Afrique Reelle Numero1 [PDF]

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Zitiervorschau

LETTRE MENSUELLE PAR INTERNET UNIQUEMENT

PAR

ABONNEMENT

N°1 - Janvier 2010 La Guinée, pays en perdition, est l’un des Etats africains les mieux dotés par la nature. Son sol est riche et il bénéficie de pluies abondantes et régulières. Quant à son sous sol, il ressemble à un véritable miracle géologique. La Guinée qui en détient entre 30 et 50% des réserves connues est le second producteur mondial de bauxite derrière l’Australie. De plus, la bauxite de Guinée est riche en alumine et facile à produire en raison de l’existence de gisements à ciel ouvert. Le diamant constitue la seconde exportation du pays avec 360 000 carats officiellement produits et des potentialités estimées entre 25 et 30 millions de carats. Les réserves connues en or seraient de plusieurs centaines de tonnes et celles de fer pourraient se situer entre 5 et 10 milliards de tonnes à forte teneur métallifère. Enfin, extrait en mer, le pétrole va constituer une ressource supplémentaire pour le pays. En dépit de toutes ces richesses, la Guinée est un enfer depuis son indépendance intervenue en 1958. L’explication de cette situation est claire : le pays n’existe pas et les déterminismes ethniques y interdisent toute construction étatique. C’est ainsi que depuis 1958, le pays a vécu sous le régime de la cleptocratie ethnique, soit vingt six années de dictature malinké sous Sékou Touré, suivies de vingt quatre années de dictature Soso sous Lansana Conté. Après la mort de ce dernier, le 22 décembre 2008, l’ethnie numériquement la plus nombreuse de Guinée, celle des Peul aurait pu penser que son tour était enfin venu d’accéder au pouvoir ; or, celui ci fut confisqué par les

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petites ethnies forestières derrière lesquelles avançaient les Malinké. L’Afrique doit-elle redouter le « réchauffement climatique », du moins s’il était avéré ? L’un des plus grands climatologues mondiaux, le professeur Marcel Leroux, explique dans l’entretien qu’il nous a accordé peu de temps avant sa mort pourquoi il ne partageait pas l’idée médiatiquement dominante. N’étant pas spécialiste de climatologie, je ne me prononcerai naturellement pas sur cette question controversée. Comme historien de la longue durée africaine j’observe que le climat du continent a constamment changé et que la chaleur y fut naguère plus forte qu’aujourd’hui, que les déserts y occupèrent une place largement plus étendue et que la forêt y disparût quasiment. L’Afrique n’étant alors peuplée que par quelques dizaines de milliers de chasseurs-cueilleurs-récolteurs, ce réchauffement continental n’avait donc pas de cause humaine. Pourquoi faudrait-il alors que l’homme soit responsable de l’actuel ? Selon les partisans du postulat réchauffiste, le continent est menacé par le réchauffement qui va conduire à la catastrophe. Or, c’est de tout le contraire qu’il devrait s’agir. L’étude paléo climatique de l’Afrique montre en effet que le réchauffement augmente le niveau des précipitations et qu’il est donc source de prospérité et d’abondance, alors que c’est le refroidissement qui provoque l’aridité, donc la désertification et la misère. Ces données élémentaires sont curieusement ignorées des « experts » internationaux, ce qui est pour le moins insolite, et des bateleurs du climat, ce qui l’est moins, car il s’agit pour eux d’une rente de situation. Bernard LUGAN

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GUINÉE : UN PROBLÈME D'ABORD ETHNIQUE PAR

BERNARD LUGAN

Le 28 septembre 2009, la junte au pouvoir en Guinée faisait mitrailler des opposants réunis dans un stade de Conakry, puis les soldats déchaînés se livrèrent à un véritable massacre et à de nombreux viols. Le 3 décembre, dans une atmosphère de fin de règne et au milieu des règlements de comptes, le chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara était grièvement blessé par l’un de ses plus proches collaborateurs. La Guinée s’enfonça alors dans le chaos. Quelles sont les raisons de ce drame ?

Dès les années « 1950 », avant l’indépendance, les Peul et les Malinké qui avaient (et qui ont toujours) sensiblement le même poids démographique entrèrent en compétition politique, laissant aux Soso un rôle de figurants. Conduite par Sékou Touré, l’indépendance de 1958 permit aux Malinké[1] de confisquer le pouvoir à leur profit[2]. Les Peul qui pensaient être à l’abri dans leur forteresse naturelle du Fouta Djalon, furent persécutés et tenus à l’écart de la vie nationale. Mort en 1984, Sekou Touré laissa en héritage une situation incertaine qui devint vite chaotique, sa disparition provoquant un tel vide politique que la Guinée fut au bord de la guerre civile et même de l’éclatement en grandes zones ethniques. Ses successeurs potentiels étant divisés, son héritage échappa alors aux Malinké. Le 3 avril 1984, face à l’anarchie qui gagnait le pays, un groupe d’officiers prit le pouvoir au sein d’un Comité militaire de redressement national (CMRN). Il était en effet urgent de combler la vacance à la tête de l’Etat. Le colonel Lansana Conté qui était l’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé, se

vit alors remettre le pouvoir. Ce Soso fut accepté à la fois par les Malinké et par les Peul qui voyaient en lui une solution d’attente ; or, contrairement à ce qu’ils avaient espéré, ce chef de l’Etat qui ne devait être que temporaire dura, réussissant à diviser ses puissants adversaires peul et malinké et en s’appuyant sur les ethnies forestières. Les Malinké voulurent alors reprendre le pouvoir par la force. C’est ainsi que doit être compris le putsch du colonel Diarra Traoré, membre du CMRN et ministre de l’Education nationale qui éclata le 4 juillet 1985. Ce soulèvement d’une partie des officiers malinké fut brutalement réprimé, le colonel Traoré passé par les armes et la plupart des officiers membres de son ethnie fusillés ou épurés. En 1992, sous la pression des bailleurs de fonds, le général Lansana Conté instaura le multipartisme, mais cette nouveauté ne fut qu’une apparence, et en 1993, sous l’étiquette du PUP (Parti de l’unité et du progrès), il fut élu président de la République à l’occasion d’un scrutin entaché d’irrégularités[3]. Lors de cette élection les Guinéens votèrent pour les candidats de leur

ethnie, mettant une fois de plus en évidence la cassure du pays en quatre blocs ethno régionaux. Des élections législatives primitivement prévues pour le mois de décembre 1994 eurent lieu en février 1995 et à cette occasion, de nouveaux partis politiques, essentiellement à base ethnique apparurent[4]. Au début de l’année 1996, le pays traversa une profonde crise, notamment à la suite des mesures d’austérité provoquées par le plan d’ajustement structurel imposé par le FMI et par la Banque mondiale. Les 2 et 3 février 1996, de graves évènements se déroulèrent à Conakry quand les militaires s’affrontèrent à l’occasion d’une nouvelle tentative de putsch. Arrêté et enfermé au camp Alpha Yaya, le président Lansana Conté eut alors la vie sauve parce que les mutins, ethniquement très divisés, ne parvinrent pas à se mettre d’accord sur le nom d’un successeur. Putschistes peul et malinké préférèrent alors rendre le pouvoir au général président, pourtant Soso, plutôt que de voir un membre de l’ethnie rivale s’en emparer. Le 22 mars, soit quelques semaines à peine après

[1] Sékou Touré était de père Malinké et de mère Soso. [2] Durant ses 26 années de pouvoir (de 1958 à 1984), un Guinéen sur trois quitta le pays qui se vida ainsi de ses élites. [3] Les votes dans la préfecture de Siguiri en Haute Guinée, là où le candidat malinké Alpha Condé avait obtenu plus de 90% des voix furent ainsi annulés, ce qui lui fit perdre 100 000 voix. [4] Les principaux d’entre eux étaient : - Le P.U.P (Parti de l’Unité et du progrès) du Général Lansana Conté (Soso) - Le R.P.G (Rassemblement du Peuple de Guinée) d’Alpha Condé (Malinké) - Le P.R.P (Parti du Renouveau et du Progrès) de Siradiou Diallo (Peul) - L’ U.N.R (Union pour la Nouvelle République) de Ba Mamadou (Peul) La Constitution interdit la création de partis politiques sur une base ethnique.

