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Licence eden-19-7-4118347-7-91470340-6118173 accordée le 18 décembre 2018 à [email protected]
Ça ( c 'est la Martinique
Ç) by Léona GABRIEL-SOIME Tous droits de reproduction, même réservés pour tous pays, y compris
partielle, l'U.R.S.S.
Licence eden-19-7-4118347-7-91470340-6118173 accordée le 18 décembre 2018 à [email protected]
par Léona GABRIEL-SOÏME
Henry LEMERY Ancien Sénateur de la Martinique Ancien Sous-Secrétaire d'Etat à la Marine Marchande Ancien Garde des Sceaux, Ministre de la Justice Ancien Vice-Président du Conseil des Ministres
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Chère Compatriote et Amie, 'AI lu votre manuscrit avec un trèç vif plaisir, et avec l'émotion que je ressens chaque fois qu'un compatriote comme vous, ou qu'un étranger comme « LAFCADIO HEARN », évoque la beauté de notre île magicienne et les traits si particuliers et si séduisants de sa population.
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E n relisant les chansons plaintives ou satyriques de votre livre et les commentaires dont vous les accompagnez, j ' a i revu en pensée, nos vertes montagnes, nos pitons audacieux, nos mornes onduleux. Je me suis laissé bercer aux murmures des eaux de nos rivières et de nos ravines, au chant des filaos et des fougères de nos forêts. J'ai reconnu le visage de ma ville natale «SAINT-PIERRE » avec sa fièvre de travail et de plaisirs, sa turbulence laborieuse et gaie. J'ai cru entendre encore dans la gloire des matins dorés, les marchands offrant le « corossol-doudou », les cocos frais, et remplissant l'air de leurs appels, de leurs propos, de leurs chants et de leurs rires. Je vous félicite de faire revivre tout cela, d'avoir ressuscité tant de vieilles chansons du folklore martiniquais, ces chansons p'olitiques qui furent les cris de ralliement des partis comme la « MONTAGNE EST VERTE » en l'honneur de VICTOR SCHŒLCHER, Député qui siégeait au Groupe qu'à l'Assemblée on appelait la «MONT AGNE». Et la montagne était verte, couleur d'espérance ; ou comme «LA DEFENSE KA VINI F O L L E » qui dénonçait la démence du Docteur L 0 7 ' A et les polémiques de son journal < LA DEFENSE COLONIALE ». Je vous félicite de faire revivre en même temps des complaintes amoureuses telles que : « TUEZ MOIN... BA MOIN NINON » (Tuez-moi, ou rendez-moi Ninon). Ou encore cet « ADIEU FOU LARD... ADIEU MADRAS » qui a fait le tour du monde p a r la Radio. Et j'admire les chansons nouvelles dont votre beau talent a enrichi notre art populaire et traditionnel : « MALADIE D'AMOUR » qu'on a voulu vous voler et qui a fait les délices de PARIS. « P E T I T E FLEUR FANEE », ou « A SI P A R E » (A ce qu'il paraît) où s'exhale la plainte mélancolique de la femme trahie, restée fière et qui entend dominer la tristesse des abandons, laissant le père indigne et l'amant volage à son égoïsme et à son ingratitude. Pendant que vous étiez en Afrique où la carrière de votre mari vous avait entraînée, tous ces airs chantaient en vous. Vos pensées, vos souvenirs, vos réflexions, vos rêveries vous ramenaient sans cesse à la MARTINIQUE, notre doux pays. Cette nostalgie invincible, je la connais bien ma chère compatriote et amie, vous l'exprimez avec poésie dans votre livre. Elle est au cœur de tous ceux qui, nés dans notre île enchantée, vivent loin d'elle. Votre livre sera pour tous un ami cher qu'on voudra toujours avoir près de soi. LEMERY.
Robert ATTULY Conseiller Honoraire à la Cour de Cassation Commandeur de la Légion d'Honneur Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer
A l' Auteur de " ÇA ! C'EST LA MARTINIQUE " la lecture des chansons tirées du folklore martiniquais, ou créées p a r la muse de Madame Léona APRES GABRIEL, toute parfumée et vibrante d'inspiration créole, et des vivants commentaires qui relient, comme une harmonieuse guirlande, ces appels d'espoir et d'amour, ces cris de la colère ou du dépit, ces accès déchirants de détresse sentimentale, arrachés par la dure peine quotidienne à des coeurs simpledévorés de passion ou accablés p a r le malheur, après ces évocations émouvantes, les hommes de ma génération n'ont plus qu'à fermer les yeux pour se souvenir, pour ressentir profondément en eux, avec une douloureuse ferveur, l'appel du passé, pour entendre les voix de leur lointaine jé unesse, qui montent délirantes, du carnaval échevelé de «SAINT-PIERRE >, qui raillent ou exaltent les incidents politiques de notre jeune démocratie ; qui élèvent sur un air de mélopée, les premières revendications plaintives des travailleurs en grève pour leur pain et le pain de leurs enfants ; pour écouter ces voix de leur Jeunesse chanter la grâce onduleuse et provocante des gracieuses et fragiles « Doudou », disparues, reines fugitives et insouciantes d'un j o u r infidèles tour à tour ou délaissées, trompeuses ou trompées ; pour recueillir ces voix, ces sanglots qui lamentent la disparition tragique de la ville anéantie sous la lave et le fèu du « MONT-PELE », de la ville ardente où battait le cœur de notre petite île. Soyez remerciée, Chère Madame Léona, prêtresse d u souvenir martiniquais, d'avoir à jamais fixé, dans un beau livre, aux évocatrices illustrations, pour le bonheur mélancolique des vieux, pour l ' nchantemenl des jeunes de chez nous, le charme éternel de notre île de soleil, de son peuple naïf, mobile et pathétique. Robert ATTULY:
Gilbert GRATIANT Professeur Agrégé d'Anglais Poète
LE SENS DE CET ALBUM
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• • C'est l'année où la MARTINIQUE s'affirme 1...
Consciente de sa personnalité proclamée 1... Elle s'affirme pour se survivre et revivre 1... Elle se maintient sélectivement en évoluant. S'affïrmer, c ' e s t se battre contre toutes les forces de désagrégation comme d'aliénation. Madame Léona GABRIEL-SOIME tient vaillamment sa place dans cette indispensable bataille que nous sommes quelquesu n s a mener et qui tend à conserver la MARTINIQUE à elle-même. Cendres de l'oubli, successions des générations, assaut des modes récentes, voilà tout ce qui menace la vieille MARTINIQUE précieuse à nos cœurs, indispensable à notre originalité. Il ne s'agit pas de souhaiter que tout démeure f i g é ; le monde marche et nous devons marcher avec lui, mais ce qu'il g a d'essentiel dans nos traditions, nos manières de faire et de sentir, doit être maintenu sous peine d'assister à une uniformisation des comportements qui serait en somme un appauvrissement. Contre cet appauvrissement, Léona GABRIEL-SOIME, témoin et l'une des animatrices de la riche geste d6 la MARTINIQUE traditionnelle, apporte sa contribution. Son domaine est la chanson, sa province la musique populaire, son langage le créole irremplaçable ici. S'imagine-t-on la MART,NIQUE sans chansons et surtout sans cette sorte de chanson qui est marquée dans sa musique p a r le rythme africain marié à la mélodie classique, le tout donnant naissance aux airs créoles, dont la biguine, air à danser, est le tupe?... Imagine-t-on la MARTINIQUE sans l'humour traditionnel qui transforme un fait divers en épopée joyeuse, sans cet esprit critique qui fait passer les travers, les fautes et les crimes devant ce tribunal qu'est le carnaval?... A-t-on bien noté que toute notre histoire locale est mise en chansons toujours actuelles et conservées de la sorte à l'état vivant dans une manière de contemporanéité constante ?... Imagine-t-on une MARTINIQUE qui cesserait de chanter à longueur de j o u r et à largeur de nuit les hauts faits et les méfaits de l'amour fidèle ou volage avec cette nuance de sentimentalité appuyée ou au contraire de philosophie bon enfant qui chemine ici avec la peine et les joies nées des rapports sentimentaux ?... Tout cela, on le retrouve : paroles créoles, commentaires anecdotiques (trop rares à mon sens), musique fidèlement notée, images types de nos paysages et de nos gens dans l'album de Léona SOIME. Aux classiques du vieux folklore de SAINT-PIERRE et de FORT-DE-FRANCE,-elle a ajouté sa propre contribution dont certaines œuvres comme « LA GREVE BARRE MOIN > sont devenues à leur tour classiques, enrichissant notre fonds commun. Je regrette toutefois certaines omissions : Où est le fameux « COLBI MONTE » ?... Où est le délicieux « GADE CHABINE-LA » ou certaines versions de « LA DEFENSE KA VINI FOLLE » où il était fait allusion à un certain « DOCTEUR COCO CICI » ?... Ces réserves faites, je tiens à souligner la magnifique leçon de vie et d'optimisme que nous donne notre auteur, au niveau de l'individu. Elle refuse de collaborer avec le temps dans le travail destructeur de ce dernier. Cet acte de foi dans un passé maintenu à h a u t e u r du présent par la volonté et la sérénité est une belle chose. La mémoire aidant, voilà que sont sauvés du désastre et de l'oubli, un passé récent et un passé moins récent. On ne lit pas sans émotion l'évocation de la vie de cette petite bande d'amis qui furent les ardents de l'avant-première guerre, utilisateurs et créateurs des chansons dont le rythme anime le bel ouvrage que voici. Pour les chansons, l'optimisme, le combat et le portrait fidèle : LA MARTINIQUE dit « MERCI » à Léona ! Gilbert GRATIANT.
Albert ADREA Poète H o m m e de Lettres
A Madame Léona GABRIEL-SOÏME Auteur de "ÇA! C'EST LA MARTINIQUE" Madame, vous dire, après les nombreuses et distinguées appréciations d'hommes et de femmes sensibles DOIS-JE vénérant les choses belles de la jeunesse, après ces appréciations sincères qui ont souligné de leurs
louanges, vos émissions à la Radio de : « ÇA ! C 'EST LA MRTIN-IQUE », dois-je vous dire encore que c'est avec une bien vive et douce émotion que j'ai parcouru, savouré les pages manuscrites de votre charmant et précieux ouvrage... Qui 1 mon émotion est grande, en vous écrivant ces lignes, et ce n'est que la nostalgie qui guide m a plume, ma plume déjà si élégiaque ; et la pauvrette ne se montrera peut-être pas digne de l'honneur que vous lui faites en lui demandant quelques remarques judicieuses. Je me permets cependant d'affirmer que «ÇA ! C'EST LA MARTINIQUE », votre recueil de chansons de SAINT-PIERRE et de FORT-DE-FRANCE, venues de l'esprit gouailleur, satirique et grand enfant de nos « SONSON », de nos « TI-FI », de nos «MATADORS» et de nos « TIT-TANE » est bien la MARTINIQUE 1... Par ces chansons et votre prose toute pleine des harmonies de la muse antillaise que vous incarnez, je revois mon île en sa beauté native. Je respire les parfums de nos saisons de fruits. que des brises colportent p a r monts et vaux, p a r les sentiers où musent les jolies «ZAZA »... tandis que dans les « F o n d s » quelques «Narcisses» d'ébène, quelques « Nymphes » brunes comme la sapotille, confient au miroir des sources les charmes dévoilés de leur édénienne beauté t... J'entends chanter tous les clochers, toutes les voix d'un cher autrefois ! et des refrains subtils, spirituels, langoureux, suggestifs, vont jusqu'au plus intime de mon coeur, réveiller le souvenir, le goût, l'arôme des mangues divines, des trop rapides jours heureux de ma prime jeunesse.:. E t c'est une exquise nostalgie qui me vole une larme de regret !... Si je ne craignais pas, Madame, d'être incongru, d'abuser des instants que vos lecteurs devraient employer entièrement, amplement à parcourir le domaine des souvenances que vous leur avez ouvert si gracieusement, j'aurais essayé de vous dire longuement, tout le bien que avez fait au « Folklore » de notre « MADIANA ». « ÇA 1 C'EST LA iUARTINIQUE », c'est bien la lWARTINIQUE d'avant les fantaisies plus ou moins saugrenues de notre époque où les vedettes des affaires, égarent nos exquises « ORIGINALITES » !...0 mélimélo des originalités rocambolesques ! «O calalou » / Néanmoins, permettez-moi, Madame, et bien chère « MUSE », d'offrir à votre ouvrage un « bleuet » cueilli au petit domaine où je cultive, pendant mes rares moments de récréation, les fleurs d'une «MUSE» aux falbalas surannés qui font sourire nos muses modernes. Je ne sais pas chanter, à la manière éloquente et « couleur locale » de quelques bardes des ANTILLES, les charmes, les grâces de mon pays. Aussi je vous prie de me pardonner si je ne vous présente pas la « fleurette », enrubannée, comme il sied en la belle occurrence !... La poésie, vous le savez, Madame, est chose du cœur et de l'âme. Tout ce qui vient du cœur, du tréfonds de notre être, est sincère et parfois excellemment agréable. Votre grande bienveillance trouvera sans doute harmonieuse ma de cinq . à sept" en jetant aux façades des maisons ce chant de vidé comme un triomphal c h a n t de victoire :
« LA PEAU CANNE » (Vidé) ( P a r o l e s et musique de L é o n a G A B R I E L )
Saint-Pierre a v a n t la c a t a s t r o p h e L a ville, h a u t e en c o u l e u r s
SAINT-PIERRE SAINT-PIERRE... La ville haute en couleurs, où chaque chose prend un éclat particulier, sous le soleil qui l'éclairé si généreusement. Ce soleil semblable à une mer d'or, entourée de nuages rouges prenant forme de bêtes d'apocalypse et qui se penche sur la ville comme s'il écoutait les battements lents d'un grand coeur !... SAINT-PIERRE... à la vie débordante de mouvements, d'aventures, de poésies !... SAINT-PIERRE... de la joie, du rire, du plaisir, de l'amour, de la gaieté, se réveille en ce matin de carnaval sous l'arc immense de ses verdures, tel un trait d'union radieux entre le bleu éblouissant de la mer et l'azur tendre du ciel. Partout, c'est le grand nettoyage. Les établissements de bal sont comme des ruches en révolte, on se démène, on jacasse, on chante en astiquant, on décore, on pavoise, on s'assure de la bonne marche des lampions et p e n d a n t tout le temps de ce carnaval pour lequel vit ce peuple assoiffé de plaisirs... SAINT-PIERRE vivra dans cette atmosphère de gaieté, de bonne h u m e u r qui fait oublier toutes les tares matérielles et tout ce qu'il y a de laid, de pauvre et de banal dans la vie. On chansonne, on chante avec grâce, avec passion, et on écoute ce chant dont on jouit comme d'une caresse.
« MOIN DESCEN'N SAINT-PIERRE » (Biguine) (Folklore)
Toutes les lumières de Suint-Pierre palpitent
SAINT-PIERRE SAMEDI SOIR DE CARNAVAL Toutes les lumières de SAINT-PIERRE palpitent. Des promeneurs vont et viennent, jouissant de la tiédeur alanguissante du soir, chargée du parfum des lauriers roses et des senteurs marines. Un souffle chaud et capiteux monte des jardins et l'ombre des plantes rares et des arbustes s'étageant sur les balcons des maisons, fait des arabesques sur la blancheur des pierres et des galets, tandis que les habitués des bals, bras dessus, bras dessous, se dirigent vers l'établissement de leur choix. A la rue « DAUPHINE », au « PALAIS CRISTAL », cette clameur perçante qui déferle de la clarinette de « CIRYQUE » et du trombonne de « LUDGER LIBON » paraît s'apaiser et remonter dans un crescendo inouï. Rue « BOUILLE », dans la rue baignée par « BEGOA » brille de mille feux. Le chant de sur les maisons, sur la rue, où chaque note d' « ANTOINE LIBON » gronde, rugit, hurle,
la lumière laiteuse d'une pleine lune, le bal de la clarinette des frères « CERAN » vibre et crépite frappe comme une balle, tandis que le trombonne tempête sur cet air satyrique et si bien cadencé.
