Chamanisme Celtique [PDF]

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Zitiervorschau

Sommaire I. La transmission que j’ai reçue I.1. Les années d’apprentissage I.2. L’invitation à enseigner

II. L’enseignement que je propose II.1. Le chamanisme de nos terres 1. Le chamanisme de nos terres : racines et oralité 2. Le chamanisme de nos terres : l’harmonie pour essence – Une pratique pour vivre en harmonie avec tous les êtres vivants qui nous entourent – Une pratique pour vivre en harmonie avec le lieu où l’on vit – Une pratique pour vivre en harmonie avec soi-même 3. Le chamanisme de nos terres :la source, origine et aboutissement de tout – Une Source unique – L’essence de la Source qui nous anime

II.2. La pratique du chamanisme de nos terres 1. Le canevas – Le chaman, le praticien chamanique : une différence fondamentale - La préparation - Le voyage chamanique - Le tambour - L’intention - Les trois mondes chamaniques – Les notions d’esprit dans le chamanisme celtique - Les animaux de pouvoir - Les guides et maîtres spirituels 2

2. Les jalons principaux – Les trois pans majeurs : autoguérison, travail avec les esprits, divination - Cérémonies et rituels - Rites de passages 3. L’éthique 4. Petit aperçu de pratique appliquée

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© Éditions Véga, 2013 Tous droits d’adaptation, de diffusion ou de traduction réservés. ISBN : 978-2-8132-1076-0 www.editions-tredaniel.com [email protected]

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À mon mentor Sous quels auspices nos routes se sont-elles croisées ? Tu me le répétais assez : il n’y a pas de hasard. Mon apprentissage auprès de toi n’était pas facile et bien des fois j’ai failli abandonner. Les difficultés et les obstacles me semblaient parfois trop grands pour moi. Les avoir traversés et surmontés avec ton aide et ta patience m’ont donné une force et une expérience dont je nourris aujourd’hui mon enseignement. Plus le temps passe et plus je me rends compte de l’importance de ce que tu m’as transmis. Des éléments de ton enseignement ne cessent de m’apparaître sous un jour nouveau, je les comprends autrement, je les vis autrement. Ce que tu as semé en moi ne cesse de grandir et de porter de nouveaux fruits. Et je sais que cela durera jusqu’à la fin de mes jours. J’aime me rappeler les moments très intenses que nous avons vécus ensemble. J’aime me rappeler les nombreuses marches de nuit en forêt pendant la lune noire. Tu m’apprenais à développer mon ressenti : nous marchions dans le noir, il fallait éviter les arbres. Tu te déplaçais comme en plein jour, je trébuchais et tombais souvent, j’ai récolté plus d’une bosse. Et nous avions de nombreux fous rires. J’aime me rappeler les moments dehors où la pluie ou l’orage étaient sur le point de tomber. Tu m’invitais à faire halte et à prier le ciel ensemble. 7

Jamais la pluie n’est tombée sur nous. J’aime me rappeler les rencontres avec les animaux lors des exercices de métamorphose. Se retrouver au milieu d’une compagnie de sangliers ou laisser le chevreuil venir à soi jusqu’à pouvoir toucher son flan. Merci à toi de m’avoir choisi pour vivre ces années d’apprentissage ensemble. Merci à toi d’avoir su me mettre en confiance et d’avoir cru en moi. Merci pour ta patience. Merci à toi d’avoir été là. Merci mon amie.

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À ma femme Qui, chaque fois que j’en ai besoin, met sa plume habile au service de ma dyslexie, pour la traduire en un langage clair et précis, toujours dans le respect de mon souci de simplicité.

janvier 2012

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Si le chamanisme se pratique toujours aux quatre coins de notre monde, c’est grâce à sa faculté d’évolution, d’adaptation. Car le chamanisme est une pratique des hommes ; les hommes évoluent, la pratique chamanique évolue avec eux. Ce petit traité de chamanisme celtique a été écrit en 2012, il contient les concepts d’une pratique chamanique celtique de ce moment-là. Or, l’évolution étant changement perpétuel, les vérités d’aujourd’hui ne seront pas les vérités de demain. Certaines notions expliquées dans ces pages peuvent et doivent se transformer pour poursuivre sur cette lancée dont les origines sont si lointaines. Et cette même évolution, par essence, nous emmène tout droit vers un inconnu passionnant.

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I La transmission que j’ai reçue

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1 Les années d’apprentissage Tout a commencé dans les années 1990. À l’époque, j’habitais dans un petit village du Sundgau, dans le sud de l’Alsace, à la frontière suisse, près de l’Allemagne. J’ai rencontré la dame qui allait me faire découvrir son savoir et qui vivait dans mon village, par l’intermédiaire de son petit-fils, que je connaissais bien. Il m’arrivait d’aborder avec lui des sujets moins conventionnels et c’est lors de l’une de ces discussions qu’il m’a dit que sa grand-mère était une personne hors du commun et il m’a proposé de la rencontrer, car, selon lui, nous nous entendrions bien. Il n’était pas très courant à l’époque, surtout dans un petit village, de parler de spiritualité ou de choses ne relevant pas directement du quotidien. J’ai accepté. Je me suis donc rendu chez la grand-mère de mon ami, un dimanche, en début d’aprèsmidi. Quand je suis parti de chez elle, il était vingt heures passées et je n’avais prononcé que quelques mots à peine. Elle avait parlé tout le temps, me racontant ce côté de sa vie dont elle n’avait fait part à personne. Ce soir-là, comme j’étais sur le point de m’en aller, elle a ajouté : « à la semaine prochaine, donc », comme si nous étions de vieux amis habitués à nous voir régulièrement. Ce jour-là fut le premier de notre amitié très spéciale que vint interrompre, un peu plus de six années plus tard, la mort de celle qui pendant tout ce temps m’a enseigné et transmis le savoir chamanique dont elle était la dépositaire. Bien vite, nos rencontres se sont multipliées et je passais chez ma nouvelle amie, à sa demande, presque tous les soirs de la semaine, après mon travail. Un long apprentissage venait de commencer. Au début, je le vivais comme autant de nouvelles découvertes et de moments privilégiés de partage. À tel point que je lui consacrais tous mes week-ends et mes jours de congé. Elle m’a bien expliqué, dès les premiers jours, qu’elle ne souhaitait pas que je parle d’elle à quiconque, ni de ce que nous faisions, afin de ne pas nous heurter aux mauvaises langues promptes à jeter le discrédit sur ce qu’elles 12

ne connaissent pas. Elle tenait à garder l’anonymat, même après son départ. C’est pour cela que je ne la nommerai pas dans ces pages. Je choisis de parler d’elle comme de mon mentor. Ce qu’elle me transmettait, elle le tenait d’un aïeul qui lui-même l’avait reçu de sa grand-mère. Et celle-ci l’avait reçu d’un aïeul. Il n’y a pas eu de coupure dans cette retransmission exclusivement orale depuis de nombreuses générations. J’apprenais au fur et à mesure les bases de sa tradition chamanique celtique et je devais beaucoup pratiquer pour me familiariser avec le monde des esprits, m’exercer à communiquer avec eux en toute sincérité, en toute ouverture. Pour reconnaître et donner la juste place à mon mental et à mon ego pour que, peu à peu, ils n’influencent plus ma pratique. Ce travail, je le fais encore aujourd’hui et je le ferai jusqu’à la fin. Au début, tous les exercices que je pratiquais, dont les voyages chamaniques, m’étaient extrêmement pénibles, je les trouvais très laborieux. Je pensais qu’il s’agissait d’autant d’échecs car je ne ressentais rien, je ne voyais rien, je n’entendais rien, je ne sentais rien… Je me fâchais. Je perdais vite patience. Souvent, j’ai eu envie de tout laisser tomber. Puis, un soir, après de nombreuses tentatives que je prenais pour infructueuses, j’ai capté une première image dans un voyage chamanique. La silhouette d’un de mes animaux de pouvoir m’est apparue et a aussitôt disparu. Cela a duré une fraction de seconde. C’était suffisant pour me laisser une impression bouleversante. Depuis ce jour, j’ai compris que la plupart des images dans mes voyages chamaniques ne sont pas des images visuelles ordinaires mais des « images ressenties ». C’était formidable. J’ai repris ma pratique avec une ardeur nouvelle. Et au fil des jours, les voyages devenaient de plus en plus riches. Soir après soir, voyage après voyage, les messages devenaient de plus en plus longs et clairs. J’ai appris à me familiariser avec de nombreux esprits comme mes propres animaux de pouvoir, certains esprits d’ancêtres de la tradition de nos terres, et des guides et des maîtres spirituels. Je pratiquais quotidiennement. J’ai appris ainsi à bien les connaître. Et ce sont plus particulièrement les esprits d’ancêtres, qui, les uns après les autres, ont commencé à proposer de me retransmettre un certain savoir et certaines connaissances de leur pratique chamanique : c’est-à-dire comment ils pratiquaient, ce qu’ils faisaient, dans quel but, à quel moment, etc. Parallèlement, tous les soirs après mon travail, je retournais chez mon 13

mentor qui continuait à me prodiguer son enseignement. Et lorsque je rentrais chez moi, tard, je faisais ma propre pratique, mes propres voyages, pour aller retrouver mes esprits et guides. Plusieurs mois puis années se sont écoulés ainsi ; en début de soirée, je recevais l’enseignement de mon mentor et ensuite, je recevais l’enseignement de mes esprits lors de ma propre pratique. Je notais scrupuleusement tout ce que je recevais de mes esprits mais je ne le partageais avec personne, pas même avec mon mentor. En effet, elle me répétait assez souvent que la pratique personnelle ne regarde que celui qui s’y astreint et, au début de mon apprentissage, elle m’avait signifié très clairement qu’elle ne souhaitait pas savoir ce que je vivais au cours de ma propre pratique. Elle la considérait comme un véritable jardin secret, dont l’intimité doit à tout prix être respectée pour être préservée de toute atteinte extérieure, même faite en toute bonne foi ou avec bonne conscience. Elle-même, avec toute son expérience, ne voulait surtout pas prendre le risque d’interpréter quoi que ce soit venant de mes propres voyages avec mes esprits et guides. Au bout de six années d’assiduité, d’apprentissage régulier, l’esprit d’un ancêtre qui se faisait le porte-parole de tous les autres, est venu me voir lors d’un voyage chamanique pour m’inviter à réfléchir sérieusement dorénavant à retransmettre ces savoirs, ces outils, ces connaissances à ceux qui voudraient les réutiliser pour travailler sur eux-mêmes, c’est-à-dire mieux se connaître et se prendre en main personnellement. Car les outils et les façons de faire que me montraient les esprits étaient simples et destinés, à l’époque, à servir chaque membre d’une communauté : chacun pouvait les apprendre pour ensuite les utiliser sur lui. Il ne s’agissait donc pas de la pratique ou des outils plus approfondis qui visent alors à travailler sur autrui et qui nécessitent un apprentissage tout différent, bien plus long et plus poussé, et qu’il n’est pas concevable de mettre en place dans un cadre de stages de deux jours ou d’une formation longue de plusieurs années axée sur quelques semaines de réunions annuelles d’un groupe de travail. Ce genre d’apprentissage ne peut être qu’individuel, il doit être nourri d’une pratique quotidienne de plusieurs heures pendant des années, en compagnie et sous la guidance du maître d’apprentissage. Ce qui est aujourd’hui quasiment impossible à réaliser, dans nos rythmes ordinaires de vie. Les messages des esprits étaient incontestables : ce qu’ils me demandaient de retransmettre était uniquement des outils que chacun, à leur époque, avait pour habitude d’utiliser couramment, simplement. Je ne devais pas redonner les pratiques spécialisées que je recevais de mon mentor ni de mes esprits, car cela aurait exigé une tout autre approche, une tout autre démarche. En 14

effet, mon mentor m’a formé quotidiennement, pendant plusieurs années, j’aurais donc dû, pour retransmettre une pratique « spécialisée », procéder à mon tour de la même manière.

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2 L’invitation à enseigner Devant la portée de la demande de cet esprit, j’ai eu la désagréable et vive sensation d’avoir été pris au piège. Ma première réaction émotionnelle fut une grande colère immédiatement suivie d’un rejet catégorique de cette invitation à enseigner. À l’époque, je me sentais très mal à l’aise lorsque je devais prendre la parole dans un groupe, je devenais cramoisi, je n’arrivais pas à articuler correctement, et je devais toujours lutter pour refouler les larmes qui me montaient aux yeux. Je me suis fâché et j’ai répondu à cet esprit qu’il s’était trompé de personne et que je n’avais pas la fibre d’un enseignant. Le lendemain soir, je suis retourné comme chaque jour chez mon mentor, et avant de commencer, elle a déclaré : « D’abord, ce soir, je dois te dire une chose importante. » Et elle a poursuivi : « Tu sais, ce que les esprits t’ont transmis, parallèlement à moi durant ces six années, et dont je t’ai demandé de ne pas me parler, je te fais maintenant la même invitation que l’esprit d’hier soir ; à mon tour, je te demande de penser sérieusement à redonner ces outils simples et accessibles à tous, pour ceux qui voudraient les réutiliser pour eux-mêmes. » En entendant ces mots, j’étais ahuri. Et je me suis dit que je devais prendre au sérieux cette invitation à enseigner. Car la façon dont elle m’avait été faite est conforme à la manière dont elle se fait dans la plupart des traditions chamaniques de par le monde. De tout temps, tout le village, toute la communauté, enfants, femmes, hommes, jeunes, vieux, pratiquent le chamanisme, à titre personnel et quotidien. Et très régulièrement, ils se rassemblent pour des pratiques communes, collectives, sous forme de rituels, de cérémonies. C’est à ces occasions-là que, souvent, une partie de l’assemblée présente remarque la fluidité particulière d’un individu à communiquer avec les esprits. Ensuite, les doyens et doyennes de la communauté, considérés comme des sages, reçoivent la visite de leurs propres esprits qui leur font remarquer que cet individu présente un potentiel et pourrait succéder au chaman, au guérisseur, au devin, à l’astrologue, etc., déjà en place. Les sages vont alors se réunir et discuter de ce choix avant de le valider. Lors de la cérémonie collective suivante, les anciens formulent l’invitation à la personne concernée. Et elle 16

a le choix d’accepter ou de refuser. Si elle refuse, tout continue comme avant. Si elle accepte, cela signifie souvent que dans les jours à venir, elle va déménager et aller vivre sous le même toit que le chaman. Celui-ci va commencer à lui transmettre son savoir, ce qui prend de longues années. L’élément fondamental qui valide cette invitation est qu’elle vient du monde des esprits d’abord et ensuite seulement du monde ordinaire, des humains. Si cette invitation ne se produit pas dans cet ordre, ou si elle ne vient que d’un des deux mondes, elle n’est pas valide. Car il y a interférence, souvent due à l’ego ou à un désir profond. Mon mentor me répétait d’ailleurs très souvent la même mise en garde : « Si tu rencontres des personnes qui se présentent au premier abord comme chamans ou guérisseurs, fais demi-tour et éloigne-toi. » Il est important de savoir qu’aucun individu ne choisit de devenir chaman ou guérisseur ou autre. L’invitation vient toujours du monde des esprits d’abord et ensuite du monde ordinaire. Il n’est donc ni cohérent ni vraisemblable de se proclamer chaman après quelques stages, et encore moins de venir faire un stage pour devenir chaman. C’est contraire à la pratique. Car qui dit pratique, dit assiduité, longue durée, connaissance de soi, connaissance approfondie de ses esprits. Le tout dans la simplicité et l’humilité. C’est le premier précepte de notre tradition qui en compte trois. Les deux autres sont « ne rien attendre, se détacher de tout résultat » et « travailler son ego et voir quelle place il prend ». Pour compléter, ajoutons que dans la plupart des traditions chamaniques, ainsi que dans la nôtre, personne ne se targue d’être chaman ou guérisseur, car dans ce cas, on ne serait déjà plus dans la simplicité ni l’humilité. J’ai rencontré à ce jour plusieurs chamans de traditions diverses dans le monde, aucun d’eux ne se dit d’emblée chaman ou guérisseur. Ils s’estiment simplement au service de leur village, des membres de leur communauté et ce sont ceux-ci qui leur attribuent ce qualificatif distinctif. J’ai donc réfléchi pendant plusieurs jours à cette invitation que je venais de recevoir, car sur le coup, j’étais troublé. Ensuite, j’ai informé mon mentor de mon intention de me préparer et de faire une première tentative. Et si celle-ci s’avérait concluante, je poursuivrais. Sinon, je me détournerais tout simplement de l’enseignement pour continuer ma pratique, mais seul avec moi-même, comme avant. Je m’y suis mis : j’ai construit un premier atelier, pour transmettre les bases de cette pratique celtique, selon les enseignements que j’avais reçus pendant toutes ces années. Cela m’a demandé des efforts considérables. Et le premier jour de l’atelier, j’étais stressé, pris par la peur de mal m’y prendre, de ne pas arriver à communiquer correctement, de ne pas trouver les mots justes. À l’issue du 17

deuxième jour, les participants avaient notamment appris à faire des voyages chamaniques au son du tambour selon notre tradition celtique, à la rencontre de leurs animaux de pouvoir et de leurs guides et maîtres spirituels. Les réactions positives des participants m’ont encouragé à recommencer l’expérience, puis petit à petit, comme les personnes intéressées souhaitaient approfondir leurs relations avec leurs animaux de pouvoir et leurs esprits, mais aussi avec la nature qui nous entoure, j’ai développé des ateliers ou des stages avancés sur des thèmes bien précis, toujours constitués d’exercices, de rituels, de cérémonies que m’avaient enseignés et m’enseignaient encore mon mentor et mes propres esprits. Aujourd’hui encore, je continue ma pratique et je reçois des enseignements de mes esprits. Presque une année après mon premier atelier, mon mentor m’a dit qu’elle arrivait au bout de ce qu’elle pouvait me retransmettre mais que je devais toujours continuer ma pratique et rester attentif à mes esprits. Trois semaines plus tard, je l’ai revue, c’était un dimanche après-midi. Cette nuitlà, elle nous a quittés. J’étais la dernière personne à l’avoir vue vivante. Elle n’était pas malade, elle n’avait aucun problème de santé. Tout simplement, elle avait senti que l’heure était venue pour elle.

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II L’enseignement que je propose

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1 Le chamanisme de nos terres Le chamanisme de nos terres : racines et oralité Le chamanisme est sans doute la pratique spirituelle la plus ancienne connue de l’humanité, c’est du moins ma conviction. Notre lointain ancêtre commence à se redresser sur ses membres postérieurs il y a un peu plus de 10 millions d’années. Puis, la découverte du galet de jaspe rouge retrouvé à Makapansgat, en Afrique du Sud, évoque pour certains chercheurs les origines de la pensée symbolique. L’homo apparaît. Il évolue. L’homo sapiens enterre ses défunts et dispose des offrandes près de leurs restes. Ces objets ont une valeur symbolique. J’y vois le signe que l’homme prend donc progressivement conscience d’un monde des esprits. Il a des songes, puis il fait des voyages chamaniques, il entre en transe, il découvre et se familiarise avec ses animaux de pouvoir et les esprits de la nature qui l’entourent. Des traces archéologiques le prouvent avec trois éléments qu’il m’est difficile de ne pas ressentir comme chamaniques et que l’on retrouve dans les peintures et les gravures préservées par le temps dans les grottes et les cavernes. Il s’agit de dessins d’animaux, très nombreux par ailleurs. Comment ne pas se demander si ces dessins représentent, outre les animaux que ces hommes voyaient dans leur quotidien, des animaux de pouvoir, des animaux totem, animaux qu’ils voyaient dans leurs songes, dans leurs voyages chamaniques et qu’ils ont peints ? Le deuxième élément est la représentation d’êtres humains lors de cérémonies, de rituels. Soit en cercle, une cérémonie autour d’un feu. Soit en file indienne, en procession, en marche vers un autel, comme pour y déposer une offrande. Pour ma part, il est clair que certains de ces dessins tout simples sont des traces qui démontrent que les hommes opéraient déjà des pratiques dans ce domainelà. Et troisième élément très chamanique, le phénomène de la métamorphose. Certains dessins ou sculptures représentent une créature moitié homme moitié animal, ou des animaux recomposés, un cheval avec des ailes par exemple. Ce n’est pas usuel. On ne voit pas tous les jours un 20

dragon, une licorne dans les prés. Ces animaux, toutes les traditions les ont dessinés ou décrits dans leurs récits oraux depuis le début des temps. On les retrouve sur toute la planète, même dans des cultures qui n’ont pas forcément eu de contacts entre elles. Et aujourd’hui, on peut se demander : « Tiens, si toutes ces traditions, ces cultures, partout sur la planète, en ont parlé, n’existeraient-ils pas quelque part ? Sur un autre plan ? » Aujourd’hui, le chamanisme est une pratique spirituelle toujours bien vivante sur l’ensemble de la planète. Il est intéressant de remarquer que le chamanisme existe depuis que l’homme a commencé à prendre conscience de sa condition et qu’il existe toujours alors que, depuis nos premiers balbutiements, la Terre a vu apparaître et disparaître de nombreuses civilisations, dotées de leurs croyances propres qui se sont éteintes avec elles. Le chamanisme a traversé le temps. La raison en est que dans le chamanisme, il n’y a pas de hiérarchie. Toute hiérarchie est une structure pyramidale, souvent dominée en son faîte par un seul individu ou un groupe restreint de personnes. Le chamanisme authentique, tel qu’il est pratiqué par les peuples naturels, n’est pas soumis à une hiérarchie. Dans les communautés où l’on pratique le chamanisme, le chaman n’occupe pas un rang de choix ni une position privilégiée. Il se situe au même niveau que tous les autres membres de la communauté. Il ne détient pas d’autorité particulière. Simplement, il est doté d’une compétence spécifique au même titre que le forgeron ou la sage-femme qui détiennent un savoir et une expérience propres. De ce fait, dans les stages que je propose, nous sommes toujours assis en cercle, car dans un cercle, il n’y a pas de place plus ou moins avantagée ; tout le monde est au même niveau, tout le monde a la même importance. Tout le monde est à la meilleure place. Et de plus, chacun se voit. Qui sont les ancêtres de nos terres ? Comme toutes les régions habitées du monde, nos terres ont connu des mouvements de population ; invasions, déplacements en masse pour des causes diverses. Il ne s’agit pas ici d’en donner un aperçu élaboré et nous nous contenterons de comprendre que les ancêtres de nos terres ne présentent pas une seule et unique souche ou origine. Si leurs pratiques du sacré différaient en fonction des régions ou des ethnies, elles reposaient sur les mêmes fondements. Pour n’en citer qu’un : leur amour et leur respect des esprits de la nature avec lesquels ils entretenaient des liens particuliers. Le chamanisme de nos terres est donc issu de ces anciennes pratiques du sacré. N’oublions pas que de tous temps, 21

les mots utilisés pour décrire le chamanisme ont évolué. À l’époque des Celtes, le terme « chamanisme » n’existait pas. Pour rappel, il provient de l’appellation « saman », et serait apparu pour la première fois en 16721. C’est un terme emprunté à la langue toungouse. Plusieurs étymologies sont avancées pour sa signification : « celui qui voit », « celui qui saute, qui bondit ». Nous savons que les Gaulois ont été envahis par les Romains, que cette invasion a duré plusieurs siècles, et que, au cours de ces siècles, les Romains se sont de plus en plus christianisés. Au IVe siècle après JésusChrist, le christianisme devient la religion officielle en Gaule, alors que jusque-là ses adeptes étaient persécutés par les Romains. On sait aussi aujourd’hui que certaines fêtes païennes ont été incorporées au calendrier chrétien et que les rites et symboles cultuels de nos ancêtres ont souvent été diabolisés par la nouvelle religion officielle qui en a détourné les significations profondes. Le cas du corbeau est révélateur. Si saint Benoît avait un corbeau comme compagnon familier, aujourd’hui, nous sommes bien loin de lui attribuer une aura positive. Il est surtout associé à la mort ; il porte malheur, il est de mauvais augure. Jadis, il était effectivement lié à la mort, mais il avait un rôle bénéfique. Lors de rites funéraires, lorsque les officiants et les participants apercevaient ou entendaient des corbeaux, c’était un excellent présage : l’essence de la Source qui venait de quitter le défunt était prise en charge par les corbeaux qui la conduisaient à la Source. Cet animal était pour nos ancêtres un animal psychopompe, c’est-à-dire un passeur. Il était donc tenu en très haute estime. Autre assimilation intéressante : Halloween. À la simple évocation de ce nom, aujourd’hui, on voit surgir une citrouille au sourire ricanant et au regard vide et effrayant. À l’origine, les Celtes célébraient la fête de Samain, le 31 octobre. Ce jour-là était le dernier jour de l’été et le premier jour de leur année nouvelle. C’est aussi ce jour-là que le voile séparant le monde des vivants de celui des défunts est le plus ténu. La citrouille était utilisée lors d’un rituel de passage pour les défunts. La citrouille était évidée et on y creusait un visage souriant, accueillant. Le dessus restait ouvert. À l’intérieur, on y déposait une bougie, allumée avec une intention précise. Une veillée était organisée dès la tombée de la nuit ; les citrouilles étaient placées sur les rebords des fenêtres, le visage tourné vers l’extérieur. Elles rayonnaient comme des phares, guidant les défunts. Pendant cette veillée, des prières étaient récitées à l’intention des défunts, pour les appeler et les exhorter à quitter le monde des vivants. C’est aussi à ce moment de l’année que le houx 22

apparaissait au-dessus des portes et des fenêtres des maisons. Le houx était une plante qui repoussait les mauvais esprits. Les habitants l’utilisaient pour se protéger pendant ce moment crucial. Le gui était très présent lui aussi, au-dessus des portes et des fenêtres, mais on ne s’embrassait pas dessous ; il empêchait la maladie d’entrer dans la maison et préservait la bonne santé de la maisonnée. L’Histoire montre que la coupure avec ces racines qui étaient les nôtres n’a donc pas été radicale ni immédiate. Ce processus progressif d’aliénation culturelle s’est étendu sur plusieurs siècles. Et cette tradition spirituelle de nos terres, qui se fondait entièrement sur l’oralité, s’est éteinte ; ses détenteurs ne pouvaient plus la transmettre sous peine ou par peur d’être victimes, entre autres, d’accusations de sorcellerie, qui conduisaient souvent tout droit à une mort certaine. Rares sont donc, aujourd’hui dans nos régions, les récipiendaires de cette tradition orale, tandis que, dans d’autres régions du globe, des anciens détiennent encore un savoir ancestral, issu d’une transmission continue, qu’ils perpétuent tout naturellement à leur tour.

