

Qu’est-ce qu’un concept ? U n c o n c e p t e s t u n e re p r é s e n t a t i o n intellectuelle. Il constitue un objet abstrait formé par l’esprit, donc issu d’une conception. Un concept est alors une façon singulière de comprendre, de saisir, de décrire une réalité concrète. Mais simultanément, un concept contient du nouveau, jamais énoncé jusque-là, témoignant d’un effort créateur, d’une nouvelle organisation de faits, de connaissances et d’idées. Ici, il s’agit d’une façon de comprendre les dysfonctionnements résultant de perturbations du système nerveux central (SNC), de théoriser une observation clinique afin d’agir en ayant l’espoir de quelque influence sur l’évolution de la reconstruction neurologique. Comme toute conception en rééducation, elle est le fruit d’observations minutieuses, de connaissances en physiologie neurologique et en physiopathologie, mais aussi de conditions particulières d’exercice des professions rééducatives dans un monde de santé singulier, celui du Royaume-Uni, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Elle prend ses racines dans une tradition « neuromusculaire » propre à l’Europe centrale de l’entre-deux guerres. Présenter un concept, c’est tenter d’aider le lecteur à se forger une représentation

Toute référence à cet article doit porter la mention : Cochet H, Allamargot T, Bertin A, Jaillard P, Lapierre S et Lassalle T. Concept Bobath et rééducation en neurologie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation, 26-060-B-10, 2000, 14 p.

Concept Bobath et rééducation en neurologie

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intellectuelle et non une collection gestuelle fermée d’exercices. Celui-ci doit nous permettre de réfléchir la rééducation future que notre société proposera aux patients neurologiques dans des contextes humains, scientifiques et sociologiques non encore prévisibles.

Historique

[3, 7, 15, 21, 30]

Le Docteur Karel Bobath (84 ans) et Madame Bertha Bobath (83 ans) se sont éteints ensemble le 20 janvier 1991. Leur approche de la rééducation des patients souffrant d’une atteinte neuromotrice d’origine cérébrale continue d’être le modèle le plus pratiqué en Angleterre et dans de nombreux autres pays. Bertha, née à Berlin en 1907, est originaire d’Europe centrale et, de ce fait, de culture gestaltiste. En cela, elle est sûrement d’ores et déjà plus orientée vers l’observation des phénomènes dans leur configuration globale que n’y dispose la culture occidentale d’inspiration cartésienne. Elle fuit Berlin en 1938, où elle exerce le métier d’« éducateur physique » depuis 1926. Étant de confession juive, elle avait dû renoncer à son poste depuis 1933. Elle vient à Londres où elle retrouve Karel, lui-même réfugié juif de Tchécoslovaquie. Ils se marient en 1941. Bertha possède de solides convictions en ce qui concerne la manipulatio n e t l e positionnement des patients spastiques. Elle croit, selon des résultats antérieurs, que le thérapeute, grâce à sa technique, peut normaliser le tonus et faciliter l’expression d’une motricité plus normale. Employée à l’hôpital de la princesse Louise, elle a l’occasion de valoriser ses conceptions sur la régulation du mouvement et la relaxation du tonus en aidant un peintre portraitiste célèbre à retrouver son adresse artistique perdue suite à une hémiplégie droite. En 1944, elle crée à Londres une unité de traitement pour enfants spastiques. Elle obtient en 1950 le diplôme de la Société de kinésithérapie britannique et est intronisée membre de cette même Chartered Society of Physiotherapy en 1954, sur les bases de sa thèse intitulée « Anomalies des réflexes de postures dans les lésions cérébrales ». Pendant cette période, Karel obtient son diplôme de médecin et travaille à la fois comme assistant en psychiatrie et dans un service accueillant des déficients mentaux. Bertha commence à enseigner en 1951. Cette même année, elle ouvre le Western Cerebral Center, une clinique privée où elle emploie Karel comme consultant à partir de 1957. Au sein de ce centre, ils développent l’idée que la spasticité n’est pas un état figé, mais qu’elle peut être influencée par une rééducation appropriée. Karel fournit la majorité des bases théoriques de la réussite pratique de Bertha, et ses travaux remettent en question les croyances médicales de l’époque. En effet, pour lui, les enfants 2

présentant une atteinte neurologique ne naissent pas avec des cinèses anormales, mais ils développent celles-ci alors qu’ils tentent d’évoluer dans leur environnement. L’intervention thérapeutique précoce serait donc d’une grande aide en guidant ce développement, évitant l’inscription de schémas irréversibles. Karel développe la théorie du « mécanisme normal de réflexe de posture » comme une explication du contrôle postural par rapport à la gravité. Faisant suite aux travaux de Sherrington, elle inclut un grand nombre d’aspects du tonus, i n c o r p o r a n t l e s i n fl u e n c e s i n t r a - e t extraneurologiques. Elle s’éloigne d’une action réflexe pure et s’ouvre vers des éléments comme la longueur et la tension des tissus changeant le niveau d’éveil, les contrôles a priori et a posteriori. Le centre va rapidement intégrer un large éventail de personnels de santé convertis aux idées des Bobath. À ce titre, il sera rebaptisé « The Bobath center ». L’observation clinique fine et globale est au centre de la démarche de Bertha. Cette disposition d’esprit, alliée à bien d’autres qualités personnelles, s’exprime dans la description clinique des postures globales pathologiques chez le sujet cérébralement lésé. Cette piste reste la nôtre. Ses remarquables qualités « gnosiques » se retrouvent dans les sculptures qu’elle modèle. L’esprit des années 1940 concernant les cerebral palsy tient ces atteintes pour des « états » relativement immuables, au pronostic sombre, à aborder de façon quasi exclusivement orthopédique. Quelle force de conviction a-t-il fallu déployer pour s’arracher d’une vision fixe d’un cerveau câblé et défendre un concept tourné au contraire vers le mouvement, la possibilité d’agir sur les structures neurologiques via leur fonctionnement, esquissant une forme de plasticité que l’avenir a largement confirmée. Oser penser en termes de régulation la rééducation, oser penser en dynamique l’évolution des patients, c’était sortir du fatalisme, de l’inéluctable, et ouvrir la piste menant à l’exploitation rééducative du projet du patient. La visée des Bobath était d’œuvrer pour la qualité de vie de leurs patients.

Grands traits du concept Bobath L e c o n c e p t d e B o b a t h re l è v e d e l a cybernétique, qui est schématiquement un mode de pensée en boucle conservatrice (fig 1) [20]. Lorsqu’un système fonctionnant voit, par perturbations internes ou externes, ce fonctionnement se décaler d’une norme choisie, un message d’écart apparaît qui va, en retour, influencer ce fonctionnement afin de le ramener vers cette norme. C’est l’information issue de l’écart qui génère la correction et réduit cet écart. Cette notion de

Kinésithérapie

Positionnement global et segmentaire / inhibition-facilitation / guidages / paroles / stimulations tactiles, proprioceptives visuelles et vestibulaires

Rééducateurs environnements

Échange infini

Patient

Cinèses libres ou finalisées, motricité, automatique et réflexe réactions : segmentaires / toniques / de redressement / d'équilibration / de protection

1

Concept Bobath : boucle cybernétique.

régulation réductrice d’écart par rétrocontrôle (feed-back) peut se complexifier en multipliant la quantité et en diversifiant la qualité de ces boucles régulatrices. Le système va passer progressivement de boucles correctrices externes, longues, nécessitant répétition, à des boucles internes, autoconçues et anticipatrices. Il y a intériorisation des boucles de régulation ; le système s’approprie ce qui provoque la régulation. Ainsi, il n’y a pas que maintenance dans un état constant, mais possibilités d’évolution, d’apprentissage. Ici, le système fonctionnant est le SNC : sensations, tonus, motricités, projets, avec une organisation considérée comme hiérarchisée, allant du plus simple au plus complexe. La perturbation est constituée par les dysfonctionnements de ce SNC résultant de la non-organisation ou de la désorganisation liée à la pathologie innée ou acquise. Ces perturbations sont lisibles dans les interactions gestuelles et sensorielles qu’entretient le patient avec son environnement. La norme de fonctionnement du système choisi pour référence à la régulation à mettre en œuvre est le fonctionnement postural et gestuel habituellement rencontré dans l’espèce humaine lors de sa vie quotidienne. Cette norme n’est donc pas fixe. Elle est large, spécifique à chaque individu, fl u c t u a n t e . L a n e u ro p h y s i o l o g i e , l a psychologie du mouvement et de la posture sont loin de pouvoir nous en donner actuellement une description satisfaisante. Seule la clinique nous permet de la connaître quotidiennement. De ce fait, pour le rééducateur, observer, guider, travailler avec des personnes au SNC exempt de toute pathologie mais aux aptitudes motrices et perceptives variées, c’est se former à cette référence, c’est se forger une aptitude à apprécier l’écart, source de la rééducation à concevoir avec le patient neurologique. En rééducation, espérer rejoindre cette norme par message correctif, c’est soit aller dans le sens inverse de la perturbation, soit tenter de reproduire caricaturalement la norme estimée. Il y a nécessité d’un dosage demandant à son tour régulation et prise de décision : « j’inverse tout ce que je vois de

Kinésithérapie

Concept Bobath et rééducation en neurologie

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Conception du système nerveux central [10, 33]

La vision rééducative développée par les Bobath était sous-tendue par une conception du SNC. Elle s’alimentait des connaissances de neurophysiologie accumulées avant eux sur l’animal et l’homme, qui sont en grande partie encore d’actualité, du moins au travers des notions fondamentales qu’elles posent. PREMIÈRE NOTION