« BAN'N Z'ARROIS OU LA RUE DES BONS ENFANTS » (Folklore)
Quartier du Fort Rue Victor-Hugo, ail « C o r b e i l l e F l e u r i e », parée c o m m e une corbeille de f l e u r s à une jeune mariée
SAINT-PIERRE SAMEDI SOIR D E CARNAVAL (suite) Au « FORT », rue « VICTOR-HUGO », à la « CORBEILLE FLEURIE », parée comme une corbeille de fleurs qu'on offre à une jeune mariée, la lumière émerge des fenêtres et enveloppe comme une caresse les maisons aux persiennes vertes et aux murs couverts de mousse, tandis que la clarinette de « MASSI » et le trombonne d' «HOMERE MONDA» lancent leur salut au carnaval. Dans la même rue, un peu plus loin, c'est le « GRAND BALCON », avec la clarinette de l'autre frère « CERAN » et le trombonne de « BONIFACE » qui déchirent l'air comme un galop joyeux dans quelque prairie céleste. Encore un peu plus loin, dans cette même rue « VICTOR-HUGO », voici le « Théâtre Municipal » à côté du « Pensionnat », et c'est partout le même entrain, la même gaieté, la même joie de vivre ce carnaval dans cette célèbre mazurka.
« YAYA MOIN NI L'AGENT » (Mazurka) (Folklore)
Tandis que la « P e l é e » m a j e s t u e u s e et yraue, pareille à une belle f e m m e au sourire de « » se dresse de son air tranquille et semble dire il « S a i n t - P i e r r e » étalé il ses pieds : « Devine ou je te dévore ! »
SAINT-PIERRE SAMEDI SOIR D E CARNAVAL (suite) Et voici la rue « SAINT-JEAN-DE-DIEU », où se dresse en communion de profane et de sacré chez « BEBE FAIS », juste en face de l'Eglise du Centre, ce qui fait que, quand on passe dans l'après-midi, dans cette rue de « SAINT-JEAN-DE-DIEU », on reçoit, dans une oreille, les chants vespéraux de l'Eglise et dans l'autre les accents de la clarinette d' « ALPHONSE POULOUTE » et du trombonne d' « OCTAVE » qui modulent une biguine jusqu'à la rendre comparable aux soupirs de la brise ou aux doux chuchotements d'une voix amoureuse qui met en délire le bal « TIT TANE ». C'est au « FRANC-CHORISTE », place du « MOUILLAGE », qu'on danse au son de la clarinette d' « ISAMBERT » et du trombonne de « FAUTELAU ». C'est chez « CHAROLI », à la « GRAND'RUE » du Fort, presqu'en face de la grande savane où tout près coule la « ROXELANE » dans sa féerie nocturne. La « ROXELANE » noble et douce dans l'inoubliable lumière du soir. SAINT-PIERRE comme subissant un pressentiment, signe avant-coureur du malheur ! SAINT-PIERRE, en ce carnaval de 1900, se dépêche de vivre, de danser, tandis que la « PELEE » majestueuse et grave, pareille à une belle femme au sourire de «SPHINX », se dresse de son air tranquille et semble dire à SAINT-PIERRE étalé à ses pieds, dans toute sa splendeur: «DEVINE OU J E T E DEVORE-».
« MARIE-CLEMENCE » (Biguine) (Folklore)
Saint-Pierre vibrait ! Saint-Pierre jouissait ! comme une sorte de génie irrésistible semblant cadencer la marche haletante du temps
Licence eden-19-7-4118347-7-91470340-6118173 accordée le 18 décembre 2018 à [email protected]
1901...
D I M A N C H E
D E
C A R N A V A L
A
S A I N T - P I E R R E
Comme s'ils savaient le peu de carnaval qu'il leur resterait à vivre, malgré le cœur étreint d'un pressentiment d'inquiétude, d ' u n rien d'angoisse qui les frôlaient, les Pierrotins, en ce dimanche de carnaval 1901, semblaient faire comme des provisions de plaisirs, de joie, de gaieté qu'ils garderaient jusqu'au « PARADIS DU BON DIEU ». Dès deux heures de l'après-midi, du Fort au Mouillage, les rues étaient envahies par une foule de masques de toutes sortes, de déguisés de toute nature qui allaient et venaient en improvisant des chansons ou en chantant celles du jour. Ils marchaient en dansant et les mouvements de leur corps semblaient se livrer à quelque « DIEU » inconnu. Dans le désordre rythmé de cette voluptueuse danse faite de sang et de rêve, dans cette demi-extase de l'âme et du désir, SAINT-PIERRE vibrait, SAINT-PIERRE jouissait comme une sorte de génie irrésistible semblant cadencer la marche haletante du temps. On semblait atteindre un autre monde et toutes les folies de ce carnaval de 1901, se résolvaient dans un grand accord sonore, brutal, rayonnant, sorti de cette dynamique biguine.
« L'ESTOMAC EN BAVAROISE » (Biguine) (Folklore)
En bel lit f e m m e con Régina ou ka d o m i en c h a m b r e garçon
1901... DIMANCHE DE CARNAVAL A SAINT-PIERRE (suite) Il suffisait d'un rien, d'un jour de carnaval où la lumière s'effrangeait, pour que les femmes prennent une grâce tendre, délicate dans le mouvement des toilettes fraîches et laissant derrière elles comme un sillage de volupté et de désirs. Que d'immenses destinées d'hommes et de femmes qui se nouent un jour de carnaval, des pures et des impures !... Que de vœux, que de promesses, voire même des serments qui naissent de la griserie du carnaval ! Personne n'y résiste et « REGINA » la petite écolière n'a pas su résister à l'appel de ses sens :
«REGINA COCO » (Biguine) (Folklore)
Quand cé gros bateau a ka jeté l'ancre dans la rade la
1901... DIMANCHE D E CARNAVAL A SAINT-PIERRE (suite) 1 Qui pourrait dire ceux qui ont été pris p a r la suite de ces fragments d'aventures et de plaisirs !... Que de drames naissaient, insoupçonnables, en cette seconde de feu qu'était le carnaval de SAINT-PIERRE !... Que d'hommes mariés, sérieux, pères de famille vertueux, qui ont reniflé vers « cé tit tanes Saint-Piè a », si jolies, si belles, si gracieuses et qui sentaient si bon. L'histoire du bossu n'est pas une légende, elle a été vécue et la voici : Monsieur « Albert » habitait cette fameuse rue « Bouillé » avec sa digne épouse. Un soir de carnaval, avec son autorisation, il alla en célibataire s'amuser chez « BEBE FAIS ». Dans l'atmosphère du bal, les heures de la nuit livraient le plus p u r de leur enchantement. M. Albert, grisé, dansa avec une belle capresse à peau de sapotille et en devint amoureux fou. Mais, o hasard !... Que de tours tu sais nous jouer !... Cette jeune capresse habitait dans cette même rue « Bouillé », juste en face de la maison où vivait sans souci et sans inquiétude sur la fidélité conjugale de son époux... « Madame Albert ». Comment faire p o u r visiter sa dulcinée, sans éveiller l'attention de sa femme, toujours sur son balcon à la tombée du jour. Mais, à. la Martinique, plus que partout ailleurs, et pour les choses de l'amour, les hommes sont roués, astucieux, hypocrites, ils sont fertiles en imagination et le truc a été vite trouvé : Chaque soir au crépuscule, les voisins intrigués voyaient venir un bossu, le feutre rabattu sur les yeux et qui, délicatement, tournait la poignée de la porte de la belle capresse et se glissait comme une anguille à l'intérieur. Ce manège durait depuis quelque temps déjà, intriguait les enfants si espiègles du voisinage. Ils s'en amusaient et avaient décidé de toucher à la bosse pour qu'elle leur porte bonheur. Alors, un soir, une bande de galopins, surgissant de tous les coins de la rue e Bouille », comme un essaim d'abeilles, entourèrent le bossu, s'aggripèrent à sa bosse faite de vieux chiffons qui dégringolèrent dans la rue. Madame Albert, sur son balcon, se t o r d a i t de rire mais se redressa, figée, indignée, blessée, en reconnaissant dans le faux bossu, son cher mari si fidèle, si gentil, si vertueux. L'histoire ne dit pas ce qu'elle fit... Mais nous savons que dès le lendemain tout Saint-Pierre chantait :
« BOSSU A BOSSU C O OU » (Biguine) (Folklore)
Et dans ce lupanar de la «liouette Labadie», tous dans un mème frémissement des sens, du cœur, gardaient leur passion de la chanson, de la danse, passions vivaces aux longues et dures racines
19°1... DIMANCHE D E CARNAVAL A SAINT-PIERRE (suite) L'atmosphère du carnaval à SAINT-PIERRE, dans sa tiédeur et ses sortilèges, contribuait à créer une sensualité délicate sous le signe de laquelle elle se plaçait d'ailleurs !... A la « ROUETTE LABADIE », rendez-vous de toute une jeunesse avide de vivre, des chansons délicieuses de spontanéité, de malice et de cocasseries y naissaient !... C'était aussi le point de départ des sobriquets donnés aux uns et aux autres ! Sobriquets plus ou moins fielleux, acides, parfois gentils : « ADRIENNE LA T E T E DE SANGSUE », « JULIA LAPIDAILLE », « SUZANNE COULEE » ! Des « tits » de toutes sortes : « TIT MACAQUE », « TIT SIROP », « TIT BIDON » ! Des noms d'oiseaux aux plus gentilles : Tit « SISI », « AVANT MERLE PONNE » aux plus rouées !... Et dans ce lupanar de la « ROUETTE LABADIE », tous dans un même frémissement des sens, du cœur, gardaient leur passion de la chanson, de la danse, passions vivaces aux longues et dures racines.
«LA ROUETTE LABADIE » (Mazurka) (Folklore)
Saint-Pierre ! Les traits si simples et si h a r m o n i e u x de ses j a r d i n s
1901... DIMANCHE D E CARNAVAL A SAINT-PIERRE (suite) SAINT-PIERRE avec son peuple insouciant et optimiste se croyait au-dessus des dangers tout en sentant que les dangers auraient sa peau !... Les horizons pouvaient s'effondrer, les océans se soulever, la « PELEE » montrer son cœur de sang... SAINT-PIERRE chantait... SAINT-PIERRE dansait tout en se doutant qu'un jour il subirait le plus effroyable des destins. SAINT-PIERRE en proie à son carnaval, à ses rêves, peut-être à des peurs maudites, aux défaites de ses amours secrètes dont personne ne saura jamais rien, sinon les fantômes ou le démon... SAINT-PIERRE vivait son avant-dernier carnaval. Le charme de SAINT-PIERRE agissait sur tout son peuple, sur les étrangers, de passage qui adoraient son exotisme, son pittoresque, les traits si simples de ses jardins, de ses fontaines, de ses places, son ciel bleu et nu sur la tête, les pieds et aussi l'âme nue de son peuple qui, u n peu brigand, faisait l'amour guerre, buvait, bâfrait et savait m o u r i r en chantant...
« L'ECHELLE POULE » (Biguine) (Folklore)
sur les voyageurs et si harmonieux sa terre nue sous aussi bien que la
Dans les fonds, la lumière s'irise sur les c o t e a u x et plus loin « La Pelée »
1902... CARNAVAL DE SAINT-PIERRE SAINT-PIERRE se réveilla en ce dimanche de 1902, pour vivre son dernier carnaval. Le ciel d'un bleu de métal, à l'éclat presque insupportable, laissait passer les rayons d'un soleil éclatant se projetant tel un phare sur la ville. Dans les fonds, la lumière s'irise sur les coteaux et plus loin sur la « PELEE » et crée des transparences verdâtres. Sur les plages, les cocotiers étalent leurs feuilles vertes, leurs feuilles sèches, d'un or tenace pour peu qu'un coup de soleil les éclaire, les faisant ressembler à des flambeaux un jour de liesse ou de retraites. Tout ce qui auparavant accaparait l'esprit et les sens, retrouva son authentique indépendance. SAINT-PIERRE se sent jeune, retrouve à l'aube de son carnaval de 1902, la fraîcheur, la naïveté, le naturel de son peuple, mais aussi son insolence et son cynisme. SAINT-PIERRE se sent neuf et s'abandonne comme à un rêve éveillé qui prend une ampleur vague et exquise. Jamais on n'avait vu un tel faste, un tel déchaînement de joie, d'ivresse, une telle débauche de toilettes aux couleurs vives et variées. Le soleil qui commence à se glisser sur la ville tire de la haute muraille montagneuse qui la borde, des rouges, des mauves, des verts dont le changement et la magnificence ne cesseront qu'à la nuit. Dans les rues prises d'assaut par masques, et badauds, les promeneurs dont la marche lente s'arrêtait et refluait sans cesse, gênaient la circulation. On percevait nettement comme un grondement d'orage déchaîné et hurlant dans les oreilles. C'étaient les gaietés de la foule dont les huées et les rires soufflaient avec sa clameur de t e m p ê t e battant la côte. D e toutes parts, arrivaient le plain-chant des masques et les. accords de cette insolente biguine.
