26 0 629KB
15
La gestion des risques inhérents à l’activité de l’entreprise
PROGRAMME THÈME 3 : L’ORGANISATION DE L’ACTIVITÉ DE L’ENTREPRISE
Organiser les ressources signifie que l’entreprise coordonne les actions de ses membres afin de réaliser un objectif commun. Il est important que l’encadrement de tout niveau prenne conscience que gérer une entreprise implique de prendre des décisions résultant de choix sous contraintes qui relèvent de différents champs, notamment juridique, avec la gestion des risques inhérents à l’activité.
Quelles réponses apporte le droit face aux risques auxquels s’expose l’entreprise ?
Compétences Caractériser le risque d’une situation donnée Identifier la nature juridique de la responsabilité d’une entreprise dans une situation donnée Analyser une situation juridique d’entreprise mettant en œuvre la responsabilité civile contractuelle ou extracontractuelle
Savoirs associés Les types de risques L’inexécution du contrat Responsabilité civile et pénale Les principes de la responsabilité civile contractuelle et extracontractuelle
CORRIGÉ Page d’ouverture 1. Indiquez quelles ont été les sanctions auxquelles Total a été condamné ainsi que celles auxquelles il a échappé dans cette affaire. Total a été condamné à une amende de 375 000 euros. Il a été jugé coupable, c’est-à-dire responsable pénalement pour avoir commis une infraction. En l’espèce, les juges ont considéré que cette société s’était rendue coupable d’une faute d’imprudence ayant contribué au délit de pollution par les rejets des navires (art. L. 218-10 et suivants du Code de l’environnement). En revanche, Total n’est pas condamné à indemniser les préjudices subis par les communes souillées par la marée noire. En effet, Total est protégé par une convention internationale qui exonère de toute responsabilité civile l’affréteur d’un navire, sauf en cas de faute intentionnelle. Il s’agit de la convention internationale Civil Liability Convention de 1992, qui ne prévoit la responsabilité des affréteurs qu’en cas de faute inexcusable. En l’espèce, les juges ont considéré que la faute commise par Total en matière de vetting (inspection des navires par les compagnies pétrolières) n’était donc pas inexcusable. 2. Expliquez pourquoi le fait que Total ait été jugé coupable mais pas responsable peut être considéré comme non dissuasif d’après les défenseurs de l’environnement. Pour les avocats des parties civiles et les défenseurs de l’environnement, cette décision est un mauvais signal envoyé aux entreprises comme Total. En effet, la sanction pénale est limitée dans son montant. Total a été condamné à la peine la plus lourde prévue à l’époque par le Code de l’environnement. En revanche, la sanction civile n’est pas limitée dans son montant puisqu’elle dépend de l’étendue du préjudice qu’elle a vocation à réparer. Dès lors, on peut considérer qu’en se voyant exonérée de toute responsabilité civile, une entreprise comme Total peut estimer
comme économiquement rentable le fait d’affréter des navires immatriculés sous des pavillons de complaisance et de s’abstenir de tout contrôle sur ceux-ci. Il convient toutefois de remarquer que la Cour de cassation, dans un arrêt postérieur du 25 septembre 2012, a retenu la responsabilité pénale et civile de Total dans cette affaire.
