Avec les Sahraouis, une histoire solidaire de 1975 à nos jours
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Zitiervorschau

AVEC LES SAHRAOUIS, Une histoire solidaire de 1975 à nos jours…

Régine Villemont

AVEC LES SAHRAOUIS, Une histoire solidaire de 1975 à nos jours…

L’Harmattan

À Jacky et à Matthieu, À mes parents.

PRÉFACE

UNE AMIE «SAHRAOUIE» Je pardonne à ceux qui n’ont pas de talent, c’est pourquoi je ne pardonne rien à Régine, parce qu’elle a du talent. Elle est capable de faire vivre partout où elle va en France, le drapeau sahraoui. Lorsque je l’ai rencontrée, gauchiste des années 68, elle était déjà aux côtés de Jacky, sans lequel sa vie n’aurait pas été la même. Professeur d’histoire géographie à l’École Normale du Mans, c’est là qu’elle commença à s’intéresser à la question du Sahara occidental. Son choix est à la fois intellectuel et politique, l’agression marocaine contre un peuple et des militants anti-colonialistes la font réagir. Elle va rencontrer ce petit peuple admirable, jamais accablé par sa condition de réfugiés, alors qu’il vient d’être chassé de son pays dans un lieu aride où tout est à créer. Alors voilà son combat. Il lui faut apprendre la politique et sortir de France. Elle rencontre les brillants étudiants qui vont devenir les responsables et qui vont prendre leur pays en main. C’est sous son impulsion que se développe le comité de la Sarthe des Amis de la RASD, dans une dynamique de cœur et d’intelligence. Et c’est le jumelage du Mans avec un campement sahraoui qui fait de cette ville la « capitale » française des amis Sahraouis, Robert Jarry, maire et Jeanine Rouxin son adjointe en ont été très vite convaincus. 20 ans plus tard, au moment de la célébration de l’anniversaire du jumelage, le nouveau maire du Mans, Jean-Claude Boulard, remettait en présence d’une très nombreuse assistance, la médaille du Mérite Nationale à Régine Villemont. La République Arabe Sahraouie Démocratique va naître, afin que la force du droit l’emporte sur le droit de la force. Régine a toujours cru à sa volonté de résistance à l’occupation et à l’oppression. Je l’ai appelée il y a vingt ans au bureau de l’Association nationale des Amis de la RASD, puis à la responsabilité de Secrétaire –5–

générale. Elle se révèle vite organisatrice de multiples initiatives. Sous son impulsion avec des militants capables et décidés, se met en place l’accueil des enfants sahraouis… Quelques mots brièvement, car c’est l’objet de ce livre. Que demandent les Sahraouis ? Droit à l’autodétermination, reconnaissance de leurs droits nationaux et droit à un État indépendant. Quel est le rôle de notre association ? Faire connaître la réalité des campements de Tindouf et celle de la vie au Sahara occidental occupé, engager des campagnes pour un soutien politique et matériel. Pied à pied, de citoyen à citoyen, faire évoluer la politique française, attachée jusqu’à ce jour au Maroc par des liens qui sont tus. Pas familiaux comme c’est souvent dit mais surtout financiers et associés à de multiples intérêts. La lecture de ce livre, document indispensable pour tout militant anticolonialiste passé ou présent, vous apprendra le besoin vital de l’aide humanitaire, que chacun ici peut soutenir de mille façons simples. Au moment où j’écris, je viens d’apprendre que le projet de résolution déposée par le député Jean-Paul Lecoq auprès du Conseil de l’Europe, vient d’être accepté et va entraîner de la part du Conseil enquête sur la situation au Sahara occidental. Un espoir ! Sahara Info, notre journal, produit de notre engagement, sous la responsabilité de Régine Villemont avec nos tout premiers amis, Philippe Riché, Chantal Duchastelle, Claude Mangin, Matthieu Liégeois et bien d’autres que nous retrouvons régulièrement au bureau, au gré des luttes. Je veux saluer aussi les Représentants du Front Polisario, nos ambassadeurs militants, nos interlocuteurs quotidiens, et tout particulièrement celui qui est en France aujourd’hui, Omar Mansour, venu en France avec toute son énergie pour faire davantage exister la cause sahraouie dans notre pays. Il est temps que vous preniez connaissance de ce livre, faites le lire, offrez-le à vos amis ! Notre gratitude à tous ceux qui ont aidé ou qui aideront à faire lever le drapeau de la RASD dans sa capitale, El Aïoun. Francis Jacob, Président de l’AARASD, avocat et officier de la L.H.

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PRÉAMBULE

UNE RENCONTRE J’ai rencontré une première fois le Professeur Théodore Monod, au retour d’un premier voyage dans les campements de Tindouf en octobre 1979. Je le salue, il me fait entrer dans son domaine, moitié laboratoire moitié bibliothèque, du Muséum d’histoire naturelle, et sans me laisser le temps de m’asseoir, il me demande : « Savez-vous ce que sont devenus les Réguibats ? »* En 1979, le Professeur Monod, éminent spécialiste du Sahara se demandait encore où étaient passés les Réguibats ! Faut-il en sourire ? Faut-il s’étonner de cette ignorance largement partagée ? Les Reguibats, les Laroussin, les Ouled Delim, les Teknas et bien d’autres tribus bédouines, que le Professeur Monod ne retrouvait plus dans son désert familier, avaient volontairement disparu, anticipant dans une haute vision de leur histoire la formation d’un peuple et d’une nation disposant d’un État souverain. Hassan II de son côté en 1975 espérait ne faire qu’une bouchée de cette poignée de bédouins. Peut-on retrouver le désert dans la question de l’indépendance du Sahara occidental dans ses frontières coloniales ? La faiblesse des densités humaines, propre aux écosystèmes arides, est un premier trait. Le petit nombre confère à chaque vie un grand prix mais n’intervient pas dans l’appréciation que l’on a de soi et de son groupe, ce qui permet d’affronter sans peur beaucoup plus gros ! L’autre trait est la taille des espaces et des territoires de parcours au regard du nombre de pasteurs, et la liberté que cette situation procure. Liberté n’est pas licence. Parcours et points d’eau étaient identifiés et partagés sui* Anecdote, qui à elle seule peut expliquer ce livre !

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vant des règles coutumières strictes. Cependant cet espace ouvert favorisait une liberté et une responsabilité individuelle ou du groupe ayant peu à répondre aux pouvoirs des voisins sédentaires. Avant la colonisation, le désert était pour ceux qui avaient su l’apprivoiser, une protection. La colonisation espagnole, puis celle du voisin marocain, une guerre de 16 années, une occupation de 34 ans, ont transformé ce paysage de manière radicale. De grands nomades, les Sahraouis sont devenus sédentaires en Algérie comme au Sahara occidental, et ne connaissent que la guerre, l’exil ou la séparation. La mobilité spatiale s’est transformée en mobilité politique, en capacité à transformer une société traditionnelle divisée en une société unifiée autour de la revendication de l’indépendance et des transformations radicales que l’histoire imposait. Abaissement des traditionnelles hiérarchies, place des femmes, éducation de tous et de toutes, mise en place d’institutions adaptées à chaque situation nouvelle. Le désert c’est d’abord ses habitants, ce qu’ils font là où ils sont de leur histoire. À leurs côtés j’ai appris la patience de chaque étape à gagner. Paradoxe pour quelqu’un d’une génération élevée à l’exaltation des révolutions aussi rapides que radicales. Quelques moments de l’intervention de Régine Villemont pour le débat d’ouverture de la « 25e heure », consacré aux Peuples du désert Salon du livre de la ville du Mans / 9 et 10 octobre 2004.

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INTRODUCTION

AVEC LES SAHRAOUIS, UNE HISTOIRE SOLIDAIRE DE 1975 À NOS JOURS…

La solidarité humanitaire en direction des peuples du Sud s’est peu à peu installée dans les consciences européennes, s’appuyant à la fois sur des initiatives publiques et privées et se manifestant depuis trente ans par le développement d’organisations non gouvernementales d’urgence ou de développement. Ces solidarités sont aujourd’hui très présentes dans les préoccupations citoyennes et associatives. Elles sont relayées à tous les échelons du territoire et nourrissent bien des enthousiasmes et dévouements sincères ou des critiques radicales de notre fonctionnement mondial en créant des situations et des pédagogies de l’engagement, qui permettent de viser le global tout en agissant dans le local ici et là-bas. Des jeunes collégiens qui courent pour la bonne cause défendue par telle ou telle ONG aux retraités actifs qui se remettent au travail bénévolement loin de chez eux, la solidarité internationale et humanitaire est devenue un moyen de cohésion sociale et un espoir de meilleure gouvernance mondiale. Ces mouvements sont appréciés par les pouvoirs en place, qu’ils soient locaux ou nationaux, car ils sont plutôt consensuels et, quand ils ne contredisent pas les politiques et intérêts d’états, par exemple le Réseau Éducation sans frontières, qui pose le problème du contrôle des migrations, sont encouragés et soutenus. La solidarité française et européenne avec le peuple sahraoui participe-t-elle de ce mouvement social ? Ce sera l’un des objectifs de ce livre de répondre à cette question en retrouvant les traces des solidarités entre Européens et Sahraouis et de leurs cheminements communs, en soulignant ce que cette histoire a de spécifique et en quoi elle appartient au monde de la solidarité internationale. Cette histoire s’inscrit dans la durée, puisque la question de la décolonisation du Sahara occidental, espagnol jusqu’en 1975 et réoccupé par ses deux voisins, le Maroc et la Mauritanie, se pose depuis plus de trente ans, n’a pas encore trouvé de solution et impose au peuple sahraoui exil et séparation depuis 1975. La solidarité française et européenne s’inscrit dans cette durée et dans une relation qui s’organise suivant des objectifs politiques, le soutien à une lutte de libération et suivant des objectifs humanitaires, l’aide à des réfugiés.

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Elle ne va pas manquer d’être influencée par les transformations du contexte politique régional et mondial avec cependant une permanence, le maintien à l’agenda de l’ONU en tant que problème de décolonisation, ce qui lui confère une réelle spécificité, au même titre que la question palestinienne ou la question de l’indépendance du Timor oriental, aujourd’hui résolue. Cette histoire se déroule en deux périodes bien distinctes, celle de la lutte armée (1973-1991) et celle d’une situation de ni guerre ni paix, suite à un cessezle-feu entre Maroc et Front Polisario. Le cessez-le-feu signé en 1991 n’a pas encore débouché sur un règlement politique permettant de trouver une issue acceptable par les deux protagonistes et respectueuse du droit international de la décolonisation : cette période ni guerre ni paix semble donc devoir se prolonger jusqu’à épuisement des adversaires ou désengagement des puissances intéressées au conflit. Les préoccupations et les besoins de la société sahraouie réfugiée vont évoluer suivant le contexte de paix ou de guerre et, selon ce contexte et à mesure que l’exil et l’épreuve du refuge se prolongent, elle va adresser à la solidarité européenne des messages différents. En tant que peuple non autonome qui n’a pu jusqu’à présent exercer son droit à s’autodéterminer, le peuple sahraoui, dont une partie a trouvé refuge en Algérie afin de créer les conditions politiques lui permettant de l’exercer, a droit en tant que peuple réfugié à l’aide des grandes agences internationales – PAM, OMS, HCR – pour subvenir à ses besoins fondamentaux. À ce titre il est au cœur de la solidarité internationale institutionnelle et en révèle les contradictions. Difficulté politique à faire appliquer ses propres règles – dans ce cas l’autodétermination d’un ancien peuple colonisé – et générosité humanitaire en attendant un hypothétique règlement. Simultanément, les solidarités développées par les sociétés civiles européennes (comités de soutien, associations de solidarité, ONG, associations des droits de l’homme) depuis trente années ont joué un rôle de premier plan. Elles ont d’une part mis en lumière les difficultés de la Communauté internationale, impuissante à faire appliquer ses propres résolutions, et contribué avec la di-

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plomatie sahraouie, à maintenir en l’état ou à faire progresser les exigences du droit. Elles ont d’autre part proposé des solutions d’échanges et de coopération aux Sahraouis, pour, à leurs côtés, rassembler les moyens matériels et humains propres à inventer et à faire fonctionner une société dans l’exil sur une période très longue au cours de laquelle l’espoir d’une solution et d’un retour au pays a été à de nombreuses reprises repoussé. Cette solidarité s’inscrit, dans le cadre d’une lutte de libération dirigée par un front, le Front Polisario, dont les cadres sont à la fois les responsables politiques du Front et les dirigeants de l’Etat sahraoui en exil. La lutte de libération, dans sa phase armée, a créé les conditions d’une mobilisation populaire, tant civile que militaire, qui a façonné de manière originale les relations avec le mouvement de solidarité. Engagement bénévole, dévouement militant à la cause nationale, travail gratuit, etc. se trouvaient tout à fait en phase avec les pratiques des militants européens soutenant une lutte de libération ou avec l’engagement des bénévoles des ONG. Cette culture commune, faite d’engagement politique et humanitaire, de bénévolat, a scellé les relations entre Sahraouis et Européens et perdure en 2009, même si les conditions de la société des campements se transforment et si l’engagement des ONG se professionnalise.

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PREMIÈRE PARTIE

LE PEUPLE DE LA SAGUIA EL HAMRA ET DU RIO DE ORO FRAGMENTS D’HISTOIRE

PREMIÈRE PARTIE

LE PEUPLE DE LA SAGUIA EL HAMRA ET DU RIO DE ORO FRAGMENTS D’HISTOIRE

EN 1975, QUI CONNAÎT LES SAHRAOUIS ET LE FRONT POLISARIO? « Mon pays n’est pas un rêve ; il est l’abri du monde ; et chaque jour dans le sursaut de l’aube le soleil nous enseigne la paix, mon pays a des noms fabuleux. Il s’appelle Sagui El Hamra Tiris as Sahra. » Djamila Olivesi Les enfants du Polisario

LE SAHARA ESPAGNOL, UNE DES DERNIÈRES COLONIES EUROPÉENNES EN AFRIQUE. La décolonisation de l’Afrique, après celle de l’Asie et du Moyen-Orient, consacra, après la guerre de 1945, la définition d’un nouveau monde, celui des indépendances politiques de nouveaux États, et la fin des ambitions coloniales européennes. Les dépendances entre pays du Nord et du Sud prendront d’autres formes, économiques, culturelles, mais au moins pour le Maghreb, l’Afrique anglophone et francophone, les nouveaux États disposaient des attributs de la souveraineté. Seuls l’Espagne et le Portugal, encore soumis à des régimes fascistes d’un autre âge se maintenant dans une sorte d’autarcie politique à l’écart des transformations majeures du monde, restaient en 1965 des puissances coloniales, en Afrique essentiellement. L’histoire de la décolonisation portugaise est bien connue: elle s’accompagna d’un processus « révolutionnaire », la Révolution des Œillets, financée par les réserves angolaises, qui enthousiasma bien des rêveurs des années soixante-dix et aboutit à l’indépendance des colonies portugaises en 1975. L’Espagne ne disposait pas en Afrique de territoires coloniaux aussi vastes que le Portugal, elle s’y accrochait cependant au nom d’un même nationalisme, davantage au Sahara occidental qu’en Guinée Équatoriale. Le Sahara occidental est un territoire étendu, l’équivalent de la moitié de la France, peu peuplé, au large des Iles Canaries, très proche de la métropole, l’Espagne y est théoriquement installée depuis la fin du XIXe siècle. Il révéla des richesses insoupçonnées jusqu’alors, avec la découverte et plus tard la mise en exploitation (à partir de 1972) de gisements de phosphates à ciel ouvert sur un site – Bou Craa – proche de la mer, pratique pour l’acheminement de la matière première (au moyen d’une bande transporteuse de 97 km qui débouche au port d’El Aïoun, ville principale et capitale du Sahara occidental). De tels investissements s’accompagnèrent d’une redéfinition des rapports entre colonie et métropole et indiquèrent la volonté de l’Espagne de s’y maintenir !

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Elle tenta tardivement une politique d’assimilation. À partir de 1961 le Sahara espagnol fut administré comme une province espagnole : trois députés le représentaient aux Cortès. Il disposait d’un Conseil Provincial ou Calbido composé de chefs de tribus indigènes aux côtés des Espagnols. Quelques années plus tard, le gouvernement de Madrid chercha une parade aux premières résolutions de l’ONU recommandant l’autodétermination pour les peuples autochtones de ses colonies. Aussi il créa, en mai 1967, une Assemblée générale ou Djemaa chargée de représenter l’ensemble de la population indigène, c’està-dire les différentes tribus installées dans le territoire du Sahara occidental. Assemblée de notables en partie élue, composée de 82 personnes, cette Djemaa très docile à l’égard de l’autorité coloniale, sans pouvoir, sinon de consultation, va vite se déconsidérer aux yeux de la majorité de la population et être incapable de répondre aux aspirations des plus radicaux, qui ne manquaient pas d’être instruits de ce qui se passait autour d’eux et dans le monde.

QUI SONT-ILS, CES HABITANTS DU SAHARA OCCIDENTAL ? Nous les connaissons aujourd’hui, et depuis qu’ils sont apparus dans notre presse en 1975, comme Sahraouis, habitants du Sahara occidental et citoyens, depuis le 27 février 1976, de la République Arabe Sahraouie Démocratique. L’administration coloniale espagnole, comme toutes les autres, utilisait le terme, indigène, pour les distinguer des Européens. Le terme moro ou maure en français devait être le terme le plus courant chez les colons espagnols pour désigner ceux qui n’étaient pas eux. À quel moment le terme sahraoui est-il apparu et surtout a-t-il été couramment utilisé ? Il me semble qu’il correspond vraiment à l’émergence d’un nationalisme sahraoui moderne, dont la première apparition publique correspond au rassemblement de Zemla en 1970 puis à la création en 1973 du Front Polisario, où la revendication de l’indépendance était intimement associée à l’unité du peuple s’exprimant par un nom général associé à la géographie du territoire, le Sahara, et permettant d’englober toutes les tribus sans avoir besoin de les nommer en tant que telles.

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Maurice Barbier, professeur de droit à Nancy, invente en quelque sorte en France les Sahraouis en publiant rapidement une somme sur la question, Le conflit du Sahara occidental, Paris L’Harmattan 1982. Il présente ainsi l’ensemble sahraoui : « Cette brève présentation suffit à montrer que la population indigène du Sahara occidental était relativement diversifiée, avec huit tribus principales et trois groupes dominants, les Reguibat, les Tekna et les Ouled Delim […] Cette population manquait d’unité à l’époque coloniale […] Cependant, ces diverses tribus avaient assez de traits communs et se distinguaient suffisamment des populations voisines pour que l’on puisse parler d’un ensemble sahraoui, avec une organisation sociale semblable et un territoire propre assez bien délimité. Elles parlaient la même langue, le hassanya […] Cet ensemble sahraoui avait son identité propre, sa cohésion interne et son indépendance à l’égard de l’extérieur. Il pouvait fournir la base pour former une nation. » Un autre livre, est également publié à l’Harmattan en 1984, écrit par François Beslay, ancien officier méhariste en charge de contrôler « les confins » de l’Algérie, du Maroc et du Sahara espagnol de 1943 à 1961. Comme pour beaucoup de ces officiers méharistes, le Sahara est devenu sa seconde patrie, il en a nourri une nostalgie à la fois de sa jeunesse et d’un monde en train de disparaître, qu’il regrette. Son essai consacré aux Reguibats a les qualités et les défauts de ce genre de livre de souvenirs. Il ne fut guère apprécié des Sahraouis, soucieux de gommer les tribus et surtout celle des Reguibats dont ils devaient oublier la prééminence tant politique que démographique, pour réussir l’unité de leur peuple, qu’ils pensaient indispensable à la construction de tout avenir. François Beslay est mort en 2006, dans le souvenir de ses chers Reguibats et adhérent fidèle de l’AARASD. Il faut en relire quelques lignes, qui nous apprennent la grande ignorance française de ces contrées à la veille de la Marche Verte et la représentation idéalisée d’une société nomade que cet officier voyait disparaître. « Quinze ans plus tard, en automne 1974, alors que je parcourais, en touriste, le Sud marocain, dans la région de Goulimine, je retrouvais de vieux amis Teknas et fus frappé par les préparatifs en vue d’une invasion pacifique du Sahara espagnol par le Maroc. À mon retour à Paris j’en informai le spécialiste au Quai

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d’Orsay. J’eus la surprise de découvrir qu’il ignorait l’existence des grandes confédérations Teknas et Reguibats… » « Quoi qu’il en soit, souhaitons que les Reguibats, même s’ils doivent se moderniser, conservent les qualités de leurs ancêtres. Ce qui m’a toujours frappé dans la société nomade, c’est qu’elle est d’abord, et peut-être avant tout, profondément humaine. Dans une structure à la mesure de l’homme, chacun est connu et connaît personnellement les autres. Que ce soit au niveau du frig, de la fraction ou même de la tribu, il existe une conscience morale basée sur la solidarité collective, dans le respect de laquelle vit et agit tout individu. La sanction de cette morale, c’est la réputation personnelle que chacun acquiert, la notoriété qu’il mérite ou la réprobation qu’il encourt. » Le temps de François Beslay était celui de la pacification, les tribus du Sahara occidental avaient été tant bien que mal soumises et tentaient, dans les confins de tirer avantage de ces frontières européennes en vendant au plus offrant des allégeances pas toujours sûres ! Un autre témoin, quelques années plus tôt, en 1932, y perdit la vie et son témoignage est bien différent. Michel Vieuchange, après un service militaire passé dans le sud Maroc s’exaspère d’une vie trop banale en France et rêve à nouveau de départ. Où partir quand on a vingt ans en 1928, que l’on recherche l’aventure, le danger, le dépassement de soi ? Chez les dissidents du Sud marocain et du Rio de Oro. « Bientôt avec insistance nous harcèle le nom du Rio de Oro : nous retrouvons ce nom dans chacune des aventures souvent tragiques que vivent les pilotes de l’aéropostale lorsqu’une panne les contraint d’atterrir dans cette portion du Sahara Atlantique situé entre le sud marocain et la Mauritanie. Un pays comme il en existe très peu, habité par des Maures de plus en plus farouches, de plus en plus hostiles au roumi, sentant l’époque prochaine où leur pays sera ouvert par la force. Jusqu’à ce jour, ils s’enferment jalousement dans leurs sables et malheur à qui tombe entre leurs mains : s’il n’est pas massacré, le mieux qu’il puisse attendre est de subir une douloureuse captivité. Le contour de l’aventure se précise, quand nous voyons dans cette région qui figure en blanc sur la carte, un point isolé, situé au confluent de nombreuses pistes et centre de brigandage et de fanatisme des Maures du Sahara Atlantique : Smara. Ainsi à deux pas du

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Maroc que nous connaissons, il y a une carte à préciser, une ville à reconnaître, malgré l’hostilité des hommes et du désert, l’occasion d’un effort et d’un danger. » Carnets de route de Michel Vieuchange, Smara, chez les dissidents du Sud marocain et du Rio de Oro Paris Plon 1932. Ce livre très lu avant la guerre, outre la description précise des régions parcourues et leur cartographie, outre cette aventure humaine très datée et ce qu’elle révèle des rapports des Européens avec l’ailleurs qui restait à conquérir, nous renseigne sur deux aspects bien intéressants pour le sujet qui nous préoccupe, l’appui à l’indépendance des Sahraouis ! Les Maures du Sahara Atlantique sont clairement distingués des habitants du Sud Maroc et le Sahara Atlantique est une région bien distincte entre le Maroc et la Mauritanie. Ils sont craints et diabolisés, toutes situations favorables à de prochaines pacifications porteuses de civilisation. Bien des années plus tard, Sophie Caratini, étudiante en anthropologie, parcourait la Mauritanie indépendante pour étudier les tribus Reguibats (Rgaybats) installées dans ce pays. Elle les rencontra longuement et ne cessa plus de les étudier, Reguibats de Mauritanie mais aussi Reguibats du Sahara occidental devenus Sahraouis et Front Polisario. Quelques pages de ses travaux seront utiles pour appréhender quelques aspects de la vie traditionnelle des tribus du Sahara occidental. « Parler de territoire, à propos d’une qabila ou tribu nomade, consiste à établir un lien privilégié entre l’histoire sociale du groupe et la portion d’espace qu’il contrôlait dans le contexte précolonial. Cette liberté de contrôle de l’espace par les groupes prendra fin avec ce qu’on a appelé la « pacification », soit la conquête, par les armées françaises d’abord, puis espagnole, de l’ensemble du Sahara. Le territoire détermine un réseau complexe d’interrelations entre la vie économique, la vie sociale et la vie politique […] « Occuper le territoire signifie, en réalité, en contrôler les points stratégiques que sont les lieux de passage obligés : points d’eau et passes. Cela signifie également être capable d’imposer aux autres groupes nomades la priorité d’accès pour les campements et troupeaux des Rgaybat aux pâturages verts qui se forment après les pluies d’hivernage. L’essentiel de leur territoire se trouvant dans une zone géogra-

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phique dont les précipitations se situent en deçà de 50 mm d’eau par an, en moyenne, la localisation des pâturages verts est imprévisible. C’est dire qu’il y a des années où hommes et troupeaux sont obligés de parcourir jusqu’à 1 000 km pour répondre aux besoins du cheptel […] « Le territoire des Rgaybat englobe des régions dont on a constaté la complémentarité en ce sens que, bien souvent, lorsqu’il pleut au Tiris les pâturages, sont secs dans la Saguia El Hamra et vice versa. Au-delà des contingences politiques, la cohésion interne des fractions Rgaybat est donc indispensable à leur survie. Elle garantit, de par l’aspect collectif de l’appropriation des ressources pastorales, l’accès de tous à n’importe lequel des pâturages du groupe. Dans les circonstances exceptionnelles, de danger ou de concentration des populations sur des pâturages restreints, des assemblées extraordinaires (aït arbaïn) sont constituées par la réunion des meilleurs éléments de toutes les fractions concernées. Les hommes désignés sont chargés à la fois de la défense et de la police intérieure. » « Perdre le contrôle de leur territoire n’aura peut-être pas empêché les éleveurs Rgaybat de continuer à exploiter leurs ressources pastorales, mais lorsque les liens tribaux se distendent les mécanismes s’essoufflent. Les Rgaybat ont cependant maintenu une cohésion certaine, et les événements de 1958 et de 1975 ont montré que l’unité était capable de rejaillir et de se reconstituer rapidement en cas de crise : il n’est pas douteux que le ralliement des forces sahraouies s’est appuyé, tout au moins à l’origine, sur la force, toujours sous-jacente, des relations de parenté et des réseaux d’alliance qui les accompagnent. » « Répartitions de l’espace et hiérarchies chez les Rgaybats », Maghreb Machrek, revue n° 123 Paris 1989, article repris dans La république des sables, anthologie d’une révolution, Paris L’Harmattan 2003, Sophie Caratini.

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QUELS SONT LES RAPPORTS DES SAHRAOUIS AVEC L’EXTÉRIEUR AU DÉBUT DES ANNÉES SOIXANTE-DIX ? Au-delà des frontières de l’Espagne, les Sahraouis étaient peu connus en France et en Europe. Nos anciennes cartes coloniales, avec l’Afrique française en rose, contournaient le Rio de Oro espagnol, représenté sans indication humaine ou topographique et toujours à petite échelle, celle du continent africain. Le Sahara occidental n’avait ainsi guère d’existence et était de fait de petite dimension dans les représentations. Du désert les Français ne connaissaient que les Touaregs du Sahara central et le « Petit prince » sur sa drôle de planète, qui ne renseignait guère sur les habitants du Sahara occidental. Ignorance largement partagée par la presse et la diplomatie. C’est la très large popularisation de la Marche Verte, qui consacrait la libération de la dernière colonie africaine, le Sahara espagnol, de manière pacifique, qui le fit venir au premier plan et favorisa la prise de conscience de l’existence d’un territoire colonial avec de vrais habitants. Comme les Touaregs c’étaient également des « hommes bleus », organisés contre une présence coloniale qui s’était attardée et qui semblaient ne pas partager avec l’armée marocaine un même point de vue sur leur libération. À quel moment s’est-on rendu compte de la très habile manœuvre du roi Hassan II qui faisait mine de mobiliser son peuple pour affronter le colonisateur espagnol, et qui simplement réoccupait ce territoire au nom de l’histoire ? Le Maroc n’avait pas si bonne presse chez les progressistes français et européens et la sensibilité aux luttes de libération, le soutien des Palestiniens, des Vietnamiens et très vite de l’Algérie aux Sahraouis organisés en Front – le Front Polisario – permit de déjouer la manœuvre. D’autre part, les principaux intéressés ne voulaient pas être libérés de cette façon et commençaient à le faire savoir. Sophie Caratini, qui était en 1975 en Mauritanie, les rencontra, son témoignage, publié en 1993 dans son livre Les enfants des nuages, rend bien compte de leur

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détermination et de leur isolement. « L’oncle me conduit dans un dédale de rues sableuses, vers une maison de terre. Je me sens poussée en pleine lumière devant une assemblée que l’étonnement rend soudain silencieuse […] Un jeune homme se dresse et prend la parole dans un très bon français. Votre présence ici est très importante pour nous. Nous sommes très heureux de voir que quelqu’un s’intéresse enfin au sort de notre peuple. Personne, jamais, ne nous rend visite. C’est pourquoi votre venue est pour nous un événement considérable […] D’où viens-tu ? Que viens-tu faire à Zouérate ? Leur porte-parole entreprend de m’exposer la situation du Sahara occidental […] Tous les pays du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest sont devenus indépendants sauf le Sahara espagnol. Pour endormir les Sahraouis l’Espagne a dépensé beaucoup d’argent, les notables ont été choyés, leurs fils envoyés à l’université à Madrid. D’autres sont allés étudier à Rabat, à Tunis et sont revenus avec l’intention de lutter pour l’indépendance […] Alors ils ont créé le Front Polisario qui a déclaré la lutte armée le 20 mai 1973. Nous voulons construire une société juste et égalitaire […] Le roi Hassan II ne veut pas nous soutenir, il a le culot d’affirmer que le Sahara occidental et la Mauritanie lui appartiennent […] Aujourd’hui nous avons très peur du rôle qu’on veut faire jouer à la Cour Internationale de justice de La Haye […] » Paul Balta, journaliste de talent, correspondant du Monde à Alger depuis 1973, fut envoyé par son journal à El Aïoun en mai 1975, alors qu’une mission des Nations unies enquêtait sur place. Il a, avant tout le monde couvert cette question encore très mal connue, autant dans Le Monde quotidien que dans Le Monde diplomatique, qui consacra à cette question une page dans son numéro d’août. Comme Sophie Caratini, il rencontra nombre de militants indépendantistes et fut particulièrement impressionné de sa rencontre avec El Ouali, ainsi qu’il en a témoigné quand nous l’avons rencontré en juin 2007 et qu’il nous sortit de ses précieuses boîtes d’archives, les articles de ces années, classées avec soin par sa femme également journaliste, Claudine Rouleau. Le 3 juin 1975, Paul Balta, envoyé spécial, écrit dans Le Monde : « Six heures d’entretien avec le principal dirigeant du Front Populaire(1), qui se présente sous le nom de Sayid, et d’autres responsables, ont constitué le troisième temps fort de la mission (1)

Frente popular para la liberacion de Saguia el hamra y Rio de Oro. – 25 –

d’enquête. Élancé, visage fin, regard ardent, Sayid, que nous avons rencontré dans la nuit du 30 au 31 mai, nous a fait un long historique de la population sahraouie qui, affirme-t-il, ne s’est jamais confondue avec celles du Maroc et de la Mauritanie […] Notre deuxième congrès poursuit-il a eu lieu du 25 au 31 août 1974, il prévoit la création d’une république arabe non alignée. Nous nous étonnons donc que la Cour Internationale de Justice de La Haye discute actuellement de notre cause en notre absence alors que nous sommes les principaux intéressés. D’ailleurs la mission de l’ONU a pu constater la réalité sur place. Des militants arrivés à dos de chameau de la Saguiet El Hamra, au nord du territoire expliquent que M. Aké, Président de la commission d’enquête de l’ONU, a été témoin à El Aïoun d’un coup de théâtre dont les Espagnols ont été les premiers surpris. Au cours d’une manifestation, les militants du PUNS (Parti de l’unité nationale sahraouie), seul mouvement légalement reconnu et qui semblait avoir la bénédiction de Madrid, ont soudain arboré des drapeaux du Polisario et se sont révélés être des partisans de ce mouvement. » Le 6 juin 1975, Paul Balta rend compte d’un entretien avec le Président Boumédienne, qui venait de recevoir Siméon Aké, Président de la commission d’enquête de l’ONU, à qui il ne manqua pas de rappeler « Lors du dernier sommet qui se tint à Agadir en juillet 1974, les chefs d’état du Maroc, de la Mauritanie et de l’Algérie déclaraient avoir consacré une attention particulière à l’évolution de la situation du Sahara encore espagnol et réaffirmé leur attachement indéfectible au principe de l’autodétermination et leur souci de veiller à l’application de ce principe dans un cadre qui garantisse aux habitants du Sahara l’expression libre et authentique de leur volonté, conformément aux décisions de l’ONU en ce domaine ». Aujourd’hui, trente-deux ans plus tard, Paul Balta se souvient de cet entretien. Amusé, il souligne que le Président Boumédienne connaissait mal le problème, de façon un peu théorique pour la défense des principes, et que c’est sans doute lui qui, en lui racontant son voyage à El Aïoun, lui avait fait découvrir une réalité, un terrain et un peuple très respectable qui voulait son indépendance. Quelques mois plus tard, les papiers de Balta sont d’une tout autre tonalité. Plus nombreux, ils couvrent maintenant une guerre derrière une Marche Verte qui, au lieu de libérer, va trahir et occuper. L’article publié les 14 et 15 décembre 1975 et

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dicté par le journaliste le 2 décembre dit l’occupation, la guerre, le refuge des populations qui commencent à fuir les combats, les arrestations des militants du Polisario « Est-ce la lutte du pot de fer contre le pot de terre » s’interroge Balta ? Mais les militants se montrent confiants : « notre peuple aguerri par une longue tradition de résistance connaît parfaitement le terrain ». D’autres témoignages, celui de Denis Pryen, directeur des éditions Harmattan, celui de Nicole Gasnier aux tout premiers moments du soutien au Polisario, rappellent la présence comme étudiants à Rabat des principaux fondateurs du mouvement de libération, leur activisme dans les universités marocaines et leur espoir encore vivace jusqu’en 1972 d’être soutenus par le Maroc pour se débarrasser de la présence espagnole. Denis Pryen, qui venait de créer sa librairie, se souvient de la difficulté, en 1975, pour trouver des livres sur la question et rappelle, au contraire la présence, l’année suivante, de visiteurs très résolus organisés en « commandos » pour récupérer tout ce qui pouvait concerner le sujet et contredire la marocanité du Sahara: le livre de Michel Vieuchange, par exemple, en faisait partie. J’ai retrouvé dans une des toutes premières brochures éditées par le Front Polisario, le texte d’une conférence de presse tenue à Paris en mai 1975. Qui s’en souvient ? Un journaliste c’était-il ce jour-là déplacé ?

UNE HISTOIRE ET UNE SOCIÉTÉ DÉCRITES ET RACONTÉES PAR LES INTELLECTUELS SAHRAOUIS POUR MIEUX SE FAIRE COMPRENDRE ET SE PROJETER DANS L’AVENIR Une première observation s’impose, les intellectuels sahraouis, ceux qui écrivent et qui s’adressent à l’extérieur en français et en espagnol, sont les cadres du Polisario. Ainsi El Ouali Mustapha Sayed, premier Secrétaire général est un étudiant brillant qui poursuit des études de droit à Rabat jusqu’en 1972, tout en militant et en pensant l’avenir de son pays encore colonisé par l’Espagne. Intellectuels en-

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gagés dans une pratique aux multiples dimensions, sociale, culturelle, politique et militaire, ils vont mettre leur plume au service de « la cause nationale ». Le premier message fut celui que donna El Ouali à Ahmed Baba Miské quand il lui demanda d’écrire un livre sur le Sahara occidental : « Bon ! Explique-leur notre peuple. Je suis sûr que s’ils savaient ils nous soutiendraient contre les horribles colonialistes, contre les prétentions de l’expansionnisme. Notre peuple est beau, humain, courageux ; il ne veut de mal à personne. Ce que nous voulons c’est présenter notre peuple ». Ahmed Baba Miské, intellectuel de nationalité mauritanienne, professeur à Vincennes et membre du bureau politique du Front Polisario, se mit au travail. Il était dans la bande le plus âgé et le plus expérimenté pour sortir un grand-livre en 1978, Front Polisario, l’âme d’un peuple, qui enthousiasma les premiers sympathisants de la cause sahraouie tant il racontait avec empathie et générosité l’engagement téméraire, radical des Sahraouis face à des adversaires très puissants. D’autres livres suivront en français. Celui de Mohamed Sidati, également membre fondateur du Front Polisario, aujourd’hui ministre conseiller chargé de l’Europe, Les chemins sahraouis de l’espérance publiés en 1987 à Paris aux éditions de l’Harmattan. Présenté comme un livre d’histoire et d’actualité, il a la volonté de rompre avec la langue de bois des brochures propagandistes, et dire autrement la même chose, l’exaltation de la lutte sahraouie et sa légitimité. Il se dissimule derrière un pseudonyme, Zeïn Saad, pour se donner une plus grande liberté de ton. Mohamed Sidati alors représentant du Polisario en France est certainement un des premiers à se poser des questions sur l’adaptation de leur communication avec l’Europe pour une meilleure compréhension du message. Dix ans plus tard, Mohamed Fadel Ismaïl, autre intellectuel et militant de la première heure, publia en 1998 et 2001 deux livres également à l’Harmattan, Les Sahraouis et La république sahraouie. Enfin, Ali Omar Yara, intellectuel revendiquant une indépendance de pensée à l’égard de l’organisation politique sahraouie, sociologue formé en France après des études à El Aïoun, est aujourd’hui un des auteurs de référence qui propose un mo-

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dèle de réflexion et d’analyse plus théorique. Un des co-rédacteurs Des cahiers de l’Ouest Saharien, revue de recherche universitaire, à ce titre il publie régulièrement et mène un travail autonome d’histoire et de sociologie prenant le temps d’aller au-delà de l’action et de la gestion du présent. Ces textes publiés depuis trente ans, il convient de les relire pour comprendre les représentations que les Sahraouis entendent donner d’eux-mêmes et de leur histoire. Voisins et pourtant différents et bien distincts, c’est ce que le tout premier Comité d’histoire, qui adressa un mémorandum au Comité de décolonisation de l’ONU le 2 mai 1975 (repris dans la brochure publiée en mai 1975 Le peuple sahraoui en lutte) s’employa à démontrer. « L’accent a été mis sur le fait qu’à l’arrivée des colons espagnols, notre pays n’était pas un res nullius qu’il était habité par nos ancêtres constitués en tribus bien organisées institutionnellement […] Il a été également démontré que notre pays n’a jamais été soumis au sultan du Maroc ni à l’ensemble mauritanien […] À la base il y a la famille, à laquelle se superpose la tribu. La tribu peut être divisée en fractions avec un chef de tribu qui incarne une autorité comparable à celle d’un souverain. À côté du chef, il y a la djemaa, qui est une assemblée délibérante (on ne retrouve cette structure qu’avec les Kabyles en Algérie). Chez les tribus guerrières il y a en plus un conseil de guerre créé chaque fois qu’il y a un danger extérieur qui menace la confédération tribale qui s’appelle le Aït Arbain. Cette structure sociale est unique et caractérise notre pays par rapport aux systèmes voisins […] Un autre élément à cette époque était considéré comme un signe de rattachement ou de dépendance à une souveraineté royale ou émirale, c’est l’usage de l’arbitrage des souverains en cas de différends opposant les tribus. Or au Sahara, qui a connu de nombreuses guerres entre les tribus, aucun souverain, sultan du Maroc ou Emir de l’Adrar, n’est jamais venu arbitrer ces conflits […] » Dans son livre Les chemins sahraouis de l’espérance, Zeïn Saad (Mohamed Sidati) reprend ces mêmes éléments: « une société nomade originale, une formation sociale spécifique, une identité culturelle bien établie », les têtes de chapitre développent l’argumentation historique et culturelle pour démontrer que les Sahraouis sont bien différents de leurs voisins et peuvent tout naturellement refuser une nationalité qui leur serait imposée, alors que les indépendances coloniales ont redéfini la carte de l’Afrique.

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Quelques chapitres plus loin, il donne la parole au Président du Conseil National (le Parlement sahraoui) Mohamed Ould Rahal, interrogé par une journaliste. À la question, finalement qui êtes-vous ? Il propose une réponse qui relie l’histoire et le présent : « La société traditionnelle sahraouie était dominée par certaines spécificités que nous retrouvons actuellement en RASD. Ainsi, elle était et reste une société communautaire, marquée par le nomadisme et une grande solidarité entre les membres du groupe. Dans cette société de subsistance tout s’inscrivait dans une économie de don ayant un fondement tridimensionnel (donner, recevoir, rendre) et dans une logique tribale. Dans le groupe ceux qui possédaient donnaient à ceux qui se trouvaient démunis et ceux-ci leur rendaient soit sous forme de travail soit par la reconnaissance d’une certaine autorité. Autre particularité de cette société, les femmes participaient à la traite et aux soins du bétail, à la fabrication des tentes. Ces groupes partageaient en outre le refus de tout pouvoir exogène. La colonisation espagnole puis l’invasion marocaine vont bouleverser cette société traditionnelle. Le projet de société que met en place le front vise à aider les Sahraouis à la retrouver tout en se projetant dans un avenir à construire ». L’exaltation des valeurs de la société bédouine traditionnelle, porteuses d’une capacité de résistance à des voisins expansionnistes, s’arrêta cependant à la tribu. En effet, l’outil politique principal des dirigeants du Polisario pour mener à bien leur lutte pour l’indépendance, fut l’unité du peuple, des masses suivant la terminologie des années soixante-dix, et donc l’abandon de toute référence tribale, facteur de division et d’affaiblissement. Malgré le traumatisme de l’exil et celui de la trahison des voisins, ce n’était pas chose facile d’abandonner toute référence à sa tribu structurant l’essentiel de son existence familiale, de sa place et de ses repères dans le temps et dans la société. En octobre 1979, j’ai assisté dans les campements, à l’occasion de la fête de l’unité, à une présentation théâtrale, mettant en scène deux groupes opposés, celui qui utilisait des flèches attachées entre elles affrontait victorieusement celui qui utilisait des flèches isolées, qui se brisaient au premier choc. Mobilisation et conscientisation des masses pouvaient passer par le théâtre ! Pour beaucoup, le refus de toute référence tribale était interprété de manière très rigoureuse, impossible par exemple d’obtenir de votre interlocuteur la moindre ré-

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ponse sur la région dont il venait, ce qui équivalait pour lui à vous confier son origine tribale. Cette unité du peuple, obtenue à marche forcée, a beaucoup impressionné dans les années quatre-vingt les militants africains fragilisés par leurs divisions tribales. Divisions toujours d’actualité, à l’origine des plus sanglants conflits dans l’histoire récente de l’Afrique ! Cependant, dans son livre Les Sahraouis, Fadel Ismaïl en 1998, revenait sur cette question, et en montrait les aspects contradictoires sans pour autant remettre en cause les choix de 1973. « L’effort de transformation de la société, qui a été fait par le Front Polisario pour créer une société démocratique et égalitaire, notamment en éliminant le tribalisme et en abolissant l’esclavage, n’a pas fini de donner toute sa mesure. Dans le même temps le Polisario a déclenché une guerre de libération et une véritable révolution sociale et culturelle. Le tribalisme était considéré comme un crime contre l’unité nationale […] Cependant des erreurs ont été commises, nous étions trop rigides et très naïfs au point d’ignorer qu’il n’est pas simple d’effacer en quelques années, par une simple décision, une pratique sociale ancrée dans la société depuis des siècles. » Ali Omar Yara, dans son livre L’insurrection sahraouie, de la guerre à l’État, publié à l’Harmattan en 2003, place au centre de ce qu’il appelle la resocialisation le mouvement de détribalisation. « Le Sahraoui a le souci de se placer généalogiquement par rapport à son interlocuteur et ce de manière systématique […] Face à cette tradition, le Front Polisario a instauré un principe mobilisateur, d’abolir toutes ces questions classificatoires et d’essayer de répondre par l’identité sahraouie. Ce postulat fut une innovation qui a joué un rôle fondamental dans la mobilisation ». L’idée de résistance à toute occupation étrangère, la revendication d’une tradition guerrière pour la défense et non pour l’agression ont nourri au moins jusqu’au cessez-le-feu en 1991 toutes les formes de mobilisation. Les textes publiés entre 1978 et 1991, à l’occasion des grands rendez-vous commémoratifs, mirent tous l’accent, dans un raccourci historique percutant, sur la résistance à toutes les agressions étrangères. Ainsi s’écrivait une histoire utile au présent, qui simplifiait le passé. Cette histoire a façonné les premières générations formées dans l’exil et la guerre victorieuse, la génération Polisario. Adultes aujourd’hui dans leur maturité, ils réagis-

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sent de manière plus complexe et diversifiée à cette manière de transfigurer le passé pour mieux apprivoiser le présent et rassembler autour d’idées simples et fortes. Ils ont plutôt tendance à privilégier, à l’instar des plus jeunes nés après le cessezle-feu, leurs préoccupations personnelles tout en restant dans leurs déclarations et leurs engagements personnels fermement nationalistes. Cette histoire ainsi formulée fut au cœur de la formation de la conscience nationale sahraouie. Par exemple, les brochures publiées en français par le Ministère de l’Information et de la Culture de la RASD, en 1980 et 1983, le furent pour diffusion aux deux anniversaires du déclenchement de la lutte armée, 7 et 10 ans. Dans les deux cas la situation du Front Polisario, et particulièrement sa situation militaire, était au maximum de ses succès. Traité de paix signé avec la Mauritanie, gagné par une maîtrise militaire, batailles victorieuses contre l’armée marocaine et opérations risquées dans la zone de Tarfaya, peuplée de Sahraouis mais marocaine depuis sa cession par l’Espagne en 1958, reconnaissances nombreuses de la RASD et entrée à l’OUA comme 51e membre. Les Sahraouis et le Polisario partageaient ces succès avec de très nombreuses délégations étrangères présentes. « De tout temps, le peuple sahraoui a résisté contre les tentatives de pénétration coloniale pour préserver son indépendance, son identité nationale ». « Le combat libérateur, que mène actuellement le peuple de la RASD, est le prolongement logique, naturel de l’histoire de ce peuple et l’approfondissement de ses valeurs de bravoure et de combativité. Il épuise ces vertus dans l’esprit de sacrifice et d’unité dont il a toujours fait preuve face aux tentatives de pénétration étrangère qui menaçaient, bien avant la pénétration espagnole, son intégrité territoriale et sa souveraineté nationale »(1). « C’est en effet à l’aube du 20 mai 1973 que le peuple sahraoui a renoué avec l’épreuve du feu, avec la résistance qui constitue la trame de toute son histoire… Dix jours seulement après la création du Front Polisario qui sera désormais et pour toujours l’incarnation des aspirations aussi anciennes que le peuple sahraoui lui-même, d’une volonté tenace de vivre dans la liberté, la dignité, le plein exercice de la souveraineté et non dans la soumission, l’humiliation comme le voulaient certains »(2). (1)

Extraits de la brochure 7e anniversaire du déclenchement de la lutte de libération national.

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Extrait de la brochure 10 ans de lutte contre le colonialisme et l’expansionnisme.

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Ali Omar Yara parle à ce propos de répertoire symbolique et de mythification de la lutte, « Depuis les combats livrés contre le colonialisme, les fractions commencent à répertorier les lieux de rassemblement des symboles de lutte confiés à la littérature hassanya. La longue tradition de résistance contre l’occupation européenne est le fondement des références symboliques liées à la bravoure de l’homme sahraoui. » La symbolisation politique passe aussi par le culte des ancêtres et celui des martyrs. El Ouali est devenu un symbole non seulement alimenté par le culte des ancêtres, mais aussi comme moteur vers une perspective sociale nouvelle. (L’insurrection sahraouie, de la guerre à l’État, L’Harmattan Paris p 59-60) Ces trois aspects n’épuisent pas les sujets traités par les auteurs sahraouis qui parlent de manière circonstanciée de la mise en place de leur État et de l’administration des campements, laboratoire social et État en exil, à la fois en temps de guerre et en temps de paix ainsi que leurs efforts continus, quel que soit le rapport de forces, pour imposer leur bon droit à une Communauté internationale indifférente. Car les Sahraouis, en dépit de leur courage et de leur ténacité, ont-ils les moyens de gêner spectaculairement le bon ordre du monde ? Tout juste le bon ordre régional en empêchant durablement le fonctionnement de l’Union du Maghreb Arabe. Mais l’incapacité de l’ONU à mettre en œuvre ses résolutions et à imposer au Maroc un référendum d’autodétermination ne les pas empêché de consolider leur État et leurs institutions, qui fonctionnent et laissent émerger une société civile. Cette situation est effective, au-delà des campements où ils sont réfugiés depuis 1976, partout où se trouvent des citoyens sahraouis. Par exemple, les enfants des campements passent chaque été, des vacances en Europe, dans les groupes, on trouve ceux que les responsables appellent émigrés du Sud ou du Nord. Ce sont les enfants qui habitent en Mauritanie ou à Tindouf qui ont les mêmes droits – dans ce cas, partir en Europe – que les enfants des campements. Ali Omar Yara, fait justement remarquer dans son livre, L’insurrection sahraouie, de la guerre à l’état : « Née de la guerre et non pour la guerre, la RASD a montré depuis 1991 sa capacité à fonctionner en temps de paix. L’État gère non seulement les campements mais les territoires libérés et étend les lois républicaines aux citoyens sahraouis en Mauritanie ».

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PREMIÈRE PARTIE

LE PEUPLE DE LA SAGUIA EL HAMRA ET DU RIO DE ORO FRAGMENTS D’HISTOIRE

DU POLISARIO À LA RASD, UNE EXISTENCE INTERNATIONALE QUI S’IMPOSE « La mobilisation des masses quand elle se réalise à l’occasion de la guerre de libération, introduit dans chaque conscience, la notion de cause commune, de destin national, d’histoire collective. » Frantz Fanon, Les damnés de la terre

DE LA RÉSOLUTION 1514 FONDATRICE DE LA DÉCOLONISATION À L’AVIS DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE Pour la première fois, le Sahara espagnol fit l’objet en 1960 de l’attention de l’Assemblée générale des Nations unies quand l’Espagne, membre de l’organisation depuis 1955, reconnut auprès de la Quatrième Commission de décolonisation que le Sahara n’était pas une de ses provinces mais un territoire dont il est question au chapitre XI de la Charte(1) (un territoire non autonome ou colonial) et au sujet duquel elle transmettrait des renseignements. Dès lors, les Nations unies, gardèrent sous la main le dossier inscrit régulièrement sur les tablettes de l’Assemblée générale puis du Conseil de sécurité mais, il faut bien le reconnaître, avec une certaine nonchalance ! La mécanique s’enclencha en 1962, quand le Comité chargé de l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux peuples et aux territoires coloniaux(2), déclaration fondatrice de la décolonisation, fit figurer le Sahara dans la liste des territoires non autonomes établie par lui. Deux ans plus tard, le 16 octobre 1964, la première résolution fut adoptée à l’unanimité par le Comité spécial, (avec cependant les réserves du Maroc et de la Mauritanie adroitement étouffées). S’adressant à l’Espagne il lui demanda « de prendre des mesures immédiates en vue de l’application totale et inconditionnelle des dispositions de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux peuples et aux territoires coloniaux ». L’Assemblée générale adopta sa première résolution le 16 décembre 1965, puis adopta jusqu’à la proclamation de la RASD le 27 février 1976, dix résolutions du même type, réaffirmant à chaque fois le droit à l’autodétermination du peuple du Sahara espagnol(3). (1)

La Charte des Nations unies a été adoptée le 26 juin 1945 à San Francisco.

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Résolution 1514 adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1960.

Le Maroc qui revendique le statut « d’État démembré » par le colonialisme, en référence à l’article 6 de la Déclaration 1514, a cependant accepté au sommet de l’OUA, tenu en 1966 à Addis-Abeba, le principe de l’autodétermination pour les populations sahraouies.

(3)

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De leur côté les États du Maghreb n’étaient pas en reste et se prononcèrent, Maroc et Mauritanie compris, pour l’autodétermination du peuple du Sahara espagnol. Tant dans les instances onusiennes, à l’OUA, au Mouvement des non-alignés, que dans les nombreuses réunions tripartites où chaque année se retrouvaient depuis l’indépendance algérienne le Maroc, la Mauritanie et l’Algérie, où jamais n’était oublié le Sahara espagnol. À l’OUA en particulier, qui prit nettement position, à partir de 1972, pour l’autodétermination du peuple du Sahara occidental sans trop insister sur l’indépendance. L’Assemblée générale à partir de 1970 commença à s’impatienter au vu de l’opposition à la présence espagnole qui s’organisait et dont l’expression pacifique à El Aïoun en 1970 provoqua une violente répression (des dizaines de morts et des centaines d’arrestations) et la disparition du leader anticolonial, Mohamed Bassiri, premier martyr de l’indépendance. Ce qui conduisit l’Assemblée générale à se déclarer solidaire de « la légitime lutte du peuple du Sahara dans la lutte qu’il mène pour l’exercice de son droit à l’autodétermination et à l’indépendance ». La création du Front Polisario, le 10 mai 1973, et la décision de la lutte armée pour recouvrer sa liberté totale et déjouer les manœuvres du colonialisme espagnol, consacra un processus de radicalisation qui aurait du rapidement déboucher sur l’indépendance ainsi que le réclama le deuxième Congrès du Front Polisario, en août 1974. De son côté, l’administration coloniale espagnole essayait de maîtriser une situation devenue dangereuse en donnant plus de place aux notables modérés et donc à la Djemaa, qui réclamait de son côté un référendum. Maroc et Mauritanie s’en inquiétèrent et obtinrent de l’Assemblée générale qu’elle sollicite la Cour Internationale de Justice pour un avis consultatif relatif au statut du territoire au moment de la colonisation et sur la question de ses relations juridiques avec le Maroc et la Mauritanie. L’Assemblée retint le référendum que l’Espagne s’apprêtait enfin à organiser et chargea le Comité de décolonisation d’organiser une mission dans le territoire, composée de représentants de la Côte d’Ivoire, de Cuba et de l’Iran pour instruire son dossier. Mission qui

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justifia la première enquête de l’envoyé spécial du Monde, Paul Balta, et qui commença à sortir de la grande clandestinité médiatique, les Sahraouis. À La Haye, la Cour Internationale de Justice, rendit son avis le 18 octobre 1975 et, contrairement aux attentes du Maroc et de la Mauritanie, écarta sans ambiguïté leurs revendications territoriales en reconnaissant que ce territoire n’était pas sans maître au moment de la colonisation et qu’il relevait du droit de la décolonisation. Ce texte qui sert toujours de référence quand il est question du droit des Sahraouis est important à rappeler. En dépit de sa clarté, Maroc et Mauritanie l’ont fait longtemps parler en leur faveur, il est nuancé certes, mais sans ambiguïté ! « Les éléments et renseignements portés à la connaissance de la Cour montrent l’existence, au moment de la colonisation espagnole, de liens juridiques d’allégeance entre le sultan du Maroc et certaines des tribus vivant sur le territoire du Sahara occidental. Ils montrent également l’existence de droits, y compris certains droits relatifs à la terre, qui constituait des liens juridiques entre l’ensemble mauritanien au sens où la Cour l’entend et le territoire du Sahara occidental. En revanche, la Cour conclut que les éléments portés à sa connaissance n’établissent l’existence d’aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental d’une part, le royaume du Maroc ou l’ensemble mauritanien d’autre part. La Cour n’a donc pas constaté l’existence de liens juridiques de nature à modifier l’application de la résolution 1 514 de l’Assemblée générale quant à la décolonisation du Sahara occidental et en particulier l’application du principe d’autodétermination grâce à l’expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire ». Cet avis ne confortait pas dans leurs ambitions les deux voisins du Sahara espagnol. Mais il ne put empêcher l’expression immédiate de la force et l’occupation armée du territoire que les Nations unies impuissantes, laissèrent faire. Il servira plus tard et reste la base de la qualification du conflit sahraoui, un conflit de décolonisation.

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27 FÉVRIER 1976 CRÉATION DE LA RASD RÉPUBLIQUE ARABE SAHRAOUIE DÉMOCRATIQUE Alors que l’ONU s’en tenait aux principes de la décolonisation et que la radicalisation des Sahraouis pour gagner leur indépendance s’amplifiait, les deux années précédant la proclamation de la République sahraouie en exil virent s’agiter les appétits et intérêts pour empêcher cette indépendance. L’Espagne d’abord, qui voulait un référendum conduisant à l’autonomie, le Maroc ensuite, qui dès l’été 1974 lança une offensive diplomatique pour préparer le terrain et conclut le 29 octobre 1974 avec la Mauritanie un accord secret de partage du territoire avec exploitation commune des phosphates. Ces préparatifs conduisirent presque naturellement les protagonistes à s’entendre sur le dos des Sahraouis en signant l’accord de Madrid le 14 novembre 1975. C’était l’issue programmée par Hassan II, qui, en lançant 350 000 volontaires marocains encadrés par 20 000 soldats vers le Sahara espagnol (la fameuse Marche Verte) le 8 novembre, fit céder l’Espagne et reculer les partisans du maintien d’une certaine loyauté envers les Sahraouis. Coup de force marocain, recul espagnol, l’accord de Madrid représenta un succès marocain et mauritanien, largement encouragé par les Américains et les Français. Par cet accord l’Espagne transférait ses responsabilités de puissance administrante à une administration temporaire tripartite avec la participation du Maroc et de la Mauritanie en association avec la Djemaa, l’Assemblée de notables installée quelques années plus tôt par l’Espagne. Sa présence prendrait fin le 28 février 1976. Les trois pays signataires s’engageant à respecter l’opinion sahraouie exprimée par la Djemaa. Plus besoin de référendum ! Ainsi, par cet accord, l’Espagne associait dans un premier temps le Maroc et la Mauritanie à l’administration du territoire comme puissances administrantes avant de la leur abandonner complètement en le quittant. Cela revenait à une cession. Cette

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opération était strictement contraire au droit international et aux obligations de l’Espagne en tant que puissance administrante qui ne pouvait disposer du Sahara sans consulter sa population. Il faut cependant remarquer que cet accord en forme de coup de force et contraire au droit de la décolonisation fut de fait entériné par une résolution de l’ONU dès 1975. Le mémorandum publié par le Front Polisario le 20 mai 1976 dénonça ces accords et leur refusa toute valeur juridique, le droit à l’autodétermination ayant un caractère impératif, de plus, dans le cas du Sahara occidental, il avait été clairement reconnu par l’ONU. Dans cette dynamique, deux dates furent constitutives de la construction de la Nation puis de l’État sahraoui et donnèrent tout son sens à ce mémorandum. Celle du 28 novembre 1975, ou Proclamation de Guelta, qui consacra le ralliement de la majorité de la Djemaa au Polisario. Elle se constitua en Conseil National provisoire et reconnut le Front Polisario comme représentant légitime des Sahraouis. Face à la trahison espagnole, aux appétits de leurs deux voisins, les notables chefs de tribus se ralliaient aux jeunes radicaux, instruits en Europe, porteurs d’une modernité sociale et politique bien éloignée pourtant de leur mentalité. Menacé dans son existence, le peuple sahraoui, devant l’incapacité de l’ONU de garantir l’application du droit de la décolonisation, fut dans l’obligation de se substituer aux Nations unies en proclamant la République le 27 février 1976, dès le départ de l’Espagne, et de remplacer ainsi la puissance administrante défaillante avec la proclamation d’un État indépendant. Cet État revendiquait dès sa création un non-alignement et proclamait son attachement aux Chartes de l’ONU, de l’OUA et de la Ligue Arabe ainsi qu’à la Déclaration universelle des droits de l’homme. Les dirigeants sahraouis se situaient ainsi avec responsabilité dans le concert des Nations et de ses organisations alors que le contexte – trahison de l’Espagne, défaillance de l’ONU – ne les y invitait guère. Surtout le nouvel État sahraoui proclamé dans l’exil appelait les pays frères et tous les États du monde à le reconnaître.

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LES RECONNAISSANCES DU FRONT POLISARIO ET DE LA RASD : EXPRESSIONS D’UNE SOLIDARITÉ ET DU RESPECT DU DROIT INTERNATIONAL La pérennité du nouvel État dépendait en effet beaucoup de ces reconnaissances exprimant la légitimité de la proclamation d’indépendance et un soutien à celleci. Avec l’appui, au départ, de la diplomatie algérienne, les jeunes militants diplomates de la RASD s’employèrent à convaincre les capitales du monde en conjuguant les effets de leur action politique et de l’action militaire sur le terrain. Dès avril 1976, dix États avaient reconnu la RASD, dont neuf États africains et la Corée du Nord (dans l’ordre, Madagascar, Burundi, Algérie, Bénin, Angola, Mozambique, Guinée-Bissau, Togo, Rwanda). Cette première vague de reconnaissances était de conviction, États africains rangés dans le camp progressiste ou proches de l’Algérie. Pour autant l’URSS ne s’engagea pas, ni les premières semaines ni plus tard, sans doute pour préserver ses intérêts économiques au Maroc et ne s’aliéner aucun État du Maghreb. Les reconnaissances furent moins nombreuses les deux années suivantes, six États davantage dispersés géographiquement qu’en 1976, Yémen du Sud, Seychelles, Congo, Sao Tome et Principe, Panama et Tanzanie. Cependant le processus engagé en Mauritanie, qui aboutit à la signature d’un accord de paix avec le Polisario le 5 août 1979 consacra, les succès diplomatiques de la RASD et la multiplication des reconnaissances. Dix-sept pays en 1979 (Éthiopie, Vietnam, Cambodge, Laos, Afghanistan, Cap-Vert, Grenade, Guyana, Dominique, Sainte Lucie, Jamaïque, Ouganda, Nicaragua, Mexique, Lesotho, Zambie), douze pays en 1980 (Cuba, Iran, Sierra Leone, Syrie, Libye, Swaziland, Botswana, Zimbabwe, Tchad, Mali, Costa Rica, Vanuatu). Pouvait intervenir aussi dans ces reconnaissances, la dynamique des organisations régionales favorisant l’engagement d’États stimulés par les positions prises collectivement qui en même temps rappelaient solennellement le droit international. Ainsi, le sommet des Non-alignés

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réuni en 1979 à La Havane favorisa l’expression de ces solidarités du Sud. De même, les pays membres du Front de la Fermeté créé en décembre 1977 pour s’opposer à la politique de l’Egypte à l’égard d’Israël, reconnurent la RASD lors de leur réunion de Tripoli en avril 1980, et apportèrent deux reconnaissances nouvelles importantes car venant de pays arabes, la Libye et la Syrie. L’OLP membre de ce Front, ne s’engagea pas clairement, la résolution ne faisant état que des pays membres, et utilisa un double langage pour ne se fâcher avec personne. En août 1981, à l’occasion d’une réunion des pays du Pacifique à Vanuatu, cinq États du Pacifique reconnurent à leur tour la RASD (Kiribati, Nauru, PapouasieNouvelle Guinée, Iles Salomon, Tuvalu). En 1981, cinquante pays reconnaissaient officiellement la RASD, vingt-six en Afrique, dix en Amérique Latine, huit en Asie et six en Océanie. L’ONU et l’OUA avaient-elles de leur côté joué un rôle ou au mieux tenu compte de ces reconnaissances ? Maurice Barbier avec sa modération habituelle parlait d’attentisme. (Le conflit du Sahara occidental p. 236) En effet, les Nations unies, tout en ayant refusé le fait accompli de la Marche Verte, se débarrassèrent de ce dossier encombrant en le transmettant à l’OUA. Ce serait la première fois qu’une question de décolonisation serait susceptible d’être traitée par une organisation régionale. Tout en étant fermement attachée au respect des frontières coloniales, principe inscrit dans sa Charte, l’OUA était en 1976 divisée sur cette question. Partagée entre les États du camp progressiste, ayant pour certains très vite reconnu la RASD, et ceux engagés aux côtés du Maroc. Les dirigeants africains étaient également tiraillés entre l’activisme diplomatique marocain et ses tentations de mépris, Hassan II ne parlait-il pas des réunions tam-tam à propos des sommets de l’OUA ! Le Sommet de Khartoum, en juillet 1978, décida de la création d’un comité des sages ou Comité ad hoc composé de cinq chefs d’État dont le Président en exercice, chargé d’étudier le problème. L’année suivante à Monrovia les chefs d’État et de gouvernement approuvaient les propositions du Comité ad hoc : cessezle-feu, exercice par les populations du Sahara occidental de leur droit à l’autodétermination sous le contrôle de l’ONU et de l’OUA.

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En juin 1981 au sommet de Naïrobi, Hassan II créa la surprise par sa présence et son acceptation d’un référendum. Manœuvre destinée à gagner du temps, à briser son isolement en Afrique et sans doute conseillée par ses mentors de France et des États-Unis. Mais il ne trompa personne, ne cédant rien sur l’essentiel : refus d’une éventuelle indépendance et de négociations directes avec le Front Polisario recommandées par l’OUA. Cependant le roi du Maroc avait été contraint à ce premier engagement face à un adversaire qu’il s’obstinait à nier mais dont il fallait bien tenir compte tant sur le plan militaire que politique. L’habileté manœuvrière d’Hassan II n’ayant rien réglé, l’OUA s’engagea clairement suivant les règles de droit et le refus du fait accompli. Aussi l’année suivante, le 22 février 1982, lors de la tenue de la 38e session du Conseil des Ministres de l’OUA, son Secrétaire général Edem Kodjo, fit admettre la RASD suivant l’article 28 de la Charte. Comme attendu la délégation marocaine quitta avec fracas le Conseil où les responsables sahraouis étaient désormais présents ! Cependant la volonté forte des Sahraouis et de l’OUA de déboucher sur une solution politique leur fit accepter un compromis. La RASD suspendit provisoirement son admission à l’OUA pour favoriser l’adoption par consensus d’une résolution offrant les conditions d’un règlement acceptable par le Maroc et le Polisario. La résolution adoptée, AHG/104, exhortait les parties à engager des négociations directes en vue de parvenir à un cessez-le-feu, condition nécessaire pour l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Cette résolution représentait un tournant et constituera la référence pour toutes les recherches de règlement politique, à l’ONU essentiellement et au sein d’organisations régionales comme le mouvement des Non-alignés. L’intransigeance marocaine fit échouer les tentatives de solution et radicalisa davantage les États membres de l’OUA. Le 12 novembre 1984, la RASD fut admise à y siéger, et fut reconnue la même année par la Mauritanie et le Nigeria. L’admission de la République sahraouie à l’OUA était une victoire considérable puisque qu’une organisation régionale reconnaissait la réalité de l’État sahraoui en l’admettant en son sein.

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Cette situation eut également un profond retentissement dans le monde de la solidarité. En France, l’Association des Amis de la RASD comme le Front Polisario estimaient en mars 1983 que la position de l’Elysée évoluait plus favorablement du fait des points marqués par la RASD à l’OUA et que les responsables concernés souhaitaient un contact suivi. Une délégation parlementaire socialiste dirigée par le député Alain Vivien, président du groupe d’étude sur le Sahara occidental, fut organisée dans les campements en mai 1983. En Europe la Conférence européenne de solidarité qui se tint à Bologne au même moment (16 au 18 novembre 1984) s’en trouva très stimulée et envisagea la tenue d’une conférence l’année suivante pour célébrer le premier anniversaire de l’admission et militer en faveur de la reconnaissance de la RASD par les Nations unies. La conférence se tint effectivement à Paris en grand appareil (cette réunion est étudiée plus loin, dans la partie une solidarité en temps de guerre) les 23 et 24 novembre 1985.

LA RUPTURE MAROC OUA ÉTAIT CONSOMMÉE Celui-ci avec l’aide de ses amis, Gabon, Sénégal et plus tard Burkina Faso et Bénin, n’aura de cesse de mettre en minorité la RASD pour imposer son départ de l’OUA puis de l’Union Africaine. Vaines manœuvres puisque la Charte interdit d’exclure tout membre ayant été admis. Cet activisme de couloir dans les réunions africaines put recueillir des succès ponctuels avec l’abandon de certaines reconnaissances. Pour mémoire plusieurs états francophones dénoncèrent en 1996 et 1997 leur reconnaissance de la RASD (Bénin, Guinée-Bissau, Togo, Congo, Tchad, Burkina-Faso et plus récemment Madagascar) et renforcèrent ainsi la position marocaine en faveur d’un règlement politique préservant la souveraineté marocaine sur le territoire du Sahara occidental. La récente reconnaissance de la RASD par l’Afrique du Sud en août 2004 a au contraire consacré la place de la RASD en Afrique et renforcé le camp des soutiens anglophones et lusophones de la République sahraouie. À noter

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qu’au titre de 51e membre de l’OUA, la RASD a été un des états créateurs de l’Union Africaine et en assure la vice-présidence. Les dirigeants sahraouis prennent au sérieux cette responsabilité et animent avec conviction commissions et dossiers africains. Ils plaident avec réalisme pour un retour du Maroc dans l’organisation africaine, ainsi en 1998 Salem Ould Salek, leur Ministre des Affaires étrangères déclarait à Addis-Abeba : « Nous souhaitons que le Maroc revienne sans condition prendre sa place à l’OUA à côté de la RASD. Nous ne voyons pas pourquoi les Marocains négocient avec nous en dehors du continent et ne souhaitent pas le faire à l’OUA ». Ces reconnaissances des pays du Sud en majorité pèsent en faveur du Polisario et de la RASD dans les instances régionales et internationales. Trente nouvelles reconnaissances intervinrent entre 1981 et 1994, plusieurs en 1982 année de l’entrée de la RASD à l’OUA, Venezuela et Bolivie en 1982, Equateur et Pérou en en 1983 et 1984, Colombie et Guatemala en 1985 et 1986, deux en Europe sans trop de lendemain, Yougoslavie et Albanie. De son côté la Namibie dès son indépendance en 1990 reconnaissait la RASD, de même le Timor Oriental, plusieurs années plus tard. Poids humanitaire au sein des grandes agences et poids politique à l’Assemblée générale des Nations unies puis au Conseil de sécurité quand celui-ci s’est enfin saisi de la question au moyen d’un plan de règlement. La première étape ayant été la reconnaissance du Front Polisario comme unique représentant du peuple du Sahara occidental, la seconde étant la très longue et très difficile mise en œuvre du Plan de règlement des Nations unies.

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LA RECHERCHE « À TOUT PRIX » DE SOLUTIONS POLITIQUES MALGRÉ LA DIFFICULTÉ DE LEUR MISE EN ŒUVRE En octobre 1991, au Mans, se réunissait la 17e Conférence européenne du soutien au peuple sahraoui. Rendez-vous annuel devenu habituel depuis 1976 mais qui en cette année 1991 prit un relief particulier. En effet, les Nations unies venaient de mettre en place une force de paix, la MINURSO – Mission de l’ONU pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental – et venaient de faire signer quelques semaines plus tôt, le 6 septembre, un cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario. Arrêt des combats, calendrier rigoureux pour l’organisation d’un référendum, présence onusienne à El Aïoun enfin acceptée par le pouvoir marocain, tout pouvait sembler possible à cette conférence du Mans. Les Sahraouis dans les campements étaient dans le même état d’esprit ! Ainsi Fala Seini, institutrice en formation à l’École Normale du Mans, nous expliquait : « Toutes les familles ont déjà préparé les bagages, chacun se prépare à rentrer, nos malles sont au-devant de nos tentes, plus besoin de garder nos moutons et nos chèvres, alors nous avons préparé de grands méchouis, c’est la fête chaque jour et ma mère ne cesse de me dire, jamais je ne pourrai vivre un été de plus sur cette hamada si brûlante l’été, vivement que nous soyons à El Aïoun où il fait si doux » ! N’était-il pas légitime de « croire » en la capacité de l’ONU à régler un conflit régional, clairement identifié comme un conflit de décolonisation, alors que l’organisation mondiale venait de faire la paix entre Iran et Irak, de piloter l’indépendance de la Namibie dans un monde devenu multilatéral où les Nations unies étaient en mesure de jouer un plus grand rôle ? Le Représentant en France du Front Polisario, Baba Sayed, indiquait effectivement en avril, dans une interview donnée à la journaliste de La Croix, Julia Ficatier « Malheureusement, les Marocains n’ont jamais voulu négocier avec nous. L’ONU est aujourd’hui notre intermédiaire et notre garantie. Nous lui faisons totalement confiance ».

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Pour tous les présents au Mans, cette issue était bien sûr évidente, légitime. Les Sahraouis avaient à la fois gagné leur liberté par la guerre, par leur sérieux politique et la recherche tenace d’une solution de paix et ce sans jamais céder aux tentations du terrorisme, tout en affrontant dès le départ, avec une audace inouïe, un rapport de force en nombre et en puissance très disproportionné. Par exemple, Berthier Perregaux, Président du Comité suisse de soutien racontait en 2006 « de notre côté nous passions aussi par des états de fol espoir et d’enfièvrement. En 1991, juste après le cessez-le-feu, n’avions-nous pas entrepris des démarches pour louer une maison à El Aïoun et en faire l’antenne de notre comité pour suivre le processus référendaire » (Nouvelles Sahraouies n° 119 février 2006). Elle ne l’était pas pour le Conseil de sécurité. Celui-ci pensait davantage la question dans les termes d’un conflit entre Algérie et Maroc et sous-estimait la résolution sahraouie. Il était d’autre part convaincu que l’organisation d’un référendum conduirait au rattachement du Sahara occidental au Maroc et ce en respectant le droit international et l’avis enfin exprimé des populations concernées. Une fois sur place l’administration onusienne se rendit assez rapidement compte de ses erreurs d’appréciation : des sondages discrets auprès de la population du territoire indiquèrent sans ambiguïté que les votes seraient majoritairement favorables à l’indépendance. De son côté le pouvoir marocain ne céda sur rien et continua à se servir de la « marocanité » du Sahara pour assurer la cohésion du pays et la pérennité de la monarchie. Difficile dans ce contexte pour le Conseil de sécurité de risquer la déstabilisation d’un des principaux piliers de l’équilibre de l’Afrique de l’Ouest voire du Moyen-Orient pour satisfaire la volonté d’indépendance d’un petit peuple. La situation est ainsi restée en l’état depuis 1991, dans le respect impuissant du droit international, et a contraint les Sahraouis des campements à poursuivre leur exil sans qu’une issue positive se dessine enfin. Cette période appelée « ni guerre, ni paix » par les Sahraouis a été longuement étudiée au fil de ces années d’incertitude dans des livres et articles, tout a été dit, analysé, ce n’est pas l’objet ici d’y revenir de manière exhaustive.

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Quel était le contenu initial du plan de règlement mis en œuvre par l’ONU en 1991 ? Il reprenait les principaux termes de la résolution AHG/104, élaborée par l’OUA en 1983 sans retenir l’étape des négociations directes refusées par le Maroc. Le principe du plan fut accepté par les deux parties en 1988, les Nations unies y travaillèrent et le Secrétaire général, Monsieur Javier Perez de Cuellar, le proposa pour approbation au Conseil de sécurité le 27 juin 1990(1), qui adopta ensuite à l’unanimité l’année suivante, le 29 avril 1991, la résolution 690, approuvant le plan et sa mise en œuvre. Les Sahraouis avaient le choix entre l’indépendance et l’intégration au Maroc. Le corps électoral serait établi à partir des résultats du recensement espagnol de 1974 avec une possible réactualisation démographique. L’armée marocaine serait réduite, les troupes demeurant au Sahara occidental et les forces du Polisario seraient consignées dans des positions fixes sous la surveillance de l’ONU. La MINURSO et le représentant spécial du Secrétaire général seraient chargés d’identifier les électeurs et d’appliquer les mesures nécessaires pour assurer un référendum libre et régulier sans contrainte militaire ou administrative. Le plan prévoyait un calendrier précis de mise en œuvre démarrant avec le cessez-le-feu, passant par l’identification des électeurs, la période clef de mise en œuvre appelée « période intérimaire » commençant après la publication des listes électorales. Le plan s’est arrêté au cessez-le-feu, contrôlé par la section militaire de la MINURSO, les sections civiles ayant procédé à l’identification des électeurs sahraouis de manière sérieuse de 1997 à 2000 mais sans que les listes électorales soient à ce jour acceptées par le Maroc et donc opérationnelles(2). Tous les six mois le Secré(1)

Résolution du Conseil de sécurité 648 juin 1990.

Qui est Sahraoui ? Qui peut voter ? La question de l’identification a lourdement pesé sur le processus d’application du plan, et a été au centre des manœuvres marocaines. En 1988, les deux parties acceptent de retenir les populations recensées en 1974 par l’administration espagnole comme base électorale, soit 74 000 personnes. Très vite le Maroc se rend compte que cette solution lui est défavorable et fait accepter en décembre 1991 au Secrétaire général de l’ONU de nouveaux critères d’identification susceptibles d’élargir la base électorale et d’introduire des possibilités de pressions et de recours. Cette nouvelle forme d’identification s’appuie sur les critères tribaux, dans la définition de qui est Sahraoui. En dépit de la confusion crée par ces critères, les services de la MINURSO sont arrivés en juillet 1999 à un dénombrement des électeurs sahraouis (86 381 personnes) qui semblait réaliste sauf auprès de la partie marocaine qui présenta 130 000 recours. (2)

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taire général adresse un rapport au Conseil de sécurité qui adopte une résolution et reconduit le mandat de la MINURSO pour une nouvelle période de 6 mois. Que s’est-il passé ? La mécanique compliquée et coûteuse du Plan de paix s’est fracassée contre la volonté marocaine d’empêcher à tout prix toute consultation démocratique des Sahraouis. Par contre le cessez-le-feu a permis au Maroc d’installer un peuplement d’origine marocaine et d’y développer à son bénéfice de fructueuses affaires. Les Secrétaires généraux Perez de Cuellar et Boutros Ghali n’ont pas manifesté de réelle volonté politique à défendre la revendication sahraouie et ont de fait soutenu la plus forte partie, le plan ayant été sauvé avant 1997 par les membres non permanents du Conseil de sécurité heureusement attachés aux règles du droit international. Deux témoignages de membres de la MINURSO recueillis en 1994 et en 1998, presque sous le manteau tant la discrétion est imposée aux fonctionnaires, permet de bien apprécier la situation sur place et de constater la très longue patience sahraouie. Jean-Luc Held, officier médecin dans l’unité médicale suisse de la MINURSO, de 1992 à 1993 témoigna auprès d’un journaliste de l’hebdomadaire Témoignage Chrétien, le 6 mai 1994 : « Les autorités marocaines font tout pour que la MINURSO ne puisse accomplir sa mission. En septembre 1991, on a retardé son installation, empêché le débarquement du matériel, compliqué leur acheminement […] Le camp principal a été établi dans une cuvette avec le drapeau marocain qui flotte à côté de celui de l’ONU […] On m’a déconseillé de rencontrer les Sahraouis, cela risque de mettre leur vie et celle de leurs familles en danger ». L’ambassadeur américain Franck Ruddy, entra de son côté dans la mission de paix en 1994 et fut chargé par les Nations unies de régler le référendum ! Dans un style très direct il témoigna avec fracas de son expérience le 19 mai 1998 à l’Institut du Moyen-Orient à New York. Ce témoignage peu conformiste lui valut quelque souci ! Mais il disait pour la première fois la vraie situation de la MINURSO à El Aïoun. Ce rapport n’eut qu’un faible écho en Europe et fut surtout repris par la presse militante proche des Sahraouis. Ainsi, Sahara Info le publia dans son numéro 103 du troisième trimestre 1998. « J’arrivais à la MINURSO, pas du tout supporter du Polisario. Comme si leur réputation

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n’était pas assez mauvaise pour le reaganiste que j’étais, ils s’habillaient de façon étrange… Quand j’arrivai dans leur camp, je m’attendais à être accueilli par un Che Guevara du désert mais leur porte-parole ressemblait plutôt à David Niven. Poli, réservé, il parlait l’anglais et l’espagnol aussi bien que le français et l’arabe […] Pour l’identification des électeurs, suivant le système établi par la MINURSO, les Sahraouis devaient se faire inscrire pour le référendum, non pas sous l’autorité des Nations unies comme prévu mais sous l’autorité marocaine. Et, bien sûr, les Marocains perdirent de nombreuses listes […] Le gangstérisme du Maroc m’a rappelé une mauvaise période passée en Afrique du Sud. Kaatlyn Thomas, qui a participé à la campagne de Monsieur Bill Clinton, travaillait à la MINURSO et a personnellement transmis un message aux services de Madeleine Albrigth disant que le Maroc transformait le référendum en une pure comédie. » L’arrivée d’un secrétaire général africain, Kofi Annan, qui très vite nomma une personnalité de poids à la tête de la MINURSO, James Baker, l’ancien Secrétaire d’État américain, redonna un élan à l’application du plan ou au moins à la recherche d’une solution politique. James Baker imposa des négociations directes, remit sur les rails l’identification des électeurs. En 1998 le référendum pouvait à nouveau être possible. Un nouveau souverain au Maroc et l’élection d’Abdelaziz Boutéflika en Algérie en 1999, pouvaient-ils jouer un rôle positif ? James Baker proposa successivement deux plans. Le premier en 2001 était plutôt aligné sur les positions marocaines et organisait au mieux l’intégration du Sahara occidental au Maroc. Ce premier plan fut vigoureusement refusé par le Front Polisario, soutenu par l’Algérie qui manifesta clairement son appui par la présence de son Président aux fêtes anniversaire de la RASD le 27 février 2002. James Baker reprit sa copie et soumit aux parties un nouveau plan en 2003, formule de compromis, qualifié par le Conseil de sécurité, de solution politique optimale(1). Mohamed VI, au pouvoir depuis 1999, refusa le plan et abandonna en avril 2004 tous les engagements antérieurs de son pays et en particulier toute référence au référendum. Ce grave déni du droit et de la parole donnée d’un État, conduisit l’Afrique du Sud, qui hésitait jusque-là à se fâcher avec le Maroc, à reconnaître la (1)

Résolution du Conseil de sécurité 1495 juillet 2003. – 50 –

RASD. Pour tenter d’empêcher cette reconnaissance, grave revers de sa diplomatie, le Ministre des Affaires étrangères, Mohamed Benaïssa se rendit à Prétoria pour convaincre Thabo M’Béki de renoncer, mais en vain. James Baker, qui s’était beaucoup investi dans ce dossier démissionna, le 24 juin 2004, dans la relative indifférence de la Communauté internationale, qui depuis bien des années tentait en vain de se débarrasser du problème. Au moment de démissionner, James Baker déclarait à la télévision américaine PBS : « Les Marocains reviennent constamment sur leur parole, mais ce sont nos alliés ». Mais les Sahraouis sont tenaces, fidèlement soutenus par l’Algérie, qui n’a jamais varié et par nombre d’États africains ou d’Amérique Latine que les autorités marocaines n’ont pas réussi à convaincre ou à circonvenir. À la place de l’autodétermination et de l’indépendance, le Maroc propose depuis quatre ans l’autonomie et s’emploie à convaincre la Communauté internationale de la pertinence d’un compromis qui pourrait enfin débloquer la situation et redonner à l’Union du Maghreb Arabe moribond, une seconde vie. Cette proposition est défendue par les diplomates marocains, tous mobilisés par la « cause sacrée ». Ils s’adressent autant aux chefs d’État qu’aux élus européens qui soutiennent les Sahraouis. Le message est entendu par les amis proches du Maroc, la France en particulier, qui a rappelé en 2008, par la voix de son Président, en voyage d’État au Maroc, tout le bien que celui-ci pensait de cette autonomie qualifiée de sérieuse et crédible, tout en déclarant soutenir l’action de l’ONU pour l’autodétermination. La solution de l’autonomie ne semble pas recueillir l’intérêt des Sahraouis ! Pas plus des réfugiés des campements installés en Algérie que des familles qui habitent le Sahara occidental occupé par le Maroc. Nombre d’entre elles manifestent contre la présence marocaine considérée par les Sahraouis comme une nouvelle colonisation. Mieux vaut une situation bloquée qu’une mauvaise solution ? Mieux vaut un compromis que demeurer dans une situation sans issue ? Les Sahraouis pourront-ils tenir encore longtemps dans ces camps ? Le Maroc pourra-t-il encore longtemps entretenir une armée coûteuse et se priver de relations fructueuses avec ses voisins, l’Algérie et le Sahara occidental indépendant ? Les

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réponses données sont souvent dans leur évidente simplicité, plutôt favorables au Maroc ! En effet, une telle situation de blocage et d’abandon peut sembler a priori davantage pénaliser et donc amener à des compromis ceux qui souffrent le plus, dans ce cas les familles sahraouies obligées à l’exil depuis plus de trente ans et séparées à l’est et à l’ouest du Sahara occidental. Et pourtant, face à un pouvoir marocain enfermé depuis plus de trente ans dans une surenchère nationaliste qu’il associe à son existence, les Sahraouis résistent, quoiqu’il leur en coûte. Ils s’adaptent aux situations nouvelles de manière pragmatique et mobilisent depuis trente ans des solidarités étatiques et non-gouvernementales qui leur permettent de tenir matériellement et politiquement. C’est à y regarder de près, leur manière d’écrire leur histoire aujourd’hui tout en se projetant dans un avenir conforme à la conviction de l’indépendance qui les porte depuis 1973. La seule bonne solution est effectivement l’application du droit. Il y va de la pérennité du fonctionnement international. Aussi, les Sahraouis méritent notre plus grand respect, eux qui se battent avec courage et ténacité pour son application, tout en défendant leur existence. De cette très longue impuissance, il est utile de reprendre un modèle de rédaction de résolution que le juriste français Claude Bontems proposait en 1985 dans un article publié par Aujourd’hui l’Afrique, (1985 n°30 journal de l’Association AFASPA). « Le problème du peuple sahraoui et de son droit inaliénable à sa patrie retient toute notre attention. Plus que jamais nous demeurons attachés au règlement de ce conflit, règlement sanctionné par un référendum d’autodétermination et d’indépendance procédant d’une concertation entre les parties au conflit, la RASD et le Maroc. Pour favoriser le règlement pacifique de cet affrontement, nous avons décidé de reconnaître la RASD et de voter en faveur de la dernière résolution de l’ONU allant dans ce sens ». Il n’est jamais trop tard pour adopter des positions de fermeté et favoriser une paix conforme au droit international !