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Des blocs ethniques et régionaux 3) La Haute Guinée qui est une région de savanes recouvrant presque la moitié du pays est le pays Malinké. Environ 45% de tous les Malinké y vivent. 4) La Guinée forestière est une région montagneuse couverte par la sylve et dont les habitants sont divisés en de nombreux groupes bien différenciés rassemblés

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Les huit millions de Guinéens sont répartis en près d’une trentaine d’ethnies[5]. Les Peul constitueraient le groupe le plus important (+-35% de la population totale), suivis des Malinké (+- 32%), des Soso (+-15%), des Kpelé-Guerzé, des Kissi, des Lama-Toma-Kouranko, des Landuma et des Baga. Ces chiffres doivent cependant être pondérés en raison de l’existence des « regroupements ». C’est ainsi que les Baga et les Landuma sont assimilés aux Soso, les Toucouleur aux Peul, les Kouranko et les Lele aux Malinké. Ces éléments pris en compte, les rapports ethniques seraient alors les suivants : avec près de 38% de la population chacun, les Malinké et les Peul seraient à égalité, puis viendraient les Soso et « assimilés » avec +-18%, les autres ethnies représentant environ 6% de la population totale. La géographie physique et la géographie ethnique de la Guinée se juxtaposent presque parfaitement. Le pays est composé de quatre grandes régions naturelles : 1) La Guinée maritime qui est la façade littorale du pays est le territoire des Soso ; près de 75% des membres de cette ethnie y vivent. Au nord-ouest de Conakry, en direction de la frontière avec la Guinée Bissau, le littoral est peuplé par de petites ethnies comme les Baga, les Landuma, les Nalu, les Mbulungish, les Mbala-Mboteni, etc., qui totalisent environ 1% de la population de la Guinée. 2) La Moyenne Guinée qui est la région des hautes terres du Fouta Djalon couvre environ 1/3 de la superficie du pays. 80% des Peul de Guinée y vivent. cette tentative de coup d’Etat, le colonel Sény Bangoura commandant du camp Alpha Yaya fut assassiné. Cet officier soso, fidèle soutien du général Lansana Conté, fut abattu par des soldats malinké appartenant à une unité majoritairement malinké, le BATA (Bataillon autonome des troupes aéroportées) dont le chef, le commandant Kader Doumbouya était également Malinké. Le président Lansana Conté se servit de cette mutinerie pour achever son emprise sur l’armée au moyen d’une

par commodité sous le nom d’ « ethnies forestières ». Les Malinké composent cependant 35% de la population de la région. Les linguistes regroupent d’une part les Kpélé-Guérzé et les Loma, ces derniers régulièrement apparentés aux Malinké, et d’autre part les Kissi qui rassemblent plusieurs petites tribus plus ou moins parentes. L’ensemble des ethnies dites forestières totalise environ 10% de la population de la Guinée.

nouvelle épuration des cadres malinké. Lors de l’élection présidentielle du 14 décembre 1998, et en dépit de fraudes criantes, l’opposition totalisa 45% des voix. Ces élections furent une fois de plus ethniques. C’est ainsi qu’à Kankan, « capitale » malinké de la région de la Haute Guinée, les électeurs votèrent pour Alpha Condé du RPG. En revanche, à Labé, « capitale des Peul » de la Moyenne Guinée, ce fut Bah Mama-

dou de l’UPG qui l’emporta. Dans la Guinée Forestière c’est à un membre des ethnies locales, JeanMarie Doré, que les électeurs KpelleGuerzé, Toma et Kissi apportèrent leurs suffrages. Enfin, dans la Basse Guinée, les Soso se prononcèrent pour le général Lansana Conté du PUP. Le leader malinké Alpha Condé qui était apparu comme le principal opposant fut arrêté à l’issue du scrutin. Accusé d’atteinte à la sûreté de

[5] Le dernier recensement ethnique datant de 1955, les pourcentages indiqués dans cet article ne sont que des extrapolations.

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intervention dans la guerre civile libérienne. Dans la région de Macenta, des affrontements interethniques opposèrent les tribus Toma et Tomamamia, les Toma du Liberia combattant pour le président Charles Taylor tandis que les Tomamanya étaient partisans de l’un de ses plus farouches opposants, El-Hadj Kromah, soutenu par le gouvernement guinéen. En 2003, le président Conté fut réélu à la tête de l’Etat mais sa santé déclinant, la question de sa succession fut officiellement posée[7]. C’est dans ce contexte qu’au mois de novembre 2003, un nouveau complot fut éventé et que des dizaines d’officiers et de sous-officiers furent arrêtés. Les rumeurs de coup d’Etat

major de l’armée de terre et Abdourahmane Diallo, ainsi que le colonel Mamadou Baldé, inspecteur général des forces armées. Entre les mois de janvier et de février 2007, un puissant mouvement de grève fit vaciller le régime. Plus de 100 morts et des milliers de blessés furent alors à dénombrer. Puis, entre le 2 et le 15 mai 2007, la Guinée fut secouée par un nouveau mouvement. Le président limogea alors le chef d’état-major, le général Kerfalla Camara, Soso comme lui, mais qui appartenait à une génération coupée des jeunes officiers et il le remplaça par le général Diarra Camara, un Toma chrétien, donc doublement minoritaire[8], auquel il

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l’Etat et de tentative d’assassinat sur la personne du chef de l’Etat, il fit quinze mois de détention préventive pour être enfin condamné à 5 années d’emprisonnement. Le 11 novembre 2001, avec 98,6% des voix, le président Conté remporta un référendum constitutionnel lui permettant de porter le mandat présidentiel de 5 à 7 ans et ne limitant plus le nombre de mandats. La voie vers la présidence à vie lui fut ainsi ouverte. Divisée et impuissante, l’opposition décida alors de réagir et au mois de mai 2002, les principaux partis de l’opposition guinéenne se regroupèrent dans le Frad (Front républicain pour l’alternance démocratique)[6]. Au mois de juin 2002, les élections législatives furent remportées par le Parti de l’unité et du progrès, parti présidentiel, qui obtint 85 des 114 sièges de l’Assemblée, mais ces élections furent très largement vidées de toute signification en raison de leur boycott par l’opposition. Durant l’année 2000, une guerre éclata entre la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia. En Guinée, tout l’est de la région de Forecariah et tout le sud des régions de Guékégou et de Macenta furent en situation de conflit, provoquant d’importants déplacements de population. La Guinée se voyait ainsi entraînée dans le conflit régional ouest-africain, certaines populations parentes vivant en effet de part et d’autre des artificielles frontières régionales. Au mois de décembre 2000, les incursions se transformèrent en une véritable guerre quand les villes de Guékédou et de Kissidougou furent attaquées par un mouvement jusque là inconnu, le RFDG (Rassemblement des forces démocratiques de Guinée). Selon les autorités guinéennes, les mystérieux agresseurs obéissaient au président Charles Taylor du Liberia qui utilisait le RUF sierra-léonais pour déstabiliser la Guinée à laquelle il reprochait son

continuant cependant à circuler, le 4 novembre 2005, le président décida une nouvelle purge, exceptionnelle par son ampleur, qui vit la mise à la retraite d’office de 1872 officiers, sous-officiers et hommes du rang, soit le dixième de l’effectif total des forces armées. Parmi les victimes de ces purges, figuraient trois officiers supérieurs Peul, les généraux Mamadou Bailo Diallo, chef d’état-

adjoignit un chef d’état-major adjoint Soso, le général Mamadou Sampil. Au mois de février 2007, un gouvernement de « large consensus » fut constitué et Lansana Kouyaté, un Malinké, fut nommé Premier ministre. Au mois de janvier 2008, de violentes manifestations syndicales secouèrent Conakry en marge d’un puissant mouvement de grève. Le 26 mai, une nouvelle muti-

[6] Fondé par l’ancien Premier ministre Sidya Touré qui appartient à une ethnie côtière ultra minoritaire, celle des Diakhanké et leader de l’Union des forces républicaines (UFR). N’ayant aucune assise ethnique, il militait pour une transversalité ethnique. Premier ministre de Lansana Conté de 1996 à 1999, il devint opposant en 2000. [7] L’article 34 de la Constitution guinéenne prévoit qu’en cas de vacance à la tête de l’Etat, le président de l’Assemblée nationale assure l’intérim et organise une élection présidentielle dans les soixante jours. [8] Les Toma constituent 2% de la population et le pays est en très grande majorité musulman.

