7e Mer-V2 - Le Nouveau Monde [PDF]

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Zitiervorschau

a e u Monde v u o N e L

JOHN WICK PRÉSENTE UN SUPPLÉMENT POUR 7 MER DEUXIÈME ÉDITION « LE NOUVEAU MONDE » E

MARK DIAZ TRUMAN DANIELLE LAUZON ASSISTANTE DE CONCEPTION ANASTASIA KOTSOGLOU DIRECTEUR DE CRÉATION LEONARD BALSERA CONCEPTION SYSTÈME MICHAEL CURRY AJOUT SYSTÈME BRETT ZEILER DIRECTION ARTISTIQUE MARISSA KELLY RÉDACTION DALE ANDRADE ADRIAN ARROYO JEREMY ELDER JAMES MENDEZ HODES BETSY ISAACSON ROB JUSTICE SHOSHANA KESSOCK ANASTASIA KOTSOGLOU ANDRÉ LA ROCHE FELIPE REAL MARK DIAZ TRUMAN MARIA DO CARMO ZANINI RÉDACTION ADDITIONNELLE DANIELLE LAUZON BRETT ZEILER ILLUSTRATIONS GIORGIO BARONI CHARLIE CREBER SHEN FEI ANNA KAY PHU THIEU MAC JAMES MOSINGO DIEGO RODRIGUEZ MEAGAN TROTT CONCEPTION GÉOGRAPHIQUE ET CARTOGRAPHIE MARK RICHARDSON GRAPHISME ET MAQUETTAGE THOMAS DEENY HAL MANGOLD RÉVISION MARK DIAZ TRUMAN RELECTURE SHELLEY HARLAN DÉVELOPPEMENT DE 7E MER : DEUXIÈME ÉDITION MICHAEL CURRY ROB JUSTICE MARK DIAZ TRUMAN JOHN WICK INSPIRÉ DE « LES SECRETS DE LA 7E MER » CONCU PAR JOHN WICK JENNIFER BRADBURY CONCEPTION

Un mot de John…

Quand Les secrets de la 7E Mer est sorti pour la première fois en 1999, je n’avais aucune idée de comment faire ce supplément. Je ne savais rien sur l'Amérique précolombienne, ses peuples, son passé et ses histoires. Je n’y connaissais rien de rien. À présent, en 2017, je ne sais toujours pas comment faire ce supplément. Heureusement, grâce aux 11 000 personnes qui ont soutenu le financement participatif sur Kickstarter, je peux engager des auteurs pour le faire à ma place. Cela signifie que le monde de 7E Mer s’agrandit encore plus. Je suis surexcité rien qu’en relisant le texte, surexcité à l’idée de voir des personnages qui sont rarement—voire jamais—représentés dans les jeux de rôle. Et je ne parle pas de sauvages rétrogrades et barbares qui pensent que les effusions de sang font se lever le soleil. Ces personnages sont comme vous et moi : ce sont des Héros (et parfois des Scélérats bien sûr). Je suis ébloui par l’ensemble des connaissances qui figurent dans ce livre. C’est toujours passionnant de discuter avec des gens qui maîtrisent un sujet auquel je ne connais rien. Je ne comprendrai jamais les phrases qui débutent par : « Je ne veux pas apprendre… » Ce livre m’a appris des choses. Il ne s’agit toutefois pas d’une encyclopédie sur la culture méso-américaine : on parle plus d’un voyage immersif dans la mythologie et la vie de ces peuples. Lorsque j’ai soumis l’idée de ce livre pour la première fois, j’ai posé la question suivante : « À quoi ressemblerait leur civilisation si le cours de l’Histoire avait été différent ? » Voilà la réponse. Un mélange de passé et d’imagination avec, et c’est le plus important, un univers qui sert de cadre aux aventures de Héros et de Scélérats… le tout selon un point de vue que vous n’aviez peut-être jamais envisagé. —John Wick

Remerciements particuliers

Je remercie Mark d’avoir à nouveau cru en moi en me confiant le développement de ce livre, et je remercie Anastasia pour avoir fait preuve de patience avec la béotienne que je suis. J’espère que vous apprécierez tous autant que moi les histoires et les mystères que renferment cet ouvrage. Comme toujours, je remercie mon mari, mon phare dans la tempête, Weston Harper. —Danielle Lauzon Quand j’ai commencé à écrire des jeux de rôle en 2010, je n’aurais jamais imaginé avoir l’occasion de travailler sur un projet comme 7E Mer : Deuxième édition. 7E Mer était un véritable jeu de rôle, du genre qu’on vend dans les magasins, avec des illustrations en couleur et des centaines de pages. Des années plus tard, non seulement j’ai contribué à la renaissance de 7E Mer pour des milliers de fans, mais j’ai également contribué à donner vie à la Méso-Amérique dans l’univers du jeu, et ce d’une façon totalement inattendue. Toutefois, ce livre n’aurait jamais vu le jour sans notre formidable équipe : un énorme merci à Danielle, qui a rassemblé toutes les pièces du puzzle, à Anastasia, qui a apporté au livre l’ensemble de ses connaissances savantes et folkloriques, à Marissa, qui a bataillé pour que les illustrations soient aussi nettes (et précises) que possible, et à John, qui nous a fait confiance pour apporter du neuf à son univers. Un grand merci, également, à tous les concepteurs de jeu de rôle peu connus qui œuvrent dans le monde et qui se demandent si leur combat en vaut la peine, s’ils peuvent créer quelque chose d’unique et d’original, s’ils ont quelque chose à offrir aux gens : sí, se puede. Je vous l’assure. Vous pouvez y arriver. Vous êtes sur la bonne voie. —Mark Diaz Truman

Version française - Crédits Coordination éditoriale : Vincent Lelavechef Traduction : Arthur Camboly, Cécile Duquenne Maquette : Julien Dejaeger Relecteurs : Justine L. Boudet, Constance 'Destiny', Camille Haller, Frédéric Meurin, Christophe Rosati 7th Sea is a Registered Trademark of Moon Design Publications, and is used with its permission. 7th Sea is published in English by Chaosium Inc. www.chaosium.com The names, descriptions and depictions applied to this product are derived from works copyrighted by and include trademarks owned by Moon Design Publications and may not be used or reused without its permission. © 2019 Agate RPG pour la version française sous licence Chaosium. Agate RPG est une marque d’Agate Éditions. Agate Éditions, 13 Boulevard de la République, 92250 La Garenne-Colombes. Contact, question, distribution : [email protected]. Dépôt légal : 2019 – ISBN : 978-2-491139-00-1 – Imprimé en Europe.

Table des matières L’échappée de K’awil

4

Introduction 9

Un « Nouveau » monde . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Vivre parmi les dieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Un monde en évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Les influences extérieures . . . . . . . . . . . . . . . 10 Les Nations d'Aztlan . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 L’Alliance nahuacane . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Le Tzak K’an . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 L’Empire kuraque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Comment utiliser ce livre . . . . . . . . . . . . . . . 11

Chapitre 1 : L’Aztlan 13

L’Empire aztlan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Aujourd’hui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Technologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Commerce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 L’Église vaticine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Les dieux d’Aztlan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Religion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Dieux et créatures notables . . . . . . . . . . . . . . 36

Chapitre 2 : L’Alliance nahuacane

45

Histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 Gouvernement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 Politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 Société . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 Religion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 Lieux notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 Personnages notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

Chapitre 3 : Le Tzak K’an

85

Origines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 Histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 Politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 Culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98 Religion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 Sorcelleries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 Lieux notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 Personnages notables . . . . . . . . . . . . . . . . . 114

Chapitre 4 : L’Empire kuraque

123

Histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Religion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lieux notables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Personnages notables . . . . . . . . . . . . . . . . .

125 130 133 140 145 150

Chapitre 5 : Aventures dans le Nouveau Monde

159

Les Héros aztlans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les Théans en Aztlan . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conception d’un Héros aztlan . . . . . . . . . . . Étape 1 : les Caractéristiques . . . . . . . . . . . Étape 2 : la Nation . . . . . . . . . . . . . . . . . . Étape 3 : les Historiques . . . . . . . . . . . . . . Étape 4 : les Compétences . . . . . . . . . . . . . . Étape 5 : les Avantages . . . . . . . . . . . . . . . Étape 6 : les Arcanes . . . . . . . . . . . . . . . . . Étape 7 : les Histoires . . . . . . . . . . . . . . . . Étape 8 : Touches finales . . . . . . . . . . . . . . Les Gardiens de l’Aztlan . . . . . . . . . . . . . . . . Les Héritiers du Jaguar . . . . . . . . . . . . . . . . Le Pochteca . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

160 160 161 161 161 161 164 165 168 169 170 170 170 170

Sorcellerie 171 Wayak’ Kan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Wañuy Ñaqay . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Escrime, navigation et secrets . . . . . . . . . . . . Duels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nouvelles histoires du Navire . . . . . . . . . . . . Sociétés secrètes d’Aztlan . . . . . . . . . . . . . . Les Gardiens de l’Aztlan . . . . . . . . . . . . . . Les Héritiers du Jaguar . . . . . . . . . . . . . . . Le Pochteca . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Concile des Anciens dieux . . . . . . . . . . .

Générateur de cités-États tzak k’aniennes

171 176 181 181 185 186 186 188 190 191

193

Générer une Cité-État . . . . . . . . . . . . . . . . . Méthode 1 : à la carte . . . . . . . . . . . . . . . Méthode 2 : lancer de dés . . . . . . . . . . . . . Méthode 3 : une pierre après l’autre . . . . . . . Anatomie d’une cité-État . . . . . . . . . . . . . . . Iconographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dieu tutélaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Souverain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

193 193 193 193 194 194 196 198

Obstacles 199

Aspects de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200 Aspects optionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . 200 Conflits principaux . . . . . . . . . . . . . . . . . 202

Aventures dans le Nouveau monde 202

Rendre le décor familier . . . . . . . . . . . . . . 203 Accroches narratives . . . . . . . . . . . . . . . . 204

Annexe 205

L’échappée de K’awil

par John Wick

L

a jungle le cinglait et lui lacérait la peau. Ses jambes et ses poumons étaient en feu. Son dos souffrait du poids porté sur ses épaules. La sueur lui piquait les yeux. Il sauta par-dessus un arbre tombé et s’affala en voulant en éviter un autre. Ce qu’il portait chut vers l’avant en gémissant. K’awil leva les yeux et vit du sang. Bien que sombre, la peau de la Kuraque commençait à visiblement blêmir. Elle posa la main sur son ventre rouge vermeil et regarda K’awil avec des yeux sombres et déterminés. « Tu dois me laisser, » dit-elle dans la langue de son interlocuteur. Elle portait des vêtements de voyage. Elle plongea son autre main dans son sac et en retira une petite bourse en cuir. « Prends-la. » K’awil avait du mal à reprendre son souffle. Ils entendirent des cris qui se rapprochaient. Des cris et des aboiements. Il secoua la tête. « Non, » dit-il en posant la main sur la bourse. « Range ça. » « Tu es soit très courageux, soit très imprudent, » répondit-elle en rangeant la bourse, les lèvres mues par un demi-sourire. « Probablement les deux… » répliqua-t-il en souriant à son tour.

4

L'échappée de K'awil

Un autre cri retentit. « Je les vois ! » K’awil agrippa la femme et la hissa par-dessus son épaule. « Nous sommes près du fleuve,  » dit-il. « Le village est de l’autre côté. » Elle grimaça lorsqu’il la hissa. « Il va nous falloir trouver un moyen de traverser. » Il répartit son poids sur ses épaules et marmonna  : « Apocōātl nous guidera. » Il reprit sa course. *** Sept jours plus tôt, Chuki entrait dans le village, les bras levés et le sourire aux lèvres. Elle portait ses vêtements de voyage, mais aucune arme. Son visage et ses habits étaient sales, et elle avait quelques toiles d’araignée dans les cheveux qui étaient autant de souvenirs d’un combat ayant failli virer au désastre. Le village n’était pas très grand, mais suffisamment pour parvenir à survivre dans la jungle. Des hommes et des femmes y étaient affairés. La plupart étaient armés. « Bonjour ! » lança-t-elle d’une voix forte mais amicale.

Les villageois levèrent les yeux. Chuki ignorait à quoi s’attendre, mais elle se tenait prête à courir. L’une des femmes se leva et lui cria. «  Va-t’en, Kuraque, nous ne voulons pas d’ennuis ! » Chuki s’arrêta à la lisière du village. « J’ai besoin de votre aide. Et vous avez besoin de la mienne. » Un homme de haute stature s’avança alors vers elle. Il était quasiment nu. Il portait une lance, une boussole autour du cou, un éclat d’obsidienne taillé accroché à la taille et ce que Chuki devinait être une ceinture de guerrier. Il s’approcha suffisamment près pour être en mesure de la frapper si besoin. «  Qui es-tu  ?  » demanda-t-il d’un ton légèrement menaçant. « Mon nom est Chuki. » Il l’étudia de la tête aux pieds. « Tu es une Kuraque. » « Oui, » dit-elle en hochant la tête. « Je suis aussi une amie de Ferdinand. » L’homme plissa des yeux : « Toi ? Et je suis censé te croire sur parole ? » « Il est venu au Kuraq récemment, et il a rejoint la résistance, le Pakaykuq. C’est là que je l’ai rencontré. » L’homme grommela et fit un geste de la main pour l’inviter à continuer : « Parle-moi de lui. » « Il est plus petit que moi. Il a la peau blanche et une barbe. Des yeux sombres. Il aime bien siffloter. Et il adore les infusions. » Elle fit un signe prudent de la main droite, qui était toujours au-dessus de sa tête, pour désigner la boussole que portait son interlocuteur autour de son cou. « Et il t’a donné ça. » Elle le regarda fixement. « K’awil. » L’homme ne laissa rien paraître. Son regard l’étudiait. La pénétrait. Doucement, un sourire se dessina sur son visage : « Quel genre d’infusion ? » Elle ne put s’empêcher de sourire en retour : « Je l’ignore. C’est un breuvage que tu as préparé à partir d’une plante qui pousse ici. Il a voulu m’expliquer mais je n’ai pas compris un traître mot de ce qu’il m’a dit. » L’homme se tourna vers les villageois et leur cria : « C’est une amie de Ferdinand ! » Tous les visages du village s’illuminèrent, et les battements de tambour du cœur de Chuki commencèrent à s’estomper. L’homme se retourna. « Je suis K’awil. Bienvenue dans notre village. » *** Tous deux se rendirent chez K’awil. De la vapeur s’échappait du bec d’une théière castilliane pendue au-dessus de l’âtre. K’awil la retira du feu et versa le liquide bouillant dans une tasse en céramique, elle aussi importée de Castille. « Ferdinand me l’a laissée, » dit-il en lui tendant la tasse. « C’est un cadeau. » « Merci, » répondit Chuki. Elle souffla sur la surface de l’infusion fumante avant d’en avaler une petite gorgée.

La boisson, familière mais étrange, était vraiment délicieuse. Elle leva les yeux vers K’awil. « C’est succulent. Je comprends pourquoi il l’aimait tant. » Il s’assit, sa propre tasse en main et lui demanda : « Que fais-tu ici ? » Elle hocha la tête. L’heure était venue de dire la vérité. « Calderón. » Les yeux de K’awil prirent alors l’intensité des flammes. Son corps se raidit comme s’il anticipait une attaque. « La bête ? » « Il veut la Larme d’Ītzzohualli. Il veut l’offrir à l’Impératrice du Kuraq en échange d’une faveur. » K’awil hocha la tête et se leva. « Oui. Ça ne m’étonne pas que la bête la veuille. » Chuki remarqua qu’il n’avait pas prononcé une seule fois le nom de Calderón, et qu’il avait presque craché le surnom qu’il lui donnait. « Je suis venue faire en sorte qu’il ne s’en empare pas. » répondit Chuki. « J’ignore les plans de l’Impératrice, mais je ferai tout mon possible pour l’arrêter. » K’awil lui fit face : « Et je suis censé te croire sur parole ? Peut-être l’Impératrice t’a-t-elle justement envoyée ici pour dérober la Larme. » Chuki secoua la tête. « Je te jure que non. » « Et, » insista-t-il, « je suis censé te croire sur parole ? » « Je suis une amie de Ferdinand, » répondit-elle d’une voix nouée. K’awil se rua alors vers elle : « Et où est-il ? Pourquoi a-t-il envoyé une Kuraque s’occuper de ce problème ? » Une larme coula sur la joue de Chuki. « Il est mort, » dit-elle. « Calderón l’a surpris alors qu’il espionnait l’Impératrice. Il avait presque réussi à s’enfuir… Il voulait aider la résistance, mais il est mort peu de temps après l’avoir rejointe. » K’awil inspira profondément. « La bête l’a tué ? » Chuki hocha la tête. « Comment le sais-tu ? » lui demanda-t-il. Chuki leva les yeux. « J’étais là quand il est venu dans notre campement. J’ai entendu ses paroles de mes propres oreilles. » Elle détourna son regard vers les flammes. « Je l’ai vu mourir. Et je n’ai rien pu faire. » K’awil la regarda, assise devant l’âtre. Il sut qu’elle disait la vérité. Il s’agenouilla à côté d’elle et plaça une main sur son épaule. « Ferdinand était un homme bon. » « Oui, » dit-elle en levant à nouveau les yeux. « Et maintenant, j’ai besoin de ton aide pour que l’Impératrice et Calderón ne deviennent pas plus puissants encore. » K’awil hocha la tête. « Je t’aiderai. » *** Olivia Corvaza Marquez détestait la jungle. Elle détestait ses habitants, ses animaux et ses plantes. Elle détestait les vêtements qu’elle portait. Elle détestait la nourriture. Elle détestait même l’eau. Elle détestait tout ici.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE

5

À ses côtés, hommes et femmes lui taillaient un chemin à travers la végétation. Elle s’essuya le front et but la coupe de vin que ce petit pleurnichard d’Antonio lui avait servie. Olivia avait la nostalgie de la Théah et de ses puissants. Sa mère était une courtisane vodacci que son père avait ramenée en Castille. Enfant, sa mère voulait faire d’elle une femme fragile et délicate, mais son père l’avait tout de même élevée comme un garçon. En grandissant, elle devint aussi solide que l’acier. Ainsi, adulte, lorsqu’elle se rendit en Vodacce, elle but et se battit comme un homme. Autour d’elle, les Vodaccis ne savaient pas sur quel pied danser quand ils la côtoyaient. Elle adorait lire l’incompréhension sur leurs visages. Non, elle ne serait jamais faible comme l’était sa mère. Jamais. « On l'a trouvé ! » lança une voix venue de l’avant. « Enfin ! » Elle s’avança à grandes enjambées et vit les soldats déblayer les ruines en pierre. C’était un petit bâtiment, trapu et carré. Ces ruines étaient similaires aux autres : la technique ayant servi à découper les pierres était bien trop avancée pour les peuplades locales. En s’approchant, Olivia s’aperçut qu’une partie du feuillage avait déjà été dégagée. « C’est vous qui avez fait ça ? » demanda-t-elle à l’un des soldats. Il secoua la tête en guise de réponse. Elle se renfrogna. « Alors comme ça, quelqu’un nous a devancés. » « Qu’allons-nous faire ? » demanda Antonio. Elle sourit et croisa les bras. « Nous allons attendre. » Après plus d’une heure passée sous la chaleur suffocante, à subir les piqûres d’insectes et les démangeaisons constantes, deux silhouettes finirent par émerger des ruines. Une Kuraque et un Tzak K’anien. « Kuraque, c’est l’Impératrice qui t’a envoyée ici ? » lui demanda Olivia tout sourire, entourée de ses gardes. Chuki marmonna : « Il faut qu’on parte, K’awil. » « Non ? » s’enquit Olivia. « Dans ce cas, que fais-tu là ? » Chuki cracha à ses pieds. « Tu devrais prendre le temps de te renseigner sur ceux avec qui tu travailles. » « Petit idiote. » Le Tzak K’anien tendit la main vers sa lame d’obsidienne, mais avant qu’il ne l’attrape, Olivia dégaina son pistolet, le pointa sur lui et appuya sur la détente. La balle ne l’atteignit pas : Chuki fut touchée à sa place. La Kuraque s’était interposée entre la balle et lui. Olivia regarda Chuki s’affaisser au sol, une main serrée sur sa blessure. Elle secoua la tête en riant. « Pour ce que ça change, » dit-elle. Elle lança son pistolet à Antonio—« Recharge-le ! »— puis se retourna pour faire face aux deux sauvages. Ils avaient disparu. « Mais… » L’un des gardes leva le doigt. Elle vit alors le Tzak K’anien courir en haut du bâtiment en ruine, portant son amie blessée. « Attrapez-les ! Ils ont la Larme ! » Les gardes se ruèrent après eux. Olivia se tenait à l’entrée des ruines. Antonio lui rendit son pistolet rechargé.

6

L'échappée de K'awil

« La chasse est ouverte, » dit-elle en souriant. « Leurs peaux viendront embellir ma collection. » *** K’awil trébucha. Chuki glissa de ses épaules. Se relevant, une douleur vive à la cheville lui annonça tout ce qu’il devait savoir. Il regarda Chuki. Elle était immobile. Son visage était blême. Il se retourna et observa l’épaisse jungle qui lui faisait face. Les chiens étaient proches, et les hommes en armure qui les poursuivaient également. Il regarda vers l’avant et perçut le flot tumultueux du fleuve. Ils y étaient presque. Il se hissa sur ses pieds mais la douleur le fit flancher. Sa cheville commençait déjà à gonfler. Sans poser son pied au sol, il se leva en s’aidant d’une branche et clopina jusqu’à son amie. Ses yeux étaient fermés, son souffle faible et sa peau froide. Elle vivait encore, mais son sursis ne durerait probablement que quelques minutes supplémentaires. À ce moment, la Castilliane sortit de la jungle accompagnée de ses chiens affamés et de ses soldats armés. « Ah ! » s’exclama t-elle, « ce n’est pas trop tôt. » Elle sourit à K’awil, mains sur les hanches, et s’adressa à lui en tzak k’anien, avec un accent à couper au couteau. « Ma balle vous a tout de même ralenti. » Elle fit un geste de dédain en direction de Chuki. « Les jouets dangereux ne sont pas faits pour les gamines. » K’awil s’interposa entre Chuki et elle. La Castilliane éclata de rire. « Es irónico » ricana-t-elle dans sa langue natale avant de reprendre en tzak k’anien. « Elle s’est sacrifiée pour toi, et maintenant tu vas lui rendre la pareille, si ? » K’awil ne répondit pas. Il dégaina sa lame d’obsidienne. La femme se tourna vers ses soldats. «  Ēl quiere pelear. » Elle se retourna vers K’awil. « Tu veux te battre, señor ? Je vais t’envoyer rejoindre l’enfer de tes ancêtres sanguinaires. » « Sais-tu pourquoi je déteste autant les Castillians ? » demanda K’awil. Elle haussa un sourcil. «  Non, señor. Por favor, explique-moi. » « Parce qu’ils dissimulent leur lâcheté derrière des mots et, » désignant les soldats, « font en sorte que de petits hommes soient courageux à leur place. » À ses paroles, l’air goguenard de la Castilliane disparut. « Comment oses-tu ? » souffla-t-elle en serrant les dents. « Nous n’avons pas peur de vous, » dit K’awil en plaçant sa lame contre sa poitrine. « Vous êtes des lâches. Vous avez peur de vous-mêmes. Peur des autres. Peur du monde. Vous êtes seuls. » La Castilliane dégaina son pistolet et le pointa sur lui. K’awil se redressa et haussa le menton. « Apocōātl me protège. » Elle appuya sur la détente. Le pistolet rugit. K’awil sentit l’odeur de la poudre et de la fumée. Une branche

se brisa près de sa tête. S’appuyant sur son pied valide, il fit un pas en avant. « Apocōātl me protège, » répéta-t-il. La Castilliane lâcha le pistolet et en dégaina un autre. Elle visa sa tête. « Donne-moi la Larme ! » K’awil fit un pas en avant. Il ne ressentait aucune douleur. « Apocōātl me protège. » Elle appuya sur la détente. Le son du pistolet retentit, suivit d’un autre. Métallique, perçant, comme celui d’une cloche. K’awil tituba en oscillant vers l’arrière mais il ne tomba pas. Il se tint bien droit et les yeux de la Castialliane s’écarquillèrent. La balle était venue se loger dans la boussole autour de son cou. Elle était coincée là et de la fumée s’en échappait encore. « Apocōātl me protège. » Il était tout proche, à présent. Si proche qu’il aurait presque pu la frapper. Elle dégaina son troisième pistolet, le dernier, et prit soin de viser sa tête. Il abattit sa lame d’obsidienne. Elle appuya sur la détente en hurlant. Le pistolet ne fit aucun bruit hormis un léger cliquetis. La lame atteignit sa gorge et quelques gouttes de sang perlèrent. La pointe n’était qu’à un millimètre de sa jugulaire. Les yeux de la Castilliane s’emplirent alors de peur. K’awil parla à voix basse. « Regroupe tes soldats et retourne voir la bête. Dis-lui que la Larme d’Ītzzohualli ne lui appartient pas. » Les lèvres tremblantes de la Castilliane prirent une inspiration. « Ou sinon… ? » «  Sinon, j’enfonce ma lame dans ta gorge et je laisse la terre s’abreuver de ton sang, ainsi que l’ont fait mes ancêtres quand les Théans ont voulu prendre ce qui ne leur appartenait pas. » Tremblante, elle le regarda dans les yeux. « Nous partons ! » ordonna-t-elle à ses hommes. Les gardes qui les encerclaient s’échangèrent des regards dubitatifs. « J’ai dit : baissez vos armes ! Nous rentrons ! » Un de ses sous-fifres, celui qui portait un récipient, prit la parole : « Mais si nous rentrons sans… » Elle lui jeta un regard furibond et il se tut. Les gardes baissèrent leurs armes et reculèrent. Elle regarda K’awil à nouveau. « On se reverra. » « Je ne crois pas. » lui répondit-il. La Castilliane s’éloigna de lui. Ses pistolets vides gisaient sur le lit de la jungle. « Oh, que si. J’ai un nouveau mot à t’apprendre. Ton amie pourra te l’expliquer, si elle survit. » « Lequel ? » Elle sourit et le prononça comme si elle s’en délectait : « Vendetta. » Puis ses gardes et elle disparurent dans la jungle.

*** En ouvrant les yeux, Chuki ne vit que les ténèbres. Elle avait chaud. Des bribes de souvenirs lui revinrent par fragments. Elle passa une main sur son ventre. Sa blessure était en voie de guérison. « Il y a quelqu’un ? » demanda-t-elle en kuraqi. Pas de réponse. Elle changea de langue et répéta la question en tzak k’anien. Elle entendit des sons, dehors. Deux silhouettes pénétrèrent alors dans la pièce. Elle dut lever la main pour se protéger du soleil aveuglant et ainsi reconnaître ses visiteurs. Il y avait K’awil accompagné d’un autre homme qu’elle ne connaissait pas. Un Nahuacan visiblement. Il avait des cheveux noirs, épais, des yeux vifs et des joues rougies par le soleil. Il portait une robe bleue et l’attirail d’un médecin. Lorsqu’il parla, les doutes de Chuki disparurent. « Te voilà donc réveillée » dit-il d’une voix chantante, aussi douce que prévenante. « Comment te sens-tu ? » «  J’ai été blessée par balle... » Le Nahuacan hocha la tête. « J’ai vu. Et K’awil m’a déjà tout raconté… » Elle cligna des yeux et perdit son souffle l’espace d’un instant. « La Larme ! » dit-elle à l’adresse de K’awil. « La Larme de… » « Elle est en sécurité, » dit-il en acquiesçant. « Et la femme ? » « La Castilliane ? » ajouta t-il. « Elle est partie. » Le Nahuacan s’agenouilla à son chevet. « Je m’appelle Ome Atl. J’ai rejoint le Pakaykuq il y a peu. » Il lui sourit puis demanda : « Tu as bien failli nous quitter. Puis-je inspecter ta blessure ? » « J’imagine que vous l’avez déjà vue. » opina-t-elle. « Certes, mais cela n’empêche pas de rester courtois. » Il souleva la couverture teintée d’un rouge sombre. « On dirait que tout va pour le mieux. Et peut-être plus encore. Tu devrais être sur pied dans peu de temps. » Il se leva et s’inclina face à eux. « Si tu as mal, j’ai une décoction chez moi. C’est la meilleure qu’on puisse trouver dans toute l’Aztlan. » « Merci beaucoup, » répondit-elle. Il les salua et quitta la pièce. Chuki regarda K’awil, qui se tenait immobile dans la lumière feutrée. « Je me souviens être tombée, » dit-elle. « Mais c’est à peu près tout. » Elle ferma les yeux. « Où sommes-nous ? » « Je t’ai portée jusqu’à un avant-poste du Pakaykuq. Je me suis dit que c’était l’endroit le plus sûr pour garder la Larme à l’abri. » « Merci. » dit-elle avec un hochement de tête à peine visible. « Nous avons porté un coup dur à l’Impératrice et à Calderón. » «  Comment t’es-tu échappé  ?  » ajouta-t-elle après quelques secondes. « Apocōātl m’a protégé. »

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Elle avisa la boussole sur sa poitrine, et vit la balle qui y était logée. Elle la pointa du doigt. « Il n’y avait pas que lui, on dirait. » K’awil baissa les yeux et toucha la boussole. Il acquiesça. « En effet. » *** Calderón s’éveilla avec la sensation d’un poids sur la poitrine. Il ouvrit les yeux, désorienté, ne sachant pas réellement où il se trouvait. Dans son lit, sous ses draps, cela il en était tout de même certain malgré l’obscurité. Il leva les yeux et vit de nombreux regards luisant dans la pénombre, tous fixés sur lui. Plusieurs personnes se tenaient autour de lui, dans sa chambre. Un homme était agenouillé et penché sur lui. Sur son lit. Sur son lit. « Mais qu’est ce qu… » K’awil posa la main sur sa bouche et s’adressa à lui en castillian. « Je sais qui tu es, » dit-il en s’asseyant sur sa poitrine. « Mais je tairai ton nom. Et tu tairas tes mots. » K’awil dégaina sa lame d’obsidienne et reprit la parole : « Tu viens sur nos terres. Tu fais couler notre sang. Tu es un ennemi de l’Aztlan. De toute l’Aztlan. Tu nous crois inférieurs car nos habits diffèrent des tiens et notre langue n’est pas la même. » Les autres individus dans la pièce s’agitèrent à ces mots et toutes poussèrent un murmure d’approbation. Les yeux de Calderón s’écarquillèrent. K’awil pouvait sentir le souffle de l’homme sur sa main, court et rapide. Il sentait les battements de son cœur sous son genou. Très rapides eux aussi. « Nous sommes plus forts que toi, » dit K’awil. « Sais-tu pourquoi ? » Il sentit Calderón trembler sous son emprise. K’awil glissa sa lame sous le menton du Castillian. « Tu es à la merci de ma lame, » dit-il. « Nous pourrions te tuer et mettre un terme à tout cela. » Il s’assura que Calderón ressente vraiment le fil aiguisé contre sa peau. « Nous pourrions… mais nous ne le ferons pas. » Il éloigna sa lame de la gorge de Calderón. « Nous ne sommes pas des meurtriers. Nous avons convaincu les dieux eux-mêmes de s’en abstenir. Et si nous pouvons convaincre les dieux, nous parviendrons à convaincre les Castillians. Et ils abandonneront les bêtes comme toi. » K’awil rengaina sa lame et sauta hors du lit. Il s’approcha de la fenêtre. Ses compagnons l’imitèrent, ouvrirent la fenêtre et sautèrent vers l’extérieur. K’awil s’arrêta et reporta son regard sur Calderón. «  Tu diras à ton amie que je connais le mot qu’elle a prononcé. Tu lui diras que c’est l’une de ses faiblesses. Elle laisse son passé la dévorer. » Calderón se redressa dans son lit. Du moins il essaya, car il se rendit compte que ses mains et ses pieds étaient attachés à l’armature. « Je te retrouverai, et je te tuerai, » cracha-t-il.

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L'échappée de K'awil

« Je doute que tu en sois capable, » répondit K’awil. Calderón hurla : « Gardes ! » La porte s’ouvrit avec fracas et des soldats se précipitèrent à l’intérieur de la pièce. K’awil leur jeta un regard avant de sauter par la fenêtre. Dès que ses pieds touchèrent le sol, il se mit à courir. *** Olivia marchait péniblement à travers la jungle tzak k’anienne, maudissant le sort de l’avoir à nouveau contrainte à accomplir les basses besognes de Calderón après l’incident de la Larme du mois dernier. « Antonio, vérifie la boussole. » L’intéressé s’arrêta et sortit sa boussole. Il la fixa du regard un long moment, sans rien dire. « Quoi ? Tu ne sais pas lire une boussole ? » demandat-elle excédée en s’approchant de lui. Saisissant l’objet, elle vit l’aiguille tourner lentement sur elle-même dans le cadran. « Qu’est-ce que ça veut dire ? » « Je ne sais pas, » lui répondit Antonio. « Ça se passe toujours comme ça, » dit une voix derrière Olivia. C’était une voix douce, masculine, qui parlait le castillian sans accent en n’écorchant aucune syllabe. Olivia se retourna et se retrouva face à un énorme serpent turquoise. La créature avait la tête ornée de plumes et possédait d’immenses ailes multicolores. Elle était aussi grande qu’Antonio, mais son corps continuait loin derrière elle, sur le lit de feuilles de la jungle. Olivia voulut prendre la parole : « Mais… » Le serpent la coupa sans animosité. « Partez. » « Je ne peux pas… » répondit-elle. « Je suis las de devoir faire ça, » dit-il. Elle arrivait presque à l’imaginer soupirer. Vif comme l’éclair, il enroula son corps sinueux autour d’elle et l’étreignit gentiment. Au début, on aurait dit la caresse d’un amant, mais l’étreinte ne faiblissait pas, au contraire, elle se fit de plus en plus forte, de plus en plus intense. « Arrêtez, » supplia-t-elle. La créature l’ignora. Bientôt, le souffle lui manqua pour l’implorer. Son corps se brisa alors en deux et tomba au sol, sans vie. Le serpent tourna son regard vers Antonio. « Partez, » dit-il sans animosité. Antonio pivota et courut sans jamais regarder en arrière.

Introduction

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Un « Nouveau » monde

Bienvenue en Aztlan, terre d’aventures épiques dont le sol est foulé par les dieux eux-mêmes. Le peuple de ce continent se rappelle toujours des temps ancestraux, quand les dieux-rois marchaient parmi les mortels, quand les machines antiques fonctionnaient encore. Leurs prédécesseurs vécurent en harmonie jusqu’à un événement que l’histoire a retenu sous le nom de « Chute, » lorsque leurs aïeux perdirent la faveur des dieux et furent détruits. Si chaque Nation aztlane possède sa propre version de ce qui se passa après la Chute, une vérité est partagée par toutes : après cet événement, la terre se mit à changer. Aujourd’hui encore, elle ne cesse de se transformer.

Vivre parmi les dieux

Les dieux vivent parmi les Aztlans. Dotées d’une forme physique, d’une personnalité et d’un caractère bien à elles, ces divinités accordent leurs bénédictions en échange de la dévotion que leur offrent les mortels. Certains s’impliquent davantage que d’autres dans la vie des mortels. Ils peuvent par exemple envoyer des Héros accomplir des missions. Au vu de la relation qu’entretiennent les Aztlans avec leurs divinités, un dieu—ou même plusieurs—pourrait facilement occuper la place centrale d’une histoire se déroulant dans le Nouveau monde. Au Kuraq, par exemple, ils pourraient avoir besoin que les Héros viennent à leur secours face à la menace que fait peser sur eux le dieu de la Mort. Si les dieux collaborent parfois avec les mortels, pouvant même leur prodiguer des pouvoirs surnaturels, ils ne sont pas toujours amicaux vis-à-vis d’eux. Une divinité pourrait par la force des choses devenir un antagoniste si les Héros lui barraient la route. En fait, les dieux ne sont ni des Héros, ni des Scélérats : ils échappent à cette classification. Leurs décisions sont quasiment toujours prises dans l’intérêt de leur peuple. Seules les actions des dieux-rois font exception à cette règle : d’une part ceux-ci n’arpentent plus la Terra car ils furent enfermés il y a bien longtemps, d’autre part ces êtres de fureur et de violence ne veulent qu’asservir les Aztlans et les obliger à leur vouer un culte sanglant comme jadis.

Un monde en évolution

Il est une vérité reconnue de tous en Aztlan : le monde change. Les peuples ont donc créé des poches de civilisation dans ces paysages hostiles qui leur amènent de la stabilité.

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Introduction

Au nord, les routes qui traversent les déserts profonds jusqu’au littoral constituent le seul passage sûr. Au sud de ces déserts, des jungles quasi impénétrables s’étendent et refusent de se plier aux volontés de celles et ceux qui voudraient les cartographier. Toujours plus loin au sud se trouvent des chaînes de montagnes recouvertes de forêts, ainsi qu’une jungle si épaisse que rares sont ceux qui parviennent à la traverser. Là-bas, les gens vivent dans les montagnes car ce sont les seules zones sûres.

Les influences extérieures

Les Aztlans et les Théans sont entrés en contact il y a un peu plus d’un siècle. Quand les Théans débarquèrent sur le continent pour la première fois, ils firent mauvaise impression. Depuis, chaque peuple en a appris un peu plus sur l’autre. Les Aztlans étant majoritairement des gens tolérants qui aiment apprendre et découvrir des choses nouvelles, les interactions entre les Théans et eux sont à la fois passionnantes et enrichissantes. Les Aztlans ont des opinions variées concernant les Théans. La majorité les considère comme des êtres exotiques et étranges à qui il n’est pas bon de trop se fier, mais dont les connaissances valent tout de même la peine d’être apprises (et ce même si leurs opinions sur les dieux sont rétrogrades et erronées). Certains voudraient les utiliser pour servir leurs propres ambitions, quelques-uns affichent un respect précautionneux et souhaitent en apprendre plus à leur sujet, d’autres encore considèrent qu’ils sont, au mieux, des intrus, et au pire, des ennemis. Les voyages entre les continents sont désormais relativement fréquents et les gens vont et viennent de l’un à l’autre. On trouve donc de petits groupes de Théans un peu partout en Aztlan. En général, il s’agit d’individus qui ont décidé de vivre parmi la population locale car rares sont les villes qui ressemblent, même de loin, à un quartier théan. En Théah, c’est dans le Quartier aux fleurs de la ville castilliane d’Odissée que l’on trouve la plupart des émigrés aztlans. Les deux continents se sont donc mutuellement influencés, d’une manière ou d’une autre  : on trouve facilement de la nourriture et de l’ingénierie aztlane dans toute la Théah, et des armes théanes (blanches ou à feu) dans toute l’Aztlan. L’influence théane a de plus permis aux Aztlans de développer la navigation en haute mer, car ces derniers n’avaient jamais vraiment cherché à accomplir cette prouesse technologique.

Les Nations d'Aztlan

L’Aztlan est composée de trois grandes nations : l’Alliance nahuacane, le Tzak K’an et l’Empire kuraque.

L’Alliance nahuacane L’Alliance nahuacane s’étend dans la partie nord de l’Aztlan. À sa tête, on trouve le conseil des anciens dont les participants viennent des quatre grandes cités situées aux points cardinaux de la Nation (Mīlllahco au nord, Tecuehtitlān à l’ouest, Ōlōxochicalco à l’est et Nexhuatipec au sud). Chacune est liée à l’un des quatre dieux tutélaires de l’Alliance. La seule personne qui ait autorité sur le conseil est le Grand orateur, un individu qui consacre sa vie à se faire le porte-parole du peuple et à interroger la volonté des dieux. L’actuel Grand orateur est jeune, si jeune que seule une minorité de la population le pense à la hauteur de sa tâche. Les chefs des deux plus importantes puissances militaires de l’Alliance sont actuellement en conflit pour tenter de l’influencer. Les Nahuacans sont un peuple de guerriers qui croient aux valeurs de l’ordre et de la loi. Ils veulent tous réunifier l’Aztlan, mais ils ne réussissent pas à s’accorder sur la méthode à employer pour y parvenir.

