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DynFluid Laboratoire de Dynamique des Fluides
Module 1 de l’UEE d’Arts & M´etiers ParisTech ”Simulation des Syst`emes Fluides (SISYF)
UE : A´ erodynamique Fondamentale Chapitre 1 : Concepts & Enjeux
ENSEIGNANTS : Jean-Christophe ROBINET
Ce chapitre ` a´ et´ e r´ edig´ e par Christophe CORRE (2005)
Ann´ee 2010 – 2011
Table des matières 1 Introduction générale 1.1 Contexte du cours . . . . . . . . . 1.2 Classification des écoulements . . 1.3 Outils d’analyse des écoulements 1.4 Objectifs du cours . . . . . . . . .
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2 Notions de base. Rappels de mécanique des fluides 2.1 Notion de dérivée matérielle . . . . . . . . . . . . . . . 2.2 Equation de conservation de la masse . . . . . . . . . . 2.2.1 Forme intégrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.2 Forme différentielle . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Equation de la quantité de mouvement . . . . . . . . . 2.3.1 Forme intégrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.2 Forme différentielle . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.3 Différents niveaux de simplification . . . . . . . 2.3.4 Application à la mesure de vitesse . . . . . . . . 2.4 Equation de conservation de l’énergie . . . . . . . . . . 2.4.1 Forme intégrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.2 Forme différentielle . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5 Un peu de thermodynamique . . . . . . . . . . . . . . 2.5.1 Equations d’état d’un gaz caloriquement parfait 2.5.2 Processus réversible et entropie . . . . . . . . . 2.6 Mesure de vitesse pour un écoulement compressible . . 2.7 Synthèse des équations de l’écoulement . . . . . . . . . 2.7.1 Equations d’Euler . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.7.2 Equations de Navier-Stokes . . . . . . . . . . . 3 Enjeux de l’aérodynamique pour l’ingénieur 3.1 Formes aérodynamiques . . . . . . . . . . . . 3.2 Les principaux efforts aérodynamiques . . . . 3.2.1 Quelques définitions . . . . . . . . . . 3.2.2 Génération de portance . . . . . . . . . 3.2.3 Création de traînée . . . . . . . . . . . 3.2.4 Traînée et poussée d’un réacteur . . . . 3.2.5 Effets du nombre de Mach . . . . . . . 3.2.6 Effets de la viscosité . . . . . . . . . . 1
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3.3
Optimisation et contrôle . . . . . . . . . . . . . . 3.3.1 Problématiques du domaine aéronautique . 3.3.2 Problématiques du domaine automobile . . 3.3.3 Multidisciplinarité . . . . . . . . . . . . .
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Chapitre 1 Introduction générale 1.1
Contexte du cours
L’aérodynamique ? C’est, selon "Le nouveau petit Robert" (édition de 1995), cette "partie de la physique qui étudie les phénomènes accompagnant tout mouvement relatif entre un corps et l’air où il baigne". Pour l’ingénieur, les "phénomènes" en question sont en particulier les efforts subis par des véhicules (avions, automobiles, trains . . .) ou des projectiles (fusées, missiles . . .) en mouvement dans l’atmosphère (on parle communément dans ce cas d’aérodynamique externe au sens où on s’attache aux effets de l’air sur l’enveloppe de ces engins) ; la mise en mouvement de ces véhicules ou projectiles est elle-même assurée par des systèmes de propulsion qui exploitent notamment les propriétés de l’air ingéré au niveau de prises ou d’entrées d’air (celle du réacteur du Griffon est bien visible sur la figure 1.1 ci-dessous) : l’étude de ces écoulements relève alors de l’aérodynamique dite interne. La détermination des forces et des moments produits par le mouvement de l’air autour d’un véhicule permet, en appliquant les lois fondamentales de la mécanique, de calculer la trajectoire du véhicule, c’est-à-dire le mouvement de son centre de gravité, et d’évaluer ses propriétés de stabilité, i.e. le mouvement autour du centre de gravité, ainsi que la puissance motrice à installer pour assurer puis entretenir le mouvement [1]. Le travail de l’aérodynamicien ne se limite pas cependant à la seule détermination de ces efforts : il peut être amené à s’intéresser à l’émission de bruit par les écoulements (on parle alors d’aéroacoustique) ainsi qu’aux transferts de chaleur convectifs entre le fluide en mouvement et les parois (ces applications relèvent plus spécifiquement de l’aérothermique). A l’heure actuelle, les efforts des chercheurs et des ingénieurs qui travaillent dans le domaine de l’aérodynamique des véhicules aériens ou terrestres se concentrent pour une large part sur la conception de véhicules à la fois économiques, confortables et sources de nuisances réduites. L’économie d’énergie nécessaire à la propulsion d’un véhicule passe à la fois par la réduction des efforts de pénétration dans l’air du véhicule (il s’agit des efforts dits de traînée) et par l’optimisation du rendement du système propulsif. L’amélioration du confort d’un véhicule automobile exige notamment, pour l’aérodynamicien, de diminuer le niveau de bruit perçu par le conducteur et les passagers qui est directement produit par l’écoulement de l’air ; un exemple typique est le bruit lié à la présence des rétroviseurs : la suppression de ces "excroissances" permettrait d’améliorer notablement le confort acoustique des véhicules mais au prix d’une sécurité réduite ou de coûteux dispositifs de substitution à base de vision artificielle. Enfin, parmi les sources de nuisances, on peut citer dans le domaine aéronautique à nouveau le bruit d’origine aérodynamique, particulièrement en phase d’approche lorsque les dispositifs hypersustentateurs sont déployés ainsi 3
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CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
que l’émission de tourbillons par les extrémités des ailes d’avions ; le sillage tourbillonnaire émis par un avion au décollage et à l’atterrissage doit être suffisamment dissipé avant qu’un nouvel avion ne se présente sur la piste empruntée par l’appareil précédent. Dans la mesure où l’intensité de ces tourbillons est proportionnelle à la portance de l’aile, donc au poids de l’avion, les distances de sécurité associées aux avions gros porteurs tels que le Boeing 747 ou l’Airbus A380 doivent donc être accrues ce qui est en contradiction avec la logique d’accélération du trafic aéroportuaire. Certains domaines dans lesquels se développe une autre part de l’activité de recherche et développement en aérodynamique répondent à des contraintes de conception différentes : dans le domaine militaire par exemple, il est possible de privilégier la manoeuvrabilité d’un avion de chasse plutôt que le confort du passager ; dans le domaine de la haute compétition sportive, il est possible de se concentrer sur l’amélioration continue des performances parfois en dehors de toutes contraintes économiques ou esthétiques (optimisation des performances des véhicules de courses ou de celles de skieurs, cyclistes . . .). La définition de l’aérodynamique donnée ci-dessus peut être élargie à l’étude des mouvements de l’air dans des contextes qui n’incluent pas le déplacement de véhicules aériens ou terrestres, tels que les domaines de la ventilation ou du génie civil ou encore celui de l’environnement. A titre d’exemple, l’étude présentée dans [2] est ainsi consacrée à l’analyse efficace par voie numérique des variations de températures à l’intérieur d’un bureau (dans la perspective de l’optimisation économique des systèmes de ventilation ou climatisation) ; la publication [3] analyse l’impact possible des écoulements d’air autour des bâtiments d’un aéroport sur les conditions de décollage et d’atterrissage au niveau de la piste ; enfin, le travail décrit dans [4] porte sur la propagation dans un tunnel des fumées émises par un véhicule en feu (avec bien sûr des conséquences déterminantes sur la sécurité) et des gaz d’échappement émis par les véhicules bloqués dans ce même tunnel. Ingénieurs et chercheurs publient les résultats de leurs travaux dans les très nombreuses revues publiées sur ces thématiques : Fire Safety Journal, Tunnelling and Underground Space Technology, Atmospheric Environment, Building and Environment, Energy and Buildings, International Journal of Ventilation, International Journal of Environmental Pollution, Journal of Wind Engineering and Industrial Aerodynamics, Wind and Structures, Water, Air and Soil Pollution-Focus . . . En France, un organisme tel que le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment possède une soufflerie qui lui permet par exemple d’étudier sur des modèles réduits le comportement au vent d’immeubles de grande hauteur en projet (voir le site http ://www.cstb.fr pour plus d’informations sur la soufflerie climatique Jules Verne). Dans le même ordre d’idées, il est d’ailleurs intéressant de signaler que Gustave Eiffel, le grand ingénieur et entrepreneur français bien connu pour ses constructions métalliques fut également au début du 20ème siècle un acteur majeur de l’aérodynamique française - la soufflerie Eiffel est d’ailleurs encore active aujourd’hui (voir le site http ://www.aerodynamiqueeiffel.fr). On insiste ici sur l’existence et l’importance d’études aérodynamiques dans un domaine (le génie civil) qui n’est pas traditionnellement associé à l’aérodynamique afin de mettre en évidence la grande diversité des possibilités d’activité pour l’ingénieur aérodynamicien. Naturellement, il est hors de question d’embrasser la totalité des thématiques ci-dessus dans le cadre de cet unique cours d’aérodynamique, qui s’organise en 14 séances d’un peu moins de 2 heures chacune ! Le choix a donc été fait de restreindre les domaines d’application visés à l’aéronautique et aux transports terrestres. L’analyse des écoulements autour d’objets aussi différents qu’un avion de chasse tel que le Griffon, création de l’ingénieur français René Leduc, d’une voiture grand public aussi mythique que la DS ou d’une voiture de série un peu plus "sportive" comme la Corvette, ou encore d’un train à grande vitesse relève d’une démarche commune comme l’illustrent les figures 1.1
1.1. CONTEXTE DU COURS
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à 1.4 en donnant un aperçu des essais en soufflerie indispensables à la mise au point de ces différentes technologies. Dans tous les cas, on s’intéresse par exemple à la réduction de la traînée mais il existe également de nombreux aspects spécifiques à chacun de ces véhicules en raison : – des vitesses bien différentes auxquelles ils évoluent (à titre indicatif le Griffon pouvait atteindre 1500 km/h alors que la DS "monte" jusqu’à 140 km/h et que le train à grande vitesse peut rouler à 300 km/h) ; aux grandes vitesses, il devient notamment indispensable de prendre en compte les effets dits de compressibilité, c’est-à-dire les variations de la masse volumique dans l’air en écoulement. – de la possibilité ou non du "profilage" (on parle en anglais de "streamlining") de leur géométrie avec des conséquences déterminantes sur le frottement visqueux et la traînée ; par exemple, les contraintes fonctionnelles liées à la conception d’un véhicule automobile de série (nécessité d’un coffre, d’une lunette arrière de dimensions raisonnables . . .) conduisent en général à une situation d’écoulement décollé (voir par exemple [12]) alors que les profils utilisés dans la conception d’une aile d’avion peuvent être conçus de façon à assurer un écoulement attaché en régime de croisière. – de conditions de fonctionnement particulières, par exemple le passage d’un train à grande vitesse dans un tunnel ou bien l’effet de sol dans le domaine des véhicules terrestres, présent uniquement en phase d’atterrissage ou de décollage dans le domaine aéronautique. L’analyse qualitative et quantitative de ces différents types d’engins d’un point de vue aérodynamique s’appuie sur un ensemble de connaissances à caractère fondamental, qui seules permettent ensuite d’utiliser à bon escient des "recettes" ou formules toutes faites pour l’ingénieur. Vous disposez déjà de certaines de ces connaissances fondamentales en mécanique des fluides mais d’autres vous font encore défaut. L’ambition de ce cours est donc double : d’une part compléter votre corpus de connaissances en matière de modélisation et d’analyse des écoulements et d’autre part appliquer ce corpus de connaissances à l’étude des performances de véhicules aéronautiques et automobiles. L’accent sera mis sur deux grandes notions qui n’ont pas été, en règle générale, abordées de façon approfondie dans le cursus que vous avez suivi jusqu’à présent : les effets de compressibilité d’une part et les effets de la viscosité d’autre part. Comme on le verra dans ce cours, la bonne compréhension dans un premier temps des aspects les plus fondamentaux de ces effets permettra dans un second temps de maîtriser les enjeux associés à la conception de dispositifs réels. Les études menées par ingénieurs et chercheurs dans les domaines "traditionnels" de l’aérodynamique (aéronautique et espace, automobile, ferroviaire) font l’objet de publications dans un ensemble de revues qui peuvent mettre l’accent sur les aspects fondamentaux de compréhension fine des écoulements (Journal of Fluid Mechanics, Physics of Fluids, Comptes Rendus à l’Académie des Sciences) ou davantage sur les enjeux technologiques des dispositifs mettant en jeu des écoulements d’air (Journal of Fluid Engineering, ASME Journal of Turbomachinery, Mécanique et Industries . . .) Les revues plus spécifiquement consacrées aux applications aéronautiques sont notamment l’AIAA Journal (sans doute l’un des journaux les plus lus par la communauté scientifique dans le domaine aéronautique), le Journal of Aircraft, Aerospace Science and Technology, Progress in Aerospace Sciences. Enfin, des revues telles que le Journal of Computational Physics, Computers and Fluids, International Journal for Numerical Methods in Fluids sont plus particulièrement dédiées au développement de méthodes numériques pour la simulation des écoulements mais traitent également de façon conséquente la question de la mise en oeuvre de ces méthodes pour l’analyse des écoulements. La suite de cette introduction va situer de façon précise les notions d’aérodynamique fondamentale détaillées dans ce cours dans le paysage général de l’aérodynamique. En particulier, puisqu’il est classique de diviser l’aérodynamique en grandes sous-catégories, qu’il est indispensable de connaître
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CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
car il existe en général des outils d’études (qu’ils soient de nature analytique, expérimentale ou numérique) adaptés à chacune d’entre elles, la section qui suit présente une classification schématique des écoulements rencontrés dans les grands domaines d’application de cette discipline.
Fig. 1.1 – A gauche : essais en soufflerie (ONERA) du Griffon, combiné statoréacteur-turboréacteur, détenteur du record du monde de vitesse en circuit fermé - 2 exemplaires construits seulement (image extraite de l’ouvrage [6]). A droite : vue de l’avion une fois réalisé, tirée de l’ouvrage [5].
Fig. 1.2 – A gauche : visualisation des lignes de frottement sur un modèle réduit de Corvette 1960 (image extraite de l’ouvrage [7]). A droite : la réalisation industrielle du modèle étudié sur la figure ci-contre (image extraite du site http ://www.art.com).
1.2
Classification des écoulements
Tout d’abord, un avertissement s’impose : la totalité des écoulements rencontrés en pratique dans le domaine des transports (aéronautique, automobile, ferroviaire) sont en toute rigueur des écoulements visqueux (en général turbulents) et compressibles, pour la simple raison que tous les fluides réels (et l’air en fait partie !) possèdent une certaine viscosité physique et que tout écoulement d’un fluide crée une variation de la masse volumique. Cependant, il est possible dans certaines situations de
1.2. CLASSIFICATION DES ÉCOULEMENTS
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Fig. 1.3 – A gauche : essai en soufflerie pour la DS (image tirée de la revue [8]). A droite : la même voiture, une fois commercialisée (image tirée du site http ://automobile.nouvelobs.com).
Fig. 1.4 – A gauche : essai en soufflerie pour le projet de train à grande vitesse en Corée (image tirée de l’article [9]). A droite : le Korean Express Train (KTX) après sa mise en service (image tirée du site http ://ktx.korail.go.kr). négliger les effets de la viscosité ou les variations de masse volumique (ce qui permet de simplifier considérablement l’analyse des écoulements étudiés) sans nuire de façon significative à la prédiction de certains efforts aérodynamiques. Savoir effectuer de façon pertinente ces simplifications dans la modélisation d’un écoulement est une compétence essentielle pour l’aérodynamicien et nous aurons largement l’occasion de revenir sur ce point dans la suite du cours. La première grande distinction qui peut être établie dans la description d’un écoulement d’air est celle entre milieu continu et gaz dit raréfié : pour toutes les applications qui seront traitées dans ce cours, l’air peut être considéré comme un milieu continu (on reviendra sur ce point dans la chapitre de rappel qui suit) ; cependant, à très haute altitude, le libre parcours moyen entre les molécules qui composent l’air au niveau microscopique devient si grand qu’il n’est plus possible de considérer l’air comme un milieu continu et qu’il devient alors nécessaire de recourir à une description statistique dite théorie cinétique des gaz. Cette description est spécifiquement utilisée dans le secteur aérospatial pour l’étude des problèmes de rentrée dans l’atmosphère d’une navette spatiale par exemple. Dans le cadre d’une description de type milieu continu, on peut tout d’abord distinguer deux grandes catégories d’écoulements (voir Fig. 1.5 pour un schéma de synthèse) : d’une part les écoulements de
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CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
fluides réels ou visqueux puisque tous les fluides réels possèdent une certaine viscosité, parfois très faible mais en tout cas non-nulle et d’autre part les écoulements de fluides dits idéaux ou parfaits ou non-visqueux (en anglais on parle de "inviscid flow"). Tous ces écoulements sont régis par les mêmes grands principes physiques ou lois de conservation : conservation de la masse, conservation de la quantité de mouvement ("momentum" en anglais) et conservation de l’énergie. Pour établir l’équation de conservation de l’énergie, il est nécessaire de faire appel à la thermodynamique afin de disposer d’une équation d’état du gaz qui permet de relier entre elles des variables d’état telles que la pression, la masse volumique, la température, l’énergie interne. Dans de très nombreuses situations, on peut se contenter de décrire l’état thermodynamique de l’air à l’aide de la loi d’état dite des gaz parfaits. Dans un vocabulaire moderne, l’ensemble des équations qui régissent un écoulement de fluide parfait est désigné comme le système des équations d’Euler ou simplement "les équations d’Euler". Lorsque les grands principes physiques de conservation de la masse, de la quantité de mouvement (principe fondamental de la dynamique) et de l’énergie (premier principe de la thermodynamique) sont appliqués à un écoulement de fluide réel, i.e. en tenant compte de la viscosité du fluide, le système d’équations aux dérivées partielles obtenu est communément appelé système des équations de Navier-Stokes ou tout simplement "les équations de Navier-Stokes". Les équations d’Euler ou de Navier-Stokes traduisent l’évolution des grandeurs masse volumique, composantes de la vitesse et énergie totale (ou pression) pour un écoulement de fluide idéal ou réel ; selon la vitesse de l’écoulement générateur, ou plus précisément selon la valeur du nombre de Mach de cet écoulement générateur (c’est-à-dire le rapport entre la vitesse et la vitesse du son) on distingue deux grands régimes d’écoulement : le régime incompressible qui correspond à des écoulements "basse-vitesse" et le régime compressible qui correspond à des écoulements "grande-vitesse". La limite (arbitraire) classique entre ces deux régimes se situe typiquement à Mach 0.3. Pour fixer les idées, avec des vitesses de déplacement qui peuvent atteindre 360 km/h (soit 100 m/s) et une vitesse du son à température ambiante de l’ordre de 340 m/s, des véhicules du type voiture de course ou train à grande vitesse présentent des écoulements qui atteignent la limite haute du régime incompressible ; les avions de ligne moyen ou long-courrier en régime de croisière volent typiquement aux alentours de Mach 0.8 et les écoulements associés se situent donc largement dans le domaine compressible. Le domaine des écoulements compressibles se subdivise lui-même en plusieurs régimes : lorsque le nombre de Mach dans l’écoulement autour d’un corps reste partout inférieur à 1 on parle de régime subsonique ; lorsque il existe des zones de l’écoulement pour lesquelles le nombre de Mach dépasse localement l’unité alors que l’écoulement générateur (i.e. à l’infini amont) reste subsonique (M∞ < 1), on se situe dans le régime transsonique. Lorsque le nombre de Mach de l’écoulement générateur est supérieur à 1, l’écoulement est en régime supersonique ; enfin, si M∞ dépasse typiquement 5, on entre dans le régime hypersonique. Comme on l’a signalé ci-dessus, le régime transsonique est notamment celui des avions de ligne ; le régime supersonique est plus particulièrement celui des avions militaires, des missiles . . . et de certains avions de transport de passagers, réalisés (le Concorde bien sûr) et à venir (voir notamment les lien http ://www2.cnrs.fr/presse/journal/2210.htm et http ://www.jaxa.jp/missions/projects/engineering/aero/). Le régime hypersonique est par exemple celui des navettes spatiales lors des phases de rentrée dans l’atmosphère mais aussi de certains missiles. Lorsque le nombre de Mach générateur devient suffisamment grand pour que l’écoulement entre en régime transsonique, les performances des véhicules tendent à être largement influencées par l’apparition d’ondes de choc. Lorsque les effets de la viscosité sont pris en compte (écoulements de fluide réel), un nouveau pa-
1.3. OUTILS D’ANALYSE DES ÉCOULEMENTS
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ramètre essentiel apparaît dans la classification des écoulements : le nombre de Reynolds. En aérodynamique externe et interne des véhicules, tous les écoulements s’effectuent à grand nombre de Reynolds (de l’ordre de plusieurs millions ou plusieurs dizaines de millions) dans un régime dit turbulent. Pour certains dispositifs de petite taille (mini ou micro-drones par exemple), les nombres de Reynolds caractéristiques des écoulements rencontrés peuvent prendre des valeurs plus faibles (de l’ordre de quelques centaines de milliers voire quelques dizaines de milliers) et le régime de ces écoulements visqueux peut alors rester laminaire. Pour des écoulements à grands nombres de Reynolds en présence des parois solides d’un véhicule, les effets de la viscosité restent cantonnés dans une zone de faible épaisseur (devant les dimensions caractéristiques du véhicule) dite zone de couche limite. Les différences d’aspect entre écoulements turbulents et laminaires sont bien marquées : en laminaire, les écoulements restent réguliers alors qu’ils présentent un aspect désorganisé (chaotique) en turbulent. Surtout, cette différence de régime modifie en profondeur l’impact de l’écoulement sur les performances du véhicule : augmentation du frottement en turbulent mais dans le même temps meilleure résistance aux gradients de pression adverses pour une couche limite turbulente et donc moindre tendance au décollement. La figure 1.6 résume de façon très schématique la position de certains domaines d’application traditionnels dans le plan (nombre de Mach, nombre de Reynolds) ; cette vision simplifiée est destinée à vous donner un peu de recul par rapport à la grande diversité des applications qui existent pour l’aérodynamicien. Son caractère schématique peut être illustré par deux exemples : dans le domaine des avions de chasse, l’étude spécifique d’appareils à décollage verticale de type Harrier a exigé l’analyse simultanée d’écoulements compressibles (jets émis par les tuyères propulsives en position verticale et destinés à assurer la sustentation en phase de décollage) et incompressibles (écoulement autour de l’appareil en phase ascendante à faible vitesse) ; enfin, dans le domaine des procédés, il existe naturellement des procédés qui mettent en jeu des écoulements à (très) grande vitesse : ainsi dans le procédé de découpe par jet d’eau, on rencontre des jets d’eau très haute pression qui conduisent à des écoulements supersoniques (dans l’eau !).