1. Les risques liés aux infractions commises par l’entreprise 1. Indiquez sur quel fondement juridique la société employeur de la victime a été condamnée en appel. La société employeur de la victime est condamnée sur le fondement de l’article 222-20-C du Code pénal. Selon cet article, « le fait de causer à autrui, par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou égale à trois mois est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». Les juges ont considéré que le fait de n’avoir pas formé un salarié à la vidange d’une machine, opération au cours de laquelle il avait été victime de brûlures, constituait pour l’employeur une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. 2. Expliquez pourquoi la décision de la cour d’appel a été annulée en Cassation. La Cour de cassation annule la décision de la cour d’appel pour deux raisons fondées sur l’article 121-2-C du Code pénal. Selon cet article, « les personnes morales, à l’exclusion de l’État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». La Cour de cassation considère tout d’abord que les juges auraient dû qualifier le manquement à une obligation particulière de sécurité. En l’espèce, ils n’ont pas indiqué en quoi l’obligation de formation constituait une obligation particulière de sécurité au sens de l’article 222-20. Par conséquent, l’infraction n’est pas constituée et la société ne peut en être jugée pénalement responsable. Par ailleurs, pour qu’une personne morale soit jugée pénalement responsable, la loi exige que les faits aient été commis, pour le compte de celle-ci, par l’un de ses organes ou représentants. En l’espèce, les juges n’ont pas recherché si le manquement à l’obligation de formation était le fait de l’un des organes ou représentants de la société. Par conséquent, à défaut d’acte commis par l’un de ses organes ou représentants, la société ne peut être considérée comme pénalement responsable. 3. Précisez les conditions à respecter pour que la délégation de pouvoirs soit reconnue par les juges en cas de litige. Outre le fait que le chef d’entreprise ne doit pas avoir pris part personnellement à la réalisation de l’infraction, la jurisprudence pose trois conditions pour que la délégation soit reconnue comme valable : le délégataire doit être pourvu de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires. Il en résulte que le délégataire doit avoir reçu une formation adéquate pour pouvoir exercer cette délégation de responsabilité. Il faut en outre que la délégation soit correctement délimitée. La jurisprudence a eu l’occasion de confirmer que la délégation de pouvoirs doit être exempte de toute ambiguïté pour exonérer le dirigeant de sa responsabilité. À titre d’exemple, la délégation donnée à un chef de chantier, dont un paragraphe concerne la signalisation du chantier, n’équivaut pas
pour autant à une délégation de pouvoirs dans le domaine de la sécurité. La délégation doit donc être écartée et le dirigeant de la société déclaré pénalement responsable pour violation des règles de sécurité sur le chantier (Cass. crim., 8 septembre 2015, no 14-83053). Il faut enfin que le délégataire dispose de suffisamment d’autonomie, notamment financière, pour exercer correctement son rôle. 4. Expliquez pourquoi la délégation de pouvoirs peut être considérée comme une solution efficace de prévention du risque pénal pour les entreprises. La délégation de pouvoirs est considérée comme efficace par 45 % des entreprises. Elle permet en effet au chef d’entreprise de s’exonérer de sa responsabilité pénale. De plus, cette solution paraît conforme à la réalité dans la mesure où le décisionnaire effectif, désigné comme délégataire, est plus à même d’identifier les risques que le chef d’entreprise. Enfin, on peut considérer que cette solution permet de sensibiliser le délégataire aux risques dans la mesure où c’est lui qui en assumera la responsabilité. Il sera donc vraisemblablement plus attentif à les prévenir. POUR FAIRE LE POINT Représentez, dans un schéma ou par une carte heuristique, les conditions de mise en œuvre de la responsabilité pénale d’une personne morale.
Conditions de mise en œuvre de la responsabilité pénale d’une personne morale
Perpétration d’une infraction
Infraction commise pour le compte de la personne morale
Infraction commise par les organes ou les représentants de la personne morale
2. Les risques liés aux dommages causés par l’entreprise 1. Indiquez, dans chacun des cas, de quel type de dommage il s’agit et quelle en est la cause. Cas no 1 : il s’agit d’un dommage matériel (atteinte au matériel informatique du prospect). L’origine du dommage est une négligence ou un fait commis par le commercial. Ce fait a été commis en dehors de tout contrat dans la mesure où la victime est un prospect. Cas no 2 : le dommage subi par le visiteur est un dommage corporel (blessure) auquel peut s’ajouter éventuellement un dommage matériel (par exemple, perte de revenu liée à un arrêt de travail consécutif à la blessure). C’est l’un des produits de l’entreprise qui est à l’origine du dommage. Le dommage est causé indépendamment de l’existence d’un contrat entre la victime et l’entreprise. Cas no 3 : le dommage subi par l’entreprise dʼe-commerce est un dommage matériel (perte de chiffre d’affaires liée au dysfonctionnement de son site Internet). L’origine du dommage est constituée par la défaillance d’un des serveurs de son hébergeur. Il s’agit donc de l’inexécution d’une obligation contractuelle de la part de l’hébergeur.