2

Position « amazone » : facilitation de la flexion-rotation-ouverture du tronc par guidage manuel et saisie de cône en auto-inhibition.

perturbé ? », « je corrige, symétrise, donne un aspect extérieurement normal ? », « j’amène l’aide minimale diminuant la perturbation que je vois ? ». Les options sont à débattre. La rééducation va jouer cet effet régulant propre à la boucle cybernétique : – par le corps à corps, la « prise en main » (handling) du patient par le rééducateur qui va tenter d’induire des réponses posturales et motrices proches de la normale attendue dans une situation donnée (gestes libres, gestes finalisés dans un contexte, gestes de la vie quotidienne, langage) (fig 2) ; – par une étude et une adaptation de l’environnement ayant un effet de rappel permanent correctif auprès du patient dans toutes ses interactions (locaux, habitat, mobilier, objets, organisation spatiale globale et rapprochée...). Cette boucle de correction permanente s’installe le plus souvent possible aux limites précises des possibilités du patient. Elle exige un processus d’évaluation non moins permanent : rééduquer et évaluer sont mêlés au point d’être mêmes, car le message d’écart est source directe du message de correction. La rééducation laisse se dérouler et encourage tout ce qui est proche de la norme posturale et motrice, niveau d’écart tolérable à définir et réajuster sans cesse, et influence par inhibition-facilitation tout ce qui constitue un décalage au-delà de ce niveau. La boucle de correction se déroule instantanément dans un dialogue ininterrompu : elle est « échange infini ». Elle utilise et stimule tous les canaux sensitivosensoriels permettant au SNC rééduqué d’apprécier et peut-être d’apprendre les effets correcteurs. L’idée d’échange contient l’idée d’attention portée, lorsque celle-ci est mobilisable. Sur le plan de la temporalité, cet apprentissage mêle le temps court de la correction instantanée de chaque position et de chaque geste, et le temps long de la vie quotidienne limitant, au minimum

3 Retournement : auto-organisation à partir d’un geste finalisé avec recherche de précision et stimulation visuelle utilisant la couleur. d’occurrence l’apparition de perturbations. Le modelage de l’environnement et la participation de l’entourage et de l’équipe pluridisciplinaire constituent la constance de ce temps long. En pratique, cette boucle de régulation éducative et rééducative peut se comprendre comme une recherche constante de la « normalisation » tonique posturale et motrice gestuelle par facilitation-inhibition provenant de l’extérieur du patient (rééducateur, environnement), s’ajoutant de façon minimalement dosée et adaptée aux tentatives volontaires et automatiques de ce dernier. L’ensemble, contrôle maximal réalisable par le patient et aide minimale apportée par le rééducateur, converge vers la sensation d’un déroulement normal postural et gestuel dont la prise en compte sensitivosensorielle stimule et guide le SNC perturbé dans sa construction ou reconstruction. Les points cruciaux pour le rééducateur sont : – une familiarité avec le « bouger » de l’être humain ; – une aptitude à observer, ressentir et interpréter l’écart produit par l’organisation tonique et motrice d’un patient en regard d’une gestuelle humaine habituelle pour une même activité ; – une aptitude à concevoir des situations éducatives et rééducatives manuelles (fig 3) et des transformations de l’environnement susceptibles de réguler avec dosage cet écart ; – une aptitude à proposer, aux portes d’entrées sensitivosensorielles et attentionnelles du patient (quel que soit leur niveau de fonctionnement ou de déficit), des informations susceptibles de provoquer l’appropriation la plus évoluée possible de ces régulations [26, 33]. Pour passer à la concrétisation, il nous faut maintenant explorer les différents acteurs formant cette boucle cybernétique dans la vision des Bobath.

Le SNC est un organe coordinateur. Son premier rôle est de coordonner les multiples informations sensitivosensorielles et les intentions de l’individu afin de fournir des réponses adaptées. Il constitue une interface intégrative et active entre environnement et individu. Ceci souligne l’importance de l’environnement et la nécessité d’utiliser des situations diversifiées sollicitant des adaptations variées. Ceci souligne également l’importance de l’intentionnalité gestuelle à solliciter et valoriser. DEUXIÈME NOTION

La conception de réponses motrices conduit à comprendre que les muscles sont groupés selon des schémas d’action coordonnés. Jakson (cité par Walch, 1946) affirme « le cortex ne sait rien des muscles, il ne connaît que les mouvements. » Ceci permet de comprendre que, lors de la réalisation d’un mouvement, nous ne sommes pas conscients du fonctionnement de chacun des muscles intéressés par ce mouvement. Ce point, pour la rééducation, nous indique la nécessité de choisir des cinèses expressives de la gestualité humaine, des consignes verbales appropriées, et de ne pas demander au patient de « faire travailler » tel ou tel groupe musculaire. De là à une demande tournée vers la réalisation d’une action finalisée, il n’y a qu’un pas souvent franchi dans le travail Bobath, et développé dans celui proposé ultérieurement par Perfetti. TROISIÈME NOTION

Une grande partie de nos mouvements volontaires est en fait automatique, et par-là, e x t é r i e u re à n o t re c o n s c i e n c e . C e c i s’applique surtout aux adaptations posturales des différentes parties du corps. Pour maintenir une attitude et l’équilibre correspondant, le SNC mobilise des centres relativement bas situés dans le tronc cérébral, le cervelet, les ganglions basaux et le cerveau moyen. Toute lésion du SNC provoque une coordination anormale de l’action musculaire et non une paralysie des muscles. Les schémas anormaux de posture qui en résultent sont typiques et stéréotypés, et en grande partie responsables de l’aspect caractéristique et facilement reconnaissable des mouvements et des attitudes des 3

4

t o n i q u e s

R é a c t i o n s

s e g m e n t a i r e s

R é a c t i o n s

- Elle peut être déclenchée par la flexion d’un membre en passif ou en actif (fig 18) - Si elle apparaît en charge, elle renforce la réaction positive de support

Forme de protection, elle explique certaines réactions de triple extension d’un membre, irrépressible lors d’un petit déséquilibre du tronc

Elle est : - plus prononcée aux MS - d’installation lente si la flexion ou l’extension est passive - d’installation plus « franche » si réalisée en actif contre résistance

Une stimulation nociceptive entraîne un retrait du membre stimulé et une réponse en allongement du membre opposé par augmentation du tonus des extenseurs

En appui unipodal, le fait de s’incliner du côté opposé à l’appui, déclenche une contraction des extenseurs du MI libre l’amenant à prendre appui

- En quadrupédie la flexion du cou augmente le tonus des fléchisseurs des MS et des extenseurs des MI. L’extension du cou aboutit au schéma inverse - Pour d’autres positions la flexion du cou augmente le tonus des fléchisseurs des quatre membres ; l’extension assurant la répartition inverse

Réaction d’extension croisée

Réaction de déplacement

Réaction tonique symétrique du cou

Cette réaction prédomine aux MI et s’installe lentement. Elle est plus « franche » si le mouvement lombaire est actif

Cette réaction prédomine aux MI et s’installe lentement. Elle est plus « franche » si le mouvement lombaire est actif

- Elle prédomine aux muscles de l’axe et de la racine des membres - Elle est d’installation lente - La réaction en extension est renforcée par le contact occipital

- La flexion de la région lombaire (délordose) augmente le tonus en flexion des quatre membres - Sa mise en extension (lordose) augmente le tonus des extenseurs

L’avancée ou l’élévation d’un hémibassin entraîne, du côté avancé (ou élevé), l’augmentation du tonus en extension du MI et en flexion du MS, et une répartition inverse du côté reculé (ou abaissé)

En dorsal, le tonus des extenseurs est maximal ; en ventral le tonus des fléchisseurs est maximal

Réaction tonique symétrique lombaire

Réaction tonique asymétrique lombaire

Réaction labyrinthique

Elle est : - plus prononcée aux MS - d’installation lente si la rotation est passive - d’installation plus « franche » si la rotation est active contre résistance - particulièrement présente en décubitus dorsal et assis avec extension du cou, plutôt inhibée en position enroulée ou en station debout prolongée. Il existe fréquemment un côté préférentiel

Elle peut être déclenchée par la suppression du contact avec la surface d’appui et/ou la flexion des articulations proximale ou intermédiaire

C’est le relâchement de la réaction précédente. Le membre entier se relâche au niveau de toutes les articulations et est prêt à se mouvoir

Réaction négative de support

Augmentation du tonus : - d’extension des membres « mâchoires » (du côté de la rotation) - de flexion des membres « crânes », dit « réflexe de l’escrimeur »

Elle est déclenchée par : - la flexion dorsale de l’extrémité distale du membre - le contact du talon de la main ou du pied sur le support

- L’appui d’un membre le transforme en pilier capable de supporter tout ou une partie du poids du corps - Elle résulte d’une cocontraction extenseurs-fléchisseurs

Réaction positive de support

Réaction tonique asymétrique du cou

Remarques concernant sa mise en fonction

Description

Nom de la réaction

Tableau I. – Réactions posturales [10, 24].