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Outils d’analyse des écoulements
Donnons tout d’abord une vision schématique (mais pas caricaturale) de la situation présente : à l’heure actuelle, les études aérodynamiques s’appuient à parts égales sur l’aérodynamique expérimentale (essais en soufflerie) et sur l’aérodynamique numérique (simulations menées sur ordinateurs). L’intérêt majeur des essais en soufflerie réside dans leur caractère prédictif : lors d’un essai on ne fait pas d’hypothèse simplificatrice sur le comportement du fluide (en négligeant par exemple les effets de la viscosité) puisque tous les effets réels sont bien présents dans l’écoulement ! En réalité, cet intérêt absolument essentiel pour le dimensionnement de véhicules demande cependant à être nuancé : les essais en soufflerie sont généralement réalisés à échelle réduite (voir par exemple la figure 1.8 qui présente deux exemples de montages de modèles réduits d’avion dans la soufflerie transsonique européenne) et le changement d’échelle spatiale a pour conséquence qu’il ne permet pas en général d’assurer la similitude de l’écoulement dans les deux paramètres essentiels que sont le nombre de Mach et le nombre de Reynolds. Il convient donc d’opérer des choix en assurant selon les cas la similitude en Mach ou en Reynolds. Les possibilités exceptionnelles offertes par la soufflerie transsonique européenne, grâce notamment à des dispositifs de refroidissement sophistiqués sont récapitulées sur la figure 1.10 tirée de la brochure de présentation de cette soufflerie dédiée à l’aéronautique. On reviendra en détail dans la suite du cours sur ce respect des paramètres de similitude, une fois bien
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CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
Fig. 1.5 – Vue schématique des grandes catégories d’écoulements rencontrées en aérodynamique.
(re)mises en place les notions indispensables en matière d’effets de compressibilité et d’effets de la viscosité. En pratique, les résultats d’essais en soufflerie demandent généralement à être extrapolés aux conditions de vol, ce qui constitue parfois un exercice délicat. Une autre limitation des essais en soufflerie tient aux possibles effets de confinement introduits par les parois de la soufflerie ; même si des dispositifs spécifiques (parois déformables notamment qui permettent de reproduire la déformation des lignes de courant qui subsiste à quelques cordes d’un profil par exemple) sont mis en oeuvre pour limiter les effets de la présence de parois, on ne reproduit pas parfaitement les conditions du vol en atmosphère infinie. Enfin, bien sûr, l’inconvénient majeur des essais en soufflerie reste leur coût, très élevé, et les délais nécessaires à l’étude d’une nouvelle configuration (avec notamment par exemple la fabrication de nouvelles maquettes). L’aérodynamique numérique s’est très fortement développée depuis 30 ans environ (voir notamment [6] et [11] pour une description de cette évolution à l’ONERA d’une part et chez le constructeur d’avions Boeing) : l’idée est d’étudier les écoulements dans des "souffleries numériques". Les grands dangers de l’aérodynamique numérique (on parle aussi, même dans la communauté scientifique française, de CFD pour Computational Fluid Dynamics ou Mécanique des Fluides Numérique) sont en
1.3. OUTILS D’ANALYSE DES ÉCOULEMENTS
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Fig. 1.6 – Vue schématique de quelques applications traditionnelles de l’aérodynamique dans le plan (nombre de Mach / effets de compressibilité, nombre de Reynolds / effets de la viscosité).
même temps ses grands avantages à savoir sa souplesse d’utilisation et la facilité avec laquelle l’outil numérique permet d’obtenir des informations sur un écoulement. On présente ainsi sur la figure 1.9 des résultats de simulation obtenus chez Boeing dans lesquels on visualise notamment certaines lignes de courant autour d’un avion complet. La beauté plastique de certains résultats de simulation tend parfois à faire oublier les limitations encore très importantes de l’outil numérique ; les résultats fournis par un code de calcul sont entachés de deux grands types d’erreur : les erreurs liées à la modélisation d’une part et celles liées aux méthodes numériques de résolution du modèle d’autre part. Certaines limites de modélisation sont facilement identifiables : comme on le verra par la suite, si on a choisi de négliger les effets de la viscosité du fluide et de résoudre par conséquent les équations d’Euler pour décrire un écoulement, on sait qu’il ne sera pas possible de reproduire un phénomène tel que le décrochage lors de la montée en incidence d’un profil car ce phénomène est directement relié au décollement de la couche limite, qui n’existe pas pour un fluide idéal. D’autres limitations sont un peu plus subtiles mais tout aussi cruciales en particulier dans le domaine de la modélisation de la turbulence. Les approches de modélisation statistique de la turbulence privilégiées par l’ingénieur pour des raisons de coût de simulation ne permettent pas d’être prédictif dans le cas général : concrètement, il sera possible de "caler" les constantes du modèle de turbulence pour un type de configuration donnée en s’appuyant par exemple sur des données expérimentales disponibles puis d’utiliser avec un bon degré de confiance l’outil de simulation pour tester des variantes d’une configuration de base. Les quelques configurations sélectionnées sur la base de ces essais numériques pourront alors être testées en soufflerie. Cette démarche interactive entre aérodynamique expérimentale et numérique
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CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
est très pratiquée dans l’industrie car elle permet de réduire les coûts de conception en tirant parti des avantages propres à chaque approche (fiabilité pour l’expérimental, flexibilité et faible coût pour le numérique). Enfin, il est important d’insister sur le fait que les composantes expérimentale et numérique de l’aérodynamique s’appuient de façon décisive sur l’aérodynamique fondamentale, dite parfois théorique. Pour mettre en place un dispositif expérimental (savoir par exemple où il sera judicieux de placer tel ou tel capteur de pression) ou une simulation (faire par exemple les bons choix de raffinement de maillage) il est absolument indispensable de posséder une connaissance a priori de l’écoulement et celle-ci est fondée sur les concepts et outils fournis par l’aérodynamique fondamentale. Inversement, les résultats d’essais et de simulations nourrissent, avec les jeux de données qu’ils fournissent, le travail d’analyse, d’explication et de conceptualisation de l’aérodynamique fondamentale (cf. Fig. 1.7). Dans le cadre de la formation de 3ème année à l’ENSAM, la composante numérique de l’aérodynamique et de la dynamique des écoulements en général est traitée à l’occasion du cours ECOUL2, qui est également proposé aux étudiants du Master EFA.
Fig. 1.7 – Interaction entre les différentes composantes de l’aérodynamique.
1.4
Objectifs du cours
Les objectifs de ce cours d’aérodynamique fondamentale sont doubles : – il vise dans un premier temps à compléter votre corpus de connaissances en matière de modélisation et d’analyse des écoulements aérodynamiques en mettant l’accent sur i) les effets de compressibilité, ii) les effets de la viscosité. Les effets de compressibilité seront détaillés dans le cadre des séances du cours consacrées à l’aérodynamique des écoulements à grande vitesse et plus particulièrement des écoulements supersoniques (externes et internes) ; dans le cadre de l’aérodynamique interne, on s’intéressera notamment au rendement propulsif d’un statoréacteur ou d’un moteur-fusée. Les effets de la viscosité seront analysés dans le cadre des séances du cours consacrées à la couche limite en aérodynamique. – dans un second temps, ces connaissances seront appliquées à l’étude des performances aérodynamiques de véhicules aéronautiques et automobiles. Même si ce cours fait largement appel à des simulations numériques d’écoulement pour analyser tel ou tel phénomène aérodynamique, la question de l’obtention de tels résultats de simulation n’y est
1.4. OBJECTIFS DU COURS
13
Fig. 1.8 – Exemples de montage de modèles réduits dans la soufflerie transsonique européenne (European Transonic Wind tunnel) (images tirées du site de l’ETW http ://www.etw.de). A gauche : maquette de type 1/2-envergure (half-span). A droite : maquette de type envergure complète (fullspan).
Fig. 1.9 – Exemples de maillage non-structuré pour un 1/2-Boeing complet et d’écoulement calculé dans ce maillage (image tirée de l’article [11] qui décrit 30 ans d’utilisation de la CFD chez Boeing). pas abordée. Les bases de la simulation numérique des écoulements sont données dans un autre cours du thème ECOUL (ECOUL2) qui est également proposé aux étudiants du Master "Energie, Fluides, Aérodynamique". Par ailleurs, même si les séances consacrées à la couche limite traiteront bien sûr du régime laminaire et du régime turbulent, la thématique de la modélisation de la turbulence dépasse le simple cadre d’un cours d’aérodynamique fondamentale : ce point fait l’objet de cours spécifiques proposés en Master et d’une partie du cours ECOUL4. Dans ce même cours ECOUL4 sera également
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CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
Fig. 1.10 – Potentiel d’utilisation offert par la soufflerie ETW : valeurs accessibles des paramètres de similitude (nombre de Mach, nombre de Reynolds) situées par rapport aux valeurs de vol typiques des avions de transport modernes (image tirée de la brochure de l’ETW disponible sur le site http ://www.etw.de). traitée la question du bruit généré par les écoulements, c’est-à-dire l’aéroacoustique des écoulements. Enfin, même si il ne s’agit pas là d’un objectif scientifique ciblé, ce cours souhaite également entretenir ou susciter votre intérêt pour cette discipline passionnante qu’est l’aérodynamique. Vous êtes donc naturellement invités à vous cultiver sur cette thématique en allant par exemple explorer certains des sites répertoriés dans la liste (absolument non-exhaustive !) fournie ci-dessous. Quelques sites d’intérêt – http ://www.onera.fr : site de l’Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales (ONERA), le grand organisme français de recherche dans les domaines aéronautique et spatial ; la consultation du site permet notamment d’apprécier la variété des métiers offerts par ces domaines. – http ://www.dlr.de : site du "Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt (DLR)", équivalent allemand de l’ONERA, qui développe d’ailleurs des programmes communs avec l’organisme français, notamment dans le domaine des hélicoptères. – http ://www.nlr.nl : site de l’équivalent néerlandais de l’ONERA. – http ://www.ista.jaxa.jp/ : site du grand organisme d’études et de recherches aérospatiales du Japon (ex-"National Aerospace Laboratory (NAL)"). Ajouter indexe .html au lien précédent pour aboutir aux pages traduites en anglais.
1.4. OBJECTIFS DU COURS
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– http ://www.cira.it : site du "Centro Italiano Ricerche Aereospaziali (CIRA)", le grand organisme italien. – http ://www.cmmacs.ernet.in/nal : site du grand organisme d’études et de recherches aérospatiales de l’Inde ; sa consultation permet de constater le dynamisme scientifique du pays et sa volonté marquée d’indépendance technologique. – http ://www.qinetiq.com : le site du grand organisme d’études et de recherches aérospatiales britannique frappe par son orientation très "commerciale". – http ://www.aerospace.nasa.gov : un site incontournable bien sûr ; vous pouvez également consulter le site le plus général de la "National Aeronautics and Space Administration" américaine (http ://www.nasa.gov). Dans le même ordre d’idées, la NASA a pris l’excellente initiative de numériser et de rendre disponible une grande partie des rapports NACA (National Advisory Committee for Aeronautics, ancêtre de la NASA), qui ont été rédigés entre 1917 et 1958 ; on peut les trouver sur le site http ://naca.larc.nasa.gov. Enfin, le site http ://ntrs.nasa.gov correspond au site du serveur des rapports techniques de la NASA ; de nombreux rapports sont disponibles en ligne au format pdf. – http ://www.cnrtr2a.asso.fr : le site du nouvellement créé Centre National de Recherche Technologique "Aérodynamique et Aéroacoustique des Véhicules Terrestres (R2A)". – http ://www.gies2a.fr : site des souffleries aéroacoustiques automobiles développées conjointement par les grands constructeurs sur le site de l’Institut Aérotechnique de Saint-Cyr l’Ecole. – http ://www.sae.org/servlets/index : site de la Society of Automotive Engineers (SAE), société savante qui regroupe de nombreux ingénieurs du secteur automobile. – http ://www.sia.fr : site de la Société des Ingénieurs de l’Automobile, version française de la SAE. – http ://www.aiaa.org : site de l’American Institute of Aeronautics and Astronautics, une association à laquelle adhère de très nombreux acteurs de l’aéronautique et de l’astronautique, tant au niveau industriel qu’universitaire (il est commun pour un étudiant américain d’un département d’Aerospace Engineering d’être AIAA (Junior) Member). L’AIAA publie notamment l’AIAA Journal, une revue scientifique extrêmement lue par les industriels et les scientifiques du monde entier et organise régulièrement des grandes conférences thématiques (sur l’aérodynamique, l’aéroacoustique, les structures ou les matériaux . . .) – http ://www.asme.org : The American Society of Mechanical Engineers, une autre société savante (américaine) d’envergure qui édite notamment des journaux techniques tels que Journal of Turbomachinery, Journal of Fluids Engineering, Journal of Engineering for Gas Turbines and Power . . . – http ://www.sciencedirect.com : un site de référence pour la recherche d’informations bibliographiques dans le domaine scientifique.
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CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
– http ://www.scirus.com : un moteur de recherche intéressant (alternatif à google par exemple) spécifiquement dédié à la recherche d’informations scientifiques. – http ://www.afm.asso.fr : site de l’Association Française de Mécanique, une société savante plus modeste que ses consoeurs américaines mais néanmoins bien active dans le domaine de la Mécanique. – http ://www.aaaf.asso.fr : site de l’Association Aéronautique et Astronautique de France, version française de l’AIAA, dans laquelle se retrouvent notamment quelques grands acteurs du secteur aéronautique et spatial français (Airbus, EADS, Dassault, SNECMA pour les industriels, l’ONERA, le CNES . . .) – http ://www.galleryoffluidmechanics.com : très intéressante collection de visualisation d’écoulements qui va au-delà de la simple présentation de "belles images" en proposant des explications détaillées sur la physique des phénomènes observés.
Chapitre 2 Notions de base. Rappels de mécanique des fluides Notion de milieu continu Pour décrire les propriétés d’un écoulement, il faut élaborer en premier lieu un modèle pour le fluide. Ce modèle peut être basé sur une approche micro ou macroscopique. Dans l’approche microscopique on s’intéresse au comportement de chacune des molécules du fluide, alors que dans l’approche macroscopique on définit un comportement moyen des molécules comprises dans un volume élémentaire donné dit particule fluide. L’approche microscopique, discrète, est qualifiée de théorie cinétique alors que l’approche macroscopique est dite mécanique des milieux continus. Aux conditions normales de température et de pression, le nombre de molécules dans un petit cube de 10−3 mm d’arête dans le milieu ambiant est de l’ordre de 2.7 × 107 (le libre parcours moyen correspondant, i.e. la distance moyenne que peut parcourir une molécule donnée sans entrer en collision avec d’autres molécules est de 9.7 × 10−5 mm). Il y a donc suffisamment de molécules dans ce petit volume pour que le fluide puisse être considéré comme un milieu continu et ses propriétés peuvent être déterminées sur la base de moyennes statistiques. La théorie des milieux continus offre donc une modélisation tout à fait adaptée au traitement de l’essentiel des problèmes d’aérodynamique et sera exclusivement utilisée dans ce cours 1 . Principes généraux Nous considérons donc dorénavant le fluide comme un milieu continu et nous souhaitons maintenant construire les outils permettant de décrire l’écoulement de ce fluide. Pour y parvenir, nous allons procéder suivant la démarche générale suivante : – nous sélectionnons trois principes physiques fondamentaux : A) la masse d’un système matériel 2 est conservée, B) le taux de variation dans le temps de la quantité de mouvement d’un système matériel est égal à la somme des forces qui s’exercent sur ce système (seconde loi de Newton), C) l’énergie d’un système matériel est conservée (premier principe de la thermodynamique) ; 1
Notez cependant que, à une altitude de 130 km, il y a moins d’une molécule dans le petit cube de 10−3 mm d’arête précédemment mentionné et le libre parcours moyen atteint alors 10 m ! Dans de telles conditions, rencontrées par les ingénieurs en charge de problèmes spatiaux, le fluide ambiant peut difficilement être considéré comme un milieu continu et l’utilisation de la théorie cinétique s’avère indispensable. 2 Un système matériel est un ensemble de particules fluides.
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18
CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
– nous appliquons les principes physiques A, B et C à un système matériel bien choisi ; – nous en déduisons les équations mathématiques qui traduisent ces principes physiques et permettent de décrire quantitativement un écoulement. Choix d’un système matériel Dans le cas de la mécanique des solides la deuxième étape de la démarche ci-dessus ne pose pas de problème particulier : un solide est plutôt facile à voir et à définir ; il semble naturel d’étudier son mouvement en le choisissant comme le système matériel auquel s’appliquent les principes physiques ci-dessus. Le mouvement d’un fluide possède a priori une nature plus difficile à saisir : à quel système matériel pouvons-nous appliquer ces principes physiques fondamentaux ? Pour répondre à cette question considérons un écoulement général visualisé par les lignes de courant de la figure 2.1(a). Considérons maintenant un volume “imaginaire” englobant une région finie de l’écoulement ; ce volume définit un volume de contrôle V ; il est limité par une surface fermée S, dite surface de contrôle, à travers laquelle le fluide peut entrer et sortir librement du volume V. Ce volume de contrôle peut être fixe (Fig. 2.1(b)), auquel cas l’écoulement traverse V, ou bien en mouvement avec le fluide de sorte que les mêmes particules de fluide soient toujours présentes à l’intérieur du volume de contrôle que l’on qualifie alors de volume de contrôle matériel et que l’on note V(t) pour indiquer qu’il évolue au cours du temps (Fig.2.1(c)). Si nous appliquons les principes physiques fondamentaux A, B et C au volume de contrôle fini V ou V(t), nous obtenons les équations de l’écoulement sous forme intégrale ; selon que le volume de contrôle est fixe (V) ou en mouvement avec le fluide (V(t)), ces équations seront dites écrites sous forme conservative ou non-conservative ; ces deux formes des équations de l’écoulement sont naturellement équivalentes puisqu’elles traduisent le même principe physique. Alternativement, on peut considérer un élément de fluide infinitésimal - au sens du calcul différentiel mais assez grand cependant pour contenir un nombre de molécules tel que l’hypothèse de milieu continu s’applique ; un tel élément correspond à la notion de particule fluide - qui définit un volume de contrôle élémentaire dV. Cet élément de fluide infinitésimal peut être fixe, auquel cas le fluide s’écoule à travers dV (Fig.2.1(d)) ou en mouvement avec le fluide (Fig.2.1(e)). En appliquant les principes physiques fondamentaux à ce volume de contrôle élémentaire, on obtient les équations de l’écoulement sous forme différentielle, conservative ou non-conservative selon que dV est supposé fixe ou en mouvement. Démarche suivie dans ce cours Dans ce cours, nous allons privilégier le choix d’un volume de contrôle fini pour établir les équations de l’écoulement ; nous déduirons alors de la formulation intégrale (globale) les formes différentielles (locales) conservative ou non-conservative de ces équations 3 . Avant d’en venir à la formulation des principes physiques A, B et C, nous définissons une notion préliminaire très importante dans l’étude de la dynamique des fluides : la dérivée matérielle ou particulaire d’une grandeur caractéristique de l’écoulement.
3
L’approche différentielle, qui s’appuie sur un volume de contrôle élémentaire est a priori plus concrète et donc plus simple à comprendre que l’approche intégrale ; cependant, sa mise en oeuvre, si elle est effectivement simple dans le cas de la conservation de la masse, devient vite fastidieuse lorsqu’il s’agit de traduire un bilan de quantité de mouvement ou d’énergie.