« AGOULOU PAS CALE GUIOLE OU » (Biguine) (Folklore)
Et voici les diables
19°2... CARNAVAL D E SAINT-PIERRE (suite) Soudain un grondement sourd pareil au rugissement du lion dans le désert, enveloppe la ville. Ce sont les diables, les diablotins qui sans cesse deviennent plus nombreux, grouillent tels des fourmis dont un coup de bêche a détruit le nid. Dans des pirouettes, des trémoussements, des gambades, le papa diable, le chef ou le roi « Belzébuth ou Satan » fait tinter les clochettes accrochées à son volumineux chapeau en forme de casque où miroitent des boules de verroteries de toutes couleurs, des petites glaces de poche de toutes formes. Il tient d'une main, comme sceptre royal, un bâton sur lequel est suspendu en essaim, une énorme grappe de grelots qui carillonnent comme les attelages des rouliers d'autrefois et un double triangle de métal qui résonne comme une cloche fêlée. De l'autre main, il fait tourner, virevolter, sa longue queue avec laquelle il frappe passants, masques, promeneurs, diables et diablotins. Les chants et les mouvements sont exécutés en cadence : « BOMME DU RYZ A T E DOUX... HAUSSE « CRIC ! CRAC ! BRISEZ ! CRASEZ ! BI APOLO ! » Ils gesticulent, sautent, gambadent, pirouettent, cabriolent avec une joie délirante. On croirait leurs jarrets munis de ressorts. Le jeu des bras brandissant des haches et des coutelas à la lame brillante, est impressionnant. On les croirait de véritables armes alors qu'ils sont faits en bois. Et voici les diables du « MOUILLAGE » qui se heurtent en bataille rangée à ceux du « FORT ». L e s gestes des adversaires deviennent inquiétants et il arrive à la force armée de s'interposer p o u r calmer l'ardeur de ces échappés de l'enfer. Lesmasquesle,sdiables et les diablotins sont rentrés chez eux, sortis de la bataille les yeux p o c h é s , l e s vêtements en lambeaux, fatigués et saouls de cette griserie qui s'infiltre dans tous l e s p o r e s d e l a u r corps, saouls des joies du carnaval, saouls d'alcool, saouls de la fameuse b i g u i n e d o n t l a m u s i q u e leur arrive en flots désordonnés :
« CELESTIN ! ROI DIABLE DERO » (Biguine) (Folklore)
Saint-Pierre avec sa brise de m e r qui r a b a t sur la ville le bruit de ses orchestres
i902... CARNAVAL D E SAINT-PIERRE (suite) SAINT-PIERRE avec son théâtre où se produisaient toute l'année les meilleurs artistes de PARIS, musiciens ou comédiens. SAINT-PIERRE avec sa brise de mer qui rabat sur la ville le bruit des orchestres de tous ses bals, la pétarade de ses trombonnes, les notes stridentes de ses clarinettes, les chants langoureux de ses violoncelles, le glin-glin assourdissant de ses chachas, SAINT-PIERRE dans le flon-flon de ses bals est heureux de sa gourmandise satisfaite qui salue l'épanouissement du soleil d'artifice de son carnaval. Les rues de SAINT-PIERRE aux alentours des bals sont envahies par une foule de gens qui se proposent, qui se bousculent, qui s'entremêlent. Dans les maisons, des fenêtres éclairées s'éteignent, des fenêtres éteintes se rallument. Plus loin, la mer avec son bleu intense reflétant toutes les lumières de SAINT-PIERRE et les bruits de ses vagues s'écrasant sur la plage comme un énorme « DO. RE. MI. FA. SOL. LA. SI. » étiré inlassablement sur une immense corde de violoncelle préludant cette fameuse biguine :
« CE CON ÇA OU YE... BELLE DOUDOU » (Biguine) (Folklore )
Diablesses du Mercredi des Cendres E n t e r r e m e n t de Vaval
1902... CARNAVAL DE SAINT-PIERRE (suite) SAINT-PIERRE a vécu son ultime carnaval sans y apercevoir un signe quelconque de son destin maudit, sinon quelque appel vers une halte ménagée à ses épreuves, levant parfois les yeux vers la montagne où le soleil inaugurait ses jeux, où se multipliaient des aspects d'arc-en-ciel. « LA PELEE » au spectacle d'une beauté grandiose, sauvage et magique, semblait si calme, si tranquille sur ses assises, qu'on avait l'impression que là, la vie ne pouvait que tourner rond... Hélas ! SAINT-PIERRE semble ne plus éprouver le sol, marchant déjà sur les nuages de plain-pied. Rien ne paraissait plus facile à ce peuple que d'aller avec équilibre au-devant de la mort. Sur SAINT-PIERRE, le crépuscule achève de mourir et le carnaval continue dans la nuit, effaçant les traits de notre misère, en exaltant l'expression de notre grandeur dans cette belle biguine :
«MARKA! MARKA ! ÇA OU FE A PAS BIEN » (Biguine) ( Folklore)
Saint-Pierre se réveille en ce m a t i n d'avril 1902, en pleine effervescence électorale
SAINT-PIERRE... AVRIL 1902 S A I N T - P I E R R E se r é v e i l l e en ce m a t i n d ' a v r i l 1902, en p l e i n e e f f e r v e s c e n c e é l e c t o r a l e . De g r a n d s n o m s v o l e n t d a n s l ' a i r c o m m e des c o n f e t t i s u n j o u r de 14 j u i l l e t , a u m o m e n t des b a t a i l l e s , c a r ce p e u p l e i g n o r e les p a r t i s , c h a c u n a s o n i d o l e , a i m e u n h o m m e , v é n è r e u n h o m m e et vote p o u r u n h o m m e ! César LAINE, ALLEGRE, DEPHOGE, Dr QUESNAY, Amédée KNIGTH, Victor SEVERE, F e r n a n d CLERC, Z O N Z O N , G e o r g e s L A G U A R I G U E , A m é d é e D E S P O I N T E S , A S S E L I N , H U R A R D , S A I N T E - L C C E , et t a n t d ' a u t r e s de ces belles f i g u r e s d e c h e z n o u s p r e s q u e t o u t e s d i s p a r u e s . Que de luttes vives et a r d e n t e s , f r a t r i c i d e s p a r f o i s e n t r e ces h o m m e s , t o u s r é p u b l i c a i n s , qui s ' e n t r e d é c h i r a i e n t s a n s p i t i é . L a s c i s s i o n H U R A R D - D E P R O G E de t r i s t e m é m o i r e . Les i n j u r e s les p l u s s a n g l a n t e s q u ' i l s se r e n v o y a i e n t , les c o u p s r u d e s et t e r r i b l e s q u ' i l s se p o r t a i e n t p o u r a s s u r e r à l e u r p a r t i la p r é d o m i n a n c e p o l i t i q u e d a n s le p a y s et d a n s les A s s e m b l é e s é l e c t i v e s , f a i s a n t s u r t o u t , d e s luttes é l e c t o r a l e s , d e s luttes p e r s o n n e l l e s , des r i v a l i t é s n é e s d e s c o n f l i t s d ' i n t é r ê t s d i v e r s o u d e la b r i g u e p o u r les f o n c t i o n s p u b l i q u e s , é c a r t a n t la p o l i t i q u e p o u r ne f a i r e p l a c e q u ' a u x s e u l e s q u e s t i o n s d e p e r s o n n e , e x c i t a n t les p a s s i o n s et les s e n t i m e n t s de la m a s s e . . . Mais la p o l i t i q u e n ' e n l e v a i t a u x P i e r r o t i n s , ni l e u r gaieté, ni l e u r b o n n e h u m e u r , ni l e u r joie de v i v r e q u ' i l s ne s a v a i e n t p a s si c o u r t e , et s o r t i s des m a n i f e s t a t i o n s é l e c t o r a l e s , ils se r u a i e n t à l ' a s s a u t d u « G A R D N E H » i n s t a l l é s u r la g r a n d e p l a c e d e la s a v a n e d u « F O R T » avec, à côté, les « M O N T A G N E S R U S S E S ». L e C i r q u e « G A R D N E R » d o n t la p r i n c i p a l e a t t r a c t i o n é t a i t la « P E T I T E L U L U », u n e g a m i n e d e c i n q à s i x ans, h a u t e c o m m e t r o i s p o m m e s , a v e c s o n p e t i t t u t u f r o u f r o u t a n t , c o u l e u r d e d r a g é e s d a n s la l u m i è r e b i z a r r e d e s p r o j e c t e u r s . L a « P E T I T E L U L U » v i r e v o l t a n t , t o u r n o y a n t a v e c g r â c e s u r la c o r d e r a i d e ou, f a i s a n t d e s c a b r i o l e s o u d e s d é m o n s t r a t r i o n s g r a c i e u s e s s u r s o n t r a p è z e . L e m o i s d ' a v r i l r a m e n a à S A I N T - P I E R R E les b r i s e s t i è d e s , les f l e u r s et les v e r d u r e s s u r le g a z o n é l a s t i q u e des r o u t e s v e r t e s . Le s o l e i l d e s c e n d a i t r o u g e s u r la ville. L ' a c t i v i t é d e S A I N T - P I E R R E si v i v a n t c o n t i n u a i t , r e n d a n t c o m i q u e s des s c è n e s de r u e s q u i se d é r o u l a i e n t c o m m e t o u j o u r s en p é r i o d e é l e c t o r a l e e n t r e les p a s s a n t s , m a r c h a n d s , m a r c h a n d e s de d e n r é e s d e t o u t e s s o r t e s , de s u c r e r i e s , d e f r u i t s , d e b o n b o n s , m a r c h a n d s a u x o p i n i o n s d i f f é r e n t e s qui se p r o v o q u a i e n t , s ' i n s u l t a i e n t , s ' i n j u r i a i e n t , a r r i v a i e n t a u x c r é p a g e s de c h i g n o n s ou b i e n , l ' u n e p a s s a n t p r è s de l ' a u t r e , les m a r c h a n d e s , d a n s u n g e s t e p r o v o q u a n t , r e t r o u s s a n t l e u r s r o b e s , u n s o u r i r e d é d a i g n e u x et m é p r i s a n t s u r les lèvres, c h a n t a i e n t c e t t e c h a n s o n de l e u r p a r t i :
« LA DEFENSE KA VINI FOLLE» ( Folklore)
Saint-Pierre ! Ce f u t le t o u r de Saint-Pierre disparu sous une t r o m b e de feu
SAINT-PIERRE APRÈS LA CATASTROPHE L'axiome qui veut que le malheur des uns fasse le bonheur des autres n'a jamais été plus véridique ! SAINT-PIERRE était devenu une caverne d' « ALI BABA » non pas avec quarante voleurs mais avec des milliers de voleurs !... C'était le pillage systématique, on marchait sur les ruines encore fumantes de la ville morte ! On piétinait les cadavres, cherchant l'emplacement des maisons cossues où on savait trouver argent, bijoux, argenteries et bon nombre de pauvres, de gueux de la veille du 8 MAI étaient devenus quelques jours après riches, opulents bourgeois, roulant voiture, ayant pignons sur rue. Les sinistrés le savaient, les connaissaient peut-être ces hyènes, ces chacals qui, sortis de toutes parts, même des îles anglaises environnantes, se ruaient à l'assaut des ruines, et les sinistrés avaient composé cette rengaine faite de dépit et de colère et qu'ils chantaient à tout bout de champ.
« VIVE VOLCAN » (Biguine) (Folklore)
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On m a r c h a i t s u r les r u i n e s encore f u m a n t e s d e la ville m o r t e .1
SAINT-PIERRE APRÈS LA CATASTROPHE (suite) Comme un coup de foudre, jetant la terreur et la consternation, l'anéantissement de SAINTPIERRE et de ses trente mille habitants jeta le pays entier dans un état de prostration et de désolation incommensurable. Après l' « USINE GUERIN » ensevelie sous la lave de la « P E L E E » , ce fut le tour de SAINT-PIERRE disparu sous une trombe de feu. Plus de rire !... comme dans la chanson du « CLOWN » de « LEO DANIDERFF » !... Plus de chant ! Plus rien que des larmes, du chagrin et le deuil partout. Mais au-dessus de tout planait le souvenir de ce SAINT-PIERRE si vivant, si gai, si bon enfant, de ce SAINT-PIERRE à jamais disparu !... On se remémorait tout ce qui faisait son charme, les scènes ou propos surpris, les visages, les traits qu'on ne verra plus, ses attractions les plus sensationnelles, les petits potins, les petits cancans aussi piquants que piments dans lozis !... On se rappelait « COLBI * et sa nacelle ! Les « MONTAGNES RUSSES », le « CIRQUE GARDNER » où il n'y avait pas bien longtemps, voltigeait si gracieusement la « PETITE LULU ». On se rappelait « LA COMETE » décrivant son ellipse allongée dans le ciel. « L A COMETE» faisant son apparition grandiose et projetant sa longue queue, comme une belle chevelure de « SIRENE » dans le ciel rutilant des mille feux de ses étoiles. « LA COMETE » annonciatrice des malheurs qui avait inspiré aux PIERROTINS cette mazurka, comme u n adieu à la vie !
« LA COMÈTE » (Folklore)
Saint-Pierre r e n a i t de ses cendres. Le temps, ce g r a n d guérisseur, ce g r a n d démolisseur, avait passé !
SAINT-PIERRE APRÈS LA CATASTROPHE (suite) Sur les collines rocailleuses, grises et nues, les arbres s'accrochaient au sol aride. Le soleil descendait rouge au loin dans la mer et sur les raisiniers longeant la plage prenait un ton de cuivre et l'air du soir, dans ce magnifique paysage, devenait plus vif. Les villages bâtis en hâte pour les sinistrés étaient comme des sortes de minuscules succursales de SAINT-PIERRE. Et le temps, ce grand guérisseur, ce grand démolisseur avait passé, jetant le calme et l'apaisement dans le cœur de ces malheureux. La vie continuait, car on supporte avec fermeté les peines inévitables de la vie en se résignant à souffrir ce qu'on ne peut empêcher. On entendait fuser les rires, on chantait, on critiquait sur un petit air sorti on ne savait d'où ! Les distributions de vivres, de vêtements étaient prises à partie, critiquées. Je me souviens d'un vieil homme sinistré qui, faute de chaise, s'asseyait sur le pas de la porte de sa case et qui inlassablement chantait cette complainte qu'il avait lui-même composée :
« GADE ÇA ! GADE ÇA ! GADE ÇA ! » (Folklore)
Saint-Pierre après la catastrophe. . L'esprit de S a i n t - P i e r r e r e s t e r a à j a m a i s inoublié !
SAINT-PIERRE APRÈS LA CATASTROPHE (fin) L ' e s p r i t de S A I N T - P I E R R E r e s t e r a à j a m a i s inoublié et les c h a n s o n s de S A I N T - P I E R R E si c a u s t i q u e s , si p i q u a n t e s , si s p i r i t u e l l e s , r e s t e r o n t à j a m a i s inégalables. Les c h a n s o n s de S A I N T - P I E R R E é t a i e n t p r i s e s s u r le vif d ' u n mot, d ' u n geste, d ' u n fait divers b a n a l où t o u t d e v e n a i t u n s u j e t de c h a n s o n , de p l a i s a n t e r i e , o u m ê m e de c o m p l a i n t e s p o u r les c œ u r s sensibles. Q u e l q u e t e m p s a p r è s la c a t a s t r o p h e , F O R T - D E - F R A N C E , à l ' i n s t a r de S A I N T - P I E R R E , a s o r t i q u e l q u e s c h a n s o n s , p a r f a i t e s i m i t a t i o n s de celles de la Cité d i s p a r u e et qui, s a n s a v o i r a u t a n t de p i m e n t , a v a i e n t assez de c h a r m e , d ' e n t r a i n , p o u r n o u s faire s e n t i r et p a r f o i s o u b l i e r la lente et p a t h é t i q u e coulée d u t e m p s : les r u m e u r s de l ' à m e , le g r a i n de la vie, e x a l t é s p a r ce c h a n t de grève :
«MANMAN !... LA GREVE BARRE M O I N » ( P a r o l e s et m u s i q u e de L é o n a G A B R I E L )
La « Roxelane » semble être aspirée p a r le m o n s t r e q u i la d o m i n e
Les Belles Rivières de Chez Nous... LA R O X E L A N E Quand je suis revenue dans mon pays, après de longues années d'absence, je dirai même d'exil, c'est avec une profonde amertume, un gros chagrin, que j'ai retrouvé à la place de nos belles et turbulentes rivières, des ruisseaux qui coulaient, minces filets d'eau dans un lit profond couleur de grenade éclatée. « MODERNISME »... « DEBOISEMENT »... m'a-t-on dit ! La « ROXELANE », la belle « ROXELANE » semble être aspirée par le monstre qui la domine. Les bords de la « ROXELANE », rendez-vous des amours heureuses, des saisons de brûlantes douceurs ! Les bords de la « ROXELANE » où l'on entendait à la tombée du jour, des voix indistinctes, des bruits confus, le flux et le reflux de la vie battre, comme on entend la mer dans une « corne » de lambi, sans la voir, où on avait l'impression de fondre sous la chaleur d'une onde voluptueuse, où sous le ciel constellé d'étoiles, on retrouvait le parfum des acacias, les senteurs agrestes qui se levaient avec la poussière de la route la surplombant et tout près du pont, la petite chapelle votive où les Pierrotins allaient prier la VIERGE MARIE, tandis que dans SAINT-PIERRE rutilant de lumière, les bals s'ouvraient aux accents de cette valse :
« M A PETITE ILE ! MES AMOURS ! » (Valse) (Paroles de Léona GABRIEL. Musique du folklore)
« La C a p o t e » oÙ, sur la berge, on avait l'impression de se t r o u v e r d a n s un paysage de ciel, d ' e a u et de roches !