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nerie militaire se produisit. La raison en était cette fois le retard dans le versement de la solde. Puis, ce fut au tour des policiers de manifester et le 16 juin, une véritable bataille de rues les opposa aux militaires. Le 22 décembre 2008, le président Lansa Conté rendit l’âme. Le 23, une junte militaire composée d’officiers issus des ethnies forestières[9] et malinké prit le pouvoir, dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara et par le général Sékouba Konaté, un Malinké. Originaire de Nzerekoré en Guinée forestière, le capitaine Moussa Dadis Camara est Kpélé (Guerzé), ethnie totalisant 1% de la population de la Guinée et il prit appui sur les autres ethnies forestières, à savoir les Kono, les Toma, les Kissi et les Tomamania. A partir du début du mois de janvier 2009, le nouveau pouvoir entreprit une épuration des officiers Soso qui furent arrêtés par vagues successives, puis, au sein même de la junte, une sourde rivalité opposa les officiers malinké et forestiers. Le capitaine Camara ayant laissé entendre qu’il comptait se présenter à l’élection présidentielle du mois de janvier 2010, un grand meeting de l’opposition fut décidé pour le 28 septembre 2009. Même si quasiment tous les partis y furent représentés, il était clair que l’élément moteur en étaient les Peul dirigés par Cellou Dalein Diallo. Les membres de cette importante ethnie considéraient en effet qu’après les Malinké de 1958 à 1984, et les Soso de 1984 à 2008, leur tour d’accéder au pouvoir était enfin venu. Les partis d’opposition réunis sous sigle FFVG (Forum des Forces vives de la Guinée)[10] avaient choisi la date symbolique du 28 septembre, anniversaire du

« non » au référendum de 1958 qui marqua l’indépendance de la Guinée. Pour empêcher ce rassemblement, le ministre de la jeunesse annonça que le stade serait fermé et le ministre de l’intérieur interdit la réunion. Quant au capitaine Dadis Camara, il décréta la journée fériée. Les opposants ayant bravé les diverses interdictions, l’armée intervint, avec une violence disproportionnée, aidée par des miliciens libériens[11], ce qui fut confirmé dans une conférence de presse par JeanMarie Doré, leader de l’UPG, blessé dans le stade de Conakry le 28 septembre et qui affirma avoir identifié des miliciens de l’Ulimo. Ces derniers sont peut-être les responsables des exactions commises sur les civils, et notamment les nombreux enlèvements et viols qui scandalisèrent les Guinéens et l’opinion internationale. Le rapport de la commission d’enquête mise en place par l’ONU pour déterminer les commanditaires, les responsables et les auteurs des massacres du 28 septembre parle de « crime contre l’humanité » et accuse le chef de la junte, Moussa Dadis Camara, son garde du corps et neveu, Marcel Guilavogui, Aboubacar Toumba Diakité son aide de camp malinké, Moussa Tiégboro Camara, ministre de la Lutte antidrogue et du grand banditisme et Claude Pivi dit « Coplan », Toma en charge de la sécurité présidentielle. C’est ce dernier qui, afin de contrebalancer l’influence des Malinké au sein de la junte, et compte tenu de la faiblesse démographique des Forestiers, aurait recruté des miliciens libériens. Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Jeune Afrique M. Mohamed Bedjaoui, président de la Commis-

sion d’enquête de Guinée a déclaré :

l’Onu

sur

la

« Les actes de violence constatés, par leur nature, leur ampleur et leurs caractéristiques, dénotent une coordination entre les bérets rouges de la garde présidentielle, les gendarmes du commandant Tiegboro, ainsi que des miliciens. Ces trois forces ont encerclé le stade, bloqué les issues, pénétré dans l’enceinte, lancé des gaz lacrymogènes et ont commencé à tirer, tuant et blessant des centaines de manifestants et en soumettant d’autres à des violences sexuelles. Tous les indices montrent que cette attaque était coordonnée et organisée » (Jeune Afrique, 27 décembre 2009, p.23). Le climat délétère se mua en situation de pré-guerre civile. Acculé, le pouvoir accusa la France de comploter contre la Guinée, cependant que les divers courants ethniques composant la junte s’opposaient, l’armée s’émiettant en factions ethniques et même inter ethniques. Craignant un embrasement régional, la Cedeao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) désigna un médiateur en la personne du président du Burkina Faso, M. Blaise Compaoré. Dans ce contexte pesant, le lieutenant Boubacar Sidiki « Toumba » Diakité, un Malinké originaire de Mandiana en Haute Guinée, accusa le capitaine Dadis Camara de vouloir lui faire endosser la responsabilité des massacres du 28 septembre dans le stade de Conakry. Le 3 décembre 2009, il ouvrit le feu sur le chef de la junte, tuant plusieurs de ses gardes du corps et le blessant à la nuque et au visage. Etait-il le coupable ou le bouc émissaire idéal ? Il est trop tôt pour le dire. Notons simplement que plusieurs témoignages le disculpent, notamment celui de l’ancien pre-

[9] Les officiers malinké furent épurés par le général Lansana Conté après le putsch de 1985 et, pensant que les membres des ethnies forestières ne présentaient pas de danger pour lui, il favorisa leur progression dans l’armée. Après la mutinerie de 1996 menée par des officiers kissi, il épura ces derniers, mais ni les Kpélé-Guerzé, ni les Kono, ni les Toma et les Tomamania ne furent inquiétés. [10] Composé, entre autres, du RPG (Rassemblement du peuple de Guinée) d’Alpha Condé (Malinké), du PEDN (Parti de l’espoir pour le développement national) de Lansana Kouyaté (Malinké), de l’UFR (Union des forces républicaines) de l’ex-Premier ministre Sidya Touré (Soso), de l’UPG (Union pour le progrès de la Gunée) de Jean-Marie Doré (Kpelé-Guerzé) etc. [11] Du Lurd (Libériens Unis pour la Réconciliation et la Démocratie) de Sekou Damate Koné et de l’Ulimo (Mouvement uni de libération du Lberia pour la démocratie) d’El Hadj Kromah.

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mier ministre François Lonseny Fall qui a déclaré que c’est lui qui l’avait sauvé du massacre le 28 septembre.