LA LANGUE AZTLANE Bien que tous les Aztlans ne parlent pas la même langue, leurs dialectes respectifs présentent de nombreuses similitudes datant de l’époque où ils étaient partie intégrante du même empire. Les mots et leur emploi varient en fonction des endroits, mais ce guide de prononciation est valable dans les trois Nations. • x ressemble au son d’un h aspiré ; • it ressemble au son h ; • ā, ī, ō, ū se prononcent comme les voyelles traditionnelles, mais en plus long ; • hu se prononce « w » comme dans « wok » ; • tl se prononce « tt » comme dans « hotte » ; • j se prononce « yé » comme dans « vieille » ; • z se prononce « s » comme dans « saucisse » ; • n se prononce « ne » comme dans « âne » ; • ‘ indique qu’il faut marquer l’arrêt avant de continuer. • Aztlan : As-ttane • Apocoātl : Apo-co-aatt • Nahuacan : na-wa-kane • Tzak K’an : Tsak--ane

Le Tzak K’an Le Tzak K’an partage sa frontière nord avec l’Alliance nahuacane. Il s’agit d’un pays recouvert de jungles qui s’apparente plus à un conglomérat de cités-États sans gouvernement central. Les Tzak K’aniens ont uniquement en commun leur culture et leurs croyances religieuses ainsi qu’un grand respect pour les sciences et l’art des scribes. La culture des Tzak K’aniens a beau être riche et foisonnante, leur incapacité à s’unir les rend vulnérables en cas d’unification de l’Aztlan. Pour ne rien arranger, certaines cités-États sont prêtes à se déclarer la guerre, ce qui pourrait bien provoquer l’effondrement du pays.

L’Empire kuraque Le Kuraq—ou Empire kuraque—s’étend quant à lui au sud du Tzak K’an, dans les montagnes occidentales. Les Kuraques vénèrent Supay, le dieu de la mort, et sont gouvernés depuis un siècle par une Impératrice morte-vivante, Asiri Inkasisa. Leur culture s’articule autour de l’adoration qu’ils vouent à leurs défunts, lesquels marchent parmi eux et prennent les décisions qui régissent leur quotidien. Aujourd’hui, l’Impératrice du Kuraq ne se satisfait plus des frontières de sa Nation. Elle espère un jour étendre

son pouvoir et ériger Supay en dieu unique. Pour cela, elle a déclaré l’ouverture de la Chasse divine afin de détruire toutes les divinités vivant au Kuraq. Quelques Kuraques, bénis par leurs anciens dieux et las de leur dirigeante corrompue, ont formé une résistance. Ils veulent désormais renverser l’Impératrice et rétablir les dieux d’antan à leur place légitime : au cœur de la vie des Kuraques.

Comment utiliser ce livre

Ce supplément devrait vous fournir tout le nécessaire pour jouer des aventures en Aztlan, ou pour créer des personnages aztlans et les introduire dans vos campagnes existantes de 7E Mer. Ceci étant, nous sommes conscients de notre incapacité à rendre justice à la complexité et à la richesse historique de ces cultures véritables. Bien que nous nous soyons inspirés d’événements historiques et d’histoires vraies, nous ne prétendons pas avoir rédigé une thèse sur ces cultures. Nous espérons qu’à la lecture de ces pages, vous trouverez suffisamment d’informations pour développer votre monde de 7E Mer, et que vous vous poserez suffisamment de questions pour vouloir en apprendre davantage sur les cultures que nous allons présenter.

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Chapitre 1 | L'Aztlan

Chapitre 1

L’A tlan 7E MER : LE NOUVEAU MONDE

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L’AZTLAN « Les dieux-rois de l’Aztlan nous ont légué plus de cadeaux qu’on ne le croit. Ils nous ont appris à parler aux étoiles et à voir la terre telle qu’elle est. Ces dons sont là pour nous rappeler que nous pouvons redevenir un grand peuple, à condition de le vouloir. » — Wa’ak Cheb’ du Tzak K’an Des déserts de l’Alliance nahuacane aux jungles du Tzak K’an en passant par les sommets du Kuraq, ce que les explorateurs et archéologues théans surnomment « le Nouveau monde » n’a en fait rien de nouveau. L’Aztlan est en réalité un continent dont la civilisation remonte à une époque précédant l’Histoire : alors que les Théans vivaient encore dans des grottes, les peuples aztlans étaient déjà passés maîtres dans l’utilisation de la science et de la magie. Pourtant, Aztlan est bel et bien un nouveau monde. Ce le sera toujours. Les puissances qui le dirigeaient—les dieuxrois de jadis—l’ont a jamais transformé, et la Chute en a fait un lieu étrange empli de ruines syrneth. Ici, les cartes ne servent quasiment à rien car les jungles et les déserts sont en mouvement constant. L’Aztlan n’appartient à personne, même pas à ceux qui la connaissent le mieux.

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Chapitre 1 | L'Aztlan

Les Héros aztlans ont depuis longtemps appris à concilier compréhension du passé et adaptation à un environnement mouvant. S’ils font leur possible pour aider les civilisations nées après la Chute à croître et à prospérer, ils cherchent également à rassembler leurs pairs en une Nation unie. Leurs méthodes divergent, mais ils espèrent tous unifier les peuples aztlans en préservant leurs cultures respectives. Même s’ils rencontrent beaucoup de résistance de la part des peuples qu’ils veulent aider, ces Héros savent que leur cause est juste, tout simplement car les dieux se satisfont de leurs sacrifices et de leurs épreuves. Ainsi que l’a démontré un siècle passé au contact des explorateurs, archéologues et autres envahisseurs théans, l’Aztlan ne peut plus se permettre d’ignorer le reste du monde. Les dieux ont en effet soif de fidèles—qu’ils soient natifs ou non—et nombre de peuples insistent pour débarquer sur leurs rivages.

L’Empire aztlan

Bien avant l’arrivée des Théans, bien avant que la Compagnie commerciale atabéenne n’établisse des itinéraires de traite d’esclaves, bien avant que le Roi-Soleil ne rêve d’un monde unifié sous le drapeau montaginois, bien avant que l’Avalon ne fonde ses colonies en Wabanahkik, bien avant que Safiye ne règne sur l’Empire du Croissant, bien avant tout cela, l’Empire aztlan s’étendait sur chaque parcelle du monde civilisé. En cette époque lointaine où les ténèbres recouvraient la Terra, les dieux-rois régnaient, grands et fiers, majestueux et gracieux, parfaits. Leurs cités s’étendaient jusqu’aux cieux et leurs rituels leur permettaient de communiquer avec les étoiles. Certains érudits disent qu’il ne pouvait en être autrement : les dieux-rois avaient maîtrisé les cycles, le cercle infini de la vie et de la mort qui fait tourner les rouages du cosmos. Leur seule volonté faisait pousser les récoltes, et le paysage lui-même s’écartait pour laisser place à leurs routes et leurs édifices. L’harmonie régnait en cette époque, la discorde entre les peuples étant quasi inexistante ; si elle apparaissait, les dieux-rois intervenaient directement pour résoudre les conflits. Personne—pas même les plus grands savants aztlans— ne sait comment les dieux-rois réalisèrent de tels exploits. Aujourd’hui, une telle union n’est qu’utopie : les nouvelles Nations aztlanes se querellent pour des questions de territoires, de religion, de ressources et d’influence. Rien n’est éternel, pas même la perfection.

La Chute La Chute de l’Empire aztlan fut tout aussi inattendue qu’irréversible. En ces temps reculés, les dieux-rois veillaient sur le monde. L’intemporalité de leur règne les avait enhardis : vaniteux et parfaits, ils ne doutaient plus ni de leur pouvoir, ni de leur prestige. Leur empire chut sans même qu’ils aient le temps de s’en rendre compte : en un clin d’œil, tout ce à quoi ils tenaient ne fut plus que ruines et gravats. Les Aztlans quittèrent dès lors les villes et abandonnèrent leurs foyers, les grands temples furent pillés et vandalisés, et les jungles et les déserts—que les dieuxrois avaient longtemps tenus à l’écart grâce à leur magie— submergèrent le continent telle une invasion de sauterelles. La terre elle-même sembla se retourner contre l’Aztlan. Plus personne ne se souvient de l’origine de la Chute. Une folie infectieuse poussa-t-elle les Aztlans à détruire leur propre empire ? Des envahisseurs venus d’une terre lointaine saccagèrent-ils le plus grand empire que le monde ait jamais connu ? Les dieux-rois s’attirèrent-ils l’opprobre des puissances supérieures en commettant un péché impardonnable ? Nul ne le sait.

Toutes les civilisations qui naquirent après la Chute possèdent leurs propres récits sur l’effondrement de l’Empire aztlan, autant de théories qui tentent d’expliquer la cause de ce désastre. Il ne s’agit toujours que de légendes car le fait est que les dieux eux-mêmes ignorent la vérité. La Chute fut simplement une apocalypse, le genre de catastrophe pendant laquelle les documents objectivables disparaissent. Si l’on a oublié les causes de la Chute, ses conséquences sont en revanche bien connues  : les dieux-rois disparurent de la surface du monde, leurs cités majestueuses tombèrent en ruine et la plupart des Sorcelleries qui étaient pratiquées furent à jamais perdues. Tandis que les Aztlans s’efforçaient de survivre aux retombées du plus grand désastre que leur monde n’avait jamais connu, leur culture vacillait, au bord de l’extinction. L’érudit nahuacan Chicuei Atzintli résuma un jour la Chute par ces mots : « La flamme étincelante de l’Empire aztlan brilla dans les ténèbres jusqu’à ce que les ténèbres se lassent d’une telle arrogance. Quelle présomption de la part de cette flamme que de défier le Néant. »

Une terre mystérieuse Les Aztlans finirent par se regrouper pour reconstruire. Ils reprirent le contrôle du continent en repoussant les jungles par le feu et en irriguant les déserts. Ils pensaient un jour pouvoir maîtriser la terre, tout comme l’avaient fait les dieux-rois avant eux. Ils tentèrent de reconstruire l’Empire, mais nombre d’entre eux doutaient déjà que l’Aztlan puisse un jour être réunifiée. Lorsqu’ils reconstruisirent les villes et les temples, les Aztlans durent faire face à une nouvelle réalité : la Chute avait transformé l’Aztlan. La jungle n’existait plus seulement dans l’enclave définie par ses lisières : elle s’étendait bien au-delà de ses limites. Quant aux vastes étendues sableuses, elles étaient tout aussi capables de ramener les voyageurs à leur point de départ que de les laisser passer sans aucun incident. Au fil des siècles, la forme et le contour du continent gagnèrent en uniformité, mais la terre ne retrouva jamais sa robustesse première. Peu importe sa cause, la Chute fut plus qu’un simple cataclysme politique : elle fut le moment où l’Aztlan mourut. Quoi qu’il soit aujourd’hui devenu, ce monde est une créature récente, le produit d’un cycle infini qui verra sûrement naître une nouvelle Aztlan dans le futur.

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Trois Nations Tandis que la Théah essaye tant bien que mal de s’extirper des ténèbres primitives de son système féodal, l’Aztlan a déjà remis en état ses cités magnifiques et ses temples majestueux. Les Aztlans, pour qui la technologie de jadis est devenue étrange et mystérieuse, ont fait de leur mieux pour réapprendre ce qu’ils connaissaient autrefois. Ils parvinrent à redécouvrir certaines choses, mais d’autres furent perdues à jamais. Durant la reconstruction, trois institutions politiques distinctes—l’Alliance nahuacane, les cités-États tzak k’aniennes et l’Empire kuraque—prirent leur indépendance. L’Aztlan ne serait désormais plus gouvernée par une seule autorité, et encore moins par les dieux-rois disparus pendant la Chute.

Les cités-États tzak k’aniennes Encouragés par leurs nombreux dieux, les Tzak K’aniens furent les premiers à reprendre le contrôle de l’Aztlan après la Chute. Ils bâtirent des cités-États qui repoussèrent les jungles et firent de nouveau descendre la magie des étoiles sur la terre des hommes. Si la naissance du Tzak K’an fut marquée par les guerres, une paix finit tout de même par émerger autour d’une alliance entre les cités-États. Aujourd’hui, le pays est malheureusement sur le déclin  : la détente désorganisée s’est progressivement muée en guerre ouverte, les différentes cités-États complotant contre leurs rivales et forgeant des alliances avec les étrangers. Nombreux sont les Tzak K’aniens qui pensent que l’Aztlan est parvenu au terme de son Grand cycle. S’il

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existe bien une constante chez eux depuis la Chute, elle peut se résumer ainsi : tout change. Ils n’ont aucune raison de croire que cela n’est pas le cas du monde actuel, ou que l’Aztlan ne pourrait pas survivre à nouveau face à la fin des temps.

L’Alliance nahuacane Plusieurs siècles après la fondation de la première cité-État tzak k’anienne, les premières grandes villes de l’Alliance nahuacane virent le jour dans les hauts déserts boréaux. Si les cités-État tzak k’aniennes existaient indépendamment les unes des autres, l’Alliance nahuacane naquit au contraire lorsque quatre villes influentes joignirent leurs forces : elles mirent ainsi fin aux luttes et aux guerres en acceptant de se partager le pouvoir, du moins entre Nahuacans dignes de gouverner. Tandis que le Tzak K’an décline chaque jour un peu plus, l’Alliance nahuacane ne fait que se fortifier. Ses victoires militaires ont ainsi démontré leur supériorité martiale, quant à leur système administratif complexe, il leur a permis d’annexer de nouveaux territoires sans aucune violence. Beaucoup d’Aztlans se demandent d’ailleurs secrètement si l’Alliance nahuacane ne chercherait pas à réunifier l’Aztlan…

L’Empire kuraque Après l’ascension des Nahuacans, le Kuraq prit le contrôle du sud de l’Aztlan. Alors que toutes les tentatives d’alliance entre cités-États—à l’époque aussi diverses que celles du Tzak K’an—avaient échoué, un Empereur s’empara du pouvoir pour unifier le pays.

En dépit de l’autoritarisme et du conservatisme des Vénérables, l’Impératrice Inkasisa a progressivement transformé l’État unifié qu’était l’Empire kuraque en un véritable régime totalitaire. Aujourd’hui, ses agents sont partout, œuvrant à détruire les ennemis de leur souveraine où qu’ils se trouvent. Cela n’a pourtant pas empêché une résistance de naître et de croître, jour après jour, dans l’espoir que le Kuraq puisse redevenir ce qu’il était auparavant.

LE TEMPS CHEZ LES AZTLANS Les événements décrits dans cette section sont racontés du point de vue des Aztlans, qui possèdent leurs propres calendriers. Ceux-ci ne sont pas les mêmes sur tout le continent : les calendriers kuraques, nahuacans et tzak k’aniens suivent chacun des perspectives et des cycles locaux, ce qui complexifie la compréhension des événements sur l’ensemble du continent.

Les nouveaux dieux Alors que les Aztlans émergeaient des ténèbres, structurés en Nations nouvelles et distinctes, les dieux réapparurent. Jadis, ces divinités se joignaient à eux lors des repas et des rituels, voyageant également entre jungles et déserts pour porter leurs cadeaux à celles et ceux qui les accueilleraient. Si les dieux-rois furent étranges et resplendissants, les nouveaux dieux dissimulèrent quant à eux leur véritable nature derrière un masque de chair et d’os afin de ressembler aux mortels. Contrairement aux dieux-rois, ces divinités ne désiraient nullement diriger les hommes. Elles préféraient que les Aztlans les vénèrent plutôt qu’ils leur prêtent allégeance. « Honorez-nous, » dirent-ils, « et nous vous récompenserons. Vous serez riches et puissants. » Ainsi, les Aztlans leur rendirent honneur par leurs efforts et leurs actes. «  Vénérez-nous,  » dirent-ils, «  et vous connaîtrez le chemin de la juste vérité. » Ainsi, les Aztlans les vénérèrent par leur sang et leur vigueur. « Croyez en nous, » dirent-ils, « et vous pourrez détruire vos ennemis lorsqu’ils atteindront vos rivages. » Ainsi, les Aztlans crurent en eux. Les dieux ne déçurent jamais les Aztlans, ni par temps de famine ou de sécheresse, ni même lorsqu’ils leur demandèrent des montagnes de richesses et le secret de la magie, et pas plus lorsque les Théans débarquèrent sur leurs rivages.

L’arrivée des Théans En 1533 A.V. du calendrier théan, un obscur marin castillian du nom de Cristobal Gallegos demanda que la Couronne finance une expédition destinée à tracer un itinéraire maritime jusqu’au Cathay. Une telle route pouvait en effet permettre aux navires castillians d’éviter de payer les taxes maritimes exigées par le peu estimé Empire du Croissant (ou, pire, de traverser les steppes ussuranes). La réponse de la cour fut très rapide.

Le roi Carlos Ier avait en effet compris que la Castille n’était pas suffisamment forte pour défaire les autres nations théanes. Il savait également que, sans exutoire à leurs ambitions, les Grandes finiraient tôt ou tard par le trahir et chercheraient un nouveau Rex Castillium. Le roi et son conseil rêvaient de conquêtes en Théah, et les richesses du Cathay représentaient une manne non négligeable. Ainsi, en dépit des avertissements des astronomes vaticins affirmant que Gallegos avait très largement sous-estimé la taille de la Terra, le souverain castillan lui remit un décret royal ainsi que dix navires parmi les plus rapides de l’Armada. Cristobal Gallegos mit le cap sur Cathay le 7 corantine 1544. De très nombreuses années après l’avènement des trois Nations aztlanes et des nouveaux dieux, les premiers théans débarquèrent sur les côtes nahuacanes, à moitié morts de faim. Ces voyageurs pensaient être arrivés au Cathay, ce pourquoi ils s’adressèrent de prime abord à leurs hôtes en khazari. Bien que prudents, les Nahuacans reçurent ces étranges arrivants les bras ouverts. Ils les pensaient venus du sud, peut-être même d’une peuplade aztlane qu’ils n’avaient encore jamais vue. Il ne fallut pas longtemps pour que chaque groupe se rende compte de son erreur. Gallegos partagea avec les Nahuacans les paroles des Prophètes et utilisa la religion pour leur apprendre le castillian. En retour, ils lui parlèrent de leurs nouveaux dieux et leur enseignèrent leur langue. Les Théans restèrent neuf ans chez les Nahuacans, puis ils reprirent la mer pour rentrer chez eux. Gallegos ramena avec lui la parole des dieux nahuacans— imprimée sur des feuilles d’or—en signe de bonne volonté et de confiance. Il emporta également leurs écrits, traduits en castillian, pour attester de leurs échanges d’idées. En partant, il fit la promesse aux Aztlans de revenir avec les cales de ses navires pleines de marchandises et de richesses.

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Le retour de Gallegos

Les premières expéditions

Lorsque Gallegos revint en Castille, il ne disposait plus que de trois navires. Le visage desséché par le vent et la peau tannée par le soleil, le capitaine avoua à son souverain n’avoir jamais atteint le Cathay. Il lui dit en revanche avoir découvert une nouvelle terre, inconnue de toute la Théah. Il appuya ses dires en montrant les feuilles d’or qui arboraient les gravures de dieux païens, et fit également s’avancer vingt nouveaux croyants à la peau de bronze afin de prouver que le peuple qu’il avait découvert comprenait la vérité incarnée par Theus. Suite à cela, ses membres d’équipage dilapidèrent leurs richesses dans les lupanars et les tavernes de San Cristobal. Ils racontèrent à qui voulait l’entendre des histoires de cités d’or nichées dans des jungles lointaines et habitées par des hommes sensuels et des femmes voluptueuses. Du conseil du roi jusqu’au plus humble des paysans, le nom de cette nouvelle terre se répandit comme une traînée de poudre dans toute la Castille : « Aztlan » devint une sorte de légende, un lieu où même le moins nanti des hidalgos pouvait s’offrir une estancia, où chaque marchand était à même de faire fortune, où chaque noble avait la possibilité de laisser sa trace dans l’histoire. Très vite, des expéditions prirent la mer en direction du Nouveau monde avec des buts divers : certaines voulaient explorer, d’autres commercer, quelques-unes partaient dans un esprit de conquête. La Ligue de Vendel mit alors en place la Charte de l’Aztlan, un capital destiné à récompenser ceux qui osaient traverser la mer du Commerce (autrement appelée mer du Serpent par les natifs d’Aztlan). La Couronne elle-même affréta et approvisionna à plusieurs reprises des navires pour suivre l’itinéraire de Gallegos afin d’étendre son influence avant que l’Avalon, la Montaigne ou la Vodacce ne puissent réagir.

Hélas, tel ne fut pas le cas : la quasi-totalité des tentatives destinées à soumettre les richesses aztlanes aux ambitions théanes échouèrent lamentablement. Bien des navires n’atteignirent jamais l’Aztlan, soit parce qu’ils furent attirés par les opportunités que recelait la mer Atabéenne, soit parce qu’ils furent attaqués par la Fraternité de la côte avant d’atteindre leur destination. Par ailleurs, nombreuses furent les expéditions qui parvinrent à accoster sur les côtes aztlanes, mais qui périrent dans la jungle avant d’entrer en contact avec les autochtones. Finalement, seules les expéditions les mieux financées s’en sortirent à peu près convenablement. Quelques marchands odisséens précautionneux parvinrent ainsi à établir des comptoirs sur les rives orientales de l’Alliance nahuacane. D’autres réussirent à entrer en contact avec les Tzak K’aniens avant de s’aventurer davantage à l’intérieur des terres en direction des Nahuacans et des Kuraques. Si la majorité des expéditions théanes succombèrent à la maladie, aux dangers de la nature ou aux Aztlans, les quelques retours glorieux en Théah—mais à quel prix ?—amenèrent un flot constant d’imprudents à relever ce pari perdu d’avance.

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L’échec des conquêtes L’un de ces imprudents se nommait don Fernando Medellín. Ce noble de faible extraction avait eu l’idée folle de se faire passer pour une divinité nahuacane afin d’obtenir le soutien des locaux. Malheureusement, la divinité en question se trouvait en ville ce jour-là, et elle n’apprécia aucunement sa supercherie. Le dieu se montra clément, mais Medellín, persuadé de l’infaillibilité de son plan, le remis à l’épreuve plus au sud. Il comprit alors ce qu’était une colère divine…

LES ÉCHANGES AGRICOLES D’autres Castillians connurent des échecs similaires. Franco Gonzales, un explorateur ambitieux, fut le premier à rencontrer l’Impératrice du Kuraq. Là, dans la grande capitale de Kuska, entouré par les nantis et les puissants du pays, il tenta lui aussi de se faire passer pour un dieu. Il eut cependant droit à un sort plus miséricordieux que son compatriote : il fut humilié et banni du Kuraq. Il passa les cinq années suivantes à se morfondre avant de revenir arme au poing pour exterminer tous les Kuraques qui croisaient sa route. On ne sait pas grand-chose de ce qu’il advint de lui. Les quelques survivants terrifiés de son expédition disent que ses soldats et lui furent réduit en miettes par ceux-là mêmes qu’ils avaient tué. Au Tzak K’an, plusieurs expéditions disparurent dans la jungle sans laisser la moindre trace. Interrogés, les Tzak K’aniens répondirent simplement que ce sont des choses qui arrivent. Certains Castillians pensaient que les Tzak K’aniens enlevaient ou tuaient leurs compatriotes, mais les plus perspicaces se rendaient bien compte que les autochtones ne s’aventuraient jamais seuls dans la jungle, et qu’ils n’y passaient jamais plus de temps que le strict nécessaire. Les Théans qui désiraient faire de l’Aztlan un vassal colonial virent donc tous leurs efforts compromis par un mélange de malchance, d’échecs militaires et d’interventions divines.

Premiers partenariats En dépit de ces premiers « malentendus, » les relations entre la Théah et l’Aztlan se sont formalisées dans une paix vigilante, chaque continent surveillant l’autre et retirant ce qu’il peut de leurs échanges. Commerçants, prêtres et savants font aujourd’hui du commerce de marchandises et de connaissances, s’échangeant croyances et richesses. Au vu du grand nombre de Castillians en Aztlan— qui représentent la part dominante de la population théane, et de loin—il n’est pas étonnant que beaucoup soient parvenus à s’intégrer à l’écosystème politique. Don Francisco Schulz, fils d’un héros de guerre eisenör et d’une noble castilliane, s’était par exemple donné pour but de conquérir les terres du Nouveau monde. Heureusement pour lui, il se rendit rapidement compte que l’Aztlan n’était guère hospitalière envers les conquérants. Dorénavant, il sert de guide aux Théans nouvellement arrivés dans l’Alliance nahuacane. Il connaît tous les marchands locaux, parle tous les dialectes aztlans et possède même une grande maison à Pepechotlan, un cadeau du Grand orateur lui-même si l’on en croit ses dires.

La rencontre avec l’Aztlan modifia irrémédiablement le régime alimentaire théan, et ces nourritures étrangères imprègnent désormais l’ensemble de la cuisine théane. La pomme de terre, géniale plante kuraque, s’est par exemple trouvée un nouveau foyer dans les sols ravagés par la Guerre de la Croix, permettant ainsi de soulager les pires famines de la campagne eisenör. L’Inismore et l’Ussura ont également suivi l’exemple de l’Eisen, ignorant les avertissements grandiloquents de l’Inquisition à propos des dangers de la « pomme de Légion. » Au sud, n’importe quel bravo vodacci pourrait vous parler de la sauce de sa nonna faite à partir des premiers plants de tomate ramenés d’Aztlan par son bon-à-rien de cousin. Par l’intervention des Prophètes, ou grâce à un labeur méthodique, il en pousse toujours dans leurs champs (Theus soit loué !). Les élevages théans révolutionnèrent également l’agriculture aztlane. L’arrivée des chevaux et des bœufs permit à l’Alliance nahuacane de cultiver des zones plus grandes. Dans les cités-États du Tzak K’an, les techniques agricoles théanes remplacèrent progressivement la méthode traditionnelle du brulis : le crottin a désormais supplanté les cendres comme engrais principal, et les plantations mixtes de maïs, de courges et de haricots ont cédé le pas à un système de rotation des cultures. Les agronomes kuraques plantent quant à eux des semences théanes à travers tout leur empire. Dans leurs champs expérimentaux, ils testent les sols et les températures afin de découvrir quelle flore étrangère peut être cultivée.

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Aujourd’hui

Ce passé est tellement riche qu’un Héros aztlan imprudent pourrait oublier que les véritables dangers et conflits qui menacent le continent ne sont ni les dieux-rois disparus, ni les anciennes querelles entre cités-États tzak k’aniennes ayant sombré depuis longtemps dans le délabrement. L’Aztlan regorge de suffisamment d’opportunités et de conflits pour qu’un Héros puisse mener une vie remplie d’aventures.

Politiques meurtrières Les trois Nations qui émergèrent suite à la Chute ont chacune leurs forces et leurs faiblesses, mais tous redoutent que le rêve d’une Aztlan unifiée ne puisse se réaliser que par la destruction de deux d’entre elles. L’Impératrice kuraque essaye autant que possible d’encourager cette paranoïa en envoyant espions et saboteurs défier l’Alliance nahuacane et affaiblir le Tzak K’an. Malgré leur puissance militaire, les Nahuacans ne savent pas vraiment comment aller de l’avant, quant aux Tzak K’aniens, ils ont encore moins confiance en leurs compatriotes qu’en leurs voisins. Pourtant, l’espoir d’une paix politique subsiste. La résistance kuraque gagne en force jour après jour. Pour nombre de diplomates et médiateurs tzak k’aniens, la prudence qu’exerce l’Alliance à aller de l’avant est un signe de maturité politique. Le premier contact avec les Théans a rappelé aux Aztlans l’importance des liens politiques qu’ils entretiennent, car ils pourraient profiter de bien des façons d’une union durable.

Les dieux Tapis en toile de fond—comme toujours—les dieux continuent de se mêler des affaires des mortels, faisant fi des changements apportés par les étrangers ou des querelles insignifiantes des souverains aztlans qui se pensent fédérateurs. Les dieux restent mystérieux et demeurent au-delà de toute compréhension : ils sont les figures influentes capables de retrouver un Héros pour lui confier une quête d’importance comme de détruire une lignée royale entière pour faire valoir leur point de vue à un de leurs pairs. Les dieux agissent comme bon leur semble, et les Héros aztlans savent que s’opposer à eux est risqué, et souvent mortifère. Mais ces Héros savent également que tenir tête à un dieu n’est pas à la portée de n’importe quel mortel : si un tel acte est nécessaire, mieux vaut qu’il soit entrepris par l’un d’entre eux.

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Los Baldíos Negros À l’ouest de l’Aztlan, on pourrait s’attendre à ce qu’il existe des routes commerciales vers le Fuso et la Kammerra pour importer des épices et de la soie dans l’Empire kuraque ou l’Alliance nahuacane. Les rumeurs disent que l’Empire aztlan commerçait jadis avec les terres que l’on connaîtrait un jour sous le nom de Cathay, mais après la Chute, ces voyages se raréfièrent. Les Castillians qui venaient en Aztlan dans l’espoir de trouver un passage aisé vers le Cathay eurent la surprise de découvrir qu’un tel voyage est quasiment impossible. L’Alliance nahuacane et l’Empire kuraque utilisent tous deux les itinéraires commerciaux le long de la côte ouest du continent, mais ni l’un ni l’autre ne s’aventurent plus loin. Quand on le leur demande, les marins aztlans n’ont pas vraiment d’explication à fournir. Les bateaux qui s’aventurent dans la mer occidentale, disent-ils, ne reviennent jamais. Les marins théans qui s’y essayèrent sans prendre en compte les avertissements ne revinrent que rarement. Parmi eux, le capitaine Ángela Inés Sancha de Soldano prétendit que son équipage s’était fait dévorer par des ténèbres ayant surgi de la mer elle-même. Traumatisée par l’expérience, elle refusa d’en dire plus sur son expédition et répéta la même phrase, celle qui finit par donner son nom aux mers à l’ouest : los baldíos negros.

Les ruines syrneth Lorsque les jungles et les déserts aztlans se transforment, ils dévoilent régulièrement des structures syrneth. On dit que le Nouveau monde recèle de sites uniques, à la fois en raison de leur nombre vertigineux mais également des particularités des ruines elles-mêmes : elles présentent une architecture différente de celles connues en Théah, en Ifri ou au Croissant, et leurs murs sont ornés de glyphes et de runes inconnues. Quand les archéologues théans arrivèrent pour la première fois en Aztlan, beaucoup pensèrent que les sites syrneth avaient été créés par une autre race mystérieuse, possiblement rivale des Syrnes. Lorsque les érudits aztlans répondirent aux questions de la Société des Explorateurs— qui enquêtait sur les liens entre les sites syrneth de Théah et d’Aztlan—la vérité fut indéniable : les Syrnes étaient bien à l’origine de ces lieux anciens, comme ils avaient construit la carte stellaire montaginoise, les catacombes vodaccis et les nids ussurans.

L’étude des Syrnes en Aztlan Tandis que l’Inquisition s’acharne à détruire les artefacts et les trésors dénichés en Théah, ses ressortissants s’attachent à découvrir la vérité à propos des Syrnes aztlans. Les plus brillants archéologues œuvrent de concert avec les érudits locaux (majoritairement nahuacans et tzak k’aniens). La course pour découvrir le secret des mystères aztlans n’a jamais été si déterminante… et si dangereuse. Les recherches dans l’Alliance nahuacane C’est au nord de l’Alliance, à Āyotiā, que l’on trouve le plus de machines antiques syrneth encore intactes. Pendant très longtemps, les Nahuacans évitèrent de s’aventurer dans cette péninsule, mais depuis l’arrivée des Théans, le site est sujet de la plus grande attention. Des années plus tôt, les archéologues nahuacans avaient en effet renoncé à explorer les vestiges d’Āyotiā car les machines qui s’y trouvaient s’avéraient trop dangereuses. Ils firent simplement des empreintes des runes gravées sur les parois extérieures de plusieurs machines et s’en tinrent là. Lorsque les Théans apprirent l’existence de ces machines antiques, les Nahuacans furent ravis de les envoyer visiter Āyotiā, sachant que leurs efforts seraient vains, et que si ces étrangers découvraient quelque chose, ils seraient d’une façon ou d’une autre les premiers à en bénéficier. Une kyrielle d’ouvriers non qualifiés débarqua, ainsi que des Castillians experts en Syrnes et le docteur Corker O’Shea. Le docteur Corker O’Shea La plus éminente archéologue théane œuvrant aujourd’hui en Aztlan est le docteur Corker O’Shea, une Inish formée en Castille. Sa détermination tenace est à l’origine de la majorité du savoir théan sur les machines antiques. Collaborant avec les chercheurs nahuacans, elle s’occupe aujourd’hui d’Āyotiā, un des plus grands sites de fouilles d’Aztlan. Elle est résolue à découvrir le but et la fonction de ces machines. En 1662, sa thèse révolutionna les théories scientifiques théanes et aztlanes sur les ruines syrneth : elle démontra ainsi que la pierre utilisée dans la construction des machines antiques n’avait pas été taillée, mais façonnée, modelée, comme si les Syrnes avaient forgé les machines comme l’on forge l’acier. Ses travaux, publiés en collaboration avec plusieurs savants nahuacans, remirent en cause les premières théories selon lesquelles ces sites n’étaient pas des machines mais des installations décoratives conçues par des Aztlans

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à l’aide d’outils primitifs. Ses conclusions modifièrent profondément le consensus théan et donna le courage à une génération d’archéologues de préparer leur voyage jusqu’au Nouveau monde afin d’intégrer des équipes de recherche. O’Shea a un physique saisissant : ses cheveux en bataille sont souvent tirés en arrière en queue de cheval ou en natte sous un chapeau à larges bords qui protège son teint pâle du soleil. Son manteau brun et sa chemise au col clair font d’elle le stéréotype quasi parfait de l’archéologue théane. En guise de plaisanterie, l’un de ses collaborateurs nahuacan, Xihnahui Xihuitl, s’est mis à la surnommer Itotia (la femme au chapeau). Elle dit détester son surnom, mais l’adore en secret. Apparemment, les recherches d’O’Shea en Aztlan ont pour but de lui obtenir une titularisation universitaire en Castille. Cependant, ses travaux sur la péninsule d’Āyotiā l’occupent sans arrêt, et elle ne semble pas prête à déléguer la moindre tâche par peur que l’Inquisition ne vienne endommager ou détruire le site. Pire encore, sa relation avec Xihnahui s’est… développée. O’Shea sera-t-elle vraiment capable d’abandonner sa vie en Aztlan pour revenir en Castille ? Les recherches tzak k’aniennes Loin au sud d’Āyotiā, les archéologues théans et aztlan s’occupent d’environ une douzaine de sites à travers tout le Tzak K’an. Les jungles de la région, changeantes et mouvantes comme les marées de la mer du Serpent, révèlent fréquemment de nouvelles ruines syrneth. Le site d’Olom Pa’ Au fin fond des jungles à l’ouest d’Olom Pa’, Finnén «  Finnegan  » Ó Beigleighinn entretient le site d’Olom, un site de fouilles majeur qui a vu le jour en collaboration avec la branche tzak k’anienne locale de la Société des Explorateurs (dirigée par la dénommée Ix Tukun). Alors que le Dr O’Shea concentre ses recherches sur les machines antiques, Finnegan s’intéresse quant à lui plutôt à la découverte d’artefacts, recherches qui le mettent souvent au contact de matériaux et d’objets dangereux. Olom est une ruine souterraine et caverneuse qui s’est révélée être un puzzle aussi dangereux et difficile à résoudre que le pensait Finnegan lorsqu’il mit le cap sur le Nouveau monde. Riley O’Lochlainn, l’amie de toujours de Finnegan, est moins sensible aux charmes d’Olom. Il faut dire que c’est à elle qu’incombe la tâche de repousser les monstres qui hantent les grottes d’Olom chaque fois que Finnegan y sème la pagaille. Cette jeune Inish aux cheveux de feu est une pugiliste reconnue au Tzak K’an pour son courage et sa

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générosité. À de multiples reprises, Riley sauva l’expédition en se faufilant dans un conduit trop petit pour les autres, en tuant les monstres ayant surgi des ruines ou en combattant les intrus castillians qui voulaient piller le site de fouilles. Diplômé des universités castillianes, Finnegan fit son apprentissage sous la tutelle de l’estimé professeur Eduardo Villalobos de Inez y Lobianco, l’un des tout premiers membres de la Société des Explorateurs. Villalobos est désormais trop vieux pour faire le voyage jusqu’en Aztlan, mais Finnegan fait de son mieux pour tenir son mentor au courant de ses recherches en envoyant des lettres à destination de la Castille dès qu’il le peut. Il ignore totalement que les agents de l’inquisiteur Calderón ont intercepté plusieurs de ces documents et prévoient de faire main basse sur le site et ses trouvailles dès que possible. Caxazul Il n’y a pas que des Théans qui conduisent des recherches en Aztlan. En soi, les ruines de Caxazul constituent également un site culturel important pour les Tzak K’aniens. La situation, là-bas, ressemble à une belle poudrière politique car en raison de l’héritage culturel du site, il est difficile d’y mener des recherches, quand bien même les archéologues sont des natifs de la région. Malgré cela, les dernières excavations supervisées par Ix Tukun ont récemment révélé de nouveaux liens entre les Syrnes aztlans et leurs homologues théans. Et il y a encore plus prometteur : Ix Tukun pense avoir découvert une technologie qui permettrait de voyager entre les deux continents, une sorte de portail qu’auraient utilisé les Syrnes pour garder contact malgré la distance. Puisqu’Ix Tukun est l’un des membres fondateurs de la Société des Explorateurs aztlane (un statut qu’elle doit aux voyages en Théah qu’elle a fait dans sa jeunesse et qui lui ont permis de se faire de nombreux contacts en Avalon et en Castille), sa demande d’obtention de ressources supplémentaires a énormément attiré l’attention. Les sorciers Porté, notamment, ont hâte de découvrir les secrets que peut renfermer une telle technologie. Les recherches kuraques Les archéologues effectuent très peu de recherches sur les Syrnes au Kuraq. L’Impératrice a en effet décrété qu’elle ne tolérerait aucune intervention théane dans l’Empire, et elle sait décourager les savants kuraques qui veulent mener des projets archéologiques indépendants. Les résistants—qui ont un besoin vital de ressources pour mener leur guerre contre l’Impératrice—collaborent parfois avec les Théans : en échange de marchandises et de guilders, les Aztlans leur

fournissent un accès aux ruines. Peu de sites de fouilles ont toutefois été établis de manière permanente. Récemment, l’inquisiteur Calderón envoya des émissaires rencontrer l’Impératrice du Kuraq dans l’espoir de forger une alliance qui pourrait profiter à l’Inquisition et à l’Empire. Leur proposition était la suivante  : en échange d’or et d’armes, l’Impératrice consentirait-elle à laisser l’Inquisition accéder aux sites de ruines syrneth de la Nation ? L’Impératrice étudie l’offre du Castillian. Elle n’est pas idiote et sait que Calderón lui cache ses véritables intentions. Cependant, il est toujours judicieux de traiter correctement l’ennemi de ses ennemis. Le souci, c’est que l’Impératrice considère quasiment tout le monde comme un ennemi.

Les machines antiques En Aztlan, il existe un type de ruine syrneth particulièrement déconcertant : les machines antiques. Il reste encore énormément à découvrir à leur sujet et leur véritable pouvoir. Éparpillées sur tout le continent, ces structures gigantesques dépassent du sol tels des montagnes à moitié ensevelies. On ignore tout de la fonction de ces étranges machines conçues dans du cristal, de l’obsidienne ou de l’hématite. Depuis leur arrivée, les Théans ont cherché à les cartographier et les explorer. Les archéologues aztlans pensent que ces machines seraient plus que de simples édifices à l’architecture mystérieuse. La traduction qu’ils firent des écrits trouvés sur les sites—ainsi que la maîtrise des artefacts que des âmes courageuses sont allées y récupérer—a démontré que l’ensemble des structures du continent ont un unique but commun. Peut-être étaient-elles la source du pouvoir des dieux-rois. Peut-être ont-elles joué un rôle lors de la Chute. Quelle que soit la vérité, Aztlans et Théans savent que l’exploration des machines antiques est plus compliquée qu’elle n’y paraît. Leurs notes se volatilisent. Les provisions sont «  accidentellement  » détruites juste avant que les archéologues ne partent en mission. Des expéditions entières disparaissent et ne reviennent jamais. Quelqu’un—ou quelque chose— souhaite conserver intact le mystère des machines antiques.