Les Belles Rivières de Chez Nous... LA CAPOTE S u r cette côte « N O R D - E S T » et à q u a t r e k i l o m è t r e s de la mer, « LA C A P O T E » s o r t a n t a u pied de la m o n t a g n e « M O N R O Y », t r a v e r s e la « P R O P R E T E », le b a s s i n « COQ » de l' « A J O U P A B O U I L L O N », a r r o s e l ' u s i n e « V I V E » a v a n t de se j e t e r d a n s la m e r . « LA C A P O T E » a v a i t subi elle a u s s i les effets d u d é b o i s e m e n t . Elle é t a i t loin, la belle r i v i è r e q u e j ' a v a i s c o n n u e , « LA C A P O T E » où t o u t e s les lignes du p a y s a g e d é l i v r a i e n t le r e g a r d e n le c o n d u i s a n t vers l'eau, la belle flore a u x a l e n t o u r s ou l'espace. « LA C A P O T E » où s u r sa berge on a v a i t l ' i m p r e s s i o n de se d ' e a u et de roches, q u i s e m b l a i t ê t r e u n e c o m p l a i s a n c e , u n p a r t i c i p a t i o n a f f e c t u e u s e à l ' a m o u r , o ù o n h u m a i t les s e n t e u r s t r o u é e de « LA C A P O T E » et o ù f l o t t a i t a u loin d a n s l ' a i r mazurka :
« TONY ! TONY ! » (Mazurka) (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
t r o u v e r d a n s u n p a y s a g e de ciel, a c q u i e s c e m e n t a u x b a i s e r s , à la q u i c i r c u l a i e n t d a n s cette g r a n d e de la n u i t la m u s i q u e de cette
Le « L o r r a i n » où se terre « L a Grange »
Les Belles Rivières de Chez Nous... LA G R A N G E La rivière du « LORRAIN » ou « LA GRANGE » si brutale dans ses débordements est aussi devenue un petit format de ce qu'elle était. « LA GRANGE », cet extraordinaire paysage qui ne ressemble à nul autre, avec sa beauté sauvage et mélancolique dont aucune description ne saurait rendre la grandeur, où le ciel pur, l'immense paysage vert qui s'étend d'elle, la ligne brillante de la rivière luisant au soleil et au loin sur l'horizon, la silhouette blonde de l'Eglise du « LORRAIN » dressée vers la mer, comme un bateau prêt à cingler vers le large, tandis que dominant tous les bruits de cette belle nature, un orchestre au loin attaque cette biguine :
« MANMAN CORINE » (Biguine) (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
La Rivière blanche ! S u r les berges la bordant, les a r b r e s v e r d o y a n t s s e m b l e n t élever vers le ciel un cantique d'actions de grâce !
Les Belles Rivières de Chez Nous... LA LÉZARDE Sous un ciel très haut où naissait un scintillement de gris, de rose, de bleu, de vert, un vrai ciel martiniquais couleur de temps, couleur de rien, « LA LEZARDE » ayant elle aussi subi les outrages du déboisement, coule doucement, tranquille, comme lasse d'une bonne fatigue, reflétant le soleil qui en descendant boit le bleu de l'azur. Sur les berges la bordant, les arbres verdoyants semblent élever vers le soleil un cantique d'actions de grâce où se mêlent les parfums des fleurs sauvages et l'ombre douce des feuillages légers. Sur le pont qui la traverse sur la route nationale, à longueur de journée, c'est un va-et-vient continu de véhicules de toutes sortes, des femmes qui, chargées de trays de légumes, de fruits de toutes sortes, ne résistent pas à la tentation de se raconter leurs petites histoires, toutes leurs petites histoires à la queue leu leu, sans truquage, sans malice, exprimant ainsi la monstrueuse accumulation des vies supportées par ces femmes qui, sur la grande route, marchent en faisant onduler leur croupe et en chaloupant au rythme bien cadencé de ce vidé :
« FIF I N E !
ÇA OU NI ? MOIN MALADE ! »
(Vidé)
Joli coin de chez nous
Les Belles Rivières de Chez Nous... LA GRANDE ET LA P E T I T E RIVIÈRE DE RIVIÈRE-PILOTE C'est s u r t o u t le « SUD » qui a été la g r a n d e v i c t i m e d u d é b o i s e m e n t . A « R I V I E R E - P I L O T E », ce b e r c e a u de m o n e n f a n c e , les d e u x rivières, « LA G R A N D E E T LA P E T I T E », j a d i s si t u m u l t u e u s e s , si r a p i d e s , où les e n f a n t s se b a i g n a i e n t sous l'œil i n q u i e t et a t t e n t i f des p a r e n t s , e n é v i t a n t les b a s s i n s p r o f o n d s p a r e n d r o i t s ne s o n t d e v e n u e s , elles aussi, q u e de m i n c e s filets d ' e a u à p e i n e c a p a b l e s d ' a b r e u v e r les a n i m a u x d o m e s t i q u e s . Les a r b r e s q u i les b o r d e n t , m a n i f e s t e m e n t a b a n d o n n é s , se s o n t étirés et é m a c i é s et n ' o n t plus de r a m u r e s v e r t e s q u ' à l e u r s o m m e t , m e t t a n t à j o u r les b u i s s o n s o ù l ' h e r b e s e r v a i t a u t r e f o i s de litières a u x a m o u r e u x . Et les p a u v r e s l a v a n d i è r e s d u p a y s o n t d u m a l à t r o u v e r le m o i n d r e f o n d d ' e a u s u f f i s a n t p o u r l a v e r l e u r linge. Seuls les e n f a n t s , p o u r t a q u i n e r les g r e n o u i l l e s , s ' a r r ê t e n t e n c o r e a u x b o r d s de ces r i v i è r e s e n t o u r é e s de rocailles, de f a u s s e s c a s c a d e s desséchées, de p e t i t e s m a r e s d ' e a u v e r t e d o n t les m o u s s e s qui les e n t o u r e n t , la m é l a n c o l i e d o d e l i n a n t e d u c r o a s s e m e n t des c r a p a u d s , tout concourt à donner une sensation d'engloutissement. De la r o u t e , ces r i v i è r e s n e s o n t m ê m e p l u s visibles et f o n t p e n s e r à u n p r o f o n d t r o u d ' o m b r e q u e la g r a n d e l u m i è r e d u m a t i n i l l u m i n e q u a n d m ê m e à t r a v e r s les b r a n c h a g e s d e s s é c h é s en i l l u m i n a n t a u s s i le b o u r g d ' o ù f u s e n t les a c c e n t s de cette b i g u i n e :
« MES AMIS ! MOIN AINMIN MADELON » (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
Et voici la plus belle ! L a belle des belles ! Notre Levassor.
Les Belles Rivières de Chez Nous... LA RIVIÈRE LEVASSOR Et voici la plus belle !... la belle des belles ! notre « LEVASSOR » qui, elle, n'a pas changé du tout et qui garde malgré le modernisme, son odeur de terre, de pourriture, de parfums de funérailles, qui à force d'habitude n'incommode plus les habitants des deux avenues qui la bordent. « L'aut'bô canal », où les barques des pêcheurs se reposent comme des lézards au soleil, dans une boue compacte, noire comme du charbon, dévorée partout de moisissures et des troncs d'arbres charroyés par les crues, feutrés de vert par la mousse et qui étalent leurs branches noires et dépouillées qui font songer à des monuments funéraires. « L'aut'bô canal », à la tombée du jour est en proie aux enfants sur qui veillent leurs mères assises par terre ou sur les troncs des arbres et qui se chamaillent à grands bruits. Les gosses jouent aux billes le plus souvent. Suivant la qualité des coups, les mères se mêlent aux parties admiratives ou moqueuses. Une gaieté débordante, un vacarme effroyable excité par la présence et l'attention des grandes personnes, montent de cette foule enfantine, tandis que de l'autre coté du canal, sur le boulevard « ALLEGRE », les nombreuses boîtes à « COCO MERLO » ouvrent la radio ou le pick-up et font monter bien au-dessus des toits, l'air de cette dynamique biguine :
« BA MOIN TIT BRIN D' L'EAU ! SOUPLE » (Biguine) (Folklore)
Jolies plages de chez nous : Sainte-Anne.
Jolies Plages de Chez Nous... PLAGE DE SAINTE-ANNE Jolies plages de chez nous ! faites de contrastes, de lumière et qui semblent un paradis fait exprès pour les amoureux. Jolies plages de chez nous, où les heures s'écoulent si merveilleuses qu'elles effacent les chimères, les abandons, les déceptions !... Plage blonde de « SAINTE-ANNE » qui montre ses ourlets de palme et d'écume blanche et qui apparait comme un trait d'union radieux entre le bleu éblouissant de la mer et l'azur du firmament. Où sous le ciel lumineux et vaste, un nuage cotonneux dérive avec lenteur, où le décor surgit multicolore, bariolé d'ombre et de flaques ensoleillées, où les cocotiers reflètent dans la mer leurs images renversées. JOLIES PLAGES DE CHEZ NOUS !... où on savoure intensément l'allégresse qui gonfle le cœur et met des battements dans la gorge, tandis que d'un ciel invisible et lointain descend l'harmonie de cette valse :
«L'INFIDELE OU L'AMOUR LILY» (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
Jolies plages de chez nous : Le Poirier.
Jolies Plages de Chez Nous... PLAGE DU POIRIER Plage du « POIRIER » !... où tout le long de la route qui longe le canal où remontent les brochets, les mulets cherchant leurs pâtures dans les détritus ménagers qui descendent vers la mer, le soleil rougit le paysage et fait étinceler l'eau du canal comme un véritable miroir d'or. Où aux abords déferlent les champs de canne en bataillons compacts et où les herbes humides qu'on piétine exhalent une odeur moite. « PLAGE DU POIRIER » !... qui, bordée de raisiniers, semble par endroits appartenir au domaine des fées. Où les rochers de-ci de-là dans la mer ressemblent à des dés d'un titan gigantesque. « PLAGE DU POIRIER » !... qui semble reposer quiètement au milieu de la belle nature troublée par les cris des enfants qui s'ébattent dans les lames qui viennent y mourir, tandis que d'une maison tout en haut de la colline la dominant, arrivent les accords de cette mazurka :
« DOUDOU ! PAS REMPLACE MOIN ! » (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
Jolies plages de chez nous : Le D i a m a n t .
Jolies Plages de Chez Nous... PLAGE DU DIAMANT Dans le limpide firmament qui plane sur la plage du « DIAMANT », dans ce limpide firmament immense, mystérieux et sans fin, l'astre de feu se lève grandiosement et perce les nues de ses rayons d'or. « PLAGE DU DIAMANT » si bruyante les lundis de « PAQUES » ou de « PENTECOTE », où la mer semble se gonfler et soupirer d'amour. « PLAGE DU DIAMANT » emplie de chuchotements, de rires, de soupirs, où la mer semble se nouer et se dénouer dans ses lames, cependant que d'un orchestre au loin arrivent les premières notes de cette belle biguine :
« MOIN BELLE ! MOIN JEUNE ! DOUDOU ! » (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
Le crépuscule s'appesantit doucement sur la plage
Jolies Plages de Chez Nous... PLAGE DE L'ANSE MADAME
Le crépuscule s'appesantit doucement sur la plage de « L'ANSE MADAME » ! ... Par dessus les petites maisons blotties sous l'ombre des cocotiers, des bananiers et des manguiers, le ciel mauve, strié de bandes pourpres, arrondit son dôme fragile. Un dernier rayon de soleil filtre obliquement à travers les arbres, badigeonnant de taches d'or les murs des maisons, et partout, s'étend l'amicale douceur du soir tombant. Appuyés sur les canots retournés quilles en l'air, des groupes de femmes bavardent et content des histoires et leurs caquetages et leurs rires éclaboussent le silence. Suspendus à des piquets plantés dans le sable, les filets aux mailles brunes étincelantes encore de gouttes d'eau, sèchent, battus par la brise. Le lèchement répété des vagues s'écrasant sur la plage trouble seul le calme crépuscule et tandis que l'ombre commence à bleuir le paysage, un orchestre au loin attaque cette biguine :
«OU KE SONGE» (Biguine) (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
Plage du Carbet où l'ombre des cocotiers s' allonge démesurément
Jolies Plages de Chez Nous... PLAGE DU CARBET
« PLAGE DU CARBET » où l'ombre des cocotiers s'allonge démesurément, où sur la mer d'un bleu métallique les lames se poursuivent hautes et pressées, cahotant les barques ancrées près du rivage. « PLAGE DU CARBET », si animée aux jours de fête et de vacances, où les enfants, comme des essaims d'abeilles, l'occupent entièrement et si joyeusement et où, à la tombée du jour, à l'heure flambante où l'ombre ramassée des êtres et des choses rampe et plane impitoyablement sur le pays entier, où dans le chuchotement du ressac, son chant monte et couvre le bruit des soupirs, des baisers des amoureux qui s'y promènent en cadençant cette biguine que lance au loin un orchestre :
« FEMME QUI DOUX » ( P a r o l e s et m u s i q u e de L é o n a G A B R I E L )
Plage de Saint-Pierre qui semble accablée s o u s le f a r d e a u d'une insurmontable torpeur
Jolies Plages de Chez Nous... PLAGE D E SAINT-PIERRE Plage de « SAINT-PIERRE » qui semble accablée torpeur !...
sous
le
fardeau
d'une
insurmontable
Plage de « SAINT-PIERRE » ou de la terre pénétrée de la chaleur monte comme un vaste ronronnement de béatitude !... où l'on sent que l'air embrasé devait être plein de vibrations, chargé d'innombrables fermentations ! Où l'invisible travail de la nature, malgré les catastrophes et les malheurs, s'acharne et bouillonne sourdement et qui retrouve ses joies défuntes, ses parties fines défuntes, ses amours et ses plaisirs défunts dans cette vibrante biguine :
«GRAND GUIALE A» (Folklore)
La Saint-Louis ! J e u x de toutes sortes installés d a n s cette Allée des Soupirs qui portent si bien son n o m !