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lignes de courant de l’écoulement
(a) surface de contrôle
surface de contrôle
volume de contrôle fixe V
volume de contrôle en mouvement avec le fluide V(t)
(b)
(c) V
volume élémentaire fixe en espace dV (d)
volume élémentaire en mouvement avec le fluide (e)
Fig. 2.1 – Différents systèmes matériels utiles pour décrire l’écoulement d’un fluide.
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2.1
CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
Notion de dérivée matérielle
Considérons une particule fluide, assimilable à un point de l’espace sur la Fig. 2.2, en mouvement avec un écoulement. Cette particule se déplace dans un espace auquel est associé un repére cartésien (O; i, j, k) ; son vecteur vitesse dans ce repère est donné par : V = ui + vj + wk où les composantes cartésiennes de la vitesse sont fonction de la position (x, y, z) et du temps t : u = u(x, y, z, t) = u(r, t) et similairement pour v et w. Considérons alors par exemple le champ de masse volumique ρ = ρ(r, t) - si dm est la masse d’une particule fluide de volume dV, la masse volumique ρ est définie par dm = ρdV -. A l’instant t1 , l’élément de fluide est situé au point 1 de coordonnées r1 et sa masse volumique en ce point vaut ρ1 = ρ(r1 , t1 ). A l’instant ultérieur t2 , ce même élément de fluide s’est déplacé au point 2 de coordonnées r2 et sa masse volumique vaut alors ρ2 = ρ(r2 , t2 ). y position 1
j O
i
x
k position 2
z
Fig. 2.2 – Elément en mouvement avec le fluide.
On peut relier ρ2 à ρ1 en écrivant un développement en série de Taylor de la masse volumique autour du point 1 : ρ2 = ρ1 + (
∂ρ ∂ρ ∂ρ ∂ρ )1 (x2 − x1 ) + ( )1 (y2 − y1 ) + ( )1 (z2 − z1 ) + ( )1 (t2 − t1 ) + (termes d’ordre supérieur) ∂x ∂y ∂z ∂t
2.1. NOTION DE DÉRIVÉE MATÉRIELLE
21
Si on divise cette expression par (t2 − t1 ) et que l’on néglige les termes d’ordre supérieur on obtient le taux de variation temporelle moyen de l’élément de fluide lorsqu’il se déplace du point 1 au point 2: ρ2 − ρ1 ∂ρ ∂ρ x2 − x1 ∂ρ y2 − y1 ∂ρ z2 − z1 ( ) = ( )1 + ( )1 ( ) + ( )1 ( ) + ( )1 ( ) t2 − t1 ∂t ∂x t2 − t1 ∂y t2 − t1 ∂z t2 − t1 Le taux de variation instantané au cours du temps est obtenu en prenant t2 → t1 . Par définition de la vitesse de l’élément on a : x2 − x1 ) = u1 lim ( t2 →t1 t2 − t1 et similairement pour les composantes v1 et w1 de la vitesse au point 1. On peut donc écrire : lim (
t2 →t1
ρ2 − ρ1 Dρ ∂ρ ∂ρ ∂ρ ∂ρ )=( )1 = ( )1 + u1 ( )1 + v1 ( )1 + w1 ( )1 t2 − t1 Dt ∂t ∂x ∂y ∂z
Dρ ) désigne le taux de variation temporelle instantané de l’élément de fluide lorsDt 1 qu’il passe au point 1. Le point 1 pouvant être n’importe quel point de l’espace considéré, on peut abandonner l’indice 1 et écrire finalement en termes d’opérateurs :
La quantité (
D ∂ ∂ ∂ ∂ = ( ) + u( ) + v( ) + w( ) Dt ∂t ∂x ∂y ∂z
(2.1)
Dρ Le taux de variation temporelle instantané de la masse volumique, noté , est appelé dérivée Dt particulaire ou dérivée matérielle : il correspond physiquement au taux de variation temporelle de la masse volumique d’un élément de fluide lorsque l’on suit le mouvement de cet élément. Si on introduit l’opérateur vectoriel ∇ : ∇≡
∂ ∂ ∂ i+ j+ k ∂x ∂y ∂z
(2.2)
on peut réécrire : D ∂ = + V ·∇ | {z } Dt ∂t |{z} |{z} dérivée convective dérivée particulaire dérivée locale
(2.3)
Une grandeur physique associée à une particule fluide varie donc en passant en un point de l’écoulement parce que : – en ce point donné, la grandeur physique en question peut présenter une variation temporelle ∂ ⇒ dérivée locale ∂t – la particule fluide est en mouvement vers un autre point de l’écoulement en lequel la grandeur physique étudiée aura changé de valeur ⇒ dérivée convective V · ∇ Exemple 1 : Soit une fusée sonde effectuant un vol vertical dans une atmosphère dont la température décroît linéairement à partir du sol suivant la loi : T (x, y, z) = T0 − bz avec b = 8 × 10−3 K/m
22
CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
L’engin est muni d’un capteur de température. Calculer le taux de variation de la température mesurée par ce capteur lorsque la fusée s’élève avec une vitesse de 360 km/h. • Le taux de variation au cours du temps de la température mesurée par le capteur est la dérivée matérielle de cette température : DT ∂T = + V · ∇T Dt ∂t où V est la vitesse du capteur, i.e. la vitesse de la fusée. Le champ de température T (x, y, z) est ∂T ∂T stationnaire ( = 0) et tel que ∇T = k = −bk (où k est le vecteur unitaire associé à l’axe z ∂t ∂z supposé vertical ascendant). La vitesse du capteur vaut wk avec w = 100 m/s. Ainsi : DT = −bw = −0.8 K/s Dt La température mesurée par le capteur diminue donc de 0.8K toutes les secondes. ¤ Exemple 2 : Par définition l’accélération d’une particule fluide est la dérivée matérielle ou particulaire de la vitesse de cette particule, elle-même dérivée matérielle du vecteur position. On note γi la ime composante du vecteur accélération ; on peut donc écrire : γi =
dvi ∂vi ~ = + V · ∇vi dt ∂t µ ¶ ∂v1 ∂v2 ∂v1 ∂vi + v1 + v1 + v3 = ∂t ∂x1 ∂x2 ∂x3 ∂vi ∂vi = + vj ∂t ∂xj
Dans le développement ci-dessus on a noté vi (i = 1, 3) les composantes du vecteur vitesse V~ et xi (i = 1, 3) les composantes du vecteur position (au lieu de u, v, w pour les composantes du vecteur vitesse et x, y, z pour celles du vecteur position comme dans l’exemple précédent) afin de pouvoir adopter une notation indicielle compacte, très classique en mécanique, dite convention d’Einstein, selon laquelle la présence d’un même indice doublé dans une expression signifie une sommation sur cette indice. Remarque : Les développements précédents avaient pour but de donner une signification physique à la notion de dérivée matérielle. On peut raisonner de la façon plus mathématique suivante. Soit une particule fluide en mouvement ; sa position à l’instant t est donnée par (x, y, z). La masse volumique (par exemple) de cette particule fluide à l’instant t s’écrit donc : ρ(x, y, z, t) = ρ(x(t), y(t), z(t), t) puisque la position de la particule évolue au cours du temps. On peut alors calculer la dérivée totale de ρ par rapport au temps en appliquant les règles classiques de dérivation composée : ∂ρ ∂ρ dx ∂ρ dy ∂ρ dz dρ = + + + dt ∂t ∂x dt ∂y dt ∂z dt
2.2. EQUATION DE CONSERVATION DE LA MASSE
23
dx et similairement pour v et w, on constate donc que la dérivée totale d’une grandeur dt par rapport au temps n’est rien d’autre que la dérivée matérielle de cette grandeur (et inversement). Cette importante notion préliminaire établie, nous pouvons nous intéresser maintenant à l’obtention des équations qui régissent l’écoulement d’un fluide.
Puisque u =
2.2 2.2.1
Equation de conservation de la masse Forme intégrale
Cas d’un volume de contrôle fini en mouvement avec le fluide Pour traduire en équation le principe de conservation de la masse, considérons tout d’abord un volume de contrôle fini V(t) se déplaçant avec le fluide (cf. Fig.2.1(b)). Le volume de contrôle fini V(t) est formé d’un ensemble de particules fluides (toujours les mêmes) - on rappelle qu’une particule fluide est le plus petit élément de fluide dont les propriétés macroscopiques ne sont pas influencées par des molécules individuelles -. Soit dm la masse de toutes les molécules d’une particule fluide de volume élémentaire dV ; la masse volumique du fluide ρ vérifie alors : dm = ρdV La masse de fluide contenue dans le volume de contrôle matériel V(t) est donnée par : Z m= ρdV V(t)
La variation de la masse m quand V(t) se déplace avec le fluide est par définition donnée par la dérivée matérielle de m. Puisque la masse de chaque particule fluide est conservée au cours du mouvement (principe physique A), il en va de même pour la masse globale m du volume de contrôle matériel V(t) et on peut écrire : Z D ( ρdV) = 0 (2.4) Dt V(t)
Cas d’un volume de contrôle fini fixe Considérons maintenant un volume de contrôle fini V fixe, de surface de contrôle S, à travers laquelle le fluide s’écoule librement. Le principe de conservation de la masse appliqué à V signifie que le taux de variation de la masse à l’intérieur du volume de contrôle V est égal au flux de masse à travers la surface de contrôle S : s’il entre plus de masse dans V qu’il n’en sort, ce taux de variation sera positif, traduisant une augmentation de la masse contenue dans V ; dans le cas contraire, un taux de variation négatif correspond à une masse de fluide sortant de V plus importante que la masse de fluide y entrant. Le flux de masse F m à travers la surface de contrôle S est égal à la somme des flux de masse à travers les surfaces infinitésimales dS qui composent S : Z m F = dF m S
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CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
avec un flux élémentaire dF m donné par : dF m = ρVn dS où Vn désigne la composante de la vitesse V perpendiculaire à l’élément de surface dS (cf. Fig.2.3). On peut aussi écrire Vn = V · n, où n désigne le vecteur unitaire normal à dS pointant par convention vers l’extérieur du volume de contrôle. Ainsi, si le vecteur vitesse V pointe également vers l’extérieur du volume de contrôle, le flux de masse ρV ·n est positif ; autrement dit, avec ce choix d’orientation de la normale - qui est une convention quasi-universelle - un flux de masse hors du volume de contrôle est compté positivement et inversement un flux de masse dans le volume de contrôle est compté négativement. On a donc finalement : Z m F = ρV · ndS S
Par ailleurs, puisque le volume de contrôle considéré est fixe, le taux de variation temporelle de la masse de fluide contenue dans V est simplement donné par : Z Z ∂ρ ∂ m ρdV = dV. τ = ∂t V V ∂t Cette variation de masse est positive s’il entre plus de masse dans le volume de contrôle qu’il n’en sort d’où, compte tenu des conventions adoptées plus haut : τ m = −F m soit
Z V
∂ρ dV + ∂t
Z ρV · ndS = 0 S
élément de surface dS intérieur du volume de contrôle V vecteur normal unitaire n vecteur vitesse V
Fig. 2.3 – Normale extérieure au volume de contrôle.
(2.5)
2.2. EQUATION DE CONSERVATION DE LA MASSE
25
Lien entre les deux formulations intégrales : théorème de transport Nous considérons à nouveau un volume de contrôle matériel V(t), qui est donc par définition en mouvement avec le fluide en écoulement. Nous cherchons à évaluer le taux de variation dans le temps d’une quantité scalaire f (r, t) définie sur V(t) (f peut être la masse volumique ρ, la température T . . .) ; nous voulons donc calculer la quantité : Z D I= ( f (r, t)dV) Dt V(t) Par définition d’un taux de variation instantané, on a : Z Z 1 I = lim f (r, t)dV] [ f (r, t + ∆t)dV − ∆t→0 ∆t V(t+∆t) V(t) La difficulté de l’évaluation de I est liée au fait que dans l’intervalle de temps ∆t on a variation à la fois de la grandeur f et du volume de contrôle V(t). On va contourner cette difficulté en analysant tout d’abord la variation de V(t). La surface de contrôle S(t) associée à V(t) peut être décomposée en deux sous-surfaces selon le signe de V · n (V désigne toujours la vitesse locale du fluide et n la normale extérieure à S(t)) ; on note S1 (t) la partie de S(t) sur laquelle V · n ≤ 0 et S2 (t) celle sur laquelle V · n ≥ 0. Pendant l’intervalle de temps ∆t, S1 (t) balaie un volume V1 (∆t) qui se retrouve à t + ∆t à l’extérieur de V(t + ∆t) (puisque V · n ≤ 0 sur S1 (t)) et similairement S2 (t) balaie un volume V2 (∆t) qui se retrouve à t + ∆t à l’intérieur de V(t + ∆t) (puisque V · n ≥ 0 sur S2 (t)). Par conséquent, la variation du volume de contrôle matériel entre l’instant t et l’instant t + ∆t peut s’écrire : V(t + ∆t) = V(t) + V2 (∆t) − V1 (∆t) (cf. Fig. 2.4(a)). On peut alors réécrire I sous la forme : Z Z 1 I = lim [ f (r, t)dV] f (r, t + ∆t)dV − t→0 ∆t V(t) V(t) Z Z 1 1 +lim f (r, t + ∆t)dV − lim f (r, t + ∆t)dV t→0 ∆t V (∆t) t→0 ∆t V (∆t) 2 1 Z ∂f (r, t) On identifie naturellement le premier terme entre crochets de cette expression à dV. ∂t V(t) Pour évaluer les termes restants, nous allons raisonner sur les surfaces de contrôle. Le volume V2 (∆t) par exemple est la somme des volumes élémentaires balayés pendant ∆t par une surface élémentaire de S2 (t) (cf. Fig. 2.4(b)). On peut donc écrire dans ce cas dV = (V · n)∆tdS, d’où : Z Z Z 1 lim f (r, t + ∆t)dV = lim f (r, t)V · ndS f (r, t + ∆t)V · ndS = ∆t→0 ∆t V (∆t) ∆t→0 S (t) S2 (t) 2 2 On établit similairement : 1 lim ∆t→0 ∆t
Z
Z f (r, t + ∆t)dV = − V1 (∆t)
f (r, t)V · ndS S1 (t)
où le signe − provient du fait que V · n étant négatif sur S1 (t), l’élément de volume élémentaire dV balayé par un élément de surface élémentaire de S1 (t) pendant ∆t est donné par dV = −(V · n)∆tdS. Puisque S(t) = S1 (t) + S2 (t), on obtient finalement : Z Z ∂f (r, t) dV + f (r, t)V · ndV I= ∂t S(t) V(t)
26
CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
On peut donc énoncer le théorème suivant, dit théorème de transport : Le taux de variation au cours du temps de l’intégrale d’une grandeur scalaire f sur le volume matériel V(t) est égal à la somme de l’intégrale sur le volume matériel V(t) de la variation de f par rapport au temps et du flux de f à travers la surface de V(t). Soit, en termes mathématiques : Z Z Z D ∂f (r, t) f (r, t)dV = dV + f (r, t)V · ndV Dt V(t) ∂t V(t) S(t)
(2.6)
V(t+∆ t) V . n >0 V1 ( ∆t)
V
n V
V
n
V2 ( ∆t)
V . n 1).
2.7.2
Equations de Navier-Stokes
Nous avons donné précédemment l’appellation “équations de Navier-Stokes” aux équations de la quantité de mouvement dans le cas d’un fluide newtonien, c’est-à-dire un fluide dont le tenseur des contraintes visqueuses est de la forme : τij = µ(
∂vj 2 ∂vk ∂vi + )− µ δij ∂xj ∂xi 3 ∂xk
Cette appellation est tout à fait correcte d’un point de vue historique. Cependant, le développement de la CFD a conduit à désigner sous le vocable “équations de Navier-Stokes” l’ensemble des équations qui régissent l’écoulement d’un fluide visqueux conducteur de la chaleur et que les chercheurs en CFD cherchent à résoudre numériquement. Nous adopterons cette terminologie dans ce cours. Nous
64
CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
Fig. 2.14 – Description d’un problème d’écoulement libre de fluide parfait.
rappelons ci-dessous la formulation différentielle - sous forme indicielle - de ces équations de NavierStokes. Celles-ci différent des équations d’Euler par la présence : de termes supplémentaires dans les équations de la quantité de mouvement, qui correspondent aux contraintes visqueuses ; de termes supplémentaires dans l’équation de l’énergie, qui traduisent le travail de ces contraintes visqueuses et le transfert de chaleur. • Equations de Navier-Stokes sous forme conservative :
∂ρ ∂(ρvi ) + =0 ∂t ∂xi ∂(ρv ) ∂(ρv v ) ∂p ∂τij i i j + =− + ρgi + ∂t ∂xj ∂xi ∂xj ∂(ρE) ∂(ρEvi ) ∂(pvi ) ∂(τij vi ) ∂ 2T + =− + ρgi vi + +k 2 ∂t ∂xi ∂xi ∂xj ∂xi
(2.63)
2.7. SYNTHÈSE DES ÉQUATIONS DE L’ÉCOULEMENT • Equations de Navier-Stokes sous forme non-conservative : Dρ ∂vi +ρ =0 Dt ∂xi Dvi ∂p ∂τij ρ =− + ρgi + Dt ∂xi ∂xj DE ∂(pvi ) ∂(τij vi ) ∂ 2T ρ =− + ρgi vi + +k 2 Dt ∂xi ∂xj ∂xi
65
(2.64)
Equation de bilan pour la température T d’un gaz parfait Nous souhaitons transformer l’équation de l’énergie du système (2.64) en une équation sur la température T . 1 1 Puisque E = e + V 2 = Cv T + V 2 dans le cas d’un gaz parfait, nous allons chercher à obtenir une 2 2 1 équation de bilan sur l’énergie cinétique V 2 ; en faisant ensuite la différence entre cette équation et 2 celle sur l’énergie totale E, nous obtiendrons l’équation désirée sur la température T . Pour obtenir une équation sur l’énergie cinétique, formons le produit scalaire de la vitesse V et de l’équation de quantité de mouvement de (2.64) ; on obtient : ρvi
Dvi ∂p ∂τij = −vi + ρgi vi + vi Dt ∂xi ∂xj
Comme :
∂vi ∂vi Dvi = vi + vi vj Dt ∂t ∂xj ∂ 1 2 ∂ 1 2 = ( vi ) + vj ( v ) ∂t 2 ∂xj 2 i D 1 2 = ( v ) Dt 2 i on en déduit l’équation de l’énergie cinétique : vi
ρ
D 1 2 ∂τij ∂p ( vi ) = −vi + ρgi vi + vi Dt 2 ∂xi ∂xj
En effectuant maintenant la différence entre ρCv Compte tenu de
D 1 2 DE et ( v ) on obtient : Dt Dt 2 i
DT ∂ 2T ∂(pvi ) ∂p ∂(τij vi ) ∂τij =k 2 − + vi + − vi Dt ∂xi ∂xi ∂xi ∂xj ∂xj
∂(pvi ) ∂vi ∂p ∂(τij vi ) ∂τij ∂vi =p + vi et = vi + τij , on obtient finalement : ∂xi ∂xi ∂xi ∂xj ∂xj ∂xj ρCv
DT ∂ 2T ∂vi ∂vi =k 2 −p + τij Dt ∂xi ∂xi ∂xj
(2.65)
66
CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
ou encore
DT = k∆T − p∇ · V + τ : ∇V (2.66) Dt On pose classiquement φ = τ : ∇V ; physiquement, φ correspond à un terme de dissipation, c’est-àdire à l’énergie irréversiblement transformée en chaleur par les contraintes de cisaillement. Dans le cas d’un fluide idéal incompressible, l’équation de la chaleur se réduit à ρCv
DT =0 Dt puisque dans ce cas k = 0, τ = 0 et ∇ · V = 0. La température T reste donc constante le long des trajectoires des particules fluides ; si la distribution de température est uniforme à l’infini amont de l’écoulement, T = T∞ , la température sera constante dans tout l’écoulement, que l’on qualifie alors d’isotherme.