Technologie

Au temps des dieux-rois, les Aztlans possédaient une technologie dépassant l’entendement des habitants d’aujourd’hui. Si une grande partie de ce savoir fut perdue lors de la Chute, une large part de la technologie aztlane surpasse aujourd’hui encore celle des Théans. Grâce aux interactions avec leurs dieux et à leurs tentatives de comprendre l’héritage des anciens, les Aztlans disposent de disciplines tout aussi avancées que celles des Théans, à l’instar des mathématiques, de la science ou de l’architecture. Ils possèdent ainsi des villes intelligemment conçues, dotées de systèmes d’irrigation et d’écoulement des eaux usées, ainsi que de magnifiques édifices. Leur art et leur musique rivalisent avec les productions montaginoises, et ils se servent de l’abondance de pierres et métaux précieux pour créer des incrustations et des damasquineries qui font resplendir les villes et leurs habitants. Ils étudient la médecine, les étoiles et les propriétés physiques du monde. Toutes ces sciences sont cependant moins développées que l’archéologie, que la plupart des Aztlans considèrent comme une science sacrée. Ces derniers portent en effet leur regard sur le passé aussi souvent—sinon plus—que sur le futur. La compréhension des dieux-rois est une priorité pour tous. Les Théans estiment souvent que les armes nahuacanes ou les canoës kuraques sont « primitifs, » mais ils oublient qu’ils remplissent leur office de façon parfaitement fonctionnelle. Les Nahuacans imprègnent en effet leurs armes et leurs

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TRANSFORMATIONS SOCIALES EN THÉAH ? Les armées de l’Alliance nahuacane ont épousé les valeurs de la méritocratie, de la conscription et de l’entraînement militaire pour tous. Ces traditions constituent un défi de taille pour les armées de Théah, mais le modèle social qu’elles incarnent représente également une menace. Hommes et femmes du peuple, forgés dans le feu de l’action, capables d’atteindre les hauteurs de l’échelle sociale au terme d’une guerre, voilà un concept qui perturbe les dirigeants de ces Nations où l’autorité appartient depuis toujours aux aristocrates. En Montaigne, le général Montègue semblait réceptif à l’idée d’en apprendre plus sur les traditions et les entraînements nahuacans. Fils de paysan, Montègue ne se faisait pas d’illusion sur la soi-disant aptitude innée des aristocrates à commander. Il a donc envoyé des émissaires en Aztlan pour essayer d’en apprendre davantage sur les sociétés guerrières nahuacane. Certains Eisenfürsten l’ont imité, voyant dans les méthodes aztlanes un nouveau moyen d’unifier l’Eisen.

armures d’une magie puissante, et comme les Aztlans ne cherchent pas à s’aventurer au large, ils n’ont jamais eu d’intérêt à construire de plus grosses embarcations que des canoës.

Les échanges technologiques Les tactiques de guerre théanes ont permis aux armées aztlanes de progresser d’un strict point de vue stratégique. La préférence du Kuraq pour l’emploi de grosses unités d’infanterie a ainsi amené ses voisins à développer leurs forces de cavalerie (juste au cas où les ambitions de l’Impératrice viendraient à dépasser les frontières de son empire). Ainsi, bien qu’elles soient restreintes par le terrain difficile, ces unités montées sont désormais utilisées par les Aztlans là où la topographie le permet. Les Nahuacans ont également dupliqué le concept de convois transportant le matériel afin que les soldats arrivent sur le champ de bataille frais et dispos. L’élevage de chevaux— petits, robustes et capables de supporter la chaleur suffocante ainsi que les climats secs—s’est donc développé dans l’Alliance nahuacane et au Tzak K’an. Le Kuraq a de plus dédié du temps et de l’énergie pour percer les mystères de la poudre à canon. Lorsqu’un marchand vendelar laissa un jour échapper que la poudre

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noire de son pistolet était distillée à partir de fientes d’oiseaux, qui sont très répandues sur certains rivages kuraques—les récifs de tout l’Empire sont blancs tellement ils sont couverts de guano—on lui offrit tout l’or du monde pour qu’il en révèle le secret. Personne ne sait s’il échangea ses connaissances pour de l’or ou s’il emporta son secret dans la tombe, car personne ne le revit jamais. Des soldats de toute l’Aztlan ont beau avoir mis la main sur des armes à feu théanes, elles restent donc exceptionnelles. Le commerce illégal d’armes à feu et de poudre noir s’est logiquement développé tout au long du siècle passé. Dans les criques reculées, les navires pirates mouillent aux côtés des embarcations kuraques, et les apprentis armuriers vendent leurs produits en échange d’or. Tout ceci n’est cependant que temporaire. Qu’importent les vœux de la Ligue de Vendel, la curiosité des Aztlans sera étanchée un jour, et leurs propres armuriers pourront alors créer pistolets et fusils d’un bout à l’autre du continent. En revanche, les techniques de métallurgie théanes ont reçu un accueil beaucoup plus mitigé. Les soldats nahuacans, entraînés à considérer leurs lames serties d’obsidienne comme une extension de leur esprit guerrier, sont encore réticents à l’idée de manier des armes en acier. Contre des adversaires en armure légère, un éclat d’obsidienne manié avec suffisamment de force vaut bien n’importe quelle lame en acier. Ces armes d’obsidienne compensent de plus leur manque de subtilité et d’élégance par un effet psychologique terrifiant. N’importe quel Théan ayant vu un camarade blessé par l’une d’elles ne fera plus l’erreur de la sous-estimer. Enfin, quand bien même l’obsidienne ne vaut pas une armure en acier ou en dracheneisen, les soldats aztlans peuvent toujours laisser la nature elle-même se débarrasser de leurs adversaires plutôt que de les affronter sur le champ de bataille. Seul le Kuraq a adopté l’acier avec enthousiasme. Tout comme mousquets et pistolets sont l’évolution naturelle des frondes, les épées d’acier semblent être le choix évident pour remplacer les lances et haches de bronze moins résistantes qui sont utilisées dans des affrontements rapprochés. Les montagnes de l’Empire étant riches en fer et autres minerais, le secret de l’acier s’est révélé plus facile à percer que celui de la poudre à canon.

Commerce

Le commerce, de part et d’autre de la mer Atabéene, s’est développé à une vitesse folle depuis le premier contact entre l’Aztlan et la Théah. Chaque Nation théane convoite aujourd’hui la plus grosse part possible des richesses aztlanes. Jusqu’à maintenant, la Castille s’est assurée les itinéraires commerciaux les plus durables à travers le continent (ses représentants sur place sont plus nombreux que ceux d’autres Nations théanes), mais cela ne décourage absolument pas ses rivaux.

Les préoccupations des Théans Pendant un temps, quelques-uns des grands de Théah virent leurs préoccupations tourner auprès de l’être le plus insignifiant d’Aztlan : la cochenille. Un moine castillian découvrit un jour qu’une fois réduits en poudre, les corps de ces insectes vivant sur les cactus du nord de l’Aztlan produisaient une teinture rouge écarlate sans égale. Aujourd’hui, c’est à la cochenille que les cardinaux vaticins doivent la teinture éclatante de leurs vêtements, et ils gardent jalousement le secret de son origine et de sa production. Néanmoins, leur secret pourra-t-il résister à l’Empereur montaginois ? Ayant essuyé le refus de tous les prêtres de l’Église—à commencer par le hiérophante—le monarque, frustré, se tourna vers ses nobles pour qu’ils se procurent cette teinture par des moyens magiques. Quand plusieurs sorciers audacieux maîtrisant le Porté se volatilisèrent lors d’un transport de teinture, et que l’on retrouva les restes démembrés de plusieurs autres dans une forêt tropicale aztlane, l’engouement se tassa. Cela est d’autant plus frustrant que les réserves de teinture en Montaigne sont devenues rares et chères depuis que les Nahuacans ont découvert le véritable prix de l’or rouge. Les autres Nations théanes s’en tiennent quant à elles à des intérêts plus communs : les métaux précieux, les bois rares et les gemmes, que l’Aztlan produit en grandes quantités. Si la Castille s’occupe de la majorité du commerce, les soldats de la Couronne aident souvent les navires commerciaux de Montaigne et d’Eisen à trouver des marchandises… moyennant finance.

Les avancées aztlanes Les Nations aztlanes commercèrent rapidement pour obtenir des connaissances sur les techniques industrielles théanes et les produits finis pouvant être étudiés et reproduits. C’est ainsi que les Nahuacans et les Tzak K’aniens bénéficièrent de l’arrivée des voitures à cheval, ce qui permit

L’INFLUENCE DES ÉTRANGERS Les Théans furent les premiers étrangers à venir en nombre en Aztlan, mais la « découverte » du Nouveau monde a par la suite attiré voyageurs, explorateurs et archéologues venus du monde entier. Depuis, la majorité d’entre eux a compris que leurs travaux en Aztlan ne verront le jour que grâce au soutien politique des Aztlans. Cependant, il n’est pas rare qu’un étranger enfreigne les lois ou coutumes locales, notamment dans les citésÉtats tzak k’aniennes qui sont dirigées par des chefs capricieux (l’Alliance nahuacane et le Kuraq possèdent également des systèmes juridiques très complexes pour les Théans). Tout comme les Théans et les Ifriens qui se rendent dans le Nouveau monde en quête de savoir, de trésors et de gloire, les Aztlans voyagent jusqu’en Théah, en Ifri et dans le Croissant. Certains voyageurs aztlans quittent ainsi le continent pour accomplir leurs propres desseins, tandis que d’autres sont missionnés par les autorités aztlanes qui veulent garder un œil sur leurs adversaires étrangers. Après tout, l’Impératrice du Kuraq serait bien sotte d’ignorer le reste du monde : comment pourrait-elle conquérir des pays dont elle ne sait rien ?

au commerce par voie de terre de s’épanouir. Les Vestens, tout particulièrement, détestent cette préférence aztlane pour la recherche du savoir plutôt que la richesse matérielle, car elle menace le monopole fleurissant de la Ligue. Les échanges avec le Kuraq ne sont pas très développés, pour des raisons à la fois politiques et techniques : d’une part, les pays frontaliers se méfient des ambitions de l’Impératrice, d’autre part, leurs routes furent construites pour laisser passer des piétons, non de larges chariots de marchandises. Si les Aztlans ne possèdent pas de navires de haute mer, ils rattrapent petit à petit leur retard maritime. Les canoës tzak k’aniens, destinés au commerce, et les bateaux kuraques, construits avec des roseaux, deviennent de plus en plus imposants. Certains, conçus avec une double coque, parviennent même à s’aventurer plus loin qu’aucun autre auparavant. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’un constructeur théan peu précautionneux se retrouve du mauvais côté d’un mācuahuitl (une massue en bois entourée de lames d’obsidienne) et que son savoir tombe aux mains des Aztlans.

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L’Église vaticine J’ai entendu la vérité de Theus sortir des lèvres du cardinal Verdugo et j’ai renoncé à la foi de mon propre père. Des siècles durant, mon peuple a fait des sacrifices à la demande des dieux et mené des guerres lorsque les étoiles étaient alignées : nous n’y avons rien gagné. Chaque cité est convaincue de la toute-puissance du dieu qui la représente et s’en va guerroyer contre ses voisins pour le prouver. Nous nous croyons puissants et nous assouvissons nos envies avec de l’or, du sang et du maïs. Si je portais la lumière de Theus à mon peuple, nous pourrions mettre un terme à ces guerres inutiles et nous bâtir un futur au sein d’une Nation unifiée par Sa vérité. Nous n’aurions plus à solliciter l’aide des Nahuacans, ni à troquer des bijoux avec ceux qui voudraient nous asservir. Nous pourrions résister à l’Impératrice kuraque, elle qui souhaiterait que nous trimions dans ses montagnes à des fins obscures. Theus a pris soin de ses enfants castillians : ils ont résisté aux envahisseurs montaginois, puni les hérétiques eisenörs et pris le siège du Hiérophante aux fourbes vodaccis. Dans les premiers jours qui suivirent ma conversion, mes amis castillians me demandèrent pourquoi j’avais substitué Theus aux dieux de mon père. Je leur ai répondu : nos dieux nous ont fait tels que nous sommes, tout comme Theus vous a fait tels que vous êtes. Nous sommes divisés, entourés par ceux qui voudraient nous utiliser. Vous êtes unis et vous vous battez pour reprendre votre destin des mains de ceux qui voudraient vous le ravir. Pourquoi ne voudrais-je pas les mêmes choses pour mon peuple ? —Itzamatul du Tzak K’an, Inquisiteur converti, Confessiones À quelques exceptions, tous les prêtres aztlans considèrent leurs homologues théans avec amusement. Pourquoi un être tout-puissant choisirait-il de s’adresser à ses fidèles via une poignée d’ Intermédiaires humains ? Pourquoi n’interviendrait-il pas si les fondations de son culte étaient ébranlées et ses messagers élus assassinés ? Au cours du siècle dernier, de nombreux Aztlans ont assisté aux messes vaticines. Dans les quelques endroits où l’influence théane est suffisamment ancrée pour permettre l’existence de lieux de cultes permanents, les vicaires nerveux peuvent ainsi faire face à des bancs remplis de Nahuacans encapés, emplumés et porteurs d’armes barbares. Partout ailleurs, rares sont ceux qui comprennent comment il est possible de vénérer une divinité omniprésente et invisible, ni pourquoi il faudrait s’agenouiller devant un dieu qui n’offre

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ni son aide ni son pouvoir. Il faut dire qu’en Aztlan, les dieux font acte de présence et protègent leurs croyants. De leur côté, les Castillians furent stupéfaits en découvrant que chez les Nahuacans, la mort détermine la place que le croyant occupera dans l’au-delà, peu importe ce qu’il a accompli de son vivant. Quant aux érudits vaticins qui cherchèrent à découvrir le secret des croyances kuraques concernant la mort et l’au-delà, ils essuyèrent des rebuffades. Il arriva même que l’on ne retrouve jamais certains missionnaires particulièrement zélés.

La conversion Les Théans sont effarés que les Aztlans se désintéressent de Theus simplement parce qu’il est invisible. Les natifs du Nouveau monde éprouvent généralement de la curiosité quand on leur dit que Theus apporte le salut et offre une vie merveilleuse après la mort, jusqu’à ce qu’ils apprennent qu’ils ne peuvent pas lui parler directement. Les croyances des Aztlans font d’eux des polythéistes, sans aucune exception. Cela provoque un effroi instinctif et irrationnel chez les Théans, pour qui le monothéisme est un signe de progrès tandis que le polythéisme est foncièrement rétrograde (et ce, peu importe le degré de tangibilité des dieux). Cela explique pourquoi ils persistent à envoyer de nombreux missionnaires pour essayer de convertir la population aztlane au culte de Theus, et ce en dépit de leurs échecs répétés. Quelques

Aztlans, séduits par le dévouement des Théans vis-à-vis de leur dieu, se sont convertis. Cependant, de telles décisions restent rares. Récemment, certains inquisiteurs ont avancé que les Aztlans respecteraient davantage Theus si l’on imposait Sa volonté en faisant preuve de plus de fermeté. Ce raisonnement gagne de plus en plus d’ampleur à mesure que peine la mission vaticine dans le Nouveau monde.

L’Inquisition en Aztlan

Une approche syncrétique

Les voyages en partance pour le Nouveau monde s’étaient considérablement raréfiés lorsque la Guerre de la Croix faisait rage, au début du XVIIe siècle, mais depuis, l’Église vaticine a témoigné d’un regain d’intérêt pour l’Aztlan. Ne parvenant pas à rassembler les fonds pour lancer une invasion à grande échelle, elle utilisa avec succès la conversion des Aztlans à la foi vaticine pour justifier son intervention sur ce continent. Le cardinal Verdugo s’empara ainsi de cette « excuse » pour y envoyer son vieil ami, don Alonso Ruiz Calderón. Affirmant que les machines antiques—et autres artefacts— étaient l’œuvre diabolique de Légion, Verdugo ordonna à l’Inquisition présente en Aztlan de combattre l’influence syrneth. Les différents gouvernements d’Aztlan étant visiblement corrompus, Calderón fut missionné pour détruire les artefacts syrneth. Cet ordre lui octroie une autorité sans égale au sein de l’armée castilliane et de l’Église vaticine. Tout le monde sait ce que l’Inquisition fait réellement en Aztlan. Certes, beaucoup de paroisses vaticines locales essaient de contrecarrer son influence, mais Calderón, cinquantenaire imposant, est un personnage persuasif et dangereux. Qui plus est, l’absence d’autorité centralisée aztlane ne fait qu’aggraver la situation : quand les activités de l’Inquisition provoquent la colère d’un trop grand nombre de dirigeants locaux, Calderón plie bagage et se rend dans une autre région en emportant les artefacts les plus puissants et les meilleures ressources acquis grâce à ses violentes machinations. L’Église vaticine contrôle très peu Calderón. Verdugo lui fait confiance, et tant qu’il continue d’envoyer des rapports sur les artefacts détruits, personne ne s’intéresse vraiment à ses méfaits. Il peut bien remplir ses rapports d’exagérations pour dissimuler la vérité, voire les inventer de toutes pièces, personne en Castille ne s’en rendra compte. Calderón détruit bien certains artefacts : ceux dont il n’arrive pas à se servir ou qui ne l’aident pas à atteindre ses objectifs. Les autres—généralement des armes—sont rassemblés dans l’espoir qu’ils puissent un jour servir à exterminer les

En vérité, si les deux points de vue sont facilement compréhensibles, chacun passe à côté d’autant de concepts qu’il en appréhende. Les Aztlans ont raison de relever qu’un dieu bienfaiteur, omnipotent et omniscient doit répondre des horreurs humaines commises en son nom (comme la Guerre de la Croix). Cela étant, il y a un certain attrait dans l’idée d’un dieu qui laisse son troupeau paver son propre chemin et lui vient en aide seulement en cas de nécessité impérieuse. Qui est responsable de la Guerre de la Croix : Theus ou la Théah ? A-t-elle été menée au nom de la foi ou du pouvoir ? Un prêtre de Nacatlicue dirait que ces questions importent peu—les champs brûlés et les enfants morts n’en ont cure—mais peut-être le progrès humain n’est-il possible que si l’on prend la mesure de l’horreur dont l’homme est capable. Sans équivoque, l’expérience des Aztlans semble confirmer cette hypothèse. S’il y a un bien une chose sur laquelle Kuraques et Nahuacans sont d’accord, c’est que les dieux sont à l’origine de la Chute. Toutefois, attribuer des causes divines à la Chute permet surtout aux Aztlans de se dédouaner du rôle qu’ils ont eux-mêmes joué dans l’effondrement de leur terre natale à moitié fantasmée. Les Kuraques parlent peu de leurs dieux aux étrangers, mais quand ils le font, il devient alors évident qu’ils considèrent leurs divinités comme des agents du chaos. Lorsqu’ils les mentionnent—souvent en présence de leurs chefs ou d’étrangers—leurs mots sont rarement tendres. Les Tzak K’aniens entrent quant à eux en guerre avec les cités-États voisines sur simple ordre de leurs divinités. Ils peuvent ainsi réduire des villes en cendres et massacrer leurs ennemis simplement parce que l’alignement des étoiles est en faveur de leur dieu plutôt que de celui de leurs voisins. En Aztlan, les dieux poussent l’humanité à réaliser des desseins divins plutôt qu’humains. Quoi qu’il en soit, ce sont tout de même ces dieux qui ont protégé leurs fidèles de l’avarice maladive des Scélérats théans. Qui sait ce qui serait arrivé s’ils n’avaient pas été là ?

Si le gros de l’activité théane dans le Nouveau monde se résume au commerce, à la recherche et à la diplomatie, des Scélérats théans rôdent dans les ombres d’Aztlan. Des forces influentes manœuvrent pour éroder la souveraineté aztlane, et les pires d’entre elles portent les robes rouges de l’Église vaticine.

La destruction du souvenir aztlan

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hérétiques aztlans, et ainsi laisser le champ libre pour une nouvelle Castille. Heureusement, les objectifs de Calderón mettent à mal ses potentielles alliances. Ainsi, ses tentatives de rallier à sa cause Azeneth Medellín (la fille de don Fernando Medellín) échouèrent lorsqu’elle apprit son dévouement aux plans de Verdugo. Autant Medellín aimerait détruire Apocōātl, autant elle ne s’intéresse nullement à la destruction massive des artefacts et ruines aztlans.

Le masque kuraque Des années avant qu’il n’arrive en Aztlan, don Calderón assassina don Felipe Aldana de Soldano. Ce dernier s’était en effet attiré le courroux de l’inquisiteur en voulant collecter des taxes sur ses nombreuses propriétés. Aldana ne survécut pas au duel l’opposant à Calderón : il fut empoisonné par la lame de son malicieux adversaire. Les deux jeunes fils de don Aldana, Sebastian et Miguel, furent adoptés par une tante éloignée du nom de Bejarano del Zepeda. Sachant pertinemment qu’ils seraient en danger s’ils ne savaient pas se défendre—et entretenant l’espoir qu’ils pourraient un jour venger la mort de leur père—elle leur appris l’art du Duel et les fit rejoindre les rangs de Los Vagabundos une fois devenus adultes. Sebastien et Miguel savaient que le meurtrier de leur père se nommait Calderón et qu’il était un puissant allié du cardinal Verdugo. Il avait cependant disparu après le duel, et nul n’avait idée de l’endroit où il pouvait être. Peut-être était-il mort. Peut-être avait-il changé de nom. Miguel, le plus jeune et le plus impétueux, exigea de son frère qu’ils explorent le monde à sa recherche. Sebastian, peu enclin à laisser son frère partir seul en quête de vengeance, décida de l’accompagner. Leurs recherches leur permirent d’entendre parler des méfaits de Calderòn en Aztlan. Ils se rendirent alors dans le Nouveau monde où ils rencontrèrent un autre expatrié castillian, Tomás Ruiz del Gallegos (qui voyageait alors sous le nom de Vaughn Santez). Celui-ci leur apprit alors que Calderón avait dérobé l’un des masques d’El Vagabundo après avoir assassiné ses compagnons de voyage. Tomás leur révéla que le masque devait être apporté au Kuraq. L’Impératrice avait en effet attiré l’attention des Vagabundos et des Kreuzritter et, face à son règne mort-vivant, les deux sociétés s’étaient alliées. Tomás, membre des Kreuzritter, s’était porté volontaire pour livrer le masque aux résistants kuraques, mais il fut trahi

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Chapitre 1 | L'Aztlan

DES DIEUX TROP NOMBREUX ? Certains érudits théans ont émis l’hypothèse que les dieux aztlans sont la manifestation—voire la représentation—de Theus. D’autres estiment que les différents dieux sont en fait la même interprétation de Theus, leurs noms différant juste pour des raisons linguistiques. Cependant, les dieux aztlans ne sont ni des « manifestations, » ni des « interprétation, » ainsi que peuvent témoigner ceux qui les ont déjà rencontrés. Il s’agit d’êtres complexes, dotés de pouvoirs uniques et distincts, mais également de besoins et de désirs. En termes de traits de personnalité, ils ressemblent parfois aux hommes—ils peuvent prendre leur apparence s’ils le désirent—mais leurs pouvoirs, leur savoir et leurs sens dépassent de loin ceux des mortels. La source de ces incompréhensions vient avant tout de la tentative des vaticins de concilier leur propre dogme avec celui des Aztlans : ils essaient ainsi de faire du dieu créateur l’égal de Theus, et ont souvent du mal à accepter l’existence de centaines (si ce n’est de milliers) de dieux, perceptibles et à la portée de tous.

par un agent double à la solde de Calderón. Il était désormais isolé de ses contacts théans, seul en Aztlan, devant à tout prix récupérer le masque et le livrer aux Kuraques avant que l’Impératrice n’extermine la résistance. Sebastian et Miguel lui proposèrent immédiatement leur aide. Tous trois mirent au point un plan pour récupérer le masque et se venger de Calderón. Le trio se trouve maintenant au Tzak K’an car on dit que Calderón aurait pris le contrôle d’une cité-État et prévoirait de provoquer une guerre propre à déchirer cette Nation fragile. Sebastian et Miguel forment un duo saisissant : ils ont tous les deux de longs cheveux noirs en queue de cheval et portent le bouc de façon assortie. Ils sont bien plus intelligents qu’ils n’en ont l’air. Pour le moment, ils boivent et se divertissent à Polok K’anche’ (voir pages 118 et 121) afin d’attirer l’attention de don Calderón. Cela permettra à Tomás de localiser le masque et ainsi le subtiliser. Idéalement, ils auront le temps de venger leur père avant de repartir pour le Kuraq.

Les dieux d’Aztlan

S’il y a bien une chose qui continue d’étonner les Théans, c’est le rapport unique des Aztlans à la spiritualité. Pour la plupart des Théans, la religion se pratique, mais elle reste tout de même séparée de leur quotidien (ce n’est qu’un des nombreux aspects de leur existence). Ils vont à la messe, apprennent les principes de leur foi, se font baptiser et, lorsque c’est nécessaire, se marient devant Theus, et c’est à peu près tout. Les Aztlans, pour leur part, considèrent et vivent la religion autrement. Bien qu’elle soit différente selon les régions, les langues et les particularités des croyances personnelles, tous les Aztlans partagent une compréhension commune de la Réalité que l’on peut résumer ainsi : les dieux sont réels. Ce ne sont pas de simples idées ou notions, ni des juges ou observateurs extérieurs. Au contraire, ce sont des créatures d’importance au pouvoir incroyable, des êtres immortels qui exigent et méritent l’adoration des simples mortels. Ils sont à la portée de tous. Prier en Aztlan, ce n’est pas parler dans le vide : c’est communiquer avec un divin, car les dieux sont toujours à l’écoute. Et parfois, ils daignent même vous répondre.

Des dieux vivants La relation qu’entretiennent les Aztlans avec leur monde se base sur leurs expériences avec les divins. Quand les dieux ont un nom, quand ils sont accessibles et omniprésents, la notion de « foi » n’a plus de sens. Les Aztlans ne « croient » pas : ils savent que leurs dieux existent, et cette vérité structure leur vision du monde. Ainsi, après la Chute, ce furent les dieux eux-mêmes qui leur enseignèrent le fonctionnement de la Réalité, l’Histoire du monde ainsi que les diverses vérités fondamentales qui forment la base de leurs incroyables avancées technologiques et scientifiques. Chaque fois que cet ordre naturel est perturbé, la situation finit toujours par empirer. C’est pour cela que les Aztlans pratiquent leur religion avec tant d’assiduité : ils savent que sans leur dévotion aux dieux, le monde entier prendrait fin, tout simplement. Bien qu’ils soient immortels, tous les dieux aztlans partagent les défauts et les inquiétudes des mortels qui les vénèrent. En dépit de leur esprit insondable, ils possèdent donc les mêmes désirs élémentaires que leurs adorateurs : ils veulent profiter de leur existence, être portés aux nues par ceux qu’ils considèrent comme inférieurs (c’est-àdire leurs adorateurs) et être traités avec respect par leurs

pairs (c’est à dire les autres dieux). Leur puissance n’est pas exagérée. Quelques-uns ont parfois trouvé la mort, mais leur nature fait qu’ils sont capables de revenir à la vie aussi aisément que l’homme sait se réveiller d’un profond sommeil. Cela étant, nulle divinité n’aime faire l’expérience de la mort, c’est pourquoi ils l’évitent comme n’importe quel Aztlan, peut-être même plus encore. Si certains dieux se contentent d’un nombre restreint de fidèles—à l’échelle d’une seule Nation ou de quelques cités—la majorité désire tout de même l’adoration de tout un chacun. C’est pour cela qu’ils apparaissent à quiconque est disposé à les écouter. Ainsi, chaque Nation vénère sans le savoir les mêmes dieux, simplement ils en révèrent un aspect différent (ce qui explique pourquoi leur nom est d’ailleurs rarement le même). Les Kuraques n’ont ainsi pas la moindre idée que leur dieu de la mort est en fait le même que le dieu nahuacan de la vie. Le seul dieu qui refuse de jouer selon ces règles se nomme Apocōātl, le Serpent à plumes. Bien que sa forme diffère d’une Nation à une autre, tous les Aztlans le nomment de la même façon. D’aucuns disent qu’il est l’un des dieux-rois et qu’il aurait trouvé un moyen de survivre à la Chute, d’autres pensent qu’il est juste le plus puissant des nouveaux dieux. Quelle que soit la vérité, ses exploits ne laissent aucun doute quant au fait qu’il soit bel et bien au-dessus du lot.

L’ordre cosmique Les dieux l’ont révélé aux humains : la Réalité forme une seule unité dans laquelle toutes les choses sont reliées les unes aux autres. Les hommes, tout insignifiants soient-ils, ont donc une responsabilité dans le grand ordre des choses, un rôle à y jouer. Toutes les histoires aztlanes relatives à la naissance de l’univers s’accordent à dire que son créateur—quel qu’il fut—se volatilisa ou se sacrifia durant le processus de création. Il créa ainsi le monde tel qu’on le connaît aujourd’hui, un endroit peuplé d’êtres fondamentalement différents, des dieux aux humains. Quand bien même leurs pouvoirs étaient immenses, les dieux-rois qui ont succédé au dieu créateur étaient limités par les frontières de cette création. Même eux devaient rendre honneur au sacrifice du créateur. L’univers n’est toutefois pas une entité stagnante. Bien au contraire, le monde est régi par une règle invariante : le changement perpétuel. Les Aztlans en ont la preuve

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chaque jour grâce aux cycles de vie, de mort et de réincarnation. Le soleil se lève chaque matin et disparaît chaque soir. La lune croît et décroît au rythme des saisons, qui vont du chaud au froid pour revenir au chaud. Les graines se plantent et poussent jusqu’à maturité, puis sont récoltées et transformées en nourriture pour assurer la survie des hommes. La Réalité peut donc se résumer à un équilibre en constante évolution entre forces opposées  : ordre et chaos, lumière et ténèbres, vie et mort, faune et flore, dieux et mortels. Tous en font partie, mais nulle force ne peut survivre sans son opposée. Le rôle des dieux est de surveiller de larges pans de Réalité, comme les étoiles et les cycles de la nature. C’est grâce à leurs efforts et à leur longévité que les mortels vivent dans un monde habitable, où ils mènent une vie sans contraintes. Les dieux ont bien des pouvoirs, mais pas celui d’enfreindre cet ordre. Cela explique pourquoi les Aztlans les plus sages n’exigent jamais rien d’eux, si ce n’est de continuer à exercer leur devoir sacré de préservation de la Réalité. Si les terres sont en proie à la sécheresse, par exemple, il n’est pas possible d’y remédier. Cela signifie simplement qu’une démonstration—un rituel, une cérémonie ou un festival—n’a pas été effectuée, ou l’a été à un moment inopportun. Conséquemment, la seule chose à faire est de s’assurer que le rite approprié soit effectué correctement à l’avenir. Demander à ce que la situation soit « réparée » reviendrait à exiger de la Réalité qu’elle se plie à la volonté de simples humains.

Les autres Mondes Parmi les notions profondément liées à l’ordre cosmique universel se trouve celle des trois Mondes, autrement appelés Royaumes. Ces sphères d’existence ne sont pas totalement séparées les unes des autres, mais chacune possède des habitants et des règles qui lui sont propres. Il est ainsi plus courant de trouver des dieux dans le Monde d’en-haut que sur Terra, par exemple. Ces Mondes ressemblent plus à des Nations distinctes qui partageraient une frontière avec le nôtre qu’à des Réalités à part entière. Ils existent de façon indépendante, mais sont tout de même suffisamment proches pour pouvoir exceptionnellement se chevaucher. D’un point de vue physique, ils ne sont pas soumis aux quatre points cardinaux : si l’on s’y réfère par les termes « supérieur » ou « inférieur, » ces noms sont relatifs à leur statut, et non à leur position géographique. Bien sûr, ces dénominations

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ainsi que leurs spécificités varient d’une culture à une autre, mais tous les Aztlans s’accordent sur quelques caractéristiques générales partagées par ces différents Mondes. Ne pas y croire serait faire preuve d’une arrogance aussi démesurée que ridicule.

Le Monde d’en-haut Le Monde d’en-haut est le Royaume qui surplombe la Terra, le Monde des dieux. Les nouvelles divinités y règnent sur le soleil, la lune et le reste des étoiles, qui existent ici dans leur forme primordiale. Des érudits observateurs comprirent rapidement que l’on pouvait déchiffrer les mouvements des dieux grâce à ceux des planètes et des étoiles, et ils firent de leur mieux pour consigner ce savoir. La majorité des notions sur le Monde d’en-haut s’accordent à dire qu’il est fait de multiples couches—ou strates—en général au nombre de treize. Sur la plus haute d’entre elles se trouvent les dieux. Certains, comme les dirigeants du Kuraq, disent que seuls les nobles peuvent accéder à cette sphère après la mort. D’autres, comme les Tzak K’aniens, pensent que cet honneur est l’apanage des guerriers tombés au combat ou aux femmes mortes en couches.

Le Monde intermédiaire Voici le royaume de la Terra, la réalité physique où l’on trouve l’Aztlan, la Théah ou l’Ifri. Les Nahuacans pensent que la Terra réside sur le dos d’un gigantesque monstre marin, possiblement un crapaud gigantesque. Les Tzak K’aniens, quant à eux, croient que la Terra n’est que l’une des nombreuses réalités que l’on peut rejoindre depuis les deux autres Mondes. Le Monde intermédiaire contient un lieu d’importance : ce que les Théans ont traduit par Axis Mundi, le centre du Monde. Si les Aztlans le placent à des endroits différents (à l’exception des Nahuacans qui pensent que l’Axis Mundi était la demeure des dieux-rois de l’Empire aztlan et qu’il fut détruit pendant la Chute), ils s’accordent tout de même à dire qu’il n’existe qu’un seul et véritable centre du Monde. Celui-ci peut se manifester à différents endroits mais il reste, en substance, un lieu unique. L’Axis Mundi est d’une importance capitale car il représente non seulement le lieu de partance des quatre points cardinaux, mais également l’endroit qui relie les trois Royaumes. De plus, selon la plupart des cultures, l’Axis Mundi est le meilleur endroit pour communiquer

avec les dieux. Cela explique pourquoi les Aztlans ont construit tant de merveilles architecturales aux endroits qu’ils pensent être le centre du Monde. Au fil du temps, ces lieux sont également devenus les demeures des classes dirigeantes.

L’outre-Monde C’est dans l’outre-Monde que reposent les morts. L’une des caractéristiques les plus répandues dans les croyances aztlanes dit que l’outre-Monde se compose de neuf niveaux distincts qui vont descendant. Dans toutes les cultures, les âmes des vivants doivent voyager à travers certains niveaux, parfois tous. Une fois le voyage effectué, elles pourront rejoindre leur lieu de repos éternel au niveau le plus bas, ou aller au-delà, jusqu’à une destination céleste. D’après une autre notion, l’accès à l’outre-Monde est possible—et autorisé—depuis certains endroits bien précis du Monde intermédiaire, notamment les grottes ou les plans d’eau stagnante. On dit que ces derniers (surtout les lacs et les sources d’eau naturelles) ont un pouvoir bienfaisant, ce qui pousse guérisseurs ambitieux et patients désespérés à les rechercher. Paradoxalement, l’outre-Monde est également un lieu morbide en pleine décomposition, rempli d’horreurs et de châtiments innommables. Il existe, par exemple, des endroits spécifiques pour écorcher les gens ou dévorer leur cœur. La plupart des érudits et des prêtres aztlans disent que ces épreuves sont nécessaires pour purifier l’âme des morts avant qu’ils n’atteignent leur destination céleste finale. Malgré cela, les terrifiantes histoires de voyages à travers l’outre-Monde ne sont pas destinées aux âmes sensibles. Il est une culture aztlane qui ne se contente pas seulement d’embrasser l’outre-Monde avec toutes les merveilles et les horreurs qu’il comporte, une Nation qui côtoie les esprits des morts au quotidien : le Kuraq. Les Kuraques pensent que leurs voisins ne sont que des idiots superstitieux qui gaspillent ce qui constitue leurs richesses les plus précieuses : le savoir et les pouvoirs de ceux qui vivent par-delà la mort. A contrario, aux yeux du reste de l’Aztlan, le Kuraq est un pays peuplé d’imbéciles, car il faut nécessairement être idiot pour autant fréquenter les morts.

Religion

Les pratiques religieuses des Aztlans sont toutes différentes, ce qui n’est pas en soit étonnant étant donné que chaque culture a ses propres divinités, calendriers et principes de croyance. Ceci étant, il est tout de même possible de dégager quelques généralités à partir des pratiques et attitudes présentes dans toute l’Aztlan.

Foi et dévotion Ainsi qu’il en a déjà été fait mention, la cosmogonie aztlane se base sur l’idée que toutes les choses qui composent la Réalité sont reliées les unes aux autres. Selon les Aztlans—donc les histoires que les dieux leur ont racontées, sous une forme ou une autre—les êtres humains furent créés dans un but bien précis : servir les dieux en les adorant et en les vénérant. Certains disent même que ce furent les dieux-rois qui créèrent les Aztlans (et tous les autres peuples). En échange, les dieux veillent à ce que le monde suive le cours de son existence dans sa forme actuelle, la seule capable d’entretenir la vie humaine telle qu’on la connaît. Cela explique pourquoi la foi n’est pas le fondement de la religion aztlane (du moins pas au sens où les Théans l’entendent). Les Aztlans savent que les dieux existent et qu’en dépit des apparences, ils aident l’humanité tout entière à perdurer. Sachant cela, les mortels doivent leur offrir leurs pensées, leurs prières et de nombreux sacrifices pour les satisfaire. Il s’agit là de leur responsabilité, le fondement de leur religion. En substance, dieux et mortels existent au sein d’une relation mutuellement bénéfique. Grâce au sacrifice primordial, les hommes furent créés et se virent offrir un monde sur lequel habiter. Il va donc de soi que les humains doivent se sacrifier—au sens figuré—afin de rendre la pareille aux dieux en leur vouant un culte digne d’eux. Ainsi, ils s’assurent une existence pérenne car les divinités préserveront l’ordre cosmique tel qu’il est. Ce cycle mystique et infini est la base du mode de vie aztlan : sans lui, les peuples natifs des terres d’Aztlan vivraient dans la crainte d’une fin du monde inévitable.

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Rituels et cérémonies Outre leur dévotion personnelle aux dieux, les Aztlans ont institué un certain nombre d’actes d’adoration partagés par tous. Par certains aspects, on pourrait les comparer à la messe de l’Église vaticine. Néanmoins, ces différents rituels et cérémonies aztlans revêtent un aspect éminemment transcendantal et mystique qui n’a rien à voir avec les cantiques et les prières des Théans. En effet, ces rassemblements religieux ont toujours des conséquences tangibles. Dans certains cas, il s’agit simplement de quelques mots prononcés par le maître de cérémonie, dans d’autres, les réponses sont directement transmises par le monde qui les entourent (ce peut être une averse, du vent qui souffle dans une direction anormale ou même un événement radical comme le passage soudain du jour à la nuit). Lorsque le rituel revêt une importance particulière (dans un moment capital par exemple), les dieux peuvent prendre forme devant leurs fidèles et leur répondre en personne.

Les spécificités de chaque rituel varient en fonction des différentes cultures. Souvent, les pratiques locales adaptent ou modifient les cérémonies pour qu’elles conviennent davantage à leurs dieux tutélaires. Il est important de se souvenir qu’au sein d’une même Nation, chaque communauté possède un lien spécifique avec sa divinité. Il en résulte des pratiques spécifiques et uniques que l’on ne trouve nulle part ailleurs en Aztlan, simplement parce qu’elles sont vouées à des dieux qui n’existent qu’à cet endroit-là. Il existe toutefois un aspect de ces rituels que partagent l’ensemble des peuples d’Aztlan : toutes ces cérémonies se composent d’une séquence spécifique d’actes que l’on répète à chaque fois dans le même ordre, en prêtant une attention quasi obsessionnelle aux détails. On peut identifier ces étapes dans presque tous les rituels d’importance (ou ceux qui regroupent beaucoup de fidèles). Ces étapes ne sont pas un guide pour mener une cérémonie, elles mettent simplement en exergue des pratiques communes. Pour les Aztlans, un rituel constitue une expérience perpétuelle qui implique de façon organique les étapes décrites ci-dessous. Celles-ci s’entremêlent donc dans une tapisserie aussi complexe et facile à comprendre que le monde qui les entourent.

Déclarer ses intentions Pour commencer, les participants doivent essayer d’entrer en contact avec leur dieu en formulant (soit verbalement, soit par la pensée) la raison du rituel. À ce moment-là, il n’y encore aucune manifestation, ni aucun don de pouvoir. Cet état d’esprit est cependant fondamental si l’on veut réussir à communier avec le divin. En général, cela implique une prière, une mélopée ou une méditation exécutée avant le rituel lui-même, souvent à un endroit différent.

