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Royaume du Maroc Ecole Nationale d'Agriculture- Meknès
Se connaître à travers l’analyse transactionnelle
Par Khalid BOUTAHAR ( ENA, Meknès)
Janvier 2003
Chapitre 1: Présentation de l’Analyse Transactionnelle Si l’Europe est le berceau de la psychanalyse (Freud, Jung, Dolto…), les Etats Unis d’Amériques sont le berceau de la psychothérapie. La Californie a été le lieu de naissance des trois courants de thérapie et de changement les plus utilisés actuellement : l’analyse systémique de l’école de Palo-Alto ; la PNL de Bandler et Grinder, et l’analyse transactionnelle d’Eric Berne (1970). L’Analyse transactionnelle (A.T) est avant tout l’œuvre d’un psychiatre, donc une théorie sur l’individu, son comportement, et les moyens susceptibles de l’aider à changer. Comme toute théorie, l’AT est basée sur des grilles d’interprétation, alors que l’être humain est plus riche que toute grille ; Néanmoins, l’AT offre un outil de travail simple et efficace pour analyser le dysfonctionnement dans les comportements et les relations humaines. Les concepts les plus connus de l'analyse transactionnelle sont les états du moi (PAE), les transactions, les signes de reconnaissance (les strokes), les positions de vie, les jeux et les scénarios de vie. Ces deux derniers concepts (jeux et scénarios) ont fait l'objet des deux best-sellers d'Eric Berne, à savoir "des jeux et des hommes" et "que dites vous après avoir dit bonjour ?". Le présent document est largement inspiré de ces deux ouvrages, qui sont d'après Berne "des manuels de psychothérapie avancés". L'utilisation de l'analyse transactionnelle en entreprise (organisation et management, jeux managériaux), très à la mode en Europe, n'est pas abordée dans ce document, et pour cause: ce document est avant tout un aide mémoire et un support de formation pour une session de connaissance de soi, dont l'analyse transactionnelle n'est qu'un aspect.
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Chapitre 2: Les états du moi Notre vie est tissée d'échanges, on distribue aux autres du temps, de l'énergie, des compliments et des critiques; on en reçoit en retour. L'AT a pour objet d'analyser ces échanges, appelés transactions, qui sont notre pain quotidien. Les principales hypothèses de base de l'AT sont : 2.1- Les trois états du moi (PAE) Eric Berne, le fondateur de l'analyse transactionnelle, a constaté que l’individu peut adopter, selon le contexte dans lequel il est plongé, plusieurs comportements à priori très contradictoires entre eux. Ces modifications du comportement s'accompagnent de modifications du sentiment. Ainsi, à titre d’exemple, l’homme le plus sérieux et le plus rigoureux dans son travail peut se révéler, en famille, le plus doux des pères ; et entre amis, le plus "fou" et le plus imaginatif des hommes. Ces comportements peuvent être résumés en trois comportements majeurs, à qui Berne a donné le nom de PAE (P pour Parent, A pour Adulte, et E pour Enfant). L'homme de l'exemple ci-dessus se trouve dans un état "Parent" avec ses enfants, dans un état "Enfant" avec ses amis, et dans un état "Adulte" dans son travail. Ainsi, pour l’AT, chaque individu a un PAE caractéristique, décelable via un test du même nom. Ce PAE est acquis dès l’age de 6 ans, mais qui peut se modifier volontairement ou pas au cours de la vie au gré des expériences vécues. Selon Eric Berne, "un état du moi peut se décrire phénoménologiquement comme un système cohérent des sentiments et de comportements…Il désigne un état d'esprit et les comportements qui y correspondent, tels qu'ils se présentent à l'observation directe". Les états du moi se caractérisent par des variations dans l'attitude, la manière d'être, l'expression du visage, et les mots utilisés. Par ailleurs, Il n’existe pas de bon ou de mauvais PAE, chaque état du moi a autant d’avantages que d’inconvénients, tout est question de contexte et d'objectif visé. NB: Quand on parle de gens réels, on dit "adulte", "parent" et "enfant"; quand ces mots prennent une majuscule (Adulte, Parent, Enfant", ils se rapportent à des états du moi et non pas à des gens. Les adjectifs qui leur correspondent sont: "parental", "adulte" et "infantile"
Le Parent
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C'est l'ensemble de l'enseignement, volontaire ou pas, conscient ou pas, que les parents inculquent à leurs enfants, dès leur plus jeune âge. Quand une petite fille joue avec sa poupée comme "sujet à éduquer", elle reproduit les séquences comportementales de ses parents: on dit qu'elle a activé son état "Parent". Dans cet état-là, "la personne pense, agit, parle, sent et réagit exactement comme le faisait l'un de ses parents quand elle était petite". Les parents alimentent cet état en donnant l'exemple du geste, de la voix, de l'intonation, du regard, et des mots; ils fournissent également le contenu culturel, social et moral qui sous-tend leur comportement. C'est également ainsi que les structures archaïques de l'état "Parent" se transmettaient au fil des générations. L'état "Parent" définit les normes de comportement, critique, protège, réconforte, et console les autres et soi-même; il est activé chaque fois que l'individu se juge investi d'un pouvoir parental (un chef vis à vis de ses subordonnés, un adulte face à des jeunes, un médecin face à un malade). L'état Parent se subdivise en deux sous états: (1) le Parent Critique (PC) qui juge, réprimande, et fait la morale; et (2) le Parent Nourricier (PN), qui rassure, protège et vient en aide. Pour Berne, le Parent se manifeste sous deux formes. Une forme directe, "la personne réagit alors comme son propre père ou sa propre mère réagissait véritablement. La personne devient l'un de ses parents"; et une forme indirecte, ou la personne "sous influence parentale, se conforme à leurs exigences", et se comporte comme ses parents auraient voulu qu'il se comporte L'Enfant "Traces archaïques des états de l'ego fixés dans la prime enfance et toujours en activité"; L'état "Enfant" est constitué par le registre de nos réactions affectives aux gens et aux choses. Nous avons été longtemps un enfant, et une partie de nous même l'est encore. Ce que nous avons été n'a pas disparu, il est toujours présent, actif et observable; la preuve: les modes d'expression de l'enfant qu'on a été sont toujours là, avec autant de spontanéité, de pureté et de violence: rires, pleurs, cris, sanglots, gestes désordonnés. Selon E.Berne "Chacun d'entre nous transporte à l'intérieur de soi un petit garçon ou une petite fille…il est essentiel pour tout individu de comprendre son Enfant, non seulement parce qu'il va passer toute sa vie avec lui, mais parce qu'il s'agit de la partie la plus riche de sa personnalité…;En l'Enfant résident l'intuition, l'esprit de création, l'élan et l'amusement spontanés…En réalité, l'Enfant constitue, à beaucoup d'égards, la partie la plus précieuse de la personnalité, et peut apporter à la vie individuelle exactement ce que le
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véritable enfant apporte à la vie familiale: le charme, le plaisir et l'esprit créateur". Au début de sa vie, l'enfant est avant tout un "Enfant Libre", qui réagit essentiellement et spontanément à ses propres besoins et émotions. Ses réactions sont universelles: joie, tristesse, rires, pleurs et cris. A l'age adulte, l'"Enfant Libre" se manifeste chaque fois que l'adulte a l'occasion d'exprimer sans retenue ses émotions, et de réagir spontanément avec enthousiasme. L'égoïsme et le "sans- gêne" en sont les aspects négatifs. Petit à petit l'enfant commence à prendre conscience du monde "hors de son corps", ses parents pour l'essentiel, et l'environnement qui l'entoure: Le processus de socialisation commence, l'enfant doit s'adapter aux exigences de son environnement, et notamment aux demandes de ses parents (propreté, attitudes correctes, comportements). L'enfant "adapté" cherche à trouver des solutions à ces nouvelles contraintes avec l'espoir de s'attirer les bonnes grâces de ses parents, figures d'autorité par excellence. Il réagit aux besoins des autres, besoins qui prennent de plus en plus le pas sur les siens propres. L'Enfant Adapté Soumis (EAS) est façonné par l'éducation, il se plie facilement aux règles, aux normes culturelles, aux lois. Par contre, l'Enfant Adapté Rebelle (EAR) réagit en résistant à la soumission que ses parents veulent lui imposer. Dans les deux cas, cette adaptation s'accompagne de sentiments que l'Enfant Libre n'a pas encore expérimentés: colère, culpabilité, jalousie, fierté, malaise, obstination, soumission, rébellion. L'intuition de l'enfant et le comportement de ses parents jouent beaucoup dans ce processus d'adaptation; une grande partie des problèmes psychologiques, et notamment les problèmes de socialisation (timidité, agressivité excessive), de l'age adulte proviennent d'un défaut d'adaptation. L'état "Enfant Adapté" est activé chaque fois que l'individu est confronté à des personnes perçues comme des figures d'autorité (chef hiérarchique, police, professeur, directeur…). Les réactions, dans cet état, sont la soumission (EAS) ou la rébellion (ER). Il est en effet très rare qu'un adulte réagisse d'une manière neutre et indifférente face à une figure d'autorité; et il est toujours surprenant de constater que ces réactions sont semblables, sinon identiques, à celles que l'enfant adoptait, des années auparavant, face à ses parents. Pour d'autres auteurs, cette influence de l'éducation parentale ne s'arrête pas uniquement aux "figures d'autorité" mais peut être élargie à toute personne qui nous rappelle l'un de nos parents, et notamment nôtre conjoint. A ce propos, et discutant de l'importance de la mère dans l'équilibre psychoaffectif de l'individu adulte, Christian Olivier, psychanalyste, disait à propos du couple: "Ils se