Le chamanisme de nos terres : l’harmonie pour essence La première question que se posent les participants au stage de base, c’est : « le chamanisme de nos terres, qu’est-ce que c’est ? » Ainsi que me l’ont enseigné les esprits des ancêtres et mon mentor, le chamanisme authentique, c’est une manière de vivre en harmonie avec tous les êtres vivants qui nous entourent. Le chamanisme est une façon d’être en harmonie avec le lieu où l’on vit. Le chamanisme est un moyen d’apprendre à mieux se connaître soimême. Il est fondamental de prendre conscience que chacun est maître et responsable de lui-même et que chaque acte que nous posons a un impact. Tout ce que l’on dit, fait ou pense, positif ou négatif, a un effet, que celui-ci soit immédiat ou non.

– Une pratique pour vivre en harmonie avec tous les êtres vivants qui nous entourent Le chamanisme de nos terres, comme toute pratique de chamanisme authentique, nous permet de vivre en harmonie avec ceux qui vivent sous le même toit que nous, dans notre voisinage, dans notre village ou ville, pays, 23

continent et, finalement, sur toute la planète. Vivre en harmonie avec tous les êtres vivants. Et quand on parle d’êtres vivants, attention, il ne s’agit pas que des êtres humains. Dans le chamanisme, plusieurs règnes sont dotés de la vie : l’homme, le règne animal (que l’on soit partisan de les associer ou non car, pour citer le paléoanthropologue Pascal Picq, l’homme n’est pas le seul animal qui pense, mais il est le seul qui pense qu’il n’est pas un animal), le règne végétal et le règne minéral. Ce règne minéral aussi est vivant même si l’on a plus de mal à le concevoir. Une pierre est tout aussi vivante qu’un animal, qu’une plante, ou que nous-mêmes. Elle a une durée de vie plus longue et un rythme de vie beaucoup plus lent, c’est pour cela qu’on ne le perçoit pas au premier abord. Dans un état non ordinaire de conscience, il est possible de le ressentir, d’en faire soi-même l’expérience.

– Une pratique pour vivre en harmonie avec le lieu où l’on vit La pratique chamanique nous permet également de vivre en harmonie avec le lieu où l’on vit, dans sa propre maison ou son appartement, en tout premier. Puis dans notre quartier, dans notre village ou ville, dans notre pays, sur notre continent, pour finir de nouveau avec la planète entière qui est la grande maison de la communauté humaine. Comment vivre en harmonie sur notre Terre. Et aujourd’hui, tout nous rappelle qu’il est capital de vivre en harmonie avec la Terre. L’homme a besoin de la Terre, il est complètement dépendant de la Terre pour vivre. Elle nous donne absolument tout ce dont nous avons besoin pour vivre sainement, agréablement, confortablement. Sans elle, nous ne serions rien. En revanche, la Terre – et les hommes ont aujourd’hui tendance à l’oublier – n’a pas besoin de nous pour vivre. Pour preuve, elle a vécu longtemps sans nous. Petit rappel, comme l’explique Yves Coppens, si l’on admet que nous sommes le 31 décembre à minuit et que nous envisageons l’existence de la Terre à l’échelle d’une année, la vie est apparue sur Terre le 8 mars, sous la forme des premières bactéries. Les premiers poissons et vertébrés sont apparus le 24 novembre. Les dinosaures y ont vécu du 12 au 25 décembre et l’homme est arrivé le 31 décembre, quelques heures avant minuit. Cela fait à peine quelques heures que nous sommes là, que la Terre vit avec l’homme. Si un jour nous sommes appelés à disparaître, la Terre vivra très bien sans nous. En revanche, si la Terre ne nous donne plus ce dont nous avons besoin pour vivre, nous en souffrirons immédiatement. On le voit très bien en ce moment. C’est plus d’actualité que jamais. Ces dernières années, nous en 24

prenons de plus en plus conscience. Il est important de revenir à des notions plus saines. Ce qui ne veut pas dire régresser. Mais bien s’adapter et se rééquilibrer. C’est tout simplement l’une des bases même du chamanisme. La préservation de cet équilibre, de cette harmonie dans leur environnement de vie a toujours été l’un des premiers soucis des hommes. Les cueilleurs, les chasseurs, les pêcheurs veillaient à maintenir l’équilibre des ressources naturelles, seul garant de leur propre survie.

– Une pratique pour vivre en harmonie avec soi-même Que connaissons-nous de nous-même ? En réalité, nous ne nous connaissons pas vraiment. Pas entièrement. Loin de là. On estime qu’un individu connaît 15 à 20 % de lui-même. Nous sommes comme un iceberg, ces 15 à 20 % sont la partie émergée de l’iceberg, le gros est sous l’eau, on ne le soupçonne pas, mais il est bien là pourtant. Ces 15 à 20 % que l’on connaît de nous-même, c’est notre intellect, notre psychisme : nous savons ce que nous aimons, ce que nous n’aimons pas dans la vie, nous connaissons nos propres goûts… Nous savons à quoi nous réagissons, à quoi nous sommes ouverts, à quoi nous sommes plutôt fermés ou opposés. Nous savons aussi tout ce que nous avons appris au cours de notre vie : à l’école, lire, écrire, compter, mais aussi ce que nos parents, nos grands-parents, tous ceux que nous avons cotoyés, nous ont appris. Ainsi que le métier ou le savoir-faire que nous avons acquis. Et l’expérience. Tout cela, c’est ce que nous connaissons de nous-même. Soit 15 à 20 %. Le reste, le vocabulaire moderne le désigne volontiers par inconscient. Et le terme est clair : nous savons qu’il y a quelque chose mais nous ne savons pas ce que c’est. La pratique chamanique, et entre autres les voyages chamaniques, permet d’aller explorer cet inconscient, de partir à la découverte de soi-même afin de comprendre les mécanismes profonds qui nous animent. Comprendre les facettes de notre caractère, désamorcer les blocages ou les malaises qui nous font souffrir, qui provoquent en nous de la colère, de la tristesse ou des peurs qui à leur tour peuvent provoquer des maladies. La pratique chamanique nous permet de travailler sur nous-même, de découvrir nos points névralgiques et de contribuer à rétablir un juste équilibre, celui qui nous convient en propre. Et ainsi nous pouvons évoluer, avancer sur notre chemin spirituel. La pratique authentique du chamanisme est donc une aide quotidienne sur notre chemin de vie. Elle peut nous apprendre à mieux nous connaître pour nous permettre de mieux vivre en harmonie avec notre être profond.

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Le chamanisme de nos terres : la Source, origine et aboutissement de tout – Une Source unique Le but de tout individu, dans notre tradition chamanique, est d’atteindre l’éveil de la conscience pure, par la pratique. Cet éveil de la conscience passe par la Source. La Source est pour nous l’ultime référence. D’autres l’appellent Dieu, Allah, Bouddha, Krishna, lumière, Amour, Conscience, Grand Esprit, etc. Pour nous, tout est issu d’une seule Source, tout est relié et il n’y a pas de séparation. Chaque élément de l’univers fait partie d’un tout et le tout fait partie de chaque élément. Nous faisons donc partie d’un tout et le tout se retrouve en nous. Nous avons coutume d’utiliser trois termes pour décrire la Source ; pure lumière, pur amour et pure conscience. La Source, origine de tout : pour expliquer cela, j’utilise toujours le même exemple très simple et très éloquent à propos de l’eau, l’un de nos éléments vitaux. Nous lui connaissons trois aspects. Premier aspect : quand le thermomètre descend en dessous de zéro, l’eau gèle. Elle devient glace, dure et solide. Mais elle est toujours eau. Quand la température monte, cette eau fond et devient liquide. C’est sous cet aspect qu’on la connaît le mieux, mais elle est toujours eau. De solide, elle est devenue liquide. C’est tout. Finalement, la troisième forme qu’elle peut avoir, c’est quand la température monte encore et qu’elle s’évapore. Elle se trouve alors dans l’air. Mais c’est toujours la même eau. Par exemple, nous ne nous doutons pas qu’il y a des particules d’eau autour nous. Et pourtant, nous en absorbons à chaque inspir. En ce moment-même. Nous ne la voyons pas forcément, nous ne la sentons pas forcément et pourtant elle est vitale pour nous. S’il n’y en avait pas dans l’air que l’on respire, nous aurions très vite des problèmes de santé. Donc, cette eau a trois aspects. Maintenant, pour comprendre le fondement de notre tradition chamanique, il faut remplacer cette eau par la lumière pure qui vient de la Source. À la place de l’eau gelée, admettons que c’est de la « lumière gelée » qui vient de la Source. À notre échelle humaine, cela donne la matière, celle qui nous constitue et celle qui constitue tout ce qui nous entoure, êtres vivants ou objets inertes. La Terre elle-même est composée de cette lumière-matière. Selon notre tradition chamanique, tout n’est que pure lumière qui vient de cette Source. Cette lumière, à ce stade « de glace », sous sa vibration la plus basse, est 26

tellement dense, compacte, compressée, qu’elle en devient solide, donc matière. Nous sommes donc de la lumière-matière, bien concrète. Et cela vaut pour n’importe quelle forme, substance, vivante ou pas. Il n’y a pas de niveau « inférieur » à celui-ci : En effet, la lumière dans sa vibration la plus basse est matière. Cela signifie donc que nous ne pouvons que nous « élever », progresser. Mais ce stade où la lumière est matière – l’incarnation – est capital, car dans ce stade-là aussi, la lumière de la Source doit faire ses expériences. L’incarnation, ou la concrétisation de la lumière de la Source, est un moment privilégié pour nous d’aller de l’avant. Avoir conscience de cet ordre des choses nous permet de concevoir notre existence avec un regard complètement neuf. Une évidence s’impose alors : « Tout ce qui m’entoure, tout ce que je vois autour de moi, c’est de la lumière, et moi aussi je suis lumière. Donc, oui, je fais partie du tout et le tout est en moi. En réalité, il n’y a pas de dissociation. » À partir de là, nous comprenons sans effort notre participation, notre responsabilité dans ce grand tout au sein duquel nous vivons. Abordons maintenant les deux autres aspects de la lumière : l’état de vapeur et l’état de liquide. Commençons par la lumière à l’état de vapeur. C’est d’elle qu’est constitué le monde des esprits, des animaux de pouvoir, des guides et maîtres spirituels que nous allons rencontrer, notamment dans des voyages chamaniques. Ces esprits ne sont pas des incarnations, ils ne sont pas de la lumière-matière. Dans notre monde ordinaire, nous ne les voyons ou ne les sentons pas forcément. Mais cela ne signifie pas qu’ils n’existent pas. C’est comme les particules d’eau que nous inspirons sans cesse ; nous n’en avons pas conscience, et pourtant elles sont bien présentes. C’est la pratique chamanique qui nous permet d’aller à leur rencontre. Et enfin, le stade intermédiaire où la lumière est à l’état liquide. Dans notre vie d’être humain, ce stade est très bref : c’est celui où l’on passe de la mort à la vie et de la vie à la mort. C’est le moment de notre dernier souffle, de notre mort, lorsque nous passons à un autre cycle. C’est juste l’instant du passage. Et l’élément liquide, fugace par essence, symbolise parfaitement ce passage. Certains phénomènes réels, plusieurs mythes et légendes montrent bien que la matière est lumière et que lorsqu’un individu élève sa conscience et établit un rapport de lumière à lumière avec un objet face à lui, il peut alors le traverser ; c’est le cas notamment des guérisseurs philippins qui opèrent 27

à main nue. Toute anesthésie ou opération conventionnelle n’est plus nécessaire puisqu’il s’agit d’un rapport de lumière à lumière et pas de matière à matière. C’est aussi le cas, en Amérique du Nord, pendant la conquête de l’Ouest, des nombreux Indiens qui s’étaient évadés de leur cachot. Leurs gardiens avaient vu un animal s’enfuir, sans toutefois détecter la moindre marque d’effraction. Il s’agit là de maîtres de métamorphose. Ils traversaient la matière, les murs de leur prison, et prenaient la forme d’un animal pour couvrir leur fuite. Il existe de nombreux récits semblables. Plus près de nous, nos ancêtres celtiques étaient de grands spécialistes en la matière : Merlin l’Enchanteur, probablement le plus connu, était un maître de métamorphose. La mythologie celtique relate de nombreux cas de métamorphoses ; nous n’en citerons que deux : les métamorphoses successives qu’enchaînent Cerridwen et Gwion Bach lors de leur légendaire course-poursuite et Gwyddion qui, en plein combat, a métamorphosé une troupe de Bretons en arbres et en plantes pour les sauver d’une mort certaine.

– L’essence de la Source qui nous anime Un fondement essentiel de la tradition de nos terres se dégage ici très clairement : l’essence de la Source qui nous anime. Cette essence vient, à travers nous, faire l’expérience de la lumière incarnée, elle fait évoluer nos consciences. En langage moderne, cette essence de la Source qui nous anime est notre âme et notre esprit ensemble, reliés. Elle est pure, elle n’est jamais en péril, ni en difficulté, ni fractionnée, ni séparée, ni fragmentée, ni malade. Elle est. Tout simplement. L’essence pure, originelle, de la Source. Elle poursuit son chemin d’évolution, d’apprentissage à travers la matière que nous sommes. L’âme et l’esprit sont inséparables, indissociables. Ensemble, ils sont l’essence de la Source qui nous anime. Ils sont issus de la Source : l’âme est la lumière pure de la Source, l’esprit est la conscience pure de la Source. Il est également le lien entre notre corps et notre âme. L’amour imprègne tout. Notre essence pure ne peut donc être malade, elle nous anime, elle est vie en nous. Et le jour où elle se sépare de notre corps physique, elle ne nous anime plus, c’est le jour de notre mort, le jour du départ de notre essence vers un ailleurs de lumière. Des termes comme recouvrement d’âme ou guérisseurs d’âme désignent donc pour nous une réalité impossible. 28

Recouvrer son âme ou une partie de son âme, ou bien la guérir, relève tout simplement de l’aberration. En revanche, bien entendu, nous avons des disharmonies, des troubles énergétiques, des fuites énergétiques, des nœuds énergétiques, etc. dans les différents corps énergétiques qui nous composent, mais pas dans notre âme ni dans notre esprit, ces différents corps qui nous composent n’étant pas notre âme, ni notre esprit. Cette essence pure de la Source qui nous anime revient autant de fois qu’il le faut, jusqu’à atteindre son but ultime. Notre tradition considère que tout est cyclique dans l’univers, qu’il y a donc constamment naissance, vie et mort. Nous croyons en la réincarnation. Nous croyons qu’après notre mort, ce n’est pas fini. Au contraire, c’est un nouveau départ. Nous passons à une étape suivante, pour nous rapprocher toujours plus de notre but. Les cycles qui régissent la vie sont nombreux, il y a une multitude de cycles divers dans notre corps, à notre échelle d’être humain, comme la reproduction et la mort de nos cellules mais aussi la respiration, le sommeil, la digestion, la jeunesse et la vieillesse, etc. Les cycles de la nature liés à ceux de la Terre, comme les saisons, le jour et la nuit, les marées, les années qui sont autant de révolutions de la Terre autour du soleil. Le grand cycle que représente notre système solaire. Les cycles lunaires, etc. Tout est cycle, tout est transformation, rien ne disparaît jamais, tout évolue. Cet enseignement vise à mettre en place une pratique personnelle qui se nourrit d’actes chamaniques quotidiens ou ponctuels, individuels ou collectifs ; prières, cérémonies et rituels, rites de passage… permettant à chacun d’entre nous de se prendre en main et de participer activement à sa propre évolution sur ce chemin entamé ici-bas, qui nous reconduit vers la Source. 1 Avvakum Petrovich, La vie de l’archiprêtre Avvakum écrite par lui-même, 1672, trad. du russe par Pierre Pascal, Gallimard, 1938. A. Petrovich était un dirigeant du clergé conservateur russe, exilé en Sibérie en 1661 par le tsar Alexis Ier.

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2 La pratique du chamanisme de nos terres Le canevas Notre pratique chamanique se fonde sur une éthique que nous aborderons par la suite. Cependant, il me semble judicieux d’évoquer ici ses préceptes majeurs : rester simple et humble, travailler son ego, voir où est sa place dans l’instant présent, ne rien attendre, se détacher du résultat. Soulignons que le terme « pratique » est très clair : il s’agit de pratiquer, encore et encore, assidûment, pour progresser. Sans cela, la pratique n’en est plus une. J’entends souvent remarquer que le premier et le troisième précepte semblent identiques. Ce n’est pas le cas. Rester simple et humble, la simplicité et l’humilité comme états d’être, juste être soi-même, sans apprêts, se présenter tel que l’on est. L’humilité, c’est accepter sa condition d’être humain, avec toutes les facettes qui la composent. Sans en valoriser ni en mésestimer aucune. Travailler son ego, voir où est sa place dans l’instant présent, demande une remise en question sincère. Ce que je dis ou fais est-il en harmonie avec mon être authentique, ou cela m’est-il dicté par un désir profond de paraître ce que je ne suis pas ? Ou suis-je venu travailler sur moi en toute franchise face à moi-même ? Ne rien attendre, se détacher du résultat signifie ne pas permettre à notre mental de forcer les choses en lui laissant les rênes. Car tout le travail en serait biaisé. Il ne faut donc pas s’imposer d’exigence de résultat. En d’autres termes, il faut lâcher prise pour pouvoir entrer dans un état de réceptivité totale. Or, beaucoup d’entre nous sont incapables de lâcher prise, de ne pas avoir une certaine emprise sur ce qui se passe, de laisser faire les esprits. Au début, la pratique implique un gros effort qui consiste à lâcher cette envie de contrôle que nous avons.

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– Le chaman, le praticien chamanique : une différence fondamentale De tous temps, dans tous les peuples naturels, chaque membre de la communauté est apte à pratiquer le chamanisme. Nous l’avons vu, ce n’est pas un individu qui s’autoproclame chaman, la communauté et les esprits le choisissent en fonction de ses aptitudes. Ses activités spirituelles consistent notamment en la guérison, la divination et les conseils, dans le respect constant de l’harmonie sacrée de l’univers. Les esprits procurent au chaman des connaissances, de l’aide, des conseils, des aptitudes, selon l’intention avec laquelle celui-ci va les trouver. Ils lui transmettent également d’autres ressources pour aider d’autres personnes, sa communauté, la planète ainsi que pour avancer sur son propre chemin spirituel. Cependant, il faut bien remettre chaque chose à sa place : il s’agit là de chamans qui ont grandi et mûri dans une réelle pratique chamanique quotidienne. Il ne s’agit pas de transposer cela à notre réalité occidentale et de croire que l’on peut devenir chaman ou guérisseur à l’issue de quelques jours de stages ou après avoir suivi une formation longue comme celles qui prolifèrent aujourd’hui en Occident pour tous genres confondus de disciplines spirituelles. C’est pour cela que dans notre tradition, nous parlons de praticiens chamaniques, d’individus qui pratiquent le chamanisme pour eux-mêmes, en utilisant des outils simples et efficaces à la portée de tous et qui ne nécessitent pas un apprentissage assidu de longue haleine tel que celui que connaît le chaman qui se fait former pour le bien de sa communauté et pour travailler notamment pour autrui. Ce qui n’est pas la même optique. Dans notre monde occidental, le chamanisme a beaucoup de mal à être crédible et sérieux, parce qu’il n’y a plus toutes ces bases léguées par les aïeux. Et l’on voit même certaines personnes se proclamer chaman après avoir lu quelques livres ou après avoir fait un ou deux stages, suivis de quelques voyages chamaniques qui passent pour suffisamment édifiants pour les lancer dans cette voie. Il est impossible de retransmettre dans des stages collectifs des outils destinés à être utilisés sur autrui. On ne peut pas acquérir un outil de guérison par exemple que l’on irait ensuite utiliser à l’identique sur plusieurs personnes. Chaque cas est unique. Chaque soin est donc taillé sur mesure pour chaque personne en demande ; on ne peut tout simplement pas appliquer un soin identique à plusieurs personnes. Car chaque individu est 31

différent, unique. Le bon sens le plus élémentaire veut donc que chaque individu nécessite une approche unique, qu’il est impossible d’apprendre dans un stage. Même dans un stage de longue durée, ou au cours d’une formation comportant plusieurs stages. Le seul moyen d’apprendre cela est une pratique quotidienne, assidue, avec la personne qui forme, souvent pendant plusieurs années. Le praticien authentique ne propose pas d’apprendre dans un stage à travailler sur autrui. Un chaman non plus n’enseignera pas en deux jours des techniques de guérison sur autrui. Il sait que dans le cadre d’un apprentissage à court terme, c’est une aberration. Dans la plupart des peuples naturels, un chaman, un guérisseur dans un village, n’est pas au-dessus des autres. Il ne jouit pas d’un prestige plus grand que les autres habitants du village. En journée, il a souvent un travail nourricier comme tout le monde, il travaille ses champs, soigne ses bêtes… Et le soir, quand ces travaux sont finis, les gens viennent le voir et le solliciter pour consulter les esprits, recevoir un soin, demander un rituel ou une cérémonie pour s’attirer l’aide des esprits, etc. Et il est intéressant de faire remarquer qu’aucun des chamans que nous avons rencontrés au cours de nos voyages ne pratique de soins sur ses proches ; tous expliquent qu’ils se savent trop impliqués émotionnellement et qu’ils ne sont pas dans le détachement nécessaire. Eux-mêmes font alors appel à d’autres chamans. Soulignons aussi que très peu d’ethnies sur la planète vous comprennent si vous leur demandez : « Qui est votre chaman ? » En effet, chaque ethnie a son propre nom pour désigner celui qui communique et interagit avec les esprits. En Mongolie, chez les Tsaatan, on parle de dzaïran, au Népal, par exemple, on parle de jhankri, de dhami, en Amérique du Nord, d’hommes ou de femmes médecine, chez les lapons, de noaide, etc.