Cas no 4 : le dommage subi est un dommage matériel (détérioration de la chaudière). L’origine du dommage est un court-circuit causé lors d’une opération d’entretien de la chaudière. Il s’agit donc de l’inexécution d’une obligation contractuelle de la part du plombier. 2. Précisez, pour chacune de ces situations, quel(s) est (sont) le(s) fondement(s) juridique(s) de la responsabilité de l’entreprise. Cas no 1 : la responsabilité civile de l’entreprise peut être engagée sur le fondement de l’article 1242, alinéa 5, du Code civil : responsabilité des commettants (entreprises) du fait de leurs préposés (salariés). Cas no 2 : la responsabilité civile de l’entreprise peut être engagée sur le fondement : soit de l’article 1245 du Code civil : responsabilité du fait des produits défectueux si l’on considère que le produit ne présentait pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ; soit de l’article 1242, alinéa 1, du Code civil : responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde si l’on considère que la société avait conservé la garde du produit pendant la démonstration. Cas no 3 : la responsabilité civile de l’entreprise peut être engagée sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil (responsabilité civile contractuelle). Conformément au principe de non-cumul, la possibilité d’agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle exclut celle d’agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Cas no 4 : la responsabilité civile du plombier peut être engagée sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil (responsabilité civile contractuelle). Conformément au principe de non-cumul, la possibilité d’agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle exclut celle d’agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle. 3. Présentez l’utilité pour l’entreprise Chronopost d’insérer une clause limitative de responsabilité dans ses conditions générales de vente. La clause limitative de responsabilité insérée dans les conditions générales de vente permet de plafonner le montant de la réparation due par Chronopost au client en cas d’engagement de sa responsabilité civile contractuelle pour inexécution de ses obligations contractuelles (perte ou avarie, retard de livraison). 4. Justifiez la validité de cette clause au regard de la législation en vigueur. Selon l’article 1231-3 du Code civil, « le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l’inexécution est due à une faute lourde ou dolosive ». Cet article pose donc le principe de validité des clauses limitatives de responsabilité, puisque seuls les dommages et intérêts qui y ont été prévus peuvent être réclamés au débiteur. Ce même article pose comme exception à ce principe le cas d’une faute lourde ou dolosive commise par le débiteur. Selon l’article 1170 du Code civil, « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ». Cet article pose donc une seconde exception au principe de validité des clauses limitatives de responsabilité. Il s’agit du cas dans lequel cette clause priverait de sa substance l’obligation essentielle du débiteur. Cet article consacre ainsi la jurisprudence dite Chronopost (Cass. com., 22 octobre 1996) et Faurecia (Cass. com., 13 février 2007). En l’espèce, les conditions générales de l’entreprise Chronopost comportent deux clauses
limitatives de responsabilité. La première clause concerne le cas de perte ou avarie. Cette clause fixe un plafond de réparation à 250 euros pour les colis d’un poids inférieur à 7,57 kg et à 1 000 euros pour les colis d’un poids supérieur. Cette clause ne prive pas de sa substance l’obligation essentielle du débiteur dans la mesure où le plafond qu’elle établit n’apparaît pas dérisoire. Dès lors, cette clause ne pourra être réputée non écrite au regard de l’article 1170 du Code civil. Cette clause a donc vocation à s’appliquer, sauf à démontrer, en se fondant sur l’article 1231-3 du Code civil, que le débiteur a commis une faute lourde ou dolosive qui est à l’origine de l’inexécution de son obligation. La seconde clause concerne le cas de retard de livraison. Cette clause fixe le plafond de réparation, dans cette hypothèse, au prix du transport. Ce montant peut paraître dérisoire dans la mesure où son caractère indemnitaire est quasi nul pour le client. On peut donc considérer qu’il prive de sa substance l’obligation du transporteur de livrer dans les délais. Reste à déterminer si cette obligation de livrer dans les délais peut être considérée comme l’obligation essentielle du transporteur. Dans l’affirmative, cette clause devra être réputée non écrite au regard de l’article 1170 du Code civil. Dans la négative, il conviendra de démontrer, comme dans le premier cas, que le débiteur a commis une faute lourde ou dolosive. POUR FAIRE LE POINT Présentez, sous forme de schéma ou de carte heuristique, les différentes solutions offertes à l’entreprise pour se protéger en cas de mise en cause de sa responsabilité civile.