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TRENTE-QUATRE ANS UNE GÉNÉRATION ! L’année 1975, marque le début de cette histoire des solidarités qui à la demande des Sahraouis s’installent durablement. Les bombardements au napalm, la fuite, la résistance et la lutte armée, les centaines de disparitions, une épidémie de rougeole qui entraîne la mort de centaines d’enfants, constituent cette première histoire où le spectaculaire le dispute à la compassion. Les premières missions et les premiers reportages seront les premiers liens avec la Hamada, ultime refuge des Sahraouis chassés de leur pays. En 2009, les campements de réfugiés sont toujours installés sur la Hamada de Tindouf. Leur extension correspond environ à la surface d’un de nos départements. Espace approprié, devenu espace social où presque tout existe sauf l’essentiel ! Se ressentir chez soi, dans le pays de ses ancêtres où la citoyenneté inventée avec la république en 1976 pourrait s’exercer complètement avec un vrai passeport et de vraies ressources sans besoin de la charité internationale qui n’est pas seulement reçue collectivement mais perçue par chaque réfugié comme la marque de l’exil et du manque.

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DEUXIÈME PARTIE

TEMPS DE GUERRE ET D’EXIL, RENCONTRES AVEC UN PEUPLE

DEUXIÈME PARTIE

TEMPS DE GUERRE ET D’EXIL, RENCONTRES AVEC UN PEUPLE

COMMENT SE CONSTRUISENT CES RENCONTRES? « Qu’importe si le chemin est long, pourvu qu’au bout il y ait un puits » Proverbe du Sahara occidental

EN FAISANT « LE VOYAGE DANS LES CAMPEMENTS » Dès le début de leur installation en Algérie, les responsables du Polisario ont invité presse et délégations étrangères des cinq continents avec l’appui logistique du pays hôte, quand tout manquait, voitures, hébergement, nourriture. Le grand dénuement des premières années de l’exil et la guerre n’autorisaient pas de visites privées mais plutôt des visites ou rendez-vous organisés au cours desquels les contacts avec les Sahraouis étaient de caractère institutionnel. Il était nécessaire de montrer aux visiteurs ce que le peuple sahraoui et la RASD avaient la volonté de mettre en place dans l’exil et en période de guerre, pour l’éducation, la santé. Il s’agissait de souligner la place des femmes et l’organisation des daïras (communes) avec des comités de base gérant l’essentiel de la vie quotidienne en faisant participer au maximum les habitants. Avec les années, la société civile et la vraie vie prirent davantage de place et plus personne au protocole, chargé de l’accueil des étrangers, ne propose plus de telles visites guidées ! La lecture attentive des 30 années du journal Sahara Info (www.sahara.info.org) est à ce propos éclairante. Dans les années quatre-vingt sont privilégiés les articles sur l’organisation politique, les institutions et quelques reportages compassionnels sur la misère des premiers mois de refuge et d’exil, alors que depuis une dizaine d’années des reportages réguliers sur la vie quotidienne dans les campements, l’expérience de l’échange et des coopérations avec les Sahraouis sont régulièrement rédigés. Dès la première année de l’exil, un accueil réservé aux délégations étrangères fut installé à Hassi Robinet (devenu avec l’usage Rabouni), lieu-dit nommé par l’administration coloniale française, connu pour son abondance en eau, au sud-est de Tindouf. C’est là aussi que furent construits la majorité des bâtiments en dur qui peu à peu abriteront les administrations de la RASD, ministères, Présidence, Croissant rouge, radio nationale etc. Quelques pièces construites en dur, au confort rustique, furent agrandies et multipliées autour d’une grande cour avec une

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salle de restaurant et une petite boutique d’artisanat. Elles constituaient une sorte d’hôtel saharien où se retrouvèrent au long de ces trente ans des dizaines de délégations d’Europe et du monde. Pourquoi se déplacer dans ces campements au paysage austère, sans les grâces habituelles du désert, pour y trouver des conditions d’hébergement et de nourriture très simples voire inconfortables ? L’engagement et la conviction sont les premières clefs pour comprendre la présence régulière de nombreuses délégations engagées dans le soutien au peuple sahraoui. Ces délégations y retrouvaient l’exotisme exaltant et troublant à la fois du désert, l’hospitalité et la gentillesse des hôtes et le sentiment de trouver là une sorte de laboratoire social, sans argent ni exploitation ou le peuple en lutte se consacrait tout entier à l’objectif de l’indépendance. Hélène Lacombe, professeur au Mans, se rendit dans les campements le 20 mai 1983 avec une délégation officielle de la ville, qui venait tout juste de se jumeler avec un campement. Ce voyage fut fondateur pour elle et elle ne cessa pendant de nombreuses années de l’expliquer au moyen d’un album photo bien usé aujourd’hui. J’ai retrouvé, dans ses archives personnelles, quelques passages de son journal de bord, qui témoigne bien de cet état d’esprit. « Jeudi 19 mai, nous partons d’Alger dans un avion militaire spécial, puis au bout de trois heures nous embarquons à Tindouf dans des camions qui nous emmènent au centre d’accueil. À 17 heures nous visitons une école, l’accueil est impressionnant, chants, drapeaux, cris et yous yous de bienvenue. Les enfants sont très participants, ils se bousculent pour répondre. Vendredi 20 mai, début de la fête, toute cette foule qui nous accueille m’a donné une émotion très forte. Jeanine Rouxin est intervenue dans le meeting aux côtés du maire d’Haouza, c’était un vrai délire tant les participants nous ont acclamées. J’ai vraiment été impressionnée pendant ces quatre jours par le courage de ce peuple et des femmes surtout. » Cette image pieuse a été longtemps entretenue par le Front Polisario qui voulait donner une représentation exemplaire de son action et du peuple sahraoui. Elle rencontrait aussi une attente d’idéal de la part de la majorité de ses visiteurs ! La durée de l’exil, l’ouverture au monde plus marquée des campements après le cessez-le-feu en 1991

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(voulue cependant dès le départ par le Front Polisario qui envoya ses enfants faire des études en Libye, Algérie, Cuba, Espagne), un début de circulation monétaire et des sources de revenus autres que celles des distributions égalitaires réalisées à partir de l’aide internationale ont transformé le quotidien. Toutes ces situations favorisant des relations plus complexes et créatrices d’inégalités, ont troublé l’image et ont amené les responsables sahraouis à davantage prendre en compte le réel et ses contradictions et à s’y appuyer de manière pragmatique. Cette nouvelle donne s’est peu à peu imposée avec la situation appelée ni guerre, ni paix, correspondant à l’arrêt des combats et au refus de quitter la Hamada avant que ne soit appliqué le référendum et la possibilité de l’indépendance. Cet entre-deux n’a pas manqué de favoriser les initiatives. Ces initiatives, dans le domaine des échanges, de la construction, de l’entretien automobile, s’inscrivent dans des dynamiques moins directement impulsées par l’État, avec sans doute leurs effets contradictoires. Cependant elles sont devenues indispensables à la vie sociale et « économique » des familles résidant dans les campements, l’aide internationale étant bien en deçà des besoins et le tout assistance sur une durée aussi longue ne pouvant que produire des effets pervers. Des retrouvailles en décembre 2008 avec un bon copain francophone, aujourd’hui commerçant reconnu en pièces automobiles dans le campement d’Aousserd, permettront de mieux comprendre le fonctionnement de ces nouvelles formes d’activité. Mamouni Mohamed est né à Bir Enzarane en 1959 ; sa famille vivant entre La Guerra et Nouadhibou, il suit de bonnes études en Mauritanie tout juste indépendante. Il en garde de précieux souvenirs d’enseignants français exigeants et attentifs à maintenir une école de haut niveau. La longue sécheresse du début des années soixante avait imposé à son père de changer d’activité : d’éleveur il se fit commerçant à La Guerra. L’occupation de cette partie du Sahara par la Mauritanie et la guerre bouleversèrent leurs vies. Du fait des pressions incessantes sur les familles, personne n’osait plus bouger. Tout se précipita en 1979, après la signature du traité de paix avec la Mauritanie. Chaque membre de sa famille partit de son côté, avant l’arrivée des troupes marocaines réoccupant la place laissée par la Maurita-

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nie. Ils furent pris en charge par des véhicules du Polisario, organisés de manière discrète pour acheminer les familles vers les premières lignes sahraouies situées à 90 km de Nouadhibou. Toute sa famille s’installa dans les campements et quant à lui, il choisit l’armée et la guerre, devoir impérieux de tout jeune homme, conscient et responsable, en 1979. Il resta dix-huit ans dans les forces antichars et antiaériennes. Cet engagement patriotique, il le revendique avec fierté aujourd’hui tout en soulignant combien il imposait à tous ceux qui s’y engageaient, de sacrifices: interruption des études, difficultés pour fonder durablement une famille, avoir des enfants dont on ne pourrait attentivement suivre l’éducation. À sa sortie de l’armée, il suivit une formation en informatique de trois ans en Algérie. Devenu technicien supérieur en programmation, il travailla d’abord au Ministère de l’Information puis se lança en 2002 dans le secteur privé. Il fut embauché par un ami qui ouvrait une boutique de pièces automobiles dans le tout nouveau petit souk de Smara. Homme de confiance de ce petit entrepreneur, qui ouvrit rapidement plusieurs commerces et fit travailler 17 personnes, il créa sa propre affaire en 2004, aidé par un petit héritage familial et par son ancien patron, qui ne semblait pas craindre la concurrence tant la demande en pièces automobiles explosait. En décembre 2008, Mamouni Mohamed possède deux magasins, travaille avec un garage voisin et a prioritairement embauché les membres de sa famille, frères et neveux. Sa femme est infirmière dans l’école voisine et assure bénévolement deux après-midi de permanence à la petite bibliothèque d’Aousserd, ouverte par l’association des francophones, l’ASPECF. Quel bilan économique tiret-il de son activité ? « Ce travail me plaît, c’est sûr que les autorités nous encouragent à développer de telles activités car le travail manque et les jeunes sont tentés de partir. Mais c’est difficile car tout le monde se met à faire du commerce et l’argent disponible n’est pas en quantité suffisante pour permettre à tous les commerçants de gagner un peu leur vie. De mon côté cette activité me permet de faire vivre environ quarante-cinq personnes, jeunes et vieux, difficile en effet maintenant de se contenter des aides internationales, elles diminuent et ne correspondent pas à des besoins normaux pour 2008 même si nous sommes un peuple réfugié. Je travaille essentiellement en achetant le matériel neuf en Algérie, surtout à Oran. Je m’y rends en bus, négocie

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l’achat des pièces et loue camion et chauffeur pour les acheminer jusqu’à Aousserd. J’ai commencé avec un petit capital de 1 700 euros environ venu de l’héritage d’un frère décédé travaillant en France, j’ai maintenant un stock de matériel d’à peu près 15 000 euros, sans compte bancaire, puisque le système n’existe pas encore dans les camps, les impôts non plus d’ailleurs, nous ne sommes pas encore soumis à la TVA ! Mais encore une fois la création d’activités ici est difficile par manque de ressources, du fait de notre isolement, alors il est indispensable de faire d’énormes efforts pour s’en sortir. » À quelles occasions se rend-t-on dans les campements ? Les premières années, celles de la guerre, furent pour l’essentiel consacrées à l’organisation de grands rassemblements commémoratifs des principales dates de la RASD, anniversaires du déclenchement de la lutte armée, de la proclamation de la République ou invitations lancées à l’occasion d’évènements ponctuant la vie politique et sociale, Congrès du Front Polisario, Congrès de l’UNFS etc. Grandes messes impressionnantes tant le déploiement de l’hospitalité bédouine pouvait contraster avec le grand dénuement des réfugiés. Les défilés des soldats, des jeunes, des différentes catégories de la population ressemblaient aux démonstrations patriotiques et sportives des années cinquante en Europe, le déploiement des drapeaux sahraouis rappelant l’urgence de tels rassemblements ! Qu’y retrouvait-on ? Des délégations de nombreux pays, Europe, Afrique, Amérique Latine, militants, élus, intellectuels, responsables politiques des pays amis ayant reconnus la RASD. Leur présence fit souvent office de baromètre politique. Ainsi, en mai 1977, Maurice Barbier faisait remarquer qu’aucun dirigeant de gauche n’était présent aux cérémonies d’anniversaire du déclenchement de la lutte armée, du fait des prisonniers français retenus par l’APLS. Par contre, au quatrième Congrès du Front Polisario tenu en septembre 1978, alors que 17 pays avaient reconnu la RASD, les dirigeants sahraouis réunirent l’ensemble possible de leurs soutiens et firent la démonstration de leur mobilisation. L’énumération des présents est une manière de retrouver le paysage politique de cette année-là. Plusieurs délégations d’États étaient présentes, l’Algérie, le Bénin, la Corée du Nord, la Lybie, le Yémen du Sud et la Yougoslavie et un message de Cuba. Le monde en lutte y fut très représenté

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en solidarité avec un mouvement de libération tenant Congrès. L’ANC d’Afrique du Sud, la Résistance chilienne, les fronts de libération d’Oman, de Namibie, le FRETILIN du Timor Oriental, le FDPLP et le FPLP de Palestine, le Front national du Zimbabwe, la Résistance uruguayenne. L’Europe était là également avec des représentants des partis de gauche et des syndicats. Pour la France, le Parti communiste et le Parti socialiste, la CGT et la JOC et les Amis de la RASD. Pour l’Italie, la démocratie chrétienne et la CGIL, pour l’Espagne, le PCE, le PSOE et l’Union du centre démocratique. Enfin le Maroc était représenté par le parti Ilal Aman. Les journalistes, nombreux quand la question était dans l’actualité, se firent moins pressants quand elle la quitta et le reportage dans le désert sahraoui à la mode les toutes premières années déserta les rédactions. Aujourd’hui un reportage grand public, c’est-à-dire de télévision, sur les campements sahraouis, est très rare ! Pas d’actualité, trop marqué années soixante-dix et guerre froide, trop politique et surtout embarrassant pour des rédactions et des journalistes qui apprécient les reportages au Maroc ou qui s’autocensurent au nom des bonnes relations qu’il est indispensable de préserver avec ce pays ami de la France. Les grands rassemblements existent toujours, avec une organisation et un cérémonial qui a peu varié, associant à chacune de ces occasions une partie des habitants des campements. Ce qui s’est modifié, c’est la localisation de ces fêtes, qui depuis l’année 2000 se tiennent plus à l’Ouest, dans la partie du Sahara occidental contrôlé par le Polisario ou territoires libérés. Cette localisation à plus de 300 km de Tindouf exige une capacité logistique importante, pour transporter, nourrir, héberger des centaines de personnes dans le désert à dix heures de piste des campements, et une réelle mobilisation des habitants et responsables concernés. Ces rendez-vous permettent aussi aux Sahraouis qui n’habitent pas ou plus les campements de se retrouver. Sahraouis installés en badia ou en brousse qui ont repris, quand l’herbe le permet l’activité pastorale ; Sahraouis installés en Mauritanie et aux Canaries et même et de manière plus discrète, Sahraouis du Sahara occidental sous contrôle marocain, qui réussissent à passer le mur… Ces rassemblements gardent donc leur vocation politique, vitrine et message tant vers l’extérieur, et d’abord en direction du Maroc que pour

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la société sahraouie dans ses différentes composantes. Ils manquent rarement leur objectif, tant ils affichent depuis trente ans une sincérité et un élan qui touchent ou impressionnent tous les présents. Ils ont également suscité depuis trois années, une certaine mauvaise humeur des autorités marocaines, choquées que la RASD occupe un territoire qui pourtant lui appartient ! En dehors de ces périodes festives qui réunissent pour trois ou quatre jours plusieurs centaines de personnes, les campements aux saisons les moins chaudes, d’octobre à mai, sont régulièrement visités : délégations, missions humanitaires aux vocations de plus en plus variées aux durées qui peuvent aller de quinze jours à plusieurs années. Elles témoignent de la vitalité des habitants des campements et de la vivacité des échanges et coopérations. S’est ainsi développée une solidarité originale nourrie des obligations d’aide des grandes agences internationales et de multiples initiatives qui toutes méritent un développement particulier. Il faut enfin insister sur l’importance prise par la visite des campements dans le développement de la solidarité en Europe. Chaque association de solidarité, en France, en Italie, en Espagne, en Belgique etc. organise visites, caravanes, charters familiaux, qui contribuent à structurer des équipes, à concevoir et réaliser des projets et font exister les Sahraouis en Europe, en dépit de la discrétion des médias et de l’indifférence des puissances. « Le voyage dans les campements sahraouis est une expérience exceptionnelle qui détermine ou renforce l’engagement de ceux et de celles qui s’y rendent. La chaleureuse hospitalité de ceux qui nous reçoivent et la prise de conscience de la dureté des conditions de vie sur la hamada ne laissent personne indifférent. Puis Michèle Bunel, partie en 2000 avec un groupe de Gonfreville, élus et citoyens, poursuit : « Mes compagnons de route, qui venaient pour la première fois sont émerveillés, par la piste et le paysage lunaire, le coucher de soleil dans les dunes… Cérémonie officielle avec le Conseil municipal, suivent l’incontournable cérémonie du thé, l’échange des cadeaux et l’émotion de retrouver les enfants de l’an dernier. Enfin et c’est une première nous partons vers les territoires libérés, j’ai réalisé à ce moment-là que j’étais au vrai Sahara occidental ! Du changement depuis 1997 ? Les Sahraouis se donnent un peu de confort pour amé-

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liorer leur vie difficile, mais ce qui ne change pas c’est leur sens de l’hospitalité ». Cet exemple retrouvé dans le Sahara Info n° 110 de septembre 2000, est un témoignage tout à fait caractéristique de l’exemplarité de la visite. Ils sont nombreux ces textes, dans la presse solidaire, dans les journaux spécialisés ou régionaux qui, en Europe, recueillent le ressenti et les souvenirs des voyageurs solidaires. Cependant n’ayant pas fait l’objet d’un intérêt régulier à la télévision ou dans la presse magazine nationale, ces témoignages nombreux et concordants n’ont pas favorisé d’empathie forte pour les réfugiés sauf en Espagne. Ils n’ont surtout pas interrogé les possibles lecteurs marocains enfermés dans une représentation très noire et très grossièrement négative de ces campements. Et pourtant, les jours ne se ressemblent pas tous. Ceux qui correspondent à la Semaine sainte chrétienne deviennent espagnols. Des centaines de familles en congé viennent dans les campements par charters, pour retrouver leurs familles et les enfants qu’ils reçoivent chaque été, pour démarrer un projet ou tout simplement faire ce voyage devenu fondateur en Espagne. Les souks s’animent, l’artisanat local ou venu de loin trouve une clientèle curieuse et argentée qui mettra à l’aise les modestes commerçants. Les familles espagnoles achètent aussi sur place la viande, les légumes et enrichissent pour eux et surtout pour la famille qui les héberge le menu habituel. La semaine passée, elles reviennent par leurs vols charters les bras aussi chargés qu’à leur arrivée, don et contre-don, chacune ramène en Espagne ce que la famille sahraouie adoptée lui a offert. Cette forte présence de la société espagnole peut être mal appréciée par certains professionnels de l’humanitaire. Générosité sociale vivante au risque d’être brouillonne contre une aide qui se voulant professionnelle peut devenir bureaucratique, au nom d’une exigeante efficacité ? Les Sahraouis, maintenus dans leur exil se doivent de toute façon d’accueillir tout le monde. Ces visites en majorité faites en avion peuvent aussi se réaliser par voie terrestre. L’Espagne surtout, l’Italie et de manière plus récente l’Algérie organisent une ou plusieurs fois par an des caravanes solidaires mobilisant des dizaines de camions chargés de matériel qui traversent l’Algérie jusqu’à Tindouf. Ainsi des exemples en Europe pris au hasard du Sahara Info. En 1993, deux caravanes furent organisées en France et en Suisse. Caravane Enfants Réfugiés du Monde en août avec l’asso-

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ciation Au-delà du désert, qui emmena avec plusieurs 4x4 du matériel et 12 personnes dans les campements. Quelques mois plus tard la caravane Coup de cœur pilotée par le Comité suisse était accueillie en grand appareil à Cuges les Pins par l’association Solidarité sans frontière avant de s’embarquer à Marseille. (Sahara Info n° 90 janvier mars 1994). En novembre 1994, une centaine de personnes, devenues au fil de la semaine La délégation des 105 partaient en voyage solidaire dans les campements. Moment remarquable pour la solidarité française par l’ampleur du groupe et par l’actualité d’une inondation qui détruisit le campement d’El Aïoun. (Sahara Info n° 92 janvier avril 1995). Plus récemment le Sahara Info n° 147, de juin 2009, retrace les missions françaises dans les campements de février à mai, qui par leur variété et leur nombre, témoignent de la vivacité des solidarités et des coopérations françaises avec la société sahraouie des campements. Depuis trente-deux ans, les habitants des campements ont sans doute été les personnes les plus photographiées de la planète tant chaque délégation qui s’y rend souhaite repartir avec des souvenirs et tant leurs hôtes s’y prêtent avec bonne grâce. Que photographier ? Tout ! Les gens, les enfants, les tentes, les chèvres, les groupes rassemblés autour du thé, les paysages au lever ou au coucher du soleil ! La hamada de Tindouf, située dans l’extrême Sud-ouest algérien, était familière aux Sahraouis au moins depuis le XIXe siècle : ils y venaient pour les grands marchés, un quartier de Tindouf était peuplé de tribus du Sahara occidental, cette situation s’étant maintenue pendant la colonisation. Dès le début de l’année 1975, Paul Balta signalait dans un des tout premiers papiers du journal Le Monde qui leur était consacré que des populations d’origine sahraouie étaient installées aux abords de Tindouf. L’occupation armée du Sahara espagnol va accélérer l’exil vers la même région qui sera officiellement ouverte par les autorités algériennes dès les premiers bombardements de l’armée marocaine. L’Algérie décidait alors de créer un sanctuaire pour mettre à l’abri ces milliers de civils bombardés. L’installation se fit rapidement, avec l’aide du pays hôte et un début d’aide internationale, tant la situation des réfugiés était précaire et mobilisa toutes les forces du Polisario et de la petite armée sahraouie, l’APLS.

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Les familles s’installèrent dans trois grands ensembles de campements, auxquels il fut décidé de donner le nom des trois principales provinces du Sahara occidental, El Aïoun, Dakhla, Smara. Ces camps étaient volontairement éloignés l’un de l’autre pour mieux les mettre à l’abri d’éventuels bombardements. Ainsi Smara et El Aïoun, près de Tindouf, sont à une heure de piste l’un de l’autre, alors que Dakhla se trouve plus au Sud à 7 heures de voiture(1). Les principaux équipements de santé et de formation comme l’hôpital national et les écoles secondaires du 9 juin et du 12 octobre furent également construits très loin dans le désert avec dans les deux cas des structures d’internat qui permettaient aux jeunes de résider sur place. Austérité des premières années, pour tous, jeunes, civils et combattants, les élèves scolarisés ne revenant à la tente familiale que tous les trimestres, séparation cependant moins longue que pour les jeunes scolarisés en Algérie et surtout à Cuba, qui ne revenaient que tous les trois ans. Pendant les vingt premières années d’exil, l’habitat de chaque famille se réduisait à la tente fournie par l’aide internationale, la Libye d’abord puis le HCR. Celle-ci est souvent gardée aujourd’hui, car plus fraîche et aérée l’été, mais elle est devenue marginale dans l’habitat des campements, qui prennent plus l’allure de villages que de camps. Chaque tente mesure 5 à 6 mètres de côté, la hauteur des parois et d’environ 1,20 mètre, son toit s’élève suivant deux mâts centraux à 3,50 mètres. Cette dimension permet donc la station debout et une bonne circulation de l’air par le sommet et les côtés. L’aménagement est simple, sur le sol sableux, des nattes recouvertes de tapis avec tout autour de la tente des matelas et coussins pour s’asseoir ou dormir. L’intérieur de la tente est doublé de cotonnades aux couleurs vives où il fait bon se retrouver autour d’un thé. L’un des côtés de la tente dispose d’un petit placard, c’est là aussi que sont rangées les couvertures en un empilement savant. En 1978, fut crée un nouveau campement autour d’une école féminine de formation appelée « École du 27 février ». Située entre Hassi Robinet (Rabouni) et Smara dans un fond d’oued, ce petit camp se développa peu à peu avec l’installation des Sur un espace d’un seul tenant, les Sahraouis et la RASD vont disposer d’une réelle autonomie d’organisation et de décision: exemple inédit de la création d’un État à l’intérieur des frontières d’un autre État, l’Algérie.

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enseignantes et quelquefois des élèves. Toutes ces femmes sahraouies pour beaucoup analphabètes firent un énorme effort de formation, elles venaient à l’école avec leurs enfants, voire leurs mères, et donc avec leur tente, et pouvaient choisir d’y rester et travailler aux ateliers de tissage, de travail du cuir peu à peu ouverts. Ce camp a gardé cette originalité de départ. Il est dirigé par la directrice de l’École de femmes, qui tient le rôle de gouverneur, et reste un camp aux dimensions modestes. C’est devenu le campement, plus communément appelé Le 27, à la pointe des changements et des coopérations avec une importante association, celle de l’UNFS. Cette association centrale dans les camps possède une section dans chaque village (daïra) et anime plusieurs centres culturels. En 1985 un quatrième campement a été construit nommé Aousserd et situé à une heure de route d’El Aïoun. Julien Dedenis, doctorant de géographie, a consacré son mémoire de maîtrise aux campements sahraouis, la combinaison sociospatiale sahraouie réfugiée. Son approche est très éclairante quant à la compréhension de l’espace des camps. « Les wilayas répondent toutes quatre du même plan en rond […] Ce plan permet de distinguer trois espaces, le centre qui concentre les administrations régionales et la fonction commerciale, la première couronne celle des daïras et des habitations, la deuxième couronne plus diffuse fait la transition avec le désert, avec les parcs à animaux, cimetière, les espaces rebut […] Voué au provisoire, et donc à être démantelé un jour, le territoire des réfugiés sahraouis nie l’environnement dans lequel il s’inscrit. Il se réfère par contre au territoire perdu qu’est le Sahara occidental. La référence spatiale des camps est celle du territoire perdu à reconquérir et non la hamada de Tindouf. Les réfugiés ne sont en effet que très peu attachés à la Hamada en elle-même mais bien plus à l’espace qu’ils ont construit. La toponymie répondant à deux sources, les lieux du Sahara occidental et les dates de l’histoire nationale » L’éloignement de précaution, lié aux bombardements des premières semaines de la guerre, a rendu difficiles les contacts entre les différents campements et équipements du fait du faible nombre de voitures et de la disparition de l’usage des moyens anciens comme le chameau. Militaires comme civils avaient surtout à leur disposition des camions et cela leur suffisait pendant les années de guerre. La difficulté de circuler fut davantage ressentie les premières années après le cessez-le-

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feu, (1991) quand les seuls véhicules disponibles étaient ceux des ministères ou du protocole chargé de l’accueil des missions étrangères. Ces dix dernières années la situation s’est profondément transformée. L’espace des campements est désormais un espace régulièrement parcouru. Cette circulation correspond à la fois aux activités publiques, distribution de l’eau, du gaz, de la nourriture et aux activités privées, commerçants, taxis, déplacements personnels. La multiplication des voitures est un aspect récent de la modification de la vie des campements. Avec le téléphone portable, pas très cher, qui fonctionne partout grâce aux relais installés par l’Algérie pour ses propres besoins dans le Sud et avec l’usage plus courant des voitures, les difficultés de communication, l’isolement des 25 premières années ont vraiment disparu. Cette situation transforme la société, la transmission des nouvelles, les rapports avec les autorités, avec l’extérieur. Ainsi il y a encore cinq ou six ans les familles restaient sans nouvelles de leurs enfants partis en Europe l’été ou à l’étranger pour leurs études. Elles dépendaient étroitement des autorités de la jeunesse organisant ces déplacements. Aujourd’hui il faut réglementer comme partout ailleurs l’usage immodéré du portable, l’inquiétude des uns et la nostalgie des autres. L’organisation des vacances est toujours une prérogative de l’État sahraoui mais il doit davantage composer avec les demandes et les projets particuliers des familles en contact direct avec l’extérieur. Les gouverneurs responsables de chaque wilaya se sont adaptés à la demande de leurs administrés en recherchant des coopérations avec la wilaya algérienne de Tindouf pour mettre en goudron les principaux axes de circulation. Ainsi la fameuse autoroute de Smara, la plus ancienne route goudronnée qui relie la wilaya de Smara la plus peuplée et le centre administratif et politique concentré à Rabouni. L’Hôpital National y a été également reconstruit pour éviter aux malades les longs trajets dans le désert, de même les deux écoles secondaires ont été rapprochées. Il en va de la vie et de l’organisation des campements comme de la circulation. Aux seules tentes de toile, construites par les femmes organisées en tuiza, forme traditionnelle de travail collectif, ont été d’abord ajoutées des cuisines en banco ou adobe pour éviter les incendies quand la cuisine familiale était faite sous la tente, puis peu à peu chambres et salons autour de petites cours, respectant mieux, l’in-

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timité de chaque cellule familiale. Aux camps de toiles du début, marque du refuge et d’un habitat provisoire ont succédé des villages en banco et récemment des maisons en briques de ciment capables de résister à la pluie. Des rues progressivement se dessinent, des commerces s’installent et s’organisent en petits souks, garages et stations essence rustiques permettent aux propriétaires de voitures de trouver tout le nécessaire à proximité. Le besoin de culture, de livres, d’ordinateurs, comme la circulation et les voitures a peu à peu émergé avec le développement de la scolarisation, le retour des jeunes, instruits à Cuba ou en Algérie. Khadija Hamdi, parlementaire, chargée de la culture à l’UNFS, s’était prêtée en 2001 à l’exercice de l’interview (Sahara Info n° 114 mai septembre 2001) « Les femmes tiennent une grande place dans notre société. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucun problème ! nous sommes inscrites dans un contexte arabe musulman et africain où les femmes sont toujours mises au second plan […] Mais la société se renouvelle, se transforme. Les jeunes femmes instruites, scolarisées pour nombre d’entre elles à l’étranger, nous ont poussé à formuler un projet de centre socioculturel pour renouveler l’équipement de l’école du 27 février et créer des maisons des femmes dans chaque daïra, aidées par le HCR. C’est en route ! nous espérons en faire à la fois un espace intime de débats, de conseils et un espace culturel où l’on pourra trouver des livres, des films et pourquoi pas des ateliers de couture et de tissage ? » D’autres « observateurs » des campements qui, au titre de missions humanitaires, y sont restés un certain temps posent d’autres problèmes : « Vivre dans les campements n’est pas évident, surtout pour la seconde génération. Ceux qui y sont nés ne connaissent pas le Sahara occidental pour lequel ils se battent. Alors ils se posent des questions identitaires, que fait-on ici ? que signifie être sahraoui ? ils reviennent avec des diplômes de l’étranger, mais ici il y a peu de postes correspondant à leurs compétences. Le risque est que cette jeunesse s’en aille, ce serait un immense gâchis. Il faut s’occuper de cette jeunesse, lui donner des responsabilités ». Claude Mangin expatriée deux ans dans les campements, projets avec l’Union de la jeunesse sahraouie (Sahara Info n° 122 avril mai 2003) « J’ai vécu ce premier séjour dans les campements comme un immense dépaysement. On se demande comment on peut vivre ou survivre dans de telles conditions. Il ar-

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rive des moments où il n’y a plus rien mais vraiment plus rien à manger. Ou alors c’est la pénurie de thé. Dans les campements on ne parle pas de la guerre, alors que chaque famille a été touchée, mais on parle du Sahara occidental et du retour. Dans les campements on s’ennuie un peu, pour beaucoup il n’y a pas grand chose à faire » Erwan Menuet, animateur qui au cours de quatre missions a formé des animatrices sahraouies avec un programme de l’ONG Enfants Réfugiés du Monde (Sahara Info n° 122 avril mai 2003) « 23 h 45, le froid est tombé, les tentes bureaux des ONG se sont éteintes. C’est l’heure du thé dans la tente des chibanis, les vieux gardiens. Assis sur les lits, les regards sont penseurs, l’heure est à la réflexion du temps qui passe. La musique du thé versé et reversé dans les kas, selon une tradition vieille comme le désert, invite à la discussion. Les vieux racontent. Ils racontent le Sahara. L’avant. L’époque espagnole et celle des grandes tribus guerrières. Et puis le début de la lutte du Polisario […] La poursuite de la lutte pour l’indépendance passe par l’éducation des jeunes et la transmission de la culture sahraouie. Les vieux le savent bien. Les vieux racontent leur avenir, le retour sur leur terre où ils mourront libres […] L’avenir est un sujet récurrent chez les jeunes de 18-30 ans. Instruits, politisés, ils connaissent les enjeux de cette société du désert. Tous partisans de la lutte pour l’indépendance, ils divergent cependant sur la manière d’y arriver. » Bérangère Musseau, humanitaire, a réalisé plusieurs missions dans les campements (Sahara Info n° 138 janvier mars 2007) « Le voyage vers Tindouf a pris depuis quelques mois un coup de neuf ! finis les vols domestiques aux conditions incertaines, vive le nouvel aéroport ! Avec le vol chargé de Sahraouis et de jeunes Espagnols, nous arrivons vers 3 heures du matin à l’aéroport de Tindouf. Les voitures, les privées ou celles du protocole se pressent pour prendre les voyageurs et vite rejoindre les campements. Je vais à Tifariti, village de la province de Smara, accessible par le goudron, progrès pour les hommes et les voitures qui explique le développement de cette wilaya, la plus peuplée. C’est dans l’ancienne maison de Nouéra qu’on m’attend. Sa nièce m’y accueille chaque année depuis le départ de sa tante en Espagne. Nouéra est partie comme d’autres, en Espagne. Un choix douloureux c’est certain tant cette femme engagée, militante de la première heure avait sa place ici. Un mari malade, des enfants pour lesquels on cherche un avenir, une las-

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situde qui s’accumule et qui un jour vous étouffe et un second exil s’impose avec une autre existence à construire dans un pays qui n’est toujours pas le sien. Mais Nouéra comme les autres revient dès qu’elle le peut respirer l’air de la Hamada devenue au fil du temps patrie de substitution […] Dimanche c’est le grand jour pour l’ASPECF (association pour le développement des échanges culturels avec la France) car l’association inaugure sa bibliothèque et son petit centre culturel francophone. Tous les français présents dans les camps sont là, les discours rivalisent de belle langue et reconnaissent les vertus de la fraternité et de la prise de responsabilité créatrice de projets ». Une semaine comme les autres ? extraits d’un témoignage de l’auteur (Sahara Info n° 141-142 mars 2008) Les enfants sahraouis revenus chaque été en France depuis 1980, par leurs réactions spontanées, leurs témoignages ou leurs dessins nous permettent de comprendre les représentations que les habitants des campements se font de leur monde. Les enfants se sentent chez eux dans les campements, ils ont des repères stables et sûrs qui jalonnent la vie d’un enfant de 8 ou 10 ans. Une tente ou une maison avec la famille, un village, une école, des lieux de circulation familiers, les chèvres que les enfants vont nourrir chaque soir, un terrain de foot, plus récemment le souk et la cabine téléphone. Leurs dessins racontent ce qui est vécu et ce qui est rêvé. Tentes et voitures 4x4 pour le réel, carte du Sahara, arbres et fleurs pour le rêvé. Au-delà de cet espace familier et approprié les fractures apparaissent différentes suivant la période. Au début des années quatre-vingt les enfants se souvenaient de leur Sahara, ils y avaient laissé une partie de leur famille et leur enfance. Plus tard les fils ou filles de martyrs, prioritaires pour les vacances en Europe, ne s’en vantaient pas, la bonne éducation sahraouie leur imposant réserve et discrétion, mais la douleur était toujours présente et les scènes de guerre dessinées pouvaient en témoigner. Ce qu’ils savent tous c’est qu’ils ne sont pas chez eux en Algérie. Construire une maison en dur a longtemps été tabou dans les campements, seule la tente, marque de l’exil, était tolérée, c’était aussi une manière de se retrouver en brousse ou badia. Seuls les équipements collectifs ont été construits en dur dès le départ, avec l’aide algérienne et internationale. Aujourd’hui, la première tâche d’un

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jeune couple qui s’installe c’est de faire ses briques avec l’appui de la famille ou d’un artisan quand les moyens le permettent et de construire ses chambres autour d’une courette. Les chansons patriotiques que les enfants chantent avec bonheur et dans un entrain partagé donnent à rêver au Sahara jamais connu que seules les grand-mères peuvent encore raconter. Aujourd’hui, la chanson préférée est celle qui exalte leur nouvelle héroïne, Aminatou Haïdar, ancienne disparue et militante des droits de l’homme dans les territoires occupés du Sahara, ce fut le tube de leur été 2007. Monique Roussel qui se trouvait là pour y enseigner le français raconte : « Cet été 2007, dans toutes les tentes où j’étais reçue, les enfants et leurs mamans se passaient une photo d’Aminatou et s’inquiétaient de la situation de leurs parents restés de l’autre côté du mur, toujours dans la crainte d’une arrestation ou de leur maison saccagée » Pour autant la situation de refuge depuis plus de trente ans pénalise fortement les Sahraouis. La séparation des familles d’abord de part et d’autre d’un mur qui coupe en deux le Sahara, la précarité alimentaire constante qui freine la croissance des enfants et crée des conditions d’anémie permanente pour les femmes, l’impossibilité pour les plus âgés de mourir chez eux, la difficulté pour les jeunes de trouver à s’employer. Dans un récent documentaire, Une république en exil, diffusé par France O et produit par un réalisateur de Nanterre, Cheik Djémaï, un jeune de 18 ans environ, né dans les camps disait à la caméra « dans cette situation, tu es comme inachevé ». Un autre plus jeune, encore choqué par le souvenir de l’inondation de 2006 disait sa peur de voir les maisons lui tomber dessus et les eaux l’emporter. La Hamada, monde plat et minéral, le reg des géographes, très peu habitée est en effet dure à ses habitants d’aujourd’hui. Avec courage et ténacité, avec l’aide des amis, les Sahraouis l’ont peu à peu apprivoisée et fait un peu verdir. Mais elle reste un désert continental, froid l’hiver et très chaud l’été, sans pâturages ni oasis, toujours sec sauf quand le ciel se fâche brusquement, faisant déborder les oueds qui emportent tout.

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EN PRENANT CONNAISSANCE DE LA PRESSE MAROCAINE Depuis le début du conflit, les responsables marocains ont réclamé le retour à la patrie des réfugiés sahraouis installés en Algérie et dénoncé le rôle des dirigeants algériens séquestrant contre leur volonté et avec la complicité des « mercenaires » du Polisario, des personnes dont le seul souhait serait de revenir au Maroc. Cette propagande alimente depuis trente ans la presse marocaine, utilisant un vocabulaire très spécifique, séquestrés, mercenaires, prisonniers repris de manière quasiment mécanique par les organes de presse officiels, les institutions politiques et dans l’enseignement. Les campements ainsi interprétés comme des camps de prisonniers correspondent dans la tête du Marocain moyen à une situation de fait, jamais vérifiée par une presse aux ordres et suivant des vérités apprises à l’école. Cette propagande à la longévité exceptionnelle – 30 ans – entretient le consensus national autour des trois tabous du règne d’Hassan II : le Roi, l’Islam et l’intégrité nationale, consensus payé au prix fort par tous ceux qui ne le respectaient pas. Cette propagande alimente également une défiance populaire à l’égard de l’Algérie, qui ne peut que conforter les dirigeants marocains aux prises avec la détermination algérienne à soutenir les Sahraouis. La propagande marocaine à travers la presse officielle et l’agence MAP fait preuve de créativité et invente suivant les besoins de nouvelles turpitudes visant à compromettre durablement la bande d’Abdelaziz. Par exemple, le journal Maroc hebdo international, comme une des voix de son maître, en est coutumier. Le numéro 501, paru le 14 mars 2002, pris au hasard à l’occasion d’un passage au Maroc d’amis attentifs, est à cet égard bien intéressant. En première page, le journal titre sur la visite du Roi Mohamed VI au Sahara, affirmant en grosses lettres rouges « Le Sahara c’est fini » et en sous-titre une référence aux convoitises algériennes. Le Roi y est photographié en uniforme de l’armée sur un engin militaire, le drapeau marocain en bas à gauche. Le décor est planté. Mais ce n’est pas suffisant, cette question du Sahara est tellement rebattue et jamais réglée. Aussi le journal en fait plus, avec un bandeau très

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accrocheur « Les enfants sahraouis livrés à la prostitution à Cuba » en lettres rouges bien épaisses et une précision en titre noir, preuve du sérieux de l’affirmation : « Un rapport européen accuse le Polisario ». Le propos est développé dans la suite du journal. Le voyage du Roi est longuement commenté, manifestant l’attachement à la royauté des Sahraouis, avec un versant politique anti-algérien, qui prend au sérieux ce jour-là la visite du Président algérien Boutéflika dans les campements sahraouis, c’est une première. Une information classique, qui alimente régulièrement la presse officielle marocaine, sans doute rarement lue avec beaucoup d’attention mais qui n’entretient pas moins un certain climat. L’article le plus spécieux est celui qui sans parler directement de politique, via un rapport européen accuse le Polisario de déporter ses enfants à Cuba, pour que l’économie cubaine s’en serve comme main-d’œuvre gratuite ou pour les livrer à la prostitution. L’article d’une page fait référence à Madame Marie-France Mirot, présidente en 2002, du groupe petite fille, à l’Unesco, qui aurait rédigé un rapport accablant au terme de ses nombreux déplacements. Quels déplacements, quels interlocuteurs ? Rien n’est précisé dans l’article, qui passe sans problème d’un rapport européen annoncé dans le titre à un rapport rédigé dans le cadre d’une commission Unesco. Des extraits de ce rapport sont repris, faisant état de prostitution, viols et travail forcé, puis l’article revient à ce que les journalistes connaissent le mieux, la description de l’enfer des camps sahraouis « Les Kmers rouges du sinistre Pol Pot n’auraient pas fait mieux ». Cette information, qui ne se contentait pas de prendre pour cible le Polisario, a bien intéressé quelques sénateurs représentant les Américo-cubains de Miami. Comme d’autres, elle a fait long feu, mais elle continue à alimenter le lobbying auprès de ces sénateurs et elle est toujours présente sur des sites alimentés par des militants officiels, qui entretiennent confusion et désinformation et peuvent à juste titre troubler ceux qui les consultent. Par exemple, en juin 2003, Maroc Hebdo recommença avec le thème de la déportation des enfants et de la pédophilie en prenant à témoin l’association, Enfants Réfugiés du Monde, qui suivant le journal avait dénoncé ces trafics. L’association protesta, démentit, mais la rumeur pouvait courir. Cette question a été prise au sérieux par la Communauté internationale, qui

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a mené enquête et a démenti formellement le 4 mai 2006. C’est le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés qui s’en est normalement chargé, démentant toutes ces allégations sur les déportations et les traitements cruels infligés aux jeunes Sahraouis à Cuba. Comment analyser la pérennité d’une telle propagande hors de toute réalité, mais qui a, au contraire entretenu la confusion entre les vrais prisonniers marocains, pour certains restés 30 ans dans les prisons sahraouies, et les pseudo-séquestrés de Tindouf? Les arguments convaincants de Hassan II et de ses ministres de l’intérieur de 1976 à 1999 y sont pour beaucoup. Ne pas croire ce qui se racontait sur les camps de Tindouf pouvait entraîner arrestation et disparition ou à tout le moins créer des ennuis pouvant gravement perturber le quotidien. Une opinion marocaine commence à émerger après les années de plomb et à s’affranchir du quadrillage étroit de la police et de ses nombreux collaborateurs. Le traitement des campements de séquestrés sert pourtant toujours et seuls quelques journaux d’une presse indépendante comme Tel Quel et Le Journal Hebdomadaire se sont affranchis des habituelles représentations et ont passé, au début du règne de Mohamed VI, une interview d’Abdelaziz, président de la RASD. Interview qui a valu procès et interdiction au Journal hebdomadaire, assorti, d’une forte amende, l’année 2000, quand tout semblait à nouveau possible. Le journaliste franco marocain, Ali Lmrabet, a lui été 8 mois en prison pour outrage au roi (de septembre 2003 à avril 2004). Condamné à trois ans de prison, il fut gracié par le souverain, mais connut de nouveaux démêlés judiciaires en janvier 2005 suite à la plainte pour diffamation déposée par l’Association des parents des Sahraouis victimes de la répression dans les camps de Tindouf, tout nouvellement crée, pour avoir déclaré à l’hebdomadaire marocain arabophone Al Mustakil, que « les Sahraouis de Tindouf ne sont pas des séquestrés mais des réfugiés ». Cette plainte entraîna procès et condamnation, l’équivalent de 4500 euros d’amende et l’interdiction d’exercer son métier dans son pays natal pendant dix années. Ali Lmrabet déclarait au Monde: « C’est un jugement politique destiné à m’empêcher de publier mon journal. On voit la nature de ce régime que je tente de montrer depuis des années. La façade, bien ravalée, trompe beaucoup de monde. Mais à l’intérieur, c’est toujours aussi pourri » (Le Monde 14 avril 2005, Florence Beaugé)

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Par contre la même année Le Journal Hebdomadaire (30 avril – 6 mai 2005) publiait un reportage nuancé de la situation au Sahara occidental sans forcément utiliser le vocabulaire codé (provinces du Sud ou Sahara marocain) avec un entretien du héros sahraoui Mohamed Daddach, témoignant avec conviction de sa volonté d’indépendance et de son attachement au Polisario. L’année suivante en octobre 2006, le même hebdomadaire, n° 273, reprenait le sujet en première page avec un titre politique « le projet d’autonomie en question, Sahara la panne stratégique ». Les articles étaient rédigés par le rédacteur en chef, Aboubakr Jamai et par Catherine Graciet, journaliste française, connaissant bien le sujet, introduisant une saine distance au tabou de la marocanité du Sahara. Plus de propagande mais une réflexion sur les sensibilités politiques des jeunes militants sahraouis, animateurs des associations des droits de l’homme, sur les rapports qu’ils entretiennent avec le Polisario. Plus de révérence à l’égard du pouvoir mais une analyse contrastée de sa gestion du projet autonomie. L’interview en toute indépendance d’Aminatou Haïdar, un an après sa libération, était également de bon aloi. Trois ans plus tard, en juin 2008, alors que le processus de négociations de Manhasset butait comme d’habitude sur l’entêtement marocain, le journal Tel Quel, réalisait un long reportage sur les campements, parlant sans complexe des réfugiés, de la RASD et trouvant même quelques qualités à certains de ses dirigeants. Cette presse indépendante, qui suivant l’actualité, fait exister une autre version de l’histoire du Sahara et casse le tabou, comment peut-elle coexister avec la volonté du pouvoir toujours aussi fortement affichée et en acte, de ne rien céder sur la marocanité du Sahara ? C’est une presse francophone, par qui est-elle lue ? quelle influence a-t-elle sur une opinion marocaine marquée par une propagande qui touche à ce que beaucoup de Marocains pensent avoir de plus précieux, la grandeur et la fierté de leur patrie. Cette propagande continue à fonctionner parce qu’elle rencontre dans les représentations des Marocains « moyens » clichés et a priori anciens et largement partagés. Les gens du désert n’étaient-ils pas des arriérés, incultes, tout juste bons à garder

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des chèvres, qui ne pouvaient raisonnablement qu’être heureux et honorés de rejoindre la mère patrie ? Ils ne pouvaient donc qu’être séquestrés s’ils ne profitaient pas de cette opportunité et de la grande bienveillance du royaume. En 1976, la guerre menée contre l’APLS au nom d’un grand Maroc, privé d’une partie de son territoire historique par la colonisation, a ainsi réveillé le nationalisme marocain et réunifié le pays autour d’une royauté en difficulté. En 1991 avec la signature du cessez-le-feu, la propagande officielle fut d’autant plus nécessaire, qu’il fallait garder intacte la légitimité de la cause nationale en alourdissant le trait de la caricature, d’autant que le maintien de la présence marocaine civile et militaire coûte cher aux finances du pays. L’hebdomadaire, Jeune Afrique, publie régulièrement des reportages et analyses sur le Maghreb avec, sauf exception, une sympathie pour le Maroc. L’article paru en novembre 2003 (numéro 2233), signé par Ridha Kéfi, est intéressant à double titre. D’abord pour le parti pris du journal d’envoyer un journaliste au 11e Congrès du Polisario et pour les réactions que ce reportage a suscitées au Maroc. C’est un reportage honnête, où l’envoyé spécial raconte sans a priori le Congrès et son contexte, ce qui lui permet d’évoquer quelques aspects du quotidien des campements à travers sa rencontre avec une famille, des entretiens officiels qu’il a semblé apprécier, le style assez démocratique du congrès qu’il souligne. « La réunion se poursuit l’après-midi à huis clos, je demande d’y participer… on me fait alors entrer. Les interventions auxquelles j’assiste dénotent une certaine liberté de ton. Un vote à main levée donne un résultat très serré. Ce n’est certes pas encore la démocratie mais on est loin de la langue de bois qui caractérise les travaux des partis politiques dans la plupart des pays arabes ». « Il me restera de ces trois jours, le souvenir d’un peuple réfractaire, déchiré et incompris ». Ce reportage présentant une image positive des Sahraouis et du Polisario a déchaîné des réactions hostiles de la part de « commandos » d’internautes marocains et d’anti-Sahraouis résolus qui ont multiplié les protestations spontanées ou organisées auprès de la rédaction. Ce qui lui fera regretter, sans doute, son parti pris d’impartialité, l’opinion marocaine qui s’exprimait ainsi ne souffrant pas la nuance.

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Cette opinion marocaine attachée à la marocanité du Sahara existe-elle vraiment, marquée par plus de trente d’endoctrinement et peut-elle jouer un rôle dans les décisions prises par le Roi ? La remise en route du CORCAS – Conseil Royal Consultatif pour les affaires Sahariennes – composé d’anciens notables sahraouis, chevaux de retour de toutes les collaborations et de plus jeunes enrichis par la rente de la guerre et de l’occupation, et la proposition d’une autonomie large dans le cadre de la souveraineté marocaine font bouger les arguments de la propagande. Les Sahraouis reçoivent davantage de marques de considération, les autorités leur reconnaissent des particularités culturelles. Vitrine à l’usage de l’extérieur, mais jamais la garde n’est abaissée quand il s’agit des séparatistes. La propagande met désormais l’accent sur des aspects davantage en prise avec l’actualité. Elle dénonce le maintien d’un Polisario mal contrôlé et affaibli, et les risques d’un foyer terroriste aux portes du Sahara. C’est ce que fait récemment remarquer Yahia Zoubir, géopolitologue des conflits, dans un récent article paru dans Sahara Info (juin 2007 n° 139) : « Aujourd’hui, le Maroc tente de faire passer le Polisario pour un mouvement terroriste proche d’El Qaïda et affirme que la meilleure façon de s’en protéger est de soutenir la solution marocaine, c’est-à-dire l’autonomie […] Bien entendu personne n’est dupe mais l’argument peut faire mouche pour qui ne connaît pas la genèse du conflit et la responsabilité de l’Espagne à mener à son terme la décolonisation de ce territoire ».

EN RÉUNISSANT DES INFORMATIONS SUR LE SAHARA OCCIDENTAL OCCUPÉ Quand le Sahara espagnol fut occupé par ses deux voisins Maroc et Mauritanie, l’attention se porta d’abord sur les Sahraouis, qui, à l’appel du Front Polisario, décidaient de quitter les principales villes occupées et d’aller vers l’Est. D’abord dans les campements familiers de la badia puis vers Tindouf et la frontière algérienne, quand les bombardements de l’aviation marocaine menacèrent les civils. Ces départs concernaient autant les territoires du Sud occupés par la Mauritanie que ceux du Nord oc-

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cupés par le Maroc. Cependant les Sahraouis restés sur place, comme ceux, nombreux qui habitaient le sud du Maroc, dans la partie cédée par l’Espagne en 1958, se trouvèrent très vite confrontés à des arrestations visant à démanteler toute résistance. Les premiers numéros de Sahara Info font état de ces arrestations souvent arbitraires qui touchaient certes des militants connus du Polisario mais également des membres de leurs familles, des personnes dénoncées sans preuve. Un comité pour la défense des prisonniers sahraouis fut créé, un soutien public exprimé aux premiers meetings, Amnesty international entreprit de parrainer quelques -uns d’entre eux mais un silence de plomb les recouvrit rapidement. Ceux qui avaient échappé aux arrestations des trois premières années d’occupation ne purent que se taire. La pression sur les civils était d’autant plus forte que l’APLS fut en mesure de porter des coups sensibles contre l’armée marocaine jusque dans le sud du Maroc où de nombreux Sahraouis résidaient. La construction du mur de défense, à partir de 1982, enferma de proche en proche la partie du Sahara occupé par le Maroc et sépara les Sahraouis de part et d’autre du mur. Pendant plusieurs années, presque aucune nouvelle ne nous en parvint. Nous savions que le Maroc à l’abri désormais des opérations de l’APLS grâce au mur de défense, engageait une vaste politique de peuplement et incitait fonctionnaires, salariés à s’installer dans les provinces du Sud au moyen de primes, d’avantages fiscaux, ce qui réduisait d’autant la part et l’influence de la population sahraouie. Un dossier « La RASD aujourd’hui » publié en mars 1985 par le journal Sahara Info en supplément au numéro 72, y consacra un article écrit par le journaliste Paul Balta, qui se rendait régulièrement au Sahara occidental. Celui-ci signalait d’abord l’échec de l’opération « fête du trône » tentée par Hassan II le 3 mars 1985, boycottée par les Ambassadeurs en poste à Rabat, peu enclins à entériner par leur présence le fait accompli de l’occupation. Il constatait aussi que le mur de défense jouait son rôle, isolant encore davantage les populations sahraouies et les soustrayant à l’influence du Polisario. Il reconnaissait un changement de politique, la carotte après le bâton. Ainsi, le Maroc construisait, pour qui? une imposante aérogare prévue pour accueillir 500 000 passagers, El Aïoun comptait 100 000 habitants en 1985, peuplé d’autant

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de Marocains que de Sahraouis. Paul Balta poursuivait : « On voit le drapeau chérifien bien plus que dans les villes du Nord et chaque projet prend le nom d’Hassan II. Qu’en pense la population ? Sans doute certains y trouvent leur compte mais les autres ? Difficile à dire car il n’est pas aisé de s’entretenir en privé avec des Sahraouis qui se montrent d’une grande prudence. L’un d’entre eux s’est borné à nous répondre, avec un proverbe ; embrasse la main que tu ne peux couper » En 1985, 21 jeunes partirent du Sahara occupé via Ceuta ou Melila, enclaves espagnoles au Nord Maroc, dans l’intention de demander l’asile politique à l’Espagne. Répondant négativement, l’ancienne métropole les envoya en Algérie vers Tindouf. Cependant par leur fuite ces jeunes voulaient manifester qu’ils vivaient dans un pays occupé et que personne au Sahara n’oubliait l’indépendance, premiers témoignages recueillis en direct. Christiane Perregaux, secrétaire du Comité suisse, se trouvait dans les campements au moment de leur arrivée, elle en témoigne quelques années plus tard (Nouvelles Sahraouies juin 2001 n° 100), son « récit » est éclairant sur la séparation imposée à tous par cette occupation qui dure encore vingt-huit ans plus tard. « À Tindouf, nous n’étions pas sortis de l’avion que ces jeunes ont été littéralement enlevés. Je suis montée dans le même camion qu’eux ! et j’ai tournoyé pendant trois jours dans leur sillage. Chacun voulait les toucher, les saluer, ces jeunes héros ! Chacun voulait leur demander des nouvelles des familles restées de l’autre côté du mur. De camp en camp j’assistais à la même ovation. Lorsque la nuit tombait, on se mettait en cercle dans une daïra, et des hommes et des femmes psalmodiaient l’épopée de ces jeunes, les inscrivant ainsi dans la grande histoire sahraouie ». Des nouvelles alarmantes arrivèrent en 1987. Au mois de novembre, l’ONU programma une mission à El Aïoun pour apprécier la situation et préparer ce qui commençait à s’envisager, un plan de paix susceptible de trouver une issue politique au conflit. La mission débarqua à l’aéroport le lendemain du jour prévu. Aussi les jeunes Sahraouis qui s’étaient organisés pour informer la mission, essayer de rompre leur isolement, ne trouvèrent à l’aéroport que la police et l’armée qui réprima sans ménagement cette initiative. Plusieurs dizaines

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d’entre eux furent arrêtés et disparurent sans procès, sans que leurs familles ne reçoivent aucune information les concernant. J’ai eu l’occasion de rencontrer en 2006, en France, une de ces militantes sahraouies qui fut arrêtée en 1987, Aminatou Haïdar. Elle resta trois années dans les prisons de Hassan II, dans les pires conditions de détention, dont elle témoigna en 2006 avec une grande dignité. Elle réapparut en 1991, libérée avec des centaines d’autres disparus, au moment de la signature du cesse- le-feu. C’est aujourd’hui une des responsables de la résistance au Sahara, elle fut à nouveau emprisonnée en 2005 pour simple délit de manifestation. Cette rencontre en 2006 fut importante à double titre. Émotion de rencontrer une militante au parcours exemplaire, qui avait su, avec d’autres, progressivement construire les conditions d’une résistance capable de mieux affronter la répression et d’aller au bout de ses objectifs. Émotion aussi de retrouver une victime de la disparition, scandale que nous dénoncions depuis vingt ans mais avec un sentiment d’irréalité qui nous privait sans doute de la force de conviction que nous auraient donné les contacts directs avec les disparus? On dénonçait mais comprenait-on la profondeur et la cruauté de leur enfermement? Une disparition de 17 ans dans un bagne comme Kalaat el Gouna ne laisse personne indemne. Cette histoire est encore à écrire car le Maroc d’aujourd’hui, qui a su écouter ses « bagnards marocains » des années de plomb n’est pas encore capable d’écouter les Sahraouis et d’accepter ainsi l’idée qu’ils ne sont pas Marocains. La mort de Hassan II et le départ de Driss Basri ont ouvert un peu le Sahara occidental, les militants sahraouis se sont engouffrés dans ces quelques brèches, pour construire les moyens d’une résistance qui ne se laisse pas dévorer par la répression comme durant les années de plomb. En 1999, puis en mai 2005 un soulèvement populaire, l’intifada Sahraouie, a pris toute sa mesure et ne s’est plus éteinte. Elle concerne une partie non négligeable de la population, les jeunes et toutes ces familles qui maintiennent fermement leur engagement nationaliste. Les lignes vont-elles bouger ? l’ONU s’en est inquiétée et y a dépêché en 2007 une mission d’enquête sur les droits de l’homme. Aux termes d’un double déplacement au Sahara côté marocain et dans les camps côté Algérie, la mission a rendu un verdict sans ambiguïté : non-

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respect des droits de l’homme au Sahara sous contrôle marocain lié à la non-application de l’autodétermination, le rapport, diffusé par le Polisario n’a pas été rendu public officiellement. Trop embarrassant pour le Maroc ? Plus récemment, en décembre 2008 et mars 2009, deux rapports circonstanciés émanant pour le premier de l’ONG Human Rights Watch et d’une délégation ad hoc du Parlement européen ont documenté de manière précise la situation au Sahara occidental, indiquant en particulier comment le pouvoir marocain combine lois répressives, violences policières et procès d’opinion pour empêcher toute expression contraire à la marocanité du Sahara.

EN MAINTENANT LE CONTACT AVEC UNE DIASPORA SAHRAOUIE INSTALLÉE EN ESPAGNE, EN MAURITANIE Depuis une quinzaine d’années, un grand nombre de Sahraouis ont peu à peu fait le choix de quitter les campements, par lassitude, pour trouver à l’étranger un travail rémunérateur, poursuivre des études… C’est l’Espagne qui aujourd’hui en accueille le plus grand nombre, aux Canaries d’abord, au Pays Basque plus récemment et partout où se trouvent travail et accueil familial ou associatif qui rendent possible l’installation. En Mauritanie aussi de nombreuses familles se réinstallent là où se trouvaient traditionnellement les groupes d’origine sahraouie, à Nouadhibou et Zouérate en particulier. Quand les papiers sont réunis et permettent la mobilité au-dessus des frontières, un va-et-vient entre les campements et les lieux d’installation des Sahraouis expatriés s’organise en modifiant sensiblement le vécu de l’exil. L’Espagne avec son réseau très dense de solidarité, sert ainsi de point d’appui, et faute de régler le problème politiquement en s’imposant au Maroc, aide les Sahraouis autant en Algérie qu’en Espagne.

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Cette « expatriation » comme toutes les migrations du Sud correspond d’abord à un besoin économique et devient nécessaire au quotidien des campements et à la survie de bien des familles. Elle n’est pas sans risque, vidant les campements des cadres et des jeunes instruits. Elle appelle à trouver de nouvelles solutions, si la situation politique n’évolue pas et si l’exil obligé se prolonge. La création d’activités productrices de valeur devrait davantage se développer pour être en mesure de fournir du travail à de jeunes diplômés ou de créer davantage d’espaces d’initiatives. Toutes ces questions sont aujourd’hui dans les têtes et commencent à faire bouger la vie des campements et à orienter de nouvelles formes de coopération. Simultanément, les Sahraouis ayant fait le choix de l’Espagne doivent y inventer de nouvelles formes de mobilisation pour faire avancer politiquement la question tant en Espagne qu’ailleurs en Europe. Des groupes déjà se constituent et dans un premier temps s’exercent à la politique en s’opposant aux anciens et en essayant de trouver de nouvelles formes de radicalité.

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DEUXIÈME PARTIE

TEMPS DE GUERRE ET D’EXIL, RENCONTRES AVEC UN PEUPLE

UNE SOLIDARITÉ EN TEMPS DE GUERRE

Le soutien européen aux luttes des peuples, qu’elles soient de libération de la dépendance coloniale ou liées à la division du monde est-ouest, associant libération nationale et lutte pour une nouvelle société, ne se choquait pas de l’existence de la lutte armée. Celle-ci était au contraire considérée comme un moyen bien souvent incontournable pour venir à bout de la présence coloniale ou étrangère. Ce fut le cas en Algérie, en Indochine, en Angola, etc. Les Sahraouis, encore Espagnols en 1973, décidèrent eux aussi la lutte armée pour imposer, une indépendance que les résolutions internationales n’avaient pas été capables depuis 1966 de faire aboutir. Cette lutte armée contre l’Espagne, à peine connue, prit un caractère régional quand le Maroc et la Mauritanie entrèrent dans le jeu en 1975. Leur entrée dans le jeu sahraoui ne bloquait pas seulement un processus d’indépendance mais provoquait un risque sérieux de déstabilisation du Maghreb, réactivant les difficultés entre les deux voisins Algérie et Maroc. L’ancienne solidarité forgée aux indépendances passait désormais après les raisons et intérêts d’état. Elle s’effaçait derrière les affinités idéologiques rangeant ces deux États dans les camps opposés, le progressiste et l’occidental. Le soutien à l’une des dernières luttes de libération en Afrique sortait du schéma habituel. Il s’agissait d’un conflit où les agresseurs étaient des États depuis peu décolonisés, et ce au nom de l’histoire. Dans ce contexte nouveau ne fallait-il pas mettre en action de nouvelles formes de solidarité, qui, tout en s’enracinant dans une tradition, devenaient singulières ?

L’OCCUPATION DU SAHARA OCCIDENTAL POUVAIT-ELLE EMBRASER LE MAGHREB ? Les premières semaines qui suivirent la Marche Verte correspondaient à une situation d’une réelle gravité et mobilisèrent presse et responsables politiques. Une guerre, aux portes de l’Europe, dans un Maghreb déchiré était-elle possible ? Si la gravité de la situation n’échappait à personne, une opinion publique de gauche, très réac-

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tive au grand mouvement de la décolonisation et aux luttes de libération favorisa un intérêt et un enthousiasme pour ce peuple sahraoui, si téméraire, qui affrontait des adversaires soutenus par les puissances occidentales toujours soupçonnées de visées néo-coloniales. Dès la fin de l’année 1975, les premiers militants diplomates, représentants du Front Polisario étaient présents en Europe. À Paris d’abord, ils s’adressèrent tout naturellement aux probables amis. Presse de gauche familière du monde arabe et attentive aux luttes anticoloniales, responsables associatifs et politiques plutôt de gauche et d’extrême gauche ou gaullistes attachés à la décolonisation constituèrent les premiers contacts et les premiers soutiens. À Paris, c’est l’équipe qui venait de créer la librairie l’Harmattan autour de Denis Pryen et le journal Témoignage Chrétien et son directeur Georges Montaron qui servirent de relais et d’appui politique voire logistique aux premiers envoyés du Front Polisario. Autour d’eux et d’Annick Miské Talbot, épouse d’un membre du bureau politique du Front, Ahmed Baba Miské, se croisaient les réseaux qui avaient soutenu les militants FLN ou ceux qui venaient des comités Vietnam. Ils aideront les premiers Polisario installés à Paris à faire la connaissance des personnes incontournables, journalistes, responsables politiques. Par exemple, le Parti socialiste reçut le Polisario dès novembre 1975 ainsi que le Parti communiste. Le 16 février 1976, fut créée à leur initiative l’association Des amis du peuple sahraoui, suite à un texte d’alerte sur le génocide du peuple sahraoui, publié dans Le Monde du 18 janvier 1976 et signé par 250 personnes. Cette première association se transforma en avril en Association des Amis de la République Arabe Sahraouie Démocratique afin de marquer son accord avec la récente proclamation de la RASD, le 27 février. Cette association organisa, le 17 mai 1976, un meeting à la Mutualité à Paris, haut lieu des rassemblements radicaux. Elle réunit 2 000 personnes qui s’exaltèrent à célébrer la lutte des peuples garante des victoires contre l’impérialisme mondial, la lutte des Sahraouis en étant l’héritière et celle qui poursuivait la résistance. Ce meeting célébrait le troisième anniversaire du déclenchement de la lutte armée. Il indiquait la volonté du Polisario de rappeler l’ancienneté de son engagement et la capacité militaire d’une armée populaire, l’APLS.

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Le tout nouveau et modeste journal ronéoté de l’Association des Amis de la RASD en rendit compte dans son numéro 7/8, qui venait également de relayer dans le numéro précédent, sorti une semaine plus tôt, l’Appel des Représentants de l’Eglise d’Algérie autour du Cardinal Duval, archevêque d’Alger, en faveur des réfugiés sahraouis. Il était également indispensable de pourvoir à l’aide matérielle. Ce qui signifiait engager les premières collectes de vêtements et de médicaments, souvent à l’origine d’un comité de soutien intervenant ainsi sur les plans politique et humanitaire. Le matériel collecté étant acheminé rapidement et gratuitement via Air Algérie. L’urgence était là, compte tenu des conditions dans lesquelles les Sahraouis fuyaient leur pays devant l’avancée des armées marocaines et mauritaniennes, subissant de graves bombardements, dont de nombreux au napalm, qui pilonnèrent les campements installés dans le désert, toujours plus à l’est. Des témoignages de journalistes, d’associations et de médecins rendirent compte de la gravité de la situation. Ainsi, des médecins suisses présents du 15 au 20 avril 1976 à Tindouf : « Les autorités et le Croissant Rouge algérien font le maximum, mais l’immensité de la tâche nécessite une aide internationale. Le nombre des réfugiés augmente sans cesse, des milliers et des milliers de tentes seraient nécessaires. Pour cette population traumatisée par les bombardements et l’exode, il n’y a que trois médecins diplômés… ». Un Français de retour du Maroc témoignait de son côté : « Qui connaît le sort des Sahraouis qui vivent au Sud du Maroc ? certains y sont depuis plusieurs générations […] Nous vivons depuis 1972 dans un climat policier, actuellement des centaines ont été arrêtés et on ne sait pas où ils sont entassés. Pour les autorités le Polisario est le grand ennemi. Tous ceux qui sont suspectés à tort ou à raison d’être en rapport avec le Polisario sont arrêtés et torturés. Face à cette situation, aucune réaction ni des partis de gauche ni de la population, tout le monde a peur ». (Deux témoignages publiés par Sahara Info n° 4 avril 1976) Paul Balta de son côté écrivait dans Le Monde (15 septembre 1977), « Au printemps 1976, à la suite d’attaques aériennes contre une population sans défense, nous fûmes témoins d’un spectacle d’horreur, femmes et bébés brûlés au napalm, enfants

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mutilés ou amaigris pour avoir parcouru des dizaines voire des centaines de kilomètres dans le désert. Que certains aient pu prétendre à l’époque qu’il s’agissait d’une mise en scène paraît encore plus odieux avec le recul du temps ». Cette situation pouvait-elle conduire à un conflit régional où s’engagerait l’Algérie, qui, depuis le partage du Sahara occidental, soutenait militairement le Polisario, et quelle serait l’attitude de la France, qui entretenait les meilleurs rapports avec le Maroc et la Mauritanie ? Toutes ces questions furent posées au cours des premières réunions qui se tenaient en France et conduisirent la gauche et l’extrême gauche à davantage s’impliquer dans une question qui ne se réduisait pas à l’expression d’une solidarité à une lutte de libération mais soulevait des points de politique intérieure et des choix politiques au Maghreb. Le Président Giscard d’Estaing n’avaitt-il pas, comme le gouvernement américain, laissé faire la Marche Verte et n’avait-il pas discrètement encouragé l’Espagne, à signer l’Accord de Madrid qui consacrait la division et l’occupation du Sahara occidental par ses deux voisins ?

LA FRANCE ENGAGÉE MILITAIREMENT AUX CÔTÉS DE LA MAURITANIE SE RETROUVAIT AU CENTRE DU CONFLIT Algérie et Maroc se gardèrent de toute provocation et n’engagèrent pas leurs forces en direct. Cependant une guerre s’installait durablement au Maghreb, opposant les forces sahraouies armées par l’Algérie aux armées mauritaniennes et marocaines sur deux fronts, au Nord et au Sud du Sahara occidental. La branche militaire du Polisario, l’APLS, porta d’abord ses attaques contre les cibles économiques : tapis roulant transportant de Bou Craa à El Aïoun les phosphates et voie ferrée mauritanienne qui acheminait sur 650 km le minerai de fer, de Zouérate au port de Nouadhibou en privilégiant les campagnes d’été. Des opérations d’envergure dirigées contre Nouakchott et Zouérate en Mauritanie, en 1976 et 1977, témoi-

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gnèrent de l’efficacité militaire des commandos sahraouis et de leur capacité à s’imposer sur leurs terrains, le désert et la mobilité. Capacité qui ne se démentira pas jusqu’à la construction par le Maroc, à partir de 1982, d’un mur de défense traversant sur 2 500 km le Sahara occidental, qui modifiera profondément les conditions de la guerre. Guerre qui se terminera en 1991 après la signature d’un cessez-le-feu sous l’égide des Nations unies. La France plus que tout autre pays s’y trouva au début engagée, du fait de son premier rôle au Maghreb et de ses accords de coopération militaire. Ainsi, dès janvier 1976, le gouvernement français réagissait positivement à une commande marocaine de 75 avions de combat Mirage F1, un important matériel militaire suivit pour équiper les FAR en même temps que les écoles militaires françaises formaient près de 400 officiers marocains. L’année 1977 fut exemplaire à plusieurs titres : il est intéressant de l’étudier car le conflit sahraoui fut, à ce moment-là et pendant plusieurs semaines, au centre de la politique française. L’occupation du Sahara occidental et la guerre pour s’y maintenir étaient les choix du Président Ould Daddah mais pas ceux de la majorité des Mauritaniens. Aussi, très vite, les guérilleros sahraouis s’imposèrent sur le terrain face à une armée mauritanienne peu décidée à en découdre. Ces actions ne pouvaient manquer de déstabiliser cette jeune république et risquaient de compromettre la bonne gestion d’intérêts puissants autour de l’exploitation du minerai de fer de Zouérate en particulier. Aussi, pour défendre ses intérêts, protéger ses coopérants sur place, sauver un régime et son armée, le gouvernement français s’engagea davantage en Mauritanie en fournissant des armes et en formant des officiers. Au Centre de formation interarmes d’Atar, par exemple, les formateurs officiers et techniciens français passèrent de douze personnes en 1976 à plus d’une centaine en 1977. Ce personnel participait ainsi à l’effort de guerre de la Mauritanie ! C’est la base française du Cap Vert, près de Dakar, qui servit de point d’appui aux opérations françaises, demandées par la Mauritanie avec l’accord du Sénégal. A la fin de novembre 1977, les jaguars français commencèrent leurs missions au-dessus de la Mauritanie et du Sahara oc-

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cidental, l’Opération Lamentin fut très meurtrière pour les colonnes de l’APLS et reste encore aujourd’hui dans les mémoires sahraouies entretenant une défiance à l’égard de la France. Défiance dramatiquement associée à la mort d’El Ouali Mustapha Sayed, premier secrétaire général du Polisario, dont la voiture fut sans doute « accrochée » par les tirs d’un avion français et qui trouva la mort le 9 juin 1976 à l’occasion d’une audacieuse opération contre Nouakchott. Pour les combattants sahraouis et pour ceux qui, en France, n’approuvaient pas l’engagement militaire de leur pays contre une armée populaire luttant pour son indépendance, le gouvernement français devait changer de politique et s’abstenir de toute intervention dans son ancien pré carré colonial. Deux évènements touchant des ressortissants français en poste en Mauritanie vont mettre le conflit du Sahara occidental davantage au centre de la politique française. À l’occasion d’une opération sur Zouérate, le premier mai 1977, six techniciens français, coopérants dans la société MIFERMA, qui exploitait le minerai de fer, furent faits prisonniers par le commando sahraoui. Ce n’était pas la première fois que des civils européens se trouvaient ainsi entraînés dans une logique de guerre contre leur gré et étaient retenus par le Polisario. En particulier, deux coopérants français, enseignants au sud du Maroc, avaient été prisonniers de décembre 1975 à octobre 1976. Libérés au terme de négociations discrètes, ils avaient volontiers témoigné auprès du journal de l’AARASD. Ils disaient avoir été bien traités et surtout semblaient partager les ambitions du Polisario et approuver la nécessité de sa lutte armée. Ils ne s’étaient jamais ressentis otages et pouvaient comprendre que, s’étant trouvés là par hasard ils pouvaient être utiles au Polisario pour exercer des pressions sur le gouvernement français. Ce témoignage ne choquait pas en 1977, la sensibilité à la question de l’utilisation de civils ne pesait pas lourd face à ce qui était ressenti comme autrement injuste et grave, l’engagement militaire français contre une guerre de libération. Trentequatre ans plus tard, que pouvons-nous en penser ? Ce n’était pas une bonne manière. Réaction à une présence militaire française où techniciens civils et militaires pouvaient être facilement confondus et contre laquelle il était nécessaire d’exercer des pressions pour obtenir son départ. Maurice Barbier observait cependant

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quelques années plus tard, dans son livre Le conflit du Sahara occidental paru en 1982, que ces prisonniers ne servirent pas le Polisario mais au contraire aggravèrent l’engagement militaire français sans que la France ne lâche sur rien et en particulier sur la reconnaissance du Front Polisario, ce qui était un des principaux objectif des Sahraouis en 1977. Alors que le gouvernement français avait agi discrètement pour faire libérer les deux premiers prisonniers au tout début du conflit, son engagement en Mauritanie l’entraîna à réagir de manière beaucoup plus brutale pour l’affaire de Zouérate, hésitant entre menaces, pressions militaires et négociations discrètes pour obtenir la libération de ses ressortissants. La prise de deux nouveaux français, toujours à Zouérate, en octobre, troubla encore davantage médias et responsables politiques. À droite, la presse fit un appel ouvert à l’intervention armée française dans les camps sahraouis. La position officielle française plutôt musclée, suscita des réactions opposées. Soutien de la presse de droite et de l’opinion conservatrice, opposition de la gauche et de l’extrême gauche à une intervention militaire inutile, qui mettait en danger des civils. Ahmed Baba Miské, auteur engagé, dénonça sévèrement cette politique en annexe de son livre « Front Polisario, l’âme d’un peuple » « L’opération reconquête de la Mauritanie, les effectifs engagés, sont suffisamment importants pour justifier la création d’un véritable état-major dirigé par le Général Forget installé à Dakar. Préparée depuis longtemps, cette escalade a été brutalement accélérée en octobre 1977. Engagement qui ressemble à une véritable guerre coloniale, qui trouva une justification honorable avec la vieille recette de la protection des vies européennes […] Une campagne est déclenchée pour persuader les Français que le méchant Polisario, en veut, sans raison, à de paisibles ressortissants d’un pays « étranger au conflit », qu’il les utilise pour exercer un odieux chantage. Le slogan choc c’est : otages […] En décembre, la France s’engage directement dans les combats alors qu’entretemps, le Polisario avait décidé la libération des huit prisonniers français […] Comment expliquer cet acharnement giscardien à jeter la France dans un tel engrenage ? Giscard essaye d’abord de réconforter les régimes amis, modérés qui doivent défendre

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fièrement leur appartenance au monde libre. Il faut faire en sorte que les progressistes n’aient plus idéologiquement le champ libre » Dans un tel contexte, l’expression publique du soutien au Polisario, entre mai et décembre 1977 devint très difficile. Le meeting prévu à la Mutualité le 17 mai 1977, ainsi que douze autres meetings organisés à l’initiative des comités locaux de l’AARASD furent interdits. (La Ciotat, Salon-de-Provence, Marseille et Amiens en mai, Le Havre en octobre, Rennes, Le Mans et Reims en novembre et Toulouse en décembre). Cette atteinte aux libertés fédéra partis politiques, associations et personnalités dans un appel pour la liberté d’expression et de réunion autour de l’Association des Amis de la RASD qui en avait pris l’initiative. Les premières signatures publiées dans le numéro 2122 du journal Sahara Info sont une bonne indication des personnalités qui se sentaient concernées : Jean Cardonnel et Robert Davezies pour l’Eglise avec des personnalités très engagées, des intellectuels communistes, Jean Dresch, André Prenant, Madeleine Rebérioux, des personnalités socialistes comme JeanPierre Chevènement, Alain Joxe, Yves Lacoste, Georges Cazalis, pasteur protestant et Claude Bourdet responsable au PSU. L’appel s’indignait de l’interdiction de ces réunions, constatait qu’une telle situation privait l’opinion d’une information sur la réalité du combat du peuple sahraoui et sur celle de l’intervention française et surtout l’appel tendait à rendre responsable le gouvernement de l’affaire des otages : « De telles interdictions ne peuvent se comprendre que dans la mesure où le pouvoir qui les décide cherche à masquer ses responsabilités quant au maintien en pleine zone de guerre d’un nombre important de nos compatriotes, malgré les dangers qu’ils courent, ainsi que l’a montré la captivité d’un certain nombre d’entre eux ». La gauche parlementaire prit position de manière équivalente, estimant la politique française dangereuse et peu susceptible de régler la question des prisonniers français. Elle appelait au contraire à prendre en compte l’existence du Polisario et l’exigence de l’autodétermination. De leur côté une centaine d’universitaires de Paris, Lyon, Montpellier Strasbourg et Aix-Marseille firent pa-

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raître le 27 mai une pétition en faveur de la liberté d ‘expression et se défiant de la politique française en Afrique. Parmi les signatures se reconnaissaient celles de grands géographes comme Jean Dresch, Jacques Tricart ou Yves Lacoste, le philosophe Georges Labica et Jacques Couland, toujours adhérent de l’Association des Amis de la RASD ! Le gouvernement français hésita entre davantage d’engagement militaire et la négociation. Le Front Polisario n’obtenant rien donna l’avantage politique aux partis de gauche puisque ce fut Georges Marchais, Secrétaire général du Parti Communiste qui, d’Alger, annonça la libération des prisonniers et c’est à lui que le Secrétaire général des Nations unies, Kurt Waldheim, remit les huit prisonniers la veille de Noël 1 977. C’était pour le Parti communiste une opération avantageuse politiquement à la veille des élections législatives de mars 1978. Parmi les réunions interdites en province, celle du Mans valut une réelle notoriété au comité local qui l’organisait. L’arrêté préfectoral stimula les soutiens au Polisario au lieu de les décourager, la réunion publique interdite fut accueillie dans une salle privée, celle du Parti socialiste sarthois, salle bondée et chaleureuse qui appela à une manifestation le lendemain pour protester contre l’interdiction et contre l’impérialisme français en Afrique. La presse locale ne manqua pas de rendre compte largement de l’épisode et consacra une certaine importance à l’événement, qui sans l’interdiction serait passé sans doute presque inaperçu. Cependant, au Mans comme ailleurs, l’intérêt pour la lutte menée par les Sahraouis et le Front Polisario se limitait à des cercles militants de gauche et ne réussira pas à toucher l’opinion la plus large, comme en Espagne aujourd’hui. C’est au moment de l’engagement français direct aux côtés de la Mauritanie que la popularité du Polisario fut la plus forte, correspondant à un désaveu de la politique giscardienne en Afrique qui reviendra au-devant de la scène un peu plus tard avec les diamants de Bokassa, dont le Président aura du mal à se remettre ! Le cessez-le-feu puis, en juillet 1979, la paix entre Mauritanie et RASD, réorientèrent les actions militaires de l’APLS vers le Nord du Sahara occiden-

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tal et le Sud marocain et parallèlement l’aide française se concentra au Maroc. Dès lors, l’Association des Amis de la RASD ne cessa de demander, pétitions à l’appui l’arrêt des livraisons d’armes par la France, en vain puisque la vente d’armes se poursuivit avec la gauche au pouvoir en 1981.

MENER LA GUERRE ET DÉVELOPPER LES INITIAVES POLITIQUES POUR IMPOSER SON DROIT L’Association des Amis de la RASD encouragea les initiatives en s’entourant d’intellectuels, de responsables politiques, pour donner plus de poids et d’écho aux positions défendues par le Front Polisario. Ainsi, dans le deuxième numéro de son journal, Sahara Info, le secrétariat écrivait « L’événement le plus important a été la proclamation de la République sahraouie, nous travaillerons à ce qu’elle soit reconnue puisque le peuple s’est déterminé ». Cette exigence était partagée par les associations européennes et conduisit à organiser plusieurs conférences de manière concertée à Paris et à Bruxelles. Elles eurent le grand mérite de confirmer la qualification du conflit au regard de la légalité internationale et d’enrichir les argumentaires politiques et juridiques qui permirent aux diplomates sahraouis de faire progresser leur revendication au niveau international. En effet, la question de la décolonisation du Sahara espagnol pouvait sembler une question simple quand elle était traitée par l’Assemblée générale s’adressant à l’Espagne. Elle ne l’a plus été quand il fut question du Maroc. Ce n’était plus un pays européen s’installant en Afrique mais un état du Maghreb prétendant recouvrer un territoire dont il aurait été spolié par la colonisation. En même temps qu’ils menaient la guerre, les Sahraouis se sont donc appliqués à faire valoir leur droit et à trouver les voies d’un processus politique qui débouche sur l’indépendance.