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séparent, Elle (la femme) disant: "il ne m'a jamais comprise", alors qu'elle parle de sa mère; Lui (l'homme) la qualifiant "d'emmerdeuse", terme dont il a secrètement affublé sa mère quand il était jeune". L'Adulte C'est la partie de notre moi qui observe, analyse, s'informe, et projette dans l'avenir les conséquences de ses actes. "L'Adulte" est dominé par la logique, l'objectivité et la raison. Il traite l'information, raisonne, organise, pose les questions nécessaires avant de tirer les conclusions qui lui semblent les plus appropriées en fonction des informations reçues. Là ou le "Parent " dit : " c'est comme ça parce que c'est comme ça qu'il faut faire", ou "l'Enfant Libre" dit : " c'est comme ça parce que je le ressens comme ça"; " l'Adulte " dit : "d'après les renseignements dont je dispose, et après analyse je pense que c'est comme ça". Pour Berne, raisonner en adulte revient à "apprécier la situation qui se présente de manière autonome, objective, et rendre compte sans préjugé des conclusions auxquelles vous êtes arrivés ou des problèmes qui se posent à vous" L'état "Adulte" est activé chaque fois qu'une personne parvient à se déparasiter des peurs de son "Enfant" et des préjugés de son "Parent", quel que soit le sujet traité, la situation ou les informations disponibles. "L'Adulte" est objectif et ouvert aux arguments comme au contre arguments; il est prêt à les entendre pour les intégrer ou les réfuter. Le développement de cet état se poursuit et se consolide avec l'âge et les expériences de chacun; alors que les deux autres états sont formés définitivement vers l'âge de 5, 6 ans. L'essentiel des problèmes psychologiques à l'âge adulte provient du fait que "l'Enfant" est tourmenté par des expériences traumatisantes et non résolues, et/ou, que le "Parent" crie toujours trop fort. C'est "l'Adulte" qui gère ces conflits entre "l'Enfant" et le "Parent" en jouant le rôle de "médiateur objectif". Pour Berne, "toutes les personnes possèdent un adulte complet, bien structuré, n'ayant besoin que d'être découvert ou activé" Conclusion: Pour Berne, "Les trois aspects de la personnalité sont d'une grande importance pour la vie et la survie, chacun d'eux mérite un respect égal, et trouve sa place légitime au sein d'une existence pleine et productive" Le comportement d'un individu avec ses paires dépend en grande partie de l'organisation de son PAE. Les différents contextes de la vie (famille, profession, amis, chez le médecin, en présence de la police…etc.) Influencent nos
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états d’esprit et nos comportements en "activant" sélectivement un état ou un autre. L’AT nous permet uniquement de prendre conscience de notre état de moi activé, afin d'évaluer son degré d'adaptation au contexte actuel. Pour Berne, "ce n'est qu'au moment ou un état du moi compromet l'équilibre de la santé qu'analyse et réorganisation s'imposent". Toujours selon l'A.T, les critères d'une vie réussie ne sont ni objectifs ni universels. Néanmoins, on peut distinguer deux situations très contrastées : Situation 1 : Parent, Adulte et Enfant ont le même objectif : tout va pour le mieux. Dans ce cas, l'Enfant se sent en sécurité, libre d'exprimer ses sentiments; le Parent approuve le comportement de l'individu ( les normes et les consignes du Parent sont respectés); l'Adulte a assez de capacités et d'informations pour gérer toutes les situations de la vie courante. Situation 2 : Parent, Adulte et Enfant sont en conflit ouvert : c'est la crise. En cas de crise, de conflit, la manière la plus satisfaisante et la plus rationnelle pour sortir du conflit interne consiste à confier à l'Adulte le soin d'arbitrer la situation. En effet, c'est la partie de nous qui est la plus lucide et la plus objective, celle qui est capable d'écouter aussi bien les récriminations du "Parent" que le désespoir de "l'Enfant". La résolution de la crise passe par un compromis acceptable par les trois états du moi. Malheureusement, la pratique de la vie quotidienne nous apprend que ce cas est rare ou du moins peu utilisé. En effet il suppose un "Adulte" solide; or "Adulte", constitué bien après le Parent et l' Enfant, est beaucoup moins enraciné dans la personnalité, et a souvent du mal à rattraper ce retard. Bien souvent grâce à leur relation privilégiée et archaïque, les états "Parent" et "Enfant" réagissent de façon rapide et automatique, alors que l'Adulte, devant une décision à prendre, doit peser le pour et le contre.
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La contamination des états du moi Chez la plupart des individus, quand une crise menace l'équilibre entre Parent, Adulte et Enfant, de vieux réflexes du Parent et de l'Enfant entrent en jeu : La résolution de la crise n'est pas confiée à l'Adulte, mais c'est le Parent normalisateur ou l'Enfant adapté qui tente de résoudre la crise à sa manière. En somme, la personne qui fait face au problème se dit inconsciemment "comment aurait fait mon père dans cette situation précise ?", ou bien il entend une voix "parentale" qui lui souffle à l'oreille "rappelle toi ce que je t'ai enseigné, fait ceci ou cela", ou encore, dans le cas le plus grave (psychose), la personne se réfugie dans un comportement qu'il a essayé alors qu'il était enfant. Une autre manière de résoudre la crise consiste, pour l'Enfant ou le Parent, à manipuler l'Adulte pour le mettre à son service, on parle de la contamination. Ainsi, quand l'Adulte est manipulé par le Parent, ce dernier tente d'utiliser les capacités de raisonnement de l'Adulte pour prouver que ses principes sont toujours valables; C'est le cas lorsqu'on utilise des arguments pseudoscientifiques pour démontrer la validité d'un préjugé qui prend sa source dans notre éducation ou dans les normes de notre culture. L'Adulte contaminé par le parent supporte très mal qu'on contredise ses thèses, il réagit en se fâchant, en s'emportant contre son interlocuteur. Dans les couples notamment, nous retrouvons facilement et fréquemment ce phénomène: chaque conjoint essaie d'imposer, en utilisant des arguments pseudo-logiques, ses points de vue à l'autre, sans se rendre compte que, "son point de vue" n'est autre que la manifestation de préjugés issus de la culture familiale dont il est issu. C'est ce qui fait que "les contenus" objet de discorde, ont peu d'importance en comparaison avec l'acuité de la "relation" qui unie les deux partenaires, et qui est le véritable sujet de discorde. Les couples ne devraient jamais omettre cet aspect de la question: Clarifier la relation (méta-communiquer, pour reprendre un terme cher à l'école de Palo-Alto) avant de discuter de contenu. La contamination de l'Adulte par l'Enfant a lieu chaque fois ou une situation met l'individu face aux angoisses, aux terreurs, et aux craintes de son enfance. Les exemples de ce genre de contamination abondent, la superstition en est la forme la plus flagrante ( l'enfant utilise l'adulte pour justifier ses craintes et ses angoisses), mais également l'alcoolisme et la toxicomanie. Il existe également une double contamination de l'Adulte par le Parent et par l'Enfant : l'Adulte est utilisé pour justifier les messages parentaux et calmer les craintes de l'Enfant.
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L'exclusion des états du moi Un autre moyen dont dispose le Parent ou l'Enfant pour régler un conflit (intrapsychique) consiste à faire taire un ou deux protagonistes. A titre d'exemple, on constate chez les personnes ayant eu des parents autoritaires (n'admettant pas la réplique, voir violents), l'exclusion de l'Enfant et de l'Adulte: C'est le Parent qui prend le pouvoir. La personne entretient alors une attitude perpétuellement critique à l'égard des autres, y compris son conjoint et ses enfants, sans se remettre personnellement en cause. On peut imaginer facilement l'importance des dégâts que peut occasionner ce type d'attitude mentale, sur les enfants notamment. En effet, pour se développer, l'enfant a besoin d'un Parent compréhensif et équilibré sur lequel il puisse s'appuyer tout le long des premières années de sa vie.