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Chapitre 1 | L'Aztlan

SACRIFICES HUMAINS Dresser les protections Une fois l’intention du rituel clairement établie, il est important de dresser certaines protections pour garantir la sécurité des participants et du dieu qu’on invoque. Ces précautions sont souvent de nature mystique et physique, et sont l’une des raisons pour lesquelles il est compliqué d’interrompre un rituel. En général, la tâche incombe au maître de cérémonie. Elle implique d’inscrire—ou de renouveler—des marques qui protègent et sanctifient le lieu.

Bannir les indésirables et purifier Avant que ne commence le rituel, les participants doivent s’assurer qu’aucune autre entité ne pourra interférer avec la cérémonie. Chaque rituel impliquant l’offrande d’un pouvoir mystique (souvent sous la forme d’un sacrifice symbolique) attire des êtres indésirables vers le sanctuaire. Le maître de cérémonie guide donc les participants au cours d’une prière, d’un chant ou d’une danse afin de créer une harmonie ayant pour but de bannir tout indésirable.

Transe Une fois que toutes ces conditions ont été remplies, le maître de cérémonie devient le lien entre les mortels et le dieu. Si tous les participants se partagent équitablement la responsabilité du rituel, seul cet « Intermédiaire » est capable de transmettre les désirs de la communauté à la divinité, et également de rapporter à l’assemblée tout message que lui aura inspiré le dieu. Cette étape est particulièrement ardue, à la fois mentalement et physiquement, c’est pourquoi seules les personnes compétentes tentent d’accomplir cet exploit. La transe peut avoir des effets secondaires chez le maître de cérémonie, allant d’une perte de conscience à des mots murmurés dans une langue inconnue en passant par une danse menée au rythme d’une musique inaudible, pour ne citer que quelques exemples.

Bien qu’elle fut autrefois une pratique répandue, tous les Aztlans ont depuis longtemps abandonné les sacrifices humains. Ce type de rite est désormais unanimement honni, tant par les personnes au pouvoir que par celles qui possèdent un lien avec les dieux.

Clôture Après avoir mené le rituel à bon terme, le maître de cérémonie doit s’assurer que le lien avec le dieu est bien rompu, et ce pour empêcher que d’autres en abusent. Cette étape imite, voire reconstitue, la deuxième étape car elle a pour but de protéger à la fois le dieu et les participants de toute intervention extérieure indésirable. Généralement, le maître de cérémonie efface ou brise les marques apposées au début du rituel. Ce faisant, il libère les énergies mystiques utilisées et rompt la connexion avec le divin.

Restauration et rétablissement Enfin, tous les participants doivent accomplir un certain nombre d’actes obligatoires avant de s’en retourner à leur quotidien, ceci afin qu’ils retrouvent leur individualité et la perception d’eux-mêmes. En effet, tout rituel—même le plus élémentaire—nécessite que les participants entrent dans un état de contemplation et d’accueil du divin dont ils doivent ensuite réussir à se détacher. Lors de cette étape, le maître de cérémonie accomplit généralement une série secrète de sons ou de gestes qui ont pour but de « réveiller » les membres de l’assemblée et de les faire retrouver leur état normal.

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Les festivals

Les Intermédiaires

Les festivals sont des cérémonies dont l’organisation est moins contraignante que les rituels. Beaucoup sont des traditions qui font partie de la culture populaire et qui impliquent des coutumes ritualisées. Leur signification n’est plus très claire pour ceux qui ne sont ni des Intermédiaires, ni des érudits spécialistes du sujet. Ainsi, les festivals aztlans sont le moyen le plus simple de faire l’expérience du divin, que l’on soit un jeune enfant ou même un étranger (y compris un Théan). Lors de ces événements, les membres de la communauté communiquent publiquement leur joie pour leurs dieux en reconstituant les histoires de leur vie par la danse, le chant et la narration orale. Ces festivals servent à la fois à se rappeler le grand ordre des choses, mais également à éduquer les plus jeunes en les exposant directement au mode de vie aztlan. Le plus souvent, les festivals rendent honneur à tous les dieux, mais certains sont réservés à un dieu en particulier. En général, les festivals sont célébrés à travers toute l’Aztlan aux dates du calendrier correspondant à des événements astronomiques majeurs. Ce peut être par exemple au début de chaque saison ou lors d’autres occasions en rapport avec l’agriculture. Les Nahuacans célèbreront davantage des festivals ayant un rapport avec leurs victoires militaires, tandis que les Tzak K’aniens s’en tiennent traditionnellement à l’ancien calendrier. Sans surprise, l’Impératrice du Kuraq a proscrit presque tous les festivals locaux, déclarant que seuls ceux organisés par l’État devraient être au cœur de la vie des Kuraques. Lorsque l’on interroge les Aztlans au sujet des rituels sacrificiels exigés par les dieux, la plupart des dirigeants répondent qu’il ne s’agit pas simplement de verser le sang et de semer la destruction, mais au contraire de démontrer sa dévotion profonde et de s’en remettre aux puissances supérieures. Les différentes cultures aztlanes possèdent toutes leurs propres histoires expliquant pourquoi et comment ce changement s’opéra ; toutes sont plus ou moins d’accord pour dire que l’abandon des sacrifices humains fut en partie provoqué par une négociation entres les hommes et les dieux. Cela étant, afin de préserver la tradition, la majorité des pratiques religieuses d’aujourd’hui comportent une forme de sacrifice symbolique : il peut s’agir de brûler des effigies ou d’effectuer un rituel où l’on met à mort un animal, lequel est ensuite consommé par les participants du festival (et des autres événements similaires où se déroulent de tels sacrifices).

Dans l’ordre cosmique aztlan, seuls les individus qualifiés peuvent servir de pont entre l’homme et le divin. Ils possèdent de nombreux noms et des rôles différents selon leur culture, mais ils ont tous une chose en commun : la mission de maintenir le lien entre les dieux et les mortels. Ces personnes sont des rois, des reines, des prêtres, des chamanes, des oracles, des devins et des guérisseurs. Ce sont les Intermédiaires des dieux. Toutes les cultures d’Aztlan s’accordent sur l’importance d’un tel rôle, par conséquent, elles ont mis en place toute une série de protocoles pour s’assurer que seules pourront atteindre ce statut les personnes les plus dignes, les plus fiables et les plus aguerries. Cela est d’autant plus important en ce qui concerne les dirigeants aztlans : étant donné qu’ils peuvent être élus par un conseil d’anciens (comme dans l’Alliance nahuacane) ou directement nommés par les morts (comme au Kuraq), leur entraînement est encore plus rigoureux que celui d’un Intermédiaire « ordinaire. » Les Intermédiaires sont formés pour assurer la communication entre les dieux et le peuple en accomplissant des rituels et des cérémonies destinés à apaiser et à célébrer les divinités. Ceci étant, les dieux choisissent malgré tout de parler à qui bon leur semble. Ces personnes « choisies » n’ont dès lors pas besoin d’un Intermédiaire. En vérité, les dieux jettent souvent leur dévolu sur des individus qui n’ont reçu aucun entraînement afin de leur enseigner eux-mêmes des leçons et ainsi s’assurer qu’ils accomplissent bien leur volonté.

Chapitre 1 | L'Aztlan

Devenir un Intermédiaire Les enfants désireux d’entrer au service des dieux reçoivent une forme d’éducation officielle, soit par le biais des grandes académies de prêtrise, soit via un mentor dont l’expertise n’est plus à prouver. En général, cette éducation se structure autour de l’étude de sujets divers et variés, comme la lecture, l’écriture, l’astronomie, la musique, la danse, les protocoles à suivre pour converser avec les dieux et l’exécution des rituels. En fonction des cultures, d’autres domaines peuvent s’ajouter à ce corpus. L’aspirant doit également surmonter une série d’épreuves conçues pour évaluer ses connaissances et sa sagesse, ainsi que pour lui inculquer l’humilité. Seule une poignée d’aspirants terminent cet entraînement. Ceux qui échouent sont tout de même considérés comme des personnes empruntes de savoir et de sagesse, quelle que soit l’occupation à laquelle ils décident ensuite de s’adonner.

La vie d’un Intermédiaire Celles et ceux qui réussissent considèrent rétrospectivement cette période comme l’âge d’or de leur vie. En effet, après être devenus des novices reconnus, ces Intermédiaires doivent immédiatement se comporter de manière exemplaire, que ce soit lors des cérémonies ou dans leur vie quotidienne. On attend d’eux qu’ils s’habillent, mangent, parlent et dorment comme leur rang l’exige, et tous sont obligés d’assister les «  véritables » Intermédiaires, ceux qui président les rituels et les cérémonies. Les apprentis qui parviennent au bout de cet entraînement rigoureux de tous les instants deviennent les nouveaux Intermédiaires de leur peuple, sans même s’en rendre véritablement compte. Cette période a beau être difficile et exigeante, les résultats valent vraiment toute cette attente : les individus qui ont surmonté toutes ces épreuves deviennent des intercesseurs mesurés, fiables et avisés entre l’humanité et les dieux. Ils sont dignes de leur titre.

Communiquer avec les dieux Devenir un Intermédiaire ne confère pas la possibilité exclusive de communiquer avec son dieu. Certes, ces personnes parlent et s’adressent aux dieux, mais ces derniers ne communiquent pas qu’avec eux. La communauté choisit son Intermédiaire et lui donne une place d’influence dans la société car il remplit un devoir sérieux et influent. Cependant, les dieux se préoccupent peu de savoir qui est un Intermédiaire et qui ne l’est pas : ils choisissent simplement les personnes à qui ils souhaitent parler. Dans les faits, ils accepteront plus facilement l’adoration de ceux qui connaissent les rituels adéquats et les différentes formes de vénération, ce que les Intermédiaires maîtrisent parfaitement. Cependant, d’autres personnes en Aztlan parviennent à interagir directement avec leurs dieux. Cela se passe chaque jour car ici et là les dieux ont besoin que les humains remplissent des tâches qu’ils leur confient.

LES AUTRES INTERMÉDIAIRES Bien que l’on se concentre ici essentiellement sur les prêtres et leur entraînement, le terme Intermédiaire n’a pas été choisi fortuitement. En effet, si les prêtres sont les Intermédiaires les plus courants, d’autres personnes « touchées par les dieux » font également partie de la vie quotidienne. En fonction de leurs croyances personnelles, les différentes cultures aztlanes reconnaissent l’existence d’individus capables de communiquer quasiment à volonté avec les dieux (les chamanes), à appréhender leurs desseins (les devins), de déceler—et soigner—les maladies surnaturelles (les guérisseurs). Vous trouverez des descriptions plus détaillées de chaque archétype d’Intermédiaire dans les chapitres qui traitent des différentes cultures.

Des dirigeants éclairés En Aztlan, les souverains doivent non seulement s’acquitter de leurs devoirs concernant l’administration juridique, l’imposition et les problèmes politiques, mais également endosser le rôle de porte-parole du peuple auprès des divinités. En effet, selon la philosophie aztlane, seule une personne capable de comprendre et d’interagir avec les dieux est digne de régner. Après tout, qui d’autre pourrait transmettre aux dieux les besoins et les désirs de son peuple ? Ainsi, les différents peuples exigent de leurs dirigeants un talent administratif certain ainsi qu’une sagacité développée en matière divine. Sans cela, un souverain ne saurait manier son pouvoir correctement. Les Aztlans comptent donc sur leurs dirigeants pour les défendre contre les forces malfaisantes venues d’un autre Monde, converser avec les dieux grâce aux Intermédiaires et, en substance, maintenir l’ordre dans l’univers grâce à leur position privilégiée. Si, traditionnellement, les dieux ne s’impliquent pas dans les affaires quotidiennes du souverain, ils peuvent se manifester quand bon leur semble pour l’obliger à respecter ses obligations. C’est pour cela qu’aux yeux des Aztlans, leurs dirigeants sont des êtres d’exception semi-divins : chacun est simplement le meilleur représentant de son peuple. Les Théans ont parfois pris cet aspect pour une sorte de dévotion envers les souverains, alors qu’en vérité, il s’agit simplement d’une réaffirmation de la valeur de ces individus. Si l’un d’eux venait à se montrer indigne de sa charge, les Aztlans feraient en sorte de le destituer.

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Dieux et créatures notables Les extraits suivants sont tirés du journal d'une exploratrice castilliane qui cherchait à comprendre les légendes du Nouveau monde. Notons en avant-propos que la plupart des Aztlans seraient en désaccord avec les conclusions ici présentées.

Morceaux choisis de l'Historia Naturalis Mundi Novi : Opus Tripartitum (« Histoire naturelle du Nouveau monde : une œuvre en trois volumes »), par Alfonsina del Carmen Ezkibel de Hurtado

Extrait

de la préface

Ce livre est incomplet, et il le restera à jamais. Une vie entière consacrée à l’étude de l’Aztlan ne suffirait pas à le terminer. En vérité, je pense que plusieurs vies sont nécessaires pour achever cette chronique des merveilles et des horreurs dont recèle le Nouveau monde. Pour autant, je vais

essayer d’aller au bout de ce qu’il m’est possible de faire. J’espère avant tout que cet ouvrage servira d’invitation, d’appel aux audacieux qui auront le courage de venir ici pour vouer leur vie—tout comme moi-même et beaucoup d’autres—à cette cause commune. Qu’ils explorent et

consignent, aussi fidèlement que possible, la vérité sur les mystères de l’Aztlan, depuis la plus septentrionale des cités de l’Alliance nahuacane jusqu’à la dernière pucará tout au sud du Kuraq. J’aimerais avoir récompense plus matérielle à offrir que mes simples mots, mais hélas, c’est tout ce dont je dispose.

Extraits du Volumen Primus : De Amicitia Nahuacane (« Premier volume : de l’Alliance nahuacane »)

Les

ahuitzotls

Les Nahuacans disent que ces « êtres aquatiques épineux » (traduction approximative depuis leur langue vers la nôtre) ressemblent à des chiens noirs à la peau lisse, couverts d’épines, dont la queue se termine par une main. Ils auraient un appétit insatiable pour certaines parties de l’anatomie humaine, une particularité qui les rend extrêmement difficile à étudier. Conséquemment, la plupart des expéditions qui partent les chasser reviennent

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Chapitre 1 | L'Aztlan

bredouilles, voire ne reviennent pas queue préhensile puis les entraînent dans du tout. Les quelques-unes qui ont été les profondeurs pour les noyer. Ils ne couronnées de succès—elles ne sont mangent que les yeux, les ongles et les pas nombreuses—ont mis en exergue dents, délaissant le reste du corps qui finit quelques points communs en comparant tôt ou tard par remonter à la surface. leurs observations aux divers comptes Les Aztlans disent que les ahuitzotls rendus et autres témoignages. L’expédition « chassent les mortels à la demande de leur menée par Dina de Firenze révéla ainsi créateur. » Après moult recherches minuque les ahuitzotls semblent vivre dans tieuses et entretiens avec les indigènes, un les eaux côtières peu profondes. Ils consensus semble émerger : ces créatures capturent leurs victimes grâce à leur auraient été créées par Tlacatpochtli,

le dieu de la pluie du folklore nahuacan. En effet, dans un rapport écrit par sir Charles Dibber, une native les évoque en ces termes : « les molosses de Tlacatpochtli. » Si l’on en croit ses dires, ils ne mangent que les yeux, les ongles et les dents car c’est là « que réside l’âme, » et

Les

Pourquoi l’âme ne se trouverait-elle que dans les yeux, les ongles et les dents ?

Pourquoi Tlacatpochtli demande t-il de telles offrandes charnelles à ses molosses ? Si l’on venait à survivre à une attaque—et à la noyade—pourrait-on découvrir leur repaire au fond de l’océan ?

ohuican chaneques

Tuomas Kides fut le premier à référencer les ohuican chaneques. Beaucoup de Nahuacans considèrent ces créatures— par bien des aspects similaires à des esprits—comme des élémentaires de la nature voulant défendre leur terre contre les intrus. L’érudite Davena Bowles en parle quant à elle en ces termes : « ils peuvent revêtir l’apparence de jeunes enfants ou de vieilles personnes pour convaincre un quidam de les suivre jusqu’au Mictlan [l’outre-Monde des Nahuacans]. » Les divers témoignages recueillis s’accordent à dire que si une victime parvient à leur échapper, on la retrouve généralement sur le chemin menant jusqu’à chez elle, sans aucun souvenir de ce qui lui est arrivé pendant son absence. Cela peut notamment expliquer pourquoi la majorité des disparitions

Les

c’est justement ce que Tlacatpochtli leur demande : « les âmes des Élus. » Certaines questions sur les ahuitzotls demeurent toujours sans réponse :

inexpliquées sont mises sur le compte des ohuican chaneques. Leur caractéristique la plus répandue serait une capacité à causer un effroi tel que l’âme de l’individu quitterait son corps pour se retrouver prisonnière au-dehors. François Moreau affirme que plusieurs témoins ont attesté du fait que quiconque se fait attaquer et ne récupère pas son « âme » à temps subit une mort atroce. On peut ainsi croiser, ici et là en Aztlan, des expéditions qui sont à la recherche de ces « âmes perdues. » Ces récits ont permis aux érudits théans d’obtenir une preuve nouvelle de l’existence de l’âme et de son importance vitale à l’existence humaine. Il existe une espèce possédant des caractéristiques similaires dans les citésÉtats du Tzak K’an : les aluxo’ob (singulier : alux). Celles-ci sont actuellement

étudiées par Dominga Muñoz. On ne sait pas encore s’il s’agit d’une seule et même espèce ou de créatures cousines. Enfin, il est intéressant de noter que les ohuican chaneques possèdent également des similarités avec nos duendes castillians et les gobelins montaginois. Certaines questions sur les ohuican chaneques demeurent toujours sans réponse : Pourquoi guident-ils seulement certaines personnes jusqu’au Mictlan ? Est-ce une sorte de punition ? Comment peut-on leur échapper ? Pourquoi perd-on la mémoire après les avoir rencontrés ? Est-il possible de conserver ses souvenirs ? Comment faire pour récupérer son âme après avoir été attaqué ?

quinametzin

Les seuls vestiges des Syrnes que nous pouvons trouver en Théah sont quelques rares ruines disséminées ici et là. Que diraient nos savants en observant les magnifiques pyramides aztlanes qui défient les cieux ou, mieux encore, les cités entières aux dimensions cyclopéennes que l’on trouve ici et là en Aztlan ? Les légendes nahuacanes disent qu’il s’agit de l’héritage des quinametzin, des géants qui peuplaient le monde à ses débuts. On trouve des preuves de l’existence des quinametzin partout dans l’Alliance nahuacane, par exemple lorsque l’on contemple l’impressionnante Mīlllahco—la grande pyramide

d’Ōlōxochicalco—ou bien quand on Ragnvaldr Hendel fut le premier à parcourt les artères de la titanesque cité effectuer des recherches sur ces créatures. de Tlaichtacān. Ces constructions, qui Pour cela, il s’est appuyé sur des archives, « défient le réel, » ont laissé perplexe des chansons et des gravures. Nombreux plus d’un architecte théan. Tous se sont les érudits qui ne prêtent aucun sont avérés incapables de proposer crédit à ses conclusions, mais il serait la moindre méthode—qu’elle soit tout de même inconvenant de rejeter passée ou présente—permettant de ces travaux simplement parce qu’ils reproduire ces structures gigantesques. s’appuient sur des « contes populaires. » Les Nahuacans ne possédant pas la Les histoires traduites par le Vesten font technologie nécessaire pour bâtir de état d’une « colère des dieux » consécutelles merveilles, ils ne l’avaient donc tive au fait que les quinametzin ne les pas non plus en ces temps reculés où auraient pas « vénérés convenablement » elles furent construites. et auraient commis de « graves péchés. » Mais, me demanderez-vous, pourquoi La vérité concernant ces informaces titans ont-ils disparus ? Quelle sorte tions—comme tout ce qui a trait aux de catastrophe a bien pu signer leur fin ? quinametzin—reste encore à découvrir.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE

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Si l’on s’en tient à des considérations purement terre à terre, certaines personnes impliquées dans le « Mouvement nahuacan pour la restauration » soutiennent l’idée que la meilleure façon de renouer avec les merveilles d’antan est de retrouver les descendants des quinametzin. Il reste désormais à déterminer s’il s’agit là d’une simple chimère ou d’une piste bien concrète. Si ces descendants existent bel et bien, notre système de

Les

victimes d’Ehecah

croyance pourrait s’en retrouver changé à jamais. Après tout, que pourrions-nous faire, pauvres mortels que nous sommes, faces à des créatures si puissantes ? Qu’est-ce qui les empêcherait de renverser non seulement l’Alliance, mais également l’Aztlan dans son ensemble, voire— Theus nous préserve—la Théah ? Certaines questions sur les quinametzin demeurent toujours sans réponse :

Totech

Ehēcah Totech est l’une des divinités nahuacanes les plus déroutantes. Elle incarne en effet l’union d’éléments en apparence opposés, ce qui échappe souvent à notre paradigme vaticin. Ce dieu est en effet lié à l’agriculture, la végétation, le printemps, la maladie, la guerre et le dépeçage. Les réceptacles, c’est à dire ceux qui attirent l’attention d’Ehēcah Totech—et que je nommerai « victimes » à partir de maintenant—furent décrits pour la première fois par Zina Ludmila Kuznetsov. Elle assista à une cérémonie en l’honneur du dieu au grand temple de Pepechotlan. Ce rapport contient le témoignage de l’un des prêtres d’Ehēcah Totech affirmant que « [les victimes] sont dépecées vivantes pour que leur peau

puisse revêtir notre seigneur le Détenteur [Ehēcah Totech]. » Au terme de son enquête, Kuznetsov découvrit que les corps dépecés ne meurent pas au terme du rituel. Ils poursuivent en effet leur existence avec une seule motivation à l’esprit (que l’on présume dérangé) : trouver une peau humaine dont se recouvrir. La véritable tragédie réside dans le fait que même s’ils atteignent leur horrible but, la peau qu’ils auront trouvée se désagrègera au contact de leur chair à nu, comme s’ils avaient été bénis (ou maudits) par leur dieu. La seule partie rassurante du rapport ussuran, du moins si l’on porte crédit aux informations données par les érudits nahuacans, est que ces cérémonies ne sont plus pratiquées depuis longtemps.

Comment ont-ils construit Mīlllahco, la Grande pyramide d’Ōlōxochicalco ? Quelqu’un détient-il encore ce secret quelque part en Aztlan ? Existe-t-il encore des quinametzin ? La cité de Tlaichtacān pourrait-elle être leur demeure et/ou leur cachette ? Si les quinametzin sont vivants, et prêts à parlementer, rejoindront-ils le Mouvement nahuacan pour la restauration ?

Certaines questions sur les victimes d’Ehēcah Totech demeurent toujours sans réponse : Comment furent-elles maintenues en vie pendant qu’elles étaient dépecées ? Quelle sorte de crime mérite un châtiment aussi horrible ? Cette cérémonie pourrait-elle encore avoir cours aujourd’hui ? Pourquoi les victimes continuent-elles à vivre malgré le terrible tourment qu’elles ont enduré ? Possèdent-elles des faiblesses ? Si oui, lesquelles ? Existe-t-il un moyen de les apaiser ou de leur offrir une mort digne de ce nom ?

Extraits du Voluminen Secundum : De Civitate Tzak K’ani (« Deuxième volume : des cités-États du Tzak K’an »)

Les b’olon t’oons

On a longtemps cru que les b’olon t’oons étaient des divinités du panthéon tzak k’anien, mais il s’avère finalement que ces « neuf foulées »—une traduction plutôt approximative—sont des êtres plus simples et, paradoxalement, bien plus terrifiants. Si l’on en croit les recherches de Magnhildr Hildr, il s’agirait purement et simplement des « esprits de destruction qui se manifestent à la fin de chaque monde. » Bien que beaucoup d’érudits théans aient

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Chapitre 1 | L'Aztlan

rejeté ces conclusions—les considérant comme le simple délire d’une folle—mes sources les plus fiables m’ont confirmé que la théorie d’Hildr fut, en son temps, corroborée par plusieurs sages tzak k’aniens. L’ensemble des témoignages recueillis concordent sur le fait que les b’olon t’oons ont neuf pattes. En revanche, toutes les autres informations recueillies sont, au mieux, contradictoires, au pire, à peine déchiffrables.

Un groupe d’explorateurs, menés par une certaine Gionata Vincenzo Guerino Gregorio Cisternino, déclara un jour en avoir rencontré. Après une longue conversation, il paraîtrait que ces créatures leur confièrent « le message des b’olon t’oons. » Le contenu de ces paroles est malheureusement inconnu car Gionata et ses compagnons se volatilisèrent mystérieusement avant de pouvoir les coucher par écrit. On raconte également qu’un autre groupe

aurait un jour entrepris un voyage ce qui restera donc une rumeur. « jusqu’à une région dans les nuages, Certaines questions sur les b’olon bien au-delà des frontières observables t’oons demeurent toujours sans du ciel » en compagnie de ces créatures. réponse : Malheureusement, leur disparition rend Peut-on réellement survivre après les impossible toute possibilité de confirmer avoir rencontrés ? Si oui, comment ?

Les

Peut-on les chevaucher sans risque ? Quel serait le prix d’une telle chevauchée ? Où nous emmèneraient-ils avec leurs neuf pattes ?

camazotz

Ce nom, qui signifie littéralement se sont approché, sans le savoir, d’une « chauve-souris de la mort, » fait aussi grotte ou d’un puits qui n’étaient que bien référence à l’essaim de chauve-souris des ouvertures sur l’outre-Monde. Ces qui réside à Xibalba—l’outre-Monde créatures ailées semblent toujours prêtes des croyances tzak k’aniennes—qu’au à protéger leur royaume, emportant avec message de Kimi, le dieu de morts. elle les voyageurs imprudents jusqu’à Un des principaux récits relatifs aux Xibalba. Le Livre du peuple relate trois camazotz se trouve dans la traduction occasions où les camazotz ont quitté du Livre du peuple, par Trinidad Cruz Xibalba pour venir assombrir le ciel Villaverde. Le texte les décrit ainsi : d’Aztlan et mentionne que, chaque « extrêmement dangereuses et d’appafois, cela a apporté malheurs et désastres rence squelettique, ces chauve-souris sur les personnes qui avaient provoqué peuvent atteindre une taille gigantesque leur courroux. et sont capables de décapiter un humain Ce même livre décrit une autre d’un coup rapide et unique. » espèce qui leur est sans doute liée, celle Le principal problème avec les « d’hommes aux ailes de chauve-souris. » camazotz est que l’on peut les rencontrer Ceux-ci, moins féroces que leurs congépar accident. Cela est par exemple nères, semblent paradoxalement bien arrivé à de malheureux explorateurs qui plus dangereux. En effet, dans l’une des

Les

Quel message ont-ils à confier ? Celui-ci concerne-t-il la fin du monde ?

notes de sa traduction, Cruz Villaverde précise : « ces créatures viennent proposer aux humains les marchés du dieu Kimi, dont les termes sont toujours défavorables pour qui les accepte. » Certaines questions sur les camazotz demeurent toujours sans réponse : Qu’est-ce qui peut bien les énerver au point qu’elles assombrissent le ciel d’Aztlan ? Comment repérer les entrées vers l’outre-Monde ? Peut-on survivre si elles nous entraînent jusque là-bas ? Quel message de l’outre-Monde apportent-elles quand elles apparaissent au nom du dieu Kimi ? Quelles sont les conditions de leur marché ?

mannequins

Parmi les légendes et les histoires que j’ai étudiées lors de mes voyages à travers l’Aztlan, une a instillé la peur dans mon cœur. J’aurais aimé pouvoir la considérer comme un simple conte destiné à effrayer les plus jeunes, malheureusement, mon expérience personnelle m’a montré l’horrible réalité des mannequins. Au cours de l’une de mes expéditions au Tzak K’an, j’ai entendu quelques rumeurs les concernant. Les indigènes prenaient d’abord toujours soin de les chuchoter, puis ils adressaient des prières enfiévrées à leurs nombreux dieux. Lorsque les dieux tzak k’aniens voulurent pour la première fois créer

la vie, ils échouèrent. Les mannequins sont la résultante de cet échec. Sculptés dans du bois mais d’apparence trompeusement humaine, ils marchent depuis parmi les vivants. La plupart du temps, on ne les remarque même pas tant ils nous ressemblent. Il n’y a que deux signes qui puissent les trahir : ils sont muets et leur regard est inexpressif et sans vie. J’eus le privilège—ou la malchance, tout dépend du point de vue—d’être présent lorsque la nature de l’une de ces créatures fut révélée. Aussi étonnante fut l’expérience, elle n’aurait toutefois été qu’anecdotique si, deux jours plus tard, je n’avais pas vu mon sosie quitter la cité pour s’enfoncer dans la jungle.

Je suis, depuis ce jour, incapable de chasser cette image de mon esprit, et j’ai peur qu’elle me hante jusqu’à la fin de mes jours. Certaines questions sur les mannequins demeurent toujours sans réponse : Comment faire pour les repérer ? Quel genre de magie nous empêche de les détecter ? Les mortels peuvent-ils l’utiliser ? Quel sortilège permet de les invoquer ? À défaut, où peut-on les trouver ? Quels est le prix à payer ou les ingrédients à utiliser pour une telle incantation ? Si l’on parvenait à les invoquer, comment pourrait-on les arrêter ?

7E MER : LE NOUVEAU MONDE

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Les

pet mo’

D’après les croyances tzak k’aniennes, la Terra ferait partie d’un continuum de mondes. Les pet mo’ (les « descendants » en tzak k’anien) sont l’une des illustrations les plus célèbres de cette théorie. La première itération connue de ce nom fait référence au « Soleil unique et véritable. » Les légendes disent qu’il s’agit d’une divinité tombée du ciel à cause des Jumeaux héroïques (de célèbres héros légendaires du folklore tzak k’anien) qui aurait eu une descendance en Aztlan : les pet mo’. Tout cela serait resté de l’ordre du mythe sans l’obsession à leur sujet de Fiorenzo Montagna, le tristement célèbre pilleur de tombes vodacci dont les actes furent

particulièrement préjudiciables à notre cause savante en Aztlan. De nombreuses sources fiables m’ont confirmé que Montagna dépêcha et mena plusieurs expéditions pour rechercher les descendants des premiers pet mo’. Il semblerait en effet que ces créatures possèdent en elle une partie des pouvoirs et du savoir de leur géniteur. On dit que les informations qu’il a recueillies au fil de ses recherches confirmeraient que les pet mo’ seraient capables, moyennant rétribution, de « transmettre le savoir du monde précédent. » On ignore le prix exact de ce privilège, mais Montagna n’est

réputé ni pour sa retenue ni pour son sens de la mesure, surtout lorsqu’il s’agit d’acquérir une puissance qui ne lui appartient pas. Certaines questions sur les pet mo’ demeurent toujours sans réponse : Que demandent-ils en échange de leurs connaissances sur le monde d’avant ? Peuvent-ils être vaincus ? Quelles sont leurs faiblesses ? Est-il possible que les premiers pet mo’ aient un pouvoir équivalent à celui du Soleil unique et véritable ?

Extraits du Voluminen Tertium : De Impero Kuraq (« Troisième volume : de l’Empire kuraque »)

Les

amarus

Les amarus sont de gigantesques serpents bicéphales—une tête d’oiseau et une autre de puma—qui vivent dans la cordillère d’Hark’apa. Ces créatures furent découvertes par Caridad Vega de Ochoa, le premier Théan à pénétrer au Kuraq. Sa compagne et biographe, Cristina Mata, écrivit alors que « les amarus volaient bien au-dessus de la cordillère d'Hark’apa lorsqu’ils disparurent soudainement, comme si, d’une seconde à l’autre, ils étaient devenus immatériels. » Cela s’est avéré cohérent par rapport aux témoignages recueillis par la suite en interrogeant explorateurs et savants. Ainsi, selon les mots rapportés par Augustin Bisset, « ils [les amarus]

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Chapitre 1 | L'Aztlan

peuvent transcender le plan matériel et rejoindre l’ailleurs. » Ce qu’est cet « ailleurs » ne fait pas consensus : la majorité des théories s’accordent à dire qu’il fait référence à l’Ukhu Pacha, l’outre-Monde des croyances kuraques, mais d’autres études ont au contraire abouti à la conclusion qu’il existerait une connexion entre les amarus et le Monde d’en-haut, dont ils garderaient l’entrée. Quoi qu’il en soit, leur rôle précis vis-à-vis des autres Mondes demeure à ce jour un mystère. On notera que certaines hypothèses associent les amarus à Supay, dieu de la mort et protecteur de l’Impératrice du Kuraq, affirmant qu’ils seraient ses yeux et ses oreilles en Aztlan. Cette

hypothèse, si elle était confirmée, ferait immédiatement d’eux des acteurs politiques majeurs dans l’Empire, et par extension dans toute l’Aztlan. Certaines questions sur les amarus demeurent toujours sans réponse : Peut-on négocier avec eux une chevauchée jusqu’à l’outre-Monde ? Que demanderaient-ils en échange ? Où déposeraient-ils les voyageurs ? Peuvent-ils nous apprendre quoi que ce soit sur Supay, qu’il s’agisse de ses intentions ou, mieux, de ses faiblesses ? Sont-ils réellement liés à Supay ? Si oui, peut-on les empêcher de communiquer à leur dieu ce qu’ils voient et entendent ?

Les

inkarris

Les inkarris sont de défunts dirigeants kuraques qui furent démembrés et n’ont jamais été momifiés. On les condamna ainsi à vivre emprisonnés dans ce monde, sans jamais pouvoir devenir des Vénérables. Dans cette culture où la différence entre vie et mort est à peine perceptible, l’existence des inkarris démontre que même la mort ne peut empêcher les plus déterminés de guider leur peuple. Le plus intéressant chez les inkarris n’est finalement pas qu’ils soient toujours en vie, mais plutôt qui leur a permis de continuer à vivre. On chuchote ainsi—mais pas trop fort, évidemment, nous sommes au Kuraq—que les inkarris constituaient

Les

Dès lors, ils se mirent à la recherche de celles et ceux qui leur avaient infligé cette terrible malédiction, car ils avaient désormais soif de vengeance. » Certaines questions sur les inkarris demeurent toujours sans réponse :

sera portée par les unu pachacutis, les esprits du déluge qui mirent fin au monde précédent. Si beaucoup de Kuraques ignorent ce qu’ils ne considèrent que comme des légendes, d’autres ont tout de même commencé à renoncer en secret aux enseignements de l’Empire, effrayés par la possibilité que Ninaq’ara déchaîne son courroux sur eux—et l’Aztlan toute entière—plus tôt que prévu. Ils considèrent ainsi que les catastrophes climatiques récentes et les pluies diluviennes jusque-là inédites sont la preuve concrète que le dieu a déjà invoqué les unu pachacutis. La seule chose qui leur

reste à faire est d’implorer son pardon et de dédier leur vie à la volonté de Theus. Certaines questions sur les unu pachacutis demeurent toujours sans réponse :

messages, leur volonté divine : annihiler toute présence théane au Kuraq, ainsi que dans le reste de l’Aztlan. L’exploratrice rzeplitaine Terézia Szöke, présente lors de l’apparition de wak’as, témoigne qu’« ils firent parler les possédés d’une voix étrange, puis se peignirent le visage en rouge avant de se rendre dans un lieu fait de pierres sacrées dressées. Ils y demeurèrent tandis que les Kuraques se mirent à

les vénérer en tant qu’incarnations des wak’as, ou ‘oqe phutiy’. » Aussi dérangeants ce rapport—et d’autres similaires—soient-ils, il semblerait que nous autres Théans ne puissions pas faire grand-chose. Toutes les expéditions envoyées sur les lieux des manifestations d’oqe phutiy n’en ont jamais vu aucune trace. De plus, après avoir témoigné au sujet des wak’as, Szöke ne fut plus jamais revue. En dépit

Peut-on discuter avec eux pour obtenir des informations ? Quels seraient les termes d’une telle négociation ? Une fois leur vengeance accomplie, rejoindront-ils l’Impératrice ou la résistance ? Où se trouve la cité perdue de Kachu Pual ? Peut-on y rencontrer le dieu de la mort ?

unu pachacutis

Les croyances kuraques disent qu’il existait une civilisation avant l’Empire, un pays qui fut englouti par un gigantesque déluge. Les légendes disent que Ninaq’ara, le père des dieux, invoqua des esprits pour déchaîner ce cataclysme sur le peuple qui habitait autour du lac K’ayra. Seuls un homme et une femme survécurent. On raconte qu’ils vivent encore de nos jours. Répondant aux noms de Ñawpaq et d’Iskay, ils voyagent aujourd’hui dans tout l’Empire pour mettre en garde les Kuraques : s’ils n’y prennent garde, leurs « actes malfaisants » déclencheront une nouvelle apocalypse, et celle-ci

Les

une menace pour ceux qui tenaient les rênes du pouvoir. Ces derniers, par peur de ce que ces opposants pourraient leur faire dans l’après-vie, décidèrent de les démembrer et d’inhumer leurs restes en divers endroits de l’Aztlan, et ce afin qu’ils ne puissent jamais communiquer avec leurs descendants. Si leur plan était parfait sur le papier, les résultats confinèrent cependant au fiasco : non seulement les inkarris réussirent à déjouer ce châtiment, mais ils jurèrent en plus d’exercer leur vengeance sur ceux qui les avaient condamnés. Le témoignage d’un dénommé Pachakutek indique que « les corps des inkarris furent rapiécés par Supay au cœur de la cité perdue de Kachu Pual.

Quels actes répréhensibles pourraient amener un nouveau déluge sur le monde ? La Théah s’en trouverait-elle affectée ? N’obéissent-ils qu’aux ordres de Ninaq’ara ? Peut-on les contrôler grâce à une magie spécifique ? Une fois relâchés, peut-on les arrêter ? Si oui, quel genre de rituel ou sacrifice serait nécessaire ?

oqe phutiy

Les oqe phutiy sont des phénomènes nés de l’arrivée des Théans en Aztlan. Les croyances kuraques disent ainsi que les wak’as (« esprits sacrés » en kuraqi) furent grandement agacés par la présence d’étrangers qui profanaient les terres pures du Kuraq. Ils commencèrent donc à prendre possession de certains Kuraques, les faisant danser au son d’une musique silencieuse et proclamant, par le biais de mystérieux

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de la récompense considérable offerte en échange d’informations sur son emplacement, elle n’a toujours pas été retrouvée. Depuis sa disparition, rares sont les aventuriers disposés à entreprendre une telle quête.

Certaines questions sur les oqe phutiy demeurent toujours sans réponse : Peuvent-ils prendre possession de n’importe qui ? Quels sont les traits que partagent les possédés ? Pourquoi se peignent-ils le visage en rouge ?

Quel genre de rituel permettrait d’achever leur œuvre et de déchaîner le pouvoir des wak’as sur les Théans ? Quelle est la nature de leur relation avec la résistance kuraque ?

Addendum : De Deis Mundi Novi (« Des dieux du Nouveau monde »)

Dans notre quête pour comprendre et consigner l’existence de ces diverses entités vivantes, nous en avons rencontré certaines qui échappent à toute forme de classification. Non seulement elles sont bel et bien immortelles—leur existence avoisine les siècles, voire les millénaires—mais

Ayar Kachi

Ayar Kachi, le frère de Manqu Qhapaq, est connu comme « le géant piégé sous la cordillère d’Hark’apa. » Il serait, dit-on, d’une force extraordinaire. Nombre d’histoires parlent ainsi d’une puissance « sans égale, » tandis que les récits plus poétiques—et souvent plus exagérés—évoquent de véritables exploits, par exemple lorsqu’il détruisit une montagne d’une seule pierre de sa fronde. Ayar fut emprisonné par ses frères quelque part dans les cavernes de Llakipakuy. L’emplacement exact de cette prison demeure un mystère, tout comme la raison de cette détention. Plus d’un historien kuraque s’accorde

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Chapitre 1 | L'Aztlan

en plus, elles semblent pourvues d’une puissance et de pouvoirs qui dépassent tout ce que nous pourrions considérer comme « naturel. » Conséquemment, j’ai eu recours à un langage qui n’est pas fondamentalement naturaliste, mais qui ressemble davantage à ce que l’on pourrait lire dans des traités de

philosophie ou des textes canoniques de l’Église vaticine. Vous trouverez ci-après divers témoignages concernant certains de ces dieux—car aucun autre nom ne leur siérait mieux—qui arpentent actuellement l’Aztlan.