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La première de ces conférences, connue sous le nom de Colloque de Massy, se tint en région parisienne à l’initiative de la Ligue des droits pour la libération des peuples, les 1er et 2 avril 1978. Elle réunit, pour de premiers points d’histoire, de droit, d’anthropologie plusieurs universitaires, qui mirent en commun ce qu’ils savaient des Sahraouis, pour sans doute d’abord les faire exister et attester de leur réalité en tant que peuple inscrit, dans une culture et une histoire. (Sont intervenus à ce colloque Francis de Chassey, sociologue, Elsa Assidon, économiste, Maurice Barbier, juriste, Antonio Masip Hidalgo, Président de l’association espagnole des amis du Sahara, Thomas Jallaud, historien). Les éditions de l’Harmattan s’employèrent à en éditer les actes, premier livre d’une longue série, consacrée aux Sahraouis, en langue française. La deuxième conférence se tint l’année suivante à Bruxelles, les 10 et 11 novembre 1979, à l’initiative du Tribunal Permanent des Peuples, « Fondation Internationale Lelio Basso pour le droit et la libération des peuples », créée à Bologne quelques mois auparavant, sous la forme d’une session de ce tribunal. Il trouvait son inspiration dans le tribunal international sur les crimes de guerre au Vietnam présidé par Bertrand Russel. François Rigaud, juriste belge qui présidait la session, justifiait ainsi le travail de la Fondation : « Les tribunaux privés puisent leur effectivité dans le mouvement d’opinion qui les soutient et dans la lutte victorieuse des peuples dont les droits sont transgressés ». La Chambre de la session sur le Sahara occidental, comprenait plusieurs juristes, tous membres du Tribunal Russel II sur l’Amérique Latine. François Rigaud, président, professeur à l’Université de Louvain, Jean Kulakowsky, secrétaire de la Confédération mondiale du travail de Belgique, Armando Uribe juriste chilien, professeur de droit international, Georges Casalis, théologien protestant, Joe Nordmann, avocat au barreau de Paris et Président de l’Association Internationale des Juristes Démocrates, Léo Matarasso, avocat au barreau de Paris et Richard Baümlin, juriste suisse, professeur de droit international, Le rapport de cette session, publié par les comités européens de soutien au peuple sahraoui, est toujours d’actualité. Les deux juristes belges, Paulette Pierson-Mathy et Michel Vincineau, et les juristes espagnols qualifièrent de manière appropriée le conflit et permirent

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au Tribunal permanent des peuples de rendre une sentence qui confirmait solennellement le droit des Sahraouis à disposer d’eux-mêmes. La publication de ce rapport, comprenant un long exposé du Comité des Relations extérieures du Front, fut une étape importante. Pour la première fois apparaissait le collectif comités européens. En même temps, ce rapport arrivait juste après la signature de la paix avec la Mauritanie (juillet 1979), dans un contexte où la conviction de la victoire inéluctable des peuples, suivant l’exemple algérien et vietnamien, était encore très vive. Les succès militaires et politiques remportés par le Polisario ne pouvaient que confirmer cette loi de l’histoire. D’autres initiatives furent prises à la même période. Un meeting à la Mutualité fut organisé le 15 novembre 1979 par Georges Marchais, Secrétaire général du Parti Communiste français avec l’appui des partis frères espagnol et italien. Les autres partis de gauche ne furent pas en reste. Déclaration commune PSU-Polisario, délégation des Républicains de progrès, qui visita en octobre 1979 les campements, question écrite d’Alain Vivien à l’Assemblée à l’occasion du débat budgétaire portant sur l’aide militaire française au Maroc, entretien de responsables de l’AARASD avec des représentants des groupes parlementaires de l’Assemblée, le député Chandernagor pour les socialistes et le député Montdargent pour les communistes. Quelques semaines plus tard à l’occasion de la célébration du quatrième anniversaire de la RASD, 80 personnalités lançaient un « Appel pour la paix au Sahara occidental ». L’aide militaire américaine apportée au Maroc, alors que la paix venait d’être signée entre Mauritanie et Polisario devenait en effet, dans la situation de guerre froide, très préoccupante(1). Principales signatures publiées dans le « Sahara Info n° 42, février 1980 : Des militaires à la retraite, François Beslay, Jean du Boucher, un ancien ministre gaulliste, Louis Terrenoire, de très nombreux intellectuels, Simone de Beauvoir, Aragon, Jean Bruhat, Jean Dresch, Guillevic, Alain Lipietz, Théodore Monod, Georges Montaron, Gustave Massiah, Madeleine Rebérioux, Jean Suret-Canale, des avocats et juristes, Nicole Dreyfus, Jean Jacques De Félice, Georges Kiejman, Denis Langlois, Léo Matarosso, Joé Nordman et de nombreux élus de gauche. (1)

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Le contexte des deux colloques organisés en 1984 et 1985, à Paris, à l’Assemblée nationale fut différent. La paix avec la Mauritanie n’avait pas enclenché de processus vertueux avec le Maroc. Les opérations militaires sahraouies défaisant de manière significative l’armée marocaine n’avaient pas non plus abouti à imposer une issue politique conforme au droit de la décolonisation. Les succès diplomatiques de la RASD, reconnaissances et entrée à l’OUA ne furent pas non plus en mesure de faire bouger le Maroc. Le soutien américain vigoureux des années Reagan n’y était pas étranger, apportant tout l’appui militaire et politique nécessaire, entravant ainsi une dynamique de paix si attendue par les peuples et si souhaitable pour l’ensemble du Maghreb. Le changement de politique espéré avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en France, en mai 1981, n’avait pas encore porté ses fruits et il convenait en 1984 de s’en inquiéter. Des contacts existaient, le Front Polisario avait un bureau à Paris, mais la nécessité de maintenir avec le Maroc des relations d’État et d’intérêts imposait au pouvoir des prudences qui impatientaient le Front Polisario et bien des militants de la cause sahraouie en France. La question du maintien de la livraison des armes au Maroc était au centre des débats. Cependant, la majorité de gauche au Parlement et l’existence d’un groupe d’étude sur le Sahara occidental, présidé par le député socialiste Alain Vivien, rendirent possible la tenue de deux colloques à Paris, à l’Assemblée nationale. Le premier colloque, organisé par le Secrétariat international des Juristes piloté par Francis Jacob, avocat de Paris, ancien président du SAF (syndicat des avocats de France) se tint les 20 et 21 octobre 1984. Il s’appliqua à mettre en évidence « Les fondements institutionnels et juridiques de la RASD ». Salle prestigieuse, public nombreux représentant 23 pays, la conférence reçut des messages de soutien remarqués, émanant en particulier de deux prix Nobel. La conférence, déboucha sur la création d’un « Secrétariat international de juristes pour la reconnaissance de la RASD » présidé par Francis Jacob, actuel président de l’Association des Amis de la RASD. S’installait avec cette conférence à Paris, un style de réunion qui ne ressemblait plus à celles des débuts, exaltant la lutte des peuples contre l’impérialisme. Il s’agissait

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plutôt de rassembler personnalités et élus dans un cadre où pourraient s’exprimer des soutiens d’État ou d’organisations représentatives à un État constitué auquel il ne manquait que le territoire, membre d’une organisation régionale, l’OUA et reconnu par soixante États dans le monde. L’année suivante, toujours à Paris et à l’Assemblée, les 23 et 24 novembre, se tint une autre conférence internationale « Paix pour le peuple sahraoui, un enjeu européen » pilotée en coordination avec les responsables de l’AARASD-France par Pierre Galand, président de la coordination européenne. (cette coordination européenne a fédéré depuis sa création en 1976 les différentes associations européennes de solidarité et organise chaque année une conférence dans un pays européen). Cette conférence célébrait d’abord le premier anniversaire de l’admission de la RASD à l’OUA. Elle se donna pour principal objectif de mobiliser l’Europe et s’appuya sur la résolution AHG/104, première proposition de paix formulée par l’organisation africaine. Cette seconde conférence eut encore plus d’ampleur que la précédente. Il est intéressant d’apprécier avec précision le nombre et la qualité des participants et des messages adressés en reprenant les actes publiés à l’initiative de la coordination européenne. Le comité de parrainage était fourni. Il comprenait des personnalités de premier plan ou assez connues, comme l’ancien président du Mexique, Luis Alvarez, le Président et le Vice-Président du Panama, Simone de Beauvoir, Noam Chomsky, José Luis Cuevas, peintre mexicain, Bruno Kreisky, ancien chancelier d’Autriche, Henri Noguères, Président de la Ligue des droits de l’homme, Pontecorvo, metteur en scène italien, Jean Ziegler, député suisse. Il comprenait aussi des parlementaires, des responsables politiques et associatifs représentant une bonne partie de l’Europe. Artistes, scientifiques, journalistes mirent également leur notoriété au service d’un peuple, suivant une tradition bien ancrée depuis les premières luttes anticoloniales. Les participants à la conférence furent également nombreux, de tous horizons. Dix-huit pays européens étaient présents, dont certains ayant délégué des groupes dépassant quarante personnes comme l’Espagne ou l’Italie. Les Français, parlementaires, militants, personnalités, élus locaux n’étaient pas loin de cent cinquante. De nombreux ambassadeurs ou conseillers représentaient, avec les universitaires, vingt

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États africains et huit pays d’Amérique Latine, dont Cuba. Les États-Unis étaient également représentés aux côtés de l’Inde, du Vietnam et des Philippines. Deux résolutions y furent adoptées, l’une générale s’adressant au monde en s’appuyant sur la résolution AHG/104 adoptée par l’OUA, demandait trois choses, des négociations directes, l’arrêt de la livraison des armes au Maroc, pour les États européens l’ouverture de la procédure de reconnaissance de la RASD. L’autre, adoptée par les parlementaires présents, s’engageait à mettre sur pied une structure interparlementaire, afin de rendre plus effectif le soutien à la lutte de libération du peuple sahraoui. La composition de cette assemblée était très significative des soutiens que recueillaient en 1985 le Front Polisario et la RASD. Soutien des États, en Afrique et en Amérique Latine, qui avaient reconnu la RASD, engagement des sociétés civiles et élus locaux ou d’opposition en Europe. En revanche, on notait l’absence, hors l’Algérie très présente avec une trentaine de personnes et la Syrie, des États arabes, prudents ou favorables à la position marocaine. Cette réunion fut un succès, elle consacra la place de la RASD, déjà membre de l’OUA, au niveau international et se donna les moyens politiques d’intervention au moins au niveau européen. Mais elle révélait en même temps les limites et les faiblesses de ces soutiens. Pas de grande puissance pouvant mettre tout son poids dans l’affaire, engagement d’États sans rôle international de premier plan, isolement au sein du monde arabe et faible présence du « bloc communiste » au poids encore significatif en 1985. L’absence quasi totale d’une représentation marocaine qui par sa présence aurait pu exprimer son désaccord avec le point de vue officiel est une caractéristique de ce conflit. Le pouvoir royal n’autorisait aucun écart à la cause sacrée de la marocanité du Sahara. Seul un militant marocain était présent et seule l’organisation marocaine Ilal Aman adressa un message à la conférence. Cette situation perdure, la marocanité du Sahara reste la cause sacrée que peu de responsables marocains peuvent ou osent critiquer. Cette réunion de haute tenue, dans l’actualité d’un conflit de décolonisation ne réussit pas à intéresser la presse et encore moins la télévision, seuls les médias algériens jouèrent le jeu et en rendirent compte. En 1985 ce conflit embarrassant, atypique, était -il déjà oublié ou subissait-il une censure de fait ?

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DEUXIÈME PARTIE

TEMPS DE GUERRE ET D’EXIL, RENCONTRES AVEC UN PEUPLE

POPULARISER ET INFORMER

L’expression visible dans l’actualité et dans l’espace public d’une lutte politique comme celle des Sahraouis, est nécessaire à son existence et à sa pérennité et ne manque pas d’intervenir dans le niveau des rapports de force ou sur la question de sa légitimité. Peu nombreux, isolés par un pays colonial lui-même à l’écart du cercle occidental, les Sahraouis et le Front Polisario partirent avec un réel handicap. Néanmoins après la Marche Verte, le rapide prestige gagné sur les champs de batailles par les guérilleros sahraouis en fit d’éphémères vedettes de la presse française et européenne. Le désert et ses hommes bleus faméliques, capables d’affronter des armées puissantes en nombre et en moyens, comme celle de la France ou celle du Maroc, pouvaient être des sujets tout public et en même temps évoquer, dans un tout autre contexte – de la forêt tropicale au désert – le courage des guérilleros vietnamiens qui venaient de défaire la toute puissante Amérique. L’intérêt pour les guérilleros s’émoussa, vite d’autant que les dernières batailles menées avec succès par l’APLS comme celle de l’Ouarkziz au Sud du Maroc, avaient perdu de leur exotisme et surtout mettaient en cause, le Maroc, un pays disposant de moyens beaucoup plus puissants, que la faible Mauritanie, pour convaincre les médias européens du faible enjeu du sujet. Aussi quand la question du Sahara occidental ne fut plus au premier plan de l’actualité, plus de guerre, des dispositions compliquées et bientôt répétitives pour un référendum qui ne s’appliquait pas, la plupart des organes de presse et de télévision ne traitèrent plus du sujet. Faut-il y voir comme certains la main puissante du pouvoir marocain capable de pressions efficaces sur les grands médias français ? Faut-il simplement constater que des problèmes régionaux africains sans dimension spectaculaire ne font pas recette et que les Sahraouis ne sont pas les seuls dans cette situation ? Les associations de solidarité, celles des droits de l’homme ou les associations humanitaires ont-elles été en mesure de peser sur le cours des médias ? Le bilan est contrasté, mais il faut cependant saluer l’existence de leurs propres systèmes d’information, presse, internet et documents vidéo. La presse sahraouie a de son côté existé avec un journal Sahara Libre et une radio qui a disposé assez vite des moyens pour émettre dans les campements et au Sahara occidental. Depuis une dizaine d’années a été créée une agence de presse SPS, Sahara Presse Service, dont la diffusion

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passe surtout par internet. Plus récemment, en mai 2009, a été mise en place une télévision qui émet dans le sud algérien et au Sahara occidental. Dans ce cas se pose la question de la visibilité d’une information qui circule à l’intérieur de cercles déjà instruits du problème et qui a du mal à en sortir faute de relais suffisants et réguliers dans les grands médias.

QUEL EST L’INTÉRÊT DES MÉDIAS POUR UN CONFLIT AUX PORTES DE L’EUROPE ? Les trois premières années correspondant à des actions spectaculaires sur le terrain, à l’engagement des principaux protagonistes au Maghreb et à un risque toujours possible d’élargissement du conflit furent en France largement traitées par la presse écrite. La télévision, limitée aux chaînes publiques convaincues d’exprimer le point de vue officiel, avait davantage tendance à minimiser un problème où la France risquait de s’enliser. La période de mai à décembre 1977 correspondit à la pointe de l’engagement militaire français aux côtés de la Mauritanie et à la malheureuse affaire des prisonniers de Zouérate, à ce titre elle bénéficia d’une couverture de presse régulière et soutenue. Le Monde, avec Paul Balta, s’appuya sur la bonne connaissance du Maghreb de son correspondant arabophone. Aussi le sujet fit l’objet de papiers réguliers, très instruits, plutôt favorables au Polisario et à ce qu’il représentait. La libération des prisonniers français fut traitée par un des caricaturistes du journal (Chenez) mais la rédaction ouvrit ses colonnes au point de vue officiel dénonçant le rôle du Parti communiste français qui avait joué les bons offices à la place des autorités françaises. Le sujet du Sahara occidental faisait effectivement polémique au sein de la société française et divisait la presse. Les quotidiens de gauche, Libération, Le Matin, L’Humanité, prirent clairement parti pour les guérilleros, avec l’appui conséquent du Canard Enchaîné et de Politique Hebdo et celui, plus prudent, du Nouvel Observateur avec des titres sans ambiguïté : « Giscard prêt à l’aventure ? 31 octobre 1977, L’Humanité » ; « Jaguar d’Estaing, 21 décembre 1977, Le Canard Enchaîné » ; « Sahara, la France en guerre, 26 décembre 1977 Libération » « La bar-

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barie à visage humanitaire, 8 novembre 1977 Le Matin » ; « La para diplomatie, 14 novembre 1977 Politique Hebdo » ; « L’escalade, 8 novembre 1977 Le Monde » ; « Guerre ou paix au Maghreb ? 11 novembre 1977 Humanité » ; « Comme pendant la guerre d’Algérie, 21 novembre 1977 Politique Hebdo » ; « Giscard interdit les meetings contre l’intervention de l’impérialisme français au Sahara occidental, 23 novembre 1977 Rouge » ; « Le Front Polisario comme un poisson dans l’eau, 24 novembre 1977 Le Matin » ; « Alger dénonce les contradictions de la position française dans l’affaire du Sahara occidental, 10 mai 1977 Le Monde ». On retrouve dans ces titres les connotations familières à la culture politique des années soixante-dix, les références aux luttes de libération ou aux modèles politiques qui aidaient à comprendre le monde. La libération des prisonniers français en décembre est à nouveau l’occasion pour la presse de se diviser par titres interposés : « La libération des huit détenus français par le Polisario, 24 décembre 1977 Le Monde » ; « La muflerie après le chantage, 24 décembre 1977 l’Aurore » ; « L’indécence a ses limites, 24/13/77 Le Figaro » ; « Le PC complice d’un affront à la France, 24 décembre 1977 Le Quotidien de Paris » ; « Bien joué Marchais, 24 décembre 1977 Le Matin ». Le traitement de la question sahraouie ne retrouvera jamais en France une telle attention. Un rythme sera trouvé suivant l’actualité ou suivant les besoins de la politique française tenant à préserver ses intérêts au Maroc, en particulier la fourniture d’armements au moins jusqu’au cessez-le-feu. Les Sahraouis soutenus par l’Algérie et donc du côté du camp progressiste ou de celui de l’Est du temps de la guerre froide verront leur image davantage brouillée après la chute du mur de Berlin et prendront pour une presse classée à gauche comme Libération ou le Nouvel Observateur une réputation de front de libération, figé dans un modèle politique d’un autre âge. Cependant, plusieurs quotidiens (Le Monde, La Croix, l’Humanité) ont maintenu un parti pris d’information régulière, rendant compte des principales données du problème et attentif aux subtilités de son évolution. Les titres cependant font largement état d’une certaine lassitude et évoquent le plus souvent un conflit oublié. Cette absence se retrouve dans bien des analyses générales sur la situation au Maghreb, qui, par méconnaissance, prudence voire complaisance oublient le Sahara occidental. – 108 –

Dans la cartographie de l’Afrique de l’Ouest d’abord, où la frontière entre Maroc et Sahara occidental est souvent oubliée. À la télévision, la course Paris-Dakar a mis beaucoup de temps à faire paraître une carte respectueuse de la légalité internationale, TF1, la chaîne privée de l’entrepreneur Bouygues, a eu bien du mal à s’y résoudre par crainte de fâcher le grand ami marocain. Dans les manuels de géographie ou d’histoire du second degré, la méconnaissance du problème est générale et sans doute bienvenue quand les maisons d’édition ont des marchés scolaires marocains(1). Les grandes revues de référence comme Le Monde diplomatique, Maghreb Machrek, l’Actualité Internationale, oublient le conflit et son rôle dans la géopolitique du Maghreb ou le réduisent aux difficiles relations entre l’Algérie et le Maroc. Ainsi un article écrit par Benjamin Stora dans Le Monde quotidien du 21 décembre 1999, dans un ensemble consacré « aux débats pour le siècle à venir » analyse la situation au Maghreb sans jamais évoquer le sujet du Sahara occidental. Faut-il, comme Jean Lamore, rédacteur en chef de la revue Mamba et très sincère ami de l’Afrique et du Sahara, dénoncer vigoureusement, comme il le fit en 1999, la douteuse connivence entre la presse, les intellectuels et le royaume marocain ? La manière dont la presse française traita de la mort d’Hassan II quelques mois plus tard pourrait nous y inviter, mais il y a des contre-exemples ! « La presse se trouve vis-à-vis de Hassan II comme la mouche, toute de soie ficelée, que l’araignée garde un temps dans son garde-manger avant de la porter en bouche. Les liens entre les médias français et le Maroc sont si bien tissés qu’il est impensable qu’une quelconque information favorable ou même impartiale au sujet du peuple sahraoui paraisse. Si la presse informe parfois, jamais elle n’éclaire le public sur le Sahara occidental […] Mais surtout personne parmi les intellectuels médiatiques ne dénoncera la soumission de cette presse dont ils ont tant besoin. Et si par malheur on pose une question sur le Sahara, on repoussera le sujet comme s’il s’agissait d’un très lointain incident, sans intérêt, une cause perdue qu’il vaudrait mieux oublier ». Africa International n° 326 juillet août 1999 L’Atlas de Courrier International qui a consacré en 2005 une page à la cartographie du conflit fait exception, les numéros de Courrier reprennent également régulièrement des extraits de la presse marocaine indépendante et couvrent de manière sérieuse cette actualité. (1)

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COMMENT CRÉER L’ACTUALITÉ ET INTÉRESSER LES MÉDIAS ? UN LIVRE, UNE PRÉSIDENTE À L’ASSAUT DE LA CITADELLE PROTÉGÉE ! Le livre de Gilles Perrault Notre ami le Roi paru en 1990, réussit là où personne n’osait, s’aventurer : il démasqua la réalité marocaine et la nature d’un régime impitoyable pour ses opposants, où les services de sécurité aux ordres de la monarchie pratiquent la torture, la disparition et un contrôle policier de la population propre à une dictature. Ce qui était écrit sans être repris, depuis des années, par les associations des droits de l’homme, était enfin entendu et fit fortement tanguer les relations franco marocaines comme au moment de l’affaire Ben Barka. Il est nécessaire de rappeler que déjà en décembre 1977 un article du Monde reprenait un rapport d’Amnesty international, cette organisation ayant essayé de retrouver les Sahraouis détenus, mais en vain. « Dans les régions où le gouvernement se méfie des populations locales, des arrestations ont lieu souvent sur une grande échelle. Dès l’arrivée de l’armée marocaine au Sahara occidental, des camps de détention ont été créés non seulement pour les prisonniers de guerre mais pour les civils, suspects de sympathie pour les guérilleros du Polisario. Les autorités marocaines gardent le secret sur les noms et le nombre des détenus ». Arrestation de civils, secret sur les noms et sur le nombre des arrestations, pas de procès à la suite d’autres dictatures, le Roi reprenait pour les Sahraouis comme pour les opposants marocains la sinistre technique de la disparition, non-existence, arbitraire absolu. Les disparus encore vivants ne sortiront de leur enfer qu’en 1991. Le livre fit l’effet d’une bombe et leva enfin le voile sur la prestigieuse royauté marocaine si proche de la France. Il comptait un chapitre consacré au problème sahraoui mais c’est d’abord la dénonciation du régime marocain qui aida le Po-

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lisario et ses soutiens à faire sortir d’une certaine indifférence des médias et de l’opinion, un conflit presque disparu de la scène politique et médiatique. Le Ministre de la Culture, Jack Lang, aura le bon goût de reporter à beaucoup plus tard l’année du Maroc, qui devait se tenir en France en 1990. Au même moment, l’engagement de Madame Danielle Mitterrand, épouse du Président de la République, fit vraiment revenir sur le devant de l’actualité le conflit sahraoui qui retrouva, avec l’arrivée de la Présidente dans ce dossier oublié, tout l’intérêt des médias. Madame Mitterrand et la Fondation France Libertés furent alertées par le Représentant du Front Polisario en France, Baba Sayed, à qui revient le mérite d’avoir su convaincre la première dame de la légitimité de cette lutte de libération si embarrassante pour les intérêts français(1). Avec la Croix Rouge, la Fondation France Libertés organisa une caravane humanitaire vers les campements sahraouis au départ de la petite ville de Cuges-les- Pins dans les Bouches du Rhône en octobre 1990. La marocanité du Sahara remise en cause par l’épouse du Président, ne seraitce qu’à l’occasion d’une démarche humanitaire, c’était trop pour Hassan II, qui obtint de notre diplomatie et de son ministre Roland Dumas de faire hésiter la première dame et de lui demander de renoncer. Le Premier Ministre marocain comme la chambre de commerce franco arabe ne se privèrent d’aucune pression et le Ministre Roland Dumas se rendit à Rabat le 9 novembre pour ramener le calme. La caravane partit dans les campements mais sans la Présidente. Madame Mitterrand reçut à Paris, le 8 novembre, Madame Khadija Hamdi, épouse du Président de la RASD, Mohamed Abdelaziz et se rendit dans les campements sahraouis beaucoup plus tard en octobre 2001 où elle fut reçue en grand appareil suivant les codes de l’hospitalité bédouine. Le déplacement prévu à la suite, au Sahara occidental, lui fut interdit par les autorités marocaines. La méfiance, manifestée à l’égard du Roi Hassan II, par Madame Mitterrand était ancienne et l’amena en particulier à ne pas se joindre au premier voyage officiel du Président au Maroc, en janvier 1983. (1)

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Au cours de cette période, la Fondation France Libertés dans sa revue mensuelle, La Lettre de la Fondation, consacra plusieurs articles à la question, permettant à ses lecteurs d’en suivre de 1999 à 2001 toute l’actualité(1). Le Président Mitterrand, quant à lui, se réserva en période de cohabitation une petite revanche. Il reçut, en avril 1994, Embarka Hammoudi, responsable de l’AFAPREDESA à l’Elysée. Selon Jeune Afrique, peu suspect de complaisance « l’impression des témoins qui ont assisté à l’échange entre Mitterrand et Hammoudi est nette : le Président a ouvertement sympathisé avec elle au point de qualifier le Sahara occidental administré par le Maroc de zone occupée ».

DE LA RONÉO À INTERNET UNE AUTRE INFORMATION EST-ELLE POSSIBLE ? Le Front Polisario comme les associations de solidarité en France et en Europe ont développé depuis le début du conflit des moyens de popularisation et de propagande en interne et en s’adressant aux médias. Journaux, films, expositions, tous ces supports ont évolué avec l’évolution des techniques d’impression et de diffusion, pour informer l’opinion française et européenne. Les tirages en sont assez limités et leur diffusion toujours en deçà de ce qui peut être espéré, sauf en Espagne, où le conflit du Sahara occidental a régulièrement retenu l’intérêt de l’opinion. Il est important d’en faire une recension précise afin de ne pas oublier cet effort de popularisation, d’en cerner les formes et les contenus et, à travers ces traces, de retrouver les spécificités de cette solidarité, sa portée et ses limites. Une réserve, cependant, cette recension s’appliquera surtout à la situation française, pour laquelle nous disposons du plus grand nombre d’informations. Le droit à l’autodétermination, n° 7 1/99; Initiation civique sous les tentes, N° 9 7/99; Nouvelles perspectives pour le référendum, la SFO N° 10 10/99; Les mirages, une fatalité saharienne? N° 11 1/00; Blocage du plan de règlement, N° 12 4/00; Entretien avec un disparu sahraoui, Khadir El Daoud, N° 13 7/00; Vérité et justice pour les disparus sahraouis, N° 15 1/01; Les jardins d’El Aïoun, N° 16 3/01; Les ressources du Sahara occidental pillées, N° 17 7/01). (1)

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Le Polisario a pris dès le début des initiatives, à travers des journaux comme Sahara Libre édité en plusieurs langues, des revues comme celle du 20 mai, des brochures déjà citées, écrites à l’occasion des grandes commémorations. Plus récemment, la mise en place d’une agence de presse, Sahara Presse Service (SPS) créée à l’initiative de Fadel Ismaïl et suivie depuis par Hamid, grand ordonnateur des principales dépêches, lui donne un accès régulier aux agences et système internet. En effet, la diffusion de cette information d’agence se réalise surtout via internet avec le relais de l’agence algérienne APS et les relais pilotés par la solidarité en Espagne et en Suisse. C’est une information officielle, diffusée en arabe, espagnol et français qui rend compte de la vie politique et sociale des campements, de l’évolution de la question au niveau des Institutions internationales et régionales et de la situation dans les territoires du Sahara occidental. Ce dernier aspect tend à prendre davantage de place depuis 2005, début du soulèvement populaire sahraoui et de l’usage élargi d’internet. Chaque initiative prise est transmise et relayée, chaque cas de répression, chaque procès est vite et soigneusement relaté et diffusé sur des sites ou via des abonnements. Il reste que ces informations rendant compte du quotidien des campements ou du territoire sous administration marocaine sont peu utilisées par les agences de presse occidentales qui alimentent « la grande actualité » des quotidiens et de la télévision. Pas assez de spectacle, pas assez de sang et de larmes à l’aune des malheurs ou des bonheurs du monde. Le risque étant de ne pas exister si la télévision ne retient pas votre existence. La presse régionale fait cependant exception là où se passent des évènements à caractère local où interviennent les Sahraouis et les associations de solidarité. Le lectorat est plus limité, bien souvent les articles de journaux ne concernent que les pages locales et comme ils ne viennent pas en relais des émissions de télévision grand public, ils informent sérieusement certes, mais ont du mal à faire exister les Sahraouis dans l’imaginaire collectif. Antoine Vaillant, étudiant en histoire, avait choisi comme sujet de maîtrise, en 1999-2000, d’étudier les formes de solidarité en direction des Sahraouis, en s’appuyant sur l’exemple du Mans. À cette occasion, il fit un relevé très précis des ar-

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ticles de la presse locale parus entre 1977 et 1995 et relevait « que les deux journaux locaux, Ouest-France et Le Maine Libre, ont couvert régulièrement l’actualité du conflit ou les activités de l’association et de la ville jumelée, plutôt en pages locales. L’année de référence choisie est 1977 correspondant au meeting interdit, initialement organisé par le comité de la Sarthe de l’Association des Amis de la RASD. Un premier pic d’articles – 10 et 21 – en 1980 et 1981 rend compte du premier accueil d’enfants sahraouis dans la Sarthe. L’année suivante la publication de 36 articles correspond à la signature du jumelage entre Le Mans et Haouza, au voyage du maire du Mans dans les campements sahraouis et à celui d’un groupe de jeunes Manceaux partis plus tard à Tindouf. En 1983, 13 articles encore, plus politiques, correspondant à des prises de position favorables ou hostiles au jumelage à la veille des élections municipales. La presse locale a continué à suivre fidèlement les activités de l’association et de la ville quand celles –ci étaient porteuses : seulement 8 et 5 articles en 1984 et 1985, par contre à nouveau plus de trente articles en 1986, 1987 et 1991 quand fut monté le spectacle de théâtre « Les fils des nuages », ainsi qu’à l’occasion de la tenue de la Conférence européenne au Mans. Une étude qualitative met en évidence les intérêts de cette presse locale. 37 % des articles sont consacrés à la connaissance du peuple sahraoui et à son action politique, 39 % s’intéressent aux projets humanitaires du comité et 34 % aux activités du jumelage. Il s’agit donc bien d’une couverture locale alimentée par des initiatives locales qui permettent de faire passer une information spécifique sur la question du Sahara occidental ». On retrouve des situations équivalentes jusqu’à maintenant. Là où existent des associations, les quotidiens régionaux(1) s’emparent du sujet avec des actualités locales et des reportages sur place. Cette information est également reprise par les bulletins municipaux du réseau des villes amies et jumelées et dans les revues associatives. Ces articles sont ponctuels, irréguliers, mais en rendant compte des différents aspects de la solidarité, traitent du sujet proprement dit, le Sahara occidental. Le journal de l’Association des Amis de la RASD, Sahara Info, atteint en 2009 le Le Havre libre, Presse Océan, La dépèche du midi, La Marseillaise, La voix du Nord, les éditions locales de Ouest France, L’écho du Limousin, Le Populaire. (1)

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numéro 147, tous les numéros sont numérisés et consultables sur le site www.sahara-info.org. Ce journal représente, par sa publication régulière, une source d’information incontournable sur la question du conflit du Sahara occidental et sur la solidarité. Son enregistrement numérique permet désormais de faire exister une mémoire du sujet en France et en Europe. C’est un journal d’information militante destiné dès sa création, en 1976, à faire connaître les positions du Polisario et à informer le public français de tout ce qui se rapporte au problème sahraoui. Tiré au début du conflit à 3 000 exemplaires, avec une périodicité variable suivant l’actualité, puis à partir de 1978 à 5 000 exemplaires, c’est depuis les années quatre-vingt une publication trimestrielle qui tire en 2009 à 1 500 exemplaires. Sa diffusion est militante, abonnements et distribution d’exemplaires gratuits auprès des militants ou sympathisants acteurs de la solidarité. Il est également adressé aux députés et sénateurs membres des Commissions des Affaires étrangères de chaque Assemblée et à tous les députés européens qui siègent pour la France. Sa rédaction est assurée par une petite équipe constituée d’une partie des membres du bureau de l’association des Amis de la RASD avec la participation occasionnelle d’amis journalistes. Il a suivi l’évolution des techniques d’impression et tout en gardant une allure un peu institutionnelle bénéficie depuis plusieurs années des talents d’un graphiste, Matthieu Liégeois qui en a bien amélioré la mise en page, le style et la lisibilité auprès des politiques ! Le contenu éditorial du journal s’adapte à l’actualité tout en gardant des constantes, au premier plan l’actualité politique, la situation au Sahara occidental, en mettant l’accent sur les atteintes aux droits de l’homme et la relation des activités de l’association et de son fonctionnement. Le Sahara Info peut également devenir une tribune pour d’autres associations engagées dans le soutien aux Sahraouis, mais cette ouverture ne dépasse jamais la ligne rouge de la popularisation des positions du Polisario et de la RASD. C’est un principe de départ qui s’est maintenu de principe et de fait, compte tenu de la bonne cohésion des positions des membres du Polisario au regard d’autres mouvements de libération et de leur respect des valeurs partagées par la rédaction du journal. C’est aussi une obligation politique de prudence, vu le contexte du conflit et la malfaisance de la propagande marocaine, qui exploite,

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en la dénaturant, toute expression critique qui pourrait se concevoir dans un débat démocratique normal. C’est à cette occasion mesurer les limites d’une telle publication trimestrielle, moins réactive, moins rapide qu’internet qui peut davantage ouvrir dans ses pages des systèmes d’expression de type « libres opinions » et mettre en action les fameux « blogs »! Comme pour le conflit, où bien souvent le temps semble s’être arrêté, le contenu de ces journaux peut apparaître répétitif mais leur écriture régulière est un bon exercice de réflexion et de mise en perspective et installe durablement des liens entre lecteurs et acteurs, Sahraouis ou Européens, dont l’activité en quelque sorte, fait le journal. La numérisation de tous les numéros du journal Sahara Info l’installe par ailleurs dans la dynamique de la communication internet tout en préservant les caractéristiques de l’exhaustivité et du temps long. Au hasard de ces trente-trois années, le numéro 94 d’octobre-décembre 1995 peut servir d’exemple. C’est un journal important, 28 pages, la taille moyenne étant plutôt de 16 pages, qui est bien représentatif d’un contenu éditorial habituel. Après l’éditorial du Président, Francis Jacob, qui alterne lucidité sur les difficultés du moment et volontarisme militant, le journal consacre 5 pages au 9e Congrès du Polisario, interventions et composition du gouvernement qui en est issu. C’est une simple transcription sans mise en perspective. Quatre pages sont ensuite consacrées à la mission du Professeur Théodore Monod dans les zones libérées, réalisée quelques mois plus tôt, en avril. À cette occasion un appel à vigilance est lancé aux lecteurs pour réagir aux cartes du Maroc incluant le Sahara occidental, de même une vidéo du voyage de Théodore Monod est proposée au prix de 80 francs. Cinq pages sont consacrées à la situation au Sahara occidental et plaident pour le respect des droits de l’homme dans les territoires occupés par le Maroc. Ces pages sont résolument militantes, associant avec l’interview d’un ancien disparu El Khadir Daoud des informations sur ce qui se passe au Sahara, sur sa propre histoire et les réactions que cette situation suscite. Reprise du rapport de l’OMDH, organisation marocaine des droits de l’homme, qui réagit aux procès iniques aux-

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quels sont soumis des jeunes Sahraouis qui viennent de manifester pacifiquement. Reprise d’une photo de la manifestation au Trocadéro en 1991, qui voulait alerter l’opinion française sur les disparitions au Sahara avec de grandes bannières représentant les portraits de personnes disparues. Diffusion d’un appel à personnalités avec les signatures et d’un appel d’Amnesty en protestation du procès qui vient de condamner ces jeunes à des peines de 15 à 20 ans. La Plate-forme solidarité avec le peuple sahraoui, créée en 1993, qui fédère les associations engagées dans différentes initiatives, occupe 7 pages. Avec une mise en page plus variée, petits articles et photos, c’est un résumé des différentes actions menées depuis l’été avec les accueils d’enfants, la préparation d’une caravane, le suivi des formations de stagiaires ou étudiants sahraouis en France, la sortie de nouveaux livres, une expo-photo, l’expédition du matériel agricole pour le programme jardins financé par le CCFD et le MAE, participation à la campagne, km soleil, pilotée par le Secours catholique. Le journal se termine par le rapport d’activité proposé à l’Assemblée générale qui venait de se tenir en juin. C’est donc un numéro très militant, qui rassemble en une vingtaine de pages les activités de 6 mois, celles directement pilotées par l’Association des Amis de la RASD et toutes celles dont elle a eu connaissance ou auxquelles elle a été associée. Il faut à ce propos noter la grande diversité des soutiens, qui vont de l’Union des femmes françaises, de sensibilité communiste au Secours catholique et l’engagement de quelques personnalités de premier plan comme Théodore Monod ou Danielle Mitterrand voire Monseigneur Gaillot, l’évêque de toutes les bonnes causes dans ces années quatre-vingt-dix ! D’autres numéros dans les années quatre-vingt furent plus théoriques, et plus politiques, avec des analyses de situation écrites par Maurice Barbier ou Claude Bontems. Il s’agissait alors de construire un argumentaire capable de bien définir la question sahraouie ou l’interprétation d’une actualité en mouvement. En 1995 les solidarités en France pouvaient témoigner de leur efficience et du large éventail des sensibilités concernées et se faire plus discrètes quant à l’appréciation de la situation politique avec un plan de règlement en panne.

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En Europe, des journaux équivalents existent. Nouvelles Sahraouies, trimestriel francophone suisse, frère jumeau de Sahara Info qui maintient comme en France une information papier régulière avec un tirage plus élevé. En anglais le journal de l’Association britannique Western Sahara Campaign, a une périodicité plus irrégulière et a paru quelques années, se présentant sous forme d’une double page bien documentée. En Suisse Alémanique l’association SUKS édite un bulletin en allemand avec une périodicité équivalente à Nouvelles Sahraouies. En Belgique, pas de journal régulier mais à intervalles des publications de qualité écrites en Français et en Flamand, qui permettent de faire un point de situation. Par exemple, une brochure sortie en 1992 Sahara occidental, une décolonisation qui n’en finit pas de durer, à l’initiative d’Oxfam/Belgique et du Comité belge, et plus tard en 2002, Les Sahraouis, colères et espoirs. D’autres publications trimestrielles ont existé en Italie, en Espagne, en Allemagne, dans les pays nordiques, qui ne paraissent plus aujourd’hui faute d’association pour les éditer ou en raison de l’usage immodéré d’internet ! Plus récemment, à l’occasion du Forum social européen, qui s’est tenu en septembre 2008 à Malmeu en Suède, le comité de soutien suédois a transmis une publication Vastsahara, dont deux numéros couleur de belle qualité formelle sont déjà sortis. Ils témoignent de la vivacité du soutien aux Sahraouis dans les pays nordiques. Solidarité qui a malheureusement distendu ses contacts avec les Européens du sud, tout en maintenant les liens via internet sur les questions de la détection des mines et de la protection des ressources naturelles. Lena Thunberg, sa rédactrice, a repris en 2008 le cours d’une publication qui existait dès le début du conflit. Les pays nordiques, et la Suède tout particulièrement, occupent une place centrale, au niveau de leurs États, dans l’exigence de l’application du droit international tout en étant moins « encombrés » de fructueuses ou amicales relations avec le Maroc. Le souvenir d’Olaf Palme est toujours très présent dans les campements à travers le nom d’une École de formation féminine à El Aïoun, financée par la Suède. De même, la Suède a joué un rôle déterminant au niveau de la Commission et du Conseil pour peser dans l’Union sur les termes de l’accord de pêche entre l’Europe et le Maroc en 2007.

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À côté du Sahara Info, journal national disposant même modestement de moyens d’impression et de diffusion (numéro de routage par exemple), d’autres publications ont existé à l’initiative de comités locaux assez actifs pour publier une information autonome. Ce fut le cas dans les années quatre-vingt des comités parisiens du Val de Marne et des Hauts de Seine. Ces deux comités étaient dirigés par des militants communistes, Lucien Hanoun dans le Val de Marne et René Toussaint dans les Hauts de Seine. Le premier originaire d’Algérie, est un ancien membre du PCA (Parti communiste algérien) et le deuxième, originaire du Maroc, était de son côté ancien dirigeant du Parti communiste marocain. Ces deux militants – Lucien Hanoun est aujourd’hui un vieux monsieur toujours attentif à la situation n’ayant rien perdu de sa rigueur – pouvaient au début du conflit représenter les archétypes du soutien au Polisario, communistes ayant des liens profonds et anciens avec le Maghreb. Leurs bulletins prirent une vigueur et une radicalité particulières en 83-85, quand l’Union de la Gauche tardait à mettre en œuvre les engagements pris, avant son arrivée au pouvoir en 1981. Engagement portant sur l’arrêt des ventes d’armes au Maroc et un soutien plus net au Front Polisario. Les divisions PS-PC traversèrent aussi cette question et alimentèrent la colère des deux comités parisiens, colère qui s’exprimait largement dans leurs bulletins. Des bulletins devenus, avec l’ordinateur, pièces de musée ! Celui du Val de Marne n’a pas existé très longtemps, je n’en ai retrouvé que deux exemplaires, les numéros 6 et 7, d’octobre 1983 et de mai 1984. Celui des Hauts de Seine a existé plus longtemps, à l’initiative de René Toussaint qui se plaisait à la caricature et alimentait de toute sa verve les quatre ou huit pages ronéotées. Ils sont, suivant nos standards de lecture actuels, presque illisibles. Bulletins de huit pages recto -verso avec des textes tapés à la machine ou écrits à la main, ils sont reproduits avec une « ronéo » ou photocopiés sans indication de diffusion. Par exemple, celui du Val de Marne de mai 1984 est très engagé et milite pour la modification de la position de l’Association nationale. Celle-ci n’est pas assez critique à l’égard de la position officielle française, afin de ne pas se couper du Parti socialiste. L’édito commence ainsi : « L’orientation de l’association en question, le gouvernement

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persiste à aider militairement le Maroc, l’association doit clarifier son orientation » et poursuit sur un ton sans appel. Vingt années plus tard, l’usage de l’ordinateur puis d’internet ont multiplié les possibilités et favorisé, de manière quasiment illimitée la diffusion. Cet outil est d’abord utilisé par les Sahraouis et les comités européens. En France le comité du Limousin, le CLSPS, a fidélisé depuis plusieurs années près de 250 correspondants auxquels il adresse un information régulière. De même, le CORELSO, association créée en 2006, édite un bulletin régulier transmis uniquement par internet.

ARSO.ORG LE SITE INCONTOURNABLE OÙ TOUT SE TROUVE ET SE RETROUVE À l’initiative d’un couple plein de talent, Marie-Claire et Emmanuel Martinoli, médecins suisses qui, à ce titre, sont partis sur place et n’ont plus depuis ce premier contact quitté le problème : « En avril 1976, lors d’une mission médicale dans les camps de réfugiés sahraouis, nous avons été confrontés à la brutale réalité de l’invasion marocaine du Sahara occidental […] L’acharnement de l’armée marocaine contre les civils en fuite démontrait une volonté de génocide. C’était le début de notre engagement » Revue suisse Nouvelles Sahraouies n° 100 juin 2001. Membres avec quelques autres du Comité suisse romand, les Martinoli ont rapidement travaillé à réunir une information régulière sur le conflit en épluchant les dépêches de presse et en les réunissant sous forme de synthèses d’informations organisées chronologiquement et disponibles sous forme d’abonnements. Travail de bénédictin, d’abord réalisé en français, qui sera ensuite élargi à l’espagnol et à l’anglais. Mémoire du conflit dans tous ses aspects, qui a servi d’appui à toutes les publications et recherches et qui, dans sa forme et son exigeante exhaustivité, s’est très tôt et très vite adapté aux formes et exigences de la communication via internet. La création du site ARSO fut associée

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à la grande espérance du Plan de paix de 1991 et à la mise en place de cette association destinée à surveiller la bonne application du Plan. « C’est à la même époque que l’ordinateur fait irruption dans notre existence. C’est en autodidactes complets que nous affrontons ce monde nouveau. Juin 1995, nous sommes prêts, nous créons le site de l’ARSO, Western Sahara, à ses débuts essentiellement en anglais. Nous entrons dans un monde où chacun s’adresse à tous, sans limites ni frontières » (Sahara Info N° 98 janvier-avril 1997). C’est sans aucun doute ce qu’il subsiste de mieux dans cette affaire ! Un site aux multiples développements qui a favorisé la culture internet parmi les Sahraouis et les militants. Il est connecté à beaucoup d’autres désormais, à partir des campements, du Sahara occidental et de plusieurs pays européens, en Espagne, en France (www.sahara-occidental.com). Le travail de relevé des informations d’agences et de presse s’est poursuivi avec un outil autrement plus performant, dans quatre langues européennes français, anglais, espagnol, portugais, et propose chaque semaine l’édition des nouvelles de la RASD. Depuis plusieurs années ce travail d’information est encore amplifié à partir de l’Espagne et de l’équipe du Professeur Ruiz, juriste éminent et homme d’information, qui chaque jour propose sur www. sahara-info.org une revue de presse très exhaustive en espagnol et en français. Pour les abonnés sa lecture est devenue un passage obligé, presque une addiction. Beaucoup de sujets d’actualité sont traités désormais de cette façon, les moteurs de recherche le permettent plus aisément ; il reste que le problème sahraoui, délaissé par les grands médias, a précocement bénéficié d’un traitement numérique régulier et performant, avec des sites originaux comme www.sahara-occidental.com et tient avec ces moyens coordonnés, la corde de l’information. La propagande marocaine ne s’y est pas trompée, et avec un peu de retard s’applique à diffuser son point de vue sur plusieurs sites, mimétiques des thèmes et des sites sahraouis. Au-delà d’une collecte d’informations l’usage d’internet transforme aujourd’hui les formes du militantisme, accélère les relations entre les gens, évite les déplacements et organise les ripostes appropriées. Toutes questions abordées dans un autre chapitre.

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Cette présentation n’épuise pas toutes les initiatives de popularisation que font vivre les solidarités locales et nationales. Brochures et calendriers sur papier glacé faisant appel à de talentueux photographes comme en Espagne, magazines d’éducation hygiène et santé à l’initiative d’ONG, chronologies et de multiples revues de presse, albums photos, carnets de voyage, qui racontent des histoires de rencontres, d’amitié et de solidarité avec la même fraîcheur et le même engouement en 2009 qu’en 1980. Désert à l’abri de l’usure du temps, ressources humaines qui se nourrissent d’une vraie générosité réciproque et sont capables de se renouveler sans lassitude ? Difficile de conclure sur cette popularisation militante sans évoquer les « fêtes populaires » et en premier lieu la fête de l’Humanité à Paris où l’Association des Amis de La RASD eut son stand tout comme l’AFASPA et où le Polisario est toujours présent avec un beau stand animé par l’Association des Travailleurs sahraouis et des Jeunes du Polisario, basées en région parisienne. Fêtes du livre comme au Mans, vide-greniers et marchés de Noël, tout est possible pour informer sur une question souvent oubliée ! À chacun de ces stands sont en première place les livres édités par l’Harmattan, dont les créateurs Denis Pryen et Armelle Riché, ont poursuivi leur engagement à faire connaître au mieux ce conflit, en publiant l’essentiel des travaux le concernant. La filmographie sur le conflit du Sahara occidental, diffusée à la fois dans les réunions de soutien et d’information et via les télés algérienne et européennes, doit être également comprise dans les moyens d’information. Ce sont essentiellement des films documentaires, qui permettent dans leur déroulement chronologique de retrouver les étapes du conflit et l’évolution des campements. Pour mémoire, quelques titres, Nous aurons toute la vie pour dormir, de Med Hondo, Le Sahara n’est pas à vendre, de Jocelyne Saab, films des premières années(1), Goulili, dis-moi ma sœur, tourné en 1990 par Inger Servolin et sa maison de production Iskra, que nous avons longtemps montré tant il donnait, en 1990, une vision renouvelée et personnelle des campements. Le récent film de Cheik Djémaï a pris le relais Une république en exil, depuis 2007, ainsi que le docuCes deux premiers films ont été largement diffusés et ont servi à rassembler de nombreux militants et sympathisants de la cause sahraouie.

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mentaire de Jean Lamore tourné à la même période et surtout diffusé au Royaume-Uni. Beaucoup d’autres existent en anglais et espagnol surtout. Des films très courts s’adaptent aujourd’hui à la demande internet et permettent sous forme de clips de diffuser vite une information(1). Le cinéma ne doit pas faire oublier le rôle de premier plan de nombreux photographes qui ont par dizaines fait le voyage dans les campements sahraouis. Gérald Bloncourt et Jean Bertolino en 1975-1976, Christine Spengler, Alain Kaiser, Maurice Muller, Alain Suszinski, François Decaen et Patricio Pardo Avalos pour la France et de nombreux autres, connus ou inconnus, qui ont avec albums, expositions et livres, donné à voir ce qu’étaient les campements. Les photos sont si nombreuses qu’une étude est à faire sur leurs différences d’esthétique, sources d’inspiration etc. Impossible de terminer ce chapitre, sans saluer la presse et la télévision algérienne, ses nombreux et enthousiastes journalistes, qui n’ont jamais cessé de s’intéresser à cette question, quelque soit leur propre actualité. Informations régulières sur le quotidien des campements, relais des initiatives, analyses de la donne politique ou diplomatique, tout intéresse les médias algériens. Tout en formulant des convictions bien établies et partagées, ces journalistes n’ont pas cédé à la tentation de la propagande, et suivent depuis 34 années la question sahraouie avec un grand professionnalisme.

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Clips de Denis Véricel à voir sur www.zcommunications.org/zspace/denisvericel

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TROISIÈME PARTIE

UNE SOLIDARITÉ VIVANTE !

TROISIÈME PARTIE

UNE SOLIDARITÉ VIVANTE

UNE SOLIDARITÉ QUI MOBILISE LES ACTEURS POLITIQUES ET HUMANITAIRES

DES ACTEURS VENUS DE TOUS LES HORIZONS Les mouvements du monde intervinrent, même assourdis, sur l’évolution du conflit sahraoui. Ainsi la chute du mur de Berlin, la fin de la division est-ouest et de la guerre froide donnèrent davantage d’importance aux Nations unies et aux relations multilatérales et suscitèrent l’espoir de régler plus rapidement des conflits liés à l’ancienne division du monde. Le plan de règlement du conflit du Sahara occidental, d’abord dans les tiroirs de l’OUA puis dans ceux de l’ONU fut activé, accepté par les parties – Maroc et Polisario – en 1988. Mis en œuvre en 1991 avec application immédiate d’un cessez-le-feu, il intervint sur le contexte et les formes de la solidarité. Celle-ci prit en France et en Europe son plein développement. Multiforme, créatrice de coopérations avec les Sahraouis, davantage demandeurs, de manière de plus en plus élargie et articulée. En effet, le passage de la guerre à la paix par la signature d’un cessez-le-feu sans que le référendum soit appliqué et donne la possibilité aux gens de rentrer chez eux, a conféré à ces coopérations une qualité liée à leur pérennité avec un exil qui durait. Coopérations qui devaient également s’adapter aux besoins et aux transformations des campements. De l’autre côté du mur, la disparition d’Hassan II et de son ministre Basri, vite démissionné par le successeur, a levé la chape sécuritaire au Maroc surtout et un peu au Sahara occidental. Le soulèvement populaire sahraoui, qui a pris de l’ampleur à partir de mai 2005, commence à ouvrir des possibilités d’autres coopérations en direct avec les Sahraouis résidant au Sahara sous contrôle marocain. Il reste que l’aide internationale maintient sa présence, avec quelquefois des hésitations et constitue la ressource principale de la vie matérielle (alimentaire surtout) des réfugiés. Agences internationales avec des contributeurs multinationaux (PAM, HCR) qui s’appuient le plus souvent sur les grosses ONG européennes comme OXFAM-Belgique, CISPE-Italie, ONG espagnoles, Triangle en France pour mettre en œuvre les aides ; soutien européen à travers l’engagement de

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l’Office humanitaire pour l’aide d’urgence ECHO. Permanence également de l’aide de l’État algérien qui appuie en direct le gouvernement sahraoui, prête son territoire et accueille par milliers les jeunes dans ses établissements d’enseignement du collège à l’Université, engagement matériel en stricte cohérence avec l’engagement politique. Engagement plus récent mais immense de l’Espagne qui de toute la force de sa nouvelle démocratie s’est employée, avec associations, villes et régions, familles à soutenir les Sahraouis jusqu’à transformer le quotidien matériel des campements et à donner aux Sahraouis un avenir de remplacement par le départ de beaucoup d’entre eux en Espagne. Avenir dont personne n’est dupe mais qui joue le rôle d’un utile sas, faute d’une solution politique ou militaire susceptible de conclure un conflit gelé. Cette solidarité espagnole est d’abord humanitaire, elle cache une dramatique voire cynique impuissance à régler un problème de décolonisation dont l’Espagne reste la première responsable, tant ce règlement politique, qui impose de clairement affronter les positions marocaines, semble contraire aux intérêts d’état espagnols. Dans cette situation, il vaut mieux aider les Sahraouis à tenir sur la Hamada ou en Espagne en pariant sans doute sur leur découragement ou sur leur progressive dispersion dans les différents pays d’accueil. De son côté, l’Amérique latine a joué dès le début du conflit un rôle non négligeable. Cuba surtout qui a aidé les Sahraouis de manière conséquente dans les domaines de l’éducation et de la santé. De nombreux cadres dans les campements ont été formés à Cuba de la maternelle à l’université, on les reconnaît à leur dynamisme ! Plus récemment, les transformations politiques qui agitent l’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud ont favorisé de nouvelles solidarités, au Venezuela par exemple, qui aide le gouvernement sahraoui et accueille nombre de ses étudiants. Dans tous les cas, l’aide humanitaire est étroitement liée au contexte politique et au statut que les États ou les Organisations internationales ont choisi d’accorder au partenaire sahraoui. Reconnaissance de la RASD ou non, partenariat avec le Polisario ou le Croissant Rouge Sahraoui, engagement clair ou réticent, tous ces aspects interviennent dans l’importance et la qualité de l’aide, même si pour les agences internationales les règles d’attribution sont normalement fixées suivant des

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critères décidés par les Nations unies. L’aide de la Libye est à ce titre significative : très engagée au départ à aider le Polisario à tous les niveaux de la société, son rapprochement avec le Maroc a privé les Sahraouis de l’essentiel de son aide. En 1985, les centaines d’étudiants et jeunes scolarisés en Libye furent obligés de la quitter et rejoignirent pour la plupart les établissements algériens pour terminer leur année scolaire ou universitaire. Au contraire l’OUA puis l’Union Africaine maintient fermement son engagement et l’adhésion de la RASD, engagement encore plus significatif avec la reconnaissance de la RASD par l’Afrique du Sud en 2004. La RASD, le Front Polisario et le Croissant Rouge Sahraoui interviennent ainsi au niveau international autant pour défendre leur droit à l’indépendance que pour assurer le quotidien matériel des milliers de personnes habitant les campements, dont l’existence et la cohésion sont en retour la meilleure façon de s’imposer sur la scène internationale. Les considérations politiques interviennent également dans les solidarités françaises et européennes et confèrent aux solidarités associatives avec le peuple sahraoui toute leur spécificité. Comparées au poids des agences internationales et de l’Europe, ces solidarités sont modestes en quantité et en moyens, mais elles sont incomparables pour les liens tissés entre Européens et Sahraouis et pour la qualité des échanges et coopérations qui depuis trente ans ont prospéré. Elles ont contribué à limiter les risques de l’enfermement associé à l’exil et ont peut-être prémuni de la haine des autres tous ces réfugiés qui vivent depuis si longtemps une situation injuste et cruelle. Pour les Européens acteurs de ces solidarités, le cheminement amical aux côtés d’un peuple très fraternel et d’une grande fermeté de principes et de valeurs a été une richesse et peut expliquer les engagements au long cours de certains.

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EN MAI 1980, L’ASSOCIATION DES AMIS DE LA RASD ACCUEILLE 120 ENFANTS. C’EST UNE PREMIÈRE EN EUROPE ! En 1979-1980 l’Association des Amis de La RASD avait pignon sur rue au centre de Paris, tout près de la Sorbonne, et avait les moyens de travailler. Un secrétariat national dirigé par Thomas Jallaud qui avait pris la suite de Denis Pryen. Autour de lui une équipe solide et dévouée, où se retrouvaient gauche et extrême gauche dans une coexistence pas toujours facile, mais qui tenait dans l’espoir partagé par beaucoup de Français d’une victoire de la gauche aux prochaines présidentielles. Le Conseil d’administration et la Présidence de l’Association témoignaient de cette pluralité et de l’intérêt des grands partis d’opposition à Giscard d’Estaing à être aux côtés d’un peuple qui luttait pour son indépendance. Dès 1977, l’Association des Amis de la RASD avait développé et stabilisé ses soutiens, non officiels, du fait de l’appui militaire français et de sa position centrale au Maghreb. Elle publiait le 16 avril 1977, un appel dans le journal Le Monde pour soutenir l’autodétermination du peuple sahraoui, largement signé par les les gens de gauche et les intellectuels, les interdictions de tenir meeting à Paris et en province à partir de mai lui ayant valu dans ces milieux encore davantage de sympathie. La présidence de l’Association des Amis de la RASD comprenait en 1977 huit membres appartenant pour la plupart à des organisations de gauche représentatives. Les syndicalistes, Roger Brisch pour la CFDT et Marcel Omet pour la CGT, Victor Leduc responsable au PSU, (parti socialiste unifié) Jean-Pierre Chevènement à ce moment-là au CERES, il quittera la présidence en 1979, Maxime Kalinsky pour le Parti communiste, Jacques Chatagner et Chantal Pérez, membres du Parti socialiste, et Denise Duboscq, Présidente juridique et fondatrice, proche de la CIMADE. Elle sera une Présidente efficace et généreuse. Elle choisira de démissionner en 1986 par solidarité avec l’ancien Secrétaire général Thomas Jallaud.

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Cette présidence inscrite en en tête du courrier de l’Association, était son passeport et correspondait à ses orientations et objectifs revendiqués : « L’association des Amis de la RASD s’est fixé les objectifs suivants : contribuer à une meilleure connaissance du peuple sahraoui, développer l’information sur sa lutte, encourager et concrétiser le soutien matériel. Pour les réaliser, l’AARASD rassemble des personnes d’horizons politiques et philosophiques différents qui sont membres de l’association à titre personnel. Elle détermine les formes de son soutien politique et humanitaire dans l’indépendance totale à l’égard des partis politiques, des organisations syndicales, des églises et de toute autre association ». Cet objectif d’indépendance à l’égard des partis ne fut pas toujours simple à mettre en œuvre dans la pratique du contrôle du pouvoir et de l’exercice difficile de la démocratie. Ainsi des difficultés affectèrent le fonctionnement interne de l’Association des Amis de la RASD, dans ses rapports avec les comités locaux, celui de Paris Sud en 1979, celui des Hauts de Seine et du Val de Marne plus tard qui correspondaient à des divergences d’appréciation sur le travail politique et militant bien souvent associées à des sensibilités partisanes soucieuses de garder ou de conquérir le bureau. En 1980, dans un tract diffusé au moment de l’opération « enfants sahraouis », l’Association des Amis de la RASD ajoutait un paragraphe à ses objectifs initiaux « Exiger du gouvernement qu’il cesse d’apporter une aide politique et militaire au gouvernement marocain et obtenir qu’il reconnaisse officiellement le Front Polisario, seul représentant du peuple sahraoui » Cet objectif s’appuyant sur le constat du renforcement du soutien au Maroc par la France et les États-Unis suite aux succès remportés par le Polisario. L’arrivée de la gauche au pouvoir qui ne sut ou ne put satisfaire les espoirs que l’élection du Président Mitterrand avait suscités dans les campements, puis le départ des communistes du gouvernement rendirent l’exercice encore plus difficile. En 1982, la présidence avait peu varié et fonctionnait suivant le même principe. Alain Benlezar représentait la CFDT, Jacques Blache les gaullistes de gauche et Bernard Parmentier le Parti socialiste. Paul Chomat, parlementaire communiste avait rejoint le groupe. Didier Cadin représentait l’Union Démocratique Bretonne.

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En mai 1980, alors que l’Association des Amis de la RASD se préparait à recevoir 120 enfants sahraouis, quelles étaient ses forces réelles ? Le nombre d’adhérents était relativement modeste pour une association nationale, 280 en 1978, 445 adhérents à jour de leur cotisation pour l’Assemblée générale de juin 1981. Par contre, les abonnés à Sahara Info étaient plus nombreux, 1 400 ; 5 100 journaux furent au total diffusés en 1981 (n° 52). Cotisation et abonnement coûtaient 70 francs, 40 pour les étudiants et les chômeurs. En 1979, le Conseil d’administration comptait 38 membres et s’élargit à 52 l’année suivante. Il élisait, conformément aux statuts, un bureau d’une quinzaine de personnes se réunissant tous les quinze jours présidé, jusqu’en 1983 par Thomas Jallaud au titre de Secrétaire général puis de Président jusqu’à sa démission en 1986. Au cours de toutes ces années le bureau fut à la recherche de modalités de fonctionnement, divisant les tâches en départements à la vie interne, aux relations extérieures etc. Le Secrétaire général y était en même temps le permanent entouré d’une bonne équipe et d’une secrétaire. En janvier 1978, le bureau national revendiquait 51 comités locaux. C’était certainement optimiste et ponctuellement lié à l’actualité(1). Quelques mois plus tard le bureau, qui essayait de mettre en marche de manière coordonnée tous ces relais parisiens et provinciaux, s’en tint à une appréciation plus réaliste en distinguant les comités à l’activité suivie : 16, Millau, Marseille, La Rochelle, Nîmes, Saint Chamond, Tours/Marne, Lille, Strasbourg, Lyon, Le Mans, Amiens, Roanne, Vannes, Nantes, Paris Sud, Saint-Denis et ceux à l’activité épisodique : 4, Montpellier, Reims, Rouen, Le Havre, les autres se réduisant à des correspondants locaux (certains sont encore abonnés à Sahara Info !). Chacun de ces comités se donnant pour objectif depuis 1976 de diffuser une information qui témoignait d’une demande réelle des sympathisants et d’une grande méconnaissance de ce peuple en France. Plusieurs séminaires d’information et de formation eurent lieu à Paris avant 1983 et réunirent les principaux militants des comités, en présence de resLe Sahara Info de février 1978, n° 21-22, indiquait que 23 réunions s’étaient tenues de novembre 1977 à février 1978, à Marseille, Saint Chamond, Angers, Toulouse, Orléans, Nantes, Morlaix, Metz, Lorient, à Paris et région parisienne et dans plusieurs universités, Jussieu, Censier, Paris V.

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ponsables du Polisario(1). Celui de novembre 1979, organisé à Melun par Alain Desjardins, membre du bureau, fut passionnant, posant les questions de l’organisation politique du Polisario, de ses références idéologiques, islam, nationalisme, marxisme, non alignement, de la place réelle des femmes. L’association disposait d’un matériel varié de popularisation, films, diaporamas, affiches et autocollants mis à disposition auprès des comités et des adhérents. Ils ont servi de support à plusieurs campagnes, collectes de matériel scolaire, collectes de médicaments, de tissus, etc. En 1983, alors que l’association venait d’organiser pendant deux années (1980 et 1982) des accueils d’enfants, la géographie militante s’était redessinée plus modestement mais de manière plus effective sur le terrain avec une dizaine de comités locaux à Brest, Nantes, Toulouse, Marseille, Le Mans et la Sarthe, Paris, le Val de Marne, les Hauts de Seine et l’Essonne. Tracé militant, qui trouva une première expression en 1981, dans une mission de femmes responsables de l’UNFS, dans l’est de la France, pilotée par Philippe Riché un des fondateurs de l’association, membre du bureau, et dans l’ouest où chaque comité reçut les délégations. C’était l’occasion de rencontrer presse locale et élus et de faire passer les messages politiques par des femmes inscrites réellement dans une lutte d’émancipation. Il fut également mis en musique par le passage de la troupe « Chahid El Ouali » du 27 mai au 16 juin 1983. Cette troupe formée de dix musiciens, six femmes, les voix et quatre hommes, aux instruments tourna en région parisienne, (Gennevilliers, Vitry, Orly, Villejuif, Limeil-Brévannes), dans l’Ouest (Nantes, Brest, Saint Brieuc, Le Mans) et également à Lyon. Concerts militants qui donnaient à voir et à entendre pour la première fois une troupe de musique sahraouie. Deux rencontres à Villejuif et au Mans furent particulièrement fructueuses puisqu’elles débouchèrent quelques années plus tard sur d’autres initiatives culturelles, théâtre au Mans et création d’un disque à Villejuif avec concert à Paris au théâtre Dejazet. Cette maturité d’une association solidaire au tournant des années quatre-vingt accompagnait la montée en puissance du Polisario tant au niveau politique que mi(1)

5 et 6 février 1977, 18 et 19 février 1978, 10 et 11 novembre 1979, 15 et 16 janvier 1983.

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litaire, paix avec la Mauritanie et 35 reconnaissances de la RASD en 1980. Elle entendait en même temps mieux organiser et faire connaître « le mouvement de protestation contre l’engagement français au service de l’expansionnisme marocain, le gouvernement français participe activement à une escalade militaire que l’engagement américain aggrave aujourd’hui » Sahara Info n° 41 (éditorial.) L’association était aussi active à l’Assemblée nationale en favorisant avec des députés amis, la création d’un groupe d’étude dès octobre 1980. Ce contexte rendit possible une démarche nouvelle et ambitieuse associant engagement politique et humanitaire avec l’organisation du séjour de 120 enfants sahraouis en France. La France officielle clairement engagée dans une aide aux FAR, (vente d’armes et d’avions, formation des officiers) devait ainsi tenir compte de l’évolution de la question, reconnaître l’existence de ces réfugiés, en laissant passer leurs enfants pour un séjour de vacances en France et résister aux fortes et amicales pressions marocaines, peu sensibles à ce genre de tourisme. En faisant venir plus d’une centaine d’enfants pendant un mois, l’association des Amis de la RASD, démontrait sa capacité à trouver des relais auprès de villes françaises et d’associations prêtes à les accueillir. La réussite de l’opération indiqua son enracinement en France et l’intérêt que de nombreux élus et responsables associatifs portaient au peuple sahraoui en prenant en charge financièrement et pédagogiquement le séjour de leurs jeunes. À la veille de l’élection présidentielle que François Mitterrand devait gagner, c’était une manière ambitieuse et constructive d’intéresser et même d’associer des élus ou responsables politiques et associatifs à une opération qui faisait exister très concrètement en France le peuple sahraoui et le Front Polisario. C’était préparer le terrain pour faire évoluer les positions de l’État en faveur d’une position plus équilibrée respectueuse du droit des Sahraouis à s’autodéterminer et à être indépendants. Le projet présenté aux lecteurs de Sahara Info et aux adhérents de l’association dès le mois de janvier 1980 pouvait emporter l’adhésion ! « Depuis qu’elle a été fondée, l’association a toujours cherché à prolonger son action par des formes concrètes de solidarité, ainsi la campagne tissus ou la campagne scolaire. Aujourd’hui il est possible d’aller plus loin et de permettre à des enfants, sans enfance, de mieux

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connaître notre pays et notre peuple… ». Le bilan en fut très positif : un séjour de quatre semaines à une période (mois de mai) bien située dans l’année, permit de recueillir de nombreux témoignages de sympathie tant dans chaque lieu d’accueil qu’à Paris. Les enfants étaient des ambassadeurs et en même temps, venaient en France pendant un mois, ce séjour leur permettant de s’ouvrir à d’autres mondes et d’être pour quelques semaines à l’abri de la guerre et des dures conditions de l’exil. Une souscription d’un montant de 250 000 francs, dont rendit compte régulièrement le journal, par sa bonne réussite, témoigna de l’impact de cette opération soutenue par de nombreux souscripteurs. À l’occasion de la soirée d’adieu organisée à Paris en l’honneur des enfants, le 19 juin 1980, fut donnée lecture solennelle d’une déclaration des droits de l’enfant sahraoui, suivant les termes de la déclaration universelle des droits de l’enfant de 1959. Dans chacun des sites (Bourges, Albi, Marseille, Belfort, Martigues et Le Mans accueillant un groupe de vingt enfants sahraouis), l’initiative locale revint à la ville sauf au Mans où ce fut le comité local de l’AARASD qui en prit la responsabilité. L’équipe du Mans et de la Sarthe, réunit toutes les coopérations possibles pour réussir ce séjour, le dénominateur commun étant la reconnaissance du droit à l’autodétermination des Sahraouis que chacun des partenaires impliqués, pouvait exprimer concrètement en participant à l’accueil d’un groupe d’enfants. Le Mans, cité de 150 000 habitants dirigée par une équipe municipale Union de la gauche avec à sa tête un maire communiste, Robert Jarry, fut le principal partenaire avec plusieurs villes de l’agglomération comme Allonnes et Champagné et deux villages du Sud- Sarthe, La Chapelle aux Choux et SaintGermain d’Arcé. Le Secours populaire, des comités d’entreprises furent également partie prenante et beaucoup d’autres qui s’intéressèrent à ces enfants, à leur histoire. Toutes ces initiatives aboutirent à une collecte locale de 40 000 francs, conférant au comité une réelle crédibilité. La responsabilité du seul comité local pour gérer ce séjour fit d’abord l’objet d’une discussion avec le bureau national qui donnait la priorité au partenariat direct avec des villes et ne souhaitait pas s’embarrasser d’un partenaire intermédiaire. Ce

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choix qui permettait de réunir le plus grand nombre de partenaires sans aucune exclusive, se révéla payant. Le comité sarthois responsable de l’accueil resta maître de l’opération et put y associer les partenaires les plus variés hors de toute considération partisane. Il lui donna la possibilité de se développer, en se faisant mieux connaître, avec une initiative d’envergure, à la fois humanitaire et politique. Il s’assura ainsi une meilleure visibilité locale et garda son indépendance face aux différentes sensibilités partisanes ou associatives, objectif correspondant à l’esprit de l’association et à ses statuts. Une dynamique s’installait au Mans et dans la Sarthe, qui favorisa l’intérêt des élus du Mans et leur engagement à proposer un jumelage avec une localité sahraouie dès 1981.

L’AUTODÉTERMINATION EST-ELLE POSSIBLE ? QUELS MOYENS POUR CONVAINCRE? Depuis l’adoption par l’OUA, le 19 juin 1983, de la résolution AHG 104, s’était imposée l’idée que la solution du conflit du Sahara occidental ne pouvait procéder que d’un référendum d’autodétermination et d’indépendance, subordonné à des négociations directes entre le Maroc et le Front Polisario. Le refus du Maroc de s’engager dans toute négociation directe et la réticence des grandes puissances à voter à l’Assemblée générale de l’ONU, des résolutions conformes à l’esprit du plan de règlement contenu dans la résolution AHG 104, tout en se déclarant en faveur de l’autodétermination conduisirent le Polisario et ses soutiens à multiplier les initiatives. Initiatives destinées à défendre deux points : négociations directes entre les deux parties avant tout démarrage d’un processus de règlement et prise en charge du territoire du Sahara occidental par une administration conjointe ONU/OUA avant la tenue du référendum. De leur côté, l’ONU et son Secrétaire général, Monsieur Pérez de Cuellar, qui venaient de connaître de beaux succès, s’employaient à faire avancer le dossier. Mis-

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sion technique de l’ONU dans la région en novembre décembre 1987 et présentation aux parties le 11 août 1988 d’un ensemble de propositions de paix. Chacune des parties réagit aux propositions : le Maroc donna son plein accord alors que le Polisario n’accepta que sous certaines conditions. Ces propositions qui gommaient les négociations directes étaient bien plus proches des exigences marocaines que des positions du Polisario et de l’OUA. La partie se jouait serrée puisqu’à l’initiative de l’Algérie l’Assemblée générale de l’ONU adopta en novembre 1988 une résolution appelant les parties aux négociations directes afin de parvenir à un cessez-le-feu et ce au grand dam du Maroc. Que signifiait dans ce contexte le rapprochement entre l’Algérie et le Maroc ? Une première rencontre Chadli Hassan II en mai 1987 était suivie du rétablissement des relations diplomatiques et de l’ouverture des frontières un an plus tard(1). Ce rapprochement, préparait le projet de l’union du Maghreb Arabe destiné à créer un grand espace économique maghrébin. Quel jeu jouait alors l’Algérie ? Les perspectives tracées par l’ONU allaient-elles lui permettre de dégager sa responsabilité du problème sahraoui sans trahir ses principes, tout en lui créant l’opportunité de rétablir de bonnes relations avec son voisin, condition indispensable à tout projet maghrébin ? L’Algérie connaissait les limites des propositions de Pérez De Cuellar, c’était un risque à prendre face aux perspectives qu’ouvrait un ambitieux Grand Maghreb pour l’Algérie comme pour le Maroc. Pour sa part, Hassan II, dans toutes ces discussions évoquait une solution passant par la régionalisation, dans le respect du timbre et du drapeau. Un interview du Président sahraoui dans Algérie Actualité du 16 novembre 1989 (repris dans Sahara Info février 1990 n° 78) posait clairement l’intérêt et les limites de cette ambition. « Pour que l’UMA avance, et c’est notre rêve à tous, il faut qu’elle évite les manœuvres, les mines etc. Ceci ne sera possible que si le Maroc change visà-vis de la question sahraouie et du règlement du conflit. Construire le Maghreb signifie aussi la connaissance du nombre d’habitants, de la superficie et des frontières de chaque pays. Personne ne sait jusqu’où s’étendent les frontières du Maroc Les relations diplomatiques rompues le 7 mars 1976 suite au soutien algérien au front Polisario furent rétablies le 16 mai 1988. (1)

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et quelle est sa superficie ! Ces frontières élastiques, qui tantôt vont vers la Mauritanie, tantôt vers le Sahara ou vers l’Algérie, sont un grave problème qui impose un changement de mentalité pour construire un avenir commun. » Le coup de théâtre de la rencontre de Marrakech entre Hassan II et le Polisario(1) le 5 janvier 1989, suscita d’immenses espoirs. Mais elle fut comme les autres rencontres directes qui suivirent, sans lendemain, malgré les gestes de bonne volonté du Front Polisario : arrêt unilatéral des combats, médiation du CICR, pour le rapatriement de 200 prisonniers marocains libérés en mai 1989, refusée par le roi. Hassan II poursuivait son grand jeu avec les Sahraouis et la Communauté internationale, tout promettre, signer même sans jamais céder sur rien. Dans l’édito de Sahara Info n° 77 de mars 1989, Claude Bontems, secrétaire général de l’AARASD, soulignait l’importance de la surveillance du processus « Il est important que tous ceux qui détiennent une parcelle d’autorité morale ou politique, suivent d’un regard très attentif tout ce qui va se dérouler dans les prochains mois ». Le dispositif de solidarité politique progressivement mis en place au niveau européen était opérationnel pour suivre le processus et s’efforcer de peser sur la volonté onusienne à mettre en œuvre le référendum d’autodétermination au Sahara occidental. Les conférences européennes d’abord, se tenant chaque année dans un pays différent, jouèrent un rôle de caisse de résonance des avancées ou des reculs et des recommandations à la Communauté internationale pour l’application de ses propres règles. Las Palmas, du 14 au 16 octobre 1988, où les présents se déclarèrent attentifs aux propositions conjointes ONU-OUA, tout en rappelant les nécessaires négociations directes et l’indispensable retrait de l’administration et de l’armée marocaines du Sahara occidental pour un scrutin régulier. La conférence insista sur l’esprit de responsabilité du Polisario, qui acceptait désormais le référendum et par là se pliait aux règles internationales Composition des délégations : pour le Maroc, Hassan II entouré de son Conseiller politique Ahmed Rhéda Guédira, du Ministre de l’Intérieur Driss Basri, et du Ministre des Affaires étrangères Abdelatif Filali ; pour le Polisario, le Premier Ministre de la RASD Mahfoud Ali Beïba, le Ministre de la défense Brahim Ghali et le responsable aux relations extérieures du Polisario Bachir Mustapha Sayed. (1)

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de la décolonisation, alors qu’il considérait jusqu’alors que la lutte du peuple et la proclamation de la RASD valaient autodétermination. La conférence tenue à Hambourg les 15, 16 et 17 octobre 1989 se fit l’écho des premières difficultés. Pas de suite à la première rencontre de Marrakech, refus d’accepter les prisonniers libérés. Le Polisario s’exaspéra de la provocante négation de son existence et de l’existence du peuple sahraoui et reprit en octobre la lutte armée en gagnant trois grandes batailles à Guelta Zemmour, Haouza et Amgala. Le Front Polisario et la solidarité européenne n’avaient pourtant pas ménagé leurs efforts pour faire avancer politiquement le processus. Des groupes parlementaires existaient en Italie, France, Espagne, RFA, dans les États Nordiques, qui prirent l’initiative de plusieurs conférences. La première se tint à Rome les 9, 10 et 11 mai 1989, avec comme mot d’ordre « Les Parlementaires d’Europe pour la paix au Sahara occidental ». Les présents y décidèrent la création d’un Comité international de juristes pour instruire le processus au plus près et adressèrent un appel au Secrétaire général de l’ONU. En même temps le gouvernement italien s’engagea en faisant recevoir successivement, Mahfoud Ali Beïba, Premier Ministre, Mohamed Abdelaziz, Président de la RASD, par Monsieur Andreotti, Ministre des Affaires étrangères. Le gouvernement français était beaucoup plus prudent, tout en considérant comme positifs des contacts directs entre Maroc et Polisario. Il laissa l’initiative aux parlementaires avec le groupe d’étude de l’Assemblée présidé par le député socialiste Charles Pistre, aux élus locaux – deux jumelages furent signés en 1989, à Albi et Loon-Plage – mais imposa à Madame Mitterrand, au nom de la raison d’état et des bonnes relations avec le Maroc, de ne pas soutenir les Sahraouis de manière trop visible. L’Assemblée générale de l’ONU maintint une position de fermeté, réclamant à nouveau, dans sa résolution de novembre 1989, la tenue de négociations directes. De son côté, le Polisario adressa un mémoire au Secrétaire général pour un rappel de ses positions, concernant tout particulièrement « La nécessité du démantèlement de l’appareil militaire, administratif et législatif du territoire. Si cela s’avérait impossible à obtenir par les Nations unies, le principe de l’équilibre devrait être impérativement mis en œuvre, sous peine d’octroyer à la force occupante le statut de juge et partie dans un processus où le seul juge doit être l’ONU ».

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Pour empêcher que le processus engagé ne s’enraye, le Secrétaire général, Monsieur Pérez de Cuellar, poussa les feux en 1990 : tournée personnelle au Maghreb, encouragements aux travaux de la commission technique chargée du dossier du corps électoral, nomination d’un diplomate suisse comme « Représentant spécial », Monsieur Yohannés Manz, et publication d’un plan conjoint ONU-OUA approuvé par le Conseil de sécurité le 28 juin 1990 (résolution 658). Un an plus tard, au lendemain de la guerre du Golfe, le 29 avril 1991 le Conseil de sécurité adoptait à l’unanimité la résolution 690 et le plan de règlement avec la création d’une force de paix la MINURSO. Ce volontarisme, l’engagement du Conseil de sécurité en faveur d’un plan qui apparaissait très précis vinrent à bout des réticences du Polisario, qui accepta de s’engager dans cette voie et ce sans négociations directes, en arrêtant à nouveau les combats à partir de mai.

LE PLAN DE RÉGLEMENT La conférence européenne qui se tint en octobre 1990 à Bruxelles « notait avec satisfaction les efforts déployés par le Secrétaire général pour que soit réalisé dans des conditions justes et incontestables le référendum d’autodétermination ». Plus d’exigence de négociations directes, elles étaient remplacées par la perspective d’un plan de règlement garanti par l’ONU ! Dans cette dynamique, une nouvelle conférence parlementaire se tint à Stockholm les 24, 25 et 26 mai 1991. Ouverte par le Président du Parlement suédois, Bertil Fiskesjö, elle réunit les représentants des intergroupes des Parlements nationaux et du Parlement européen. Mireille Elmalan, député européen pour la France, informa à cette occasion les présents des activités de l’intergroupe « Paix pour le peuple sahraoui » au Parlement européen. « Le 12 mars 1981, le Parlement européen adoptait le rapport Lalor sur la situation au Sahara occidental, résolution pro-marocaine réduisant le problème à un conflit entre l’Algérie et le Maroc. Ce vote était un coup dur pour le Polisario ! À la suite de ce vote plusieurs parlementaires des groupes socialistes, communistes et verts ont décidé de mieux informer leurs collègues en créant un intergroupe. Cet intergroupe a été à l’initiative de plusieurs évènements, soirée solidarité le 18 mai 1988 avec

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plus de 700 personnes, campagne pour empêcher la présence d’Hassan II dans l’enceinte du Parlement, interventions pour infléchir le contenu des accords de pêche entre le Maroc et la CEE et leur faire prendre en compte les intérêts de la RASD, vote de nombreuses résolutions en 1990, 1991 sur le non –respect des droits de l’homme au Sahara occidental, questions orales ou écrites à la Commission et au Conseil pour l’appui aux médiations de l’OUA et de l’ONU. Mais le premier résultat politique fut bien l’adoption de la résolution de mars 1989, reconnaissant le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance et demandant l’organisation d’un référendum libre et juste sans contrainte ni administrative ni militaire et tout récemment le vote, ce 18 avril 1991, d’une résolution soutenant le Plan de paix de l’ONU ». En conclusion de son exposé, la députée Mireille Elmalan faisait remarquer qu’il avait fallu 8 ans d’efforts pour isoler les députés pro-Hassan II et aboutir à une position du Parlement européen harmonisée avec celle des autres organisations internationales. Forte de cette expérience, elle soulignait l’importance en cette période de bien coordonner les intergroupes parlementaires. La conférence de Stockholm, comme celle de Bruxelles, se réjouissait en conclusion de l’adoption à l’unanimité par le Conseil de sécurité de la résolution 690 adoptant le Plan et la création de la MINURSO, tout en faisant remarquer que le processus n’allait pas de soi mais requérait l’attention continue et le soutien de la Communauté internationale. Plusieurs réunions se tinrent à Bruxelles à l’initiative de la coordination des comités européens et de la parlementaire allemande Barbara Simmons, Présidente de l’intergroupe au Parlement européen, pour élaborer des stratégies d’observation indépendante et assurer la vigilance pour la bonne tenue du référendum. Un dispositif de travail et d’intervention fut préparé et budgétisé de manière précise. Il articulait les parlementaires d’Europe « Paix pour le peuple sahraoui », la Coordination européenne des comités nationaux présidée par Pierre Galand, les observateurs indépendants pilotés à Genève par « l’Association de soutien pour un référendum libre et régulier au Sahara occidental » (ARSO) et des comités de soutien au référendum tels qu’il venait d’en être créé un en France autour de la

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Fondation France Libertés « le Collectif de vigilance » en juillet 1991(1). Dernière question longuement discutée, le rapatriement des réfugiés au Sahara pour la participation au référendum, le Ministre des Affaires Etrangères de la RASD, Mohamed Sidati, s’en inquiétait et essayait de trouver des ressources pour l’organiser au mieux. L’optimisme était encore de rigueur à la Conférence européenne qui se tint au Mans les 14,15 et 16 octobre 1991. Cependant, les difficultés d’installation de la force de paix onusienne commençaient à être connues. La présence de l’ONU sur un territoire qu’il estimait être le sien était en effet très mal toléré par le Maroc et cela augurait mal des suites de l’application du plan de l’ONU. Quelques jours plus tard, Pierre Galand, au titre de président des Comités européens, sonna la première alerte dans un courrier adressé à l’ONU, aux responsables politiques et aux militants où il dénonçait les obstacles mis à l’application du plan. Suivit une alerte équivalente d’ARSO et du Docteur Emmanuel Martinoli en contact avec le représentant spécial Manz, décrivant les multiples obstructions orchestrées par le Maroc pour freiner l’installation de la MINURSO. Une réunion se tint à Genève en novembre 1991, à l’invitation d’ARSO et du Collectif de vigilance français, qui s’adressa aux pays membres du Conseil de sécurité via leurs ambassadeurs en poste à Genève et organisa une délégation auprès du CICR et du HCR. La démission de l’Ambassadeur Manz de ses responsabilités de représentant spécial, en décembre, confirmait « officiellement » le manque de volonté des Nations unies face au souverain marocain, qui cédait le moins possible. Ces années d’impuissance onusienne furent des années actives sur les plans politique et juridique, articulant sur tous les fronts utiles l’action du Polisario et de ses soutiens, en France mais aussi en Italie, au Royaume-Uni, dans les Pays Composition du collectif FIDH fédération internationale des droits de l’homme, LDH ligue des droits de l’homme, MRAP mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, SOS Racisme, Terre des Hommes France, la Cimade, l’ACAT association des chrétiens pour l’abolition de la torture, AVRE association pour les victimes de la répression en exil, NDH Nouveaux droits de l’homme, Commission française justice et paix, LICRA ligue contre le racisme et l’antisémitisme, Médecins du monde, Comité de défense des libertés en France et dans le monde. (1)

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Nordiques et de manière encore plus significative en Espagne. Cependant l’exemple de la France permettra de mettre en évidence les formes de mobilisation politique propres à plusieurs pays d’Europe, étroitement associées aux actions du Front Polisario et aux rendez-vous européens. En France – et la situation devait se retrouver là où existait un comité ou une représentation du Polisario – la presse s’intéressa à nouveau au problème. Plusieurs articles de référence, dans le Monde diplomatique de novembre 1992, signé par Martine de Froberville, dans la prestigieuse Revue des deux Mondes, signé par Renaud Girard en février 1992, dans la presse quotidienne, analysèrent les difficultés d’application du Plan de paix, l’impuissance de l’ONU à avoir raison des raisons d’État et des rapports de force et être en mesure de faire appliquer ses propres résolutions. Le Maroc d’Hassan II avait perdu une partie de sa superbe après la publication du livre de Gilles Perrault et faisait moins recette dans les rédactions. La guerre du Golfe, suite à l’invasion du Koweit était tout près dans les mémoires et là, le droit s’était très vite appliqué. Le pétrole et les enjeux du Moyen-Orient au centre des préoccupations de la Communauté internationale expliquant une application à géométrie variable du droit international, « realpolitik » que certains journalistes ne manquaient pas de souligner. Une réunion, le 18 janvier 1992, à l’initiative de l’Association des Amis de la RASD, du sénateur maire des Ulis, Paul Loridant, et des maires des cinq villes jumelées avec des campements de la RASD(1) se tint dans la salle du Conseil municipal des Ulis. Elle invita élus locaux et parlementaires à se mobiliser en direction du Conseil de sécurité et du Ministère français des Affaires étrangères pour l’application de la fameuse résolution 690 adoptée à l’unanimité par le Conseil. À ce rendez-vous, 24 élus étaient présents, avec à leurs côtés une vingtaine de militants associatifs. Une vingtaine d’autres élus s’étaient excusés dont Jean-Marc Ayrault, député maire de Nantes et André Labarrère, député maire de Pau, ancien ministre. (1)

Le Mans, Albi, Loon-Plage, Argenteuil, Cuges les Pins.