- Elle peut motiver le choix d’une position privilégiée pour inhiber les schémas toniques prédominants - Le passage lent de latérodorsal à latéroventral permet d’esquisser un schéma de pas antérieur

Elle est particulièrement intéressante dans le guidage de la marche

- Prévoir le positionnement et/ou la mobilisation de la région lombaire avant de s’intéresser aux MI - Creuser la région lombaire pour préparer le passage assis-debout

- Elle permet la facilitation-inhibition de schéma des MS et parfois des MI - Elle demande au patient un contrôle progressif des membres lors des mouvements de la tête au cours de ses intentions motrices : regard, préhension, prise d’appui (fig 27)

- Elle permet la facilitation-inhibition de schémas des MS et parfois des MI - Elle est à prendre en compte dans le positionnement du rééducateur par rapport au patient (fig 6)

- Elle peut permettre la recherche d’appui d’un membre présentant une attitude en « héron » - Elle demande de la part du rééducateur un contrôle fin du tronc dans les transferts d’appui et les exercices de déséquilibre (fig 25)

- Elle permet de réguler un schéma prédominant en raccourcissement - Elle peut créer une esquisse de marche automatique

- Elle permet de guider un membre en le maintenant relâché - Elle facilite la sollicitation de mouvement en chaîne ouverte

- Elle favorise la recherche d’appui et de stabilité - Elle va dans le sens de l’inhibition d’un schéma pathologique de raccourcissement - Elle peut être à l’origine d’un redressement plus complet (fig 19)

Exemples d’utilisation en rééducation

Concept Bobath et rééducation en neurologie

- Elle peut influencer la répartition du tonus lors de positions maintenues longtemps - Libérée, cette réaction peut entraîner une hyperextension tête-cou-tronc en décubitus dorsal

Elle participe aux asymétries de répartition de tonus

Le maintien prolongé d’une position lombaire (station assise, station debout) rend plus difficile l’inhibition du tonus des membres inférieurs, soit en flexion, soit en extension

- Son apparition rend difficile la saisie d’un objet pour l’amener vers soi tout en le regardant, il gêne la succion du pouce chez l’enfant - Sa persistance entraîne des schémas asymétriques importants

- Un patient en quadrupédie s’effondre en avant s’il fléchit la tête - En dorsal, une position en flexion du cou longtemps maintenue par un oreiller volumineux peut majorer un schéma pathologique en flexion des MS

- Elle explique des réactions d’allongement d’un MI lors du pas oscillant, limitant la possibilité de flexion dorsale de la cheville et des orteils - Exagérée, la poussée au sol du côté pathologique provoque un transfert d’appui immédiat et soudain du côté sain

- Chez un hémiplégique, le soulèvement du MI sain peut entraîner une poussée violente du MI spastique sur le sol - Par renforcement de la réaction positive de support, elle perturbe le contrôle moteur sélectif - Elle explique certains schémas croisés difficiles à dissocier

Difficile à obtenir chez le patient spastique car la réaction précédente est rarement totalement inhibée

- Elle rend possible la station debout mais sans adaptation - Cette rigidification oblige une autre partie du corps à assumer l’équilibration - Une flexion de l’articulation proximale ou intermédiaire rompt brusquement cette réaction risquant d’entraîner la chute - L’excès d’appui sur les métatarsiens d’un côté peut entraîner le transfert d’appui de l’autre côté et un déséquilibre vers l’arrière

Exemples de conséquences en pathologie

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Kinésithérapie

Cette adaptation est assez lente

- Cette réaction est dérivée de la précédente - En ventral, elle initie le ramper - Elle est d’installation lente (fig 15, 26)

Ce sont des adaptations fines et fluctuantes pouvant prendre de nombreuses formes (ajustements et préajustements posturaux, balanciers, arcboutements...) Elles sont très précises, adaptées aux stimuli (fig 23)

Ce sont des gestes non adaptables, non modulés par le cortex

Les contacts et les appuis d’une zone corporelle axiale avec le support induit l’alignement du reste du corps par rapport à cette zone. Par exemple, en station assise si l’appui prédomine à gauche, l’ensemble du corps sus-jacent se déporte vers la gauche, au-dessus de cet appui

En ventral, le déport du poids à droite entraîne l’ouverture du tronc à droite (côté long), la fermeture du tronc à gauche (côté court) et une rotation du tronc vers la gauche (vers le côté court)

Il s’agit de mouvements compensateurs faisant suite à des déséquilibres du corps, venant d’une influence extérieure ou consécutive à ses propres mouvements

Il s’agit de réactions vives : - protégeant une partie du corps contre une agression extérieure (protection du visage par exemple) - ou modifiant le polygone de sustentation pour éviter la chute (réaction parachute, réaction cloche-pied)

Ce sont des schémas stéréotypés apparaissant lors : - d’un mouvement volontaire - d’un effort physique ou mental - d’une activité complexe - d’une augmentation de l’attention - d’une émotion (fig 27)

Réaction de redressement du corps agissant sur le corps = tronc sur tronc

Réaction amphibienne

Réaction d’équilibration

Réaction de protection

Réactions associées ou syncinésies

Elles entravent la sélectivité des cinèses

Elles sont fréquemment absentes ou inefficaces

- Elles peuvent être retardées ou exagérées (cérébelleux) - Elles peuvent être absentes ou partielles avec incapacité à assumer l’équilibre, signant la désorganisation de la motricité adaptative (fig 30)

Son absence permet d’expliquer la fermeture du tronc du côté portant dans de nombreuses pathologies du SNC

Si cette réaction est perturbée, elle peut pérenniser une organisation asymétrique de l’ensemble du corps

La répartition asymétrique du tonus sur le tronc peut influencer la position de la tête

Une direction pathologique prédominante de la tête va induire une modification de la position du corps

Une asymétrie du regard va modifier la position de la tête dans l’espace

Une asymétrie des informations labyrinthiques va modifier la position de la tête par rapport à la verticale

Exemples de conséquences en pathologie

- Elles justifient un dosage permanent de l’aide minimale apportée aux gestes du patient - La prise de conscience par le patient de leur apparition est nécessaire à leur contrôle

Leur déclenchement peut constituer un moyen de facilitation, d’ébauche de mouvement (fig 22)

- Leur déclenchement peut constituer un moyen de facilitation - Toujours du balancement, de la danse, de la fluctuation ...

Lors de tout transfert d’appui, assis ou debout par exemple, le guidage va insister sur l’ouverture du tronc du côté portant et la rotation du tronc vers le côté porté (fig 10)

Le positionnement et la mobilisation de chaque zone corporelle axiale peut influencer le positionnement et la mobilisation d’une autre zone corporelle

Stimuler la mobilité de l’axe, varier son positionnement, peut influencer les positions et les mouvements de la tête (fig 29)

Construire un maintien postural ou conduire une séquence globale de mouvement demande de guider et contrôler finement l’orientation de la tête dans l’espace (fig 6)

Construire un maintien postural ou conduire une séquence globale de mouvement demande de stimuler et guider l’orientation du regard dans l’espace

Construire un maintien postural ou conduire une séquence globale de mouvement demande de guider et contrôler finement l’orientation de la tête par rapport à la verticale

Exemples d’utilisation en rééducation

Concept Bobath et rééducation en neurologie

MS : membre supérieur ; MI : membre inférieur ; SNC : système nerveux central.

Toutes ces réactions interagissent entre elles et sont modulées à leur tour par la motricité volontaire.

r e d r e s s e m e n t

Tout changement de position du corps entraîne une adaptation de la position de la tête, cette adaptation est assez lente

Tout changement de position de la tête entraîne une adaptation de l’axe du corps, cette adaptation est fine et assez rapide

Le corps se redresse afin de s’aligner par rapport à la tête, il la suit

Réaction de redressement de la tête agissant sur le corps = tête vers corps

Les contacts et appuis du corps sur le support influencent l’orientation de la tête

- Tout changement de direction du regard influence la position de la tête dans l’espace - Cette adaptation est fine et assez rapide

La direction du regard augmente les réactions de redressement de la tête

Réaction optique de redressement = œil vers tête

Lorsqu’il y a changement de position du corps dans l’espace, la tête tend à garder un rapport constant avec la verticale

La tête s’oriente dans l’espace en fonction de la verticale, l’information provient des gravicepteurs du labyrinthe donnant la direction de la pesanteur

Réaction labyrinthique de redressement de la tête = labyrinthe vers tête

Réaction de redressement du corps agissant sur la tête = corps vers tête

d e

R é a c t i o n s

Remarques concernant sa mise en fonction

Description

Nom de la réaction

Tableau I. – (suite) Réactions posturales [10, 24].