– La préparation La pratique du chamanisme de nos terres se fait dans le cadre du chemin personnel de chacun. Et avant toute pratique chamanique, il est important de se préparer à entrer en relation avec le monde des esprits. Cette préparation s’effectue en quatre phases : l’enracinement, une prière pour soi, une protection et l’appel aux esprits. L’enracinement sert à être bien présent, bien centré. Il nous pose. Plus l’enracinement est bon, plus la communication avec les esprits sera claire. Il ne s’agit donc surtout pas de planer, d’avoir la tête dans les nuages… Au 32

contraire, l’enracinement est là pour bien nous ancrer, les deux pieds sur terre. Il nous ouvre à la lucidité et à notre présence. L’enracinement se fait en position verticale. Debout, assis sur une chaise ou assis par terre. Il ne peut se faire couché. Le but de l’enracinement est de se sentir, s’imaginer devenir un arbre – le ressentir – qui plonge d’abord toujours ses racines dans la terre, pour la stabilité, et ensuite seulement se relie à la Source, par ses branches. Nous pouvons pratiquer un enracinement différent tous les jours, mais l’arbre est essentiel. De même que le fait de s’enraciner d’abord dans la Terre, et de se relier ensuite à la Source. L’enracinement ne doit pas nécessairement durer longtemps. Il est conseillé, au début, de prendre son temps, pour le faire consciencieusement et bien l’inscrire dans son corps. Par la suite, avec la pratique et l’assiduité, l’enracinement peut être très rapide. Le mieux est de ressentir son propre besoin du moment. Dans la prière pour soi, nous prenons un moment pour nous concentrer sur nous-même, nous parler à nous-même pour bien prendre conscience du travail que nous sommes sur le point d’entreprendre. Dans notre pratique, prier signifie parler avec son cœur, dans l’instant présent, en toute sincérité. Notre prière peut donc être sans cesse différente puisque nous la faisons dans l’inspiration du moment. Cette prière particulière contient les préceptes de notre pratique chamanique celtique : je reste simple et humble, dans la pratique chamanique ainsi que dans la vie, je n’attends rien, je me détache de tout résultat, je prends le temps de travailler mon ego, de prendre conscience de la place qu’il occupe dans l’instant présent. Le fait de se répéter ces préceptes quotidiennement, dans une prière, va nous aider à les installer, à les laisser mûrir en nous progressivement, jour après jour, prière après prière. Dans cette même prière, il est bon de se dire et de se demander : « Pour quoi suis-je là ? Que suis-je en train de faire ? » Je suis là car je consacre du temps à ma pratique chamanique et je suis sur le point de faire un voyage chamanique. Je le fais pour moi, pour mon chemin, ma quête spirituelle, pour mes guérisons. On peut aussi ajouter que l’on se réjouit de retrouver ses esprits, ses animaux de pouvoir, ses guides. Et enfin, que l’on fait entièrement confiance à l’essence de la Source qui nous anime, car elle sait parfaitement ce qui est bon pour nous. Ensuite, il est important d’installer, de mettre en place une protection. Cette protection nous permet de demeurer dans notre propre énergie, sans perturbations extérieures. Cette protection se met en place à partir de l’intérieur de soi, vers l’extérieur. On fait appel à l’essence de la Source 33

qui nous anime, dont on peut se représenter le siège dans notre cœur. Elle peut être alors perçue comme une lumière qui brille de plus en plus fort, émanant de notre for intérieur et rayonnant à l’extérieur, tel un soleil éclatant. Cette lumière repousse alors en dehors de nous et en dehors de notre champ d’énergie tout ce dont nous n’avons plus besoin et tout ce qui ne nous appartient pas. Cette même lumière crée alors un véritable cylindre de lumière dans lequel nous restons enracinés, centrés et reliés. Il est important de ne pas s’enfermer dans une bulle ou une sphère de lumière. Une fois encore, c’est logique : la bulle ou la sphère sont des espaces clos, elles nous isolent donc entièrement du monde extérieur, elles coupent nos racines sous nos pieds et font barrage à notre reliance à la Source. L’enracinement, la prière pour soi-même et la protection sont des ingrédients essentiels de toute bonne hygiène de vie quotidienne. Il est bon de s’y consacrer avant d’entamer une journée de travail par exemple, mais aussi chaque matin, quelle que soit la journée qui va suivre. Cela nous permet d’être bien présents. De même, lorsque nous en ressentons le besoin, nous pouvons les répéter, même brièvement, au cours de la journée. Ils nous permettent de nous recentrer. L’appel des esprits est une véritable prière dédiée aux esprits. Ici aussi, il s’agit de parler avec son cœur, dans l’inspiration du moment. Dans l’appel aux esprits, comme son nom l’indique, nous appelons les esprits à venir nous aider, nous conseiller, nous soutenir, nous enseigner dans notre travail chamanique. En tout premier, nous appelons l’esprit du lieu dans lequel se fait la pratique chamanique. Il est très important d’honorer l’esprit du lieu. Si la pratique se fait dans une salle, une chambre, un salon ou une forêt, chacun de ces espaces a un esprit auquel il est tout naturel de se présenter, puis de l’honorer, de le remercier et de lui expliquer ce que nous avons l’intention de faire. De cette manière, cet esprit est respecté et impliqué, il apportera sa contribution positive à notre travail. Après tout, nous ne rentrons pas non plus chez des inconnus sans dire bonjour et en allant tout droit nous installer au salon comme si nous étions chez nous. De plus, un tel esprit a son caractère, sa personnalité. Inutile de le froisser en jouant les intrus. Car alors, il pourrait brouiller notre pratique par un simple réflexe de protection. Il pourrait faire barrage aux esprits qui viennent dans nos voyages chamaniques. Pour donner une image : on pourrait comparer ce « brouillage » à celui d’une conversation téléphonique mobile hachée à cause d’un mauvais réseau. 34

Lors de l’appel aux esprits, il faut aussi, bien évidemment, appeler les esprits que nous connaissons déjà, les animaux de pouvoir et les guides que nous avons déjà rencontrés, et tout spécialement ceux que nous voulons aller voir, si nous savons qui ils sont. Enfin, il est également bon d’appeler les esprits des directions. Notre tradition chamanique connaît sept directions, dans cet ordre : l’est, le sud, l’ouest, le nord, le bas, le haut et notre propre centre, là où siège l’essence pure de la Source qui nous anime. Quand nous parlons du bas, il ne s’agit pas de la Terre, mais de ce qui se trouve en-dessous de nous. Effectivement, si nous traversons la Terre, nous ressortons dans l’espace. La direction du bas est infinie, ainsi que les six autres directions. La direction du haut est donc elle aussi infinie, il ne s’agit pas juste du ciel, ni de la Source, mais bien de l’espace qui s’étend là. Il est possible que des sons ou des chants de pouvoir se manifestent durant cet appel aux esprits. Mais si cela survient, c’est d’une manière spontanée, non réfléchie. Ces chants de pouvoir sont des sons, des murmures, des fredonnements, des harmoniques, des mélopées, et bien sûr des cris d’animaux. Les cris d’animaux viennent spontanément, soit parce que nous sentons la présence d’un animal de pouvoir, et pousser son cri est alors une manière de l’accueillir, de l’honorer et de le remercier ; soit, lorsque nous avons une relation familière avec un animal de pouvoir, son cri monte en nous de lui-même pour l’appeler. Dans notre tradition chamanique, lorsque nous pratiquons en groupe, les cris tonitruants, les hurlements à glacer le sang, les borborygmes qui effrayent, les imitations effrénées de comportements animaliers n’ont pas leur place. En effet, ce genre de manifestations ne relèvent plus d’une prière respectueuse dans le cadre d’une pratique chamanique, mais d’un étalage de l’ego, qu’un de nos préceptes, rappelons-le, a justement pour but d’éviter.

– Le voyage chamanique Le tambour Depuis des millénaires, les différents peuples naturels ont développé des méthodes variées pour faciliter le passage dans l’état de conscience chamanique. Une large majorité compte sur le son de toutes sortes d’instruments, selon les traditions et les cultures, comme les percussions, mais aussi sur la voix humaine : sons de gorge, chants diphoniques. Certains peuples, dont la plupart se trouvent à proximité de l’équateur, là où le climat est tropical, ont recours à des substances psychotropes. Dans tous les cas, c’est le contact avec l’esprit du tambour ou de la plante sacrée qui est 35

la clé de l’expérience chamanique. D’autres encore ont recours à la transe, c’est-à-dire le mouvement répétitif, qu’il s’agisse d’une danse ou d’une gestuelle particulière. Sans oublier la méditation pratiquée dans l’immobilité totale du corps physique, la plupart du temps dans le silence. Fidèle à la tradition chamanique de nos ancêtres européens, notre pratique chamanique celtique se fait à l’aide du son du tambour. Et lorsque le praticien bat lui-même son tambour, le battement répétitif induit automatiquement une transe, qui s’accompagne spontanément d’un balancement régulier du corps. Aujourd’hui, on connaît de mieux en mieux le fonctionnement de notre cerveau. Très schématiquement, il est composé de deux lobes, l’hémisphère droit et l’hémisphère gauche. Ils fonctionnent de manière croisée. Notre lobe gauche contrôle la partie droite de notre corps qui est plutôt d’énergie masculine, l’énergie du calculateur, du rationnel, de la réflexion, ce qui domine notre quotidien finalement. Ensuite, il y a le lobe droit qui contrôle notre partie gauche et qui est plutôt d’énergie féminine, de l’ordre de l’intuition, de la créativité, de la sensibilité. Et ce, que l’on soit homme ou femme. Dans notre quotidien, ce cerveau droit fonctionne à bas régime. La balance de nos ondes cérébrales est plutôt déséquilibrée. (Voici ce que nous révèle aujourd’hui l’EEG. En mode d’éveil, les yeux ouverts, ce sont les ondes bêta qui sont actives. En relaxation, détente, yoga, les yeux fermés, ce sont les ondes alpha. En méditation profonde, en plein éveil, les ondes thêta. En mode de sommeil, nous passons des ondes bêta [vigilance qui précède le sommeil] aux ondes alpha [état hypnagogique] puis lors des phases d’endormissement et de sommeil lent léger, aux ondes thêta et enfin, pendant le sommeil établi et le sommeil lent profond, aux ondes delta. Dans le créneau du sommeil paradoxal, l’EEG révèle l’activité des ondes alpha et bêta. Profitons-en pour signaler au passage que l’on parle aujourd’hui d’ondes gamma, qui témoigneraient d’une plus grande activité cérébrale encore et qui apparaîtraient chez les sujets en état de méditation ou de prière profonde.) Quand le tambour commence à battre, les chercheurs ont remarqué que chez certaines personnes, la synchronisation se produit en quelques secondes, chez d’autres, elle prend plus de temps. Mais chez toutes, sans exception, la balance s’équilibre. Or, quand les ondes cérébrales de nos deux hémisphères se synchronisent, nous sommes automatiquement plongés dans un état second, un état non ordinaire. Le son monocorde du tambour nous amène donc naturellement dans un état second. 36

Le tambour chamanique est le passeur qui guide vers le monde non ordinaire. Il est le métronome qui rythme le voyage chamanique. Il est ce que l’on appelle un objet de pouvoir, car au fil du temps et de la pratique, son esprit devient de plus en plus puissant et efficace. Il est un compagnon sacré : il est unique et a son propre esprit. Chaque praticien entretient avec lui une relation unique et exclusive. Tout d’abord, on cherche le cœur de son tambour : l’endroit précis où le son et les vibrations produits par l’instrument entrent en résonance particulière avec nous. Ensuite, on contacte l’esprit de son tambour pour faire connaissance et demander conseil pour nourrir notre relation. Cette relation s’approfondit et s’intensifie au fur et à mesure de la pratique. Chaque fois que le praticien utilise son tambour, il le charge. C’est-à-dire qu’il nourrit l’esprit du tambour avec sa propre énergie. Guidé par l’esprit du tambour, il peut également le charger avec des dessins, des petits objets de pouvoir (sachets-médecine, plumes, osselets, pierres, rubans, fragments de métal, morceaux de bois, plantes…) qui ont une signification pour lui. Charger son propre tambour, c’est entretenir un sanctuaire en harmonie avec soi-même, pour le sentir vivre entre ses mains. Le voyage chamanique s’opère au-delà des dimensions physiques d’espace et de temps qui nous sont familières. On parle d’un état non ordinaire ou modifié de conscience. Car, très souvent, les personnes qui font des voyages chamaniques n’ont plus la notion de temps réel durant le voyage. Il est donc très fréquent d’entendre, après un voyage chamanique qui a duré vingt minutes en temps réel, que certaines personnes ont eu l’impression qu’il n’a duré que cinq minutes et que d’autres, à l’inverse, ont eu la sensation qu’il s’était écoulé plusieurs heures, voire des jours, puisqu’elles ont vu le soleil se lever et se coucher à plusieurs reprises. Nous portons tous en nous cette faculté de faire des voyages chamaniques. C’est avéré. Tout le monde y arrive. En revanche, là où c’est un peu plus subtil, c’est que tout le monde ne s’aperçoit pas qu’il y arrive. Il y a des gens dans des stages qui disent : « Je n’ai rien vu, je n’ai rien entendu, il ne s’est rien passé. » Et pourtant si, cela a bel et bien eu lieu, mais à un niveau inconscient. Force est de constater que nous sommes parasités par des attentes – quelle que soit leur nature – et au début, c’était également mon cas. Les personnes se font une idée précise de ce qui va leur arriver, après avoir notamment lu des relations d’expériences. Et ces personnes sont 37

tellement persuadées qu’elles vont vivre la même chose qu’elles ne se mettent pas dans les bonnes dispositions d’ouverture, de réceptivité nécessaire pour accueillir leur propre expérience. Personnellement, au début, j’étais focalisé sur le fait que j’allais voir des images : tout le monde veut voir des images. Alors que pour plus de la moitié d’entre nous, il n’y a pas d’images, cela se passe autrement. J’étais bien braqué, je voulais tellement voir des images que je suis passé à côté de ce que je recevais. Le voyage était tellement ténu, tellement subtil que je ne m’en suis même pas rendu compte. Je n’ai donc rien perçu alors qu’il s’était bel et bien passé quelque chose. Ce n’est que par la suite, avec du recul, que je me suis rendu compte que dès le départ, je voyageais. Si je n’avais pas eu d’attentes, si je m’étais détaché de tout résultat, je ne serais pas passé à côté de ces premiers résultats véritables. Il faut donc apprendre à lâcher prise et laisser le champ libre à toutes nos perceptions, pas uniquement à celles qui nous sont si familières. Le voyage chamanique est une expérience spirituelle profonde et puissante, sans cesse nouvelle. Chacun le vit et le perçoit avec tous ses sens. On peut voir des images, entendre des sons, avoir des sensations tactiles diverses, connaître des émotions comme la joie ou la tristesse, recevoir des informations par le goût, l’odorat ou par des « images ressenties » que nous ne pouvons décrire avec nos mots, mais qui sont pourtant bien présentes. Chacun peut également se mettre à voler, se mouvoir dans les profondeurs sous-marines ou changer de forme au cours d’un voyage chamanique. Dans le voyage chamanique, chacun va à la rencontre de ses esprits, pour communiquer et interagir avec eux. Il y a une multitude d’esprits ; les esprits de la nature (des directions, des éléments…), les ancêtres, les animaux de pouvoir, les maîtres et guides spirituels. Le voyage chamanique est donc interactif. Tout praticien décide d’entreprendre un voyage quand il le souhaite, il peut aussi l’interrompre quand il le souhaite. Le praticien qui fait un voyage chamanique est toujours éveillé, il est lucide, il est bien là. D’ailleurs, nous faisons toujours un ancrage avant toute pratique. Car mieux on est ancré, mieux on peut voyager. Un voyage chamanique n’est pas une sortie hors du corps, ni ce que certains appellent un voyage astral. Dans un voyage chamanique, le praticien reste bien présent, même s’il peut se voir ailleurs. Même s’il vole, comme on l’a dit, et même s’il se voit ou se perçoit transformé en animal par exemple. 38

On le voit bien, la pratique du voyage chamanique nous permet d’accéder à d’autres mondes. Pour être en phase avec cette réalité non ordinaire, comme on l’appelle souvent, il faut donc nous départir de nos repères quotidiens et nous ouvrir à un mode de fonctionnement différent de notre mode habituel. Il faut être prêt à découvrir et à apprendre une nouvelle façon d’appréhender ce que l’on va « voir » ou « ressentir » ou « vivre » dans les voyages chamaniques. Mais aussi être prêt à apprendre un nouveau langage, une nouvelle façon de communiquer avec nos animaux de pouvoir et guides spirituels. Il faut en quelque sorte apprendre à parler une nouvelle langue, celle des esprits. Or, cette langue est unique pour chacun d’entre nous. La relation que chacun entretient avec ses animaux de pouvoir et guides spirituels est spéciale. Pour reprendre une expression que j’aime beaucoup : cette relation est taillée sur mesure pour chacun d’entre nous. Chacun doit donc la découvrir par et pour lui-même. Cette nouvelle langue est souvent, dans un premier temps, énigmatique et symbolique. On parle d’un premier degré d’informations, qui semblent souvent, pour ceux qui commencent leur pratique, cryptées et totalement incompréhensibles. Tout le contraire d’une réponse ou d’un enseignement clair et précis. Il ne faut pas oublier que les esprits ont une vision des choses sans limites, beaucoup plus large que la nôtre. Nous sommes formatés par notre éducation, par les normes qui régissent notre société et restreignent notre vision des choses. Les symboles et énigmes que les esprits emploient pour nous parler s’éclairent avec le temps, lorsque nous les laissons se poser en nous pendant un, deux, trois ou quatre jours. Et lorsque nous relisons ce premier degré d’informations obtenu, il apparaît alors comme une évidence et la réponse peut être très claire, car nous venons d’accéder à un second degré de compréhension. Cela ne peut se faire que par un autre chemin que cérébral. En effet, une interprétation intellectuelle ne représente que le reflet de notre intellect. Or, ici, il s’agit de laisser monter la réponse du plus profond de notre être, de la laisser émerger à la surface. Sans qu’elle soit forgée ni influencée par la tête, par le mental. Et c’est ce qui constitue l’un des plus grands obstacles pour nombre d’entre nous. Car il nous est très difficile d’admettre qu’il faut lâcher prise intellectuellement. Une analyse rationnelle précipitée d’un premier degré d’informations nous induit en erreur, car il s’agit d’un dialogue de notre mental avec nos désirs profonds. Ce que le voyage chamanique nous permet justement de dépasser, si on met les bonnes conditions en place. Lorsque les informations reçues au cours d’un voyage chamanique ou 39

d’un autre exercice chamanique sont énigmatiques, symboliques, cryptées, incompréhensibles, elles ne viennent pas de notre mental. Et au début, cela peut nous troubler. Car le déroulement du voyage chamanique peut nous sembler n’avoir ni queue ni tête, n’avoir aucun rapport avec l’intention posée par exemple et nous dérouter complètement. Et pourtant, la succession d’informations, aussi dépouillées ou riches qu’elles soient, sont bel et bien autant d’éléments de réponse à l’intention posée au départ. Et souvent, et c’est bien dommage, les personnes veulent alors à tout prix interpréter ou expliquer rationnellement ce qui vient de se produire et qui les met mal à l’aise, puisque notre intellect n’aime pas ce genre de confusion. Et en faisant cela, elles s’éloignent du vrai sens du message reçu. Celui-ci fera surface un peu plus tard, il nous viendra à l’esprit comme une évidence. Souvent à un moment où nous n’y pensons plus, où nous avons justement relâché notre emprise sur lui. Il se produira alors comme un déclic, un rideau qui tombe. Et l’évidence nous apparaît, sans l’emprise de notre mental. Il faut être bien conscient, quand on pratique les voyages chamaniques, qu’on ne peut pas supprimer ses pensées, on ne peut que les apaiser. Il faut donc apprendre à ne pas se laisser envahir par elles pendant les voyages chamaniques ; il ne s’agit surtout pas de se battre contre ses pensées. Au contraire, il faut composer avec elles. L’un des problèmes majeurs que rencontrent les praticiens, surtout au début, est qu’ils sont confrontés à des pensées parasites qui viennent s’immiscer dans le voyage chamanique. Ces pensées sont tout à fait naturelles, elles sont inévitables. C’est précisément cela qu’il faut accepter. On ne peut tout simplement pas supprimer ses pensées, il n’existe pas de petit bouton qui nous permet de les éteindre. Lorsqu’elles surgissent, il faut les laisser passer, nous traverser. Si nous luttons contre elles, elles se mettent alors à prendre de l’ampleur et de la place, brouillent le voyage chamanique, nous empêchant de recevoir le message subtil, celui qui ne vient pas de notre mental. J’aime répéter que les pensées sont comme les nuages qui passent dans le ciel. Au début, on ne voit que les nuages, on oublie de voir le paysage dans son ensemble. Or, le paysage, c’est justement le voyage chamanique. Mais au fur et à mesure de la pratique, notre regard s’élargit, s’approfondit et on apprend à voir tout le paysage, dans lequel défilent toujours les nuages. Mais ceux-ci n’ont plus notre attention exclusive. On peut donc tout à fait vivre un voyage chamanique, tout en étant traversé par des pensées qui ne le perturbent plus. Ce qui est dans l’ordre naturel des choses. J’ai eu l’occasion d’assister à des enseignements du Dalaï-Lama. Un 40

jour, après un exercice de méditation, une dame était énervée d’avoir été submergée par ses pensées. Elle lui a alors demandé s’il ne connaissait pas une bonne méthode pour faire le vide, pour ne plus avoir de pensées. Le Dalaï-Lama a ri et lui a répondu qu’il était impossible de faire le vide, de supprimer ses pensées. Et il a souligné que c’était une erreur de parler de la méditation en termes de vide : tout le travail de la méditation, justement, consistait à apprendre à calmer, à apaiser nos pensées pour automatiquement permettre à notre conscience de s’ouvrir davantage. Et il nous a dit de nous imaginer sur une plage, face à l’immensité du ciel et de l’océan. Cet océan et ce ciel, qui s’étendent à perte de vue, sont nos pensées. Ils ne disparaîtront jamais. Au départ, cet océan et ce ciel peuvent être déchaînés, assaillis par une tempête. Au fur et à mesure de la pratique, tout se calme, le ciel se dégage, les vagues se font plus petites. Un jour, le ciel est tout bleu et la mer est d’huile. À ce moment-là – mais à ce momentlà seulement – on peut constater deux phénomènes. Tout d’abord, l’eau lisse et transparente révèle nettement notre propre reflet. Autrement dit, nous pouvons voir qui nous sommes vraiment. Ensuite, nous voyons jusqu’au fond de l’eau. C’est-à-dire au fond de nous-même. Cette partie de nous que nous ne connaissons pas. Dans notre tradition, au début de la pratique, on entame un voyage chamanique en ayant posé clairement son intention avant le départ. Quelle que soit la nature de l’intention. Le but est simple : il s’agit de ne plus avoir à réfléchir dès que le voyage chamanique commence. À ce moment, nous pouvons être pleinement témoin, observateur de ce qui se passe. Mais un témoin neutre évidemment, qui ne cherche pas à comprendre ni à interpréter ses observations. Cela permet de calmer le mental. En revanche, devoir réfléchir pendant un voyage chamanique, se demander quelle question on va poser à un animal de pouvoir par exemple, ne fait qu’activer notre mental, notre réflexion, ce qui interrompt alors le processus subtil du voyage chamanique. Dans ce cas en effet, le mental prend le relais et construit de toutes pièces ce qu’au plus profond de nous, nous désirons voir ou entendre. Ce n’est donc plus la réalité subtile mais une illusion que nous avons forgée. Par la suite, lorsque nous sommes bien familiarisés avec notre propre mode de fonctionnement, dans notre pratique chamanique, nous sommes capables de discerner si nous avons accédé à ce que je qualifie de lucidité d’esprit – qui n’est pas de l’ordre du mental – et qui permet, pendant le voyage chamanique même, de poser des questions qui n’étaient pas prévues à l’origine, d’approfondir une conversation avec son guide ou maître 41

présent dans le voyage, bref, d’interagir. Mais ce n’est pas le mental qui prend le dessus. On interagit alors dans la réalité subtile du voyage chamanique. Bien sûr, notre tête est notre décodeur rationnel principal. Elle nous permet d’avoir une certaine conscience des choses. Mais elle n’est pas pour autant la cause de tout notre vécu. Une fois que nous sommes bien avancés dans notre pratique chamanique, nous comprenons que notre tête ne fait que constater, prendre acte de choses extérieures à elle. Et au début, cela précisément constitue aussi un gros écueil pour beaucoup d’entre nous qui ne peuvent pas concevoir, voire admettre, que des informations puissent venir d’ailleurs que de notre tête, que nous puissions interagir dans la réalité subtile du voyage chamanique avec cette lucidité d’esprit, qui est toute différente de notre intellect à l’œuvre dans notre vie quotidienne. Il s’agit encore d’admettre que le rôle de notre intellect se limite alors juste à nous permettre d’avoir une certaine conscience de cette réalité subtile qui lui échappe. Quand on fait un voyage chamanique et que les animaux de pouvoir ou nos esprits aidants nous transmettent un message ou un enseignement, cela ne vient pas de notre tête. Elle est le récepteur qui nous permet de recevoir l’information. Mais ce n’est pas elle qui forge cette information. Elle nous aide simplement à en avoir une certaine conscience. Cette question nourrit un éternel débat entre les défenseurs de la rationalité pure et les autres. Toutefois, il est bon de souligner que chacun d’entre nous porte en lui ces deux aspects. La pratique assidue permet de s’en rendre compte et de les dépasser pour ouvrir pleinement notre être à tous ses niveaux de conscience. L’intention La pratique du voyage chamanique est essentiellement une question d’intention, de confiance et de lâcher prise. D’intention claire et sans attente de résultat et de confiance dans les esprits et dans l’aide qu’ils apportent. Tout voyage débute par une intention. Il faut toujours avoir une intention claire avant d’entreprendre un voyage chamanique. L’intention du tout premier voyage dans un stage de base est : « Je voyage dans le monde d’en bas pour rencontrer un de mes animaux de pouvoir. » L’intention doit impérativement comporter deux éléments : où je vais et dans quel but. Ma destination est donc : je voyage dans le monde d’en bas et mon but : rencontrer l’un de mes animaux de pouvoir. Plus l’intention est courte, claire et précise, mieux c’est. Plus elle est longue et diffuse, moins le voyage sera précis. Ensuite, une fois l’intention formulée, il faut se rappeler 42