Description d’un écoulement de fluide réel Considérons (cf. Fig. 2.15) un écoulement de fluide réel sur un obstacle fixe placé dans un écoulement ; à l’infini amont, l’écoulement est supposé uniforme et il est défini, comme dans le cas vu précédemment d’un fluide idéal, par un module de vitesse V∞ , une masse volumique ρ∞ , une pression statique p∞ et une direction de l’écoulement (angle d’incidence α pour un problème bidimensionnel) mais également, et ceci est lié à la prise en compte de la viscosité, par une viscosité dynamique µ∞ (qui dépend de la température T∞ ) (ainsi qu’une conductivité thermique k∞ qui dépend également de T∞ ). L’écoulement est entièrement décrit par les équations de Navier-Stokes qui viennent d’être rappelées mais ce système non-linéaire d’équations aux dérivées partielles ne fait pas référence à la forme particulière de l’obstacle qui doit donc être prise en compte par le biais d’une condition aux limites. Dans le cas d’un fluide réel, la condition de paroi stipule que l’écoulement adhère à l’obstacle (on parle de condition de non-glissement ou d’adhérence,no-slip boundary condition en anglais) ; en d’autres termes ceci signifie que la vitesse du fluide au niveau de la paroi solide est égale à la vitesse de déplacement de cette paroi solide et puisque l’obstacle est fixe dans le cas considéré on stipule donc V~ = 0 pour le vecteur vitesse local au niveau de la paroi (la vitesse du fluide est identiquement nulle au niveau de la paroi solide). Puisque la température est également une variable du problème, on doit également spécifier une condition aux limites thermique (la condition qui vient d’être écrite est elle relative à la dynamique de l’écoulement). Il existe deux grands types de conditions de paroi pour la température : si la paroi est isotherme (i.e. maintenue à une température fixée Tw ) on écrira que la température du fluide au niveau de la paroi solide est égale à Tw ; si la paroi est adiabatique (i.e. il n’y a pas de flux de chaleur à travers cette paroi) on écrira ~q · ~n = 0 à la paroi, où ~q désigne le vecteur flux de chaleur et ~n est le vecteur normal à la paroi solide, soit encore, compte tenu de la loi = 0 où ∂n désigne une dérivée suivant de Fourier qui relie le vecteur q au gradient de température, ∂T ∂n la direction normale à la paroi. Le problème d’écoulement défini par les équations de Navier-Stokes, les conditions à l’infini amont et les conditions de paroi peut être résolu de façon analytique dans certains cas particuliers (on donne un exemple en conclusion de cette section en analysant le classique problème de Couette qui correspond à l’écoulement incompressible entre deux parois solides dont l’une est fixe et isotherme tandis que l’autre est en mouvement et adiabatique) ; dans le cas général, il n’est pas possible d’exhiber une solution analytique et on a donc à nouveau recours à une résolution discrète (par différences finies, volumes finis, éléments finis, méthodes spectrales . . .). Si les équations
2.7. SYNTHÈSE DES ÉQUATIONS DE L’ÉCOULEMENT
67
de Navier-Stokes et les conditions aux limites sont écrites en utilisant des variables adimensionnées par l’état infini amont pris comme état de référence, on montre que les seules données du problème sont la géométrie Σ de l’obstacle, le nombre de Mach M∞ , l’angle d’incidence α et le nombre de Reynolds basé sur les conditions à l’infini amont et une dimension caractéristique de l’obstacle (corde d’un profil par exemple) Re∞,L = ρ∞ V∞ L/µ∞ . La conservation de l’énergie fait également apparaître un nombre sans dimension fonction de µ∞ et k∞ , dit nombre de Prandtl, mais celui-ci est en réalité une constante du fluide considéré et ne dépend donc pas de l’écoulement (pour l’air le nombre de Prandtl est une constante qui vaut typiquement 0.71). On s’intéressera tout particulièrement dans le présent cours à des problèmes d’écoulement pour lesquels le nombre de Reynolds tend vers l’infini (on parle d’écoulements "à grand nombre de Reynolds") puisqu’il s’agit d’une situation typique des écoulements rencontrés en aérodynamique externe dans les domaines aéronautique et automobile.
Fig. 2.15 – Description d’un problème d’écoulement libre de fluide réel. Exemple de solution analytique des équations de Navier-Stokes Considérons l’écoulement d’un fluide incompressible entre deux plaques infinies à la distance d l’une de l’autre (cf. Fig.2.16). On suppose que la plaque inférieure est fixe et maintenue à la température T0 ; on suppose par ailleurs que la plaque supérieure est animée d’un mouvement uniforme de translation à la vitesse U0 et qu’il n’y a pas d’échange de chaleur entre le fluide et cette plaque. Les forces volumiques sont négligées et on suppose de plus que l’écoulement ne varie pas suivant x (écoulement pleinement développé). Déterminer dans ces conditions la distribution de température qui s’établit entre les deux plaques.
68
CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES u=U o
(dT/dn)=0
u,T?
d y
u=0
x
T=T o
Fig. 2.16 – Ecoulement de Couette. Bilan de température.
• Puisque ρ ≡ ρ∞ , l’équation de conservation de la masse se réduit à : ∂u ∂v + =0 ∂x ∂y ∂v ∂v ∂ = 0, = = 0 et comme v = 0 au niveau des plaques on a nécessairement v ≡ 0 ∂x ∂x ∂y partout dans l’écoulement. Les équations de la quantité de mouvement se réduisent alors à : 0 = µ∆u ∂p 0=− ∂y
Puisque
soit p = cste = p∞ dans l’écoulement et
d2 u = 0. On en déduit immédiatement : dy 2 u(y) = k1 y + k2
y Comme u(0) = 0 et u(d) = U0 on obtient finalement : u(y) = U0 ( ). d Pour cet écoulement stationnaire et incompressible, l’équation de l’énergie s’écrit : ρCv V · ∇T = k∆T + τ · ∇V soit, compte tenu de v = 0 et T = T (y) : k
d2 T du + τxy =0 2 dy dy
avec la contrainte de cisaillement τxy donnée par τxy = µ(
du ). On a donc : dy
d2 T µ du 2 µ U0 2 = − ( ) = − ( ) dy 2 k dy k d
2.7. SYNTHÈSE DES ÉQUATIONS DE L’ÉCOULEMENT
69
Par intégration immédiate, on en tire : T (y) = c1 + c2 y −
1µ 2 y 2 U ( ) 2k 0 d
dT (d) µ U02 Compte tenu de T (0) = T0 , on a c1 = T0 ; par ailleurs q(d) = −k = 0 implique que c2 = ( ) dy k d d’où finalement : µ y 1 y T (y) = T0 + ( )U02 [( ) − ( )2 ] k d 2 d 1 µ 2 On a en particulier T (d) = Taw = T0 + ( )U0 ; on remarque également que le transfert de chaleur 2 k dT U2 du fluide vers la plaque inférieure est donné par : q(0) = −k (0) = −µ 0 (cf. Fig.2.17). En termes dy d 1 2 d’enthalpie, on peut écrire h(d) = Cp T (d) = h0 + 2 P rU0 où on a introduit le nombre de Prandtl µCp Pr = , qui compare les transferts de quantité de chaleur et de quantité de mouvement au sein k du fluide. Pour l’air, P r = 0.81 ce qui indique que ces processus sont du même ordre de grandeur. ¤
T aw dT =0 -> paroi supérieure adiabatique dy y
dT = 0 -> transfert de chaleur à la paroi inférieure dy x
To
Fig. 2.17 – Distribution de température pour l’écoulement de Couette.
70
CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
Chapitre 3 Enjeux de l’aérodynamique pour l’ingénieur Nous avons présenté en détail au chapitre précédent les modèles qui permettent de décrire les écoulements de fluides ; nous avons mentionné dans l’introduction de ce cours que cette connaissance des écoulements avait en particulier pour but le calcul des efforts auxquels est soumis un véhicule en mouvement au sein d’un fluide. Nous souhaitons maintenant revenir plus précisément sur cette notion cruciale d’efforts aérodynamiques, indicateurs essentiels des performances aérodynamiques d’un système. La première section de ce chapitre sera consacrée à une très brève revue des caractéristiques géométriques des formes auxquelles s’appliquent généralement ces efforts ; la deuxième section détaillera les principaux efforts et coefficients aérodynamiques en s’attachant plus particulièrement à la génération de portance et à la création de traînée. Les effets de la viscosité et du nombre de Mach sur ces coefficients seront évoqués. La troisième et dernière section abordera ensuite de façon succincte car ces questions seront précisées ultérieurement, une fois maîtrisés certains concepts fondamentaux - la question devenue aujourd’hui cruciale de l’optimisation de forme et du contrôle des écoulements destinés à élever toujours davantage le niveau des performances aérodynamiques ; la position de la discipline aérodynamique dans ce processus de conception optimale hautement multidisciplinaire en pratique sera précisée.
3.1
Formes aérodynamiques
Comme l’illustrent les figures 3.1, 3.1 et 3.2, les profils d’aile constituent depuis un siècle les briques élémentaires à partir desquelles on construit un avion. On trouve des profils d’aile lorsque l’on effectue des coupes à travers l’aile d’un avion, les stabilisateurs horizontaux et verticaux, mais aussi au niveau des aubes de turbines dans les systèmes propulsifs . . . Ces profils remplissent des rôles multiples : ils permettent de produire des efforts normaux à la direction principale de l’écoulement, d’accélérer un écoulement . . . On trouvera dans l’ouvrage [10] ou sur un site tel que http ://www.ae.uiuc.edu/mselig/ads.html des catalogues de profils d’aile, adaptés à des conditions de vol variées (un profil d’aile de planeur diffère considérablement d’un profil d’aile d’avion de voltige par exemple). Pour le moment, nous nous contentons de donner les éléments clés de la description géométrique d’un profil : celle-ci suit une nomenclature bien précise indiquée sur la figure 3.4 ci-dessous. Les principaux éléments d’un profil d’aile (ou wing section, airfoil ou aerofoil en anglais) sont : – le bord d’attaque et le bord de fuite (leading and trailing edges) sont les points extrêmes avant (amont) et arrière (aval) du profil. – la ligne de corde (chord line) désigne la ligne droite qui connecte bord de fuite et bord d’attaque ; la corde désigne la longueur du segment joignant ces deux derniers points. La corde 71
72
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.1 – Avion biplan Bellanger à surface variable (photographie tirée de [5]).
Fig. 3.2 – Essai d’une section d’aile à profil constant dans la soufflerie Eiffel (photographie tirée de [5]).
3.1. FORMES AÉRODYNAMIQUES
73
Fig. 3.3 – Le Rafale de Dassault Aviation (photographie tirée de [5]).
est classiquement la longueur de référence retenue dans l’analyse de l’écoulement sur un profil. Par exemple, on définit un nombre de Reynolds de référence à partir de la vitesse, de la masse volumique et de la viscosité dynamique à l’infini amont du profil ainsi que de la corde ; similairement, on se repère le long du profil en raisonnant sur des distances adimensionnées par la corde, y/c, x/c. On situera par exemple un capteur à 60% de corde le long du profil pour dire que sa position projetée sur la ligne de corde est égale à 0.6 × c. – la ligne de cambrure moyenne désigne le lieu des points situés à mi-distance de la partie supérieure (extrados) et de la partie inférieure (intrados) du profil. La cambrure est la distance maximale entre la ligne de corde et la ligne de cambrure moyenne, mesurée perpendiculairement à la ligne de corde. La cambrure, la forme de la ligne moyenne (ou ligne de cambrure moyenne) et, dans une moindre mesure, la distribution d’épaisseur d’un profil sont les paramètres essentiels qui contrôlent l’effort portant du profil (qui assure la sustentation) et son moment (essentiel en termes de stabilité en vol). La figure 3.5 reproduit un croquis du grand designer Raymond Loewy, qui présente l’évolution des formes typiques des véhicules automobiles entre les années 1900 et 1930. On observe la tendance marquée vers des véhicules de plus en plus "profilés", qui offrent de façon intuitive un moindre niveau d’effort de pénétration dans l’air (on aura l’occasion dans la suite du cours d’expliquer soigneusement et rigoureusement en quoi telle ou telle forme de véhicule est effectivement plus "aérodynamique" qu’une autre). La figure 3.6 qui présente un magnifique modèle de voiture des années 1930 illustre notamment ce souci d’aérodynamisme dans la forme en goutte d’eau des carénages de roue. Si la réduction de la traînée reste un objectif prioritaire de l’aérodynamicien dans le domaine automobile, pour d’évidentes raisons économiques en ce qui concerne les véhicules de série, le souci de produire une anti-portance ou portance négative (on parle aussi en anglais de downforce) apparaît également dès lors que l’on s’intéresse à des véhicules de course dont les vitesses élevées peuvent conduire à des effets de soulèvement si des dispositifs de type becquet arrière (rear spoiler) par exemple ne sont pas mis en place pour plaquer le véhicule au sol (voir par exemple la Fig. 3.7).
74
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.4 – Principales caractéristiques d’un profil d’aile.
3.2 3.2.1
Les principaux efforts aérodynamiques Quelques définitions
Afin de simplifier notre présentation, nous considérons un profil d’aile bidimensionnel placé à un angle d’incidence α : cet angle marque l’inclinaison entre le vecteur vitesse amont V ∞ et la corde du profil, c’est-à-dire la ligne droite qui joint le bord d’attaque et le bord de fuite de ce profil (voir Fig. 3.8). Cette situation est typiquement celle rencontrée lors d’un essai en soufflerie : la maquette - fixe - est plongée dans un écoulement animé d’une vitesse uniforme V ∞ afin de reproduire, en vertu du principe de réciprocité aérodynamique, le cas d’un véhicule en mouvement à la vitesse V ∞ au sein d’une masse d’air au repos. Dans la réalité la maquette n’est bien sûr pas bidimensionnelle mais constituée d’une aile de section constante suivant son envergure et positionnée perpendiculairement à la direction de l’écoulement incident de sorte que, si les effets de bord peuvent être négligés, l’écoulement ne varie pas dans la direction de l’envergure et on peut donc se limiter à analyser, comme nous le faisons, l’écoulement suivant une section quelconque de cette aile. En pratique, une aile est généralement de section variable en envergure. L’ensemble des forces exercées par l’écoulement sur le profil peut être exprimé par un effort équivalent
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
75
Fig. 3.5 – Evolution du design des véhicules automobiles entre les années 1900 et 1930. Croquis de Raymond Loewy tiré de [7]. F appliqué en un point appelé foyer aérodynamique (voir figure 3.9). Cette force résultante est classiquement décomposée en : – une composante parallèle à la vitesse V ∞ que l’on appelle traînée ou force de traînée et que l’on peut noter Fx si l’on suppose - ce qui est souvent le cas - que la direction de l’écoulement à l’infini amont est celle du vecteur de base i du repère cartésien que l’on associe au problème. – une composante perpendiculaire à la vitesse V ∞ que l’on désigne sous le nom de portance ou
76
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.6 – Delahaye de 1937 carrossée par Figoni et Falaschi. On notera la forme en goutte d’eau du carénage des roues (photographie tirée de [7]).
Fig. 3.7 – Lamborghini Cala (photographie tirée de [7]) munie d’un becquet arrière. force de portance et que l’on va noter Fz (y correspond à la direction de l’envergure qui s’enfonce dans le plan de la feuille). Dans certaines applications, notamment l’aérodynamique des missiles, la résultante F est plutôt décomposée comme suit : – une composante normale FN perpendiculaire à la corde du profil – une composante axiale FA alignée avec la corde du profil Les différentes composantes ci-dessus sont reliées de façon évidente par les expressions suivantes : Fx = FN sin (α) + FA cos (α) Fz = FN cos (α) − FA sin (α)
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
77
bord d’attaque extrados bord de fuite V∞
α
intrados
Fig. 3.8 – Profil d’aile bidimensionnel en incidence.
FN
Fz
V∞
F
Fx
α FA foyer aerodynamique
z x
Fig. 3.9 – Décompositions de la résultante des forces aérodynamiques.