Nos Fêtes Communales... SAINT-LOUIS, F Ê T E D E FORT-DE-FRANCE Nos communes fêtent leur Saint Patron. Un peu partout, on prépare les réjouissances, une de nos vieilles traditions, pas tout à fait perdues comme tant d'autres, mais totalement disparues à « FORTDE-FRANCE ». « 25 AOUT »... La Saint-Louis d'autrefois où la savane enguirlandée d'ampoules électriques de toutes couleurs de fleurs, de feuillages, de d r a p e a u x , n'était plus qu'un grouillement humain indescriptible ! Où s'étalait comme une p r a i r i e de m a d r a s noués en tête trois bouts, de foulards carton au vent ou attachés, de robes éclatantes et bariolées, de chapeaux à fleurs, où les femmes arboraient des toilettes neuves et des bijoux d'or massif qui jetaient une note de gaieté p a r m i les vêtements clairs ou sombres des hommes ! « LA SAINT-LOUIS »... petites paillottes pavoisées richement à qui enlèvera le p r e m i e r prix de bon goût ! Petites paillottes rutilantes de lumière avec leurs bouteilles de sirop de toutes teintes : orgeat, grenadine, menthe verte, sorbets de goyave, d'ananas, de crème au chocolat, au café, de lait de coco. 4: LA SAINT-LOUIS », manèges, jeux de toutes sortes, rouge et noir, baccara, bonneteau, serbi, installés dans cette allée des soupirs qui portait si bien son nom, où les couples marchaient en titubant, lèvres jointes. Cette allée des soupirs où on se sentait comme dans un bain de jouissance, de sourires, de larmes, de rêves fous, de projets à court terme et de désespoirs saisonniers ! « LA SAINT-LOUIS » avec ses batailles de confettis, ses courses de bicyclettes où triomphait toujours mon vieux camarade E d m o n d NELLY, ses courses de chevaux, de canots, de pirogues et où le soir, sur la mer d'un bleu turquoise, éclataient en gerbes de diamant et dans le ciel constellé d'étoiles, des feux d'artifices. « LA SAINT-LOUIS » mazurkas, quadrilles - folies où l'on dansait qui font bouillonner
L.., Le bal au grand marché où l'orchestre scandait nos danses endiablées, biguines, avec le fameux « pilir » ! d'un bout à l'autre de ces nuits de réjouissances et de jusqu'au jour d a n s une frénésie sans fin, ces danses qui exprimaient les passions le sang martiniquais et qu'excitait cette biguine :
« EN NOUS MONTER LA RUE FOSSE » (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
Des raisiniers à la route qui m è n e à Sainte-Marie et traverse la ville, la fête bat son plein
Nos Fêtes Communales... FÊTE DE TRINITÉ Des raisiniers jusqu'à la route qui mène à « SAINTE-MARIE », et traverse la ville, la fête bat son plein et tout le long, les échopes brillent des mille feux de leurs lampions, de leurs lanternes vénitiennes qui reflètent leurs lueurs multicolores dans la mer réfléchissant à son tour le ciel étoilé. De tous côtés, vont et viennent de belles filles en toilettes chatoyantes offrant des taches claires et luisantes. Dans une impatience fébrile, on attend l'ouverture du bal au marché couvert. D'un groupe, une voix bien timbrée lance une chanson reprise en chœur et on ne se lasse pas de regarder ces gens simples qui ne résistent pas au rythme des chansons et des danses, qui en marchant agitent leurs mollets, fléchissent leurs jambes, se mettent en mouvement bien cadencé et jusqu'à ce bébé d'un an à peine, chevauchant le flanc maternel, qui se trémousse comme sa mère, comme tout le monde au rythme de cette mazurka :
PASSAGE TRACE (Mazurka) (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
Sainte-Marie ! On se croirait dans un paysage édénique
Nos Fêtes Communales... FÊTE DE SAINTE-MARIE 15 A O U T
Fête de « S A I N T E - M A R I E », fète a u s s i de la « V I E R G E M A R I E » !...
« S A I N T E - M A R I E » n ' a r i e n à e n v i e r à sa voisine « T R I N I T E », p u i s q u e , là aussi, c ' e s t une d é b a u c h e de joie, de gaieté, p a r m i les belles toilettes des f e m m e s , des paillottes pavoisées. O n se c r o i r a i t d a n s u n p a y s a g e é d é n i q u e !... Mais, p a r - d e s s u s t o u t il y a la d a n s e . P e r s o n n e ne se p r i v e de d a n s e r et la d a n s e d a n s n o t r e p a y s n ' e s t p a s o b t e n u e p a r la science ni p a r la c o n t r a i n t e m a i s p a r l ' é p a n o u i s s e m e n t t o u t n a t u r e l de la vie. Chez n o u s on d a n s e c o m m e on r e s p i r e , c o m m e o n dort, c o m m e on a i m e , c o m m e on c h a n t e ! Chez n o u s la d a n s e est l ' e x p r e s s i o n la p l u s s p o n t a n é e de la joie i n t é r i e u r e et p e r s o n n e ne s a u r a i t r é s i s t e r a u c h a r m e de cette e n s o r c e l a n t e b i g u i n e :
«MUSSIEU LOULOU» (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
Le L a m e n t i n ! Les fêtes p a t r o n a l e s qui se d é r o u l a i e n t dans une a t m o s p h è r e paradisiaque
Nos Fêtes Communales... F Ê T E DU LAMENTIN Les fêtes patronales du « LAMENTIN » qui attiraient tant de villageois par l'excentricité de ses attractions, de ses échopes où trônaient de belles filles provocantes, gracieuses et rieuses, ses bals qui occupaient des nuits entières, ses beuveries des débits pavoisés qui dégénéraient si souvent en batailles sanglantes ! Fêtes patronales du « LAMENTIN » qui se déroulaient dans une atmosphère paradisiaque qui faisait oublier aux jeunes leurs amours, leurs déceptions, leurs craintes, leurs jalousies, aux vieux leurs années, à tout ce peuple gai, spontané, turbulent, sympathique, les brutalités de la vie dans l'ivresse de ces inoubliables nuits qui duraient jusqu'au moment où l'orchestre des coqs lançait leur salut cuivré à l'aube et que se mouraient les dernières notes de cette désordonnée biguine :
ALEXANDRE PATI (Biguine) (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
(rondeuu ! Q u a r t i e r du L a m e n t i n où nulle p a r t la fête n'a été plus brillante
Nos Fêtes Communales... FÊTE DE LA GONDEAU E t voilà « G O N D E A U » ! c o m m u n e ou q u a r t i e r d u « L A M E N T I N ». « G O N D E A U » où n u l l e p a r t , la fête n ' a été p l u s b r i l l a n t e , p l u s gaie, p l u s e x c i t a n t e , m a i s a u s s i p a r f o i s p l u s s a n g l a n t e !... « G O N D E A U » où r o u l e le t a m b o u r qui a n n o n c e
« LAGUIA » ou la « H A U T E T A I L L E » !...
Le t a m b o u r c h e v a u c h é p a r u n g a r s q u i t a p e s u r la p e a u de m o u t o n t a n é e et bien t e n d u e t o u t e n le r a p a n t avec le talon. Un a u t r e g a r s d e r r i è r e lui, avec d e u x p e t i t s b â t o n s , t a p e en c a d e n ç a n t la d a n s e et en f a i s a n t des c o m m a n d e m e n t s t a n d i s q u e les d a n s e u r s de t o u s âges p r e s s é s les u n s c o n t r e les a u t r e s , d a n s u n e n c h e v ê t r e m e n t de longs b r a s et des j a m b e s de t o u t e s teintes, d a n s de b r u s q u e s d é t e n t e s de j a r r e t s d a n s e n t ce « LAGUIA » qui s ' a c h è v e r a b r u y a n t , c o m m e la r a y o n n a n t e a p o t h é o s e de la joie et de l ' a m o u r .
« LA FETE GONDEAU » ( P a r o l e s et m u s i q u e de L é o n a G A B R I E L )
Case-Navire ! L ' a i r est r e m p l i de musique, de rires, de chants
Nos Fêtes Communales... F Ê T E D E SCHOELCHER, CASE-PILOTE, BELLE-FONTAINE Et la fête continue dans toutes les communes de l'île : « SCHOELCHER », « CASE-PILOTE », « BELLE-FONTAINE ». C'est un peu partout la même ambiance de gaieté, de joie exubérante. Chaque commune déploie les mêmes fastes, les mêmes luxes extravagants de places enguirlandées, de paillotes illuminées. Le ciel d'un pourpre royal scintille d'étoiles avec tout le charme mystique des bougies d'anniversaires. L'air est rempli de musique, de rires, de chants, de détonations de pétards qui font sursauter bêtes et gens. Dans ces communes du littoral ruisselantes d'électricité et de musique, les petites cases bordant les plages ont fait peau neuve et sous la voûte des cocotiers entre-croisés au-dessus des chemins rouges et verts, on respire la joie, la quiétude et la paix. Les merles tracent des traits de feu dans l'air et les petites chapelles construites sur les rochers au loin ont le même style sympathique que les cases et rutilent des lumières tremblotantes des cierges et des bougies allumés. Sur les plages, les marins-pêcheurs accordent toute leur activité aux astiquages et aux pavoisements des barques qui prendront part à la course à la rame ou à la voile, qui se disputera avec t a n t d'acharnement. Etlebal public du marché s'ouvrira aux accents de cette biguine :
« M I E N B A G A I L L E QUI CHAUD! QUI DOUX!» ( P a r o l e s et musique de Léona GABRIEL)
Sur la plage du Carbet l'ombre discrète des cocotiers s'allonge démesurément
Nos Fêtes Communales... FÊTE DU CARBET Le soleil disparaît déjà au loin dans la mer, et sur la plage du « CARBET » l'ombre discrète des cocotiers s'allonge démesurément. Une dernière lueur du jour finissant inonde le pays et les formes du paysage s'estompent de plus en plus dans le crépuscule. Soudain, d'un bout à l'autre de la commune, s'étale un papillottement de lumières infinies. Sur les places, la foule grouille autour des paillottes, des marchandes de sucreries, de gâteaux de toutes sortes, autour des jeux, tous ces jeux qui sont les principales attractions des fêtes patronales, et autour desquels les joueurs excités, passionnés, énervés, se ruent avec des gestes désordonnés et parfois menaçants. Ces jeux par lesquels ils semblent vouloir construire un monde enchanté, comme pour s'évader de l'autre bêtement rétréci par les convenances, les défenses, les stupides préjugés et toutes les absurdités des uns et des autres. Ces jeux qui dégénèrent si souvent en tueries et quand (appelez-le comme vous voulez) la malchance, la poisse, la guigne, s'y mêlent et qu'ils ont tout perdu ! Eclatant de colère et de rage, ils offrent comme enjeu n'importe quoi !... leur chapeau de paille ou de feutre dont ils étaient si fiers et qui les rendaient si botzé ! Ils offrent leur chemise et offriraient leurs femmes s'ils le pouvaient, tandis qu'au loin arrivent les accords de cette mazurka :
TINA... TINA (Biguine) (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
Licence eden-19-7-4118347-7-91470340-6118173 accordée le 18 décembre 2018 à [email protected]
Saint-Pierre ! La fête c o m m u n a l e qui réveille chez ceu.r qui l'ont c o n n u e et qui vivent encore tant de souvenirs
Nos Fêtes Communales... F Ê T E D E SAINT-PIERRE Et voilà « SAINT-PIERRE » ! Sa fête communale qui réveille chez ceux qui l'ont connue et qui vivent encore tant de souvenirs !... Tout comme ailleurs, c'est une débauche de lumière, de paillottes fleuries. Des bandes de jeunes filles, plus belles, plus aguichantes les unes que les autres, se promènent bras dessus-dessous, à travers les rues. Une d'entre elles raconte une histoire avec une surabondance verbale inépuisable et puis chante des refrains que les autres reprennent en chœur. En dépouillant l'histoire de ces refrains, il ne nous reste le plus souvent qu'une légende qui erre, piétine, s'égare, se grossit d'éléments hétérogènes. Quant à l'inspiration du leit-motiv, elle est souvent terre à terre, prend à partie certaines personnes et ces refrains ont presque toujours un caractère méprisant et insultant sans pour cela être méchant car souvent il s'agit seulement de rire ensemble d'une bonne farce qui a été jouée à quelqu'un. Mais on ne fête pas « SAINT-PIERRE » sans évoquer ses vieilles chansons et quand le bal public commence, c'est avec u n cri de joie qu'on accueille la clarinette qui module cette vieille biguine comme un rappel des beaux soirs des fêtes patronales de la «VILLE MORTE».
« ETI
TINTIN »
(Folklore)
« Le P r ê c h e u r » que semble d o m i n e r « La Pelée » d o n t le cône se découpe à l'horizon
Nos Fêtes Patronales... FÊTE DU PRÊCHEUR Et voici le « P R E C H E U R » q u e s e m b l e d o m i n e r la « P E L E E » d o n t le cône se d é c o u p e à l'horizon. Au pied de la m o n t a g n e , c ' e s t c o m m e u n p a y s a g e d ' a s t r e s m o r t s e n v e l o p p é et p é n é t r é d u beau silence de la n u i t , t a n d i s q u e le « P R E C H E U R » r u t i l e de l u m i è r e et des b r u i t s de la fête. Des m a r c h a n d e s de s u c r e r i e s , de g â t e a u x , d e v a n t leurs é v e n t a i r e s , o f f r e n t l e u r s d o u d o u c e s a u x p a s s a n t s avec l e u r p l u s g r a c i e u x s o u r i r e et l e u r s q u o l i b e t s qui n ' o n t r i e n à e n v i e r à ceux des titis p a r i s i e n s . L a R a d i o et les p i c k - u p d é v e r s e n t des a i r s q u i f o r m e n t u n e sorte de c a c o p h o n i e q u e d o m i n e n t les cris s t r i d e n t s des c l a r i n e t t e s , l a n ç a n t cette b i g u i n e :
« STEPHANE !... L'HOMME AUX TROIS COULEURS !» (Folklore)
Le « M o r n e - R o u g e » ! La fête qui déverse sur le pays e n t i e r le sourire de la l u m i è r e et l'invitation de la vie
Nos Fêtes Patronales... FÊTE DU MORNE-ROUGE Au « MORNE-ROUGE », la fête patronale commence par les cérémonies religieuses. Dans l'Eglise en liesse, la Grande Messe est célébrée grandiosement et les hymnes, les psaumes, les cantiques semblent monter au ciel dans les parfums des fleurs, de l'encens et des cierges allumés à tous les hôtels. La Messe terminée, c'est la ruée vers les places où se trouvent paillottes, courses en sac, tirs aux canards, jeux de baquets, mâts de cocagne. Ces mâts de cocagne enduits de savon et où sont suspendus en essaim, jambons, saucissons, boîtes de sardines, paquets d'allumettes, tablettes de chocolat, et qui font la joie des petits et des grands, puis les manèges pris d'assaut e-t le bal public au marché où l'on dansera jusqu'au jour. « Cinq heures » ! Les cloches de l'Eglise sonnant l'Angélus, ébranlent l'air et les premiers feux du soleil levant ont fait taire tous les bruits de la fête. Des restes de gouttelettes de rosée bleue sont accrochés haut dans les ramures immobiles. Le firmament ressemble à la nappe bleue d'une prairie de vitrail où pâture un troupeau moutonneux de nuages d'argent et nous révèle la beauté du ciel, tandis qu'au loin, dans la campagne environnante qui étale partout sa splendeur, le tambour gronde encore avec un bruit de tonnerre pour ce « LAGUIA » qui clôture la fête en déversant sur le pays entier le sourire de la lumière et l'invitation de la vie.
DOUDOU ! MOIN KA MANDE OU PADON ! (Biguine) (Folklore)
« Grand-Rivière » ! De la terre moite monte une odeur âcre et tiède
Nos Fêtes Patronales... FÊTE DE GRAND-RIVIÈRE « GRAND-RIVIERE » fête sa Patronale. Le clocher de l'église pointe sa flèche sous le ciel d'un bleu métallique et dispense aux campagnes environnantes le chant sonore et doux de ses cloches. Le jour baisse insensiblement. Les derniers rayons du soleil couchant coiffent les cimes lointaines des montagnes et de la terre moite monte une odeur âcre et tiède. « GRAND-RIVIERE » fête sa Patronale, pareille à celle de toutes les autres communes. Le bourg rutile de lumière et comme partout ailleurs, de belles filles de toutes teintes, au charme étrange, avec le même visage lisse, les mêmes prunelles fauves, la même bouche voluptueuse et charnue, le même ovale allongé, vont et viennent avec une joie puérile qui leur met le rire aux lèvres, agrandit leurs yeux, éclaire leur face, et dans le bruit de la fête qui commence, les accords d'un orchestre de bal, montent éclatants et sonores, préludant cette vieille valse de notre folklore.