Le retour des Malinké ? Le général de brigade Sékouba Konaté, numéro trois du CNDD (Conseil national pour la démocratie et le développement) prit la tête de la junte après l’évacuation sanitaire de son numéro un, le capitaine Dadis Camara, transporté au Maroc, et compte tenu de l’hospitalisation de son numéro deux, le général de di-

vision Mamadouba « Toto » Camara, un Soso. Né en 1966[12] de père Malinké musulman originaire de Kankan en pays mandingue (malinké) et de mère métisse libano-Kissi et chrétienne, il est marié à une femme peul. Brillant officier, il a suivi les cours de l’Ecole d’application de l’infanterie à Monpellier, puis, en 1996, il fut breveté Chef de section parachutiste à Pau. Dans les années 2000-2002, il combattit dans l’est de la Guinée contre les milices infil-

trées de Sierra Leone et du Liberia, puis il fut le commandant du Bata (Bataillon autonome des troupes aéroportées). Est-il l’ « ange blanc » au milieu des démons ? Ses adversaires l’accusent d’avoir des liens avec des groupes rebelles libériens, notamment ceux du Lurd, sans que rien ne permette toutefois de l’établir. Quoiqu’il en soit, avec lui, les Malinké semblent avoir repris le pouvoir, mais qui va l’emporter des Malinké ou des Peul ? Le poids des seconds dans l’armée est faible. Quant aux Forestiers, marginalisés à la suite des exactions du 28 septembre, ils n’en demeurent pas moins les arbitres de la situation avec les Soso, mais ces derniers sont divisés. Le principal problème qui se pose est celui des apparentements ethniques transfrontaliers. Les GuerzéKpelé sont ainsi apparentés aux Kpelé, le principal groupe ethnique du Liberia où il totalise 21% de la population, pour leur part ; les Toma y constituent 7% de la population et les Kissi 5%, mais également 3% en Sierra Leone. Or, dans ces deux pays, les plaies des terribles guerres de la décennie 1990 ne sont pas encore cicatrisées. Si la Guinée explosait, le risque de contagion y serait donc réel ainsi qu’en Côte d’Ivoire où le processus électoral destiné à mettre un terme à la guerre civile vient de débuter.

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[12] Les renseignements sont contradictoires à ce sujet, soit à Kissidougou, soit à Conakry selon les sources.

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Avec l’anti racisme et l’apologie du métissage, la nouvelle croyance obligatoire imposée aux robots citoyens est celle du mythe du réchauffement global et continuel de la planète. Or, et par définition, le propre du climat est de changer. Dans ce dossier, nous publions le long et passionnant entretien que le climatologue Marcel Leroux, chef de file des « climato sceptiques », nous a accordé quelques mois avant sa mort, et dans lequel il fait litière des affirmations assénées ad nauseam par les médias et les hommes politiques, toujours à l’affût d’une nouvelle chimère à chevaucher. La seconde partie de ce dossier est une étude géo-historique du climat africain menée sur la longue durée, ce qui permet de voir que le scénario catastrophe défendu par les « réchauffistes » n’est qu’un mythe. L’histoire de l’Afrique s’est en effet inscrite dans les oscillations du climat et les changements qui en résultèrent en furent autant de moteurs.

Les « réchauffistes » sont en contradiction avec leurs propres postulats quand ils présentent le prétendu « réchauffement global » de la planète comme une catastrophe. Si ce dogme était scientifiquement vérifié, ils devraient au contraire bondir de joie puisque l’élévation des températures entraînera une augmentation des précipitations. L’Afrique pourra alors ouvrir à l’agriculture des immensités aujourd’hui désertiques.

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ENTRETIEN AVEC MARCEL LEROUX Né le 27 août 1938 et décédé le 12 août 2008, Marcel Leroux, Professeur Emérite de Climatologie à l’Université Jean Moulin Lyon III, fut le directeur du LCRE (Laboratoire de Climatologie, Risques, Environnement) du CNRS (UMR 5600, Lyon). Membre de l’American Meteorological Society et de la Société Météorologique de France, il est l’auteur de plusieurs ouvrages climatologiques fondamentaux. Sa méfiance vis-à-vis du dogme réchauffiste global est résumée dans la citation suivante : « Le réchauffement glo-

bal est une hypothèse issue de modèles théoriques et fondée sur des relations simplistes, qui annonce une élévation de la température, proclamée mais non démontrée. Les contradictions sont nombreuses entre les prédictions et les faits climatiques directement observés, l’ignorance délibérée de ces distorsions flagrantes constituant une imposture scientifique ».

Afrique Réelle : Marcel Leroux, vous

êtes climatologue spécialiste des zones tropicales et plus particulièrement de l’Afrique. Avant de parler de ce continent, pourriez-vous nous expliquer comment est né le mythe du réchauffement global que vous définissez comme un « scénario gratuit[1] »? Marcel Leroux : La manipulation, car il y a manipulation, débute en 1988, quand les Etats-Unis vécurent dramatiquement une sécheresse accompagnée de vents de poussière, qui évoquaient pour eux les tristes années 1930 du « dust-bowl » (célèbre dans la littérature par « Les raisins de la colère » de J. Steinbeck). J. Hansen, de la NASA, présenta en juin 1988 devant le Congrès une courbe sur laquelle il ajouta astucieu-

sement à des moyennes annuelles, une moyenne établie sur les 5 derniers mois, ce qui eut pour effet de faire grimper artificiellement la courbe thermique des Etats-Unis. Ce procédé malhonnête déclencha alors la « panique climatique » (déjà préparée de longue date par les mouvements écologistes) qui conduisit rapidement (en 1989) à la création du GIEC[2]. A partir de cette date, le nombre de prétendus climatologues augmenta de façon vertigineuse (le plus souvent autoproclamés, ou désignés par les gouvernements, comme cet « expert national chargé du changement climatique » qui est… physicien nucléaire !). Le climat devint l’affaire des organisations écologistes, de journalistes dits scientifiques, des médias et des politiques. Dans le même temps tout fut hyper simplifié, et devint même ultra simpliste : l’effet de serre, et notamment le CO2, « est » (sans discussion possible) le facteur « unique » du changement climatique et de tous les phénomènes météorologiques ! Il faut préciser que le GIEC, dans ses différents rapports (1990, 1995, 2001 et 2007), établit les bases scientifiques du climat (cf. www.ipcc.ch), mais de façon très orientée. Car il n’existe pas de consensus parmi les scientifiques, et tous les « sceptiques » sont systéma-

tiquement écartés, ce qui évite ainsi « officiellement » tout débat[3]. Ces rapports scientifiques servent à des délégués désignés par les gouvernements, et dénommés « experts » (donc des politiques ou des scientifiques politisés), à établir (comme à Paris en février 2007) le Résumé pour Décideurs (Summary for Policymakers). C’est à l’occasion de ces réunions que sont orchestrés, avec force simplifications et marchandages, voire mensonges éhontés, les « coups » médiatiques destinés à impressionner l’opinion, comme en 1995 lorsque fut introduite (hors débat scientifique) la phrase, toujours non prouvée, de « la responsabilité de l’homme dans le changement climatique ». On est alors très loin du climat lui-même ! Mais c’est ce document qui fait « autorité », qui est diffusé et exploité par les politiques et par les médias qui surenchérissent dans le catastrophisme du réchauffement… avec la même assurance et la même vigueur que dans les années 1970 lorsqu’ils annonçaient le retour d’un « nouvel âge de glace » ! Réelle : Au centre des alarmes du GIEC se trouve la question de l’effet de serre et du CO2 dont on nous dit que leurs augmentations procèdent de causes humaines. Qu’en est-il exactement ? Afrique

[1] La « substantifique moelle » de cet entretien a été publiée dans la Nouvelle Revue d'Histoire, n°31, juillet-août 2007. [2] Groupement Intergouvernemental pour l'Etude du Climat. [3] Ces rapports précisent toutefois le degré des incertitudes qui sont multiples, incertitudes qui sont ensuite occultées.

