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CHAPITRE 1 : GENERALITE ET HISTORIQUE
1. Introduction Le droit de l’urbanisme et de la construction est un ensemble de textes réglementaires qui s’appliquent à un territoire donné pour fixer les diverses fonctionnalités de l’espace et les conditions d’occupation des sols. Ce droit s’applique à différentes échelles de l’espace selon une hiérarchie allant des espaces les plus vastes (territoire National, espace régional, espace communal, rural, etc.) aux plus petites unités (une parcelle constructible). Lorsqu’on opère au niveau du territoire national ou d’un espace géographiquement très étendu, on parle plutôt d’Aménagement du Territoire. Lorsqu’on agit à l’intérieur d’espaces urbanisés on parle de droit de l’urbanisme. L’acte de construire relève, pour sa part, du droit de la construction. Il est cependant admis que l’aménagement du territoire, le droit de l’urbanisme et de la construction ne peuvent pas aller l’un sans l’autre. Les fonctionnalités les grands Equipements publics et les conditions d’occupation des sols se précisent au fur et à mesure que l’échelle spatiale se réduit. L’aménagement du territoire et le droit d’urbanisme et de la construction sont unifiés en Tunisie dans un code de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme qui réunit l’ensemble des règles relatives à ces trois champs (Loi 94/122 du 28 novembre 1994 et l’ensemble de ses textes d’application).
2. La nature des dispositions du droit d’urbanisme et de la construction selon les échelles spatiales 2.1. A l’échelle du Territoire National, régional, et les grandes agglomérations Aux échelles du Territoire national, des régions, et des grandes agglomérations, il est question de programmer la répartition des infrastructures de base ainsi que les activités de développement économique et social de manière équilibrée et harmonieuse sur l’ensemble du territoire. Il s’agit de localiser les grands équipements à réaliser et la vocation socio-économique à attribuer aux divers espaces concernés.
Ces derniers s’inscrivent dans les orientations et les stratégies de développement socioéconomique de l’Etat et tiennent compte : -
Des potentialités économiques des espaces (agriculture, zone côtière à caractère touristique, infrastructure industrielle existante, espaces avec uetc.) ;
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Des spécificités environnementales de l’espace (présence de plans d’eau, réserves, présence de forêts, dunes de sable, sources thermales, etc.),
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Des caractéristiques démographiques (taux de croissance, taux de chômage, etc.)
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Du développement humain (employabilité, expertise, main d’œuvre spécialisée, etc.).
La question de la protection de l’environnement et du développement durable est de plus en plus prise en considération et constitue désormais une composante essentielle du droit de l’urbanisme et de la construction. On verra plus loin les mesures prévues par le droit d’urbanisme qui incitent les aménageurs à tenir compte de la dimension environnementale. Il est clair que les dépassements constatés sur le terrain reflètent plus un faible niveau de conscience des enjeux liés au respect de l’environnent, aussi bien des citoyens que ceux qui veillent au respect de la règlementation Ayant un caractère structurant, ces équipements et espaces de développement socioéconomique sont planifiés sur le moyen et le long terme et doivent être pris en considération. Ils se précisent au fur et à mesure qu’on passe aux échelles plus réduites. Ces grands équipements sont en majorité financés par l’Etat, qui est tenu de mobiliser de gros investissements qui pèsent sur les finances publiques. On verra plus loin que le droit d’urbanisme prévoit des mécanismes de partenariat public privé (PPP) afin d’alléger les charges de l’Etat d’une part et renforcer la participation du secteur privé dans le développement économique du pays. Parmi ces grands équipements et espaces de développement socioéconomique on peut citer notamment : Les Grands équipements collectifs :
Les autoroutes ;
Les routes régionales ;
Les échangeurs ;
Les lignes inter-régionales de chemin de fer ;
Les emprises pour les moyens de transports en commun régionaux en site propre (Ligne de Métro de Tunis, Le Réseau Ferroviaire Rapide en cours d’exécution, TGM, etc.) ;
Les Grands espaces pour le transport aérien (Aéroport Nfidha, etc.) ;
Grands espaces à vocation Portuaire (futur Port à eaux profondes de Hergla, etc.) ;
Espace Logistique à proximités des espaces à vocation portuaire ou aérienne (Zone Logistique de Nfidha) ;
Les Technopoles (Sidi Thabet, Borj Cédria, Hgazela) ;
Campus Universitaires (El Manar, La Manouba, etc.) ;
Parcs aménagés, (Parc Nahli, parc de Sidi Bousaid, etc.)