«NOTRE PETIT PARADIS» (Paroles du refrain de Léona GABRIEL. Musique du folklore)
Le Macouba ! D'autres jeunes battent des m a i n s
Nos Fêtes Patronales... FÊTE DU MACOUBA Le soir tiède et léger, traversé d'une brise fraiche accourue du large et chargée d'une acre senteur marine, enveloppe « MACOUBA » qui fête aussi sa patronale. La foule circule lentement, admirant les paillottes illuminées et les jeux de toutes sortes. Des garçons suivent des filles, l'esprit tendu vers les convoitises charnelles, s'efforçant de les séduire, de leur plaire, de se mêler à elles. C'est une atmosphère étrange de passion qui flotte dans l'air, un immense besoin de tendresse qui fait palpiter la chair, et dans le bal public qui commence, dans la douceur tiède cui monte de la terre, ils dansent tandis que d'autres jeunes battent des mains, pointent en cadence à rudes claquements de paumes les mouvements si bien rythmés de cette mazurka :
« MOIN OLIVIA » (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
Basse-Poiiite ! L'horizon s'obscurcissait d'ombres mauves s u r Basse-Pointe
Nos Fêtes Patronales... F Ê T E DE BASSE-POINTE L'horizon s'obscurcissait
d'ombres
mauves
sur
« B A S S E - P O I N T E ».
Le
vent
chassait
un
t r o u p e a u de n u a g e s b l a f a r d s à t r a v e r s le ciel et v a p o r i s a i t sans a r r ê t u n e p l u i e f i n e et tiède q u i n o y a i t le p a y s a g e . Le soleil a g o n i s a n t e f f l e u r a i t l ' a r ê t e des m o n t a g n e s a u loin et d ' u n c o u p l ' o b s c u r i t é p r i t p o s s e s s i o n de la terre. Les f e u x s ' a l l u m è r e n t , r o u g e o y è r e n t de p a r t o u t et les p r e m i è r e s étoiles t r o u è r e n t de l e u r s p o i n t e s d ' o r la v o û t e d u ciel. Les d é t o n a t i o n s de p é t a r d s se m u l t i p l i a i e n t , les cris des e n f a n t s c o u r a n t p a r t o u t , émerveillés, les j u r o n s des j o u e u r s a p r è s u n c o u p m a n q u é et, d o m i n a n t t o u s ces b r u i t s , l ' o r c h e s t r e du bal j o u a n t c e t t e b i g u i n e :
« CHARLOTTE BOSSE A COCO » (Folklore)
Le Marigot Les m o r n e s assaillis p a r sa belle flore r é s o n n e n t de mille joyeuses c l a m e u r s
Nos Fêtes Patronales... F Ê T E DU MARIGOT Une atmosphère de fête, de libations, règne sur « MARIGOT ». Les basses-terres qui traînent dans la mer leurs pinces de vase, les mornes assaillis par sa belle flore, résonnent de mille joyeuses clameurs ! La fête ne commence vraiment et comme partout, qu'à la fin de l'après-midi. La joie, l'animation mettent une sourdine jusqu'à cet instant-là. De minute en minute l'expectative devient plus ardente, l'impatience croît et après ce répit d'attente, les sons, les odeurs et la lumière se livrent à un ballet vertigineux. Les langues dégourdies babillent des propos pimentés et l'école communale où s'est installé le bal public est prise d'assaut par toute cette jeunesse du « MARIGOT » qui se sent comme électrisée par les accords de cette biguine :
« TIT BOURRIQUE » (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
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« Le L o r r a i n » ! « Le L o r r a i n » au bord du rivage sans h a v r e
Nos Fêtes Patronales... F Ê T E DU LORRAIN Le « LORRAIN » au bord du rivage sans havre, n'offre pas, comme les autres communes côtières, le décor des filets de pêche séchant au soleil, des barques reposant sur le sable fin. La mer toujours en furie, aux heures des brutalités très fréquentes, emporte tout !... Sur la Place du Marché, le spectacle des paillottes décorées de palmes et de drapeaux, des branchages rouges et jaunes, des lianes et des fougères, est imposant et convie à la gaieté, aux sourires et à l'entrain naturel, ce petit monde secoué de rires sonores, des interpellations. Dominant la rumeur des conversations, arrivent à eux comme un rafraîchissement que leur cœur altéré n'avait jamais connu, les accords de cette biguine :
« PAS COUTE MENTEUR » (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
C'est une b a c c h a n a l e de lumière et de couleurs qui e n v e l o p p e n t le pays e n t i e r
Nos Fêtes Patronales... FÊTE DU ROBERT Et voici le « ROBERT » qui, dans toute sa splendeur, fête aussi sa Patronale. C'est une bacchanale, une débauche de lumière et de couleurs qui enveloppent le pays entier. De la terre pénétrée de chaleur monte comme un vaste ronronnement de béatitude. L'air embrasé et plein de vibrations semble chargé d'innombrables et secrètes fermentations. Sous l'immense splendeur du ciel s'étale le spectacle du « ROBERT » rehaussé d'éclatantes lumières. Au milieu de la baie, sur les eaux d'un bleu profond, les barques pavoisées de drapeaux, de fleurs de bougainvilliers, se balancent avec lenteur et au-delà jusqu'à l'horizon, la mer étend sa nappe scintillante et déroule sa longue houle régulière et profonde. Le spectacle de la baie est féerique. Un radeau pavoisé aussi de fleurs, de drapeaux, de lanternes de toutes couleurs, et sur lequel un orchestre est installé, se balance doucement. A voir cette baie du « ROBERT », on a l'impression de recueillir des témoins d'une beauté antérieure, charriés dans un fleuve de vulgarités et d'insipidités, comme un beau rève émerge de la nuit d'un amnésique. Sur la place, les petites paillottes sont aussi féeriques et une foule compacte s'y presse pour déguster sirops de toutes couleurs, jus de fruits de toutes sortes mais surtout « ALOLO » a. Plus loin, des petites tables où sont installés les jeux de welto, baccara, rouge et noir, serbi, tous ces jeux qui font de la plupart des joueurs des déplumés. Puis, c'est la maison d'école, transformée en salle de bal et où l'orchestre lance les premières notes qui semblent jeter aux étoiles, cette vieille et ensorcelante biguine :
«CE JEUNESSE ACTUELLEMENT A » (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
Le « Vauclin » ! La m e r p a r t o u t si m e r v e i l l e u s e m e n t belle, si é t e r n e l l e m e n t jeune, se soulève et s'abaisse l e n t e m e n t c o m m e le sein d ' u n e f e m m e haletante d ' a m o u r
Nos Fêtes Patronales... F Ê T E DE PARTOUT Nos fêtes communales dans le SUD comme dans le NORD, restent toutes pareilles et c'est dans la même ambiance, et avec le même éclat qu'elles se déroulent. Au « SAINT-ESPRIT », à « DUCOS », au « FRANÇOIS », c'est partout les mêmes paillottes étincelantes comme des étalages de bijouterie, le même pavoisement de lanternes vénitiennes de toutes couleurs, de lauriers fleuris qui cueillent les lumières et éblouissent le regard de leurs chatoiements irisés. Au « VAUCLIN », au « DIAMANT », à « SAINTE-LUCE », au « MARIN », à SAINTE-ANNE », la mer partout si merveilleusement belle, si éternellement jeune se soulève et s'abaisse lentement comme le sein d'une femme haletante d'amour. Tout le long de ses amoureuses plages, indolemment abandonnées aux baisers de la mer les barques des pêcheurs paraissent flotter audessus d'elle, glissant dans l'espace comme des papillons blancs sur une immensité de bleuets !... A «RIVIERE-SALEE », «PETIT-BOURG», «RIVIERE-PILOTE », on plie bagages, on déménage, et les bruits de la fête, les cris des marchandes de toutes sortes, les jacasseries féminines, la musique larmoyante des chevaux dé bois, des phonos à court de disques rabachant les mêmes morceaux, partout nos « FETES COMMUNALES » s'achèvent. E t c ' e s t f i n i !.:. nos fêtes communales s'achèvent, laissant au cœur des souvenirs inoubliables q u e l ' o n g a r d e , que l'on conserve, que l'on retrouve avec des joies d'amour, de volupté et la g r i s e r i e d e c e t t e -gouailleuse rengaine :
« DU
FEU
PRIS
EN
TETE
(Folklore)
MADAME
LA »
Il f a u t m e t t r e un P, a dit le j o u r n a l « I n f o r m a t i o n », sur notre folklore. Mais p o u r q u o i pas sur 1848, puisque le temps a couvert tous ces haillons du passé. Mais l'histoire est là
NOUS N'IRONS PLUS AU BOIS ou UN «P» PARTOUT, SUR TOUT Dans un journal local, j'ai lu ces jours derniers avec beaucoup de tristesse et de peine cette phrase : « Nous devons mettre un « P » sur la musique martiniquaise, et dire « ADIEU » à nos biguines et à nos mazurkas ! » Je ne fais, certes, pas un crime il mes jeunes compatriotes de vouloir évoluer, mais pourquoi ce « P » sur notre musique, sur nos danses, sur tout ce qui faisait le charme, la beauté de notre pays. Mettre un « P » sur notre folklore, sur notre patrimoine musical, c'est aussi mettre un « P » sur toutes nos traditions, sur toutes nos coutumes, sur tout ce que nos ancêtres nous ont inculqué de générations en générations et que, jalousement, nous avons toujours gardé. En y pensant encore, je sens une douce torpeur m'envelopper et voici que je rêve... Je rêve et là, devant mes yeux, dans une sarabande effrénée, je les vois tous debout, brandissant leurs instruments en signe de protestations. Les voici ceux de « SAINT-PIERRE » ! « CYRIQUE, LUDGER LIBON, LES FRERES CERAN, ANTOINE LIBON, MASSI, HOMERE MONDA, BONIFACE, ALPHONSE-POULOUTE, OCTAVE, ISAMBERT, FArTELEAU », et plus près de nous, suivant les autres dans ce «DEBOUT LES MORTS ! » voici : « ADIDI, ROMULE, PIERRE EDRAGAS, ALEXANDRE STELLIO, EDGARD AUGUSTIN, MARIUS LANCRY, CRESTOR. » Et voici les vivants qui entrent dans la danse : « VICTOR CORIDUN, LEON APANON, ISAMBERT VEILLE ». Et voici « SAINT-HILAIRE » qui garde au fond du cœur, la dernière vision de tout ce qu'il ne verra plus. « Nous devons mettre un « P » sur la musique martiniquaise et dire « ADIEU » à nos biguines et à nos mazurkas... Mais il faut mettre aussi un « P » sur tout ce qui reste du vieux passé. » Fort heureusement que l'histoire est là qui répond et l'histoire, malheureusement, pour beaucoup, ne s'efface pas !... Il faut mettre un « P » sur nos musiques, sur nos danses, D'ACCORD ! mais aussi sur l'histoire de notre pays ! Il faut mettre un « P » sur 1848 ! puisque le temps a couvert tous ces vieux haillons du passé. « OUI ! » l'histoire est là ! et elle dira que les ennemis du folklore martiniquais, ce sont les Martiniquais eux-mêmes, seuls les Martiniquais ! Mais en attendant voici une vieille chanson de « SAINT-PIERRE » :
«VIEUX VIANNE» (Folklore)
Belles das de chez nous. Das ! a u x a n n e a u x p a n i e r s Das ! a u x colliers c h o u x
NOUS N'IRONS PLUS AU BOIS ou UN «P» PARTOUT, SUR TOUT (suite) Et puisque nous sommes en train de mettre un « P » sur notre folklore ! Puisque nous devons dire « ADIEU » à nos biguines et à nos mazurkas ! Puisque nous devons mettre un « P » sur tout ce qui faisait de notre « MARTINIQUE », de notre belle « MADININA »... la plus belle perle des « ANTILLES » ! Profitons de cette distribution de « P » et d' « ADIEUX »... et disons un dernier « adieu » aux disparues de longue date... à nos « DAS ». Nos « DAS » !... Belles « DAS » de chez nous ! sensibles et vivantes, aimables et accueillantes. « DAS » de chez nous dont le c œ u r contenait tout ce qu'un c œ u r féminin peut contenir de pitié, de douceur tendre, de dévouement et de courage. « DAS » de chez nous qui ont gardé avec le même soin jaloux, les mêmes attentions, la mère, la fille de la mère, la petite-fille de la grand-mère. «DAS» naïves, au cœur simple comme celui des bébés dont elles avaient la garde ! «DAS» aux esprits d'élite, aux délicatesses et aux élégances d'affection sans pareille. « DAS » de chez nous, confidentes des peines, des chagrins, des soucis, des infortunes. «DAS» de chez nous ! « DA PAULIN E », « DA N ANIE », « DA CONSTANCE », « DA CAMILLE », « DA AGNES », « DA LUCIENNE », « DA LAURENCE ». « DAS » de tous les noms féminins du calendrier. « DAS » qui ont guidé nos premiers pas ! qui ont vu nos premières dents ! qui se croyaient largement payées p a r la douceur de l'existence qui leur était faite. « DAS » de chez nous qui n'attendaient rien en échange de ce qu'elles donnaient ! « DAS » de toutes les fêtes, de toutes les joies, « DAS » parées comme des châsses, vêtues de leurs plus beaux atours. «DAS» aux anneaux p a n i e r s ! « D A S » aux colliers choux ! « D A S » qui, de générations en générations, portaient les enfants au baptême, les conduisaient à leur Première Communion ! et plus tard, avec quelle arrogance, quelle élégance, quelle fierté, quelle distinction, soutenaient les longs et vaporeux voiles des mariées ! « DAS » de chez nous, pour qui l'affection ne se payait qu'en affection, qui savaient conserver leur tendresse, leur attachement jusque dans la mort ! « DAS » de chez nous qui, avec tous les vieux airs de notre folklore berçaient les pleurnicheries, les chagrins de nos petits pour les e n d o r m i r :
« SI PITIT YCHE MOIN PAS LE FAIT DODO !» ( Folklore)
La où en se la
bibliothèque « Schoelcher » tous ceu.v qui d e s c e n d a i e n t ville p o u r la p r e m i è r e fois signaient, p r e n a n t p o u r une église
PETITS FAITS... PETITS RIENS MARTINIQUAIS Il y a des gens qui adorent les départs et les arrivées des bateaux et qui se rendent à la « Transat » au premier signal comme ils vont à la messe au premier son de cloche ! MOI ! J'adorais les arrivées des petits yachts faisant le trajet « Petit-Bourg, Fort-de-France, Lamentin, Fort-de-France », qui arrivaient « VOUCKOUM ! VOUCKOUM ! », débarquant le flot bruyant des campagnards traînant après eux ou juchés bien en équilibre sur leur tête : sacs, paniers remplis de légumes, de fruits de toutes sortes, et se rendant au marché. Ces petits yachts « SALLERON MAROTEL » qui mettaient tant d'animation, t a n t de joie mais aussi tant de vociférations à leur arrivée comme à leur départ ! dans ce petit coin du carénage. Ce qui m'amusait et que je guettais, souvent cachée derrière un arbre, sur la savane, c'était le passage de ces campagnards devant la bibliothèque « SCHOELCHER » où tous ceux qui descendaient en ville pour la première fois, se signaient, la prenant pour une église. D'autres passaient la grille et s'agenouillaient en un pieux recueillement troublé par le rire des passants qui leur criaient : « Cé pas en l'église ! cé en case livres ! » Et les rires les accompagnaient jusqu'au marché. Souvent l'un d'eux se retournait vexé et lançait des injures du p u r cru martiniquais et on entendait les injuriés outrés qui leur criaient : « Cé bien ça ! Tiré chique ba nègre, i k a mandé' ou course courL! », tandis que je marchais vite vers une maison d'où s'échappaient les accords de cette valse de notre folklore :
«PETITE REINE DES TROPIQUES» (Paroles de Léona GABRIEL. Musique du folklore)
Ces chemins, ces coins qui d o n n e n t le p a i n blanc et avec l ' a m o u r d u r de la femelle, la p r o f o n d e joie de vivre
PETITS FAITS... PETITS RIENS MARTINIQUAIS (suite) Dans le soir tiède, d'une douceur qui caresse la chair, le crépitement aigre d'une mandoline se fait entendre et un chanteur glapissant à la lune, debout devant le marché et entouré de badauds, lance en un trémolo langoureux, une biguine de sa création. La voix du chanteur plane sur la r u m e u r des conversations, le klaxon des autobus déversant leurs marchandises. C'est un tohu-bohu fracassant, un feu d'artifice de sons qui se fondent en un accord unique, ininterrompu, voluptueux, douloureux, le chant de l'àme martiniquaise ! Puis, le chanteur sourit ! retrousse un peu les lèvres pour montrer ses dents blanches et se tourne de droite à gauche vers les badauds, offrant ainsi ses chansons imprimées sur du papier de toutes couleurs. « QUI EN VEUT ? »... C'est cinquante francs ! Cinquante francs ! Et dire qu'il n'y a pas si longtemps, pour moi, « COUCOUNE », « CHERUBIN », « ETIENNE », nos braves « commères » vendaient les miennes cinq sous sur lesquels j'avais trois sous, juste de quoi payer à mon copain, mon ami, Jean Saint-Louis, le papier sur lequel il me les imprimait. « PETITS FAITS... PETITS RIENS » dans ce pays où la nature a tant gâté ses enfants, dans ce pays où les herbes poussent plus hautes que partout ailleurs, où les cris des oiseaux sont plus purs, ce pays où la nature, semble-t-il, a voulu rassembler ses charmes les plus étranges et les plus bucoliques à la fois. Ce pays où se sentait le bonheur, si je ne m'abuse, plus durable et meilleur que tous les bonheurs décrépits, tissés de mélancolie, de regrets ou de peur triste et jalouse. Ce pays où on savait aimer sans points factices d'exclamation, sans guillemets prétentieux, où les baisers ponctuaient seuls les babils sans phrase mais non sans ivresse ! Mais à quoi bon tous ces regrets inutiles, oublions ! oublions ! et écoutons cette vieille rengaine de notre folklore qui nous aidera à retrouver les chemins où l'oiseau chante, où la fleur sourit. Les chemins qui conduisent vers les agrestes travaux, les chemins pétris de noble, d'honnête réalité, les chemins qui donnent le pain blanc et avec l'amour dur de la femelle, la profonde joie de vivre, le sourire de la pensée la plus profonde !