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Chapitre 3- Les transactions et les positions de vie A- Les transactions Une transaction est une séquence, une unité de base de la communication; c'est un aller-retour, verbal ou non entre deux personnes mises en contact, qu'elles se connaissent ou pas. Une transaction est le véhicule de tout signe de reconnaissance. Toute communication interpersonnelle est donc une chaîne de transactions. L'AT permet donc d'analyser la communication à travers son unité de base. L'AT distingue 5 types de transactions. 1- Les transactions complémentaires (A-A, E-E, P-P, P=E) Deux individus qui communiquent, tous deux branchés sur leurs "Adulte" respectifs, échangent des informations, posent des questions, évaluent la qualité et la quantité des informations. Ils font ainsi "avancer les choses" (traiter une affaire par exemple ou chercher la solution à un problème). La communication est "opérationnelle", aisée, objective, sans heurts ni conflits. Ce type de transactions est l'exemple même de transactions complémentaires, appelées également transactions parallèles. Les problèmes commencent dès que l'un des deux interlocuteurs débranche son Adulte, pour se brancher par exemple, sur son état Parent: l'objectivité de l'Adulte du premier entrera en conflit avec les préjugés du Parent du second. Pour rétablir l'harmonie, le premier doit, s'il le souhaite, brancher également son Parent ou encore mieux son Enfant, la relation retrouvera son côté complémentaire. Les relations complémentaires (transactions parallèles) sont certes sans heurts ni conflits, mais si la transaction A-A fait "avancer les choses", les autres, et notamment P-P, et E-E, ne sont qu'une "façon de passer le temps". Les transactions P=E, très courante dans les couples et les relations hiérarchiques, aboutissent souvent à des relations symbiotiques très solides; avec néanmoins un inconvénient de taille: elles sont précaires et souvent injustes. Certains formateurs en A.T (Fournier J.Y. notamment) donnent le conseil suivant à leurs stagiaires: "horizontalizez !), pour d'autres encore (Jaoui G. par exemple), le conseil est plutôt: "en cas de conflit, branchez l'adulte!). 2- Les transactions croisées Le plus souvent, elles sont le signe avant coureur d'un conflit potentiel. La communication est rompue ou détournée de son objectif initial visé par l'émetteur. La transaction croisée la plus fréquente est constituée par une réponse non Adulte à un stimulus Adulte.
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Exemple: si à la question "quand partons nous ?", la réponse est "dans 10 minutes, ça ira ?", il s'agit d'une transaction complémentaire Adulte-Adulte. Si par contre la réponse, est: "pourquoi tu es toujours pressé ?", Ou bien "je fais de mon mieux, tu sais", la transaction est croisée (Parent-Enfant, ou EnfantParent). Une transaction croisée n'est pas nécessairement néfaste, elle peut être le résultat de la volonté de l'un des partenaires de ne pas se laisser entraîner là où l'autre veut le conduire. Exemple: une femme à son mari "les voisins viennent d'acheter une nouvelle voiture, elle est vraiment belle", si le mari répond " oui je suis au courant, je sais même combien elle leur coûte, 3000 dhs/mois sur les 7 ans à venir" il rétablit volontairement les choses à leur place en instaurant une transaction Adulte-Adulte à la transaction Enfant-Parent que sa femme cherchait à instaurer. Autre exemple; un chef s'adresse à son subordonné qui a 5 minutes de retard " vous avez-vu l'heure" (P---E), si le subordonné répond "Il est 8 heures et 5 mn, monsieur", il rétablit en douceur une transaction adulte qui oblige inconsciemment le chef à revenir à une communication égalitaire.
3- Les transactions cachées (duplexes, doubles) Très souvent l'individu émet plusieurs messages à la fois (un message verbale et un autre non verbale par exemple). Ainsi, si deux états du moi sont mis en jeu, la transaction est appelée transaction cachée ou à double fond. Il est néanmoins très difficile de caractériser ce genre de transactions par des mots : en effet, elles dépendent beaucoup des contextes et du message non verbal qui les accompagne. Exemple : une mère qui dit à sa fille :"As-tu commencé à faire tes devoirs ?", alors qu'elle sait qu'il n'en est rien communique avec une transaction cachée : Adulte-Adulte en apparence, et Parent-Enfant au niveau caché (mais qui se manifeste par le ton de la voix et par l'attitude corporelle). Autre exemple : un responsable qui propose à sa collaboratrice :" et si on terminait ce travail chez moi ?". Les réactions de malaise, de gène, de colère sont de bons indicateurs de l'existence d'un double message. Néanmoins, ce genre de transactions est très courant dans la communication humaine: la PNL, et l'école de Palo-Alto consacrent également une importance vitale à ce phénomène et à ce que ces auteurs appellent " l'incongruence des messages" en général. Les transactions
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cachées sont notamment utilisées pour faire de l'humour, mais elles sont également l'instrument privilégié des jeux (voir plus loin le chapitre sur les jeux). Si on souhaite ne pas se laisser entraîner dans ce genre de transaction, le meilleur moyen est de mettre le plutôt possible en évidence son côté caché, ce qui n'est pas chose facile. 4- Les transactions angulaires Ce sont également des transactions doubles, avec la particularité que l'interlocuteur émetteur de la transaction le fait volontairement dans le but de manipuler son vis- à -vis. C'est une tentative Adulte de manipulation. Ce genre de transaction est courant chez les vendeurs (Exemple: Un marchand s'adressant à un client: l'appareil Y est certes de loin le meilleur de sa gamme, mais il coûte plus cher, il n'est pas à la porté de monsieur tout le monde, (ou encore: il est réservé à une catégorie de connaisseurs)). Dans cet exemple de transaction angulaire, le stimulus est ostensiblement Adulte-Adulte, mais son coté caché est soigneusement conçue pour accrocher le côté Enfant du client. Le vendeur aura atteint son but si la réponse du client est une transaction Enfant-Adulte (Je le prends quand-même !); néanmoins, la tentative du vendeur peut échouer si le client répond sur un mode Adulte-Adulte (vu son prix, je comprends qu'il soit hors de portée !) 5- Les transactions tangentes La réponse à une question par une autre question est l'exemple même d'une transaction tangente : les débats politiques sont une mine inépuisable d'exemples. Elles sont appelées également transactions de redéfinition (voir partie PNL : techniques de recadrage), ce sont en effet des tentatives que fait celui qui répond pour mieux redéfinir le sujet du débat en plaçant celui-ci sur un terrain où il se sent plus sûr de lui même, qu'il connaît mieux ou qu'il maîtrise mieux. Il utilise des questions qui commencent avec quoi, comment, qui, et quand.. Exemple: Une femme à son mari: "c'est maintenant que tu rentres ?", La réponse du Mari désireux d'éviter le conflit peut être: "quelle heure est –il ?", ou mieux encore "je t'ai manqué ?".
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B- Les Positions de vie La notion de position de vie, véritable théorie de la personnalité version Eric Berne, est une notion fondamentale en analyse transactionnelle, aussi fondamentale que la notion même de scénario dont elle tire son origine. La notion de position de vie répond à une question que tout le monde se pose: " Pourquoi certaines personnes recherchent des relations égalitaires fondées sur le respect mutuel alors que la majorité vit des relations inégalitaires, agressives ou masochistes, souffrant de ce qu'on appelle couramment des complexes d'infériorité ou de supériorité ? ". Pour E. Berne, le type de relations qu'un individu établit avec son entourage est en relation étroite avec l'opinion qu'il a de lui même et de son entourage (ses parents en particuliers). Cette relation est issue de ce que Berne appelle une position de vie. Les positions de vie les plus simples impliquent deux personnes –moi et l’autre-, et " proviennent des convictions dont a été nourri l’enfant avec le lait de sa mère, et à partir desquelles se jouent les jeux et les scénarios ". Les positions de vie sont au nombre de quatre. 1- La position ++. (je suis OK, tu est OK) Il s’agit de la position saine, " la meilleure pour bien vivre, celles des authentiques héros et princes, héroïnes et princesses ". C'est la position de la personne qui a confiance en lui même et qui fait confiance aux autres. Elle peut être résumée ainsi: "je m'accepte comme je suis, et j'accepte les autres comme ils sont, s'il y a un problème, je négocie et je cherche un compromis satisfaisant pour tous les protagonistes". La personne qui est dans cette position renvoie des messages d'égalité et de respect; ses transactions sont parallèles et horizontales. Pour Berne, c’est la position des bons meneurs car " même dans la pire adversité, ils gardent leur respect universel pour eux-mêmes et pour ceux dont ils ont la charge ". Si l’homme n’hérite pas de cette position dans les premiers temps de sa vie, il ne peut l’atteindre par un simple acte de volonté, y accéder demande un dur labeur.
2- La position +-. (je suis OK, tu n'est pas Ok) Elle signifie, selon Berne: "je suis un prince, vous êtes un crapaud". Du petit chef au grand dictateur, l’héritier de cette position souffre d'un "complexe de supériorité", il se survalorise et dévalorise les autres, jouant à décortiquer les
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défauts des autres, "à dénigrer son conjoint et ses collaborateurs, et à critiquer sans cesse ses enfants. A l'extrême, il flanque ses amis et ses subordonnés à la porte". Devant un problème, l'héritier de cette position ne cherche pas une solution mais un coupable; il est dominateur et agressif. Berne conclue que "c’est une position arrogante, "dans l’ensemble, une position de médiocrité, cliniquement paranoïaque ". L'état du moi préférentiel de ces personnes est le parent critique ou "nourricier aliénant", ses transactions sont diagonales descendantes s'adressant à l'Enfant Adapté Soumis de son interlocuteur. 3- La position -+. C’est une position dépressive, elle témoigne du dénigrement de soi-même (complexe d'infériorité). La personne n'a aucune confiance en elle même et se dévalorise par rapport aux autres. Pour Berne, c’est la position des gens qui " se débarrassent d’eux-mêmes au lieu de se débarrasser des autres, en s’isolant, ou en prenant un billet pour la prison, le suicide ou l’institution psychiatrique ". L'état du moi préférentiel de ces personnes est l'Enfant Adapté Soumis, elles envoient des messages de soumission sollicitant le Parent d'autrui et recherchent à être dominés. 4- La position --. Position « schizophrénique », rien ne vaut la peine d’être vécu, "alors pourquoi ne pas tuer, se tuer ou devenir fou". Position dramatique mais heureusement rare; ces personnes ont des idées suicidaires; leur état du moi dominant est un Enfant Libre négatif dépourvu de tout plaisir de vivre. Elles recherchent rarement le dialogue et fuient la relation à autrui. Selon Eric Berne: " Toute l’humanité occupe universellement ces positions, parce que tout le monde a été nourri au sein ou au biberon, c’est là que le message l’a atteint, message renforcé plus tard quand il a appris les bonnes manières, que ce soit dans la forêt vierge ou un château de famille". Tout individu expérimente certes toutes ces positions en fonction de son développement et de son état d’esprit du moment, néanmoins, toujours selon Berne " on peut généralement détecter une position fondamentale sur laquelle il déploie ses jeux et son scénario, il en a besoin pour sentir ses deux pieds reposer sur un terrain solide,…Aussi, les quatre positions se trouvent elles rarement modifiées par les seules circonstances extérieures ; tout changement stable doit venir de l’intérieur, soit spontanément, soit sous l’action d’une influence thérapeutique : traitement professionnel ou amour, qui est la psychothérapie de la nature ».