Grands Espaces sportifs , culturels et de loisir (le complexe sportif d’El Menzah, La cité sportive de Rades) ;
Vastes Espaces résidentiels (Les cités El Mourouj, El Madina El Jadia,, Ennasr, les Jardins de Carthage, Les Jardins d’El Menzah, El Ghazela,, Sidi Mansour à Sfax, Sahloul à Sousse, etc.)
Grands espaces dédiés aux fonctions socio-économiques :
Zones Touristiques ;
Zones Industrielles ;
Espaces logistiques ;
Grands centres urbains pour sièges de banques, de grandes sociétés de consulting ou spécialisées en multi-médiats, sièges de Ministères, Cliniques avec un tissu d’habitat intégré, etc. (Centre Urbain Nord, Mont plaisir, Mohamad V, Lac Nord, etc.) ;
Les espaces polyfonctionnels ;
Les espaces naturels fragiles, les sites archéologiques et les espaces agricoles à protéger :
Espaces naturels sensibles à protéger tels que le Parc Euchkeul, Sebkha Sijoumi, Sebkha de l’Ariana (équilibre écologique fragile, variété d’espèces animales et végétales menacées, frange littorale menacée par la montée du niveau de la mer, zone menacée par la désertification, etc.) ;
Les Forets menacées (Foret de gammarth, etc.)
Zones agricoles irriguées et grands bassins fertiles à préserver (Le bassin du canal de la Medjerda) ;
Sites archéologiques de grande valeur historique à protéger (site archéologique de Bella Rugia ; site archéologique de Dougga, site archéologique de Carthage, site archéologique El Jem, etc.) ;
2.2. A l’échelle de l’espace urbain Le droit d’urbanisme a pour objet d’encadrer le développement harmonieux des espaces urbains et s’intéresse donc à toutes les actions relatives à cet accroissement en définissant et encadrant les différentes utilisations et occupations du sol. A l’échelle de l’espace communal par exemple, le droit de l’urbanisme fixe les modalités et les procédures qui permettent à chaque commune de disposer d’un document d’orientation de son extension spatiale sur le moyen terme. Ce document fixe notamment les conditions d’occupation et d’utilisation du sol.
L’extension de l’espace communal et son développement doit s’opérer en harmonie avec les diverses options retenues par les documents d’orientation de l’échelle spatiale supérieure. En revanche le droit d’urbanisme conditionne directement le contenu du droit des constructions. Ce sont généralement les collectivités locales qui définissent en fonction de leurs priorités et des besoins locaux de développement socioéconomique. On peut citer notamment : -
Les routes principales projetées (locales) avec les emprises correspondantes (non compris les autoroutes et les routes classées Nationales et Régionales) ;
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Les établissements éducatifs,
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Les commerces, les souks municipaux
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Les espaces de loisir (les aires de jeux, les espaces verts équipés, des terrains de sport, etc.)
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Les zones d’habitat avec les densités autorisées ;
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Les quartiers d’habitat non réglementaire à réhabiliter ;
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Les espaces agricoles à maintenir ;
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Les espaces réservés aux opérations d’ensemble ;
Les conditions d’occupation du sol sont annexées à ce programme d’extension de l’espace communal. Elles permettent de créer une cohérence dans les hauteurs, les retraits et les alignements sur rues. Elles peuvent imposer un style architectural déterminé pour maintenir le caché d’une zone particulière. On peut citer notamment : -
Le Coefficient d’Occupation du Sol (COS) qui définit le rapport entre la surface au sol autorisée (projection des limites du bâtiment au sol) et la superficie de la parcelle objet de la construction (COS=Surface du bâtiment au sol/surface totale de la parcelle)
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Le Coefficient d’Utilisation du Foncier (CUF) qui permet de déterminer la superficie maximale des planchers autorisées par rapport à la superficie totale de la parcelle ;
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Les retraits d’implantation du bâtiment par rapport au limites séparatives avec les parcelles contiguës ainsi que les reculs sur rue ;
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La hauteur du bâtiment autorisée ;
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Le style architectural des bâtiments ;
2.3. A l’échelle d’une parcelle de terrain Le droit d’urbanisme fixe les modalités et les procédures qui permettent à un propriétaire d’une parcelle (promoteur immobilier lotisseur, ou un opérateur public aménageur ou un simple propriétaire de terrain) à partager son terrain en deux (morcellement) ou plusieurs (lotissement) parcelles constructibles. Il fixe également les obligations du propriétaire vis-à-vis des acquéreurs des parcelles constructibles (clients). Les documents constitutifs du dossier de permis de bâtir, de la composition et du fonctionnement des commission d’octroi des permis de bâtir. Le lotissement tels qu’il est décrit par le droit de l’urbanisme et de la construction doit notamment, définir les voies qui desservent les lots constructibles (emprise, trottoir) les lots doivent être numérotés avec précision de la typologie et de la superficie correspondantes. Le lotissement doit obligatoirement prévoir des lots dédiés à des équipements (souk, commerce, placettes, espaces verts, parcs aménagés, écoles, lycées, administration, lieux de culte, etc.) et ce en fonction de la superficie globale de la parcelle. Un cahier des charges du lotissement est annexé au plan. Il définit l’ensemble des typologies prévues par le lotissement et les conditions d’occupation du sol correspondantes (cos, cuf, hauteur, garages, sous-sol, place de parking, espaces plantés, etc.). Le droit de la construction prévoit la composition et le fonctionnement des commissions d’approbation des lotissements. Il fixe également les travaux d’aménagement que doit prendre en charge le propriétaire (Voirie et Réseaux Divers VRD).