Kinésithérapie 26-060-B-10

5

Elles ne peuvent s’exprimer pleinement que si les réactions précédentes ne sont pas exagérées

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patients neurologiques. Ceci se comprend par la diminution d’influence des centres supérieurs, corticaux, sur les centres sousjacents. C’est de ces caricatures posturales et gestuelles qu’il nous faut nous éloigner le plus souvent et le plus longtemps possible. QUATRIÈME NOTION

Le SNC est un emboîtement de systèmes gigognes à la complexité croissante se régulant entre eux. Il est ainsi essentiel dans la conception de la motricité de distinguer : les réflexes posturaux, les réflexes toniques, les réactions de redressement, les réactions associées, et les réactions d’équilibration et de protection (tableau I). Le mouvement intentionnel est un modelage singulier à chaque instant de cette hiérarchie, mince pellicule de volontaire sous-tendue par un ensemble de routines automatiques freinées et adaptées en cascade. Faire un geste, c’est inhiber de nombreuses réactions et empêcher de nombreux autres gestes. Ne rien faire d’une grande partie de son corps, sélectionner un mouvement précis localisé, est une activité complexe mobilisant l’ensemble du SNC. Ne rien faire est donc bien une activité volontaire, au même titre que tenir ou agir. Dans cette conception, tonus, posture et mouvement ne sont pas dissociables mais constituent un « fondu enchaîné ». Le système proprioceptif, au sens large, est chargé de régler le tonus musculaire dans tout le corps afin de conserver une position et/ou d’accomplir un mouvement. Le tonus est un état d’alerte fluctuant. Il n’est pas simplement un état du muscle mais un état adaptatif de l’appareil neuromusculaire et il e s t d i re c t e m e n t e n r a p p o r t a v e c l a c o o rd i n a t i o n q u i , s a n s s o n r é g l a g e permanent, ne peut avoir lieu. S’il y a problème de coordination, il y a problème de tonus et inversement. La perturbation des centres supérieurs parasite la régulation du tonus, entraînant hypertonie ou flaccidité. La spasticité, par exemple, résulte de la libération de l’activité tonique réflexe [10]. Chez l’homme, bien plus que chez l’animal, le SNC supérieur, cortex cérébral, module l’activité des centres sous-corticaux pour permettre la station debout et la marche, de même pour la préhension. L’homme est, de ce fait, dépendant d’une activité corticale intacte. Magnus montre que lorsqu’il y a une lésion du cortex cérébral chez l’animal, celui-ci peut continuer à maintenir sa station debout, alors que l’homme, lorsqu’il n’a plus de contrôle des centres supérieurs, n’en réalise qu’une caricature (rigidité de décérébration de Sherrington). Ceci explique que toute perturbation, même minime, du tonus, entraîne une perturbation immédiatement conséquente des réactions de redressement et des possibilités de coordination et d’ajustement. Les réactions de redressement peuvent être inhibées par des réactions toniques trop importantes car libérées et incapables 6

Concept Bobath et rééducation en neurologie d’adaptation. De même, si les réactions de redressement sont trop activées, il peut y avoir inhibition des réflexes toniques car elles sont hiérarchiquement placées audessus (tableau I). Ce réglage entre réactions de redressement et état tonique justifie l’utilisation en rééducation de travail en charge, de recherche d’appui, de stimulation du redressement chez le patient. Les réactions de redressement jouent un rôle fondamental dans l’évolution motrice de l ’en f an t . El l es so n t i n c o mp l èt emen t développées et coordonnées à la naissance. Seules les réactions de redressement à point de départ cervical et vestibulaire sont très prégnantes. Pour comprendre les troubles du mouvement et de la posture chez le patient neurologique, il est essentiel, pour baser son action régulatrice, de connaître les réactions de l’enfant normal. Ceci constitue la dimension « neurodéveloppementale » du concept de Bobath, aussi bien par l’étude de l’évolution normale que par celle de l’enfant pathologique. SYNTHÈSE

Le SNC est un organisateur de mouvementattitude par réglage constant et fluctuant de répartition tonique sur l’ensemble de la musculature du corps. Le volontaire et l’automatique y sont intimement mêlés par un subtil jeu en « cascade ». Le dessin gestuel résulte du modelage de schémas plus grossiers. Les entrées sensitivosensorielles, et particulièrement proprioceptives, associées aux décisions d’agir ou de réagir, sont à l’origine de cette organisation fine et adaptable. Rééduquer, c’est aider ce modelage, c’est tenter cette organisation à chaque instant, c’est travailler les conditions internes et externes de la production du mouvement. L’approche qui en résulte s’adresse à toute perturbation du SNC de l’enfant ou de l’adulte : patients flasques ou spastiques (hémiplégies, traumatismes crâniens, scléroses en plaques, lésions médullaires), p a t i e n t s i n c o o rd o n n é s ( c é r é b e l l e u x , mouvements anormaux), patients akinétiques (parkinsoniens, autres extrapyramidaux, déficiences mentales).

Gestes du rééducateur

[11, 35]

Toute l’action gestuelle, la prise en main effectuée par le rééducateur, est basée sur la sensation partagée de mise en place d’un tonus, d’une organisation posturale et d’un mouvement « normal », et ce pour chaque situation, chaque instant d’activité. Un équilibre entre inhibition et facilitation est à t r o u v e r, à t o u t m o m e n t , r é p o n s e s rééducatives immédiatement proposées à la réaction obtenue. Le rééducateur aide, guide, stimule, maintient dans un dosage fluctuant mais constant. Le patient cherche à réaliser

Kinésithérapie l’activité correspondant à la demande qui lui est adressée en portant son attention sur les zones à inhiber et les zones à faciliter. C’est un corps à corps aboutissant à l’émergence, par instant, de réalisations dépourvues de parasitage : troubles du tonus, gestes associés, incoordinations, réactions pathologiques. Ainsi, un même geste du rééducateur peut être tour à tour et simultanément inhibiteur et/ou facilitateur, en fonction de la position, de la situation, de l’enchaînement. C’est aussi une négociation constante, attentive à chaque modification et invitant sans cesse le patient à participer et ressentir pour savoir se « manager » soi-même. La mise en scène rééducative du couple rééducateur-rééduqué est tournée vers « vivre » des réactions physiologiques ou « physiomimétiques » grâce à l’aide minimale apportée. Un passant, observant extérieurement la scène, ne verrait pas de prime abord la gêne fonctionnelle du patient, mais une gestuelle proche de la normale, faite d’aisance, de précision, même dans des amplitudes restreintes. Il verrait une organisation globale du corps semblable à celle que son œil connaît par habitude du mouvement humain. Pour mener cette forme de conversation rééducative, le rééducateur connaît les « portes d’entrées » sensitivosensorielles grâce auxquelles ses gestes d’inhibitionfacilitation vont réguler les activités du patient. Les déficits portant sur cette sphère perceptive ne sont pas des gênes entravant la rééducation, mais orientent le rééducateur vers un ou plusieurs types de stimulations particulières. Le rééducateur « Bobath » est : – observateur dans l’espace et dans le temps, partout et tout le temps. Ses yeux ne sont pas posés là où sont ses mains mais voyagent ; – apte à recevoir de l’information, la traiter, et concevoir une réponse dans le même temps, mêlant intimement bilan et traitement (fig 4) ; – prêt à améliorer ses qualités gestuelles, son inventivité face aux réactions du patient. Artificiellement présentée ici en grandes catégories techniques, la pratique Bobath mêle immobilité et mobilité, mouvements globaux et segmentaires, cinèses seules et avec objets. POSITIONNEMENT

¶ Position globale du corps Tout d’abord, chaque positionnement de l’ensemble du corps du patient, au lit, au fauteuil, en rééducation et dans toute activité, est à chaque moment reconsidéré car occasion d’apprentissage. Le SNC « imprime » la configuration corporelle maintenue, l’orientation dans l’espace, et les contacts avec les supports. Installer le plus

Concept Bobath et rééducation en neurologie

Kinésithérapie

ÉTUDE DES ATTITUDES SPONTANÉES

ÉTUDE DES PASSAGES (OU ENCHAÎNEMENTS)

- Positions prises de manière systématique, préférentielle ou occasionnelle - Exagération ou absence anormale de tonus - Asymétrie, fermeture, retrait d'une zone corporelle - Répartition des zones en appui - Mouvements spontanés - Modification de l'attitude et de l'activité gestuelle en réponse à une situation

- Organisation générale du passage d'une position à une autre - Dissociation des différentes parties du corps - Orientation adaptée des réactions motrices mises en jeu - Qualité, dosage, précision des prises d'appui - Intensité de l'effort déployé - Variabilité de la répartition du tonus - Diversité des stratégies utilisées pour chaque passage

ÉTUDE D'ACTIVITÉS COMPLEXES FINALISÉES (marche, préhension...) - Ensemble des critères - Aspect délié, organisé de l'activité - Efficacité fonctionnelle - Économie de réalisation

ÉTUDE DES MOUVEMENTS SEGMENTAIRES, SÉLECTIVITÉ DE LA COMMANDE - Possibilité de mouvements segmentaires sélectifs volontaires - Précision en localisation, direction et vitesse - Possibilité d'arrêt sur demande - Présence de schémas aidant ou s'opposant anormalement à la réalisation - Réactions associées, conditions d'apparition - Positions et/ou manœuvres de facilitation

4

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5

Recherche d’inhibition : par le choix de la position globale (décubitus) ; par l’utilisation de points-clé : au membre supérieur, point-clé proximal avec scapula en abduction-sonnette latérale, point-clé distal avec ouverture de la première commissure, extension des doigts et du poignet ; par l’utilisation de positions d’inhibition : membre inférieur en flexion-abduction-rotation interne de hanche et flexion de genou. Recherche de symétrisation du tronc par avancée et ouverture de l’hémicorps gauche.

ÉTUDE DES RÉACTIONS AUTOMATIQUES D'AJUSTEMENT POSTURAL, D'ÉQUILIBRATION ET DE PROTECTION - Nature, intensité, vitesse des stimuli déclenchant ces réactions - Aspect adapté de la réponse obtenue par rapport au stimulus déclenchant - Caractère spontané ou induit des réponses obtenues - Organisation dans le temps et dans l'espace de ces réponses - Possibilité de réglage et de contrôle volontaire de ces réactions

6 Position ventrale : stimulation du redressement de la tête et du tronc induisant une prise d’appui et une extension du membre supérieur gauche.