à dire que le comportement violent d’Ayar Kachi en fut la cause principale, une information qui s’avère particulièrement crédible lorsque l’on sait que les Kuraques peuvent communiquer avec leurs défunts ancêtres. On ne sait pas s’il en est l’instigateur, mais Manqu Qhapaq n’est clairement pas étranger à cette captivité. Bien qu’il ne soit techniquement plus en vie, il a fait part, à plusieurs reprises et à travers différents réceptacles, de sa résolution sans faille à empêcher que son frère ne s’échappe de sa prison. Ce sont ainsi des richesses considérables qui sont offertes à quiconque ose s’aventurer dans les cavernes de Llakipakuy pour s’assurer

qu’Ayar Kachi est toujours endormi. Personne ne sait exactement quels genres d’horreurs ce dieu pourrait répandre sur le Kuraq et le reste de l’Aztlan s’il parvenait à s’échapper de sa prison. Ayar Kachi a beau être enfermé sous une montagne, il prend régulièrement contact avec des oracles et des prêtres. Un culte lui est en effet dévoué, en dépit de la vigilance de Manqu Qhapaq pour le maintenir isolé du reste du monde. Certains prêtres, que l’on retrouve souvent infiltrés dans l’armée du Kuraq, le prient ainsi en échange de force et de pouvoir.

Nacatlicue

Une autre de ces histoires qui sait mettre La déesse fut assassinée par quatre à l’épreuve nos notions théanes de bien cents de ses propres enfants, parmi et de mal est celle qui relate la chute lesquels se trouvait sa fille la plus de Nacatlicue. Elle fut consignée dans rancunière, Coyolxauhqui. La Mère notre langue grâce aux vaillants efforts mortifère des Nahuacans donna alors la de Mies Willy Van Hofwegen, le chef de vie au dieu Huitzilopochtli qui apparut, l’Intrépide compagnie des farfouilleurs. armé, pour protéger sa mère. On dit de Nacatlicue, la « Mère La colère qu’elle nourrit à l’encontre mortifère » des Nahuacans, que son de Coyolxauhqui et du reste de ses corps est dépecé de la tête à la taille, ce enfants n’a fait que croître au fil du pourquoi son apparence est sûrement temps. Elle a ainsi promis d’anéantir plus déstabilisante que celle de n’imtous ceux de ses rejetons qui l’ont porte quel autre dieu aztlan. trahie, mais si sa fureur venait à être

Lum Pak’

et

Cabrakan

Ces frères jumeaux sont respectivement les dieux des profondeurs et des tremblements de terre. Les croyances tzak k’aniennes les décrivent comme violents et arrogants, au point que la population a majoritairement peur d’eux. Lum Pak’ était un gigantesque caïman, si puissant qu’il était capable de créer des montagnes. Les récits disent que les Jumeaux héroïques s’en débarrassèrent en le transformant en pierre. Cependant, si l’on en croit quelques rapports troublants faisant part de montagnes qui surgissent de nulle part puis disparaissent sans aucune explication, il se pourrait que le récit de cette défaite ne soit rien d’autre qu’un conte de fées. Elspet MacKendrick fit notamment le récit d’un tel événement. Cette exploratrice intrépide a vu et entendu plus de choses en Aztlan que la plupart

des Théans, et je me porte garante d’elle sans la moindre hésitation. Lum Pak’ est donc peut être encore en liberté. Son frère, Cabrakan, est a priori encore plus dangereux. On le décrit comme « un esprit caractériel qui n’a cure des êtres vivants ou de quelque forme d’adoration que ce soit. » Les rapports disent que les montagnes mouvantes s’accompagnent généralement d’une baisse significative des séismes dans les cités-États du Tzak K’an. On ignore s’il s’agit des actions combinées des deux dieux, ou de signes annonciateurs d’un cataclysme naturel, mais quoi qu’il puisse en être, le devoir de tout érudit digne de ce nom est de découvrir la vérité qui se cache derrière ces événements et, si possible, d’aider les Tzak K’aniens à trouver une solution à leur(s) problème(s).

libérée, rien ne dit que seule sa progéniture subirait les conséquences de sa juste vengeance. Nacatlicue possède des adorateurs partout en Aztlan, pas seulement dans l’Alliance nahuacane. Ses Intermédiaires sont les prêtres et, d’une manière générale, les dirigeants de sa foi. Elle les guide dans leurs activités agricoles et ceux qui suivent ses conseils obtiennent les récoltes les plus foisonnantes et les meilleures bêtes d’élevage.

Lum Pak’ et Cabrakan possèdent chacun une poignée de fidèles éparpillés à travers les cités-États du Tzak K’an. Cabrakan n’a pas d’Intermédiaire dédié. De temps en temps, quelqu’un prétend avoir eu une vision d’une secousse sous ses pieds, mais cela n’amène que rarement à quelque chose de concret. Au contraire, Lum Pak’ communique régulièrement avec ses prêtres. Ceux-ci vivent essentiellement à Yok’ol, une petite cité-État dédiée à son culte. La majorité des Tzak K’aniens ne connaissent pas ce culte, mais ceux qui ont la malchance de croiser sa route comprennent pourquoi Lum Pak’ est craint de tous depuis des siècles.

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Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane

Chapitre 2

L’Alliance nahuacane 7E MER : LE NOUVEAU MONDE

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L'Alliance nahuacane « Nous avons envoyés marchands et diplomates afin de négocier pacifiquement votre adhésion à l’Alliance, mais vous les avez refoulés. Nous allons donc devoir user d’autres moyens de persuasion... » — Ome Tochtli des cuāuhmeh L’Alliance nahuacane s’est construite au fil des batailles et s’est consolidée grâce à la grande rigueur de ses structures juridiques et politiques. La Nation traverse désormais l’Aztlan de part en part, réunissant une multitude d’États nahuatlophones plus ou moins consentants sous la houlette de quatre grandes cités et de leurs puissantes divinités. Même si les Nahuacans obéissent à un ordre social rigoureux, ils louent l’héroïsme et la grandeur sans tenir compte des castes ni des statuts. Leurs sorciers possèdent d’incroyables pouvoirs issus du cœur culturel de leur civilisation d’une part, et des créatures les plus mortelles vivant dans la nature environnante d’autre part. Leurs armées, courageuses et parfaitement organisées, contrôlent la totalité de la région. Bien que les Nahuacans soient incontestablement les plus forts, un grand danger les menace tout de même. Chicahua Tlatoa, Grand orateur et chef de l’Alliance, est jeune et

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Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane

inexpérimenté. Il n’a ni l’influence, ni le pouvoir de ses prédécesseurs. Les dirigeants des deux principales forces militaires, l’Aigle et le Jaguar, se battent pour gagner sa faveur ou, à défaut, lui subtiliser le pouvoir. Tlatoa a bien conscience de leurs manigances, mais il n’a pas les moyens de les arrêter car ni l’un ni l’autre ne l’ont encore attaqué. Il sait toutefois que ce n’est qu’une question de temps avant que cela n’arrive. Aux yeux des Nahuacans et de leurs alliés, l’Alliance représente l’ordre, la civilisation, la richesse et la sécurité. Aux yeux de leurs ennemis, elle est synonyme de tyrannie, de conformisme, de pillage et de militarisme démesuré. Les Héros nahuacans sont des tacticiens de génie, des athlètes accomplis, des artisans prodigieux, des entrepreneurs audacieux ou des défenseurs d’une cause perdue. Les Scélérats nahuacans sont quant à eux des gouverneurs tyranniques, des seigneurs de guerre sans pitié, des sorcières sociopathes ou des intégristes culturels.

Histoire

Le territoire nahuacan s’étend des déserts arides du nord aux plaines côtières de l’est en passant par les imposantes montagnes orientales qui marquent la frontière littorale avec la mer de la Sombre désolation. L’intérieur des terres est majoritairement sec et aride, fait de déserts quasi infranchissables traversés de part et d’autre par des routes pavées et des points de transit entre les différentes cités. La plupart des Nahuacans s’accordent à dire que l’Alliance s’est construite dans les guerres et les conquêtes, au fil de batailles qui la façonnèrent et définirent petit à petit ses objectifs. Toutefois, avant les batailles et avant l’arrivée des dieux qui veillent aujourd’hui sur les quatre cités gouvernantes, il existait déjà un empire fier, entêté et condamné à disparaître : l’Empire aztlan.

L’Empire aztlan L’histoire de l’Empire aztlan est voilée de mythes et de mystères. Les légendes disent qu’il exista des millénaires durant, qu’il plia la terre, la mer et les cieux à sa volonté grâce à des merveilles technologiques désormais perdues. Il s’étendait sur tout le continent et par-delà l’océan, via des colonies éparpillées à travers la Théah et même plus loin à l’est. Il existe autant d’histoires relatives à la nature exacte de l’Empire que d’États au sein de l’Alliance. Les Nahuacans vivant dans les villes principales de l’Alliance estiment être les descendants des habitants de l’Empire. Les autres, au contraire, pensent qu’il était habité par un peuple primitif dont la culture est aujourd’hui incompréhensible pour les Aztlans. En dépit de ces divergences, tous les Nahuacans s’accordent sur les raisons de la chute de l’Empire : à l’apogée de son pouvoir, le gouvernement impérial devint indiscipliné et suffisant. Les crimes mineurs prirent dès lors de l’ampleur et amenèrent une violence sans limites. Si les familles, académies, maisons de nobles et guildes marchandes avaient jadis unifié le peuple, les conflits et les hors-la-loi le déchirèrent petit à petit. Bandits et sorcières se saisirent alors du pouvoir politique. Les armées impériales, inexpérimentées et désordonnées après tant d’années de paix, s’avérèrent inefficaces et trop éparpillées pour leur tenir tête. Peut-être par dédain, peut-être par châtiment, les dieux-rois n’intervinrent pas et laissèrent leur Empire sombrer. En cette époque troublée, une alliance de familles liées par l’amitié, les mariages et le sang prit la fuite. Ces

personnes, qui vivaient autrefois dans des tours étincelantes et des villas gigantesques, durent se réfugier tels des troglodytes dans un réseau de grottes souterraines. Tandis qu’à l’extérieur les temples brûlaient et les cités tombaient, ils renouèrent avec le mode de vie de leurs ancêtres avant la création de l’Empire : des chasseurs-cueilleurs effrayés par le climat et les prédateurs, trouvant à peine de quoi survivre dans les forêts ou sur les corps jonchant le sol des villes agonisantes.

Les Quatre Bien longtemps après la Chute, quatre divinités pénétrèrent dans les grottes. La première, Ītzzohualli, avait la peau noire comme l’obsidienne ainsi que des yeux étincelants. Le deuxième, Tlehuitzin, était nimbé de flammes bleues. La troisième, Nacatlicue, était à nu devant les éléments, dépourvue de peau, toute en muscles et tendons sanguinolents. Quant au dernier, Apocōātl, il s’agissait d’un serpent à plumes blanches doté d’yeux paisibles et tristes. Ils rassemblèrent les anciens des familles troglodytes pour leur dire qu’ils étaient les enfants d’une divinité tombée lors d’un âge désormais révolu. Ils se présentèrent comme les nouveaux dieux venus protéger l’humanité d’elle-même en la guidant vers un nouvel âge civilisé. Les troglodytes—qui, bien plus tard, se nommeraient Nahuacans—firent confiance à ces êtres étranges. Ils surmontèrent alors leur peur pour s’installer à l’extérieur des grottes. Quand des ennemis surgirent du sud, Tlehuitzin transforma sa ceinture en un serpent incandescent avec lequel il consuma les assaillants. Quand des ennemis surgirent de l’est, Nacatlicue ensanglanta la terre pour faire germer cactus et ronces afin de les repousser. Quand des ennemis surgirent du nord, Ītzzohualli souffla une brume épaisse et aveuglante avant d’envoyer phalènes et chauves-souris aux ailes d’obsidienne trancher leurs veines sans faire un bruit. Quand des ennemis surgirent de l’ouest, Apocōātl prit la taille d’une gigantesque pyramide et les dévora tout entiers.

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L’art de la guerre

L’apprentissage de la sorcellerie

Les légendes disent que les guerriers de l’Empire aztlan portaient des armures et des armes plus solides et acérées que n’importe quelles autres sur Terra. On raconte que les forges qui servaient à les concevoir furent abandonnées après la Chute, et que ces objets d’exception furent oubliés ici et là en Aztlan. Les survivants de l’Empire possédaient quelques-unes de ces armes, mais ils ne pouvaient en produire davantage. Les mines aztlanes étaient épuisées depuis longtemps et, de toute façon, ils ne savaient plus comment extraire et travailler le minerai. Ils se défendirent dans un premier temps avec ce qu’ils trouvèrent dans les ruines de l’ancien monde, et apprirent progressivement à créer des armes simples—mais tout aussi mortelles—à partir d’éclats d’obsidienne et de cuivre martelé. Ils conçurent également des armures faites de matières végétales et de plumes. Apprivoisant la jungle, ils s’entraînèrent aux manœuvres et élaborèrent des stratégies pour vaincre leurs ennemis mieux équipés. De nombreux siècles plus tard, ils en feraient de même avec les envahisseurs théans. Au fil du temps, ils perfectionnèrent leurs techniques militaires. Chaque bataille fut un enseignement, chaque moment de répit une raison de s’entraîner. Si cette tradition militaire venait à l’origine de la peur et du désespoir, elle s’institutionnalisa avec les siècles. Aujourd’hui, tous les Nahuacans savent se battre. Jeunes enfants comme vénérables anciens peuvent opposer une longue lance à la charge de leurs ennemis.

L’Empire aztlan redoutait les sorciers. Les dieux-rois avaient en effet décrété que l’usage de la magie était punissable de mort. Aucun Aztlan digne de ce nom n’aurait donc eu l’idée de la pratiquer, c’est pourquoi les sorciers et sorcières vivaient à l’écart de la civilisation, exerçant leur pratique honnie pour les plus désespérés, ceux qui n’avaient plus personne vers qui se tourner. Les Nahuacans habitaient cette même nature où se réfugiaient jadis ceux qui pratiquaient la magie. Ils étaient devenus ces étrangers que leurs ancêtres avaient toujours méprisés. Tandis qu’ils étaient cernés par nombre d’ennemis belliqueux, ils supplièrent les dieux de leur enseigner la sorcellerie afin qu’ils puissent combattre sans dépendre d’eux. Les Quatre, que la magie n’offusquait pas, acceptèrent sans hésiter. Ītzzohualli leur apprit à prédire les futurs possibles en sondant un miroir en forme de disque à travers un rideau de fumée. Apocōātl, quant à lui, leur expliqua comment créer un animal totem afin d’en obtenir les capacités. Tlehuitzin, à son tour, leur enseigna comment agencer les plumes des oiseaux afin de s’armer et se protéger. Enfin, Nacatlicue les initia au secret du sacrifice : le sacrifice d’une chose sacrée aux yeux d’un dieu mène toujours vers une apothéose au cours de laquelle celui qui est sacrifié ne fait plus qu’un avec la divinité. Ces connaissances se répandirent rapidement dans toute la population. Bientôt, les Nahuacans purent se défendre seuls contre leurs assaillants. Les sorciers prédisaient les mouvements ennemis grâce à la Divination et concevaient des pièges mortels. Leurs guerriers attaquaient avec la coordination d’une meute de loups et les sens des hiboux,

Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane

ignorant totalement les coups grâce à leurs armures et boucliers faits de plumes. Enfin, ils sacrifiaient des prisonniers capturés afin de donner plus de force à leurs dieux. Aujourd’hui, la majorité des Nahuacans craignent et rejettent ces quatre formes de sorcellerie, tout comme leurs ancêtres avant eux. Toutefois, aucun historien digne de ce nom ne saurait nier l’importance qu’elles eurent dans la construction de l’Alliance.

La séparation Au fil du temps, cette civilisation nouvelle prit de plus en plus d’envergure. La population grandissant, les ressources se tarirent : les territoires de chasse restaient rares et les terres arables l’étaient plus encore. Des désaccords naquirent alors, tant chez les Nahuacans que parmi les Quatre. Chacun recherchait la vénération du peuple au détriment des trois autres, ce pour quoi les clergés qui se formèrent autour de leur culte se firent de plus en plus fanatiques. Les luttes intestines se répandirent dès lors comme une traînée de poudre, chaque dieu encourageant ses dévots à s’en prendre à ceux des autres. En seulement quelques années, les Nahuacans se divisèrent en quatre groupes, chacun placé sous la protection d’une divinité tutélaire. Les fidèles d’ Ītzzohualli se rendirent au nord, dans les vallées fertiles situées entre les volcans et fondèrent Mīlllahco. Apocōātl, le Serpent des tempêtes, mena quant à lui les siens à l’ouest, dans les dangereux marais ; là, sur ce qui deviendrait Tecuehtitlān, ils bâtirent des dragues, construisirent des temples au-dessus des eaux sombres et apprirent à utiliser les plantes pour se nourrir et se soigner. Nacatlicue, de son côté, alla vers l’est jusqu’à ce que ses fidèles découvrent des étendues de céréales telles qu’ils n’en avaient jamais vues auparavant ; la déesse bâtit Ōlōxochicalco et s’assura alors que les terres de son peuple soient à jamais fertiles. Tlehuitzin, enfin, voyagea jusqu’au sud pour édifier Nexhuatipec ; ses fidèles devinrent des chasseurs habiles, puis des guerriers aguerris qui recueillaient le plumage des oiseaux pour créer de magnifiques ouvrages d’art et de magie.

L’Éternelle guerre des Quatre Après la Chute, de nombreux États indépendants avaient vu le jour dans tout le nord de l’Aztlan. En guerre perpétuelle les uns contre les autres, ils vénéraient généralement d’autres dieux que les Quatre, quand bien même ils n’ignoraient pas que le véritable pouvoir des quatre grandes cités venait de leurs puissants protecteurs. Ōlōxochicalco fut la première cité à lever et entretenir une armée de métier, suivie de près par Tecuehtitlān. Les prêtresrois recrutèrent les guerriers les plus dévoués et les entraînèrent aux arts martiaux. Dès lors, les soldats se mirent à patrouiller le long des frontières, et à espionner les États voisins qu’ils estimaient faibles et vulnérables avant de les attaquer par surprise. Mīlllahco et Nexhuatipec se pressèrent à leur tour de former leurs armées. Malheureusement, le produit de leurs agricultures respectives étant bien moins abondant, et elles ne purent réquisitionner qu’un nombre limité de travailleurs. Ītzzohualli et Tlehuitzin leur conseillèrent alors de créer des troupes d’élite, inférieures en nombre mais si bien entraînées qu’elles seraient capables de tenir tête aux armées les plus conséquentes. À Mīlllahco, les ocēlōmeh (ou « guerriers jaguars, » singulier : ocēlōtl) furent entraînés pour être rapides et discrets. Portant des peaux de jaguar noir pour se fondre dans la nuit et les ombres, ils maniaient des lances, des haches de cuivre et de longs couteaux en obsidienne. Leur spécialité était l’infiltration dans les camps ennemis pour assassiner les officiers et empoisonner la nourriture. Les cuāuhmeh (ou « chevaliers aigles, » singulier : cuāuhtli) de Nexhuatipec, quant à eux, portaient des armures de plumes renforcées par la sorcellerie. Ces guerriers, dotés de boucliers de plumes capables de parer n’importe quel coup, formaient l’infanterie la plus lourde et la plus résistante de toute l’Aztlan. Les armées d’Ōlōxochicalco et Tecuehtitlān avaient beau être plus grandes, ocēlōmeh et cuāuhmeh n’en demeuraient pas moins les soldats les plus craints. Chacune de ces quatre cités remercia son protecteur divin pour son aide et sa générosité. Au sommet de gigantesques temples de pierre, les prêtres leur sacrifièrent objets, récoltes, animaux et êtres humains. Chaque sacrifice donnait toujours plus de pouvoir aux dieux, leur permettant de multiplier leurs dons en force, chance et sorcellerie. Durant des siècles, Mīlllahco, Nexhuatipec, Ōlōxochicalco et Tecuehtitlān s’opposèrent les unes aux autres. Aucune ne prit jamais le dessus. Si la chance souriait à une ville, les trois autres se liguaient contre elle. Une fois leur ennemi commun affaibli, les querelles reprenaient. Ainsi allait le cycle de l’Éternelle guerre des Quatre.

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La fondation de l’Alliance Chaque guerre donna naissance à de nouvelles technologies militaires, à de nouvelles avancées tactiques, stratégiques et organisationnelles, ainsi qu’à une quantité toujours plus importante de sacrifices humains destinés à hisser un dieu au-dessus des autres. Tout cela finit par aboutir à une confrontation directe entre les quatre armées, à une époque où les Quatre avaient atteint des proportions inimaginables—les histoires parlent d’imposantes montagnes en mouvement—grâce aux sacrifices incessants. L’ultime bataille devait se dérouler dans une cité en ruine, un vestige de l’Empire aztlan. Cependant, avant que ne retentisse la première conque, un officier cuāuhmeh sortit des rangs de l’armée de Nexhuatipec. Il plaça un porte-voix devant ses lèvres. Tous s’attendaient à ce qu’il déverse l’incontournable flot d’insultes précédant n’importe quelle bataille majeure. À la surprise générale, ses mots furent différents : Je suis officier dans l’armée de Nexhuatipec. J’ai gagné mes galons en capturant des prisonniers sacrificiels, les meilleurs guerriers que les rangs de mes ennemis aient jamais comptés. J’ai mené à la guerre un nombre incalculable de soldats, encore et encore. Chaque fois, je reçois davantage d’honneurs, et toujours plus de décorations viennent orner mes habits. Aujourd’hui, je suis las de ces combats sans fin. Je suis écœuré de voir tant d’hommes et de femmes valeureux mourir pour glorifier mon dieu. Alors faites-moi exécuter pour trahison, ou ignorez-moi, peu me chaut, mais je ne me battrai plus ! Et si certains parmi vous sont dotés d’un soupçon de bon sens, ils ne se battront plus non plus.

Il ôta alors son casque en forme d’aigle ainsi que sa bannière noire, déposa son mācuahuitl et son bouclier orné de plumes et s’assit. Tlehuitzin, le plus belliciste des Quatre, se pencha par-dessus ses armées, tendit le bras et souleva l’officier à hauteur d’yeux. Tous les spectateurs étaient certains que le dieu ferait tomber l’officier dans sa gueule incandescente. Au lieu de ça, le dieu s’adressa aux quatre armées : Cet homme dit des mots vrais, des mots que personne n’a encore jamais osé prononcer. Mon frère, mes sœurs, nierez-vous qu’il a raison ? Voir des centaines d’âmes périr chaque jour pour assouvir votre faim, cela en vaut-il vraiment la peine ? Cette bataille accomplira-t-elle vraiment ce que les milliers d’autres avant elle n’ont su faire ? J’aime la guerre. Je l’aime plus que n’importe qui. Mais la guerre ne revêt un aspect sacré que lorsqu’elle est faite au nom d’idéaux, de passions ou pour survivre. Ce qui est sur le point de se produire ici n’est pas une guerre. Les prêtres de Tlehuitzin se pressèrent alors pour conduire un rituel sacrificiel en l’honneur de leur dieu. Cependant, au lieu de lui offrir une vie humaine, ils brisèrent leurs armes sur l’autel. Tlehuitzin fut satisfait. Les Quatre, réunis pour la première fois depuis des siècles, s’assirent sur les pyramides et temples en ruines, prenant les dirigeants des cités dans leurs mains pour converser avec eux. Les quatre cités parlementèrent les unes avec les autres, comme des frères et sœurs. Ainsi naquit l’Alliance nahuacane. Le guerrier ayant élevé la voix contre la futilité de la guerre fut nommé Grand orateur par les Quatre qui lui confièrent une unique mission : parler aux dieux au nom des mortels.

Une Nation unifiée L’Alliance se mit d’accord sur une règle : chaque perte humaine causée par les hommes devrait désormais servir l’intérêt général. À défaut, il serait interdit de prendre une vie. C’est ainsi que les sacrifices humains prirent fin, et que les Quatre s’affaiblirent. Ceux-ci, épuisés par tant de siècles de guerre, ne formulèrent aucune objection. Le siège de l’Alliance fut établi à Pepechotlan, une ville neutre à la croisée des quatre territoires, bâtie pour tous les guider de façon équitable. Il fut décidé que le Grand orateur et les anciens des quatre grandes cités vivraient désormais dans cette capitale.

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Les Quatre partirent vivre à Pepechotlan, où les Nahuacans leur érigèrent temples et lieux de culte. Pour la première fois depuis des siècles, ils étaient réunis en un seul et même endroit. Ainsi, si Mīlllahco, Nexhuatipec, Ōlōxochicalco et Tecuehtitlān possédaient toujours une énorme influence politique, Pepechotlan fit office de cité unificatrice suprême. Les traditions martiales des quatre cités furent sauvegardées. Dès lors, elles furent prêtes à faire front commun. Ōlōxochicalco et Tecuehtitlān partagèrent leurs techniques agricoles et logistiques avec Mīlllahco et Nexhuatipec qui, en échange, leur transmirent leurs styles de combat et leurs exercices d’entraînement. L’Alliance créa ainsi l’armée la mieux organisée que l’Aztlan avait jamais vue. Au cours des deux siècles qui suivirent, tous les États indépendants de la région rejoignirent l’Alliance, que ce soit par la diplomatie ou la conquête. Ceux qui résistèrent subirent de plein fouet les représailles de la machine militaire nahuacane.

L’arrivée des Théans En 1576, des explorateurs odisséens établirent le premier contact avec l’Alliance. Ils mirent en place des comptoirs pour échanger habits, produits manufacturés et œuvres d’art venus de Théah avec les marchands nahuacans. Quelques créations artistiques locales (ouvrages de plumes non enchantés, sculptures ou tableaux) changèrent d’abord de main, mais les Théans désiraient surtout acquérir les matières précieuses que recelait l’Aztlan, tels les métaux et bois rares, ainsi qu’une espèce particulière d’insecte, un parasite vivant sur les cactus de la région qui produit une teinture d’un rouge écarlate lorsqu’on l’écrase : la cochenille. Les négociants aztlans, fascinés, s’empressèrent de transmettre la nouvelle de la venue de ces gens étranges à leurs dirigeants. Ces derniers s’inquiétèrent car ils avaient entendu des histoires venues du Tzak K’an à propos des technologies utilisées par ces étrangers qui vivaient, disait-on, sur une terre où le fer est aussi abondant que l’eau. Prêtres et généraux nahuacans surveillèrent attentivement les armes sorties des comptoirs odisséens. De lourds casques et plastrons faits d’acier rutilant contre lesquels l’obsidienne se brisait à l’impact. Des pistolets, des mousquets et des arbalètes dont les munitions pouvaient percer n’importe quelle armure n’ayant pas été renforcée par la sorcellerie. Des bêtes énormes aux allures de daims qu’ils chevauchaient au combat, capables d’atteindre des vitesses phénoménales à terrain découvert. Ils aboutirent tous à la même conclusion : une invasion à grande échelle pourrait se révéler catastrophique.

Les premières expéditions théanes Certains Théans ne comptaient pas rester sur les côtes à marchander avec les Nahuacans. Les Grandes castillians qui avaient perdu terres et richesses pendant la guerre contre la Montaigne convoitaient ainsi avidement les richesses de l’arrière-pays : cuivre, or, argent, teintures, objets artisanaux et artefacts syrneth. C’est ainsi qu’avec l’appui financier de la Ligue de Vendel, plusieurs expéditions s’enfoncèrent en territoire nahuacan pour essayer d’établir des colonies. Peu d’entre elles, toutefois, se révélèrent lucratives.

Le Grande Adán Armando Les forces d’Adán Armando étaient démoralisées par leur éreintant voyage lorsqu’elles tombèrent nez à nez avec les soldats nahuacans. En terrain dégagé, les forces théanes se révélèrent supérieures grâce aux chevaux et à l’acier. Les armures emplumées et les lames d’obsidienne ne firent pas le poids face aux tirs de mousquets et d’arbalètes. Les Nahuacans manœuvrèrent donc afin d’appâter l’armée d’Armando dans la jungle, où elle connaîtrait un destin funeste et inéluctable. Il était déjà trop tard lorsque les Théans comprirent qu’ils s’étaient fait piéger. Alors qu’ils avançaient plus profondément dans la jungle, les soldats nahuacans encerclèrent de toutes parts les Théans lourdement cuirassés. Leurs chevaux n’ayant pu pénétrer dans la jungle, ils ne purent alors échapper à la pluie de flèches qui s’abattit sur eux. Armando ne le comprit que trop tard : on ne pouvait mener une guerre en Aztlan comme on l’aurait fait en Théah. Les régiments nahuacans franchissaient en effet des distances à une vitesse incroyable, se ravitaillant grâce aux arsenaux et aux caches de nourriture stratégiquement placés sur leur territoire ; de leur côté, les Théans avaient du mal à chasser des animaux inconnus pour se nourrir, quand ils ne se faisaient pas empoisonner par un gibier qui s’avérait vénéneux. Au bout du compte, l’expédition du Grande Armando fut submergée par les ocēlōmeh et les cuāuhmeh dans une jungle inconnue. Les Théans étaient allés trop loin et n’eurent pas le temps de battre en retraite. Quant à ceux que les Nahuacans n’achevèrent pas, ils disparurent corps et biens dans la jungle aztlane.

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Don Fernando Medellín Don Fernando Medellín était venu en Aztlan pour s’émanciper de l’autorité de ses parents et tenter de faire fortune. En Théah, il s’était tour à tour essayé au métier d’avocat, puis de notaire et enfin de marchand, mais chaque fois, cela s’était soldé par un échec. Cherchant à éviter la Guerre de la Croix, il utilisa les maigres ressources de sa famille et emprunta de l’argent au Trésor castillian pour rassembler un équipage et embarquer à destination du Nouveau monde. Medellín accosta dans un petit État situé au nord-est d’Ōlōxochicalco en 1631. Les autochtones lui expliquèrent tout ce qu’il y avait à savoir sur l’Aztlan. Ils lui décrivirent l’Alliance nahuacane et sa détestable autorité dominatrice, ainsi que les dieux qui marchaient au milieu des hommes sous une apparence humaine étrange, exigeant parfois d’eux une preuve d’hommage ou d’obédience pour servir leurs intérêts insondables. Medellín avait connaissance de ce qui était arrivé à Adán Armando, il savait donc qu’il ne servait à rien de se lancer dans un stupide assaut frontal. Il décida d’opter pour une autre approche afin que ces « sauvages païens » lui cèdent leurs possessions : il leur dit qu’il était l’incarnation humaine d’Apocōātl. Les Aztlans pensant naïvement qu’aucun humain ne puisse être assez fou pour endosser l’identité d’un dieu, ils le crurent sur parole. Le Castillian regroupa sous sa bannière quelques centaines d’alliés venus d’États hostiles à l’Alliance nahuacane. Il épousa plusieurs femmes qui lui servirent d’interprètes. Il rencontra certes de la résistance, mais sa poudre et ses armes en acier lui donnèrent l’avantage. Un jour, Fernando Medellín fit irruption sur la grande place centrale du marché d’Ōlōxochicalco. La foule s’écarta sur son passage. Nombre de Nahuacans n’avaient alors jamais vu d’individus à la peau pâle arborant des poils sur le bas du visage. Vêtu de sa tenue d’argent étincelant, il monta sur une estrade, au centre de la place du marché, et déclara être l’incarnation d’Apocōātl venu régner sur son peuple. Le silence s’abattit sur la foule, stupéfaite. Une petite fille quitta alors les rangs et s’avança vers Medellín. « D’abord, Apocōātl ressemble à un serpent, pas à un homme, dit-elle. Et en plus, Apocōātl est là-bas. » Il était en effet venu à Ōlōxochicalco pour aider Nacatlicue à atténuer les effets d’une sécheresse. Le visage du serpent blanc à plumes s’éleva de la foule et posa ses yeux troubles sur Medellín. Étant le plus clément

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des Quatre, Apocōātl chassa simplement le Castillian et ses fidèles jusqu’à la mer. Les Nahuacans s’amusèrent beaucoup de cet épisode. Cela n’arrêta cependant pas Medellín, qui reproduit la même manœuvre dans un autre État vassal de l’Alliance, plus loin au sud. Cette fois-ci, Apocōātl ne se montra pas si clément. L’un de ses prêtres mit le feu au visage de Medellín, qui brûla vivant dans son armure en haut d’un temple devant son épouse et sa fille. Depuis cet incident, le Serpent des tempêtes ne s’est plus présenté à ses prêtres. Ces derniers essayent tant bien que mal de garder son absence secrète, mais la rumeur se répand petit à petit à travers l’Alliance : Apocōātl serait parti pour faire pénitence après avoir pris la vie d’un homme pour la première fois depuis des siècles.

Un futur incertain Suite aux actions de Medellín, l’Alliance a accru la sécurité aux frontières. Les ocēlōmeh sont en état d’alerte permanent sur la frontière est, à coordonner les milices locales et les patrouilles, ainsi qu’à installer des pièges pour défaire les expéditions militaires. Marchands et commerçants continuent d’envoyer aux dirigeants des rapports des mouvements de troupes théanes à l’intérieur des terres. Malgré tout cela, l’inquiétude de l’Alliance ne faiblit pas. Les généraux savent que les Théans finiront tôt ou tard par apprendre à se battre comme eux, à imiter leurs formations éparpillées, leurs armures légères et leurs armes aisées à confectionner. Les Nahuacans savent donc qu’ils ne sont pas sortis d’affaire, et que le pire pourrait bien être à venir. De plus, cela fait quelques années que la fille de Medellín, Azeneth, met tout en œuvre pour se venger d’Apocōātl. Ses investigations ne sont pas passées inaperçues, notamment vis-à-vis du Pochteca. Bien que cela n’entre pas dans leur champ d’action, les marchands transmirent les informations en leur possession à deux Théans  : Heironimus Frederick von Wetherald et Sonja Adalgild. Ces derniers purent donc intervenir lorsqu’Azeneth tenta de pénétrer dans le sanctuaire du Serpent des tempêtes pour le tuer. Après avoir tenté de la convaincre d’abandonner sa vengeance, ils n’eurent d’autre choix que d’essayer de la tuer. Malheureusement, elle parvint à s’enfuir après avoir tué Sonja, qui mourut en sauvant la vie de son meilleur ami.

DES HÉROS AU TRIBUNAL Gouvernement

La façon dont fut créée l’Alliance amena un processus de répartition et de spécialisation dans différentes branches du gouvernement. Cet équilibre volatile d’ambitions, d’idées et d’aptitudes individuelles fait aujourd’hui fonctionner la vaste machine bureaucratique qu’est l’administration nahuacane. Elle contrôle un territoire étendu composé d’ethnies différentes issues soit des quatre cités originelles, soit des États plus petits qui leur sont inféodés. Si les Nahuacans excellent dans l’art de présenter un front uni aux étrangers, ils encourent cependant des dangers venus de l’intérieur, de la part de ces mêmes États vassaux qui font leur force. Aucun temple de pierre n’est sans fissures.

La branche judiciaire Il n’est de meilleur adjectif pour définir la société nahuacane que « légaliste. » Les Nahuacans ont beau se moquer de leur système bureaucratique autoritaire et complexe, il n’en reste pas moins que la plupart possèdent un profond respect pour ces lois et ces administrations qui les gardent unis. La branche judiciaire du gouvernement se trouve à la base de la société nahuacane.

Les juges Les juges sont les officiers judiciaires les plus âgés. Ces hommes et femmes respectés sont issus du clergé ou de l’armée et ont par le passé travaillé en tant que coursiers, secrétaires, commis, avocats ou enseignants. Au fil des décennies, ils ont gravi les échelons jusqu’à diriger l’un des palais de justice que l’on trouve dans les principales cités de l’Alliance, voire la cour suprême de Tecuehtitlān. Les juges arbitrent les conflits qui opposent les membres de la société nahuacane. Ils s’assurent de plus que leurs pairs soient des modèles d’honnêteté, d’équité et de sagesse. Si un juge est reconnu coupable de corruption ou d’incompétence grave, il peut être exécuté ou—pire encore—rabaissé au statut d’esclave, obligé de finir ses jours à trimer dans la honte. Ce châtiment fut par exemple celui d’Ēhuatii, un juge haut placé de la capitale. Son propre greffier révéla, preuve à l’appui, qu’il recevait des pots-de-vin de la part de nobles et de marchands nantis depuis huit ans. Peu de temps avant que la sentence ne soit appliquée, il prit la poudre d’escampette et se réfugia quelque part aux alentours du lac Xahuācoco, au nord de Pepechotlan. À ce jour, il s’y cache encore. Régulièrement, il dépêche des sbires à la capitale afin de semer l’agitation chez les esclaves. Ēhuatii ne veut qu’une seule chose : reprendre un poste de pouvoir, et il pense que déclencher une révolte est le meilleur moyen de parvenir à ses fins.

Lorsque l’on s’oppose au gouvernement—ce que les Héros font souvent—cela se termine souvent au tribunal. Au vu des fortes personnalités des avocats et des juges nahuacans, ces affaires se caractérisent généralement par des discours grandiloquents, des appels à la compassion ainsi que quelques attaques personnelles sournoises. La coutume veut que les Héros écopent de verdicts atypiques. Les juges ont une marge de manœuvre considérable lorsqu’il s’agit de condamner les criminels. Ils laissent donc rarement passer une occasion d’envoyer un Héros accomplir une quête périlleuse pour récupérer un artefact, partir en expédition militaire pour repousser des envahisseurs théans ou quoi que ce soit d’autre de particulièrement dangereux.

Les professeurs Les officiers judiciaires enseignent dans les écoles, qui sont obligatoires pour tous, du plus haut des nobles au plus pauvre des paysans. Le système scolaire nahuacan permet ainsi de repérer les esprits les plus brillants, de leur donner l’opportunité de poursuivre leurs études et de leur permettre de progresser dans la société. À l’origine, ces écoles furent fondées par l’armée pour enseigner les techniques de combat élémentaires et les premiers soins aux enfants, ceci afin que toute la population sache combattre et soutenir l’armée en cas d’invasion. Plus tard, un programme de lecture, d’écriture, d’arithmétique et de droit vint s’ajouter aux enseignements martiaux. Ce fut à ce moment que la branche judiciaire prit le contrôle de l’ensemble de l’enseignement.

Les avocats et les scribes Le système est conçu pour que les Nahuacans, même de basse extraction, puissent intenter un procès contre n’importe qui. Ainsi, après avoir vérifié la situation économique d’un citoyen, le gouvernement pourra lui offrir les services d’un tepantlato (avocat) pour l’aider dans son affaire. Mis à part ces aides exceptionnelles, des honoraires sont normalement facturés par les avocats. Ils permettent notamment de participer à l’entretien des tribunaux. Les scribes archivent quant à eux les affaires et les verdicts. Il y a encore un siècle, les sculpteurs gravaient les faits les plus importants sur les murs publics, à même la pierre. Il appartenait donc aux juges et aux avocats de mémoriser tous les jugements, même mineurs. Depuis les premiers échanges avec les Théans, les scribes consignent désormais les procès sur papier, un matériau bien plus pratique pour l’archivage, en dépit de son côté périssable.

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Les juges itinérants

Les recrues

Si les cinq principales cités nahuacanes disposent de tribunaux et de juges permanents, les villages en périphérie et les États vassaux ont beaucoup plus de mal à maintenir des cours dignes de ce nom. Pour pallier cela, des juges itinérants vont de ville en ville pour arbitrer les procès en souffrance. Il leur arrive également de rencontrer des affaires pendant leur voyage, ce pour quoi il peut leur arriver de tenir séance à même la route, voire de rendre la justice dans la jungle. On notera, de plus, que quand un dangereux criminel est en liberté, il appartient aux juges itinérants de le pourchasser et de rendre leur jugement. Certains juges suivent toujours le même circuit, établissant petit à petit une relation de confiance avec les habitants. D’autres voyagent de part et d’autre du territoire de l’Alliance nahuacane. Dans ce cas, rares sont les fois où ils passent par une même ville plus d’une fois par an. Si les Nahuacans ont énormément de respect pour leurs juges, ils en ont encore plus pour les itinérants. Chaque fois qu’ils arrivent dans une nouvelle ville, ils sont extrêmement bien traités, et on leur offre toujours un endroit où dormir ainsi qu’un bon repas. Plusieurs villes préfèrent gérer directement les délits mineurs. Elles demandent donc aux juges itinérants de s’occuper uniquement des crimes odieux, ou de ne juger que les problèmes compliqués.