2.4. A l’échelle d’un lot constructible Le droit de la construction a pour objet la réglementation des opérations de construction entreprise par les particuliers ou les promoteurs immobiliers (publics ou privés) dans le cadre des grandes lignes tracées par les documents d’urbanisme qui sont eux même en harmonie avec les documents de l’aménagement du territoire. Le droit de la construction est donc un droit largement appliqué par les particuliers et les PI qui exercent leur droit de propriétaires en utilisant le sol qui leur appartient. La liberté
des propriétaires est limitée : ce sont justement les règlements contenus dans les documents d’urbanisme qui s’imposent à ces constructions : -
Vocation, (habitat forte, moyenne ou faible densité, commerce, équipement publics, bâtiment pour sport et loisir, santé, industrie, hôtellerie, culturels, administratifs, etc.) ;
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Typologie (groupé, en bande continue, isolé, isolé dense, collectif, semi collectif, etc.) ;
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Hauteur autorisée
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Aspect extérieur, traitement particulier de la façade, style, ouvertures, etc.
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Les retrait par rapport aux limites séparatives (fond de parcelle et bâtiments voisins latéraux) ;
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Retrait par rapport et au domaine public, (routier, maritime, hydraulique, archéologique, etc.)
Les conditions d’occupation du sol déterminent le langage architectural et la morphologie urbaine, et donnent un aspect général à la zone ou un caractère spécifique à une rue, un quartier ou une ville. Le droit de la construction fixe également les modalités et la procédure à suivre par le propriétaire pour être autorisé à entamer la construction du bâtiment dont notamment : -
Documents exigés dans le dossier de permis de bâtir ;
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Accord des différents concessionnaires sur la possibilité de raccordement du bâtiment aux divers réseaux (ONAS, STEG, TELECOM, SONEDE) ;
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Accessibilité de la parcelle au réseau routier principal,
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Etude d’impact du bâtiment sur l’environnement qui soit approuvée par un organisme public spécialisé (Agence Nationale de Protection de l’Environnement ANPE) pour les cas fixés par la réglementation ;
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Avis des services de la protection civile ;
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Les délais d’approbations ;
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Mesures à prendre en cas d’infraction ;
Le droit de la construction détermine également la composition des commissions responsables de et la procédure de son fonctionnement ;
3. Evolution du droit de l’urbanisme et de la construction en Tunisie 3.1. La période précédant le protectorat : Médinas et ruralité. L’inutilité d’un encadrement juridique Durant la période précédant le protectorat, les territoires étaient majoritairement ruraux et le nombre des centres urbains étaient très réduits (Tunis, Sousse, Sfax), ce qui excluait le besoin d’un cadre réglementaire d’urbanisme. L’urbanisme était donc peu développé hormis quelques textes connexes : La loi à la création de certaines communes tunisiennes (Tunis en 1858, La Goulette, 1884, La Marsa, 1912, Carthage, 1919, etc.)
3.2. La Tunisie coloniale : Maintien d’une tradition couplé à une forte croissance urbaine Pendant le protectorat, on assite à une dynamique économique et sociale qui ont induit le développement d’espaces urbanisés (villas, immeubles, routes, chemin de fer, etc. Parallèlement, les villes les plus importantes sont de plus en plus denses et les conditions sanitaires se sont dégradées suite à la montée du phénomène de l’exode rural. Les quartiers et aménagements européens se développent parallèlement à la prolifération des bidonvilles aux abords des villes. Il était nécessaire de se doter d’un cadre juridique (inspiré de la réglementation française) capable de poser des limites de l’action humaines sur le sol. On cite notamment : -
Le décret du 25 janvier 1929 relatif à l’aménagement et à l’extension des agglomérations urbaines. Il s’agit d’un texte de planification des périmètres urbains :
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Soucis satisfaire et besoin d’hygiène ;
Circulation ;
Esthétique ;
Interdiction de certaines actions de construction ;
Le décret du 9 mai 1931 approuvant le règlement sanitaire de la ville de Tunis et qui pose des prescriptions sanitaires en matière de construction.