l’un de nos préceptes : ne rien attendre, se détacher du résultat. Car ce n’est pas nous qui décidons de ce que nous allons recevoir. Il est inutile de faire un voyage chamanique dans le seul but de donner libre cours à notre ego ou nous complaire dans des désirs superficiels. La plupart des personnes, au début, qui ne sont pas encore familiarisées avec le voyage chamanique, tombent systématiquement dans le piège de vouloir absolument un résultat. Cette attitude leur impose un stress, une pression qui les empêche de lâcher prise. Malheureusement, notre société nous a habitués et formatés pour cette exigence de résultat. Au début, je devais aussi faire des efforts pour ne rien attendre. Et un jour, un esprit m’a expliqué que « vouloir c’est le pouvoir, et le pouvoir c’est se faire avoir ». Nous nous piégeons nous-même lorsque nous voulons absolument un résultat. Il est donc essentiel que notre intention soit claire et dénuée de toute attente. Les trois mondes chamaniques Dans l’intention précédente, nous avons parlé de voyager dans le monde d’en bas. Cette précision laisse entendre qu’il y a d’autres mondes. Effectivement, dans notre tradition, nous voyageons dans trois mondes. Trois plans subtils dans lesquels nous allons à la rencontre d’esprits différents. Il s’agit du monde d’en bas, du monde du milieu et du monde d’en haut. Commençons par le monde du milieu, car il est notre réalité. Nos ancêtres le définissaient comme étant « sur terre », tout ce qui fait partie de notre réalité ordinaire. Le monde du milieu c’est notre quotidien, le monde dans lequel nous vivons, le monde des vivants, le monde de la matière. C’est dans ce monde que nous passons toute notre existence, notre vie. Attention, « sur terre » ne veut pas dire bien entendu que l’on se limite à la croûte terrestre. Le soleil, la lune, les étoiles, les autres astres qui font partie de notre réalité, même s’ils sont séparés de nous par des distances que nous ne pouvons pas concevoir, font aussi partie de notre monde du milieu. Le monde du milieu est donc le plan là où la lumière est la plus compacte, là où elle est matière. Nous pourrions penser spontanément que le soleil et la lune seraient dans le monde d’en haut, mais ce n’est pas le cas. Ils sont bien concrets, ils sont matière, ils font donc partie du monde du milieu. Et c’est dans ce monde que nous pouvons par exemple, à travers le voyage chamanique, interroger une plante pour connaître ses vertus, puisque la plante est bien là, avec nous, sur notre plan. C’est aussi dans le monde du 43

milieu qu’on va aller rencontrer un arbre pour parler avec lui ou lui poser une question. Dans ce monde, on peut donc travailler avec les esprits de la nature, les esprits des différents règnes vivants, les esprits des éléments, la terre, l’eau, l’air, le feu, et l’esprit de toute chose qui nous entoure. On peut donc dans le monde du milieu, aller à la rencontre de différents esprits pour pratiquer la divination, acquérir des savoirs, des connaissances, demander conseil… Le monde du milieu est le monde de la vibration la plus basse de cette lumière, là où cette lumière devient matière. Autrement dit, nous ne pouvons aller plus bas. Nous ne pouvons que nous élever. Ce monde du milieu est une étape cruciale dans le cheminement de l’essence de la Source qui nous anime, car en devenant matière, la lumière peut faire son expérience et permettre à nos consciences d’évoluer. Une fois que l’on a compris ce principe fondamental, on entrevoit toute l’importance de la réincarnation dans notre tradition. Le monde d’en bas et le monde d’en haut sont comme des miroirs. Ce sont des domaines spirituels beaucoup plus élevés que le monde du milieu. Le monde d’en bas et le monde d’en haut sont les plans subtils où la lumière n’est pas matière. Ces plans sont pure lumière. Ils sont donc plus difficiles à concevoir pour nos intellects rationnels. Ici aussi, il faut se défaire des clichés que l’on pourrait avoir : le monde d’en bas n’est pas un quelconque enfer ou lieu de ténèbres négatives. Il est un domaine de lumière, tout aussi lumineux que celui d’en haut. Et le monde d’en haut n’est pas non plus un paradis par exemple. Il est tout simplement un monde de pure lumière. Identique à celui d’en bas. Ces deux mondes sont sans limites. Ils partent de la Source et la rejoignent, formant ainsi une boucle. Pourquoi alors deux mondes, puisque l’aboutissement est le même ? Pour comprendre ces mondes d’en bas et d’en haut, il faut remonter aux premiers temps de l’humanité. Quand les tout premiers hommes ont commencé à faire du chamanisme, ils ont reçu des esprits de la Source, cette structure qui fondait leurs premières relations avec ces êtres de lumière. Notre tradition parle du monde d’en bas l’appelant la mère-terre, le ventre de la mère, la matrice. Cela veut aussi dire à l’intérieur de soi-même. Cet inconscient au fond de nous, notre monde d’en bas, nos profondeurs à nous, celles qui ont besoin d’être explorées, pour apprendre à mieux nous connaître, à connaître nos entraves, nos blocages, nos peurs, nos désirs profonds, pour guérir, pour aller de l’avant. C’est dans ce monde d’en bas que nous allons à la rencontre de nos animaux de pouvoir. Mais aussi des esprits de nos 44

ancêtres, des empreintes énergétiques qu’ils ont laissées là avant nous. Nous allons dans le monde d’en bas quand il s’agit de travailler sur nousmême. Donc, la plupart de notre pratique chamanique se fait dans le monde d’en bas : pour se libérer d’une entrave, pour se guérir d’un problème, d’une colère, d’une peur, d’une tristesse… quand on veut en savoir plus sur soi-même. C’est en soi qu’il faut descendre pour y voir plus clair. Le monde d’en haut est donc un plan spirituel identique au monde d’en bas. Dans ce monde, nous allons à la rencontre d’autres êtres de lumière : les guides, les maîtres spirituels, des êtres de lumière qui peuvent se montrer sous des formes ou des apparences différentes. Il faut ici aussi se départir du cliché qui veut que le monde d’en haut est tout lumineux et qu’il se déploie dans le ciel au-delà des nuages, ou qu’il est d’une qualité spirituelle supérieure… non, il est la réplique du monde d’en bas, mais nous allons simplement y rencontrer d’autres aides spirituelles pour travailler d’autres choses : on peut leur poser des questions, leur demander des conseils, des enseignements dans des domaines précis de notre vie. C’est donc plus dans un esprit de connaissance, d’apprentissage, pas forcément sur soi-même. Selon le travail que nous voulons entreprendre dans notre pratique, il faut donc que notre intention – claire et dénuée de toute attente – contienne notre destination et notre objectif.

– Les notions d’esprit dans le chamanisme celtique Dans le chamanisme, on utilise beaucoup le mot « esprit », puisqu’une partie importante de la pratique chamanique consiste à communiquer avec les esprits. Or, ce mot recouvre des notions très différentes révélant la pauvreté de notre vocabulaire. (De même, nous n’avons que deux ou trois mots pour désigner la neige ou le sable alors que les Inuits disposent de quantité de termes pour la première et les Touaregs pour le second.) Dans le chamanisme, toute chose ou objet à forme unique a un esprit. Et ce, qu’il s’agisse d’un objet naturel ou artificiel, moderne ou ancien, grand ou petit… Mais aussi tout lieu, confiné ou étendu, a un esprit. Ainsi que tout ce qui compose les différents règnes vivants ; les minéraux, les végétaux, les animaux et les êtres humains. Une première distinction s’impose déjà : l’esprit des êtres vivants fait partie de l’essence de la Source qui les anime, il est donc différent de l’esprit des objets ou des lieux. Chaque lieu, quelle 45

que soit son étendue, a un esprit propre. Bien sûr, chaque élément du lieu a aussi son esprit propre. Une forêt a donc son esprit propre, et chaque arbre, rocher, rivière, etc., qui la composent ont eux aussi leur esprit propre. De même, chaque maison, appartement, salle a son esprit propre. Qu’en est-il de l’esprit d’un objet, comme notre tambour chamanique ? La plupart des tambours chamaniques sont constitués d’un arceau en bois et sont revêtus d’une peau d’animal. Le tambour se compose donc d’un élément du règne végétal, le bois, et d’un élément du règne animal, la peau. Lorsque ces deux éléments étaient vivants, ils avaient chacun leur esprit. Or, maintenant, ils sont réunis et forment un objet unique, le tambour. Ce tambour a donc également un esprit, distinct de ses deux esprits initiaux. Le jour où l’arbre a été prélevé et le jour où l’animal est mort, leurs essences à tous deux les ont quittés pour poursuivre leur route. Il restait donc du bois et de la peau, mais toute vie avait disparu. À partir de là, ces deux objets inertes sont devenus un nouvel objet, qui a donc acquis son esprit propre. Dans notre tradition, seuls les êtres vivants ont une âme et un esprit, l’essence pure de la Source qui les anime. Les objets inertes ont uniquement un esprit, différent bien sûr de celui des êtres vivants. Voici une autre notion d’esprit : l’esprit d’un ancêtre. L’esprit d’un ancêtre est l’empreinte énergétique qu’une personne laisse après sa mort. Cette empreinte est alors accessible, pour toujours, elle contient tous les savoirs, toutes les connaissances que la personne a accumulés au cours de cette vie qui vient de se terminer. Attention, il ne s’agit donc pas de l’essence pure de la Source qui animait cette personne durant sa vie, non. Cette essence, à la mort, est repartie vers la Source et elle poursuit ses réincarnations, son évolution. Il s’agit donc bien d’une trace, d’une sauvegarde de cette vie-là. Et cette empreinte, nous pouvons aller la consulter, notamment pour apprendre des choses. Nous pouvons le faire dans un voyage chamanique, et il est fréquent alors de rencontrer l’empreinte de cette personne sous les traits qu’elle avait au cours de cette vie. On retrouvera aussi son comportement et son caractère par exemple. Et bien sûr, la rencontre peut être un échange, donc interactive. Les esprits des ancêtres constituent une véritable bibliothèque universelle où nous pouvons aller puiser des connaissances. Une précision s’impose ici : l’esprit d’un ancêtre n’est donc pas ce que le vocabulaire moderne désigne par une « âme en peine », une entité qui serait restée coincée sur notre plan et qui peut être en détresse, car elle 46

n’arrive pas à rejoindre la lumière de la Source. Enfin, il m’est difficile de clore ce passage sur les esprits sans parler de ce que le langage courant aime qualifier de « mauvais esprits ». Dans la pratique chamanique aussi, bien sûr, on reconnaît l’existence de la lumière et de l’ombre. L’une et l’autre permettent l’évolution, la progression. Sans l’une, l’autre n’existe pas. Mais dans notre pratique, nous ne versons pas dans le sensationnel : l’ombre ne vient pas perturber quelqu’un aussi aisément que cela car nous avons tous nos propres protections naturelles. Une personne saine de corps et d’esprit, bien ancrée, n’a aucun souci à se faire. Et il est vrai aussi que nos défenses naturelles s’estompent lorsque nous souffrons de dépendance à la drogue, par exemple, ou de dépression profonde, et que nous sommes donc fragilisés de diverses manières, car beaucoup plus vulnérables. Ces protections naturelles dont nous sommes tous dotés barrent aussi la route aux projections d’autrui. Cela signifie par exemple que personne ne peut entrer dans votre intimité sans y être autorisé, et que si quelqu’un vous déclare avoir vu des choses pour vous – favorables ou moins favorables – il s’agit très probablement de projections de sa part. Ces projections n’ont d’autre réalité que celle que lui donne la personne qui les génère et ne devraient vous affecter en rien. Dans notre pratique chamanique, l’intention est essentielle, ainsi qu’un bon ancrage. Nous travaillons avec la lumière de la Source. Dans le cas contraire, il ne s’agit plus du chamanisme celtique de nos terres. « Esprit » est une notion qui désigne donc, dans le chamanisme, plusieurs réalités subtiles très différentes, dont les principales sont peut-être bien nos esprits aidants, c’est-à-dire nos animaux de pouvoir, nos guides et maîtres spirituels, dont nous allons parler à présent.

– Les animaux de pouvoir Les termes animaux de pouvoir ou animaux totem ou animaux tutélaires désignent les mêmes esprits aidants. Dans notre tradition, nous utilisons celui d’animaux de pouvoir. Mais il ne faut surtout pas se méprendre sur le sens du mot pouvoir. Ces animaux ne prennent pas le pouvoir sur quelque 47

chose ou sur quelqu’un. Pouvoir désigne ici la force, l’efficacité que les animaux apportent à celui ou celle qui travaille avec eux. Ils sont des êtres de lumière, ils viennent directement de la Source. Leur particularité est de se montrer sous la forme d’animaux. Ils sont propres à nous, taillés sur mesure pour chaque personne. Ils sont donc affiliés à chaque individu pour toute sa vie. Ils sont distincts de l’essence pure de la Source qui nous anime. Ils sont des aides, des soutiens, de réels auxiliaires au service de l’essence de la Source qui nous anime. Traditionnellement, nous allons à leur rencontre dans le monde d’en bas. Mais s’ils veulent venir à nous dans le monde du milieu ou dans le monde d’en haut, aucune barrière ne les en empêche puisqu’ils sont des êtres de lumière. Leur seul but est de nous aider au mieux à vivre, à accomplir ce que notre propre essence a choisi de vivre et d’expérimenter dans cette vie présente. Ils sont donc en parfaite relation, en parfaite adéquation avec notre essence. Ils sont toujours à nos côtés : ils nous sont affiliés et ne nous quittent jamais. Ils repartiront le jour de notre mort, quand nous expirerons notre dernier souffle, quand notre essence retournera à la Source. Ils ont choisi d’être présents dès notre premier instant jusqu’au dernier. Chaque être humain est donc accompagné d’aides spirituelles diverses, quelles que soient ses croyances et quelle que soit sa disposition à accueillir leur aide bénéfique. Chaque être humain est également animé de l’essence de la Source. Ces animaux sont tous des spécialistes, dans des domaines différents. L’un nous aide à travailler la confiance en nous, dans le domaine familial, professionnel, spirituel, etc. Avec un autre, nous installerons la force dans notre vie. Avec un troisième, la joie de vivre. Un autre encore nous aidera à nous libérer de colères ou de peurs, précises ou non. Chacun de nos animaux de pouvoir est taillé sur mesure pour chacun d’entre nous, selon nos besoins. Nul ne peut donc dire à l’avance ce que sera tel ou tel animal pour lui avant d’avoir travaillé avec lui. Car chaque animal peut avoir une ou plusieurs spécialités. De plus, nous ne saurons probablement jamais combien d’animaux de pouvoir nous avons, leur nombre est indéfini et il varie d’une personne à l’autre. Sans doute ne les connaîtrons-nous donc jamais tous. Il se peut très bien qu’une personne en connaisse deux ou trois et qu’une autre personne en connaisse vingt ou trente, mais cela n’a aucune incidence sur la qualité du travail que toutes deux peuvent faire avec leurs animaux respectifs. Cela veut dire que pour la personne qui n’en connaît que deux, ces deux animaux font le même travail que les trente de celle qui en connaît trente. Mais celle qui en connaît trente n’est pas plus avancée ou plus évoluée ou mieux lotie que celle qui n’en connaît que deux. Le nombre n’a aucune importance. Ils sont en parfaite adéquation avec nous. Quels que soient les animaux de pouvoir 48

qui se présentent à nous, ce sont toujours les plus appropriés dans l’instant. Pour savoir ce que signifient nos animaux, ce qu’ils nous amènent, c’est à chacun d’entre nous d’effectuer le travail. Personne ne peut le faire à notre place. Il faut entreprendre nous-même un voyage chamanique pour poser directement la question à notre animal de pouvoir ; c’est la seule et unique manière de savoir ce que notre animal nous amène. Vous ne trouverez pas ce que veut dire votre animal de pouvoir dans un livre ni dans un jeu de cartes. Un jeu de cartes sur les animaux donne leurs vertus universelles et non personnelles. Certains de ces jeux de cartes donnent l’essence universelle qu’attribuent des traditions chamaniques à des animaux. Dans ce cas, il s’agit aussi de généralités et non de renseignements ciblés pour vous-même. Ces renseignements, si vous vous y fiez, risquent bien de vous faire passer à côté de la véritable fonction de vos propres animaux de pouvoir, celle qui est taillée à votre mesure. C’est pour cela que le seul moyen de travailler à notre tour en parfaite adéquation avec chacun de nos animaux de pouvoir est de faire des voyages chamaniques pour aller les rencontrer, encore et encore, et apprendre à les connaître de mieux en mieux. Si lors d’un stage, dans un groupe, chacun voyait un animal qui se montre sous la même apparence – l’ours, par exemple – il est évident que chacun d’entre nous verrait un ours différent. Et que tous ces ours auraient une fonction différente pour chacun, particulière, taillée sur mesure, selon notre bagage, notre vécu, notre présent, etc. Nous pouvons bien sûr avoir des premières pistes sur ce que nous apporte un animal de pouvoir en sachant qui il est, tout simplement. Par exemple, un ours n’est pas un écureuil, tous deux ont des particularités différentes. En s’interrogeant sur les qualités d’un animal de pouvoir qu’on vient de rencontrer, il arrive qu’on se rende compte que ce sont justement ces qualités-là qui nous font défaut, qui nous seraient très utiles… Mais la ou les qualités précises que nos animaux de pouvoir nous apportent, ainsi que la manière dont ils procèdent, demeurent propres à nous-même. C’est là que la pratique prend tout son sens : elle permet à chacun de profiter des bénéfices particuliers, personnels, que ces animaux de pouvoir nous apportent. Lorsqu’un animal de pouvoir s’est montré à nous sous une certaine forme, il reste fidèle à cette forme tout le reste de notre vie. Si aujourd’hui il a pris la forme d’un ours, demain il ne se changera pas en un autre animal. Il restera toujours un ours. En revanche, cet animal qui gardera toujours les mêmes traits, par exemple ceux de l’ours, dans vos voyages, peut rajeunir, peut vieillir, peut être malade, peut être en pleine forme, peut même avoir des couleurs improbables dans notre réalité quotidienne, ou avoir une taille 49

disproportionnée, être aussi grand qu’une montagne ou aussi petit qu’une fourmi, c’est possible. Mais il sera toujours un ours. Pourquoi prend-il alors différentes apparences, alors que nos animaux de pouvoir ne sont jamais malades ? Ils peuvent mettre en scène une attitude malade ou agressive, mais il ne faut jamais oublier que c’est juste une forme de communication. Que c’est le meilleur moyen pour nous de saisir ce qu’ils veulent nous faire comprendre. Par exemple, un animal agressif peut tout à fait nous montrer ainsi une de nos propres colères. Lorsqu’ils modifient leur taille ou leur âge par exemple, c’est toujours dans le but de communiquer avec nous, c’est pour nous dire, nous montrer, nous expliquer quelque chose. Et bien sûr, c’est toujours de nous-mêmes qu’il s’agit. De qui nous sommes, de ce que nous avons à travailler. Nous ne choisissons pas l’apparence de nos animaux de pouvoir, ce sont eux qui viennent d’eux-mêmes. Il ne s’agit donc pas de souhaiter très fort rencontrer tel ou tel animal, mais bien d’être réceptif et accueillant envers celui qui va se présenter, car nous ne savons pas quel animal est le plus approprié à travailler avec nous dans l’instant, même si nous avons des désirs très profonds qui influencent alors notre mental, qui risque à son tour de s’imposer dans le déroulement du voyage chamanique. Il faut vraiment rester ouvert à toute possibilité et écarter ses repères positifs et négatifs familiers. Pour preuve : certaines personnes qui ont des phobies peuvent se retrouver dans un voyage avec l’animal qui leur fait peur. S’il a choisi de se montrer sous cette apparence, c’est qu’il a une excellente raison, qui n’est pas d’effrayer la personne. Il est fréquent que des personnes rencontrent justement l’animal dont elles ont la phobie. Non seulement cet animal les aide à guérir leur phobie mais il leur apporte aussi tout son accompagnement bénéfique. Un jour, une personne qui avait la phobie des serpents en a rencontré un lors de son premier voyage dans un stage de base. Elle a essayé de le chasser pendant tout le voyage et lui a fait savoir qu’elle ne voulait pas de lui, puisqu’elle en avait très peur. Le serpent s’est de son côté montré le plus doux et le plus affectueux possible en lui répétant sans cesse qu’il était bien l’un de ses animaux de pouvoir et qu’il avait beaucoup à lui apprendre. Durant tout le stage de base, ce serpent n’a cessé de revenir dans les différents voyages chamaniques. Au fur et à mesure des voyages et des rencontres avec ce serpent, la personne a peu à peu changé d’avis sur cet animal. Elle s’est rendu compte qu’il n’était pas du tout malveillant, et qu’au contraire, il lui communiquait des choses qu’elle sentait très justes et bonnes pour elle. À la fin du stage, très touchée, la personne a fait savoir que cet animal était pour elle une aide très puissante qui lui inspirait désormais toute confiance et une grande affection. Et elle a 50

ajouté qu’elle se sentait guérie de sa phobie. Le lendemain, elle est allée dans une animalerie et a demandé à un soigneur de lui mettre un serpent dans les mains pour avoir un contact physique avec cet animal. Elle a constaté qu’elle n’avait plus aucune peur et que toutes les idées qu’elle avait nourries à son sujet étaient fausses, comme par exemple qu’un serpent n’est pas du tout froid et visqueux mais qu’il est doux et chaud… Beaucoup d’animaux dont aujourd’hui nombre d’entre nous ont peur occupent souvent des places importantes, bénéfiques et respectées dans différentes traditions chamaniques. Le serpent est le grand symbole de la médecine. L’araignée est le merveilleux symbole qui représente la Source dans notre tradition. La plupart des araignées tissent une toile. Elles commencent par relier à un point central plusieurs autres points dans un périmètre choisi, créant ainsi des rayons. Ensuite, à partir de ce point central, elles tissent une spirale, reliant les rayons. Le centre de la toile symbolise la Source dont tout est issu. Et à laquelle tout est relié. L’araignée nous montre qu’il n’existe aucune séparation entre tout ce qui est. Et pourtant, notre vocabulaire moderne a forgé le terme d’arachnophobie… Nous avons déjà évoqué le corbeau et tout ce que notre tradition lui reconnaît de bénéfique. La chauve-souris, qui a donné lieu à tout l’imaginaire entourant les vampires, est dans notre tradition l’animal qui représente notre capacité à sortir de nos ténèbres les plus obscures. Grâce à l’écholocalisation, principe du sonar, elle peut éviter les obstacles et grâce à sa boussole, la magnétite, elle peut s’orienter. Donc, le seul moyen de savoir ce que nous apporte un animal de pouvoir est de le lui demander en direct. Nous sommes tous uniques. Et pourtant, à ce jour, nous venons de passer le cap des sept milliards d’êtres humains sur la Terre. Lorsque nous allons rencontrer nos animaux de pouvoir, nous pouvons donc leur demander : « Qui es-tu pour moi ? », « Comment puis-je travailler avec toi ? », « As-tu déjà des conseils à me donner ? »… Nous allons ensuite recevoir des réponses, que nous percevons par nos différents sens : que ce soit l’ouïe, la vue, l’odorat, le toucher ou par la télépathie ou par le ressenti d’une présence à côté de soi, qu’il y ait contact ou non, ou en soi. Une fois que nous connaissons nos animaux de pouvoir, nous allons régulièrement les revoir à travers des voyages chamaniques pour approfondir notre relation afin de continuer à progresser avec eux, recevoir des enseignements, travailler sur nous-même. Ce n’est pas en un voyage qu’ils vont tout dévoiler. Souvent, ils nous amènent tellement de choses qu’ils ne peuvent pas tout dire en une fois. Ce serait beaucoup trop pour 51

nous. Ils vont donc y aller petit à petit, en fonction de chaque personne. La relation à nos animaux de pouvoir est comparable à celle avec d’autres personnes : c’est au fil du temps et des rencontres que la connaissance de l’autre – et de soi-même en la présence de l’autre – s’approfondit. Deux de nos animaux de pouvoir ont des fonctions bien précises. Et chacun de nous a ces deux animaux de pouvoir : il s’agit de l’animal gardien et de l’animal guide. L’animal gardien veille sur nous, comme le dit son nom, il nous protège. Notre animal guide nous accompagne dans un domaine bien précis : notre parcours spirituel, peu importe notre discipline spirituelle. Il nous encourage à toujours aller de l’avant. Nous traversons tous des hauts et des bas dans notre vie, et quand nous sommes au creux de la vague, il est toujours là pour nous galvaniser, nous encourager, il va nous conseiller, nous aider, à condition bien sûr que nous voulions travailler avec lui. Donc, tous nos animaux de pouvoir sont taillés sur mesure pour nous, selon nos besoins du moment. Mais ils sont plus que cela ; nos animaux de pouvoir sont aussi les gardiens de nos mémoires, de nos savoirs, de nos connaissances, de tout ce que nous avons accumulé dans nos vies passées ; ils sont de vraies sauvegardes. Et si cela peut nous rendre service maintenant, dans cette vie, alors pourquoi pas, ils peuvent faire monter dans un voyage chamanique certains de ces savoirs, alors que nous ne les avons peut-être même jamais acquis ou étudiés dans cette vie-ci. Cela peut surprendre mais cela a toujours un sens. Voici deux exemples. Un jour, après un stage de base, une participante qui a continué sa pratique individuelle à la maison, rencontre un nouvel animal de pouvoir dans un voyage chamanique. Le lendemain matin, elle se réveille avec la vague impression que quelque chose a changé en elle. Sans savoir quoi. Elle part travailler, elle avait un poste dans une grande entreprise et c’est au cours de la journée qu’elle a compris ce qui avait changé : elle savait désormais parler, écrire et lire le japonais, une langue étrangère qu’elle n’avait jamais apprise ni étudiée à l’école ni ailleurs. Elle ne l’a dit à personne, ne sachant quel genre de réactions cela susciterait. Cet animal était sans aucun doute gardien d’une mémoire, et cette personne, dans une ou plusieurs vies précédentes, avait dû vivre au Japon ou dans un lieu où le japonais était d’usage. L’animal a fait monter en elle ces connaissances. Les animaux de pouvoir ne font rien sans but précis : à peine un mois après, cette personne a été convoquée par la direction de son entreprise qui lui a annoncé la décision de créer une filiale au Japon, pour huit mois, et qui lui en proposait 52