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Un appel fut signé et diffusé dans le quotidien Le Monde en page 4, de l’édition du 29 février 1992 et par mailing aux élus des villes françaises de plus de 2 500 habitants(1). Dans le même numéro, le quotidien titrait sur la visite de Roland Dumas, Ministre des Affaires étrangères, au Maroc, « Paris et Rabat inaugurent des relations plus sereines » l’objet de la visite concernait le rééchelonnement de la dette du Maroc, les facilitations à un futur traité de libre-échange avec la CEE, les visas mais rien ne filtrait de quelconques discussions sur le règlement du conflit sahraoui. Cependant un encart faisait état de la résolution du Parlement européen du 3 janvier 1992, qui demandait à la Commission européenne de subordonner l’accord de coopération Maroc-CEE au respect par ce pays de la résolution des Nations unies concernant le référendum au Sahara occidental. Cette résolution bien défendue par deux députés français socialistes, Jean-Pierre Cot et Henri Saby, fut peu appréciée par le Maroc : des propos malveillants, suivant le Ministre marocain des Affaires étrangères Abdelatif Filali. Le Conseil européen, pour rassurer le Maroc et faire pardonner le mauvais goût des eurodéputés essaya en vain de renouveler le vote et proposa en dernier recours une issue très favorable au Maroc, la possible transformation de l’accord de coopération en accord de libre-échange. L’Europe à la même période négociait avec le Royaume un accord de pêche, le Conseil et les Ministres étaient plus sensibles aux exigences du donnant donnant que des parlementaires idéalistes.

Liste des élus signataires, François Autain, Sénateur-maire de Bouguenais, Joël Batteux, maire de Saint-Nazaire, Michel Brétagnol, conseiller régional Ile de France, Michel Castel, maire d’Albi, Jean-Claude Delalonde, maire de Loon-Plage, André Duroméa, député –maire du Havre, Jean-Loup Englander, maire de Saint-Michel/Orge, Jacques Floch, député-maire de Rezé, Jean-Pierre Fourré, député du Val de Marne, Robert Jarry maire du Mans, Paul Loridant, sénateur maire des Ulis, Marc Lucas, maire de Yerres, Lucienne Martin, maire d’Auriol, Hélène Mignon, député-maire de Muret, Jean-Claude Molina, maire de Cuges les pins, Robert Montdargent, député –maire d’Argenteuil, Charles Pistre, député du Tarn, Jean Tardito, député-maire d’Aubagne, Nicole Touquoy-Morichaud, conseiller régional Ile de France et Robert Vizet, sénateur de l’Essonne (1)

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Cette réunion des Ulis, la première du genre, qui sollicitait élus locaux et parlementaires pour peser sur la position officielle française, poursuivait les démarches initiées en 1980 avec l’accueil des 120 enfants sahraouis, tout en s’appuyant sur l’existence, en 1992, de cinq jumelages. L’appel dans Le Monde, les courriers trouvèrent un bon écho auprès des élus, dans leur grande majorité positionnés à gauche. Plusieurs lettres furent adressées le jour même aux Nations unies et aux responsables politiques français. Le courrier à l’adresse du Secrétaire général faisait part de leur inquiétude sur les difficultés d’application de la résolution 690, s’interrogeait sur le peu de moyens donnés à la mission de paix de l’ONU et s’indignait des violations du plan faites par le Maroc. Cette lettre fut signée par 13 élus, les 5 maires des villes jumelées(1), et fut adressée en copie à toutes les missions membres du Conseil de sécurité. Une lettre ouverte était adressée aux partis politiques français, leur demandant de s’opposer à toute falsification du plan de paix et de s’inquiéter de la situation des droits de l’homme au Sahara occidental. Un dernier courrier était adressé à l’Ambassadeur de France à la tête de la Mission française auprès des Nations unies. L’appel adressé par mailing aux élus des villes de plus de 2 500 habitants fut bien accueilli et 150 élus en majorité communistes et socialistes adressèrent l’appel suivant au Conseil de sécurité et au Ministre français des Affaires étrangères : « Nous demandons au Conseil de sécurité de l’ONU l’application immédiate et complète de sa résolution 690, qui place notamment l’organisation et le contrôle du référendum sous sa seule souveraineté. Nous demandons au Ministère des Affaires étrangères de faire en sorte que la France intervienne fermement au sein du Conseil de sécurité pour que celui-ci se donne les moyens de mettre en œuvre immédiatement et complètement sa résolution 690. L’Assemblée des élus réunie aux Ulis le 18 janRobert Jarry, maire du Mans, Robert Montdargent, maire d’Argenteuil et député communiste du Val d’Oise, Jean-Claude Molina, maire de Cuges les Pins, Michel Castel, maire d’Albi, Jean-Claude Delalonde, maire de Loon-Plage), trois élus de Loire-Atlantique (Jacques Floch député-maire de Rezé, Jacques Batteux maire de Saint-Nazaire, François Autain, sénateur maire de Bouguenais et plusieurs élus de l’Essonne autour de Paul Loridant (Marc Lucas maire de Yerres, Jean-Loup Englander maire de Saint Michel/Orge, Julien Dray, député. (1)

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vier 1992 propose aux communes de France de coordonner leur solidarité active en participant aux initiatives à même d’associer la population française à des opérations d’envergure en faveur des Sahraouis ». Paul Loridant, hôte de la réunion s’adressa, par courrier et avec une question orale au Sénat, au Ministre des Affaires étrangères. La réponse de Roland Dumas comme celle d’Elisabeth Guigou au Sénat(1), formulée avec les assurances d’usage, ne convainquit personne tant la prudence était de mise concernant l’élargissement du corps électoral imposé par le Maroc. Tout en rappelant l’attachement au principe de l’autodétermination, Madame Guigou en réponse à la question du Sénateur ne proposait aucune initiative française pour relancer le Plan de paix. C’est l’Association des Amis de la RASD qui prit en charge l’organisation de cet ensemble d’initiatives. Pour quel coût ? Le budget total de 50 435 francs dont 36 766 francs pour la publication de l’appel dans Le Monde fut couvert dans sa totalité par les villes jumelées et amies(2) et des élus à titre individuel comme le sénateur Robert Vizet, qui contribua de manière bien généreuse. Chaque contribution s’éleva entre 2500 et 6 500 francs et favorisa ainsi la popularisation des inquiétudes et des exigences du Polisario. Dans cette même dynamique qui sollicitait le réseau des villes amies et jumelées, engagées par ailleurs dans une solidarité très concrète à travers l’accueil régulier d’un groupe d’enfants, Sénia Ahmed, Présidente de l’UNFS, fit un tour de France des villes solidaires en mars 1992(3). Le maire de Gonfreville l’Orcher, Monsieur le Mignot ayant réagi à l’Appel des Ulis, préparait de son côté le prochain jumelage de sa ville avec un campement sahraoui. Plusieurs conférences furent également organisées à Paris et en province. En présence du Président Abdelaziz en mai 1992, à Paris et au Mans, ce qui donna l’occasion aux Manceaux réunis de fêter le dixième anniversaire du jumelage avec Haouza. Cette présence du Président sahraoui favorisa l’intérêt de la presse. Un bel édito de Georges Montaron dans Témoignage chrétien qui au passage ne manqua pas (1)

Séance des questions au gouvernement du 14 mai 1992.

Bouguenais, Aubagne, Les Ulis, Saint-Nazaire, Le Havre, Aubagne, Yerres, SaintMichel/Orge, Auriol.

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Albi, Hérouville-Saint-Clair, Le Mans, Rezé.

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d’épingler Bernard Kouchner. Celui-ci, venait de déclarer à Jeune Afrique, alors qu’il était Ministre de la santé du gouvernement Bérégovoy « qu’il était plutôt du côté du Maroc dans la querelle qui l’oppose au Front Polisario car c’était une querelle arrangée par l’Algérie, précisant que le royaume d’Hassan II était un pays relativement démocratique ». Également, une interview du Président dans Le Figaro et Le Monde et plusieurs papiers politiques dans la presse régionale comme Ouest France ou La Dépêche du Midi. Sahara Info rendit compte de la conférence du Mans dans son numéro 86, où il donna la parole à Charles Pistre. Celui-ci venait de recevoir à l’Assemblée, avec le groupe d’étude sur le Sahara occidental, le Président Abdelaziz, reçu également par Henri Emmanuelli, qui présidait alors l’Assemblée. La conférence du Mans permit de traiter à la fois des problèmes politiques, référendum et identification du corps électoral, et des réalisations et projets de coopération associés aux jumelages et aux accueils d’enfants. En février 1993, à l’initiative de la Fondation France Libertés et de l’Association suisse de soutien à un référendum libre et régulier au Sahara occidental, un mémorandum fut adressé au Secrétaire général, Boutros Boutros-Ghali afin de peser sur la volonté onusienne d’appliquer son Plan. Ce mémorandum signé par associations et personnalités européennes fit l’objet d’une réponse polie du représentant spécial, Yakub Khan, mais sans d’autre suite. En juillet 1993, en même temps que se tenait une nouvelle rencontre directe entre Maroc et Polisario à El Aïoun, une conférence-débat fut organisée à Paris. Elle se tint à l’initiative du Comité pour le Sahara occidental crée en février 1993, par Georges Montaron, journaliste directeur de Témoignage chrétien, et par Martine de Froberville politologue, venue du gaullisme. (auteure d’un livre qui deviendra de référence, publié à l’Harmattan en 1996 : Sahara occidental, la confiance perdue, l’impartialité de l’ONU à l’épreuve). Cette réunion fut de haute tenue. Le Front Polisario y manifesta une réelle volonté de diversifier ses soutiens, tenant compte à juste titre des élections en France qui avaient modifié sensiblement le paysage politique avec un gouvernement de cohabitation dirigé par Edouard Balladur. Dans son introduction, Martine de Froberville, modératrice de la conférence, soulignait l’absence de Jean-Chris-

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tophe Rufin absent pour cause de cabinet ministériel, il venait d’entrer au cabinet de François Léotard, Ministre de la Défense. La conférence, Quel destin pour le Sahara occidental ? proposa trois approches : juridique, géopolitique en resituant la question dans le Maghreb et politique avec l’intervention de Mahmoud Abdelfattah (Khaddad), président de la commission d’identification des votants pour le référendum pour la partie sahraouie et celle de Gilbert Pérol, ambassadeur de France et ancien porte-parole du Général de Gaulle. Cette conférence sera publiée à l’initiative d’ARSO sous forme d’une petite brochure susceptible de diffusion auprès des élus, responsables intéressés à ce problème. Claude Bontems, professeur de droit international, ancien secrétaire général de l’AARASD, proposa une lecture juridico-politique du Plan de paix qui donnait une analyse pessimiste des difficultés d’application. Il distinguait trois plans, le premier reposant sur la force avec l’accord de Madrid en 1975 et le partage du Sahara, un autre basé sur le droit avec la résolution AHG 104 et le dernier plan qu’il appelait celui des concessions mises en œuvre par les deux Secrétaires généraux impatients de se débarrasser du problème. En octobre 1993, à l’initiative de la Fondation France Libertés et de l’Association des Amis de la RASD, une autre conférence se tint au Sénat, Présent et Avenir des Femmes sahraouies, qui permit de mieux apprécier la place des femmes dans la société et dans la mobilisation politique. La présence des épouses des Présidents français et sahraouis, Madame Danielle Mitterrand et Madame Khadija Hamdi aux côtés de la Présidente verte du Conseil Régional Nord-Pas-de-Calais, Madame Marie-Christine Blandin, confirma un plus grand intérêt politique en période de cohabitation pour cette année 93. (Sahara Info n° 90 janvier 1994). Celui-ci se retrouva dans l’importante déclaration de Madame Catherine Colonna, porte-parole adjointe du Ministère des Affaires étrangères dirigé par Alain Juppé, qui proposa aux deux parties, le 8 décembre 1993, d’abriter en France des négociations directes. Position officielle déjà annoncée au Sénat en réponse à une question écrite du sénateur Loridant déposée en juillet. Intérêt sans doute stimulé par les nombreuses initiatives des années précédentes et la forte présence du Représentant du Front Polisario en France, Baba Sayed.

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Ce premier pas franchi par l’État français n’eut pas de suite effective (pas de négociations directes en France) mais permit de débloquer quelques verrous protocolaires, par exemple le Représentant fut reçu au quai d’Orsay et non plus dans le café voisin et de poursuivre l’engagement humanitaire via le Ministère des Affaires étrangères ou celui de la Coopération. Cependant le Polisario s’efforçait de davantage convaincre les Américains de son bon droit et plutôt que dans la France de Chirac, trop proche d’Hassan II, il choisit d’être davantage présent aux États-Unis. Ainsi Mohamed Abdelaziz entreprit une tournée très politique à Washington et participa à un colloque à la Chambre des Représentants en février 1994. Il retourna en Italie en mai pour présider une nouvelle conférence parlementaire au Parlement romain.

L’ARRIVÉE DE JAMES BAKER Les initiatives politiques, moins nombreuses en France dans les deux années qui suivirent, reprirent un fort dynamisme avec la nomination, début 97, au Secrétariat des Nations unies, d’un diplomate africain, Monsieur Kofi Annan, qui très vite avec l’accord du Président américain Clinton, désigna l’ancien Secrétaire d’état américain, proche de la famille Bush, Monsieur James Baker, comme son représentant personnel au Sahara occidental. Cette nomination redonna confiance aux Sahraouis et à leurs amis et remit en marche la mécanique politique de soutien, telle qu’elle avait été développée au moment de l’adoption du plan de règlement. Une personnalité d’une telle envergure qui avait l’appui des puissances, membres permanents du Conseil de sécurité, devait enfin disposer des moyens politiques et faire aboutir ses résolutions. James Baker ne pouvait échouer ! La solidarité reprit des couleurs et retrouva les solutions envisagées en 89-90. Suite aux négociations directes entre Maroc et Polisario, débouchant sur les Accords d’Houston et la signature d’un code de conduite, le référendum semblait redevenu possible, ainsi que l’observation du processus et du vote. Le numéro 100 du Sahara Info rendit compte de tous ces efforts et projets, François Lançon, mi-

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litant de la première heure de l’Association des Amis de la RASD et de l’AFASPA, déclarait à la conférence d’Hérouville-Saint-Clair de novembre 1997 : « Le travail magnifique de Baker peut donc devenir une réalité si tous ensemble nous exerçons notre vigilance ». Les Sahraouis eux-mêmes étaient à nouveau certains de la capacité du nouveau Secrétaire général à imposer le référendum. Ainsi, ce fut le Président Abdelaziz qui prit la décision de suspendre, en 1998, le départ des milliers d’enfants vers l’Europe pour cause de référendum. Deux rendez-vous furent organisés pour accompagner les efforts de James Baker. En octobre 1997, une conférence internationale de soutien au Plan de paix se tint dans les campements sahraouis en présence de Ramos Horta, le dirigeant timorais qui venait de recevoir le prix Nobel, et de Franck Ruddy, ancien responsable américain à la MINURSO en rupture de ban avec l’ONU, tant les conditions sur place d’exercice de sa mission lui étaient apparues injustes et trop déséquilibrées au bénéfice du Maroc. En novembre le rendez-vous traditionnel européen eut lieu en France à Hérouville-Saint Clair, avec une conférence donnée au Mémorial de Caen, dont les actes furent publiés par l’Association des Amis de la RASD. Le maire socialiste d’Hérouville-Saint-Clair, François Geindre apporta un soin particulier à la réussite de ce rendez-vous, la perspective d’une solution après les trois premiers rounds des négociations directes, la victoire de la gauche aux législatives et l’arrivée de Lionel Jospin comme premier Ministre conféraient à cette conférence une dimension inespérée au moment de sa préparation. Toutefois dans une interview donnée à Sahara Info (n° 100 septembre 1997), François Geindre était prudent, la Conférence ne pouvait exprimer la position de la France, tout en espérant que les voix qui s’y feraient entendre porteraient loin le contenu et le sens des débats. À son relatif étonnement, François Geindre ne trouva pas au quai d’Orsay d’interlocuteur très enthousiaste à soutenir l’initiative de sa ville. La table ronde au mémorial de Caen bénéficia du prestige du lieu et réunit autour de Martine de Froberville plusieurs orateurs de qualité, comme Raoul Weexsteen, Pierre Dabezies, l’ancien Préfet Yves Bonnet, Mireille Elmalan, députée européenne et Présidente de la Commission Maghreb au Parlement. Ce fut Bachir Mus-

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tapha Sayed, alors Ministre des Affaires étrangères de la RASD qui conclut la table ronde « 22 ans de résistance à l’occupation : l’urgence d’une solution juste et durable » sans manifester un optimisme excessif. Dans la salle de conférence du mémorial se trouvait Madame Danielle Mitterrand venue en amie à l’invitation du comité relais de la Fondation France Libertés, présidé dans le Calvados par Mireille Brun, qui à ce titre coordonnait les accueils d’enfants et avait préparé la conférence avec le service des relations internationales de la mairie. La résolution finale reprenant partie de l’expérience des années quatre-vingt-dix, décida la mise en place d’un observatoire international chargé de la surveillance du bon déroulement des opérations référendaires. Le dernier jour, les présents se retrouvèrent de l’autre côté de la Seine, à Gonfreville l’Orcher pour une réunion des villes d’Europe amies et jumelées avec les localités sahraouies. Jean-Paul Lecoq, le nouveau maire de la ville, souhaitait cette réunion entre les institutions communales comme école de civisme et moyen de coordination des actions, afin que les jumelages prennent davantage de place dans le soutien politique aux Sahraouis. Les présents se mirent vite en marche en prenant l’initiative d’un texte à faire signer et à adresser à l’ONU: « Charte de solidarité et de vigilance ». Jean-Paul Lecoq revenait de New York, où il était intervenu auprès de la quatrième commission de décolonisation de l’Assemblée générale des Nations unies. Cette présence, chaque année, aux travaux de la quatrième commission, du Polisario ou de ses soutiens est une des formes régulière du lobbying auprès de l’Assemblée générale. Les élus français renouèrent avec cette tradition en déléguant le maire de Gonfreville parlant au nom de 13 autres élus(1) aux Nations unies. Démarche importante, qui fut prise très au sérieux par les autorités marocaines. Elles engagèrent une campagne calomnieuse relayée par l’Ambassade de France à Rabat, selon laquelle les signatures des élus auraient été usurpées. Plusieurs d’enGilles Aicardi, maire de Cuges les Pins, Joël Batteux, maire de Saint-Nazaire, Claude Billard, député du val de Marne, Pierre Cohen, député maire de Ramonville Saint-Agne, Jean-Claude Delalonde, maire de Loon Plage, Mireille Elmalan, Présidente de la délégation interparlementaire du Parlement européen pour les relations avec les pays du Maghreb, François Geindre, maire d’Hérouville Saint Clair, Robert Jarry, maire du Mans, Jean Le Garrec, député du Nord, Gérard Mauduit, Conseiller général, Monsieur Ouvrard, maire d’Argenteuil, Aline Pailler, députée européen, Daniel Paul, député de Seine Maritime. (1)

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tre eux reçurent comme une sorte de rappel à l’ordre d’un correspondant du quai d’Orsay et Jean-Paul Lecoq affronta sans faiblir la vindicte des officiels marocains présents à l’ONU, à la suite de son intervention. (Sahara Info texte de l’intervention n° 100 septembre 1997). Pour sa part, en 1998, le Président Abdelaziz reprit ses voyages pour informer, convaincre et mobiliser la Communauté internationale du bon droit de son peuple et de la chance de paix qui se présentait avec les accords d’Houston pilotés par James Baker. En France il fut reçu au Parlement de Strasbourg, à Paris et à Gonfreville-l’Orcher où le maire Jean-Paul Lecoq organisa une chaleureuse et très politique réception. (Sahara Info n° 102 avril 1998). Une expérience de près de dix ans, des contacts suivis avec une poignée d’élus et les associations des droits de l’homme, permit de réagir vite et de manière large aux perspectives que l’engagement de James Baker et les accords d’Houston ouvraient. James Baker avec son autorité d’ancien Secrétaire d’État mais surtout avec les encouragements des ÉtatsUnis, mit donc les deux parties autour de la table et leur fit signer un nouveau protocole précis d’application du Plan et un code de conduite. Dans le code de conduite, le paragraphe 10 était bien utile : « Les deux parties font en sorte que les observateurs indépendants dûment accrédités par le Représentant spécial aient librement accès à toutes les activités publiques menées au cours de la campagne référendaire et du référendum » À la suite de la décision prise à la conférence d’Hérouville, de la création d’un observatoire international, fut créée la section française de cet observatoire, « La SFO ». C’est à l’Assemblée nationale que la SFO fut mise en route le 8 juillet 1998, autour du Président du groupe d’étude sur le Sahara occidental (créée en mars 1998) le député communiste de Seine-Maritime, Daniel Paul. Un communiqué de presse rendit compte de cette réunion constitutive : « La section française de l’observatoire international entend être une instance d’observation neutre et indépendante. Elle se donne pour objectif la mise en place d’observateurs français dans le cadre défini par Les Nations unies. Les membres de ce groupe sont prêts à se rendre au Sahara occidental dès que l’ap-

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plication du Plan de règlement le rendra nécessaire. La section française se donne comme tâche préalable de constituer un comité d’honneur chargé de la représenter auprès des instances internationales et nationales ». Quels étaient les présents à cette première réunion ? Les associations des droits de l’homme déjà engagées dans le collectif de vigilance, créé en 1991 par la Fondation France Libertés et qui, à défaut d’application du référendum, se trouvait peu à peu démuni pour intervenir. Fondation France Libertés, Ligue des droits de l’homme, AVRE. La revue Mamba et le journaliste Jean Lamore, qui prendra très vite une grande place. Les associations de soutien nationales et locales, Association des Amis de la RASD, AFASPA, ACCA, APAPS. Deux ONG depuis longtemps attentives à la question, le Secours Populaire et le CCFD. Plusieurs villes et associations de jeunesse engagées via les accueils d’enfants et appartenant au réseau « des villes amies et jumelées » ainsi VVL, les Francas, Le Mans, Gonfreville l’Orcher, Hérouville-Saint-Clair, Rezé, Vitry/Seine. Plusieurs députés étaient également présents comme Jacques Floch et Philippe Duron. Trois associations sahraouies représentant la question des prisonniers et des familles de disparus (AFAPREDESA) et l’immigration en France, les travailleurs sahraouis et les jeunes. La SFO fut très active pendant trois ans, de 1998 à 2001, correspondant à la période où le travail de la MINURSO et de James Baker pouvaient laisser espérer la tenue du référendum et la nécessaire présence d’observateurs indépendants. Créée à l’Assemblée à l’initiative des « militants traditionnels » citoyens comme institutionnels, la SFO s’élargit rapidement à d’autres, plus à distance du militantisme pro-sahraoui mais attentifs à l’exigence démocratique que représentait un tel référendum et son bon déroulement. Suivant le point de vue d’une de ses membres active, Sophie Caratini, anthropologue, le Comité de pilotage organe exécutif de la SFO, avait, en janvier 2000 un réel intérêt. « Le comité de pilotage de la SFO se transforme au fil du temps en véritable groupe de réflexion pluridisciplinaire. Il réunit mensuellement une quinzaine de personnes aux statuts les plus divers, élus, membres des collectivités locales, chercheurs, enseignants, militants d’associations, simples particuliers. La qualité des échanges, permise tant par les aptitudes des personnes que par la connivence que leur présence régulière a crée au cours des mois,

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a modifié quelque peu le sens et le déroulement des séances qui se présentent désormais comme l’occasion d’une investigation collective réelle, ce qui permet à chacun d’aller au-delà de l’acte militant et d’y confronter ses idées et ses expériences. » lettre de la SFO n° 2 janvier 2000 diffusée par courrier ou e-mail, elle publiera en tout trois numéros de sa lettre. La section française de l’observatoire international se positionna dès sa constitution en juillet puis en septembre 1998 comme une instance neutre respectant les critères du code de conduite d’Houston et se situant sur le seul appui à la tenue d’un référendum d’autodétermination, sans manifester de soutien particulier à l’une ou l’autre des parties. Cette exigence de neutralité, souhaitée par certains et acceptée par d’autres, eut des effets dans un premier temps très positifs. Elle permit d’abord de recueillir l’engagement de personnalités peu disposées à donner leur signature au bas de documents strictement pro-Polisario. Elle conféra aussi une crédibilité auprès des autorités françaises, sous cette forme de troisième voie, recherchée dans ce type de situation. Ainsi la SFO et son comité de pilotage multiplièrent les initiatives avec succès les deux premières années. Publication dans Le Monde du 7 janvier 1999, d’un appel « Le référendum au Sahara occidental doit avoir lieu » signé par des noms prestigieux organisés en comité d’honneur et pour lequel tous les membres actifs de la SFO mobilisèrent leurs contacts. Ainsi Jeanine Boëldieu helléniste distinguée sut convaincre Jean-Pierre Vernant. Les autres personnalités composant le comité(1), permirent de recueillir très vite des centaines de signatures. La création d’un site internet très graphique, www.sahara-occidental.com choisi par les moteurs de recherche Google et Yahoo reprit l’appel et amplifia l’effet signatures. Autre succès, la réception du Comité d’honneur, en février 1999, où se retrouvèrent aux côtés de Danielle Mitterrand, Pierre Richard, Anouk Grinberg et Théodore Monod, dans la belle salle de l’Association de jeunesse et d’éducation Jean Chesnaux, professeur émérite à l’Université Paris VII, Anouck Grinberg comédienne, Stéphane Hessel, ambassadeur de France, Henri Leclerc, Président de la ligue des droits de l’homme, Jean Malaurie, Directeur d’études à l’EHSS, Alexandre Minkowski, Professeur émérite à l’université René Descartes, Danielle Mitterrand, Théodore Monod, Pierre Richard, comédien Jean-Pierre Vernant, Professeur au collège de France.

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populaire Francas, puissance invitante puisque son Président, Georges Friedrich, présidait également la SFO. Cette situation assez habituelle à Paris quand le Polisario était à la mode était devenue exceptionnelle et ne pouvait que réjouir ses initiateurs y voyant là les meilleures indications pour le progrès de l’application du droit et de la démocratie. Le comité de pilotage fort de cette crédibilité s’adressa partout, aux instances internationales, sous forme de courriers, d’une délégation de quatre personnes à l’ONU, aux responsables nationaux, courriers et audiences au Quai d’Orsay, auprès des partis, aux responsables marocains et aux associations marocaines, et une audience avec l’Ambassadeur du Maroc. Elle sollicita, sous forme de demande de subvention pour « des bourses observateurs », avec un épais dossier financier, les villes françaises de plus de 30 000 habitants et les départements. Roger Ségol directeur de VVL et vice-Président de la SFO y apporta tout son savoir-faire et ses contacts avec les collectivités territoriales. La mission aux Nations unies composée de deux élus, Jean-Claude Boulard, député de la Sarthe, Jean Deshayes, maire-adjoint d’Hérouville Saint Clair, de Sophie Caratini, anthropologue et d’Afifa Karmous, juriste de la Fondation France Libertés fut également prise au sérieux et reçue par le Secrétaire général-adjoint chargée des missions de paix, Monsieur Bernard Miyet et par plusieurs missions en poste aux Nations unies. Elle fit à son retour le 12 avril 2000, une conférence de presse à l’Assemblée nationale, qui à cause du manque d’actualité ne recueillit pas un franc succès. À l’occasion d’un déplacement d’un membre de la SFO dans les campements, des contacts furent pris avec la MINURSO, qui s’intéressa très sérieusement à la possibilité d’intégrer dans son dispositif des observateurs indépendants, allant même jusqu’à envisager de les faire bénéficier de sa logistique. En juillet 2000, une réunion élargie permit des échanges avec deux bons connaisseurs du dossier, Ahmed Baba Miské, ancien membre du Polisario et intellectuel mauritanien, et l’ancien Ambassadeur de France en Mauritanie, Monsieur Lafrance. L’heure était à la déception et aux questions. Aussi, pour encore se donner les moyens de convaincre, fut décidée la rédaction d’un mémorandum à soumettre aux intéressés pour donner aux responsables politiques et tout

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particulièrement au gouvernement français et à son Ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, de nouvelles pistes de paix à explorer, avantageuses autant pour le Maroc que pour le Polisario. C’est Annick Miské Talbot qui rédigea avec conviction ce texte. C’était sans doute surestimer notre « influence » ou sous-estimer l’entêtement marocain et la prudence française. « La SFO n’ignore ni le rôle essentiel joué par la France dans cette région, ni son implication dans la gestion du règlement de la question du Sahara occidental. C’est à ce titre que la SFO tient à souligner d’une part la responsabilité des autorités françaises face aux désordres qui découleraient d’un non respect du plan de paix et d’autre part les potentialités d’un regard plus juste et plus positif pour rechercher une sortie de crise profitable à toute la région […] Chacun reconnaît que depuis des années, c’est le non règlement de cette question qui empêche l’édification du Maghreb arabe. Pourquoi ne pas négocier l’autodétermination des Sahraouis tout en négociant la place de chacun au sein de l’organisation en construction ? Comment envisager le prix de la paix ? Les populations marocaines auraient tout à gagner à retrouver une économie de paix, Mohamed VI en tirerait un avantage politique certain… Une aide économique de l’Union européenne serait une condition de paix… La Communauté internationale devrait apporter une aide et une assistance technique pour assurer la reconversion des militaires marocains »(1). En dépit de l’achèvement de l’identification des votants, le Secrétaire général allait se soumettre aux exigences du Maroc(2). Celui-ci en imposant des milliers de recours d’électeurs non encore identifiés et prétendus sahraouis créait les meilleures conditions au recul des Nations unies, n’osant pas s’opposer aux manœuvres marocaines. Le référendum était reporté à une date non précisée(3). Une délégation (1)

Texte publié sur le site internet en juillet 2000.

Le nouveau sultan du Maroc ne voulait plus d’un référendum à haut risque. Les listes que venaient de publier la MINURSO ne lui étaient pas favorables et les émeutes de septembre 1999 à El Aïoun étaient pour une toute première fois l’expression massive du refus de la présence marocaine. (2)

(3)

Rapport du Secrétaire général juin 2001.

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de la SFO fut reçue au Quai d’Orsay, sans doute pour recueillir en direct des réactions aux nouvelles propositions du Secrétaire général et à la position française toujours prompte à œuvrer en faveur de la stabilité du Maroc. L’objet de la SFO, l’observation et le recrutement d’observateurs destinés à se rendre sur le terrain pour vérifier le bon déroulement du scrutin, s’éloignait de fait. En même temps l’exigence de neutralité devenait plus difficile à défendre dans la mesure où chacun se rendait bien compte que c’était plutôt le Maroc qui bloquait et ce, en dépit des espoirs que l’arrivée de Mohamed VI avait pu susciter l’année précédente. La qualité des travaux du comité de pilotage en pâtit, la recherche de nouveaux objectifs réduits à une information sur l’autodétermination ne pouvait suffire à assurer la spécificité de la SFO, qui se confondait alors avec les autres associations clairement engagées en France comme en Europe dans le soutien au Polisario. Le Comité d’honneur avec ses prestigieuses signatures ne répondit pas une seconde fois aux nouvelles sollicitations à soutenir le plan. Les Sahraouis étaient décidément bien encombrants, en voulant une indépendance qui n’intéressait pas grand monde et ne trouvait pas assez de soutien politique ! Chacun revint à ses positions initiales. Madame Mitterrand poursuivit son soutien avec le Collectif de vigilance. Pierre Richard entreprit avec Jean Lamore et l’association Enfants Réfugiés du Monde, d’aller dans les campements en juillet 2000. Il en revint en fervent et fidèle soutien aux Sahraouis et au Polisario et depuis ne manque jamais un rendez-vous quand ses tournages le lui permettent. Théodore Monod faisait partie aussi du Comité d’honneur. Depuis le début du conflit, il soutenait les Sahraouis connaissant bien les tribus bédouines de Mauritanie si voisines de celles du Sahara espagnol et était adhérent de l’Association des Amis de la RASD depuis 1976. Son soutien ne se démentit pas, il était allé pour sa part dans les campements et dans les zones contrôlées par le Polisario en 1995 à la recherche de la flore du désert occidental et pour enfin réaliser un vœu de vieux saharien, parcourir le Sahara occidental que les frontières coloniales lui avaient jusque -là interdit. (Sahara Info n° 94 octobre-décembre 1995). Le dernier point positif de la courte existence de la SFO fut l’installation du site internet < www.sahara-occidental.com > de grande qualité, novateur pour l’année 1999, qui existe

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toujours et qui, en appui aux sites qui suivent pas à pas l’actualité, est un moyen de découverte de l’histoire, de la culture et du contexte politique de la région. Une mobilisation équivalente avec des formes diverses adaptées au contexte de chaque pays se mit en place avec une volonté, pas toujours facile à faire exister, de coordination. Des plans ambitieux de recrutement d’observateurs, de définition de leurs missions, mobilisant les expériences antérieures et les juristes, furent élaborés, discutés longuement aux coordinations européennes. C’est en Espagne que le recrutement et la préparation de centaines d’observateurs fut le plus développé et fournit au mouvement de solidarité espagnole une envergure qui ne s’est plus démentie et qui s’exerça dans d’autres domaines, comme l’accueil massif d’enfants sahraouis chaque été.

L’AUTONOMIE À LA PLACE DE L’AUTODÉTERMINATION ? Depuis 2002 et surtout 2004, année de l’abandon du référendum par le Maroc, le Front Polisario et ses « amis » ont défendu partout la nécessité d’une solution politique respectueuse du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, montrant combien l’autonomie proposée par le Maroc était un leurre. La voix des Sahraouis résidant au Sahara occidental occupé se faisant davantage entendre, dans les réunions et interventions. En France par exemple, les associations solidaires, l’AARASD, l’AFASPA, le CORELSO, l’AFAPREDESA, Droit et Solidarité et les associations de travailleurs et des jeunes Sahraouis de l’immigration ont engagé chaque année plusieurs initiatives en coordination avec le Front Polisario, pour informer, mobiliser pour le respect du droit des peuples et des droits de l’homme au Sahara occidental. Conférence européenne en 2003 en région parisienne, rassemblements au Trocadéro et à la Fontaine des Innocents, conférence-anniversaire du 27 février au Lucernaire en 2005, adresses et dossiers transmis aux principaux candidats à l’élec-

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tion présidentielle en 2007 et aux députés élus, là où existe des actions solidaires avec le Polisario, colloque de Paris X Nanterre, le 24 novembre 2007, « Sahara occidental, une colonie en mutation », dont les actes ont été publiés dans « Les cahiers de l’Ouest Saharien ». L’année précédente, de mai à octobre 2006 la militante sahraouie Aminatou Haïdar, à l’occasion d’une importante mission en Europe, avait réveillé de nombreuses consciences. L’ovation des parlementaires de l’Assemblée de Bruxelles, en son honneur et en l’honneur de son long combat, fut très émouvante. En France, invitée par Amnesty, sa présence en octobre lui permit de rencontrer, élus, journalistes et militants du réseau associatif pour des échanges qui levaient le voile sur la situation au Sahara occidental. Jean-Pierre Tuquoi signait son portrait dans les pages du Monde quotidien, le jour même de la visite officielle du premier Ministre marocain Driss Jettou, en France le 15 décembre 2006. Coïncidence ? Engagement du grand quotidien du soir ? (Sahara Info n° 137 octobre décembre 2006). À nouveau en décembre 2008, quatre militantes venues des quatre coins du Sahara, rassemblant pour la première fois toute la République sahraouie, ont rencontré journalistes, élus et de nombreux responsables associatifs pour toujours répéter ce que le monde a du mal à comprendre, tous les Sahraouis d’où qu’ils viennent veulent l’indépendance ! Sahara Info n° 146 janvier mars 2009(1). Délégation longuement reçue au Ministère des Affaires étrangères par le sous-directeur Afrique du Nord et par le directeur de cabinet de Rama Yade, alors chargée des droits de l’homme. La présence du député-maire Jean-Paul Lecoq témoignait en cette fin 2008 de son attachement à la question et du poids qu’il y avait pris. En 2007 et 2008, quatre rencontres directes ont été organisées à Manhasset, près de New York, à l’initiative du Secrétaire général des Nations unies. RenComposition de la délégation Ghalia Djimi et Khadija Moutik, syndicalistes et militantes des droits de l’homme à El Aïoun, Najat Knibila, ancienne disparue et Fatma Medhi, Secrétaire générale de l’UNFS. (1)

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contres proches du dialogue de sourds, le Maroc défendant sans autre alternative possible l’autonomie, le Polisario faisant une concession de taille en réintroduisant dans le vote référendaire un troisième choix, celui de l’autonomie aux côtés de l’indépendance ou de l’intégration. Ces rencontres vont être relancées à la fin de l’année 2009, à l’initiative du nouvel envoyé personnel, Christopher Ross, diplomate américain comme James Baker. La proposition de l’autonomie recueille des soutiens mais ne réussit pas à passer le seuil de l’Assemblée générale et du consensus du Conseil de sécurité, en raison de certains de ses membres toujours attachés à défendre le droit à l’autodétermination des Sahraouis, avec notamment l’Algérie et les nombreux pays qui reconnaissent la RASD. Cependant la position américaine, depuis l’élection de Barak Obama, semble plus nuancée, associant la question du Sahara occidental à celle de la démocratie au Maroc. Espagne et France semblent également avoir adopté des positions plus équilibrées à la veille de la reprise des négociations. Combien d’années d’exil faudra-t-il encore aux Sahraouis pour imposer leur droit ? Devront-ils reprendre la lutte armée ?

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TROISIÈME PARTIE

UNE SOLIDARITÉ VIVANTE

LA SOLIDARITÉ SE DIVERSIFIE, S’ORGANISE.

ENCORE LES ENFANTS SAHRAOUIS ! Ce nouveau chapitre ouvre une histoire de presque vingt ans qui commence avec la mobilisation politique pour l’application toujours repoussée du Plan de paix. Cet objectif ne pouvait suffire pour faire exister, dans la durée du problème sahraoui, une solidarité vivante, capable de se renouveler. L’exemple de la progressive inexistence de la SFO en témoigna. Partant de dynamiques associatives, nationales et locales, la mobilisation s’est effectivement diversifiée. Dans la grande majorité des situations c’est un point d’appui humanitaire et culturel qui justifie et nourrit les énergies et fait déboucher sur un objectif politique. Des objectifs nationaux fédérateurs, comme l’accueil chaque été des enfants, les interventions auprès des élus et des associations nationales, les liens avec les autres comités européens coexistent avec des projets et des formes d’organisation spécifiques, liés aux histoires locales, aux ressources humaines disponibles et au moment où chacun de ces comités locaux s’est constitué. Chacun de ces comités ou associations locales, développe donc une histoire singulière qui ne ressemble plus exactement au modèle que souhaitait développer en son début l’Association des Amis de la RASD, avec son réseau de comités locaux strictement cadrés. La solidarité se conjugue ainsi depuis vingt ans au rythme d’initiatives dispersées, qui témoignent de sa vitalité. En même temps, l’Association des Amis de la RASD, avec son réseau national et son journal s’emploie à maintenir l’exigence de la coordination des initiatives sans positionnement partisan, l’unité étant garantie par ce qui rassemble, le soutien à l’autodétermination et à l’indépendance des Sahraouis. Pour être au plus près de ce qui existe aujourd’hui en France, il faut décrire toutes ces histoires, en donnant à chacun la part qui lui revient, et examiner dans leur richesse les processus en action. L’accueil des enfants sahraouis y tient une place centrale, amplifiée depuis une dizaine d’années par d’autres projets humanitaires et culturels en France et dans les campements. Le contact de plus en plus étroit avec les militants du Sahara occidental, ouvre des perspectives différentes, liées à la défense des droits de l’homme.

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De 1982 à 1986, l’accueil des enfants sahraouis se réduisit à quelques initiatives isolées, au Mans dans le cadre du contrat de jumelage Le Mans-Haouza, avec des villes du Val de Marne et de Seine Saint-Denis (VVL et plusieurs villes du Val de Marne, Bobigny en Seine Saint-Denis), initiatives pilotées par l’AFASPA. L’ambition de remettre au centre des activités l’accueil des enfants sahraouis chaque été, ne put se réaliser qu’avec la remise en état de marche de l’AARASD après deux années de difficultés, et une volonté partagée de coordination avec l’AFASPA. Aussi, en 1987, 140 enfants furent à nouveau accueillis en France, pour certains en juillet et pour d’autres en août, grâce à la mobilisation des anciens réseaux et l’appui des élus socialistes et communistes dans leurs villes respectives. Les villes concernées furent les suivantes, Argenteuil, Bobigny, Coudekerque-Branche, Faches-Thumesnil, Gravelines, Le Mans, Malakoff, Saint Herblain et le Comité Central de la BNP. Une souscription sous forme d’achat d’un billet d’avion fictif compléta l’engagement financier des villes d’accueil. En 1988, l’effectif atteignit 240 enfants reçus comme l’année précédente chacun un mois, et fit à nouveau l’objet de longs comptes rendus dans le journal de l’association. La géographie de l’accueil de ce qu’on appelait pour la première fois « Le Tour de France des enfants sahraouis » dessinait un réseau de villes dont on retrouve trace pour certaines en 2009(1). Pour donner plus de cohérence et de visibilité à ces accueils et se doter d’un outil susceptible d’intervention de nature politique dans le contexte de la mise en marche du Plan de paix, l’idée d’une plate-forme fédérant ces initiatives locales humanitaires mûrit peu à peu. En s’appuyant sur les villes les plus engagées qui venaient de signer des chartes de jumelage (Loon Plage et Albi en 1989, puis Cuges Les Pins en 1991) et sur les associations de jeunesse (Francas, Eclaireurs et plus tard Du Nord au Sud, Coudekerque-Branche, Gravelines, Faches-Thumesnil, Villeneuve d’Asq, Trith Saint Léger, Le Havre, Etretat (VVL), Le Mans, Rezé, Saint Herblain; Saint-Nazaire, Saint Hilaire (VVL), Lapeyre (VVL), Angoulème, Exideuil (VVL), Albi, Vitrolles, Aubagne, Berre, Héry (VVL), Vierzon, Les Ulis, Bobigny, Argenteuil et le CCE de la BNP. Plusieurs villes du Val de Marne parrainaient les nombreux séjours organisés par VVL: Vitry, Villejuif, Champigny, Gentilly, Fontenay et Orly (1)

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scoutisme catholique féminin), se constitua en avril 1993 la plate-forme solidarité avec le peuple sahraoui. Extraits du communiqué de presse qui suivit la création de la plate-forme « À l’appel de l’Association des Amis de la RASD, au siège national de la JPA (Jeunesse au plein air) a été décidée la création de la plate-forme solidarité avec le peuple sahraoui dont les principaux objectifs sont les suivants: • coordination des actions d’aide et de coopération avec le peuple sahraoui dont l’accueil des jeunes qui viennent chaque été en France • promotion des échanges entre associations et communes de France et des campements • attention au bon déroulement du processus de paix défini par la résolution 690 ». La plate-forme solidarité avec le peuple sahraoui a joué pendant ces dix-sept dernières années, un rôle de coordination des initiatives, dont elle a favorisé dans de nombreux cas l’émergence et la pérennité. Décidée à son origine pour réagir à tout ce qui concernait l’actualité du problème sahraoui en articulant engagements humanitaires et politiques, la coordination de l’accueil des enfants est devenu son principal objet. L’Association des Amis de la RASD qui en fut à l’origine en assure le fonctionnement et la présidence. Depuis 1980, année du premier accueil d’enfants sahraouis jusqu’à 2009, les effectifs accueillis sont stables, entre 90 et 120 enfants chaque été. Cette stabilité des effectifs accueillis, alors que tout près l’Espagne accueille dans des conditions assez voisines, 9 000 enfants, peut interroger sur le dynamisme des solidarités françaises. Mais une telle permanence alors que le « problème sahraoui » ne fait pas sens comme en Espagne, l’ancienne métropole qui a « raté » sa décolonisation, n’est-elle pas au contraire le signe d’une dynamique associative capable de mobiliser moyens et énergies pour accueillir, chaque année, un groupe d’enfants. Cependant, si les lieux d’accueils ne sont pas figés, la majeure partie des accueils sont assurés par un réseau très fidèle, noyaux principaux des solidarités locales. Plusieurs réunions permettent chaque année de coordonner les projets locaux et favorisent les échanges et la pérennité du réseau.

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Les enfants, âgés de 8 à 12 ans, sont accueillis par groupes de dix, sauf au Mans qui depuis 1980 prend en charge une vingtaine d’enfants. La plate-forme se charge des questions communes : établissement des groupes et recrutement des animateurs en concertation avec les autorités sahraouies, établissement des visas auprès des autorités consulaires françaises et achat des billets d’avion auprès de la compagnie Air Algérie. Chaque groupe voyage avec un passeport collectif établi par les autorités algériennes. Ces accueils, projets locaux financés localement, ont bénéficié de l’appui du service culturel de l’Ambassade de France en Algérie, visas gratuits, subventions de 2000 à 2008. Cet appui public français a permis d’aider les groupes manquant de moyens financiers et a favorisé le développement de plusieurs projets culturels associés aux accueils tout en assurant une partie du coût de la coordination. La compagnie Air Algérie est attentive depuis 2008 à accorder un tarif mieux adapté aux conditions particulières de ces voyages solidaires. Des réussites, des difficultés ont jalonné ces presque trente années. Concernant le plus proche, le recrutement des animateurs sahraouis pour la plupart francophones est de plus en plus pertinent. S’installent ainsi avec quelques uns d’entre eux des fidélités porteuses de projets entre les campements et notre pays. Ainsi l’ASPECF, association sahraouie pour les échanges culturels avec la France, ainsi la classe de français du campement du 27 février. L’année 2009 sera celle sans doute d’une formulation renouvelée de la plate-forme, signe de la vitalité des comités nés avec l’accueil des enfants et des solidarités humanitaires ainsi que du nécessaire suivi des questions des droits de l’homme au Sahara occidental qui prennent depuis 1999 de plus en plus d’importance. Avant de présenter dans leur détail les différentes associations ou comités existant localement, peut-on en repérer des logiques géographiques de localisation ? Difficile, car dès leur constitution en 1976, l’Association des Amis de la RASD ou plus tard l’AFASPA, ayant chacune une dimension ou au moins une volonté d’être des associations à portée nationale, n’ont pas disposé des moyens d’exister dans chaque région ou chaque département. Dans les années soixante-dix, pendant lesquelles l’AARASD revendiquait de nombreux comités ou correspondants locaux, cet ob-

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jectif n’était pas non plus atteint. De même, les adhérents n’ont jamais couvert de manière homogène l’ensemble du territoire. Aujourd’hui de nombreux départements ne possèdent aucun adhérent ou, au mieux, un nombre très faible. Le soutien s’est d’abord concentré dans la région parisienne, dans quelques grandes villes avec peu à peu des variantes suivant les dynamiques locales. Une première géographie des solidarités fut dessinée en 1980 et 1982 avec les premiers accueils d’enfants(1), mais elle subit des variations dépendant des résultats électoraux et de la pérennité des engagements militants. Une autre géographie de nature politique est-elle possible ? L’engagement en faveur du Front Polisario a d’abord été ancré à gauche. Cette couleur sans être affichée reste très dominante : toutes les villes de région parisienne ou de province qui accueillent les enfants ou qui ont signé des contrats de jumelages ont des majorités municipales de gauche. En même temps la volonté du Polisario de retenir l’intérêt de toutes les sensibilités politiques ne limite plus les solidarités à la seule gauche, en Europe. C’est le cas en Espagne où tous les partis sont engagés dans un soutien au Polisario, avec cependant les limites d’une expression locale, (villes, autonomies, provinces) et une prudente réserve au niveau de l’État.

Liste des villes contributrices en 1982 : Grenoble, Rennes, Reims, Rezé et Saint-Denis accueillent comme en 1980 un groupe de dix enfants, elles sont aidées par la contribution d’autres villes et organismes qui prennent en charge des bourses/enfants : Albi, Amiens, Argenteuil, Bron et le SPF, Bourg-en-Bresse, Bourges, Brest, Chambéry, Chateaudun, Couéron, Denain, Douarnenez, Epernay, Grand Vire, La Ciotat, La Courneuve, Lanester, Lorient, Massy, Montbéliard, Montluçon, Montpellier, Nevers, Poissy, Riom, Saint-Brieuc, Saint-Egrève, Saint-Etienne, Saint-Herblain, Saint-Malo, Taverny, Vaulx-en-Velin, Vigneuxsur-Seine, Villepinte, CGT, UD CGT Val de Marne, SPF, UD CFDT Bouches du Rhône et PS Bouches du Rhône, Conseil régional PACA. (1)

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LA PLACE DES VILLES DANS LES SOLIDARITÉS LE MANS C’est la ville du Mans qui inaugura ce type d’engagement, la première à proposer au Front Polisario la signature d’un vrai contrat de jumelage avec une localité sahraouie. Ce premier jumelage, signé le 4 janvier 1982, provoqua un sérieux émoi au Maroc et au sein de l’Association des Cités unies de laquelle Le Mans démissionna. Le Ministère des Affaires étrangères et celui de l’Intérieur furent de leur côté très embarrassés. Le Mans maintint son engagement, mais les autorités françaises s’employèrent à ce qu’aucun autre jumelage ne soit signé. Le Maroc ayant menacé la France de « représailles » sous forme de jumelages de villes françaises avec des villes du Sahara occidental sous son contrôle. L’association des Amis de la RASD essaya malgré tout de pérenniser cette démarche très politique en suscitant d’autres jumelages. La signature d’un nouveau contrat se fit à Brest qui se jumela avec la localité de Bir Enzarane, avec l’appui particulier de l’UDB ; jumelage brillant mais sans appui local suffisant, il perdit vite de son effectivité et l’équipe municipale suivante s’empressa de l’oublier. La situation en resta là jusqu’en 1989. Par contre l’idée fut largement reprise en Europe, Espagne et Italie surtout, qui comptent des centaines de jumelages avec des campements sahraouis, alors que le nombre maximum de jumelages ne dépassa pas cinq en France. Au Mans, ce premier jumelage, conjuguait la conviction anti-coloniale de nombre d’élus communistes et socialistes et le travail de terrain du comité local, qui venait d’accueillir pendant un mois vingt enfants. L’idée et le mérite en revinrent d’abord à Jeanine Rouxin, adjointe aux Relations internationales, qui sut convaincre le maire, Robert Jarry, et résista aux pressions à l’Assemblée nationale, sous forme d’une question écrite du député UDF de l’Orne et maire de Bellême, Monsieur Francis Geng, adressée au Ministre de l’intérieur Gaston Deferre, le 25 janvier

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1982. Il attirait l’attention sur ce jumelage qui devait être soumis suivant un décret du 24 janvier 1956 à une commission chargée de coordonner les échanges internationaux dans le domaine communal, devant notamment signaler aux maires que certains jumelages pouvaient entraîner des difficultés diplomatiques pour la France. Il lui demanda quelles mesures il entendait prendre pour qu’il soit mis fin à de telles initiatives. Le Ministre dans sa réponse signala que la commission ne s’était pas réunie depuis 1958 et que l’entrée en vigueur de la loi relative aux droits et libertés des communes donnait toute liberté à celles-ci de décider les jumelages dont elles entendaient prendre l’initiative. Le gouvernement n’est pas engagé par de telles décisions et peut demander à ses représentants de ne pas participer aux manifestations organisées à cet effet lorsqu’elles ne lui paraissent pas répondre à l’esprit qui doit animer un véritable jumelage. Le jumelage, voté à l’unanimité du Conseil municipal retint aussi l’attention du premier Ministre de l’époque, Raymond Barre, qui, venu au Mans l’année suivante pour un meeting électoral, lui prédit d’être très bientôt enfoui sous le sable ! prédiction erronée, puisque le jumelage est toujours bien vivant en 2009. Une première mission fut dépêchée dans les campements à l’occasion de la célébration de l’anniversaire du déclenchement de la lutte armée, en mai 1981, dirigée par Madame Jeanine Haudebourg, maire adjointe, pour apprécier en direct la situation. Robert Jarry et une délégation mancelle furent reçus en tout début mars 1982 à Haouza, choisie spécialement par le gouvernement de la RASD comme la première ville libérée après l’occupation marocaine de la Saguiat El Hamra, pour célébrer en grand appareil ce premier jumelage. Quelques semaines plus tôt, Robert Jarry avait reçu la délégation sahraouie, pour la signature au Mans. Dans la délégation, la présence d’Abdelkader Taleb Omar, auprès du maire d’Haouza, au titre de gouverneur de la wilaya de Smara, fut remarquée. Aujourd’hui Premier ministre, il garde une affection particulière pour la ville du Mans ! Un groupe de jeunes gens se rendit à la suite dans les campements, inaugurant une longue suite d’échanges et de voyages. L’histoire de la solidarité au Mans et avec le comité de la Sarthe s’est ensuite déclinée au fil des années avec des moments forts et des temps plus calmes. Mais une

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constante : chaque été vingt enfants sahraouis sont invités dans un centre de vacances de la ville, présence qui a largement contribué à la connaissance des Sahraouis dans la ville et le département. À plusieurs reprises des contributions matérielles furent adressées à Haouza, au moyen de collectes ou de subventions, comme récemment l’aide à la rénovation de l’école primaire, doublée d’un échange de correspondance scolaire entre les écoliers d’Haouza et une centaine d’écoliers du Mans. Contribution augmentée en 2007 par l’engagement financier de la Région Pays de la Loire. Conférences(1), délégations officielles, courriers aux autorités françaises et internationales, les positions prises par la ville du Mans ont représenté au long de ces vingt-cinq ans un engagement humanitaire et politique non négligeable, qui a pesé et est resté de référence auprès des autorités françaises et marocaines. Robert Jarry a souhaité, à la fin de son dernier mandat, témoigner auprès de la quatrième commission de l’ONU, en octobre 2000. Le renouvellement de cet engagement au moment de la célébration des vingt ans du jumelage, avec un nouveau maire socialiste, Jean-Claude Boulard, n’est pas passé inaperçu et n’a pas manqué de susciter les réactions des autorités marocaines qui se plaisent à le convaincre de la pertinence de leur présence au Sahara. Il faut également souligner la place prise par les adjointes aux relations internationales, Maryse Berger et Dominique Nierderkorn qui ont contribué, à la suite de Jeanine Rouxin et de Jeanine Haudebourg à faire vivre ce jumelage, ainsi que Monique Lecomte, un moment Présidente du comité de jumelage, entourées de fonctionnaires toujours attentifs. De son côté, le comité de la Sarthe de l’Association des Amis de la RASD, créé dès 1976 et à l’activité modeste jusqu’en 1980, prit la mesure de l’intérêt d’un tel jumelage, qui lui permettait une reconnaissance officielle localement et lui donnait Par exemple un meeting réuni à la Salle des Concerts en mai 1982, salle emblématique au Mans des grands rendez-vous politiques et organisé par le Comité de l’association des Amis de la RASD et le Mouvement de la Paix avec l’appui du PC, FEN, CGT, UFF et PSU, avec une forte présence de 350 à 400 personnes, la salle était pleine et venait encourager le récent vote des élus du Mans en faveur du jumelage avec Haouza.

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directement ou indirectement de nouvelles et inédites possibilités d’intervention. Un mémoire de maîtrise(1) lui fut consacré en 1990, qui permit de mieux apprécier son rôle dans la durée. Double objectif pour le comité : prendre des initiatives qui soutiennent et amplifient les engagements municipaux comme l’accompagnement des accueils d’enfants ou les collectes humanitaires et promouvoir des activités qui le font exister et lui confèrent une autonomie d’action. Le comité était à la fois « porte-parole » des citoyens du Mans et manifestait son soutien aux élus, engagés dans un jumelage à haut risque. Les premières années qui suivirent le jumelage furent particulièrement intéressantes, conférences, expos photos, théâtre, avec à chaque fois de nouveaux partenaires capables d’enrichir les démarches et la connaissance des Sahraouis. L’année 1986 fut spécialement riche avec la création par la troupe locale de l’Enfumeraie d’une pièce de théâtre Les fils des nuages adaptée de Désert de Jean-Marie Le Clézio, avec un accompagnement humanitaire, Un cube pour les Sahraouis, petit cube de carton illustré permettant de recueillir 1 kg de sucre, riz ou farine vendu et rassemblé à l’occasion des représentations. Alain Suzsinki, fut notre photographe de ces années, il se rendit à plusieurs reprises dans les campements où il réalisa un bel album de portraits Sahraouis encore en vente à l’Harmattan. Chacune de ces années fut ponctuée de présence militante aux stands traditionnels des fêtes populaires, rendez-vous importants dans les années quatre-vingt, quatre-vingt dix et au Salon du livre du Mans Les 24 heures du livre. Le comité y disposait d’un matériel de grande qualité graphique (expositions, tracts, brochures de popularisation) grâce au talent jamais compté de Jacky Liégeois puis de son fils. Ces stands à partir de 1991 furent animés par la présence de stagiaires puis d’étudiants sahraouis en formation à l’École Normale du Mans et à l’Université du Maine, années passionnantes et d’intense activité. Plus récemment les 24 heures du Livre(2) consacrées aux peuples du désert, accueillirent en 2003, plusieurs personnalités sahraouies : Khadija Hamdi, chargée de la culture à l’UNFS, Nana Labaat Rachid, poétesse, invitée d’honneur. Nous (1)

« 25 ans de solidarité active à l’épreuve de l’oubli » d’Antoine Vaillant.

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Appelées désormais 25e heure.

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venons d’éditer ses poèmes traduits par nos soins. Recueil présenté en 2009 à Paris au Centre Culturel algérien en même temps qu’une exposition de calligraphies signées par un artiste sahraoui, El Ghait Yara. (Nana Labaat Rachid La plume prisonnière édition Harmattan Paris 2008). Comment oublier aussi le spectacle musical l’année des vingt ans du jumelage avec la troupe de musique sahraouie autour de Mariam Hassa et du groupe Leyoad, jouant devant 2000 personnes. Aujourd’hui, le comité avec des responsabilités renouvelées, c’est Nadine Coquillard qui en est la secrétaire poursuit ses activités. Elle a réussi en avril 2008, l’organisation d’un convoi humanitaire de trois véhicules vers Haouza emmenant vers l’aventure une quinzaine de personnes à travers l’Algérie et le Sahara algérien, longue traversée pour atteindre la Hamada de Tindouf et Haouza. Cette fidélité s’exprime aussi à travers les familles d’accueil qui chaque été hébergent et gâtent pendant une quinzaine de jours les enfants sahraouis. Dans le comité, une équipe de trois personnes, Simone, Martine et Charles, gère cette question dès le mois de février de chaque année avec beaucoup de dynamisme. Et tout le monde se retrouve au mois de mai pour un repas solidaire, mijoté de la meilleure façon par nos deux spécialistes du tajine, Jany et Jeanine, dans un lieu superbe, la salle à manger du théâtre du Radeau. De 1976 à 2009, le comité de la Sarthe n’a jamais douté de son engagement nécessaire aux Sahraouis et au Polisario, il a su créer en son sein de vraies relations et des amitiés sincères, s’appuyant sur des fidélités, tout en renouvelant ses membres, en particulier avec les jeunes animateurs au contact chaque été des enfants. Le Mans est bien connu à Haouza et nombre d’adultes l’évoquent toujours avec une pointe de nostalgie, même si l’Espagne est davantage dans les têtes que la France. De 1984 à 1986, l’Association des Amis de la RASD, au niveau national, connut des difficultés. Le comité de la Sarthe put s’en tenir à l’écart du fait de sa pratique locale, de ses relations sans exclusive avec les partenaires tant politiques qu’associatifs et, bien sûr, du fait de sa moins grande implication dans les enjeux nationaux. La difficulté, pour la gauche au pouvoir de changer de politique, compliqua en effet les rapports entre le mouvement de solidarité et ses habituels soutiens. Cette situation aggrava

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les tensions entre ceux qui jusqu’à présent avaient fait le choix de travailler ensemble. Ce contexte de division et d’incertitude favorisa des conflits plus personnels, qui empêchèrent l’Association nationale de fonctionner de manière satisfaisante pendant plusieurs mois(1). Fort d’une pratique de rassemblement, favorisant localement l’expression d’un mouvement de soutien à la cause sahraouie, à travers des initiatives populaires comme la création d’une pièce de théâtre et en s’appuyant sur la reconnaissance officielle du jumelage, le comité de la Sarthe joua un rôle important dans le redémarrage de l’association nationale. La réunion qui se tint au Mans les 7 et 8 février 1987 rassemblant les noyaux locaux et les adhérents les plus convaincus eut à cet égard un rôle déterminant. Elle remit à l’ordre du jour de l’Association des Amis de la RASD, les pratiques et les exigences d’un réel militantisme seul capable de surmonter les divisions et de lui faire retrouver la confiance de ses partenaires et en premier lieu celle du Front Polisario. Aux côtés de Mohamed Sidati, Représentant du Polisario en France, s’y retrouvèrent les comités de l’Essonne, de Mayenne et de la Sarthe, le groupe Afrique Marseille, l’AFASPA et l’Association française d’aide médicale au peuple sahraoui.

ALBI La ville d’Albi soutenait depuis 1980 le Polisario et l’action de l’AARASD (accueil de 20 enfants en 1980, appui financier en 1982) avec un engagement particulier de son maire socialiste Michel Castel. Des contacts furent repris pour la signature d’un contrat de jumelage en 1983. C’est Colette Fourt, nouvelle directrice de cabinet qui relança l’intérêt du maire et prépara le dossier à partir de 1988. Le jumelage fut signé le 2 décembre 1989 avec la localité d’Oum Dreiga en présence des deux maires, Michel Castel et Wa-

L’assemblée générale de l’AARASD tenue le 24 mai 1986 a remanié bureau et conseil d’administration. Le nouveau Président Francis Jacob reconnaît que l’association a ralenti son activité depuis 1984 mais que la nouvelle va permettre de relancer des activités tant politiques qu’humanitaires. (1)

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lien Ould Samladi et du Représentant du Polisario, Baba Sayed. Celui-ci, homme de culture, évoqua avec émotion le souvenir de Jaurès et du café du Croissant. C’était, après l’espoir vite déçu du premier contact direct et public entre le Roi Hassan II et les Sahraouis, mobiliser une figure du combat pour la paix. Une généreuse solidarité se mit en place avec un adjoint aux finances, Jacques Bigot attentif à recevoir au mieux délégations et enfants sahraouis. La date de la signature du jumelage était importante, au lendemain de l’adoption du Plan de paix par le Conseil de sécurité et rassembla les élus des villes déjà engagées comme Le Mans et Rezé. Un comité local se mit en place et accompagna l’engagement d’Albi jusqu’en 1995. À partir de cette date une nouvelle équipe municipale, à dominante RPR remplaça l’équipe Union de la gauche de Michel Castel et ne souhaita pas poursuivre ce jumelage trop politique. Le Comité local ne résista pas à cette difficulté et disparut peu à peu perdant un à un ses adhérents. Aujourd’hui, la cause sahraouie est très bien défendue auprès des élus et des associations par un couple militant du Secours populaire du Tarn, les Sanchez, adhérents de l’AARASD. Régulièrement, ils écrivent, interpellent rendant compte des réponses au bureau national avec efficacité. En juin 2009, ils ont réussi une belle opération solidaire en envoyant aux jardiniers d’El Aïoun, une voiture 4x4 chargée de matériel, avec l’appui du Conseil Général et du Secours Populaire. La situation d’Albi liée à une échéance électorale, est éclairante quant aux conditions de la pérennité des comités locaux. À Brest déjà le jumelage s’était « dissous » faute de militants qui, localement, soutiendraient l’engagement des élus. À Albi, le comité local a sans doute manqué de force et d’ancienneté et est apparu trop lié à l’équipe municipale Union de la gauche pour être capable d’exprimer le point de vue d’un nombre suffisamment important de citoyens et convaincre ainsi la nouvelle majorité municipale que le jumelage dépassait les clivages politiques, pour soutenir de manière humaniste le droit à l’autodétermination d’un peuple. La plate-forme solidarité a rencontré des problèmes assez voisins en essayant de se tourner vers des associations du secteur jeunesse, comme l’UCPA davantage associée aux villes gouvernées à droite, afin d’élargir les points d’accueil enfants. L’UCPA était d’accord, appréciant la qualité du travail éducatif que re-

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présentaient de tels accueils, mais ne trouva pas de villes volontaires, celles-ci préférant accueillir des enfants chrétiens du Liban, correspondant mieux à la sensibilité de leurs élus de base et de leurs électeurs.

LOON-PLAGE Quelques mois plus tôt, en juin puis en juillet de la même année, au moment de la célébration du bicentenaire de la Révolution française, c’est une commune de l’agglomération dunkerquoise, Loon-Plage, qui décida d’un nouveau jumelage. C’est une autre histoire qui se raconte encore aujourd’hui avec éclat et panache autour d’un généreux personnage, Christian Hogard, lequel embarqua avec lui famille et amis. La décision de jumeler Loon-Plage avec une localité sahraouie revint d’abord à son maire, Jean-Claude Delalonde, qui en prit la responsabilité politique. Jumelage avec la localité de Bir Enzarane signé le 24 juin 1989, en présence des élus des deux communes. L’idée et l’enthousiasme en revinrent à Christian Hogard, alors directeur de cabinet du maire et, à ce titre, homme de tous les dossiers, mais surtout chef de la troupe locale des Éclaireurs et Éclaireuses de France, Les Albatros, un état dans l’état à Loon-Plage. Dans cette dynamique solidaire nous retrouvons de nouveau les enfants. Les Eclaireurs accueillirent un groupe et la ville engagea le jumelage dans la foulée. La fête fut magnifique, associée aux spectacles du bi-centenaire. La signature du contrat de jumelage en prit une force et une dimension symbolique peu commune. Les représentants des Sahraouis, les élus, les jeunes éclaireurs présents dans la salle avec leurs nombreux invités étaient d’autant plus conscients de la gravité du moment que leur engagement rejoignait dans un raccourci historique bienvenu, l’engagement de leurs ancêtres de 89. Dès ce moment les Éclaireurs et Éclaireuses de Loon, la troupe des Albatros devenue Baden Powell avec le généreux appui de la ville s’engagèrent dans des initiatives originales, associant le plus possible les jeunes dans un double objectif, aider et faire connaître les Sahraouis et former ces jeunes à la responsabilité et à une citoyenneté ouverte sur les autres et sur le monde. Voyage aventure dans les campements en 1990 avec des jeunes pour certains de moins de quinze ans, qui, se rendant dans une zone de guerre, eurent besoin de

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l’autorisation du Président de la République. Ils en revinrent ravis, avec, certes, de mauvais souvenirs de tourista, mais avec des projets d’aider à la constitution d’un scoutisme sahraoui dans les campements. Les jeunes Baden Powell ayant pour la majorité d’entre eux grandi, organisèrent cette année-là, une grande tournée militante à travers la France, sous le nom de « Nomad 96 », avec une vingtaine de jeunes Sahraouis, avec expos et spectacle de rue pour mieux populariser le problème. Ils disposaient en particulier d’une superbe fresque de plusieurs mètres dessinée par Jacky et Matthieu Liégeois, racontant les campements, qui, à l’arrêt, décorait l’ensemble de leur car. Cette fresque fut utilisée plusieurs fois aux fêtes de l’Humanité à la Courneuve et aux Journées Mondiales de la Jeunesse réunies autour du Pape Jean-Paul II à Paris. L’organisation de Nomad’96 mobilisa le réseau des villes et des comités de la plate-forme qui trois ans après sa constitution prenait ainsi tout son sens. 1999, l’année qui suivit l’interruption de l’accueil des enfants pour cause de référendum posa des problèmes de placement. Aussi pour être fidèle aux engagements antérieurs de la plate-forme, les éclaireurs et Loon accueillirent cette année -là cinquante jeunes et organisèrent pour tous les membres de la plate-forme une fête dont ils avaient le secret. C’était beaucoup, sans doute trop pour une commune de cette taille, qui commençait à trouver les initiatives de son généreux Christian encombrantes. Ce fut le temps des disputes. Le jumelage n’a plus aujourd’hui d’effectivité mais Christian, avec son groupe Baden Powell a maintenu l’engagement d’accueillir chaque été une dizaine d’enfants, au début avec l’aide de la plate-forme et depuis trois ans avec de nouveaux partenaires locaux, Gravelines et plusieurs villes de la Côte d’Opale, le Secours populaire 59, puissance considérable dans le Nord au service de toutes les solidarités et le CMCAS de la Côte d’Opale. L’écueil principal de cette démarche est la distance jamais comblée entre la section locale des EEDF et leurs instances nationales. Les « Eclés Baden Powell » ont toujours été considérés comme allant trop loin et trop vite, intimidant les instances nationales soucieuses de realpolitik et désireuses de ménager leurs bonnes relations avec les associations marocaines du scoutisme et de la jeunesse. Quelles

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stratégies dans ce cas privilégier ? Compromis en attendant que les autres soient prêts ? Provocation, pour frapper les cœurs et les convictions ? Les deux approches ont été tentées, avec des réunions et conférences mais sans trop de succès, les grandes organisations de jeunesse au niveau national sont prudentes, attentives à leurs propres raisons d’état. Aux plus courageux de ne pas se laisser intimider par les excès de la propagande marocaine et éventuellement par ses menaces.

CUGES-LES-PINS Le quatrième jumelage fut signé avec une petite commune des Bouches du Rhône, Cuges-les -Pins à l’occasion de l’organisation de la caravane de la Fondation France Libertés. Gilles Aicardi, alors maire-adjoint de Cuges, rendit compte de cette mission, appelée « Un périple pour les enfants du sable », dans le Sahara Info n° 80 de janvier 1991 n° 80 et évoqua la constitution d’une association locale, Solidarité sans frontière. Les élus de Cuges furent présents aux Ulis et là où des interventions politiques semblaient utiles et ils accueillirent en coordination avec la section Bouches du Rhône de l’AFASPA, l’appui de la ville voisine Auriol et avec leur association, Solidarité sans frontière, plusieurs années, un petit groupe d’enfants. Cette dynamique possible de la région méditerranéenne s’interrompit assez rapidement, du fait des faibles moyens des deux communes engagées et du choix de l’AFASPA de privilégier d’autres engagements, comme la défense du respect des droits de l’homme au Sahara occidental plutôt que de poursuivre l’organisation de l’accueil d’enfants sahraouis venant des campements.

ARGENTEUIL C’est Argenteuil et son député-maire communiste Robert Montdargent qui signèrent, en 1990, un nouveau contrat de jumelage avec Hagounia. Ce nouveau jumelage était important à plusieurs titres. Une grande ville de la région parisienne, dirigée par un maire connu pour sa volonté de rénovation critique à l’égard de son parti. Le jumelage comme souvent fut favorisé par l’engagement d’une des adjointes au maire, élue communiste et militante de l’AFASPA, Michèle Decaster. Son énergie et son activité furent, comme au Mans et à Loon-Plage, décisifs pour

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emporter la décision de jumelage. L’aide et les échanges ayant, comme souvent, précédé la signature d’un contrat officiel. Etroitement associée aux actions de l’AFASPA, la municipalité d’Argenteuil, avec le comité de jumelage, pourvut en aides, équipements sa localité jumelée, tout en accueillant chaque été une dizaine d’enfants. Le jardin d’enfants et la crèche d’Hagounia furent également jumelés, ce qui permit des formations petite enfance à la fois à Argenteuil et dans les campements, en coopération avec l’ONG Enfants réfugiés du Monde. L’autre fierté d’Argenteuil fut d’avoir équipé la bibliothèque d’un lycée avec 6 000 livres et du matériel audio-visuel. La situation était assez différente de celle du Mans du fait de l’engagement entremêlé de la ville et de l’association AFASPA. La même personne, Michèle Decaster, était à la fois maire adjointe et responsable associative. Le jumelage était donc étroitement ressenti comme associé à une sensibilité politique et ne résista pas au bouleversement électoral qui défit Robert Montdargent et son équipe en 2001. Jacques Vovard, autre élu communiste devenu conseiller municipal d’opposition, poursuivit avec ténacité l’engagement pris par sa ville en devenant un des membres actifs de la SFO. Il garde aujourd’hui une attention au dossier et ne manque jamais de réagir aux initiatives qui lui sont proposées. Les récentes élections municipales (mars 2008) ont à nouveau changé la donne à Argenteuil en élisant un maire socialiste à la tête d’une équipe Union de la gauche. La nouvelle équipe municipale sera peut-être en mesure de relancer cet engagement ?

GONFREVILLE L’ORCHER Le dernier jumelage, celui signé par la ville de Gonfreville l’Orcher, près du Havre, et la localité de J’Réfria, en 1993, est devenu avec celui du Mans le plus précieux car en réelle effectivité, avec un maire communiste, Jean-Paul Lecoq, devenu député en juin 2007. C’est un jumelage d’autant plus important que sa signature fut décidée par son maire aujourd’hui décédé, Monsieur Marcel Le Mignot, suite à l’appel adressé des Ulis aux élus, en février 1992. Un choix de conviction fait par un élu communiste dans une ville toute proche du Havre, très engagé, de son côté auprès des Sahraouis. Le jumelage fut signé le 16 décembre 1993 à Gonfreville avec

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Monsieur Alamine Mohamed Salah, maire de la daïra et Baba Sayed, représentant du Polisario et le 22 février à Jréfia en présence du maire Monsieur Le Mignot, de Madame Bunel et de Monsieur Perrot. Depuis 1993, l’activité de la ville et du comité de jumelage en faveur des Sahraouis de Jréfia n’a pas cessé. Le comité de jumelage est piloté par une petite équipe présidée par Serge Lebret. Quand Serge évoque leur histoire, il rappelle la présence de Mahmoud Delhal alors représentant local du Polisario qui sut leur parler de son peuple et les entraîner avec conviction dans cette aventure : « La rencontre avec Mahmoud Delhal est déterminante dans notre engagement, ses explications, son souci de nous faire découvrir cette cause qu’il défend de tout son être, sont autant d’éléments qui font que l’attente des enfants qui vont arriver en juillet est bien longue » Sahara Info n° 121 janvier mars 2003. Le traditionnel accueil de 10 enfants chaque été, à la fois dans les familles et dans le centre de vacances savoyard de Gonfreville, à Magland, l’aide à la tenue de conférences, la participation régulière et nombreuse aux conférences et rendez-vous européens correspondent à l’engagement à la fois humanitaire et politique des Gonfrevillais. Le comité de jumelage, de son côté, aida au défrichement de jardins familiaux à Jréfia et aide chaque année à leur entretien. Les délégations de Gonfreville sont toujours attendues avec impatience et confiance par les habitants de Jréfia tant s’est installée entre les habitants des deux communes une chaleureuse amitié. Le maire est attentif à ce que ce jumelage soit formateur d’une citoyenneté éclairée et ouverte sur le monde. Aussi favorise-t-il les initiatives pour bien l’ancrer et en faire partager les valeurs au plus grand nombre, à travers les écoles, les centres culturels de la commune, etc. De son côté, il ne manque aucun déplacement citoyen quand l’enjeu est important, en août 2001 à Hiroshima pour la 5e Conférence mondiale des villes pour la paix où il intervint avec un ancien disparu sahraoui et militant de l’AFAPREDESA, Kenti Ouballah ou à New-York auprès de la Quatrième commission de l’Assemblée générale des Nations unies. Les voyages dans les campements sont également un exemple d’exercice in situ de cette citoyenneté. Les habitants de Gonfreville sont plutôt modestes et n’ont pas

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forcément tous l’habitude ou les moyens de voyager à l’étranger. Leur séjour dans les campements est alors une occasion de découverte respectueuse de l’autre, qui, tout en étant bien différent partage vos valeurs et une lutte commune. On est bien loin dans un tel contexte des vacances où l’autre, rapidement aperçu, n’est qu’un objet exotique de plus dans le paysage. L’élection de Jean-Paul Lecoq à la députation a sans doute fait entrer pour la première fois un militant déterminé de la cause sahraouie au Parlement. Les précédents députés présidents des groupes d’étude étaient certes attachés à l’application du droit des Sahraouis et s’employaient au mieux à traiter du sujet au moyen de réunions du groupe et de questions écrites. Mais aucun n’arrivait à l’Assemblée avec en arrière-plan un jumelage et un engagement réel de terrain. Aussi, depuis deux ans, Jean-Paul Lecoq, en dépit d’un travail parlementaire lourd où il débute, intervient régulièrement, quand il le faut. Il a même été capable de susciter une réaction du Ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, à la tribune de l’Assemblée en réponse à l’une de ses interpellations. En juin 2008, il a bien appuyé l’organisation d’une conférence parlementaire européenne (à l’initiative de la coordination européenne et de l’AARASD) dans la salle du groupe socialiste à l’Assemblée, permettant ainsi de renouer avec la grande tradition des conférences parlementaires européennes(1).

VILLES DE L’OUEST Plusieurs autres villes appartenant au réseau des villes amies et jumelées interviennent de manière significative et pour certaines depuis près de trente ans dans le soutien multiforme aux sahraouis. L’engagement vaut presque jumelage, mais par choix ou manque d’opportunité, elles n’ont pas souhaité signer ce contrat. Les villes de l’Ouest, comme Rezé ou Saint-Nazaire, reçoivent depuis plus de vingt ans chaque été une dizaine d’enfants et ne manquent pas, avec leurs élus, d’exprimer des soutiens politiques qui comptent. Rezé en particulier, avec un service Comment l’Europe peut-elle contribuer aux engagements pris par les Nations unies d’aboutir par la négociation à l’application du droit à l’autodétermination du Peuple Sahraoui Actes publiés à l’Harmttan en 2009. (1)

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relations internationales actif et disposant de moyens conséquents pour une ville de cette taille, a pris très tôt au sérieux ce dossier. Le député- maire Jacques Floch, ancien ministre et maintenant avocat, a souhaité et encouragé cet engagement. En 1987, suite à une initiative de Jean-Claude Valomet et du Secrétariat international de la fédération de Loire Atlantique du Parti socialiste, Jacques Floch, rejoignit une délégation d’élus socialistes pour se rendre dans les campements(1). Son successeur, le maire Gilles Retière et le nouveau député de la circonscription Dominique Raimbourg, poursuivent depuis une dizaine d’années cet engagement tant localement qu’à l’Assemblée. Les habitants de Rezé ne sont pas en reste. Autour de Colette Blais, infirmière à la retraite qui mène avec bonne humeur et une grande énergie l’association locale ERM Pays de Loire. Celle-ci anime des programmes humanitaires santé dans les campements et pilote l’accueil des enfants chaque été. Le Havre fut également une des villes de l’Ouest de référence. Comme dans la grande majorité des exemples cités, cet engagement local venait des élus de gauche. Dans cette ville, l’élection d’un maire UMP, Jean-Claude Ruffenacht, prenant la place d’une municipalité communiste élue depuis 1945, a eu pour conséquence l’abandon du soutien aux Sahraouis tant sur le plan humanitaire que politique. Comme à Argenteuil, le comité Un camion citerne pour le peuple sahraoui, piloté par des militants de l’AFASPA, était très proche des élus communistes. Avec la défaite de la liste Union de la gauche en 1995, le soutien municipal fut réduit à rien. L’association, Un camion citerne pour le peuple sahraoui poursuit, en dépit de l’absence de sa ville de référence, ses activités en s’appuyant sur d’autres villes normandes comme Harfleur, sur des comités d’entreprise locaux et sur ses propres ressources recueillies au moyen de repas, bric à brac, conférences et accueille chaque année pendant une quinzaine de jours 5 enfants. Composition de la délégation : Joël Batteux, maire de Saint-Nazaire, Raoul Weesxteen, secrétariat international du PS chargé du Maghreb, Monsieur Savage, conseiller municipal de Saint Herblain et Monsieur Prou, conseiller régional. (1)

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EN ILE-DE-FRANCE En Ile-de-France, l’engagement de plusieurs villes banlieues gouvernées elles aussi à gauche est ancien avec des moments d’éclipse quand le noyau militant accompagnant l’engagement des élus devenait plus faible. Deux comités, celui des Hautsde-Seine avec Nanterre et Courbevoie et celui du Val-de Marne avec les villes de Vitry, Ivry et Villejuif furent les premières années, les lieux les plus radicaux du soutien aux Sahraouis. Pilotés par deux militants communistes venus du Maroc et d’Algérie, ils s’impatientèrent de la prudence de la gauche au pouvoir qui renonçait à ses engagements. Essentiellement politiques ils ne développèrent que très modestement des projets de type humanitaire et restèrent fidèles au style des comités d’agitation politique propre aux interventions des années quatre-vingt. De leur côté, les trois ou quatre villes à direction communiste du Val de Marne développèrent avec l’appui de leurs services des projets culturels. Avec VVL, association inter-municipale chargée de développer la politique de loisirs et d’éducation populaire, elles financèrent le séjour des enfants. Elles supportèrent également un double projet culturel piloté par l’AFASPA. Formation de puéricultrices pendant trois mois et organisation d’une résidence à Villejuif pour une troupe de musiciens sahraouis. Au terme de ce séjour en France, la troupe donna un spectacle musical au théâtre Dejazet à Paris en 1988, avec une salle pleine de monde. Elle produisit un disque et une cassette, largement diffusés dans les fêtes populaires, en travaillant en studio avec un label val-de-marnais. Comme au Mans quelques années plus tôt, le Polisario et l’AFASPA essayaient de mettre en place des formes différentes de popularisation en faisant connaître et exister en France la culture sahraouie. C’était également une manière d’aider ces jeunes troupes de musiciens, en mettant à leur disposition de meilleurs moyens techniques et des occasions de formation par la rencontre d’autres musiciens et la découverte d’autres musiques. En 1986, comme en 1988, en dépit d’un travail approfondi et d’une qualité artistique aboutie, le succès demeura d’estime avec un peu de presse mais jamais assez pour déboucher sur une reconnaissance large et populaire, susceptible de favoriser en France la création

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d’un mouvement de sympathie et d’opinion propre à faire bouger les lignes et infléchir les positions officielles. Il était déjà d’actualité de parler d’un conflit oublié et d’un peuple méconnu. L’association VVL déjà évoquée, peut être incluse dans ces dynamiques urbaines, tant son action est associée aux politiques municipales pour lesquelles elle a été crée. L’accueil des enfants sahraouis y prit une place importante, sans articulation aussi marquée, comme dans d’autres villes avec le comité local de l’AARASD. VVL s’engagea très tôt dans cette forme de solidarité, accueillant dès 1986, avec dix ou vingt enfants sahraouis, une centaine d’enfants du monde entier dans un programme très ambitieux « Copains du monde », financé par les villes adhérentes de VVL. Chacune de ces villes, utilisaient les prestations de l’association (locaux, centres de vacances, animateurs) et, au moyen de versement de bourses, accueillaient avec leurs propres jeunes, des Sahraouis, des Cubains, des Péruviens ou encore des Vietnamiens. Planète des enfants, l’action Copain du monde, emmena VVL jusqu’aux Nations unies pour y défendre la Charte des droits de l’enfant. Programme à la fois humaniste et politique dans lequel le soutien et l’accueil des enfants sahraouis se retrouvaient pleinement. Depuis plusieurs années ce programme a été réduit du fait de la réduction du nombre et des moyens des villes adhérentes à VVL. Seul l’accueil des enfants sahraouis a été maintenu, car il correspondait à l’engagement politique des élus de Vitry, de son maire Monsieur Audoubert et de son adjoint Guy Martin qui prirent en charge en direct les frais de l’accueil, l avec l’appui pédagogique et logistique de VVL. Depuis deux années, le comité du Val-de-Marne s’est reconstitué avec une présence remarquée aux fêtes populaires locales et l’organisation d’un accueil familial pris en charge par l’association de la communauté algérienne de Vitry « Ensemble pour l’avenir », présidée par un élu ivryéen, Rabah Lachouri. L’engagement de Vitry et de ses élus est très constant et se marque dans le paysage politique local. Accueil de la Conférence européenne de solidarité en novembre 2003, réunions de l’Association des Amis de la RASD dans les salles municipales avec à chaque fois, des moyens matériels qui l’aident de manière significative. Comme à Gonfreville

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l’Orcher, les élus de Vitry manquent rarement les rendez-vous politiques dans les campements ou en Europe. De son côté le comité Val-de-Marne avec une nouvelle présidente dynamique, Claude Mangin, intervient de manière insistante sur la question des droits de l’homme au Sahara occidental, en organisant en particulier des missions d’observation au Sahara sous contrôle marocain. La ville de Bobigny et le département de Seine-Saint-Denis, de sensibilité communiste jouèrent un rôle entre 1985 et 1987 dans l’accueil des enfants sahraouis, en liaison avec l’AFASPA, engagement qui peu à peu perdit de son importance, sans doute faute de noyau permanent sur place. Des contacts furent épisodiquement renoués par l’AARASD, mais sans succès. Dans le département des Hauts-de-Seine, le Comité de l’AARASD ne survécut pas au décès de son créateur et très actif président René Toussaint. Par contre, une dynamique ville avec Nanterre a renouvelé la présence des Sahraouis dans ce département, avec un accueil d’enfants chaque été et la tenue de la conférence européenne en 2003. L’élue communiste du département et ancienne maire de Nanterre, Jacqueline Fraysse, est depuis longtemps une député attentive au problème, qui apporte son soutien quand nécessaire. Dans le département de l’Essonne, plusieurs villes ont également soutenu les initiatives de l’AARASD et exprimé un appui au Polisario. Palaiseau, en tout premier, inaugura ce soutien avec son sénateur maire Robert Vizet membre de la présidence. Depuis une dizaine d’années, avec comme point de départ, un voyage dans les campements – la délégation des 105 en 1994 – un comité local, l’APAPS a été créée. Il est aujourd’hui présidé par Lucienne Pascutto et il a de fait en partie relayé l’engagement des élus de Palaiseau, qui s’est fait plus discret. Accueil des enfants chaque été, organisation de repas solidaires, de conférences etc. La ville des Ulis avec Paul Loridant, sénateur maire engagé accueillit plusieurs années un groupe de jeunes Sahraouis et prit l’initiative de la réunion déjà décrite en 1992. L’absence de comité local ne permit pas de pérenniser cet engagement audelà de l’année 1996 et ce malgré l’attention très professionnelle, apportée aux accueils, du service enfance de la ville.