Critères d’évaluation qualitative de la posture et du mouvement.

souvent et le plus longtemps possible le patient dans des positions éloignées de celles modelées par ses schémas pathologiques et faire varier ces installations est un acte rééducatif en soi. Chaque position ainsi prise est répartition du tonus et de sensations, préparation aux mouvements et aux perceptions correspondantes. De même, travailler à partir du plus grand nombre de positions gérables, sans douleur, sans effort excessif, et sans apparition de tonus et de mouvements parasites, permet, dans la mesure du possible, de diversifier les stimulations reçues et les situations de maintien postural comme de mouvement. Les réactions physiologiques et pathologiques produites par le patient sont régulées afin que l’ensemble soit peu à peu contrôlé par le patient lui-même. Ce sont des critères de confort, de fonctionnalité et de répartition tonique optimale, qui conduisent à privilégier le travail dans certaines positions. Apprendre dans une position sera objet de transfert pour une autre position (fig 5 à 7). Deux grands axes se dégagent :

– axe fonctionnel (du moins dans nos cultures occidentales) : travail autour des positions couchée, assise, debout ; – axe d’apprentissage perceptivomoteur, s’appuyant sur la reproduction des acquisitions neurodéveloppementales de l’enfant et s’en inspirant très librement : choix de positions variées, sans hiérarchie, choisies pour leur faisabilité et pour l’intérêt postural ou gestuel qu’elles offrent en fonction du patient (chevalier servant, à genoux, petite sirène, amazone, fentes...) (fig 8). Notons enfin que, en regard de la position du patient, le choix de la position du rééducateur (fig 9) constitue en soi une source de facilitation-inhibition : facilité de prise en main, localisation spatiale de la stimulation verbale, perturbation du flux visuel dans l’environnement immédiat du patient, zone et surface de contact. Chaque position du couple rééducateur-rééduqué est comme un mouvement arrêté, un guidage à venir, une plate-forme de lancement pour le mouvement.

7

Chevalier servant : guidage du transfert d’appui vers le pied avant, avec contrôle manuel évitant une réaction associée en adduction-rotation interne du membre inférieur.

¶ Positionnement segmentaire

[8]

Développé essentiellement à partir de la notion de points-clés, il s’agit de parties du corps dont le positionnement a une 7

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Kinésithérapie

8

Position « amazone » acquise.

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Passage couché-assis par appui sur le membre supérieur droit : facilitation de la rotation des épaules vers le côté portant, entraînant une dissociation de ceintures et facilitation de l’extension du membre supérieur gauche avec utilisation d’un point-clé proximal.

9 Guidage à partir de la tête induisant le mouvement souhaité du tronc. influence sur la répartition segmentaire, voire globale, du tonus. Ils sont centraux, proximaux, distaux et « ouvrent les portes » de l’inhibition. Si certains sont assez classiquement décrits (fig 5), même si aucune argumentation neurophysiologique ne vient expliquer leur action, ils sont à chercher pour chaque patient. Leur action varie dans le temps. Ils permettent d’installer, de préparer, mais aussi de guider (fig 9). Au sein même du mouvement, ils représentent une zone contrôle, soutien, aide et conduite du geste. Le positionnement segmentaire, sous l’action des points clés, est maintenu, puis peu à peu obtenu, glissant ainsi progressivement d’une régulation externe à une régulation interne. Ce travail de placement peu à peu, si possible, complètement actif, est lui aussi comme un arrêt sur image au sein d’un mouvement. Réalisé et répété comme autant de séquences successives, il cherche à reconstruire un dessin cinétique. Inversement, le guidage d’un geste permet de repérer quels placements segmentaires sont à privilégier, à approfondir du point de vue d’une régulation perceptivomotrice. La notion de « position d’inhibition », cliché caricatural d’une certaine technicité Bobath, a beaucoup évolué. Depuis la position d’inhibition complète maintenue strictement par force coussins et mousses de toutes 8

10

Passage genoux dressés vers chevalier servant : membre supérieur en autoinhibition, facilitation du transfert d’appui, de la rotation et de l’ouverture du tronc (réaction amphibienne).

formes, la prise en main a fait place progressivement à une vision plus enchaînée d e p o s t u re s e t d e m o u v e m e n t s , d e facilitation et d’inhibition. Cette « inhibition partielle » mélange essai de mouvement dans son imperfection et contrôle assuré par le thérapeute. Mieux vaut obtenir du mouvement incomplet, imparfait, mais manifestant une tentative de régulation, qu’un mouvement qui ne sera finalement jamais sollicité car jamais parfait. L’idée d’inhibition partielle flirte avec la norme mais installe une plage de tolérance laissant de la place à la notion d’essai-erreur afin d’alimenter la boucle interne en éventuelle construction. Enfin, l’idée d’auto-inhibition peut se saisir dans deux directions : – l’auto-inhibition que réalise le patient sur une zone corporelle en la manipulant ou l’installant de façon adéquate (fig 10) ; – l’effort volontaire de mise sous contrôle de schémas anormaux toniques ou syncinétiques par concentration et meilleure connaissance de son fonctionnement dans ses composantes pathologiques. La première aide à « manager », à s’occuper de son propre corps, à se réapproprier les régions neurologiquement déficitaires. La

12

Recherche de sélectivité de la commande en décubitus latéral : facilitation du lâcher par stimulation tactile et inhibition de réactions associées par positionnement segmentaire et global.

seconde est plus proche de l’objectif même de la régulation mise en place ; elle n’est réussie qu’automatisée car utilisable fonctionnellement. Au total, l’ensemble de cette approche, qu’il soit plutôt à visée statique d’installation ou à visée dynamique de guidage, est le fruit de l’observation des schémas prédominants qui perturbent la posture et la gestuelle du patient. Il s’agit bien souvent de travailler en sens inverse, non dans la lutte, ce qui renforcerait ces réactions libérées, mais dans la négociation, le feeling, la recherche de « voies de passage », d’une prise en main spécifique du patient fluctuante au jour le jour. DISSOCIATION OU SÉLECTIVITÉ (fig 11 à 13)

Que ce soit sous l’angle de la commande motrice volontaire ou celui de la coordination des mouvements, la « redescente » dans la hiérarchisation du SNC libère des mouvements en bloc, peu sélectifs, souvent stéréotypés. Tout type de dissociation est recherché. Souvent, dans un premier temps, c’est la zone axiale du corps qui est sollicitée pour reconstruire la posture : dissociation droite-gauche et hautbas, recherche de symétrie ou d’asymétrie,

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Recherche de sélectivité de la commande en position assise : facilitation de l’extension du genou, associée à la flexion de la cheville par stimulation tactile et poussée du talon, et inhibition par avancée de l’hémibassin et point-clé distal en extension des orteils.

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Organisation d’un maintien postural à genoux dressés : le ballon apporte une aide minimale de support et stimule un appui antérieur.

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Passage couché-assis par appui et poussée du membre supérieur gauche : guidage distal du transfert d’appui et du redressement par la rotation interne des membres libres.

stimulation de la ventilation emprisonnée dans le tonus [17]. De même, au niveau des membres, une sélectivité de plus en plus fine est sollicitée, en reliant chaque mouvement segmentaire obtenu localement à un dessin cinétique plus global, voire de l’ensemble du corps. L’interaction entre facilitation et inhibition joue là son plein rôle. La concentration du patient est demandée au maximal dans ces séquences. Aucun ordre (proximodistal ou distoproximal) n’est à suivre ; c’est l’adaptation aux possibilités du patient qui le dicte. MISE EN CHARGE ET APPUI

Quelle que soit la pathologie en cause, le rapport entretenu avec le support représente une série de situations révélatrices de l’état neurologique du patient. La crainte, la nonconfiance, mais aussi l’absence de retour extéroproprioceptif caractérisent l’absence de mise en charge. De plus, pour que celle-ci soit satisfaisante, elle exige une rigidification de la zone portante doublée d’une possibilité souple d’adaptation aux variations liées à l’équilibration. Elle est d’un haut niveau de contrôle perceptivomoteur. Simultanément, la mise en charge unilatérale libère la motricité controlatérale à l’appui, revenant sur le jeu de dissociation droite-gauche et statique-cinétique souligné précédemment. Là s’introduit la notion de « prise d’appui », d’alternance de charge et de décharge, de nuance conduisant à l’action contrôlée de charger plus ou moins, et ce de façon adaptée à l’activité projetée ou en cours. Guidage, retour visuel, plans mobiles amplifient cet apprentissage. L’appui constitue la référence d’édification de l’ensemble du corps et pour cela doit faire l’objet d’une attention particulière. Mais la construction obtenue doit aussitôt être « assouplie » afin d’évoquer réactions d’équilibration et ajustements posturaux : ballon (fig 14), cylindre, cacahuète (fig 15), planche à bascule.... Proches d’une danse, ce sont les minimouvements sans cesse impulsés qui vont tenter de reproduire ce que le geste provoque à la posture. Tout geste est en soi une perturbation posturale ; l’aptitude à réguler ces perturbations aide le geste à se déployer.

15

Facilitation de la réaction amphibienne par guidage manuel et utilisation du ballon.