TANT PIS POU ÇA QUI PAS NI DOUDOU (Biguine) (Folklore)
Eu.r et moi ! E u x ! ce sont mes copains ! Les copains de m a t u r b u l e n t e jeunesse !
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EUX... ET MOI « EUX» !... ce sont les copains, les miens, les copains de ma turbulente jeunesse !... Les copains que j'aime tant à retrouver dans mes souvenirs, quand seule avec moi-même, je les fais défiler devant mes yeux tel un film, avec tout ce que comporte ce film de beau, de gentil, d'affectueux, de sincère, de gracieux et même de douloureux. C'était bien avant la guerre 14/18, le football commençait à prendre de l'extension ici et quelques jeunes décidèrent de fonder un Club. Dans une vieille cour aux murs délabrés de la rue Ernest-Renan, les deux frères Moyse louèrent une chambre. Comme ameublement, deux lits de camp, une table boîteuse, deux chaises et leurs vêtements accrochés çà et là aux h a s a r d s des clous branlants. Ils furent d'abord quelques-uns, peut-être une dizaine, puis d'autres vinrent plus nombreux se joindre à eux et dès six heures du soir, tous ces jeunes, ivres de liberté, de joie, de plaisirs, de soleil, remplissaient la vieille cour. Les liens de camaraderie amicale se resserrèrent entre les membres du trépidant Club tout en laissant une grande liberté à chacun. On discutait foot-ball, on commentait les faits saillants du jour, on ignorait la politique, on parlait du passé et du présent, mais jamais de l'avenir qui semblait réservé, muré comme s'il ne devait pas arriver. Le folklore de mon pays, c'est pour moi un univers plein de beautés que je ne voudrais pas voir tomber en ruines ! Et comment le vivre, le revivre, sans évoquer tous ces copains dont la plupart de ceux qui vivent encore, ne sont plus maintenant que des patriarches qui font danser sur leurs genoux leurs petits-enfants. Mes copains !... L'équipe du fameux Club : AUGUSTE et CASTELLY MOYSE, PELLIERE et JO, NENEL DONATIEN, BERNARD SARDABY, ANTONY et CHARLES PETERS, ERNEST TAVIERE, MATHURIN, ROBARD, RAPHAËL RAMIN, LEONARD DUILLET, JULES et ALBERT PARIS, GABRIEL AUGUSTIN, EUGENE FERDINAND, ROLAND GRANGENOIS, RICHARD et MANO POURTOUT, RENE TI-I-TAMING, ANTONY DILON, FORDANT, BIENSEANT, et tant d'autres encore. C'est avec un beau sourire que j'évoque votre souvenir à tous et le souvenir des beaux soirs passés dans cette vieille cour, où nous retrouvions la fraîcheur, le naturel, la naïveté, et aussi l'insouciance, l'insolence et un peu le cynisme de nos vingt ans, tandis qu'éclataient, égrenées comme des perles sonores au fond d'un vase de cristal, les premières notes de cette vieille mazurka de notre folklore :
«MOIN KE MONTE SAVANE PERINNELLE' A» (Folklore)
Dans cette ambiance on avait alors le sentiment de s'arracher à une légende romantique pour se ramener vers la vie brève
EUX... ET MOI (suite) Comme la vie en ce temps-là était belle et comme on était heureux de vivre dans cette vieille cour et comme on s'y amusait de tout et d'un rien, car les amusements s'avéraient souvent puérils et bêtes, à peu près toujours les mêmes ! Lorsqu'un campagnard demandait le plus court chemin pour telle ou telle rue, invariablement on l'aiguillait au rebours de la bonne direction. Cette plaisanterie était devenue tellement une habitude qu'elle ne parvenait plus à divertir personne. On ne la continuait que par routine. D'autres fois, on liait ensemble deux chats par la queue, et de rire et de se tordre devant l'inutilité de leurs efforts, de la bataille qu'ils se livraient. Et la peur folle d'un pauvre chien à la queue duquel on fixait une vieille casserole de fer blanc, et on pratiquait une foule de plaisanteries du même genre comme d'accrocher avec une épingle, recourbée, un morceau de chiffon au dos d'un copain qui s'en allait, fier comme Artaban, sans se douter qu'il lui était poussé une queue au dos. Ils poussaient leurs taquinerie à l'extrême et les marchandes des rues, les disgraciés de la nature, en savaient quelque chose. D'Auguste, pété boyaux ! jusqu'à Caca diable en passant par Julie mi la croix, Couli bouffi, Pomme tê ! Tout le monde y passait. Ce n'était pas bien méchant, mais simplement le jeu de grands gosses. Et dans cette ambiance, on avait alors le sentiment de s'arracher à une légende romantique pour se ramener vers la vie brève et à l'appel des mandolines étranglant cette biguine :
« LUTIMA » (Folklore)
Q u a n d la lune p o u d r é e de frais tout en h a u t du ciel, éclairait la ville e n d o r m i e
EUX... ET MOI (suite) J'ai toujours eu une certaine prédilection pour les copains, car avec eux, jamais d'histoires, jamais de cancans si chers aux femmes de chez nous. La plupart d'entre eux faisaient de la guitare et de la mandoline : « ANTONY PETERS, RICHARD POURTOUT », guitaristes « AUGUSTE MOÏSE, ANTHENOR, CHARLES PETER », les mandolinistes, etc... Attirée vers eux, surtout par la musique, seule avec eux aux soirs de pleine lune, quand le ciel était pur, lumineux, d'une richesse infinie d'étoiles, quand la lune poudrée de frais tout en haut du ciel, éclairait la ville endormie, nous partions en groupe, guitares et mandolines en tête, et c'était, mêlées aux valses, aux biguines, aux mazurkas de notre folklore, toutes les nouveautés parisiennes, de la « P E T I T E TONKINOISE » aux « BORDS DE LA RIVIERA ». La partie chant m'appartenait !... On s'arrêtait devant les maisons amies où l'on donnait des sérénades, des aubades ! encore une de nos vieilles coutumes presque complètement disparue, et la tournée s'achevait à minuit et on se quittait, heureux de la bonne soirée écoulée et en jetant aux étoiles cette belle biguine :
DOUDOU MOIN DANS BRAS MOIN (Biguine) (Folklore)
1914 ! Puis la g u e r r e vint avec tout son cortège de désolations, et d é m a n t i b u l a le club de mes copains. Un d é p a r t de soldats.
EUX... ET MOI (suite) Puis la guerre 14/18 vint avec tout son cortège de désolations et démantibula le « CLUB ». On vit partir « EDOUARD SIMON », mon bon Edouard si regretté, Edouard, jeune avocat plein de talent, à peine à son début de carrière, puis « GABRIEL AUGUSTIN », « PIERRE EDRAGAS », et tant d'autres encore qui ne revinrent jamais, tombés face aux « BOCHES ». Dès le premier soir de leur incorporation, il y eut comme un voile de deuil sur la vieille cour. Puis, l'entrée de Pierre EDRAGAS détendit les esprits. Pierre, un peu le boute-en-train du « CLUB », Pierre qui avait toujours une bonne farce à faire, une bonne histoire à raconter, nous raconta sa petite histoire : Incorporé à « ROCHAMBEAU », on avait rassemblé tous les soldats dans la cour pour l'appel et on avait placé un illettré à côté d'un lettré chargé de lui rappeler son nom et de lui faire répondre « PRESENT » à son appel. Soudain on appela « HIPPOLYTE JEAN-MARIE » ! « HIPPOLYTE JEAN-MARIE » ! Personne ne répondit. Mais Pierre sursauta en jetant les yeux sur le livret de son voisin et lui dit vivement : Cé ou « HIPPOLYTE JEAN-MARIE », réponne « PRESENT » ! Mais l'autre, indigné, furieux, lui répondit : Qui « PRESENT » ! Qui « PRESENT » ! case en man moin, cé tit Popo yo ka crié moin, cé pas pièce « PRESENT » ! Et Pierre jubilant attrapa son trombonne et nous lança cette mazurka :
LA NUIT (Mazurka) (Folklore)
Moi ! à 30 ans. Non ! je ne les regrette pas. On ne regrette que les choses m o r t e s et m a jeunesse, à 75 ans, est bien vivante en moi.
EUX... ET MOI (suite) Il ne faut pas croire et comme l'a prétendu un journal local que je regrette ma jeunesse !... On ne regrette que les choses mortes !... Et ma jeunesse est bien vivante en moi ! Aucun regret, aucun désespoir, aucun sentiment d'avoir vieilli ou d'être inutile ne m'a jamais envahi. J'ai toujours laissé les contradictions se résoudre dans les dessous de ma conscience et c'est souvent, lorsque je sens mes membres autant que les songes enchaînés, que je joue le mieux ma partie de Liberté. Dans mes bilans, j'ai toujours su faire apparaître, et à l'encre rouge, ce compte des Pertes et Profits, que tant d'êtres ne savent ni reconnaître, ni évaluer. Notre CLUB n'était pas exempt de critiques malveillantes, mais pour nous les ON DIT, autant en emportait le vent ! Nous savions que dans notre petit pays, et c'est toujours pareil, on ne va jamais au fond des choses. Respectez le qu'en dira-t-on, et faites ce que bon vous semblera, en cachette, à l'abri d'un voile discret, nul n'y trouvera à redire. Nous nous moquions donc de tous les qu'en dira-t-on. Nous riions comme des fous de toutes les critiques et nos rires moqueurs saupoudraient comme un vin léger les détails crus, les réflexions audacieuses auxquelles nous savions répondre par un air de biguine comme celui-ci :
MAYOTTE... MA FI... PAS PLEURE (Folklore)
Si la Martinique r e d e v e n a i t ce qu'elle était ! Revoir F o r t - d e - F r a n c e avec ses, à peine, vingt mille h a b i t a n t s !
SI LA MARTINIQUE REDEVENAIT CE QU'ELLE ÉTAIT Il est gênant d'avoir, comme moi, une mémoire de tonnerre de DIEU ! Il y a beaucoup de gens qui n'aiment pas ça ! Moi, je trouve qu'il est bien plaisant quand on peut remonter loin, très loin, et je crois aussi que lorsqu'on arrive à un certain âge on voit mieux de loin que de près, surtout quand l'ceil a trainé sur des tas de choses parfois dégoutantes et laides mais souvent lumineuses et nettes, des tas de choses fixées définitivement dans la boîte-magasin des souvenirs. «SI LA MARTINIQUE REDEVENAIT CE QU'ELLE E T A I T » !... Revoir Fort-de-France avec ses à peine vingt mille habitants. Fort-de-France où nulle existence au monde ne paraissait aussi enviable que celle que l'on y vivait. Vie facile et belle où une jeunesse compacte, unie, serrée, roulait comme un fleuve de gaieté par ses rues. Une jeunesse qu'on sentait travaillée par un flot de gentillesse et désireuse de les exprimer, toutes à la fois. Cette belle jeunesse avec sa figure bienveillante, qui brillait comme de gros sous neufs et aussi brillante que cette valse :
«VALSE IVRE... VALSE D'AMOUR» (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
Revoir ce m a r c h é où on r e t r o u v a i t une sensation de f r a î c h e u r , une o d e u r de vacances
SI LA MARTINIQUE REDEVENAIT CE QU'ELLE ÉTAIT (suite) Si la Martinique redevenait ce qu'elle était !... Revoir ce marché où on retrouvait une sensation de fraîcheur, une odeur de vacances, un festin des yeux ! Revoir les belles gueules de « YAYA LANDES », «NINISSE », « APPOLINE », «Mme BALTHAZAR » et de tant d'autres de nos marchandes si affables, si aimables et qui vous accueillaient avec tant de gentillesses. Revoir ces lots de légumes, de fruits bien étagés, qu'on vendait par tas, on ignorait les kilos, des tas d'ignames de toutes sortes pouvant nourrir dix personnes pour dix sous, le tas de patates pour deux sous, les mangots à cinq, six pour un sou, l'avocat à deux pour trois sous suivant la grosseur, le bel ananas pour trois sous. Entendre les cris de nos marchandes de poissons à l'autre bout de ce même marché qui gueulaient les coulirous, les macriaux, les balarous à trois sous pour cinq livres et le thon à cinq sous pour trois livres. Et en face, le marché de viande où le kilo de filet mignon se vendait deux francs, le reste et dès deux heures de l'après-midi, à huit ! à huit ! à huit ! à huit sous le kilo tandis qu'un vieux phono à cornet, dans une maison en face, lançait cette vieille mazurka de « SAINT-PIERRE » :
« RATE LA » (Folklore)
Revoir la r u e Saint-Louis avec ses m a g a s i n s ! Ses m a g a s i n s sans éclats, sans néon, qui p o r t a i e n t les noms de « « « « F o r b a s », « Molinard », etc...