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Plusieurs villes de la région parisienne abritent une petite communauté d’origine sahraouie : Mantes, Les Mureaux et Vitry/Seine. Ces groupes, qui s’élèvent à plusieurs centaines de personnes, pour certaines résidant en France depuis les années soixante, sont en contact étroit avec le Front Polisario et avec les associations françaises de solidarité. Ils ont constitué deux associations, celle des travailleurs et celle des jeunes, mais n’ont pas eu jusqu’à présent d’impact local, par prudence ou réserve. Quelques jeunes de la seconde génération prennent des responsabilités, deux d’entre eux ont été élus aux dernières municipales de juin 2008. Mais deux rendez-vous sont pour eux incontournables, la fête de l’Humanité en septembre à la Courneuve, où ils animent le stand du Front Polisario, et le défilé du Premier mai, occasion de se montrer aux côtés des salariés et des militants français.

EN PROVINCE Plusieurs villes en province ont accompagné pendant quelques années les initiatives de l’AARASD à divers titres, accueil des enfants, conférences européennes, réunions et expositions, concerts de musique. Ces soutiens n’ont pas pu se maintenir du fait des choix politiques de leurs élus, du départ de militants ou de l’incapacité matérielle d’assumer, par exemple de manière suivie les accueils d’enfants. Coudekerque-Branche et Faches-Thumesnil dans le Nord, Saint-Médard-en-Jalles en Gironde, Figeac dans le Lot, Chambéry en Savoie, Allonnes et Champagné dans la Sarthe, Hérouville-Saint-Clair dans le Calvados, qui accueillit plusieurs groupes d’enfants et la Conférence européenne en 1997, Martigues et Marseille dans les années quatre-vingt. Dans les Bouches du-Rhône, Aubagne et Vitrolles, Vierzon dans le Cher et Bouguenais en LoireAtlantique. Nevers et le comité relais de la Fondation France Libertés de la Nièvre qui accueillit un groupe en 1992 (1). Après la réunion des comités relais de la Fondation, tenue en Provence au printemps 1991, présidée par Madame Mitterrand et le regretté secrétaire général Raphaël Doueb. L’Association des Amis de la RASD y avait été invitée pour exposé sur la situation au Sahara occidental. Des contacts avaient été pris à cette occasionqui permirent d’associer deux comités relais aux actions de solidarité avec les Sahraouis, celui de la NIèvre et celui du Calvados. (1)

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DES ENGAGEMENTS AU LONG COURS Cette présentation, qui prend le risque de la répétition pour rendre compte des dynamiques qui ont existé au cours de ces trente-deux années, représente-t-elle un nombre respectable et significatif d’un large soutien français à la cause sahraouie à travers les villes, leurs élus et quelques-uns de leurs habitants ? La réponse est nuancée. Jamais ce soutien n’a eu les moyens d’apparaître significativement c’est-à-dire durablement à l’échelon national, pour faire en sorte de marquer les esprits. C’est seulement quand est intervenue la présence médiatique de Madame Mitterrand, alors Première dame, qui souhaita en vain se rendre dans les campements, que la presse s’y intéressa comme aux premiers jours, quand le conflit engageait directement la France. L’intérêt pour ces projets, pour ces cheminements fraternels aux côtés d’un peuple qui se bat pour sa liberté, est significatif dans la presse locale et à la télévision régionale. Cependant, l’engagement dans la longue durée de plusieurs villes doit retenir l’attention. Se retrouvent alors, dans une même conviction, élus et noyau sympathisant, qui prennent des initiatives qui peuvent durer comme dure ce conflit. Alors cet engagement au long cours de ces villes françaises est repéré comme significatif par les autorités de l’État et par les autres élus en proximité géographique et politique. Il n’est pas ignoré des autorités marocaines, qui s’emploient à le défaire. Malgré l’absence de médiatisation, qui fabrique de la visibilité si ce n’est de l’existence, cette reconnaissance officielle ou de fait par des Communautés d’habitants a un double intérêt. Elle crée l’occasion de relations officielles avec le Polisario et l’État sahraoui en exil et lui confère une crédibilité dans son existence institutionnelle lui ouvrant les portes en tant qu’État. Elle contribue au maintien de la question sahraouie à l’agenda de l’ONU et influence de manière positive le rapport de force. Ces dynamiques urbaines, réelles mais aux dimensions modestes en France, disposent par le nombre et l’importance des villes engagées d’un poids plus important en Espagne ou en Italie. Ces deux pays comptent près de 500 villes jumelées avec les daïras des campements sahraouis. Certains contrats sont symboliques et

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ont peu d’effectivité sur l’aide aux daïras, par contre d’autres jumelages sont très présents et améliorent de manière sensible le quotidien de la daïra concernée. Toutes souhaitent, par ce type de contrat, jouer un rôle politique en faveur de l’application du droit du peuple sahraoui. Cette dimension s’est retrouvée de manière éclatante à Florence, en septembre 2001, au Palazzo Vecchio pour une Conférence des villes jumelées. Les municipalités italiennes, en particulier, portaient avec superbe les bannières de leurs communes, tant dans les rues de Florence, en défilé, que dans la salle de conférence. Les Sahraouis et le Front Polisario sont certes les premiers responsables de l’établissement de ce rapport de forces, seul capable de leur assurer un jour la consécration de leur volonté de s’autodéterminer, mais seuls, sans l’Algérie et sans la solidarité internationale tenace, patiente, comment pourraient-ils gagner l’épreuve de force que leur impose le Maroc depuis trente-trois ans ?

PLACE DES ASSOCIATIONS DANS LES DYNAMIQUES LOCALES L’engagement des villes et de leurs élus est, dans la plupart des situations locales associé à l’existence d’un noyau local sympathisant, comité d’une association nationale ou association constituée localement sur l’objet précis du soutien aux Sahraouis. Leur existence est souvent décisive pour la mise en route ou le maintien d’intérêt des élus. Elles développent depuis le début du conflit des projets et coopérations variés, qui font l’originalité de la solidarité française et en assurent la pérennité.

PREMIERS COMITÉS DE L’ASSOCIATION DES AMIS DE LA RASD Les comités ou noyaux locaux de l’Association des Amis de la RASD déjà à plusieurs reprises évoqués furent créés au début du conflit sur des bases politiques, soutien à une lutte de libération et protestation contre l’intervention militaire française en Mauritanie contre le Polisario. De ces tout premiers comités n’en subsiste que deux : celui de la Sarthe et celui du Val-de-Marne.

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D’autres comités, en Loire-Atlantique, dans l’Essonne, dans les Bouches-duRhône ont été reconstitués avec des militants renouvelés. Ces derniers n’ont sans doute pas eu connaissance des comités plus anciens, enfouis dans les archives de l’AARASD et de son journal. Dans le Nord, un comité local, le comité de soutien au peuple sahraoui, a existé plusieurs années autour d’un jeune enseignant, Yves Quintal. Le Sahara Info de janvier 1987, n° 74, s’en faisait l’écho, en donnant la parole à ses membres pour exposer leurs projets. Accueil de la pièce de théâtre créée au Mans Les fils des nuages qui fut présentée au théâtre de Lille en 1987 et organisation d’accueil d’enfants sahraouis. Coudekerque-Branche et Faches-Thumesnil les accueillirent en vacances plusieurs années, avant que Yves Quintal ne rejoigne Toulouse et ses terres natales du Sud-Ouest où il reconstruisit un nouveau noyau militant avec une petite association locale plus généraliste École Tiers Monde, qui accueillit de son côté d’autres enfants dans un quartier de Toulouse. Dans l’Essonne, un comité créée très tôt se développa avec les habituelles pratiques des années quatre-vingt. Autour de quelques militants et surtout de la famille Marlangias, Pierre et Lily, le comité se consacra surtout au suivi de malades sahraouis, avec une grande et belle générosité. En effet, dès 1982, Jack Ralite, un des Ministres communistes de la gauche au pouvoir, en poste à la Santé, avait accepté de faire soigner dix malades ou blessés sahraouis, qu’il fallait, après leur sortie de l’hôpital, prendre en charge. Les mêmes prirent ensuite grand soin de plusieurs enfants malades. À leurs côtés le sénateur maire de Palaiseau, Robert Vizet, ancien membre de la présidence de l’Association nationale, qui est aujourd’hui encore membre du bureau. Le comité perdit peu à peu de son dynamisme avant de pratiquement disparaître en 1987 et se reconstitua sous une autre forme avec l’APAPS. En Mayenne, à Laval, Denis Maubert prit la responsabilité pendant deux années d’un petit noyau qui organisa dans la ville une exposition remarquée, en 1986, en liaison avec un Centre des trois mondes actif dans cette ville. Comment oublier Raymonde Etienne, militante communiste et Tiers-mondiste, qui, avec son Groupe Solidarité Internationale a très longtemps milité pour les Sahraouis relayant localement, les initiatives de l’AARASD et de l’AFASPA. Et non plus Janet Morel,

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en retraite de son travail de laborantine, militante infatigable du Secours populaire du Val-de-Marne qui créa en 1984, L’association française pour l’aide médicale au peuple sahraoui, association modeste mais revendiquant sa place dans les solidarités, de toutes les réunions et conférences. Le groupe Afrique Marseille, ne donne plus aucune nouvelle depuis une quinzaine d’années. Ce livre permettra-t-il de retrouver ces amis des années quatre-vingt90 ? Le groupe commença très fort, avec l’organisation de la venue en ProvenceCôte-d’Azur en 1980, de 60 enfants sahraouis accueillis à Marseille et Martigues. Associations, villes et cantons de gauche les accueillirent en grand appareil, les militants des bords de la Méditerranée étant encore plus en proximité avec l’engagement français au Maroc. Le groupe poursuivit son activité plus modestement privilégiant les relations avec l’UGTSARIO du fait de l’engagement de deux de ses responsables à la CFDT. Le départ tumultueux de la Caravane des enfants du sable de France Libertés à partir de Marseille et de Cuges-les-Pins redonna des perspectives au petit groupe. Il accueillit en mars 1990, à l’occasion de son embarquement à Marseille, la Caravane de Lord Winchelsea, une vingtaine de land rovers bleues lourdement chargées à destination de Tindouf. Un lord anglais dans la solidarité, ce n’était pas banal ! Ces voitures bleues serviront aussi à transporter les membres des missions solidaires dans les campements, bien connues comme les voitures du lord et très appréciées car plus confortables que les premières 4x4 improbables des Sahraouis. L’année suivante, avec l’association, Solidarité sans frontière, basée à Cugesles-Pins, le Groupe Afrique Marseille créa Un comité départemental pour l’application du Plan de paix suivant le modèle du Collectif de vigilance créée et piloté à Paris par la Fondation France Libertés. Une réunion rassemblant une centaine de personnes se tint à Marseille en présence de l’écrivain Raymond Jean, pour militer en faveur du Plan de paix. Ce comité, ne poursuivit pas ses activités, seule la municipalité de Cuges-les-Pins intervint régulièrement au titre de son jumelage jusqu’au début des années 2000. Dans le Calvados, le comité relais de la Fondation France Libertés, piloté par Mireille Brun, permit à partir de 1992 de créer un nouveau pôle de solidarité avec les Sahraouis. Appui local au Collectif de vigilance, le comité relais s’engagea à par-

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tir de 1996 dans l’organisation de l’accueil d’un groupe d’enfants avec l’appui pédagogique et financier d’Hérouville-Saint Clair. Cet accueil fut organisé jusqu’en 2001, année du départ de son maire François Geindre qui, ne se représentant pas aux élections fut remplacé par des élus de centre-droit ne souhaitant pas poursuivre cet engagement. Le comité relais et Hérouville-Saint-Clair avaient accueilli en 1997 la 23e Conférence européenne de solidarité. Aujourd’hui, Mireille Brun maintient en tant que militante de l’AARASD un noyau local relayant l’information auprès des élus et des responsables syndicaux et associatifs. A ce titre elle a participé à une mission au Sahara occidental en avril 2008, mais sans succès puisqu’elle fut expulsée, avant même d’atteindre le Sahara, par les autorités marocaines. L’AFASPA à vocation plus générale, n’a jamais créé de comité local spécifiquement tourné vers le soutien aux Sahraouis. Certains de ses comités locaux, comme celui du Havre, des Bouches du-Rhône ou d’Argenteuil se sont particulièrement intéressés à la question mais pas de manière exclusive comme les comités de l’AARASD. Au Havre, le noyau AFASPA décida la création d’une nouvelle association quand ses militants décidèrent de se consacrer en priorité à la solidarité avec les Sahraouis. À Marseille l’AFASPA 13, participa à l’accueil des enfants sahraouis plusieurs années et à repris « du service »aux côtés des élus et militants des Bouches-duRhône engagés dans la mise en œuvre de la « caravane du ramadan ».

DE NOUVEAUX COMITÉS, RELAIS POLITIQUES ET HUMANITAIRES Les conditions entourant la création d’associations ou comités locaux indépendants ou se réclamant d’une organisation nationale furent pour ces vingt dernières années assez voisines. Pas exclusivement politiques, comme au début du conflit mais conjuguant projets culturels et humanitaires ou associés à la signature d’un contrat de jumelage, comme à Albi ou à Gonfreville. Aucun ne fut créé strictement dans l’objectif de favoriser l’application du Plan de paix, mais tous s’inscrivent dans cette perspective, puisque personne ne peut se satisfaire de l’organisation de coopérations avec les camps de réfugiés sahraouis, sans se préoccuper de l’essentiel, l’autodétermination. Tous ces comités locaux articulent donc engagements humanitaires

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et politiques. La présence régulière et active de leurs responsables et même de quelques-uns de leurs adhérents aux rencontres organisées en France et en Europe en témoigne. Les comités locaux indépendants, déclarés en tant que tels auprès de leurs préfectures respectives, sont d’importance et d’ancienneté variée.

UN CAMION CITERNE Le plus ancien est celui de Seine Maritime, l’Association pour un camion citerne avec le peuple sahraoui, constitué en 1990 par un collectif d’associations locales à l’occasion de l’achat et de l’envoi d’un camion-citerne dans les campements. Il s’agissait d’aider les habitants de la Guerra avec lesquels les Havrais entretenaient une relation privilégiée, à aller chercher leur eau à 5Okm. Une soirée musicale, des centaines de camions-citernes miniatures vendus et une généreuse subvention du Havre permit de réaliser ce gros projet. Adossé au départ à l’appui humain et financier de la ville du Havre, il fonctionne depuis 1995 en comité indépendant qui maintient des activités humanitaires – accueil de 5 enfants chaque été, aide à l’école de La Guerra – et politiques – information, interpellation des élus locaux et des responsables de l’État. Il se compose d’une dizaine de militants actifs et d’une trentaine d’adhérents présents pour la brocante annuelle, qui finance partie de ses activités et aux fêtes populaires encore présentes dans ce département comme la fête du Parti communiste. Présidé à sa création par Dominique et Janet Rougeventre, remplacés depuis quatre ans par Jean-Claude Crochemore, c’est un comité qui a su, en dépit de la perte de l’appui du Havre, sa ville de référence, maintenir son activité et sa capacité à populariser dans sa région la question du Sahara occidental. La presse locale, comme Le Havre Libre s’en fait régulièrement l’écho.

APAPS L’APAPS, proche également de la ville de Palaiseau n’a cependant jamais lié son existence à cette ville. Constituée à la suite d’un voyage dans les campements, la délégation des 105 (en 1994), où les Palaisiens étaient nombreux et dynamiques, l’association se déclara en préfecture et assure depuis la coordination de l’accueil de dix enfants

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pris en charge par le centre de vacances de Palaiseau. Avec un engagement militant régulier, repas solidaires, appui financier du Conseil général de l’Essonne, l’APAPS prend en charge financièrement voyages et équipement des enfants et a contribué à plusieurs occasions à des programmes d’aide et à l’envoi de matériel. Par exemple, l’aide à la reconstruction de maisons individuelles détruites par l’inondation de 2006. Elle est présidée par Lucienne Pascutto, également membre du bureau de l’AARASD. Son problème actuellement est le maintien des activités de l’association qui a perdu beaucoup de ses membres actifs, lié à la dispersion des plus jeunes partis travailler ailleurs et à la difficulté de recruter de nouveaux adhérents. Le volontarisme de la Présidente, de toutes les mobilisations, risque aujourd’hui de trouver ses limites, c’est en tout cas son actuel constat. Il faut vraiment espérer qu’il ne correspond qu’à des difficultés ponctuelles et que le comité va très vite se renforcer, tant sa présence est importante auprès des élus locaux et auprès du député-maire François Lamy, membre de la Commission Défense de l’Assemblée.

FIGEACTION L’association Figeaction, créée en appui à la ville de Figeac pour accueillir un groupe d’enfants sahraouis en 2001 a été active plusieurs années, conférence, exposition, mais son Président Hector Alvarez, toujours à la recherche de points d’appui culturels ou humanitaires en capacité de dynamiser la trop réduite association locale, semble l’avoir mise presque en sommeil désormais. Il reste pour la popularisation et la diffusion du journal Sahara Info, un groupe de correspondants dans la région de Figeac qui ne manqueront pas de se relancer dans l’action si nécessaire.

CLSPS L’association limousine CLSPS, est née indirectement de la volonté du Représentant du Front Polisario en 1996 de décentraliser en province des antennes, à la manière espagnole, afin de multiplier leur présence. La France n’est pas l’Espagne, tant pour le rôle des régions ou des autonomies que pour les moyens dont disposent les mouvements de solidarité respectifs. Mais cette première tentative en France eut une retombée positive dans le Limousin où la présence

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d’une jeune femme enthousiaste, Sdigga Brahim, emporta l’adhésion de quelques- uns qui créèrent ce comité en 1998. Présidé par Alain Dauger, le comité limousin a développé ses activités d’abord autour de l’accueil d’enfants. L’accueil familial a été privilégié, faute du soutien financier de Limoges. Le noyau initial du comité a transformé cette difficulté en un formidable atout, la recherche et la mobilisation de nombreuses familles favorisant son élargissement et sa capacité à monter ses propres projets. Chaque premier mercredi du mois le comité tient réunion pour travailler à la fois sur l’actualité internationale et les solidarités locales et étroitement associer ses membres. Plusieurs centres de loisirs des villes du département de Haute-Vienne, sont également devenus partenaires et accueillent dans la journée les enfants. Partenariat qui rend indispensables les contacts avec les élus et les associations où se trouvent ces centres de loisirs. L’ensemble forme un réseau d’une belle efficacité, ayant donné au comité Limousin une assise locale et militante solide. « En ce début 2003, nous avons organisé deux soirées de solidarité. Un dîner-débat autour d’un très bon tajine a rassemblé une centaine de personnes, l’animation musicale qui a suivi, assurée bénévolement par les Dystonics’s a été vraiment appréciée. Un mois plus tard, nous avons fait salle comble à l’église de Boisseuil avec un programme original, les enfants de l’École de musique communale et les chorales des Compagnons du roseau et de Symphonia. Toutes ces prestations sont offertes et nous permettront cette année encore de prendre en charge voyage et partie du séjour des enfants sahraouis. Pour l’information, nous organiserons en mai une journée non-stop à Eyjeaux avec expo, diaporama et forum de discussion avec l’appui de l’école et des parents d’élèves » (CLSPS, article Sahara Info n° 121 janvier mars 2003) Depuis 5 ans cette situation a permis au comité de développer un projet culturel original s’appuyant à la fois sur la présence longue d’un groupe d’enfants et la grande complicité via Sdigga entre le Limousin et l’École du 27 février dans les campements d’où viennent chaque été les enfants. Avec l’appui financier du Conseil Régional, augmenté des collectes militantes, le comité a mis en place une classe de français à la disposition de l’école primaire du campement du 27 : construction d’un bâtiment et installation de son équipement à usage scolaire, rétribution men-

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suelle d’un enseignant de français et fourniture de matériel didactique et pédagogique. Cette école fonctionne et a déjà formé plusieurs groupes de jeunes à la langue française. Elle s’appuie sur le séjour en France pour la pratique de la langue, familiarité linguistique qui facilite le recrutement et le contact avec les familles françaises qui accueillent. Actuellement pour compléter le dispositif et répondre aux demandes du Ministère de l’éducation et des familles, le Comité limousin aide à l’installation d’une bibliothèque à côté de la classe de français. Cette question de la langue française est revenue depuis quatre ou cinq ans sur le devant de la scène. Les dirigeants sahraouis avaient hésité en 1976 sur le choix de la seconde langue d’enseignement, français ou espagnol? Les cadres sahraouis maniaient autant l’une que l’autre du fait du départ obligé de nombre d’entre eux au Maroc et en Mauritanie, suivant les contraintes de la colonisation espagnole ou du contexte régional, indépendance marocaine, guerre d’Algérie. L’argument de la langue coloniale pouvait s’effacer devant celui de la seconde langue dominante au Maghreb. C’est l’espagnol qui fut choisi. Aussi les enfants sahraouis dans les campements l’apprennent-ils à partir de la troisième année de primaire. Cet apprentissage scolaire est renforcé par leurs séjours fréquents en Espagne. Depuis 1995 des centaines d’enfants s’y rendent chaque été en vacances. Cette progressive montée en puissance permet en 2009, le départ de 9 000 gamins accueillis par des milliers de familles espagnoles. L’usage de l’espagnol est devenu indispensable dans les campements et s’est beaucoup élargi. En même temps, l’étude du français a été réintroduite dès la troisième année de scolarisation, dans les écoles primaires algériennes. Aussi, les jeunes Sahraouis, scolarisés dans leur majorité dans les établissements secondaires d’Algérie, ne disposent pas comme les élèves algériens, des premières formes de familiarisation avec la langue française, ce qui rend plus difficile leur adaptation et augmente les risques d’échec scolaire. Une première sensibilisation au français est donc désormais à l’ordre du jour dans les campements pour les dernières classes d’école primaire avant le départ en Algérie, ce qui impose de former rapidement des enseignants francophones. Dans ce contexte l’initiative limousine a été anticipatrice et vient d’être à l’initiative d’une ren-

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contre à Limoges sur l’enseignement du français dans les campements. (Limoges, colloque juillet 2009). Comme les autres comités, le CLSPS organise régulièrement des conférences et expositions. Il a fait venir en 2006, un artiste peintre sahraoui, dont les œuvres ont été accrochées dans la salle d’exposition de la ville de Saint-Junien. La couverture de presse élogieuse témoigna du succès de l’exposition. Le Président du CLSPS est également membre du CA de l’AARASD et contribue ainsi aux initiatives nationales. Il a, par exemple, représenté l’AARASD à la quatrième commission de l’ONU en octobre 2007 où il est intervenu comme pétitionnaire.

BLAIN ACCUEIL ENFANTS SAHRAOUIS Le comité de Blain en Loire Atlantique, Blain Accueil enfants sahraouis, est de création récente associé à l’accueil des enfants dans ce département et à la présence d’un noyau de personnes intéressées par le sujet à divers titres : recherches universitaires, séjours dans les campements pour faire de la formation, les jeunes dans ce comité, ont été moteurs entraînant amis et parents. L’un d’entre eux, Julien Dedenis a consacré ses recherches en géographie (maîtrise puis doctorat) à l’espace, devenu social, des campements de réfugiés et à l’étude géographique du phénomène des réfugiés. Le comité fonctionne d’abord autour de l’accueil, pendant 15 jours, de 10 enfants, sa spécialité en matière de ressources étant la fabrication d’un très bon jus de pomme s’appuyant sur les dons de pommes locales et l’accès gratuit à un pressoir ami. Il est vendu aux fêtes et rassemblements organisés par le comité ou par d’autres en Loire-Atlantique. Le comité de Blain, en même temps qu’il en bénéficie contribue à la dynamique de la Loire-Atlantique qui s’est illustrée en 2008 par l’organisation d’un voyage commun dans les campements et la préparation d’un projet à l’initiative de deux jeunes étudiantes en animation. Elles ont donné à l’accueil 2008 une touche originale avec une petite création théâtrale préparée au 27 février avec les adolescents sahraouis accueillis dans le département. Leur autre grande chance 2008 fut l’invitation lancée par Manu Chao, afin qu’ils assistent à l’un de ses concerts sur la côte atlantique, à Saint-Brévin. Souvenir sans doute inoubliable pour ces jeunes qui sont

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montés sur scène avec le drapeau de la RASD et qui ont longuement échangé avec le chanteur, à la suite du spectacle. Présidé par Jean-Luc Menuet, soutenu par sa femme, le comité compte de nombreux adhérents qui contribuent à sa bonne assise locale. Depuis 2008, une nouvelle équipe municipale, de sensibilité de gauche est plus attentive à leur engagement et vient de hisser le drapeau sahraoui au fronton de sa mairie tout près du drapeau breton.

COMITÉ DE SAINT-NAZAIRE Toujours en Loire-Atlantique, le comité de Saint-Nazaire piloté par Bernard et Anne-Marie Lustière et Alain Hardy, est associé depuis plus de vingt ans à l’accueil des enfants et aux activités de la Plate-forme et contribue à une bonne prise de conscience des élus locaux.

LES NOUVEAUX COMITÉS Deux nouveaux comités viennent d’être créés, l’un en Rhône-Alpes en 2004 l’autre dans l’Essonne en 2006. À Roussillon, Marie Frison est devenue la grande ordonnatrice des solidarités avec les Sahraouis. D’abord en tant que directrice du Centre de loisirs de la ville et maintenant comme inspiratrice et une des responsables de l’Association Roussillon Solidarité Enfants Sahraouis ou SOLENSARH. Comme souvent le comité trouve son origine dans l’accueil des enfants et sa pérennité, 6 ans, mais il a développé un intérêt pour le sport en s’intéressant à la tenue du Marathon des sables qui se court chaque année en février dans les campements depuis 2001. Tracts, site internet relaient désormais l’information en France à l’initiative de ce comité. Première étape, trois français y participaient en 2008 alors qu’un seul en 2007 avait pris part à la course venant de Corse. Une nouvelle association vient d’être créée en mars 2009, « Les amis du peuple du Sahara occidental, l’APSO », aux ambitions plus larges, culturelles et politiques, qui s’efforce d’établir des réseaux, avec l’Afrique et le sud de la France (réseau sud). L’association de Massy est encore plus récente. Dès sa création en 2006, elle s’est distinguée par l’organisation d’un concert solidarité de très haute tenue pour fi-

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nancer l’arrivée des enfants. Elle a fait une petite pause en 2008 et a accueilli à nouveau dix enfants en 2009. Sa présidente Véronique Chabran, responsable dans le scoutisme féminin, au sein des Guides de France est à ce titre une ancienne de toutes les solidarités, emmenant avec elle mari et enfants dans ses différentes entreprises (camps d’été, aides à la formation, stand aux JMJ). Lors de la tenue de l’Assemblée générale de l’AARASD en octobre 2008, la création de deux nouveaux comités a été officiellement annoncée, l’un en Isère autour de deux villes, Grenoble et Vienne, l’autre en Provence avec deux pôles dans le Var et dans les Bouches-du-Rhône.

ERM PAYS-DE-LOIRE ET L’ASSOCIATION KAREEN MANE Aux deux extrémités de la France, dans l’Ouest et le Midi, deux associations locales peuvent être rapprochées car associées à une ONG. Elles travaillent régulièrement ensemble et la présentation de leurs activités pourrait très bien se décliner avec le chapitre humanitaire des ONG. Leur présence bien localisée en France et leur volonté d’être associées aux activités de la plate-forme peut expliquer leur place dans ce chapitre. À Rezé, c’est l’Association ERM-Pays-de-Loire et dans les Alpes de Haute-Provence, l’Association Kareen Mane. Dans les deux cas leurs animatrices sont engagées dans des projets qui leur imposent de rester de longues périodes dans les campements tout en ayant l’exigence de populariser la question de manière conséquente en France. Colette Blais, secrétaire de l’Association ERM-Pays-deLoire se souvient des conditions de sa découverte du problème sahraoui. « En février 1992, à la demande du député-maire de Rezé, Jacques Floch, je suis allée en tant qu’infirmière du Centre de soins municipal, dans les campements avec un médecin et un animateur santé de la commune, pour apprécier avec le ministère de la santé sahraoui quelle aide on pouvait leur apporter en matière de soins et de formation des personnels. Mission pilotée au niveau national par l’AARASD avec d’autres délégations porteuses de projets de formation des ensei-

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gnantes de maternelle et des personnels de crèches. À la suite de cette première mission, nous avons très vite accueilli d’avril à juin de la même année, trois personnes médecin, infirmier et sage-femme à Rezé et à Nantes. Stage sans doute trop vite organisé pour eux comme pour nous, il ne sera pas renouvelé et restera sans évaluation. Nous participons en 1994 à la délégation des 105, formidable expérience entre français d’abord et avec les Sahraouis, cette année-là, à la peine, avec de terribles inondations qui détruisirent partie du campement d’El Aïoun situé au bord d’un oued. En 1999, je décide de rejoindre l’ONG Enfants Réfugiés du Monde qui travaille sur place avec le Ministère de la santé sahraoui ». Avec Monique Baron, également infirmière à Nantes, qui deviendra Présidente de l’association, elles encadrent une formation du personnel infirmier, au moyen de deux missions d’un mois chaque année, en avril mai et en octobre novembre. Au travail de formation s’ajoute l’équipement de l’école d’infirmière, la maintenance de ses locaux, l’achat et le suivi de l’entretien d’une voiture. Depuis le début de leur intervention, elles ont formé et diplômé environ 150 infirmiers et infirmières. À partir de 2002, bénéficiant d’une réelle confiance des responsables santé de la RASD, elles s’engagèrent dans la constitution d’une spécialité gynécologique, avec la création d’une section de formation des sages-femmes. En dépit de la volonté des responsables santé, de médicaliser les conditions de l’accouchement, par tradition et manque de moyens, les accouchements continuent à être pratiqués par les matrones traditionnelles. Cette situation entraîne une importante mortalité maternelle et infantile, du fait également du manque de suivi des grossesses. Le bilan en 2009 est cependant encourageant : 21 sages-femmes sont formées réparties dans les dispensaires des daïras et dans les hôpitaux de wilayas. En conclusion, Colette Blais et Monique Baron s’indignent de l’absence de soins pour certaines pathologies, comme le cancer, et des pénuries alimentaires qui fragilisent, ralentissent la croissance des enfants et font aux vieillards des fins de vie difficiles. Elles reconnaissent en même temps que les Sahraouis des campements se plaignent rarement et s’efforcent de résister aux dures conditions de vie de la hamada par la force d’un courage peu commun. (Sahara Info n° 132-133 Octobre décembre 2005 « Un ministère au service des réfugiés sah-

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raouis » article rédigé par Colette Blais et Monique Baron sur leur expérience dans les campements). Elisabeth Peltier est partenaire de l’Association Kareen Mane. Comme Colette Blais, elle travailla à partir de 2000 en tant que bénévole puis consultante pour l’ONG nationale ERM. Sa place de formatrice en français et en culture générale lui permit d’entretenir une relation de confiance avec la responsable et les enseignants de L’école de formation des femmes de la wilaya de Dakhla. En 2002, la création de petites coopératives de production artisanale était envisagée et vivement souhaitée par de nombreuses femmes de cette wilaya. En même temps qu’elle quittait ERM, Elisabeth Peltier rencontra Danielle Mane, présidente de l’Association Kareen Mane, qui lui donnera les moyens de cette ambition partagée avec ses amies de Dakhla. Depuis, ses missions dans les campements n’ont pas cessé, deux par an de 2004 à 2008, qu’elle accompagne d’un acheminement régulier de matériel, collecté de manière bénévole auprès de partenaires privés (entreprises, commerçants) et institutionnels. Le coût de leur transport étant financé par l’UNHCR. Quel matériel ? « Depuis 2004 c’est près de 15 tonnes de matériel que nous avons acheminé vers Dakhla, en priorité les fournitures pour alimenter l’artisanat, laine, tissus, machines à coudre, et progressivement nous avons fourni des petits équipements pour le Centre des enfants handicapés, des livres pour le centre culturel, des médicaments pour l’hôpital et les dispensaires ». C’est ainsi qu’Elisabeth témoigne de sa présence devenue indispensable aux habitants. Elle a préparé et prépare de nombreux autres projets, soutien à l’apprentissage du français démarré en 2007, création d’une bibliothèque, appui aux recherches pédagogiques dans le centre pour handicapés ou pour la formation des jeunes. Elisabeth Peltier avec ces longs séjours réguliers dans les camps et une manière personnalisée d’y intervenir, est devenue une quasi-citoyenne de la wilaya, particulièrement attentive à la vie quotidienne des gens avec lesquels elle aime vivre. Tous ces engagements, artisanat, formation de publics très variés, place privilégiée des femmes, témoignent mieux que de grands discours des efforts, que font les habitants des campements et tout particulièrement les femmes pour sortir de l’assistance et de l’attente.

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L’attention aux Sahraouis et à leur devenir ne se limite pas au camp de Dakhla : en France elle s’applique à témoigner avec expositions, conférences dont rend compte la presse locale. Elle a créée ainsi dans le sud de la France un noyau amical qui devient relais de la lutte des Sahraouis pour leur liberté et leur indépendance. Son livre, souvenirs et engagements, publié en janvier 2009, à l’Harmattan Et pourtant, Dahkla existe, permet de mieux comprendre ce que sont les hommes et surtout les femmes de la hamada, réfugiées depuis trop longtemps.

AGIRabcd Difficile de classer l’ONG de retraités AGIRabcd dans laquelle Monique Roussel a pris des responsabilités, qu’elle consacra à l’enseignement du français dans les campements à partir de 2003. Elle n’a pas, à cette occasion, constitué de comité local exclusivement tourné vers l’appui aux Sahraouis mais la section Bourgogne de AGIRabcd se passionne malgré tout en priorité pour cette question, tant l’intérêt de Monique Roussel est communicatif. Les règles de cette ONG de retraités invitent cependant à la prudence pour tout ce qui pourrait toucher de près ou de loin aux questions politiques. Aussi Monique Roussel a usé de conviction et de patience pour faire admettre un projet plutôt atypique pour cette ONG. Depuis 2003, elle assure avec l’UJSARIO principalement dans la wilaya d’Aousserd deux sessions de formation à la langue française chaque année. Leur réalisation a fait intervenir une quinzaine de membres de l’association. Les stagiaires sont majoritairement des jeunes femmes dont quelques unes ont suivi de solides études universitaires en Algérie. Une des accompagnatrices des groupes d’enfants de l’été 2008 était une de ces jeunes femmes formée, dans ce cadre. En complément des formations dispensées dans les campements, AGIRabcd en 2007 et Kareen Mane en 2008 ont obtenu l’aide de l’Ambassade de France en Algérie pour financer une formation diplômante de trois semaines à Alger, pour leurs meilleurs étudiants. La demande évolue, Monique Roussel va donc dès cette année changer de partenaire en passant de l’UJSARIO au Ministère de l’Education pour aider à la formation académique et peut-être pédagogique des futurs en-

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seignants de français. Pourquoi dans ce cas de la Bourgogne évoquer un comité local ? L’engagement personnel de Monique Roussel dans l’association des Amis de la RASD et son implication locale vaut bien comité et permet de faire exister le soutien aux Sahraouis dans cette région.

LES ASSOCIATIONS DE JEUNESSE ET D’ÉDUCATION POPULAIRE Au centre des initiatives prises pour l’accueil des enfants, même si la plupart des comités locaux sont tout aussi concernés, se trouvent les associations de jeunesse. La volonté des animateurs de la Plate-forme solidarité avec le peuple sahraoui, au moment de sa constitution était d’intéresser à son projet le plus grand nombre d’associations de jeunesse. Plusieurs d’entre elles furent un moment partenaires comme la Jeunesse au Plein Air ou les CEMEA mais seulement trois d’entre elles adhérentes du CNAJEP et VVL ont participé de manière conséquente et sur la durée aux initiatives en faveur des Sahraouis. L’association des Francas, association créée à la Libération pour les loisirs et l’éducation populaire, est depuis des années le partenaire central d’une majorité de villes françaises pour l’encadrement des centres de vacances et les formations aux diplômes d’animation (BAFA, BAFD). Le partenariat avec cette association nationale était donc pour la plate-forme solidarité et l’AARASD d’une grande importance et se conjugua sur différents registres au niveau national. Ces relations n’ont pas eu de conséquence locale identifiée, sauf à Saint-Nazaire, où les responsables du comité local sont aussi des responsables Francas et ont ainsi favorisé des projets suivant leurs compétences. Ainsi des tentatives pas toujours abouties de former au BAFA des jeunes animateurs venant en France pour accompagner les enfants ainsi que la réalisation d’un livret franco-arabe de jeux toujours en usage dans les campements. Les Francas ont été associés à des projets éducatifs et de formation avec l’ONG, Enfants réfugiés du Monde et le comité de la Sarthe de l’association des Amis de la RASD. Ils se sont retrouvés également partenaires des comités locaux dans les centres de vacances ou de loisirs et à ces divers titres ont mené une réflexion in situ

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sur l’interculturalité et l’apport des échanges internationaux dans l ‘éducation populaire et les loisirs. « Avec les Sahraouis nos gosses les plus en détresse psychologique, en échec scolaire, oublient leurs propres difficultés. Dans la colo, ils se donnent la mission de les protéger, de leur ménager la meilleure place et par là ils se valorisent. Leur présence tempère la vie collective. Par exemple la vie de la colo en juillet est différente de celle d’Août qui accueille les Sahraouis. En Août on a un projet qui intègre en action les idées de respect et de tolérance et ces idées se mettent plus vite et plus facilement en place car il faut bien trouver des solutions dans les jeux, la vie collective pour intégrer des jeunes différents des nôtres, qui ne parlent pas la même langue. Pour les enfants arabophones, la rencontre est décisive. Une même origine géographique, des connivences culturelles deviennent des facteurs valorisants pour les jeunes Français d’origine maghrébine. Leurs compétences langagières sont pour une fois utiles et reconnues et cela confère à la langue arabe un nouveau statut, devenant objet de découverte et d’étude. » Carnet de l’association « Cultures et rencontres » Enfances, ateliers interculturels publié à l’Harmattan Paris en 2005. Les associations du scoutisme laïque ou catholique fonctionnant avec des équipes de bénévoles pour l’encadrement de leurs camps de jeunes ont de fait davantage vocation à favoriser la création de dynamiques locales engagées de manière spécifique pour soutenir la cause des Sahraouis. Le groupe des Éclaireurs de Loon-Plage déjà évoqués en sont le premier exemple. Leur activité n’est pas à réécrire, il faut cependant souligner l’originalité de la prise en charge de leurs groupes. Camp de toile dans des structures éclaireurs, autonomie du groupe, qui se suffit à lui-même pour la confection des repas, l’organisation du quotidien et auquel les Sahraouis, enfants et animateurs sont invités à participer. Un autre groupe éclaireur, localisé dans le Var, accueillit pendant trois années des enfants dans son centre et camp de vacances. Leur responsable, Tarik Belkhodja, fut volontaire pour pétitionner en 2005 auprès de la quatrième commission de l’ONU. Faute de moyens ils arrêtèrent pendant trois ans et ont repris en 2007, avec une petite équipe aux ambitions plus modestes adaptées à leurs possibilités. En 2008,

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ils ont décidé de créer un nouveau comité local de l’Association des Amis de la RASD, le Comité Provence associant des militants des Bouches-du-Rhône et du Var. Leurs projets sont immenses, à la dimension de leur générosité et de leurs convictions. Gilles, Djamila, Jérémie viennent justement de rencontrer d’autres citoyens de bonne volonté. L’AFASPA-13, des élus partis en février 2009 dans les campements ont organisé le départ en août 2009 d’une caravane de 7 conteneurs, « la caravane du ramadan », pour les campements. Avec eux des élus de Marseille, Nantes, Metz, Toulon, Paris, Lyon, Vierzon, Tours, Alfortville, Vitry etc, également membres actifs de la mission de février, ont depuis juin rassemblé matériel et dons pour réussir cette formidable opération(1). Réussite assurée avec l’appui de la solidarité algérienne, le Croissant Rouge et le Comité Algérien de solidarité avec le peuple sahraoui, présidé par Marhéze Lamari, présent sur tous les terrains de la solidarité. Le scoutisme catholique féminin s’est également engagé très tôt dans la Plate-forme solidarité, proposant un accueil de fillettes dans des camps de Jeannettes. Pendant quatre années, l’accueil fut géré au niveau national, le choix du lieu se décidant en concertation avec un groupe local volontaire, dans les Pyrénées, à Orléans, à Vervins, à Marseille et les responsables nationaux. Le coût des voyages étant pris en charge par le collectif plate-forme. Le numéro, spécial enfants, du journal Sahara Info de janvier 2001, intitulé Un enfant, une ville reprenait l’écho d’un accueil de l’année 2000 à l’initiative du scoutisme féminin catholique de la région Centre. Leur témoignage sans façon raconte avec subtilité et générosité le quotidien d’un accueil d’été, dans lequel beaucoup pourront se retrouver. « D’un campement à l’autre, d’abord il y a eu l’attente, se préparer pour accueillir et cet avion qui n’arrive jamais. Un grand jeu dans une école, un voyage en autobus… Selma qui n’enfile pas ses chaussures et pourtant les bogues ça pique ! Ni Fatou ni Magali n’aiment faire la vaisselle. Aïchana raconte ses secrets à Marion. Leila préfère scier Plusieurs associations sont engagées dans la préparation de cette caravane: AARASD et AFASPA/Marseille, SCHEBA, Enfants de la Méditerranée, Femmes de la Méditerranée, Ensemble pour l’avenir, les Mariannes. A leurs côtés les dockers du port de Marseille. (1)

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du bois avec les Dauphins et Soukina comme Sophie n’aime pas la ratatouille mais lui préfère le chocolat ! Et puis encore jouer au ballon, apprendre à nager, chanter ensemble, apprendre une danse, vivre ensemble, avoir peur de l’orage, cuisiner sous la pluie… grandir ensemble ! tant de souvenirs. Pour nous le Sahara n’est plus un point sur la carte » Elles s’appelaient Violette et Anne-Laure et étaient « cheftaines jeannettes » en 2000. Cet engagement prit davantage de relief sous le mandat de Claude Mangin comme Commissaire générale des Guides de France venant de l’ONG CCFD : elle connaissait bien la question et s’y intéressait de près. Elle organisa en juillet 2001, dans les Alpes-de-Haute-Provence, à Mélan, site de leur camp national, un forum international sur les relations nord sud, auquel elle invita des responsables sahraouis, tout en organisant un accueil d’enfants dans le camp international de jeunes. L’atelier consacré à la paix fut animé par Khadija Hamdi, chargée de la culture à l’UNFS. Ce fut un moment très amical, fraternel où toutes la nationalités présentes se retrouvaient dans une même recherche pour un monde meilleur. Le Père Loïc, prêtre missionnaire des Oblats qui revenait d’une drôle d’aventure au Sahara occidental, « chassé » par les autorités marocaines pour trop de contacts avec la MINURSO ou avec les Sahraouis, y était présent. Vieux monsieur plein d’humour et d’humanité qui voue une amitié sans réserve au peuple sahraoui. (Récit de son expulsion dans le Sahara Info n° 103 août octobre 1998) Cependant ces initiatives avaient du mal à s’enraciner localement autour d’un possible comité avec relais Guides de France. Le mérite en revient à Isabelle Marmet, qui réside à Grenoble et à son amie Thérèse Guyard qui ont organisé un accueil d’enfants dans leur ville depuis quatre années. Une dynamique s’y est installée, avec familles d’accueil et partenaires associatifs permettant un engagement financier et humain qui en assure la pérennité. L’existence de ce noyau associé au scoutisme favorise une attention des élus locaux, de même presse et radio s’en font régulièrement l’écho. Le passage d’un engagement national de principe à une démarche de fond s’explique par la part que des responsables Guides de France ont prise dans des formations à l’animation et à l’éducation des jeunes des campements. Histoire singulière qui, depuis huit ans, implique le scoutisme fémi-

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nin et quelquefois la hiérarchie catholique. Elle a toute sa place dans le chapitre consacré aux activités des ONG. Cependant l’équipe constituée autour d’Isabelle Marmet vient de décider de se constituer en comité local de l’AARASD, structure correspondant mieux désormais à leur exclusif engagement en faveur des Sahraouis. La création de ce nouveau comité à Grenoble coincide avec la signature d’un contrat d’amitié et de coopération de la ville de Grenoble avec Jdéria. Les élus de Grenoble par un long détour et grâce à l’engagement de la société civile, ont ainsi renoué avec une solidarité plus ancienne, puisqu’ils avaient accueilli en 1982 dix enfants en août et septembre. Ce départ vers les campements des Guides de France a commencé en février 2002, avec une première expérience de formation destinée à un public plutôt original. Cette aventure ne sera pas renouvelée à l’identique mais mérite d’être présentée pour éventuellement donner envie à d’autres de reprendre le modèle. Le Sahara Info n° 119 de septembre 2002, en fait un long compte-rendu. Cette histoire peut être associée à celle des dynamiques locales car elle raconte l’équipée de huit jeunes de Roubaix qui avaient en projet de créer un comité de soutien aux sahraouis. La volonté était d’abord de formation à l’interculturel, en assurant une préparation BAFA à un public hétérogène, quatorze Français avec huit jeunes de Roubaix, d’origine algérienne, du quartier des Trois Ponts et six jeunes venus du scoutisme, trente Algériens(1) et cinquante-sept Sahraouis. Jeunes et formateurs se sont retrouvés dans les campements pour suivre ou mener cette formation. L’expérience fut un peu difficile, langue, habitudes différentes, objectifs de formation pas toujours compris. Mais pour les jeunes gens de Roubaix, qui ne connaissaient rien d’autre que leur quartier, la découverte de leur pays d’origine à travers le prisme sahraoui, qui leur permettait de revivre symboliquement la lutte de libération de leurs pères, fut sans doute un moment inespéré. Aussi, dès leur retour, les jeunes voulurent remercier en accueillant des jeunes sahraouis, le projet fonctionna une année et le contact se perdit peu à peu, faute de moyens ? Perte de motivation ? Ces trentes algériens appartenaient à trois associations partenaires du CCFD : FEDA, Touiza, et le Foyer des Jeunes d’Hydra.

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Deux autres personnalités des Guides de France sont engagées depuis ce premier départ de 2002, Eva Tisseyre et Catherine Hugues, toutes deux animatrices d’un groupe de jeunes handicapés Les Optis. Depuis cette date, elles continuent à prendre part aux actions de formation dans les campements et ont en outre organisé à trois reprises des accueils de jeunes handicapés. « En août 2002 et 2008, nous avons accueilli pour trois semaines huit jeunes handicapées mentales avec quatre accompagnateurs, et en mars 2005, nous avons réalisé le défi inverse, quinze jeunes handicapées françaises et six accompagnatrices partaient pour Tindouf avec 700 kg de bagages » Témoignage de Catherine Hugues. À Montpellier, Eva Tisseyre maintient une information régulière et avec l’appui des structures de type collectif Tiers Monde a animé soirée et conférences en 2005. Elle est membre du bureau de l’AARASD.

SERVICE ENFANCE DE NANTERRE Pourquoi traiter à la suite des associations de jeunesse le service enfance de Nanterre ? L’accueil des enfants y existe depuis une dizaine d’années, mais n’a pas entraîné la formation d’un groupe local décidé à exister en tant que tel. Les élus, de leur côté, sont attentifs aux aspects politiques de la question et ont délégué en 2007, le maire-adjoint chargé des Relations internationales, Gérard Perreau-Bezouille, en mission dans les campements. C’est rendre hommage à ce service et à ses fonctionnaires ou animateurs que de les rapprocher des associations de jeunesse, tant ils disposent de moyens dont ils usent avec intelligence et attention pour préparer au mieux l’accueil des enfants sahraouis. L’histoire a commencé avec deux jeunes animatrices, Jeanne Denzler et Laétitia Vipard, qui ont pris cet accueil avec un tel sérieux qu’elles en ont fait des projets, obtenu des fonds pour envoyer du matériel dans les campements, rédigé un mémoire etc. Leur engagement se déclina ensuite à titre personnel et se poursuit encore aujourd’hui. Elles inauguraient la grande attention du service enfance à la suite de son directeur, Didier Ostré, à qui revient la proposition soumise aux élus de démarrer ces séjours. Depuis quatre ans, une équipe solide avec Christine Foly et Pascal Limé, a pris le relais pour préparer au mieux les vacances des

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jeunes Sahraouis. Voyage en avril sur place avec une équipe médicale et un animateur pour faire la connaissance des enfants, de leurs familles, apprécier au plus près les besoins sanitaires, choix du centre de vacances, etc. L’accueil des enfants n’est pas le seul positionnement de Nanterre, qui prête ses salles, aide à des conférences et s’adresse aux autorités de l’État, avec une personne relais précieuse, un des fonctionnaires chargé des dossiers internationaux, Patrick Pochet. Comment ne pas évoquer le cruel accident de voiture, survenu le 8 mai 2009, sur le « goudron » entre Dahkla et Smara, qui a coûté la vie à Patrick Pochet, en mission de préparation des accueils 2009, et à la monitrice sahraouie, Raïa Lemrabet Zérug, chargée d’accompagner le groupe qui allait à Nanterre. Typhaine Maury qui les accompagnait, tous revenaient d’un festival de cinéma, n’a pas survécu non plus à l’accident. (Sahara Info n° 147 avril juin 2009).

UJSARIO Les jeunes des campements sahraouis sont les partenaires qui organisent le départ des enfants vers l’Europe. L’organisation de la jeunesse a évolué au cours de ces trente ans s’adaptant de manière pragmatique aux besoins des campements et au nombre de plus en plus important des enfants et des adolescents. Deux instances en 2008 existent, l’UJSARIO, Union de la jeunesse sahraouie de la Saguia El hamra et du Rio de Oro et le Secrétariat d’État à la jeunesse. L’UJSARIO émanant de la fusion en 1984 de la jeunesse du Front Polisario et de l’Union générale des Etudiants sahraouis. Une forte personnalité domine ces deux instances, Mohamed Mouloud Fadel, ancien Secrétaire général de l’UJSARIO devenu Secrétaire d’État à la jeunesse à la création de ce nouveau secrétariat. Membre du Secrétariat national du Polisario, c’est un des nouveaux cadres du Polisario formé en Algérie. Son pilotage de la sortie de 9 000 enfants chaque été, sa vision lucide des difficultés des jeunes à trouver leur place dans les camps et sa volonté de trouver des solutions, lui confèrent un rôle de premier plan dans la société des campements et dans les coopérations à l’étranger. Longuement interviewé par le réalisateur du film La république en exil, en 2007, il soulignait son souci particulier de créer des activités pour les jeunes, pour

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ceux revenus d’Algérie trop tôt et en échec scolaire ou pour ceux revenus bardés de diplômes, qui ne trouvent pas à s’employer et dont la tentation est de poursuivre formations et spécialités et justifier ainsi un nouveau départ à l’étranger. Depuis le départ de Mohamed Mouloud vers le secrétariat d’état c’est Moussa qui assure le secrétariat de l’UJSARIO avec des relais dans chaque wilaya pour la mise en activité de centres de jeunes.

ENGAGEMENTS SYNDICAUX Comment classer les engagements syndicaux, qui s’expriment soit en direct soit via les engagements sociaux et internationaux des Comités d’entreprise et pourquoi les associer aux dynamiques locales associatives ? Les centrales syndicales, la CGT en premier lieu, mais également la CFDT et la FEN ont depuis le début du conflit soutenu la lutte de libération des Sahraouis et le Front Polisario. Ce soutien syndical prit essentiellement deux formes, motions de soutien aux Congrès et soutien matériel : aide financière directe ou appui aux initiatives d’autres, comme le Secours Populaire, ainsi l’aide de la CGT, dès 1977, dans la collecte et l’acheminement de milliers de mètres de tissus pour monter des tentes ou habiller les enfants. Pourtant, en 1977, la CGT et son Secrétaire général Georges Séguy, de passage à Alger, étaient mis en cause par les communistes marocains du PPS pour leurs positions erronées. (Le Monde du 25 mars 1977) El Bayane, l’organe de presse du PPS écrivait à l’époque : « la grande centrale ouvrière française s’est fourvoyée dans les rets du pouvoir algérien […] il en résulte une situation invivable pour les travailleurs marocains en France, qui, se reconnaissant dans la CGT, n’accepteront jamais que soit remise en cause la justesse de la lutte populaire en faveur du retour du Sahara spolié à la mère patrie, ces derniers ne pouvant comprendre que la centrale syndicale s’arroge le droit arbitraire de mettre en contradiction leurs intérêts nationaux et leurs intérêts de classe ». Cette longue citation d’un article, d’une presse royale classée à gauche en 1977, mérite qu’on s’y arrête. D’abord parce que l’organe du parti communiste marocain et ce parti lui-même ont toujours les mêmes positions nationalistes, certains les ont même classés plus roya-

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listes que le roi. Rien ne semble pouvoir les convaincre d’en bouger, ni la lutte de 33 ans des Sahraouis ni l’actuel soulèvement populaire dans le Sahara sous contrôle marocain. Leur ingérence dans les choix du syndicalisme français au nom des intérêts nationaux de salariés, certes d’origine marocaine, mais résidant en France est étonnante. Elle a cependant eu de réels effets sur la position de la CGT et sur celles des autres centrales syndicales rendues prudentes par les amicales pressions de leurs mandants d’origine marocaine. La situation est depuis quelques années éclaircie, l’ingérence étant soit moins effective soit moins supportée. Il reste que le pouvoir marocain continue via ses consulats ou amicales à tenter de fermement contrôler ses ressortissants et à les inviter à manifester de manière vive et spontanée de leur attachement à la marocanité du Sahara. Les occasions ne manquent pas en Belgique, en France où chaque débat annoncé publiquement fait l’objet d’un intérêt tonitruant de la part de petits groupes venus en commando, manifester pour la marocanité du Sahara. Leurs effectifs sont cependant peu élevés et réunissent plutôt des habitués attentifs à plaire à leurs autorités consulaires. Des militants CFDT ont animé un comité, le Groupe Afrique à Marseille, les fédérations syndicales ont également contribué aux initiatives prises lors de la présence des enfants sahraouis en 1980 et en 1982. Mais l’intérêt porté aux questions internationales au sein des centrales les plus politisées, comme les deux centrales ouvrières et les syndicats enseignants, se distendit peu à peu et se perdit l’usage des motions internationales de fin de congrès. La référence au soutien au Polisario disparut presque totalement des préoccupations syndicales. L’engagement humanitaire permit de reprendre de modestes contacts à travers les Comités d’entreprise. Celui d’une banque d’abord, la BNP, qui, à travers son secteur centre de vacances, accueillit de nombreuses années un groupe d’enfants chaque été. Cette initiative généreuse dans sa conception – un CE disposant de moyens et de place dans ses centres voulant faire partager à des réfugiés un moment de vacances – fut à terme un peu courte. Cet accueil strictement circonscrit à une prise en charge matérielle et pédagogique des enfants, ne fut pas apprécié par les animateurs adultes, voire par les enfants. Isolés dans un beau centre de va-

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cances, sans contacts avec l’extérieur, sans trouver d’intérêt bienveillant pour leur histoire, enfants comme adultes trouvaient le temps bien long. Se retrouve dans cette situation toute la complexité d’un tel accueil. Il faut à la fois préserver la dimension vacances et détente de ces séjours en s’interdisant par exemple des séjours trop courts dans chaque lieu d’accueil qui ne permettent pas aux enfants de s’installer, de s’approprier lieux et gens. Mais les enfants comme leurs animateurs ne sont pas ignorants de leur situation de réfugiés, ils se sentent ambassadeurs, ont appris des chansons ou composé des saynètes qu’ils souhaitent montrer et ils attendent de ces voyages en Europe une attention à leur situation. Ce n’est pas instrumentaliser leur présence, mais respecter leur dignité et leur aspiration à témoigner avec des manières propres à des enfants de 8 ou 10 ans. La mise en œuvre de cet équilibre dépend ensuite des situations locales et des sensibilités des responsables. Au cours de l’été 2008 par exemple, les Éclaireurs de Loon-Plage toujours à la pointe de la mobilisation sont sortis avec foulards et drapeaux sahraouis à chaque occasion. La police de Normandie n’a pas toujours apprécié et les a traités avec rudesse. Les éclés ne se sont pas laissés impressionner, ont écrit à Monsieur Sarkozy, qui, semble-t-il, leur a fait répondre. Cependant, tous les groupes ne font pas défiler les enfants dans l’espace public mais organisent réceptions et fêtes dans des espaces privés qui remplissent également leur rôle de popularisation. Depuis 2002, un ensemble de Comités d’entreprise de sociétés privées ou publiques de Gironde, l’INTER-CE de Bordeaux, en accueillant un groupe de dix enfants sahraouis ont redonné une nouvelle dimension à l’engagement syndical. Tout a commencé au festival des Nuits Atypiques de Langon en Gironde qui entremêle au mois d’août musiques du monde, conférences, stands militants. Son directeur, Patrick Lavaud y invita les Sahraouis et l’Association des Amis de la RASD avec une troupe de musique, un ensemble acoustique de quatre femmes. Comme à son habitude, il s’était rendu sur place pour connaître en direct une question, celle des réfugiés sahraouis, à qui il souhaitait offrir la tribune de son festival. Cette tribune fut ma-

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gnifique ! Concert, conférence, stand recherché, en présence de Danielle Mitterrand venue en voisine de Latché et de Khadija Hamdi, responsable culture à l’UNFS qui retrouvait Madame Mitterrand après leur première rencontre au Sénat en 1993. En même temps, un petit groupe d’enfants était accueilli dans le village voisin de Verdelais. L’INTER-CE de Bordeaux (CMCAS, CE CONNEX, CE SNCF, CCE Caisse des dépôts et consignations), qui tenait également un stand, se passionna pour nos débats et s’intéressa à ces enfants du désert. Les responsables présents les embarquèrent pour un dimanche piscine, et dès l’année suivante, reçurent dix enfants pendant sept semaines. En 2009, c’est la septième année que cet accueil syndical est organisé. C’est la CGT qui pilote l’ensemble et a pris la responsabilité humaine et politique de cette solidarité. Le modèle d’accueil est à beaucoup d’égards voisin des autres. Les différents CE proposent des séjours dans leurs centres de vacances, organisent auprès de leurs mandants et de leurs familles des accueils familiaux, diffusent dans leurs journaux des infos à la fois sur les accueils et plus généralement sur la situation politique. La coordination et le suivi revient à un permanent syndical de la CMCASGironde, Monsieur Christian Maguet, qui avec la complicité des animateurs de l’été, Olivier Perriolat, puis Christine Solai, a fait en sorte que ces multiples engagements soient coordonnés et existent dans la durée. Chaque séjour donne l’occasion de réunir autour des enfants et des familles d’accueil, les élus syndicaux des quatre entreprises. En 2008 la présence du Représentant du Front Polisario, Omar Mansour et celle d’un élu national de la CONNEX-VEOLIA venu en sympathie et en appui aux élus locaux, a donné à cette réunion au bord de l’océan une profondeur d’engagement qui invite à faire davantage en direction des syndicats et donc des salariés. C’est un intérêt en effet réciproque. Pour les Sahraouis et le Polisario, c’est élargir les bases d’une solidarité populaire tout en informant les salariés syndiqués d’un conflit très ignoré, pour les responsables des œuvres sociales des comités d’entreprise c’est introduire dans les activités vacances un supplément de valeur et des occasions d’engagements.

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Plusieurs pistes ont déjà été explorées au-delà de l’accueil estival des enfants, abonnement systématique des centres EDF-GDF à Sahara Info – 25 abonnements pour le département de la Gironde – projet de tourisme solidaire pour les salariés de la Caisse des Dépôts et Consignations sur les chemins sahraouis des territoires libérés, aide à l’électrification des équipements publics de la wilaya de Smara etc. Le Sahara Info n° 134 de janvier mars 2006, a consacré aux relations UGTSARIO syndicalisme européen plusieurs papiers, suite à la réunion organisée à Rome par la CGIL (un des principaux syndicat italien). La revue de la CGT en rendit également compte dans son numéro de décembre 2004 (Le Peuple n° 1604 15 décembre 2004), donnant, par la voix du chargé de missions Europe/International, Jean Jacques Guigon, l’occasion à ses lecteurs de redécouvrir un conflit oublié. À Bordeaux également Mohamed Cheik, responsable de l’UGTSARIO, fut invité au Congrès départemental de la CGT en 2005. Cet engagement a également porté ses fruits auprès de l’ONG, L’Avenir Social, proche de la CGT, qui vient d’équiper en matériel de reproduction la salle d’édition de l’UNFS, installée au centre culturel du 27 février. L’accueil des enfants en Gironde commencé avec un festival de musique, est resté fidèle à cette tradition : les responsables emmènent chaque année le groupe à un autre festival girondin, celui d’Uzeste où se retrouvent autour de Bernard Lubat et de Marc Perrone les passionnés de jazz dans un festival de village. Les enfants qui y ont quelquefois chanté, s’y sont taillés de beaux succès.

À NOUVEAU, LE MANS ET GONFREVILLE Les deux comités associés aux jumelages, celui du Mans et celui de Gonfreville ont déjà été largement évoqués avec les dynamiques urbaines. Il convient d’y revenir car leur lien fort avec la ville jumelée ne leur interdit pas initiatives et activités autonomes. À l’équipe du comité de jumelage de Gonfreville, la responsabilité de l’accueil des enfants dans les familles, celle de l’organisation des missions dans les campements et des coopérations avec le campement jumelé de Jréfia. Chaque

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année, des responsables du comité s’y rendent pour suivre le départ des enfants et les projets d’aide : réalisation d’un film, aide financière à la mise en route de jardins familiaux, appui à l’école, etc. Mais le plus important est bien sûr la proximité humaine de toutes ces personnes qui se rencontrent, s’estiment et partagent les mêmes valeurs. En 2009, ce jumelage atteindra un âge respectable, 15 ans. Les rapports du comité de la Sarthe et de la ville du Mans sont un peu différents. Le comité de la Sarthe existait avant la signature du contrat de jumelage et fut toujours distinct du comité de jumelage du Mans devenu en 2001 commission municipale aux relations extérieures. Après la signature du jumelage, le comité poursuivit des activités spécifiques tout en pouvant être associé aux initiatives prises par la ville. C’était sans doute aussi la volonté des élus qui jugeaient prudent de ne pas confondre, jumelage solidarité et engagement associatif en faveur d’une lutte de libération. La coïncidence d’une reconnaissance officielle et d’un comité actif a rendu possible des initiatives inédites en France, car à la fois chargées d’une dimension institutionnelle toujours utile aux sahraouis en recherche de reconnaissances et d’une dimension militante ouverte vers la société civile et porteuse de la lutte d’un peuple. La Conférence européenne tenue au Mans en 1991, revendiquait bien ces deux aspects. Il faut cependant modestement remarquer que rien n’est jamais acquis. Les Sahraouis disparus depuis longtemps de l’actualité régulière et télévisuelle doivent toujours être redécouverts. Une chronique locale irrégulière ne suffit pas à les maintenir dans les mémoires. Ne s’en souviennent bien souvent que ceux qui ont été associés aux initiatives avec intérêt voire bonheur. La création d’une pièce de théâtre, les 3 et 4 octobre 1986 dans la grande salle du Palais des Congrès et de la Culture, a déjà été rapidement évoquée avec l’histoire du jumelage. Pourquoi y revenir ? Parce qu’il s’agit de culture. Les Sahraouis ne sont pas seulement préoccupés aujourd’hui de faire appliquer leur droit à s’autodéterminer pour enfin rentrer chez eux mais sont également attentifs à préserver leur patrimoine culturel, devenu enjeu politique pour les autorités marocaines. Cellesci, après l’avoir nié voudraient maintenant se l’approprier. En 1986, la création d’un spectacle mêlant, théâtre, musique et danse, adapté du roman de J.M.G. Le Clézio, Désert, représenta une formidable tentative cultu-

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relle et militante pour exprimer de manière sensible l’identité d’un peuple à travers sa culture et son histoire. « Ce spectacle est né de rencontres et d’amitiés. Les fils des nuages étaient les nomades sahariens à la recherche des pluies, promesse de pâturages. Les Sahraouis sont fils des nuages, en guerre pour que leur terre redevienne libre », présentation du spectacle dans le programme 85-86 du Palais des Congrès et de la Culture. Le Théatre de l’Enfumeraie, jeune troupe mancelle, aux fortes convictions prit tous les risques pour monter ce spectacle, d’une dimension nationale. Demi-succès ou demi-échec, la piéce, Les fils des nuages, qui méritait de tourner dans toute la France, ne fit qu’une tournée écourtée après Le Mans, en région parisienne et à Lille, faute d’appuis et de financements suffisants et ne put créer ce déclic tant souhaité en direction de l’opinion. Cet effort que le montage d’un tel projet mobilisa ne fut pas renouvelé. Il témoigne de la faible place occupée par les Sahraouis dans l’imaginaire ou la sensibilité de nos concitoyens et des trop faibles moyens dont on peut disposer en France. L’expression culturelle sahraouie s’exprima plus directement avec la présence de troupes de musiciens venus à plusieurs occasions à Paris, dans les villes amies et dans plusieurs festivals (Nuits atypiques de Langon et Escales de Saint-Nazaire). Mais comme pour la création théâtrale, l’ampleur n’est pas au rendez-vous. Manque de moyens, prudence, réticence des décideurs culturels, les musiciens et musiciennes sahraouies en dépit de leur talent et de l’originalité de leurs créations n’ont jamais été diffusés au plus haut niveau en France à l’instar d’autres groupes assez voisins comme les groupes maliens ou touaregs. L’enthousiasme exprimé par Manu Chao, à chacun de ses concerts, pour le peuple sahraoui fera-t-il enfin mouche ? Il faut aussi remarquer, en s’en félicitant, le peu d’empressement des responsables et des intellectuels sahraouis à se compromettre avec les formes de sous cultures aux accents coloniaux, associées au désert et aux hommes bleus. Ce qui leur permet depuis trente ans de défendre une identité culturelle maîtrisée, dont ils mesurent aujourd’hui l’importance dans leur confrontation avec les convoitises marocaines. En Espagne, l’ancienne métropole, les artistes, le cinéma sont attentifs et se mobilisent volontiers pour une création, un soutien. Ces formes-là peuvent-elles passer les frontières?

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L’autre épisode passionnant d’une action propre du comité de la Sarthe, s’appuyant sur l’officialité du jumelage, fut la formation de six enseignantes sahraouies dans une institution de la République, l’École Normale du Mans, avant qu’elle ne se transforme en Institut Universitaire de Formation des Maîtres. Cet épisode fit travailler ensemble des mondes bien différents. La formation fut assurée par les enseignants formateurs du Mans, ici et dans les campements, l’appui humain et matériel de la ville se concrétisa, entre autres, avec le prêt d’un logement gratuit. Les membres du comité, quant à eux se préoccupèrent, de manière bien généreuse, du bien-être des stagiaires. L’engagement financier du Ministère des Affaires étrangères accordant des bourses, la rendit vraiment possible. Cette formation dura six années, de 1991 à 1997, mais dut s’interrompre avec la transformation de l’École Normale en Institut Universitaire, les enseignements ne pouvant plus s’adapter aussi aisément. Il en reste une expérience singulière, d’un point de vue politique d’abord, avec l’existence de fait et de droit d’une coopération entre les Sahraouis et l’Education nationale dans un département, ce qui impliquait la bienveillance de l’Inspecteur d’Académie, des directeurs d’écoles concernés, des enseignants, des Inspecteurs primaires. Expérience humaine aussi tant la présence de ces enseignantes sahraouies restant deux à trois années dans la Sarthe fabriqua des amitiés et conduisit les formateurs engagés à donner le meilleur d’eux-mêmes. (Sahara Info n° 95 janvier avril 1996 : émouvant témoignage d’Hélène Lacombe, professeur, qui permet de retrouver tous les protagonistes). On peut en tirer un bilan. Les enseignantes formées ne sont pas toutes devenues institutrices à leur retour. Trois d’entre elles sont tour à tour parties en Espagne vers d’autres métiers d’exil plus précaires, deux sont actuellement en poste, comme directrice d’école maternelle et comme formatrice conseillère pédagogique dans les campements et une troisième a préféré prendre un poste de responsabilité dans l’administration. Le premier aspect a été l’apprentissage du français, puis l’ouverture possible à un autre monde, à une autre culture, à la générosité des Sarthois qui les accueillaient, ce qui rendait plus complexe la représentation de la France, d’abord connue pour ses avions jaguars.

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L’essentiel aurait dû être la formation pédagogique pour l’enseignement en école maternelle. On en fit sur le moment des bilans très positifs ! Il faudrait aujourd’hui interroger les intéressées. Les formations dispensées dans un tel centre n’étaient-elles pas trop éloignées des cultures initiales de ces jeunes femmes ? À leur retour, les conditions d’exercice de leur métier étaient si différentes de ce qu’elles avaient vu en France, que la difficulté de mise en œuvre, a du bien souvent leur sembler insurmontable. L’une d’entre elles, El Boun, revue en décembre 2008, contredit un peu cette analyse ! Directrice de l’école maternelle de sa daïra, elle m’a assuré retourner régulièrement à ses classeurs du Mans où elle retrouve utilement des types d’exercices et d’activités qu’elle met ici en œuvre. Retrouvailles chaleureuses avec une amie que j’interrogeais sur son parcours, histoire individuelle significative de l’histoire d’un peuple. Cette jeune femme enseignante, mère de quatre enfants, deux garçons et deux filles de 11 à 5 ans, est née en 1970 à Guelta-Zemmour « dans une tente noire tissée avec le poil de chameau, insiste-t-elle, dans le petit frig (campement) où se trouvait mon père éleveur de chèvres et de chameaux. Il nous a vite quitté pour s’engager en 1974 dans la petite armée sahraouie et est mort en Mauritanie quand j’avais à peine 6ans, la même année que El Ouali. Avec le reste de la famille on habitait tout près de Rabouni, j’ai eu la chance de faire l’école primaire tout près de ma mère et n’ai été obligée de la quitter que vers 13 ans pour aller en Algérie au collège d’Aflou. À la sortie du lycée j’ai fait un stage de 3 mois en France, à Villejuif, puis trois années plus tard en 1992, une formation de deux années à l’École Normale du Mans. Nous sommes ici à Aousserd en famille, ma mère, mes sœurs et neveux et nièces. Mon mari tient un petit commerce où il vend de tout, mais c’est vraiment difficile : il y a maintenant trop de commerçants et pas beaucoup d’argent, et en même temps l’aide alimentaire n’est jamais suffisante. Salek, mon fils aîné, est accueilli depuis trois ans dans la même famille espagnole qui nous aide bien et lui assure au moins chaussures et vêtements pour toute l’année. En septembre il a commencé le français en 6e dans le nouveau collège d’Aousserd et ira l’an prochain en Algérie. » El Boun, comme le sont toujours les Sahraouis, est discrète, même avec les amis, sur ses difficultés. La prochaine échéance de ce mois de décembre c’est d’être en mesure de fêter l’Aïd

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et d’acheter l’indispensable mouton même en faisant des dettes. Alors l’avenir ce sont ses quatre enfants, à quoi rêvent-ils ? Salek, l’aîné veut devenir pilote d’avion, ça tombe bien il est bon en maths, Dhaba la deuxième, 9 ans, veut, elle, devenir infirmière, quant à Khadija, 7 ans, elle a comme projet d’apprendre le maquillage et le dernier âgé de 5ans, Mohamed, rêve d’être policier ! Leur passage à l’École normale du Mans était ainsi l’occasion de réfléchir à la pertinence des formations à l’étranger, aux limites de l’exportation culturelle et professionnelle. Toutes questions qui se posent encore aujourd’hui tant dans les formations culturelles à travers les cursus BAFA, que dans les formations d’infirmières ou dans l’enseignement du français. Il faut mieux séparer politique et formation pour ne pas reproduire certains écueils observés au Mans et dans ce cas, privilégier les formations culturelles et professionnelles dans les campements, en réservant les séjours à l’étranger aux études plus académiques. Ce qui se fit plus tard avec une présence régulière d’étudiants boursiers (au Mans, à Saint-Nazaire et dans plusieurs universités françaises). Présence possible du fait de l’engagement public français et de l’ouverture de bourses universitaires à plusieurs étudiants sahraouis chaque année. Cet engagement du ministère des Affaires étrangères pour la formation d’étudiants est complété chaque été, depuis l’année 2000, par le versement d’une subvention émanant du service culturel de l’Ambassade de France en Algérie en appui aux projets associés à l’accueil des enfants sahraouis. Appui financier qui s’applique à d’autres domaines, enseignement du français, formations à l’animation, à mesure que se développent des initiatives associatives. Cette recension, qui a tenté de n’oublier personne, jusqu’aux initiatives les plus modestes, témoigne d’un mouvement de solidarité qui a su exister et durer en dépit de la longueur du conflit et renouveler ses formes et ses modalités. Au centre, les valeurs partagées par les Sahraouis, le Front Polisario et tous les acteurs de ces solidarités. Il s’agissait, dans les premières années, d’une volonté commune de faire appliquer le droit de la décolonisation pour un des derniers peuples colonisés d’Afrique et de s’engager ensemble pour le faire aboutir. Ce chemin parcouru

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côte à côte, personne ne devait se douter en 1976 qu’il serait si long. Ces valeurs partagées au départ, dépassent vite leurs limites d’origine et quand elles résistent à l’usure du temps, font la preuve de leur pertinence et de leur sincérité. Car il ne s’agit pas seulement de convictions historiques mais bien de valeurs morales : loyauté, respect mutuel, tolérance, sens du bien collectif, bienveillance et recherche de ce qui réunit. Ces valeurs étaient faciles à mettre en œuvre quand tout contribuait à rassembler les Européens progressistes, décidés à en finir avec un ordre du monde injuste et les peuples du Sud. Trente ans plus tard, les raisons pour des luttes communes se sont souvent brouillées. Pas dans le cas du Sahara occidental ! La fraternité de lutte bien réelle au terme de ces trente-trois années, entre Européens et Sahraouis est déjà une bataille gagnée contre les divisions et l’intolérance qui peuvent affecter les relations entre l’Occident et le Monde musulman et mérite d’être reconnue comme exemplaire. Elle n’a pourtant jamais fait la une de l’actualité et est tenue à l’écart des modes ou des emballements médiatiques. Pour autant son existence même fait exister en France et en Europe, les Sahraouis de manière coordonnée avec l’action du Front Polisario. Pourquoi un si faible écho ? L’autocensure déjà évoquée liée aux connivences avec le Maroc qui impose souvent avec brutalité sa version de l’histoire, est sans doute en France une des premières raisons. Mais les difficultés sont également humaines, pas assez de militants, de sympathisants et financières, ce qui réduit les initiatives d’ampleur dépassant les limites des cercles déjà attentifs ou ceux où s’exercent les actions locales. Cette situation n’est pas propre à la solidarité avec le Sahara occidental : bien des conflits, bien des situations d’injustice ou de cruauté hors du grand jeu mondial passent à la trappe des intérêts et des grands systèmes d’information. Dans le cas précis du Sahara occidental, la volonté des sahraouis de tenir bon leur revendication d’indépendance en respectant la légalité internationale, n’a pas été déterminée par l’existence d’une régulière et forte couverture médiatique. Ils ont été médiatisés quand leur lutte militaire était spectaculaire. Depuis, ils organisent régulièrement des rendez-vous pour informer le monde mais avec un succès modeste sauf auprès des médias algériens jamais à court d’intérêt et d’enthousiasme. L’absence

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d’information sur un conflit qui dure aussi longtemps entretient l’oubli et pénalise le plus faible. Cela permet à la partie qui mobilise l’intérêt des médias et dispose des soutiens des pouvoirs en place d’imposer sa propagande comme vérité objective et de s’en servir pour assurer sa position. Cette situation, qui dure depuis plus de 30 ans, rend d’autant plus nécessaire la présence d’une solidarité tenace et forte qui contribue à faire exister les Sahraouis et à faire savoir que le conflit n’est pas réglé.

UNE SOLIDARITÉ QUI A BESOIN DE POLITIQUE ! Toutes les formes de mobilisation précédemment décrites n’ont de sens que reliées à un objectif, l’application de l’autodétermination, pour laquelle les Sahraouis ont fait la guerre et ont investi la diplomatie et la politique. C’est dans ce cadre que la solidarité européenne s’est développée et qu’elle s’est donné de manière coordonnée les outils pour intervenir sur la résolution de ce conflit de décolonisation.

LES CONFÉRENCES EUROPÉENNES Les conférences européennes réunies chaque année dans une ville européenne en sont l’armature principale. Elles sont à la fois l’occasion de réunir les acteurs principaux des solidarités et le Front Polisario et de s’adresser à la Communauté internationale, ONU, UA et États qui pèsent dans ce conflit. Ces conférences européennes ont déjà été à plusieurs reprises évoquées pour leur rôle de caisse de résonance des positions du Polisario ou des associations solidaires, il ne sera utile d’y revenir que pour brièvement apprécier leur évolution au long de ces trente-trois ans et surtout évoquer le rôle éminent de leur Président, Pierre Galand, tour à tour Président d’OXFAM-Belgique, Sénateur et aujourd’hui Président des associations laïques belges. En 1997, à la conférence de Sabadell, il confiait quelques raisons de son engagement. « C’est une cause tellement claire que le droit d’un peuple à être décolonisé. Et puis en 1975, tous ces jeunes types unis que j’ai rencontrés dans les premiers camps en Algérie, enthousiastes avec un projet si fort, alors que

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tous leurs gosses mouraient de la rougeole, je ne pouvais que les aider, que les soutenir. Alors Secrétaire général d’OXFAM-Belgique, j’ai organisé la première conférence européenne aux Pays-Bas. Ma fidélité et celle de beaucoup d’autres s’est aussi nourrie de l’unité jamais démentie du Front Polisario. Leur autre originalité, pas si évidente il y a vingt ans a été leur strict non-alignement. Le Front Polisario n’a jamais été l’émanation d’une grande puissance et a toujours revendiqué son non alignement. C’est ce qui fait sa force. Et s’il faut tenir encore 20 ans, j’y serai. Sinon comme chaque année souhaitons-nous à l’an prochain à El Aïoun ! » Listes et localisation des différentes conférences européennes, localisation perdue pour les premières, deux conférences en 1978, à Genève en mars et à Francfort en novembre, la 4e, à Paris les 12 et 13 janvier 1980, la 6e à Bruxelles les 10 et 11 octobre 1980, la 7e en 1981 à Sandport aux Pays-bas, la 8e en 1982 à Paris, la 9e en 1983 à Bruxelles, la 10e à Bologne en 1984, la 11e à Vienne en 1985, la 12e à Madrid en 1986, la 13e à Folkstone en 1987, la 14e aux Canaries en 1988, la 15e à Hambourg en 1989, la 16e à Bruxelles en 1990, la 17e au Mans en 1991, la 18e à Vienne en 1992, la 19e à Rome en 1993, la 20e en 1994 à Anvers, la 21e à Genève en 1995, la 22e à Barcelone en 1996, la 23e à Hérouville-Saint-Clair en 1997, la 24e en 1998 à Manchester, la 25e en 1999 aux Canaries, la 26e à Bruxelles en 2000, la 27e à Séville en 2001, la 28e à Modène en 2002, la 29e à Paris en 2003, la 30e à Saragosse en 2004, la 31e à Mol en Belgique en 2005, la 32e à Vittoria en 2006, la 33e à Rome en 2007, la 34e à Valencia en 2008 et Barcelone en 2009) (Espagne 9, Belgique 6, France 5, Italie 4, GrandeBretagne 2, Allemagne 2, Suisse 2, Autriche 2, Hollande 2). Les premières conférences étaient modestes, rassemblant quelques dizaines de personnes dans un local militant, leur rôle fut les trois premières années décisif tant la situation humanitaire des réfugiés sahraouis était préoccupante. L’Espagne était présente, au même titre que les autres pays européens comme la Belgique, l’Italie, la France, la Suisse et l’Allemagne où se trouvaient les premiers comités et les principales ONG. C’est seulement en 1986 que la conférence se tint pour la première fois à Madrid, dans des conditions encore modestes, avec une forte présence politique du Parti communiste espagnol. Peu à peu l’organisation de ces rendez-vous annuels prit da-

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vantage d’ampleur, en proportion de l’intérêt que portait la société civile à ce conflit et à la difficulté de sa résolution, mobilisant dans chaque pays organisateur, élus locaux et nationaux, responsables politiques et associatifs de poids, voire représentants de l’État comme en Autriche en 1992. La participation espagnole est depuis 10 ans principale et correspond à la place prise, dans la société espagnole, par la solidarité avec un peuple dont l’État espagnol a raté la décolonisation. Conférences qui rassemblent entre 300 et 400 personnes, au protocole impressionnant qui donne aux autorités sahraouies présentes toute la dignité et le respect dus aux représentants d’un État indépendant. Ce style s’est progressivement imposé aux autres villes européennes avec le risque d’exclure les pays qui n’en ont pas les moyens humains ou financiers. Cependant chaque conférence réserve une journée complète de travail en ateliers qui lui permet d’aborder en profondeur les sujets de l’actualité politique ou humanitaire. La participation aux conférences est pour les Sahraouis et les acteurs solidaires un rendez-vous annuel qui permet de faire le point et de retrouver les désormais vieux amis. Elle s’est élargie depuis une dizaine d’années à une participation algérienne conséquente, témoignant de l’importance prise par la question sahraouie dans la mouvance associative et chez les parlementaires algériens. Fait nouveau pour l’année 2008, la participation de plusieurs délégués venus d’Amérique latine, parlementaires et responsables associatifs, qui rend bien compte des transformations politiques agitant l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale (Mexique, Uruguay, Pérou, Cuba, Chili, Vénézuela) et de la présence politique et diplomatique des représentants du Polisario dans ces différents États. La répétition des démarches en direction des Nations unies, Conseil de sécurité et Quatrième Commission de décolonisation de l’Assemblée générale, en direction de l’Europe et de ses États, vers l’Union Africaine et les associations régionales émanant de la société civile ou des États s’est imposée. Elles ont permis, depuis trente-trois ans d’aider à qualifier le conflit, à reconnaître le Front Polisario comme seul représentant du peuple sahraoui, à peser sur l’application du Plan de paix et à intervenir sur l’exigence du respect des droits de l’homme.