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Les positions présentent une importance capitale dans les contacts sociaux de tous les jours. " la première chose que les gens perçoivent les uns des autres, c’est leur position de vie, et là en général, qui se ressemblent s’assemblent".
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Chapitre 4. Les signes de reconnaissances et la structuration du temps Les signes de reconnaissances (Strocks) Pour Eric Berne, si le corps humain a besoin d'aliments qui lui procurent de l'énergie pour vivre et travailler, il a également besoin de nourriture psychologique, sous forme d'échanges sociaux qui permettent à l'individu de se sentir reconnu dans son intégrité. Le "stroke", terme anglais synonyme de "stimulation, "signes de reconnaissance", "caresses", est équivalent, sur le plan psychologique, de l'énergie alimentaire. Pour Berne, en effet, "La soif de stimulations se compare sur bien des plans, biologique, psychologique et social, à la faim de nourriture….La soif de stimulations est si envahissante que les signes de reconnaissance sont hautement appréciés et qu'ils sont attendus chaque fois que des gens se rencontrent". Chez l'adulte, en effet, toute carence grave peut entraîner des conséquences tout aussi graves pouvant aller jusqu'à la folie ou le suicide. Berne rappelle également que "la privation sensorielle chez le jeune enfant peut entraîner non seulement des changements psychiques mais aussi une détérioration organique", et que "Les formes les plus importantes et les plus efficaces de stimulations sensorielles sont fournies par les échanges sociaux et par l'intimité". Comme les calories qui se répartissent selon leur origine et leur richesse énergitique (Glucides, Proteines ou Lipides), les strokes se répartissent en 4 catégories selon leur "richesse énergétique". Ainsi du plus riche au plus pauvre nous trouvons: 1- Les strokes inconditionnels positifs. (je t'apprécie pour ce que tu es) 2- Les strokes conditionnels positifs ( je t'apprécie quand tu fais ce que j'attends de toi) 3- Les strokes conditionnels négatifs ( je n'apprécie pas ton comportement) 4- Les strokes inconditionnels négatifs (je ne t'apprécie pas) L'éducation familiale et sociale enseigne les règles qui régissent les échanges de signes de reconnaissance (complimenter un homme ou une femme sur son physique, sa tenue vestimentaire, reconnaître ses propres qualités, par exemple, peut être permis par une culture et réprimé par une autre). C'est notamment le milieu familial qui encourage ou freine l'habitude d'échanger les signes de reconnaissances, positifs ou non, conditionnels ou non. Ainsi, chacun, à l'âge adulte, aura développé son propre système d'échange des signes de reconnaissances. Cela n'empêche nullement que les signes de reconnaissances positifs soient nécessaires et obligatoires pour le maintien de l'équilibre
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psychologique de tout individu. Rétablir, pour soi même ou au sein d'une relation défaillante, le courant des strokes positifs, réapprendre à les apprécier et à les distribuer, est une démarche fondamentale fortement recommandée en AT. Ce principe est également valable au sein des entreprises, ou une diminution des échanges positifs peut entraîner des dysfonctionnements en apparence inexplicables. La structuration du temps La plupart des gens commencent à se sentir mal à l'aise dès qu'ils doivent affronter un laps de temps non structuré. Les activités humaines peuvent faire l'objet de plusieurs classements. Habituellement, on distingue le temps du travail, le temps des loisirs et le temps du repos. L'analyse transactionnelle considère qu'en dépit de leur apparente diversité, les activités humaines répondent uniquement au besoin psychologique que ressent l'individu de s'organier pour donner et recevoir les signes de reconnaissance dont il a tellement besoin. Chacun cherche les partenaires et les situations avec et dans lesquelles il aura le plus de chance d'obtenir ce qu'il cherche en terme de qualité et de quantité de signes de reconnaissance. Partant de ce postulat, le fait même de réfléchir à la façon dont on structure son temps permet de comprendre comment fonctionne son propre système de signes de reconnaissance. C'est un moyen de connaître ce qu'on attend des autres et ce qu'on est prêt à leur donner en retour. Le désir de structurer le temps repose, selon E.Berne, sur trois besoins: 1- Le besoin de stimulus ou de sensation; "c'est le besoin de sensations qui rapporte de l'argent aux propriétaires de montagnes russes". 2- Le besoin d'être reconnu; "c'est ce qui fait que le lait ne suffit pas aux bébés singes ni aux nouveaux-nés humains; ils ont aussi besoin du bruit, de l'odeur, de la chaleur et du contact maternels, sans quoi ils dépérissent, tout comme les adultes quand personne ne leur dit bonjour". 3- Le besoin de structure, "en raison duquel les groupes tendent à évoluer en organismes sociaux, et les "structureurs" du temps comptent parmi les membres les plus recherchés et les mieux rétribués de toute société". Dans l'optique de l'analyse transactionnelle, chacun d'entre nous structure le temps dont il dispose de six façons différentes. 1- Le retrait Le retrait s'oppose à toutes les autres formes des structurations du temps. Il implique l'absence de toute transaction, de tout échange de signe de
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reconnaissance. Il peut être un choix volontaire (méditation, réflexion, études, sommeil) ou une forme de protection psychologique, en se réfugiant dans ses pensées ou en poursuivant un dialogue intérieur. 2- Le rituel Le rituel désigne toute transaction parfaitement codée comme les formules de salutation, des rituels religieux et militaires. Le rituel n'implique rien de personnel, il représente le minimum vital, mais obligatoire, des signes de reconnaissance. Il est synonyme d'appartenance à un groupe, à une société, à un milieu. Il est très pauvre en signes de reconnaissance. L'expérience montre que la famille enseigne l'essentiel du rituel, ainsi que l'importance que le jeune enfant accordera au rituel. C'est ainsi qu'on observe que certaines personnes sont très ritualisées et d'autres, par contre le sont beaucoup moins. En effet, certains adultes consacrent une part importante de leur temps au rituel: les "bonjours, comment allez-vous ?, comment va ta petite famille? Et les parents…et les voisins…etc." sont de rigueur à chaque rencontre. Ces personnes ne ratent en général aucune occasion rituelle: fêtes (religieuses en particulier), deuils, anniversaires,..etc. D'autres, par contre, semblent peu "sociables": les salutations ne dépassent pas un "bonjour comment ça va" suivi d'un "bonne journée !", le tout rapidement énoncé. Ces personnes sont généralement mal à l'aise dans les cérémonies rituelles, qu'ils ont tendance à abréger ou à sauter carrément sous le premier prétexte venu. 3- Le passe-temps : Il désigne les conversations habituelles sur la pluie et le beau temps, les enfants et la famille, le sport et la politique. Tout se passe de façon prévisible, sans heurts ni risques. Le temps de parole est équitablement réparti selon des règles implicites. Le passe temps est à peine plus enrichissant en signes de reconnaissances que le rituel. Comme ce dernier, il signifie l'appartenance à un groupe et permet, l'espace de quelques minutes, de ne pas se sentir seul. Et c'est justement par ce qu'il est pauvre en signes de reconnaissance qu'il consomme beaucoup de temps: prendre un café (ou plusieurs répartis dans la journée), parler football ou politique sans vraiment s'y connaître ni en football ni en politique, peut prendre, avec ses amis, des heures durant, au détriment du temps consacré au travail, à la lecture, à la réflexion, ou à la petite famille !. Il va de soi que de telles passe-temps n'ont rien de rituel, et les gens portés sur les rituels se retrouveraient rapidement mal à l'aise (en raison de l'absence des
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règles du rituel), et demanderaient poliment et rapidement à partir, alors qu'ils ne sentiraient pas le temps passer dans une situation rituelle (une fête ou un deuil peut prendre également beaucoup de temps). 4 - L'activité En analyse transactionnelle, l'activité désigne le travail proprement dit, mais également les loisirs et le sport. Préparer une réunion de travail, réparer un robinet qui fuit ou participer à un match de Football, représentent différentes façons de structurer son temps dans l'activité. Celle-ci peut se dérouler dans la solitude, mais à la différence du retrait, le destinataire de cette activité et toujours présent à l'esprit, de manière consciente ou pas. En effet, pendant le déroulement de toute activité, nous continuons à avoir des transactions avec nos interlocuteurs; ces derniers, même absents, continuent à y intervenir de manière active (ma femme sera contente de voir que le robinet ne fuit plus, mon fils content que sa motocyclette a été réparée, mon chef ébahi devant la qualité de mon rapport…etc.). Dans l'activité, les signes de reconnaissances sont plus personnalisés, plus forts, et plus impliquant (quel bon repas, tu t'es dépassé on dirait!, bravo !, Félicitations, c'est gentil de ta part d'avoir réparé le robinet, excellent rapport, très bon match…etc.), et par conséquent plus riches. En contre-partie, leur recherche est plus risquée, imprévisible et parfois même désespérante quand l'indifférence ou les critiques remplacent les "bravos" espérés (merci ça ira, je m'attendais à mieux, le travail est incomplet; il fallait mieux faire venir le plombier,…etc.). Les "bourreaux du travail" sont souvent des gens qui ont appris à ne reconnaître que les signes de reconnaissance conditionnelle à leur activité : selon eux (ou selon leur Parent), il ne suffit pas d'être, il faut surtout faire.