la responsabilité, sans même savoir qu’elle maîtrisait désormais la langue. Elle a accepté. On comprend aisément que son séjour en a été grandement facilité, et sur le plan professionnel et sur le plan privé : une fois là-bas, pendant ses congés, elle a pu rencontrer des personnes dans le domaine spirituel avec lesquelles elle a pu s’entretenir directement. Les bénéfices qu’elle a retirés de ces rencontres n’auraient pas été les mêmes s’il y avait eu un interprète, un intermédiaire pour traduire. Cela lui a donc ouvert des portes et permis des rencontres qui n’auraient pas pu se faire autrement. Elle a pu vivre une expérience spirituelle enrichissante grâce à sa connaissance de la langue. Elle était donc doublement gagnante. Spirituellement et professionnellement. Cet exemple montre bien que nos animaux de pouvoir nous connaissent parfaitement, qu’ils nous accompagnent à chaque instant, et qu’ils agissent toujours selon nos besoins. Nos animaux de pouvoir nous préservent, avant tout. Si cette personne n’avait pas été prête à recevoir cela, ils ne l’auraient pas fait. Car leur but n’est pas de nous destabiliser, mais de nous aider. De même, si cela ne nous est d’aucune utilité, ils ne font pas monter en nous une mémoire de savoir. C’est donc très rassurant : si l’on reçoit un tel enseignement, c’est que l’on est prêt, dans les dispositions parfaites pour l’accueillir. Voici un autre exemple : un jour, une autre personne, après un voyage chamanique qu’elle venait de faire chez elle, s’est rendu compte qu’elle connaissait les noms et les vertus des plantes qu’elle avait autour d’elle dans la pièce. Elle a compris ensuite que son savoir ne se limitait pas aux seules plantes de sa maison… Par la suite, elle a quitté son emploi pour travailler dans une entreprise spécialisée qui élabore des produits sains à base de plantes. Avant cela, cette personne citadine ne connaissait absolument rien aux plantes et ne s’y intéressait pas vraiment. Ces deux anecdotes sont impressionnantes et elles ne sont pas du tout représentatives de nos expériences habituelles, mais elles se produisent. Dans notre pratique, bien souvent, ce que nous recevons de nos animaux de pouvoir passe beaucoup plus inaperçu. Et pourtant, les changements n’en sont pas moins profonds. Par exemple, nous rencontrons dans notre quotidien une situation dans laquelle d’habitude nous ne réagissons pas comme nous venons de le faire. Pour la première fois, nous avons réagi tout différemment, mais sans préméditation. Et nous nous surprenons nous-même sans pouvoir précisément cerner d’où vient le changement bénéfique. Ce changement est toutefois bien réel, instinctif, puisque nous ne l’avons pas commandé consciemment. Cela vient bien souvent de là, de ces mémoires anciennes, dont nos animaux de pouvoir sont détenteurs : dans une situation 53

qui nous a toujours mis mal à l’aise par exemple, un jour, tout malaise a disparu et nous avons la parole juste, l’acte juste, la réaction juste, qui est bénéfique pour nous, mais aussi pour ceux qui nous entourent. Au début, quand nos animaux de pouvoir se présentent à nous, ils nous donnent toujours des indices pour les identifier. Nous les percevons bel et bien : soit nous les entendons, soit nous les sentons, soit nous les ressentons ou bien nous les voyons, complètement ou en partie. Pourquoi ces esprits aidants, si proches, si intimes, se montrent-ils sous la forme d’animaux ? Il y a deux raisons à cela. Pour les comprendre, il faut revenir au tout premier âge de la pratique chamanique. Les hommes avaient pour repères leur environnement naturel et tout ce qui le composait ; le désert, des contreforts rocheux, le bord de l’océan ou la banquise, peu importe. L’homme dépendait de la nature dans laquelle il vivait et des animaux qui partageaient cette nature avec lui, qu’il a parfois chassés puis qu’il s’est mis à élever. Et quand ces premiers hommes ont commencé une pratique chamanique, les guides, les êtres de lumière, pour ne pas les effrayer, ont décidé de se montrer à eux dans leurs premiers contacts sous une forme qui leur était familière : les animaux qu’ils côtoyaient. Ainsi ces hommes qui côtoyaient des chevaux dans leur quotidien n’étaient-ils pas effrayés d’avoir affaire à des chevaux dans leur pratique chamanique. Le simple fait de connaître l’identité de l’animal leur indiquait déjà instinctivement des pistes quant à ce que cet animal pouvait leur apporter et comment travailler avec lui. Ces alliés si proches de nous se sont donc montrés aux premiers hommes sous la forme d’animaux parce que c’étaient leurs repères. La deuxième raison pour laquelle ils se sont montrés sous la forme d’animaux, c’était pour signifier qu’un animal est un être vivant, bien terrestre, qui vit avec nous, sur le même plan, sur terre, dans notre réalité ordinaire. C’était une façon pour eux de nous dire : « Voilà, nous sommes bel et bien là, pour vous. » Ces quelques lignes ne donnent qu’un aperçu très bref des animaux de pouvoir et de ce qu’ils peuvent donner à chacun de nous. C’est la pratique individuelle et régulière qui permet d’affiner les perceptions que nous 54

avons d’eux, d’avoir une idée de l’ampleur des bénéfices qu’ils ont à nous apporter et d’approfondir notre travail ensemble.

– Les guides et maîtres spirituels Les animaux de pouvoir ne sont pas nos seuls aides, nous pouvons aller en consulter d’autres dans les voyages chamaniques : nos guides et maîtres spirituels. Ils ont une autre fonction que nos animaux de pouvoir et se montrent sous un autre aspect. Ils viennent de la Source unique, ils sont donc également des êtres de lumière. Traditionnellement, nous allons à leur rencontre dans le monde d’en haut. À l’instar de nos animaux de pouvoir, nos guides et maîtres spirituels peuvent venir à nous dans le monde du milieu ou dans le monde d’en bas lorsqu’ils l’estiment judicieux. Plusieurs caractéristiques les distinguent de nos animaux de pouvoir. La première est qu’ils ne sont pas affiliés à nous. Les guides et maîtres spirituels sont indépendants de nous. Cela signifie qu’ils peuvent être guides ou maîtres spirituels d’autres personnes, pas uniquement pour nous, contrairement à nos animaux de pouvoir qui ne sont là que pour nous. Nous avons plusieurs guides et maîtres spirituels, tout comme nous avons plusieurs animaux de pouvoir, et nous ne saurons peut-être jamais vraiment combien. Certains peuvent être des conseillers sur le plan spirituel, d’autres peuvent nous apporter un enseignement précis, etc. Nos guides et maîtres spirituels sont également des spécialistes dans des domaines précis. La deuxième distinction par rapport à nos animaux de pouvoir est que les guides, les maîtres spirituels peuvent se montrer à nous sous n’importe quelle forme. Sauf une : celle d’un animal. Ils peuvent se montrer à nous sous la forme d’un personnage, d’un objet, d’un arbre, d’une fleur, d’une montagne, d’un cristal, d’un parfum, d’une couleur, d’une forme géométrique, d’une présence invisible, d’une voix qui nous parle… Nos guides, qui peuvent prendre une multitude de formes, peuvent également changer de forme d’un voyage chamanique à l’autre. Contrairement aux animaux qui se montrent sous les mêmes traits tout au long de notre pratique, ces guides spirituels, s’ils le désirent, peuvent changer de forme à chaque voyage chamanique, et pourtant il s’agit toujours bien des mêmes guides. Parce que la forme qu’ils choisissent de prendre 55

participe au message qu’ils veulent nous confier, ou au travail qu’il convient de faire avec eux dans l’instant présent. Tout comme le décor dans lequel le voyage chamanique va se dérouler. Dans tout voyage chamanique, tout est élément d’information, tout est important et tout contribue au message que le guide, le maître spirituel ou l’animal de pouvoir veut nous faire passer. C’est pour cela qu’il est essentiel d’entreprendre chacun de nos voyages chamaniques dans l’ouverture d’esprit la plus totale possible, sinon, nos attentes, la pression de notre mental ou nos projections interfèrent et empêchent le véritable message de nous parvenir dans son intégrité et dans son intégralité. C’est pourquoi, je le répète, il faut bien se départir de tout cliché familier qui forgerait, dans notre imaginaire personnel, un hypothétique monde d’en haut. Le monde chamanique d’en haut peut se présenter comme un décor semblable à celui du monde chamanique d’en bas. La nature, une forêt, un océan, les profondeurs d’une grotte ou d’une caverne, les airs, ou tout ce qui ne s’exprime pas par notre vocabulaire conventionnel mais qui se perçoit par notre ressenti. En effet, beaucoup d’entre nous vivent les voyages chamaniques par le biais du ressenti. Et nous avons peu de mots pour décrire ce genre de perceptions, très différentes des images visuelles. Pourtant, les voyages chamaniques vécus par des « images ressenties » sont évidemment tout aussi pertinents que ceux qui comportent des images visuelles. Simplement, ces « images ressenties », comme elles nous sont moins familières dans nos expériences quotidiennes, demandent peut-être un peu plus de temps pour que nous nous y accoutumions. Mais elles sont tout aussi pertinentes qu’un autre mode de perception plus habituel. Il s’agit tout simplement d’une information qui est parvenue à notre cerveau, notre décodeur, qui nous la retransmet sous forme d’image. On voit donc bien tout l’intérêt de rester ouvert et accueillant dans sa pratique, afin de ne pas passer à côté d’éléments d’information essentiels qui pourraient bien nous parvenir sous une forme nouvelle, insolite même. Nos guides et maîtres spirituels peuvent donc changer de forme, et s’ils choisissent de le faire, ils nous le font comprendre. Soit ils nous préviennent, tout simplement, soit nous le sentons, nous reconnaissons leur signature énergétique, leur présence unique dans laquelle nous baignons et sur laquelle nous ne pouvons nous méprendre. Il s’agit là de nouveau d’un ressenti, qu’il faut avoir expérimenté soi-même pour vraiment savoir ce dont il s’agit.

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Parfois, nos guides ou maîtres spirituels, s’ils ont changé de forme, portent un signe, toujours le même. Un jour, dans un voyage chamanique, j’ai vu un personnage avec une pâquerette fichée dans ses vêtements. Dans un autre voyage chamanique, il avait la forme d’un arbre, la pâquerette était plantée dans son écorce. C’est un signe, un clin d’œil. Et une troisième fois, j’ai vu ce guide sous la forme d’un vase et sur ce vase, un bouquet de fleurs était peint avec la pâquerette en plein milieu. Par ce signe, il voulait me dire clairement que c’était bien lui. Mais, je parle ici d’un signe visuel, or, de nouveau, nous pouvons aussi bien sûr recevoir des « signes ressentis », de l’ordre de l’odorat, de l’ouïe, etc. Certains de nos guides cependant ne changent jamais de forme et il se peut aussi que nous ne voyions certains de nos guides ou maîtres spirituels qu’une seule fois au cours de toute notre pratique. Et enfin, il est bon de connaître quatre autres particularités essentielles de nos guides ; ces particularités sont de bons indicateurs pour nous. Commençons par la plus délicate : quelqu’un que nous avons connu, qui était bien vivant, que nous avons aimé, apprécié, et qui est parti dans la lumière peut-il être l’un de nos guides ou maîtres spirituels ? La réponse est oui. Mais attention, ce n’est pas très fréquent. Il ne s’agit pas de tomber tout droit dans le piège et d’entreprendre un voyage chamanique en espérant ou en voulant absolument revoir quelqu’un. Faire un voyage chamanique avec une telle intention n’est bénéfique ni pour le défunt ni pour vous. Pourquoi ne va-t-on pas intentionnellement à la rencontre de quelqu’un qui est parti ? Parce que c’est une manière de retenir le défunt, de l’empêcher de continuer à s’élever vers la Source. Admettons que l’essence de la Source qui anime une personne sur le départ soit comme un ballon. Et qu’à ce ballon soit attachée une ficelle que vous tenez en main. Ce ballon va monter mais quand la ficelle sera tendue, le ballon ne pourra plus monter, il sera retenu tant que vous ne lâchez pas la ficelle. C’est symboliquement ce qui se passe quand on s’accroche à des défunts. À un certain niveau, ils peuvent avoir du mal à aller plus loin. Ils risquent d’être bloqués, tant que nous n’avons pas fait notre deuil, tant que nous n’avons pas lâché la ficelle. Cependant, contrairement à nous, vivants, qui ne pouvons faire notre deuil, les défunts que nous retenons ne souffrent pas car ils ne connaissent plus nos notions de temps et d’espace. Tant que nous n’avons pas accepté de couper le lien de notre côté, certains ne peuvent 57

donc progresser sur ce nouveau chemin qui est le leur. Il arrive même que nous ne puissions jamais faire un ou plusieurs deuils. Ce qui signifie alors que ce lien ou ces liens, qui sont en réalité des entraves, ne sont déliés que lorsque nous mourons à notre tour. Bien accomplir tout deuil est donc bénéfique : une fois le lien coupé, la personne qui reste ne souffre plus de l’absence et la personne décédée peut poursuivre son chemin pour se préparer à revenir. Tant que penser à une personne qui est partie provoque encore en nous de la tristesse, de la douleur ou d’autres émotions fortes et négatives, notre deuil n’est pas accompli. Bien sûr, nous pouvons toujours prier pour nos défunts, pour qu’ils cheminent bien, que cette étape suivante leur soit la plus favorable possible. Il ne s’agit plus alors de les retenir, au contraire : par la prière, nous les aidons, nous les encourageons à rejoindre la Source. Prier, dans notre tradition du chamanisme de nos terres, c’est parler avec son cœur, dans l’instant présent. Il ne faut donc pas se lamenter dans la prière, ni adresser des reproches au défunt. Car ce ne serait plus une prière mais une libération d’émotions. Il est parfois nécessaire, c’est vrai, de faire ce travail, lorsque le deuil est encore trop pénible, douloureux ou éprouvant. La prière, elle, se fait lorsque nous avons déjà trouvé un certain apaisement, une certaine sérénité qui nous permet de voir que le défunt – aussi cher nous soit-il – et nous-même sommes deux personnes distinctes avec deux chemins distincts à parcourir. Dans notre tradition, comme dans la plupart d’autres traditions à travers le monde, lors d’un décès, la première chose à faire est la libération émotionnelle de toute la douleur, de toute la tristesse face à la perte de l’être cher. Il ne nous faut garder ni nourrir aucune émotion négative, car elle nous deviendrait néfaste. Après le décès, le défunt est veillé constamment, accompagné, encouragé par des prières qui l’aident à partir vers la Source. Ces veillées, qui dans notre tradition ne duraient jamais moins de trois ou quatre jours, permettaient aux vivants de venir dire un adieu individuel au défunt et de couper tous liens avec lui. Ensuite venait le temps du rite funéraire, au cours duquel le responsable spirituel de la communauté du défunt confiait celui-ci à la Source, dans un adieu collectif au nom de toute la communauté. La fin de ce rite funéraire clôturait le deuil. Venait alors un moment de fête où tous mangeaient et buvaient en l’honneur du défunt. Cette 58

célébration était accompagnée de musique, de chants et de danses à travers lesquels la communauté se réjouissait de ce nouveau cycle entamé par le défunt. Mais, comme il a été dit, toute personne de notre entourage qui nous quitte ne devient pas nécessairement un de nos guides ou maîtres spirituels. Ce n’est pas très fréquent. Simplement, je mentionne ce cas, car il est possible. Et s’il se produit, cette personne n’est alors que brièvement notre guide. Après son départ, le défunt passe différents caps pour rejoindre la Source. Tant qu’il est dans les premiers paliers, il peut encore venir à nous. Mais une fois qu’il a passé un certain cap, il ne le peut plus. Il est alors dans une autre étape et se prépare à revenir, s’il doit le faire. Mais je le répète, ce cas n’est pas le plus fréquent dans la pratique chamanique, loin de là. Rares sont ceux qui sont là pour nous pendant des années ou pour tout le reste de notre vie, car cela signifie alors qu’ils ont choisi délibérément de ne pas franchir certains paliers et donc de ne pas avancer sur leur propre chemin durant ce temps-là. Deuxième particularité : quelqu’un qu’on aime bien, qu’on apprécie particulièrement et qui fait partie de notre entourage, peut-il être un de nos guides, un de nos maîtres spirituels ? Non, ce n’est pas possible. Cependant, il peut arriver que dans nos voyages chamaniques, nous rencontrions des personnages, des amis ou des gens de la famille, des gens que nous connaissons ; il ne s’agit bien sûr pas de guides, ni de maîtres spirituels. Dans nos rêves aussi, nous voyons des personnes que nous connaissons. Mais il ne faut pas pour autant se méprendre sur ce qui se passe. Dans notre vie, dans notre quotidien, nous rencontrons des gens et une partie inconsciente de nous-même leur attribue – rapidement ou non – des étiquettes, les classifie. Un exemple : peut-être avons-nous quelqu’un dans notre entourage qui symbolise la confiance, l’assurance. Peut-être connaissons-nous aussi une personne qui symbolise l’insatisfaction, la frustration constante. Contrairement à la personne précédente, celle-ci critique tout et n’est jamais contente. Un autre exemple d’étiquettes courantes : les dynamiques, les courageux infatigables. Nos étiquettes, positives ou négatives, nous les attribuons automatiquement, même à notre insu. Dans nos voyages chamaniques, nos animaux de pouvoir, nos guides et nos esprits, qui nous connaissent au plus intime de nous-même, utilisent ces figurants comme éléments d’information dans les messages qu’ils veulent nous confier. Dans nos rêves, où notre inconscient dialogue avec nous59

mêmes, c’est lui aussi qui utilise ces figurants, nos étiquettes. Lorsque nous voyons l’image d’une personne connue dans un voyage chamanique, il ne faut pas croire que la personne en question est venue de son propre chef. La plupart des voyages chamaniques parlent de nous-mêmes. Il faut donc bien garder les pieds sur terre lorsque ce genre de choses arrive. Il serait vraiment dommage de croire à un phénomène extraordinaire et de contacter la personne en question, en lui disant qu’elle vient par exemple de nous délivrer un message essentiel ou que nous avons reçu un message essentiel à son intention. Ou que nous avons reçu un soin à lui faire ou inversement. Attention, il faut à tout prix éviter de l’impliquer dans quelque chose qui ne la concerne pas : les voyages chamaniques parlent de nous-mêmes. L’apparence de la personne connue doit nous aider à comprendre quelque chose à propos de nous-même. Il ne s’agit pas de croire que la personne réelle est venue : lui dire cela pourrait même lui donner un ascendant négatif, une emprise sur nous, qu’elle soit suscitée par une demande de notre part ou un désir de la sienne. Tout voyage chamanique est intime et personnel. En le racontant, forcément, on prend déjà une certaine distance. Et dans ce cas précis, on risque bien de le « déformer », sous la pression – consciente ou non – de notre désir profond. Troisième particularité : nos guides et maîtres spirituels peuvent être des personnes vivantes. Il s’agit alors d’êtres d’exception comme le Dalaï lama, le Karmapa, Mère Mera, Amma… qui ont déjà atteint l’éveil. Ils reviennent pour aider à éveiller les consciences et les cœurs. Car leur présence et ce qu’ils véhiculent, ce qu’ils dégagent, nous donne un élan bénéfique. Quand nous allons les voir, quand nous suivons leurs enseignements, quand nous sommes en contact avec eux, ils ouvrent nos consciences, nous aident à faire de grands pas en avant. Il n’est pas nécessaire d’adhérer à leurs croyances, le simple fait de se trouver en leur présence nous est bénéfique. Ces guides et maîtres spirituels toujours vivants ne sont pas nombreux, il s’agit donc bien d’êtres aux qualités exceptionnelles. Quatrième particularité : nos guides et maîtres spirituels peuvent être des personnages clés de grands mouvements spirituels comme le Christ, la Vierge, Bouddha, de grands prophètes… C’est même fréquent. Ces grandes figures spirituelles sont venues pour l’ensemble de l’humanité. Pour ouvrir la conscience et le cœur de l’être humain, sans distinction. Il est même courant qu’ils se manifestent dans nos voyages chamaniques parmi nos guides et maîtres spirituels. Alors là aussi, il faut garder les pieds sur terre 60

et ne pas croire que c’est exceptionnel ou incroyable. Si cela nous arrive, c’est qu’ils ont estimé que le moment était propice, tout simplement. Il ne faut pas s’estimer privilégiés, ils sont venus pour nous tous. Bien sûr, cela ne doit pas nous empêcher d’être reconnaissants, d’éprouver de la gratitude, comme nous le faisons envers tous nos autres guides et animaux de pouvoir. Sur notre chemin sur cette Terre, nous sommes donc accompagnés, guidés et soutenus par de nombreux esprits aidants qu’il ne tient qu’à nous de rencontrer, de connaître, puis de consulter, de solliciter pour profiter de leurs conseils et enseignements bénéfiques. Et nous pouvons le faire par une pratique individuelle, régulière et assidue. C’est pourquoi, lors du stage de base, nous découvrons des moyens d’accéder au monde d’en bas et au monde d’en haut, nous apprenons également à travailler avec des éléments composant le monde du milieu. Nous allons aussi notamment à la rencontre de nos animaux de pouvoir, de nos guides et maîtres spirituels pour ensuite pouvoir nous familiariser et entamer un travail en profondeur avec eux. Enfin, nous apprenons un exercice, un outil à utiliser dans le cadre de la pratique de l’autoguérison (qui fait l’objet du chapitre suivant). Chaque praticien et praticienne chamanique, c’est-à-dire toute personne qui a fait le stage de base et a appris les fondements du chamanisme de nos terres ainsi que ses premiers outils, peut ensuite les appliquer à son propre rythme, en fonction de ses propres besoins. Ces outils permettent d’asseoir la pratique individuelle. Par la suite, ceux et celles qui le désirent peuvent nourrir et enrichir leur pratique d’outils supplémentaires proposés dans les stages avancés et les rites de passage selon le ou les thèmes qui parlent à chacun et chacune. Car les ressources de la pratique du chamanisme de nos terres, comme de toute pratique authentique du chamanisme, sont inépuisables.