Solutions en cas de mise en cause de la responsabilité civile
Responsabilité civile contractuelle
Invoquer une clause limitative de responsabilité
Invoquer un événement de force majeure
Responsabilité civile délictuelle
Responsabilité du fait des produits défectueux
Invoquer un événement de force majeure (sauf en cas de responsabilité du fait des préposés)
Invoquer les causes d'exonération spécifiques (art. 1245-10 du Code civil)
3. Les risques liés aux dommages subis par l’entreprise 1. Indiquez à quel moment s’opère le transfert de propriété du véhicule. Selon l’article 1583 du Code civil, la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur dès qu’on est convenu de la chose et du prix (principe du transfert de propriété solo consensu).
En l’espèce, le bon de commande signé par l’acheteur et le vendeur établit leur consentement quant à la chose vendue (description du véhicule) et quant à son prix (21 764,76 euros). Par conséquent, M. Durand sera considéré comme propriétaire dès la date de signature du bon de commande, c’est-à-dire le 30 août 2018. 2. Présentez les conséquences dommageables pour la société Millenium Automobiles si M. Durand revendait son véhicule avant d’avoir payé l’intégralité du prix. Selon l’article 1583 du Code civil, la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé. En l’espèce, comme cela a été vu dans la question précédente, M. Durand sera considéré comme propriétaire du véhicule dès le 30 août 2018, même s’il n’a pas encore payé le prix. Par conséquent, il pourrait légitimement revendre son véhicule dès cette date et le nouvel acquéreur serait alors considéré comme nouveau propriétaire de celui-ci. Dès lors, si M. Durand (l’acheteur) n’exécute pas son obligation de payer le prix et que la société Millenium Automobiles (le vendeur) réclame la résolution de la vente, celle-ci ne pourra obtenir la restitution du véhicule auprès du nouvel acquéreur. 3. Montrez en quoi les conditions générales de vente permettent de déroger à la règle prévue par l’article 1583 du Code civil. La jurisprudence considère que la règle établie par l’article 1583 du Code civil est une règle supplétive. Par conséquent, les parties peuvent y déroger conventionnellement (Cass. req., 26 juin 1935). L’article 8 des conditions générales de vente prévoit que le transfert de propriété ne s’effectue au profit de l’acheteur qu’après le règlement effectif et complet de la somme due et non dès l’accord sur la chose et le prix. Ces conditions sont donc dérogatoires par rapport à la règle prévue par l’article 1583 du Code civil. Cette dérogation est valable dans la mesure où les conditions générales sont acceptées par les deux parties, comme l’indique la mention figurant sur le bon de commande. 4. Listez, parmi ces garanties, celles qui couvrent des dommages subis par l’entreprise et celles qui couvrent des dommages causés par l’entreprise. La garantie perte d’exploitation et la garantie dommage aux biens couvrent des dommages subis par l’entreprise. La première couvre la perte de marge brute, c’est-à-dire la baisse du bénéfice net subie par une entreprise en cas d’arrêt de son activité à la suite d’un sinistre. La seconde couvre les dommages subis par l’entreprise sur ses biens (bâtiments, matériel…) lorsque ces dommages sont consécutifs à un événement garanti par le contrat (incendie, dégât des eaux, vol…). La garantie responsabilité civile exploitation et la garantie responsabilité civile après livraison ou après travaux couvrent des dommages causés par l’entreprise. La première couvre les dommages que l’entreprise peut être amenée à causer à des tiers dans le cadre de son exploitation, c’est-à-dire du fait de son activité, des produits qu’elle utilise, des travaux qu’elle réalise (avant livraison ou avant réception des travaux). La seconde couvre les dommages que l’entreprise peut être amenée à causer à des tiers du fait des produits qu’elle a livrés ou des prestations qu’elle a réalisées. 5. Indiquez quelles sont les garanties susceptibles d’être mises en œuvre pour indemniser la SARL METALU. Les dommages consécutifs au sinistre survenu dans l’entreprise METALU sont des