Enfin, la mise en charge est un puissant moyen, soit d’augmentation du tonus, soit d’inhibition des excès de tonus par exploitation des afférences proprioceptives provoquées. Un patient neurologique a besoin d’appuis multiples, et paradoxalement les fuit car il ne sait pas s’en servir. Toute fonctionnalité, la plus minime soitelle, s’organise à partir de points d’appuis. C’est donc une éducation minimale de sécurité. (fig 7, 11, 16 à 20). RÉACTIONS D’ÉQUILIBRATION ET DE PROTECTION

Plus fines, reflets d’un réglage permanent, les réactions d’équilibration signent la complexification des réseaux neuronaux contrôlant la posture. Le travail à la limite de la rupture d’équilibre sollicite arcboutements, mouvements compensatoires, rééquilibration. Passer au-delà de cette frontière et ce sont les réactions antichutes telles que « cloche-pied » ou « parachute » qui sont éventuellement mises en jeu. De même, les réactions de protection, du visage particulièrement, sont interrogeables. Ces différentes réactions font appel à une motricité à la fois très fine et non volontaire. L’existence préalable ou l’apparition de ce type de réactions adaptatives rassure le patient. Son corps est alors bien à son service, répondant au besoin de sécurité de soi. Faciliter, provoquer, voire mimer ces

17 Transfert d’appui en position debout, avec ouverture côté portant et rotation vers côté porté : utilisation de la planche à bascule, sollicitation par le placement du rééducateur, guidage à partir du bassin, avancée du membre supérieur avec point-clé distal. réactions représente une rééducation semblant apprivoiser les réactions pathologiques ressenties comme étrangères par le patient (fig 21 à 23). PASSAGES

Apparue progressivement dans le handling du patient développé par Bobath, l’exploitation du passage d’une position à une autre comme moment rééducatif proprement dit, regroupe de nombreuses notions vues (cf supra). Chaque passage, d’une position déterminée à une autre, mélange un grand nombre de réactions qui se régulent entre elles et qui sont modulées par le guidage proposé et les sensations perçues par le patient. C’est un travail de « reconfiguration » du corps dans l’espace, jouant simultanément sur : – l’organisation globale du corps ; 9

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Transfert d’appui en position assise, avec ouverture côté portant et rotation vers côté porté : utilisation du ballon et guidage en flexion-abduction-rotation externe du membre inférieur libre.

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Guidage d’une réaction parachute du membre supérieur.

20

Travail en fente avant : contrôle de l’extension du genou et de l’avancée de l’hémibassin par un guidage précis.

23

Recherche de réaction parachute des membres supérieurs à l’aide du ballon.

19

Recherche d’appui sur la main : facilitation de l’extension du coude par stimulation tactile et guidage du transfert à partir de l’autre membre supérieur.

– les réactions de redressement et d’appui ; – les rapports avec le (ou les) support(s) ; – les réactions d’équilibration et de protection ;

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– les contrôles segmentaires, en facilitation comme en inhibition. Passer d’une position à une autre est une action corporelle « totale ». L’ensemble des afférences sensitivosensorielles reçues le sont à partir de l’activité produite par le patient. L’action guidante, inhibante et facilitante du rééducateur se surajoute. Il s’agit là aussi d’une conquête de la sécurité. (fig 3, 9, 10, 11, 16, 24, 25).

les émergences osseuses, percussions sur les zones réflexogènes, compressions ou t r a c t i o n s g l o b a l e s o u s e g m e n t a i re s localisées... Mais cette technologie est au service d’une construction-reconstruction du mouvement emmenant la volonté du patient, la provoquant.

STIMULATIONS TACTILES ET PROPRIOCEPTIVES (fig 12, 13, 20, 26)

Guider, aider, placer, tracter, positionner, appuyer, solliciter, étirer, frotter, tapoter... sont autant de formes d’utilisation de sa main, de son corps pour le rééducateur. Cela peut être des stimulations tactiles et proprioceptives spécifiques : battades sur les groupes musculaires peu réactifs, tapping sur 10

Recherche de réactions d’équilibration en position assise : déséquilibre postérieur à partir des membres supérieurs placés en élévation antérieure.

L’observation clinique, l’évolution dans le temps des perturbations remarquées, les desiderata du patient, la spécificité et l’expérience de chaque rééducateur vont pousser à la construction de séances rééducatives uniques à chaque rencontre. Un entretien minutieux de l’appareil locomoteur et des autres grandes fonctions est systématique mais peut se fondre à ce type d’approche [25]. Mieux vaut obtenir peu dans

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Guidage distal avec inhibition en éversion du pied et extension du poignet engageant la rotation du corps et le transfert d’appui vers la droite.

une séance mais s’approcher du « geste juste ». Ce n’est pas un catalogue à parcourir, il s’agit bien d’apprentissage ou de réapprentissage.

Du modelage de l’environnement Mais à travers l’habitude, le SNC apprend tout le temps. Il apprend ce que

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Marche guidée : sollicitation du passage du pas par avancée de l’hémibassin gauche, et de la rotation des épaules par avancée du membre supérieur droit.

l’environnement lui propose, lui impose. L’installation dans le lieu de vie, univers familier ou étranger, est à considérer avec attention. L’emplacement des meubles (lit, fauteuil, table de travail, tapis de jeu, jouets...) vont générer un certain type de rapports entre le milieu et ses habitants, sélectionnant des stimulations susceptibles d’être rééducatives. De plus, dans un lieu, les rapports humains, en termes d’orientation des uns par rapport aux autres, de distance interindividuelle, de possibilités d’échanges, sont en grande partie conditionnés par l’arrangement du mobilier, du lieu en général. Le mur, la fenêtre, l’éclairage, la couleur (fig 3), l’espace, peuvent attirer ou détourner, jouant un rôle permanent et insidieux dans les comportements perceptivomoteurs inscrits et les répartitions de tonus. Penser ces différentes interactions est du rôle de la rééducation. L’environnement au contact immédiat du patient est également l’objet d’une réflexion

Concept Bobath et rééducation en neurologie préventive et incitative. La forme d’un fauteuil, d’un appareillage, d’un coussin ou d’un matelas peut pérenniser une petite asymétrie de tonus, altérer une réaction de redressement, ou induire le renforcement d’un schéma prédominant en constituant une stimulation invariante qui va polariser l’organisation motrice et perceptive du SNC. Les objets usuels et les supports utilisés sont autant d’agents rééducateurs passifs mais agissants : biberon, télévision, siège, hamac, poste de travail, ordinateur, console de jeu, téléphone, verticalisateur... Le recours à des astuces demandant du petit matériel rend parfois de grands services (mousse, oreillers, petites cales, alèses roulées, Velcrot...). Bien souvent, en neurologie, la poussette ou le fauteuil roulant deviennent également lieu de vie pour un tiers de journée, voire plus. Leur adaptation au patient mais surtout leur adaptabilité permettant de concevoir différentes installations sont à privilégier. Confort et stimulation s’alternent, se complètent. Ainsi l’entourage familial, scolaire, voire professionnel, peut faire l’objet d’une éducation au « management » et à la stimulation adéquate du cérébrolésé. La rééducation ne s’arrête bien évidemment pas au seuil de la salle de rééducation ou du centre ; c’est donc à la conception d’espaces et de temps rééducatifs répartis tout au long de la vie du patient que nous incite la pensée régulante des Bobath.

Autres métiers de rééducation

[5]

Dans l’approche ici développée, l’ensemble des acteurs de rééducation intervient en formant un continuum rééducatif. L’ergothérapeute apporte sa vision globale contextualisée, via l’objet ou l’activité qu’il propose (artisanat, jeu, activité de la vie q u o t i d i e n n e . . . ) ( fi g 2 7 ) [ 1 8 , 2 2 ] . L e s professionnels du langage et de la fonction buccofaciale (orthophoniste, logopède...), considèrent l’expression et l’alimentation comme des activités globales mettant en jeu l’ensemble du corps [19]. Les services de soins et l’entourage social partagent également cette même attention portant sur l’installation organisée, le geste dosé, le rapport

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Facilitation du ramper : guidage en rotation interne du membre inférieur côté long ; stimulation tactile de la flexion du membre inférieur côté court.

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adapté à l’environnement. Dans la conception des Bobath, ces métiers n’étaient d’ailleurs pas fondamentalement différents. Ainsi, l’ergothérapeute est soucieux d’un effort « juste » ne déclenchant aucune réaction ou tonus parasite, d’une orientation de l’attention du patient tournée vers le mouvement produit, de l’organisation de l’ensemble de son corps, de l’utilisation optimale de ses possibilités. Il veille avec l’ensemble de l’équipe aux installations et appareillages nécessaires au patient, ainsi qu’à l’arrangement adéquat de son environnement. L’approche Bobath inclut : ménage et atelier cuisine pour les adultes, façons de porter et de soigner le tout petit pour les parents, jeux et socialisation pour les enfants [23]. Sur le plan de la communication, la production du son est considérée comme liée à une production de mouvement. L’un et l’autre interagissent et se potentialisent. C’est bien souvent au décours d’une activité, d’une difficulté motrice, qu’un mot, une intonation vont surgir. La voix résulte du fonctionnement d’instruments hautement automatisés : la ventilation, les organes phonatoires, l’oropharynx, la langue, la mâchoire, la face. Ainsi, une approche uniquement orientée sur ces sphères est inutile, voire aggravante, par la « volontarisation » que cela provoquerait. C’est, là encore, dans une alternance entre réaction globale du patient en situation contrôlée d’une part et sollicitation de la sélectivité d’une fonction d’autre part, que se retrouve la rééducation « Bobath » de ces troubles. Sur le plan neuroalimentaire, le transport de l’aliment, la préhension buccale, la mastication et la déglutition dépendent de positions globales adaptées de l’ensemble du corps. La qualité de l’autonomie alimentaire commence par l’installation, la répartition du tonus des pieds à la tête et la liberté des régions cervicales, temporomandibulaires et de l’ensemble des membres supérieurs. Un guidage qualitatif de chaque segment (main, tête, bouche, mâchoire, langue) est proposé afin d’essayer de réguler les schémas pathologiques invalidant l’autonomie alimentaire. Notons qu’inversement, la tentative de production sonore (siffler, chanter, crier, réciter, mimer...), le support musical, et la mise en situation habituelle de la vie quotidienne, vont générer du geste. Voir dans une salle de rééducation, autour d’un même patient cérébrolésé, différents thérapeutes agir ensemble, comme cela se pratique aujourd’hui, relève d’une approche en droite ligne de la pensée des Bobath.