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Cette répétition de résolutions et de courriers à l’adresse des différents acteurs de la Communauté internationale peut sembler bien impuissante à les convaincre de mettre en œuvre leurs propres règles. Mais les moyens du Maroc, ses soutiens puissants et nombreux ne sont pas non plus parvenus à venir à bout de la volonté d’indépendance des Sahraouis. Aussi, dans le contexte d’un rapport de forces si inégal, aucune démarche n’est inutile. Ces démarches coordonnées dans les Conférences européennes peuvent être réalisées de manière conjointe entre plusieurs pays comme les opérations de lobbying à Bruxelles et Strasbourg auprès des institutions européennes, ou mises en œuvre plus spécifiquement dans chaque pays. Au Parlement de Strasbourg, par exemple nous étions très nombreux les 16 et 17 mai 2000, dans l’enceinte du bâtiment, d’Espagne, d’Italie, France, Belgique, Allemagne, Royaume Uni, Suisse autour de l’intergroupe du Parlement et de sa présidente, Margot Kessler, et du Représentant auprès de l’Europe, Mohamed Sidati. C’était au lendemain de la réunion organisée par James Baker à Londres entre Maroc et Polisario, nous venions demander au parlementaires d’envoyer une mission au Sahara occidental et de recevoir l’envoyé spécial, James Baker. Mai 2000, début du règne de Mohamed VI, l’espoir d’un règlement politique pouvait-il être à nouveau d’actualité et conférer à de telles démarches un rôle significatif ?(1)

LES GROUPES D’ÉTUDES ET D’AMITIÉS Démarches politiques et humanitaires multiples déjà à plusieurs reprises décrites. Elles ont toutes comme ultime objectif de peser sur les relations de nos États avec le Maroc. Un des leviers utilisé à la fois au niveau du Parlement européen et des Parlements nationaux fut la création des groupes d’études parlementaires capables de mobiliser l’intérêt et l’appui d’élus du peuple, de faire bouger les posiSahara Info, n° 146, rend compte des démarches de « lobbying » plus récentes, en février 2009 auprès de plusieurs responsables de l’exécutif européen. Démarches régulières auxquelles les militants français participent à chaque fois activement. (1)

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tions et maintenir l’exigence de la légalité et du maintien à l’agenda de l’ONU. La Conférence tenue en octobre 1988 à Las Palmas signale par exemple la création de groupes parlementaires dans dix pays européens, réunis l’année suivante à Rome (Conférence parlementaire de mai 1989). En Europe, c’est le groupe d’amitié avec le Sahara occidental ou intergroupe, créée en 1982, après le vote d’une résolution favorable aux thèses marocaines. Ce groupe renouvelé à chaque élection, a été présidé par une député autrichienne, Karen Scheele, jusqu’en 2009. Elle appartient au groupe PSE. Il est actif et compte parmi les intergroupes parlementaires les plus anciens du Parlement européen. Les députés du groupe s’efforcent, avec le représentant sahraoui auprès de l’Europe, Mohamed Sidati, Ministre conseiller, de contrer l’influence marocaine à Bruxelles. Il faut se souvenir de l’épisode de la malle de Barbara Simmons ! Cette député allemande, Présidente de l’intergroupe pendant la mandature 1989-1994, surprit un fonctionnaire de l’Ambassade du Maroc en train de fouiller dans ses dossiers, contenus dans la fameuse malle dont dispose chaque député pour assurer le va-etvient des dossiers entre Bruxelles et Strasbourg. « Les pressions marocaines auprès des parlementaires sont quelquefois tellement pressantes qu’elles créent un mouvement de rejet, même auprès des parlementaires proches. Au cours du débat du 27 octobre 2005, en séance plénière, un député allemand démocrate-chrétien, M. Bernd Posselt, tout en se déclarant ami du Maroc, s’est indigné : « on était d’accord pour discuter du problème des droits de l’homme et voilà que soudain un ambassadeur se promenait par ici… Résultat, le Parlement a adopté à une forte majorité une résolution sur les droits de l’homme au Sahara occidental (27 octobre 2005) faisant échec aux manœuvres du Président espagnol, Josep Borrell, qui ne tenait pas trop à un vote après le débat » Sahara Info ˇˇ février 2006 Jean-Paul Le Marec, assistant parlementaire du groupe GUE-GaucheUnie au parlement. Cette résolution d’octobre 2005 est importante, elle s’inscrit dans le prolongement des résolutions adoptées depuis 1989 tout en prenant en compte la situation des zones occupées et la nouvelle donne créée par le soulèvement populaire débuté en mai 2005 dans les villes du Sahara occidental et du Sud Maroc. La délégation ad

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hoc du Parlement européen s’est rendue en janvier 2009 au Sahara occidental, en dépit des pressions et atermoiements marocains. Elle a fait paraître son rapport d ès le 20 mars. Avec les précautions d’usage, les parlementaires (M. Ioannis Kasoulidès et M. Carlos Iturgaiz) réclament pour les Sahraouis habitant la partie occupée par le Maroc, la capacité à s’exprimer librement sur le sujet de l’intégrité territoriale, des procès équitables et recommandent à la MINURSO d’étendre son mandat « au monitoring de la situation des droits de l’homme dans la région ». Sahara Info n° 146 janvier mars 2009. Une première délégation ad hoc avait été décidée par le Parlement en 2001. Comme en 2009, les autorités marocaines hésitèrent à l’accueillir au Sahara occidental. La délégation réalisa la première partie de sa mission dans les camp de Tindouf en octobre 2001 (témoignage Sahara Info n° 116 décembre 2001) et se rendit au Sahara et à Rabat en février 2002 (Sahara Info n° 117 janvier mars 2002 et Sahara Info n° 119 septembre 2002)(1). Les relations économiques entre l’Union Européenne et le Maroc sont très denses, elles peuvent faire l’objet d’accords particuliers, comme pour la pêche. C’est une question centrale pour le Polisario, puisque les côtes du Sahara occidental, contrôlées depuis 23 ans par le Maroc sont parmi les plus poissonneuses du monde (courant froid des Canaries qui favorise l’arrivée et la prospérité des bancs de poissons, de crustacés et de céphalopodes) et sont exploitées par les pêcheurs marocains et au large par la pêche internationale. Les termes des accords de pêche, entre l’Union européenne et le Maroc relatifs à la délimitation des eaux territoriales, représentent aussi un enjeu de premier plan quant à la question de la souveraineté s’exerçant sur les côtes du Sahara occidental. Deux accords ont déjà été signés entre l’Europe et le Maroc depuis 1986. Le premier, en 1986, faisait suite aux accords de pêche, signés en 1983 entre le Maroc et l’Espagne. Composition de la délégation : dirigée par Madame Catherine Lalumière, PS France et vice-présidente de la Commission des Affaires étrangères, Mariane Erikson, les Verts Suède, Pasqualina Napoletano, DS Italie, Vitaliano Gemelli, CDU Italie, Jacques Morillon UDF France, Charles Marchiani RPF France, Jorge Hernandez Mollar PP Espagne, Ramon Obiols Germa, PSOE Espagne) (1)

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Il reprit la formulation de l’accord espagnol : « eaux sous juridiction marocaine ». Cette formule faisant référence à des eaux sur lesquelles le Maroc se prétendait investi d’un pouvoir d’administration, ouvrait la porte à toutes les interprétations possibles, comme la reconnaissance de la souveraineté marocaine au Sahara, et ne permettait pas de protéger les ressources sahraouies. Ainsi l’Europe comme l’Espagne ne souhaitant pas compromettre ses intérêts dans la négociation avec le Maroc, accepta un mauvais compromis sur la question des eaux territoriales en se contentant de la formule « souveraineté ou juridiction du Maroc ». Cependant la présence politique auprès des Institutions européennes du Ministre conseiller, Mohamed Sidati, celle de l’intergroupe et du collectif militant Pêchez ailleurs ont favorisé un débat au moment des discussions sur le deuxième accord en avril 2006 qui eut davantage d’influence que les premières interventions lors de la signature du premier accord. Les Verts membres de la commission pêche prirent position en faveur de l’exclusion des eaux territoriales du Sahara occidental et la Suède vota contre l’adoption de l’accord, le 16 mai, pour les mêmes raisons. Finlande, Irlande et Pays-Bas ayant de leur côté exprimé des réserves au moment du vote. Hans Corell, ancien chef du bureau des Affaires juridiques de l’ONU, interrogé, indiqua qu’il partageait la position suédoise, conforme à l’avis de droit qu’il avait rédigé pour le Conseil de sécurité. Parallèlement, le Parlement s’est prononcé pour des clauses de sauvegarde qui permettraient d’invalider l’accord si la ressource pêche ne profitait pas aux populations sahraouies du Sahara. Aussi, un suivi juridique et politique est indispensable pour le bon suivi et l’application de la clause de sauvegarde. Ces rapports étroits que l’Europe entretient avec le Maroc, avec la France, comme chef de file de cette politique, ne peuvent laisser le Front Polisario et les associations solidaires indifférentes. Si, au Parlement, l’activité de l’Intergroupe a permis le vote de nombreuses résolutions en faveur de l’autodétermination des Sahraouis, la vigilance doit aller bien au-delà, à preuve les difficultés à imposer un libellé, aux accords de pêche, respectueux du droit. La récente décision, du Conseil de l’Union, au moment de la Présidence française (octobre 2008), de perfectionner ses rapports avec

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le Maroc en étudiant les possibilités d’un statut avancé, demandé par le Maroc dans le cadre de l’Accord d’association qui le lie à l’Union européenne est à observer de près. En effet, les autorités marocaines utilisent tout accord ou toute déclaration pour tenter de faire reconnaître leur souveraineté sur le Sahara. La déclaration de l’Union européenne suite à la septième session du Conseil d’association UE Maroc, a provoqué la rédaction d’une pétition, demandant d’exclure explicitement du statut avancé, le Sahara occidental. Ne pas le faire comme à l’occasion de la signature des Accords de pêche, indiquerait que l’Europe tolère voire soutient l’occupation marocaine du Sahara occidental. Cette pétition européenne entame un processus d’intervention auprès de l’Union qui devrait recueillir plus d’efficience que lors du précédent lobbying pêche. Car, tout n’est pas négatif dans cette déclaration. Dans l’article 24, il est fait référence aux négociations récentes de Manhasset (2007-2008) sur le statut futur du Sahara occidental, dans lequel l’Europe prend note à la fois de la proposition marocaine (présentée le 11 avril 2007 au Secrétaire général des Nations unies) et de celle du Front Polisario (présentée le 10 avril 2007 au Secrétaire général des Nations unies). Il est également mentionné l’importance des négociations qui doivent parvenir à une solution politique juste, équitable et mutuellement acceptable qui permettra l’autodétermination du peuple du Sahara occidental comme le disent les résolutions des Nations unies. Une mention est faite également en faveur du respect des droits de l’homme. L’Union européenne est prudente, elle s’aligne sur les déclarations onusiennes. Elle doit continuer et affermir sa position, Front Polisario et associations européennes peuvent résolument l’y aider ! Régulièrement depuis le début du conflit, des représentants sahraouis sont présents aux réunions de l’Internationale socialiste. Malgrè la forte opposition des membres marocains, des résolutions sont régulièrement adoptées, proposées plutôt par les socialistes nordiques, en faveur de l’autodétermination. En 2008, à Athènes, le Front Polisario y fut enfin admis comme membre observateur. En France, un premier « Groupe d’études sur les problèmes du Sahara occidental » fut constitué à l ‘Assemblée le 14 octobre 1980, présidé par Alain Vivien député socialiste de Seine-et-Marne. Premier groupe parlementaire clef, du fait du rôle en-

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core décisif de la France dans le conflit en 1980. Ce fut une démarche initiée par un député socialiste aux convictions anticoloniales, membre de l’AARASD. Toutes les sensibilités composaient le bureau, deux députés UDF, M. Mayoud et M. Richomme, deux députés RPR, M. De Gastines et M. Couste, un autre socialiste M. Pistre et un député communiste également administrateur de l’association, M. Kalinsky. Ce groupe avait été réfléchi bien en amont, puisque 6 questions écrites avaient été déposées à l’Assemblée entre février et octobre 1980, par des élus socialistes et communistes. Interrogé par Sahara Info n° 50-51 1980, Alain Vivien remarquait que le Parlement n’avait jamais eu à se prononcer sur la politique conduite par le gouvernement dans ce conflit. Il faisait par ailleurs remarquer que cette position n’était pas tenable : « d’un côté on se garde de reconnaître le fait accompli marocain sur la totalité du territoire de la RASD et de l’autre on refuse de reconnaître l’entité sahraouie. Le gouvernement considère que la France a des intérêts importants dans la région et estime qu’il est préférable de s’appuyer pour leur garantie sur un Maroc aligné, proche des nations occidentales, plutôt que de risquer une modification du statu quo en Afrique occidentale. Cependant, même si on prend en considération un tel souci, le formidable effort de guerre marocain, en absorbant les ressources du pays, l’ébranlera profondément. Cela peut remettre en cause la stabilité qu’on souhaite préserver ». Interrogé sur le programme du groupe, Alain Vivien faisait d’abord remarquer qu’il avait été surpris de l’intérêt qu’une telle initiative avait suscité. Quelques jours après cette interview, Alain Vivien dirigeait un voyage du groupe d’études dans les campements sahraouis avec quatre autres parlementaire(1). À leur retour, Alain Mayoud qui venait de parcourir 1 000 km dans la zone contrôlée par le Polisario, reconnaissait qu’il n’y avait vu aucune présence militaire marocaine (soldat, ligne de défense, avion) et surtout envisageait avec sérieux un possible rôle de la France : « Il m’est apparu au cours de mes discussions là-bas, que la France pourrait jouer un rôle d’arbitre ou à tout le moins de médiateur pour convaincre le Maroc de ne pas persister dans une guerre qui certainement l’épuise mais surtout remet en cause les frontières héritées de la colonisation » Sahara Info n° 52 janvier 1981. Dans le même (1)

Charles Pistre, PS, Myriam Barbera, PC, Alain Mayoud, UDF et Georges Voisin, RPR.

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journal, Louis Terrenoire, ancien ministre gaulliste et Président d’honneur de l’association de solidarité franco-arabe affirmait : « des hommes ont accepté de mourir pour une cause, ce qui atteste de l’existence d’un peuple sahraoui, la reconnaissance de l’adversaire et l’ouverture de négociations directes est la seule voie sage, le Général de Gaulle n’a pas procédé autrement avec l’Algérie. Le gouvernement français n’a pas respecté la politique d’impartialité qui devait être la sienne ». La victoire de François Mitterrand, le 10 mai 1981, devait avoir des effets beaucoup plus décisifs qu’un groupe d’étude parlementaire ! C’est en tout cas ce qu’espéraient les Sahraouis et les militants de l’Association des Amis de la RASD. Naïveté? Un État fût-il gouverné autrement, pouvait-il modifier radicalement ses relations avec un partenaire aussi important que le Maroc ? Une délégation du Front Polisario, conduite par Omar Mansour, membre du Secrétariat exécutif du Polisario, fut assez rapidement reçue par un membre du cabinet du Ministre des Affaires étrangères, Claude Cheysson, en juillet 1981, pour un premier contact. Un bureau de la Représentation du Front Polisario fut officiellement ouvert à Paris le 2 février 1982, mais il avait été précédé du premier voyage officiel de Hassan II en France qui veillait jalousement à ses intérêts et se méfiait de ce gouvernement avec des communistes. Les intérêts d’État, en dépit des déclarations de bonnes intentions, s’imposèrent assez vite et le Ministre des Affaires étrangères Claude Cheysson, à la suite du voyage présidentiel au Maroc en janvier 1983 déclara en mai à l’Assemblée: « La France n’a pas l’intention de mettre en question la coopération militaire qu’elle entretient avec le Maroc » Dans l’édito de juin 1984 du Sahara Info n° 69, le Secrétaire général de l’AARASD reconnaissait la déception face au peu de changement de la politique française au Maroc, livraison d’armes, coopération militaire à l’instar des Américains et réaffirmait qu’il ne fallait compter que sur ses propres forces : davantage d’adhésions, plus d’activités et de travail politique pour peser, quelle que soit – cela n’était pas dit – la sensibilité des gouvernements en place. Aussi la France à partir de 1983 laissera à l’ONU et à l’OUA le soin de régler un problème qui ne pouvait que nuire à ses intérêts au Maroc, et tout en prétendant à une rigoureuse neutralité, penchera vers ses intérêts immédiats, en faveur de la position marocaine.

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Politique appliquée depuis lors avec quelques nuances suivant les liens plus ou moins amicaux entretenus entre les Présidents français et les Sultans du Maroc. Le groupe d’étude à l ‘Assemblée fut renouvelé et présidé par Charles Pistre, mais sa position devenait plus délicate, car parlementaire de la majorité, il lui était difficile de critiquer son gouvernement. Il s’agissait désormais de passer les messages, de faciliter des initiatives mais sans toucher à l’essentiel et ne pas risquer de mécontenter ou de déstabiliser l’allié marocain. Il maintint cependant un pôle d’intérêt à l’Assemblée jusqu’en 1993 et contribua à déposer plusieurs questions écrites suivant l’actualité. De même au Sénat, plusieurs élus s’y employèrent. Une nouvelle majorité parlementaire à l’Assemblée, positionnée à droite ne permit pas la création d’un nouveau groupe d’étude, qui se reconstitua avec Daniel Paul, Hélène Mignon et Jacques Floch en 1997. Il fut à l’initiative d’une conférence européenne de juristes dans l’immeuble Chaban Delmas à l’Assemblée, le 28 avril 2001, et s’appliqua à renouer des liens entre Front Polisario et Ministère des Affaires étrangères. Le dynamisme actuel de Jean-Paul Lecoq à la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée commence à redonner de la vigueur à la présence d’un courant de sympathie en faveur du Polisario et peut-être créer les conditions d’un nouveau groupe d’étude, en dépit des fortes pressions de l’Ambassadeur du Maroc auprès de la Présidence. Deux interventions récentes du député de Seine-Maritime s’appliquent particulièrement à la question du conflit du Sahara occidental. Auprès du Conseil de l’Europe d’abord, où il déposa une résolution en avril 2009 pour demander au Conseil de s ‘emparer de la question du respect des droits de l’homme au Sahara occidental et de faire rapport. Cette résolution a été acceptée et devrait être à l’origine d’une enquête diligentée par le Conseil de l’Europe(1). Auprès de la Commission des Affaires étrangères, qui auditionnait le mercredi 8 juilAutre instance européenne, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui regroupe 315 parlementaires issus de 46 parlements nationaux, a adopté le 23 novembre 2004 la résolution 1408 qui constate: « le Front Polisario a accepté officiellement le plan de paix pour l’autodétermination au Sahara occidental » et demande au Maroc d’accepter ce plan « qui permettrait de mettre un terme au conflit relatif au Sahara occidental ». Extrait « Sahara occidental, une colonie en mutation » article La France, l’Europe et la question sahraouie. (1)

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let 2009, Taïb Fassi-Fihri, ministre des Affaires étrangères et de la coopération du royaume du Maroc. L’intervention de Jean-Paul Lecoq fut vigoureuse imposant de fait au ministre présent de répondre essentiellement sur la question du Sahara occidental. Ce dont ne rendit pas compte le lendemain les dépêches de l’agence marocaine, MAP, attentives à faire oublier « l’affront » et à rappeler plutôt les convergences de vues entre le Maroc et la France(1). La député de la Sarthe Marietta Karamanli vient également de déposer une question écrite qui a reçu réponse du Ministre des Affaires étrangères, à l’issue de la session de juillet 2009. Les élus locaux sont également et régulièrement sollicités pour intervenir auprès des responsables de l’État. Réagissent surtout les élus de gauche attentifs, du fait souvent de leur proximité avec une action solidaire. Leur réaction coordonnée pour protester contre la présence d’Hassan II au défilé du 14 juillet en 1999 auprès de la Présidence et du MAE en est un exemple.

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Compte-rendu n° 72 Commission des affaires étrangères 8 juillet 2009 Séance de 11h00.

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QUATRIÈME PARTIE

LES RELATIONS NORD/SUD ENTRE ÉCONOMIE SOLIDAIRE ET DROIT DE L’HOMME

QUATRIÈME PARTIE

LES RELATIONS NORD/SUD ENTRE ÉCONOMIE SOLIDAIRE ET DROIT DE L’HOMME

LES ONG, PARTENAIRES INDISPENSABLES?

Le traitement spécifique de l’aide humanitaire à travers la présence et l’intervention des agences internationales et des ONG n’aurait pas été indispensable au début du conflit, tant les questions politiques et humanitaires étaient étroitement liées, dans la résolution des besoins d’urgence d’une population privée de tout. Les jeunes dirigeants sahraouis, tout juste sortis de la dépendance espagnole, étaient également convaincus de leur capacité à se développer seuls, sans l’aide des ONG soupçonnées alors de visées néocoloniales. La durée du conflit militaire, celle de la période ni guerre, ni paix, l’absence actuelle de perspective ont peu à peu conduit les responsables sahraouis à reconsidérer leur attitude et à organiser leur dépendance à l’égard de l’aide extérieure, pour mieux la maîtriser en l’administrant, développant ainsi l’exercice de leurs institutions et de leur administration, dans les limites imposées par l’exil. Ce volant humanitaire des solidarités invite aussi à dépasser les limites françaises car la France n’y est pas au premier rang, même si elle finance ou entretient des coopérations intéressantes mais de moindre poids au regard d’autres engagements internationaux (celui de l’Algérie, de l’Espagne ou hier de la Libye et des Pays Nordiques). Une seule ONG française, Triangle génération humanitaire, relaie l’aide des agences internationales. Les autres, CCFD, ERMPays de Loire, AGIRabcd, interviennent de manière spécifique dans les campements avec des moyens locaux et l’engagement du Ministère des Affaires étrangères, pour le programme de la ferme bergerie Théodore Monod et les actions d’AGIRabcd. L’ONG Enfants Réfugiés du Monde a bénéficié pendant plusieurs années d’importants financements européens pour développer un projet animation dans tous les campements. Ces financements sans doute peu proportionnés à sa taille, conjugués à d’autres problèmes de financement l’ont amenée à geler ses projets et à se dissoudre. La branche ERM-Pays de Loire continue à exister. Jusqu’en 1986, les aides d’urgence, puis celles réunies dans un contexte de guerre, furent surtout bilatérales, à partir des États en pointe dans l’aide à cette lutte de libération (Algérie, Libye surtout et Pays Nordiques) et d’ONG comme le Secours populaire en France, OXFAM en Belgique, positionnées à gauche

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conscientes elles aussi d’aider un peuple en lutte ou répondant à l’Appel de l’Eglise d’Algérie. Sahara Info n° 6 mai 1976(1).

LES PREMIÈRES AIDES D’URGENCE En avril 1976, alors que les réfugiés continuaient d’arriver sur la hamada, que l’hiver avait été très froid et que des dizaines d’enfants mouraient de la rougeole, Sahara Info n° 4-5, fait état des engagements suivants : « La solidarité à l’œuvre dans les pays voisins, le comité de soutien suisse vient de recueillir 10 tonnes de vêtements, la caritas espagnole a acheminé plusieurs tonnes de vivres et de médicaments, elle se propose d’envoyer un hôpital de campagne, en Belgique, OXFAM et la Caritas ont envoyé de l’aide ainsi que le Canada. Et en France ? Le CCFD a été le premier à envoyer une aide financière d’urgence, des particuliers ont collecté 6 m3 de vêtements, la CGT vient de lancer un appel à ses militants, mais il faut aller plus loin, la lutte des Sahraouis est encore très mal connue, il faut que chacun mobilise les organismes humanitaires qu’il connaît pour les aider concrètement ». Des moyens au départ très modestes, une mobilisation humanitaire qui existe à peine, c’est d’abord l’Algérie avec ses moyens d’État et en proximité qui fournit l’essentiel avec le Croissant Rouge algérien ainsi que la Lybie. Cette aide était pilotée par la commission humanitaire des Conférences européennes, où se retrouvaient les délégués du Croissant Rouge algérien et du Croissant Rouge sahraoui, les ONG européennes partie prenante, et l’Association franco-algérienne Rencontre et Développement, installée à Alger depuis l’indépendance algérienne, qui tout naturellement avait, dès novembre 1975, mobilisé ses militants et participé aux premières missions. C’est à cette place qu’il faut évoquer la mémoire de Gaby Cottenceaux, Secrétaire générale de Rencontre et Développement, française installée en Algérie dès 1962 comme assistante sociale et qui, très vite, s’engagea aux côtés des Sahraouis. Une des personnalités incontournables Appel des représentants de l’Eglise d’Algérie fait à Alger le 13 avril 1976, suite à leur visite des camps de réfugiés, membres de la délégation Cardinal Léon-Etienne Duval, archevêque d’Alger, Jean-Marie Raimbaud, évêque de Laghouat, Jacques Blanc, Président de l’Église protestante d’Algérie et Secrétaire général de Rencontre et développement, Henri Tessier évêque d’Oran, Président de la Caritas algérienne. (1)

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de la commission humanitaire des Conférences européennes et de la cellule alimentaire d’Alger avec les Croissants Rouges, de toutes les délégations et projets. Elle devint une amie. Elle nous aida beaucoup à organiser le passage des enfants accueillis en France, billets d’avion, visas – en particulier dans les années de l’islamisme – où tout devenait difficile voire impossible pour faire arriver les groupes d’enfants. Son optimisme doublé d’une bonne humeur jamais épuisée nous a beaucoup manqué quand elle décéda le 28 novembre 2001. Tout ce qui était transporté vers les camps transitait par l’Algérie et bénéficiait du transport gratuit par voie aérienne, maritime ou terrestre. Les tentes étaient libyennes, la farine algérienne, le lait européen, tissus et vêtements venaient d’un peu partout grâce en particulier aux collectes solidaires, suscitées par les Comités de soutien comme l’Association des Amis de la RASD en France, celles du Secours Populaire ou d’Emmaus par exemple. Le journal Sahara Info de novembre 1977 les n° 19 et 20, encourage soutiens et adhérents à participer à une grande campagne de solidarité décidée au niveau européen pour aider la couverture alimentaire et santé des 120 000 réfugiés. Pour sa part, la France avec le CCFD, la CIMADE et le Secours Populaire espère assurer l’achat de 400 tonnes de vivres, ce qui est très peu au regard des besoins, mais qui est signe de solidarité humanitaire et politique. En 1978, c’est d’achat de tissus de type jean (6 000 m2) et de toile de drap (8 000 m2) dont il est question obtenus à très bon prix grâce à la solidarité des travailleurs du textile. En 1979, l’Association des Amis de la RASD rejoint à nouveau la campagne lancée par le Croissant Rouge sahraoui pour rassembler des fonds destinés à l’achat de matériel scolaire.

L’ENGAGEMENT DES GRANDES AGENCES Les premières années du conflit – signature de la paix avec la Mauritanie, batailles victorieuses contre le Maroc, reconnaissances diplomatiques nombreuses – pouvaient laisser espérer un dénouement rapide et le retour des réfugiés au Sahara occidental. Une telle situation n’imposait pas à l’Algérie, pays d’accueil des réfugiés

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de donner carte blanche au HCR (Haut Commissariat aux Réfugiés) sur son sol. D’autre part le HCR refusait encore son aide aux réfugiés en 1980, suivant en cela, les informations marocaines, prétendant que dans les camps, ce n’était pas de vrais Sahraouis. Ce n’est qu’en 1981 que le HCR accorde une première aide que le Croissant Rouge sahraoui juge symbolique, tout en dénonçant la discrimination dont les Sahraouis sont victimes. De longues discussions s’engagèrent, qui aboutirent en 1986 à la signature par le HCR puis par le PAM d’une lettre d’entente et d’agrément avec l’Algérie, pour venir en aide aux populations les plus vulnérables des camps de Tindouf, à travers le Croissant Rouge algérien. Le HCR les évalua à cette date à 80 000 personnes. Le mandat de départ du HCR concernait quatre secteurs, l’habitat, la santé, l’éducation et l’eau, ainsi que l’acheminement de l’aide alimentaire de Tindouf jusqu’aux bénéficiaires (en clair un appui aux opérations de chargement, déchargement et manutention dans les camps). De son côté le PAM fournissait le panier alimentaire de base, céréales, légumineuses, huile, sucre et sel, pour le même nombre de personnes et prenait en charge l’acheminement de la nourriture jusqu’à Tindouf. Depuis plus de vingt ans le HCR et le PAM sont donc présents dans les campements sahraouis et assurent, suivant leurs obligations, la couverture d’une partie des besoins de la population réfugiée. Par exemple de septembre 2002 à août 2004, le PAM assura 66 000 tonnes de nourriture pour un coût total de 30 millions de dollars et pour une population alors évaluée à 155 000 personnes. (Soit par personne et par an, à peine 100 dollars de nourriture)(1). Les relations entre les uns et les autres ne sont pas toujours faciles. Difficulté d’abord pour les Sahraouis d’exister en tant que tels, le Croissant Rouge sahraoui n’est reconnu comme partenaire opérationnel que depuis 2008. Jusqu’au début de cette année, seul le Croissant Rouge algérien était l’interlocuteur des agences internationales. C’est la fermeté du dernier Président du CRA, le Docteur Benzéguir, qui au cours de la négociation du nouveau contrat CRA-HCREn 2009, le panier du réfugié se compose chaque mois au moment de la distribution dans chaque quartier ou « barrios » de daïra, de 8 kg de farine, 1 kg de sucre, 1 litre d’huile, 500 g de carottes, 2 kg de lentilles, 500 g de macaronis, 1 kg d’oignons, 1 kg de pommes de terre, 500 g de dates, 1,5 kg de riz, 2 œufs par personne et 500 g de pommes. (1)

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PAM, en octobre 2008, a su imposer un lien opérationnel au bénéfice du CRS, question de dignité pour ce Président qui n’en manque pas lui-même. Autre difficulté, qui aide-t-on ? Quels effectifs de population ont droit à l’aide ? Le postulat de départ renvoyait aux populations vulnérables, de façon à contourner la difficulté d’aider l’ensemble de la population des camps y compris les militaires. Les camps, au fil des années, ont grandi, de nombreux enfants y sont nés, le HCR et le PAM acceptèrent d’en tenir compte en recensant 143 000 personnes en 1996 puis 155 430 personnes en 2000, à aider au titre de réfugiés, abandonnant la référence initiale aux populations vulnérables. Des désaccords très sérieux apparurent en octobre 2005 sur l’évaluation de l’effectif des bénéficiaires, HCR et PAM le réduisant à 90 000 personnes. Pressions marocaines sur les instances internationales, rumeurs entretenues de détournements, constats amplifiés des départs vers l’Espagne ou la Mauritanie, la Communauté internationale via quelques fonctionnaires peu scrupuleux, était-elle décidée à affamer les campements pour mieux leur faire accepter des solutions réalistes comme l’autonomie proposée par Mohamed VI ?(1) Pendant un an, l’Algérie et la RASD n’ont pas cédé. CRA et CRS ont continué à distribuer les rations du panier pour 154 000 personnes en respectant les anciennes listes du PAM tout en ne recevant l’aide que pour 95 000 personnes et souvent avec retard. Cette situation ne pouvait durer, l’écart entre les entrées et la distribution ayant en 6 mois épuisé tous les stocks alimentaires (normalement imposés par les règles internationales pour une durée de trois mois en stock de réserve) mettant ainsi en danger de malnutrition voire de famine les populations des campements. Les graves inondations de février 2006, qui ajoutaient le malheur au malheur et détruisirent les stocks alimentaires, aussi bien ceux déjà distribués que ceux des entrepôts du CRS, permirent de dénouer la question des effectifs en douceur. Le PAM et le HCR face à l’importance des pénuries augmentèrent de 35 000 personnes l’effectif aidé, situation de fait. Elle devint de principe en décembre 2007, au moment La presse marocaine ne manqua pas de s’emparer du problème et alimenta avec ses habituelles rubriques la propagande anti-Polisario et anti-algérienne (série d’articles publiés en octobre 2005 par les principaux magazines marocains, Aujourd’hui le Maroc et Maroc-Hebdo). (1)

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de la renégociation PAM-HCR-CRA. L’Algérie resta ferme sur ses positions exigeant de fixer l’effectif à 125 000 personnes mais en revenant à la notion des plus vulnérables, sans qu’il y ait accord véritable sur la notion. Cet effectif, compte tenu des mobilités récentes de la population, en Espagne, dans les territoires libérés, en Mauritanie et en Algérie, permettait aux Sahraouis de retrouver au moins l’effectif initial reconnu en 2000 par le HCR, 158 000 personnes. Ce nouveau plan, signé en décembre 2007, entré en vigueur en janvier 2008, vaut pour une durée de 18 mois. Hilt Teuwen, amie belge de toutes les solidarités et gestionnaire régionale du programme Maghreb-Moyen Orient à OXFAMsolidarité Belgique, raconte ! « On va sans doute pendant toute la période connaître des ruptures de stocks, depuis octobre 2006 et la disparition des stocks de sécurité, c’est toujours limite. » En effet quand le programme commence, le PAM donne le sentiment qu’il n’y a pas vraiment de plan prévisionnel pour la recherche des donateurs et fait régulièrement le constat du manque d’argent pour satisfaire aux besoins de réfugiés installés depuis si longtemps. Par exemple, ce premier trimestre 2008, l’Algérie avec le Croissant Rouge et les associations solidaires ont envoyé trois fois une aide alimentaire supplémentaire pour pallier les retards du PAM. Le PAM dans de telles situations, semble provoquer les retards ? Ainsi l’aide qui n’arrive pas au moment prévu est reconduite le mois suivant. Les Sahraouis peuvent attendre, l’Algérie complète. Sur une année 3 ou 4 mois peuvent être ainsi perdus. En 1993, intervint dans le paysage de l’aide, un nouvel acteur qui va prendre une grande importance, l’Office humanitaire de la Communauté Européenne, ECHO, institution pour l’aide d’urgence destinée en priorité aux pays du Sud. ECHO fit le choix, parmi ses tout premiers terrains d’aide d’urgence, des campements sahraouis, prenant le parti de financer les opérateurs sur place et donnant ainsi, à partir de 1994, des moyens renouvelés et une plus grande importance aux ONG. Avant l’intervention ciblée de l’Europe via ECHO, les ONG trouvaient une partie de leur financement déjà en Europe, sur d’autres lignes budgétaires, mais également auprès de leur société ou de leurs gouvernements. Dans les domaines alimentaires, Redda Barnen, ONG suédoise, fournissait par exemple du lait maternisé

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enrichi qui était très apprécié des mamans ; Emmaus Suède adressait chaque année des conteneurs de vêtements collectés, War and Want, importante ONG anglaise intervenait dans l’alimentation et l’agriculture, Medico international, ONG allemande fournissait les médicaments et un suivi des pharmacies des dispensaires et hôpitaux. De 1994 à 1998, l’engagement européen à travers ECHO s’accrut sensiblement, avec l’appui au niveau du Parlement européen, de l’intergroupe parlementaire d’amitié, qui défendait les intérêts politiques et matériels des réfugiés. Pendant cette période, les ONG déjà en place sur le terrain proposèrent à ECHO, des projets opérationnels pour la santé, l’éducation comme OXFAM-Belgique ou Médico-international, PTM, ONG espagnole de Bilbao. Ce moment correspondait aux premières années de l’après cessez-le-feu, à la non-application du référendum, un humanitaire plus généreux devait-il faire oublier l’impuissance politique ? En 1998, le budget ECHO au bénéfice des campements augmenta sensiblement et permit à de nouvelles ONG de disposer de moyens pour intervenir dans les campements. L’ONG italienne CISP, deux ONG espagnoles MPDL de Madrid et Solidaridad Internacional et une deuxième ONG Belge, Caritas-Belgique. Cette situation nouvelle imposait davantage d’organisation coordonnant de manière plus serrée le travail des ONG avec les Sahraouis et des ONG entre elles. OXFAM-Belgique, une des ONG les plus anciennes de la place, disposant à la fois de la confiance des financeurs, du CRS et des responsables de la RASD, proposa la création d’un consortium qui devint jusqu’en 2002 une force capable d’organiser ses choix humanitaires, concertés avec les responsables sahraouis et de les négocier de manière favorable avec leur financeur ECHO. Une des actrices de cette dynamique, Hilt Teuwen, d’OXFAM-Belgique, témoigne. « De 1998 à 2002, l’engagement d’ECHO et l’existence d’un consortium a permis aux réfugiés de disposer d’un maximum d’aide alimentaire mieux adaptée à leurs besoins, plus variée surtout, la question du thé par exemple ou des produits frais, avec un acheminement régulier et une capacité de constituer un stock de sécurité de trois mois qui représentait vraiment une garantie pour les responsables. On peut dire aujourd’hui qu’en matière alimentaire et santé ces années correspondent à un pic de l’aide. En 2002, les

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ONG ont disposé via ECHO de 14 milllions de subventions. Chacune d’entre elles était spécialisée au sein du consortium pour obtenir les meilleurs rapports qualité prix au moment des appels d’offres. L’ONG allemande Médico-international continuait à travailler dans le secteur santé, OXFAM achetait le lait et les produits frais du ramadan, CISP, ONG italienne outre les pâtes et le riz se chargeait des achats de couvertures et des produits d’hygiène, les ONG espagnoles de leur côté se préoccupaient de la nourriture pour les poulaillers industriels, du thon et du goffio ». C’était sans doute trop d’aide, trop de pouvoir pour les Sahraouis et les ONG dans la logique d’ECHO. Une réussite trop visible, à laquelle les autorités marocaines n’ont pas manqué de s’intéresser, leur présence auprès des Institutions européennes leur donnant de réels moyens de pression. Sous couvert d’exigence de bonne gestion, les fonctionnaires d’ECHO ont d’abord réduit l’aide de manière drastique, les subventions sont passées de 14 à 5 millions d’Euros et en ont modifié les conditions d’attribution en versant directement leur budget au PAM. Ils ont ensuite organisé le doute sur les possibles détournements de l’aide. Le doute sur l’honnêteté des responsables sahraouis et par conséquent sur les ONG amies, soupçonnées de faire de la politique et non plus seulement de l’humanitaire. La réduction des subventions qui pouvait compromettre la vie des ONG les plus fragiles ne disposant pas de fonds propres, fit exploser le consortium. L’aide alimentaire s’en trouva réduite, dépendant de l’aide directe des agences (ECHO en 2008 verse la moitié de ses subventions au PAM, 11 millions d’euros) et de davantage d’aides bilatérales. Cette diminution de l’aide alimentaire n’est sans doute pas étrangère au départ de nombreux Sahraouis en Espagne à la recherche de revenus complémentaires. Défiance, crise de confiance, les rapports entre les agences et les Sahraouis devinrent donc difficiles à partir de 2002. La réduction de l’aide alimentaire ajoutée à la réduction de l’effectif aidé, pouvaient être interprétés comme des tentatives destinés à durablement affaiblir la résistance sahraouie. L’atelier de l’aide humanitaire de la Conférence européenne de novembre 2003, tenue à Nanterre, lança un appel urgent très solennel « L’aide apportée par ECHO, qui couvrait les produits alimentaires et non-alimentaires complémentaires aux produits apportés

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par le HCR et le PAM n’a pas été attribuée pendant l’année 2003. En plus, des pluies en octobre ont causé de gros dégâts. Ces deux facteurs aggravent sensiblement la situation précaire des réfugiés et en décembre 2003, il y aura rupture de stocks […] La conférence décide de la création d’une commission eurosahraouie pour la coordination de l’aide humanitaire en provenance essentiellement d’Europe et invite tous les comités présents à se joindre à cet appel et à rechercher des fonds d’urgence alternative pour pallier cette crise ». Les agences réagirent de manière contrastée. Le PAM, en juin 2004, approuva « un projet d’intervention prolongée de secours et de redressement » proposé par le Croissant Rouge algérien qui s’éleva sur deux ans à 40 millions de dollars et confirma la base du recensement effectué par le HCR, soit 158000 personnes bénéficiaires. L’année suivante le HCR remettait en cause les effectifs. À ce propos des enquêtes furent diligentées en Mauritanie, dans le Sud Algérien, qui firent la preuve de l’absence de tout détournement. Certains responsables du PAM ont même discrètement reconnu que cette faiblesse voire absence de détournements est la meilleure preuve que le panier du réfugié sahraoui est insuffisant car il n’a même pas de quoi détourner ! L’intervention des Sahraouis et de leurs soutiens en Europe, au sein des agences et des Croissants Rouges, dénoua aussi la question des effectifs après 2006. L’éditorial du Sahara Info de mars 2005, n° 129, tirait la sonnette d’alarme et indiquait l’importance de la résolution prise par le Parlement européen (14 avril 2005) qui alertait sur la crise alimentaire et interpellait ECHO sur les mesures à prendre en urgence. Le Secrétaire général reconnaissait également dans son rapport d’avril que la situation alimentaire des camps était critique. L’Espagne enfin à défaut d’être en mesure d’imposer au Maroc de respecter l’autodétermination, prit davantage en compte la pression de la société civile espagnole et s’engagea dans davantage de soutien humanitaire. Ainsi, depuis 2004, l’Agence espagnole de développement, l’organisme officiel de l’État espagnol, est devenue le quatrième donateur après ECHO, compensant les diminutions de l’aide de ce dernier. En janvier 2009, Monsieur Miguel Angel Moratinos, Ministre espagnol des Affaires étrangères, rappelait dans une depêche que l’aide de l’État espagnol, la première, s’élevait pour 2008 à 20 millions d’euros. L’agence espagnole comme

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le HCR et ECHO disposent d’un bureau et de locaux à Alger et à Tindouf coordonnant, hébergeant les personnels des ONG qui interviennent dans les campements avec leurs fonds. Le dispositif humanitaire qui s’est peu à peu installé puis plus vigoureusement développé dans les campements en a-t-il modifié l’organisation et l’esprit ? Ce développement est intervenu en même temps que s’éloignait l’espoir du référendum après la signature du cessez-le-feu, et que s’installait la situation de ni guerre-ni paix. Les réfugiés comme les dirigeants de la RASD pouvaient-ils négliger cette présence humanitaire qui leur donnait les moyens de rester sur la hamada et de maintenir possible leur revendication politique ? L’existence d’un État sahraoui en exil, créant et faisant fonctionner ses institutions dans la perspective à la fois de recouvrer son territoire et de transformer la société tout en préservant les conditions de la vie dans le dénuement de l’exil, donnaient à ses responsables, ainsi qu’à chaque citoyen de la RASD, les moyens de maîtriser cette présence humanitaire. L’exemple de la distribution alimentaire mise en place alors que les réfugiés arrivaient par milliers est éclairante. Les comités populaires de chaque daïra, créées en 1976, existent toujours en s’adaptant aux besoins de la société. La répartition alimentaire, organisée et égalitaire, suivant l’importance de chaque famille, assurée par ces comités a permis aux habitants des campements de gérer la distribution en s’appuyant sur les anciennes solidarités bédouines, modernisées par le fonctionnement de ces comités, au-delà des références familiales ou tribales. Deux témoignages à trente ans d’intervalle, peu suspects de complaisance peuvent être retenus. En novembre 1976, un journaliste, Pierre André Barbou, se rend dans les campements et raconte son voyage à Sahara Info n° 11 décembre 1976 : « Un chameau dépecé, masse sanguinolente agressée par des nuées de mouches. Aujourd’hui, c’est jour faste, il y aura de la viande. La distribution se fait avec un sens de l’équité peu ordinaire et dans l’ordre le plus grand. Un peu partout nous assisterons au même spectacle, que ce soit pour le thé, le riz ou le bois » Alice Corbet, jeune doctorante, a vécu à plusieurs reprises dans les campements de 2005 à 2007, pour y écrire sa thèse, à ce titre elle a été témoin de ces situations de distribution. « Un système s’est mis en place

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dès l’arrivée dans les camps, ce sont les réfugiés qui effectuent la distribution de l’aide. Ainsi quand par exemple des sacs de farine du PAM arrivent dans les camps, ils sont d’abord regroupés au Croissant Rouge puis répartis et envoyés par camions dans les différentes wilayas. Là ils sont comptabilisés et distribués dans les daïras, près de chaque mairie. La population est appelée par haut-parleur pour venir chercher ce qui lui revient. C’est la responsable du comité qui dispose d’une liste et s’occupe de la bonne répartition des quantités allouées suivant l’importance de la famille. Il peut arriver qu’un membre soit absent, mais sa part lui est donnée dans l’attente de son retour ou au bénéfice de ses proches. Quand toute la famille est partie, dans la badya souvent, les voisins gardent leurs sacs en attendant son retour ». La présence humanitaire et solidaire est multiple. C’est d’abord un humanitaire professionnel, avec des permanents rémunérés travaillant sur place pendant des périodes longues (de trois mois à deux ans). Il a pris après le cessez-le-feu davantage d’importance appuyé par les financements européens ou ceux propres aux réfugiés. Il coexiste depuis une quinzaine d’années avec les solidarités humanitaires ou politiques, installées depuis le début, celles des comités de soutien, des petites ONG, des villes ou des provinces jumelées, plus modestes en moyens mais plus en phase avec l’idéal d’une lutte de libération et enfin avec les solidarités familiales, surtout espagnoles. Les solidarités de famille à famille tissées le plus souvent à travers la présence en Espagne de milliers d’enfants chaque été ont sans doute transformé la vie des campements plus sûrement que toutes les autres interventions humanitaires, s’adressant davantage aux institutions, que ce soit pour les distributions alimentaires, la construction d’équipements ou les différentes formations. Les permanents rémunérés de l’humanitaire professionnel ne sont-ils pas seulement tolérés ? Ils crééent un peu de travail rémunéré mais souvent peu qualifié, les postes qualifiés étant donnés en priorité aux expatriés. Ils viennent avec des voitures, dont l’usage est réservé à chaque programme et avec leur qualification pour assurer les formations. Mais leur présence signifie la dépendance et l’obligation d’accepter des programmes pas toujours compris ni adaptés. Ces permanents rémunérés, souvent des jeunes gens idéalistes ou spécialistes formés à l’humanitaire, n’ont pas toujours le temps de bien assi-

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miler leur terrain, sont tenus de rendre des comptes rigoureux sur le développement de leurs programmes et de fait ne sont pas toujours en phase avec la population des campements voire avec ses responsables politiques. Leur installation actuelle dans le Protocole de Rabouni, qui depuis trente ans a été peu rénové, est très rustique et leur impose des séjours d’une grande austérité. La richesse des rencontres des premières années de Rabouni existe moins, les groupes solidaires, les familles qui viennent pour de courts séjours n’y passent plus, préférant des hébergements familiaux plus personnels et conviviaux. Les permanents travaillant pour le HCR ou pour les ONG financées par le HCR, sont, eux, installés dans les locaux plus confortables et climatisés appartenant au HCR, installés un peu à l’écart.

COMITÉ CATHOLIQUE CONTRE LA FAIM ET POUR LE DEVELOPPEMENT L’étude attentive de plusieurs expériences humanitaires menées dans le cadre d’ONG et de programmes français permettra de mieux en saisir les enjeux et d’éclairer leur impact sur la vie des réfugiés ainsi que leurs rapports avec l’administration de la RASD. Commencer avec l’ONG catholique, le CCFD s’impose. Cette ONG confessionnelle, voulue par la Conférence des Evêques de France, se distingue du réseau des Caritas également ONG catholique, tout en cultivant comme elle ses racines missionnaires. Elle s‘appuie sur l’Eglise catholique et sur ses réseaux à travers le monde, ce qui lui donne sans doute plus vite que bien des ONG laïques un accès direct aux sociétés civiles et aux paysanneries du Sud. Cependant le CCFD travaille avec tous, chrétiens ou nonchrétiens et s’interdit tout prosélytisme. Son propos, étant de favoriser le développement et d’en fournir les moyens financiers et humains aux partenaires locaux. Ceux-ci sont invités à mettre en œuvre des activités, agricoles, artisanales, commerciales et des initiatives dans les domaines les plus variés, sociaux, d’éducation ou des pédagogies sociales favorisant la démocratie, l’exercice de la citoyenneté etc. Ainsi suivant cette exigence le CCFD est un acteur important des dynamiques mondiales et progressistes autour

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des forums sociaux tout en travaillant au plus près des unités de base où vivent les populations du Sud, villages et quartiers urbains. Le CCFD se trouve ainsi à l’aise dans deux mondes, celui des œuvres et associations catholiques qui lui servent de relais et dont il est la principale source de financement, et celui des associations laïques, forums sociaux, plate-forme Palestine, collectifs en faveur des sans- papiers etc. avec lesquelles le CCFD milite quand leurs objectifs sont convergents. Ces deux mondes peuvent se retrouver à travers l’engagement de catholiques dans des associations laïques au caractère plus radical. L’Association des Amis de la RASD fut soutenue dans son engagement aux côtés des Sahraouis dès 1976 par le CCFD. Appui clair et public tout de suite, favorisé par la place éminente occupée par l’Archevêque d’Alger, Monseigneur Duval dans la Conférence des Evêques de France et la proximité de celui-ci avec le Président algérien Houari Boumédiène, lui donnant immédiatement accès à la compréhension du conflit du Sahara occidental. Avec d’autres ONG françaises comme le Secours Populaire et sur place en Algérie avec l’Association franco-algérienne, Rencontre et Développement, le CCFD réagit à l’urgence des premiers mois de l’exil puis s’engagea dans plusieurs projets de développement au bénéfice des campements. Le plus important par l’ampleur et la durée est celui du périmètre irrigué d’El Aïoun mis en place en 1993 et transformé aujourd’hui en un projet ferme bergerie, nommée Théodore Monod, depuis le passage du grand homme à la ferme en 1995. Une mission du CCFD en décembre 1995, rendit compte dans un article bilan écrit par une des responsables, Anne Van Miegroet, (Sahara Info n° 95 de janvier-avril 1996) de la nature du projet mais surtout de la position du CCFD. Le financement de ce programme témoignait en premier lieu de la fidélité de l’engagement, 20 ans après l’Appel de l’Eglise d’Algérie, la légitimité du CCFD ayant permis d’autre part d’associer à ce programme la coopération française via un co-financement assuré par le Ministère des Affaires étrangères, en attendant un financement européen qui ne vint jamais. « Ce projet fascinant par le défi qu’il représente en plein désert pose de façon aiguë la question du développement dans le contexte d’un camp de réfugiés. Parler de long terme dans ce contexte, c’est d’une certaine façon faire injure au désir des personnes déplacées de voir leur

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situation d’exil prendre fin au plus vite. Il est significatif de constater combien les responsables sahraouis ont été réticents dans les premiers temps à accueillir l’aide étrangère, comme si elle devait légitimer contre leur gré une situation provisoire imposée, en les encourageant à s’installer. Autre aspect particulier pour une ONG telle que le CCFD, c’est la nature gouvernementale du partenaire […] C’est donc cette administration efficace relayée par les comités populaires de chaque daïra qui distribue l’aide internationale vers les bénéficiaires. Cas rare dans le travail des ONG qui orientent d’habitude leurs actions vers des partenaires émanant de la société civile là où précisément, l’État est inefficace. Sans oublier ce que sont les camps de réfugiés, d’autres exemples nous montrent que des initiatives de type associatif peuvent exister, le cas des camps palestiniens est à cet égard éloquent. Au-delà de ces réflexions, nous découvrons une population sensibilisée à travers la lutte nationale aux enjeux du développement de son pays, c’est de cette conscience que le CCFD se veut partenaire ». Pour décrire de manière plus précise ce premier projet horticole, il est nécessaire de revenir à sa conception. Les Sahraouis ont très tôt tenté le maraîchage pour se doter de supplément alimentaire. Deux conditions à ce développement, l’eau douce et une main-d’œuvre qualifiée. L’eau douce peut se trouver partout mais à très grande profondeur sauf à Dakhla et à El Aïoun où le passage de l’oued lui permet d’affleurer à quelques mètres. La main-d’œuvre qualifiée ? La tradition de l’agriculture oasienne existe peu ou pas chez les Sahraouis, un peu d’agriculture sèche se pratiquait de manière extensive quand la pluie permettait d’ensemencer en orge une cuvette argileuse. En attendant que des jeunes se forment à l’étranger, les femmes se mirent au travail mais aussi les prisonniers marocains, soldats pour la plupart d’origine rurale qui montrèrent leur savoir-faire et furent pour une part responsables de la bonne tenue des premiers jardins, en attendant que des Sahraouis formés s’engagent dans ce type d’activité moins habituelle et moins prestigieuse que l’élevage. Parallèlement, à la demande du Croissant Rouge sahraoui, dans le cadre des conférences européennes, un soutien au développement des jardins potagers s’organisa avec un consortium agricole piloté par deux ONG anglaises, War and Want puis One World Action. (Impossible d’oublier l’appui d’un militant sarthois de l’AARASD, Monsieur

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André Loison, arboriculteur à la retraite, qui confia toute sa connaissance des grainetiers d’Anjou, pour aider le consortium à trouver des graines au meilleur prix, il ne manquait pas non plus de donner généreusement le miel de ses ruches à tous les Sahraouis de passage au Mans). Dans cette dynamique et à partir des premières expériences d’irrigation et de maraîchage, les deux premiers ingénieurs agronomes formés proposèrent un projet plus important, un grand périmètre irrigué de 18 ha à El Aïoun. Ce qui supposait du défrichement, de l’apport de terre argileuse pour enrichir le sol en place, le creusement de plusieurs puits, la construction d’un long mur d’enceinte en pisé, capable d’abriter du vent et du sable les cultures maraîchères et des équipements coûteux comme les pompes ou le matériel de culture. Un tel projet ne pouvait se concevoir sans financements et expertises extérieures. Il démarra en 1993, alors que la perspective du retour s’éloignait et qu’il redevenait d’actualité de s’organiser pour tenir sur la hamada. L’association des Amis de la RASD, forte d’un membre actif, Henri Chaudet, ingénieur horticole disposant d’une expérience de maraîchage au Maroc et en Mauritanie, se lança dans l’expérience, qui favorisait la production d’un supplément alimentaire en produits frais, sur une superficie importante. (dossier réalisé par Henri Chaudet, « L’agriculture dans les camps » Sahara Info n° 91 avril-juin 1994). Deux programmes de 3 ans chacun, financés par le CCFD et le MAE, avec un apport conséquent de main d’œuvre locale valorisée et la mobilisation du comité sarthois des Amis de la RASD autour de la famille Chaudet, tribu d’agriculteurs aux multiples réseaux. C’est ainsi que furent réunis au cours de ces six années tracteur, matériel aratoire, camion dans de très bonnes conditions financières démultipliant les capacités du projet : 18 ha de cultures de saison fraîche fournissant des légumes pour les habitants d’El Aïoun et d’Aousserd. Quelques années plus tard, en décembre 2002, alors que le programme avait atteint une certaine maturité, Sahara Info y consacra un nouveau dossier. (Sahara Info n° 120 octobre – décembre 2002). Le périmètre irrigué de 18 ha défriché depuis 1993 pour la production maraîchère était transformé en 2001, avec les mêmes partenaires, en ferme bergerie pour y créer les conditions d’un élevage ovin intensif, le bétail devant être nourri sur place avec le fourrage cultivé. L’article fai-

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sait état en décembre 2002 d’une crise de croissance : trop de brebis et pas assez de fourrage. Ces difficultés vont durer plusieurs années faisant même hésiter le CCFD et le MAE à poursuivre le financement de la bergerie. Projet trop ambitieux ou inadapté, sans doute pas assez approfondi avec les intéressés sur place. La volonté de développer un élevage sédentaire intensif se heurtait aux pratiques d’éleveurs forts de leurs savoirs traditionnels en transhumance extensive et très embarrassés à passer de manière fonctionnelle à d’autres techniques que personne ne savait d’ailleurs trop comment leur expliquer. Il se heurtait surtout à la difficulté matérielle à produire le fourrage, dans une logique intensive, que les conditions naturelles de la hamada n’étaient pas en mesure de fournir. La tentation de conserver des têtes de bétail trop nombreuses, manifestation tangible de la réussite, sans tenir compte de la nourriture disponible, était une autre source de difficultés, révélant sans doute l’écart entre la gestion traditionnelle d’un troupeau et les contraintes d’un système intensif pas bien comprises par les intéressés. Des conjonctures favorables ou défavorables ne permettant pas des progrès réguliers compliquèrent encore la situation. Criquets au printemps 2004, qui ravagèrent la luzerne et l’orge, pluies de 2003 et 2006 qui au contraire permirent aux bêtes de se refaire dans le désert et aux bergers sahraouis de retrouver leurs marques professionnelles. En juin 2004, par exemple, à son retour à la bergerie pour la saison chaude le troupeau comptait 400 bêtes dont 250 brebis, la centaine de naissances de l’hiver ayant été partagées en trois, pour les bergers, les œuvres sociales d’El Aïoun et le renouvellement du troupeau. Peu à peu les ingénieurs en charge du projet, Islem et Mouloud, ont appris, ont corrigé les premières erreurs en améliorant la production fourragère, en bénéficiant de ces deux années pluvieuses qui leur ont permis d’emmener le bétail dans la brousse, en constituant une équipe de bergers et d’ouvriers agricoles plus stable, encouragés, depuis 2001, par un petit salaire prévu désormais dans la plupart des projets. Le troisième plan de financement de la ferme bergerie Théodore Monod a débuté en 2008 pour une période de trois ans. La présence d’un expatrié présent à deux tiers de temps, Jean-François Debargue, agriculteur et berger en France qui a souhaité changer de vie, a donné un nouveau dynamisme à l’équipe de la ferme. Celle

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-ci s’était déjà essayée il y a trois années à du maraîchage intensif sous serres, permettant de belles récoltes de tomates en quantité suffisante pour être vendues. 2008, l’année du redémarrage du projet et d’un nouveau financement, l’équipe de la ferme bergerie, tout en équilibrant le nombre de moutons et de chèvres et la production de fourrage, a favorisé le développement de jardins familiaux. L’eau si proche à El Aïoun le permet et la présence depuis 1993 de ce périmètre irrigué tour à tour produisant des légumes, du fourrage si utile en période sèche commence à porter ses fruits, à être pris au sérieux tant par les responsables, gouverneur ou maires des daïras que par la population qui désormais veut cultiver son jardin pour améliorer son ordinaire. En projet une coopérative, type association de jardins-ouvriers pour développer les échanges de graines et de plants, se passer les savoirs-faire ou les outils. Mouloud ingénieur chargé des cultures a joué un rôle capital dans leur développement. On en comptait plus de 200 en décembre 2008, ils pourront sans doute être aidés dans le cadre de micro-projets français et espagnols(1). L’association des Amis de la RASD, à l’initiative de la mise en place de ces jardins puis de la bergerie, est maître d’ouvrage du projet, au même titre que le CCFD, mais sans y contribuer financièrement. Elle assure d’une certaine manière le suivi social autant que technique du programme, favorisant les bonnes relations avec les partenaires sahraouis. Le CCFD est, de son côté, responsable du projet devant le Ministère des Affaires étrangères. Henri Chaudet, son frère Louis et plusieurs membres de leur famille ont pendant de longues années assuré le suivi du projet et permis à l’association des amis de la RASD d’en être à part entière responsable. La création de la bergerie a modifié un peu la donne suivant les compétences requises, mais il reste une coopération tripartite, Sahraouis, CCFD et AARASD, qui en dépit des difficultés, a été excellente, de confiance partagée et toujours amicale. Précieuses équipes devenues précieux amis, le périmètre irrigué un peu méconnu et loin du centre de la wilaya intéresse aujourd’hui davantage et sera bientôt visité par les écoles pour lesquelles La voiture Nissan venue du Tarn et chargée de matériel aratoire, arrivée en juin 2009, devrait leur rendre déjà bien des services.

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un jardin pédagogique vient d’être installé. L’engagement financier du MAE et du CCFD qui ne s’est pas démenti depuis 15 ans, porte ses fruits pour le présent et il faut l’espérer pour l’avenir, avec la progressive assimilation de nouvelles techniques et savoir- faire. La hamada de Tindouf est cruelle dans ses excès, en 2007 et en janvier 2009, des tempêtes de sable violentes sont presque venues à bout de ces efforts, le vent arrachant structures de la bergerie et serres, ruinant partie des mises en culture. Faut-il s’en tenir à l’éphémère et à l’extensif pour résister au désert ?

ENFANTS RÉFUGIÉS DU MONDE Mireille Szatan est également une amie, connue dans les campements au fil des soirées de discussion à Rabouni alors qu’elle présidait l’association Enfants Réfugiés du Monde. Association socio-médicale éducative crée en 1981, elle se consacra aux enfants du Sud et aux enfants réfugiés pas seulement pour soigner les corps malades mais pour faire en sorte que les enfants meurtris par la guerre ou les situations cruelles s ‘amusent à nouveau et s’inventent des rêves et des mondes. Il ne s’agissait pas seulement de soins mais de jeux ! ERM commença à intervenir dans les campements en 1986, pour aider à la mise en place et à l’équipement des crèches et des jardins d’enfants. Ces premières actions étaient modestes, à la mesure des moyens d’une ONG à ses débuts mais qui, en insistant très vite sur la formation des personnels des crèches, s’engagea avec d’autres vers des expériences passionnantes en France comme dans les campements. Par exemple, en avril 1990, se tint un séminaire sur le thème de « L’enfant sahraoui de 0 à 6 ans ». Réunion étonnante dans la grande salle de l’École des femmes du 27 février, rassemblant des dizaines de femmes sahraouies travaillant dans le secteur éducation/petite enfance. Avant de se retrouver dans la grande salle pour la mise en commun et les discours, tous les présents passèrent deux grandes journées en ateliers sur les questions de la petite enfance : nutrition, éducation traditionnelle, moderne, santé, tout fut discuté, approfondi avec des équipes de jeunes femmes ou de moins jeunes motivées, mobilisées par leur métier, par leur « vocation en direction des enfants ». Ce fut passionnant avec des échanges très égalitaires et respectueux entre les spécialistes des ONG présentes, une maîtresse d’application de

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l’École Normale du Mans, Chantal Duchastelle, psychologue et les professionnelles sahraouies impatientes de tout aborder. L’équipe ONG était solide ERM et AARASD pour la France, COSPE pour l’Italie leader dans l’organisation de ces trois jours et Caritas Algérie au départ de la formation des puéricultrices. Cette réunion était à la fois une première conclusion d’un travail commun très fraternel pour la formation des puéricultrices sahraouies et la préparation de nouveaux développements, formation à l’École Normale du Mans d’institutrices de maternelle, nouveaux projets pour ERM. Une brochure « L’enfant sahraoui de 0 à 6 ans, problématiques éducatives et sanitaires » reprit l’essentiel des débats et conclusions. En mars 1992, un deuxième séminaire poursuivit la réflexion pour la formation du personnel petite enfance, deux enseignantes de l’École Normale du Mans qui venaient d’accueillir en septembre leurs premières institutrices, y prirent toute leur place aux côtés des formatrices de Caritas Algérie, de COSPE, d’ERM, des Francas et de l’association autrichienne Volkshilfe ostrerreichischer depuis longtemps un des principal acteur de ces formations. Au souvenir de ces deux réunions, il faut saluer la mémoire de Luciana Sassatelli, responsable à COSPE qui disparut quelques années plus tard, dans un accident de voiture pendant l’une de ses missions en Angola. Son absence pénalisa ces formations tant elle y jouait un rôle fédérateur. Carole Narbey, directrice de crèche dans la banlieue nantaise, se passionna pour le sujet et s’y engagea dès 1988 à plein temps. Son témoignage recueilli dans la revue « Les métiers de la petite enfance » en décembre 1995, permet d’apprécier à la fois la situation des campements à cette date et le rôle d’une ONG dans les secteurs de l’enfance et de l’éducation. « Je me suis engagée en 1988 auprès de l’association Enfants Réfugiés du Monde, qui correspondait à mes exigences professionnelles, prise en charge globale de l’enfant, mise en place de projets d’éducation non formelle. Après plusieurs missions la responsabilité et la coordination du programme sahraoui me furent confiés […] la population est composée en majorité de femmes et d’enfants. Ces derniers, par rapport à la plupart des enfants réfugiés dans le monde ont un vécu différent. Aucun n’a connu la violence et les traumatismes directs de la guerre. À toutes les étapes de sa vie l’enfant tient une place importante. Il est protégé par tous, parents, famille, il participe aux travaux ménagers, va nourrir chaque soir les

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chèvres mais aucun ne travaille dans des ateliers. Pas d’enrôlement militaire précoce, tous vont à la crèche et à l’école obligatoire. C’est à partir de 1981 que des crèches ont été ouvertes dans les principales institutions. C’est là que nous menons des actions de formation et de recyclage. Chaque point est discuté en tenant compte de la politique définie par les autorités et de notre propre analyse. En 1994 nous avons financé une crèche modèle à Smara, au centre du camp où les enfants peuvent prendre leurs repas. Les équipes des différentes missions, d’une durée de 1 à 3 mois sont composées d’éducateurs et de puéricultrices qui ont formé environ 160 personnes travaillant dans les crèches. La formation a comporté aussi un volet santé […] Mais il est un lieu plus informel où tout se dit plus facilement. La tente, quand on boit le thé. C’est le bambin qui joue trop près du gaz, celui qui a les yeux rouges d’une conjonctivite qu’on ne sait pas soigner, les questions furtives posées par les femmes sur la planification familiale quand les hommes ont quitté la tente. C’est là que nous occidentaux fraîchement débarqués de l’avion, reconsidérons notre enseignement si bien préparé et pour le coup atterrissons pour de bon. C’est à notre tour d’écouter et d’apprendre. » Après 1994, les interventions d’ERM se diversifient, se font plus nombreuses, plus importantes. À la fois dans les domaines de la santé, école de formation d’infirmiers puis de sages-femmes, programme de protection maternelle et infantile et dans ceux de l’éducation, puériculture et petite enfance, animation scolaire et extrascolaire avec la construction de centres de jeunes dans plusieurs wilayas et dans la formation des enseignants. En 1998, la revue de l’association y consacre un supplément spécial, 12 ans auprès des réfugiés sahraouis (n° 20 octobre-novembre 1998). Un encart lui permet de remercier ses partenaires et financeurs. Les retrouver donne une bonne indication des capacités d’une association au maximum de ses actions en 1998, qui continua à disposer jusqu’en 2006 d’importantes aides européennes et françaises. « Partenaires et financeurs institutionnels : Union Européenne, Ministère des Affaires Etrangères, HCR, Unesco, Ministère de la jeunesse et des sports, mairies Rezé, Argenteuil, Le Mans et partenaires non gouvernementaux, Fondation France Libertés, CCFD, Medico International, Fondation pour le progrès de l’homme, Radda Barnen, Oxfam Belgique, Terre des Hommes, Fran-

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cas, AARASD etc. ». Cette liste, même si elle ne fournit pas d’indications quantitatives, est utile pour comprendre le fonctionnement d’une ONG restée 20 ans dans les campements, essentiellement dans les domaines de la formation. Des financements institutionnels sérieux, d’une part, qui fournissent de plus en plus de moyens sur place, permettent de rémunérer les expatriés et l’administration de l’ONG. Des partenaires associatifs nombreux, d’autre part, français ou européens, dont certains sur place travaillent à des projets communs. Formes de partenariat permettant un fonctionnement dual, ONG avec des professionnels rémunérés et ONG faisant exister une dimension militante et bénévole. Ce dernier aspect existe encore aujourd’hui dans l’ONG ERM-Pays de Loire. Anne-Marie Lustière et Erwann Menuet, formateurs Francas furent un moment associés au programme de formation professionnelle d’animatrices pour la wilaya de Dakhla. Plus isolée que les autres, les responsables sahraouis souhaitaient au maximum la désenclaver. Résultat : 7 centres d’animation, un par daïra, bien équipés, où pouvaient se retrouver les enfants encadrés par les animatrices récemment formées. Elisabeth Peltier faisait aussi partie de l’équipe, elle en garda un attachement pour Dakhla et ses habitants tel qu’elle vient de leur consacrer un livre : « Malgré tout Dakhla existe… Chronique d’un campement sahraoui » L’harmattan Paris Collection l’Ouest saharien 2008. Mireille Szatan, ayant quitté ERM, sollicitée pour un bilan, se dit incapable de le faire ainsi à chaud et d’apprécier réellement l’impact sur le secteur enfance et éducation du travail de 20 ans de leur ONG. « Un tel bilan demanderait des mois de travail sur le terrain, il pourrait faire l’objet d’une recherche d’éducation ou de sociologie ». Plus modestement, ce bilan pourra-t-il être fait avec de nouveaux intervenants, dans ces mêmes domaines, avec les formatrices venues du scoutisme féminin qui peu à peu et avec leurs méthodes ont pris le relais des formations dans le domaine de l’animation ?

GUIDES DE FRANCE A l’origine de l’entrée dans les campements des Guides de France, Claude Mangin, forte personnalité, dynamique, un peu baroudeuse, avec une carte de visite pleine de sérieuses références, chargée de mission au CCFD et Commissaire gé-

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nérale des Guides de France. Responsabilités qui lui avaient donné l’occasion de bien connaître les Sahraouis et de mettre en œuvre déjà des actions solidaires. À la rentrée de septembre 2001, plutôt que de reprendre une classe de collège en région parisienne, elle signa un contrat de deux ans avec l’ONG Enfants Réfugiés du Monde, pour développer dans les campements, la formation à l’animation, à l’encadrement extrascolaire des jeunes. L’attention aux jeunes sortis du système scolaire et aux enfants hors du temps scolaire, devenait prioritaire pour les autorités sahraouies. Se retrouvaient là, avec la prolongation de l’exil, le manque d’activités pour les jeunes sortis de l’école, des problèmes de surveillance pour des enfants nombreux avec des risques de délinquance qui pouvaient inquiéter. À la demande des responsables de l’UJSARIO, ERM commença à y répondre à partir de 1998. À Dakhla, d’abord, en assurant les deux volets de l’aide : appui à la construction et à l’équipement de petits centres dans chaque daïra, susceptibles d’accueillir des enfants pour leur proposer des loisirs éducatifs et formation des jeunes aux métiers de l’animation. C’est à ces projets que Claude Mangin travailla pendant une année, par périodes de trois mois. Des difficultés avec ERM, l’amenèrent l’année suivante à rechercher de nouveaux partenaires pour développer des projets qui lui semblaient plus adaptés, des centres ouverts aux adolescents plutôt qu’aux enfants. Elle démarra ces centres à Smara avec l’appui pédagogique des Guides de France et un financement suisse (Terre des hommes et le SUKS comité de soutien en suisse alémanique) et avec surtout la grande confiance du secrétaire général de l’UJSARIO, Mohamed Mouloud. Sahara Info n° 127 juillet septembre 2004(1). Ces difficultés sont intéressantes à observer car elles révèlent toute la complexité de la mise en œuvre de l’aide humanitaire. Se retrouve dans le livre témoignage d’Elisabeth Peltier un écho assez voisin. Comme Claude Mangin elle était chargée par ERM, de travailler dans le domaine de l’éducation scolaire au cours de plusieurs Plusieurs séminaires furent organisés à l’initiative de l’UJSARIO, en mai 2002, « Adolescentes, adolescents dans la société sahraouie », en janvier 2003 « Ensemble pour l’enfance et la jeunesse sahraouie » et en avril 2004 un « Forum pédagogique » qui rassemblait les partenaires européens et algériens de l’UJSARIO. En décembre 2003, Mohamed Mouloud rencontra les associations de jeunesse, membres du CNAJEP, à Paris. (1)

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missions d’un mois de 2000 à 2002. Au terme de la troisième mission, dans son journal de bord, elle fait état de ses inquiétudes « Les bagages sont prêts, nous sommes en avril 2002. La mission précédente si lourde à mener, si peu active, si révélatrice d’un dysfonctionnement et d’une non adéquation avec la réalité m’oblige à davantage me positionner et vont provoquer les prémices de ce qui sera ma propre démarche. Pour cette quatrième mission, j’envisage de travailler en relation directe avec et pour les Sahraouis, tout en respectant l’ordre de mission de l’association pour laquelle j’interviens, est-ce que cela va être possible ? Pourquoi ce sentiment de malaise, de non-adéquation à ce qu’attendent ceux que l’on vient aider, partagé par ces deux personnes chargées de mission ? De telles réactions n’apparaissaient pas, lors des premières missions d’ERM. Qu’est-ce qui avait changé, des années quatre-vingt-dix à la décennie suivante ? La demande des Sahraouis ? La réponse de l’ONG ? » Ce malaise est partagé par l’ancienne présidente Mireille Szatan, estimant que la place du partenariat s’est modifiée au fil du temps, pour n’avoir plus qu’une dimension secondaire dans le travail de l’ONG. Les interventions dans les domaines de l’animation ou de l’éducation, qui touchent plus directement à la culture, aux difficultés de fonctionnement d’une société bloquée dans son développement par la durée de l’exil et l’impuissance à en sortir, ont dû rendre plus difficile l’effectivité des actions. La taille et les moyens de l’ONG, démultipliés par l’aide financière à ses projets, ont dû également la rendre plus lourde, moins réactive aux demandes des Sahraouis. Dans cette logique de développement, pour leurs projets mais aussi pour leur propre financement, les ONG ont la tentation d’aller vite à la réalisation de programmes qui correspondent davantage aux représentations et aux attentes des financeurs qu’aux besoins de ceux que l’on va aider et que l’on ne prend pas assez le temps d’écouter. C’est ce que semble indiquer Elisabeth Peltier : « Mais déjà un nouveau projet préparé par l’organisation voit le jour, il est proposé sans concertation, sans prendre le temps d’une véritable réflexion sur les capacités des uns et des autres à le mener » La société des campements change aussi. La mobilisation des années de guerre, laisse peu à peu la place aux demandes et réactions individuelles et à la tentation forte

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de se laisser porter par ces programmes qui peuvent tant amener et ne savent pas comment susciter la prise de responsabilité. Chacun, dans un tel contexte, en prend et en laisse et les responsables de programmes se sentent impuissants dans l’application de leurs objectifs. Revenir à des projets plus modestes, associant en direct des petits groupes semble être une des solutions, celle choisie par Elisabeth Peltier et par Claude Mangin et à sa suite par les Guides de France qui mènent depuis 2002 des programmes de formation à l’animation et aux formations culturelles. Ce choix rencontre davantage de réussite et correspond pour les toutes dernières, à l’arrivée parmi les partenaires sahraouis, de jeunes femmes, surtout, plus instruites, plus exigeantes, et de fait plus capables de prendre en main individuellement les formations proposées. Le partenaire sahraoui s’est ainsi transformé, passant d’un collectif de réfugiés abstraits, qui apparaissaient collectivement mobilisés pour le développement de leur société, à un ensemble d’individus ayant chacun leur personnalité, développant chacun à leur manière leur vie, tout en respectant l’indispensable cohésion pour l’objectif ultime de l’indépendance. À Smara, les maisons de jeunes ont été construites et, suivant la qualité et l’intérêt de leurs animateurs fonctionnent avec des jeunes pour y faire de la musique, de la couture, s’initier à l’informatique ou elles restent fermées. Leur construction représenta en 2003, 2004 une des fiertés de l’UJSARIO qui en prit en direct, la responsabilité avec la participation des jeunes adolescents et celle d’un architecte venu là pour travailler bénévolement, Marc Fernandez. Il proposa un plan en rond avec un patio central pour favoriser les échanges. Son témoignage sur la construction de ces maisons renseigne bien sur les conditions techniques des camps en 2004. « Après avoir exécuté les plans, j’ai mis la main à la pâte. En l’absence de cordelette à poudre, les Sahraouis m’expliquent qu’ils utilisent l’huile de vidange pour bien imbiber le sable. C’est une technique peu précise mais en fait pas mal efficace ! Nos échanges de procédés ont été nombreux. Comme pour tout dans les campements, on est vite confronté à l’incertitude des ressources. Ainsi les dimensions des trous pour les portes et les fenêtres se faisaient en fonction de la fenêtre que l’on trouvait au marché le matin même. » Sahara Info n° 127 juillet septembre 2004.

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Les équipes Guides de France pilotées par Marie-Thérèse Marchand, responsable internationale, qui a remplacé Claude ont assuré des formations à des centaines de jeunes femmes depuis 2002 et à des centaines d’enfants et adolescents, leur donnant sans doute au-delà des formations BAFA, une ouverture culturelle et une capacité de liberté personnelle utilisée bien au-delà des centres de jeunes. Deux programmes par an de trois semaines avec des formateurs bénévoles, sans appuis matériels importants qui fonctionnent parce qu’ils répondent sans doute à des attentes que les équipes guides de France savent apporter « l’intuition première du scoutisme, c’est faire bâtir et construire l’éducation du jeune par le jeune ». À chaque cycle de stage, quarante jeunes femmes s’inscrivent pour suivre une formation et pour passer le Diplôme d’animatrice d’enfants et de jeunes. À ces formations locales sont associées des mobilisations de jeunes voire de leurs familles en France qui selon leurs talents et suivant la durée de leur séjour dans les camps sont partie prenante des formations. « De plus l’ouverture sur le monde a été facilitée par la présence de 13 jeunes qui avaient reçu les enfants sahraouis l’année précédente lors d’un camp guides de France » Sahara Info n° 127 Ce programme est en 2009, remis en cause. Les Guides de France, longtemps branche indépendante féminine du scoutisme, ont rejoint en 2005, les Scouts. Ceux-ci ont d’importants projets avec le scoutisme marocain qui n’apprécie pas la présence de leurs homologues dans les campements sahraouis. Ingérence? Les arguments des Scouts hassaniens semblent plus convaincants que la conviction des formatrices, anciennes des Guides de France. Aussi, Marie-Thérèse Marchand et son équipe de formatrice ont créée en 2009, une nouvelle association de sorte de poursuivre leurs activités sans gêner publiquement les orientations internationales de l’organisation du scoutisme catholique, soumis lui aussi à ses « raisons d’État ». Association de formation spécifique au travail dans les camps sahraouis, qui va garder des relations étroites avec le scoutisme(1). Retrouvé dans une brève du Sahara Info de septembre 2004, n° 127, associé à la présentation des actions des Guides de France dans les campements, la mention L’association déclarée en 2009 s’appelle « Capsolidaire. Faire grandir l’enfant par le jeu », elle se donne comme principal objectif la formation des cadres locaux en situation d’exil tout en développant toutes les formes possibles de sensibilisation en France.

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d’un séminaire sur le handicap. La citation éclaire bien leur fonctionnement en présentant les principaux protagonistes : « A l’invitation de l’Union Nationale des Femmes sahraouies et du Ministère des Affaires sociales (qui ont la charge des jeunes handicapés mentaux) et de l’ONG lyonnaise « Triangle génération humanitaire » présente pour la formation des éducateurs avec un financement HCR, a eu lieu en mars 2004, un séminaire regroupant une centaine de participants sahraouis et leurs invités. Eva Tisseyre, éducatrice spécialisée et membre du scoutisme Guides de France ainsi que de l’AARASD, est intervenue sur le thème handicap et activités artistiques ». Très régulièrement se tiennent dans les campements des séminaires de ce type. Le gouvernement de la RASD à travers ses ministères, peut en prendre l’initiative, pour faire le point, stimuler, donner l’occasion aux Sahraouis de rencontrer de manière organisée leurs partenaires étrangers, les citoyens, leurs responsables etc.. Le plus souvent, une association, ici l’UNFS, est co-responsable de la réunion pour élargir le propos et assurer la participation effective de tous les acteurs du secteur. C’est également l’occasion de convier les partenaires, ici l’ONG Triangle, partenaire principal qui y a sans doute délégué un spécialiste et qui rendra compte à son bailleur, le HCR. D’autres partenaires sont conviés, ici nommée une spécialiste éducatrice d’enfants handicapés, présente dans les camps pour de plus modestes programmes, mais dont la présence et l’expertise seront mises en valeur. À ces rencontres sont présents des responsables politiques, Ministre responsable, Premier ministre, Président quelquefois qui confèrent à la réunion toute son importance et permettent rencontres et remerciements suivant des formes officielles tout en préservant un caractère simple et amical. Elles ne règlent pas tout, elles peuvent être déconnectées des situations réelles, celle des camps ou celle des capacités des partenaires, mais elles ne sont jamais inutiles et sont souvent des lieux de formation pour tous, traitant avec une égale dignité les Sahraouis concernés et les partenaires étrangers. Santé, éducation, jeunesse, culture sont les secteurs privilégiés de ces rencontres de travail. D’autres plus festives rassemblent les jeunes, réunissent les sportifs pour le marathon des sables et tous pour le cinéma et la musique. Ces rendez-vous réguliers rompent le quotidien, structurent un calendrier annuel propre à la

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RASD et sont pour les Sahraouis des occasions de se retrouver et de s’amuser. Ils ont pris la place d’une partie des réunions et rassemblements politiques en inventant d’autres formes de cohésion et de vivre ensemble. Le séminaire évoqué sur le thème du handicap, était organisé par l’UNFS. À maintes reprises, cette organisation a été évoquée, tant les campements sahraouis ont d’abord été des camps gérés et tenus par les femmes. C’est sans aucun doute, par la place prise par les femmes, que s’est jouée une grande partie de la transformation de la société. Leur rôle de premier plan s’est vite imposé, dès la création du Polisario et au moment de l’invasion du territoire, le nombre élevé de femmes disparues en témoigne. L’administration de la base des campements (comités populaires et daïras) est tenue par les femmes ainsi qu’une majorité des postes dans l’enseignement, la santé et la culture. Mais il semblait difficile d’aller au-delà ! peu de responsables femmes au comité exécutif du Polisario ou aux places de gouverneurs, peu de femmes au Parlement. Les femmes n’avaient-elles pas la tentation traditionnelle de voter pour les hommes quand il s’agissait de postes élevés de responsabilité ? Les dernières élections du Conseil National Sahraoui ont connu une petite révolution avec l’existence de quotas qui ont imposé la moitié des places des 52 députés aux femmes ! certains de nos interlocuteurs s’en inquiètent allant jusqu’à murmurer que le niveau du Conseil National a beaucoup baissé… Ce n’est pas l’avis de son président, Mahfoud Ali Beïba, qui se félicite de cette nouvelle donne. N’estil pas venu avec quatre d’entre elles à la dernière conférence parlementaire tenue à Paris en juin 2008 !(1)

LE DOMAINE DE LA SANTÉ L’ONG, Médecins du Monde, intervint quelques années dans les campements sahraouis. Avec l’appui financier de la Fondation France Libertés, c’est surtout dans le domaine de l’ophtalmologie que cette ONG française s’impliqua entre 1992 et 1997. Création d’un atelier d’optique, formation ou recyclage du personnel et Le Conseil National sahraoui composé de 52 parlementaires est élu par les citoyens des wilayas, ceux des régions militaires et des organisations de masse. Son président a été élu en février 2008 par 27 voix. Deux autres députés étaient également candidats.

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mise en place d’un système de dépistage itinérant et de soins pour les yeux. L’engagement de cette ONG plutôt préoccupée des situations d’urgence fut positive dans ce domaine particulier de l’ophtalmologie, elle s’arrêta assez vite faute de moyens financiers et humains. L’ONG marseillaise Santé Sud suivit une démarche assez voisine et intervint sur les formations médicales à la même période. Une délégation locale de Pharmaciens sans frontières, de la Sarthe et du Calvados fit une mission ponctuelle dans les campements en avril 1996, mais sans autre débouché que des aides dans la collecte de médicaments en appui aux comités locaux. Il reste que ce sont d’autres pays européens qui furent et restent davantage présents dans les domaines sanitaires. Medico-international, ONG allemande puis, depuis une dizaine d’années un ensemble d’associations espagnoles ONG (Médecins du Monde Espagne) et les associations médicales qui aident au fonctionnement des équipements santé et appuient les médecins sahraouis pour la plupart formés en Algérie et à Cuba. Colette Blais et Monique Baron d’ERM-Pays de Loire, déjà présentées, se sentent quelquefois un peu isolées dans l’École d’infirmières et se sont résolument mises à l’espagnol pour assurer leurs formations, seule langue utile avec le hassanya dans les domaines de la santé. !

LE SOLAIRE Pourquoi ne pas terminer ce chapitre des solidarités humanitaires avec le soleil ? et ne pas considérer les potentiels du solaire comme le futur pétrole du Sahara ? Au cours d’un voyage en décembre 2008, j’ai fait la connaissance de deux membres de l’association suisse ADER, Association de développement des énergies renouvelables qui venaient pour une mission de deux semaines travailler sur les installations solaires déjà mises en place dans les camps. Ils étaient accompagnés par un ingénieur sahraoui, Mohamed Ould Didi, installé à Lausanne et propriétaire depuis peu d’une petite entreprise consacrée à l’énergie solaire, qui partage son temps entre la Suisse et les campements. Intéressante coopération qui fait à la fois intervenir une action humanitaire classique et un entrepreneur privé sahraoui qui tout en s’étant installé en Europe,

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privilégie son activité en direction de ses compatriotes des campements. Il faut vraiment souhaiter que de telles situations se multiplient. L’objectif d’ADER est, aux dires des intéressés, modeste, privilégiant les micro installations solaires, pour éviter le gaspillage d’énergie avec des génératrices mal utilisées et trop gourmandes en fuel, en assurant une autonomie à de petites structures. Depuis 2000, ils ont ainsi équipé vingt-deux dispensaires, d’un équipement solaire de base pour assurer l’éclairage et le fonctionnement d’un frigo. Le matériel est amené pour partie de Suisse (panneaux solaires et lampes) et pour partie d’Algérie. Ils ont formé une équipe de techniciens solaires qui entretiennent le matériel ou montent les nouveaux équipements et travaillent avec le Ministère des transports et de l’énergie qui dispose également d’un atelier d’installations solaires et encourage les vocations pour cette spécialité. Le solaire suisse au Sahara est une vieille histoire avec les toutes premières coopérations techniques engagées par le Comité Suisse en 1987, dont a rendu compte largement la revue Nouvelles Sahraouies, qui participa aux premiers efforts de formation et d’équipement pour atteindre l’autonomie technique dans les campements. Depuis une dizaine d’années, chaque famille s’est peu à peu équipée de plaques solaires et de batteries pour alimenter lampes, télévision, l’énergie n’étant pas suffisante pour faire marcher les ordinateurs, avec l’appui européen, espagnol. Les lampes de poche restent indispensables pour se déplacer la nuit, mais la généralisation de l’équipement solaire a apporté un bien être dont personne ne peut plus raisonnablement se passer.