SI LA MARTINIQUE REDEVENAIT CE QU'ELLE ÉTAIT (suite) Si la Martinique redevenait ce qu'elle était !... Revoir la rue « SAINT-LOUIS », avec ses magasins, les grands aussi modestes que les petits. Ses magasins sans éclats, sans néon, qui portaient les noms de : « CAILLA VET », « DOLIVET », « SANS PAREIL », « VINCENT », « FORBAS », «MOLINARD ». Ces magasins avec leurs marchandes aussi gracieuses que les patronnes, ces marchandes qui n'affichaient pas de sourires commerciaux ou de commande pour vous accueillir, mais un sourire instinctif, naturel, sincère et de bon aloi. Ces marchandes qui, sans impatience, sans acrimonie, sans rage, gentiment vous descendaient des étagères et vous déballaient les belles pièces de tissus indiennes, de satinette à 10, 12 et 14 sous le mètre, les petites pièces de madapolam de 10 mètres sans apprêt pour 4, 5 francs. Les véritables madras, pas les coco z'aloye, avec leur vague odeur de carry indien à 2 fr 50, les foulards carton dont se paraient nos belles matadors à 2, 3 et 5 francs. Et dans cette même rue « SAINT-LOUIS », nos bijoutiers aux vitrines rutilantes d'or et de pierreries : les « CRISOLIA », « DANIEL », « VALBON », « LAMY », qui vous offraient, payables 10, 20 francs par mois et en toute confiance, des forçats du plus gros à 325 francs jusqu'au plus petit à 75 francs et les grandes chaînes dites de sûreté, de 2 m 50 de long, avec leur grosse breloque à pompons frangés comme une banière d'enfants de « MARIE », et leur gros médaillon où l'on gardait bien cachée et recouverte d'une toute petite mèche de cheveux, la photo du bien-aimé. Ces bijoux que nos matadors étaient si fières de montrer, d'étaler, le samedi soir, au bal « LOULOU », chez le gros « BAGOE » et qui tintaient avec un bruit de cristal de Baccara quand « ADIDI » scandait du cri de clarinette cette belle biguine :
« QUAND SANGSUE COLLE .. PAS DECOLLE (Folklore)
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Revoir ces petites cases baignées d ' u n e l u m i è r e douce
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SI LA MARTINIQUE REDEVENAIT CE QU'ELLE ÉTAIT (suite) Si la Martinique redevenait ce qu'elle était ! Revoir les « TERRES SAINVILLES » avec ses petites rouettes, ses petites impasses, ses petits sentiers boueux où l'on s'y perdait si facilement et où les fourmis allaient à la file comme pour un enterrement. Revoir le dédale de ses petites ruelles où les gosses nus ou dépenaillés s'amusaient, ces gosses qui connaissaient si bien les noms des habitants de ce quartier et qui, rieurs ou gouailleurs, vous renseignaient si gentiment. Revoir ces petites cases où flottait une odeur de friture ou de confitures, ces petites cases baignées d'une lumière douce et diversement colorée suivant que le soleil donnait dans l'un ou l'autre des petits carreaux rouges, verts, oranges ou bleus qui cernaient les petites fenêtres. Revoir ce petit peuple querelleur, batailleur, insolent, à la répartie vive et pimentée, ce petit peuple à la mauvaise réputation, qui ne faisait rien posément, avec modération, qui avait l'air de partir à l'attaque même quand il s'agissait d'un enfant à torcher ou à corriger ou d'un bouton à recoudre. Ce petit peuple chez qui tout était excessif, de ses démonstrations affectueuses à ses colères, mais qui au fond était si simple et si bon enfant, si spirituel parfois et si gai, qui avec n'importe quel sujet improvisait une chanson, une rengaine qui pétillait comme un frais et bon mabi et comme cette si piquante biguine :
«LA
PEAU
FROMAGE »
(Folklore)
Si la Martinique r e d e v e n a i t ce qu'elle était ! Revoir S a i n t - P i e r r e vivant d a n s toute sa s p l e n d e u r !
SI LA MARTINIQUE REDEVENAIT CE QU'ELLE ÉTAIT (suite) Si la Martinique redevenait ce qu'elle était ! Entendre dès cinq heures et demie l'appel strident des sirènes du « HORTEN », du « RUBIS », du « TOPAZE » appelant les passagers du Nord et du Sud. Et un peu plus loin, au Carénage, les sirènes des yachts du « PETIT-BOURG », « LAMENTIN » qui rentraient, « VOUKOUM » ! « VOUKOUM » ! au quai. Si la Martinique revenait ce qu'elle était, revoir « SAINT-PIERRE » bien vivant dans toute sa splendeur. Revoir « SAINT-PIERRE » où chaque chose prenait un éclat si particulier. « SAINT-PIERRE » à la vie débordante de mouvements, d'aventures, de poésies, qui chantaient dans le sang. Revoir ce «SAINT-PIERRE» du rire, du plaisir, de l'amour, de la gaieté, qui savait si bien faire oublier les tares, toutes les tares matérielles et tout ce qu'il y a de laid, de pauvre, de banal dans la vie. Revoir défiler dans ses rues, ces petits cabriolets « MAMAN ! PREND DEUIL » au trot de l'unique et fringant petit cheval. Revoir ces petits bonshommes dans des caisses servant de canots, rôder autour des bateaux, le long des courriers, attendant les sous que leur jetaient les passagers, les touristes dans la mer, pour le plaisir de les voir plonger, se démener, se battre pour repêcher ces sous qu'ils mettaient dans leur bouche qui leur servait de porte-monnaie. Revoir le roi « BEHANZIN » suivi de sa cour, de ses nombreuses femmes-épouses, de son porteur de chasse-mouches d'un côté, et de l'autre le porteur de son parapluie, son grand parasol bariolé et frangé de toutes les couleurs. « BEHANZIN » conduisant son fils « WANILO », élève du Lycée de « SAINTPIERRE », à la distribution des prix. Revoir le jardin botanique avec son lac formant trois petits îlets et la petite yole servant à p r o m e n e r les amoureux. Revoir au coin de la fameuse rue des « BONS Z'ENFANTS » cette petite marchande de beignets de carnaval, aussi jolie que gracieuse, qui offrait ses beignets aux passants. Ces beignets enveloppés dans un grossier papier jaune où la graisse faisait des taches transparentes, si transparentes que l'on pouvait contempler les beignets avant de les manger. Enfant, j'adorais ces beignets de carnaval, mais, hélas ! j'ai depuis fumé trop de cigarettes pour pouvoir retrouver leur goût, en admettant qu'on me servit les mêmes, et les regrets de ne jamais voir la Martinique redevenir ce qu'elle était, augmentent avec cette nostalgique biguine :
« FOLIE DOUCE » (Paroles et musique de Léona GABRIEL)
Si la Martinique r e d e v e n a i t ce qu'elle était ! Contentons-nous de ce qui nous reste. Ses m o n t a g n e s bleues ! vertes ! rouges ! qui bercent d a n s leurs combes le silence et la Peux !
SI LA MARTINIQUE REDEVENAIT CE QU'ELLE ÉTAIT (suite et fin) Et la vie continue ! Plongeant les uns dans l'oubli de tout, dans l'oubli d'eux-mêmes. Les autres, riches de leurs souvenirs qui dureront jusqu'à la tombe ! Riches des souvenirs de leurs vieilles affections, de leurs vieilles amitiés. Ces vieilles affections, ces vieilles amitiés d'enfance, de jeunesse, contractées à l'époque des àmes sincères et des cœurs sans détours et qui vivent encore des souvenirs communs d'un lointain passé. Car, hélas ! les amitiés d'aujourd'hui sont exactement comme ces fleurs, qu'on retrouve entre les pages d'un livre et qui conservent leur finesse et leur parfum, mais qu'on ne pourrait toucher ni rendre à la lumière sans qu'elles ne tombent en poussière. SI LA MARTINIQUE REDEVENAIT CE QU'ELLE ETAIT !... Hélas ! contentons-nous de ce qui nous reste ! Ses montagnes bleues, vertes, rouges, qui bercent dans leurs combes le silence et la Paix, où l'odeur des feuilles mortes met au cœur des rêves d'ambre, et écoutons ce brillant « LAGUIA » qui nous fera oublier pendant quelques minutes nos chimères, nos abandons, nos misères et nos déceptions.
« EULALIE ! MOIN LE MO ! » (Folklore)
C'est fini ! et a d m i r o n s ces d a n s e u r s . Ce s o n t des p r o f e s s i o n n e l s d e ce c o r p s d e b a l l e t qui relève du g r a n d art.
C'EST FINI... C'est fini !... Le crépuscule s'étend partout sur la campagne où l'air doux et lénifiant, chargé de parfums, grise le cœur ! Sous les grands arbres qui jettent leur ombre, sur le terre-plein d'une case au toit de paille et sur laquelle on lit « DEBIT DE REGIE », des gens simples, bons, raisonnables, se contentent du peu de joie qu'il leur est donné de se réunir là après les durs travaux des champs. Soudain l'un d'eux chevauche mouton tannée et bien tendue. avec les mains en chantant et frappe avec deux petits bâtons
un tonneau vide de fond, remplacé d'un côté par une peau de La foule grossit de plus en plus. L'homme assis sur le baril tape avec le talon rape le tambour. Un autre accroupi derrière lui sur le baril vide à une vitesse déconcertante et donne de la voix.
Soudain deux danseurs se dressent l'un devant l'autre, les talons frappent le sol en cadence, les bras se raidissent en avant, tous les muscles sont tendus, ceux de leur visage sont figés dans un rictus qui découvre toutes leurs dents. Le mouvement s'accélère. Le batteur de petits bois fait des commandements et lance des phrases qui font rire et qui lui sont personnelles. D'autres danseurs entrent dans la danse, l'exaltation gagne de plus en plus les membres nerveux. De temps en temps, un danseur se détache du groupe et sans rompre le rythme de l'ensemble, parcourt quelques mètres par saccades et avec des détentes de jarrets prodigieuses. Tout est rigoureusement ordonné. Ces danseurs sont des professionnels de ce corps de ballet qui relève du grand art et rien ne semble plus révélateur de l'âme cachée de ces hommes dansant leur frénétique et pathétique « LAGUIA » sur l'air de la fameuse aventure de l'écolière « IDA ».
« Z'AFFE CO... IDA ! » ( Folklore)
Note d u t r a n s c r i p t e u - : l e s c h a n s o n s r e c u e i l l i e s d u 3 a u 31 j a n v i e r 1966.
de
cet o u v r a g e
ont
été
chantées
par
Léona
GABRIEL
(alias
Mme
Léona
SOIME)
et
TABLE DES MATIÈRES
PREFACES ET AVANT-PROPOS Henry LEMERY Robert ATTULY Gilbert GRATIANT Albert ADREA Georges MENNECHEY Victor CORIDUN
7 8 9 10 11 12
NOTES DE HAUTEUR
14
DU TIT-COLLET A LA MATADOR
15
QU'ELLES SONT VERTES NOS MONTAGNES ! La Montagne est verte Soignez i ba moin Manzè Joséphine
17 19 21
COMME ELLE ETAIT BELLE MA MARTINIQUE ! A si paré Pacotille Pas pati Colon Paean mauve Adieu foulard !... Adieu madras ! Dodo ! dodo !... Yche moin, dodo ! Coulée Doudou... vini dans bras doudou' ou
23 25 27 29 31 33 35 37
LES FETES DE CHEZ NOUS Ah ! mi Roro Gadez ! Madame là ! Edamise oh ! Maladie d'amour !... Pichemimine Grand Tomobile Petite fleur fanée Ba moin en ti bo !... doudou ! Adieu ! Sélect
39 41 43 45 47 49 51 53
LES BELLES HISTOIRES... Visé ! visé ! moin bien, Sibelmon ! Tué moin... ba moin Ninon Povre esclave ! Régina Aline pille... Aline vole
55 57 59 61 63
AU FIL DE L'EAU L'année ta la... bann la Média Jeunesse bo canal Tit Jeanne
65 67 69
NOS PETITS BATEAUX D'AUTREFOIS Pas ni pays plus belle Manzè Marie Tit Zaza Pou qui langue ou longue con ça ? . . . . . . . . . . . . . . . . . .
71 73 75 77
PAYSAGE ET SOUVENIRS Sac café Doudou !... qui jou ! Mauvais vent
79 81 83
SILHOUETTES MARTINIQUAISES Madiana
85
DIMANCHE DE CARNAVAL A FORT-DE-FRANCE Vini ouè couli a La peau canne
87 89
SAINT-PIERRE Moin descen'n Saint-Pierre Ban'n z'arrois ou la rue des bons enfants Yaya moin ni l'agent Marie-Clémence
91 93 95 97
1901... DIMANCHE DE CARNAVAL A SAINT-PIERRE L'estomac en bavaroise Régina coco Bossu a bossu co' ou La rouette Labadie L'échelle poule
99 101 103 105 107
1902... CARNAVAL DE SAINT-PIERRE Agoulou pas calé guiole ou Célestin ! roi diable dérô Cé con ça ou yé... belle doudou Marka ! Marka ! ça ou fè a pas bien
'
109 111 113 115
SAINT-PIERRE... AVRIL 1902 La Défense ka vini folle
117
SAINT-PIERRE APRES LA CATASTROPHE Vive Volcan La Comète Gadé ça ! Gadé ça ! Gadé ça ! Manman !... la Grève barré moin
119 121 123 125
LES BELLES RIVIERES DE CHEZ NOUS... Ma petite île ! mes amours ! Tony ! Tony ! Manman Corine Fifine ! ça ou ni ? moin malade ! Mes amis ! moin ainmin Madelon Ba moin tit brin d' l'eau ! souple
127 129 131 133 135 137
JOLIES PLAGES DE CHEZ NOUS... L'infidèle ou l'amour Lily Doudou ! pas remplacé moin ! Moin belle ! moin jeune ! doudou Ou ke songé Femme qui doux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Grand guiale a . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
139 141 143 145 147 149
NOS FETES COMMUNALES... En nous monter la rue Fossé Passage tracé Mussieu Loulou Alexandre pati La Fête Gondeau Mi en bagaille qui chaud ! qui doux ! Tina... Tina Eti Tintin
151 153 155 157 159 161 163 165
NOS FETES PATRONALES... Stéphane !... l'homme aux trois couleurs Doudou ! moin ka mandé ou padon Notre petit paradis Moin Olivia Charlotte bosse à coco Tit bourrique Pas couté menteur Cé jeunesse actuellement a Du feu pris en tête madame là NOUS N'IRONS PLUS AU BOIS OU UN « P » PARTOUT, SUR TOUT Vieux vianne Si pitit yche moin pas le fait dodo 1
167 169 171 173 175 177 179 181 183
185 187
PETITS FAITS... PETITS RIENS MARTINIQUAIS Petite reine des Tropiques Tant pis pou ça qui pas ni doudou
189 191
EUX .. ET MOI Moin ké monté savane Périnnelle'a Lutima Doudou moin dans bras moin La nuit Mayotte... ma fi... pas pleuré SI LA MARTINIQUE REDEVENAIT CE QU'ELLE ETAIT Valse ivre... valse d'amour Rate la Quand sangsue collé... pas décollé i . . . . . . . . . . . . . . . . La peau fromage Folie douce Eu!a)ie ! moin lé mô !
193 195 197 199 201
203 205 207 209 211 213
C'EST FINI... Z'affè cô... Ida ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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L'IMPRIMERIE
LA
PRODUCTRICE
34, r u e H e n r i - C h e v r e a u — Paris-20e
LE 27 MAI 1966
D é p ô t légal n° 85 — 2e t r i m e s t r e 1966
Prix : 50 F
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