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Marcel Leroux : L’effet de serre est principalement, et de très loin (de l’ordre de 95%) associé à la vapeur d’eau. Le dioxyde de carbone, ou CO2, ne représente quant à lui que 3,62% de l’effet de serre, soit 26 fois moins que la vapeur d’eau. La vapeur d’eau étant à (presque) 100% d’origine naturelle, comme la majeure partie des autres gaz émissifs (CO2, et CH4 ou méthane), l’effet de serre est donc essentiellement un phénomène naturel. Une faible proportion (effet de serre dit anthropique) peut être attribuée aux activités humaines, pour une valeur totale de 0,28% de l’effet de serre total, dont 0,12% pour le seul CO2, c’est-à-dire une proportion insignifiante, voire tout à fait négligeable. Cela n’empêche pas le GIEC de fausser complètement les données du phénomène de l’effet de serre, ni d’hyper simplifier la « science », en ignorant la vapeur d’eau et en considérant qu’il existe une relation (très hypothétique) entre le CO2 et la température. Or, pour établir une relation directe entre ces deux paramètres, il conviendrait d’abord de savoir si le taux de CO2 mesuré est représentatif de la concentration réelle. Le niveau de concentration en CO2 est mesuré depuis 1958 par la méthode spectroscopique (à partir d’un gaz de référence). « Les laboratoires Keeling délivrent les gaz de référence à travers le monde et ont le monopole de la calibration » (E. Beck, 2006). Les mesures précédentes faisaient appel à des méthodes chimiques, qui pour l’essentiel ont été ignorées par Keeling. Pourtant la détermination chimique ne montre pas de concentration préindustrielle de 285 ppm[4] (cf. GIEC), mais une moyenne de 321 ppm au 19ème siècle et 338 ppm au 20ème siècle, de fortes variations de concentration, notamment au 20ème siècle où le niveau le plus élevé a atteint 420 ppm vers 1942, et révèle de fortes contradictions avec les reconstructions issues des glaces, qui ne sont pas comparables

avec les mesures atmosphériques. Une telle comparaison ne peut être valide que pour une période très récente, c’est-à-dire pour les niveaux proches de la surface. Z. Javorowski (2004) a en effet démontré que de nombreux processus « modifient drastiquement la composition chimique des bulles d’air emprisonné dans la glace », et qu’ainsi « les concentrations en CO2 des inclusions de gaz dans la glace polaire profonde révèlent des valeurs inférieures à celles de l’atmosphère contemporaine ». Il est donc stupide de prétendre que les valeurs « actuelles », qui sont elles-mêmes peu pertinentes, n’ont jamais été aussi élevées (depuis… 650 000 ans selon la dernière affabulation !), puisque les valeurs estimées et les mesures directes ne sont pas comparables. Les chimistes glaciologues (comme J. Jouzel) devraient donc, avant de se proclamer climatologues, prouver qu’ils sont capables de fournir une estimation fiable des valeurs passées ! En outre, les études paléo climatiques n’ont pas révélé de relation entre le CO2 et la température. Notamment (en sus des erreurs d’appréciation soulignées ci-dessus) parce que 100 ppm séparent des périodes aussi différentes que le DMG (Dernier Maximum Glaciaire : 5°C de moins que l’actuel) et l’OCH (Optimum Climatique Holocène), et parce que l’OCH a connu 2 à 3 °C de plus que l’actuel pour une valeur supposée d’environ « 300 ppm », qui est inférieure au taux actuel. Egalement, parce qu’une hausse de la température précède une hausse du taux de CO2 (avec un décalage de l’ordre de 800 ans, et souvent davantage). Alors, pourquoi une relation qui n’a pas fonctionné dans le passé fonctionnerait-elle dans le présent ? En conséquence, aucune relation causale, physiquement fondée, prouvée et quantifiée, n’a été établie entre l’évolution de la température (hausse, mais aussi baisse) et la variation de l’effet de serre par le CO2. A fortiori, aucune relation n’est démontrée entre les activités hu-

maines et le climat : l’homme n’est en aucune façon responsable du changement climatique. Afrique Réelle : L’idéologie domi-

nante soutient que non seulement le réchauffement aurait une cause humaine, mais que, de plus, il serait global. Les réalités régionales confirment-elles ce dernier postulat ? Marcel Leroux : La température moyenne dite « globale » a augmenté de 0,74 °C au cours de la période 1906-2005 (cf. GIEC, 2007). Cette augmentation est-elle globale ? Non, car les données d’observation montrent que des régions se réchauffent tandis que d’autres se refroidissent. Ainsi, les hautes latitudes de l’hémisphère nord ne connaissent pas une évolution thermique homogène. Certaines régions se sont refroidies comme l’Arctique occidental et le Groenland, tandis que d’autres se sont réchauffées comme la Mer de Norvège et ses pourtours, à l’échelle annuelle de l’ordre de ± 1°C et en hiver de l’ordre de ± 2°C, au cours de la période 1954-2003 (ACIA, 2004). Les champs thermiques sont semblables à l’échelle annuelle comme à l’échelle hivernale, ce qui signifie que les mécanismes sont identiques toute l’année. L’hiver montre une hausse de l’intensité, aussi bien pour le chaud que pour le froid, ce qui souligne une intensification hivernale des mêmes processus climatiques. Il faut également remarquer que l’espace Pacifique Nord connaît une évolution comparable avec refroidissement sur la Sibérie orientale, particulièrement en hiver, et un fort réchauffement sur l’Alaska et le détroit de Béring. Il est donc absolument inexact de prétendre que la planète se réchauffe : le « changement climatique » n’est pas synonyme de « réchauffement global ». Pas plus qu’il n’existe de climat « arctique moyen », il n’existe de climat « hémisphérique moyen », et encore moins de « climat global ». Se pose alors une question fon-

[4] Ppm= parties par million.

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damentale : une moyenne (comme celle sur laquelle se fonde le GIEC) de comportements thermiques aussi divers, et même carrément opposés, a t-elle une valeur climatique globale ? Certainement aucune ! La question est d’importance car si le CO2« explique » le réchauffement, il doit aussi expliquer le refroidissement… ou bien une autre explication doit être trouvée, sinon des secteurs voisins, chauds et froids, pourraient – simultanément – se comporter différemment en obéissant à la même cause. Afrique Réelle : Parmi les exemples

les plus médiatisés, l’on nous présente l’arctique en phase de réchauffement avec la disparition programmée du pôle nord. Là encore quelle est la réalité scientifique ? Marcel Leroux : Les hautes latitudes concentrent l’attention des médias, qui annoncent en effet un « extraordinaire » réchauffement

des Pôles, en particulier du Pôle Nord (en dépit des observations de l’ACIA). Mais d’où proviendraient alors les vagues de froid, et notamment ce froid hivernal si sévère en Californie ou dans les plaines américaines, sachant que le froid vient du pôle ? Mais il est si tentant de s’apitoyer de manière pleurnicharde sur les malheurs de l’ours blanc, en évitant, bien entendu, de citer les Services U.S., canadiens et russes qui estiment que les ours sont actuellement plus nombreux qu’il y a quarante ans, proches de leur maximum historique. Au Canada sur 20 peuplements, 19 sont ainsi restés stables ou ont vu leur nombre augmenter, sauf dans l’ouest de la baie d’Hudson… où 234 ours ont été abattus par les chasseurs au cours des 5 dernières années ! Les variations climatiques observées aux pôles, ne doivent rien à l’effet de serre, et sont associées à l’intensification de la circulation générale depuis les années 1970, qui re-

Les incohérences des « réchauffistes » : Comme le fait remarquer Marcel Leroux : « Les périodes chaudes ont toujours été des périodes fastes, comme par exemple au début de notre ère lors des années triomphantes de la République Romaine et de l’Empire, ou lors de l’épopée des Vikings vers le Groeland et l’Amérique du Nord, lorsqu’un optimum climatique régnait sur l’Europe centrale et occidentale entre 1150 et 1300, déplaçant les cultures et en particulier celle de la vigne de 4 à 5 degrés vers le nord, le « doux douzième » (« gentle twelfth century ») représentant alors dans la tradition écossaise un « âge d’or » avec ses hivers doux et ses étés secs, puis après une chute des températures le retour de l’Optimum Climatique Médiéval (OCM) qui a notamment favorisé les grands voyages de découvertes. Par opposition, les épisodes froids ont été considérés comme « des périodes sombres » (« dark ages »), comme celle qui après 1410 a coupé les relations avec le Groenland, ou celle du Petit Age de Glace entre 1600 et 1850, qui a atteint sa plus grande rigueur vers 1708-1709 dénommée par Réaumur « l’année du grand hiver », période au cours de laquelle les glaciers alpins ont atteint une grande extension, comme en témoignent en 1789 les Cahiers de Doléances des paysans chamoniards dont les prairies étaient envahies par la glace. Il est donc « incompréhensible » que les médias puissent faire admettre que la chaleur est synonyme de calamité, en particulier à des gens qui au cours de l’hiver ne pensent qu’à l’été, et qui rêvent au moins pour leur retraite de résider dans le Midi, ou en Espagne, voire au Maroc … mais au soleil ! Même « l’invraisemblable douceur » du mois de décembre 2006 et la facture de chauffage allégée sont présentées par les médias comme des catastrophes ! La mémoire en ce domaine est très sélective, car on omet de rappeler l’automnale fraîcheur du surprenant mois d’août précédent, et on s’empresse d’oublier l’hiver 2005-2006 qui a battu des records de froid, ou de chutes de neige, ou bien l’hiver 2000 lorsque la Sibérie a enregistré ses plus basses températures, et que la Mongolie a fait appel à l’aide internationale ».