Les jalons principaux – Les trois pans majeurs : autoguérison, travail avec les esprits, divination La pratique du chamanisme celtique consiste en trois pans majeurs. Le premier est la guérison. Notre propre guérison ou autoguérison. Il s’agit 61

donc d’un travail sur soi. Et ce travail touche à tous les aspects de la guérison : problèmes physiques – maladies, douleurs, anciennes blessures… – problèmes psychologiques – état dépressif, peurs, colères, tristesses… Certaines situations dans notre vie nous affectent particulièrement, nous font perdre nos moyens, notre confiance, notre assurance, elles peuvent déclencher un réflexe de peur, de fuite ou de colère. Nos réactions ont une source, une origine que nous ne connaissons pas toujours. Elles sont souvent dues à des événements antérieurs marquants dans notre vie qu’il n’est d’ailleurs pas nécessaire de retracer pour guérir, libérer et transformer. Nous pouvons également travailler à d’autres niveaux, comme les troubles énergétiques – dus par exemple à une énergie perturbatrice extérieure à la nôtre restant dans nos corps énergétiques – qui peuvent eux aussi causer diverses maladies ou problèmes psychologiques. Selon notre tradition, lorsque survient un problème, une maladie ou un dysfonctionnement, on considère qu’il faut travailler tous les plans qui nous composent, pour guérir correctement et efficacement. La clé est de travailler le physique et le spirituel en même temps. Généralement, en faisant cela, le mental et l’émotionnel sont également touchés, traités. Il est bon de travailler sur tous ces niveaux car nous contribuons ainsi à une libération, à une guérison plus complète de notre être (qui est, nous l’avons dit, animé par l’essence pure de la Source que rien ne peut affecter, ni rendre malade, ni morceler). Une maladie, un dysfonctionnement naît, prend ses racines, dans le côté subtil de notre être. Nous sommes des êtres vivants, des êtres humains, cela est bien concret. Mais nous sommes bien plus que notre corps physique : différents corps énergétiques nous composent, des chakras – ces centres énergétiques que nos ancêtres appelaient l’arc-en-ciel intérieur ou l’arc-enciel humain puisqu’ils ont les mêmes couleurs que l’arc-en-ciel et qu’ils sont disposés dans le même ordre –, une aura, une énergie personnelle qui rayonne dans un certain diamètre, etc. Nous sommes donc constitués de plusieurs strates. Tout dysfonctionnement démarre toujours dans notre plan subtil. Mais attention, ce n’est pas l’essence pure de la Source qui nous anime – composée de notre âme et de notre esprit – qui est affectée. Cette essence est l’étincelle pure de la Source qui vient faire son expérience à travers nous et qui, une fois cette expérience terminée, retourne à la Source pour ensuite venir se réincarner. Cette essence pure n’est jamais malade, 62

fatiguée, en difficulté, fragmentée, divisée, elle échappe à toutes ces contingences terrestres, puisqu’elle est un fragment de la Source. Elle ne peut pas non plus quitter notre corps physique pendant notre vie, car le jour où elle le quitte, nous mourons. Il ne faut pas la confondre avec notre esprit – la conscience de la Source qui nous anime – qui, lui, peut voyager, se déployer sans limites et se percevoir comme hors du corps, mais sans en être détaché. Certains témoignages de praticiens chamaniques, après des voyages, rejoignent ceux des personnes ayant traversé des expériences de mort imminente : ces témoignages parlent d’un cordon souvent doré qui lie le corps physique de ces personnes à leur conscience qui les voit d’en haut. Comme nous l’avons dit plus haut, les notions de recouvrement d’âme et de guérisseur d’âme sont donc étrangères à la tradition du chamanisme de nos terres. Elles sont en fait une aberration. Peut-être viennent-elles d’une confusion, d’un choix malencontreux de mots pour traduire un certain travail chamanique observé par des anthropologues, des ethnologues et des explorateurs parmi des peuples naturels. Ces observateurs ont assisté à des séances de travail chamanique, individuelles ou collectives, et ont constaté que les personnes traitées lors de ces rites ou cérémonies se portaient mieux par la suite, voire guérissaient. L’étape suivante logique pour ces observateurs extérieurs était d’essayer d’expliquer ces phénomènes de l’impalpable. Or, la seule référence, le seul repère dans l’immatériel dont ils disposaient se trouvait souvent être ce que l’on nomme « âme », avec les différentes significations qu’on lui a attribuées au cours des siècles. Et aujourd’hui, cette confusion dans les interprétations des différents récits donne lieu à des notions erronées. Ce plan subtil dont il est question et dans lequel nous travaillons pour favoriser notre autoguérison est l’ensemble des différents corps subtils qui composent l’être humain (et non notre âme et notre esprit, cette essence pure de la Source qui nous anime.) Tout dysfonctionnement démarre souvent dans le corps subtil le plus éloigné de notre corps physique. Ensuite, il « descend », traverse nos différents corps subtils pour arriver enfin dans notre corps physique ou psychique. Et c’est bien souvent à ce stade que nous remarquons que nous sommes malades. Or, ce stade est le dernier : le dysfonctionnement est passé par tous nos corps subtils en amont. Cette conception signifie qu’une maladie qui se déclenche, indique que le processus de dysfonctionnement est installé 63

depuis parfois longtemps déjà. Elle signifie pourtant également que nous pouvons traiter, travailler des dysfonctionnements avant qu’ils n’arrivent dans le corps physique ou psychique. Une pratique régulière, assidue, nous permet littéralement de faire le ménage en nous, de procéder à un entretien préventif régulier et salutaire. C’est d’une véritable hygiène de vie qu’il s’agit ici, au sens plein du terme : il s’agit de tendre à préserver, à améliorer sa santé. Et dans notre tradition, il s’agit bien sûr de la santé de tous les corps qui nous composent, de l’intégralité de notre être. Car plus nous préservons notre santé, plus nous assurons notre propre harmonie et par voie directe de conséquence, l’harmonie du Tout dans lequel nous vivons et dont nous sommes une composante. Pour que nos efforts de guérison, nos soins soient efficaces, il faut cibler les racines de nos dysfonctionnements. Car les racines, si nous les laissons, qu’elles soient subtiles ou physiques, immatérielles ou bien concrètes, repoussent, à plus ou moins long terme en fonction du terrain. Il est peut-être difficile de concevoir cela, puisque sur les quatre plans – physique, mental, émotionnel, spirituel – qui sont affectés et que nous devons travailler, seul l’un d’entre eux est du domaine du concret, du visible, c’est le corps physique. Pourtant, ne pas traiter les racines favorise bel et bien le risque de rechute. Dans nos sociétés modernes, nous présentons trois grands types de comportement. Une petite précision s’impose : ces comportements sont les tendances les plus couramment constatées, elles ne visent en aucun cas à exclure les autres tendances, plus faiblement représentées. Ces trois grands comportements ont une certaine efficacité qui pourrait cependant être optimalisée. Dans le premier cas, lorsque nous constatons une maladie, une douleur dans notre corps physique, nous allons consulter notre médecin, généraliste ou spécialiste. Le médecin établit un diagnostic et un traitement pour soigner ce dysfonctionnement physique. Dans ce cas, seul un plan de notre être est traité et le mental, l’émotionnel et le spirituel ne sont pas pris en compte. Dans le deuxième cas, lorsque nous souffrons de problèmes d’ordre psychologique, de peurs, de colères, de tristesses, d’états dépressifs, etc., nous allons consulter des spécialistes dans ce domaine ; psychiatres, psychologues, psychothérapeutes, qui eux vont plutôt nous traiter sur le plan 64

mental et sur le plan émotionnel, puisque ce sont ces domaines-là qui sont surtout concernés. Le corps physique est alors moins pris en compte, ainsi que le côté spirituel qui ne l’est parfois pas du tout. Dans ce cas, comme dans le précédent, nous voyons que nous n’avons pas traité l’intégralité des plans qui nous composent. Enfin, troisième et dernier cas, lorsque nous sommes littéralement investis à corps perdu dans la spiritualité qui devient alors notre seul et unique jalon, à l’exclusivité de tout autre et notamment de la médecine traditionnelle. Nous avons alors tendance à vouloir travailler uniquement notre côté spirituel pour guérir de nos dysfonctionnements, mais c’est ignorer l’impact que ceux-ci ont sur nos autres plans et surtout sur notre plan physique si la maladie est déjà arrivée jusqu’à lui. Car le travail spirituel entrepris se révèle souvent bénéfique sur le plan mental et le plan émotionnel. Et malheureusement, c’est le corps physique qui est négligé. Or, en tant que véhicule sur cette terre de l’expérience de l’essence pure de la Source qui nous anime, il nous revient d’en prendre soin. Ces trois cas, comme ils n’englobent pas la totalité de notre être, ne présentent pas une efficacité optimale. Celle-ci s’obtient en travaillant simultanément sur les quatre plans de notre être. Comment faire ? En traitant à la fois le plan spirituel et le plan physique. Car en faisant cela, le plan mental et le plan émotionnel, pris entre les deux, sont automatiquement impliqués. On le constate très bien dans les stages, ou dans la pratique individuelle : lors d’un voyage chamanique, des émotions inattendues peuvent se manifester, et on peut se mettre soudain à rire ou à pleurer, ou ressentir une grande joie ou une grande tristesse que chacun exprimera à sa manière. Un voyage chamanique est un travail profond sur soi, qui touche à des choses dont nous n’avons souvent pas conscience et dont il n’est pas toujours nécessaire d’avoir conscience pour les travailler, les libérer, les guérir. Ce qui peut se traduire, surtout à l’issue d’une journée de stage pendant laquelle nous faisons un gros travail soutenu, par des maux de tête ou une grande fatigue. C’est la façon qu’a le corps physique de s’ajuster aux changements vécus sur nos autres plans. De nos jours, dans plusieurs états du Canada ainsi que dans plusieurs États d’Amérique du Nord, certains hôpitaux accueillent de temps en temps ou quotidiennement des hommes ou femmes-médecine pour que les patients qui le souhaitent puissent bénéficier d’un soin dans le domaine énergétique et 65

spirituel, complémentaire aux soins médicaux pourvus sur place. En Sibérie, certains hôpitaux font aussi appel de manière permanente à des chamans locaux. Dans quelques établissements parfois, le chaman est présent dans le bloc opératoire et il fait son travail pendant que le chirurgien intervient avec son équipe. Des statistiques montrent que lorsque les patients combinent les deux modes de traitement : physique, médical et énergétique, spirituel, les rechutes sont beaucoup moins fréquentes que dans le cas des patients qui ne s’occupent que du plan physique. La convalescence, la cicatrisation… sont également plus rapides. Lors d’un séjour au Népal, nous avons pu assister, ma femme et moi, au travail de guérison pratiqué par un jhankri (chaman) sur des habitants de son village. Le chaman prescrivait des infusions de plantes adaptées à chaque cas et il conseillait aussi à ces personnes d’aller consulter le médecin dans le relais médical le plus proche (parfois à deux ou trois jours de marche). Là où je veux en venir, c’est simplement montrer que la prise en compte de l’homme dans son intégralité n’est donc pas une idée nouvelle, ni moderne. Elle a toujours existé, depuis que l’homme est. Les tout premiers hommes savaient déjà se soigner, se soulager, se guérir avec l’aide des trois règnes principaux : le règne minéral, le règne végétal, le règne animal. Ils faisaient donc déjà un travail énergétique, spirituel, avec le chaman de la communauté et parallèlement, ils savaient utiliser des plantes ou autres ingrédients de la nature, pour renforcer, sur un plan physique, le processus énergétique mis en œuvre. Après la guérison, la seconde composante majeure de la pratique du chamanisme de nos terres est le travail avec les esprits dans le but d’apprendre, de recevoir leurs enseignements. Et ce dans de nombreux domaines, comme par exemple les premières connaissances sur les vertus des plantes qui nous sont parvenues par ce biais. Comment l’homme savait-il que telle plante ou tel minéral allait l’aider à soigner ou soulager tel problème ou telle maladie ? Il n’apprenait pas cela par hasard. Il communiquait avec l’esprit de la plante à travers un voyage chamanique par exemple, car il y a plusieurs manières de communiquer avec les esprits. Il consultait l’esprit de la plante qui lui révélait ses vertus, ses parties à récolter, fleurs, feuilles, racines, graines… L’époque la plus propice pour la cueillir, les conditions pour la préparer, les plantes ou extraits minéraux ou animaux auxquels l’associer. Son utilisation, son mode d’ingestion, d’application, etc. Les doses, les 66

quantités, les proportions. Tout cela est très vaste. Et bien sûr, toujours adapté à la personne qui en a besoin, puisque chacun de nous est unique et chacun de nous nécessite une approche et un traitement uniques. C’est l’esprit de la plante qui va nous indiquer tout cela. Voilà donc l’un des domaines dans lequel nous pouvons travailler avec le monde des esprits pour recevoir leurs enseignements. De même, nous pouvons communiquer avec l’esprit d’un lieu. Ce lieu peut être une maison ou une forêt ou une terre par exemple. L’esprit du lieu peut alors nous révéler l’histoire de ce lieu depuis ses origines. Nos ancêtres consultaient aussi régulièrement les esprits des éléments, pour ensuite s’adapter aux enseignements qu’ils recevaient. C’est ainsi par exemple qu’ils savaient qu’ils devraient se préparer à un hiver rude ou au contraire clément. Nous pouvons aussi entrer en relation avec un objet contemporain, comme une montre. Lorsque nous allons communiquer avec l’esprit de cette montre, il ne va pas nous donner l’heure, puisque l’écran nous l’indique déjà. L’esprit de la montre va, en revanche, nous faire faire un véritable voyage dans le temps et nous montrer les origines de ses composantes actuelles et le parcours qu’elles ont suivi pour devenir cet objet que nous portons aujourd’hui au poignet. S’il y a du plastique dans cette montre, nous pouvons revivre tout le chemin depuis les origines de la matière première, présente même dans le pétrole dont il est issu, jusqu’à aujourd’hui. Ou les composants métalliques qui ont aussi toute une histoire et un parcours. Ce qui peut représenter un véritable voyage dans le temps autour du monde, une expérience très riche et très instructive. Une troisième activité majeure de la pratique du chamanisme de nos terres est la divination. Commençons par ce que la divination, telle que nous l’entendons, n’est pas, nous verrons ensuite ce qu’elle est. Dans notre pratique, la divination n’est pas de la voyance, ni de la médiumnité, ni du channelling. Alors, qu’est-ce que c’est ? Puisqu’il s’agit aussi d’aller poser des questions aux esprits sur notre passé, notre présent, notre futur. Avant tout, la divination se fait par une personne pour elle-même. Il ne s’agit donc pas de consulter quelqu’un d’autre comme un devin, par exemple. Il s’agit d’un procédé, d’un travail chamanique que chacun fait pour soi et qui ne peut être fait pour quelqu’un d’autre. La divination, c’est donc interroger le monde des esprits, leur poser des questions. Questions 67

qui doivent impérativement concerner la personne qui les pose. Les procédés sont multiples et très simples, ils sont accessibles à tous : dans la pratique, on en apprend un dès le stage de base, mais chacun ne peut les mettre en œuvre que pour soi. Il faut une grande expérience de sa propre pratique, de sa propre communication avec ses esprits pour commencer à discerner la différence entre ses propres attentes et les messages des esprits. Dans notre pratique, nous ne travaillons pas pour ou sur quelqu’un d’autre, justement pour éviter ce risque de se laisser influencer par son désir profond, conscient ou non, de bien faire, d’apporter de bonnes nouvelles ou des nouvelles que nous croyons bonnes, etc., à l’autre. De plus, ce qui est bon pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre. Et comme chacun de nous le pressent très bien, plus les personnes sur lesquelles on travaille sont proches, plus notre propre désir de bien faire, d’être de bon augure, est présent et influence la réalité (les chamans que nous avons rencontrés lors de nos voyages sont unanimes : aucun ne travaille sur ses proches. Tous font appel à un autre chaman pour cela). Pourquoi pratiquer la divination ? À quoi sert-elle ? Dans notre vie, souvent, nous devons faire des choix, prendre des décisions. Or, certains de ces choix peuvent être fondamentaux et avoir de grandes répercussions sur notre vie ; ils peuvent la changer du tout au tout : vivre avec quelqu’un, attendre une naissance, envisager un déménagement, un changement de travail, et pour les plus jeunes d’entre nous, quitter le nid familial, choisir une orientation professionnelle… Face à ces choix, selon notre personnalité, notre caractère, notre situation passée et présente, nous avons des difficultés plus ou moins grandes à nous décider. La cause en est la peur, consciente ou inconsciente, qu’après notre décision, notre situation soit moins favorable qu’avant, la peur de régresser, la peur d’aller non vers du meilleur, mais vers du moins bien. Dans ces caslà, la divination peut nous aider. Nous pouvons demander conseil aux esprits, les interroger. Ils donneront alors leur(s) réponse(s). Il faut savoir que les esprits ne donnent pas d’ordre. Ils ne commandent pas. Les esprits vont nous donner une réponse très ouverte à notre question, car ils ne sont pas limités par nos notions restrictives d’espace et de temps. Leur vision des choses est donc beaucoup plus large que la nôtre, puisqu’elle ne connaît pas de limite. Pour nous répondre, les esprits vont prendre en considération la globalité de la question et de ses implications. Ils ne peuvent donc pas dire : « Fais ceci » ou « Ne fais surtout pas ça. » Ils vont nous conseiller, nous montrer l’éventail des possibles. Ils peuvent par exemple nous faire comprendre que si nous choisissons de dire non, telle situation sera 68

susceptible de se mettre en place, et si nous disons oui, telle autre situation pourra alors émerger. Et nous, nous sommes alors libres et maîtres de nousmême, libres de choisir ce que nous pensons être le mieux pour nous. Les esprits n’essayeront jamais de nous pousser dans telle ou telle direction. De même, les esprits ne donnent jamais de date précise par exemple. C’est tout simplement impossible, une fois encore, c’est logique. En effet, les esprits ont une vision non limitée par nos perspectives spatiales et temporelles. Ils voient les possibles. Et surtout, ils s’adressent à nous dans l’instant présent où nous avons sollicité leurs conseils, c’est-à-dire par rapport à notre état d’esprit du moment, à notre évolution sur notre chemin, etc. Bien sûr, les possibles qu’ils peuvent nous faire entrevoir dans leurs réponses ne pourront se réaliser que si nous nous prenons en main, que si par nousmême, nous agissons. Il ne faut pas attendre que les esprits fassent tout le travail à notre place, car ils ne le feront pas. Eux nous donnent des informations. À nous d’assumer ensuite notre part. Ils peuvent bien sûr nous soutenir, nous aider, nous conseiller chaque fois que nous en ressentons le besoin. Par exemple, quelqu’un souhaite déménager et cherche un nouveau logement. Les esprits peuvent lui donner des pistes pour ses recherches, ou des conseils. Mais si cette personne n’assume pas sa part, c’est-à-dire si elle n’effectue pas toutes les recherches à sa portée, si elle ne fait pas passer le message qu’elle cherche un logement, si elle ne consulte pas les annonces, etc., les esprits ne vont pas lui présenter sa nouvelle adresse sur un plateau. La personne doit assumer sa part active dans son monde ordinaire, dans sa réalité. La divination peut beaucoup nous rassurer, nous tranquilliser et nous aider face à des choix difficiles. Et si, par la suite, nous considérons que la décision que nous avons prise a été une erreur ? Dans ce cas, les esprits ne nous jugeront pas lorsque nous retournerons leur demander conseil. Car dans le monde des esprits, le jugement n’existe pas, contrairement à notre réalité, où le jugement est un lot quotidien. Ils vont donc continuer tout simplement avec nous le travail entrepris, en nous prenant là où nous en sommes dans notre vie. Pratiquer la divination va aider à développer en nous une paix et une sérénité quant à la décision à prendre. Cette paix naît au fond de nousmême, du ventre ou du cœur. C’est comme un grand calme qui s’est installé en nous. D’un instant à l’autre, ou du jour au lendemain. Sans que nous l’ayons vraiment senti venir. Mais soudain, c’est là. Et à ce moment-là, nous pouvons prendre sereinement la décision qui nous apparaît, tout naturellement, comme appropriée. Et par la suite, avec du recul, nous pouvons constater que nous avons pris la bonne décision. La pratique de la 69

divination nous aide à faire monter cette assurance sereine plus aisément, plus rapidement. Nous avons déjà tous vécu cela naturellement aussi dans la vie de tous les jours sans même avoir pratiqué la divination. Cette assurance calme est en fait un phénomène naturel, qui vient des profondeurs et que l’on peut clairement ressentir quand on est à l’écoute de soi-même. La divination nous permet d’y accéder plus vite. L’autoguérison, le travail avec les esprits, la divination peuvent se faire dans le cadre de la pratique chamanique individuelle quotidienne. Ils peuvent aussi se faire dans un cadre plus ponctuel, lors de cérémonies ou de rites appropriés. Dans les chapitres suivants, nous verrons toute l’importance des cérémonies et des rituels, puis des grands rites de passage dans la pratique du chamanisme de nos terres.

– Cérémonies et rituels Les peuples naturels ont toujours vécu et vivent encore dans le respect de leur milieu ambiant et en harmonie avec lui, en pleine conscience. Des rituels et des rites nous permettent de renouer avec cet état de conscience. Nos ancêtres européens et celtiques vivaient eux aussi en harmonie avec la terre, la nature, les animaux et les éléments. Ils respectaient les rituels et accomplissaient des cérémonies pour maintenir cette stabilité vitale. Cet art de vivre contribuait également à préserver un équilibre individuel et l’harmonie au sein de la communauté et de la famille. Leurs rituels et cérémonies avaient des buts divers : célébrer un événement particulier, une naissance, un deuil, prévenir ou résoudre un problème, la divination, la guérison, faire des offrandes aux esprits de la nature pour solliciter leurs faveurs ou les honorer et leur exprimer de la gratitude pour des récoltes généreuses ou une chasse fructueuse, purifier ou guérir une terre, fêter un rite de passage accompli, se préparer à la guerre ou accueillir la paix nouvelle, s’inscrire dans le temps et marquer le passage des saisons… Un rituel sert à rendre visible ce que l’on fait dans l’invisible. Rendre concret ce qui se fait dans le plan subtil. Tout notre être participe au rituel et notre mental, notre intellect, nos émotions ne peuvent que prendre acte du travail accompli par notre corps : poser une offrande, prier, délimiter un endroit sacré, se préparer à un travail de guérison, formuler une intention claire et précise… Un petit rituel tout simple permet de bien illustrer ce 70

processus d’intégration par tout notre être : pour purifier un lieu, on utilise les vertus énergétiques de la sauge. Il s’agit d’un nettoyage subtil. Ce n’est pas la fumée qui purifie, ni la quantité de sauge utilisée. Il ne sert donc à rien d’enfumer le lieu. C’est l’esprit de la plante qui purifie. Or, l’esprit de la plante se déploie et se répand, sans limites. Et puisque c’est l’esprit de la plante qui purifie, il n’est pas nécessaire de faire brûler la plante. Un plant de sauge ou de la sauge séchée cueillie depuis longtemps a le même effet, car l’esprit de la plante ne s’altère pas, il reste le même. Cependant, le rituel consiste à faire brûler des feuilles de sauge. Pourquoi ? Parce que, en le faisant, nous inscrivons l’acte dans notre plan physique, et ensuite, l’odeur et la fumée qui se dégagent sont des preuves tangibles et rassurantes pour notre mental. Ces signes concrets nous permettent en effet de dépasser nos résistances rationnelles naturelles qui nous empêchent souvent d’admettre l’existence d’un processus à l’œuvre dans le plan subtil. Les rituels sont donc très importants dans tout le travail chamanique car ils permettent à tout notre être d’accepter les bienfaits de ce travail. Sans cette acceptation, le travail chamanique ne peut faire pleinement son œuvre. Tous ces rituels peuvent se faire de manière individuelle ou collective. À l’intérieur ou à l’extérieur, dans la nature. Généralement, ils se pratiquent dans des lieux sacrés, prévus à cet effet. Ces lieux pouvaient donc être des lieux sacrés pour toute la communauté ou des lieux sacrés pour un individu. Nombreuses étaient les personnes qui avaient un lieu intime réservé à leur propre pratique et dont elles ne révélaient pas l’emplacement. Aucune indication ne marquait donc ces endroits privilégiés pour les préserver de toute visite ou intrusion. Chaque lieu sacré est unique, porteur de l’énergie, de l’empreinte de celui ou celle qui vient y faire sa pratique. Certains lieux sacrés étaient destinés à des pratiques spécifiques : offrandes aux esprits, divination, guérison… Les lieux réservés à la pratique collective étaient marqués et connus de tous. Chacun pouvait y venir tout le long de l’année pour faire des offrandes et prier. Tous ces lieux étaient chargés par des plantes dotées de différentes vertus : médecine, purification… qui sont des supports pour la personne ou la communauté dans sa pratique. Beaucoup de ces lieux sacrés de pratique collective étaient connus depuis longtemps pour avoir été utilisés jadis, par des civilisations antérieures. Nos ancêtres se les sont tout naturellement réappropriés, vu la charge spirituelle dont ces lieux étaient imprégnés. Il pouvait s’agir d’un arbre à l’âge vénérable, d’une source sacrée, d’un lac, d’un rocher, d’une montagne. Les Celtes accomplissaient aussi leurs cérémonies dans des lieux 71

où s’alignaient des menhirs, où se dressaient des dolmens que des peuplades néolithiques avaient érigés bien avant eux. Suivant l’exemple de nos ancêtres, nous réapprenons à accomplir certains de ces rituels. En effet, à notre époque, ces anciens rituels sont toujours riches d’enseignements, de bienfaits, que nous les fassions pour nous ou pour la Terre. Et c’est d’autant plus important qu’ils ont quasiment disparu de nos jours. Ils nous font prendre conscience, tout d’abord, que nous vivons en communauté et qu’œuvrer ensemble dans une même direction soude cette communauté. Que, s’il est essentiel de travailler au bien-être de chaque membre de la communauté pour que celle-ci évolue bien, l’inverse est tout aussi important. La pratique collective a en outre un effet de catalyseur qui aide l’individu à passer des caps difficiles : chacun peut y puiser une force, un élan qui peut parfois lui faire défaut lorsqu’il est seul. Les rituels et les cérémonies nous rappellent que nous faisons partie d’un tout. Et que chacun d’entre nous, à son niveau, peut favoriser sa propre harmonie et l’harmonie de ce tout. Les cérémonies et rituels majeurs qui nous viennent de loin et que nous revivons aujourd’hui sont nombreux : huttes de sudation, mandalas, rouesmédecine, bâtons de parole, bâtons de prière, célébrations des solstices et des équinoxes, fête du printemps, passage des morts… Aujourd’hui, le terme « hutte de sudation » est très répandu. Beaucoup l’associent aux huttes de sudation que l’on retrouve dans les traditions amérindiennes. Les expressions « hutte de sudation » ou « loge de sudation » ou « tente de sudation » sont en effet des traductions de l’anglais « sweat lodge » utilisé dans ces traditions. Pourtant, cette cérémonie antique se fait aux quatre coins du globe. Notre monde occidental contemporain s’en est inspiré pour n’en garder qu’une version physique bénéfique et thérapeutique : sauna, hammam… Le sauna nous vient des traditions d’Europe du Nord. Lors de cette cérémonie, les ancêtres de nos terres se libéraient d’entraves qu’ils confiaient au feu de la Terre Mère pour mieux s’ouvrir à eux-mêmes. La hutte de sudation est donc une cérémonie de soin, de guérison et de purification. Par son action de purification sur les plans physique, mental, émotionnel et spirituel, elle revitalise le corps et l’esprit. Le rituel de la 72