Tout jeune Nahuacan peut passer un examen afin d’avoir accès à un statut social supérieur. Ceux qui obtiennent les plus hauts scores sont invités à rejoindre un séminaire qui les préparera à la fonction de prêtre et aux nombreuses responsabilités—martiale, spirituelle et administrative— qui y sont associées. Les notes moins élevées permettent d’avoir accès à l’académie militaire, une voie certes moins rigoureuse, plus dangereuse, mais tout aussi prestigieuse. Les recrues suivent des leçons de lecture et de mathématiques avancées en rapport avec leurs futures fonctions (renseignement, logistique, etc.). On leur apprend l’utilisation d’armes et d’armures plus élaborées, telles que le mācuahuitl et l’atlatl (type de propulseur servant à lancer des javelines). Ils étudient également la stratégie et les tactiques. Ils peaufinent de plus leurs aptitudes sociales, telles que la rhétorique, la négociation et le commandement, car même le soldat de métier au grade le moins élevé peut un jour se retrouver à la tête d’une milice désorganisée si la situation l’exige. Ils apprennent enfin certaines tâches manuelles, telles que faire la cuisine, coudre des uniformes ou fabriquer armes et armures lors d’une campagne. La vie d’une recrue alterne entre l’entraînement à l’académie et les sorties en patrouille, en campagne ou en manœuvre sous les ordres d’un officier supérieur. Servir d’aide de camp ou d’écuyer à un soldat plus aguerri permet également à la recrue d’apprendre des aptitudes utiles plutôt que de simplement mémoriser des faits et de la théorie. L’entraînement s’avère particulièrement physique, même lors des périodes académiques : les recrues s’affrontent les unes les autres lors de fausses batailles, voire se battent contre les élèves d’autres académies. Remporter des victoires dans l’équipe de lutte ou d’ōllamaliztli (un sport collectif très prisé par les Nahuacans) de l’académie est un excellent moyen d’attirer l’attention de ses supérieurs et d’être assigné au service d’un guerrier notable.

La branche militaire L’armée fait la fierté du peuple nahuacan. Elle est le symbole de leurs actes les plus braves, mais également de leurs défauts les plus pernicieux. Les Nahuacans aiment vanter leurs victoires militaires, leurs tactiques audacieuses, leur expertise au corps à corps et leur logistique avisée, tant d’aspects qui forment le cœur de l’excellence telle que la conçoivent les citoyens de l’Alliance. Tous les Nahuacans apprennent à se battre à l’école, dès l’enfance, et on attend d’eux qu’ils participent aux exercices occasionnels au cas où ils seraient appelés à soutenir l’armée. Même le plus petit des villages possède une armurerie où fermiers et artisans qui subissent une attaque de bandits, de théans ou d’animaux sauvages peuvent se munir de frondes et de tepoztopilli (de longues lances à lame d’obsidienne montée sur une encoche ovale, adaptées aussi bien aux attaques de taille que d’estoc).

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Les soldats L’armée nahuacane est intégralement constituée de fantassins, divisés en régiments réunissant des soldats originaires d’une même région géographique, qui obéissent à un colonel également natif de cette région. Leur expérience respective n’est pas homogène, mais qu’importe  : leur uniforme ne laisse aucune ambiguïté quant à leur rang, les plus minutieusement ornés indiquant toujours un grade supérieur.

Lorsqu’ils ne guerroient pas, les soldats s’entraînent. Ils s’affrontent les uns les autres, font du sport, étudient ou partent en manœuvres de reconnaissance. Celles-ci durent environ une semaine. Elles sont confiées à trois ou quatre soldats, tous de grades différents. L’idée est que chacun apprenne quelque chose des autres. À ce titre, les compagnons, itinéraires et destinations sont toujours différents. Cela permet de ne pas tomber dans la routine. Une fois une manœuvre de reconnaissance effectuée, plusieurs semaines se passent avant que les soldats ne repartent en mission. Ils peuvent certes demander à en faire plus souvent, mais dans les faits, cela n’arrive pas car ces éclaireurs n’accompagnent pas le régiment lorsqu’il part en guerre. Les Héros qui appartiennent à l’armée ont beaucoup plus de libertés que la piétaille. Ils montent en grade plus vite que leurs pairs, et occupent donc rapidement des postes de commandement. On leur confie des missions difficiles, ou on leur demande de gérer des petites unités. Ils servent à la fois d’éclaireurs, d’arrière-garde, de force infiltrée et de groupe d’extraction. La plupart des fantassins portent un bouclier rond en bois, ainsi qu’un uniforme en coton matelassé qui, bien que moins

résistant que le cuir ou l’acier, s’avère extrêmement léger. Les soldats les plus féroces et les plus endurcis se battent en première ligne, armés d’un mācuahuitl et d’un bouclier. Ceux qui les suivent utilisent de longues lances pour empaler ou lacérer, tandis que l’arrière-garde attaque avec des flèches, des fléchettes propulsées par des atlatls voire des pierres. Souvent, un berserker maniant un gigantesque mācuahuitl à deux mains couvre le flanc droit ou gauche du front pour dissuader toute tentative de contournement. Chaque soldat—même la plus jeune des recrues—connaît parfaitement la chaîne de commandement. Ainsi, en pleine bataille, lorsque règne le chaos et que la formation du régiment est susceptible de changer d’une minute à l’autre, chacun sait à qui il doit obéir. Les colonels et les autres officiers portent des bannières noires ostensibles pour que les coureurs des autres unités puissent les retrouver rapidement et leur relayer les ordres de l’état-major.

Les gradés Au sein de l’armée, le grade se mesure au nombre de prisonniers capturés et s’exprime par des ornements sur l’uniforme. Avant l’établissement de l’Alliance, pour prendre du galon, il fallait capturer les ennemis vivants car les prisonniers étaient sacrifiés au nom des dieux. Ainsi, les captifs issus d’armées plus puissantes comptaient parfois pour deux, trois ou dix personnes, ce qui permettait des promotions rapides. De nos jours, les sacrifices sont interdits, mais on monte toujours en grade si l’on a capturé un ennemi vivant. Ce dernier peut en effet être interrogé, voire servir de monnaie d’échange à l’Alliance. Les hauts gradés sont également officiers de liaison avec les marchands. Ces derniers servent en effet d’éclaireurs, diplomates ou logisticiens pour l’armée. Ils entretiennent des entrepôts de nourriture, d’eau fraîche et de matériel supplémentaire qui sont disposés sur tout le territoire de l’Alliance, même en temps de paix. Cela permet à l’armée de garantir des lignes de ravitaillement courtes et rapides. On notera d’ailleurs que les États vassaux qui se trouvent aux frontières de l’Alliance doivent également veiller sur la bonne tenue de ces entrepôts s’ils ne veulent pas écoper d’une amende, ou d’un sort bien pire. Lorsqu’ils partent en retraite, les officiers d’importance deviennent généralement proviseurs d’académie militaire, voire instructeurs. Xochitl, la Directrice des ocēlōmeh, envisageait ainsi de prendre sa retraite. Un poste de proviseur l’attendait donc dans l’une des académies militaires de Mīlllahco. Toutefois, il semble qu’elle ait repoussé son

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départ à une date indéterminée car elle craindrait un coup d’État de la part du Maître de l’ordre Ome Tochtli, son homologue des cuāuhmeh. Si cela s’avérait exact, elle aurait besoin d’un poste d’influence pour s’opposer à lui.

La branche religieuse Les clergés des Quatre sont, aujourd’hui encore, les organismes gouvernementaux les plus importants et le plus influents de l’Alliance. Chaque prêtre a fait vœu de pauvreté, ce pour quoi il se prive de nourritures exquises et de boissons alcoolisées (exception faite de celles qu’on leur apporte lors des festivals). Leurs tenues sont strictement codifiées, limitées à un habit simple pouvant éventuellement être agrémenté avec les décorations militaires obtenues. La hiérarchie stricte des clergés—chacun est commandé par un grand prêtre ou une grande prêtresse, souvent la personne la plus âgée toujours en poste—est tout aussi inflexible que leurs devoirs envers les dieux et leurs congénères humains.

Le séminaire Comme en Théah, le séminaire est à la base de tout sacerdoce. D’immenses et anciennes académies se trouvent au cœur de toutes les grandes villes de l’Alliance nahuacane. Les jeunes gens venus de toute l’Alliance peuvent passer un examen à l’âge de quatorze ans afin d’évaluer leurs aptitudes en lecture, écriture et mathématiques, leurs connaissances en histoire et en sciences, ainsi que leurs talents pour l’agriculture. Seuls ceux qui obtiennent les plus hauts scores sont invités à rejoindre un séminaire ; les autres pourront faire carrière dans l’armée. Chaque Nahuacan peut tenter d’entrer au séminaire, indépendamment de sa caste. Même les enfants de paysans vont à l’école, ils peuvent donc théoriquement obtenir de bonnes notes à cet examen, et ainsi rejoindre les rangs d’un des clergés. Toutefois, l’épreuve couvre un nombre impressionnant de sujets, et les enfants de l’élite sociale ont le gros avantage d’avoir plus de temps pour étudier (lorsqu’ils ne reçoivent pas de surcroît l’aide de leurs parents). Les séminaires sont austères, intenses et prestigieux. Les étudiants vivent dans des dortoirs froids et remplis de courants d’air. Ils passent leurs matinées à effectuer des tâches ménagères et leurs après-midis à étudier et s’entraîner. La tâche de prêtre est en effet difficile et demande de maîtriser une quantité astronomique de sujets et de disciplines. Ils apprennent la lecture, l’écriture, l’histoire, les mathématiques, la poésie, la gestion de l’État, les arts, l’ingénierie, les sciences

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militaires ainsi qu’une spécialité de leur choix. Ils obtiennent généralement leur diplôme après un an ou deux d’études. Il n’est pas rare que certains abandonnent avant la fin ; ceux-ci gagnent quand même du respect pour avoir été admis. Les prêtres ont également des fonctions militaires. Ils servent en tant qu’officiers—assurant la liaison avec la branche militaire au nom du gouvernement—et comme aumôniers. L’entraînement militaire est certes moins long que celui d’un étudiant à l’académie militaire, mais il est tout aussi rigoureux. Il appartient à chaque prêtre de trouver et de former celui ou celle qui le remplacera à l’heure de la retraite (ou de la mort), c’est pourquoi ils surveillent attentivement le parcours des jeunes gens qui entrent au séminaire, afin de repérer les plus prometteurs.

La prêtrise Quand les étudiants arrivent au terme du séminaire, ils deviennent prêtres et sont prêts à participer à la vie commune dans l’un des quatre clergés. En général, ils choisissent celui de leur terre natale. Chaque clergé dirige sa cité. Les prêtres deviennent alors gouverneurs ou administrateurs en plus de leurs rôles spirituels et militaires. Ils se spécialisent souvent dans des domaines en lien avec la particularité de leur dieu : artistes et philosophes chez Apocōātl, agronomes et médecins chez Nacatlicue, aumôniers et architectes chez Tlehuitzin. Le clergé d’ Ītzzohualli s’occupe quant à lui des nécropoles, des hospices, des morts, des mourants et des familles en deuil. Tous les prêtres peuvent faire partie du gouvernement, mais dans les faits, la plupart gagnent leur vie grâce à leur savoir. Dans les régions éloignées des principales cités, les prêtres endossent de nombreux devoirs. Ainsi, ceux qui désirent servir de guides spirituels se retrouvent parfois à gouverner plusieurs petits villages, voire toute la population d’un État vassal. La vie des prêtres est pleine de responsabilités, car le peuple leur demande sans cesse leur aide. Les Héros appartenant à un clergé font preuve d’abnégation. Ils incarnent les valeurs importantes de leur dieu et encouragent les autres à faire de même. Ils enseignent la patience, le savoir et la compréhension, qui sont les fondements principaux de la puissance nahuacane, et portent aux nues ceux qui apprennent à démontrer leur force par les actes. En tant qu’aumôniers militaires, ils encouragent les guerriers à se concentrer sur la protection et la sécurité plutôt que la soif de sang et l’impétuosité.

L’Aigle et le Jaguar

Le Grand orateur

Les clergés d’ Ītzzohualli et de Tlehuitzin régissent également des ordres religieux militaires composés des guerriers et des officiers les plus talentueux du séminaire, ainsi que de soldats de toutes origines ayant impressionné les grands prêtres par leurs actes et leur aptitude sur le terrain. Les membres de l’ordre d’Ītzzohualli s’appellent ocēlōmeh, les guerriers jaguars. Ils sont spécialisés dans les missions de reconnaissance, d’infiltration et de sabotage, en gros ce que l’on appellerait aujourd’hui des « opérations secrètes. » Si un soldat courageux est requis pour empoisonner le commandant ennemi, faire brûler des piments et des plantes toxiques pour remplir le camp d’une fumée écœurante, ou même voler les plans d’une usine théane fortifiée, il suffit de faire appel aux ocēlōmeh. Ainsi, il y a très peu de chance que quiconque apprenne ce qui s’est passé. Pour devenir un ocēlōtl, il ne suffit pas d’être rapide et mortel, il faut également se montrer astucieux, audacieux et capable d’improviser. Autrement dit, savoir faire preuve d’originalité afin de pouvoir contourner l’ennemi aussi bien mentalement que physiquement. Si les ocēlōmeh représentent l’ombre et la lune, les cuāuhmeh de Tlehuitzin, les chevaliers aigles, symbolisent au contraire le feu et le soleil. Il s’agit du régiment le plus célèbre de toute l’Alliance, le cœur véritable de la machine militaire nahuacane. Ses membres portent les meilleures armures et les meilleurs boucliers que puissent produire les armuriers nahuacans, ornés de magnifiques motifs en plumes qui repoussent lames et balles comme par magie. Les unités nahuacanes sont habituées aux formations fluides qui changent et fluctuent au gré des positions ennemies et des champs de bataille. S’il faut des guerriers au front pour tenir le rang quoiqu’il arrive, les cuāuhmeh sont les plus forts, les plus résistants et les mieux disciplinés. Ocēlōmeh et cuāuhmeh sont chacun à un extrême du spectre de la doctrine militaire nahuacane. À l’époque précédant l’Alliance, ils étaient ennemis jurés et s’attaquaient à leurs forces et faiblesses respectives. De nos jours, ils œuvrent de concert avec l’armée nahuacane en soutien, et leurs opérations coordonnées sont dévastatrices. Les Héros ocēlōmeh et cuāuhmeh coopèrent souvent avec de petites équipes d’élite pour garantir la sécurité de l’Alliance. Ils donnent souvent l’impression de savoir où se rendre avant qu’on leur demande leur aide, et ils savent parfaitement quand et comment accomplir leurs missions. Ils ne se laissent jamais tenter par la corruption. D’ailleurs, ce sont eux qui dénichent les politiciens, prêtres et nobles corrompus de l’Alliance, et qui garantissent la santé et la sécurité de leur peuple bien plus que n’importe quel autre Héros nahuacan.

Le Grand orateur est nommé par les dieux. Si les prêtres communiquent avec leur dieu, interprètent leurs paroles et leurs volontés, et agissent en leur nom, le Grand orateur occupe quant à lui un rôle plus spécifique : celui de défendre les intérêts humains auprès des dieux (et de leurs clergés). Le Grand orateur est également à la tête du gouvernement, c’est pourquoi il siège à Pepechotlan. Il lui appartient donc de maintenir l’équilibre du pouvoir entre les différentes branches, répartir les responsabilités et empêcher les luttes de pouvoir de devenir destructrices. Ce rôle requiert les qualités d’un dirigeant : une volonté de fer, la capacité d’admettre et de corriger ses propres erreurs et celles des autres, ainsi qu’un talent certain pour la rhétorique. C’est un travail stressant que de gérer nombre de personnes—et de divinités—influentes et entêtées. Beaucoup de Grands orateurs prennent leur retraite bien avant leur mort. Le Grand orateur ne peut jamais provenir d’une même cité deux fois de suite. Le conseil exécutif, composé des anciens qui choisissent et conseillent le Grand orateur, désignent un candidat puis procèdent à un vote. Parfois, ce dernier vient de leurs rangs, parfois non. Il est important de noter que le Grand orateur est le seul Nahuacan qui a le pouvoir d’autoriser un sacrifice humain. Cela ne s’est encore jamais produit—et ne devrait jamais arriver—même si cela fut suggéré par le Grand orateur en place lors du premier contact théan, un siècle auparavant, après que sa propre incompétence eut provoqué un effondrement bureaucratique et un ralentissement économique. Les ocēlōmeh le condamnèrent à l’exil—ou l’assassinèrent, si l’on en croit les théories du complot—après un coup d’État éclair soutenu par la majorité de la population. Le Grand orateur actuel, Chicahua Tlatoa, n’a que vingtquatre ans. Il s’agit du plus jeune orateur à avoir jamais occupé ce poste. Il a beau accomplir son devoir comme il le faut, beaucoup le considèrent trop faible et inexpérimenté. Ses détracteurs lui opposent une résistance telle que nul autre Grand orateur n’en a jamais vu au cours de l’histoire nahuacane. Ome Tochtli, le Maître de l’ordre des chevaliers aigles, fait partie de ces opposants. Il pense en effet pouvoir prendre le contrôle de l’Alliance nahuacane en renversant le Grand orateur. Son homologue, Xochitl, la Directrice des guerriers jaguars, est au courant de ses plans et aimerait se faire écouter du Grand orateur afin de le protéger. Chicahua Tlatoa est bien plus informé que l’un et l’autre ne le soupçonnent : il a fait de son mieux pour les tenir à l’écart, mais il ignore combien de temps encore il parviendra à gérer, seul, le gouvernement et les chefs militaires.

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Politique

L’Alliance nahuacane fut construite autour de la réunion des grandes cités qu’avaient fondées les Quatre. Depuis, les frontières de cette Nation ont constamment grandi, soit par conquête, soit par vassalisation. Les États conquis intègrent de force l’Alliance, ils perdent donc leur souveraineté et sont soumis aux décisions du gouvernement. Les États vassaux, quant à eux, conservent leur indépendance—donc ne prennent pas part à la politique nahuacane—mais payent de lourdes taxes en échange d’une assistance militaire. Comme cela arrive généralement dans les confédérations politiques de grande envergure, les Nahuacans sont divisés quant aux mesures à prendre pour régler les différents problèmes d’importance nationale.

La question expansionniste Jusqu’à maintenant, la machine militaire nahuacane a purement et simplement écrasé tous les États qu’elle a envahis. Beaucoup se sont rendus sans combattre, peu désireux de voir leurs richesses pillées et leurs temples réduits en cendres pour être remplacés par ceux des Quatre. À présent, le territoire de l’Alliance s’étend sur toute la largeur de l’Aztlan, de la mer Atabéenne à la Sombre désolation. Les États vassaux payant à l’Alliance des taxes exorbitantes en monnaie, œuvres d’art et mêmes esclaves, les annexions sont parmi les moteurs les plus importants de l’économie nahuacane. Les cités-États tzak k’aniennes au sud, le Wabanaki au nord et les archipels rahuris à l’est sont actuellement des cibles potentielles de la politique expansionniste de l’Alliance. Toutefois, contrairement aux précédentes conquêtes nahuacanes, ces États ne sont pas nahualtophones, ethniquement et linguistiquement parlant. D’un strict point de vue culturel, ils seront donc plus difficiles à conquérir et, surtout, à conserver. Le Wabanaki, au nord, est une cible peu probable. Centlāliā, une marchande nahuacane renommée, est récemment revenue après avoir passé dix ans là-bas. Elle a évoqué la présence de plusieurs colonies théanes bien établies, et a également mentionné que l’infanterie légère de cette Nation était considérée par nombre de grands stratèges comme la meilleure au monde. Il semble qu’elle utilise des tactiques de guérillas semblables à celles de l’Alliance, excellant dans l’art de défendre le pays—constitué de forêts denses et tempérées—contre des ennemis en surnombre. À l’instar des Nahuacans, les soldats du Wabanaki utilisent des armures légères, mais ils maîtrisent bien mieux l’utilisation du mousquet. Les expansionnistes nahuacans s’intéressent également aux richesses atabéennes, ainsi qu’à leur utilité d’avant-postes

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pour prévenir toute invasion théane. Les Rahuris présentent cependant un défi de taille pour l’armée. D’une part, l’histoire dit qu’après la Chute, Apocōātl fit des Rahuris les gardiens de la mer des Monstres. Le conseil exécutif estime donc que toute velléité de conquête devrait d’abord obtenir l’aval du Serpent des tempêtes. Le problème est que, pour l’instant, le dieu ne vit plus à Pepechotlan. De plus, si d’un strict point de vue militaire les Rahuris n’ont aucune chance face à la puissante armée de l’Alliance, il ne faut pas négliger le fait que les Nahuacans ne disposent d’aucun savoir-faire maritime. Pour commencer à pallier cela, les clergés ont récemment pris contact avec des marins, charpentiers et capitaines théans afin qu’ils partagent leur expertise en échange de salaires conséquents. Toutefois, la mort relativement récente de Fernando Medellín a rendu méfiants les Théans basés sur le territoire de l’Alliance. En raison de la complexité que représente la création d’une flotte—tout bonnement inexistante à ce jour—les démarches diplomatiques et les propositions de vassalité en échange de protection ont bien plus de chances de fonctionner que les traditionnelles menaces d’invasion. Il ne fait donc aucun doute que le Tzak K’an représente la meilleure cible d’invasion. Les cités-États fragmentées qui constituent cette Nation ressemblent aux petites tribus et aux États que l’Alliance envahit et conquiert habituellement. En toute logique, un assaut coordonné sur le Tzak K’an devrait donc être couronné de succès. Ce faisant, les Nahuacans mettraient la main sur une multitude de nouvelles colonies et de ressources naturelles. Pourtant, trois arguments les dissuadent de se lancer dans une telle campagne. Tout d’abord, envoyer l’armée au Tzak K’an laisserait le pays sans défense contre une éventuelle invasion théane. Les Théans sont en effet installés sur les côtes aztlanes et ils n’attendent qu’une occasion pour s’infiltrer plus profondément et s’emparer de terres. Ensuite, les Nahuacans ont déjà suffisamment de mal à contenir les foyers de révoltes dans leurs États frontaliers. Les révoltes locales sont très répandues et constituent un véritable calvaire pour l’armée de l’Alliance, alors même que ces États sont déjà conquis, donc théoriquement soumis. Quand il faudra s’occuper en plus d’une population vassale mécontente, qui ne parle même pas le nahuatl, quelle ampleur prendront ces mouvements ? Enfin, la plupart des dirigeants nahuacans ne voient pas leur Nation comme un simple moyen d’accumuler du pouvoir ou de la richesse. L’Alliance nahuacane fut formée pour le bien de tous. Elle existe donc pour partager les avantages apportés par chaque État membre avec les autres, y compris les États vassaux turbulents. Si les Nahuacans désirent

HÉROS ET SCÉLÉRATS devenir les véritables dirigeants de leur région, il leur faut gagner—et non écraser—le cœur et l’esprit des Aztlans. D’un point de vue moral, une autre invasion pourrait donc bien être la plus mauvaise décision à prendre. Néanmoins, l’Alliance nahuacane est avant tout un pays de soldats, qui n’attendront pas infiniment avant de décider de leur prochaine cible.

La question kuraque Le Kuraq inquiète l’Alliance, en grande partie car il lui rappelle sa propre suprématie tentaculaire. Bien que la tradition martiale des Kuraques ne soit pas aussi robuste que celle des Nahuacans, ils n’en demeurent pas moins leurs ennemis les plus dangereux (tant que les Théans n’auront pas adapté leurs stratégies militaires aux particularités de l’Aztlan bien sûr). Une invasion de l’Empire kuraque n’est pas une option viable pour l’Alliance nahuacane. Le mal des montagnes et le terrain inconnu sont synonymes d’une défaite quasi assurée contre une armée spécialisée dans le combat sur plans inclinés. De plus, le fait que les Kuraques parlent aux morts terrifie les Nahuacans, pour qui la mort n’est que l’étape précédant leur fusion avec les dieux. Le Tzak K’an, qui se dresse entre l’Alliance et l’Empire, est donc un enjeu géopolitique très important. A priori, les Kuraques sont tout aussi capables que les Nahuacans de le conquérir et de conserver leur emprise sur ces territoires. Certes, les Nahuacans seraient éparpillés et affaiblis s’ils envoyaient leur armée au sud, mais l’idée que le Tzak K’an tombe aux mains du Kuraq n’est même pas envisageable. On notera que les marchands nahuacans font énormément d’échanges avec le Kuraq, ce qui leur donne l’occasion d’apprendre nombre de manigances, d’un côté comme de l’autre…

La question théane Depuis la fondation de l’Alliance, chacun des quatre clergés essaye de devancer politiquement les trois autres. Cependant, depuis peu, ils se heurtent conjointement à un problème de taille : que faire pour contrer une éventuelle invasion théane ? Les grands prêtres se sont maintes fois rassemblés autour de leur divinité, lesquelles ont chacune un avis différent sur le comportement à adopter. Le Grand orateur actuel estime que ce n’est pas à lui de trancher les divergences qui opposent les Quatre. De tous les problèmes politiques qu’affrontent actuellement les Nahuacans, le problème théan est donc au point mort car à chaque argument avancé, les différents partis ne font que camper davantage sur leurs positions avec orgueil.

En général, la politique nahuacane va dans le sens d’une union de l’Aztlan sous la bannière de l’Alliance. Cela serait certes bénéfique pour la Nation, mais cela signerait également l’anéantissement de nombreuses cultures majeures à travers tout le continent. Les Héros savent qu’une Aztlan unifiée ne verra le jour que par le biais d’accords de paix sauvegardant les particularités des diverses civilisations. Les Scélérats suivent au contraire une approche de conquête et d’annexion. Une personne dotée de bonnes intentions qui militerait pour une Aztlan unie pourrait ainsi être tentée de détruire des pans culturels entiers si le Kuraq ou le Tzak K’an venaient à lui résister. Si les politiques peuvent hésiter quant au futur vers lequel il faudrait tendre, la question des moyens à employer pour y parvenir est clairement ce qui sépare les Héros des Scélérats.

Le point de vue d’Apocōātl Nous avons plus à gagner par la diplomatie et la compréhension mutuelle que par la guerre. Les bénéfices d’une amitié entre nos deux peuples seraient incommensurables, donc ne leur donnons aucune raison de nous envahir. Je suis certain que les Théans ont appris de l’exemple de Fernando Medellín. Ils savent désormais qu’attaquer les puissants Nahuacans n’est que folie. À mon retour, j’espère que vous aurez appris à cohabiter.

Le point de vue d’Ītzzohualli Imaginez ce que nous pourrions faire avec des mousquets, des canons et des galions. Imaginez que nous puissions recouper leur savoir médical avec celui d’Apocōātl. Invitons-les chez nous, montrons-nous hospitaliers, récompensons-les généreusement pour leur savoir, mais gardons toujours un œil vigilant sur eux. Les Théans ne nous trahiront pas, simplement car nous frapperons les premiers !

Le point de vue de Nacatlicue Qu’importe ce que vous déciderez, je vous soutiendrai. Mais décidez-vous vite car quand les Théans viendront, s’ils viennent un jour, ils arriveront par Ōlōxochicalco.

Le point de vue de Tlehuitzin Que nous ont appris les mésaventures de Fernando Medellín ? Les Théans possèdent des choses que nous désirons, mais ils n’ont rien dont nous avons besoin. Les comptoirs qu’ils ont bâtis sans autorisation sont un affront envers notre souveraineté. Ne courons pas le risque d’une invasion : chassons-les de nos rivages avant qu’il ne soit trop tard.

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Société

Les Nahuacans se décriraient comme un peuple fier et franc, toujours disposé à tendre la main à ceux qui sont dans le besoin. Ils portent en haute estime l’Alliance, leurs valeurs, leur histoire et leur futur. Leurs États vassaux—et les autres peuples de la région—ont en revanche une vision bien plus critique d’eux : des brutes orgueilleuses et tyranniques qui interviennent dans des endroits et des situations qui ne les regardent pas, et qui aiment résoudre les problèmes par la force ou en imposant leur mode de vie. Il est vrai que la politique extérieure de l’Alliance encourage cette façon arrogante de résoudre les problèmes sociaux. Cette hostilité vis-à-vis des Nahuacans est renforcée par l’une de leurs traditions militaires : au début de chaque bataille, les soldats déclament des insultes obscènes et créatives pour donner du courage à leurs camarades et intimider (ou simplement agacer) leurs ennemis. « Quoi ? Vous appelez ça une armée ? Sans rire ? Vous êtes plus blafards que des Théans ! Dites, c’est la première fois que vous sortez de chez vous cette année ? Oh, attendez, vous voulez peut-être cinq minutes pour vous reposer ? C’est vrai que vous avez dû marcher pour venir, vous devez être au bout de vos forces. Bon, c’est pas tout, mais on a des choses à faire cet après-midi, alors qu’est-ce que vous préférez, qu’on vous enfonce le crâne à coups de bouclier ou qu’on vous écrase à coups de mācuahuitl ? Les deux options nous conviennent, c’est comme vous le sentez ! »

La hiérarchie sociale La société nahuacane obéit à un rigoureux système fait de castes. Bien que des passerelles théoriques existent, dans les faits, l’ascenseur social ne bouge que très rarement. Des lois strictes et somptuaires régissent les codes vestimentaires afin que la caste de n’importe quel citoyen soit reconnaissable de tous. Les Nahuacans pensent que ces lois sont fondamentales pour maintenir l’ordre dans la société, mais elles ne conviennent guère à leurs vassaux chez qui le rang social n’est pas fixe.

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Les juges Les juges occupent la plus haute place dans la société nahuacane. Ils connaissent les lois sur le bout des doigts et ont le dernier mot quant à son interprétation et son application. Tout un chacun peut théoriquement devenir juge, mais peu y parviennent sans être d’abord passés par le clergé ou l’armée. Après avoir travaillé comme coursier, secrétaire, commis, avocat ou enseignant, le postulant se fait l’apprenti d’un juge établi. Il endosse alors le rôle de clerc ou d’assistant avant d’être titularisé. Contrairement aux prêtres, les juges ne font pas vœu de pauvreté, et ce même si l’État prend en charge son salaire et toutes ses dépenses. Certes, leur niveau de vie peut sembler beaucoup trop confortable, mais cela est fait pour une bonne raison : les juges doivent rester le plus impartiaux possible pour remplir leurs fonctions correctement. La caste n’a aucune espèce d’importance pour les juges car face à la loi, rien ne différencie un noble d’un paysan. La plupart du temps, leur propre statut (passé ou présent) ne revêt d’ailleurs pas d’importance à leurs yeux.

Les prêtres Avant l’évolution de l’Alliance, les quatre clergés étaient d’une puissance politique sans équivalent. Chacun était ainsi à la tête d’une théocratie qui gérait la vie de son État d’une main de fer. De nos jours, les prêtres sont toujours influents, mais le rôle de Grand orateur et les fortunes grandissantes des autres castes—en particulier les marchands— ont affaibli leur contrôle sur la société nahuacane. Bien qu’ils soient privilégiés et en majorité issus des classes les plus riches, les prêtres mènent tout de même une existence sobre. Ils ont fait vœu de pauvreté, ce pour quoi ils portent donc des vêtements simples, sans teinture ni décorations (à la notable exception des décorations militaires éventuellement obtenues). Cela n’empêche pas les Nahuacans de les honorer et de les respecter. Après tout, ils sont le lien entre les hommes et les dieux. Les tensions sociales et politiques entre prêtres—qu’ils soient ou non membres d’un même clergé— voire entre prêtres et autres notables de la société—comme les juges

PRÉNOMS NAHUACANS ou les officiers militaires—sont courantes. Certes, la société nahuacane est censée être unie au service de ses souverains et des objectifs de l’État, mais tout le monde finit par succomber à ses ambitions personnelles, les prêtres comme tout un chacun.

Les soldats L’armée de l’Alliance fait la fierté des Nahuacans. Si tous apprennent à se battre dès l’enfance—et peuvent théoriquement être appelés au front en cas de guerre—plus rares sont ceux qui en font leur métier. Les soldats, à l’instar des prêtres, sont généralement issus des classes aisées de la société nahuacane. Ils ont étudié dans une académie militaire et servent dans l’armée de l’Alliance (voire, pour les plus âgés, dirigent une académie militaire ou sont instructeurs). Leurs uniformes sont ornés des diverses décorations qu’ils ont obtenues et qui indiquent clairement leur grade au tout venant. Plus il est important, plus leur position sociale est élevée.

Les nobles Les nobles sont en majorité des propriétaires terriens qui s’occupent d’un ensemble de fermes, voire d’un quartier urbain. Les locataires de toutes origines, fermiers comme membres de guildes, leur payent un loyer. Le statut des héritiers nobles évolue, mais pas à leur bénéfice. Avant la fondation de l’Alliance, eux seuls pouvaient devenir prêtres ou officiers militaires. Depuis, l’ouverture par examen du séminaire et des académies militaires a introduit une mobilité dans l’ordre social. Si les héritages culturels et patrimoniaux assurent encore aux enfants nobles une haute réussite sociale, cette dernière n’est pour autant plus garantie. Puisqu’il est désormais possible de grimper l’échelle sociale grâce à ses études ou ses succès militaires, puisque les prêtres contrôlent le gouvernement et puisque les marchands sont devenus les principaux notables financiers de l’Alliance, beaucoup de nobles commencent à s’inquiéter : leur nom et leurs vêtements mis à part, leurs titres vont-ils désormais perdre toute importance ?

Les marchands En théorie, les marchands ne sont que des roturiers, ce pour quoi ils sont théoriquement vêtus de la même façon que les ouvriers que l’on peut croiser dans les rues. Toutefois, en pratique, ils occupent un statut particulier qui échappe à la hiérarchie sociale traditionnelle des Nahuacans.

Les prénoms nahuacans viennent de leur calendrier de deux cent soixante jours, le tonalpohualli, ou « nombre de jours. » On nomme donc un nouveau-né d’après le jour de sa naissance. Les jours du calendrier rituel sont chacun représentés par un nom de jour (au nombre de treize) et un signe associé (au nombre de vingt). Vous pouvez en choisir un de chaque dans les listes ci-dessous.

NOMS DE JOUR

Ce, Ome, Yei, Nahui, Mahcuilli, Chicuacen, Chicome, Chicuei, Chicunahui, Mahtlactli, Mahtlactli-once, Mahtlactli-omome, Mahtlactli-omei

SIGNES ASSOCIÉS

Cipactli, Hecatl, Calli, Cuetzpali, Coatl, Miquiztli, Mazatl, Tochtli, Atl, Itzcuintli, Ozomatli, Malinalli, Acatl, Ocelotl, Quauhtli, Cozaquauhtli, Olin, Tecpatl, Quiahuitl, Xochitl Les titres—de noblesse comme honoraires—ainsi que les surnoms—tel « le Vainqueur de la bataille de Forêt blanche » ou « Grandes oreilles »—sont très courants chez les Nahuacans.

N’importe qui peut choisir de devenir l’apprenti d’une des guildes de marchands nahuacanes. Là, on peut apprendre les secrets du commerce et de la négociation. Ceux qui empruntent cette voie sont de plus en plus nombreux, des gens ordinaires aux prêtres en passant par les soldats et les nobles. Pourquoi ? Parce que les marchands contrôlent le flux de marchandises qui entrent et qui sortent de l’Alliance. Leurs expéditions en pays étrangers, voire au-delà des mers, sont les meilleures sources de renseignements dont dispose l’armée. Il est donc fréquent que celui-ci décide d’investir dans ces convois commerciaux étant donné qu’ils peuvent revenir avec des informations importantes, par exemple la dernière technologie théane en date ou les mouvements de troupes kuraques à la frontière tzak k’anienne. L’organisation des guildes de marchands demeure nimbée de mystère. Chacune partage les informations parmi ses propres rangs, puis en fait négoce auprès des autres. Bien sûr, tout cela reste sous le sceau du secret : même le gouvernement ignore la nature exacte de ce que les marchands choisissent de divulguer. On notera enfin que sur le territoire nahuacan, il appartient aux marchands—donc, par extension, aux guildes—d’entretenir les entrepôts de matériel et de provisions destinés à faciliter les déplacements militaires.

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Gonzalo « Lalo » Terrazas, un marchand nahuacan, dirige le Quartier aux fleurs, une communauté d’immigrés aztlans basée à San Felipe, en Castille. Lalo se contente de prendre soin des siens et de vendre nourriture et artisanat nahuacans aux Théans, mais cela lui permet de bénéficier de revenus confortables. Personne n’a encore eu vent des messages qu’il envoie à Nexhuatipec dans lesquels il détaille des informations sur la technologie et les forces militaires de la Théah.

Les artistes À l’instar des marchands, les artistes sont théoriquement des roturiers. Dans les faits, ils sont beaucoup plus respectés. Dans l’Alliance nahuacane, les apparences sont en effet très importantes et les arts visuels omniprésents. Vêtements, murs des temples et des bâtiments, architecture, nourriture et danses de festival sont autant de sources de joie, de fierté culturelle et d’unité pour les Nahuacans. L’histoire est transcrite dans des codex illustrés, et nombre d’ordres militaires sont écrits en vers afin d’en faciliter la mémorisation. Les Nahuacans encouragent leurs meilleurs artistes presque autant que leurs héros de guerre, ce qui n’est pas surprenant étant donné que certaines formes d’art, tel le travail des plumes, confèrent à l’œuvre un pouvoir surnaturel. Et puis les artistes sont surtout les ambassadeurs culturels de l’Alliance car ils passent beaucoup de temps dans les États vassaux—et même au-delà—à propager la culture nahuacane.

Les artisans Les artisans inspirent quant à eux énormément de respect. Ils possèdent une grande influence sur la politique des villes et villages car si un juge ou un dirigeant souhaite employer les services du meilleur artisan en ville, il devra parfois déployer davantage que des moyens financiers pour obtenir ce privilège. À l’instar des marchands, les artisans sont regroupés en guildes, qui forment les apprentis aux techniques ancestrales de leur métier. Ces guildes sont à la tête du mouvement antiesclavagiste qui fleurit dans l’Alliance. Certes, certains artisans possèdent encore des esclaves, mais cette forme de privation de liberté est contraire aux objectifs et aux idéaux des guildes. De plus, de façon très pragmatique, quand un esclave confectionne gratuitement un objet de moindre qualité, les artisans y perdent nécessairement. À l’origine, le mouvement abolitionniste des guildes était motivé par le profit, mais dorénavant, les plus fervents défenseurs antiesclavagistes font de l’abolition un impératif moral.

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Chapitre 2 | L'Alliance nahuacane

Les roturiers La société nahuacane est en grande partie constituée de roturiers. Leur existence est synonyme de labeur : ils plantent et entretiennent les champs et les jardins flottants qui nourrissent la population, apportent leur aide aux projets de travaux publics, voire servent d’assistants, de valets et de personnel d’entretien aux haut placés. Ils doivent également suivre un entraînement régulier au sein de l’armée, participant parfois à de fausses batailles contre les autres cités (même si, dans les faits, on les assignerait aux rôles de cuisiniers, brancardiers, infirmiers et bateliers en cas de guerre). Dans les provinces extérieures, les roturiers doivent entretenir les entrepôts de matériel et de provisions qui permettent à l’armée de se déplacer à une vitesse ahurissante en dépit de sa taille. S’ils mènent une vie ardue, ils ont tout de même accès à différents services : temples, hôpitaux et tribunaux. Ceci dit, on notera que les roturiers ayant besoin de soins médicaux s’en remettent généralement aux remèdes de grands-mères ou aux pouvoirs guérisseurs des sorciers qui vivent en marge de la société, des ermites mystiques ou des étrangers. Les roturiers ont également accès à l’école pendant leur enfance. Cela permet de faire sortir du lot les élèves particulièrement doués qui ont une chance d’entrer au séminaire ou dans une académie militaire. Quand un élève démontre des talents qui pourraient le mener à une telle évolution, la communauté se mobilise généralement et lui donne tout le soutien nécessaire pour qu’il ait une chance face aux enfants de nobles ou de marchands, qui ont davantage de temps pour étudier.

Les esclaves L’esclavage, dans l’Alliance, ressemble davantage à un rendu de services non rémunéré plutôt qu’à ce que pratique la Compagnie commerciale atabéenne. Un Nahuacan ne naît jamais esclave, mais une fois adulte, il peut volontairement se vendre pour payer ses dettes. L’esclavage est également un châtiment pour punir divers crimes, dans un spectre très large allant de l’ivresse publique au meurtre. Dans ce dernier cas, la sentence peut durer toute une vie. Les prisonniers de guerre, qui étaient sacrifiés avant la fondation de l’Alliance, deviennent désormais des esclaves, mais là aussi, rarement à vie. Il est ainsi fréquent que ces derniers soient libérés pour qu’ils puissent rentrer dans leur foyer. Cela peut certes engendrer du ressentiment et de la peur, mais cela permet également de répandre la culture nahuacane à l’extérieur du pays.