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présentent un véritable tournant climatique. Le slogan médiatique est que le « Groenland fond… », ce qui est vrai dans les basses couches sur les pourtours baignés par l’air chaud venu du Sud (en 1816 et 1817 par exemple, on avait déjà pu atteindre le pôle en longeant les côtes groenlandaises). Mais le satellite prouve que la partie sommitale du Groenland se refroidit et s’élève de 6 cm par an (en raison du gain de masse lié au transport accru de potentiel précipitable qui nourrit des chutes de neige abondantes). Dans l’espace de l’Atlantique Nord le phénomène est bien connu et il n’a rien de commun avec ce que nous disent les spécialistes auto proclamés. Ainsi, l’Arctique occidental se refroidissant, les anticyclones mobiles qui quittent le pôle sont plus puissants et les remontées d’air cyclonique associé aux dépressions transportent davantage d’air chaud et humide d’origine subtropicale, voire tropicale, vers la Mer de Norvège et au-delà. La température s’élève et, conséquence, les précipitations (neigeuses en altitude, sur le Groenland et la Scandinavie) augmentent, tandis que la pression baisse et que la tempêtuosité s’accroît, avec des dépressions plus nombreuses atteignant des latitudes plus septentrionales (A. Pommier, 2005). L’Europe occidentale, située sur la trajectoire des remontées cycloniques de sud, bénéficie aussi d’un réchauffement, voire localement d’un excès de pluie. Sur l’Atlantique, l’Agglutination Anticyclonique (AA), couramment appelée anticyclones des Açores, est plus puissante et plus étendue vers le sud, ce qui fait que le Sahel Atlantique et notamment l’archipel du Cap-Vert subissent une sécheresse plus prononcée que sur le continent voisin. La Méditerranée qui prolonge cet espace atlantique est plus froide et plus sèche sur son bassin oriental (comme sur l’Europe centrale), tandis que la pression de surface est également croissante. Afrique Réelle : L’on nous dit égale-

ment que l’Antarctique se disloque. Là encore sommes-nous face à une désinformation ? PAGE 10

Marcel Leroux : Oui car l’Antarctique est particulièrement stable (bénéficiant même d’un gain de masse dans sa partie orientale), sauf la Péninsule Antarctique. Ici, en raison de la latitude de la Péninsule et de la présence des Andes qui canalisent vigoureusement vers le sud le flux cyclonique chaud et humide (M. Leroux, 2005), les dépressions australes connaissent une évolution remarquable car elles sont de plus en plus creusées tandis que leur trajectoire est de plus en plus méridionale, et que la température de l’air est croissante (A. Pommier, 2006). Ainsi, comme dans le voisinage de la Mer de Norvège (ou encore dans la région Alaska-Détroit de Béring), le réchauffement de la Péninsule Antarctique, faussement attribué par le GIEC à l’effet de serre, est commandé par une intensification des échanges méridiens qui transfèrent vers le pôle davantage d’air chaud et humide de lointaine origine tropicale. Afrique Réelle : « Les glaciers dispa-

raissent… » dit-on aussi. Marcel Leroux : Pourquoi ne pas dire qu’ils ont été plus réduits encore dans les Alpes au Moyen Age, et que la longueur de la langue glaciaire dépend de leur alimentation en neige antérieure à l’actuel ? C’est d’autant plus vrai à l’altitude des neiges du Kilimandjaro, proches de 6000 mètres, où ce n’est pas la température (ici inférieure à 0°C) qui a varié, mais (comme ailleurs) les conditions dynamiques de la pluviosité, avec notamment un glissement vers le sud, plus ou moins marqué et prolongé, de la structure pluviogène de l’EMV (Equateur Météorologique Vertical) (M. Leroux, 1983, 2001). Afrique Réelle : Venons-en aux Tro-

piques et à la question de l'Afrique, notamment à celle des variations de la forêt et du désert. Marcel Leroux : Les Tropiques ne sont pas épargnés par le catastrophisme. On proclame en particulier que « les cyclones tropicaux

On prétend que le « Gulf Stream va s’arrêter » … alors qu’il faudrait pour cela que le vent qui est le moteur des courants marins superficiels, cesse de souffler, c’est-à-dire que toute la circulation aérienne comme océanique soit bloquée, ce qui est naturellement invraisemblable ! On dit encore que « la mer monte » … mais aucune courbe ne le prouve, sauf pour quelques hypothétiques centimètres (12 cm en 140 ans), et aucune terre n’a encore disparu, l’évolution du niveau de la mer dans la fameuse île Tuvalu n’étant jamais montrée, certainement parce que les mesures effectuées depuis 1978 par l’Australian National Tidal Facility ne révèlent aucune tendance haussière » Marcel Leroux. «

vont augmenter… ». L’exemple de « Katrina » est ainsi exploité sans vergogne, alors que la puissance de ce cyclone avait fortement décliné avant d’atteindre La NouvelleOrléans, et surtout que la rupture des digues était une catastrophe annoncée depuis déjà fort longtemps… Les spécialistes de météorologie tropicale affirment qu’aucune tendance à la hausse n’est observée, le Colloque sur les Cyclones Tropicaux tenu au Costa Rica sous l’égide de l’Office météorologique mondial en décembre 2006 a même conclu que « aucun cyclone ne peut être directement attribué au changement climatique ». Ch. Landsea, spécialiste incontesté des cyclones, a préféré démissionner du GIEC pour « ne pas contribuer à un processus motivé par des objectifs préconçus et scientifiquement non fondés ». Mais les dégâts provoqués par les cyclones offrent de si « belles images » larmoyantes aux revues et aux journaux télévisés ! Sur l’Afrique, continent tropical par excellence, les changements climatiques sont directement observables, en raison notamment de la translation en latitude des zones climatiques (M. Leroux, 1983, 2001). L’évolution subsaharienne récente offre, toutes proportions gardées, le reflet atténué des évolutions passées. Au cours des années soixante (années « chaudes » de l’Optimum climatique contemporain) une pluviométrie supérieure à la normale avait fait remonter la zone sahélienne vers le nord, empiétant sur le désert (on peut souligner qu’à la même époque en Eurasie du Nord et au Canada, la forêt boréale et l’exploitation agricole gagnaient également vers le nord). Puis à partir de 1972, la pluviométrie a dramatiquement décru, le désert s’est