78
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Expression des forces aérodynamiques La force élémentaire appliquée à un élément de surface ds du profil considéré est donnée par : dF = −pnds + τ sds où n et s désignent respectivement le vecteur normal et tangentiel à l’élément de surface ds (voir figure 3.10), le scalaire p est identifié à la pression et le scalaire τ est le frottement pariétal ; la force élémentaire appliquée à ds peut donc être décomposée en une composante normale à l’élément de surface dF 1 = −pnds et une composante tangentielle à la surface notée dF 2 = τ sds. Dans le cas tridimensionnel, dF 2 doit être décomposée suivant deux vecteurs unitaires s1 et s2 contenus dans le plan tangent à la surface du corps. Les forces élémentaires normale et axiale exercées sur l’extrados du profil (de corde alignée avec l’axe des x) peuvent donc s’écrire : (dFN )e = −pe cos (θ)ds + τe sin (θ)ds (dFA )e = pe sin (θ)ds + τe cos (θ)ds où θ désigne l’inclinaison locale du profil, qui est comptée positivement si elle est au-dessus de l’horizontale et négativement dans le cas contraire. On rappelle également que la force normale est positive si elle dirigée globalement vers le haut (selon l’axe Oz) et que la force axiale est positive si elle est dirigée globalement selon Ox. On peut écrire une relation similaire pour les forces exercées sur l’intrados du profil : (dFN )i = pi cos (θ)ds + τi sin (θ)ds (dFA )i = −pi sin (θ)ds + τi cos (θ)ds En intégrant ces deux contributions du bord d’attaque BA au bord de fuite BF on obtient l’expression des forces axiale et normale (par unité d’envergure) : Z BF Z BF FN = (−pe cos (θ) + τe sin (θ))ds + (pi cos (θ) + τi sin (θ))ds BA BA Z BF Z BF FA = (pe sin (θ) + τe cos (θ))ds + (−pi sin (θ) + τi cos (θ))ds BA
BA
Notons que la portance Fz et la traînée Fx sont obtenues en utilisant les formules de passage données plus haut. La terminologie anglo-saxonne désigne la portance comme lift (L) et la traînée comme drag (D). Dans le cas où les efforts de frottement peuvent être négligés devant les efforts de pression, on peut simplifier l’expression ci-dessus pour la force normale en : Z BF Z BF FN ≈ (−pe cos (θ))ds + (pi cos (θ))ds BA
BA
soit encore
Z
BF
FN ≈
(pi − pe )dx BA
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
z
79
n
θ s BA
s θ
BF x
V∞ n α
Fig. 3.10 – Action exercée par un fluide sur un corps. En supposant l’incidence du profil faible (hypothèse valable par exemple pour le régime de croisière des avions de transport), on peut écrire Fz ≈ FN et par conséquent la force de portance peut être approchée par : Z BF (pi − pe )dx Fz ≈ (3.1) BA
Cette expression est particulièrement intéressante puisqu’elle montre que l’effort portant résulte pour l’essentiel de la différence de pression entre l’intrados et l’extrados du profil. Pour générer de la portance, il faut donc obtenir des niveaux de pression à l’intrados les moins bas possibles tandis que les niveaux de pression à l’extrados doivent être aussi peu élevés que possible. En d’autres termes, on va chercher à construire un profil de façon à accélérer le plus possible l’écoulement à l’extrados - ce qui va correspondre à de faibles pressions associées - tandis que l’écoulement à l’intrados sera aussi peu accéléré que possible. Nous donnerons un exemple un peu plus loin, après avoir introduit la notion de coefficient de pression. Naturellement là où il y a une force, il y a en général un moment : le moment aérodynamique associé à la résultante F dépend du point par rapport auquel ce moment est calculé. Un choix possible - mais nous allons voir que ce n’est pas celui retenu de façon conventionnelle - consiste à calculer le moment aérodynamique par rapport au bord d’attaque du profil, confondu avec l’origine O du repère cartésien utilisé. Le moment aérodynamique élémentaire par rapport au bord d’attaque de la force aérodynamique élémentaire dF appliquée en un point P du profil est alors donné par : dM = OP × dF En intégrant cette expression à l’extrados et à l’intrados, du bord d’attaque au bord de fuite, on
80
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
obtient finalement l’expression du moment aérodynamique par rapport au bord d’attaque ; puisque, en écoulement plan, ce moment est un vecteur perpendiculaire au plan du mouvement, on notera MBA la composante du moment suivant la direction perpendiculaire au plan du mouvement. De plus on choisit en aérodynamique la convention suivante : MBA est positif si le moment est cabreur, c’està-dire si il tend à faire augmenter l’incidence du profil (sens inverse du sens trigonométrique) tandis que MBA est négatif si le moment est piqueur, c’est-à-dire si il tend à faire diminuer l’incidence du profil. L’expression du moment par rapport au bord d’attaque du profil est la suivante : Z MBA =
BF BA Z
[(pe cos (θ) − τe sin (θ))x + (pe sin (θ) + τe cos (θ))y] ds BF
+
[(−pi cos (θ) − τi sin (θ))x + (−pi sin (θ) + τi cos (θ))y] ds BA
Comme cela a été fait précédemment pour les composantes de la force aérodynamique, on associe à ce moment un coefficient sans dimension, dit coefficient de moment, défini par : Coefficient de moment : Cm =
M q∞ SL
où la longueur de référence L introduite dans la définition du coefficient de moment pourra être typiquement la corde du profil. Plutôt qu’au bord d’attaque du profil, le point d’application de la force aérodynamique F peut être choisi en un point quelconque de la corde, d’abcisse xc . Par définition du moment aérodynamique, on trouve de façon immédiate que le moment par rapport au point C est relié au moment par rapport au bord d’attaque par l’expression suivante : Mc = MBA + xc FN On constate qu’il existe un point particulier, appelé centre de poussée, pour lequel Mc s’annule ; ce point est tel que xcp = −MBA /FN . Ce point pourrait être choisi comme point conventionnel de référence dans le calcul du moment aérodynamique mais historiquement le choix s’est plutôt porté sur le quart de corde. Ainsi, sauf mention explicite du contraire, le moment aérodynamique est tel que : c Mc/4 = MBA + FN 4
Coefficients aérodynamiques globaux L’intuition physique permet de pressentir que l’amplitude des efforts aérodynamiques exercés par le fluide en écoulement sur le profil sera d’autant plus grande que le module de la vitesse V∞ sera élevé, la masse volumique ρ∞ importante et les dimensions du profil grandes. On cherche donc à caractériser les performances du profil de façon intrinsèque, en introduisant des coefficients sans dimension qui soient si possible indépendants des grandeurs précédentes. Par de simples considérations d’analyse dimensionnelle, on peut montrer que le groupement sans dimension pertinent est ρ∞ V∞2 S où S est une surface de référence caractéristique de la taille du corps considéré. En d’autres termes, on introduit un coefficient aérodynamique - sans dimension - C qui permet d’exprimer une force aérodynamique F comme F = 21 ρ∞ V∞2 S C avec C qui caractérise les performances aérodynamiques intrinsèques du
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
81
véhicule / projectile étudié. Le coefficient 1/2 a été introduit de façon à faire apparaître la pression dynamique : 1 q∞ = ρ∞ V∞2 2 La surface S étant une grandeur de référence a priori arbitraire il est nécessaire de savoir comment elle a été choisie pour être en mesure de juger des performances aérodynamiques d’un véhicule par la seule donnée de coefficients aérodynamiques. Ainsi, certaines publicités pour des véhicules automobiles fournissent un coefficient de traînée Cx sans plus de précision ; pour calculer la traînée de votre automobile, la connaissance de S est bien sûr indispensable. En général, dans le domaine automobile, S est la surface projetée du véhicule dans un plan perpendiculaire à sa direction d’avancement (maître-couple). On signale que pour certains véhicules particuliers, tels que les véhicules développés pour des courses qui privilégient une très faible consommation de carburant (Marathon Shell par exemple), on choisit plutôt la surface mouillée du véhicule comme surface de référence ; comme on aura l’occasion de le préciser dans la suite du cours, ces choix différents sont motivés par la nature des mécanismes de génération de traînée : dans le cas d’un véhicule de série, la principale source de traînée est la présence de décollements de la couche limite directement liés à la forme du véhicule et notamment à son maître-couple alors que pour des véhicules profilés tels que ceux qui participent au Marathon Shell ou aux courses d’engins fonctionnant à partir de l’énergie solaire la couche limite peut rester attachée sur la totalité du véhicule et c’est alors la traînée liée au frottement pariétal qui est dominante. Les coefficients classiquement utilisés en aérodynamique sont les suivants : Fz q∞ S Fx Coefficient de traînée : Cx = q∞ S FN Coefficient de force normale : CN = q∞ S FA Coefficient de force axiale : CA = q∞ S Coefficient de portance :
Cz =
Les coefficients de traînée et de portance sont notés en anglais CL et CD . On trouvera dans l’ouvrage [14] consacré à l’histoire de l’aérodynamique des éléments intéressants sur la construction de ces coefficients sans dimension que l’on résume brièvement ici. Les observations de Leonard de Vinci avaient conduit celui-ci à postuler que les forces aérodynamiques dépendaient d’une surface de référence S. Il faut attendre ensuite 50 ans et les travaux de Galilée pour que soit établie expérimentalement la relation proportionnelle entre la densité de l’air et la résistance aérodynamique. En 1638 il était donc connu que la traînée D était de la forme D ∝ ρSf (V ) où f (V ) est une fonction de la vitesse V qui reste à déterminer. Léonard de Vinci et à sa suite Galilée pensaient que cette dépendance de la résistance de l’air vis-à-vis de la vitesse était linéaire. Il faudra attendre la fin du 17ème siècle et les travaux expérimentaux du Français Mariotte et du Hollandais Huygens pour qu’il soit établi que la résistance de l’air était en fait proportionnelle au carré de la vitesse. Ce résultat sera prouvé par Newton dans le cadre conceptuel de la Mécanique décrit dans son fameux ouvrage Philosophiae naturalis principa mathematica. Naturellement, il faut bien avoir en tête que les coefficients aérodynamiques introduits ci-dessus ne sont pas des constantes ! Ils dépendent de la géométrie du profil considéré et de l’incidence du profil, mais aussi du nombre de Reynolds de l’écoulement, qui caractérise l’importance des effets
82
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
visqueux, et du nombre de Mach lorsque les effets dit de compressibilité deviennent significatifs. Pour un écoulement incompressible de fluide parfait, il n’y a prise en compte ni des effets de compressibilité ni des effets de la viscosité ; les forces de traînée et de portance peuvent donc se mettre sous la forme suivante : Fx = 12 ρ∞ V∞2 S Cx (α) (3.2) Fz = 12 ρ∞ V∞2 S Cz (α) Supposons maintenant que l’on souhaite connaître les efforts produits sur un profil qui se déplace à faible altitude à une vitesse qui peut varier entre 30 m/s et 60 m/s ; à la faible altitude considérée la température de l’air ambiant est typiquement de l’ordre de 300 K (soit 27 degrés Celsius, on suppose donc que le vol s’effectue dans un climat chaud) et la pression ambiante est la pression atmosphérique normale soit 1 atm ou 101325 P a en unités du Système International. Comme dans ces mêmes conditions r = 287.06J kg −1 K −1 et γ = 1.4 on en déduit la valeur de la masse volumique ρ = 1.177 kg/m3 et celle de la vitesse du son a ≈ 347 m/s. On vérifie donc que le nombre de Mach associé aux écoulements considérés va varier entre 0.086 et 0.173 ce qui signifie que l’écoulement va bien rester dans le domaine incompressible. Supposons de plus que le profil soit caractérisé par une corde de 60 cm ; la surface de référence retenue sera typiquement le produit de cette corde par une longueur unitaire soit 0.6 m2 . Pour connaître l’évolution des efforts de traînée et de portance en fonction de l’incidence et de la vitesse d’avancement du drone (équivalente à la vitesse génératrice dans la soufflerie), il suffit de se fixer une valeur de V∞ dans l’intervalle considéré (par exemple V∞ = 30 m/s), de faire varier l’incidence α et de mesurer Fx et Fz dans chaque cas. On forme alors les rapports Fx /(q∞ S) et Fz /(q∞ S), où on rappelle que q∞ = 21 ρ∞ V∞2 est la pression dynamique associée à l’écoulement générateur, pour obtenir les coefficients de portance et de traînée en fonction de l’incidence. Si on souhaite maintenant connaître les valeurs des efforts de portance et de traînée pour V∞ = 60 m/s par exemple, il suffit d’appliquer les formules (3.2) avec les valeurs des coefficients aérodynamiques qui viennent d’être calculées. On note en particulier que la dépendance en V∞2 des forces de portance et de traînée entraîne une multiplication par 4 de la valeur de ces efforts lorsque la vitesse d’avancement (ou vitesse à l’infini amont dans le repère lié au corps en mouvement dans l’air au repos) est doublée. Pour un écoulement incompressible de fluide réel, les coefficients aérodynamiques globaux ne dépendent plus seulement de l’incidence mais également du nombre de Reynolds caractéristique de l’écoulement, Re∞,c (nombre de Reynolds basé sur les conditions à l’infini amont et la corde du profil) soit : Fx = 12 ρ∞ V∞2 S Cx (α, Re∞,c ) (3.3) Fz = 21 ρ∞ V∞2 S Cz (α, Re∞,c ) Tout l’intérêt de cette formulation réside à nouveau dans l’expression de la dépendance des efforts aérodynamiques vis-à-vis d’un nombre réduit de paramètres physiques. L’écoulement de fluide visqueux sur le profil est caractérisé par des conditions uniformes à l’infini amont (norme de la vitesse V∞ , incidence α, pression p∞ , masse volumique ρ∞ (constante dans l’écoulement), température T∞ , viscosité dynamique µ∞ ; au cours de ses déplacements dans l’atmosphère, le profil rencontre des conditions thermodynamiques variables (en fonction de l’altitude) et par conséquent les valeurs de p∞ , ρ∞ , donc T∞ (et µ∞ ) sont susceptibles de varier en sus des valeurs de la vitesse d’avancement V∞ et de l’incidence α. Pourtant, la connaissance complète des efforts exercés sur le profil dans toute
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
83
cette variété de conditions n’exige pas d’effectuer des séries de mesures en faisant varier séparément chacun de ces paramètres. Suivant (3.3) la bonne stratégie à adopter consiste à effectuer une série de mesures de Fx , Fz en faisant varier uniquement l’incidence et le nombre de Reynolds de l’écoulement, c’est-à-dire la combinaison Re∞,c = ρ∞ V∞ c/µ∞ . On en déduit les coefficients de traînée et de portance associés à ce couple (incidence, Reynolds) en divisant ces valeurs des efforts par la pression dynamique associée à l’écoulement. Si on veut connaître Fx , Fz pour un certain jeu de valeurs de ρ∞ , V∞ , µ∞ , S, il suffit de calculer le nombre de Reynolds associé Re∞,c correspondant et de récupérer alors les valeurs des coefficients Cx , Cz calculés précédemment pour cette valeur du nombre de Reynolds. Pour un écoulement compressible de fluide réel, les coefficients aérodynamiques globaux dépendent de l’incidence, du nombre de Mach de l’écoulement générateur et du nombre de Reynolds caractéristique de l’écoulement : Fx = 21 ρ∞ V∞2 S Cx (α, M∞ , Re∞,c ) (3.4) Fz = 21 ρ∞ V∞2 S Cz (α, M∞ , Re∞,c )
Coefficients aérodynamiques locaux Les coefficients Cz , Cx ou Cm précédemment introduits caractérisent les efforts globaux exercés sur un véhicule. Ils résultent de l’intégration sur le profil des contraintes locales (efforts de pression et contraintes visqueuses) que l’on a également coutume en aérodynamique d’exprimer sous la forme de coefficients sans dimension afin de donner un certain caractère d’universalité à ces quantités. Ainsi, la valeur locale de la pression est très souvent donnée sous la forme d’un coefficient de pression sans dimension défini par : p − p∞ Cp = q∞ où on rappelle que q∞ = 12 ρ∞ V∞2 désigne la pression dynamique du fluide à l’infini amont. L’intérêt de cet adimensionnement est qu’il permet d’intégrer les effets de niveau de vitesse et de masse volumique ; en écoulement incompressible, la répartition de pression sur le profil est ainsi caractérisée pour une forme et une incidence donnée. On peut écrire : Cp = Cp (Σ, α) où Σ désigne la forme (shape) du profil (cambrure, loi d’épaisseur) et α est toujours l’incidence de l’écoulement. Bien sûr, lorsque le nombre de Mach de l’écoulement augmente et que les effets de compressibilité ne sont plus négligeables, la distribution de Cp dépend aussi du nombre de Mach : Cp = Cp (Σ, α, M∞ ) Enfin, pour un écoulement de fluide réel, la distribution de pression est influencée par les propriétés de la couche limite (attachée / décollée) qui dépendent elles-mêmes de cette distribution de pression et du caractère laminaire ou turbulent de l’écoulement ; le coefficient de pression dépend donc de surcroît du nombre de Reynolds caractéristique de l’écoulement sur le profil : Cp = Cp (Σ, α, M∞ , Re∞,c )
84
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Compte tenu de la formule (3.1), le coefficient de portance peut être estimé pour des incidences faibles par la formule : Z BF x Cz ≈ − (Cpe − Cpi )d( ) (3.5) c BA Si τp désigne le frottement à la paroi en un point donné (on reviendra sur la définition précise du frottement à la paroi dans le chapitre du cours consacré à la couche limite en aérodynamique), le coefficient de frottement pariétal est donné par la relation : Cf =
τp q∞
Compte tenu de la définition de ces coefficients locaux, il est facile d’établir les relations suivantes pour le coefficient de force axiale et celui de force normale : ·Z c ¸ Z BF 1 CN = (Cpi − Cpe )dx + (Cfe + Cfi ) sin θds c ·Z 0 BA Z ¸ BF c 1 (Cpe − Cpi ) sin θds + (Cfe + Cfi )dx CA = c BA 0 Si on suppose le profil placé à incidence nulle, Cx = CA et Cz = CN soit : Z Z 1 c 1 BF (Cpe − Cpi )dy] + [ (Cfe + Cfi )dx] Cx = Cx,p + Cx,f = [ c BA c 0
(3.6)
où on a décomposé traditionnellement ce coefficient de traînée en une contribution dite de pression et une autre dite de frottement. La traînée de pression se décompose elle-même en une traînée dite de forme et une traînée d’onde : – la traînée de forme apparaît lorsque la distribution de pression est modifiée par la présence de zones de décollement de la couche limite qui se développe le long d’une paroi solide ; elle tire son appellation du fait que l’apparition de ces zones de décollement résulte de gradients de pression qui dépendent eux-mêmes de la forme du corps sur lequel se produit l’écoulement – la traînée d’onde est spécifique des écoulements "grande vitesse", i.e. du régime transsonique ou supersonique ; elle correspond à l’apparition d’ondes de choc dans l’écoulement. La traînée de frottement est bien sûr un effet direct de la viscosité du fluide : l’intensité du frottement du fluide au niveau d’une paroi solide dépend notamment du régime laminaire ou turbulent de l’écoulement (une couche limite turbulente "frotte" beaucoup plus qu’une couche limite laminaire). Ce point sera abordé en détail dans la partie du cours consacré à la couche limite en aérodynamique. Comme le montrent les formules (3.5), (3.6), la détermination des efforts aérodynamiques suppose la connaissance des distributions pariétales de pression (ou de coefficient de pression) et de frottement (ou de coefficient de frottement). La détermination de ces efforts exige la résolution des équations d’Euler ou de Navier-Stokes ; celle-ci peut être effectuée de façon analytique ou semi-analytique dans certains cas particuliers et les 60 premières années du siècle dernier ont vu se développer un nombre considérable d’outils spécifiquement dédiés à tel ou tel régime. Nous nous attacherons plus particulièrement dans ce cours à ceux développés pour l’analyse des écoulements supersoniques de fluide idéal d’une part et pour l’analyse des écoulements à grands nombre de Reynolds d’autre part. Si il est important d’être capable de fournir une prédiction quantitative des efforts aérodynamiques, il l’est tout autant d’être en mesure de comprendre d’un point de vue qualitatif les sources de ces efforts : c’est
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
85
précisément ce point qui sera abordé dans les sections qui suivent. Cependant, avant de détailler les mécanismes de génération de portance et de création de traînée qui sont étudiés de façon approfondie par l’aérodynamicien, nous donnons un exemple du lien entre coefficients aérodynamiques globaux et performances en vol d’un aéronef. Notons que la tâche de l’aérodynamicien s’arrête souvent à la détermination des efforts aérodynamique tandis que l’étude des performances d’un avion (trajectoire, stabilité . . .) relève d’une discipline dite "mécanique du vol".
Notion de finesse On considère un avion dans un plan vertical et on se place dans un système de coordonnées intrinsèque défini par la direction de l’avion (voir figure 3.11). On va montrer que dans le cas d’un vol sans moteur la distance parcourue en vol plané par l’avion est directement reliée au rapport de la portance et de la traînée.
z
r Fz
V θ
mg
Fx x
Fig. 3.11 – Trajectoire de l’avion dans un plan vertical. • Les équations du mouvement s’écrivent : dV = T − Fx − mg sin (θ) dt 2 mω r = Fz − mg cos (θ) m
où ω est la vitesse angulaire donnée par : ω=
V dθ = dt r
avec r le rayon de courbure de la trajectoire. Dans le cas d’un vol rectiligne à vitesse constante, on a simplement : T = Fx + mg sin θ = 12 ρ∞ V∞2 SCx + mg sin θ Fz = 12 ρ∞ V∞2 SCz = mg cos (θ) On observe donc, comme on l’a déjà fait remarquer dans l’introduction de ce cours, que la poussée T sert globalement à compenser l’effort de traînée Fx tandis que la portance Fz sert globalement
86
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
à compenser le poids de l’avion. Dans le cas d’un vol sans moteur la poussée est nulle et on a par conséquent la relation : Fz Cz 1/ tan (θ) = − =− Fx Cx Le rapport portance sur traînée est appelé finesse aérodynamique et sera noté f : f=
Cz Cx
La pente de la trajectoire - négative puisque l’appareil perd de l’altitude - sera donc d’autant plus faible que la finesse sera élevée. Ainsi la finesse caractérise l’aptitude d’une aile ou d’un avion à planer. Précisément, dans le cas d’un planeur, la finesse de l’appareil peut atteindre 50 ; la finesse d’un avion de transport de type Airbus est de l’ordre de 20 tandis que la navette spatiale a une finesse comprise entre 2 et 3. • On considère un planeur supposé de finesse 40, lâché à une altitude h de 500 mètres ou 0.5 km (on ne tient pas compte ici de l’existence de courants ascendants). On a la relation suivante entre h et la distance d parcourue par le planeur avant de toucher le sol : | tan (θ)| =
h d
soit encore d = h/| tan (θ)| = h × f Le planeur considéré pourra donc parcourir 20 km avant de toucher terre. ¤
3.2.2
Génération de portance
Dans le domaine aéronautique, la première préoccupation, bien naturelle, est la génération d’une portance suffisante pour assurer le vol. On se place ici dans l’hypothèse d’un écoulement de fluide idéal et on calcule l’écoulement sur un très classique profil NACA0012 présenté sur la figure 3.12 (voir [10] pour une description de cette famille de profils qui a fait l’objet de nombreuses études au NACA (National Advisory Committee for Aeronautics), ancêtre de l’actuelle NASA). Le profil est placé dans un écoulement à M∞ = 0.5 et on augmente progressivement l’incidence de 0◦ à 5◦ . Les distributions de coefficient de pression obtenues sur ce profil pour ces différentes incidences sont tracées sur la figure 3.13 ; on souligne la convention graphique classiquement adoptée en aérodynamique : soit l’axe des ordonnées est orienté de bas en haut et on trace la quantité −Cp soit, c’est le choix fait ici, on oriente l’axe des ordonnées du haut vers le bas et on trace bien la quantité Cp . Ceci signifie notamment que les points hauts des courbes de coefficient de pression correspondent en fait à des minima de pression. Comme le profil est symétrique, à incidence nulle, les distributions de pression sont identiques à l’intrados et à l’extrados. On rappelle la formule du coefficient de portance d’un profil en fonction des distributions de coefficient de pression à l’extrados et à l’intrados du profil : Z BF x Cz ≈ − (Cpe − Cpi )d( ) c BA Puisque Cpe = Cpi on en déduit immédiatement Cz = 0 : un profil symétrique placé à incidence nulle n’est pas portant. On note aussi que le coefficient de portance correspond graphiquement à
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
87
l’aire de la surface comprise entre les deux courbes représentatives des distributions de coefficient de pression à l’extrados et à l’intrados du profil. A 1◦ d’incidence, la pression diminue assez fortement à l’extrados, au voisinage du bord d’attaque, tandis qu’elle augmente au niveau de l’intrados : il résulte donc directement de cette différence de pression entre l’extrados et l’intrados du profil un effort portant de valeur adimensionnée Cz = CL = 0.1294. Il est essentiel de bien comprendre à ce stade la façon dont est produite la portance (qui porte en réalité assez mal son nom) : physiquement, le profil n’est pas "porté" par l’écoulement à l’intrados mais plutôt "aspiré" vers le haut en raison de la dépression qui se forme à l’extrados par rapport au niveau de pression à l’intrados. L’augmentation de l’incidence accroît l’accélération de l’écoulement et donc la chute de pression sur la partie avant du profil à l’extrados ce qui conduit à un accroissement de la portance. Visuellement, en examinant les contributions à l’aire comprise entre la courbe de Cp,e et Cp,i , on note que l’essentiel de la portance est produit sur la partie avant du profil (la partie arrière du profil joue un rôle crucial pour assurer notamment l’attachement de la couche limite qui quitte le profil). La figure 3.14 présente les isovaleurs de la pression statique adimensionnée par la pression à l’infini amont pour l’écoulement à M∞ = 0.5 autour du profil NACA0012 respectivement à 0 et 5 degrés d’incidence. On observe ainsi clairement la formation d’une dépression à l’extrados du profil qui conduit à l’effet portant. Remarquons que dans la simulation effectuée, le profil est en fait maintenu fixe à l’horizontal : c’est l’écoulement à l’infini amont qui est placé en incidence. Cette situation est bien sûr parfaitement équivalente à celle dans laquelle l’écoulement à l’infini amont reste horizontal tandis que le profil est placé en incidence. La figure 3.15 présente l’évolution de la distribution du coefficient de pression en fonction de l’incidence pour le profil NACA0012 à M∞ = 0.5 en la mettant en parallèle avec l’évolution de la distribution du nombre de Mach pariétal. La forte détente de l’écoulement au nez du profil, côté extrados, correspond donc, comme on l’a déjà souligné à une chute importante de la pression et, dans le même temps, à une augmentation du nombre de Mach. Dans le cas présent par exemple, le nombre de Mach maximal atteint par l’écoulement sur la paroi supérieure du profil, au voisinage du nez, passe de 0.57 environ (un peu avant la station adimensionnée 0.2 × c) pour un écoulement à l’infini amont à M∞ = 0.5 et 0◦ d’incidence, à 0.815 (pic localisé à 3% de corde environ) pour un écoulement à l’infini amont à M∞ = 0.5 et 5◦ d’incidence. On trace sur la figure 3.16 l’évolution du coefficient de portance calculé en fonction de l’incidence du profil. On observe que la portance croît linéairement en fonction de l’incidence (dans la gamme d’angles d’incidence considérée). La pente du coefficient de portance en fonction de l’incidence peut d Cz être calculée : après avoir converti les angles d’incidence en radians, on trouve : = 7.11. Le dα profil considéré étant symétrique, l’incidence est nulle à incidence nulle ; l’incidence pour laquelle un profil présente une portance nulle est dite précisément incidence de portance nulle (zero-lift angle of attack en anglais). On pourra noter cet angle d’incidence particulier αL0 par exemple ; pour tout profil symétrique αL0 = 0. La théorie des profils minces, développée entre les deux guerres mondiales, prédit la variation linéaire d Cz = 2π ≈ 6.28 ; de la portance en fonction de l’incidence et fournit comme estimation de la pente dα il s’agit naturellement d’une théorie approchée qui ne prend pas en compte la loi d’épaisseur réelle des profils (voir par exemple [17] pour plus de détails) mais l’écart de 13% environ avec la valeur "réelle" reste modéré. Le lecteur attentif aura noté à l’instant l’emploi de guillemets autour du qualificatif "réelle" pour la valeur de la pente de portance fournie par les simulations menées à M∞ = 0.5 sur le profil NACA0012 : on entend souligner par là que les résultats obtenus supposent le fluide idéal alors que, comme on va le voir dans une prochaine section, les effets de la viscosité vont modifier de
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CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
façon profonde l’évolution du coefficient de portance en fonction de l’incidence dès lors que l’angle d’incidence du profil n’est plus faible. Il est intéressant d’étudier les valeurs prises par le coefficient de portance pour un profil de géométrie
Fig. 3.12 – Géométrie du classique profil NACA0012. différente placé dans les mêmes conditions d’écoulement (fluide idéal, M∞ = 0.5, incidence variant de 0 à 5◦ ). On considère donc un profil dit RAE2822, représenté sur la figure 3.17 où il est également situé par rapport au profil NACA0012. Le profil RAE2822 présente une épaisseur comparable à celle du profil NACA0012 et se distingue surtout par l’existence d’une cambrure non nulle. On trace sur la figure 3.18 l’évolution comparée du coefficient de portance pour le profil RAE2822 et le profil NACA0012. On observe tout d’abord que, comme le profil NACA0012, le profil RAE2822 présente une variation linéaire de la portance en fonction de l’incidence (la pente de portance vaut 7.5 environ pour le profil RAE2822) ; à zéro degré d’incidence, le profil RAE2822 présente une portance non-nulle (Cz = 0.29 pour α = 0◦ ). L’angle de portance nulle pour ce profil est obtenu en prolongeant la droite représentative de la variation de Cz en fonction de α et on trouve α = −2.15◦ environ. En raison de sa cambrure positive, le profil RAE2822 conduira donc à une portance nulle (pour un écoulement de fluide parfait à M∞ = 0.5) à condition d’être placé à une incidence négative de 2.15◦ . Les distributions du coefficient de pression sur le profil RAE2822 sont tracées sur la figure 3.19 pour des valeurs croissantes de l’angle d’incidence. Le mécanisme de génération de portance est identique à celui observé pour le profil NACA0012 : l’augmentation de l’angle d’incidence conduit à une détente de plus en plus marquée sur la partie supérieure du profil au voisinage du nez et la dépression ainsi formée génère l’effet portant. La figure 3.20 présente l’évolution comparée des distributions de pression et de nombre de Mach sur le profil RAE2822 en fonction de l’incidence : la chute de pression correspond naturellement à une accélération de l’écoulement et donc à une augmentation du nombre de Mach local ; on peut d’ailleurs remarquer que l’écoulement à 5◦ d’incidence devient localement supersonique et qu’une discontinuité apparaît alors dans la distribution de pression et de nombre de Mach à la paroi. Comme on va le voir dans la section qui suit, l’apparition d’une telle onde de choc va conduire à augmenter la traînée du profil.