Villes et campagnes Les quatre États principaux de l’Alliance forment un losange au milieu du territoire. Au centre, leurs frontières se rejoignent à Pepechotlan, la capitale nahuacane. De cette ville, sise au bord de l’immense lac Xahuācoco, partent quatre routes qui suivent les directions cardinales et mènent jusqu’aux quatre plus grandes cités du pays. S’il existe des fleuves navigables qui relient les villes, les axes terrestres sont bien plus répandus. La rumeur disant que les Nahuacans ne possédaient pas la technologie de la roue avant l’arrivée des Théans est en effet totalement fausse. Il est vrai, en revanche, que les plus gros animaux domestiqués—les cerfs—étaient autrefois bien trop légers pour tirer des chariots. Les énormes bêtes de somme venues de Théah rendent aujourd’hui beaucoup plus intéressants les véhicules qu’elles tractent. Lentement mais sûrement, l’Alliance nahuacane adopte donc les moyens de transport à roues. De plus en plus, elle les utilise également lors d’opérations militaires.

L’urbanisme Les cités nahuacanes n’ont rien des étendues urbaines désordonnées qui caractérisent bien des villes théanes. Le gouvernement de l’Alliance est en effet très minutieux quant à l’organisation de ses villes. La construction de bâtiments et des quartiers suivent un schéma bien précis. Une pyramide aux marches géantes, qui fait aussi office de temple à la divinité protectrice de la cité— généralement l’un des Quatre—surplombe une grande place publique qui sert de marché central. Les bâtiments administratifs et les écoles sont regroupés autour de la pyramide et ce afin que les prêtres y aient facilement accès. Le stade, principalement utilisé pour les matchs d’ōllamaliztli, se trouve non loin (même les villes les plus petites possèdent un terrain de jeu modeste où les enfants peuvent jouer). Les manoirs des nobles sont regroupés dans une zone fortifiée qui leur est dédiée, et agencés en une véritable ville miniature. Ces structures majestueuses présentent certaines des plus belles caractéristiques de l’architecture nahuacane : les fondations en pierre s’élèvent au-dessus des rues plâtrées tandis que les murs de stuc et d’adobe, peints dans une finition de très haute qualité, soutiennent des poutres et des charpentes de bois. Elles sont composées d’une vaste cour centrale entourée de salles de réunion, de bureaux, de pièces à vivre, de cuisines et d’ateliers, soit tout ce dont une famille noble et ses serviteurs pourraient avoir besoin, et plus encore. Les demeures des marchands ou des artisans reconnus, qui sont situées dans les quartiers populaires, prennent généralement la forme d’appartements spacieux et confortables.

On utilise de la pierre ou du bois pour la construction des nombreuses pièces, qui peuvent accueillir plusieurs familles. Les marchands et les artisans passent souvent beaucoup de temps dans leurs maisons de guilde (qui se trouvent autour de la place centrale), allant même jusqu’à dormir sur place durant les périodes de surcroît d’activité. Les habitations des gens ordinaires se trouvent dans les quartiers les plus grands. Ce sont des structures plus simples—une seule pièce—faites de clayonnage enduit de torchis ou d’argile. En général, quelques maisons se regroupent autour d’un patio central pour les repas communautaires, les jeux des enfants et les leçons. Cet arrangement permet également à plusieurs familles roturières de partager les installations de forge ou de tissage.

L’ingénierie L’ingénierie et le bâtiment occupent une place si importante dans le quotidien nahuacan que toutes les castes finissent invariablement par les étudier. Ainsi, un ingénieur employé par le gouvernement pour construire un aqueduc ou un temple pourrait très bien être un prêtre, un timonier, un logisticien voire un fermier spécialisé dans le domaine en question. L’ingénierie est un cursus répandu dans la noblesse, notamment parce que toutes ces familles veulent maximiser la rentabilité de leurs propriétés, ou concevoir d’imposantes habitations pour impressionner leurs voisins. À Nexhuatipec, par exemple, Ix Nacahualli connut la gloire après avoir conçu un système d’aqueducs se fondant parfaitement dans les murs des temples et autres bâtiments publics. Ce système déclencha quasi immédiatement un engouement pour les projets de travaux publics d’excellence, ainsi que le prévoyait le gouvernement.

L’agriculture Les fermes, moins rectilignes mais toujours agencées de façon centrale, encerclent les villes. Souvent, les cahutes des agriculteurs bordent les champs où ils travaillent. Les fermes de coton et de maïs, ainsi que celles en terrasse à flanc de coteau—dont le style est proche de celles du Kuraq—sont particulièrement répandues à l’est du pays. Toutefois, ce sont surtout les jardins flottants qui font le renom des Nahuacans. Ces constructions prestigieuses consistent en un rectangle de boue et de végétaux stabilisé avec des pieux, et érigé à une hauteur d’environ un mètre au-dessus de la surface d’un lac peu profond. Une fois construit, on y plante des saules pleureurs dans les coins et sur les côtés afin d’éviter l’érosion. En général, une même famille entretient un petit nombre de jardins flottants.

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Tout au long de l’année, les agriculteurs alternent différentes récoltes. Les animaux domestiqués (comme les chiens, les dindes ou autres petits oiseaux) vivent dans de petits jardins près des fermes plus grandes ou des jardins flottants, parfois en plein air dans les quartiers urbains.

Culture Les Nahuacans ont la peau mate et les yeux sombres. Les barbes sont rares, les écarteurs d’oreille sont fréquents et les cheveux— noirs et lisses—sont coiffés selon différents styles : les soldats sont par exemple particulièrement friands des chignons qui leur offrent un surplus de défense contre les coups à la tête. Du fait du climat chaud, ils portent de légers vêtements de coton accompagnés, pour les plus riches, de bijoux en or, en bois ou en turquoise. Ils n’ont pas de carrure ou silhouette caractéristique, toutefois, leur vie active étant majoritairement faite de travaux manuels (y compris pour les nobles), on voit couramment leurs muscles se dessiner sous leurs fins habits.

Le sport La société nahuacane accorde énormément d’importance aux aptitudes physiques ainsi qu’aux actes de bravoure. C’est assez logique, quand y réfléchit, étant donné que le gouvernement attend de tous les citoyens qu’ils défendent leur terre natale en cas de besoin. Il n’est donc pas étonnant que les épreuves sportives soient au cœur de tous les festivals nahuacans. Les meilleurs athlètes du pays se réunissent dans d’immenses arènes pour s’affronter dans des épreuves de course, parcours d’obstacles ou tir. Le sport est l’un des vecteurs de promotion sociale de la société nahuacane. Le champion de lutte Don Tumbaga était ainsi un fermier qui cultivait l’igname. Ses nombreuses victoires, ainsi que sa popularité certaine parmi les roturiers, lui ont permis de devenir prêtre.

Les sports de combat Jadis, les arènes étaient baptisées par de sanglants combats de gladiateurs. Les prisonniers de guerre, armés d’un

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mācuahuitl sans lames, devaient y affronter animaux sauvages, Monstres et soldats correctement armés. Les spectateurs, exaltés, plongeaient alors dans une frénésie nationaliste et sanguinaire. Depuis la fondation de l’Alliance, ces compétitions mortelles n’existent plus. Dorénavant, les participants s’affrontent avec des armes non létales et des protections dignes de ce nom. Cela n’empêche pas les combats d’être brutaux, et il arrive encore que l’un des participants—quand ce ne sont pas les deux—subisse des blessures mortelles au cours d’une compétition. La lutte constitue un événement encore plus populaire. Ce n’est pas étonnant : en n’importe quel fermier nahuacan se cache potentiellement un champion de lutte, énergique et acrobatique, car les enfants apprennent cette discipline dans leur entourage proche—sœurs, frères, amis—avant même son enseignement à l’école. Tout comme s’il s’agissait d’une bataille, les combats de lutte commencent par un échange cérémoniel d’insultes ayant pour but d’intimider l’adversaire. Celles-ci sont remarquablement grandiloquentes, imagées et attaquent personnellement l’adversaire. En effet, les athlètes sont des célébrités respectées dont la vie et les exploits sont popularisés par les artistes. Pendant la rencontre, l’arène devient une arme à part entière que les combattants utilisent pour sauter, rouler et se projeter. Les lutteurs triomphants—au même titre que les soldats victorieux—gagnent le droit de porter capes et masques minutieusement décorés. Il s’agit là d’une exception aux lois somptuaires qui régissent les rapports sociaux, même pour un lutteur issu des rangs de la paysannerie ou du clergé.

L’ōllamaliztli L’ōllamaliztli est le sport le plus populaire de l’Alliance. Deux équipes s’y affrontent. Les sportifs doivent faire avancer la balle dans les airs—en la frappant avec des protections situées sur leurs hanches et leurs avant-bras— et lui faire passer la ligne d’en-but adverse. Ce sport est d’une grande violence car les athlètes vont jusqu’à frapper leurs adversaires afin de récupérer la balle.

L’ōllamaliztli s’est répandu sur les territoires nahuacans et tzak k’aniens. Il gagne également en popularité dans la mer Atabéenne : plusieurs équipes ont récemment vu le jour à Fort Liberté. Les meilleurs joueurs de l’Alliance, sponsorisés par des guildes de marchands, partent jouer dans toute l’Aztlan afin de se mesurer aux soi-disant meilleures équipes des autres Nations. Ce sport permet aux Nahuacans de régler leurs différends sans avoir recours aux effusions de sang. Bien des rancunes furent résolues sur un terrain d’ōllamaliztli. Il arrive également que les dieux résolvent des désaccords d’importance lors de matchs. Ceux-ci, impressionnants à contempler, sont du bois dont on fait les légendes et peuvent parfois durer des jours entiers avant qu’un vainqueur précis n’en émerge. Qu’il s’agisse de prévoir le futur, de résoudre un conflit ou de se faire la guerre par procuration, les dieux participent aux matchs avec une énergie que ne sauraient égaler leurs homologues mortels. Parfois, ils recrutent des champions humains, soit en tant que simples remplaçants, soit pour qu’ils jouent à leurs côtés. Rares sont les mortels qui survivent à ces matchs, mais ceux qui y parviennent obtiennent des récompenses qui dépassent l’entendement.

La poésie La tradition poétique nahuacane s’avère riche et variée. Les poèmes ayant pour thème la religion, les émotions, la nature ou les histoires d’amour sont très répandus. Nombreux sont ceux qui les partagent à la fin des grands repas. Sur les murs des temples, des académies et des bâtiments publics, on peut souvent lire de courts vers incisifs qui chantent les louanges de tel dieu ou héros. De nombreux ordres de bataille et recettes de cuisine sont également composés en rimes, et ce afin que l’on s’en souvienne plus facilement. Les Hymnes de Nezahuatzin, qui étaient inscrits sur les murs du temple de Mīlllahco, furent la première œuvre nahuacane à être traduite en castillian.

Les arts plastiques Les arts plastiques et l’artisanat sont au cœur de la société, de la politique et de l’économie nahuacanes, ce pour quoi les guildes d’artistes sont généreusement financées par le gouvernement. Dans l’Alliance, les artistes « talentueux mais sans le sou » n’existent pas. Le revers de la médaille est que ces plasticiens sont constamment en compétition pour réaliser des projets d’intérêt public, souvent synonymes de contrats « juteux. » Les arts plastiques regroupent des disciplines aussi diverses que les sculptures, bas-reliefs, peintures ou créations

vestimentaires. Leurs réalisations comprennent les statues géantes qui ornent les temples, les scènes peintes sur les murs des pyramides, les ornements de plumes ou les codex somptueusement illustrés. Toutes ces pratiques sont des fondamentaux de l’éducation nahuacane, et ce dès l’école. Au-delà de la composante artistique, l’ajout d’images dans les messages les plus simples permet de compenser l’éventuel illettrisme des paysans. Le gouvernement de l’Alliance transmet ainsi énormément d’informations à ceux qui ne savent que péniblement déchiffrer les mots. Les divers clergés affirment que ces créations sont synonymes de patriotisme et de fierté nationale. Par bien des aspects, ils ont raison. D’une part, ces œuvres constituent une part importante des exports nahuacans (bijoux, poteries, vêtements et autres sont régulièrement échangés contre des viandes rahuris, ou du miel, des teintures et du cacao tzak k’aniens), d’autre part, cela permet de propager la culture nahuacane dans toute l’Aztlan.

La cuisine La cuisine est l’un des rares aspects de la société nahucane qui est plus ou moins le même dans toutes les castes. La majorité des plats sont faits à partir des légumes qui poussent dans les jardins flottants, qu’il s’agisse de maïs, haricots, courges, piments, amarantes, ou de ces fruits étranges appelés tomates (les premiers visiteurs théans étaient terrifiés à l’idée de manger ce qu’ils pensaient être un énorme bulbe empoisonné, ce qui provoqua l’hilarité des Aztlans à maintes et maintes reprises). Poissons et viandes de gibier agrémentent ces légumes. Les dindes apprivoisées fournissent des œufs et de la viande, mais les cuisiniers nahuacans sont surtout connus pour leurs plats d’invertébrés : scorpions, chenilles de l’agave, punaises, œufs et larves de mouches aquatiques, scarabées et asticots, libellules, fourmis à différents stades de leur métamorphose, sauterelles, etc. On dit que les recettes de poisson et d’insecte sont l’héritage des premiers Aztlans. C’est pour cette raison que les Nahuacans affirment connaître tous les détails de leur histoire. Le dessert se compose quant à lui de fruits cueillis ou, si l’on a de la chance, de fourmis pot-de-miel. La boisson alcoolisée la plus répandue est l’iztāc octli, un alcool épais et blanc ayant un goût de levure amère. Les brasseurs en produisent des quantités importantes, mais seuls les nobles et les officiers militaires peuvent l’acheter. Ils en donnent parfois à leurs serviteurs, mais en quantités minutieusement contrôlées. En effet, l’ivresse sur la voie publique

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est un délit aux yeux de la justice nahuacane : à la première infraction on écope d’une lourde amende, à la deuxième d’une peine d’esclavage, à la troisième on est condamné à mort. Les fèves de cacao s’utilisent pour la cuisine, mais également comme monnaie d’échange avec les Théans. Si le cours du cacao n’est pas encore suffisamment établi pour en faire une monnaie—au même titre que le guilder—cela fait longtemps que les marchands en conservent une trace. De plus en plus, les négociants expriment la valeur d’une marchandise en nombre de fèves de cacaos voire, dans le cas de valeurs très importantes, en capes de coton. Étant donné qu’elles sont difficilement cultivables dans l’Alliance, sauf à son extrême sud, les Nahuacans doivent commercer avec le Tzak K’an pour en importer. Les chevaliers aigles se servent souvent de cela afin de justifier une future conquête du Tzak K’an : tout serait beaucoup plus simple si les Nahuacans pouvaient faire pousser leur propre argent.

La sorcellerie Depuis les temps immémoriaux de l’Empire aztlan, les Nahuacans montrent défiance et peur envers les sorciers, même envers ceux qui leur sont alliés. Ces derniers vivent et travaillent à l’écart de la société, et ceux qui viennent leur demander leur aide le font en cachette, honteux et craintifs que quelqu’un puisse l’apprendre. Certes, on ne leur ferait aucun mal s’ils s’aventuraient en ville, mais ils provoqueraient vite regards nerveux et portes qui claquent sur leur passage.

La Divination Ītzzohualli enseigna aux Nahuacans l’art de la Divination. Les oracles sondent l’avenir en scrutant une surface réfléchissante—généralement un miroir, mais un plan d’eau peut également fonctionner—à travers un rideau de fumée fait d’un mélange secret de plantes brûlées. Leurs visions sont souvent étranges et éthérées. Intrinsèquement, elles n’ont pas beaucoup de sens, mais elles livrent leurs secrets lorsqu’on les compare aux cartes du ciel modernes.

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Le Nagualisme Apocōātl apprit aux Nahuacans que chacun—hommes comme dieux—peut manifester sa personnalité sous la forme d’un animal appelé nagual. Il ne s’agit ni d’un guide spirituel, ni même d’une transformation physique, simplement d’une façon d’extérioriser sa propre identité en se concentrant sur quelques-uns de ses traits et en les associant à un animal. Par exemple, si le nagualiste est obstiné, social, confiant vis-à-vis de ses semblables mais nerveux à l’idée d’être seul, son nagual pourrait revêtir la forme d’un loup. En méditant profondément sur leur propre caractère et en étudiant longuement l’animal associé dans son état naturel, les nagualistes font en sorte que leur nagual devienne le reflet le plus parfait possible de ce qu’ils sont au fond d’eux. Les maîtres du Nagualisme peuvent également donner vie à leur nagual. Ce dernier devient alors à la fois une incarnation du nagualiste et une entité indépendante à part entière. Ces externalistes sont à l’origine des rumeurs selon lesquelles un sorcier peut se transformer en nagual, ou que le nagual est un guide spirituel issu de la nature.

La Plume Les chasseurs nahuacans se donnent énormément de mal pour capturer des oiseaux aux plumes éclatantes car ceux-ci leur offrent bien plus que de la nourriture. Grâce à leur plumage, les maîtres artisans de la guilde des plumes ornent vêtements, armes et armures nahuacanes. Certains motifs ne sont toutefois pas uniquement réalisés en tenant compte de considérations esthétiques. Ils sont également empreints d’une puissance surnaturelle. Lorsque les plumes sont arrangées selon des dispositions sacrées, et une fois que les Plumes les ont bénies par des prières adressées à Tlehuitzin, elles insufflent à l’objet—une épée, une armure ou un bouclier par exemple—une résistance surnaturelle, ainsi que nombre d’autres qualités tout aussi impressionnantes.

Religion

Lorsqu’un individu est sacrifié au nom d’un dieu, il traverse une apothéose  : la divinité absorbe alors son esprit et fusionne avec son corps (voire l’utilise pour se créer une nouvelle incarnation). Au temps de l’Empire aztlan, ces apothéoses se produisaient rarement, et toujours par hasard. Après la Chute, Nacatlicue initia les Nahuacans au secret du sacrifice. Les clergés commencèrent alors à chercher des victimes à sacrifier pour renforcer leurs divinités respectives. Certaines d’entre elles étaient consentantes, ravies à l’idée de fusionner avec le divin, mais plus encore ne l’étaient pas. Il arriva même que certains prêtres osent sacrifier des dieux : quelques divinités apprécièrent le geste, mais beaucoup d’autres, choquées et horrifiées, exterminèrent immédiatement leur clergé d’un revers de la main. Après la fondation de l’Alliance, les sacrifices humains furent proscrits. Aujourd’hui, aucun des Quatre n’accepte plus ce cérémoniel. Les prêtres sacrifient encore des objets ou de petits animaux, mais il ne s’agit désormais plus que d’actes rituels sans réelles conséquences. Il existe toutefois quelques cultes mineurs qui pratiquent encore le sacrifice humain. Lorsqu’ils sont découverts, les Nahuacans les éliminent sans autre forme de procès.

Les dieux majeurs De nombreuses divinités arpentent l’Aztlan, mais les Nahuacans en vénèrent quatre principales qui sont les protectrices de leurs plus grandes cités. Les dieux mineurs n’en demeurent pas moins respectés, d’ailleurs, la plupart ont été intégrés au panthéon suite à la conquête de tel ou tel État aujourd’hui inféodé. Les dieux nahuacans sont des entités primordiales et capricieuses, mais ils ont en commun d’offrir leur bénédiction à quiconque leur témoigne du respect. Les dieux peuvent changer d’apparence comme ils le souhaitent, mais ils se présentent souvent à leurs fidèles sous une forme reconnaissable. De temps en temps, ils se plaisent à déambuler dans leurs cités sous une apparence inconnue.

Apocōātl, le dieu occidental À l’ouest du territoire nahuacan, marais et vallées fluviales sillonnent et serpentent entre les sommets des montagnes. Apocōātl, le Serpent des tempêtes, se sent chez lui lorsqu’il nage lestement dans les fleuves, aussi grand qu’un

anaconda géant mais souple comme un vairon. Cette divinité est un prédateur qui n’éprouve aucune joie à tuer : la violence permet de survivre et ne devrait pas être source de fierté. Apocōātl est le dieu de l’ouest, de Tecuehtitlān, des sciences, de la paix et de la nature. Il a l’apparence d’un serpent géant recouvert de plumes humides. Parfois blanc, parfois outrageusement multicolore, c’est le seul parmi tous les dieux à n’avoir jamais été vu sous forme humaine. Apocōātl apprend à ses prêtres et ses fidèles les secrets de la médecine, de l’eau pure et des herbes médicinales. Le Nagualisme est son apanage  : il fut le premier à enseigner à ses croyants comment manifester leur nagual, matérialiser ses forces et faiblesses ou lui donner la forme d’un compagnon bestial afin d’établir un lien avec leur propre âme. Il est le plus franc des Quatre, mais il est avare de mots et peu disposé à converser, comme si prendre la parole le fatiguait.

Ītzzohualli, la déesse boréale Brouillards aveuglants, énigmes déconcertantes, lames dans la nuit et mensonges magistraux appartiennent à Ītzzohualli. Elle est la déesse du nord, de Mīlllahco, des ténèbres, de l’obsidienne, de la nuit, de la lune et de la mort. Personne ne connaît sa forme véritable car à son approche, une brume s’échappe de la terre et les ombres s’allongent et s’allient jusqu’à ce que seuls demeurent ses yeux, deux éclats d’obsidienne qui luisent dans l’obscurité. Elle prend parfois la forme de prédateurs ou d’une femme à la peau aussi noire que l’obsidienne. Ses prêtres s’accordent pour la représenter sous sa forme la plus connue : une créature entièrement faite de serpents noirs. Cependant, personne ne sait avec certitude s’il s’agit là de son apparence réelle. Ītzzohualli a fondé l’ordre des ocēlōmeh. Elle renforce les porteurs de la peau de jaguar noir en leur octroyant des sens surhumains, un pas de velours et des armes d’obsidienne qui tuent aussi rapidement que silencieusement (à condition qu’ils les manient avec la précision qu’exige leur tenue). Lorsqu’on lui pose une question, elle répond par des énigmes et des vérités voilées.

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Nacatlicue, la déesse orientale Si Ītzzohualli et Tlehuitzin représentent aujourd’hui la guerre aux yeux des Nahuacans, c’est bien Nacatlicue qui en fut la première divinité, et ce afin que les récoltes de son peuple soient protégées. Aujourd’hui, elle est la déesse de l’est, d’Ōlōxochicalco, de l’agriculture et de la terre. Elle a l’apparence d’une femme à l’âge incertain. Son corps est dépecé de la tête à la taille : on dit qu’au cours d’une terrible sécheresse, elle arracha sa peau pour abreuver le sol de son sang (elle lui sert depuis de jupe). Son apparence est sûrement plus déstabilisante que celle de n’importe quel autre dieu. Elle revêt parfois le visage d’une guerrière, notamment lorsqu’il faut protéger son peuple d’un danger. Lorsqu’elle parle, Nacatlicue utilise des lieux communs et des paraboles, répondant aux questions par de petites fables mettant en scène des animaux qui parlent ou des enfants indisciplinés.

Tlehuitzin, le dieu austral Les Quatre n’ont pas de chef, mais s’il devait y en avoir un, Tlehuitzin, le plus fier et tonitruant, voudrait le devenir. Il est le dieu du sud, de Nexhuatipec, du soleil, du feu et de la guerre. Il apparaît sous la forme d’un vieillard portant l’uniforme militaire officiel de Nexhuatipec, aux premiers jours de sa fondation. Il arbore une coiffe de plumes et manie un serpent enflammé qu’il porte ceint autour de la taille. Parfois, il peut prendre l’apparence d’un athlète pour interagir avec ses fidèles à travers le sport. Tlehuitzin inventa la représentation du disque solaire que les Nahuacans et les Tzak K’aniens utilisent comme calendrier. Il l’a tatoué sur son dos, et c’est le symbole le plus couramment utilisé pour le représenter. Il est direct et irréfléchi : il dit ce qu’il pense sans prendre de gants. Pour autant, lorsqu’on lui pose une question, il a la désagréable habitude de répondre à une autre, voire de se plaindre de l’attitude des plus jeunes.

Les dieux mineurs Les dieux mineurs (régissant des domaines limités tels une espèce de plante ou un métier) sont légion dans l’Alliance. Nombreux sont ceux qui protègent une ville ou un État (vassal ou inféodé). Ces divinités possèdent toutes leurs temples et leurs cultes, même s’ils ne regroupent que peu d’adeptes. Du fait de la tendance légaliste des Nahuacans, ces clergés finissent tous, à plus ou moins long terme, par tomber sous l’autorité administrative de l’un des Quatre.

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D’ordinaire, les relations entre dieux majeurs et mineurs sont amicales, et ce même si leurs fidèles ne se supportent pas forcément les uns les autres. Dans les États vassaux, les rebelles séparatistes se regroupent souvent autour des préceptes et du culte d’un dieu mineur spécifique, parfois sans même vérifier qu’ils ont bien l’aval de la divinité en question. À plus d’une reprise, l’armée nahuacane a ainsi détruit le temple d’un dieu mineur afin de mater une révolution. On n’entend plus jamais parler des dieux qui subissent un tel sort.

Les religions étrangères Un phénomène étonnant est apparu dans quelques provinces du littoral oriental : des villes nahucanes ont ouvert les bras au dogme vaticin. Les missionnaires castillians sont en effet porteurs d’un message de paix qui fascine bien des Nahuacans. Ils élèvent d’étranges lieux de culte au style théan et mélangent leurs pratiques religieuses avec celles des cultes locaux. Quand un Nahuacan se rend dans l’une de ces cités, il ne perçoit au premier abord rien d’étrange : il y entend la musique et la poésie des festivals locaux, et il y perçoit l’odeur de la cuisine nahuacane traditionnelle. Cependant, s’il y regarde bien, il s’apercevra que les actes de piété habituels sont émaillés d’évocations à des prophètes inconnus. La plupart des Nahuacans ne comprennent tout simplement pas la religion théane, qui semble s’articuler autour de l’existence d’un dieu que personne n’a jamais vu, à l’exception de trois prophètes qui ont depuis disparu et ne peuvent donc répondre à aucune question. Ils ne saisissent pas le concept de « foi » placée en un être invisible et ont du mal à penser que cette croyance aveugle puisse être louée et vénérée. C’est un peu comme si vous prétendiez que vous êtes le meilleur joueur d’ōllamaliztli de toute l’Aztlan et que vous demandiez à tout un chacun de vous croire alors même que personne ne vous aurait jamais vu jouer. En vérité, pour ces Nahuacans convertis, la foi vaticine est si différente de leurs pratiques religieuses qu’ils n’ont aucun mal à faire cohabiter les deux. Les missionnaires vaticins ont du mal à comprendre cette double pratique, mais ils la considèrent comme un mal nécessaire  : la première étape sur le chemin de l’illumination. Les autres Nahuacans considèrent de plus en plus que les vaticins représentent un danger pour la culture, l’identité et l’influence de l’Alliance. Ils refusent donc de se mêler à eux, et vont parfois jusqu’à brûler des églises et les maisons des croyants sous prétexte de patriotisme.

N’EN PARLONS PLUS JAMAIS Les cultes sacrificiels L’interdiction des sacrifices humains imposée par l’Alliance nahuacane ne fut pas acceptée par tous. Certains intégristes décidèrent en effet que les sacrifices au nom de leur divinité étaient bons et justifiés, que cette dernière l’accepte ou pas. Ces cultes mortifères se dissimulent au sein de la population nahuacane. Ils communiquent en public via des messages codés, et se retrouvent secrètement dans la nature pour communier. Ils enlèvent ceux qui ne manqueront à personne—criminels, esclaves, indigents, voyageurs de passage—puis les sacrifient. Ils font souvent front commun avec d’autres indésirables dans une optique de bénéfice mutuel. Ainsi, les sorciers vendent parfois leurs services aux cultes. Ces fanatiques croient profondément qu’en sacrifiant assez d’âmes à leur divinité, celle-ci renouera avec sa nature primordiale et retrouvera sa faim pour les morts humaines. Une faim que la société nahuacane devra alors assouvir. Les Quatre ne veulent plus rien avoir à faire avec cette forme d’adoration. Hélas, à moins de se trouver juste à côté, ils n’arrivent jamais à attraper les coupables. Il y a peu, des régiments nahuacans qui assiégeaient une cité rebelle découvrirent que les marchands envoyés en éclaireur avaient été sacrifiés à Tlehuitzin. Ce dernier avait bien entendu ressenti les sacrifices, mais il fut incapable de dire à quel endroit et à quel moment ils eurent lieu. De toute manière, il se trouvait beaucoup trop loin de la ville. Les soldats apprirent que ces sacrifices avaient permis d’ensorceler des armes afin de les rendre encore plus mortelles. Un frisson glaça l’échine des chefs nahuacans lorsqu’ils comprirent qu’un sacrifice pouvait permettre à une personne sans scrupules d’accéder à des pouvoirs divins sans même l’autorisation du dieu. Certains dieux mineurs acceptent avec joie les sacrifices, allant jusqu’à affirmer que cela leur permettra de gagner assez de puissance pour, un jour, renverser l’un des Quatre. Souvent, ces croyants détestent l’Alliance et cherchent à lui porter un coup sévère. Heureusement, les bénéfices qu’ils obtiennent de leurs dieux sont souvent infimes et insignifiants comparés aux bénédictions reçues par les fidèles d’un dieu majeur. Cela ne les empêche cependant pas de continuer à commettre leurs actes impies.

Personne ne nie le fait que les sacrifices humains étaient autrefois monnaie courante. Les temples majestueux présents dans les quatre cités principales, entre autres, possèdent chacun des autels sacrificiels placés bien en évidence. Aujourd’hui encore, ces autels servent à sacrifier des objets bénits. Les dieux eux-mêmes s’en souviennent car ils tiraient davantage de puissance des sacrifices qui leur tenaient le plus à cœur (saints suppliants et autres serviteurs dévoués). Aujourd’hui, les dieux ne répondent à aucune question concernant les sacrifices. De fait, certains pans du passé restent flous. Les dieux ont-ils exigé des sacrifices pour gagner en puissance ou bien les humains ont-ils lancé eux-mêmes cette tradition ? Quoi qu’il en soit, à la naissance de l’Alliance, les dieux reconnurent qu’ils étaient las des bains de sang. Leurs gains de pouvoir ne valaient pas les flots ininterrompus de morts et de destruction. La naissance de l’Alliance marqua donc la fin des sacrifices humains pour les Nahuacans.

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Lieux notables

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Ōlōxochicalco

Nexhuatipec

Ōlōxochicalco est la cité orientale de l’Alliance. Grâce aux bénédictions de Nacatlicue, il s’agit de la plus grande et de la plus riche des cinq villes majeures. Les vastes plaines fertiles permettent en effet des récoltes abondantes que la déesse entretient grâce à la pluie et la richesse des sols. Au fil des siècles, la profusion de nourriture permit à la cité de croître plus rapidement que les trois autres. Ici, les paysans sont plus nombreux que les prêtres, les nobles, les marchands et les artisans réunis. La plupart des fermes possèdent de larges champs de maïs, ce qui peut expliquer que les jardins flottants soient assez rares. Les récoltes sont envoyées à travers toute l’Alliance, et le surplus est vendu aux Rahuris de la mer Atabéenne. Les nobles qui possèdent ces terres sont donc riches et bien nourris. Ils se montrent toujours extrêmement respectueux de ceux qui travaillent leurs champs. Le commerce entre Ōlōxochicalco et les îles atabéennes a toujours été lucratif. La ville se développe énormément depuis cent ans à force d’accords commerciaux bien négociés. Quand les Théans débarquèrent, ce fut Ōlōxochicalco qu’ils découvrirent en premier. Le premier contact se passa donc bien puisque les nahuacans locaux avaient déjà l’habitude de commercer avec les peuples venus de la mer. Du fait de la nourriture et des marchandises étrangères échangées, la cité est perçue par les Nahuacans comme la plus exotique de toute l’Alliance. Ceci dit, les habitants ont beau avoir largement profité des échanges avec les autres Nations, ils ne font tout de même jamais confiance aux étrangers. Bien que Nacatlicue ait abandonné depuis bien longtemps son rôle de déesse de la guerre, l’Ōlōxochicalco actuelle bourdonne au rythme des préparatifs militaires. Outre les paysans, la population de la ville est en effet composée d’un grand nombre de médecins et de militaires entraînés à protéger les récoltes. Ōlōxochicalco est la première source de nourriture de l’Alliance : si quelque chose devait lui arriver, cela signifierait une famine assurée. L’Alliance pourrait peut-être endurer la perte d’une grande cité ou d’un État, mais pas d’Ōlōxochicalco. La milice s’entraîne donc férocement et la ville est ceinte de murs entretenus. Les ingénieurs de guerre font des essais avec les armes théanes afin que l’enceinte puisse résister au mieux aux canons théans.

Dans le désert austral, les hautes pyramides et les grands temples de Nexhuatipec sont visibles depuis des kilomètres. Quand les Nahuacans suivirent Tlehuitzin pour la première fois, la chaleur impitoyable du désert et les créatures redoutables qui y vivaient remplirent leurs cœurs de peur et de doutes. Le dieu savait pourtant que la région permettrait à son peuple de devenir fort et indépendant. Il contacta les dieux mineurs de la javeline, de la lance et de l’arc et s’agenouilla à leurs pieds pour leur demander d’apprendre à son peuple à mieux chasser. Ces divinités acceptèrent. Elles apprirent aux Nahuacans à confectionner des atlatls—pour donner plus de vitesse à leurs javelines—et à créer des remèdes pour vaincre les venins les plus mortels. Les habitants de Nexhuatipec sont aujourd’hui connus pour être les Nahuacans les plus résistants, ainsi que les chasseurs les plus habiles. L’agriculture étant plus difficile qu’ailleurs en raison des terres sèches, ils attaquèrent et pillèrent maintes fois les villages fluviaux, ce qui leur permit d’apprendre à adapter leurs talents de chasseurs pour la guerre. Ainsi, c’est sans surprise à Nexhuatipec que naquirent les célèbres chevaliers aigles. Nexhuatipec a offert à l’Alliance nombre de Grands orateurs. Les bâtiments administratifs y sont les plus importants du pays—c’est là que se trouve, par exemple, le bureau du Maréchal de l’armée nahuacane—et le quartier noble y est plus vaste que dans toute autre ville de l’Alliance. Les bienfaits économiques de Nexhuatipec sont toutefois plus fragiles que ceux des autres grandes villes. Elle est désormais trop grande pour être autosuffisante grâce à la chasse et à la cueillette, et la terre sablonneuse empêche toute culture vivrière. Certes, le lac Cuitlacuahuitl permet d’entretenir quelques jardins flottants, mais les sols riches sont difficiles à trouver. Nexhuatipec doit donc importer la majorité de sa nourriture. Dans la plupart des autres cités, miliciens et juges se relèvent à tour de rôle pour faire respecter la loi. Ce n’est pas le cas à Nexhuatipec. Un jour où le taux de criminalité atteignit un pic, le gouvernement créa une force de police permanente—dirigée par les plus nobles et les vétérans de guerre héroïques—afin de patrouiller et surveiller la ville.

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La médecine moderne Nexhuatipec est peut-être incapable de faire pousser sa nourriture, elle ne possède certes pas les eaux médicinales de Tecuehtitlān, mais elle dispose des remèdes naturels que l’on trouve en abondance dans les jungles environnantes. Cela a permis aux médecins de découvrir des remèdes à de nombreux maux, comme la migraine, l’indigestion et les douleurs généralisées. Leur remède préféré pour les aigreurs d’estomac est le chocolat chaud, et pas seulement en raison de son arôme parfumé et de son goût agréable.

Mīlllahco Mīlllahco est nichée entre les volcans éteints des montagnes septentrionales où se trouvent d’importants gisements d’obsidienne. On trouve, sur les pentes des collines environnantes, de magnifiques fermes en terrasses qui exploitent nombre de jardins flottants. La Huey Tletepētl (tour de lave en nahuatl), une tour unique faite de gigantesques blocs de roche volcanique polis pour un rendu lisse et brillant, surplombe toute la cité. On peut observer ce bâtiment depuis n’importe quel point d’observation car il est sis sur la plus haute crête des montagnes avoisinantes. Ceci mis à part, la ville n’a intrinsèquement rien de remarquable par rapport aux autres grandes cités, si ce n’est que les maisons de guilde des artistes servent de galerie pour exposer les œuvres qui n’ont que peu d’intérêt pour la propagande gouvernementale (ou une quelconque autre utilité publique). Si la terre volcanique de Mīlllahco est fertile, elle n’en demeure pas moins difficile à labourer en raison des pentes abruptes. Heureusement, grâce à ses gisements d’obsidienne, ses mines montagneuses et son lien avec les terres du Wabanaki, l’économie de Mīlllahco a toujours été suffisamment florissante pour compenser cette difficulté. Beaucoup de guildes de marchands et d’artisans sont établies dans la cité—voire y ont bâti leur siège—et permettent de faire des échanges avantageux avec les autres cités ou les États vassaux. Historiquement, la noblesse contrôlait la plupart des mines et des gisements d’obsidienne. Cependant, ils se sont petit à petit fait surpasser par les marchands, qui possèdent de meilleurs réseaux commerciaux et savent tirer profit des matériaux qu’ils récupèrent. Les tensions entre nobles et marchands ont déclenché des disputes notoires sur la place du marché, ainsi qu’au moins une rixe embarrassante et spontanée que la milice dut disperser.

Si les soldats de Mīlllahco ne sont pas les meilleurs combattants en région montagneuse de l’Aztlan—ce titre échoit aux Kuraques—les étroits cols de montagne les ont cependant habitués à s’organiser en troupes réduites, dispersées partout dans la région accidentée. Afin de compenser cette faiblesse militaire, furent créés, sur les conseils d’Ītzzohualli, les célèbres guerriers jaguars : les ocēlōmeh.

Huey Tletepētl Le siège des ocēlōmeh se situe dans la Huey Tletepētl. Au rez-de-chaussée de la tour, on trouve des bureaux et des salles de réunion réservés aux chefs des guerriers jaguars. Les étages supérieurs servent quant à eux de dortoirs à plus de mille soldats. Les moins gradés dorment au dernier étage de la tour. Ils ont beau avoir une vue imprenable sur la ville, ils sont également les plus éloignés de l’action si la tour venait à être attaquée. La Directrice Xochitl mène ses opérations depuis le premier étage. Ses quartiers sont situés en haut des escaliers du deuxième étage. Ainsi, elle est libre d’aller et venir sans être remarquée, et pourrait également défendre les lieux dans une cage d’escalier qui représenterait un goulot d’étranglement meurtrier pour les envahisseurs. Toutes les informations militaires qui passent par les ocēlōmeh finissent invariablement ici. Cela explique pourquoi une grande majorité de Nahuacans nomme « Huey Tletepētl » le bureau des renseignements militaires de l’Alliance. Il ne s’agit cependant que d’une métonymie.

Tecuehtitlān Située dans les anciennes fondrières occidentales, Tecuehtitlān aurait été une véritable souricière sans les conseils avisés d’Apocōātl. Il enseigna à ses fidèles à purifier leur eau par le feu et les feuilles, et ordonna aux premiers ingénieurs de draguer les marais et de construire des jardins flottants. Dans ces marécages où nul homme n’avait encore osé s’aventurer, le peuple de Tecuehtitlān découvrit une abondance de nourriture. Leurs herboristes passèrent maîtres dans l’art d’utiliser les plantes qui ne poussaient nulle part ailleurs sur le continent. En raison des besoins en ingénierie du sol humide, Tecuehtitlān fut construite d’après un plan un peu plus désordonné que la norme nahuacane. Tandis que les jardins flottants sont situés partout dans la ville (au lieu de se trouver à sa périphérie), le temple du Serpent des tempêtes (qui consiste en un complexe de temples multiples encerclant le pied d’une montagne) s’élève hors du

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marais. Là, les prêtres transforment les eaux marécageuses en eau potable grâce au pouvoir d’Apocōātl. Pendant l’Éternelle guerre des Quatre, les prêtres et les scientifiques de Tecuehtitlān développèrent toxines et remèdes grâce aux plantes locales. Ils s’assurèrent ainsi que leurs soldats récupèrent plus vite que les autres, ce qui leur permit de conserver un avantage mineur sur les armées plus puissantes des autres cités. Aujourd’hui, Tecuehtitlān est la plaque tournante culturelle et intellectuelle de l’Alliance. La réputation de ses séminaires et de ses académies n’est plus à faire. C’est également ici que se trouve la cour suprême de l’Alliance, ainsi que les écoles de droit et cabinets juridiques associés. Tecuehtitlān est facilement accessible par transport fluvial, ce qui signifie que les matchs d’ōllamaztli et les championnats nationaux de lutte y ont généralement lieu. La cité dispose donc de quelques stades gigantesques, notamment le majestueux stade d’ōllamaliztli situé à l’ombre du grand temple d’Apocōātl.