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étendu et le Sahel a progressivement glissé vers le sud, affectant même les zones soudaniennes réputées pluvieuses. Or, à l’échelle paléo climatique les bouleversements ont été beaucoup plus importants (en relation avec les variations orbitales du rayonnement). Lors du DMG (Dernier Maximum Glaciaire) les étendues désertiques, et les formations dunaires, considérablement étendues, empiétaient sur les zones soudaniennes au point de faire quasiment disparaître le peuplement forestier, confiné dans des positions refuges proches de l’équateur, abritées (notamment par le relief) des vents forts et secs du nord et du sud (voir les cartes jointes). Lors de l’OCH (Optimum Climatique Holocène) la rapide reconquête par la forêt dépassait très largement l’étendue actuelle, le Sahara parsemé de lacs et marécages, et parcouru par des éleveurs comme l’attestent les nombreux dessins rupestres, recevait des pluies relativement abondantes d’origine à la fois méditerranéenne et tropicale. Or, il faut bien voir que toutes les périodes « chaudes » ont été en Afrique des périodes pluvieuses, de l’OCH à l’optimum contemporain, en passant par le Moyen Age qui a permis la prospérité (entre 1200 et 1500) des grands empires sahélo soudaniens. La diminution actuelle de la pluie au sud du Sahara est ainsi tout le contraire d’un scénario de « réchauffement », apportant un démenti flagrant à ce que prétend le GIEC. Il faut en effet souligner que sous les Tropiques les précipitations tombent majoritairement en saison chaude, et si un réchauffement devait réellement se produire, il se traduirait par une amélioration pluviométrique. Le glissement acPAGE 11

tuel vers le sud de la zone sahélienne (de l’ordre de 200 à 300 km) s’inscrit au contraire depuis les années 1970, comme au DMG où la migration vers le sud a dépassé 1000 km, dans un schéma d’intensification de la circulation générale, qui témoigne d’un lent refroidissement des pôles. Ce refroidissement observé qui contredit encore le scénario infondé du GIEC, des écologistes et des médias, augmente la puissance des phénomènes extratropicaux, accroît la pression des Agglutinations Anticycloniques subtropicales, et réduit progressivement l’étendue de la zone tropicale (M. Leroux, 1996). Afrique Réelle : Vous disiez hors entre-

tien que la grande victime des actuelles manipulations est d’abord la discipline climatologique elle-même. Que voulez-vous dire par là ? Marcel Leroux : Les climatologues ne sont pas écoutés. On préfère tout mélanger : climat, pollution, écologie et écologisme, développement durable, scoops médiatiques, propagande et faits réels (souvent déformés), politique et intérêts économiques (avoués et inavoués). Ainsi les incohérences, les affirmations gratuites, les impossibilités physiques et les mensonges éhontés sont multiples. Les prédictions (souvent de

caractère « hollywoodien ») sont issues de modèles climatiques dont l’efficacité est fortement discutée. En premier lieu, et c’est le comble pour des modèles numériques, par les mathématiciens eux-mêmes qui jugent que « les modèles employés sont à ce point sommaires, grossiers, empiriques, fallacieux, que les conclusions qui en sont tirées sont dépourvues de toute valeur prédictive » (B. Beauzamy, 2006). En outre, ces modèles ne représentent pas la dynamique réelle de la circulation générale, alors que le temps et le climat (qui est la « somme » des temps) dépendent étroitement de la dynamique des échanges méridiens d’air et d’énergie, donc de la circulation générale et de ses variations. En bref, au lieu de tirer des plans très hypothétiques sur la comète 2100, la climatologie, dans une impasse conceptuelle depuis une cinquantaine d’années, devrait plutôt chercher à contribuer efficacement à déterminer les mesures idoines de prévention et d’adaptation au climat du futur proche, climat dont l’évolution ne dépend en aucune façon du CO2, et dont l’homme n’est en aucun cas responsable (sauf dans le cadre limité des villes). Car le changement climatique – c’est le propre du climat que d’évoluer constamment – est bien réel, et antinomique

d’un scénario « chaud » comme le prouve la hausse continue de la pression atmosphérique sur la trajectoire des anticyclones mobiles et dans les régions d’Agglutinations Anticycloniques. C’est en particulier cette hausse de pression, et non le CO2, il faut le souligner, qui est responsable dans nos régions, à la fois de longues séquences sans pluie (ou sans neige en montagne) lorsque la situation reste longtemps anticyclonique, ou des périodes de chaleur, voire de canicule comme en août 2003 (la conductivité de l’air étant meilleure lorsque la pression est élevée), chaleur accompagnée de forte évaporation et de sécheresse. Ce changement du climat n’est pas celui qui est prédit par le GIEC. Mais les théoriciens et les modélisateurs se soucient peu de l’observation des phénomènes réels. Ce sont les raisons et les mécanismes de ce changement permanent qu’il convient à la climatologie de définir sérieusement. Dans le même temps les autres disciplines, desservies par le mélange des genres et qui n’ont pas besoin de l’illusoire épouvantail climatique, pourront elles-mêmes se consacrer efficacement à lutter contre la pollution, ou à favoriser le développement durable.

Références bibliographiques de l’entretien ACIA (2004). Arctic Climate Impact Assessment(amap.no/acia/index.html). Beauzamy, B., (2006). Le réchauffement climatique : mystifications et falsifications. Société de Calcul Mathématique, SA, note adressée au Secrétariat Général de la Défense Nationale, février 2006. 10 p. Beck, E., (2006). 180 years accurate CO2-Gasanalysis of air by chemical methods. Merian-Schule, Freiburg. Jaworowski, J., (2004). Climate Change : incorrect information on pre-industrial CO2. Statement for the US Senate Committee on Commerce, Science and Transportation (www.john-daly.com/zjiceco2.htm). Leroux, M., (1996, 2001). La dynamique du temps et du climat, Masson-Sciences, Dunod, 367 p.

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LES GRANDES ÉVOLUTIONS DU CLIMAT AFRICAIN ET LEURS INFLUENCES SUR L'HISTOIRE DES POPULATIONS PAR

BERNARD LUGAN

Par le passé, le climat de l’Afrique a constamment changé et ce fut sur ses oscillations que l’homme prit possession du continent. Sans même remonter à plusieurs millions d’années, il est possible de constater que depuis 100 000 ans, la colonisation de l’espace par l’Homme moderne s’est faite d’abord dans une Afrique froide, donc aride[1], puis dans une Afrique chaude, donc humide.

Les évolutions climatiques entre 60 000 et 10 000 avant nos jours A partir d’il y a +- 60.000 ans, au Pléistocène final, l’Europe occidentale connût un climat extrêmement froid et les îles britanniques furent en partie recouvertes par des glaciers. L’Afrique se refroidit elle aussi et, par conséquent, les pluies y diminuèrent, entraînant dans certaines régions, dont le Sahara, une phase aride et même hyper aride avec une baisse du débit des cours d’eau et du niveau des lacs. Cette phase d’hyper aridité découlait du refroidissement du climat et donc de la réduction de la zone tropicale. Le phénomène connût une accentuation il y a 30.000 ans. L’étendue du désert fut alors plus importante qu’aujourd’hui et l’aridité plus absolue. Le Sahara central perdit ainsi ses lacs dont le lac Tchad, et se couvrit de dunes de sable. Durant cet épisode aride l’homme disparût du Sahara et de ses bordures méridionales pour se replier dans deux directions : 1) Vers la vallée du Nil où ils furent pris en tenaille par les déserts de l’est et de l’ouest[2]. Il y a 18.000 ans, la vallée du Nil fut envahie par le sable, puis les deux Nil et l’Atbara se transformèrent en cours d’eau saisonniers. Le Nil Blanc pourrait

La longue durée africaine permet de mesurer l’ampleur de la manipulation climatique opérée par les partisans de la thèse du « réchauffement global » attribué à des causes humaines. L’exemple du Sahara devrait les rendre plus prudents car le désert n’a pas toujours occupé l’espace qui est le sien aujourd’hui. Par le passé, il fut tantôt plus vaste et tantôt plus réduit, disparaissant même lors de certains épisodes chauds, donc humides. Or, ces changements n’eurent évidemment aucune cause humaine car, durant ces lointaines époques, les populations ignoraient le moteur diesel ou l’énergie tirée du charbon… même s’être en partie asséché en raison des changements climatiques que connaissait alors l’Afrique des hautes terres. 2) Le second grand refuge fut le sud de l’actuel Sahel où le refroidissement, donc l’aridité, connut une ac-

célération vers -20.000, entraînant le recul de la forêt et l’extension du Sahara. Encore plus au sud, entre -70.000 et -40.000 ans, la zone forestière connut, elle aussi, un climat froid donc aride (en moyenne baisse de 4°), avec pour conséquence le recul

[1] En Afrique, climat froid correspond à aridité et climat chaud à humidité. [2] De plus, il y a 30000 ans, le Nil a connu d’énormes inondations noyant périodiquement ou peut-être même régulièrement toute la vallée. Voir à ce sujet l’article de Bernard Lugan intitulé « L’Egypte, fille du climat », publié dans la Nouvelle Revue d’Histoire, n° 31, juillet-août 2007, p. 19.