dommages subis par l’entreprise. Par conséquent, les garanties susceptibles d’être mises en œuvre pour indemniser la SARL METALU sont les garanties perte d’exploitation et/ou dommage aux biens. Toutefois, il convient de vérifier si les dommages au bâtiment constituent bien des dommages subis. En effet, tel sera le cas si les bâtiments sont la propriété de la SARL. En revanche, si cette dernière est seulement locataire de ce bâtiment, sa responsabilité civile pourra être engagée auprès du propriétaire. Il y aura alors lieu de mettre en œuvre la garantie responsabilité civile exploitation. 6. Justifiez la mise en œuvre de ces garanties. La garantie dommage aux biens couvre les dommages subis par l’entreprise sur ses biens (bâtiments, matériel…) lorsque ces dommages sont consécutifs à un événement garanti par le contrat (incendie, dégât des eaux, vol…). En l’espèce, l’entreprise a subi des dommages sur ses biens : destruction de deux machines à usiner, destruction du stock de produits usinés, dommages au bâtiment. Ces dommages sont bien consécutifs à un événement garanti, puisque l’origine en est l’incendie qui s’est déclaré dans les locaux le 12 janvier. Par conséquent, la garantie dommage aux biens pourra être mise en œuvre. La garantie perte d’exploitation couvre la perte de marge brute, c’est-à-dire la baisse du bénéfice net subie par une entreprise en cas d’arrêt de son activité à la suite d’un sinistre. En l’espèce, la fermeture de l’entreprise consécutive au sinistre a entraîné un arrêt de la production pendant trois mois. Cet arrêt a donc généré une perte d’exploitation. La perte d’exploitation est soumise à la mise en jeu d’une garantie dommage. Tel est bien le cas ici, puisque la garantie dommage aux biens est appliquée. Par conséquent, la garantie perte d’exploitation pourra être engagée. POUR FAIRE LE POINT Recensez dans un tableau les différents événements susceptibles d’être à l’origine d’un dommage subi par l’entreprise, en distinguant ceux ayant un caractère contractuel et ceux ayant un caractère extracontractuel. Événements à l’origine d’un dommage subi par l’entreprise
Caractère contractuel
Vol
Caractère extracontractuel X
Incendie
X
Dégât des eaux
X
Tempête
X
Bris de machine
X
Livraison de produits défectueux par un fournisseur
X
Défaut de paiement de la part d’un client
X
Retard de livraison de la part d’un fournisseur
X
Livraison de produits non conformes de la part d’un fournisseur
X
ENTRAINEMENT : LES RESPONSABILITES EN CAUSE DANS L’AFFAIRE LACTALIS 1. Comparez la responsabilité à laquelle font allusion le P-DG de Lactalis, d’une part, et le porteparole du gouvernement, d’autre part. Dans l’article du Point du 12 janvier 2018, le P-DG de Lactalis promet d’indemniser toutes les familles qui ont subi un préjudice. Il fait donc allusion à la responsabilité civile de
l’entreprise. Dans l’article du Dauphiné du 14 janvier 2018, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, réagit à l’annonce faite par le P-DG de Lactalis en indiquant que « l’argent n’achète pas tout ». En effet, le principe de la responsabilité civile est de réparer le dommage causé à autrui. Cette réparation peut s’effectuer sous la forme de dommages et intérêts versés à la victime, afin de compenser le préjudice qu’elle a subi. Toutefois, ce mode de réparation peut s’avérer insuffisant pour compenser certains préjudices, notamment les préjudices corporels ou moraux. Dans cette hypothèse, les victimes cherchent souvent à engager la responsabilité pénale de l’auteur du dommage. L’objet de la responsabilité pénale est de sanctionner l’auteur d’une infraction. C’est à cette forme de responsabilité que fait allusion le porte-parole du gouvernement. 