Les Bobath et l’enfant

[13]

L’activité du couple Bobath a trouvé, chez l’enfant souffrant de désordres neurologiques de tout ordre, un terrain privilégié 11

Concept Bobath et rééducation en neurologie

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* A

* B

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Gestes finalisés en ergothérapie (A, B) : guidage de l’orientation du membre supérieur et du transfert d’appui. L’organisation de la situation détermine la direction du transfert.

pour déployer leur réflexion et affiner leur pratique. Toutes les conceptions de rééducation qu’ils ont adaptées à l’adulte sont empruntées à ce travail auprès des enfants. PATRIMOINE MOTEUR DE L’ENFANT [4, 28]

Leur conception du développement s’articule autour de quatre notions en lien avec leur vision du SNC.

¶ Première notion À la naissance, le nouveau-né possède une expérience du mouvement issue de sa vie i n t r a - u t é r i n e . L a m o d i fi c a t i o n d e l’environnement lors de la naissance va modifier ses activités motrices, mais cette expérience intra-utérine reste primordiale comme base d’évolution ultérieure.

de s’attarder sur l’acquisition d’une étape avant de passer à une autre. Bertha Bobath parle de performances de base diversement reliées entre elles dans un nombre important d’activités. Les notions plus récentes de périodes critiques, de fondus enchaînés des activités motrices, d’émergences et de sélection de stratégies avec répression sans disparition de stratégies moins adéquates, ne sont pas si loin des conceptions des Bobath [2, 6]. Le mouvement est soumis à des conditions externes et internes et leur modification va influencer l’organisation de la motricité. Par exemple, la marche archaïque du nourrisson se maintient en situation immergée (piscine), alors qu’elle disparaît lorsque le nouveau-né est simplement maintenu sous les aisselles au-dessus d’une table. La régulation, chère au concept des Bobath, passe par ce travail précis des conditions externes pour tenter de modifier les conditions internes.

¶ Deuxième notion La croissance progressive de l’enfant et la maturation du SNC entraînent l’éclosion par étapes de schémas moteurs variés. Chaque enfant emprunte son chemin (fig 8).

¶ Troisième notion « Quand l’enfant cherche à accomplir une nouvelle activité encore difficile à réaliser, il exerce ce nouveau comportement moteur avec beaucoup de persévérance. (...) Des activités précédentes peuvent s’effacer (...), se détériorer par l’effort nécessaire pour faire quelque chose de nouveau et difficile. À partir du moment où le nouveau comportement moteur est devenu aisé, les activités motrices précédentes reprennent le dessus et s’intègrent au comportement nouvellement acquis » [12]. Il y a compétition entre les comportements moteurs.

¶ Quatrième notion Le développement moteur ne suit pas une évolution linéaire de séquences successives d’acquisitions séparées. Il peut être nuisible 12

ENFANT CÉRÉBROLÉSÉ

[9, 14, 23, 29, 31, 32]

Les Bobath ont beaucoup insisté sur la démarche de diagnostic précoce dans le cadre de l’infirmité cérébrale infantile. Le parallélisme entre le développement normal et le développement des infirmes moteurs cérébraux (IMC), qu’ils ont abondamment étudié et décrit, est le critère guidant ce diagnostic. Celui-ci va ainsi reposer sur la modification des comportements moteurs et posturaux, et pas seulement sur l’appréciation d’un « retard ». Ce diagnostic est difficile chez le tout-petit, car il peut exister à la naissance des schémas moteurs qualifiables d’« anormaux » qui vont disparaître assez rapidement. Une observation prudente et un suivi précis évitent les erreurs, le traitement ne débutant que si les symptômes ne disparaissent pas ou s’aggravent. Par exemple, à la naissance, le schéma d’extension croisée bilatérale des membres inférieurs, semblable au schéma spastique du nourrisson IMC ou paraplégique, peut exister et disparaître en peu de temps.

Kinésithérapie Pour les Bobath, le développement de l’IMC est perturbé par les désordres neuromoteurs et éventuellement par les déformations orthopédiques. Le développement psychomoteur de l’IMC ne peut pas suivre le développement normal, il emprunte d’autres voies. L’étude de nombreux enfants IMC a permis à Bertha Bobath de déterminer, selon le tableau clinique, un développement « prévisible » de chaque grande catégorie [12] : enfant spastique, athétosique, hypotonique... Le geste du rééducateur pourra s’adapter en se régulant à travers cette prévisibilité. Ainsi, elle précise que l’entraînement ou le renforcement d’une activité anormale aura pour effet d’empêcher la réalisation de progrès ou de rendre chaque activité nouvelle plus difficile à acquérir. Par rapport à l’expérience motrice que le nouveau-né a acquis in utero, la naissance provoque le changement de milieu extérieur et le changement des conditions internes, par modification du tonus et installation d’éventuelles déformations orthopédiques. Gérer ces faisceaux de modifications, d’apparition somme toute brutale, peut r e n d r e d i ffi c i l e l a r é a l i s a t i o n d e mouvements, aggravant momentanément les comportements moteurs du nouveau-né. Le rééducateur prend en compte tous ces paramètres pour les exploiter, et non les considérer comme obstacles. L’appareillage a joué un grand rôle dans la conception rééducative de l’IMC des Bobath. C’est l’excès d’immobilité généré par l’appareillage correctif qui les a incités à réfléchir aux mouvements et à leur guidage. N’est-il pas paradoxal d’aborder la pathologie du mouvement par l’immobilisation corrective ? La position à tenir face à cette notion est difficile en fonction des forces d’évolutivité qui s’exercent dans les déformations orthopédiques de l’IMC (fig 28). À coté des IMC, transformés dans leur développement dès l’origine, Bertha Bobath s’est aussi intéressée à l’approche de déficits neurologiques acquis chez l’enfant : traumatisme crânien, hémiplégie vasculaire infantile, pathologie cérébelleuse évolutive. La différence qu’elle souligne est la préexistence antépathologique d’un développement moteur normal, brutalement ou progressivement interrompu. Selon l’âge de survenue, il y a eu une expérience de développement normal plus ou moins longue, et c’est cet élan qui est perturbé. De plus, par rapport à l’adulte, le SNC n’est pas encore mature, laissant une plage de restauration fonctionnelle bien plus conséquente. Les potentialités d’apprent i s s a g e , p a r m o d i fi c a t i o n s d e l’environnement et expériences motrices répétées, sont sans doute importantes et exploitables, car installées par un développement moteur ayant pleinement débuté avant la lésion. La représentation du mouvement en milieu gravitaire a eu l’occasion de s’entraîner, alors que pour

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Sollicitation de mouvements avec appareillage.

l’IMC, au mieux, ne se sont exprimés que des mouvements intra-utérins. Enfin, les Bobath se sont également intéressés aux enfants déficients intellectuels ou présentant plusieurs atteintes cérébrales associées (trisomie, polyhandicap par encéphalopathie...), dont l’altération de l’organisation perceptivomotrice peut être importante [27, 34]. Leur travail s’approche alors de la psychomotricité. L’évolution actuelle de la réadaptation des enfants cérébrolésés s’inspire largement et amplifie les bases ici esquissées [33].

Devenir du concept Bobath Le « Bobath » n’est pas magique, n’est pas une recette, mais une école de la qualité du geste. Le rééducateur apprend sans cesse, comme il essaie sans cesse d’apprendre au patient. Cette façon exigeante et rigoureuse de travailler en rééducation neurologique se situe dans une histoire. La rééducation est une forme de pratique sociale, non une science. Elle est une tentative de réponse à un problème de santé reconnu par une société à un moment donné de son histoire. La rééducation en neurologie, ses pratiques, comme les idées qui la sous-tendent, a évolué et continuera son évolution. Elle est liée à la société qui l’a produite. De même, chaque rééducateur, en s’emparant des idées qui animent un concept, conçoit quotidiennement une rééducation unique et participe ainsi de la vie de ce concept. Peut-on entrevoir quelques directions conservant ou modifiant les grands traits du concept édifié en leur temps par les Bobath ?

Concept Bobath et rééducation en neurologie Leur vision s’était inscrite plus ou moins contre une lecture orthopédique du patient dont la pathologie et la gêne fonctionnelle étaient comprises en muscles faibles paralysés et muscles courts rétractés, en a t t i t u d e s v i c i e u s e s e t d é s é q u i l i b re s articulaires consécutifs à la lésion d’un cerveau câblé et immuable. Cette lecture, sous l’angle de la chirurgie neuroorthopédique, retrouve aujourd’hui une place importante, mais renouvelée par un regard neurologique ne raisonnant plus essentiellement mécaniquement mais plus en termes de rétablissement de fonctions. Le recouvrement de capacités pour le patient prime. La chirurgie, via les structures modifiées, corrige le geste, la possibilité de l’organiser [1, 36]. Le contexte économique français et européen, dominé par les idées de maîtrise des coûts de la santé et de rendement thérapeutique, s’accommode sans doute mal d’une rééducation conçue dans la durée, la singularité, la recherche d’optimum. Ces idées sont tout droit issues d’une période économiquement faste et d’une politique voulant une santé nationalisée, permettant une prise en charge longue du patient. De plus, aucune validation reproductible ne soutient la pertinence de cette approche. Aujourd’hui, et encore plus demain, la fonction va primer et ce souci de rentabilité en termes de capacités du patient va bousculer les belles ambitions d’une rééducation éprise de précision, d’échange au plus près, de corps à corps, et soucieuse du détail qui reconstruit à chaque instant. Le confort d’un traitement rééducatif très individualisé et abondamment prescrit ne pouvant être maintenu dans l’avenir, doit-on sacrifier les idées de régulation correctrice, de modelage patient, d’échange infini ? Et peut-être est-ce un investissement humain énorme pour un mince résultat difficilement appréciable ? Et peut-être est-ce plus satisfaisant pour le rééducateur, de part la sophistication de la technicité et la sensation de maîtrise que cela procure, qui est le primum movens caché de cette approche ? Si le concept ici esquissé ne peut, sous peine de basculer dans l’utopie idéologique, se perpétuer tel quel dans cet avenir tolérant plus difficilement l’errance, l’hésitation, la tentative et le plaisir d’essayer et exigeant plus radicalement efficacité, prédominance de la fonctionnalité, fiabilité et justifications par les résultats obtenus, quels sont les p o i n t s d e re m i s e e n q u e s t i o n d é j à repérables ? Comment et à partir de quoi, ce concept basé sur une boucle conservatrice va-t-il se transformer, incorporer des éléments nouveaux ? Tout d’abord, d’un point de vue évaluatif, l’amélioration des outils de suivi clinique et fonctionnel des patients nous permettra dans l’avenir, de décrire de façon plus fiable les résultats obtenus et leur maintien dans la durée. Ceci conduira à repositionner le projet de la rééducation en neurologie : bienêtre du patient, insertion-réinsertion auprès