hutte favorise une régénération à tous les niveaux. Il n’est pas nécessaire que la hutte soit brûlante pour être efficace. Elle nous permet de nous connecter avec les quatre éléments, la terre, l’eau, l’air et le feu. Elle symbolise le ventre de la Terre Mère dans lequel la vapeur produite par l’eau versée sur les pierres chaudes nous unit à tous ces éléments. Le rituel de la hutte génère un véritable procédé de transformation, individuel et collectif. Nous construisons chaque hutte, nous la vivons et la rendons ensuite à la terre. Nous bâtissons un dôme de perches que nous recouvrons de couvertures. La porte est petite et basse, on ne peut la franchir qu’à quatre pattes. Tout le groupe appelé à vivre cette cérémonie participe à la confection de la hutte. Il est important que chacun contribue à créer la hutte. Celle-ci est chaque fois chargée par deux plantes sacrées : le gui, pour ses vertus de médecine, et la sauge, pour ses vertus de purification. Quand tous les éléments – le feu, les pierres, etc. – de la cérémonie sont en place, les deux gardiens du feu – un homme et une femme – allument le feu. C’est le début de la cérémonie. Nous la vivons ponctuée de prières, de chants, du battement du tambour et des intentions de chacun qui y prennent pleinement leur place en tant qu’énergies sacrées. Nous la terminons toujours selon la tradition de nos ancêtres : nous démontons la hutte et nous en rendons chaque élément à la terre. Enfin, nous effaçons toute trace de notre présence sur le lieu, afin de l’honorer et de le respecter en le quittant tel qu’il nous a accueillis. Les roues-médecine sont elles aussi très anciennes et très répandues. Chaque tradition les matérialise à sa façon. Par des pierres, du bois mort, de la terre, du feu. Ces « roues » peuvent être sphériques ou non. La plupart du temps, les quatre points cardinaux sont bien démarqués. Souvent aussi, il y a un passage, une porte pour entrer dans l’espace sacré de la rouemédecine. Car entrer dans la roue est une manière symbolique d’entrer dans le travail, de venir en soi. Dans la tradition du chamanisme de nos terres, les roues peuvent être collectives ou individuelles. Nous les chargeons avec des plantes sacrées qui diffusent leurs vertus durant tout le travail. Le terme « roue-médecine » renvoie à la notion de cercle, de cycle, de faire le tour d’un problème par exemple. Elles induisent à la réflexion, la méditation sur le sens de la vie, de l’être. Elles sont alors 73

des supports de travail pour notre croissance spirituelle. Elles peuvent nous donner des conseils que nous pouvons appliquer dans notre vie. Elles peuvent nous enseigner et nous révéler les capacités profondes que nous avons tous d’accéder à la paix intérieure. Les roues-médecine aident donc aussi à guérir ou à libérer. Elles agissent sur le plan physique, psychique, mental, émotionnel ou énergétique : douleurs ou problèmes physiologiques, mais aussi peur, colère, tristesse… Ce faisant, elles nous permettent de travailler, de développer et d’installer les vertus qui nous sont bénéfiques : la confiance, la force, le courage… Dans la pratique du chamanisme de nos terres, la plupart de ces roues sont à usage unique. Elles sont donc mises en place le moment venu et démantelées lorsque le travail est fini. Le but étant toujours de respecter la nature et de ne pas lui imposer notre empreinte. La tradition des mandalas se retrouve elle aussi un peu partout sur la planète. Bien sûr, ce mot évoque tout de suite les fabuleux mandalas de sable coloré des moines bouddhistes. Et pourtant, il existe autant de modes de confection de mandalas de par le monde que de traditions, de cultures et de peuples. Le mandala est un support physique, le plus souvent un magnifique dessin ou une fresque, qui aide à incarner un travail spirituel et ses bienfaits. Il permet de matérialiser méditations, prières, initiations, guérisons… Il apporte un flux favorable d’énergie dans le lieu où il est réalisé, dont bénéficient aussi les êtres qui y vivent et qui s’en approchent. Des mandalas très puissants peuvent ainsi agir à plus ou moins long terme, sur un site, un village, une ville, une région, un pays, un continent ou sur la terre, sur une communauté ou sur l’humanité. Le mandala peut aussi être une offrande pour remercier ou encore pour invoquer du soutien ou de l’aide. Les mandalas sont composés de sable, de pierres, de terre, de graines, de bois, de fleurs et de tous genres de matériaux que la nature offre, mais ils sont aussi peints ou sculptés. Les mandalas se font dans la prière, seul ou en groupe ; il faut bien garder présent à l’esprit que, dans la pratique du chamanisme celtique, « prier, c’est parler avec son cœur ». Le temps de confection d’un mandala est donc un moment de recueillement qui peut durer plusieurs heures ou plusieurs 74

jours. Nos ancêtres celtes et européens faisaient leurs mandalas en pleine nature, souvent dans la forêt. Ils les confectionnaient avec ce que la nature leur offrait, uniquement avec des choses inertes qui jonchaient le sol : bois et branches mortes, pommes de pin, feuilles mortes, pierres, terre, glands, marrons et tous genres de fruits, de coques ou autres cupules. Pour respecter la vie, rien de vivant ne devait être arraché ou sacrifié pour créer un mandala. La plupart de nos mandalas ne sont pas détruits lorsqu’ils sont achevés. Ils sont au contraire souvent chargés avec des plantes-médecine et activés par un rituel, pour diffuser leur médecine dans la terre ou aux hommes, là où ils ont été créés. Leur finalité est d’attirer les énergies bienfaisantes, soit cosmiques, soit telluriques, selon leur conception. Une fois un mandala créé et activé, il est alors offert et confié à la terre et à la nature. Il n’est plus retouché ni entretenu, mais celui ou ceux qui l’ont créé peuvent revenir se recueillir ou prier auprès de lui, pour ainsi continuer à le nourrir de bonnes énergies lui permettant d’agir plus longtemps. C’est la vie, la nature, les intempéries et les animaux sauvages qui par leurs actions font disparaître le mandala. Il s’éteint de lui-même, le moment venu, quand la nature l’a pleinement absorbé. Une autre cérémonie très fréquente dans la tradition chamanique celtique, ainsi que dans les diverses traditions chamaniques de par le monde, est le bâton de parole. Elle est collective et vise à donner à chaque membre du groupe en présence l’espace et la possibilité de s’exprimer sans retenue, en toute sincérité, sans crainte d’être interrompu. Seule la personne qui détient le bâton peut parler. Dans certains bâtons de parole, il est d’usage de faire plusieurs tours de cercle jusqu’à ce que personne n’ait plus rien à dire. Le but de cette cérémonie est en effet de permettre à chaque membre de la communauté de s’exprimer sincèrement, en toute liberté. Elle est donc tout à fait propice pour aboutir à une décision commune par exemple ou pour régler des tensions, des conflits puisqu’elle permet à tout le monde de s’exprimer et d’entendre l’autre en le respectant. Le bâton de parole était utilisé au sein de communautés de tailles diverses : famille, clan, dirigeants, etc. Le bâton de parole peut également clore l’accomplissement d’un rituel collectif, d’un rite de passage, pour permettre aux personnes concernées de 75

partager leur expérience spirituelle avec la communauté. Si l’on parle de « bâton de parole », cette cérémonie n’inclut pas nécessairement un bâton. D’autres objets sacrés sont souvent utilisés. La cérémonie du bâton de prière est moins usuelle. Elle occupe cependant une grande place dans la pratique du chamanisme de nos terres. Elle se fait seul ou en groupe. Lorsqu’elle est collective, tous les individus qui y participent prient – parlent avec leur cœur – du début à la fin, dans l’intention fixée au départ. Le bâton de prière circule dans le groupe, donnant à chacun l’occasion de faire sa prière à voix haute pour alimenter le flux collectif, permettant à tous de rester centrés sur l’intention et la prière en cours pour lui donner une force, une intensité continue. Lorsqu’il est individuel, le bâton de prière est pour celui qui l’utilise un support physique qui l’aide à rester dans sa prière, centré sur son intention initiale. Outre ces cérémonies, des rituels réguliers jalonnent notre pratique, comme les célébrations des solstices et des équinoxes qui rythment l’année, le passage du temps, en marquant les saisons. Ces rituels sont autant d’occasions d’honorer, de solliciter et de remercier les esprits ou les éléments de la nature qui dominent à ce moment. Ces rituels sont ponctués de prières, d’offrandes pour que la saison qui commence soit bénéfique et fructueuse. L’un des rituels annuels antiques majeurs, nous l’avons déjà abordé, était le passage des morts. Il avait lieu chaque année vers le début du mois de novembre et, selon les époques et les lieux, il a porté différents noms : Samain, Halloween, fête des morts… Il a lieu au moment de l’année où les énergies sont les plus favorables au passage dans l’au-delà. On parle dans notre tradition de « passage des morts », car c’est l’occasion, pour ceux qui sont morts au cours de l’année écoulée et qui n’ont pu rejoindre directement la Source, de le faire. Des veillées de prière étaient organisées pour appeler les morts et les encourager à partir vers la Source. Nos ancêtres utilisaient des citrouilles qu’ils évidaient et dans lesquelles ils sculptaient des visages très souriants, très accueillants (tout l’inverse de ce qui se fait aujourd’hui). Ils les posaient ensuite sur les rebords de fenêtres, sans le couvercle. Une flamme brûlait dans la citrouille, et se voyait de loin dans la nuit. Elle appelait et attirait les défunts pour les encourager à venir et partir de l’autre côté. Ce rituel était collectif, il se faisait selon des règles très 76

précises qui avaient notamment pour but de protéger les personnes qui y prenaient part. L’une des mesures préventives consistait à accrocher du houx au-dessus de chaque porte, pour empêcher toute énergie perturbatrice de s’installer dans la maison. Cette cérémonie était menée par une ou plusieurs personnes qui en avaient tout spécialement la charge, car formées pour bien la canaliser. Elle ne s’improvisait pas à la légère et ne se faisait pas dans toutes les maisons. Elle était organisée dans une seule habitation, même si elle concernait, bien sûr, l’ensemble de la communauté. Il ne s’agit ici que de quelques exemples, les plus courants, de cérémonies et rituels que connaît notre tradition européenne celtique. Il y en a d’autres et nous en pratiquons certains dans les stages avancés et dans les rites de passage par exemple.

– Rites de passage Les rites de passage ont une tout autre dimension que les cérémonies et les rituels. Un rite de passage amène une transformation profonde de la personne qui l’accomplit. Celle-ci n’est plus la même après le rite de passage. Les changements sont majeurs et s’opèrent en profondeur : une conscience plus ouverte, une sérénité plus grande, une vision plus large, un recul bénéfique, des guérisons, un sentiment plus aigu de responsabilité dans chaque acte posé… Certains changements sont immédiats, d’autres se mettent progressivement en place après le rite. En effet, accomplir un rite de passage, c’est déclencher un processus qui se déroule à très long terme et qui porte ses fruits et nous amène ses bienfaits pendant parfois de longues années. Certains rites de passage ne se font qu’une fois dans une vie, d’autres s’accomplissement régulièrement : une fois par an ou une fois par cycle bien défini. L’exemple le plus connu d’un grand rite de passage qui ne se faisait qu’une fois est la Quête de Vision des jeunes adolescents, qui marquait leur passage de l’enfance à l’âge adulte. Mais les quêtes de vision se font aussi dans d’autres circonstances. Elles peuvent donc se faire plusieurs fois, régulièrement même. On les trouve un peu partout dans différentes traditions de par le monde, sous des formes diverses. Elles ont toutes en commun l’isolement de la personne pendant une période variable, le plus souvent trois ou quatre jours. Certaines durent une semaine ou plus. 77

Une quête de vision est le moment idéal pour achever ou entamer une étape de notre vie (mariage, venue d’un enfant, déménagement, changement de carrière, départ à la retraite, divorce, perte d’un être cher, remise en question personnelle spirituelle ou autre…). Ces transitions sont autant d’expériences de croissance et de maturation. La quête de vision nous permet de les vivre et de les intégrer comme telles. Une quête de vision est un rite de passage qui se déroule dans la nature sauvage et qui, comme la plupart des rites initiatiques, est basé sur la mort et la renaissance symboliques. Lors d’une quête de vision, nous prenons le temps de nous retirer et nous faisons le point, seuls, face à nous-même. Chacun choisit son lieu, s’y retire et jeûne trois jours et trois nuits, seul, avec pour unique intention de se retrouver avec et face à lui-même. Ces trois jours se passent sans bouger de sa place, sans aucune distraction, et les nuits sont à la belle étoile. Dans cette solitude et ce dénuement, chacun peut ainsi prendre conscience de sa propre confiance intérieure. Et prendre la pleine mesure de la nature qui l’entoure. La quête de vision est une expérience intérieure qui nous permet d’accomplir une transformation intime et personnelle. Elle nous permet entre autres de contacter notre part d’ombre et de libérer ainsi des émotions anciennes ou récentes, qui nous empêchent d’avancer. Ou de voir notre vie et nos projets de vie dans une lumière nouvelle. Et de mieux nous connaître nous-même. La quête de vision requiert dès lors un engagement réfléchi et mûri de la part de chacun. La préparation se fait pendant plusieurs jours et le retour est lui aussi nourri par un travail chamanique adapté. Le Rite de la Mue par la Voie des Huttes de sudation est un rite de passage celtique spécifique. Lui aussi est un travail fondamental et fondateur. Cette longue cérémonie des profondeurs était pratiquée par les ancêtres de nos terres pour se libérer d’entraves intérieures qu’ils confiaient au feu de la Terre Mère pour mieux s’ouvrir à eux-mêmes. Aujourd’hui comme jadis, nous pratiquons ce rite pendant sept jours au cours desquels se succèdent les neuf huttes de sudation qui symbolisent les neuf mois de maturation d’un être humain pendant la grossesse. La mue est une peau, une enveloppe, une carapace qui s’enlève lorsque l’être qui se développe à l’intérieur grandit, est trop à l’étroit et a besoin de plus d’espace pour continuer sa croissance. Ce phénomène est très fréquent dans le monde animal : serpents, lézards, araignées, crabes, nombreux insectes… Nous aussi nous avons besoin régulièrement d’un nouvel espace 78

pour grandir. La mue intérieure que ce rite nous permet d’accomplir est donc une véritable transformation de notre être profond. Au fur et à mesure des huttes, dans la sécurité et la chaleur de la Terre Mère, nous sommes invités à descendre toujours plus loin en nous et à nous dépouiller de tout ce qui nous pèse, nous fait souffrir, nous empêche d’évoluer. Ce rite se pratique en groupe, nous le vivons tous ensemble du début à la fin car c’est la force et l’esprit du groupe qui aide chacun à passer les caps et les paliers difficiles. En ce sens, ce grand rite est donc tout autant un puissant travail collectif qu’individuel, qui aura pour chacun de nous une portée et un impact particuliers. Pour terminer, nous rendons à la Terre, lors d’une cérémonie de remerciement, la hutte qui nous a permis d’accomplir ce travail sacré. Le Rite de la loge est un autre rite de passage celtique spécifique : nos ancêtres européens, celtiques le pratiquaient régulièrement. Comme tout rite de passage, la loge permet une transformation en nous. Et comme tout rite de passage, son processus est unique. La loge nous guide vers un devenir autre, un devenir meilleur, un devenir plus ancré et plus lucide. Ce rite œuvre à deux niveaux : à notre niveau personnel, individuel, et au niveau collectif. À notre niveau personnel : dans notre propre vie, pour notre propre chemin, pour une meilleure harmonie personnelle et avec notre entourage. Et au niveau collectif : celui de l’ensemble de l’humanité mais aussi pour la Terre puisque chacun d’entre nous fait partie du Tout dont Elle permet la vie. Pendant ce rite, chacun crée et aménage sa propre loge en lien étroit avec la Terre, avec la nature. Chaque loge est isolée et accueille son occupant dans sa paix et sa sérénité pour lui permettre de mener à bien ce rite de passage. Celui-ci dure sept jours et est jalonné de huttes de sudation collectives, de cérémonies collectives et de rituels individuels qui préparent chacun à éclore à un devenir meilleur. Ensuite, point culminant de ce rite, chacun se retire dans l’intimité de sa loge pendant une journée et demie pour y vivre cette éclosion ritualisée. Le Rite du Démembrement-Remembrement dure lui aussi sept jours. Le 79

démembrement-remembrement en chamanisme est un travail majeur qui consiste, avec l’aide des esprits, à se démembrer symboliquement, jusqu’à ce qu’il ne reste aucune trace de nous. Seule notre essence subsiste à travers notre conscience. Ensuite, vient la phase de remembrement au cours de laquelle, toujours avec l’aide des esprits, nous sommes remembrés, c’est-àdire reconstitués. Le but du procédé est de se libérer des peurs, des maladies, de tristesse, de colères, d’états de mal-être, d’entraves… et donc, d’être reconstruits mieux qu’avant. Nous commençons ce rite par une hutte de sudation au cours de laquelle nous amorçons le démembrement. Le lendemain, nous effectuons un grand rituel du démembrement. Et les jours suivants, huttes et rituels se succèdent, en alternance, pour vivre le démembrement, nous faire prendre conscience que nous faisons partie du tout avant de vivre le remembrement : la reconstitution de nous-même, libéré de nos entraves. La pratique du chamanisme celtique nous offre des ressources inépuisables pour nous aider à avancer sur notre chemin. Cependant, si l’on veut profiter pleinement de ses bienfaits, il ne faut pas perdre de vue l’éthique dans laquelle elle s’inscrit.

L’éthique Depuis toujours, la pratique du chamanisme celtique est naturelle et à la portée de tous. Elle est un chemin personnel qui s’effectue pendant des années, pendant toute une vie. Le chaman est choisi et nommé à ce titre par les esprits et ensuite par la communauté, jamais par lui-même. Se proclamer chaman ou guérisseur est donc considéré comme un acte généré par l’ego et l’envie de pouvoir, consciente ou inconsciente. L’enseignement que j’ai reçu de mon mentor et de mes esprits, celui que je propose, la pratique du chamanisme de nos terres, font de moi un praticien chamanique. J’enseigne la pratique de ce chamanisme celtique dans le but de redonner aux participants différents outils chamaniques qui permettent à chacun de mieux se connaître et de prendre en charge son propre mieux-être. Tout en respectant le fait que chacun est libre face à ce mieux-être qui lui est propre. 80

La pratique chamanique de nos terres se nourrit d’intentions saines. Elle s’exerce dans une réceptivité totale, dénuée d’orgueil et d’attente. Dans le respect du chemin de chacun, il ne s’agit en aucune mesure d’interférer, d’interpréter, d’imposer ou de convaincre, afin que chacun reste maître de lui-même. Chacun s’écoute et décide d’appliquer ce qui lui convient. C’est une pratique utilisée par tous, elle n’est pas réservée à une élite. Tout le monde est sur un pied d’égalité, c’est pour cela que nos cérémonies et rituels collectifs se font en cercle. Afin que chacun voie chacun et que personne n’occupe de place privilégiée. Car cette pratique n’est pas basée sur une hiérarchie. Elle est une voie axée sur le cœur et l’esprit. Sur la sincérité par rapport à soi. Elle nous apprend à vivre avec la conscience de l’unité de la Vie et donc, tout logiquement, dans le respect de la nature, vital pour nous. La pratique du chamanisme celtique est un chemin de la connaissance de soi compatible avec d’autres voies, qu’elles soient religieuses, philosophiques ou autres. Elle n’est en aucun cas exclusive ; elle est donc, au besoin, parfaitement complémentaire d’autres voies de connaissance de soi. C’est une voie qui a pour but de nous aider à rester libres et maîtres de nous-même. Humbles et simples.

Petit aperçu de pratique appliquée J’aimerais conclure cette approche de la pratique du chamanisme celtique par ce « petit aperçu de pratique appliquée ». Jusqu’ici, je me suis principalement attaché à décrire en quoi consiste cette pratique chamanique celtique. Avec ce petit aperçu de « pratique appliquée », j’espère donner quelques pistes quant au rôle concret qu’elle peut jouer dans notre quotidien, et à ce qu’elle peut apporter à chacun d’entre nous. Les anecdotes qui suivent sont issues du quotidien, de ma propre expérience ou de partages de participants. Quand on y regarde de près, on voit que notre monde ordinaire, et plus particulièrement celui des jeunes, est truffé de références chamaniques qui 81

ne se déclarent pas comme telles. Parmi les nombreux exemples disponibles, citons la récente trilogie à la Croisée des mondes de Philip Pullman (dont le premier volet a été porté à l’écran). Dans cette histoire, les personnages ont un animal lié à eux pour la vie par un lien subtil, invisible. Cet animal ne peut quitter la personne à laquelle il est lié, c’est un compagnon de vie, une aide, un soutien, un confident, un protecteur. Ils sont donc dotés des attributs identiques à ceux des animaux de pouvoir que nous avons expliqués plus haut. De plus, certains personnages sont capables d’ouvrir des portes donnant sur d’autres mondes. Parmi les grands classiques, il y a aussi le célèbre Narnia de C. S. Lewis (également porté à l’écran) qui nous donne l’illustration parfaite de voyages dans le monde d’en bas. Au tout début de cette saga, le premier passage dans le monde d’en bas est une armoire où les enfants se cachent et dont ils découvrent, derrière les vêtements, l’absence de fond. L’armoire débouche sur une forêt. Dans ce monde différent, les animaux parlent et les enfants vont vivre avec eux toute une série d’aventures. Ensuite, dans la même veine, il y a bien sûr Le Magicien d’Oz, Alice au pays des merveilles. Et le conte Jack et le haricot magique qui est un exemple d’un voyage dans le monde d’en haut. Une lecture attentive des contes populaires traditionnels révèle en effet qu’ils sont empreints d’éléments qui semblent familiers au chamanisme. Au fil des stages, j’ai constaté que beaucoup de personnes comprenaient avec surprise que certains de leurs animaux de pouvoir étaient déjà concrètement présents à leurs côtés depuis leur petite enfance : le plus fréquemment sous les traits de… leur doudou, ou de toute autre peluche ou jouet favori qu’ils ont gardé longtemps. Personnellement, j’ai découvert l’un de mes animaux de pouvoir quand j’étais petit. Je devais avoir huit ou neuf ans. C’était un mercredi matin, au mois d’avril, il pleuvait à verse. J’étais parti avec ma sœur chercher des escargots. Une fois son sachet plein, elle a décidé de faire la course jusqu’à la maison. Beaucoup plus leste que moi, elle m’a vite distancé. Pour rentrer, je devais franchir un pont, juste au-dessus d’une dénivellation de la rivière qui ces jours-là était en crue à cause de la pluie abondante. La chute d’eau atteignait les deux mètres. J’ai glissé et je suis tombé. Deux mètres, c’est haut quand on a huit ou neuf ans. Un tourbillon me maintenait au fond, je ne savais plus où était le haut ni le bas. Je paniquais, je buvais la tasse. Puis, j’ai vu défiler des souvenirs et j’ai senti un grand calme, je n’avais plus peur. Et ensuite, j’ai entendu une voix qui criait dans ma tête : « Ouvre la main ! » Trois fois. Je l’ai fait et j’ai senti une branchette de saule. Puis la voix a repris, forte : « Ferme la main ! » Je l’ai fait. Et j’ai pu sortir de l’eau. J’ai vu que c’était 82

la seule branchette de saule qui pendait dans la chute. Et que les trois escargots que j’avais trouvés avant de tomber étaient toujours dans le sachet plastique accroché à mon poignet. Ce n’est que plus tard, une fois ma pratique chamanique entamée, que j’ai compris que l’escargot était l’un de mes animaux de pouvoir. Tout ce que nous vivons dans la pratique chamanique peut nous parvenir par différents canaux : des émotions, des odeurs, des sons, des images, des perceptions difficiles à décrire avec notre vocabulaire ordinaire. Chacun doit se familiariser avec son propre mode de fonctionnement, sans se focaliser sur l’envie de voir des images par exemple. Si beaucoup d’entre nous voient des images lors de leurs voyages chamaniques, ce n’est de loin pas le cas de tout le monde. Il faut être ouvert à son propre mode de fonctionnement, et seule la pratique permet de le découvrir. Il faut être ouvert et détaché de toute attente. Le mieux, quand on commence, est d’être libre de tout témoignage extérieur par exemple. Cela permet de ne pas s’attendre à voir défiler des images et de vivre un voyage comme un film, même si d’autres le vivent ainsi. Un voyage chamanique peut être très subtil, parfois presque imperceptible. De nombreuses personnes n’ont pas d’emblée réalisé avoir vécu un voyage chamanique, tant il était ténu. Il n’y a pas de voyages chamaniques plus riches que d’autres. Ils sont juste tous différents, et adaptés à celui qui les fait, à l’intention posée. Or, nombre d’entre nous qui ne vivent pas leurs voyages chamaniques avec autant d’images ou d’événements ressemblant à ce qu’ils ont pu lire ou entendre sur le sujet tombent dans le piège de la comparaison. Ce qui peut provoquer une certaine frustration ou une certaine colère, certains vont même jusqu’à se dire que la pratique chamanique n’est pas pour eux. C’est faux. Il faut juste se faire confiance et trouver son propre mode de fonctionnement. Personnellement, je ne vis pas mes voyages chamaniques comme des films en trois dimensions… Au début de ma pratique, je pensais qu’il ne se passait rien du tout dans mes voyages chamaniques et j’étais convaincu que cela ne marchait pas. Par la suite, au fil des mois, je me suis rendu compte de ces petits détails ténus auxquels je n’avais, de prime abord, prêté aucune attention. J’ai commencé à m’ouvrir à ces petites informations subtiles. Et petit à petit, j’ai découvert ma manière de faire les voyages chamaniques. Mais dans les premiers temps, j’étais frustré, énervé et souvent en colère. Plusieurs fois, j’ai failli tout laisser tomber, persuadé que j’étais inapte à cette pratique. Puis, dans un voyage chamanique, j’ai rencontré un guide qui m’a expliqué que tant que je me comparerais, je souffrirais. Le jour où j’arrêterai de me comparer, ma vie changera. J’ai été bouleversé de 83

m’entendre dire qu’aucun être vivant ne peut se comparer à un autre. Même si cela peut sembler une évidence. Chacun d’entre nous est unique. À partir de là, j’ai accepté pleinement la façon dont je voyageais et ce que cela m’apportait. Je connais beaucoup de gens maintenant qui disent ne rien vivre dans leurs voyages chamaniques et qui pourtant continuent à pratiquer avec assiduité, car ils constatent des améliorations à différents niveaux dans leur vie ordinaire. Ils savent que ces bénéfices viennent de leurs voyages et pratiques chamaniques, puisque c’est la seule pratique à laquelle ils s’adonnent. Ils sont donc chaque fois désireux d’accueillir ces bénéfices, même s’ils n’en ont pas une conscience bien définie ou s’ils sont incapables de les décrire. Il est intéressant de voir qu’à un moment donné, ces personnes se mettent soudain à partager et racontent en détail un voyage chamanique. Le déclenchement se fait lorsqu’elles s’y attendent le moins ; leur surprise est d’autant plus positive qu’elles avaient appris à lâcher prise, à ne pas attendre de résultat, mais simplement à accueillir ce qui venait, aussi flou ou incompréhensible ou opaque que ce soit. Il n’est donc pas essentiel d’avoir une conscience nette de ce qui s’est passé dans un voyage chamanique. Ce n’est pas du tout un gage de qualité. Il faut apprendre à se faire confiance et à admettre que les choses se passent à un niveau dont nous n’avons pas toujours nécessairement conscience. Et quand, suite à cela, on constate que des améliorations se mettent en place dans notre vie ordinaire, il s’agit effectivement d’une confirmation rassurante que le travail subtil se fait bel et bien. De plus, la pratique chamanique ne se limite pas aux seuls voyages chamaniques. Ceux-ci ne sont qu’un outil parmi d’autres. Mais ce piège de la comparaison vaut pour tous les outils, tous les aspects de la pratique chamanique. Et à l’antipode de la confirmation rassurante se trouve… le doute. Pourtant, les deux sont beaucoup moins éloignés qu’il n’y paraît. Beaucoup d’entre nous, après un voyage ou un autre exercice chamanique, doutent de l’authenticité de ce qui s’est passé. Dans un premier temps, ce doute a un effet déstabilisant. Mais, au fond, quel est son vrai rôle ? Le doute a pour but de nous faire tout remettre en question, en un instant. Or, cela peut provoquer une réaction de frustration, d’insatisfaction, voire de colère. « à quoi bon, si je n’y crois pas ? À quoi bon tous ces efforts si je ne suis pas plus avancé, si j’ai même l’impression d’avoir régressé ? » Et pourtant, c’est tout le contraire qui est en train de se produire. Le doute est un précieux auxiliaire qui nous encourage à aller un pas plus loin, il nous dit : 84