EN EUROPE De nombreux autres pays européens sont également présents dans les campements. L’Espagne surtout, l’Italie, l’Autriche, les Pays Nordiques, leur présence étant associée soit aux engagements des sociétés civiles soit à celui des États. Dans tous les cas ces coopérations sont d’abord pilotées par les Représentations du Polisario, présentes dans ces pays. Impossible dans le cadre de ce livre d’en faire une recension exhaustive, leur simple évocation porte témoignage de la vitalité des coopérations entre l’Europe et

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les Sahraouis, signe de leur volonté de faire aboutir leur indépendance tout en construisant leur futur développement, malgré le peu de volonté de la Communauté internationale. Le Ministre de la coopération de la RASD, Salek Baba Hasséna, en porte témoignage. Il m’a reçue un vendredi matin, dans son bureau du ministère, disponible et tranquille comme à son accoutumée. C’est un personnage très recherché par les Européens qui fréquentent les campements ou les conférences humanitaires car c’est l’interlocuteur de tous les projets, aussi attentif aux propositions minuscules, mais si importantes aux yeux de ceux qui les portent, qu’aux difficiles négociations de l’aide alimentaire avec les agences internationales. Ministre discret mais très présent et incontournable puisqu’il est le grand ordonnateur de l’aide et de la vie matérielle des campements. Son parcours personnel ressemble à celui de la plupart des créateurs du Front Polisario, aujourd’hui responsables politiques du Front et dirigeants de la RASD. Jeune homme, il a passé son bac au Sahara espagnol, à Dakhla, en 1974, il est parti en Espagne pour suivre des études économiques qu’il a rapidement interrompues pour cause de guerre en 1976. Il était entré au Polisario dès 1973, comme étudiant, cet engagement lui ayant fait gagner comme à tous ceux de sa génération, bien des années de maturité : l’urgence et le risque de la politique font grandir vite. Pourquoi n’est-il pas resté en 1976 sur la hamada de Tindouf ? choisit-il à ce moment-là son destin ou se soumet-il aux exigences d’un destin devenu collectif ? au lieu de faire la guerre comme la grande majorité des hommes, il part six années à Cuba pour terminer les études économiques interrompues en Espagne et « contribuer ainsi à la révolution » en se formant au meilleur niveau. Il rejoint les campements en 1984 et combat dans l’armée sahraouie pendant cinq années comme chef de bataillon. En 1989, il devient pour un temps très court Secrétaire Général de l’UJSARIO puis prend davantage de responsabilités dans son secteur de compétence, l’économie. D’abord Ministre du commerce et du développement économique, aux activités somme toute modestes compte tenu du contexte des campements, il se consacre très vite au secteur de la coopération, beaucoup plus important et décisif, d’abord comme directeur général, puis comme ministre depuis 1999. C’est un poste effectivement au centre de bien des enjeux, c’est par lui qu’arrivent les ressources et qu’elles sont ré-

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parties. Le Ministre de la Coopération semble s’en acquitter avec la confiance de la population comme celle du Président ! Le ministère de la coopération sahraouie, comment définir son domaine ? C’est essentiellement la recherche et la planification des ressources, dépendantes de la bonne volonté extérieure et du statut de peuple réfugié. Celui-ci donne droit à des aides normalement réglementées avec le risque de dépendre des rapports de force politiques. Recherche et planification ont entraîné depuis trente ans la mise en place et le perfectionnement d’une administration qui suit les projets dans ses différentes étapes, du donateur au bénéficiaire, et qui surtout recherche et fidélise les donateurs. Administration qui dans le cadre d’un Conseil de la Coopération, fédère plusieurs services et ministères car l’essentiel de la vie des camps en dépend. Ce Conseil se présente comme suit. Le premier Ministre le préside, le Ministre de la Coopération rapporte ses travaux, en sont membres les ministères concernés par les sujets débattus et toujours l’UNFS, l’UJSARIO et l’UGTSARIO. Ces organisations populaires, reliées au Front Polisario dès 1976, ont organisé les femmes, les jeunes et les travailleurs. Elles ont eu un rôle de premier plan dans l’organisation et le développement des campements, elles restent au centre de la vie sociale même si certains aujourd’hui souhaitent créer des associations plus autonomes et mieux adaptées à de nouveaux besoins. Le Conseil de la Coopération définit des axes pour l’avenir, soumis au Conseil des Ministres et discutés au Parlement. Il se réunit deux fois par an, ses prévisions quand elles sont approuvées au Parlement ont force de loi. Au quotidien, le principal partenaire du Ministre de la Coopération c’est bien sûr le Croissant Rouge sahraoui, interlocuteur non-étatique de tous les donateurs. Au-delà des aspects administratifs quelle est la politique de la coopération dans les campements, s’est-elle sensiblement transformée au cours de ces trente années et l’impasse politique préférée par les Nations Unies à un choc frontal avec le Maroc a-t-elle transformé les Sahraouis en assistés de l’humanitaire ? Cette assistance est-elle au demeurant suffisante ou tout juste prévue pour la survie ? Pour Salek Baba Hasséna, la première clef est la place prise par les femmes dans la gestion et la répartition de l’aide. Présentes au Conseil de Coopération, elles

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sont partout dans les wilayas et les daïras pour apprécier les besoins, les formuler, trouver les solutions quand tout manque et surtout assurer des conditions équitables de répartition, suivant l’importance des familles. Et rien n’est simple quand il y a peu et que les besoins sont immenses ! La deuxième clef est la coopération et l’entraide inter-familles, même si la grande majorité des gens n’a rien, mange au jour le jour, l’entraide familiale en plus de l’aide organisée ne laisse personne au bord du chemin. Le dernier aspect fortement souligné est la différence de situation entre la période de guerre et celle qui prévaut depuis 1991, qui dure et modifie bien des situations. Le ministre reconnaît que la direction du Polisario a habitué les gens des campements pendant la période de guerre à leur distribuer de l’aide, avec comme seule contre-partie le travail gratuit au service de la communauté. Cette assistance totale liée à la guerre correspondait à une situation fermée ou personne ne réclamait rien du fait de la guerre. Aujourd’hui, avec cette situation de ni guerre ni paix, sans perspective politique proche, le système ne fonctionne plus. Les gens des campements ont bien sûr toujours besoin d’être aidés pour l’alimentation, les fournitures de base etc mais ils veulent beaucoup plus ! Comme dans le reste du monde, ils veulent être payés, ils veulent disposer d’électricité, de moyens pour se déplacer, ils espèrent des avenirs pour leurs enfants etc. « Aussi ce que nous donnons maintenant à chaque famille, nous en sommes très conscients n’est plus suffisant et chaque famille est appelée par différents moyens, dans les campements, à l’étranger à compléter notre contribution en développant son économie propre. » reconnaît Salek Baba. Pour autant la vie collective des campements nécessite des moyens importants qui mobilisent la recherche des aides et l’arbitrage pour leur répartition. Les aides sont d’origines variées, elles viennent d’organismes internationaux PAM, HCR, ECHO. Elles viennent aussi d’États comme l’Algérie en tout premier, mais aussi de l’Afrique du Sud, du Venézuéla etc. Elles viennent des grandes ONG européennes, bien souvent relais de l’aide internationale, de l’Espagne à la fois aides privées et aides publiques, de l’Europe : l’Italie, l’Autriche, les pays nordiques, la France et là aussi avec des aides d’origine privée et publique. Ces aides sont en général gérées au niveau de l’État par la coopération mais elle peuvent être également traitées en

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direct de daïra à ville jumelée, de province italienne ou espagnole à wilaya et d’association de jeunesse à UJSARIO. La répartition de ces aides dans les campements s’organise en deux grands postes, 50 % de l’aide sert à l’alimentation, les 50 % restants sont répartis dans les secteurs publics vitaux, santé, enseignement, transport et eau, logement et énergie. Le principal problème semble être l’instabilité des ressources d’une année sur l’autre liée d’une part aux difficultés politiques et d’autre part à la grande diversité des partenaires ! Aussi depuis peu des accords pluri-annuels sont passés avec le PAM, avec des ONG et des gouvernements régionaux espagnols pour assurer une plus grande permanence de l’aide. L’autre développement récent est la priorité donnée aux projets de développement et de formation, jardins, ateliers, formation scolaires et professionnelles, projets avec micro-crédits. « La situation aujourd’hui est bien différente du temps de la guerre, les disparités se creusent mais en même temps les gens recherchent des solutions pour améliorer leur quotidien et abandonnent ainsi leur position d’assistés. À l’État d’assurer à chacun ses droits à l’école, à la santé, d’appuyer les familles de martyrs et surtout de faire en sorte de « tenir » avec un maximum de cohésion et d’unité pour créer les meilleures conditions pour retrouver notre patrie » c’est ainsi que concluait Salek Baba en ce vendredi matin d’avril 2007.

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QUATRIÈME PARTIE

LES RELATIONS NORD/SUD ENTRE ÉCONOMIE SOLIDAIRE ET DROIT DE L’HOMME

LA QUESTION DES DROITS DE L’HOMME

« Il faut maintenir dans un présent obstiné, avec tout son sang et son ignominie ce que déjà on cherche à faire entrer dans la plage commode de l’oubli. Il faut continuer à considérer comme vivants ceux qui peut-être ne le sont plus, mais nous avons l’obligation de les réclamer, un par un, jusqu’à ce que la réponse apporte finalement la réponse que l’on cherche aujourd’hui à élucider. » Julio Cortazar « Le refus de l’oubli »

La dimension « droits humains » n’est pas apparue tout de suite dans l’analyse de la situation et les formes de présentation des actions solidaires. Il était question de politique plutôt que de droits de l’homme, ainsi avec la prise de conscience et la dénonciation de la disparition de centaines de Sahraouis au Sahara occidental et au sud du Maroc dès 1975. La disparition forcée(1) qui toucha près de mille personnes, pour les cas retrouvés, étant l’une des expressions particulièrement cruelle, de la volonté politique d’Hassan II de faire disparaître toute résistance à sa présence au Sahara, certains l’analysant même comme une tentative de génocide. Beaucoup plus tard, l’AFAPREDESA rapportant le nombre de disparus à la population estimée en 1973 par le recensement espagnol, signalait que le nombre de disparus pouvait représenter 1 % de la population (soit pour un pays comme la France 600 000 personnes !). Amnesty International, s’empara du problème. Dès 1978, un document interne signalait que 150 civils et sans doute plus étaient en détention sans procès, elle s’engageait à prendre en charge 30 cas. Quelques mois plus tard en mars 1979, ce sont plusieurs centaines de personnes qui étaient déclarées en détention. Au bout de dizaines de lettres écrites et de démarches auprès de la royauté marocaine, la recherche des disparus sahraouis s’interrompit dans l’impuissance, créée par la chape de plomb et de répression solidement tenues par Hassan II et son arsenal sécuritaire. Ces parrainages furent peu à peu abandonnés tant le secret était absolu autour de ces personnes en même temps que la peur entretenue par de telles pratiques. Le Croissant rouge sahraoui diffusa plusieurs communiqués en 1978, pour alerter sur la situation à El Aïoun, tout en constatant sa grande impuissance et l’indifférence de ceux auxquels il s’adressait. Les premiers Sahara Info qui sortent en 1976 chaque mois sous forme ronéotée, Définition : on entend par disparition forcée, le cas des personnes arrêtées, détenues ou enlevées par un État ou une organisation politique qui refuse ensuite d’admettre que ces personnes sont privées de liberté ou de révéler le sort qui leur est réservé ou l’endroit où elles se trouvent dans l’intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée. La pratique généralisée ou systématique de la disparition forcée constitue un crime contre l’humanité tel que défini dans le droit international applicable et entraîne les conséquences prévues par le droit international applicable. (1)

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font état en octobre, d’arrestations suite à des manifestations dans les villes occupées (sans autre précision) et de tortures subies par les femmes et les enfants dans des camps d’emprisonnement. Au cours des années suivantes qui coïncident avec les actions armées de l’APLS sont rapportés plusieurs témoignages tous concordants. Ce n’est qu’en 1981 que la sous-commission des droits de l’homme s’en empare, alors qu’un document lui est adressé dès 1978 par le Front Polisario. De quels témoignages disposaient-ils ? Octobre 1977, Sahara Info n° 16-17, un ancien coopérant français professeur d’espagnol à Tan-Tan, témoigna sur la répression et sur les arrestations qui faisaient disparaître les gens. L’occupation pendant 24 heures de Smara en octobre 1979 par l’APLS, permit à des centaines de familles (716 personnes) d’en partir. Elles témoignèrent aussitôt sur les années qu’elles venaient de vivre, mauvais traitements et traitements cruels, arrestations, quelques noms de personnes disparues furent donnés, Sahara Info n° 38-39 novembre 1979. En février 1980, le Comité suisse engagea une action auprès de la Commission des droits de l’homme de l’ONU, en session à Genève pour l’informer de ce qui se passait au Sahara occidental depuis octobre 1975 afin que celle-ci « reconnaisse les souffrances infligées au peuple sahraoui et détermine les sanctions requises contre les bourreaux ». La Commission adopta une résolution reconnaissant le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui sans se placer sur le terrain direct des droits de l’homme. Un article signé par l’avocat, Francis Jacob, dans le Sahara Info n° 42 fait longuement état de la situation : « Il faut encore ajouter que lorsque des personnes sont arrêtées, nul ne sait ce qu’elles deviennent. Elles semblent n’avoir jamais existé. Elles ne sont jamais transférées dans aucune prison ». Dans le numéro de septembre 1980, Sahara Info n° 48, un nouvel article fait un point précis de la situation au Sahara occidental et au Sud du Maroc à l’occasion d’une grâce royale libérant une centaine de prisonniers d’opinion marocains. Des informations commencent à sortir, les noms et localisations des bagnes secrets, Tazmamart, Aït ben Haddou, Agdz près de Zagora où seraient détenus les disparus sahraouis, des centres de détention et de torture à Dar El Mokri, à Derb Moulay Chérif.

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Ces informations recueillies en concertation avec les comités marocains contre la répression, soulignent le cas particulier des Sahraouis soumis à un black-out total « Le régime marocain peut faire des civils sahraouis ce qu’il veut, personne ne proteste » et à une zone de non-droit dès que l’Oued Draa est franchi (Sud du Maroc peuplé principalement de Sahraouis). À Paris « Le comité de défense des Sahraouis au Maroc et au Sahara occupé » adresse en 1982 un télégramme au roi signé par une cinquantaine de personnalités (Lionel Jospin, Costa Gavras, Maxime Leforestier, Pierre Bourdieu, Yves Lacoste, Jean-Louis Weil). En juin 1981 la sous-commission des droits de l’homme examina la question des droits de l’homme au Sahara occidental, deux rapports lui furent présentés par la Ligue internationale pour le droit des peuples qui reprenaient plusieurs témoignages accablants. Celui du journaliste espagnol Joaquim Ibarz, publié en octobre 1977 dans la revue Primera Plana n° 32-33, qui comparait la ville d’El Aïoun à un immense camp de concentration, surveillance policière, couvre-feu, tortures. Les disparitions sont là aussi attestées. Celui du journaliste, Tony Hodges dans Le Matin des 16 et 18 décembre 1978, fait état de 58 arrestations le 20 mai 1978 et de tortures, et enfin celui du journaliste Jean-François Boyer qui se rendit à El Aïoun comme touriste et recueillit de nombreux témoignages qui confirmaient les précédents, indiquait que des enfants avaient été arrêtés pour avoir lacéré des portraits de Hassan II dans leur école. Très lentement, compte tenu de la difficulté des contacts et de la fermeture du Sahara occidental pendant les années de plomb, fermeture aggravée par la construction du mur de défense à partir de 1982, des listes de disparus commencèrent à circuler. En 1982 le comité parisien déclara connaître l’existence de 130 disparus. En 1987, une liste presque complète fut publiée par le journal du Polisario, Sahara Libre avec les noms des personnes disparues de 1975 à 1987 (1975, 65 personnes ; 1976, 287 personnes ; 1977, 40 personnes ; 1978, 21 personnes ; 1 979, 19 personnes ; 1980, 47 personnes ; 1981, 48 personnes ; 1982, 9 personnes ; 1983, 40 personnes ; 1984, 66 personnes ; 1987, 4 personnes). L’arrestation de près de 400 jeunes venus à la rencontre d’une mission de l’ONU en novembre 1987, et leur disparition, « épisode » décrit plus haut, rassemble, en une séquence cruelle, la situation qui prévaut au Sahara occidental colonisé par

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son voisin depuis trente deux années et la grande hypocrisie qui l’entoure. Cette année là, la mission de l’ONU venait apprécier sur place la situation, en vue de la préparation du plan de règlement que le Maroc se disait prêt à signer. Ce dernier, prépara à sa manière les conditions favorables à un possible règlement politique. Il pourchassa les jeunes venus manifester pour dire à la mission leur volonté d’indépendance et organisa un grand show médiatique à El Aïoun pour impressionner les représentants de l’ONU et de l’OUA. Arrestations, mauvais traitements et traitements cruels, disparitions, aucune de ces actions perpétrées, n’a semblé troubler la mission de l’ONU. Par contre des parlementaires européens s’en émurent (Henri Saby, Pierre Pranchère) et firent voter une résolution (17 décembre 1987) protestant contre ces arrestations arbitraires. Plusieurs de ces jeunes arrêtés en 1987, puis libérés en 1991 sont aujourd’hui les leaders de la résistance à l’occupation : Aminatou Haïdar, Brahim Dahane, Brahim Sabbar, Ghalia Djimi. Tout comme la situation politique bougeait, avec le plan de règlement en préparation à partir de 1988, l’attention aux Sahraouis disparus et aux prisonniers se fit plus pressante. Des militants venus des campements et du Sahara occidental, constituèrent l’AFAPREDESA, le 20 août 1989. Ils ouvrirent un bureau à Madrid et rendirent publique une liste de 802 disparus. Cette première association consacrée aux droits de l’homme était en priorité destinée à prouver l’existence et à retrouver les disparus mais aussi à apporter un soutien moral et matériel aux familles concernées(1). Dès sa constitution l’AFAPREDESA, présenta au Groupe de Travail sur les Disparitions Forcées ou Involontaires de l’ONU, une documentation détaillée concernant 200 disparus. La Conférence européenne quelques mois plus tard à Hambourg s’empara de la question de manière effective en lançant le principe d’une campagne d’adoption des disparus sahraouis et en décidant d’une journée commune pour manifester et dénoncer disparitions forcées et le non respect des droits de l’homme au Maroc. 1990, fut l’année où enfin fut mise au grand jour, la situation au Maroc et la naL’AFAPREDESA est dotée du statut d’observateur auprès de la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

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ture du régime d’Hassan II. La sortie du livre de Gilles Perrault « Notre ami le Roi » eut raison de la propagande et du silence imposé depuis 20 ans, sur les traitements cruels et les bagnes secrets. Les associations solidaires avec les Sahraouis précédèrent et accompagnèrent ce que le livre avait déclenché, en manifestant en février, dans toute l’Europe pour dénoncer les disparitions forcées. À Paris au Trocadéro, Place des Droits de l’homme, le rassemblement très nourri, appelé par de nombreuses organisations (AARASD, AFASPA, FIDH, France Libertés, LDH, MRAP, SOS racisme, Cimade, Justice et Paix, Terre des Hommes, Enfants Réfugiés du Monde, UFF, Parti socialiste, Parti communiste, MJS, FSGT, FEN, CGT, Comité de défense des libertés en France et dans le monde) était particulièrement émouvant, la foule défilant derrière d’immenses bannières sur lesquelles étaient représentés les portraits de plusieurs disparus. 857 personnes disparues étaient à ce moment-là identifiées. D’autres engagements étaient également significatifs, celui de la Présidente, Madame Mitterrand, celui d’Amnesty faisant rapport, ainsi que le vote de résolutions, au Parlement européen et à la Commission des droits de l’homme à Genève. Hassan II en habile politique organisa aussitôt la réaction, en créant le Conseil Consultatif des Droits de l’Homme, pour donner à son régime un semblant d’honorabilité pour l’extérieur et calmer le jeu à l’intérieur. Il connaissait aussi les échéances, celle du Plan de Paix, dont l’adoption par le Conseil de sécurité était proche. Il fallait régler la question des disparitions. C’est le 19 juin 1991 que 310 disparus sahraouis « réapparurent » avec les disparus marocains dont les trois frères Bourequat, leur libération intervenant quelques semaines avant la signature du cessez-le-feu. 310 survivants libérés sur les 857 identifiés ? où étaient les autres ? Depuis cette date beaucoup d’entre nous ont parrainé ces disparus pour ne pas les oublier et les retrouver ? Pour les disparus non retrouvés, le Maroc a continué de nier leur existence jusqu’en 1999, et la mort d’Hassan II. Les autorités ont alors reconnu que certaines personnes étaient décédées dans des centres clandestins. Mais en dépit des pressions, aucune famille n’a pu récupérer la dépouille de ses proches. En 2008, les familles et l’AFAPREDESA exigent toujours la restitution de leurs dépouilles et la vérité sur les condi-

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tions de leur décès. Des charniers commencent à être retrouvés au Maroc. Personne ne revient indemne d’une telle épreuve, 17 ans dans un bagne secret comparable à un camp de concentration ou le seul objectif des autorités est d’organiser votre lente agonie. Le rapport d’Amnesty publié en septembre 1990, avant les libérations est glaçant d’horreur. Les disparus de leur côté seront interdits de raconter en restant au Sahara occidental. Après le bagne secret, les autorités marocaines les installeront dans une autre prison, sans barreau, mais bien réelle, pas de travail, pas de possibilité de sortir et surtout de parler. C’était bien ce que constatait l’AFAPREDESA en mai 1992 dans un mémorandum adressé aux Européens, « devant l’intérêt porté par le Conseil de sécurité à la mise en œuvre du Plan de paix, celui de nombreuses associations pour le dossier des disparus, nous nous sommes réjouis espérant que c’était la fin de nos souffrances. Mais nous avons vite été déçus quand nous avons appris que les autorités marocaines continuaient à bloquer le territoire tout en l’inondant par des milliers de nouveaux colons qui campent dans nos villes. Les campagnes d’arrestation se poursuivent malgré la présence de la MINURSO. » Comme l’AFAPREDESA, les associations des droits de l’homme et les associations solidaires firent le constat de l’absence de tout changement de politique au Sahara occidental. Il était indispensable de poursuivre l’information, de coordonner davantage les initiatives européennes permettant de peser sur les associations des droits de l’homme comme la FIDH ou sur la Commission des droits de l’homme de l’ONU. Pendant plusieurs années, le rendez-vous européen de février en faveur des disparus sahraouis s’organisa avec une certaine ampleur. Présence d’Abraham Serfaty, des frères Bourequat en 1992 après leur libération, avec un lâcher de ballons au Trocadéro très symbolique de l’espoir que leur présence représentait. Renouvellement de la présence au Trocadéro les années suivantes avec deux puis trois anciens disparus sahraouis enfin parvenus en France, Khadir El Daoud, Kenti Sidi Balla puis Brahim Ballagh. Publication progressive des témoignages sur la disparition, dans un rapport d’Amnesty en avril 1993, interview de Kenti Sidi Balla dans Le Havre Libre la même année. Témoignages repris dans plusieurs numéros de Sahara Info n° 94 octobre décembre 1995, n° 109 janvier mars 2000 et n° 116

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décembre 2001. Publication par l’AFAPREDESA d’une brochure, reprenant le témoignage de Khadir el Daoud « Pour mémoire, détour par les jardins du roi » en 1999. Brochure de qualité à la dimension de la douleur des disparus : autour de Khadir El Daoud se sont rassemblés des lycéens de Egersund en Norvège, des amis d’Emmaus et d’Amnesty, Elisabeth Muller, Régine Fleury et Eric Koehler… « La mort tant de fois implorée en secret du fond de nos cellules aurait été plus douce que toutes les souffrances que nous avons endurées pendant tant d’années ». C’est seulement en 2000, dans le quotidien Libération du 11 février que Khadir El Daoud put enfin être accueilli par un journal national pour dire son enfermement de 17 ans, à la journaliste José Garçon. Le Parlement européen indiquait également son inquiétude en votant deux résolutions en novembre 1993 et février 1994 demandant au Maroc de faire toute la vérité sur le sort des disparus, de mettre un terme à l’emprisonnement politique. De nombreuses personnalités aux parcours multiples et aux mêmes convictions, se retrouvent dans cette histoire tant au Sahara occidental qu’en Europe. Christian Viret par exemple, responsable du BIRDHSO, Bureau pour le respect des droits de l’homme décidé à la Conférence européenne de Rome, en novembre 1993, pour mieux coordonner les initiatives là où tout se passe, à Genève. Il se raconte dans le numéro 100 de Nouvelles Sahraouies en juin 2001. « 1974-1975, jeune étudiant anti-franquiste, j’entends pour la première fois parler du peuple sahraoui, colonisé par l’Espagne de Franco. Au sein du CASPEL auquel j’adhère en 1975, tout le monde parle du Sahara bien que la principale préoccupation était la peine de mort requise contre 11 militants antifranquistes. Le FRAP, mouvement espagnol que le CASPEL suisse soutenait, a été la première organisation à rencontrer le Front Polisario à Alger en juin et à s’engager à le soutenir. Nous savons qu’en décembre deux infirmières espagnoles du FRAP ont rejoint les réfugiés. En janvier 1976, le CASPEL organise à Genève son premier meeting de soutien puis ce sera la création du comité et depuis… » Ce bureau installé à Genève édite un bulletin, El Karama, la dignité, et coordonne le parrainage des disparus. Ce parrainage est toujours actif en 2008, il permet d’in-

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terpeller les personnalités concernées par le dossier, au moyen de cartes postales à l’effigie des disparus, mobilise et informe les parrains. En France c’est Chantal Duchastelle membre du bureau de l’AARASD qui relaie cette correspondance(1). Avec l’AFAPREDESA, les militants du BIRDSHO sont très présents dans les couloirs ou dans la salle des travaux au moment des sessions en mars et en août de la Commission et de la sous-Commission des droits de l’homme. En mars 1994 par exemple, l’AFAPREDESA était présente pour la première fois à Genève, deux des points traités pouvaient concerner le sujet du Sahara occidental, le point 9 abordant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et le point 12 concernant les violations des droits de l’homme. Plusieurs associations intervinrent sur les disparitions, sur l’enlisement du plan (MRAP, Fondation France Libertés, FIDH, Pax Christi international, Association Internationale des Juristes Démocrates, la Fédération latino américaine des associations de familles de disparus). Les associations intervenantes disposaient de peu de temps et étaient de peu de poids face aux interventions des États, aussi cette session fut plutôt décevante, la résolution du point 9 traitant de manière équivalente le Maroc et le Polisario (droit des peuples à disposer d’eux-mêmes) et rien sur les droits de l’homme. En Août, à la sous-commission qui est plutôt un organe d’études et de réflexion, les interventions eurent davantage d’impact. La parole fut donnée pour la première fois à un ancien disparu, Khadir El Daoud, bénéficiant du tour de parole de l’association Pax Christi. Cette présence régulière à Genève a un certain poids et peut être associée à des initiatives européennes militantes comme en mars 2003, avec rassemblement et conférence. Elle a également encouragé les militants sahraouis de l’AFAPREDESA à s’instruire de toutes ces formes juridiques d’intervention en suivant des stages à Strasbourg financés par l’Europe. Le rapport de l’AFAPREDESA relatif à la 58e session de la commission des droits de l’homme de mars 2002 en fit foi. La parPar exemple en février – mars 2003, la campagne d’adoption symbolique des disparus sahraouis s’adressait à quatre personnalités, Monsieur Kofi Annan, l’Ambassadeur de France auprès des Nations unies, Monsieur Rochereau de la Sablière, Monsieur Georges Papandréou, Président de l’Union Européenne, et Monsieur Inocencio Arias, ambassadeur de la mission espagnole aux Nations unies. (1)

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ticipation sahraouie était plus importante, mieux écoutée, même si Abdesalam Omar Lahcen, son président en attendait peu du fait de la forte politisation de la commission(1). Au-delà des interventions prévues pendant les sessions, la délégation fit de nombreuses rencontres officielles et associatives(2). En conclusion une résolution fut adoptée par consensus. En 2009, la situation a peu varié, le tabou de la marocanité du Sahara interdit toujours toute liberté d’expression sous le regard le plus souvent impassible de la MINURSO (Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental) installée depuis 1991 à El Aïoun. Dans un interview donné à Sahara Info, n° 144-145 décembre 2008, le Président de l’AFAPREDESA, Abdeslam Omar Lahcen, indique « en toute objectivité » que certaines choses se font au niveau de la MINURSO : « Cela dépend du calibre des Représentants. Lors de la période de James Baker, il y a eu pression sur les autorités marocaines pour répondre au cas des disparus. De même, lors de la période du Représentant Monsieur Swing, lui aussi a agi en faveur des droits de l’homme. Plus récemment, Francesco Bastagli a agi pour que les Nations unies interviennent. C’est comme ça qu’une mission du Haut-commissariat pour les droits de l’homme s’est rendu dans les territoires en 2006. » La situation au Sahara occidental et l’apparition publique et organisée de la revendication de l’autodétermination et de l’indépendance était au centre des premières mobilisations. S’organisèrent d’abord dans la plus grande discrétion les contacts entre anciens disparus, avec les familles de ceux qui n’étaient pas revenus. (des rescapés des bagnes secrets créent en 1994 « le comité de coordination des victimes sahraouies de la disparition forcée »). La non application du Plan de paix exaspéra la patience de jeunes scoSept Sahraouis dont quatre des territoires occupés étaient présents, Noumria Brahim FVJ Sahara, Mohamed Fadel Leili avocat, Rahmouni Dahla, Hamoudi Sid Ahmed Baya, fils de disparu, Abba El Haissen, Union des juristes sahraouis, M’Hamed Cheik, Front Polisario, Abdesalam Omar Lahcen, président de l’AFAPREDESA. (1)

CICR, Rapporteur spécial sur la torture, Groupe de travail sur les disparitions forcées, Rencontre avec Ramos Horta, MAE du Timor Est, Président de la commission, Hina Jilani représentante du SG pour les défenseurs des droits de l’homme, participation à la conférence sur l’impunité en Amérique Latine, rencontres avec la plupart des ONG présentes. (2)

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larisé à El Aïoun qui décidèrent en 1995, le 10 mai, date anniversaire de la création du Polisario, de se rassembler avec des slogans indépendantistes. Ce premier rassemblement eut à peine le temps de se déployer qu’il fut cerné par toutes les forces sécuritaires présentes (Police, CMI, compagnies mobiles d’intervention, DST, direction de la sécurité du territoire). Une centaine de jeunes furent arrêtés et huit condamnés à 15 et 20 ans de prison. Les réactions au Maroc, trois avocats de l’OMDH présents au procès ne relèvent qu’un simple délit de manifester, et surtout celles à l’extérieur imposent à Hassan II de reculer, leur peine est réduite à une année. D’autre tentatives, missions organisées vers Rabat qui associaient revendications sociales et politiques, sit-in en 1996, coïncidèrent avec des mobilisations à l’extérieur comme la campagne organisée par l’AFAPREDESA et le BIRDHSO pour la défense du prisonnier sahraoui, Mohamed Daddach, ancien militaire incorporé de force dans l’armée marocaine et condamné à mort. La disparition d’Hassan II, décédé en août 1999, favorisa une explosion en septembre. Un mouvement de révolte se développa dans les principales villes du Sahara, manifestations, émeutes durement réprimées par le Ministre de l’intérieur d’Hassan II, Mohamed Basri. Les affrontements avec la police et avec des colons marocains en service commandé, durèrent plusieurs jours, les représailles ayant été d’une violence inouïe suivant les journalistes sur place ( Jean Pierre Tuquoi Le Monde du 5 octobre 1999). Couvre-feu, arrestations et procès inéquitables, les méthodes sécuritaires n’avaient pas disparu avec la mort d’Hassan II. L’OMDH qui avait enquêté sur place rapportait : « Ces évènements ont eu pour toile de fond la situation générale des droits de l’homme caractérisée par des restrictions exceptionnelles entravant les principales libertés individuelles et publiques, par des dysfonctionnements de l’administration et de la justice avec une politique du tout sécuritaire ». Les émeutes de septembre 1999, analysées par les autorités marocaines comme l’expression d’un malaise social, allaient bien au-delà. La vacance laissée par la mort du roi, avait agi comme un déclencheur, ces émeutes étant l’expression du rejet de la présence marocaine dénoncée comme une occupation coloniale.

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En octobre 2001, l’Express, (article paru le 18 octobre 2001) dépêcha trois journalistes sur place, (Dominique Lagarde, Mohamed Lardhaf Eddah et Baya Gacémi) qui titraient « Le nouveau Maroc, Sahara le conflit ensablé ». « Incontestablement les autorités marocaines paient une conception trop policière de la gestion du territoire. Il a cherché à récupérer le territoire pas les êtres humains ». Ils rencontrèrent des militants sahraouis du Forum vérité et justice, section Sahara. Section crée le 26 août 2000 à El Aïoun. Cette association de défense des droits de l’homme, venait d’être crée au Maroc en octobre 1999, à l’initiative des rescapés des bagnes secrets, disparus marocains très proches des disparus sahraouis. Ils étaient animés de la même volonté de dénoncer les années Hassan, années de plomb, de demander réparations pour les victimes et procès pour les bourreaux. Suite à cette rencontre, les journalistes de l’Express écrivaient « cela fait un an que cette association qui plaide pour le devoir de mémoire a ouvert une section à El Aïoun, en dépit des réticences manifestées par les autorités locales. Au mur, des photos de disparus et de prisonniers morts en détention, ainsi que celles plus récentes de jeunes protestataires, arrêtés lors des émeutes de septembre 1999… Ici beaucoup de familles ont un prisonnier ou un disparu parmi leurs parents. Cette politique a dressé la population contre le Maroc. Quand les gens s’expriment ils se disent pour l’indépendance ». À la même période le journal Sahara Info, n° 114 septembre 2001, publiait pour la première fois des photos des réunions de la section Sahara du Forum Vérité Justice, de la tribune et de l’assistance et son responsable Lahcen Moutik, nous disait au téléphone en nous adressant les documents « nous devons avec de telles réunions et en nous montrant casser la peur, rompre le cercle vicieux imposé par le pouvoir et enfin faire exister nos droits élémentaires, comme celui de la liberté d’expression ». Une expression libre pouvait-elle exister et affronter sans dommage le tabou de la marocanité du Sahara ? Le limogeage du ministre Basri en novembre 1999, l’espoir qu’avait pu susciter l’avènement d’un nouveau roi et d’un nouveau style, pouvaient ouvrir quelques brèches, mais sans abandonner l’usage de l’arbitraire, prérogative d’une monarchie toute puissante et sans jamais céder sur l’essentiel, la marocanité du Sahara. Les militants sahraouis s’engagèrent pourtant dans de nombreuses mobilisations, à Smara, Dakhla, dans les lycées d’El Aïoun,

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dans les prisons, dans la dynamique du soutien au prisonnier Mohamed Daddach pendant ces deux années 2000 et 2001. La campagne pour la libération de Mohamed Daddach et des autres prisonniers d’opinion commença à El Aïoun en septembre 2001 avec une grève de la faim des prisonniers. Début octobre, ils furent visités par des représentants du Conseil Consultatif des droits de l’homme, et le 7 novembre, donc plutôt rapidement, tous les prisonniers furent libérés. « Alors je dois dire que pour tous c’est un peu le frisson, on n’arrive pas à y croire. Ca fait tellement longtemps que la situation de Daddach est au cœur de nos préoccupations. J’ai reçu vers 22 heures un coup de téléphone d’El Aïoun, me disant, on est devant la prison, ils commencent à sortir. À partir de là et pendant toute la semaine qui a suivi, avec les militants du FVJ, on a participé en direct. Daddach a été reçu à Rabat par les étudiants sahraouis, à El Aïoun il y avait bien 4 000 personnes venues l’accueillir. Puis la police est intervenue, les jeunes qui montaient les tentes pour le meeting, c’était en direct, je les entendais chanter, ont résisté à la police. Puis il est allé à Smara, mais depuis le 17 novembre, il y a eu des arrestations et Daddach n’a plus le droit de se déplacer » Christian Viret pour le BIRDHSO Sahara Info « spécial territoires occupés » n° 116 décembre 2001. À partir de 2000, des associations, des personnalités essayèrent de forcer les portes pour entrer au Sahara. Avec succès ou en vain. Danielle Mitterrand fut empêchée d’y voyager en novembre 2001. D’autre délégations purent passer et rencontrer militants et anciens disparus, en contact pour la première fois, avec des étrangers attentifs (mission suisse en septembre 2002 conduite par Christiane et Berthier Perregaux du CITIM, Jean-Claude Vautier étant de son côté mandaté par la Ligue Suisse des Droits de l’Homme, mission AFASPA – France Libertés en octobre 2002). D’Espagne, des avocats avec Inés Miranda, avocate canarienne, commencèrent à organiser des missions pour être présents aux procès des militants arrêtés. Florence Baugé, journaliste, en reportage pour Le Monde en mars, relevait : « L’enfer vécu par ces hommes et ces femmes disparus du jour au lendemain du monde des vivants, rappelle en tout point celui décrit par Malika Oufkir dans « La prisonnière » à une différence près, le drame des Sahraouis n’a jamais été reconnu dans toute sa dimension et n’a pas fait vraiment scandale ni au Maroc ni ailleurs ».

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Les années suivantes, la monarchie s’efforça de trouver les solutions pour résoudre la contradiction attachée à la pratique du pouvoir du nouveau souverain. Honorabilité et efforts démocratiques pour l’extérieur, maintien d’un encadrement politique et sécuritaire au Maroc et surtout au Sahara occidental pour la défense des bases du pouvoir, la monarchie autoritaire et la marocanité du Sahara et faire en sorte que rien ne change. Au Sahara occidental, il s’agissait surtout de réduire les moyens des militants pour l’autodétermination, s’exprimant depuis la mort d’Hassan II. Surveillance, omniprésence de la police au Sahara ne suffisaient plus. En mars 2003, les autorités empêchèrent au dernier moment, dans l’aéroport de Casablanca, 14 responsables des associations des droits de l’homme, de sortir du territoire. Ils venaient en Suisse pour participer à une rencontre des Familles des Disparus sahraouis organisée par le BIRDSHO et devaient participer à la 59e session de la Commission des droits de l’homme de l’ONU à Genève sur les disparitions. (dépêche AFP Rabat 29 mars 2003). La place prise par les militants des droits de l’homme autour de l’AFAPREDESA, à Genève et à la Commission, leur crédibilité, commençaient à inquiéter le Maroc. Autres risques dès que quelqu’un bouge, confiscation des passeports, perte de l’emploi etc. En juin 2003, la section Sahara du Forum Vérité Justice était dissoute, en dépit d’un réel soutien de personnalités marocaines connues pour leur engagement(1) et d’un soutien local. Plusieurs missions furent expulsées, celles d’élus espagnols ou d’associations européennes. Toutes les expressions en faveur de l’autodétermination furent réprimées, les militants rapidement et sévèrement jugés. Plus récemment, l’interdiction « associations à risque » pour le pouvoir, s’est maintenue. En 2006, l’ASVDH, en dépit d’une décision judiciaire prise par le tribunal d’Agadir en septembre 2006, s’est vue refuser de constituer un dossier de déclaration officielle. L’association fonctionne de fait mais ses militants peuvent être arrêtés pour faire partie d’une association illégale. En 2008, les autorités ont interdit au CODESA de réunir son Assemblée générale constitutive, comme les autres elle fonctionne de fait avec tous les dangers possibles. Avocats de l’AMDH par exemple, Maître Abderraman Benameur, Maître Ali Amar, Maître Mohamed Sebbar.

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Dans le même temps, Mohamed VI approuvait par dahir royal, en avril 2004, l’Instance Equité et Réconciliation, pour clore la page des années de plomb. Pendant une période de 9 mois prorogeable, l’IER devait répertorier les violations passées, rechercher les cas de disparition non élucidées, déterminer les lieux d’inhumation des disparus et des victimes de la détention arbitraire et mettre en place la réparation financière des victimes et de leurs familles. Mais l’IER n’avait pas la possibilité de rechercher les tortionnaires, d’autoriser les victimes à les nommer. Il s’agissait de respecter une stricte impunité pour les bourreaux des années de plomb au risque de mettre en cause le premier d’entre eux, Hassan II. Contrairement à ce qui venait de se passer en Afrique du Sud ou en Argentine, « la justice transitionnelle » s’arrêtait à mi-chemin pour les victimes. Pourtant avec une opération de relations publiques bien menée, Mohamed VI se donnait une image flatteuse de monarque réformateur. L’IER examina près de 17 000 dossiers et rendit ses travaux au roi en novembre 2005, 8 000 victimes furent indemnisées. Les indemnisations aux victimes pouvaient-elles faire oublier l’impunité laissée aux bourreaux, d’autant plus pour les Sahraouis, pour lesquels rien ne changeait. Comme en 1976 ils pouvaient être inquiétés, torturés pour avoir revendiqué leur droit à l’autodétermination. La presse indépendante marocaine posa la question. Le directeur de « Journal Hebdo » s’interrogeait dans un numéro de février 2004 « Comment interdire à un Sahraoui de clamer son indépendance alors que l’État marocain a accepté l’organisation d’un référendum d’autodétermination ». La réponse populaire fut vigoureuse en mai 2005, soulèvement populaire, intifada pour les Sahraouis. Le mouvement prit une ampleur inconnue jusqu’alors, touchant les villes du Sahara et du Sud-Maroc où se trouvent concentrés des marocains se revendiquant une origine sahraouie, très solidaires des Sahraouis du Sahara, touchant toutes les catégories de la population et pour des revendications politiques, l’autodétermination et l’indépendance. La répression fut à la dimension du soulèvement, mettant la région en état de siège. Les évènements intéressèrent la presse européenne qui en couvrit l’actualité. Les militants sahraouis disposaient de davantage de moyens pour populariser leur lutte, associations plus nombreuses existant de fait, (Comité sahraoui contre les violations des droits humains com-

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mises par l’État marocain, Comité des familles des disparus sahraouis, Comité pour l’autodétermination du peuple sahraoui, Association des familles de martyrs dans les commissariats de police marocains, comité pour la protection des prisonniers politqiues sahraouis à la prison noire, Collectif des victimes de la torture de Smara, Forum Vérité Justice Sahara) utilisation des portables et de l’internet. Comme souvent en de telles circonstances, l’Organisation Mondiale Contre la Torture et Amnesty International mobilisèrent leurs forces pour alerter et soutenir. En septembre, les deux organisations prenaient en charge, pour Amnesty, sept personnes arrêtées(1) et 37 prisonniers d’opinion pour l’OMCT. Elles organisèrent autour d’elles, des interventions auprès des autorités marocaines. Action d’autant plus nécessaire que les 37 prisonniers d’opinion venaient de commencer une grève de la faim qui durera jusqu’aux extrêmes limites vitales. (Ces 37 prisonniers, pour la plupart arrêtés en mai ou au cours de l’été 2005, étaient répartis dans trois prisons, Carcel Negra ou Prison Noire d’El Aïoun, Aït Melloul à Agadir et Oukacha à Casablanca.). Cette longue grève de la faim faisant suite aux arrestations et manifestations de l’été, suscita davantage d’émotion qu’habituellement. Celle de députés, de l’Abbé Pierre qui prit sa plume pour écrire au roi, de toutes les sensibilités suédoises, de quelques congress men américains etc. De leur côté les principales associations marocaines des droits de l’homme, ainsi que le parti d’extrême gauche, « La Voie Démocratique » appelèrent à la libération de ces prisonniers. 15 nouveaux cas de disparitions concernant des jeunes, que les autorités marocaines disent être noyés pendant un embarquement clandestin dans les fameuses embarcations qui tentent d’atteindre les îles Canaries, sont intervenues en décembre 2005. Depuis cette date les familles les recherchent, le BIRDSHO a déposé un dossier en 2009 auprès du groupe de travail de l’ONU. Depuis 2005 cet élan ne s’est pas démenti et alimente par sa détermination le soutien des associations solidaires et des droits de l’homme. Les procès des militants, véritables procès politiques, par une justice aux ordres du pouvoir essaient en Aminatou Haïdar, Mohamed El Moutaouakil, Larbi Messaoud, Brahim Noumria, Houssein Lidri, Ali Salem Tamek, H’mad Hammad.

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vain de décourager les mobilisations. Lahcen Moutik, militant sahraoui, ancien prisonnier du groupe de Meknès, s’exprimait en octobre 2006 sur la situation (Sahara Info N° 137). « Le développement de la résistance civile au Sahara occidental depuis mai 2005 a changé les analyses au sein même de la classe politique et des médias marocains. Ceux qu’on appelait hier au Maroc, les séparatistes, minorité téléguidée par le régime algérien qui séquestrait des milliers de Sahraouis sur la Hamada, sont aujourd’hui considérés autrement, d’autant plus que l’implication de la jeunesse sahraouie dans cette revendication d’indépendance commence même à ébranler les officiels marocains ». Cette situation a également interpellé les fonctionnaires de l’ONU, qui ont engagé le Haut-commissariat aux droits de l’homme à organiser une mission en mai 2006. Cette mission a auditionné toutes les associations sahraouies et en a conclu sur le non-respect des droits de l’homme lié au non-respect de l’autodétermination. Rapport communiqué sous le manteau, jamais publié officiellement, l’important étant que son contenu soit connu et largement diffusé. Deux missions importantes, en décembre 2008 et janvier 2009, à l’initiative de l’ONG « Human Rights Watch » et d’une délégation ad hoc du Parlement européen, confirmèrent au grand dam des autorités marocaines, les observations faites en 2006. Observations enrichies de propositions. Vers l’ONU, contrôle par la MINURSO du respect des droits de l’homme au Sahara occidental, vers l’Europe, vigilance pour faire respecter les termes des conventions signées par le Maroc. Ces trois missions donnant enfin l’opportunité aux associations sahraouies de les rencontrer officiellement. (Sahara Info n° 146 janvier – mars 2009). Cette longue et difficile « bataille » tout à la fois politique et pour le respect des droits humains, qui depuis trente ans est menée par des militants et militantes sahraouis « des campements et des territoires occupés », avec les multiples appuis de la solidarité, commence à donner quelques résultats. En octobre 2007, le juge espagnol Garzon a accepté d’ouvrir une enquête pour les crimes présumés de génocide et tortures de la part des responsables marocains entre 1976 et 1987 au Sahara occidental, suite à la plainte déposée par des victimes sahraouies, jugée recevable en septembre 2006. En décembre il décida d’entamer une procédure contre 13 responsables marocains.

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Les progressistes marocains, le parti de la Voie Démocratique, de nombreux militants des organisations des droits de l’homme marocaines, AMDH, OMDH, FVJ, les participants aux forums sociaux mondiaux ou Maghrébins ont pris position en faveur de l’autodétermination et associent sans ambiguïté, les progrès de la démocratie dans leur pays au respect de la démocratie pour les Sahraouis. Le forum social maghrébin réuni en janvier 2008 à Bouznica, près de Rabat, est un exemple significatif de ces récentes évolutions. Ce forum rassembla plus de 1 000 personnes dont 200 venus de l’étranger. Trente-cinq Sahraouis y assistèrent et participèrent à plusieurs ateliers. Pour les Sahraouis présents, qui avaient déjà suivi la mise en place de la branche maghrébine des forums sociaux, la présence acceptée et reconnue d’une expression sahraouie, alors que la réunion se tenait au Maroc, était « une avancée » très importante. Des rapprochements entre militants marocains et sahraouis ont ainsi été favorisé. Des bonnes volontés existent de part et d’autre qui souhaitent peser sur les processus. Ils ont souvent en commun leurs luttes pour les droits de l’homme et la démocratie. Ainsi en février 2008, se créa l’IPSO pendant le Forum social maghrébin, qui lança un appel pour la paix au Sahara occidental. Il reste que cette mobilisation est difficile et toujours dangereuse. Le peuplement du Sahara occidental ne l’aide pas dans la mesure où les Sahraouis ne sont plus depuis longtemps majoritaires dans leur pays. Fonctionnaires, forces de sécurité, militaires y sont installés pour assurer la présence d’une administration marocaine sûre et puissante. Toutes ces familles bénéficient d’avantages matériels qui les incitent à rester. La volonté de développer la région pour tenter de convaincre ses habitants du bien fondé de la présence marocaine a favorisé l’essor des commerces, tenus par des marocains, de la pêche, marins pêcheurs, transporteurs, ouvriers des entrepôts frigorifiques, des métiers de la construction etc. Claude Mangin, membre active de l’AARASD, déjà citée lors de son séjour dans les campements, organise chaque année depuis 2005 des missions d’observation au Sahara occidental. (la première mission en juillet 2005 comprenait une journaliste de Charlie Hebdo, Agathe André. Celle-ci a écrit

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un reportage sur la situation au Sahara qui a fait date « Mohamed VI fait bouffer du sable aux Sahraouis » journal paru le 31 août 2005). Expulsée en avril 2008 avec un petit groupe, elle a pu y revenir en décembre et a envoyé de là-bas au moment de la fête du nouvel an quelques impressions. Ce nouveau voyage est très amical, les principaux leaders sahraouis, certains sortant tout juste de prison comme Brahim Sabbar, de toutes les générations se retrouvent autour de Claude et de ses trois amies pour fêter, malgré tout, la nouvelle année dans le désert. Il a plu, les chameaux recherchent les bons pâturages ! Deux chèvres sont égorgées, autour du feu une minute de silence est d’abord respectée pour les prisonniers et disparus morts, puis chacun y va de ses chants de résistance ou interventions, les plaisanteries des plus dynamiques essaient par la dérision de faire oublier les tortures et les mauvais souvenirs. En se comptant les présents autour de ce feu, ce 31 décembre 2008 totalisent à eux tous plus de 100 ans d’emprisonnement ou de disparition. Les jours suivants se passent à Smara et El Aïoun, avec suivant le témoignage des quatre voyageuses, la désagréable et habituelle sensation d’être pris en chasse en permanence par la police. « La présence massive des forces de l’ordre en uniforme toujours et partout est étouffante et pourtant nous avons vu un drapeau sahraoui placé pendant la nuit du jour de l’An sur le commissariat de police de Smara, actes de bravoure souvent répétés ». Claude Mangin a constaté combien les transformations avançaient à grands pas. Déjà à Dakhla, en 2006, le centre ville avait été refait, à Boujdour la deuxième phase du port est commencée, les banlieues d’El Aïoun s ‘allongent avec des mosquées que les Sahraouis refusent de fréquenter pour ne pas prier avec l’occupant. À Smara des centaines de maisons sont construites ainsi que des immeubles. Les Marocains, souvent très pauvres, arrivent dans ce Sahara, que pourtant ils n’aiment pas. Cette colonisation de peuplement indique la volonté marocaine de vraiment s’installer en y mettant le prix et le béton. Le bénéfice en revient d’abord aux ressortissants marocains qui à divers titres y sont installés et aux Sahraouis qui acceptent l’occupation. La patience des Sahraouis qui n’utilisent que des moyens pacifiques pour s’opposer à cette politique va-t-elle pouvoir encore longtemps durer ? Il y a urgence

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pour l’ONU et la Communauté internationale à intervenir. Les grandes associations des droits de l’homme peuvent aussi jouer un rôle décisif en donnant une voix à ceux qui sont sans voix et en imposant aux États non respectueux du droit, davantage de retenue. Ainsi, Mohamed Daddach ou Aminatou Haïdar sont devenus les symboles à l’extérieur de la résistance sahraouie en recevant des prix récompensant leur engagement en faveur du respect des droits de l’homme, Prix Rafto en Norvège en 2002 pour Mohamed Daddach, prix de la Fondation Kennedy pour Aminatou Haïdar en 2008. L’attention d’Amnesty international, de l’OMCT sont également constantes. L’Association américaine « Human Rights Watch », HRW a de son côté et avec ses moyens rappelé à l’ordre l’État marocain en août 2007. Cette association des droits de l’homme venait de mener deux missions dans les camps de Tindouf et au Sahara occidental. Avant même de publier officiellement ses rapports (ce qu’elle fit en novembre 2008), elle interpella les autorités marocaines qui venaient de commencer à Manhasset des négociations sur le futur statut du Sahara occidental, sur la question de la liberté d’expression « Les citoyens qui manifestent pacifiquement ou qui préfèrent le référendum d’autodétermination sont réprimés par l’administration marocaine, les gens doivent avoir le droit de manifester pacifiquement pour l’indépendance du Sahara occidental, puisque c’est justement sur cette question que se sont réunis à Manhasset, Maroc et Polisario » dépêche SPS 1er août 2007. Comme les associations des droits de l’homme peuvent donner une voix à ceux qui sont sans voix, la présence au Sahara occidental des personnes amies, des journalistes ou des avocats est de première importance. Cette présence a déjà été à plusieurs reprises évoquée. Elle fut d’abord discrète voire clandestine, tant les autorités marocaines veillaient à ce que rien ne sorte du Sahara et que le moins possible de personnes y circulent en dehors de son contrôle. La possibilité d’entrer au Sahara occidental, hors la « bienveillante invitation » des autorités, est soumise à l’arbitraire. Suivant la situation politique, l’image que veut donner le Maroc, l’entrée est possible ou non, autant pour les militants de base que pour les personnalités, les élus ou les institutions. Plusieurs témoignages publiés dans la revue Sahara Info s’en sont fait l’écho(1). (1)

Père Loïc, les Martial, Michèle Decaster, François le Dizès, Eric Hagen etc. – 290 –

Depuis la signature du cessez-le-feu et la réapparition des disparus, en 1991, la pratique de la disparition forcée laissa la place à « des procédés tenant compte du droit », dans la mesure où la justice intervient dans le processus. C’est une justice aux ordres, tribunaux coloniaux comme les dénoncent les militants sahraouis, qui condamne très lourdement pour de simples délits d’opinion, mais il y a procès et une prison connue avec des numéros d’écrou et la possibilité de savoir où sont les détenus ou même de les visiter. L’avocate France Weyl, membre de l’Association Droit et Solidarité et de l’Association Internationale des Juristes Démocrates a témoigné auprès de la quatrième Commission de décolonisation de l’Assemblée générale des Nations unies en octobre 2008, et a rendu compte des observations faites aux procès auxquels elle a assisté. « Pour recouvrir des délits d’opinion, les poursuites visent des infractions de droit commun, telles que violences et troubles à l’ordre public, alors que la résistance sahraouie est pacifique et reconnue comme telle par tous les observateurs […] Les débats sont réduits à leur plus simple expression, les seuls fondements des poursuites sont des procès-verbaux de la police que les accusés contestent […] La défense obtient rarement de faire entendre des témoins. Les affaires font l’objet de renvois successifs, rendant la tâche des défenseurs difficile et empêchant souvent la présence des observateurs incapables de prévoir à l’avance leur déplacement […] Les peines prononcées sont très lourdes contre des personnes « coupables » d’avoir scandé des slogans sahraouis ou d’avoir brandi des drapeaux. Seule la présence des observateurs et la réaction immédiate des associations internationales permet d’alléger la sentence ». Sahara Info n° 145 décembre 2008. Enaama Asfari, juriste sahraoui et militant des droits de l’homme (vice-président de l’association CORELSO, comité pour le respect des Libertés et des Droits humains au Sahara occidental), lui-même soumis à deux procès et à une peine de deux mois de prison, indique en ce domaine la responsabilité de la Communauté internationale et du Maroc. « Le Sahara occidental, en tant que territoire non autonome, bénéficie pour sa population de la protection du droit international humanitaire et de l’applicabilité des conventions de Genève de 1949. Ces conventions et le protocole 1, énumèrent une série d’infractions graves commises contre la population, torture, traitements inhumains et dégradants. Ces infractions du droit

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international humanitaire commises par la police et l’armée marocaine contre les civils sahraouis engagent clairement la responsabilité internationale de l’État marocain » Sahara Info n° 131 2005. Chaque année, des procès ont lieu qui conduisent en prison des militants sahraouis. Plusieurs avocats européens s’organisent pour, par leur présence rappeler l’exigence de l’application du droit et soutenir les prévenus injustement arrêtés. Sahara Info n° 136 juillet septembre 2006 « Des avocats français aux côtés des militants Sahraouis ». En janvier 2006, le Monde diplomatique dépêchait deux journalistes au Sahara, Gaël Lombart et Julie Pichot, pour rendre compte de la situation dans les grandes villes. Ils rencontrèrent plusieurs « résistants » dont il firent le portrait. Trois portraits parmi d’autres qui permettent de mieux comprendre. Brahim Dahane, né en 1966, président de l’ASVDH est un ancien disparu. Il a été emprisonné en 1987, alors qu’il participait aux manifestations organisées à El Aïoun à l’occasion de la mission de l’ONU. Lorsqu’il est libéré en 1991 avec les autres disparus, il crée un premier comité des disparus. Puis il participe aux manifestations de mai 2005 et crée l’ASVDH. Arrêté le 30 octobre 2005 pour être responsable d’une association non autorisée, il est en attente de jugement en prison à la Carcel Negra à El Aïoun. Libéré en 2007, il a repris ses activités et a pu être présent aux deux dernières conférences européennes (2007 et 2008) y partageant une vision des luttes à mener au Sahara occidental d’une grande lucidité et exprimant par sa simple présence la détermination et la grande humanité de tous ses compatriotes. El Ghalia Djimi, née en 1966, une des fondatrices de l’ASVDH, apparaît comme l’emblème de la femme sahraouie moderne. Elle est fonctionnaire au ministère de l’agriculture. Elle a été en prison de 1987 à 1991, puis à sa libération a crée le comité des familles de disparus en souvenir de sa grand-mère, disparue depuis 1976. Défendant ses principes avec fougue, elle a refusé de travailler avec l’Instance Equité et Réconciliation tant que celle-ci ne reconnaîtrait pas les droits des Sahraouis. Sa maison est surveillée en permanence, sans que cela l’empêche de recevoir visiteurs et journalistes… Depuis 2007, dès que son travail lui permet une sortie, elle arpente les couloirs de Bruxelles et d’ailleurs pour défendre la cause.

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Iguilid Hamoudi, né en 1964, est président de l’AMDH section d’El Aïoun. Ce professeur de philosophie fait partie de la dizaine d’enseignants sahraouis qui ont été accusés d’avoir encouragés leurs élèves à manifester en 1999. Pour les punir et les écarter, ils ont été mutés autoritairement au Nord du Maroc. Celuici a refusé cette mutation arbitraire et de fait a cessé l’enseignement. Depuis il se consacre à enquêter sur le respect des droits de l’homme, sa responsabilité à l’AMDH semble actuellement le protéger de la prison ! Comme le respect des droits de l’homme au Sahara occidental est lié à l’application de l’autodétermination et donc au règlement d’un problème politique, la question des prisonniers marocains n’a été traitée au titre du respect des droits humains que trop tardivement. La question était politique pour le Maroc comme pour le Polisario et était lourde d’enjeux. La durée du conflit, son difficile règlement a imposé aux prisonniers une très longue incarcération, dans des conditions aussi difficiles que celles des réfugiés. Pour le Maroc, reconnaître l’existence de prisonniers, c’était admettre l’existence d’une guerre, de défaites et les victoires de l’APLS et l’existence du Polisario. C’est ainsi qu’Hassan II refusa la libération de 200 prisonniers en 1989, geste de bonne volonté du Front Polisario, après la première rencontre directe avec le roi. Ces 200 soldats marocains restèrent donc 10 ans de plus sur la Hamada, prisonniers libres, avant que leur retour soit accepté par les autorités de leur pays. Souvent soldats de modeste condition, ils furent mal reçus à leur retour. En 2003, Le journal indépendant « Tel Quel » s’en émouvait « Un temps le Maroc n’a pas voulu d’eux. Puis il les a accueillis comme à regret. Enfin il les a livrés à leur sort avec moins que le minimum requis pour survivre. Ailleurs les anciens prisonniers sont des héros. Ici ils sont des pestiférés ». Pour le Polisario, retenir des prisonniers aussi nombreux (2000 personnes soldats et officiers) représentait une possible pression sur le Maroc ou sur la Communauté internationale. Ils représentaient aussi pour les combattants sahraouis la preuve de leurs succès militaires et de leur bonne conduite de la guerre, faire des prisonniers et non pas des tués ou des disparus. Le 18 août 2005, après une déclaration en juillet, au journal Le Monde, du Président Abdelaziz, les 404 derniers prisonniers fu-

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rent libérés, sur un total de 2000 soldats capturés et gardés pour certains en détention 17 ans. Ce rapatriement assuré par le CICR faisait suite à une médiation américaine et à des libérations successives depuis 17 ans. Cette libération mettait fin à une polémique soulevée en 2003 par une enquête de la Fondation France Libertés auprès de 700 prisonniers, dénonçant les traitements inhumains qu’ils avaient subi dans les campements sahraouis. Sahara Info n° 124 octobre-décembre 2003. L’enquête sans doute menée trop vite et sans la distance nécessaire, a provoqué un choc donnant au Maroc et à une presse peu favorable au Polisario, l’occasion de dénoncer le Front sur la question des droits de l’homme. Certains fonctionnaires d’ECHO ont repris les termes de ce rapport entretenant le soupçon sur la cruauté du Polisario associée à des accusations de détournement de l’aide alimentaire. L’arme alimentaire associée à celle des droits de l’homme allait-elle durablement affaiblir les Sahraouis et le Front Polisario ? Le dénigrement a fait long feu, les témoignages de coopérants, présents pendant de longues périodes dans les campements et quotidiennement au contact des prisonniers, les preuves de vie présentées par le Polisario ont contredit les résultats de l’enquête. Les prisonniers une fois de retour dans leur pays n’ont pas, non plus alimenté ces dénonciations.

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QUATRIÈME PARTIE

LES RELATIONS NORD/SUD ENTRE ÉCONOMIE SOLIDAIRE ET DROIT DE L’HOMME

LA PRÉSERVATION DES RESSOURCES NATURELLES POUR PRÉPARER L’AVENIR

Au nom de l’histoire et pour réaliser partie de l’ambition du « Grand Maroc » rêvée par le parti Istiqlal, avant l’indépendance marocaine, Hassan II avec la Marche Verte a occupé le Sahara occidental, mais sans pouvoir, en « récupérer » la souveraineté. Ainsi, depuis 34 ans, le Maroc en occupe les 3/4 sans y être souverain et chez lui. Cette situation paradoxale perturbe durablement l’organisation territoriale du Nord Ouest de l’Afrique et la vie de ses habitants. Depuis 34 ans, la règle pourtant universellement admise du respect des frontières coloniales, n’y est pas respectée et ne permet pas à la République sahraouie proclamée en février 1976 de réaliser l’achèvement de son État en disposant de son territoire. La richesse de ce territoire, ses ressources minérales ont-elles d’abord expliqué l’annexion et les convoitises des deux voisins ? Le Sahara occidental, devenu espagnol au Congrès de Berlin en 1884, au moment du grand partage européen de l’Afrique, fut longtemps négligé par sa métropole. Trop pauvre, sans ressources sauf halieutiques: seules ses côtes intéressaient les pêcheurs espagnols et surtout canariens. Il retrouva de l’intérêt quand les géologues espagnols y décelèrent d’importants gisements de phosphates à partir des années soixante. gisements d’autant plus prometteurs qu’ils pouvaient être exploités à ciel ouvert et disposaient d’immenses réserves(1). Le Maroc et la Mauritanie occupèrent-elles le Sahara espagnol pour s’emparer de ces richesses ? C’était sans doute une des raisons de l’occupation et du partage du territoire, consacrés par l’alliance entre Hassan II et Mokhtar Ould Dadah, convoitant les phosphates, les riches eaux territoriales et d’autres perspectives minérales. Mais au-delà il était question d’ambitions régionales, pour le Maroc surtout. A défaut de s’étendre jusqu’au fleuve Niger, le Maroc se devait au moins de récupérer une partie du Sahara. Hassan II pouvait ainsi asseoir la prestigieuse dynastie alaouite dans un territoire à sa dimension, renouveler autour de lui et à son bénéfice, la fierté nationale, dans un leadership sans cesse disputé à l’Algérie républicaine. Pour la Mauritanie, déjà riche en poissons, où était l’enjeu ? Sans doute dans les ambitions de son président qui se fracassèrent très vite. (1)

Deuxième réserve au monde avec 10 milliards de tonnes évaluées Sahara info n° 74 avril 1987.

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La guerre menée par l’APLS empêcha les premières années, la tranquille exploitation des ressources du territoire conquis. Le tapis roulant transportant jusqu ‘à la mer les phosphates fut jusqu’en 1982 régulièrement saboté au moyens d’opérations hardies, de même les activités de pêche ne pouvaient être reprises. La construction d’un mur de défense, décidée à partir d’août 1980, stratégie nouvelle mise au point par le général Dlimi, pour isoler le « Sahara utile », le fut à la fois pour des raisons de défense et pour protéger les ressources du triangle phosphatier et côtier. De 1981 à 1987, l’armée marocaine construisit plus de 2 500 km de remblais avec appuis d’artillerie et d’observation, qui verrouillèrent 65 % du territoire, désormais à l’abri des opérations de l’APLS. Le territoire du Sahara occidental, boulversé par la guerre, se refermait interdisant aux Sahraouis toute circulation d’Est en Ouest, et interdisant désormais tout contact entre les familles installées des deux côtés de ce mur. Sophie Jacquin, ancienne porte-parole de la MINURSO, qui rédigea en 2000, une thèse de géopolitique « Les Nations unies et la question du Sahara occidental » observait: « Curieuse conception de la souveraineté! Vision à géométrie variable! Après avoir déclaré que le Sahara lui appartenait et l’avoir revendiqué en entier, les autorités marocaines ont accepté de le partager avec la Mauritanie en 1976, pour le réclamer ensuite, de nouveau, dans son ensemble après la défection de Nouakchott, puis finalement le compartimenter et tracer des frontières matérialisées par des murs de défense ne couvrant pas l’ensemble du territoire… » L’existence de ces murs transforma à la fois les conditions de la guerre et les conditions de la vie quotidienne et économique du Sahara: peuplement d’origine marocaine fortement encouragé, quelques investissements et développement de la ville d’El Aïoun. À l’abri d’un mur de défense, Hassan II, s’essayait à une autre politique, en favorisant le développement du « Triangle utile » et en gagnant des allégeances au moyen de largesses financières habilement distribuées. Après le bâton, la carotte! ne venaitil pas d’accepter auprès de l’OUA, le principe d’un référendum qu’il était indispensable de préparer, même s’il ne le voulait que de confirmation. Ces mesures pouvaient-elles troubler les familles sahraouies toujours sans nouvelles de leurs proches, disparus, et dans l’impossibilité pour la majorité d’entre elles de sortir du Sahara?

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Au même moment (1982), un premier accord de pêche fut signé entre le Maroc et l’Espagne qui incluait les eaux territoriales du Sahara occidental, suivant des intérêts réciproques bien compris. Le tapis phosphatier roula à nouveau, discriminant la main d’œuvre sahraouie, moins bien payée, mise à l’écart et touchant aujourd’hui avec difficulté ses retraites. Les ressources en phosphates ne sont pas négligeables et donnent au Maroc, avec les siennes propres, un premier rang au niveau mondial(1). Se posa avec davantage de réalité, la question des ressources et de leur exploitation. Qui en droit pouvait en disposer s’agissant d’un territoire non autonome ? Qui en fait en bénéficiait ? Ces questions au cœur du conflit depuis 1975, le furent encore davantage après le cessez-le-feu, en 1991, et à partir de 2001 quand des hypothèses de gisements de pétrole off shore furent rendues publiques à l’occasion de contrats d’exploration passés par le Maroc avec les compagnies Total et Ker Mc Gee(2). Dans ce domaine, comme dans les autres, se révélait toute l’ambiguïté de la Communauté internationale. D’une part un droit reconnu et une jurisprudence régulièrement rappelée et d’autre part des échanges et des transactions économiques et commerciales passant outre. Afifa Karmous, juriste à la Fondation France Libertés avait longuement traité de la question au Colloque des Juristes sur le Sahara occidental tenu en 2001 à l’Assemblée : « Pourtant le droit international n’est pas muet sur la question. Il oblige même les États à respecter la propriété des peuples non autonomes. Selon une jurisprudence constante l’Assemblée générale des Nations unies considère que l’exploitation préjudiciable et le pillage des ressources marines et autres ressources naturelles des territoires non autonomes, compromettent l’intégrité et la prospérité de ces territoires ». De même le Bureau des Affaires Juridiques des Nations unies sollicité par le Polisario avait indiqué que l’exploitation des ressources du Sahara occidental par le Maroc, « puissance occupante », était Phosphates et produits de la mer représentaient en 2002, 25, 4 % des exportation totales marocaines, 19,6 provenant du Maroc et 5,8 du Sahara occidental Sahara Info n° 127, 2004.

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En réaction la RASD a créé un organisme sahraoui du pétrole qui a lancé un premier appel d’offres en mai 2005. Les contrats signés avec les compagnies qui ont répondu à l’offre sont conditionnés par le règlement du conflit. (2)

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illégale(1). Le juriste chargé du dossier, Hans Corell, a redit en novembre 2008, lors d’une conférence tenue à Pretoria combien la Communauté internationale, se contredisait pour ne jamais affronter le Maroc. En 2004, les États-Unis qui peuvent être des modèles de légalisme, appliquaient à leur accord de libre échange avec le Maroc, le fait de ne pas reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental (ce que n’ose pas encore l’Europe ?) : « L’accord de libre échange s’appliquera au commerce et aux investissements dans le territoire marocain reconnu internationalement ». L’attention à ces questions a progressivement fait émerger des formes nouvelles de solidarité, faisant intervenir les nouveaux modes de communication et de lobbying s’appuyant principalement sur internet. Des petits groupes spécialisés par pays fonctionnant avec des expertises précises, avec des aides juridiques, s’emploient à sensibiliser, à faire bouger les positions des États concernés ainsi que des compagnies. S’est mis en place « le Western Sahara Resource Watch » WSRW, qui intervient via internet et réunit ses membres une fois par année(2). En 2009, une vingtaine de personnes se sont retrouvées à Bruxelles, venant d’une douzaine de pays : Belgique, Espagne, France, Hollande, Norvège, Royaume Uni, Roumanie, Suède et États-Unis. À leurs côtés pour le Front Polisario, Mohamed Khaddad, délégué pour les relations avec la MINURSO, poste clef au Polisario, très attentif à ce type de préoccupations et de démarches. Au programme de ces journées, la stratégie à adopter face à la renégociation de l’accord de pêche Maroc Union européenne à partir de mars 2010 et les nouveaux accords entre Maroc et Russie. Le WSRW ayant à plusieurs reprises repéré des navires russes pêchant dans les eaux territoriales sahraouies. Depuis juin 2009, WRSW en appui au Front Polisario et aux associations sahraouies du Sahara occidental, dénonce l’illégalité des contrats d’exploration passés entre plusieurs compagnies pétrolières irlandaises, Island Oil and gas, Longreach et San Lettre datée du 29 janvier 2002 adressée au Conseil de sécurité par le Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques.

(1)

Le réseau WSRW, dispose d’un site www.wsrw.org, mis à jour au fil de l’actualité. En France, plusieurs associations sont relais de ces initiatives, Les Amis du peuple du Sahara occidental, APSO, l’AARASD.

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Leon, avec la compagnie ONHYM. Une mobilisation locale bien relayée par les réseaux internet aura-t-elle raison de l’illégalité économique ? La RASD a adopté face à ces pratiques illégales une attitude de fermeté en définissant, en janvier 2009, sa zone d’économie exclusive (ZEE) afin de protéger son domaine maritime souverain et ses ressources. La Norvège avec ses vastes richesses pétrolières et son exigence de « capitalisme éthique » est souvent une référence et un modèle. Ainsi la compagnie norvégienne d’assurance, KLP Kapitalfortvalting, a annoncé au début du mois de juin 2009, qu’elle excluait la compagnie australienne Incitec Pivot, de son porte feuille d’investissements, du fait de ses importations de phosphates sahraoui(1). De leur côté, les salariés sahraouis tentent de mieux s’organiser pour défendre leurs intérêts. Ils viennent de créer un syndicat relié aux Commissions ouvrières espagnoles. Une double discrimination les menace, la préférence donnée aux salariés d’origine marocaine et les risques de représailles sur la sécurité de leur poste de travail pour tous ceux qui ne respectent pas « la marocanité du Sahara ». Au centre des ressources naturelles et de leur exploitation, se retrouve la question du territoire sahraoui, décomposé en trois parties comme sa population. Les campements, territoire provisoire d’un État en exil et centre opérationnel et humain de la revendication sahraouie, les territoires libérés, qui représentent 35 % du Sahara occidental dans ses frontières coloniales et les territoires occupés, couvrant 65 % de l’ensemble. C’est au Sahara occidental libéré que la République a été proclamée, de là aussi que sont datées les grandes déclarations politiques, les informations militaires, expression de la souveraineté d’un État même amputé d’une partie de son territoire. Mais, jusqu’au cessez-le-feu et un peu au-delà, les territoires libérés correspondaient aux régions militaires et peu d’activités civiles pouvaient s’y envisager. L’exigence de sécurité imposant cette réserve. L’arrêt des combats rendit possible une mobilité des civils qui peu à peu se réapproprièrent l’espace à la fois du territoire accessible et celui de la région, vers les traditionnelles zones de transhumance pastorale et les pistes de commerce. (1)

Dossier ressources naturelles Sahara info n° 127 juillet septembre 2004, n° 147 avril juin 2009.

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Le territoire de la république sahraouie, pour ses institutions comme pour le quotidien de sa population, n’est plus seulement celui de l’exil sur une terre qui n’est pas à soi. Cette liberté désormais acquise de revenir chez soi est ressentie très vivement ! Quand les voitures passent la ligne de la frontière, l’émotion s’exprime au plus intime de chacun. Les grands rassemblements pour les fêtes et les anniversaires, se font au Sahara occidental, le Conseil national sahraoui dispose désormais de son siège dans la région de Tifariti, le territoire libéré, centre politique de la RASD, de « virtuel » devient de plus en plus effectif. La brousse ou la badia redeviennent des espaces familiers où l’on part avec tentes et troupeaux, quand les pluies favorisent la pousse de l’herbe, pour « refaire » les bêtes, boire le lait des chamelles et vivre au rythme du désert et de la tradition. En janvier 2009 par exemple, me racontait un berger, nous étions très nombreux, tentes, familles, chameaux et chèvres, à transhumer entre Tifariti et Amgala, le long de l’oued M’Heriz bien vert, car les pluies de l’automne l’avaient fait déborder. Berger mais également Sahraoui averti qui précisait : « Notre chance dans cette région de M’Hériz, c’est que le mur n’a pas capté nos réserves d’eau et que nous pouvons largement y abreuver nos chameaux. Par contre à Guelta Zemmour par exemple, le génie de l’armée marocaine qui a construit le mur a suivi un tracé qui délibèrement entoure les nappes phréatiques et nous prive ainsi de toute possibilité de réinstallation dans ce secteur faute d’accès à l’eau. Dans ce cas s’impose le creusement de puits très profonds avec l’aide espagnole et italienne ! » En même temps, des projets « plus modernes » s’y développent. Les artistes sahraouis rejoints par de nombreux artistes espagnols y ont créée un lieu de rencontre et de création nommé Artifariti. Dans la même région, les recherches archéologiques sur les sites rupestres se multiplient, avec la volonté là aussi indispensable, de manifester au monde l’existence d’un patrimoine sahraoui dont il s’agit de défendre l’intégrité. C’est en quelque sorte la reconquête de l’Ouest capable de mobiliser bien des énergies exprimant la vitalité d’une jeunesse qui invente de nouvelles formes de lutte pour l’indépendance. Une seule réserve, respecter 15 km de sécurité en deçà du mur pour ne pas risquer de sauter sur les mines anti-person-

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nelles dispersées par millions le long de ce mur de 2 500 km(1). La circulation réduite à des tracés nord sud, des campements de Tindouf vers le Nord de l’Algérie redevient plus complexe et plus variée, se réappropriant l’espace régional permis à l’est du mur de défense. Les « mesures de confiance » à leur manière réunifient le territoire en réunissant les familles depuis si longtemps séparées. Le terme « mesures de confiance » existait dans le plan de règlement. Il réapparaît dans les recommandations des Nations unies, en 1999, associé au rapatriement des réfugiés dans leur territoire pour leur participation au référendum. À défaut de référendum et de confiance entre les parties, ces mesures associées au terme « transfrontières » vont permettre aux familles des deux côtés du mur de se retrouver. Mises en place en 2004 par le HCR en coordination avec la MINURSO elles ont organisé les « retrouvailles » de familles séparées depuis trente ans, ne serait-ce qu’au téléphone. Installation d’une ligne téléphonique gratuite par le HCR qui permet de longs échanges entre les campements et les territoires occupés. Organisation de visites familiales entre les campements et les territoires occupés. Les familles s’inscrivent auprès des services de la MINURSO et suivant les situations de plus ou moins grande urgence, durée de la séparation, âge et degré de parenté des demandeurs, sont pris en charge par l’avion de la MINURSO qui assure un va et vient chaque mercredi entre Tindouf et El Aïoun pour une vingtaine de personnes. Le système fonctionne avec des interruptions mais porté par une très forte demande. Ces mesures de confiance, acceptées par le Maroc, qui espérait faire revenir avec de « généreux cadeaux » de nombreuses familles « dans la mère patrie », ont d’abord servi à réunifier dans les têtes le territoire du Sahara occidental. Ces familles séparées depuis une génération, 30 ans, se retrouvent d’abord pour se raconter leur histoire. Mais ces histoires privées recomposées croisent l’histoire collective et renforcent la conscience de l’identité sahDepuis trois années au moment de la célébration des fêtes de la proclamation de la RASD, l’APLS fait exploser des milliers de mines retrouvées le long du mur, engagement correspondant à son opposition de principe aux mines anti-personnelles. (1)

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raouie. De part et d’autre du mur c’est un même peuple qui s’exalte au même rêve, celui de l’indépendance et de la liberté. La troisième partie du territoire, occupée par le Maroc, ressemble-t-elle encore au Sahara occidental tel que les Sahraouis le connaissaient avant 1975 ? Le Maroc y a été plus actif que l’Espagne, au moins depuis le cessez-le-feu. Il a beaucoup investi dans les villes et les infrastructures à son bénéfice essentiellement, pour les populations marocaines installées dans le Sud et pour l’exploitation des ressources locales. L’Agence du Sud créée par Driss Basri est chargée de ce développement. Des Sahraouis y travaillent et s’emploient sans doute à développer coûte que coûte leur pays en attendant le référendum. Car tous ou à tout le moins la très grande majorité d’entre eux revendiquent, quand la police s’est éloignée, leur identité sahraouie et leur grand désir d’indépendance. Aux militants de l’autodétermination de porter haut la revendication, au risque de leur travail et de leur liberté. Cette identité sahraouie se retrouve aujourd’hui dans la pratique religieuse. Les bédouins qui nomadisaient dans le « Pays des Blancs » ou « Trab El Beïdan »(1), qui s’étendait de Tindouf au Cap Blanc et de l’Oued Noun à Atar, ne dépendaient de personne. Ils priaient Dieu directement, sans l’intermédiaire d’un émir ou du Commandeur des croyants « Al Mouminin », le Sultan du Maroc, car personne n’admettait d’autorité religieuse entre chacun d’entre eux et la divinité. Cette pieuse tradition ne s’est pas perdue ! L’État marocain a construit de nombreuses mosquées dans les principales villes du Sahara, mais aucun Sahraoui ne les fréquente pour ne pas être obligé de faire la prière au nom du Sultan, comme leurs ancêtres ! C’est dans l’espace sacré de la mosquée l’expression du strict refus de l’allégeance.

Le territoire colonial délimité en 1912, au terme des conventions signées entre européens, correspondait grossièrement à ce Trab El Beïdan.

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CONCLUSION

LA SOLIDARITÉ AVEC LES SAHRAOUIS, POURQUOI UNE TELLE PÉRENNITÉ?