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de son entourage, éventuellement adaptation professionnelle. En cela, le concept Bobath contient des réponses portant sur le « savoir manager » : aptitude du patient à se prendre en charge pour certaines activités, facilitation des transferts et manipulations pour son entourage par connaissance des guidages et techniques d’inhibition. En revanche, l’évolution des paradigmes en neurosciences mettant progressivement en avant les idées d’auto-organisation et d ’ é m e rg e n c e s , v a n o u s c o n d u i re à reconsidérer l’idée de régulation conservatrice et de retour à la norme. L’ensemble du concept repose sur une connaissance du mouvement normal et sur sa reconstruction. Mais le neurologique s’organise en tenant compte du biomécanique disponible, et fait émerger une solution « préférentielle » temporaire, si possible économique et répondant à l’activité projetée. Dans cette vision autoorganisatrice, la notion de programme moteur, de schéma, est à remettre en cause, le bricolage et le compromis instantané seraient le mode de fonctionnement le plus habituel du SNC. Rechercher un geste semblable au geste antérieur ou « normal » ne serait alors plus pertinent dans ce nouveau cadre théorique, puisque constituant une mise en contrainte du système et non une liberté d’organisation. La science du guidage du rééducateur ne serait plus, dans cette hypothèse, au service d’une construction-reconstruction vers la « norme », l’« habituel », mais suivrait pas à pas, optimiserait les stratégies singulières du patient. Par plasticité cérébrale, nous glissons d’une boucle conservatrice à une boucle créatrice n’invalidant pas la première mais cherchant l’enrichissement gestuel, y compris en dehors des chemins connus. La rééducation est une affaire à plusieurs : patient, rééducateurs, équipe thérapeutique, entourage et environnement, stimulant l’émergence de stratégies adaptées et a d a p t a b l e s . To u t e s l e s c a p a c i t é s d’observation, de maniement du patient, que développe la rééducation Bobath peuvent alimenter cette conception réorientée de la recherche du geste « juste ». Les critères de faisabilité, de sécurité, de reproductibilité menant à l’automatisation sont privilégiés en regard de ceux de conformité. Le regard du rééducateur se détourne du fonctionnement habituel de l’espèce humaine exempte d’atteinte neurologique pour étudier alors les stratégies multiples proposées par la cohorte des patients dans leur diversité. C’est une conception de l’être humain qui est en jeu, une connaissance poussée de la notion de différence, voire d’altérité. Enfin, l’interaction avec d’autres concepts de rééducation est en cours. Si dans le concept de Bobath, la boucle de correction tend à se déplacer de l’extérieur vers l’intérieur du patient par appropriation progressive de ce qui corrige le tonus, la posture et le mouvement, c’est aussi le projet moteur et 13

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son corollaire que constitue l’hypothèse perceptive qui se déplace vers le sujet en rééducation. Cette vision plus cognitive demande au patient de décider l’action, d’en projeter la réalisation. Le rééducateur s’efface, il guide et ordonne peu, il organise les situations rééducatives. Dans le modelage de l’environnement, Bobath s’avançait déjà dans cette direction. Motivation, jugement, élaboration, décision sont ici sollicités. Et la dimension émotionnelle de tout rapport humain, particulièrement décuplée au travers d’une distance intercorporelle

Concept Bobath et rééducation en neurologie

Kinésithérapie

rééduqué-rééducateur étroite, n’est elle pas également outil de rééducation à réfléchir et conceptualiser ? L’extraordinaire échange qu’occasionne la pratique du « Bobath » ne contient-il pas ce mode de mise en activité ? Reconnaître, théoriser et exploiter les dimensions relationnelles découlant de la pratique que soutient le concept de Bobath sont des pistes encore vierges et pourtant quotidiennement en action dans les salles de rééducation. À la base, la pratique Bobath est une pratique interhumaine, interactive.

mouvement normal pour apprendre ou retrouver le mouvement normal », elle pourrait devenir « utiliser et ressentir des mouvements autour de la normale pour trouver et apprendre, même dans l’anormal du mouvement utilisable [16] ».

Si la phrase-clef de ce concept de rééducation neurologique était « ressentir le

ergothérapeute, service du Pr Lacert, hôpital Raymond

[14] Bobath K. Principe fondamental du traitement et conduite chez les enfants atteints de paralysie cérébrale. Cah CDI Paris 1975 ; 62

[26] Gerber M. Le concept Bobath pour l’hémiparésie de l’adulte. Nouvelle approche et implications thérapeutiques. J Ergothér 1997 ; 19 : 147-155 [27] Gidel D. Éducation thérapeutique précoce et trisomie 21. Montpellier : Mémoire certificat cadre masseur-kinésithérapeute, 1992 : 1-22 [28] Illingworth RS. Développement psychomoteur de l’enfant. Paris : Masson, 1990 [29] Köng E. Very early treatment of cerebral palsy. Dev Med Child Neurol 1966 ; 8 : 198-202 [30] Le Metayer M. In memoriam. Motricité cérébrale. Paris : Masson, 1991 [31] Le Metayer M. Rééducation cérébromotrice du jeune enfant. Éducation thérapeutique. Paris : Masson, 1993 : 1-176 [32] Leibu G. Le Bobath : un nouveau concept de pensée et de traitement pour infirmes moteurs cérébraux. Bruxelles : Belgian Bobath Society, 1988 ; I : 1-25 [33] Noël-Ducret F. Le concept de Bobath. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Kinésithérapie - Médecine physique - Réadaptation, 26-060-B-10, 1988 : 1-21 [34] Piret S, Béziers MM. La coordination motrice. Aspect mécanique de l’organisation psychomotrice de l’homme. Paris : Peeters Louvain, 1986 : 1-185 [35] Raynard F. Redonner vie au mouvement. Lausanne : Delachaux et Niestlé, 1994 : 1-291 [36] Rémy-Néris O, Denys P, Azouvi P, Jouffroy A, Faivre S, Laurans A et al. Spasticité. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Kinésithérapie - Médecine physique - Réadaptation, 26-011-A-10, 1997 : 1-8

Remerciements. – Nous tenons à remercier, pour leur participation à l’iconographie Muriel Chivilo et Valérie Guay, masseurs-kinésithérapeutes, unité de rééducation Widal 0, hôpital Raymond Poincaré, Garches, Dominique Moreau et Tineke Schmidt, masseurs-kinésithérapeutes et Carole Guillot, Poincaré, Garches.

Références [1] Amarenco G. Rééducation des accidents vasculaires cérébraux. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Neurologie, 17-046U-10, 1995 : 1-6 [2] Bear MF, Connors BW, Paradisio MA. Neuroscience : à la découverte du cerveau. Paris : Pradel. Masson - Williams et Wilkins France, 1997 : 1-654 [3] Beelen P. Le concept Bobath. Kinésithérapie Sci 1982 ; 205 : 19-22 [4] Beelen P. La rééducation neurophysiologique selon Bobath ou neuro-developmental treatment. Kinésithérapie Sci 1982 ; 205 : 23-26 [5] Beelen P. Approche et concept Bobath. Questions de logopédie 1985 : 7 [6] Berthoz A. Le sens du mouvement. Paris : Odile Jacob, 1997 : 1-345 [7] Bleton JP. Actualité en neurologie. La mort de Berta et Karl Bobath. Kinésithérapie Sci 1991 ; 301 : 56 [8] Bleton JP. Actualité en neurologie. Normaliser le tonus postural des patients hémiplégiques : apport du concept Bobath. Kinésithérapie Sci 1994 ; 339 : 47 [9] Bobath B. The very early treatment of cerebral palsy. Dev Med Child Neurol 1967 ; 9 : 373-390 [10] Bobath B. Anomalies des réflexes de posture dans les lésions cérébrales [2e éd]. Paris : Maloine, 1973 : 1-132 [11] Bobath B. Hémiplégie de l’adulte. Bilans et traitements [2e éd]. Paris : Masson, 1990 : 1-206 [12] Bobath B, Bobath K. Développement de la motricité des enfants IMC. Paris : Masson, 1985 : 1-99 [13] Bobath B, Bobath K. Le concept du « traitement neurodéveloppemental ». Cah CDI Paris 1978 ; 77 : 20-22

14

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