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5- Les jeux: Psychologie des relations humaines Concept des plus riches et plus compliqués de l'analyse transactionnelle. Pour Gysa Jaoui, analyste transactionnelle de deuxième génération, il s'agit "de l'une des grilles de l'A.T. qui a sans doute fait l'objet du plus grand nombre d'articles et de recherches…. Le concept a débordé du cadre thérapeutique pour être repris par d'autres disciplines." Eric BERNE lui a consacré son best-seller : "des jeux et des hommes". Pour ce dernier, et partant du fait que les signes de reconnaissance, quelle que soit leur nature, sont indispensables à l'équilibre de l'individu; et sachant que le retrait et le rituel en sont très pauvres, le passe temps à peine un peu plus riche, et ceux obtenus par l'activité sont incertaines et contraignantes en temps et en énergie, une question fondamentale s'impose: Comment un individu peut il obtenir sa dose quotidienne de strocks". Sachant, de surcroît, qu' il est inconcevable de la demander directement ?, (peut-on demander directement à son chef de reconnaître nos qualités s'il ne le fait pas de lui-même ?, et qui ne serait pas gêné demander à sa femme (ou son mari) directement un peu de tendresse ?). G. Jaoui formule la question ainsi: "Comment faire pour obtenir la "nourriture psychologique" dont j'ai ,besoin? Et surtout, comment faire pour permettre à mon parent critique si actif de donner sa pleine mesure?, pour que mon parent nourricier, débordant de désir de se manifester, puisse avoir l'occasion de sauver les autres". Selon Eric BERNE, les hommes ont trouvé la solution dans les jeux. Dans un jeu (psychologique, car il n'y a rien de ludique dans ce concept), on cherche à s'entraîner soi-même et à entraîner les autres dans des transactions cachées ayant pour but l'obtention de sa ration quotidienne de signe de reconnaissance, même s'ils sont négatifs et conditionnels. E. Berne définit le jeu comme suit: "les jeux sont des ensembles de transactions doubles, répétitifs de nature, dotés d'un bénéfice psychologique bien défini". G.Jaoui parle de "stratagèmes psychologiques". En analyse transactionnelle, le bénéfice est appelé "timbre-cadeau" Etant donné qu'une transaction double signifie que l'agent fait semblant de faire une chose alors qu'il en fait une autre en réalité, tous les jeux impliquent un "attrape-nigaud"; qui sert à accrocher un "point faible" chez le répondant, condition obligatoire pour que ce dernier réagisse. Le point faible peut être la peur, la cupidité, l'agressivité ou l'irritabilité.
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Le jeu exige deux ou plusieurs partenaires, il a un but apparent (communication) et un but psychologique caché (recherche de stimulations). Il se termine malheureusement presque toujours avec deux perdants ( qui ont échangé des signes de reconnaissance négatives). Selon M. Josien, "On joue à des jeux parce qu'on y trouve des bénéfices, les jeux n'ont rien de ludique,…ils peuvent aller de l'anodin au tragique". Quand le jeu est joué avec intensité, il utilise une grande quantité d'énergie destructrice, qui s'accompagne d'un échange de signes de reconnaissance négatives des plus virulents : les partenaires sont alors en plein conflit. Néanmoins, quand le jeu est joué sous une forme relativement légère, il n'a pas de conséquences graves pour l'un ou l'autre des partenaires, sinon un gaspillage d'énergie et de temps, ainsi qu'un sentiment final d'irritation ou d'impuissance. E. Berne qui a recensé plus de 30 jeux courants, affirme que "rares sont ceux qui peuvent se vanter de ne jamais jouer". Chaque jeu a son slogan, sa devise permettant de le reconnaître. Parmi les jeux les plus courants on peut citer : - Le jeu dit du "sans toi", courant dans les couples ou l'un des partenaires passe son temps à démontrer à l'autre que, sans lui, la vie aurait été sûrement plus stimulante et plus agréable (si tu n'avais pas insisté pour avoir 3 enfants, nous serions…, nous aurions…; si je ne t'avais pas épousé, je serais…, j'aurais pu être… si tu ne gaspillais pas tout ton argent à gauche et à droite, tu serais, nous serions…). - Le jeu dit du "oui, mais" si répandu entre confrères de travail d'une même administration, ou chacun cherche à avoir le dernier mot, et critique indirectement, mais systématiquement les propositions des autres. - Le jeu du "ne me déranger sous aucun prétexte, j'ai beaucoup de travail urgent en instance" également courant dans les couples et les administrations. Les 30 jeux répertoriés par l'AT peuvent être groupés en 3 catégories: les jeux de la "victime", du "persécuteur" et du "sauveur". Cette classification permet de reconnaître plus facilement le début d'un jeu pour le désamorcer et éviter ainsi aux différents partenaires les sentiments pénibles d'irritation et de conflits. Un jeu commence toujours par l'une de ces 3 positions, mais à la fin du jeu, il y a changement de position d'au moins un des partenaires. L'exemple suivant en permet l'illustration:
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Chef de service (en plein réunion): nous recevons dans trois jours une délégation de la direction centrale, avec tout le boulot que j'ai sur le dos (lequel ?), je n'aurai pas le temps de tout faire; j'aimerai que quelqu'un puisse s'occuper de la préparation des posters et de la réception du déjeuner ? Silence (à interpréter)
Chef de service: alors monsieur X, vous qui revenez tout frais du congé, pouvez vous vous en occuper ? (persécuteur) Monsieur X: D'accord, monsieur (si vous me l'imposer, comment pourrais-je vous dire non sans craindre pour ma carrière ?) Deux jours plus tard, à la veille du jour j, monsieur X se présente au bureau de son chef pour lui annoncer que les posters ont été faits, mais qu'il n'a pas eu le temps pour préparer la réception. Le chef de service (persécuteur): et vous venez m'annoncer cela juste à la veille de l'arrivée de la délégation ? vous savez ce que cela vous dire? Monsieur X: vous m'en voyez désolé monsieur, mais je n'ai pas eu une minute à moi (victime, jeu du "oui, mais"), les posters ce n'était pas une chose facile, je suis parti de rien, quelqu'un d'autre aurait pu s'occuper de la réception, mais personne n'a accepté de m'aider (persécuteur: la répartition des taches, c'est votre affaire en tant que chef de service). Le chef de service: en tout cas c'est catastrophique (victime), les gens de la délégation vont râler, c'est sûr. Monsieur X ( jeu: "je t'ai eu"): Je crois avoir une solution (sauveur), le patron du restaurant Y est un copain à moi, alors si vous voulez… Le chef de service (persécuteur): et qui t'a dit que j'ai les crédits nécessaires, tu crois que le service roule sur l'or ? je me souviendrai de ce coup ci, vous pouvez partir maintenant, je me débrouillerai. Ainsi, nous pouvons constater que monsieur X et son chef de service ont tout le temps joué un jeu, le chef, qui cherche vainement ses strocks, criera sur les toits que, sans lui, le service ne marchera pas, qu'il est déçu à chaque fois qu'il délègue une tâche. C'est ainsi qu'il justifiera sa position de vie arrogante, et par la même occasion, centralisera tout. Monsieur X, tout aussi arrogant, s'empressera de raconter que son chef ne comprend rien à la gestion du
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personnel, qu'heureusement il était là pour s'occuper des posters, comme pour d'autres taches par ailleurs sinon le service ne marcherai plus, et qu'il ne comprendra jamais qu'on donne des postes de chef de service à des incompétents…etc.. Selon E. Berne, "le paradoxe dans les jeux est que tous les participants y trouvent un bénéfice…ce bénéfice, mutuel, réside dans les sentiments que le jeu fait naître". Les bénéfices sont donc les avantages psychologiques que la personne trouve à développer des relations si peu intéressantes, mais intéressants psychologiquement pour cette personne. Entre-autres: 4- Se faire une représentation agréable de la situation 5- Satisfaire le besoin de sensations fortes 6- Ignorer une situation réelle génératrice d'anxiété 7- Surtout, et avant tout, maintenir des solutions stéréotypées et routinières. En effet, tout jeu est un modèle répétitif et involontaire. De nombreux conflits relationnels, surtout quand ils deviennent répétitifs et prévisibles, sont, au fond, des jeux psychologiques. Aussi, selon l'A.T, la gestion de ce genre de conflits passe par le repérage des séquences répétitives du jeu, de la prise de conscience que la personne qui joue est en manque de strokes, et enfin la compréhension du bénéfice sous-jasent. En A.T, le bénéfice d'un jeu est appelé timbre-cadeau.