« Cela ne me suffit pas, il m’en faut plus. » Il ne nous dit pas : « Cela n’a pas de sens, c’est absurde, je ne sais plus où j’en suis. » Il nous pousse au contraire à approfondir car nous ne sommes pas loin, il suffit juste d’un ou deux pas de plus. Dans le cadre de la pratique chamanique par exemple, cela peut vouloir signifier qu’un ou plusieurs voyages chamaniques supplémentaires sont nécessaires. Combien ? Cela dépend de chacun d’entre nous, du travail en cours. Car on le sent lorsque le doute fait place à la sérénité. Chacun d’entre nous en a déjà fait l’expérience : la paix monte alors de nos profondeurs. Elle ne vient pas de la tête. Beaucoup décrivent cette sensation comme venant du fond du ventre, de l’être. Dans ce cas, le but est atteint. Il n’y a donc pas d’échec dans les voyages chamaniques, tout est apprentissage. Puisque tout le monde sans exception voyage, même si tout le monde ne s’en rend pas compte. Nos réactions, pendant ou après un voyage chamanique qui nous semble raté, sont très instructives. Les émotions négatives nous montrent bien que nous avions des attentes avant le voyage et qu’elles ne sont pas satisfaites. Il ne faut donc surtout pas attendre de résultat, pour éviter toute pression. La pression nous empêche de lâcher prise. De plus, il ne faut pas oublier non plus qu’il n’y a pas de hasard. Les esprits savent très bien ce qu’ils font : puisqu’ils ont une vision des choses beaucoup plus large et profonde que la nôtre. Il est bon également de toujours se rappeler que l’expérience ne se réalise pas dans ce qui nous arrive mais bien de ce que nous faisons de l’événement vécu. Souvent, nous pensons que l’expérience, c’est vivre plusieurs fois une même situation et acquérir ainsi une certaine expertise. C’est vrai dans certains domaines. Mais il nous arrive, dans notre quotidien, de vivre et revivre des événements dont le scénario change peutêtre un peu, mais dont la trame et le résultat sont invariablement les mêmes et qui, nous le savons, au fond, vont à l’encontre de notre propre bien-être. Et pourtant, nous les acceptons, heureux à chaque fois de nous en sortir. Dans ce cas, il peut être judicieux de se demander s’il ne faut pas en tirer une leçon. Car une fois que l’on a compris le mécanisme en action et notre implication, souvent passive, le processus répétitif s’arrête. Puisque la compréhension a changé notre façon de voir et donc de réagir. Nous sommes alors prêts à passer à autre chose. 85

Tout est mouvement. Le changement est permanent. Et il est bon de se rappeler que les vérités d’aujourd’hui ne sont pas les vérités de demain. Tout est régulièrement remis en question. C’est le seul moyen de continuer à évoluer. Il nous faut donc être ouverts au doute qui nous pousse à ces remises en question, car elles sont salutaires et peuvent nous sortir d’un immobilisme dans lequel nous étions peut-être figés. Même si bien souvent, cela nous demande de surmonter une peur ; la peur du changement qui nous fait craindre de quitter un état bien connu, que nous avons fini par trouver confortable, rassurant puisque familier, en vue d’un nouvel état, inconnu et qui peut faire peur. Or, évoluer, aller de l’avant, c’est justement quitter, lâcher le connu en faveur, forcément, de l’inconnu. Chacun vit une évolution qui lui est propre. De même, chacun détient sa propre vérité et la pratique du chamanisme celtique permet de s’en approcher, puisqu’elle est une démarche individuelle, que l’on entreprend pour soi. C’est un exercice personnel, qui permet de mieux se connaître. L’idéal est qu’il soit assidu. Or certains caps sont difficiles, longs à passer seul. Une dynamique collective favorise ces processus, ces prises de conscience nécessaires mais pourtant éprouvantes. La pratique collective, comme dans le cas des rites de passage ou des cérémonies de groupe, renforce le travail individuel. Elle est un véritable catalyseur. Un jour, une jeune femme terrorisée à l’idée de devoir aller chez le dentiste est venue faire le stage de base. Elle avait tellement peur qu’elle laissait dégénérer ses problèmes dentaires plutôt que de les soigner. Dans sa pratique chamanique, elle est allée à la rencontre de son animal de pouvoir spécialiste pour l’aider à travailler et à surmonter cette peur intense. Cet animal s’est présenté à elle, il lui a donné des conseils et a commencé un travail avec elle. Elle a alors pris un rendez-vous chez le dentiste et a pu se faire soigner. Depuis, les visites régulières chez le dentiste ne lui posent plus aucun problème. Des anecdotes de ce genre sont très fréquentes, je n’en cite ici que quelques-unes. Les petits enfants souffrent eux aussi de peurs plus ou moins fortes : la peur du noir, la peur de dormir seul, la peur d’avoir la porte de la chambre fermée. Certains petits ont peur de monstres, d’animaux ou de personnages terrifiants qui viennent les empêcher de dormir. Dans ce cas, lorsque les parents m’appelaient, je demandais à l’enfant d’aller lui-même chercher son 86

animal gardien. Une fois que l’enfant l’avait trouvé, je lui expliquais qu’il devait appeler son animal gardien tous les soirs pour qu’il se couche au pied de son lit : car l’animal gardien veille sur lui, le protège pendant la nuit. Et l’enfant peut dormir tranquille. Ce n’est plus lui qui doit rester en alerte. Il peut se reposer en toute confiance. Comme ils sont réellement rassurés, les petits enfants apprennent alors à appeler leur animal gardien aussi pendant la journée, dans des situations difficiles. Quand ils ont besoin de sécurité. Et la relation qui naît et se développe entre l’enfant et son animal gardien est une relation très personnelle, très intime que l’enfant garde d’instinct pour lui, dans son jardin secret. Il n’en parle pas aux copains, car il ne veut pas diminuer son pouvoir. Chez les enfants, cet instinct de protection est beaucoup plus fort que chez les adultes. Une jeune adolescente, lors de son stage de base, était très renfermée, très timide. Elle ne partageait jamais. Elle se faisait la plus discrète possible. Au fil de sa pratique, et des stages avancés, cette jeune fille s’est transformée, épanouie. Elle s’est mise à partager ses voyages chamaniques. Et plus d’un an après, toute sa famille est venue faire le stage de base. Au moment du tour de cercle des présentations, sa mère a dit qu’ils étaient tous venus parce qu’ils avaient vu leur fille s’ouvrir comme une fleur au fil des derniers mois et qu’ils étaient curieux et désireux de découvrir cette expérience si positive. Le père d’une petite fille faisait son stage de base. Le dimanche, le matin de la deuxième journée du stage, tous deux étaient attablés pour le petit déjeuner. La fillette a alors proposé à son papa de lui faire un dessin, avant qu’il ne parte. Son papa ne lui avait pas expliqué ce qu’il faisait ce weekend là. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il vit que sa fille venait de dessiner leur maison, lui et elle assis à la table de la cuisine, et devant eux, un trou dans le sol, avec une échelle qui descendait. Au pied de l’échelle s’étendait un autre monde avec de l’herbe, des fleurs, des arbres, un soleil et des animaux… La veille, le samedi, nous avions fait les premiers voyages chamaniques dans le monde d’en bas à la rencontre de nos animaux de pouvoir. Un autre père avait reçu d’un de ses enfants un dessin plusieurs mois avant qu’il ne fasse le stage de base. Ce dessin représentait un animal et l’enfant lui avait dit, en lui offrant son dessin : « Cet animal est le tien, il est là pour toi. » Ce n’est qu’au stage, suite à ses premiers voyages chamaniques, que 87

cet homme s’est souvenu de ce dessin car il venait de rencontrer l’animal en question. Entretemps, il avait complètement oublié le dessin et la petite phrase de son enfant. Dans un stage de base, lors du dernier exercice, le dimanche, une personne a cherché un animal de pouvoir spécialiste pour l’aider à travailler sur une maladie dont elle souffrait depuis plusieurs années. Lorsqu’elle a trouvé cet animal spécialiste, elle s’est rendu compte qu’elle l’avait peint le jour même où elle avait appris être atteinte de la maladie. Elle avait encore le tableau chez elle, et elle l’a ressorti après le stage pour lui donner la place qui lui revenait désormais dans son quotidien, pour l’aider dans sa pratique avec cet animal. Au début de ma pratique, j’ai travaillé aussi sur des problèmes personnels, notamment d’ordre physique, dont un excédent de cholestérol et de graves séquelles d’une conjonctivite. Pour le cholestérol, les résultats de la prise de sang étaient plutôt alarmants et j’ai immédiatement commencé un traitement médical. Une fois rentré chez moi, j’ai décidé de travailler aussi tout de suite le côté spirituel de cette maladie. De cette façon, je combinais le travail sur le plan physique, avec le traitement médical, et le travail sur le plan spirituel ou subtil, grâce à la pratique chamanique. J’ai appliqué la méthode que l’on apprend au stage de base, elle est très simple. Je l’ai pratiquée pendant sept jours. Parallèlement, j’ai fait un travail chamanique supplémentaire, que je ne vais pas décrire ici. Pas pour entretenir un certain mystère, mais pour ne pas influencer les personnes souffrant du même problème. En effet, chaque travail chamanique est différent, adapté à chacun. Puisque chacun de nous a un profil différent, il est normal que chacun de nous ait un travail chamanique différent à faire. Même si le problème à traiter est le même. Au bout de sept jours, l’animal spécialiste m’a fait comprendre que je pouvais arrêter le travail chamanique. Je l’ai fait, mais je n’ai pas arrêté le traitement médical, puisque celui-ci n’était pas de mon ressort. Trois semaines plus tard, je suis retourné consulter mon médecin et je lui ai demandé une nouvelle prise de sang pour vérifier mon taux de cholestérol. Il m’a répondu que c’était beaucoup trop tôt, qu’on ne pouvait pas voir de changement à si bref délai. Mais il a tout de même accepté et nous avons fait la prise de sang. Nous avons reçu les résultats : il n’y avait plus de traces de cholestérol. Le médecin m’a alors dit que c’était excellent mais qu’il ne pouvait l’expliquer, et il hésitait beaucoup quant à la bonne réaction à avoir. Il a alors décidé de garder les pieds sur terre, il m’a 88

dit de cesser le traitement lourd mais, par mesure de précaution, de suivre le traitement complet de base, pendant trois mois. Passé ce délai, j’ai fait une nouvelle prise de sang. Les résultats étaient toujours négatifs. J’ai cessé le traitement médical mais j’ai refait une prise de sang trois mois plus tard. Les résultats étaient négatifs, là aussi. Ce n’est qu’à ce stade que le médecin a conclu que le problème était réglé. Depuis, j’ai dû faire des prises de sang régulières et chaque fois, je demande de vérifier le cholestérol. À ce jour, je n’en ai toujours pas. Et je n’ai pas changé de façon de m’alimenter. En même temps, j’ai travaillé un deuxième problème : une conjonctivite m’avait affligé de graves séquelles depuis plusieurs années. Avant, j’avais une vue parfaite. La conjonctivite m’avait laissé 2/10 à l’œil droit et 5/10 à l’œil gauche. À l’époque, le médecin spécialiste qui m’a examiné m’avait dit que ces séquelles étaient incurables : avant, mes yeux étaient comme des vitres parfaites et après, ces vitres étaient toutes griffées de centaines de micro cicatrices. Ces cicatrices étaient indélébiles. Aucun traitement médical ni aucune paire de lunettes ne pouvaient m’aider. J’ai dû apprendre à vivre avec. Ce que j’ai fait pendant de longues années. Jusqu’au jour où j’ai décidé de travailler cela grâce à ma pratique chamanique. Je suis donc d’abord retourné chez le même médecin, pour démarrer un éventuel traitement médical. Le médecin m’a répété qu’il ne pouvait rien faire. Mais cette démarche était importante dans le processus de guérison. Il fallait la faire. Ensuite, j’ai de nouveau appliqué la méthode que l’on apprend au stage de base. Et parallèlement, un autre travail chamanique. Cette fois, il s’agissait d’un travail de métamorphose avec l’un de mes animaux de pouvoir dont le sens le plus développé est la vue. J’ai fait ce travail pendant cinq mois, à l’issue desquels j’avais recouvré une vue parfaite. Je suis retourné chez le médecin spécialiste, et après examen, il s’est avéré que ma vue était de 10/10. Mais les cicatrices étaient toujours présentes. Et pour le médecin, c’était incohérent, inexplicable. Quinze ans plus tard, j’ai dû aller consulter un ophtalmologue pour un souci d’un tout autre ordre. Je lui ai demandé si les cicatrices étaient toujours là. Elles avaient disparu. Alors que pendant toutes ces années, je ne travaillais plus sur ce problème précis. Un processus avait bel et bien été enclenché. Les Celtes étaient parmi les plus grands spécialistes de la métamorphose. Beaucoup de leurs mythes et légendes en parlent très bien. La métamorphose est utilisée pour des guérisons mais aussi pour se fondre dans la nature, pour passer inaperçu, pour s’approcher et observer des animaux sans les faire fuir par les signes habituellement dérangeants de la présence d’un être humain. Car il est possible de modifier jusqu’à l’odeur 89

que l’on dégage ordinairement. Le but de la métamorphose est de ne faire qu’un avec l’animal de pouvoir dans le voyage chamanique, pour vivre pleinement tous ses sens, toutes ses qualités, toutes ses caractéristiques et essentiellement, celles qui nous sont bénéfiques ou nécessaires pour les ramener et les installer dans notre vie quotidienne. Dans l’un des stages avancés, nous confectionnons un attrape-rêves tel que le faisaient nos ancêtres celtiques avec des coquilles d’escargots, dont la mise en place est particulière. La fonction de cet attrape-rêves est de conserver nos rêves pour que nous nous en souvenions à notre réveil. Pendant le stage, chacun fabrique son attrape-rêves et nous l’activons ensuite dans un rituel. Quelques jours après un de ces stages, une participante qui avait expliqué qu’elle ne s’était jamais rappelée aucun de ses rêves, m’a téléphoné tôt le matin pour me dire que pour la première fois de sa vie, elle se rappelait d’un rêve. C’était pour elle une grande guérison, un grand soulagement. Les guérisons sont de natures très diverses, je pense notamment à ce monsieur très âgé qui avait toujours eu un sommeil extrêmement riche en rêves et fort réparateur. Deux ans auparavant, il avait contracté une maladie suite à laquelle il ne dormait plus bien du tout. Nous étions pendant le stage avancé « les animaux de pouvoir de nos ancêtres » où nous apprenons à installer dans notre quotidien des qualités d’animaux précis de nos régions que connaissaient bien nos ancêtres. Dans un voyage chamanique à la rencontre d’un animal qui recherche chaque jour un nouveau lieu protégé pour dormir en toute sécurité, en paix, ce monsieur a fait l’expérience d’un sommeil comme il n’en avait plus connu depuis sa maladie. Le lendemain d’une hutte de sudation, une personne qui portait des lunettes depuis sa petite enfance, et qui ne pouvait vivre sans, a remarqué qu’elle ne les avait pas mises et que pourtant, elle voyait comme si elle les portait. Elle a essayé de les remettre, mais elle voyait trouble. En rentrant chez elle, elle est allée voir son spécialiste qui a constaté qu’elle n’en avait plus besoin. Elle a encore porté quelque temps une paire de lunettes de faible correction avant de ne plus en porter du tout. De même, il arrive très souvent que, suite à des huttes de sudation, des personnes arrêtent de fumer ou cessent d’être claustrophobes ou d’avoir peur du noir. Les huttes de sudation sont des rituels très puissants. Et on assiste souvent à des phénomènes qui nous interpellent. Nous faisions un jour une hutte de 90

sudation dans un pré, en lisière de forêt. Il y avait un cheval dans ce pré. Lorsque nous sommes tous entrés dans la hutte, ce cheval est venu et s’est couché contre les couvertures de la hutte. Deux, trois personnes à l’intérieur sentaient très nettement le contact du cheval. Il est resté tout le temps qu’a duré la hutte, il ne s’est levé que lorsque nous sommes sortis. Quelques mois plus tard, le même phénomène s’est reproduit avec un Saint-Bernard. Certains phénomènes se manifestent aussi à l’intérieur de la hutte, comme le jour où une seule pierre a chauffé les trois derniers cycles de travail de la hutte. Il y a quatre cycles de travail dans chaque hutte de sudation et habituellement, il faut une moyenne de sept pierres pour chauffer un cycle. Pour trois cycles, il faut donc vingt et une pierres (en fonction de leur taille, ce nombre peut varier légèrement). Ce jour-là, une seule a suffi. Ce qui, a priori, relève de l’impossible. Souvent, les esprits se manifestent lorsque nous sommes en groupe ; ils veulent alors faire passer un message, nous faire comprendre quelque chose. Et dans ce cas, c’est au bénéfice de plusieurs personnes et non d’une seule. Comme lors de ce stage de base, où nous avons entendu très clairement chanter une mésange à un endroit précis de la salle alors qu’il n’y avait pas d’oiseau avec nous. Ce chant a duré plusieurs minutes, il n’était pas répétitif (il ne s’agissait donc pas de la sonnerie d’un portable…). Dans ce cas, les esprits avaient choisi de donner au groupe une preuve concrète de leur présence. C’est une manière de nous dire : « Nous sommes bien là, avec vous. » Les clins d’œil de la part des esprits sont très fréquents, surtout venant des animaux de pouvoir. De nombreuses personnes, en rentrant du stage de base, ou les jours qui suivent, reçoivent un signe de leurs animaux de pouvoir – elles le voient au bord de la route, traverser devant elles, ou voler, ou sur un panneau publicitaire, ou dans une vitrine, sous une forme ou une autre… Ils confirment ainsi leur authenticité. Pendant un stage avancé, en été, les portes de la salle où nous étions installés étaient ouvertes. Chaque fois que nous jouions du tambour, un gros matou – véritable seigneur du lieu – entrait dans la salle, pénétrait dans notre cercle et venait se coucher au centre, près de l’autel. Lorsque le tambour se taisait, le chat se levait et quittait la pièce. Nous avons certainement joué plus d’une dizaine de fois du tambour et le chat n’a manqué aucune séance.

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La nature nous donne souvent des signes. Pendant un stage avancé, dans un endroit devenu familier aujourd’hui, je suis allé comme d’habitude saluer les esprits de la nature et l’esprit du lieu. J’étais à l’emplacement précis où nous faisons le feu pour la hutte de sudation. C’était en pleine journée, et une fois mes salutations terminées, un chevreuil est arrivé tout droit sur moi, en empruntant exactement le tracé de l’axe de nos huttes de sudation. Cet axe d’à peine six ou sept mètres de long est la ligne qui relie le trou dans la hutte qui accueille les pierres, la porte, le tertre et le feu. Le chevreuil s’est avancé jusqu’au niveau imaginaire du tertre, face à moi – nous étions à moins de deux mètres l’un de l’autre – avant de bifurquer et de partir dans la forêt. Les animaux, avec leur sensibilité particulière, captent des éléments subtils : aucune trace n’indiquait de ligne concrète à cet endroit, à ce moment, mais le tracé énergétique, si souvent activé, demeurait bel et bien sensible pour ce chevreuil par exemple. Ainsi, la nature répondait-elle à mes salutations. En réalité, la nature répond toujours. Parfois, par des voies très subtiles, presqu’imperceptibles, et souvent nous passons à côté de ces signes. Mais parfois, ceux-ci sont tellement flagrants qu’ils ne peuvent que nous bouleverser. Un chevreuil est aussi venu nous rendre visite pendant un autre stage où nous étions tous assis en forêt. Je jouais du tambour et chacun avait les yeux fermés, prêt à entamer un voyage chamanique. De loin, j’ai vu un chevreuil qui, au lieu d’avoir le réflexe de s’éloigner, s’approchait de nous. Je voulais que les participants voient le chevreuil, j’ai donc arrêté petit à petit de battre le tambour et j’ai dit à tous, doucement, d’ouvrir les yeux mais de ne pas bouger. Et tous ont pu voir le chevreuil qui était maintenant à moins de vingt mètres de nous. Au bout de quelques minutes, nous avons repris le voyage, j’ai recommencé à jouer du tambour. Et une fois le voyage chamanique terminé, le chevreuil était toujours tout près de nous. Il est parti paisiblement, sans s’enfuir. Ce n’était pas une réaction normale de l’animal dans la réalité ordinaire, il aurait dû détaler : nous étions nombreux et il y avait le bruit du tambour. Il est rare que ce genre de phénomène se produise dans un groupe. Ce chevreuil était un signe qui nous montrait que tous, nous étions unis dans une même connexion à la nature. Si l’une des personnes n’avait pas été dans cette présence, dans cet état d’esprit disponible, cela ne se serait pas produit. Dans le même stage, nous parlions de la salamandre et de ses 92

caractéristiques. Puis nous nous sommes préparés à faire un travail chamanique pour lequel chacun devait creuser un trou dans la terre devant lui. Et là, l’une des personnes a trouvé au fond de son trou une salamandre bien vivante. Lors d’un bâton de parole, un écureuil qui tournait autour de notre groupe est venu s’installer entre deux personnes où il est resté un long moment, assis sur ses petites pattes arrière, comme chacun de nous. Lors d’un stage avancé, un après-midi alors que nous parlions de l’importance de l’enracinement, un grand chêne s’est déraciné puis est tombé. Il avait beaucoup plu et le sol était meuble. Mais au moment où l’arbre est tombé, il n’y avait pas le moindre souffle de vent. La nature nous parle par signes. Et en l’occurrence, le signe était fort. Chacun de nous reçoit des signes, chacun de nous est accompagné d’esprits qui nous soutiennent à chaque instant. Chaque chemin est unique : chacun de nous vit sa pratique chamanique à sa manière. Chacun de nous peut contribuer à favoriser sa propre évolution et par là-même, l’évolution du Tout dont nous faisons partie.

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Table des Matières Sommaire I. La transmission que j’ai reçue I.1. Les années d’apprentissage I.2. L’invitation à enseigner

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II. L’enseignement que je propose II.1. Le chamanisme de nos terres 1. Le chamanisme de nos terres : racines et oralité 2. Le chamanisme de nos terres : l’harmonie pour essence – Une pratique pour vivre en harmonie avec tous les êtres vivants qui nous entourent – Une pratique pour vivre en harmonie avec le lieu où l’on vit – Une pratique pour vivre en harmonie avec soi-même 3. Le chamanisme de nos terres :la source, origine et aboutissement de tout – Une Source unique – L’essence de la Source qui nous anime II.2. La pratique du chamanisme de nos terres 1. Le canevas – Le chaman, le praticien chamanique : une différence fondamentale - La préparation - Le voyage chamanique - Le tambour - L’intention - Les trois mondes chamaniques – Les notions d’esprit dans le chamanisme celtique - Les animaux de pouvoir - Les guides et maîtres spirituels 2. Les jalons principaux – Les trois pans majeurs : autoguérison, travail avec les esprits, divination 95

19 20 20 23 23 24 25 26 26 28 30 30 31 32 35 35 42 43 45 47 55 61 61

- Cérémonies et rituels - Rites de passages 3. L’éthique 4. Petit aperçu de pratique appliquée

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