3.2.3
Création de traînée
On se propose tout d’abord de montrer dans cette section comment la traînée d’un corps plongé dans un écoulement uniforme peut être déduite de la connaissance du champ de vitesse en aval de ce corps.
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
89
Fig. 3.13 – Evolution de la distribution pariétale de coefficient de pression sur le profil NACA0012 placé dans un écoulement de fluide parfait à M∞ = 0.5.
90
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.14 – Isovaleurs de la pression (statique) adimensionnée par la pression à l’infini amont pour un écoulement de fluide parfait à M∞ = 0.5 autour du profil NACA0012 à une incidence de 0◦ (à gauche) et de 5◦ (à droite).
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
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Fig. 3.15 – Distributions pariétales de coefficient de pression (à gauche) et de nombre de Mach (à droite) : évolution en fonction de l’incidence pour un écoulement de fluide parfait à M∞ = 0.5 autour du profil NACA0012.
Fig. 3.16 – Evolution du coefficient de portance du profil NACA0012 en fonction de l’incidence pour un écoulement de fluide parfait à M∞ = 0.5.
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CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.17 – Géométrie du profil supercritique RAE2822 (haut) ; comparaison entre les profils NACA0012 et RAE2822 (bas).
Fig. 3.18 – Evolution comparée du coefficient de portance des profils RAE2822 et NACA0012 en fonction de l’incidence pour un écoulement de fluide parfait à M∞ = 0.5.
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
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Fig. 3.19 – Evolution de la distribution pariétale de coefficient de pression sur le profil RAE2822 placé dans un écoulement de fluide parfait à M∞ = 0.5.
94
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.20 – Distributions pariétales de coefficient de pression (à gauche) et de nombre de Mach (à droite) : évolution en fonction de l’incidence pour un écoulement de fluide parfait à M∞ = 0.5 autour du profil RAE2822. Lien entre force aérodynamique et vecteur dynalpie La conservation de la quantité de mouvement sous forme intégrale s’écrit (cf. formule (2.15) du cours) : Z Z Z Z ∂(ρV ) dV + ρV (V · n)dS = t(n)dS + ρgdV, ∂t V S S V où t(n) désigne le vecteur contrainte qui représente les forces de contact (pression et contraintes visqueuses) exercées sur le fluide au niveau de la surface de contrôle. Pour un écoulement stationnaire et en négligeant l’action des forces à distance (gravité), cette relation se simplifie en : Z Z ρV (V · n)dS = t(n)dS S
S
On définit le vecteur dynalpie par : D = ρV (V · n) − t(n) On peut aussi introduire par exemple le vecteur P = −t qui représente alors les forces de contact exercées par le fluide contenu dans V sur le milieu extérieur ; la dynalpie est définie dans ce cas par D = ρV (V · n) + P . On va montrer maintenant que la résultante des forces aérodynamiques appliquées à un corps en écoulement stationnaire, en l’absence de forces à distance, est égale à l’opposé du flux du vecteur dynalpie au travers d’une surface entourant ce corps. • Par définition du vecteur dynalpie, la conservation de la quantité de mouvement sous forme intégrale peut s’écrire simplement : Z (3.7) DdS = 0 S
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
95
Considérons maintenant un corps placé au sein d’un fluide et choisissons une surface S composée de deux parties (voir figure 3.21) : – une partie S1 située à une certaine distance du corps – une partie S2 confondue avec la surface du corps S1 F
S2
Fig. 3.21 – Volume de contrôle choisi pour appliquer la formulation intégrale du principe de conservation de la quantité de mouvement. La surface du corps est supposée imperméable : le flux de quantité de mouvement à travers S2 est donc nul (V = 0 pour un écoulement de fluide visqueux (condition d’adhérence) ou V · n = 0 pour un écoulement de fluide parfait (condition de glissement)). On peut donc écrire : Z Z DdS = − t(n)dS = F S2
S2
où F désigne la résultante des forces aérodynamiques exercées sur le corps par le fluide en mouvement. En appliquant (3.7) à la surface S = S1 + S2 , on obtient : Z Z DdS = DdS + F S1 +S2
soit
S1
Z F =− DdS
(3.8)
S1
Ainsi, en écoulement sationnaire, sans forces à distance, la résultante des forces aérodynamiques appliquées à un corps est égale à l’opposé du flux du vecteur dynalpie au travers d’une surface entourant ce corps. ¤
Application à la mesure de traînée On considère maintenant un corps se déplaçant à une vitesse constante V ∞ dans une atmosphère à la pression p∞ et à la température T∞ . Le fluide va exercer sur ce corps une force F dont la composante
96
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
selon la vitesse V ∞ est la traînée D1 , soit : D=F·
V∞ ||V ∞ ||
où on a noté V∞ la norme du vecteur V ∞ . Pour calculer D on va choisir en premier lieu un volume de contrôle judicieux dans lequel appliquer les lois de conservation qui régissent l’écoulement du fluide. Ce volume est défini sur la figure 3.22 ci-dessous et est construit de la façon suivante : – on se donne tout d’abord un plan (P1 ) situé en amont du corps considéré et perpendiculaire à la vitesse V ∞ ainsi qu’une surface de contrôle S1 dans ce plan (P1 ) limitée par une courbe fermée C1 . – on choisit ensuite une surface de contrôle S3 comme un tube de courant s’appuyant sur le contour C1 ainsi qu’une surface de contrôle S2 située dans un plan P2 , en aval du corps et perpendiculaire à la vitesse V ∞ , et limitée par la trace C2 de la surface S3 dans ce plan. – le volume de contrôle considéré par la suite est formé par la réunion des 3 surfaces définies ci-dessus : S1 ∪ S2 ∪ S3 . • On va montrer maintenant que la traînée D peut être estimée en mesurant la distribution de vitesse sur la surface S2 . Le choix du volume de contrôle détaillé ci-dessus appelle plusieurs remarques sur les caractéristiques de l’écoulement à travers les surfaces qui le composent : – On choisit le plan (P1 ) assez loin en amont du corps pour que l’écoulement sur S1 puisse être considéré uniforme, de vitesse V ∞ , de pression p∞ et de température T∞ . – Puisque S3 est un tube de courant, la quantité V · n est nulle en tout point de cette surface n désigne le vecteur unitaire normal à S3 pointant vers l’extérieur du volume de contrôle défini par S1 ∪ S2 ∪ S3 . De plus, on choisit une courbe C1 d’étendue suffisante pour que la surface S3 soit située loin du corps, dans une région de l’écoulement où le champ de pression est redevenu uniforme avec p = p∞ . – Similairement, on choisit le plan (P2 ) assez en aval du corps pour que la pression y soit redevenue uniforme et égale à p∞ . On applique maintenant le résultat obtenu au paragraphe précédent : Z F =− DdS S1 +S2 +S3
soit encore, en projetant la force F suivant la direction du vecteur vitesse V ∞ : Z V D=− D · ∞ dS V∞ S1 +S2 +S3 Pour simplifier l’écriture des relations qui suivent, on supposera désormais que la direction de la vitesse V ∞ est celle du vecteur de base i du repère cartésien indiqué sur la figure 3.22. En notant u la composante suivant i du vecteur vitesse V on a donc finalement : Z D=− ρu(V · n) − t(n) · i dS S1 +S2 +S3 1 Remarque : on a choisi ici de noter D la traînée en référence à son appellation anglo-saxonne : drag ; on distinguera bien la traînée D de la dynalpie D, grandeur vectorielle. On aurait pu noter la traînée T , en référence au vocable français, mais on court alors le risque d’une confusion avec la température T .
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
97
(P1)
(P2) (S ) 3
(S2)
(S1)
8
V
(C1)
(C2)
k j i Fig. 3.22 – Traînée d’un corps plongé dans un écoulement uniforme. Choix du volume de contrôle auquel appliquer la formulation intégrale des lois de conservation (et en particulier le théorème de la dynalpie).
98
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Il nous faut donc maintenant évaluer l’intégrale qui apparaît dans le membre de droite ci-dessus. On peut décomposer le problème comme suit : Z – calcul de I1 = ρu(V · n) dS d’une part ZS1 +S2 +S3 t(n) · i dS d’autre part – calcul de I2 = S1 +S2 +S3
Puisque (V · n) = 0 à travers le tube de courant S3 , la première intégrale se réduit à I1 = Z ρu(V · n)dS soit encore, l’état de l’écoulement (uniforme) à travers la surface S1 étant connu : S1 +S2
Z
Z
I1 = S1
ρ∞ V∞ (V ∞ · n) dS +
ρu(V · n) dS S2
Par ailleurs, la conservation de la masse sous forme intégrale s’écrit, compte tenu du volume de contrôle choisi : Z ρ(V · n)dS = 0 S1 +S2 +S3
Puisque (V · n) = 0 sur S3 et puisque l’état (uniforme) sur S1 est connu, on a tout simplement (après multiplication de la relation ci-dessus par la constante V∞ ) : Z Z ρ∞ V∞ (V ∞ · n)dS = − ρV∞ (V · n)dS S1
S2
En rassemblant les deux relations ci-dessus, on en déduit : Z I1 = ρ(u − V∞ )(V · n)dS S2
ou encore, compte tenu de n = i sur S2 :
Z
I1 =
ρ(u − V∞ )u dS S2
Evaluons maintenant l’intégrale I2 : Z I2 = −
Z pn · i dS +
(τ · n) · i dS S1 +S2 +S3
S1 +S2 +S3
Compte tenu du choix du volume de contrôle, la pression p sur les surfaces S1 , S2 et S3 peut être assimilée à la pression au loin p∞ et de plus les contraintes visqueuses sur les surfaces S1 et S3 situées loin du profil et de la couche limite qui s’y développe ainsi que du sillage du profil peuvent être considérées comme négligeables ; on a donc : Z Z (τ · n) · i dS I2 = − p∞ n · i dS + S2
S1 +S2 +S3
Z Comme
n dS = 0 pour toute surface fermée S, le premier terme dans l’expression ci-dessus, qui Z peut s’écrire −p∞ ( n dS) · i s’annule et il ne reste finalement que : S
S1 +S2 +S3
Z I2 =
τxx dS S2
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
99
En rassemblant les expressions de I1 et I2 et en revenant à l’expression de la traînée en fonction de ces deux intégrales, nous obtenons : Z Z D=− ρ(u − V∞ )u dS + τxx dS S2
S2
L’air étant un fluide newtonien, τxx est donné par : τxx = 2µ
∂u 2 ∂u ∂v − µ( + ) ∂x 3 ∂x ∂y
On admet alors que dans le sillage, suffisamment en aval du profil, l’écoulement devient parallèle : une seule composante de la vitesse (la composante longitudinale u) est non-nulle et en vertu de ∂u l’équation de continuité sa variation suivant la direction de l’écoulement est nulle. Par conséquent, ∂x la contrainte visqueuse τxx est nulle (ou en tout cas, en pratique, négligeable) et l’expression du coefficient de traînée se réduit à : Z D= ρu(V∞ − u) dS S2
On introduit le coefficient de traînée, coefficient sans dimension obtenu en divisant la traînée par la pression dynamique et une surface de référence : CD =
D 1 ρ V2A 2 ∞ ∞
où A est choisi typiquement comme la surface de la forme en plan du profil. On établit de façon immédiate : Z ρu u dS (3.9) CD = 2 (1 − ) V∞ A S2 ρ∞ V∞ La formule (3.9) montre bien que la traînée d’un corps se déduit de la connaissance du champ des vitesses en aval de ce corps, dans un plan où la pression est redevenue égale à la pression amont p∞ . Il est possible de mesurer la vitesse locale au sein d’un fluide par divers procédés : sondes anémoclinométriques, vélocimétrie laser. Le coefficient de traînée se déduira ainsi d’un sondage de l’écoulement pratiqué dans une section convenablement choisie en aval du corps.
Exemple d’utilisation de la formule (3.9) On se place dans le cas particulier d’un écoulement bidimensionnel autour d’un profil d’aile. La distribution de vitesse longitudinale mesurée dans une section verticale en aval du profil peut être approchée par la relation suivante : u = V∞ (1 −
πz 1 cos ( )) 2 2HD
avec HD = 0.025 c. • On va calculer le coefficient de traînée CD du profil en appliquant directement la formule (3.9) qui vient d’être établie. Dans le cas d’un profil d’aile, la surface de référence A est choisie classiquement
100
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
comme le produit de la corde c du profil par une longueur unitaire suivant la direction de l’envergure. Le coefficient de traînée est donc donné par : Z 2 z2 ρu u CD = (1 − ) dz c z1 ρ ∞ V ∞ V∞ où z1 et z2 désigne respectivement la distance en-dessous et au-dessus du profil à partir de laquelle la vitesse u retrouve sa valeur à l’infini amont V∞ . Pour un écoulement incompressible, la masse volumique ρ reste constante, égale à sa valeur à l’infini amont ρ∞ . Si on suppose la distribution de vitesse u connue sous la forme u/V∞ = f (ξ), où ξ désigne une distance adimensionnée suivant la direction z, on peut écrire finalement : Z 2 z2 CD = f (ξ)(1 − f (ξ)) dz c z1 Pour la distribution considérée, on a ξ = z/HD soit : 2HD CD = c
Z
1
f (ξ)(1 − f (ξ)) dξ −1
avec f (ξ) = (1 − 21 cos ( π2 ξ)) et HD = 0.025c. Ainsi : HD CD = c
Z
1
(1 − −1
1 π π cos ( ξ)) cos ( ξ) dξ 2 2 2
Compte tenu d’une part de Z
et d’autre part de
Z
π π i1 2h 4 cos( ξ)dξ = sin ( ξ) = 2 π 2 −1 π −1 1
Z 1 π 1 + cos(πξ) dξ cos ( ξ)dξ = 2 2 −1 ·−1 ¸1 ξ 1 =1 = + sin (πξ) 2 2π −1 1
2
on obtient finalement la valeur du coefficient de traînée du profil : CD = 0.025 ×
8−π ≈ 0.0193 2π
Relation d’Oswatitsch Il est intéressant de faire une interprétation thermodynamique de l’expression de la traînée D. On se place dans un cadre dit de petites perturbations, i.e. on suppose que |(V − V∞ )/V∞ | 0) peut permettre, s’il est suffisamment élevé, de changer le signe de D, qui correspond alors à un effet propulsif. C’est précisément ce qui se passe dans le groupe moteur d’un réacteur où l’apport d’enthalpie se fait par combustion d’un carburant. Naturellement, dans la pratique, cet apport de chaleur s’accompagne également d’une production d’entropie qui devra être suffisamment
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
103
5 4 3
Y
2 1 0 -1 -2
0.8
0.9
1
U
Fig. 3.24 – Ecoulement transsonique de fluide parfait autour d’un profil NACA0012. M∞ = 0.85, α = 1◦ . A gauche : isovaleurs de la pression. A droite : répartition de la vitesse longitudinale u suivant la ligne de coupe indiquée sur la figure de gauche.
104
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
2
1
Y
0
-1
-2 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9
1
U
Fig. 3.25 – Ecoulement subsonique de fluide visqueux (régime laminaire) autour d’un profil NACA0012. M∞ = 0.85, α = 0◦ , Rec = 500. A gauche : isovaleurs du nombre de Mach. A droite : répartition de la vitesse longitudinale u suivant la ligne de coupe indiquée sur la figure de gauche.
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
105
2 1.5 1
Y
0.5 0 -0.5 -1 -1.5 0.8
0.9
1
U
Fig. 3.26 – Ecoulement transsonique de fluide visqueux (régime turbulent) autour d’un profil NACA0012. M∞ = 0.775, α = 2.75◦ , Rec = 1 × 107 . A gauche : isovaleurs du nombre de Mach. A droite : répartition de la vitesse longitudinale u suivant la ligne de coupe indiquée sur la figure de gauche.
