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Les circulaires Les circulaires peuvent avoir plusieurs dénominations : circulaires, notes de services, instructions,... Ces mesures permettent à une autorité administrative d'adresser aux services qui lui sont subordonnés des recommandations sur l'état du droit et sa mise en œuvre. Il s'agit au départ d'une simple commodité administrative mais les circulaires sont devenues très importantes dans le déroulement de la vie administrative. NB : dans la pratique il y a ce qu'on appelle le syndrome de la circulaire, les agents publics n'appliqueront pas une loi tant qu'il n'ont pas une circulaire la mettant en œuvre par exemple. On vient se poser la question de l'application des textes supérieurs. Un Premier ministre a adopté une circulaire du 15 juin 1987 relative aux circulaires ministérielles qui précisent que « l'intervention d'une circulaire ne doit jamais être regardée comme une condition nécessaire à l'entrée en vigueur d'une loi ou d'un règlement ». Le juge administratif a d'abord posé une distinction entre circulaires interprétatives et circulaires réglementaires (CE Ass, 29 janvier 1954, Institution Notre-Dame du Kreisker). Pour déterminer si une circulaire a un caractère décisoire, le juge doit rechercher « si elle ne s'est pas bornée à interpréter les textes en vigueur mais à fixer des règles nouvelles ». Autrement dit une circulaire interprétative est une sorte de notice explicative de la loi ou du règlement. Son objet est de présenter et de commenter les normes législatives ou réglementaires en cause. En somme cette circulaire est un ectoplasme, il y a une transparence entre la loi et la circulaire, elle n'ajoute rien. Ainsi le juge considérait cette circulaire comme irrecevable. A l'inverse était réglementaire les circulaires qui ajoutaient ou modifiaient l'ordonnancement juridique en vigueur. La doctrine parlait d'une circulaire à caractère innovatoire. Dans ce cas le recours était recevable et le Conseil d'Etat acceptait d'en examiner la légalité. En règle générale les circulaires réglementaires étaient annulées pour incompétence. C'est ainsi qu'une circulaire du garde des sceaux fixant la situation des étrangers frappés d'une mesure d'expulsion a été annulée par le Conseil d'Etat car ici c'est le pouvoir réglementaire qui doit adopter cette mesure or en principe le ministre n'a pas le pouvoir réglementaire. Il y a donc eu annulation pour incompétence (CE Ass, 7 juillet 1978, Syndicat des avocats de France et autres ; Lebon p. 297). On a ici une distinction d'apparente rigueur. Mais cette distinction a été jugée peu rigoureuse pour une série de raisons :
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L'appréciation du caractère innovatoire d'une circulaire n'est jamais dénuée de subjectivité. Dans de nombreux arrêt sil y avait des divergences de vues entre les commissaires du gouvernement et le Conseil d'Etat. Autrement dit il y avait de nombreux arrêts aux conclusions contraires du commissaire du gouvernement.
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Très souvent seules certaines l'ordonnancement juridique.
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Le juge administratif inversait la logique contentieuse. En effet il établissait la légalité de la circulaire contestée pour en déduire son caractère seulement interprétatif et donc l'irrecevabilité du recours. Plus concrètement on commence toujours par examiner la recevabilité, et ensuite on examine la légalité. Or ici le Conseil d'Etat commence d'abord par examiner la légalité de la circulaire, et si elle était légale c'était une circulaire interprétative et le recours était irrecevable. Ceci n'est pas la logique de la démarche contentieuse.
dispositions
d'une
circulaire
modifiaient
Finalement le Conseil d'Etat va faire progressivement évoluer sa jurisprudence : −
CE, 18 juin 1993, IFOP ; Lebon p. 178 : « L'interprétation donnée par l'autorité administrative des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en œuvre au moyen de dispositions à caractère général n'est susceptible d'être directement référé au juge que si, et dans la mesure où, ladite interprétation méconnaît le sens et la portée des prescriptions législatives et réglementaires qu'elles se proposent d'expliciter ou contrevient aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes juridiques ». Dans ce cas de figure le Conseil d'Etat reste dans la logique des circulaires interprétatives. Ici l'évolution tient à ce que le Conseil d'Etat dit que la circulaire interprétative peut être jugée illégale dans deux hypothèses : − Lorsqu'elle méconnaît le sens et la portée des prescriptions législatives et réglementaires. Cette circulaire peut ajouter des dispositions législatives et réglementaires; − Lorsqu'il y a une méconnaissance des exigences inhérentes à la hiérarchie des normes. Autrement dit on peut censurer une circulaire qui interprète une loi qui méconnaît des normes supra législative.
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CE Ass, 28 juin 2002, M. Villemain : Ce qui est nouveau ici c'est le point de départ. « L'interprétation que l'autorité administrative donne au moyen de dispositions impératives à caractère général des lois et règlements et... ». Ici l'ajout tient à la notion d'impérativité. Cet arrêt est annonciateur du revirement de jurisprudence de l'arrêt Duvignères...
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CE Ass, 18 décembre 2002, Mme Duvignères : le considérant de principe de cet arrêt vient synthétiser les apports des arrêts IFOP et Villemain. L'arrêt Mme Duvignères
pose une nouvelle distinction entre les circulaires qui comportent des dispositions impératives à caractère général et les circulaires dénuées de caractère impératif. A cet effet, l'arrêt précise que l'interprétation « n'est pas susceptible d'être déféré aux juges lorsque, étant dénué de caractère impératif, elle ne serait quelque en soit le bien fondé faire grief. Ceci est un simple rappel de la teneur des textes: −
CE, 03 octobre 2003, Boonen
Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat dit qu'il résultat des termes de la circulaire qu'il n'écarte pas de manière impérative la possibilité de photocopier des documents contenus dans les fichiers des renseignements généraux. Le Conseil d'Etat a une conception, une approche extensive des dispositions à caractère impératif. − CE, 30 mars 2005, Observateur international des prisons, Lebon 126 Est à caractère impératif une circulaire du Garde des sceaux relative à l'escorte pénitentiaire des détenus faisant l'objet d'une consultation médicale. − CE, 27 juillet 2005, Sopona et autres, Lebon 693 Il s'agissait du formulaire type du choix du médecin traitant et sa notice explicative. Le Conseil d'Etat dit que ces deux documents ont un caractère impératif. L'intérêt est d'avoir cette approche à caractère impératif est d'ouvrir la recevabilité des circulaires. Une fois que le recours est recevable, on constate les conditions de légalité. L'arrêt Duvignières met en avant deux cas de figures: − Le Conseil d'Etat parle de dispositions qui fixent dans le silence des textes une règle nouvelle entachée d'incompétence. Ces dispositions ajoutent à l'état du droit. − L'interprétation qu'elle prescrive d'adopter méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives et règlementaires qu'elle entend expliciter. L'innovation majeure de la jurisprudence Duvignières tient au fait que le juge peut annuler une circulaire à caractère impératif qui réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure. Exemple: une circulaire qui prescrit qu'une loi contraire au droit communautaire doit être appliquée ou réitère la règle étiquetée par cette loi. Cette loi sera donc impérative et illégale au regard des textes communautaires. La nouveauté est que l'illégalité du texte supérieur communique à la circulaire. Il y a une incertitude pour une circulaire qui réitère une loi constitutionnelle: − CE, 02 juin 2006, Chauderlot, AJDA 2006 page 1139 2 nouveautés, dont: cette circulaire réitère une règle posée par une loi ou un décret
contraire à une norme supérieure (arrêt Duvignières)