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Un jeu typique: "sans toi" D'après Eric Berne. "Des jeux et des hommes". Stock "Madame Leblanc se plaignait que son mari restreignait sévèrement ses activités sociales, de sorte qu'elle n'avait jamais pu réaliser son rêve d'enfance: apprendre à danser. Suite à des modifications survenues dans l'attitude de Mr Leblanc grâce à la psychothérapie, madame Leblanc se trouva libre d'élargir le champs de ses activités. Elle s'inscrivit à des cours de danse, mais s'aperçut, à son grand désespoir, qu'elle avait une peur maladive des pistes de danse, et du renoncer à son "rêve d'enfance".
Cette mésaventure, s'ajoutant à d'autres du même ordre, mit à nu certains aspects importants de la personnalité de madame Leblanc. Parmi de nombreux prétendants, madame Leblanc avait choisi un homme autoritaire, par ailleurs, Beaucoup de ses amies avaient des maris autoritaires et dominants; aussi, lorsqu'elles se rencontraient, passaient-elles une bonne partie de leurs temps à jouer à "sans lui. La suite de la psychothérapie montra que, contrairement aux plaintes de Madame Leblanc, son mari, en réalité lui rendait un véritable service en lui défendant quelque chose dont elle avait peur, ainsi qu'en lui évitant même de prendre conscience de ses frayeurs. C'était une des raisons qui avaient poussé l'Enfant de Madame Leblanc à se choisir avec perspicacité un pareil époux. Mais ce n'est pas tout. Madame Leblanc et son mari n'avaient que peu de choses en commun hormis leurs soucis domestiques et leurs enfants. La vie conjugale de Madame Leblanc lui avait du moins prouvé une chose qu'elle savait depuis son enfance, à savoir que "tous les hommes étaient mauvais et tyranniques"." Analyse du jeu But (de Madame Leblanc): Se rassurer (ce n'est pas que j'ai peur, mais). Se défendre (ce n'est pas que je n'essaye pas, c'est qu'il m'empêche !). Rôles (des joueurs): un mari dominateur et une femme brimée. Dynamique. "il se trouve que ST est tout aussi fréquemment joué par des petits enfants que par des adultes, en sorte que la version d'enfance est la même que la plus tardive, le parent véritable étant substitué au mari sévère". Transactions explicites: Parent-Enfant. Transactions cachés: Enfant-Enfant Antithèse: refuser de jouer ou désamorcer le jeu.
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5- L'intimité En abordant l'intimité, nous abordons le coté qualitatif des signes de reconnaissance. En effet, l'intimité est fondée sur la confiance réciproque, la reconnaissance pleine et entière de l'autre, ainsi que l'acceptation de se montrer tel qu'on est, sans déguisement ni artifice. Plus besoin de se mettre è l'écart (retrait), d'être prudent (rituel et activité), ou de jouer un rôle quelconque (jeux); "l'autre est considéré à part entière, ni statut social, ni image de projection d'un absent, ni silhouette interchangeable avec des milliers d'autres" (J. Gaoui). Les deux interlocuteurs sont branchés sur leur "Enfant libre", et expriment besoins, peurs et désirs. "l'intimité bilatérale se définit comme une relation sincère, exempte de jeux, exempte de toute exploitation, ou chacun donne et reçoit sans arrière-pensée". L'intimité est la forme de structuration du temps la plus gratifiante, elle est la forme la plus accomplie des relations humaines: on donne et on reçoit les signes de reconnaissance dont on a réellement besoin. Malheureusement, l'intimité est relativement peu vécue, même au sein des couples, des parents ou entre amis. Certains ne la connaissent jamais pendant toute leur vie; elle est souvent perçue comme risquée, voire même dangereuse car elle met en jeu la partie la plus vulnérable en nous: notre enfant libre avec ses rêves et ses espoirs, ses fantasmes et ses déboires. "Pour pouvoir assumer ce risque, il faut avoir une structure psychologique avec un Adulte décontaminé, capable de faire la part des choses, un Parent Nourricier actif, prêt à panser les blessures, et un petit Professeur assez astucieux et intuitif pour évaluer le risque et choisir ses partenaires". (G. Jaoui) Selon E. Berne: "l'activité sexuelle offre une gamme d'exemples couvrant tout le comportement social (de structuration du temps): il est évident qu'elle peut avoir lieu dans le retrait, s'apparenter à une cérémonie ritualiste, représenter une journée de travail, un passe-temps pour les jours de pluie, un jeu d'exploitation mutuelle ou un acte d'intimité véritable". Selon M. Josien, "Le paradoxe de l'intimité, est que, si on la recherche on se livre à une activité, et donc on la manque. Tout ce qu'on peut faire, c'est créer les conditions pour favoriser l'intimité". Cela revient a dire qu'il faut cultiver et garder un état d'esprit de tous les jours, état d'esprit d'ouverture, d'authenticité, de compréhension et de calme. Développer son aptitude à l'intimité constitue l'essence même de la plupart des philosophies orientales
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(boudhisme, zen, yoga), de certaines psychothérapies (sophrologie, training autogène de Shultz, relaxation), et du développement personnel.
Conclusion: réfléchir à la structuration de son temps "Réfléchir à la façon dont on structure son temps permet de mieux comprendre comment fonctionne son propre système de stimulation et de reconnaissance. Savoir de quoi est composé son cocktail personnel, quelle est la place accordée dans une journée, dans une semaine, au retrait, passe-temps, à l'activité, aux jeux et à l'intimité, est un bon moyen de connaître ce qu'on attend des autres et ce qu'on est prêt à leur donner dans nos relations interpersonnelles
Utilisée dans le cadre d'une organisation, la grille de structuration du temps est un bon outil pour mesurer à quoi est utilisée l'énergie disponible dans un groupe, un service, une association, une entreprise. On croit travailler huit heures par jour, mais quelle est la durée réelle consacrée à l'activité par rapport aux autres formes de structuration du temps, et surtout, quelle est la quantité d'énergie gaspillée dans des jeux stériles et négatifs ? Une structure (ou une organisation) qui permet réellement à ses membres d'expérimenter le retrait (s'ils le souhaitent), d'échanger des rituels sociaux et professionnels, de vivre des moments de passe-temps, de se consacrer à une activité réelle, aux résultats justement reconnus et appréciés, et même de connaître des instants d'intimité, offre en même temps à ses membres assez de stimulations et de reconnaissances pour qu'ils n'aient pas à en chercher dans des jeux trop intenses et destructeurs" Jaoui, Gysa Le triple moi. Robert Laffon éditions
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Chapitre7- Le scénario Concept central en Analyse transactionnelle, le scénario est une sorte de plan de vie, plutôt contraignant selon E. Berne (mais ce point n'est pas partagé avec ses disciples), qui se déroule sur un temps très long (des années ou une vie entière). Berne lui a consacré son dernier best seller: "que dites vous après avoir dit bonjour ?". L'origine du scénario se trouve dans la plus tendre enfance. "Les scénarios sont habituellement bâtis sur des illusions enfantines ". A sa base, il y a une décision qui a été prise très tôt dans la vie de l'enfant. Cette décision, fondée sur les préceptes parentaux, était la solution aux besoins de l'enfant de structurer son avenir en termes de relations, d'espace et de temps. En effet, dans la perspective de l'AT, l'enfant, vers 5-6 ans, essaie de développer une perspective de son avenir pour avoir l'illusion d'un choix personnel et autonome. Sa décision est une décision de survie, fort bien adaptée aux conditions émotionnelles et affectives de sa petite enfance. Le problème apparaît quand cette solution archaïque continue à être adopté par l'individu à l'âge adulte, sans que ce dernier ne songe à la remettre en cause. Elle constitue alors un frein à son épanouissement. L'individu fonctionne alors selon un "programme" interne dépassé, obsolète. Berne utilise d'ailleurs le terme de "programmation parentale" pour parler du scénario. Ce dernier est d'ailleurs activé dans l'état de moi Enfant. Berne souligne néanmoins que " mais chez les êtres les plus sensibles et les plus perspicaces, ces illusions (du scénario) se défont une à une, ce qui provoque les diverses crises de la vie…". Toute personne a un scénario de vie, certains sont des scénarios gagnants, mais la majorité ont des scénarios de perdants ou du moins non gagnants. Pour ces derniers, "ce n'est qu'en sortant de son scénario que le patient pourra se révéler un individu capable d'autonomie, de créativité, de civisme et de réussite". La notion de scénario est étroitement liée à la notion de position de vie. En effet, selon Berne, "chaque position porte déjà en elle même son genre de scénario et ses fins particulières". L'observateur averti peut rapidement déceler chez son interlocuteur sa position de vie et son "signal scénarique". Ce dernier terme désigne une "posture caractéristique, un geste, un maniérisme, un tic ou un symptôme signifiant qu'il vit dans son scénario". Vivre dans son scénario est une expression très utilisée par Berne pour dire que la personne, en ce moment précis " réagit à des prescriptions parentales"
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Pour Eric Berne, le scénario se construit à partir de 7 éléments, que certains auteurs ramènent à 3 uniquement: a- Les injonctions (et leurs antidotes les permissions) b- Les prescriptions (messages des Parents des parents) c- Le programme 1- Les injonctions et les permissions Les injonctions sont des interdictions formulées involontairement par l'Enfant des parents. La première et la plus importante des permissions que donnent les parents à leurs enfants est celle de vivre; l'injonction négative correspondante est "n'existe pas !" (consigne que l'enfant "comprend" lorsqu'on lui dit qu'il est né par accident, à un mauvais moment, que sa maman a souffert pour le mettre au monde, et que s'il n'était pas né, la vie aurait été meilleure). La permission ou l'injonction d'exister donnée au bébé dépend surtout des sentiments de l'Enfant des deux parents. L'injonction provient toujours d'un "Enfant adapté non OK" qui considère le bébé comme un rival, une contrainte, ou une responsabilité dont il se serait passé. Les injonctions et les permissions sont transmises essentiellement de façon non verbale: En effet, rare sont les parents qui iraient jusqu'à dire directement à leur enfant "j'aurai aimé ne jamais t'avoir". Les spécialistes de l'A.T. s'accordent à dénombrer 12 injonctions de bases et 12 permissions équivalentes. Nous présentons ci-après les 6 les plus fréquentes. Injonction 1- n'existe pas
Antidote (permission) - Fais ta place au soleil, existe !