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Le décret du 10 septembre 1943 relatif à l’architecture et à l’urbanisme. Il diversifie les instruments de la planification urbaine.
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Le décret du 22 juillet 1943 relatif aux autorisations de bâtir qui soumet, pour la première fois en Tunisie toute construction à autorisation.
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Le décret du 11 janvier 1945 relatif à l’aménagement rural qui dote les communes rurales d’un document d’urbanisme : Le Plan d’Aménagement Rural dont le rôle est d’assurer l’exploitation des ressources agricoles, minières, industrielles, commerciale d’une circonscription déterminée.
Après l’indépendance Le jeune état tunisien va progressivement mettre en place la politique d’urbanisme et de la construction
3.3.1 Cadre réglementaire -
Le règlement d’urbanisme et de la construction de
1969 nommé « Règlement
Znaïdi ». Il n’était pas doté d’une valeur juridique, mais l’administration l’employait pour règlementer le l’utilisation du Sol et la construction. -
Durant les années 70 on assiste à la prolifération de l’habitat spontané. Afin de maîtriser le phénomène et optimiser l’utilisation du sol, moderniser le tissus urbain, la loi N°79-43 du 15 août 1979 approuve le code de l’urbanisme qui devient le cadre juridique de référence pour toute intervention sur l’espace.
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En 83 la loi relative à la protection des terres agricoles (zones d’interdiction, zones de préservation et zones soumises à autorisation)
3.3.2. Cadre institutionnel Il est important de souligner que des institutions publiques de promotion immobilière et d’aménagement urbain sont créées durant cette première période de l’indépendance : -
La Société Nationale Immobilière de Tunisie (SNIT) est créée une année après l’indépendance (1957) pour réaliser les programmes de l’Etat en matière d’habitat social et économique ;
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Le District de Tunis en 1972 qui avait pour mission l’élaboration du Plan Régional du Grand Tunis, ainsi que la coordination avec l’ensemble des intervenants et organismes publics (Ministère de l’Equipement, la SONEDE, la STEG, L’ONNAS, Ministère de l’Agriculture, ministère des transports, les communes et les gouvernorats, le domaine de l’Etat et des affaires foncières, etc.)
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Les Agences Foncières : Habitation, touristique, Industrielle pour lutter contre la spéculation des terrains et pour réguler le prix du sol urbain et offrir aux ménages de faible et moyen revenus un terrain aménagé à prix très compétitifs (1974).
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En 1977, la loi instituant la profession de promoteur immobilier est promulguée ;
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La Société de Promotion du Logement Social pour les travailleurs affiliés à la CNSS et CNRPS (organismes de sécurités sociales)
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Et en 1982, l’Etat institut l’Agence de Réhabilitation et de Restructuration Urbaine qui sera également dotée des instruments de puissance publique (droit d’expropriation et priorité d’achat à l’intérieur des périmètres d’intervention). Suite à la crise des finances publique de 1986, au changement du pouvoir en 87 et à l’intervention de la banque mondiale et de l’FMI plusieurs textes réglementaires ont été abrogés et notamment le code de l’Urbanisme et de la Construction qui est remplacé par le Code de l’aménagement du territoire et de la construction de 1994 (approuvé par la loi N°94-122 du 28 novembre 1994). Les nouveautés sont essentiellement :
La protection de l’environnement ;
Décentralisation de l’élaboration et de l’approbation des documents d’urbanisme ;
Introduire des mécanismes de Partenariat Public Privé (PPP) dans le domaine de l’aménagement urbain ;
Apporter plus de souplesse dans les procédures administratives (permis de bâtir, approbation de lotissement, etc.)
Sanctionner plus efficacement les contrevenants aux lois de la construction et de l’urbanisme.
Notons qu’à cette même période fut abrogées la loi de 1977 qui a instituée la profession de promoteur immobilier par celle de 1990. Cette dernière est venue améliorer les
conditions d’intervention des promoteurs immobiliers privés en leurs offrant des mesures financières d’incitation à l’activité.
3.4. Après la révolution