106
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
limitée pour ne pas contrebalancer la contribution de δht à la propulsion. Ainsi, si la combustion apporte une quantité de chaleur δQ = δht alors il lui correspond selon le second principe de la thermodynamique un accroissement d’entropie δs inférieur ou égal à δQ/T où T est la température de combustion. On en déduit : Z 1 D≤ (T∞ − T )δs dqm V∞ S2 et par conséquent l’effet propulsif (D ≤ 0) ne pourra se produire que si T > T∞ . • On se propose maintenant d’établir l’expression de la poussée d’un moteur à réaction ; cette expression nous sera utile dans la suite du cours lorsque nous nous intéresserons aux performances de dispositifs propulsifs du type statoréacteur ou superstatoréacteur. On rappelle tout d’abord les principes de fonctionnement d’un moteur à réaction : – un débit masse d’air frais est admis à l’intérieur du moteur en passant dans une manche d’admission – l’air admis est ensuite comprimé puis mélangé à du carburant – le mélange air + carburant est alors brûlé dans une chambre de combustion afin d’augmenter l’enthalpie d’arrêt de l’écoulement – les gaz brûlés - de température élevée - passent ensuite dans une turbine puis sont détendus et éjectés à grande vitesse Nous considérons ici un modèle très simplifié de moteur représenté sur la figure 3.27. Suivant la convention adoptée précédemment, le moteur est supposé au repos dans un écoulement de vitesse V∞ à l’infini amont. On choisit un volume de contrôle limité respectivement à l’amont et à l’aval par les sections Σ1 et Σ2 : – la section Σ1 est située suffisamment en amont du moteur pour que l’écoulement puisse être considéré comme uniforme, de vitesse V∞ et de pression p∞ . – la section Σ2 est la section de sortie du moteur et les conditions qui y régnent sont les conditions d’éjection notées respectivement Ve et pe pour la vitesse et la pression d’éjection. Les surfaces latérales de ce volume de contrôle se décomposent comme suit : – Σc désigne le tube de courant s’appuyant sur la section d’entrée du moteur et prenant son origine dans la section Σ1 – Σint désigne la surface intérieure du moteur On introduit également la surface extérieure Σext de la carène du moteur. On suppose dans ce qui suit que le débit massique de carburant injecté au niveau du moteur m ˙ f est négligeable devant le débit massique d’air entrant dans le moteur m ˙ ∞ : on a donc m ˙ e ≈ m˙∞ où m ˙ e désigne le débit massique d’air éjecté. On fait une hypothèse simplificatrice supplémentaire en supposant que les forces de frottement associées aux contraintes visqueuses sont négligeables devant les forces de pression. • Pour calculer la poussée produite par le turboréacteur, on applique la formulation intégrale de la loi de conservation de la quantité de mouvement au volume de contrôle fermé limité par les surfaces Σ1 , Σ2 , Σc et Σint ; on écrit donc : Z ρV (V · n)dS F = Σ1 +Σ2 +Σc +Σint
où F désigne la somme de toutes les forces extérieures exercées sur les surfaces composant le volume de contrôle. En notant F int la force exercée par le fluide sur la seule surface interne du moteur Σint on peut écrire : Z Z Z F = −F int −
pndS − Σ1
pndS − Σ2
pndS Σc
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
107
Σext
Σ1
pe Ve S2
8
8
p V S1
Σ2
Σc
Σ int
i Fig. 3.27 – Volume de contrôle pour la détermination de la poussée d’un turbo-réacteur. Comme par ailleurs V · n s’annule sur la paroi Σint et sur la surface de courant Σc , on obtient : Z Z Z Z F int = − ρV (V · n)dS − pndS − pndS − pndS Σ1 +Σ2
Σ1
Σ2
Σc
ou encore, en explicitant les états sur les surfaces Σ1 , Σ2 et les normales extérieures à ces surfaces : Z 2 2 F int = ρ∞ V∞ S1 i − ρe Ve S2 i + p∞ S1 i − pe S2 i − pndS Σc
Par ailleurs, la somme des forces (de pression) qui s’exercent sur la surface externe du moteur est donnée par : Z F ext = − pndS Σext
En rassemblant ces contributions, on trouve la force totale qui agit sur le moteur : F T = F int + F ext
Z
Z
= (m ˙ ∞ V∞ − m ˙ e Ve )i + (p∞ S1 − pe S2 )i −
pndS − Σc
pndS Σext
avec m ˙ ∞ Z= ρ∞ V∞ S1 et m ˙ e = ρe Ve S2 . On peut réécrire cette expression en utilisant le fait que la quantité p∞ ndS = 0 peut être retranchée au membre de droite pour obtenir : Σ1 +Σc +Σext +Σ2
Z
F T = (m ˙ ∞ V∞ − m ˙ e Ve )i + (p∞ − pe )S2 i −
Z (p − p∞ )ndS − Σc
(p − p∞ )ndS Σext
En projetant cette force suivant la direction de l’écoulement (définie par le vecteur i) on obtient finalement pour expression de la composante suivant x de la force totale exercée par le fluide sur le turboréacteur : Z Z ˙ ∞ V∞ − m ˙ e Ve + (p∞ − pe )S2 − (p − p∞ )n · idS − (p − p∞ )n · idS (FT · i) = m Σc
Σext
108
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Pour analyser cette expression, on va plutôt considérer l’effort total suivant x produit par le turboréacteur donné par −(FT · i) et qui peut être décomposé comme suit : −(FT · i) = T − D où la poussée (thrust) T est donnée par : T =m ˙ e Ve − m ˙ ∞ V∞ + (pe − p∞ )S2 et la traînée D s’exprime comme : Z Z D = − (p − p∞ )n · idS −
(p − p∞ )n · idS
(3.11)
(3.12)
Σext
Σc
On observe au vu de la relation (3.12) que la traînée a deux origines différentes : – la première intégrale ci-dessus définit une traînée associée aux forces de pression qui existent le long de la surface de captation Σc et on parle de traînée de captation – la seconde intégrale définit une traînée associée aux forces de pression qui s’exercent sur la carène du moteur et on parle de traînée de carène. Dans le cours consacré aux écoulements supersoniques, on reviendra sur l’expression de la poussée (3.11) en analysant notamment les effets sur la poussée de l’adaptation au sol ou en altitude d’une tuyère de moteur-fusée.
3.2.5
Effets du nombre de Mach
Relation de Prandtl-Glauert Le développement de l’aéronautique après la seconde guerre mondiale a conduit les chercheurs et ingénieurs à s’intéresser tout particulièrement aux écoulements en limite haute du régime subsonique, c’est-à-dire pour lesquels le nombre de Mach à l’infini amont approche la valeur 1 mais avec un nombre de Mach local en tout point de l’écoulement qui reste inférieur à 1 ; dans ces conditions un écoulement de fluide idéal reste isentropique avec, en pratique, pour l’écoulement de fluide réel dans les mêmes conditions de Mach amont une traînée qui est uniquement liée aux effets de la viscosité. Des développements analytiques, valables dans le cadre de la théorie dite des profils minces, ont permis d’établir la loi ou règle dite de Prandtl-Glauert (deux grands noms, respectivement allemand et anglais, de l’aérodynamique de la première moitié du vingtième siècle) qui permet de relier la distribution de pression sur un profil en écoulement incompressible (donc tel que le nombre de Mach M∞ soit proche de 0 ; cette distribution sera notée classiquement Cp,0 ) et la distribution de pression sur le même profil, dans les mêmes conditions d’incidence, mais pour un nombre de Mach M∞ qui n’est plus très faible (tout en restant inférieur à 1) : Cp = p
Cp,0 2 1 − M∞
(3.13)
Attention ! La relation (3.13) est une relation approchée, bien vérifiée pour des profils suffisamment minces (typiquement tels que le rapport entre l’épaisseur maximale et la corde reste inférieur à 15% environ) et pour un nombre de Mach à l’infini amont compris (typiquement là-encore) entre 0.3 et 0.7. Pour des nombres de Mach générateurs plus proches de 1, la formule (3.13) - qui présente d’ailleurs une singularité pour M∞ = 1 - devient inutilisable car, en pratique, des ondes de choc apparaissent
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
109
dans l’écoulement. Puisque le coefficient de portance à incidence suffisamment faible est bien approché par la formule (3.5), on peut exprimer le coefficient de portance associé à un profil donné placé dans un écoulement incompressible comme : Z BF x Cz,0 = − (Cpe ,0 − Cpi ,0 )d( ) (3.14) c BA où l’indice 0 indique ici que les distributions de pression sont celles obtenues en incompressible et que le coefficient de portance est celui associé à l’écoulement incompressible sur le profil. Le coefficient de portance associé à l’écoulement pour des nombres de Mach M∞ supérieurs à 0.3 reste bien sûr donné par la formule générale (3.5) mais, compte tenu de la loi de Prandtl-Glauert (3.13) d’une part et de la formule (3.14) spécifique au cas incompressible, on peut aussi écrire : Cz,0 2 1 − M∞
Cz = p
On présente sur la figure 3.28 les distributions pariétales de coefficient de pression obtenues en écoulement incompressible d’une part et pour un écoulement à M∞ = 0.7 d’autre part, sur un demi-profil NACA0012 placé à incidence nulle. On observe que la distribution de pression déduite de la distribution de pression mesurée en incompressible après application de la formule (3.13) de Prandtl-Glauert avec M∞ = 0.7 approche très correctement la distribution de pression effectivement mesurée pour ce même Mach générateur M∞ = 0.7 ; l’écart qui existe entre distribution prédite et distribution réelle permet cependant de bien mesurer le caractère approché de la "loi" de PrandtlGlauert. Un autre exemple est présenté pour l’écoulement sur le profil NACA0012, complet cette fois puisque placé à un degré d’incidence. Les distributions de pression associées à l’écoulement incompressible et à l’écoulement à M∞ = 0.6 sont tracées sur la figure 3.29 ainsi que la distribution de pression prédite par (3.13) à partir de la distribution en incompressible. On pourra noter que pour ce nombre de Mach générateur un peu plus faible que dans le cas précédent l’accord entre distribution théorique et réelle est encore meilleur que dans le cas précédent (M∞ = 0.7). Le coefficient de portance calculé en incompressible est égal à Cz,0 = 0.106 ; par application de la loi de Prandtl-Glauert on trouve pour M∞ = 0.6, Cz = 1.25 × Cz,0 soit une valeur estimée du coefficient de portance à M∞ = 0.6, Cz = 0.1325. En pratique, l’écoulement calculé pour ce nombre de Mach générateur fournit Cz = 0.129 ; l’écart entre la valeur réelle et celle prédite par la loi de Prandtl-Glauert reste donc inférieur à 3% ce qui est tout à fait acceptable. Nombre de Mach critique Lorsque le nombre de Mach générateur M∞ approche de 1, il apparaît dans l’écoulement (et en particulier sur la paroi du profil) des zones où le nombre de Mach dépasse localement 1 : on entre alors dans le domaine transsonique. Le nombre de Mach pour lequel le nombre de Mach local à la suface du profil atteint pour la première fois la valeur unité est appelé nombre de Mach critique. Il joue un rôle important dans l’analyse de l’écoulement sur un profil car, comme on va le voir ci-dessous, pour un nombre de Mach M∞ un peu supérieur au Mach critique, Mcr , des ondes de choc vont apparaître sur le profil et ces discontinuités vont être cause de l’apparition d’une traînée d’onde. On présente sur la figure 3.30 l’évolution de la ligne sonique (i.e. de la ligne le long de laquelle le nombre de Mach local vaut 1 et qui sépare donc une zone d’écoulement subsonique d’une zone d’écoulement supersonique) en fonction du nombre de Mach à l’infini amont. On observe ainsi que pour M∞ = 0.70, l’écoulement autour du profil reste encore entièrement subsonique. Pour M∞ = 0.73, on
110
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.28 – Evaluation de la loi de Prandtl-Glauert. A gauche : distributions de pression pariétale pour écoulement de fluide parfait sur un 1/2-profil NACA0012 (placé à incidence nulle) en incompressible et à M∞ = 0.7. A droite : comparaison entre la distribution de pression à M∞ = 0.7 déduite de la distribution en incompressible et celle réellement obtenue au même nombre de Mach.
Fig. 3.29 – Evaluation de la loi de Prandtl-Glauert. A gauche : distributions de pression pariétale pour écoulement de fluide parfait sur un profil NACA0012 (placé à 1◦ d’incidence) en incompressible et à M∞ = 0.6. A droite : comparaison entre la distribution de pression à M∞ = 0.6 déduite de la distribution en incompressible et celle réellement obtenue au même nombre de Mach. a apparition d’une zone d’écoulement supersonique sur la partie avant du profil (on parle aussi de poche supersonique). Lorsque le nombre de Mach générateur continue à augmenter (ce qui est bien sûr
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
111
équivalent à dire que le profil se déplace de plus en plus rapidement dans de l’air au repos), la taille de la poche supersonique augmente ; à M∞ = 0.75 l’écoulement est accéléré de façon isentropique de la zone d’écoulement subsonique à la poche d’écoulement supersonique puis décéléré toujours de façon isentropique, par une compression isentropique, pour quitter la poche supersonique et retrouver le régime subsonique. A M∞ = 0.79, la décélération ne se produit plus de façon isentropique : la recompression de l’écoulement est assurée par une onde de choc qui ferme la poche d’écoulement supersonique. Cette évolution de l’écoulement peut également être visualisée à partir du tracé de la distribution de nombre de Mach présenté sur la figure 3.31. Pour M∞ inférieur à 0.73 environ, l’écoulement sur le profil reste subsonique ; pour M∞ = 0.73 on atteint pour la première fois l’état sonique sur le profil : le nombre de Mach critique asocié à l’écoulement de fluide parfait sur un profil NACA0012 à incidence nulle est donc Mcr ≈ 0.73. Pour M∞ > Mcr , la distribution du nombre de Mach à la paroi présente une zone supersonique : à M∞ = 0.75, l’accélération jusqu’au nombre de Mach maximal puis la décélération (à partir de 30% de corde environ) s’effectuent de façon isentropique ; à M∞ = 0.79, l’écoulement accélère sur les 40 premiers % de corde jusqu’à un nombre local de 1.2 environ puis décélère brutalement, de façon non-isentropique, en raison de l’apparition d’une onde de choc sur le profil. Comme on va le voir dans la section qui suit, l’apparition de cette discontinuité s’accompagne d’une forte augmentation de la traînée du profil. On va montrer maintenant comment il est possible d’estimer le nombre de Mach critique à partir de la seule connaissance de la distribution de pression en incompressible. On insiste sur le fait que la connaissance de ce Mach critique est très importante pour l’aérodynamique des écoulements à grande vitesse puisqu’elle permet de situer le régime de vitesse à partir duquel une traînée d’onde est susceptible d’apparaître dans l’écoulement. On rappelle que le coefficient de pression est défini par : Cp =
p − p∞ q∞
2 avec q∞ = 21 ρ∞ V∞2 = 12 γp∞ M∞ . Si on utilise cette dernière expression de la pression dynamique, on obtient : 2 p Cp = ( − 1) 2 γM∞ p∞
Dans le cas où l’écoulement sur le profil reste isentropique, on sait relier la pression entre le point d’arrêt et un point quelconque de l’écoulement (voir la section 2.6) : γ p0 γ − 1 2 γ−1 = (1 + M ) p 2
On peut appliquer cette même relation entre le point d’arrêt et l’écoulement à l’infini amont soit : γ γ − 1 2 γ−1 p0 = (1 + M∞ ) p∞ 2
En éliminant maintenant la pression d’arrêt p0 entre ces deux relations, on obtient une expression qui lie la pression statique et le nombre de Mach local en un point du profil aux valeurs de la pression statique et du nombre de Mach à l’infini amont :
γ γ − 1 2 γ−1 1+ M∞ p 2 = γ−1 2 p∞ 1+ M 2
(3.15)
112
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.30 – Evolution de la ligne sonique en fonction du nombre de Mach à l’infini amont. De haut en bas : M∞ = 0.70, M∞ = 0.73, M∞ = 0.75, M∞ = 0.79. En injectant cette relation dans l’expression du coefficient de pression établie ci-dessus, on obtient :
Cp =
2 2 γM∞
γ γ − 1 2 γ−1 1 + 2 M∞ − 1 γ−1 2 M 1+ 2
Lorsque le nombre de Mach local atteint la valeur 1 sur le profil, le coefficient de pression prend alors sa valeur dite critique, notée Cp,cr , qui s’exprime en fonction du nombre de Mach à l’infini amont
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
113
Fig. 3.31 – Distribution de nombre de Mach à la paroi sur un profil NACA0012 placé à incidence nulle en fonction du nombre de Mach M∞ . A gauche : M∞ inférieur ou égal au nombre de Mach critique ; à droite : M∞ supérieur ou égal au nombre de Mach critique. suivant l’expression ci-dessus appliquée avec M = 1 soit : γ γ − 1 2 γ−1 1+ M∞ 2 2 − 1 Cp,cr = 2 γ+1 γM∞ 2
(3.16)
La relation (3.16) est représentée graphiquement sur la figure 3.32. Il ne reste plus maintenant qu’à faire le lien avec la distribution de pression calculée en incompressible sur un profil donné. Soit Cp,0 une telle distribution ; la loi de Prandtl-Glauert (3.13) donne l’évolution de la distribution de pression en fonction de M∞ et Cp,0 . Clairement, l’état sonique M = 1 sera atteint pour la première fois sur le profil au point où la pression est minimale i.e. au minimum de la distribution de Cp . Puisque, par (3.13) Cp croît de façon monotone en fonction de M∞ , la valeur de pression minimale pour Cp à M∞ donné est atteinte au point où la distribution Cp,0 obtenue en incompressible est elle-aussi minimale. Si on note min(Cp,0 ) cette valeur minimale, on peut donc caractériser le nombre de Mach critique, pour lequel l’état sonique est atteint pour la première fois dans l’écoulement, par la relation : γ γ − 1 2 γ−1 1+ Mcr 2 min(Cp,0 ) 2 p = (3.17) − 1 2 2 γ+1 γMcr 1 − Mcr 2 En pratique, on connaît donc par un calcul préliminaire la distribution de pression en incompressible Cp,0 sur laquelle on peut repérer min(Cp,0 ) ; la résolution de l’équation (3.17) en l’inconnue Mcr fournit alors la valeur du nombre de Mach critique associé au profil considéré. Il est bien sûr possible de procéder à une résolution graphique de cette équation. Ainsi, on a tout d’abord tracé sur la figure
114
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
3.33 les distributions pariétales de pression et de nombre de Mach pour l’écoulement à M∞ = 0.3 (assimilé ici à l’écoulement incompressible) et pour l’écoulement à M∞ = 0.73 qui, après un balayage systématique sur le nombre de Mach est apparu comme le nombre de Mach critique associé à cet écoulement. On a repéré sur la figure la ligne M = 1 d’une part et la valeur du coefficient de pression donnée par la formule (3.16) appliquée pour M∞ = 0.73, i.e. la valeur du coefficient de pression critique lorsque l’écoulement critique est atteint très exactement pour M∞ = 0.73. Le léger écart observé entre le minimum de la courbe de Cp calculée pour cette valeur et Cp,cr = −0.662 traduit le fait que, à M∞ = 0.73, l’écoulement est en réalité déjà légèrement supersonique. La formule (3.17) permet d’estimer le nombre de Mach critique de façon peu coûteuse : on relève en effet min(Cp,0 ) = −0.426 sur la distribution de coefficient de pression "incompressible" ; on peut alors tracer l’évolution de la valeur minimale du coefficient de pression Cp pour M∞ croissant en utilisant la loi de Prandtl-Glauert. Le point d’intersection de cette courbe avec la courbe représentative de la relation universelle (3.16) fournit le nombre de Mach critique associé au profil (voir 3.34) : on trouve ici Mcr = 0.739 ce qui est très proche (moins de 2% d’erreur) de la valeur exacte Mcr ≈ 0.73 obtenue en balayant finement sur le nombre de Mach amont. Le nombre de Mach critique dépend bien sûr de l’incidence et, pour une
Fig. 3.32 – Représentation graphique de la loi "universelle" (3.16) qui donne la valeur du coefficient de pression critique en fonction du nombre de Mach à l’infini amont (pour un écoulement de gaz parfait dénué de viscosité). incidence donnée, de la géométrie du profil considéré puisque Mcr dépend du coefficient de pression Cp , lui-même fonction de la géométrie Σ et de l’incidence α. On illustre cette dépendance à la géométrie en évaluant par la méthode graphique détaillée ci-dessus le nombre de Mach critique associé aux profils NACA0006, NACA0018 déduits du profil NACA0012 par un facteur d’homothétie 0.5 et 1.5 respectivement (l’épaisseur maximale de ces profils est bien sûr 6% de corde pour le premier et 18% de corde pour le second). Le calcul de l’écoulement incompressible à incidence nulle sur les profils NACA0006 et NACA0018 fournit comme valeur minimale du coefficient de pression Cp,0 = −0.218
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
115
Fig. 3.33 – Distributions de pression et de nombre de Mach à la paroi pour un écoulement de fluide parfait à incidence nulle sur le profil NACA0012, en régime quasi-incompressible et en régime critique.
Fig. 3.34 – Obtention graphique du nombre de Mach critique pour le profil NACA0012 à incidence nulle à partir de la donnée du coefficient de pression minimal en incompressible. pour le profil mince et Cp,0 = −0.665 pour le profil épais. On en déduit (voir Fig.3.36) Mcr = 0.82 pour le profil NACA0006, Mcr = 0.67 pour le profil NACA0018 (on rappelle que Mcr = 0.739 pour
116
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
le profil NACA0012). Ainsi, la diminution de l’épaisseur du profil permet d’augmenter le nombre de Mach critique et par conséquent (voir section suivante) de repousser vers des nombres de Mach plus élevés l’apparition d’une traînée d’onde liée à la formation d’ondes de choc dans l’écoulement sur le profil. Cette observation motive le choix de profils minces pour des avions destinés à voler en régime transsonique ou supersonique ; ce point sera reprécisé à l’occasion des séances du cours consacrées à l’aérodynamique des écoulements à grande vitesse.
Fig. 3.35 – Géométrie des profils d’épaisseur croissante NACA0006, NACA0012 et NACA0018.
Fig. 3.36 – Représentation graphique de la loi "universelle" (3.16) qui donne la valeur du coefficient de pression critique en fonction du nombre de Mach à l’infini amont (pour un écoulement de gaz parfait dénué de viscosité).