2- Ne sois pas toi-même (sois un - Montre ta personnalité et ce dont tu mouton parmi les moutons) es capable 3- Ne te mêle pas (ne sois pas - Mêle toi aux autres, sois proche des proche, garde tes distances) gens 4- Ne grandis pas (ne pense pas, ne - Sois adulte, objectif et critique, remets pas en cause les développe tes aptitudes et ton savoircertitudes de tes parents, de ta faire société) 5- Ne fais pas confiance (ne te - Aie confiance en toi même et dans tes
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confie jamais, ne délègue pas, capacités pour choisir des partenaires centralise et contrôle tout de confiance 6- Ne ressens pas (l'émotion est - Fais confiance à ton intuition, tes dangereuse et mauvaise sentiments peuvent être des radars conseillère) très utiles
Une injonction n'entraîne pas forcément une décision de scénario néfaste: c'est la répétition et l'intensité de ces injonctions qui en font la puissance, la transformant en sentence sans appel pour l'enfant. 2- Les prescriptions (messages, drivers) Les prescriptions, ou messages, c'est "ce que disaient les parents à leurs enfants, pour les conseiller, les réprimander, et leurs transmettre leur philosophie de l'existence". Ce sont des messages verbaux, "émis consciemment par le Parent des parents".Il s'agit de valeurs morales ou sociales. A l'âge adulte, ces messages peuvent devenir des voix internes qui guident et influencent le style personnel de communication et de comportement de l'individu (d'où le terme anglais: "drivers"). C'est ainsi que chacun se parle à lui même pour s'encourager ou se dévaloriser. Ces messages peuvent être classés en 5 groupes. Messages négatifs 1- Dépêche –toi
Messages positifs 1- Gère ton temps avec calme selon tes moyens
2- Sois fort !
2- Sois ouvert, les faiblesses ont le charme de leur humanité 3- Sois réaliste, la perfection n'est pas de ce monde
3- Sois parfait !
4- Fais plaisir !
4- Pense également à toi
5- Acharne toi !
5- Va-y à ta mesure
6- Le programme (modèle technique) Il s'agit de méthodes, de modèles techniques qui permettent la mise en œuvre pratique des prescriptions et des injonctions. "Dans la plupart des cas, les prescriptions du scénario proviennent du parent de sexe opposé, tandis que le modèle technique émane du parent du même sexe". Ainsi, dans le cas d'un garçon,
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c'est le père qui fournit le programme (comment être un homme), et pour une fille, c'est sa mère. 7- Les émotions " L'émotion est souvent le seul langage qui nous reste quand nous n'avons plus les mots pour exprimer ce que nous voulons dire; le sentiment est d'autant plus fort qu'il n'est pas conscient et ne se manifeste pas" L'éducation et la société préconisent (ou du moins encouragent) le contrôle des émotions. A la longue, on apprend à les cacher et on perd l'habitude de les vivres et de les exprimer. On y arrive un certain temps, jusqu'à ce que "la goutte fasse déborder le vase", alors on éclate, souvent au mauvais moment, face à la mauvaise personne; on le regrette après, on culpabilise…avant que ça ne recommence de nouveau. Du point de vue de l'analyse transactionnelle, une émotion n'est ni bonne ni mauvaise, toutes peuvent être positives (enrichissantes) ou négatives (dévalorisantes, culpabilisantes ou sources de malaise). L'AT insiste néanmoins sur un fait: les émotions que nous exprimons le plus souvent ne sont pas spontanées, mais bel et bien apprises. "Rien n'est plus spontané qu'une bonne et vieille habitude, et les émotions que j'exprime sont d'anciennes attitudes qui m'ont valu tant de satisfactions dans mon enfance". On peut même dire que nous exprimons uniquement les émotions culturellement admises. L'A.T distingue les émotions refoulés (les timbres) et les émotions parasites (le racket). -
Le timbre et la collection de timbres
Un timbre, en A.T est une émotion refoulée, non exprimée. Il existe quatre émotions fondamentales: la peur, la colère, la tristesse et la joie. Les émotions peuvent se combiner entre elles pour donner un sentiment: ainsi, pour une épouse par exemple, la peur d'être abandonnée et la colère contre son mari peut faire naître le sentiment de jalousie. La haine, la xénophobie et le racisme ont les mêmes origines: un mélange de " peur" (de l'autre, jugée différent) et de "colère" (contre soit même ou contre son pays). La culpabilité, et la honte sont également des mélanges de deux émotions ou plus. Chacun d'entre-nous a une capacité particulière à supporter un genre particulier d'émotions (on parle d'une collection, à l'image des cartes de fidélité de certains magasins ou l'on colle des timbres pour espérer gagner un cadeau quand la carte sera pleine.). Quand cette capacité est atteinte, que la "collection est pleine", la personne s'autorise à exprimer fortement l'émotion qu'elle a
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jusqu'alors refoulé: le vase déborde, on dit que la personne s'offre "un cadeau gratuit", Le problème c'est que ce "cadeau" est inapproprié à la situation et à la personne (celui qui a peur de son chef, qui est en colère contre sa femme, et reste insatisfait de la conduite de ses enfants, se défoule contre son subordonné, sa secrétaire, sinon son chien); parfois même piégé (on n'a qu'à penser aux maladies psychosomatiques pour s'en convaincre). Il est relativement facile de repérer les collectionneurs de timbres: leur réaction est excessive et inappropriée à la situation. Comprendre que ce qui ce passe pour le moment n'est pas la cause réelle de ce sentiment permet de dédramatiser la situation, de conserver son calme, et d'éviter par la même occasion la collection d'un timbre supplémentaire. L'attitude appropriée consiste à accorder à l'autre le temps de s'exprimer, d'accrocher son Adulte par des questions objectives ( comment, qui, a quel moment ?), et de "recadrer la situation pour démontrer le côté inapproprié de la réaction". Si on est soi-même collectionneur, la pratique du sport en général, et de certains sports (et les Arts martiaux en particulier) permet de canaliser et de neutraliser son agressivité. Le même effet apaisant peut être obtenu par la pratique de la relaxation, de la respiration contrôlée, par la tenue d'un journal intime, ou par le fait de se confier à un ami sûr. Prendre l'habitude d'écouter ses émotions, de détecter laquelle de ces émotions on m'a appris à exprimer, et laquelle j'ai appris à refouler; apprendre à les exprimer le plus calmement possible, et permettre à ses proches d'exprimer les leurs au moment ou ces émotions sont vécus, reste le meilleur moyen pour éviter de collectionner des timbres et d'éviter, par la même occasion, de recevoir à la figures des cadeaux gratuits piégés. -
Le Racket
A l'opposé des collectionneurs de timbres, nous trouvons les racketteurs. Le "racket" ou sentiment parasite est un sentiment négatif auquel un individu est habitué depuis sa tendre enfance (probablement parce qu'il lui permettait d'obtenir, enfant, sa dose de "strokes" habituelle). De ce fait, ce sentiment "fait partie de son tempérament, de son caractère", tellement il l'exprime facilement. Le racket est un "chantage psychologique". Ainsi, pour Berne, "la colère est à 90 % un racket encouragé par le Parent…Toute colère, pratiquement, participe du jeu intitulé "cette fois je te tiens!"… Pleurer est également une forme de racket dans la plupart des cas". Dans le même sens, Michel Josien précise," le racket constituait au départ une trouvaille ingénieuse de l'enfant, pour se protéger,