2. Indiquez sur quel(s) fondement(s) juridique(s) l’entreprise Lactalis peut voir sa responsabilité civile et pénale engagée dans cette affaire. Selon l’article 1245-3, alinéa 1, du Code civil, « un produit est défectueux au sens du présent chapitre lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ». En l’espèce, l’entreprise Lactalis a produit et mis en circulation plusieurs lots de lait infantile contaminés à la salmonelle. La consommation de ce lait a entraîné plusieurs cas de salmonellose chez des nourrissons. On peut considérer qu’un produit contaminé n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. Il constitue donc un produit défectueux au sens de l’article 1245-3, alinéa 1. De plus, l’entreprise Lactalis a commercialisé ses produits via de grandes chaînes de distribution telles que Carrefour, Auchan ou Système U. Les victimes ont acheté ces produits dans différentes grandes chaînes de distribution, et non directement auprès de Lactalis. Toutefois, selon l’article 1245 du Code civil, « le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime ». Par conséquent, l’entreprise Lactalis peut voir sa responsabilité civile engagée sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux. Selon l’article 532-3 du Code de la consommation, « le fait de ne pas exécuter les mesures ordonnées en application des articles L. 521-4 à L. 521-16 et L. 521-19 à L. 521-22 est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 15 000 euros. Le montant de l’amende peut être porté à 30 000 euros lorsque les produits ou services concernés par ces mesures présentent ou sont susceptibles de présenter un danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs ». Ces mesures concernent notamment le retrait ou le rappel de produits susceptibles de présenter un danger pour la santé publique, comme le précise l’article 521-7, alinéa 1, du Code de la consommation. Or, l’entreprise Lactalis a décidé l’arrêt de la commercialisation et le rappel des produits fabriqués sur le site de Craon le 21 décembre, alors que l’arrêté de rappel des produits a été publié le 9 décembre. Par conséquent, la responsabilité pénale de l’entreprise Lactalis peut être engagée pour inexécution d’une procédure de retrait ou de rappel d’un produit. De plus, selon l’article du Monde du 11 janvier 2018, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris pour blessures involontaires, mise en danger de la vie d’autrui et tromperie aggravée par le danger pour la santé humaine.
3. Identifiez et qualifiez juridiquement les personnes dont la responsabilité pénale est susceptible d’être mise en cause au sein de l’entreprise Lactalis. Selon l’article 121-2 du Code pénal, « les personnes morales, à l’exclusion de l’État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». Le groupe Lactalis a le statut juridique de société anonyme à directoire. Il est donc doté de la personnalité juridique. En tant que personne morale, le groupe Lactalis peut donc voir sa responsabilité pénale mise en cause. Par ailleurs, les dirigeants de l’entreprise, en tant que personnes physiques, peuvent également engager leur responsabilité pénale pour les infractions commises. Enfin, dans l’hypothèse où les dirigeants de l’entreprise auraient transféré une partie de leurs pouvoirs à un délégataire (par exemple, le directeur de l’usine de fabrication des laits infantiles), ce dernier pourrait voir sa responsabilité pénale mise en cause en lieu et place de celle des dirigeants.