Trente-quatre ans, une génération, les Sahraouis comme les Palestiniens pourront-ils accéder un jour à l’indépendance ? Leur volonté jamais démentie aura-t-elle raison des raisons d’état et de la négligence internationale à laisser un État, le Maroc, imposer sa volonté hégémonique à un peuple qui refuse de se plier à la loi du plus fort ? La chronique de l’histoire entremêlée, d’un peuple qui lutte pour son existence et sa liberté et de tous ceux qui en Europe, en Algérie, en Afrique etc. croient en la justesse de ce combat et le soutiennent, invite à l’espoir quoique qu’il en coûte. Faut-il à nouveau convaincre les sceptiques de la réalité de l’identité sahraouie et de la capacité de ce peuple à construire son État et à se constituer en une nation moderne capable de se joindre au concert des autres nations ? C’est entre 1976 et 1980 que cette recherche, sur la définition de l’identité sahraouie, a été faite par les Sahraouis eux-mêmes, par les historiens et les juristes. Que disaient-ils ? Il s’agissait d’abord de l’histoire et de la culture des tribus bédouines, installées dans le désert occidental avec un mode de vie spécifique. Intervenait aussi dans cette construction, la colonisation espagnole qui donna à cet ensemble du « Trab El Beïdan », des limites modernes avec les frontières coloniales, renforçant la cohésion des groupes et peu à peu la conviction d’appartenir à un même ensemble rassemblé autour d’un destin commun. Cette identité sahraouie a été aussi affaire de conviction politique et de choix en faveur de la décolonisation, du non-alignement et de la souveraineté politique et économique des États du Sud. Ainsi Ahmed Baba Miské, disposant de la nationalité mauritanienne et quelques autres choisirent en ces débuts de la lutte de libération, de rejoindre le Front Polisario pour ce qu’il représentait au Maghreb et en Afrique. Des groupes revendiquant leur origine sahraouie habitent tout autour de l’ex Sahara espagnol, leur présence étant liée à leur propre mobilité ou aux mobilités imposées par l’histoire de la colonisation ou de la décolonisation. En Mauritanie, autour de Zouérate et de Nouadhibou, au Maroc, dans la bande de Tarfaya, remise au Maroc par l’Espagne en 1958, en Algérie autour de Tindouf, ces Sahraouis ont « en quelque sorte » une double nationalité et sont au plus près de ce qui se passe dans l’actualité de la RASD. L’identité puis la citoyenneté sahraouie s’est ensuite enrichie et construite à travers la résistance militaire, politique et sociale « au sort » qu’avaient voulu

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lui imposer les deux voisins. L’identité devenue citoyenneté s’est montrée capable de créer un État en exil et une nation en devenir qui ne demande qu’à s’achever en récupérant son territoire. La définition de cette citoyenneté a été au cœur des manœuvres marocaines au moment de l’identification des électeurs sahraouis réalisée par la MINURSO. Le plan de paix initial prévoyait avec sagesse la seule utilisation du recensement espagnol de 1974. Recensement certes imparfait mais qui avait l’avantage d’asseoir sur une base territoriale un dénombrement clairement identifiable. Le Maroc imposa au Secrétaire général de l’ONU de faire entrer dans le comptage des électeurs la référence aux tribus pour approcher au plus près la réalité de l’électorat sahraoui en tenant compte de toutes les mobilités. Opération compliquée qui prit des années, fit croire à l’activité des Nations unies pour déboucher sur un nouveau constat d’impuissance du Secrétaire général. Les listes établies en 1999, sont déposées dans les coffres de l’ONU et attendent un hypothétique référendum et le bon vouloir marocain. Cette citoyenneté sahraouie capable de se constituer pour réaliser son projet historique, l’indépendance, que nous apporte t-elle et pourquoi est-ce si important de la soutenir ? C’est d’abord l’esprit de résistance contre l’oppression pour imposer son juste droit qui représente un premier bien commun. Résistance inscrite dans les principes de 1789, que les Sahraouis dans des conditions très inégales maintiennent depuis 34 ans. C’est aussi le respect de la morale et des règles admises, par le recours à une guerre qui n’a jamais menacé les civils, a fait des prisonniers et par le moyen d’une résistance pacifique dans la partie occupée du Sahara occidental. C’est ainsi faire le choix de la légalité internationale en recherchant les moyens politiques de règlement afin de préserver au maximum la vie de la population. Avec une population peu nombreuse, et ne disposant pas encore de richesses connues susceptibles d’installer la RASD au centre d’enjeux économiques importants, le Front Polisario s’est efforcé de contourner cette « faiblesse ». Depuis trente ans, il développe des stratégies afin de créer les conditions politiques où les logiques de nombre et de puissance ne sont pas dominantes. En privilégiant par exemple les liens avec les sociétés civiles du

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Nord et les Etats du Sud qui sont à ses côtés par intérêt ou conviction, l’ensemble intervenant de manière coordonnée, manifestant qu’il ne faut jamais céder à la loi du plus fort. C’est enfin leur capacité à associer à leur combat pour l’indépendance un mouvement tout aussi radical de transformation sociale qui leur a évité tous les écueils des divisions tribales, qui ensanglantent l’Afrique depuis trente ans et a donné une place centrale aux femmes. Cette lutte pour l’indépendance si longue, si exemplaire existe peu dans les grands médias internationaux qui mettent dans la lumière ou relèguent dans l’oubli tant de situations et de peuples. Pas assez d’actualité compassionnelle, les réfugiés sahraouis ne meurent pas de faim dans les campements, les enfants n’y sont pas soldats, ni soumis au travail forcé. La monarchie marocaine, bien installée dans la « médiatisation mondialisée » brouille les pistes et sait se montrer sous un jour flatteur qui pénalise d’autant la représentation qui est faite du Polisario et des Sahraouis. Pourtant que d’occasions de reportages, de chroniques pour suivre des dynamiques sociales en action ! Dans les campements en décembre 2008, un festival culturel, la 14e édition, rassemblait toutes les initiatives culturelles, dans une dynamique mêlant les âges et les inspirations, témoignage impressionnant d’une société réfugiée qui refuse la fatalité de l’exil et de l’enfermement. De même l’association ASPECF, déjà évoquée, avec quelques autres, indique l’émergence d’une société civile qui elle non plus ne se résigne pas et invente des espaces de culture et de curiosité, malgré l’éloignement et la pauvreté des moyens. Au Sahara occidental aussi, où les Sahraouis sont en contact direct avec l’occupant marocain, les militants des droits de l’homme, de l’autodétermination regagnent à chaque manifestation, et à chaque action militante le terrain de leur future souveraineté. Les couleurs de la RASD, décorant les mélafas des femmes, dessinées sur de petits auto collants rapidement collés sur les murs par les jeunes, sur les porte-clefs des voitures, sont à chaque fois des prises de risque mais aussi le témoignage public de l’attachement du plus grand nombre à la république sahraouie indépendante. Cette longue « attente » d’une solution politique pourtant inscrite sur les tables de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, peut-elle faire perdre aux Sah-

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raouis la confiance qu’ils ont mis dans les Nations unies depuis 1991 ? En 1994 déjà le livre de Martine de Froberville parlait de « confiance perdue ». Qu’en estil en 2009 après de nouvelles tentatives de solution toujours aussi impuissantes ? La volonté de reprendre la guerre pour se faire à nouveau entendre et réinstaller un rapport de forces susceptible de modifier la donne politique, est présente partout. Elle s’est exprimée plus fortement au dernier Congrès du Polisario en décembre 2007, les jeunes délégués en particulier exprimant par là leur lassitude d’une situation qui ne trouve pas d’issue et leur volonté de s’imposer sur la scène régionale. La situation faite aux militants de l’autodétermination au Sahara occidental occupé pèse aussi dans ce profond malaise. Pourtant les dirigeants sahraouis tout en étant attentifs à cette impatience gardent le cap du règlement politique géré par les Nations unies. Leur fermeté manifestée à l’égard de l’envoyé personnel du Secrétaire général, Van Walsum, qui en pleine négociation avait manifesté son intérêt pour la solution marocaine d’autonomie jugée plus réaliste leur permet aujourd’hui d’aborder le nouveau processus avec davantage de chance de succès. L’envoyé personnel a été remplacé par un diplomate américain, l’Autriche a accueilli dans de bonnes conditions la première rencontre informelle, et les responsables sahraouis présents se sont félicités de la « disponibilité » de Christopher Ross, de l’engagement pris par les parties à revenir à un nouveau round de négociations. Ce dernier étant « soutenu » par des déclarations plutôt bienvenues de la part des chancelleries les plus proches au conflit, les Etats-Unis, la France et l’Espagne. Personne au Maghreb ne souhaite le retour à la guerre, les Sahraouis non plus, qui avec responsabilité défendent à tout prix une solution politique qui leur donne le droit de s’exprimer sur leur avenir. Au Maroc et à ses amis de prendre la mesure du danger que représente un conflit jamais réglé depuis 34 ans et de trouver enfin les voies politiques qui consacreront la paix au Maghreb et une meilleure vie pour tous ses peuples.

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ANNEXES

TEXTES Observations générales et conclusions de la mission de l’ONU au Sahara espagnol menée au mois de mai 1975. L’Assemblée générale des Nations unies a décidé en 1974 d’envoyer une mission de visite au Sahara espagnol. Cette mission est composée de trois membres : Simon Aké, président (Côte d’Ivoire) ; Marta Jimenez Martinez (Cuba) ; Manouchehr Pishva (Iran). Rapport publié par les Nations unies dans « Objectif justice » volume VII, n° 4 1975 La mission a visité la plupart des villes, localités et centres d’intérêt situés au Sahara espagnol ou dans les pays limitrophes ayant un rapport direct ou indirect avec le territoire et ses problèmes. Le territoire et sa population : selon le recensement effectué par la puissance administrante en 1974, la population sahraouie vivant dans le territoire était de 73 497 personnes. L’Espagne a estimé qu’il y aurait entre 3 000 et 4 000 sahraouis au Maroc, environ 4 000 à 5 000 en Mauritanie et un nombre plus réduit en Algérie. Le Maroc affirme avoir entre 30 000 et 40 000 réfugiés sahraouis. Selon les autorités algériennes, il y aurait plus de 7 000 réfugiés dans le sud de l’Algérie. Enfin la Mauritanie a fait connaître qu’elle n’avait aucun réfugié étant donné que les Sahraouis étaient des Mauritaniens vivant de part et d’autre de la frontière administrative. Toutefois, elle a estimé qu’elle pourrait les recenser si besoin. Il importe de souligner que tous ces chiffres sont contestés par les uns et les autres y compris par les mouvements de libération. Dès lors toute consultation qui prendrait pour base ces chiffres serait inévitablement sujette à contestation. Opinion des parties concernées et intéressées : Si toutes les parties sont en faveur de la décolonisation complète du territoire, elles sont divisées quant aux modalités de cette décolonisation et au statut final du territoire. Le gouvernement espagnol a réaffirmé sa volonté de décoloniser le territoire en se conformant aux résolutions des Nations unies. Le gouvernement espagnol a fait connaître sa volonté de se retirer du territoire dans les plus brefs délais, sans pour autant laisser un vide compte tenu de la situation qui y prévaut. Le gouvernement marocain a réaffirmé ses revendications territoriales sur le Sahara occidental et insisté pour que le territoire soit intégré au Maroc. Il pourrait à la rigueur accepter un référendum si celui-ci portait sur le choix des populations entre le Maroc et l’Espagne. Il a éga– 313 –

lement indiqué qu’il pourrait trouver une solution au problème du Sahara espagnol avec la Mauritanie. Le gouvernement mauritanien a de son côté réaffirmé ses revendications territoriales sur le territoire tout en se disant convaincu de trouver une solution avec le Maroc fondé sur la reconnaissance de leurs zones d’influence respectives sur le territoire. Le gouvernement algérien a déclaré qu’il n’avait aucune revendication territoriale sur le territoire. Il considère que ce territoire devrait être décolonisé conformément aux principes établis par les Nations unies et par l’OUA en donnant à la population du territoire la possibilité d’exercer son droit à l’autodétermination. Il a ajouté qu’il respecterait tout règlement du problème sous réserve qu’il ait été librement approuvé par la population intéressée. Opinions de la population elle-même : dans le territoire, la mission a constaté que la population ou pour le moins la quasi-unanimité des personnes qu’elle a rencontrées s’est prononcée catégoriquement en faveur de l’indépendance et contre les revendications territoriales du Maroc et de la Mauritanie. La mission n’est entrée en contact, qu’avec deux mouvements politiques, le Front Polisario, mouvement de libération et le PUNS (Partido de la Union Nacional Saharaui), parti politique. Ces deux mouvement réclament avec des modalités différentes l’indépendance et rejettent les revendications territoriales de leurs deux voisins. Le Front Polisario, qui était considéré comme clandestin jusqu’à l’arrivée de la mission, est apparu comme la force politique dominante. Partout la mission a assisté à des manifestations de masse en sa faveur. Au Maroc, tous les réfugiés que la mission a rencontrés ont réclamé l’annexion au Maroc, de même les deux mouvements rencontrés installés au Maroc, le FLU (Front de libération et de l’Unité) et le MOREHOB (Mouvement de résistance pour la libération des territoires sous domination espagnole). En Algérie, les réfugiés se sont déclarés pour l’indépendance. En Mauritanie, se sont exprimés trois points de vue : l’intégration directe à la Mauritanie, un référendum suivie d’une association volontaire de ce nouvel État avec la Mauritanie, l’indépendance du Sahara espagnol. Conditions d’un règlement: Tout règlement de la question devra être mis au point avec l’assentiment et la participation de toutes les parties concernées et intéressées, a savoir la puissance administrante, les gouvernements des pays limitrophes et les représentants de la population sahraouie. De l’avis de la mission, toute consultation devrait être fondée sur la participation de tous les Sahraouis originaires du territoire. Il est donc important de déterminer qui est ou n’est pas Sahraoui originaire du territoire. Cette tâche devrait être confiée à une commission d’experts désignés par l’ONU qui travaillerait étroitement avec les parties concernées et intéressées. La mission a également noté que tous ont souligné l’importance du rôle et de l’assistance des Nations unies dans le règlement du problème du Sahara espagnol dans l’intérêt de tous et dans celui de la paix et de la sécurité dans la région. ./.. Etant donné les divergences d’opinion exprimées sur l’avenir du territoire, les membres de la mission, tout en ayant à l’esprit l’avis consultatif demandé par l’Assemblée générale à la Cour Internationale de Justice, estiment que l’Assemblée générale devrait prendre les mesures pour permettre aux populations de décider de leur avenir en toute liberté et dans une atmosphère de paix et de sécurité conformément aux dispositions de la résolution 1514 et des résolutions pertinentes de l’Assemblée générale sur la question.

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Communiqué officiel du Conseil National provisoire sahraoui. Proclamation de la république arabe sahraouie démocratique Le peuple arabe sahraoui, en rappelant aux peuples du monde qu’ils ont annoncé dans la Charte des Nations unies et dans la proclamation universelle des droits de l’homme ainsi que par le biais de la décision de l’Assemblée Générale 1 514 prise lors de sa 15e session ce qui suit : « les peuples du monde se déclarent résolus à proclamer à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations grandes et petites et à favoriser le progrès social et instaurer de meilleurs conditions de vie dans une liberté plus grande » Le peuple arabe sahraoui, • convaincu que tous les peuples jouissent du droit inaliénable de disposer d’une liberté totale, d’exercer leur souveraineté et du droit à réaliser l’intégrité de leurs territoires • conformément au principe dictant de mettre fin rapidement, sans préalables ou conditions, au colonialisme sous toutes ses formes, afin de réaliser le développement économique et socioculturel des peuples en lutte, annonce au monde entier, sur la base de la libre volonté populaire fondée sur les principes de l’option démocratique, la naissance d’un État libre, indépendant, souverain, régi par un système national démocratique, arabe, d’orientation unioniste progressiste et de religion islamique, dénommé République Arabe Sahraouie Démocratique. En harmonie avec sa doctrine, son orientation et la voie qu’il s’est tracé, cet État arabe, africain, non aligné, proclame son respect pour les Chartes et les traités internationaux, ainsi que son attachement à la Charte des Nations unies, à celle de la ligue arabe, à celle de l’Organisation de l’Unité Africaine tout en réaffirmant son engagement à la proclamation universelle des droits de l’homme […] En ces termes historiques où se proclame la naissance de ce nouvel État, la RASD lance un appel à tous les pays frères et aux États du monde entier pour la reconnaître, elle lance un appel à la Communauté internationale, afin qu’elle participe à l’édification et au développement du nouvel État […] Conseil National provisoire représentant la volonté du peuple Bir Lahlou 27 février 1976

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El Ouali, premier Secrétaire général du Front Polisario, devenu légende Quelques photos, des textes et des lettres, le souvenir d’El Ouali existe d’abord dans la mémoire sahraouie. El Ouali, devenu légende au Sahara occidental, jeune homme d’à peine 30 ans qui, en quelques années a fait entrer le peuple sahraoui dans l’histoire, est ignoré, inconnu au répertoire de l’imaginaire occidental. Alors comment exalter sa mémoire, pour avec lui exalter le courage et la dignité de tout un peuple ? En évoquant le souvenir des nomades du grand désert, bergers et guerriers toujours insoumis, dans lesquels chaque sahraoui peut se reconnaître ? En évoquant les frigs joyeux quand les pâturages abondants promettent une bonne et belle vie ? En évoquant les solidarités familiales et tribales structurées par l’Aït Arbin et conférant à la société bédouine traditionnelle sa cohérence et sa force ? El Ouali, bien que tr ès jeune privé de son pays, en est comme tous les Sahraouis l’héritier. Son rôle historique aura sans doute été de réveiller l’ancienne résistance, de lui donner un sens, un projet moderne adapté au temps, tout en anticipant sur la nécessaire construction d’un Etat indépendant, s’appuyant sur un peuple réuni et uni. Ce rêve d’un État bédouin indépendant, enraciné dans sa culture et ouvert à une modernité maitrisée se réalise, si l’on veut bien y regarder de près, dans les campements de réfugiés. La lutte de libération a solidement façonné une cohésion sociale et nationale, décuplé les forces et les énergies, rendu possible le défi d’une résistance si longue au coup de force marocain de 1975. Les Sahraouis avec le plan de paix font confiance à la Communauté internationale. L’histoire leur a déjà joué un très mauvais tour en 1975, faudrait-il qu’elle se répète ? Ces 20 années d’expérience pendant lesquelles s’est affermie leur identité nationale, sont la seule garantie pour qu’un jour l’histoire leur rende raison et rende raison à El Ouali. Régine Villemont juin 1993, La lettre du Front Polisario

Boite aux lettres, La Croix, vendredi 30 juin 1978 Jaguars contre Sahraouis (François Beslay) Un officier, lecteur du journal, a passé 15 ans de sa vie au Sahara, a bien connu la région et ses populations nous écrit : Le 7 mai dernier, on apprenait que les Jaguar français avaient participé, fin avril, à une opération des forces marocaines contre le Polisario et que les conseillers français assistaient l’état-major maroco-mauritanien installé à El Aïoun, ancienne capitale du Sahara espagnol annexé par le Maroc. Le 9 juin, on apprenait qu’à nouveau les jaguars français appuyaient les forces marocaines dans la bataille qui se déroulait à Bou Dreiga, toujours sur le territoire de l’ex-Sahara espagnol annexé par le Maroc. Il ne s’agit plus alors de protéger la vie des coopérants français travaillant à la mine de Zouérate en Mauritanie. Ni même d’aider le faible État mauritanien à repousser les incursions des Sahraouis à l’intérieur de la Mauritanie. Il s’agit cette fois d’aider le Maroc à confirmer les conquêtes de l’invasion verte. – 316 –

Les Sahraouis se battent ici sur leur terre dont ils s’efforcent de chasser l’envahisseur, et c’est précisément celui-ci que nous appuyons. On semble trop vite oublier que s’il existe un Front Polisario et une République sahraouie c’est parce que les habitants des anciennes colonies espagnoles, Rio de Oro et Seguiet El Hamra, ont refusé d’être annexés par le Maroc et que, contrairement aux recommandations de l’ONU, on ne les a jamais réellement consultés sur ce qu’ils voulaient devenir. Les accords de Madrid en ont fait des sujets marocains, au mépris du plus élémentaire droit des peuples à disposer d’eux-mêmes – fussent-ils de pauvres nomades et ne fussent-ils que 70 000. Ne parlons pas du dérisoire et stérile morceau de Rio de Oro (le Tiris El Gharbia) abandonné par le Maroc à la Mauritanie pour le prix de son silence ou de sa complicité. Il fallait au Maroc les phosphates de Bou Craa, et nous avons assisté silencieux au magistral bluff de la marche verte, puis à l’occupation par le Maroc de ce coin de Sahara. Que pouvaient peser face aux intérêts politico-économiques en jeu, quelques dizaines de milliers de misérables nomades qui n’avaient pour toute richesse que leur fierté, leur liberté et, malheureusement, du phosphate. La question n’est plus de savoir si nous sommes de droite ou de gauche et si les armes du Polisario viennent d’Algérie, de Libye ou de l’URSS. En fait elles sont surtout espagnoles en provenance de l’ancienne métropole. La vraie question est : voulons-nous rester fidèles à une certaine image de la France, celle de la déclaration des droits de l’homme, celle de la décolonisation, ou préfèrons-nous, pour complaire aux exigences du trop habile roi du Maroc, nous faire les complices d’une nouvelle conquête coloniale en condamnant du même coup un rapprochement tant souhaité avec l’Algérie ?

1991 : l’année du plan de règlement Le 27 juin 1990, le Conseil de sécurité des Nations unies, adopte la résolution 658 qui rappelle l’accord du Royaume du Maroc et du Front Polisario du 30 août 1988 aux propositions du Secrétaire général de l’ONU et du Président en exercice de l’OUA et approuve le rapport S/21360 qui contient le texte intégral des propositions de règlement ainsi qu’un exposé du plan du Secrétaire général pour la mise en œuvre de ces propositions. L’année suivante, le 29 avril 1991, le Conseil de sécurité dans sa résolution 690, approuve le rapport définitif S/22464 du Secrétaire général sur l’organisation d’un référendum au Sahara occidental et décide d’établir sous son autorité une Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO). Quelques mois plus tard, le 6 septembre 1991, la MINURSO arrive au Sahara et le cessez-le-feu décrété.

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Hassan II écrit au Secrétaire général, Javier Perez de Cuellar le 15 septembre 1991 Monsieur le Secrétaire général, Le processus du référendum d’autodétermination est bien engagé […] En ce qui concerne l’identification, nous avons considéré que le plus pratique est de rapprocher de la Commission d’identification de l’ONU, les Sahraouis à identifier […] Nous allons procéder par conséquent au rassemblement de ces populations dans divers centres du Sahara. Leur nombre s’élève à 170 000, le Maroc prendra à sa charge tous les frais… Haute considération Cette initiative présentée comme un geste de « bonne volonté » par le Maroc est dénoncée par le Front Polisario dès le 20 septembre qui y voit l’organisation d’une « nouvelle marche verte », permettant aux autorités marocaines de faire passer des « faux Sahraouis » dans le futur corps électoral. Ces milliers de personnes vinrent de toutes les régions marocaines, la plupart ayant peu de liens avec les Sahraouis. Ils ont été installés dans les camps de l’unité en périphérie des principales villes, sont entretenus par le Maroc et y résident encore dans des conditions précaires en 2009, « réserve électorale » en cas de référendum? Note de l’auteur 2009

Conférence européenne de solidarité / Genève octobre 1995 Rapport d’activité de l’Association des Amis de la RASD paru dans les Actes de la Conférence Depuis de nombreuses années, la question du Sahara occidental, n’est plus dans l’actualité française. Pas assez spectaculaire pour soulever l’intérêt et la sympathie de l’opinion, mais trop sensible pour la majorité de la classe politique qui ne veut pas déplaire au Maroc, et pour des médias souvent sous les charmes de la Mamounia. Le travail essentiel d’une association comme la nôtre demeure donc celui d’informer, d’alerter et ce dans toutes les directions possibles sans exclusive, le dénominateur commun étant le respect du droit des peuples et des hommes. Les difficultés persistantes que connaissent beaucoup de Français et en particulier les jeunes, rendent les solidarités moins évidentes, et en même temps se perd la mémoire d’une lutte de libération comme celle du Front Polisario. Pour faire face à ce contexte, l’AARASD a favorisé en 1993 la constitution d’une plateforme solidarité avec le peuple sahraoui, lieu large de coordination et de travail qui peut rassembler, stimuler toutes les initiatives possibles dans l’ordre de l’information, du soutien politique, humanitaire ou culturel. C’est dans ce cadre que l’accueil des enfants sahraouis est désormais coordonné, qu’une délégation forte de 105 personnes, citoyens, responsables associatifs, élus a été organisée en octobre dernier. Une caravane humanitaire est actuellement en préparation

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Travail régulier d’information qui passe par les canaux habituels, Sahara info, 4 numéros par an, communiqués de presse, interventions auprès des élus et des autorités françaises. Présence régulière qui a favorisé un réseau de relations et de confiance sur lequel nous nous appuyons avec le Polisario. Plusieurs rendez-vous depuis deux années ont illustré cette volonté d’information : • Colloque Femmes sahraouies, présent et avenir, en octobre 1993 au sénat • Conférence – débat par le « Comité sur le Sahara occidental » • Conférence par le comité Val de Marne, réunions à Albi, Le Havre, Gonfreville, Toulouse, Caen • Expo photo à l’Harmattan- Paris • Intervention auprès des participants au Paris-Dakar au Trocadéro en janvier 1995 • Missions au Sahara occidental, en particulier le voyage d’étude mené par le Professeur Théodore Monod Directement en liaison avec les campements sahraouis, l’AARASD poursuit en 95, les coopérations entamées depuis 1990 : • Formation d’institutrices de maternelle à l’IUFM du Mans, de 1991 à 1995, trois promotions de deux personnes ont suivi des formations théoriques et pratiques pendant 18 mois • Formations universitaires pour une vingtaine d’étudiants au Mans, Nantes et Saint Nazaire, avec le bénéfice de bourses universitaires, délivrées par le MAE • Formation BAFA assurée par les Francas et formation de deux bibliothécaires via les Guides de France • Défrichement de 18 ha pour la mise en culture d’un périmètre irrigué à El Aïoun (important programme agricole financé par le CCFD et le MAE) • Aide à la reconstruction après les inondations d’octobre 1994, avec la contribution du secrétariat d’État aux affaires humanitaires et des composantes privées et publiques de la plate-forme solidarité. L’actualité récente, condamnation de 8 jeunes sahraouis coupables d’avoir manifesté pacifiquement à El Aïoun, nous rappelle l’urgence de la défense des droits de l’homme au Sahara occidental. Depuis deux ans le BIRDSHO coordonne l’information et le parrainage des disparus. L’AARASD y a pris toute sa place et a renforcé ses liens avec l’AFAPREDESA. En conclusion, nous ne pouvons que nous féliciter de l’existence d’un soutien humanitaire et politique très réactif en France même si les conditions politiques et la sensibilité de l’opinion, rendent la tâche difficile, mais de nouvelles villes jumelées, des associations aux sensibilités diverses contribuent à développer ce soutien. De même la coopération étroite et loyale avec la représentation du Polisario en France a été une condition du développement de cette solidarité, permettant de couvrir un large champ politique. Régine Villemont, Secrétaire générale de l’AARASD, le 9 octobre 1995

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Appel de la Section française de l’observatoire international pour le référendum au Sahara occidental (SFO) « Le Référendum au Sahara occidental doit avoir lieu » Le 7 décembre 1998 devait se tenir au Sahara occidental le Référendum d’autodétermination donnant enfin aux populations sahraouies, aux termes du Plan de Paix initié en 1991, sous l’égide des Nations unies et de l’OUA, la possibilité de choisir entre l’indépendance ou l’intégration au Maroc. En dépit des efforts des Nations unies, la date prévue est à nouveau reportée, prolongeant d’une nouvelle année, l’exil d’un peuple qui vit cette situation depuis 23 ans. Les signataires de cet appel prennent acte du fait que le Conseil de sécurité a, le 30 octobre dernier, réaffirmé sa volonté de voir se dérouler un référendum libre, régulier et impartial en vue de l’autodétermination du peuple du Sahara occidental conformément aux Accords d’Houston signés en 1997 par les représentants du Front Polisario et du Maroc (résolution 1 204). Pour soutenir le processus démocratique d’autodétermination, un ensemble de responsables associatifs, d’associations, d’élus, d’universitaires et de citoyens, a créé « la Section Française de l’Observatoire International du référendum au Sahara occidental (SFO) » Cette instance indépendante se donne pour but de suivre le déroulement du processus référendaire au Sahara occidental et de constituer un corps d’observateurs français répondant au cadre défini par les Nations unies. Ces observateurs, par leur présence active sur le terrain et via le site internet, pourront rendre compte de la situation et informer au jour le jour l’opinion française. Cette initiative est soutenue par un Comité d’honneur composé de : Jean Chesneaux, Professeur émérite à l’Université Paris VII - Anouk Grinberg, comédienne - Stéphane Hessel, Ambassadeur de France - Henri Leclerc, Président de la Ligue des Droits de l’Homme - Jean Malaurie, Directeur d’Etudes à l’EHESS - Alexandre Minkowski, Professeur émérite à l’Université René Descartes - Danielle Mitterrand - Théodore Monod, membre de l’Institut - Pierre Richard, comédien - Jean-Pierre Vernant, Professeur honoraire au Collège de France. Le droit à l’autodétermination doit être respecté, la confiance que le peuple sahraoui a placée dans la Communauté internationale ne doit pas être vaine, il y va de l’avenir de ce peuple et de la paix au Maghreb. Cet appel a été publié dans Le Monde et sur http://www.sahara-occidental.com

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Le Sahara occidental et la France La France, forte de sa longue présence coloniale au Maghreb, y entretient de multiples relations culturelles et politiques, y défend d’importants intérêts économiques. Sa position de leadership bien établie en Europe, sa place comme membre permanent du Conseil de sécurité, lui confèrent une autorité certaine qui l’autorise à orienter les choix européens au Maghreb. Aussi, le Sahara occidental colonisé par l’Espagne, et bien que ne faisant pas partie de l’aire francophone, est étroitement dépendant de la politique française dans la région […] L’existence d’étroites et harmonieuses relations avec le Maroc est une des clefs de la diplomatie française dans la région. Cette volonté est attentivement observée et encouragée par les autorités chérifiennes qui ne manque pas de moyens pour exercer d’utiles et amicales influences […] Une confiance partagée, des intérêts communs si puissants qu’ils deviennent raison d’état, ont conduit notre pays à être un des meilleurs soutiens de la politique marocaine d’expansion et d’occupation armée d’un territoire revendiqué au nom de l’histoire mais au mépris du droit d’un peuple colonisé. L’habileté marocaine étant d’associer l’exigence de cette expansion à sa propre existence et stabilité, elle-même indispensable à la stabilité de l’ensemble maghrébin […] L’évolution favorable du dossier au niveau international, reconnaissances, entrée à l’OUA, coïncidant avec un changement de majorité en France, firent espérer au Polisario et à ses soutiens un changement de politique. Changement de politique qui servirait de catalyseur au soutien de l’Europe. De fait, le 29 mars 1982, un bureau du Front Polisario est ouvert à Paris en présence d’une délégation du parti socialiste. Des efforts sont réels concernant l’aide matérielle et humanitaire (soins aux malades par exemple), mais le Ministre des Relations Extérieures, Claude Cheysson prend bien soin d’équilibrer les engagements français au Maghreb et d’honorer les contrats de vente d’armes au Maroc. Plus tard, le journal de l’association des amis de la RASD, note qu’il est avéré qu’en 1985, des officiers français ont participé à l’élaboration de la stratégie des murs avec des officiers israéliens et égyptiens. De son côté le Front Polisario, développe plusieurs initiatives pour faire évoluer la position française […] En avril 1985, une délégation du Front Polisario conduite par le numéro 2, Bachir Mustapha Sayed, rencontre Lionel Jospin, alors premier secrétaire du Parti socialiste, afin que la France soutienne la solution politique définie par la résolution AH 104 adoptée par l’OUA, qui par des négociations directes, sortirait de l’impasse un conflit bloqué […] La difficulté à croire en la viabilité d’un État sahraoui, est sans doute au-delà des intérêts à préserver, une des explications à l’absence de volonté de changer de politique. Et ce, avant que les difficultés en Algérie ne renouvellent les bonnes raisons de soutenir le Maroc et de ne rien oser qui contredise son aveuglement expansionniste […] Le cheminement démocratique que certains veulent bien observer au Maroc et dont beaucoup voudraient se réjouir, passe aussi par la reconnaissance du droit à l’autodétermination et à l’indépendance du peuple sahraoui. Régine Villemont, Extraits Aujourd’hui l’Afrique n° 71 février 1999 – 321 –

14 juillet 1999 : plusieurs dizaines d’élus français réagissent à la présence d’Hassan II au défilé du 14 juillet Lettre au Président de la République, au Ministre de la Défense et au Ministre des Affaires étrangères Le Roi du Maroc va prochainement être reçu par la France avec une solennité toute particulière, il sera associé à la célébration du 14 juillet à l’occasion de laquelle la garde royale défilera sur les Champs Elysés. Les élus soussignés, attentifs au retour de la paix au Maghreb et au règlement du conflit du Sahara occidental, s’émeuvent de cette présence. En invitant le roi Hassan II et sa garde royale, la France abandonne la position de neutralité que requiert sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité alors qu’un processus de paix devant aboutir à un référendum d’autodétermination est actuellement en cours sous l’égide des Nations unies. Les élus soussignés s’étonnent de la venue de la garde royale au défilé du 14 juillet, la présence même symbolique de l’armée marocaine, armée d’occupation du Sahara occidental depuis 25 ans ne leur paraissant pas en harmonie avec les valeurs et les idéaux exaltés à travers la commémoration de la prise de la Bastille. Les élus soussignés réaffirment à cette occasion que la France, du fait des liens étroits qu’elle entretient avec le Maroc, doit jouer un rôle prépondérant dans la recherche d’une solution équitable et durable, respectueuse du droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination. La présidence de la République comme le Ministère des Affaires étrangères réagirent à ces courriers : extraits En invitant Sa Majesté le Roi du Maroc et la Garde Royale marocaine, alors que le temps du Maroc est célébré depuis plusieurs mois en France, notre pays a tenu à rappeler l’engagement au cours de la seconde guerre mondiale de 80 000 Marocains et du sacrifice de 15 852 d’entre eux […] Cette fraternité d’armes franco-marocaine se poursuit aujourd’hui au service de la paix en Bosnie. La France, membre permanent du Conseil de sécurité, soutient sans réserve l’application du plan de règlement qui prévoit la consulation des Sahraouis par référendum. Notre pays apporte également une contribution importante au financement et aux effectifs de la MINURSO. La venue en France de Hassan II fut sa dernière sortie. La presse à l’annonce de sa mort célébra avec faste ce grand souverain ami de l’Occident.

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L’action de parrainage des disparus, provoque des réactions Sahara info n° 115 octobre novembre 2001 Dans le cadre de la campagne de parrainage des disparus sahraouis, des centaines de cartes sont parvenues auprès de Monsieur François Loncle, député de l’Eure et Président de la Commission des Affaires étrangères à l’Assemblée. Deux courriers sont publiés par le journal de l’AARASD. Courrier de François Loncle au Ministre Védrine Monsieur le Ministre, cher ami, J’ai été saisi par de nombreuses personnes de la situation régnant au Sahara occidental et du sort des disparus sahraouis Afin de répondre convenablement à ces interpellations, je vous serais reconnaissant de m’informer des derniers développements de la situation dans cette région et des efforts entrepris par la France pour favoriser une solution à ce problème. Je vous prie de croire, monsieur le Ministre, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs et de mon amitié Paris le 17 juillet 2001 Réponse du Ministre des Affaires étrangères Monsieur le Président, Vous avez bien voulu appeler mon attention sur la question du Sahara occidental. La France a toujours soutenu les efforts du secrétaire général de l’ONU et ceux de son envoyé personnel. Elle espère que Monsieur James Baker pourra mener à bien sa mission sur la base de la résolution 1 359 adoptée le 29 juin dernier par le Conseil de sécurité. Cette résolution donne la priorité à la recherche d’une solution politique entre les parties, sans abandonner pour autant le plan de règlement. Comme vous le savez, ce plan s’est enlisé au fil des ans. Il était devenu nécessaire d’explorer de nouvelles voies afin de sortir de l’impasse. Or le projet d’accord-cadre de Monsieur Baker, qui propose un statut spécial pour le territoire au sein de l’ensemble marocain, peut constituer une base de discussion utile et conduire à des négociations directes entre le Maroc et le Front Polisario. Par ailleurs nous incitons les parties à prendre des mesures de confiance à travers des gestes humanitaires, concernant la libération des prisonniers marocains et le dossier des disparus sahraouis. La France demeure préoccupée par le sort de réfugiés sahraouis, qui bénéficient d’une aide substantielle à travers le PAM et ECHO ou à titre national. Elle est en outre le premier contributeur en hommes de la MINURSO. L’engagement réel et concret de notre pays s’inscrit pleinement dans le cadre de la légalité internationale. La France, tout comme les autres membres du Conseil de sécurité, soutient la voie du dialogue et ne ménage pas ses efforts pour trouver une issue au conflit, soucieuse de préserver la stabilité au Maghreb. Salutations distinguées et amitiés Hubert Védrine Paris le 30 juillet 2001

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M. Bouteflika a assisté aux cérémonies de la création de la RASD Alger le 27 février 2002 dépêche AFP Pour la première fois, un Président algérien a assisté aux cérémonies marquant l’anniversaire de la création de la RASD. Cette démarche intervient alors que l’Algérie et le Maroc, qui occupe le Sahara occidental depuis 1975, polémiquent sur les moyens d’aboutir à un règlement de cette question, qui empoisonne les relations entre les deux pays. M. Bouteflika a eu un entretien en tête à tête avec le président de la RASD et a rencontré les autorités civiles et militaires de cette République, dans le camp de Smara.

Actions de l’UJSARIO et de ses partenaires, 2002-2003 Soutien psychosocial des 6/12 ans dans le temps extra scolaire par le jeu, partenaire ERM, financement privé et UE, création de centres d’animation par daïra et formation d’animatrices. Activités pour les enfants qui ne partent pas à l’étranger l’été, partenaire Christ The Rock, financements privés, musique, théâtre et sport. Centre de prévention et de formation pour les adolescents, partenaire SUKS, Terre des hommes Suisse, séminaires, centres de jeunes et formation d’animateurs Formation d’animateurs et d’animatrices, partenaires: Conseil National de la jeunesse Catalane, Guides de France, Conseil de la jeunesse des Asturies, Associations de jeunesse de Cordoue Initiation aux langues étrangères, français partenaire AGIRabcd Bourgogne, anglais, partenaire, Christ the Rock (mouvement d’église américain) Sensibilisation sur le SIDA, partenaire, Conseil de la jeunesse des Asturies Mise en place d’un laboratoire photographique, partenaire Association italienne « Sinistra » Mise en route d’un service de courrier pour faciliter la communication entre les étudiants à l’étranger, partenaire SUKS

La solidarité espagnole, première en Europe La solidarité avec les Sahraouis et le Front Polisario s’est particulièrement développée en Espagne au milieu des années quatre-vingt. Cette solidarité multiple concerne à la fois l’État, les Institutions régionales et la société civile. Au niveau de l’État, c’est un mélange de prudence qui associe soutien de principe à l’autodétermination et préservation des nombreux intérêts avec le Maroc. L’Espagne est devenue le deuxième pays donateur après l’Algérie. Au niveau parlementaire, des groupes parlementaires existent au Parlement national comme dans les 17 Parlements régionaux. Pour chaque groupe, l’ensemble des formations – 324 –

politiques sont concernées. Plus de 900 communes ont signé des pactes de jumelage avec les wilayas et daïras sahraouies, jumelages qui permettent d’organiser la solidarité au plus près des habitants de ces collectivités tant en Espagne que dans les campements. Enfin existe un réel consensus parmi les forces politiques et syndicales pour défendre l’existence et la pérennité de l’engagement politique et humanitaire espagnol en faveur du peuple sahraoui. Ce consensus s’enracine et se nourrit dans la mobilisation populaire, forte de près de 1 400 associations, acteurs de la solidarité et des mobilisations : accueil de 9 000 enfants, caravanes trimestrielles, vols charters. Ces associations sont coordonnées au sein de la FEDISSA : Fédération d’institutions et d’associations solidaires avec le peuple sahraoui. En appui également à cet élan populaire, l’effort de dizaines d’ONG qui avec leurs fonds propres ou les fonds publics sont très présentes dans les campements pour des coopérations touchant tous les domaines de la vie quotidienne. Note de l’auteur avec l’aide d’Omar Mansour, ancien Représentant du Front Polisario en Espagne

Aminatou Haïdar, coupable d’être Sahraouie. Ouest-France 25 octobre 2006 extraits Un courage d’acier sur de bien frêles épaules. Aminatou Haïdar, porte sur sa chair la défense de son pays […] Aminatou Haïdar a été arrêtée en 1987 alors qu ‘elle participait à une manifestation : « J’avais 20 ans quand ils sont venus me chercher. Les miens sont restés sans nouvelles pendant trois ans. Pour eux j’étais morte. » En décembre 2005, elle est à nouveau détenue, pendant 7 mois. Les prisons marocaines, la torture, elle connaît. Depuis lors, elle parcourt le monde pour sensibiliser l’opinion internationale. Aujourd’hui, elle vient d’être reçue à la mairie de Rezé par son maire Gilles Retière. Plusieurs prix, ont récompensé son combat et à travers elle celui de tous les militants sahraouis de l’autodétermination et des droits de l’homme : en Espagne, le prix Juan Maria Bandres en 2006, en Autriche, le prix Silver Rose en 2007, aux États-Unis, le prix Robert F. Kennedy des droits de l’homme en 2008 et en 2009 celui du « Courage Civil » décernée par la « Train Fondation »

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ONU-Sahara occidental, forcing franco-américain El watan 29 octobre 2007 Hocine T. paru dans info-palestine. net, extraits Ainsi en en-t-il du peuple sahraoui dont le tort est de rejeter le projet marocain. Sa dernière trouvaille est un plan dit d’autonomie que l’ONU a poliment rejeté en avril dernier, lui préférant des négociations directes en vue de l’autodétermination du peuple sahraoui. Il, reste que les maneuvres tendent à contourner de telles propositions. L’Ambassadeur d’Afrique du Sud, Dumisani Kumalo, a accusé sans les nommer, laFrance et les États-Unis de pencher pour la proposition marocaine. L’important c’est la négociation, a-t-il dit à la presse, nous voulons que les deux parties négocient sur la base des deux propositions qui ont été présentées au Conseil. Selon Mohamed Khadad, coordinateur du Polisario avec la MINURSO, l’opinion dominante au Conseil a été que les deux plans rivaux soient traités de manière équitable. Si la seule proposition marocaine affirmant la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental était retenue, l’ONU entérinerait un fait accompli colonial. La proposition du Front Polisario pour une solution politique mutuellement acceptable assurant l’autodétermination du peuple du Sahara occidental a été transmise le 10 avril 2007 au Secrétaire général (texte consultable sur www.arso.org)

Rencontre avec le Représentant du Front Polisario en France l’itinéraire d’un dirigeant politique sahraoui : Omar Mansour Je suis né à Dakhla en 1953, j’ai suivi des études primaires et secondaires dans ma ville de naissance, puis je suis parti à Ténérife d’abord et à Madrid pour entrer à l’université et y poursuivre des études de droit. En même temps, j’étais très attentif à la situation politique, aux relations avec l’Espagne et me suis engagé de suite dans la création du Polisario. Élu en 1974, Secrétaire général de l’Union des Étudiants Sahraouis, j’étais à ce titre membre du bureau politique du Front Polisario. Après la proclamation de la RASD en février 1976, j’ai fait partie du premier gouvernement de la RASD, puis à l’occasion du Congrès extraordinaire de juin 1976, suite à la mort d’El Ouali, notre premier Secrétaire général, j’ai été nommé Ambassadeur de la RASD à Alger, tout en restant membre du bureau politique du Polisario. De 1980 à 1982, j’ai exercé des responsabilités locales, comme wali des wilayas d’El Aïoun et de Smara. Puis j’ai repris du service à l’extérieur, en Amérique latine de septembre 1982 à septembre 1985, comme coordinateur diplomatique, puis comme Ministre des Affaires étrangères de septembre 1985 à 1988. J’ai démissionné de toutes mes fonctions à cette date, suivant un profond désaccord sur la gestion de dossiers qui me semblaient principaux. Le Congrès qui suivit me redonna des responsabilités en Asie et Océanie pour y coordonner notre présence d’août 1989 à août 1990. À partir de cette date, je suis reparti en Europe, – 326 –

pour à peu près le même type de travail et en tant que membre du secrétariat national. La mise en route du plan de règlement contribue à renouveler mes responsabilités : viceprésident de la Commission de coordination avec la MINURSO, je participe ensuite aux négociations, sous les auspices du représentant spécial de l’ONU, à El Aïoun avec une délégation marocaine. Dans ce cadre je dirige le groupe d’observateurs sahraouis qui doit aider la MINURSO à identifier les votants au référendum en 1994 et 1995. En 1996, je suis réélu au Secrétariat national et nommé Représentant du Polisario en Espagne pour une période de trois ans, où je m’efforce de mieux coordonner les solidarités si nombreuses et puissantes en y développant notre propre réseau de représentations régionales. Je reviens ensuite pour une longue période dans les campements, comme Ministre de la santé d’abord, puis comme wali d’El Aïoun. C’est en février 2008 que je suis nommé Représentant du Front Polisario en France où je m’efforce de renforcer notre présence politique alors que des négociations s’engagent et que tout est encore à construire pour convaincre la France de la légitimité de notre autodétermination et de la possibilité de notre indépendance. Note de l’auteur septembre 2009

Des parlementaires interrogent le Ministre des affaires étrangères à l’Assemblée, exemples récents 43947. 27 mars 2000- M. François Lamy souhaite attirer l’attention de M. le Ministre des Affaires étrangères sur la situation au Sahara occidental. Le rapport intérimaire du Secrétaire général des Nations unies fait apparaître la possibilité d’un référendum au Sahara occidental. Or, le Ministre de l’Intérieur marocain fait savoir que seul un scrutin confirmatif de la marocanité du Sahara occidental serait acceptable. Il désire donc savoir quelles sont ses intentions pour soutenir l’action du Conseil de sécurité et du secrétaire général des Nations unies. Au même moment, M. Daniel Paul, député de Seine Maritime attirait aussi l’attention par une question écrite du Ministre Védrine : « L’amitié franco-marocaine donne à notre pays une capacité d’intervention politique […] L’heure ne doit plus être à des conflits armés pour que les peuples obtiennent le droit de décider de leur avenir. Quelle amitié pourrait justifier que l’on ne pèse en faveur d’un tel droit qui n’est plus contestable ? Je demande donc à Monsieur le Ministre, que la France intervienne pour faire prévaloir le droit des peuples dans ce domaine.» En juin 2009, Mme Marietta Karamanli, député de la Sarthe, renouvelle avec une nouvelle question écrite (52 414) la demande auprès du Ministre Kouchner : « Elle lui demande de bien vouloir lui faire connaître les initiatives que le gouvernement entend prendre en vue d’assurer un règlement politique de la question du Sahara occidental et de garantir le respect des droits de l’homme dans la région ». – 327 –

Réponse publiée au JO le 14 juillet 2009 page 7029 : Depuis les quatre sessions de négociations à Manhasset entre la Maroc et le Front Polisario, en présence de l’Algérie et de la Mauritanie, le Conseil de sécurité a réexaminé en avril 2009 les moyens et les voies possibles pour rendre ces négociations plus substantielles. La préconisation du nouvel envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies, M. Christopher Ross, d’organiser des pourparlers informels en vue d’une cinquième session de négociations avait été reprise par le Secrétaire général dans son rapport au Conseil de sécurité le 13 avril 2009. Le Conseil a donc décidé de privilégier cette approche et d’inviter les parties à explorer les moyens d’étendre les mesures de confiance comme cela avait été suggéré par le Secrétaire général. Le Conseil a également souligné l’importance de réaliser des progrès concernant la dimension humaine du conflit comme moyen de promouvoir la confiance mutuelle entre les parties, en évitant toute divergence qui pourrait nuire au consensus en son sein. L’adoption à l’unanimité de la résolution 1 871 le 30 avril 2009 a permis de réaffirmer l’engagement de la Communauté internationale pour parvenir à une solution politique juste, réaliste et mutuellement acceptable, qui reste, de l’avis de tous les membres du Conseil de sécurité, le meilleur garant du respect des droits de l’homme dans la région. Pour la première fois, le Conseil de sécurité a mentionné « la dimension humaine du conflit comme moyen de promouvoir la transparence et la confiance mutuelle à travers un dialogue constructif et des mesures de confiance humanitaires ». Par ailleurs s’agissant des droits de l’homme, cette question est régulièrement évoquée avec le Maroc, y compris dans le cadre de l’Union européenne, notamment au sein du sous-comité « droits de l’homme », réuni une fois par an. Les progrès accomplis par le Maroc dans ce domaine ont permis l’adoption du Statut avancé entre l’Union européenne et cet État, en octobre 2008. De son côté le député Jean-Paul Lecoq, proposait à la session de mai de l’Assemblée du Conseil de l’Europe, une résolution l’invitant à « réaliser un rapport sur la situation des Droits de l’homme dans les territoires occupés par le Maroc au Sahara occidental ». Cette proposition a reçu l’agrément du Conseil qui s’est engagé à mettre en œuvre une procédure d’examen ainsi que la formulait la proposition de résolution.

À la veille du scrutin européen, Europe-Ecologie prend position Courrier adressé le 2 juin 2009 à Western Sahara Resource Watch (WSRW) extraits Les Verts, le Parti vert européen et le groupe Verts/ALE au parlement européen ont toujours défendu le respect des droits du Peuple sahraoui, et notamment leur droit à l’autodétermination […] Nous estimons donc urgent l’organisation d’un référendum d’autodétermination libre et regrettons l’inertie de l’ONU et la paralysie de la MINURSO face à l’attitude du pouvoir marocain. Nous souhaitons également une politique plus claire de la part de l’Union européenne./.. Sur la question des droits de pêche au large des côtes sahraouies, le groupe Vert/ALE avait déposé deux amendements au rapport Varela en 2006, visant à exclure explicitement les eaux territoriales du Sahara occidental des ac– 328 –

cords de pêche avec le Maroc. Nous regrettons fortement que ces amendements aient été rejetés et estimons que l’accord de pêche entre le Maroc et l’Union européenne viole le droit international […] Les futurs députés européens d’Europe Ecologie travailleront donc à mettre fin au pillage des ressources du Sahara occidental.

Ted Kennedy, le Sénateur qui rêvait d’un Sahara occidental indépendant! Dépêche de « Bellaciao, diaspora sahraouie » 26 août 2009, extraits Le Front Polisario regrettera spécialement la mort de Ted Kennedy, grand défenseur du Sahara occidental au Sénat américain depuis près de 20 ans. C’est en 2005 que le Président Abdelaziz le rencontra et sut le convaincre de ne pas reprendre les armes mais de continuer à négocier, et ce malgré le départ de James Baker. C’est lui aussi qui remit le prix Robert F. Kennedy Human Rights Award à Aminatou Haïdar en 2008.

Site l’expressiondz. com / Mohamed Touati 8 septembre 2009 Extraits de la lettre signée par Ted Kennedy et plusieurs sénateurs et adressée en avril au Président Obama « Alors que vous entamez votre mandat, nous vous demandons instamment ainsi qu’à votre administration d’agir pour soutenir le peuple du Sahara occidental dans son droit à l’autodétermination à travers l’organisation d’un référendum juste et transparent. Le peuple sahraoui souffre depuis que les forces militaires marocaines ont pris le contrôle de ce territoire. C’est dans l’intérêt de notre pays de s’assurer que cette question soit traitée avec équité, conformément aux principes internationalement reconnus ». Le journaliste Mohamed Touati poursuit en citant un extrait de la lettre du Président Obama à Mohamed VI en y voyant des signes de la nouvelle bonne volonté américaine à suivre les recommandations du « vieux lion du Congrès américain. « Mon gouvernement travaillera avec le vôtre et d’autres parties dans la région afin de parvenir à une solution qui réponde aux besoins des populations, en termes de gouvernance transparente, de confiance en l’état de droit ». Il reste que l’influence marocaine est puissante aux États-Unis. Plusieurs sites d’info indiquent les sommes dépensées en 2007 et 2008 par l’État marocain pour influencer les positions des membres du Congrès et tout spécialement sur la question du Sahara occidental : 3,5 millions de dollars pour défendre en particulier l’idée de l’autonomie, ce qui met le Maroc au 6 éme rang des lobbyistes auprès du Congrès américain.

Un moment des conférences proposées au Festival d’Uzeste (Août 2009) sur le thème « Catastrophe et utopie » présidées par Mme Monique Chemillier-Gendreau, professeure de droit international Palestine, Sahara occidental, ces deux peuples trouvent tout à fait leur place dans notre cycle de conférences « Catastrophe et utopie ». Les Palestiniens ne désignent-ils pas ce qui leur est arrivé depuis 1947 par l’expression « Naaba » qui signifie la catastrophe et le « nous »

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du titre de notre conférence « Les peuples oubliés et nous », renvoie à une altérité qu’il est nécessaire d’élargir au plus lointain. Dans ces deux cas précis, la Palestine et le Sahara occidental, se retrouve une même souffrance, un même refus de reconnaître la dignité et la reconnaissance de l’histoire de ces deux peuples. D’un point de vue historique, plusieurs points les rapprochent. Une occupation militaire d’abord, où dans les deux cas l’occupant, Israël et le Maroc refusent de se soumettre aux obligations liées à une occupation armée. Un avis consultatif de la Cour Internationale de justice qui dans l’un et l’autre cas, en 1975 pour le Sahara occidental, en 2004 pour la Palestine, a reconnu les droits de ces peuples et a défini des procédures pour les faire valoir. Enfin pour ces deux territoires contestés, l’occupant a construit un mur et a cru avec ce mur se protéger et achever son occupation. Dans ces deux conflits, les Institutions internationales veulent bien dire le droit mais sans se donner les moyens de l’appliquer. Deux exposés suivent sur le Sahara occidental (Mme Villemont) et sur la Palestine (Mme Chemillier-Gendreau). En conclusion, Monique Chemillier-Gendreau poursuit. Nous devons soutenir ces peuples dans leur quotidien et politiquement, mais ce n’est pas suffisant. Il est nécessaire de porter la lutte au niveau du droit international et des Institutions.En effet l’imprécision des résolutions et leur ineffectivité protègent le Maroc comme Israël et permettent aux grandes puissances, celles qui sont en permanence au Conseil de sécurité, de ne pas respecter les règles qu’elles ont pourtant contribué à définir. Concernant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, sa non application tient entre autre à ce que le principe s’appuie sur des bases incertaines. Qu’est-ce qu’un peuple ? C’est une notion bien difficile à définir juridiquement. Un peuple se construit de manière contingente, il existe dans son « agir », il naît, il vit et il peut mourir. De même la définition juridique de leurs territoires et de leurs limites est plus le résultat des rapports de force que d’une catégorie juridique clairement établie. C’est tout l’intérêt de la question du respect des frontières coloniales décidée au moment des décolonisations de l’Amérique latine et reprise en Afrique qui a permis de fixer les limites d’Etats devenus souverains. Cependant dans notre société mondiale décentralisée, faite des décisions des Etats souverains, il devient indispensable de réfléchir à un nouveau cosmopolitisme et repenser nos institutions au risque de rester dans l’impuissance comme dans les deux situations qui nous préoccupent aujourd’hui. Il ne s’agit pas de créer une nouvelle centralisation mais de promouvoir des instances appropriées capables de régler les problèmes à l’échelle où ils se posent et ne pas se contenter de suivre ou subir le jeu des grandes puissances. Cette nouvelle architecture mondiale, sur laquelle je travaille depuis bien des années, peut sembler paradoxale dans le cas de la Palestine et du Sahara occidental à la conquête justement de leur souveraineté. Mais si je lutte pour qu’ils l’obtiennent, c’est pour qu’ils soient en mesure ensuite de participer pleinement avec les autres peuples à la réflexion et à la négociation sur des abandons possibles de souveraineté afin de préparer les conditions d’une organisation de la société mondiale plus juste.

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Des réfugiés, pas des séquestrés Vu dans «Le Journal», journal marocain indépendant en juillet 2009 Le long reportage sur les camps du Polisario, publié dans l’édition du 4 juillet 2009, a eu le mérite de révéler des réalités que nos officiels s’efforcent de nous cacher. D’abord, il devient de plus en plus évident que les habitants de ces camps sont bel et bien des réfugiés et non pas des séquestrés. Ceux-ci bénéficient d’une réelle liberté de circulation. Certains d’entre eux, munis d’un passeport mauritanien, peuvent même faire un séjour au Maroc ! Mieux encore, les Sahraouis s’expriment librement sur des questions aussi importantes que le système politique, les négociations avec le Maroc, la lutte armée. En lisant votre décryptage, on se rend compte que le peuple sahraoui est politisé à outrance. Ensuite, malgré des conditions de vie très difficiles, l’éducation de la population semble être une priorité pour les têtes pensantes du front. Enfin, et c’est là peut-être le point le plus important, une certaine démocratie existe au sein des instances dirigeantes des campements. Pour s’en convaincre, il suffit de savoir que la femme y occupe une place prépondérante. Bref, l’image sombre que certains de nos responsables ne cessent de véhiculer sur la vie aux campements est loin d’être exacte. Hamdi El Hairech Courriers des lecteurs, «Le Journal» n°405 juillet 2009

La justice marocaine a la main lourde Humanité quotidien 01-09-2009 Article de Catherine Ceïbe Quatre mois de prison ferme pour un porte-clés. La justice marocaine a été prise, jeudi, en flagrant délit d’excès de zèle, en prononçant cette lourde sentence à l’encontre de Enaama Asfari. Coprésident du Comité pour le respect des libertés au Sahara occidental, CORELSO, ce défenseur des droits de l’homme a été arrêté, le 14 août, à un barrage de police dans la ville de Tan Tan (sud du Maroc)où vit sa famille. Un contrôle qui a viré au vinaigre quand les policiers ont remarqué qu’il arborait un porte-clés aux couleurs de la RASD. Enaama Asfari et la personne qui l’accompagnait ont été violentés par les agents. Accusés d’outrage à un fonctionnaire de police dans l’exercice de ses fonctions, les prévenus ainsi que leurs avocats ont quitté l’audience en signe de protestation contre un procès expéditif. Enaama Asfari est un militant reconnudes droits et des libertés des Sahraouis. Un engagement qui lui a déjà valu des peines de prison. Cette dernière condamnation se veut exemplaire. Depuis 2005, date du soulèvement populaire dans les territoires occupés illégalement par le Maroc, Rabat tente d’étouffer ce vent de contestation. Les arrestations et les lourdes condamnations dont écopent les manifestants visent à intimider quiconque remet en cause cette colonisation d’un autre âge. Comme en témoignent les arrestations de plusieurs militants sahraouis venus assister au procès de Enaama. Ce dernier a décidé de faire appel.

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Communiqué de presse Régine Villemont SG AARASD Le Mans le 26/09/2009 La tournée de Manu Chao en France en ce mois de septembre 2009, donne l’occasion de se souvenir du peuple sahraoui et de son combat pour sa liberté si mal connu des jeunes, premier public de Manu Chao. A la fête de l’Huma déjà, devant près de 80 000 personnes, le drapeau sahraoui avait largement flotté sur la scène, avec une belle déclaration de Manu Chao et de Michèle entourés de jeunes sahraouis très enthousiastes. Le public de l’huma s’était enflammé au soutien d’un peuple qui lutte avec tant de courage pour son indépendance. Quelques jours plus tard, le 23 septembre, à Limoges, le comité local, le CLSPS, à la demande de Manu Chao tenait table de presse au concert, distribuait des tracts d’information et faisait ainsi découvrir à beaucoup de jeunes présents le peuple sahraoui. Le 25 septembre au Mans, 7500 personnes se pressaient dans la grande salle d’Antarès, pour applaudir leur artiste préféré. Là aussi le comité de la Sarthe de l’AARASD a pu tenir table de presse pour informer, discuter et intervenir sur la scène avec Julien, Charles et Régine pour donner encore plus d’éclat à ce soutien. Comme à la fête de l’huma une salle « chauffée à blanc » s’est exaltée à l’évocation d’une lutte pour la liberté et contre la loi du plus fort. Dans quelques jours à Grenoble puis à Nice les membres du comité de l’AARASD, Provence et les amis qui accueillent les enfants sahraouis à Grenoble chaque été, vont aller à leur tour à la rencontre du public de Manu Chao. Un artiste engagé, un réseau militant capable de réagir à toutes les sollicitations et pourquoi pas des médias qui s’intéressent, voilà quelques conditions pour faire découvrir à ceux qui ne la connaissent pas, la lutte du peuple sahraoui et largement amplifier le soutien populaire à cette cause de la liberté et de la dignité. Et encore une fois bravo et merci, à Manu Chao et à toute son équipe, musiciens, techniciens, amis.

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ANNEXES

CARTES LE SAHARA OCCIDENTAL Situé au nord-ouest de l’Afrique

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LE SAHARA OCCIDENTAL

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CARTE DES CAMPS DE RÉFUGIÉS DE LA HAMADA DE TINDOUF

15 km

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ANNEXES

REPÈRES CHRONOLOGIQUES 1960 / 1970

Le Sahara espagnol est inscrit sur la liste des Nations unies des territoires à décoloniser.

1970

Les Nations unies rappellent à l’Espagne ses obligations.

10 mai 1973

Création du Front Polisario, mouvement de libération sahraoui.

20 mai 1973

Déclenchement de la lutte armée contre l’Espagne avec la prise du poste d’El Khanga.

1974

L’Espagne procède au recensement de la population en vue d’un référendum d’autodétermination.

8 mai au 2 juin 1975

Visite d’une mission de l’ONU au Sahara occidental, au Maroc en Algérie et en Mauritanie.

16 octobre 1975

La Cour Internationale de Justice de la Haye rejette les revendications du Maroc et de la Mauritanie sur le Sahara espagnol.

6 novembre 1975

Marche verte et invasion du Sahara espagnol.

14 novembre 1975

Accord tripartite de Madrid, l’Espagne cède l’administration du territoire au Maroc et à la Mauritanie.

27 février 1976

Proclamation de la RASD.

9 juin 1976

Mort d’El Ouali Mustapha Sayed, dans l’opération menée par l’APLS contre Nouakchott.

26 au 30 août 1976

3e Congrès du Front Polisario, élection du nouveau Secrétaire général, Mohamed Abdelaziz qui deviendra également, Président de la RASD (en 1985 au 6e Congrès).

1976 / 1978

Guerre de libération menée par l’APLS contre la Mauritanie et le Maroc.

5 août 1979

Traité de paix avec la Mauritanie et poursuite de la guerre contre le Maroc, qui met en place une stratégie de « murs ».

1980 / 1982

Le comité ad hoc de l’OUA négocie avec le Front Polisario et le Maroc un plan de paix. Le Maroc accepte le principe d’un référendum.

Février 1982

Admission officielle de la RASD à l’OUA.

Juin 1983

Adoption de la résolution AHG 104 par l’OUA.

12 novembre 1984

La RASD siège à l’OUA comme membre à part entière, – 336 –

le Maroc quitte l’organisation. 1988

Le plan de paix de l’OUA est en partie repris par l’ONU et accepté par les deux parties.

4 et 5 janvier 1989

Première rencontre officielle entre le Front Polisario et le Maroc à Marrakech.

15 mars 1989

Le Parlement européen adopte une résolution en faveur de l’autodétermination et pour des négociations directes entre Maroc et Front Polisario

1990 / 1991

L’ONU adopte le plan de paix, qui prévoit l’organisation d’un référendum sous la conduite des Nations unies, devant permettre au peuple sahraoui de choisir, sans contraintes administratives ou militaires, entre l’indépendance et l’intégration au Maroc.

6 septembre 1991

Cessez le feu surveillé par la MINURSO identification partielle du corps électoral.

Février à mai 1995

Manifestations au Sahara occidental exprimant le refus public de l’occupation marocaine, elles sont très sévèrement réprimées.

1997

Arrivée de James Baker dans le règlement du conflit, comme envoyé personnel du Secrétaire général. Favorise des négociations directes entre les parties qui aboutissent aux accords d’Houston et permettent la remise en route de l’identification des votants, terminée en 2000.

2001 / 2004

L’identification des votants ne permet pas de débloquer la situation pour aboutir au référendum, le Maroc présente 130 000 recours qui enrayent le processus. Baker propose successivement deux plans refusés soit par le Polisario (plan Baker I, plus de référendum) soit par le Maroc (plan Baker II, 5 ans d’autonomie suivie d’un référendum).

2004

Mohamed VI abandonne toute idée de référendum, démission de Baker et reconnaissance de la RASD par l’Afrique du Sud.

2005

En remplacement du référendum Mohamed VI propose une solution d’autonomie, émeutes en faveur de l’autodétermination au Sahara occidental.

Mai 2005

Début du soulèvement populaire ou « intifada sahraouie » au Sahara occidental.

2007 / 2008

Plusieurs rencontres à Manhasset entre Polisario et Maroc à la demande du Secrétaire général.

2009

Nomination d’un nouvel envoyé spécial, Christopher Ross.

Pour compléter deux chronologies détaillées : Dans le livre de Martine de Froberville, Sahara occidental, la confiance perdue (1973 à 1996) Dans le numéro 144/145 de Sahara Info ( Juillet à décembre 2008) qui propose une chronologie détaillée de la situation au Sahara occidental occupé de 1976 à 2008. Accéssible sur le site www.sahara-info.org. – 337 –

ANNEXES

LEXIQUE Pour la RASD, campements et Sahara occidental AFAPREDESA

Association des familles de prisonniers et de disparus sahraouis

ASVDH

Association sahraouie pour les victimes des graves atteintes aux droits de l'homme

FVJ, section Sahara

Forum Vérité Justice, section Sahara

CODESA

Collectif des défenseurs sahraouis des droits de l'homme Comité sahraoui contre les violations des droits humains commises par l'État marocain Association pour l’autodétermination au Sahara occidental.

CFDS

Comité des familles des disparus sahraouis

CODAPSO

Comité pour l’autodétermination du peuple du Sahara occidental

CPPSPS

Comité pour la protection des prisonniers sahraouis à la prison noire

APLS

Armée populaire de libération sahraouie

ASPECF

Association sahraouie pour le développement des relations culturelles avec la France

AIS

Association des Ingénieurs sahraouis

Front Polisario

Front populaire pour la libération de la saguia El hamra et le Rio de Oro

UJSARIO

Union de la jeunesse de la Saguia El hamra et du Rio de Oro

UGTSARIO

Union générale des travailleurs de la Saguia El hamra et du Rio de Oro

UNFS

Union nationale des femmes sahraouies

UJES

Union des journalistes et des écrivains sahraouis

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Campements de réfugiés

Territoire au abord de la ville de Tindouf (Région du sud-ouest algérien)

Wilaya

Province

Daïra

Commune

Barrios

Quartier d’une daïra

Territoires libérés

Désignent la partie du Sahara occidental contrôlée par la RASD.

Territoires occupés

Désignent la partie du Sahara occidental occupée par le Maroc.

Pour le Maroc CORCAS

Conseil Royal Consultatif des Affaires Sahariennes

FAR

Forces Armées Royales

USFP

Union socialiste des forces populaires

PPS

Parti populaire socialiste

Ilal Amam Voie Démocratique

Partis politiques marocains de gauche dans l’opposition à la monarchie

Makhzen

Désigne au Maroc, l’appareil politique et administratif dont dispose traditionnellement la monarchie marocaine pour diriger le pays. Cet appareil est aux mains du roi qui concentre l’essentiel des pouvoirs.

CCDH

Conseil Consultatif des droits de l’homme. Instance mise en place par Hassan II à partir de 1990 pour « apprécier » le respect des droits de l’homme dans son pays.

IER

Instance équité et réconciliation. Instance mise en place par Mohamed VI complétant le CCDH qui va écouter les victimes des années Hassan dites « années de plomb » et organiser leur indemnisation, sans aller jusqu’ à mettre en cause les responsables des traitements cruels et des disparitions.

AMDH

Association marocaine des droits de l’homme

OMDH

Organisation marocaine des droits de l’homme

FVJ

Forum vérité justice

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Pour les organisations internationales OUA

Organisation de l’Unité africaine

UA

Union africaine

Assemblée générale

Assemblée générale des Nations unies, rassemble l’ensemble des États membres, chacun dispose à l’Assemblée d’une voix.

Quatrième commission

Quatrième commission de décolonisation de l’Assemblée générale, créée en 1960 pour assurer en application de la Charte, le grand mouvement de décolonisation des années 60-70.

ONU

Organisation des Nations unies (créée en 1947)

UNHCR

Haut commissariat aux réfugiés (dépendant des Nations unies, créé par l’Assemblée générale en 1951)

PAM

Programme alimentaire mondial

OMS

Organisation mondiale de la santé

ECHO

Office humanitaire de la Commission européenne Créé en avril 1992, son rôle s’inscrit dans les transformations des relations internationales après la chute du mur de Berlin et le développement de l’assistance humanitaire.

MINURSO

Mission des Nations unies pour un référendum au Sahara occidental.

UE

Union européenne

OMCT

Organisation mondiale contre la torture

Pour l’Europe ONG

Organisation non gouvernementale

AARASD

Association des Amis de la République Arabe Sahraouie Démocratique

AFASPA

Association française d’amitié et de solidarité avec les peuples d’Afrique

ARSO

Association de soutien à un référendum libre et régulier au Sahara occidental

APAPS

Association palaisienne de solidarité ave le peuple sahraoui

APSO

Les Amis du peuple du Sahara occidental

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CCFD

Comité catholique contre la faim et pour le développement

CLSPS

Comité limousin de soutien au peuple sahraoui

CORELSO

Comité pour le respect des libertés au Sahara occidental

ERM

Enfants Réfugiés du Monde

ERM, Pays de Loire

Enfants Réfugiés du Monde, Pays de Loire :

Francas

Francs et Franches Camarades

HRW

Human Rigth Watch

LDH

Ligue des droits de l’homme

CEMEA

Centres d’entraînement aux méthodes actives

CNAJEP

Coordination nationale des associations de jeunesse et d’éducation populaire

JPA

Jeunesse au plein air

VVL

Voyages vacances loisirs

UCPA

Union des centres de plein air

WSRW

Western Sahara Resource Watch

PS

Parti socialiste,

PC

Parti communiste

UDB

Union démocratique bretonne

CGT

Confédération générale du travail

CFDT

Confédération française du travail

JOC

Jeunesse ouvrière chrétienne

CGIL

Centrale syndicale italienne

PCE

Parti communiste espagnol

PSOE

Parti socialiste espagnol

FEDISSA

Coordination de la solidarité avec les Sahraouis en Espagne

CNASPS

Comité national algérien de solidarité avec le peuple sahraoui

BIRDSHO

Bureau pour le respect des droits de l’homme au Sahara occidental

COSPE

Association italienne de soutien à la jeunesse

SUKS

Comité de soutien aux Sahraouis en Suisse Alémanique

– 341 –

ANNEXES

BIBLIOGRAPHIE Aguirre J.R.D

1988 Historia del Sahara Espanol, la verdad de una traicion Kaydeda Ed., Madrid

Amar A.

2009 Mohamed VI, le grand malentendu Ed. Hachette, Paris

Assidon E.

1978 Sahara occidental un enjeu pour le Nord Ouest africain Ed. Maspéro Paris

Barbier M.

1982 Le conflit du Sahara occidental Ed. L’Harmattan, Paris

Barbier M.

1984 Trois français au Sahara occidental, 1784-1786 Ed. L’Harmattan, Paris

Barbier M.

1985 Voyages et explorations au Sahara occidental au XIXe siécle Ed. L’Harmattan, Paris

Baduel P.R.(dir)

1981 Enjeux sahariens, Ed. du CNRS, Paris

Bensimon A.

1991 Hassan II et les juifs, histoire d’une émigration secrète Ed. Le Seuil, Paris

Beslay F.

1984 Les Reguibats, de la paix française au Front Polisario Ed. L’Harmattan, Paris

Bontems C.

1984 La guerre du Sahara occidental Ed. PUF, Paris

Brennesein C.M.

1998 Les ressources exploitables du Sahara occidental L’Ouest Saharien, État des lieux et matériaux de recherche, n°1 Ed. L’Harmattan, Paris

Brosset D.

1935 Un homme sans l’Occident Ed. Minuit, Paris Nouvelle édition 1991 Ed. L’Harmattan, Paris

Caratini S.

1989 Les Rgaybat (1610-1934) Tome 1 :Des chameliers à la conquête d’un territoire, Tome 2, Territoire et société Ed. L’Harmattan, Paris

Caratini S.

1993 Les enfants des nuages Ed. Le Seuil, Paris

Caratini S.

2003 La république des sables. Anthropologie d’une révolution Ed. L’Harmattan, Paris – 342 –

Chemiller-Gendreau M. 2002 Droit international et démocratie mondiale Ed.Textuel, Paris Collectif d’auteurs

1997 Enfermement, prison et châtiments Le cas du Sahara occidental Régine Villemont, Ed Le Seuil, Paris

Collectif d’auteurs

1982 La parole confisquée, écritures arabes Ed. L’Harmattan, Paris

Collectif de l’AFASPA

2005 Elles font bouger l’Afrique Ed .Tirésias

Colloque de Massy

1978 Sahara occidental, un peuple et ses droits Ed. L’Harmattan, Paris

Collectif d’auteurs

1984 Colloque international de juristes Les fondements institutionnels et juridiques de la RASD Ed. L’Harmattan, Paris

Collectif d’auteurs

1985 Conférence européenne Paix pour le peuple sahraoui un enjeu européen Paris-Bruxelles

Collectif d’auteurs

2001 Colloque des juristes sur le Sahara occidental Ed. L’Harmattan, Paris

Collectif d’auteurs

2008 Colloque Paris X Nanterre Sahara occidental. Une colonie en mutation L’Ouest saharien, Hors-série n°7 Ed. L’Harmattan, Paris

Corbet A.

2008 Les campements sahraouis, quelle société Thèse EHESS

Dalle I.

2004 Les trois rois, la monarchie marocaine de l’indépendance à nos jours Ed. Fayard, Paris

Dedenis J.

2004 La combinaison socio-spatiale sahraouie réfugiée, espace de camps de réfugiés ou territoire de l’État sahraoui en exil Université de Nantes, mémoire de maîtrise

De Chassey F.

1975 L’étrier, la houe et le livre Ed. Anthropos

De Chassey F.

1984 La Mauritanie Ed. L’Harmattan, Paris

Diouri M.

1987 Réalités marocaines Ed. L’Harmattan, Paris

Douls C.

1888 Voyage d’exploration à travers le Sahara occidental et le sud marocain Bulletin de la Société de Géographie

Froberville M., de

1996 Sahara occidental, la confiance perdue. L’impartialité de l’ONU à l’épreuve Ed. L’Harmattan, Paris

Front Polisario

1975 Le peuple sahraoui en lutte 1976 Troisième congrès du Front Polisario De 1976 à 1978 Revues de presse France 1980 7e anniversaire de la lutte de libération nationale L’APLS de la colonisation espagnole à l’agression marocaine Une réalité irréversible La république arabe sahraouie démocratique 1982 Cinquième Congrès du Front Polisario

– 343 –

1983 Dix ans de lutte contre le colonialisme et l’expansionnisme 1985 Sixième Congrès du Front Polisario Premier Congrès de l’UNFS Hodges T.

1987 Le Sahara occidental. Origines et enjeux d’une guerre du désert Ed. L’Harmattan, Paris

Jacquin S.

2000 Les Nations unies et la question du Sahara occidental Thèse, Paris 8

Kaiser A.

1992 Sahraouis, états d’exil Ed. Syros Alternative, Strasbourg

Laabat Nana Rachid

2009 La plume prisonnière, poèmes Ed. L’Harmattan, Paris

Laabi A.

1983 Chronique de la citadelle d’exil Ed. Denoël, Paris

Lamore J.

2006 Contruzione del oblio Ed. Manifesto, Rome

Lartéguy J.

1982 Le commandant du Nord Ed. Presses de la Cité, Paris

Le Clézio J.M.G.

1985 Désert Ed. Gallimard Folio, Paris

Mohamed Fadel O.I.

2001 La république sahraouie Ed. L’Harmattan, Paris

Miské A.B.

1978 Front Polisario, l’âme d’un peuple Ed. Rupture, Nancy

Mohsen-Finan K.

1997 Sahara occidental, les enjeux d’un conflit régional Ed du CNRS, Paris

Monod T.

1984 L’émeraude des garamantes Ed. L’Harmattan, Paris

Olivesi D.

1978 Les enfants du Polisario Ed. des Femmes, Paris

Peltier E.

2009 Et pourtant Dakhla existe, chronique d’un camp de réfugiés Ed. L’Harmattan, Paris

Perrault G.

1990 Notre ami le roi Ed. Gallimard folio, Paris

Perregaux C.

1987 L’école sahraouie, de la caravane à la guerre de libération Ed. L’Harmattan, Paris

Perregaux C.

1989 Femmes sahraouies, femmes du désert Ed. L’Harmattan, Paris

Pointier L.

2004 Sahara occidental, la controverse devant les Nations unies

Revol L.

2007 À l’heure du thé, carnet de voyage Ed. particulière, Besançon

Saint-Maurice T. ,de

2000 Sahara occidental, 1991-1998. L’enjeu du référendum d’autodétermination Ed. L’harmattan, Paris

Saul J.

1984 Baraka, Ed. Denoël, Paris

Sayeh I.

1998 Les Sahraouis Ed. L’Harmattan, Paris

Sayouri Z.

1999 L’ONU et le conflit du Sahara occidental mémoire IEP, Grenoble

Sayouri Z.

2001 Discours sur la question sahraouie: construction en miroirs d’une identité mémoire DEA, Tours

– 344 –

Stora B. et Elyas A.

2000 Les cent portes du Maghreb Ed. L’Atelier, Paris

Szczuczynski A.

1994 Sahraoui, photographies Ed. L’Harmattan, Paris

Tobji M.

2006 Les officiers de Sa Majesté Ed. Fayard, Paris

Toulouse G.

1982 Le mercenaire Ed. Belfond, Paris

Tuquoi J.P.

2001 Le dernier roi, crépuscule d’une dynastie Ed. Grasset, Paris

Tuquoi J.P.

2006 Majesté, je dois beaucoup à votre père Ed. Albin Michel, Paris

Vaillant A.

2000 25 ans de solidarité active à l’épreuve de l’oubli, l’exemple du Mans mémoire de maîtrise, Paris 1

Vieuchange M.

1932 Chez les dissidents du Sud marocain et du Rio de Oro, Smara. Carnets de route Ed. Plon, Paris

Villemont R.

1981 Nasser enfant du Sahara occidental BTJ n° 244

Villemont R.

1982 Les Sahraouis BT n°955

Yara A.O.

2001 Génèse politique de la société sahraouie, l’Ouest saharien Hors série n° 1, Ed. L’Harmattan, Paris

Yara A.O.

2003 L’insurrection sahraouie: de la guerre à l’État Ed. L’Harmattan, Paris

Zein S.

1987 Les chemins sahraouis de l’espérance Ed. L’Harmattan, Paris

Zoubir Y.H.

1998 International relations of the Western Sahara conflict L’Ouest saharien, État des lieux et matériaux de recherche Ed. L’Harmattan, Paris, 127-140

Articles, Revues, Rapports et Résolutions 1964 / 2009

ONU, résolutions de l’AG et du Conseil de Sécurité http://www.un.org/fr

1975 / 2009

Rapports du comité de décolonisation des Nations unies http://www.un.org/fr

1988 / 2009

Rapports du Secrétaire général des Nations unies http://www.un.org/fr

1976 / 2009

Revue trimestrielle de l’Association des Amis de la RASD Sahara info, de n°1 à n°147 (http://www.sahara-info.org)

1976 / 2009

Revue trimestrielle du comité suisse de soutien au peuple sahraoui Nouvelles Sahraouies

1976 / 2009

Rapports annuels d’Amnesty International

1975 octobre

Avis consultatif de la CIJ

1976

FIDH, Genève, Rapport de mission

– 345 –

1978

In l’Annuaire de l’Afrique du Nord, L’OUA et le Sahara occidental, Raoul Weexsteen

1980

Répression au Sahara occidental occupé, Genève, Comité suisse

1980

Bulletin d’information n°3, Association médicale franco sahraouie

1980 / 2004

Revue trimestrielle, Enfants Réfugiés du Monde

1981

Dossier disparus, Paris, Comité de défense des Sahraouis au Maroc et au Sahara occidental occupé

1982

Union socialiste des Forces Populaires, 3e édition Toute la vérité sur le conflit opposant les gouvernants de l’Algérie au peuple marocain, Rabat

1982

Actes du 5e Congrès du Front Polisario, Paris AARASD

1983

Rapport de la mission des juristes, Paris AARASD

1988

Journal de voyage au Sahara occidental occupé, SUKS

1989

Conférence parlementaire européenne, Paix et indépendance pour le peuple sahraoui, le rôle des pays européens

1989

Publication de la Représentation du Front Polisario en France Lettre de la RASD et Lettre du Front Polisario

1990

Actes du séminaire L’enfant sahraoui de 0 à 6 ans, problématiques sanitaires et éducatives

1992 février

Revue des deux mondes Realpolitik ou droit des peuples Renaud Girard

1992 septembre

Libération Les rêves brisés d’indépendance sahraouie Stephen Smith

1992 novembre

Le Monde diplomatique Sahara occidental, échec au plan de paix Martine de Froberville

1993 décembre

Jeune Afrique Maroc, États-Unis, le grand malaise dossier dirigé par François Soudan

1993 juin

Numéro spécial La lettre du front Polisario El Ouali 1973-1993, 20 ans Génération Polisario

1993

Mamba Revue d’art et de politique, Paris

1994 Automne

Revue Passerelles n°8 et 9 Désert brisé: les frontières du Sahara occidental Sophie Caratini

1994

Publication d’Oxfam Belgique et du Comité de soutien belge Sahara occidental, une décolonisation qui n’en finit pas de durer

De 1994 à 2002

Revue du scoutisme féminin Demain numéros (100, 105, 110,111, 113, 115,129, 132, 135) contenant articles sur Le Sahara occidental et les solidarités développées dans le scoutisme féminin

1995 janvier

Sahara info n°92 Déclaration de l’Ambassadeur Franck Ruddy devant la sous-commission du département du commerce et de la justice du Congrès américain

– 346 –

1995 septembre

New-York, association Human Rights Watch Lettre de Kenneth Roth adressée à Madeleine Albright mission permanente des États-Unis à l’ONU.

1996

Document espagnol traduit par Martine de Froberville Sahara occidental, 20 ans d’occupation, ça suffit

1998

Sahara info n°103 Rapport de l’Ambassadeur Franck Ruddy ancien responsable de la MINURSO

1999

Pour mémoire, détour par les jardins du roi AFAPREDESA

1999 février

Aujourd’hui l’Afrique, n°71, numéro spécial Sahara occidental le dernier pays colonisé d’Afrique

2000 mai

Courrier international Le respect du droit international passe par la tenue du référendum

2001

Mamba Revue d’art et de politique, Paris

2002

Mission internationale d’enquête au Sahara occidental Rapport France Libertés et AFASPA

2002

Oxfam et comité belge de soutien Les Sahraouis, colère et espoir

2002

Peuple du Monde n°356 et 357 Pour mieux comprendre le peuple sahraoui

2003

Une ville, un peuple, 10 ans de solidarité avec les Sahraouis Ed. Gonfreville l’Orcher

2005

Courrier international L’atlas des atlas, Frontières, conflits, Idéologies, Prospectives, utopies Hors série mars-avril-mai, Paris

2006 octobre

Jeune Afrique n°2386 Pleins feux sur Khalilenna Ould Rachid

2007

Le peuple Journal de la CGT Article de J.J. Guigon

2007 juin

International Crisis Group Deux rapports n° 65 et 66 Sahara occidental, le coût du conflit, sahara occidental, sortir de l’impasse

2008 juin

Tel Quel n°21-27 Dossier spécial exclusif, Au cœur du Polisario, plusieurs journalistes

2008 25 mai

El Moujahid Un écrivain américain souligne les similitudes du fait colonial en Palestine et au Sahara J. Lamore, Alger

2008 juillet

Mon quotidien n°3534 Des enfants du désert en vacances en France I. Saint Paul

2008 juillet

Note de l’IFRI La politisation des jeunes dans les camps de réfugiés sahraouis Cédric Omet

2008 novembre

Note de l’IFRI Être jeune au Sahara occidental Omar Brousky

2009 11 janvier

Le jour d’Algérie Témoignage du journaliste marocain Ali Lamrabet

2009 mars

Clara-magazine n°112 Sahraouies, ces femmes qui luttent pour leur indépendance Michèle Decaster – 347 –

2009 avril

Tel Quel on line n° 368 Cher, très cher Sahara

2009 mai

Mon quotidien n°3764 Reportage dans le désert Avec les Sahraouis, peuple sans pays I. Saint Paul

2009 mai

L’actu n°2860 Dah, Sahraoui de 18 ans, nous parle de son peuple sans terre I.Saint Paul

2009 juin

Le Petit quotidien n° 2868 Leftam, 7 ans, ma vie au cœur du Sahara I. Saint Paul

2009 juillet

Revue de AGIRabcd Bourgogne Projet enseignement du français.

Films, en français, en espagnol et en anglais « Une république en exil »

de Cheikh Djemaï, 2008, Générique productions

« Goulili, dis moi ma sœur »

de Inger Servolin, Iskra production, 1991

« Sahara occidental, Indépendance ou génocide ? » « Un grito desde el Sahara »

de Miguel Ibarrondo, 1976

de Unai Aranzadi, produit par Mundubat, 2008

« Sahara occidental, la guerra olvidada »

Canal Odisea Tv

« Hijos de las nubes »

de Carlos González, 2006

«Building Oblivion 2008»

de Jean Lamore

« Western Sahara, Settlement plan » de Erik Jensen, 2009

Sites internet www.spsrasd.info

Sahara Press Service

www.afapredesa.org

Afapredesa

www.asvdh.net

Asvdh

www.arso.org

ARSO

www.wsra.org

Western Sahara Resource Watch

sahara-occidental.com

Site de la SFO

sahara-info.org

Journal de l’AARASD

www.hrw.org/fr

Human Rights Watch

www.amnesty.org/fr

Amnesty

www.omct.org

Organisation Mondiale Contre la Torture

– 348 –

Remerciements Ce livre est le fruit des engagements de très nombreuses personnes et associations en France, en Europe et en Algérie. Qu’ils soient tous remerciés ! Remerciements particuliers à Matthieu Liégeois, qui m’a aidée à mieux concevoir l’organisation de ce livre et surtout l’a mis en page et en images. Merci aussi à Monique Roussel et à Francis Jacob qui ont l’un et l’autre lu le manuscrit avec beaucoup d’attention. Remerciements au CCFD-Terre solidaire et à Hocine Taferrant, qui ont permis la réalisation de ce livre grâce à l'appui financier apporté par le CCFD-Terre solidaire au programme de la ferme-bergerie Théodore Monod Remerciements à l’équipe du secrétariat de l’AARASD, Chantal et Marc Hermange et aux Éditions de L’Harmattan. Tout particulièrement à leur directeur, Denis Pryen, qui m’a fait une totale confiance, et publie ce livre dans la continuité des livres consacrés à la question du Sahara occidental.

Crédits photographiques Alain Szczuczynski Matthieu Liégeois Claudine Rouleau Philippe Riché Claire Grenèche Gérald Bloncourt SPS

p14, p34, p54, p104, p124, p306 p16, p56, p85, p162, p232, p234, p269, p312 p86 p296 p126 p103 p270, p295

TABLE DES MATIÈRES PRÉFACE Une amie «Sahraouis»

5

PRÉAMBULE Une rencontre

7

INTRODUCTION

9

PREMIÈRE PARTIE Le peuple de la Saguia El Hamra et du Rio De Oro, fragments d’histoire

15

En 1975, qui connaît les Sahraouis et le Front Polisario ?

17

Du Polisario à La RASD, une existence internationale qui s’impose

35

DEUXIÈME PARTIE Temps de guerre et d’exil, rencontres avec un peuple

55

Comment se construisent ces rencontres ?

57

Une solidarité en temps de guerre

87

Populariser et informer TROISIÈME PARTIE Une solidarité vivante

105 125

Une solidarités qui mobilise les acteurs politiques et humanitaires

127

La solidarité se diversifie, s’organise

163

QUATRIÈME PARTIE Les relations nord/sud entre économie solidaire et droit de l’homme Les ONG partenaires indispensables ?

233 235

La question des droits de l’homme

271

La préservation des ressources naturelles pour préparer l’avenir

297

CONCLUSION La solidarité avec les Sahraouis, pourquoi telle pérennité ?

307

ANNEXES Textes

313

Cartes

333

Chronologie

336

Lexique

338

Bibliographie

342

Achevé d’imprimer par Corlet Numérique - 14110 Condé-Sur-Noireau N° d’imprimeur : 63766 - Dépôt légal : septembre 2009 - Imprimé en France