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s'adapter à un milieu ou il ne recevait les signes de reconnaissance de la part de son entourage qu'en se pliant à cette façon de s'exprimer" Exemple: Ali, fils unique et cadet de ses 3 sœurs, a appris qu'il est "l'homme de la maison"; quand il a peur, quand il pleure, son père se fâche, lui répète "qu'un homme ne pleure pas", et ses grandes sœurs se moquent de lui. Par contre, quant Ali, tout petit encore, se fâchait, entrait en colère, ou même battait ses sœurs, son père était fier de lui et lui donnait raison sur le reste de la famille, "il était bien son fils". Adulte, Ali entre en colère et se fâche avec une facilité étonnante, espérant toujours manipuler son entourage avec ses excès de colère. Pour Michel Josien, il est primordial de comprendre que le racket est une trouvaille de l'enfant, qui n'est plus adaptée à la vie de l'adulte: "Ainsi, les larmes qui constituaient pour la fillette une protection efficace constituent désormais, à l'age adulte, le véritable problème…De la même façon, le petit garçon qui obtenait ce qu'il voulait de sa mère en se livrant à des bouderies spectaculaires pourra se persuader que la bouderie est efficace; mais qu'adviendra-t-il lorsque, sollicitant de sa partenaire favorite un signe d'affection, et la voyant momentanément réticente, il se mettra à bouder?" Dans la plupart des cas, et contrairement à ce qui pourrait le suggérer l'exemple précédant, le "racket" est bien souvent inconscient, la personne ne se rend pas compte que ce sentiment priviligié vient parasiter ses autres sentiments; et que, à l'image du cadeau du collectionneur de timbre, son racket est souvent disproportionné, inapproprié à la situation. Selon l'A.T., nous sommes tous, ou en majorité, des racketteurs, à des degrés différents certes, mais des racketteurs quand même. En règle générale, le racket est toujours la manifestation d'un manque de signes de reconnaissances; et qui peut dire qu'il en a toujours suffisamment ?. Aussi, il est fondamental de dépister chez soi et chez ses proches ces sentiments parasites, de comprendre leur signification et d'agir en conséquence. Le racket, comme le timbre, se manifeste par 2 signes: 1- La personne qui rackette utilise ce sentiment à tort et à travers, il "fait partie de son tempérament" 2- Le racket est inapproprié à la situation, il ne correspond pas au sentiment que manifeste en général la plupart des gens dans cette situation. En somme, l'émotion que nous avons tendance à afficher avec le maximum d'intensité est probablement un racket, fruit des injonctions reçues dans l'enfance, et qui constitue, à l'âge adulte, un obstacle à la communication directe
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et spontanée. L'objectif derrière la découverte de son propre racket pourra être de redevenir spontané: car pour comme le dit si bien Michel Josien: "on n'est pas spontané, on le devient"
Conclusion Etats du moi, transactions, signes de reconnaissances, structuration du temps, position de vie et scénario sont les différents concepts de l'Analyse Transactionnelle. Ils s'articulent pour proposer une théorie sociale et psychologique complète de l'individu en interaction avec lui même, avec ses paires et avec son environnement. L'exemple suivant permet, (avec une simplification extrême de l'Analyse Transactionnelle, qui reste, pour rappel, avant tout une œuvre complexe et dense) de schématiser comment s'articulent ces différents concepts: "Imaginons un enfant qui est l'aîné d'une famille nombreuse, avec des parents rigides et autoritaires qui lui disent volontiers: "toi tu est l'aîné, tu dois montrer l'exemple, alors ne fais pas de bêtises, sois sérieux, et occupe toi de tes petits frères!". Son père, homme autoritaire et colérique, rarement présent à la maison, rajoute chaque fois que c'est possible: "et quand je ne suis pas là, tu est l'homme de la maison, et c'est à moi seul que tu rendra compte, ne fais confiance à personne d'autre". Sa mère, femme soumise, lui rappelle explicitement qu'il doit " écouter son père et faire ce qu'il te dit de faire", et implicitement" c'est comme ça que nous t'aimeront mon fils" Ces messages, fréquemment répétés, l'enfant finira par développer un fort parent nourricier et critique, puisque, c'est en branchant cet état du moi qu'il obtient, de la part de ses parents, les signes de reconnaissances positifs et conditionnels qui lui sont nécessaires. D'ailleurs, chaque écart était sévèrement puni. Imaginons maintenant que cet enfant aurait accepté le scénario basé sur ces injonctions, et qu'il n'airait apporté aucune modification majeure. Par habitude, il cherchera à entretenir avec ses paires des transactions inégalitaires Parent-Enfant, dans lesquelles il tiendra le rôle de parent nourricier et protecteur, ou de parent critique et punisseur. Par ce qu'il "ne doit pas faire de bêtises" il méconnaîtra son côté Enfant libre, et par ce qu'il "doit s'occuper de ses petits frères", il va structurer son temps avec de l'activité au service des autres ou dans des "jeux" ou il sera tenté par le rôle du sauveur, et si jamais on lui fait signifier qu'on n'a pas besoin de sa protection, il jouera à la victime inconsolable du genre "regardez ce que je fais pour les autres, et regarder comment je suis remercié", ou au persécuteur, du genre "cette fois, je te tiens mon salaud"!.
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Il se montrera toute sa vie volontiers attentif et généreux, mais toujours hautin et d'allure sévère. Il apprendra à ne pas exprimer sa colère, et à se montrer plus souvent souriant et accueillant: il collectionnera les timbres de la colère et développera un racket de joie. Dans la vie de tous les jours, il sera toujours "l'aîné" et "l'homme de la maison", protecteur et critique, sérieux à l'excès, bourreau du travail, très respectueux de sa hiérarchie (qui lui rappellent ses parents), mais très autoritaire et en même temps très protecteur avec ses subordonnés (qui lui rappellent ses petits frères). Et par ce que son père lui a dit et répété qu'il "ne doit faire confiance à personne", il sera toute sa vie méfiant, cherchant à contrôler et à centraliser tout ce qui relève de sa fonction; ne lui demander pas de déléguer et de négocier". Toute sa vie il basculera entre deux positions de vie: une position de vie - + avec ses chefs et autres figures de l'autorité, et une autre + - avec sa femme, ses enfants et ses subordonnés. Ses succès et ses échecs, depuis l'école, détermineront sa position de vie dominante. En société, il donnera l'image d'un homme sérieux, travailleur, serviable et respectueux de la loi, un "bon père de famille". Seuls ses proches, sa femme et ses enfants notamment, auront de quoi se plaindre: sa femme lui reprochera de la dénigrer, d'être autoritaire, peu communicatif et trop absorbé par son travail; ses enfants seront éduqués à la dure suivant le modèle de grand-papa.
Le mot de la fin Le développement personnel, la connaissance et l'affirmation de soi n'est pas un cours qu'on reçoit, qu'on assimile une fois pour toute avant de passer à autre chose. Il est au contraire l'affaire d'une réflexion de tous les jours, une vie durant. Chaque jour, chaque période de la vie apporte son lot quotidien d'expériences et de situations. C'est à ce long, agréable et stimulant voyage que nous vous invitons; l'analyse transactionnelle est une carte qui peut vous aider à avoir des repères, à savoir ou vous allez, mais le voyage, c'est vous qui devez le faire. Alors, bon voyage !
Khalid BOUTAHAR ([email protected])
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Références Bibliographiques Berne E. "Des jeux et des hommes". Editions Tchou Berne E. "Que dites-vous après avoir dit bonjour". Editions Tchou Berne E."Analyse transactionnelle et psychothérapie". Petite bibliothèque Payot Boutahar Kh. "Le féminin à la lumière de la psychanalyse: Lecture dans l'œuvre de Christiane Olivier". Travail présenté pour l'obtention de certificat en psychologie. FUNDP, département de psychologie. Namur- Belgique. Boutahar Kh. La destinée humaine: le point de vue de l'analyse transactionnelle. Résumé du best-seller d'Eric Berne: "que dites vous après avoir dit bonjour?" Fournier J-Y. "Analyse transactionnelle et communication". Editions PEMF Olivier, C. "Les enfants de Jocaste". Editions Denoël Josien, Michel. Techniques de communication interpersonnelle. Les éditions d'organisation. Jaoui, Gysa. "Le triple moi". Editions Marabout Watzlawick et al. "Changements". Editions Point
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Sommaire Chapitre 1: Présentation de l'analyse transactionnelle Chapitre 2: Les états du moi 2.1: Les trois états du moi: (Le Parent; L'Enfant; L'Adulte) 2.2: La contamination de l'Adulte 2.3: L'exclusion des états du moi Chapitre 3: Les signes de reconnaissances 4.1: Introduction 4.2: Les sentiments 4.2.1: les timbres, sentiments refoulés 4.2.2: Le racket, sentiment parasite Chapitre 4: Les transactions et les positions de vie A: Les transactions 4.1: Les transactions complémentaires 4.2: Les transactions croisées 4.3: Les transactions cachées 4.4: Les transactions angulaires 4.5. Les transactions tangentes B: Les positions de vie Chapitre 5: La structuration du temps 5.1: Le retrait 5.2: le rituel 5.3: le passe temps 5.4: l'activité 5.5: l'intimité Chapitre 6: les jeux Chapitre 7: Le scénario de vie 7.1: Introduction à la notion de scénario de vie 7.2: Les injonctions et les permissions 7.3: Les messages Conclusion Références Bibliographiques
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