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de la sylve. De -30.000 à -12.000, période contemporaine de la glaciation wurmienne ou Dernier maximum glaciaire en Europe, les températures de la région forestière baissèrent de 6 à 9° avec un maximum d’intensité dans la seconde partie de la période, c’est-à-dire entre -20.000 et -12.000. La forêt disparut alors quasiment, n’existant plus que comme relique[3].

Les évolutions climatiques entre +- 10.000 et 1000 av. JC Quatre périodes peuvent être distinguées durant cette séquence : 1) Le Grand Humide holocène[4] ou Optimum climatique holocène qui s’étend de 7000 à 4000 av JC englobe partiellement l’Humide néolithique et il présente de profondes différences régionales : - En Afrique du Nord la végétation

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Pour l’ensemble du continent, le pic de la phase d’aridité se situa entre

-18.000 et -15.000. L’océan fut alors à son plus bas niveau. En Afrique orientale, les grands lacs atteignirent leur niveau le plus bas avec une baisse de 75 m de celui du lac Victoria. Il en fut de même avec les lacs Kivu et Tanganyika, tandis que dans la vallée du Rift, le phénomène fut encore plus intense. Puis le climat changea à nouveau et, vers +10 000, l’Afrique redevint chaude et humide avec pour conséquence le recul des déserts et le développement de la forêt.

Contrairement à ce que croient les « réchauffistes », ce n’est pas l’augmentation des températures qui entraîne la sécheresse, mais tout au contraire le refroidissement. Entre 18.000 et 15.000 ans par rapport à nos jours, lors du Dernier Maximum Glaciaire (DMG), les températures africaines moyennes étant inférieures de 5° à celles que nous connaissons aujourd’hui. Le froid ayant pour résultat mécanique de ralentir le volume des pluies, le désert du Sahara s’étendit considérablement vers le Sud, tandis que la forêt tropicale et équatoriale disparut quasiment.

Entre 9000 et 6000 par rapport à nos jours, lors de l’Optimum Climatique Holocène (OCH), les températures africaines moyennes étaient supérieures de 2°C à celles que nous connaissons aujourd’hui. Cette élévation de la chaleur provoqua une augmentation mécanique des pluies et la forêt s’étendit, débordant très largement son étendue actuelle. Le Sahara recevant des précipitations d’origine à la fois méditerranéenne et tropicale, ses parties désertiques se rétractèrent considérablement et il fut parsemé de lacs et de marécages.

[3] Cette période fut entrecoupée vers +- 24 000 +- 22 000 par une oscillation chaude, donc humide. [4] L’Holocène, étage géologique le plus récent du Quaternaire, débute il y a 12000 ans environ, à la fin de la dernière glaciation et voit l’apparition des premières cultures néolithiques.

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méditerranéenne colonise l’espace vers le sud jusqu’à plus de 300 km de ses limites actuelles. - Au Sahara, avec les précipitations, la faune et les hommes sont de retour et les premières gravures rupestres apparaissent vers 8000 av JC[5]. - Dans la région du Sahel, la zone des savanes remonte de 500 à 1000 km vers le Nord. - En Afrique orientale, les lacs se remplissent à nouveau et atteignent leur plus haut niveau, qu’il s’agisse de ceux de la vallée du Rift ou de ceux des hautes terres. Gonflé par le fleuve Omo, le lac Turkana rejoint le réseau du Nil, ne faisant plus qu’un avec les lacs Albert, Edouard et Victoria, constituant ainsi une sorte de mer intérieure. Plus au Sud, le lac Kivu s’est fondu dans le lac Tanganyika. Au Nord, le plateau éthiopien est chaud et humide et les glaciers de l’époque précédente ont disparu. - Dans la zone forestière, la période s’étendant de +- 12.000 à +-1500 av JC, est une séquence chaude, donc humide, qui voit la recolonisation forestière avec un maximum d’intensité à partir de 5000 av JC. Puis une tendance à l’assèchement est identifiable à partir de +- 2000-1000 av. JC, suivie par une nouvelle variation humide. Avec la recolonisation forestière la forêt s’étend au nordouest et jusqu’au sud du Sénégal et au nord est jusqu’au Darfour. En Afrique orientale elle atteint les hautes terres et franchit le lac Victoria. 2) L’Aride mi-Holocène (ou Aride intermédiaire ou Aride intermédiaire mi-Holocène) qui succède au Grand humide holocène s’inscrit entre deux périodes humides. Il s’agit d’un bref intermédiaire aride qui dure un millénaire au maximum et qui se situe entre +- 6000 et +- 4500 av JC selon les régions. Cette nouvelle période aride voit la diminution des étendues marécageuses et lacustres, ce qui a donc pour conséquence

l’augmentation de la superficie du Sahara « habitable ». Les hommes qui avaient trouvé refuge dans les massifs ou dans les zones non inondées de l’Afrique du Nord ou de la région tropicale réoccupent le Sahara. 3) Le Petit Humide ou Humide Néolithique succède à l’Aride mi-Holocène et s’étend de +- 5000/4500 av JC à +- 2500 av JC. Le Petit Humide qui est nettement moins prononcé que le Grand Humide Holocène donne naissance à la grande période pastorale saharienne. Le Sahara, steppe sub-désertique et non « verte prairie », dans laquelle le niveau des nappes phréatiques augmente et dont les sources se mettent à débiter les pluies de la période du Grand Humide Holocène est alors parcouru par des groupes d’éleveurs. 4) L’Aride post-néolithique qui est daté entre +- 2500 et +-2000-1500 av JC présente plusieurs faciès. A partir de +- 2000 av JC, le nord du Sahara connaît une accélération de la sécheresse avec pour conséquence le départ de la plupart des groupes humains qui y vivaient. C’est ainsi que les populations négroïdes semblent abandonner définitivement les parties du Tassili, du Hoggar et de l’Acacus dans lesquelles elles vivaient. A partir de cette époque, ces régions semblent n’être plus peuplées que par des groupes proto-Berbères[6]. Dans la partie méridionale du Sahara, les hommes semblent se replier vers le fleuve Niger à partir de +- 2000 av JC. Les conséquences de ce nouveau changement climatique se font en effet également sentir sur les bordures du Sahara où la savane qui s’était étendue vers le Nord durant la période climatique humide précédente recule vers le Sud. Vers +- 2500 av JC l’immense paléoTchad disparaît et le lac atteint alors sa superficie de l’époque historique. Le Sahel redevient sec et la forêt recule. Durant cette période, les pay-

sages actuels se mettent lentement en place. Comme durant les précédents épisodes arides, les deux principaux refuges pour les hommes se trouvent au Sud, vers la zone forestière, mais aussi à l’Est, dans la vallée du Nil. Vers +- 1000 av JC et jusque vers +800 av JC, le retour limité des pluies permet la réapparition de quelques pâturages. Après le « vide » de l’aride post-néolithique on assiste alors à une nouvelle poussée de groupes berbères en direction du Sahara central. Puis l’Aride actuel se met en place et le Sahara entre alors dans la période historique.

La lettre africaine de Bernard Lugan

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[5] Une étude régionale du Sahara permet de distinguer six sous régions (Lugan, Histoire de l’Afrique des origines à nos jours, 2009, pp.22-23). [6] Et par les ancêtres des actuels harratins, derniers survivants (?) du peuplement noir antérieur.

L'AFRIQUE RÉELLE - N°1 - JANVIER 2010

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