Nombre de Mach de divergence. Traînée d’onde. On en vient maintenant précisément à l’influence du nombre de Mach sur la traînée d’un profil : on a tracé à titre d’exemple le coefficient de traînée associé à l’écoulement de fluide idéal sur le profil
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
117
NACA0012 placé à incidence nulle. En l’absence de viscosité, les seules sources de création de traînée sont les éventuelles discontinuités présentes dans l’écoulement. Comme on le verra dans la suite du cours, l’apparition de chocs dans un écoulement stationnaire exige d’atteindre le régime supersonique ; ainsi, tant que le nombre de Mach critique n’est pas atteint, la traînée de l’écoulement de fluide idéal sera nulle (il s’agit bien sûr d’une idéalisation car en pratique il existe bien sûr une résistance à l’avancement même pour des écoulements à faible vitesse mais cette résistance est liée au frottement visqueux et/ou à l’éventuelle présence de zones de recirculation). Comme l’illustrent les figures 3.30 et 3.31 détaillées dans l’introduction de cette section, il existe une gamme de nombre de Mach supérieurs au nombre de Mach critique pour lesquels l’écoulement présente une zone d’écoulement supersonique tout en restant isentropique (absence de discontinuités) : il en est ainsi par exemple de l’écoulement M∞ = 0.75 sur le profil NACA0012 à incidence nulle. Si M∞ augmente encore, une onde de choc se forme sur le profil (voir par exemple l’écoulement à M∞ = 0.79 ) et l’apparition de cette onde de choc conduit à la génération d’une traînée d’onde. La topologie de l’écoulement à M∞ = 0.75, M∞ = 0.79 et M∞ = 0.85 est illustrée sur la figure 3.37 par le tracé des isovaleurs de pression : on visualise ainsi clairement le caractère isentropique de l’écoulement (subsonique) à M∞ = 0.75 et l’apparition d’ondes de choc (d’intensité croissante) dans l’écoulement pour M∞ = 0.79 et M∞ = 0.85 qui générent la traînée d’onde ; on présente également sur la figure 3.38 les distributions de coefficient de pression et de nombre de Mach obtenues pour l’écoulement à M∞ = 0.79. On peut noter que l’onde de choc qui apparaît sur le profil recomprime l’écoulement en le faisant passer du régime supersonique au régime subsonique ; on verra dans la suite du cours que cette propriété est propre aux ondes de choc droites ou quasi-droites. Si on trace le coefficient de traînée en fonction de M∞ on observe que pour M∞ ≈ 0.79 la traînée augmente brutalement à partir de sa valeur nulle (tant que l’écoulement reste isentropique) : la création d’une traînée d’onde en régime transsonique est qualifiée classiquement de crise de traînée transsonique (ou transonic drag crisis, transonic drag rise suivant la terminologie anglo-saxonne). Le nombre de Mach à l’infini amont pour lequel une discontinuité apparaît pour la première fois dans l’écoulement est dit nombre de Mach de divergence puisque, à partir de cette valeur, la traînée diverge de sa valeur nulle.
3.2.6
Effets de la viscosité
Décrochage d’un profil On reprend maintenant l’étude de la variation du coefficient de portance du profil NACA0012 en fonction de l’incidence mais on se place désormais dans le cas (réaliste) d’un écoulement de fluide réel en régime turbulent (Re∞ = ρ∞µV∞∞ c = 10 millions). On trace sur la figure 3.40 le coefficient de portance du profil en fonction de l’incidence pour cet écoulement de fluide réel et pour l’écoulement de fluide idéal étudié dans la section 3.2.2 (voir également la figure 3.18). On constate que le coefficient de portance prédit par le modèle de fluide idéal reste très proche du coefficient effectivement obtenu en écoulement réel (turbulent) jusqu’à une incidence de 7◦ ; le cours consacré à la couche limite en aérodynamique permettra d’expliquer en détail les raisons de cet excellent accord sur la prédiction de portance qui résulte directement de la quasi-superposition de la distribution de pression pariétale obtenue dans le cas turbulent avec celle prédite pour l’écoulement de fluide idéal (voir Fig. 3.41). Le point essentiel dans cette comparaison est cependant l’écart qui apparaît entre comportement réel et comportement de fluide idéal pour une incidence supérieure à 7◦ : alors que dans le cas idéal la portance continue de croître linéairement, dans le cas réel la portance chute pour α supérieur à cette valeur critique de l’angle d’incidence. Cette chute de portance correspond au décollement de la couche limite turbulente qui se développe sur le profil dans le cas d’un écoulement de fluide réel : on dit alors
118
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.37 – Ecoulement de fluide idéal à incidence nulle sur le profil NACA0012. Evolution des isovaleurs de pression en fonction de M∞ pour M∞ > Mcr .
que le profil décroche et on nomme l’angle pour lequel la portance atteint sa valeur maximale l’angle de décrochage (stall angle en anglais). La différence profonde de topologie de l’écoulement entre le cas idéal et le cas réel est illustrée sur la figure 3.42 par le tracé des lignes de courant de l’écoulement : le décollement important de la couche limite dans l’écoulement de fluide réel à 8◦ d’incidence est bien visible, avec la présence d’un tourbillon de recirculation de grande taille. La présence de cette zone de recirculation modifie profondément la distribution de pression autour du profil en conduisant notamment à une remontée de la pression à l’extrados du profil (voir les isovaleurs de la pression statique adimensionnée par sa valeur à l’infini amont sur la figure 3.43) qui limite donc la différence de pression entre extrados et intrados et induit la chute de portance observée.
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES
119
Fig. 3.38 – Distributions de pression et de nombre de Mach à la paroi pour un écoulement de fluide parfait à incidence nulle sur le profil NACA0012 à M∞ = 0.79.
Fig. 3.39 – Ecoulement de fluide idéal à incidence nulle sur le profil NACA0012. Evolution du coefficient de traînée Cx (CD ) en fonction du nombre de Mach à l’infini amont M∞ . Traînée de frottement. Traînée de forme. On trace sur la figure 3.44 l’évolution du coefficient de traînée en fonction de l’incidence pour l’écoulement considéré ci-dessus. Dès 0◦ d’incidence, alors que la couche limite qui se développe sur le profil
120
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.40 – Evolution du coefficient de portance du profil NACA0012 en fonction de l’incidence à M∞ = 0.5 pour un écoulement idéal de fluide parfait et un écoulement turbulent de fluide réel à Re∞,c = 10 millions.
Fig. 3.41 – Distribution du coefficient de pression à la paroi pour un écoulement à incidence nulle sur le profil NACA0012. Comparaison entre l’écoulement de fluide idéal et l’écoulement turbulent de fluide réel.
3.3. OPTIMISATION ET CONTRÔLE
121
Fig. 3.42 – Lignes de courant de l’écoulement à M∞ = 0.5 sur un profil NACA0012. En haut : incidence de 7◦ pour un écoulement idéal de fluide parfait (à gauche) et un écoulement turbulent (Re∞,c = 10 millions) de fluide réel (à droite). En bas : incidence de 8◦ pour un écoulement idéal de fluide parfait (à gauche) et un écoulement turbulent (Re∞,c = 10 millions) de fluide réel (à droite). reste attachée, on a une traînée non-nulle qui traduit le frottement exercé par le fluide sur le profil. La valeur du coefficient de traînée varie assez peu en fonction de l’incidence jusqu’à ce que soit atteint l’angle de décrochage : le décollement de la couche limite s’accompagne alors d’une augmentation brutale de la traînée liée à la profonde modification de la distribution de pression introduite par la zone de recirculation qui se forme à l’extrados du profil ; une traînée de forme importante s’ajoute alors à la traînée de frottement. En pratique, un avion de ligne n’entre pas dans le domaine du décrochage de sorte que c’est la traînée de frottement qui constitue une part essentielle de la traînée totale (l’autre contribution importante à la traînée totale est la traînée dite induite (par la portance), d’origine tridimensionnelle et qui n’est pas évoquée ici). D’importantes recherches sont donc menées dans le domaine aéronautique pour réduire la traînée de frottement : ce point est brièvement évoqué dans la dernière section de document et sera détaillé lors des séances du cours consacrées à la couche limite. La problématique du domaine automobile est totalement différente : la contribution de la traînée de frottement à la traînée d’un véhicule automobile ne dépasse pas 10% de la traînée totale alors qu’une contribution essentielle à la traînée est constituée par la traînée de pression dans sa composante traînée de forme, en raison de la présence de zones d’écoulement décollé. L’existence de ces zones découle directement de la géométrie même d’un véhicule automobile qui, par rapport à une aile, ne constitue sûrement pas un corps profilé !
3.3
Optimisation et contrôle
On a souligné dans la section précédente la nature différente des préoccupations de l’aérodynamicien selon qu’il s’intéresse à un profil d’aile d’avion ou à un véhicule automobile. Dans le domaine aéronautique, la préoccupation première est de générer une portance suffisante pour assurer la sus-
122
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.43 – Isovaleurs de la pression (statique) adimensionnée par la pression à l’infini amont pour un écoulement turbulent à M∞ = 0.5 et Re∞,c = 10 millions autour du profil NACA0012 à une incidence de 3◦ (en haut), 7◦ (au milieu) et 8◦ (en bas).
3.3. OPTIMISATION ET CONTRÔLE
123
Fig. 3.44 – Evolution du coefficient de traînée en fonction de l’incidence pour un écoulement turbulent (Re∞,c = 10 millions) sur le profil NACA0012. La ligne de pointillés indique que, dans les mêmes conditions, l’écoulement de fluide idéal reste isentropique et génère donc une traînée nulle. tentation. Le recours à des profils d’aile cambrés est privilégié mais dans le même temps les profils utilisés doivent être conçus pour assurer un écoulement attaché dans les conditions normales de vol (où les angles d’incidence restent modérés) afin d’éviter le phénomène de décrochage. L’autre problème spécifique à l’aéronautique (même si il peut être rencontré pour des véhicules automobiles bien particulier tels que ceux conçus pour battre des records de vitesse en ligne droite) est la gestion de la traînée d’onde : la crise de traînée associée au régime transsonique doit être repoussée si possible en dehors du domaine de vol prévu. Dans le domaine automobile, la réduction de traînée passe par la réduction de la traînée de pression ou de forme et donc la limitation des zones décollées [20].
3.3.1
Problématiques du domaine aéronautique
L’amélioration des performances aérodynamiques d’une aile ou d’un profil d’aile peut être obtenue soit par optimisation la forme de cette aile ou de ce profil vis-à-vis d’un ou de plusieurs critères (minimisation de la traînée d’onde, maximisation de la portance . . .) soit par introduction de dispositifs de contrôle de l’écoulement. Ce contrôle peut s’effectuer de façon passive, i.e. sans apport d’énergie à l’écoulement, ou active. On distingue également contrôle en boucle ouverte ou fermée selon que le contrôle est réactif ou non : dans le cas d’un contrôle en boucle fermé, l’action exercée sur l’écoulement (par un dispositif de contrôle appelé actuateur) dépend de signaux enregistrés par des capteurs placés dans l’écoulement [21]. L’optimisation de forme a par exemple pour objectif le contrôle de la laminarité sur un profil : comme on le verra dans la partie du cours consacrée à la couche limite en aérodynamique, le frottement associé à une couche limite turbulente est bien supérieur à celui associé à une couche limite laminaire et il peut donc être intéressant de préserver un écoulement laminaire sur la plus grande partie possible d’un profil en jouant sur les gradients de pression produits dans l’écoulement au voisinage de la paroi. Une autre application très importante de l’optimisation de forme en aérodynamique est la réduction
124
CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
de la traînée d’onde. Le développement de méthodes précises et efficaces de simulation numérique des écoulements a permis depuis quelques années la mise au point d’outils d’optimisation automatique. On présente sur les figures 3.45 et 3.46 un exemple de résultats tirés de [22] : dans la situation initiale on considère le profil RAE2822 plongé dans un écoulement transsonique (M∞ = 0.73) de fluide idéal ; dans ces conditions l’écoulement sur le profil présente une onde de choc à l’extrados qui génère donc une traînée d’onde. La forme du profil est alors modifiée par application de fonctions de perturbation paramétrées (fonctions proposées par Hicks et Henne à la NASA [23]). Des algorithmes d’optimisation automatique sont ensuite appliqués pour déterminer les valeurs des paramètres de forme qui sont susceptibles de produire un profil "sans choc" dans les mêmes conditions d’écoulement (et qui préserve dans le même temps la portance et le moment du profil initial). La figure 3.45 permet de constater d’une part qu’il a bien été possible de déterminer un profil "sans choc" et d’apprécier d’autre part la grande sensibilité de l’écoulement transsonique à de petites modifications de forme. Compte tenu du choix de modification de la forme de base par des fonctions de Hicks et Henne, le profil initial et le profil optimal possèdent en réalité la même loi d’épaisseur et ne varie que par leur loi de cambrure. Les isovaleur de pression pour le profil de base et le profil optimisé sont tracées sur la figure 3.46 : le caractère isentropique (absence de discontinuités) de l’écoulement sur le profil optimisé apparaît clairement. Naturellement, la portée de la présente optimisation est limitée puisque, en réalité, l’écoulement sur le profil est turbulent : la présence d’une couche limite modifie la forme du profil "vue" par l’écoulement et il n’est pas certain que le profil optimisé en fluide idéal reste optimal pour l’écoulement de fluide réel. Une démarche d’optimisation qui s’appuie sur la simulation d’écoulements turbulents est décrite par exemple dans [24] ; on notera qu’il s’agit de travaux extrêmement récents (années 2000) : l’optimisation automatique des performances aérodynamiques par voie numérique est une thématique en plein développement. Il est cependant essentiel de rappeler que les codes de simulation d’écoulement ne sont pas en mesure de modéliser de façon réellement fiable et prédictive les écoulements à grand nombre de Reynolds sur des géométries complexes qui sont typiquement rencontrés dans les situations réelles : cette démarche d’optimisation numérique est donc extrêmement utile pour opérer un tri rapide (et assez peu coûteux) parmi un ensemble de configurations possibles afin de sélectionner les quelques géométries qui devront ensuite être testées en soufflerie. L’article [11] qui décrit 30 ans de développement et d’application des outils de simulation numérique d’écoulement (ou CFD) chez Boeing fait également une large place à la description des outils d’optimisation automatique mis en place dans le processus de conception des avions. L’un des problèmes de contrôle d’écoulement qui fait l’objet d’intenses études à l’heure actuelle est le contrôle du décollement de bord d’attaque d’un profil placé à incidence élevé : l’idée est de parvenir à repousser les limites du décrochage par des moyens de contrôle appropriés de la couche limite afin de bénéficier de valeurs toujours plus grandes de la portance maximale. Les travaux présentés par exemple dans [25] étudient la possibilité de repousser la limite de décrochage par utilisation de jets pulsés localisés au nez du profil. Les cours consacrés à la couche limite en aérodynamique seront l’occasion d’évoquer ces techniques plus en détail, une fois maîtrisés les concepts essentiels sur la couche limite et les conditions de son décollement.
3.3.2
Problématiques du domaine automobile
Comme le souligne l’article de synthèse [27], de nombreuses techniques de contrôle étudiées dans le domaine aéronautique sont susceptibles de trouver leur application dans le domaine automobile. Dans le domaine de la réduction de traînée, il est cependant essentiel de bien avoir en tête que les techniques de réduction de frottement développées dans le domaine aéronautique (par exemple par
3.3. OPTIMISATION ET CONTRÔLE
125
Fig. 3.45 – Optimisation de forme en vue de la réduction de la traînée d’onde en régime transsonique. En haut : distributions de coefficient de pression pariétal pour le profil RAE2822 de base et pour le profil optimisé (à gauche) ; comparaison de la géométrie de base et de la géométrie optimisée (à droite). En bas : comparaison de la ligne de cambrure pour le profil de base et le profil optimisé. (ces figures sont tirées de [22])
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CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.46 – Optimisation de forme en vue de la réduction de la traînée d’onde en régime transsonique. Isovaleurs de pression sur le profil de base et le profil optimisé. (ces figures sont tirées de [22]) contrôle de la laminarité) sont sans intérêt pour l’automobile où la traînée de frottement ne joue qu’un rôle marginal 3 : l’essentiel de l’effort d’optimisation et de contrôle des écoulements dans le domaine automobile porte sur la réduction de la traînée de pression. Dans la mesure où la mise en oeuvre de ces techniques de contrôle suppose une bonne connaissance du comportement de l’écoulement lié aux effets visqueux (décollement de la couche limite) on évoquera plus en détail ces techniques à l’issue du cours consacré à la couche limite en aérodynamique. Pour l’heure, nous présentons simplement ci-dessous un exemple de démarche d’optimisation de forme menée chez PSA Peugeot Citroën et destinée à réduire la traînée d’un véhicule automobile [12]. En jouant sur la forme arrière d’un véhicule modèle, il est possible de modifier les structures tourbillonnaires qui se forment sur cette partie arrière de façon à réduire notamment le sillage ce qui a pour conséquence une réduction de la traînée.
3.3.3
Multidisciplinarité
Au moment de conclure ce chapitre du cours consacré aux enjeux de l’aérodynamique pour l’ingénieur, il est important se souligner que, si ce cours est spécifiquement dédié à l’aérodynamique, la pratique de cette discipline lorsqu’il s’agit de concevoir un véhicule doit nécessairement tenir compte de son interaction avec d’autres disciplines qui amènent leurs propres contraintes de dimensionnement. Par exemple, le travail présenté dans [29] vise à optimiser les performances d’un missile en régime de vol supersonique non seulement du point de vue aérodynamique mais également du point de vue du rendement propulsif et de la furtivité radar. La satisfaction simultanée d’objectifs de performance aérodynamique et de furtivité constitue un véritable défi : comme on peut le constater sur la figure 3.50 un avion furtif se caractérise par une géométrie assez "anguleuse" destinée, grossièrement, à 3 sauf bien sûr pour des véhicules très particuliers tels que les prototypes développés pour des courses d’endurance de type Marathon Shell qui peuvent être profilés de façon à limiter très fortement la traînée de forme, auquel cas la traînée de frottement redevient prépondérante (voir par exemple [28])
3.3. OPTIMISATION ET CONTRÔLE
127
Fig. 3.47 – Optimisation de la forme arrière d’un modèle de véhicule automobile. Paramètres géométriques de l’optimisation. (figure tirée de [12])
Fig. 3.48 – Optimisation de la forme arrière d’un modèle de véhicule automobile. En haut : isovaleurs de la pression totale dans le plan de symétrie (à gauche) et le plan transverse à mi-hauteur (à droite) pour une géométrie non-optimale. En bas : lignes de courant dans le plan de symétrie (à gauche) et sur la partie arrière du véhicule (à droite) pour la même géométrie. (figures tirées de [12])
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CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.49 – Optimisation de la forme arrière d’un modèle de véhicule automobile. En haut : isovaleurs de la pression totale dans le plan de symétrie (à gauche) et le plan transverse à mi-hauteur (à droite) pour la géométrie optimale obtenue par la boucle d’optimisation automatique. En bas : lignes de courant dans le plan de symétrie (à gauche) et sur la partie arrière du véhicule (à droite) pour la même géométrie optimale. (figures tirées de [12]) pièger les ondes en provenance de radars d’observation ; si une telle géométrie est donc favorable au caractère furtif d’un appareil elle pose bien des problèmes à l’aérodynamicien pour lequel "angle" est généralement synonyme de "point singulier" en lequel la couche limite est susceptible de décoller avec des conséquences néfastes en matière de portance et de traînée. La question du design doit donc être formulée de façon à satisfaire simultanément les différents objectifs assignés par chaque discipline : le résultat du processus d’optimisation est alors un ensemble de solutions de compromis possibles (dit ensemble optimal de Pareto) parmi lesquelles une solution sera sélectionnée sur la base de considérations supplémentaires non prises en compte dans la formulation initiale du problème (telles que la notion de coût de fabrication par exemple). A l’heure actuelle, dans le domaine aéronautique, on se préoccupe de plus en plus d’optimiser simultanément un véhicule du point de vue aérodynamique et structural en prenant en compte les effets de couplage entre le fluide et la structure et en introduisant dans des processus d’optimisation numérique des objectifs de performance aérodynamique et des contraintes sur la structure (de non-dépassement de seuils de contraintes par exemple) (voir par exemple [30]). Dans le domaine automobile, l’aérodynamique n’est bien sûr que l’une des contraintes qui intervient dans le dessin d’un véhicule [26] : en pratique, un compromis (là-encore !) doit être trouvé entre les contraintes de style (essentielles pour le succès commercial), d’habitabilité, de sécurité (vis-à-vis du crash notamment) . . . et d’aérodynamique. La nécessité d’un processus d’optimisation réellement multidisciplinaire conduit d’ailleurs à d’intéressantes analyses du processus de conception dans le cadre de l’ingénierie de la conception (design engineering) qui mettent notamment en oeuvre des outils de la théorie des jeux (collaboratifs ou non) pour déterminer par exemple les points d’équilibre atteints par deux équipes d’ingénieurs travaillant sur l’optimisation d’un produit respectivement d’un point de vue structural et d’un point de vue aérodynamique (voir [31] par exemple).
3.3. OPTIMISATION ET CONTRÔLE
Fig. 3.50 – Avion de combat furtif F-117A Nighthawk (image tirée de [5]).
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CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
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