Le majestueux stade d’ōllamaliztli La décision de Tecuehtitlān de s’adonner à l’art, à la culture et au savoir fit diminuer ses besoins militaires, mais frustra d’autant plus ses soldats. Les dirigeants n’ignorèrent pas la situation et prirent la décision de permettre aux citoyens d’exprimer toute leur ardeur martiale par le biais de l’ōllamaliztli. L’imposant terrain de la ville (une énorme arène à ciel ouvert, ceinte de hauts murs de pierre enduits de plâtre et décorés de peintures représentants dieux et guerriers) symbolise ainsi ce qui a trait à l’exploit physique dans une société d’intellectuels. Rapidement, la détermination féroce que vouent les habitants de Tecuehtitlān à l’ōllamaliztli fit du stade le plus prestigieux terrain de jeu de toute l’Alliance. Nobles comme roturiers affluent aujourd’hui dans les gradins pour encourager leurs joueurs préférés et oublier les difficultés de leur quotidien. Les matchs d’ōllamaliztli ne sont toutefois pas un simple rendez-vous sportif. Ils constituent également une occasion parfaite pour mener nombre de jeux de pouvoir. Les gradins et les tribunes du stade sont des endroits idéaux pour se retrouver en secret, espionner avec roublardise ou s’adonner aux intrigues. L’argent coule à flots lors des matchs. Les paris sont parfois si énormes que l’on dit que des royaumes entiers ont déjà changé de mains suite à un lancer de balle. Il arrive que les nobles payent des joueurs redoutables pour

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qu’ils participent à de fausses batailles où l’on mise quitte ou double. Certains spectateurs doivent ensuite se tourner vers l’esclavage pour pouvoir rembourser leurs dettes. À Tecuehtitlān, l’ōllamaliztli n’a rien d’une discipline laïque. Elle est intimement liée au culte d’Apocōātl. Les rituels sont ainsi conduits à une échelle immense par une armée de dévots nimbés de la fumée des encens qui se retrouvent sur le terrain d’ōllamaliztli, au pied de sa pyramide. Dès lors, le terrain de jeu symbolise l’univers et la balle représente le soleil. Le rythme de la partie se fait le reflet de la lutte éternelle entre lumière et ténèbres, et l’on dit que le voile de la mort lui-même s’amincit lors des parties les plus acharnées.

La colline d’Altepetal Un peu plus de dix kilomètres à l’est de Tecuehtitlān, la colline d’Altepetal présente une profusion verdoyante d’espèces animales et végétales. Il y a deux siècles, il ne s’agissait que d’un désert stérile, mais grâce à un aqueduc qui apporte de l’eau douce depuis le pied du mont Queztloc, le grand prêtre visionnaire Acomiztli fit transformer la colline en une œuvre d’art. Au pied de la colline se situe un palais d’été peuplé par une armée de poètes, d’artistes et d’érudits. Ici, l’opulence n’a d’égale que les merveilles botaniques des jardins aquatiques. Les chemins sinueux et isolés de ces jardins sont l’endroit parfait pour s’adonner à la contemplation, aux rendez-vous secrets et, bien sûr, aux complots. Des marches en marbre pavent le chemin tortueux qui grimpe le long des flancs de la colline jusqu’au sommet, où se trouve un sanctuaire dédié à Apocōātl. Aux nombreux champs terrassés de maïs, courges et haricots succèdent une profusion vertigineuse de fleurs exotiques et de cascades bouillonnantes, tandis que l’activité frénétique du palais cède la place à la solitude et la contemplation du sanctuaire. Lors de l’ascension, l’escalier de marbre disparaît petit à petit au profit d’encens enivrant et de chants pieux. Les prêtres d’Apocōātl, qui ne relâchent jamais leur vigilance, guident les pèlerins à travers un labyrinthe de jardins suspendus, d’animaux exotiques et d’étangs parfaitement lisses qui composent le sanctuaire le plus sacré d’Apocōātl. Un dernier chemin de pierres blanches mène les visiteurs à leur destination finale : le bassin sacré du Serpent des tempêtes, un point d’eau artificiel fait de pierres finement taillées. Entouré par quatre grenouilles de jade qui représentent chacune l’une des villes historiques de l’Alliance, et encerclé par une multitude de fleurs parfumées et de fontaines apaisantes, le bassin est un véritable miracle

de l’ingéniosité nahuacane qui n’a d’égal que le miracle de ses eaux mêmes. Après son premier contact avec les Théans, le Serpent des tempêtes ressentit les prémices d’une terrible menace peser sur son peuple : la maladie. Il se hâta d’agir en utilisant ses plus puissantes bénédictions pour lier une partie de son âme à la colline d’Altepetal. À jamais changées, les eaux toujours fraîches du bassin d’Apocōātl sont maintenant si pures qu’elles peuvent guérir n’importe quelle maladie. Il n’y avait hélas pas assez d’eau pour en faire profiter les autres Nahuacans, juste assez pour empêcher le noyau de leur civilisation d’être détruit sur-le-champ. Depuis, la colline d’Altepetal offre aux habitants de Tecuehtitlān un flot continu d’eaux curatives, ce qui leur permit de maintenir leur mode vie en dépit de l’arrivée des Théans. Malgré ses miracles, la bénédiction d’Apocōātl réclame un prix à payer. Son lien avec le bassin sacré est désormais si intime qu’il le rend physiquement vulnérable à la corruption, tant des Théans vengeurs et que des intrigants de Tecuehtitlān. Au moins un groupe de Théans a réussi à infiltrer le sanctuaire. Seul le temps permettra de savoir si les prêtres vigilants du Serpent des tempêtes et les dirigeants de Tecuehtitlān pourront empêcher la colline d’Altepetal—donc leur dieu—de succomber à une annihilation totale.

Pepechotlan Des siècles après que les Quatre ont fondé leurs cités respectives fut construite Pepechotlan, la capitale de l’Alliance nahuacane. La ville est sise sur la rive d’un lac gigantesque, à l’intersection du territoire des quatre cités. Originellement, ce lieu abritait un petit village de pêcheurs et de fermiers. Quand le premier Grand orateur fut nommé, il décida qu’il lui fallait un endroit neutre où tous les dieux seraient égaux. On dit qu’il fit alors partir des cavaliers de chaque cité : à l’endroit où ils se retrouveraient serait construite la capitale de l’Alliance. Pepechotlan est donc le siège du gouvernement central nahuacan. Quiconque veut accomplir quoi que ce soit doit s’y rendre pour faire affaire. C’est ici que se réunit le conseil des anciens, qui possèdent chacun une demeure en ville, et c’est également ici que vient vivre le Grand orateur après avoir été choisi. Un haut juge, dont les verdicts de loi influent et informent l’ensemble des juges de l’Alliance, siège aussi à Pepechotlan. La capitale s’évertue à maintenir une neutralité solide entre les quatre cités et leurs divinités respectives. Chaque dieu y possède un grand prêtre qui le représente, ainsi qu’un temple voué à son culte et une résidence où aller lorsqu’il vient en visite. Chaque dirigeant possède un représentant gouvernemental officiel ainsi qu’un endroit où accueillir les familles nobles de sa cité.

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D’aucuns diraient de Pepechotlan que le véritable pouvoir est en réalité dans les mains du Maître de l’ordre des cuāuhmeh et de la Directrice des ocēlōmeh (l’Aigle et le Jaguar). Tous deux possèdent en effet des bureaux à Pepechotlan. Traditionnellement, ils ne s’y rendaient que sur convocation du Grand orateur, ou pour résoudre des affaires officielles du gouvernement. Depuis l’élection du Grand orateur Chicahua Tlatoa, ils passent tous les deux beaucoup de temps à Pepechotlan, ce qui n’augure rien de bon.

Nahuiachahuitin Nahuiachahuitin abrite quatre sources d’une eau douce turquoise, situées au milieu du désert d’ Ixachi Cocopi. Elles furent découvertes—ou, selon certaines légendes, invoquées—par le prêtre dissident Mizzolotl. Cet homme aux manières simples et à la parole influente accusa les clergés et la noblesse d’être nocifs pour l’Alliance. Depuis sa création, nombre des personnes privées de leurs droits (esclaves, paysans, serviteurs et autres marginaux) se sont rendues en masse à Nahuiachahuitin afin d’y retrouver la foi ou la liberté. Une étendue tentaculaire de huttes en argile entoure la plus grande source. Beaucoup sont encore en construction, et on peut apercevoir les fondations d’un petit temple qui s’élèvent depuis les berges au-dessus de l’eau. Les villageois aménagent en terrasses les rives des étangs et font pousser des haricots, un peu de maïs, et même du coton. Les enfants jouent au milieu du village, à la poursuite de dindes et de chiens, ou en chassant les vautours au lance-pierres. Les sources sont une aubaine, mais elles ne peuvent pallier tous les besoins des villageois. Les disciples de Mizzolotl font donc souvent des incursions dans les villes et les villages entourant Mīlllahco, poussant parfois jusqu’à la côte atabéenne à l’est. Ils ramènent tout ce qu’ils peuvent porter et qui pourrait avoir une utilité : petit bois, bois de construction, couvertures, fibre d’agave, nourriture, médicaments, poteries, outils. La plupart du temps, ils reviennent aussi avec de nouvelles têtes qui viennent s’ajouter à la population grandissante du village (même si tout le monde ne semble pas être là de son plein gré). Mizzolotl n’apprécie guère ces attaques, mais il est souvent trop occupé à poursuivre ses propres buts pour faire respecter des lois plus strictes à Nahuiachahuitin.

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L’oasis s’est donc petit à petit transformée en un village de rebelles et dissidents fanatiques. Nahuiachahuitin a fini par déclarer indépendance vis-à-vis de l’Alliance, et d’une manière générale de quelque autre puissance qui soit. Des détachements militaires envoyés par Mīlllahco furent repoussés—voire ne revinrent jamais—après s’être fait copieusement rosser. Nahuiachahuitin n’est en effet pas une cible facile. Elle est encerclée par des kilomètres de désert à découvert, où le soleil ne connaît aucun obstacle d’un point d’horizon à un autre. Le sable y est aussi blanc que la craie et réfléchit les rayons aveuglants. L’air y est si sec que la sueur s’évapore dès le moment où elle sort des pores de la peau. Il n’y a ni ombre, ni abri, ni cachette, ni répit. Les rebelles vous voient arriver bien avant que vous n’ayez pu déceler leur présence. Impossible d’échapper aux sables, qui s’élèvent en nuages de poussière derrière vous, tandis que vos adversaires bénéficient d’une position avantageuse du haut des dunes qui bordent l’horizon, au nord, et qui dissimulent Nahuiachahuitin aux yeux des curieux. À votre approche, ces mêmes dunes signeront votre mort. Il n’y a pas d’autre moyen d’accéder au village et vous serez pris en embuscade encore et encore jusqu’à battre en retraite, vous rendre ou mourir. Les rebelles sont bien entraînés et ont une aptitude certaine pour les tactiques de guérilla. Les dirigeants de Mīlllahco estiment que Nahuiachahuitin représente une menace pour la sécurité et la stabilité politiques de l’Alliance. Jusqu’à maintenant, les dissidents ont toujours eu l’avantage, mais ce n’est qu’une question de temps avant que l’armée n’envoie les guerriers jaguars.

La forêt hantée d’Hueihuactzin Les Théans ont l’habitude de dire que la plume est plus forte que l’épée. Les interprètes nahuacans se contentent d’acquiescer en silence, dissimulant autant que possible une pensée qui les inquiète. Les Nahuacans n’ignorent pas la signification de l’expression pour les Théans, mais ils savent également quelque chose que les nouveaux venus peinent encore à comprendre : les plumes ont un pouvoir. Les plumes sont le pouvoir. Les plumes parent les tenues de la noblesse, témoignent du talent des chevaliers aigles, font un cadeau de choix pour un roi et sont vendues à des prix exorbitants.

Tourment, mort et perte de l’âme guettent les oiseleurs qui se procurent le plumage le plus recherché en Aztlan septentrionale : les plumes douces, délicates et opalines de l’aigrette impériale. Ces oiseaux ne supportent pas la captivité. On ne les trouve que dans les forêts de chênes et de pins situées au nord de Nexhuatipec. Il s’agit d’un royaume étendu fait d’arbres anciens, de monts embrumés, d’étangs pareils à des miroirs, de ruisseaux tumultueux et de canyons labyrinthiques. La forêt d’Hueihuactzin, ainsi qu’on l’appelle, regorge d’animaux et d’ombres affamées qui rôdent dans l’obscurité. D’après la légende, un chasseur se trouvait dans ces bois lorsqu’il étrangla par accident un colibri qu’il avait pris dans ses filets. Les dieux crièrent au meurtre. Une volée d’ohuican chaneques, menés par le terrible Hueihuactzin qui donnerait plus tard son nom au bois, s’en prirent au braconnier pour appliquer le châtiment et venger le messager des dieux. Les esprits aviaires reçurent ensuite l’ordre de rester là et de protéger la forêt. De temps en temps, un oiseleur disparaît dans la forêt d’Hueihuactzin. Les pisteurs ne retrouvent jamais ses restes, et les prêtres ne parviennent jamais à communier avec son esprit. Les habitants de Tepeztocatl, un hameau situé à la lisière du bois, prétendent que les chasseurs disparus ont forcément enfreint une loi. On ne doit pas chasser à l’aube, disent-ils, ni tard dans l’après-midi. Et il faut être fou pour s’aventurer dans les bois une fois la nuit tombée. Il faut laisser des offrandes scintillantes pour apaiser les esprits gardiens, et seulement après peut-on poser ses pièges. L’on peut tenter d’attraper aigrettes et autres oiseaux pour leur soutirer des plumes, mais il ne vaut mieux pas leur faire du mal. Si l’on répand une goutte de leur sang, Hueihuactzin et les ohuican chaneques surgissent vêtus d’armures de branches, feuilles, poussière, pierres, glands et anciens os d’aigles ou de monstres aviaires venus d’une époque reculée. Ils chasseront les transgresseurs puis les traîneront jusqu’à des cages en bois au sein des arbres mêmes. Personne n’entendra plus jamais parler d’eux. Les villageois et les oiseleurs ne racontent ces histoires qu’à grand renfort de murmures, car ils savent que l’emprise des chaneques s’étend au-delà des bois, et les esprits affamés ont la colère facile. Pourtant, il existe des conteurs téméraires qui propagent des histoires selon lesquelles des sorciers auraient conclu d’horribles marchés avec Hueihuactzin et sa nuée.

Cochicoapan Même les dieux ne sauraient empêcher les Nahuacans de partir à la recherche de secrets qui auraient mieux fait de rester cachés. Récemment, une expédition commerciale ayant quitté la côte atabéenne en direction de Nexhuatipec se retrouva par erreur aux portes d’une cité en ruines. Celle-ci était enfouie dans les profondeurs australes des plaines que l’Alliance partage avec le Tzak K’an. Blottie contre une crête rocheuse et à moitié dissimulée par la jungle, une acropole en terrasses s’étendait sur treize étages, tous reliés les uns aux autres par des escaliers sculptés dans une pierre bleu pâle. Les terrasses abritaient des places à demi enfouies, des cours et des bâtiments, ainsi qu’une grande pyramide dominante au dernier étage. La ville entière avait été submergée par une végétation surabondante. Abasourdis, les marchands n’osèrent pas pénétrer dans la ville et préférèrent regagner Nexhuatipec en portant la nouvelle de leur découverte, ainsi que quelques babioles qu’ils avaient tout de même pensé à ramasser. Bien sûr, la découverte passionna les explorateurs et les érudits. En se basant sur les rapports et les artefacts ramenés par les marchands—dont un fragment de frise en pierre représentant un serpent endormi—ils affirmèrent que les ruines étaient d’origine nahuacane et non tzak k’anienne. Certains prêtres doctes ont même été jusqu’à déclarer que ces treize terrasses imitant les cieux ainsi que la présence du « serpent endormi » sur la frise étaient les preuves de la découverte de Cochicoapan par les Nahuacans. Dans la tradition nahuacane, Cochicoapan était le centre névralgique du savoir de l’Empire aztlan. Si c’était effectivement le cas, elle n’abriterait pas seulement nombre de codex ancestraux—dont certains étaient déjà anciens quand les Aztlans étaient jeunes—mais également des outils, des machines et des artefacts n’ayant pas vu la lumière du jour depuis la chute de l’Empire. Qui sait le genre de machines incroyables qui ont bien pu être enfouies à Cochicoapan ? Toujours est-il que les Nahuacans ont hâte de vérifier l’ampleur de leurs conjectures et de leurs rêves les plus fous. Les scribes et les historiens mettent cependant en garde les apprentis explorateurs qui veulent à tout prix visiter Cochicoapan et découvrir ses secrets. D’anciennes histoires nahuacanes évoquent à de multiples reprises les mesures de sécurité prises par les impériaux pour protéger leurs trésors. La ville elle-même pourrait tenir son nom de la plus redoutable d’entre elles. Un passage mystérieux parle d’une vipère gigantesque qui sommeillerait sous l’acropole, prête à s’éveiller au moindre geste ou mot déplacé d’un intrus.

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Xochitl, Directrice des ocēlōmeh

Xochitl est fille de roturier. Issue des terrasses de Mīlllahco, elle passa l’examen du séminaire et reçut son diplôme la même année en obtenant les meilleures notes de sa promotion. Ayant passé tout son temps au séminaire à se faufiler hors du dortoir après le couvre-feu, elle était dûment préparée aux tâches d’un ocēlōtl. Elle commença donc à prendre du galon, encore et encore, jusqu’à rejoindre le conseil de guerre du Maréchal. Xochitl est constamment entourée de personnages influents : des maîtres de la guilde, des espions aguerris et des héros de guerre comme le Maître de l’ordre Ome Tochtli. Cependant, ainsi que l’exige sa position, elle ne fait confiance à personne. En vérité, elle constitue des dossiers secrets sur tous les puissants de son entourage : informations personnelles, scandales, secrets abominables, points faibles, etc. En cas de besoin, elle pourrait détruire en seulement quelques jours quiconque fait partie—ou non—des dirigeants de l’Alliance nahuacane. Malgré son patriotisme et son dévouement absolus envers l’Alliance, peu font confiance à la Directrice des guerriers jaguars. Tous les membres du conseil de guerre et des branches supérieures du gouvernement la tiennent à l’écart. Les visites restent brèves, polies et souvent glaciales. Elle soutient une politique étrangère qui fait la part belle à la tolérance et la continuité, mais au final, peu de gens ont confiance en ses motivations. Son adversaire le plus coriace sur les sujets militaires et de l’État est le Maître de l’ordre Ome Tochtli. Autrefois amants, ils entretiennent aujourd’hui une relation agitée. Xochitl pense qu’Ome Tochtli cache quelque chose et elle est résolue à découvrir ce dont il s’agit. Pour le moment, elle essaye de s’attirer les faveurs de Chicahua Tlatoa. Si elle n’y arrive pas, elle pourrait bien décider de se débarrasser de lui.

Accroches scénaristiques

XOCHITL, DIRECTRICE DES OCĒLŌMEH « … ainsi, pendant que le représentant de la Compagnie commerciale atabéenne cuvera son alcool empoisonné, tu lui subtiliseras discrètement sa cargaison de cochenilles. »

• Xochitl est convaincue que le Maître de l’ordre Ome Tochtli trempe dans un culte qui pratique de nouveau les sacrifices humains. Il se méfie et adopte toujours un comportement exemplaire quand elle ou ses agents sont dans les parages. Les Héros pourront-ils l’aider à découvrir des preuves qui accablent le Maître de l’ordre ? • Xochitl a eu vent d’une rumeur concernant une expédition théane en terres nahuacanes. Elle veut des informations sur ses projets, mais les cuāuhmeh sont aussi à sa recherche. Ils ne suivront pas ses ordres et, s’ils trouvent les Théans les premiers, la situation risque de se finir en bain de sang. Les Héros sauront-ils retrouver les Théans et rapporter les informations à Xochitl avant qu’il ne soit trop tard ?

Chicahua Tlatoa, Grand orateur

Chicahua Tlatoa rêvait de devenir le Grand orateur de l’Alliance, mais il ne pensait pas que cela arriverait aussi vite que ça. De sang noble et issu d’une longue lignée de prêtres réputés, sa famille s’attendait à ce qu’il suive la voie de ses aïeux. Au lieu de ça, il remit tout en question. Après le séminaire, il n’intégra pas le clergé, préférant endosser la fonction de juge itinérant. Il passa alors un an à voyager entre Nexhuatipec (sa ville natale) et les villages situés en périphérie. Durant ses périples, il apprit énormément sur la politique expansionniste de l’Alliance, ainsi que sur les États inféodés. Il écrivit alors des lettres et des traités critiquant la façon dont les dieux régnaient sur l’Alliance. Il était persuadé que personne ne les lirait. Toutefois, lorsque vint l’heure de désigner un nouveau Grand orateur, le choix des dieux étonna Chicahua Tlatoa au même titre que tout le monde. Chicahua Tlatoa est un homme intelligent, mais jeune. Cela amène les gens à le sous-estimer. La majorité des prêtres nahuacans ont tendance à l’ignorer, voire à oublier qu’il veille au grain. Beaucoup pensent qu’il n’est qu’une farce et attendent qu’il lui arrive quelque chose, afin qu’un autre, plus sérieux, prenne sa place. Heureusement pour lui, l’Aigle et le Jaguar sont en désaccord sur la position politique à tenir vis-à-vis de sa nomination. Ome Tochtli, Maître de l’ordre des chevaliers aigles, essaye de saper son autorité et a déjà tenté de l’assassiner au moins une fois (Chicahua Tlatoa n’a toutefois pas les preuves pour en attester). Xochitl, la Directrice des guerriers jaguars, semble au contraire le soutenir (même si elle tente également de l’influencer). Quoi qu’il en soit, Chicahua s’est entraîné pour ce rôle sa vie durant, et contrairement à ce que pourraient laisser penser les apparences, il se sent à la hauteur de la tâche. Il doit toutefois se montrer très prudent. Il est conscient des dangers qui guettent, il sait pertinemment d’où viennent les menaces, mais il n’ose pas encore s’opposer à ses adversaires politiques, de peur d’ébranler la société nahuacane toute entière.

Accroches scénaristiques • Chicahua ne peut pas surveiller Ome et Xochitl sans reléguer son rôle de Grand orateur au second plan. Il demande aux Héros de surveiller leurs agissements et de lui faire le compte-rendu de tout ce qu’ils découvriront. • Le Grand orateur a découvert un nouveau complot ayant pour but de l’assassiner, mais il ne peut agir seul pour le déjouer. Les Héros sauront-ils le protéger sans que personne n’ait vent de son implication ?

CHICAHUA TLATOA, GRAND ORATEUR « Sans vouloir vous manquer de respect, ô grand Tlehuitzin, abreuver nos fleuves du sang des envahisseurs risque de contaminer nos réserves d’eau potable. Buvons donc un chocolat chaud avant que vous n’arrêtiez votre décision. »

Boran dit « Drake l’Orage »

Boran grandit entre les murs du Fatih Sarayı, le palais de l’Empereur du Croissant situé à Iskandar. À la mort de son père, son frère Istani revendiqua le titre impérial. Afin d’échapper à une mort certaine—la tradition du Malasha imposant que tout héritier élimine ses frères et sœurs afin d’obtenir le trône—Boran dû quitter son pays natal en toute hâte. En fuite, dépossédé de ses titres et de ses richesses, Boran fit confiance aux mauvaises personnes et monta sur le mauvais bateau : celui d’esclavagistes de la Compagnie commerciale atabéenne. Emprisonné sur ce navire, il endura les pires traitements possibles aux côtés d’autres malheureux réduits eux aussi en esclavage. Il refusa toutefois de sombrer dans le désespoir. Peu à peu, il organisa une rébellion qui finit par porter ses fruits : libérer tous les esclaves du navire. Il prit alors le nom de Drake l’Orage et rejoignit les rangs de la Fraternité de la côte qui, pour le tester, l’envoya en expédition dans l’Alliance nahuacane. Là-bas, Drake reçut une véritable bénédiction : un entretien avec le Grand orateur, un honneur que l’on n’accorde pas à n’importe qui. Les dieux avaient en effet révélé le nom véritable de Drake à Chicahua Tlatoa, qui comprit dès lors son histoire. Il fit la promesse de ne jamais divulguer son secret et lui révéla que leurs destins respectifs, tout comme celui de leurs grandes Nations, étaient liés.

Accroches scénaristiques

BORAN DIT « DRAKE L’ORAGE » « Il ne faut jamais se fier aux apparences. »

• Le visage de l’Empire a changé depuis que l’Impératrice Safiye a repris le trône. Drake peut désormais rentrer chez lui, comme tous ses autres frères et sœurs. Cependant, on murmure qu’Istani ne serait pas mort et préparerait sa vengeance. Les Héros pourront-ils aider Drake à retourner chez les siens malgré les agents d’ Istani qui sont à ses trousses ? • Drake est à la recherche d’un artefact syrneth qui permet à deux personnes de communiquer sur de grandes distances. Il voudrait l’offrir au Grand orateur et à sa sœur afin qu’ils puissent forger une alliance. Malheureusement, les dernières informations en date sur l’artefact le placent dans l’antique cité de Cochicoapan. Les Héros sauront-ils aider Drake à retrouver l’artefact dans la cité interdite ?

Ichtaca

Ichtaca débuta sa carrière en tant que simple porteuse, charriant des monceaux de jade et de plumes de quetzals jusqu’aux marchés de Mīlllahco. Elle maîtrisa rapidement l’art d’aller et venir en ville sans se faire repérer, d’éviter les bandits et d’être redoutable en affaires. Bientôt, Coaxah, une noble de Mīlllahco ayant un attrait pour les antiquités aztlanes l’engagea pour prendre la tête d’une mission commerciale à destination de la cité frontalière d’Achiultla. Ichtaca passa des semaines à tenter de convaincre les Achiultlaniens de s’asseoir à la table des négociations. Malheureusement, tout cela était beaucoup trop lent. Coaxah, lassée d’attendre, influença le Grand orateur pour que la cité soit déclarée ennemie de l’Alliance. En quelques jours, l’armée nahuacane réduisait la ville en cendres. Suite à ce fiasco, Ichtaca accepta un simple emploi d’inspectrice de marché. Chaque nuit, ce qui s’était passé à Achiultla la hantait. Elle jura alors de ne plus jamais laisser perpétrer une telle infamie. Sur la grande place du marché de Mīlllahco, le taux de criminalité diminua de moitié lorsqu’elle entama son office. Ichtaca parvint à déjouer un assassinat visant le nouveau Grand orateur, Chicahua Tlatoa, après avoir enquêté sur l’apparition d’un artefact inconnu. Pour la récompenser, ce dernier lui proposa de devenir une espionne à son service. Il lui permit de prendre à nouveau la direction d’une mission commerciale afin qu’elle puisse dissimuler aisément sa fortune, son rang et ses motivations. Rapidement, elle s’est créé un vaste réseau de contacts à l’intérieur et à l’extérieur de l’Alliance, parmi lesquels un nombre non négligeable de marchands odisséens.

Accroches scénaristiques • La réputation de Coaxah a bien failli être anéantie suite au désastre achiultlanien. Elle en tient Ichtaca pour pleinement responsable et a commencé à tisser une toile d’intrigues invisibles pour la piéger. Ichtaca demande aux Héros de démêler la toile et de s’occuper une bonne fois pour toutes de Coaxah. • Ichtaca voudrait unir l’Aztlan par le négoce et le commerce, mais la tendance nahuacane à guerroyer rend la tâche compliquée. Elle demande aux Héros de rétablir les marchés conclus avec les États inféodés ayant été privés de leurs droits dans toute l’Alliance.

ICHTACA « Je vous l’assure, Maréchal : donnez-moi une heure pour parlementer avec ce chef de clan et ils rejoindront nos rangs sans avoir versé la moindre goutte de sang. »

Ome Tochtli, Maître de l’ordre des cuāuhmeh Le Maître de l’ordre Ome Tochtli est l’exemple parfait des bienfaits de l’instruction nahuacane. Ce fils d’une éminente famille noble, aux exploits militaires impressionnants, arriva au terme du séminaire avec les plus grands honneurs. Il pouvait choisir n’importe quel rôle, et pris la décision de rejoindre les cuāuhmeh, où il s’assura la tutelle du Maître de l’ordre. Lorsque son mentor mourut dans un combat contre les troupes de Fernando Medellín, Ome récupéra sa bannière. Il avait beau encore n’être qu’un élève officier, il mena son bataillon à la victoire et vainquit le garde du corps de Medellín en combat singulier. Au fil des années, Ome Tochtli a pu voir l’Alliance grappiller de petits États vassaux ici et là, mais sans jamais accomplir son but ultime d’unification. Ses stratégies avisées menèrent l’Alliance de victoire en victoire contre ses ennemis, qu’il s’agisse de criminels aztlans ou d’envahisseurs théans. Pourtant, le Grand orateur et les dieux l’ont toujours maintenu à l’écart. La notion d’une Aztlan unie, qui n’était au départ qu’un idéal, est aujourd’hui devenue une obsession qui a amené Ome à suivre une voie plus sombre. Il a rejoint un culte sacrificiel intégriste pour qui la faiblesse des dieux est due à l’absence de sacrifices. Il encourage une jeune prêtresse, Eztli, à réaliser des sacrifices humains. Eztli espère ainsi obtenir une place de choix dans le nouvel empire que fondera Ome, mais ce dernier ne fait que l’utiliser et l’abandonnera dès qu’elle deviendra une gêne. Pour la première fois de sa vie, Ome voit l’occasion d’étendre l’influence de l’Alliance nahuacane à travers toute l’Aztlan. Une seule personne se dresse en travers de son chemin : le Grand orateur. Ome Tochtli possède le pouvoir et l’influence pour réaliser son rêve : renouer avec la gloire de l’ancienne Aztlan en créant un nouvel empire dirigé par les Nahuacans. À moins qu’on ne l’arrête, il pourrait bien parvenir à ses fins.

Accroches scénaristiques

OME TOCHTLI, MAÎTRE DE L’ORDRE DES CUĀUHMEH « Arrêtons de dorloter les faibles et reprenons ce qui nous revient de droit. »

PUISSANCE

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INFLUENCE

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MALFAISANCE

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• Quelques chevaliers aigles ont eu vent de la participation d’Ome à un culte sacrificiel. Ils le pensent sous l’emprise d’Eztli et demandent aux Héros de la capturer pour qu’ils puissent l’interroger. • Les Héros apprennent qu’Ome a envoyé une unité prendre le contrôle d’une des cités-États du Tzak K’an. Un tel acte pourrait plonger l’Alliance dans une guerre qu’elle ne désire nullement. Les Héros pourront-ils arrêter les soldats avant qu’il ne soit trop tard ?

Necahual, grande prêtresse d’Ītzzohualli Necahual est une femme pieuse et vouée à Ītzzohualli : elle a fait de brillantes études, puis maîtrisé les arts de la dissimulation et du subterfuge nécessaires à se hisser au plus haut rang de son clergé. Depuis ses plus jeunes années au sein du séminaire de Mīlllahco, Necahual a toujours été fascinée par les grands cycles de création et de destruction qui rythment le calendrier nahuacan. Devenue grande prêtresse d’Ītzzohualli, elle eut accès aux textes les plus sacrés, ceux qui sont réservés aux âmes les plus pieuses. À mesure qu’elle dévorait les codex, elle repéra un élément récurrent : lors de chaque cycle, les dieux aidèrent à la création du monde, mais à chaque fois, ils abandonnèrent l’humanité à l’heure de sa destruction. Chaque page tournée semait davantage le doute dans son esprit. L’absence de réponse des dieux vis-à-vis du problème théan ne fit que confirmer ses intuitions. Si les prophéties sont correctes, l’arrivée des Théans précède la fin du sixième âge. Bientôt, les dieux abandonneront donc l’humanité à son sort. Necahual, qui préfère l’action aux paroles, ne sombra pas dans le désespoir. Bien au contraire, elle mit tous ses talents au service de son peuple afin de le sauver. Si, officiellement, elle est une prêtresse dévouée, officieusement, elle œuvre pour détruire les dieux et faire sienne leurs pouvoirs afin d’exterminer les Théans, puis guider les Nahuacans vers un nouvel âge. Armée du savoir ancien de son clergé, Necahual cherche les faiblesses des dieux. Elle engage des explorateurs pour sonder les frontières de l’Alliance et les étendues sauvages au-delà, à la recherche de l’arme qui lui permettra de les vaincre. L’une de ces expéditions a récemment retrouvé l’un des dieux jaguars. Necahual l’a soumis à sa volonté grâce à d’anciens chants, et s’en sert désormais pour supprimer ses adversaires.

Accroches scénaristiques • Necahual a envoyé des explorateurs dans un temple pour retrouver une arme qui serait capable de tuer un dieu, mais ils ne sont jamais revenus. Elle essaye de recruter quelqu’un pour aller les sauver, sans mentionner le côté déicide de la mission. Les Héros l’aideront-ils ? • Chipahua, un autre prêtre d’ Ītzzohualli, a découvert les intentions de Necahual et s’oppose à elle. Malheureusement, le voilà poursuivi par son jaguar. Les Héros parviendront-ils à le protéger de la créature suffisamment longtemps pour que Chipahua révèle les desseins de Necahual au grand jour ?

NECAHUAL, GRANDE PRÊTRESSE D’ĪTZZOHUALLI « Je ne resterai pas sans rien faire tandis que les dieux nous abandonnent à nouveau. »

PUISSANCE

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INFLUENCE

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MALFAISANCE

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Atzopelic

Atzopelic était un jeune noble vivant à Huitecocan, une cité magnifique située à l’est de l’Alliance. Il vivait une existence privilégiée, faite de savoirs et de dévotion religieuse envers Huitec, dieu timide mais sanguinaire. Dans sa jeunesse, la guerre, la défaite et l’exil n’étaient que chimères dont il avait l’habitude d’agrémenter ses poèmes. Puis vint l’Alliance nahuacane, qui offrit sa « protection » à Huitecocan. Le grand-oncle d’Atzopelic, qui gouvernait Huitecocan, déclina poliment. Malheureusement, le gouvernement nahuacan avait émis là une proposition qu’on ne pouvait pas refuser. Huitecocan fut attaquée deux semaines plus tard. Les Huitecs n’eurent aucune chance. L’Alliance conquit la ville, tua prêtres et nobles et imposa son mode de vie. Aujourd’hui, Huitecocan sert de base d’opérations à l’armée nahuacane. Atzopelic échappa à la colère de l’Alliance et trouva refuge à Tetecuallan, un village de pêcheurs. Homme lettré, fin diplomate, linguiste accompli, il n’eut aucun mal à démontrer sa valeur en tant que scribe et interprète. Sa sagesse et ses conseils furent grandement appréciés, notamment des messagers et entrepreneurs théans. Atzopelic est également un intrigant adroit et subtil, un manipulateur hors pair qui entretient un intérêt de façade et joue double-jeu avec les Nahuacans et les Théans. Il cherche à ce que la frontière orientale de l’Alliance reste fragile. Il tisse donc sa toile avec soin et attend le bon moment pour passer à l’acte, c’est-à-dire insuffler suffisamment de protestation, de dissension et de rébellion pure et simple pour que les Nahuacans n’aient pas d’autre choix que de renoncer à Huitecocan.

Accroches scénaristiques

ATZOPELIC « L’Alliance pense se battre pour dominer, alors qu’en réalité, elle essaye simplement de rester unie. »

PUISSANCE

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INFLUENCE

4

MALFAISANCE

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• Atzopelic a convaincu un groupe de Théans que l’Alliance nahuacane prévoit d’envahir leurs territoires dans la mer Atabéenne. Leur colère est telle que la menace d’un assaut total est bien réelle. Les Héros sauront-ils convaincre les Théans d’y renoncer ? • Atzopelic a rassemblé un petit groupe de survivants d’Huitecocan. Ils provoquent des émeutes et rendent la ville difficile à tenir. Les Héros parviendront-ils à convaincre les contestataires d’opter pour une meilleure approche ?

Azeneth Medellín

Le premier souvenir d’Azeneth Medellín remonte au moment où Apocōātl brûla vif son père, Fernando Medellín, sous ses yeux et ceux de sa mère, Ix Itzam. Toutes deux parvinrent à s’échapper, mais au fil du temps, la vengeance s’ancra dans l’esprit de la jeune fille. Son éducation et ses études ne furent motivées que par un seul objectif : détruire le démon qui avait assassiné son père. Ix Itzam regagna la cité-État qui la vit naître au Tzak K’an. Sa famille les accueillit toutes les deux, et Ix s’impliqua alors dans l’entreprise familiale. Au fil des années, elle se rendit plusieurs fois dans l’Alliance sans jamais être inquiétée des crimes de son mari. Malheureusement, un jour, un guerrier jaguar la reconnut et la mit immédiatement à mort pour trahison. Ix sauva la vie de sa fille en mentant sur son identité. Azeneth put prendre la fuite dans les jungles nahuacanes. Depuis, son désir de vengeance s’est accru. Elle veut détruire le Serpent des tempêtes pour le meurtre de son père et l’ocēlōtl pour celui de sa mère. Elle a appris toutes les informations possibles sur Apocōātl, y compris l’endroit où il repose actuellement. Elle a essayé de pénétrer dans son sanctuaire à maintes reprises, mais a vu ses tentatives déjouées par les chevaliers aigles et divers Héros nahuacans. Elle fera n’importe quoi pour tuer Apocōātl, y compris détruire l’Alliance nahuacane. Certes, elle se soucie de l’Aztlan, mais si cette Nation venait à disparaître, ce ne serait pas une grande perte.

Accroches scénaristiques • Azeneth a dupé un groupe de jeunes chevaliers jaguars pour qu’ils profanent le sanctuaire d’Apocōātl et qu’elle puisse ainsi s’y introduire. Les Héros retrouveront-ils le groupe pour leur montrer la perfidie de celle qui les dirige ? • Azeneth s’est associée à un groupe de Théans. Elle a promis de les emmener au cœur des terres nahuacanes pour lancer une attaque-surprise. Elle espère profiter du désordre pour infiltrer le temple d’Apocōātl et le tuer. Les Héros sauront-ils convaincre les Théans de renoncer à leur attaque ?

AZENETH MEDELLÍN « La vengeance n’est pas une question de hasard, mais de patience. »

PUISSANCE

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INFLUENCE

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MALFAISANCE

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Chapitre 3 | Le Tzak K’an

Chapitre 3

Le T ak K’an 7E MER : LE NOUVEAU MONDE

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Le T ak K’an Nichées au cœur de l’Aztlan, entre les sombres pics du Kuraq et les vallées ensoleillées de l’Alliance nahuacane, se trouvent les cités-États du Tzak K’an. Fidèle au savoir, à la science et aux voies de l’occulte, cette Nation subsiste depuis des milliers d’années dans une terre où la menace est protéiforme. Les Tzak K’aniens, que les Théans considèrent comme étranges, mystérieux voire impénétrables, ne se sont jamais trop préoccupés des dimensions matérielles de ce monde. En effet, ainsi qu’ils le savent, la réalité dépasse les apparences pour qui sait où porter son regard. Les cités-États ne sont pas dirigées par le seul pouvoir mortel. Chaque Tzak K’anien sait que l’univers est régi par le Grand cycle—la vie, la mort et la renaissance—et que seul le bon vouloir des dieux rend la vie possible sur Terra. Prêtres et astrologues gouvernent donc aux côtés des rois et reines, et tous essayent de comprendre et d’accomplir

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Chapitre 3 | Le Tzak K’an

la volonté de leurs divinités, qu’ils vénèrent et louent en échange d’un savoir magique à nul autre pareil. Obsédé par l’individualisme, préférant donner la priorité aux problèmes locaux plutôt qu’à une unification superficielle, le Tzak K’an n’a jamais vraiment été une entité politique. D’ailleurs, le nom « Tzak K’an » ne fait pas tant référence à un territoire géographique qu’à un horizon culturel partagé, une philosophie de vie commune située quelque part entre tradition et innovation. De plus, si le paysage politique s’est construit autour de quelques grandes citésÉtats influentes, il s’est peu à peu divisé en des dizaines de morceaux fébrilement maintenus par des alliances, des traités et des coutumes culturelles. Les menaces étant extrêmement nombreuses—instabilité politique, environnement de plus en plus hostile, invasions étrangères, révoltes—le Tzak K’an est aujourd’hui au bord de l’effondrement. Néanmoins, il n’a pas encore disparu. Les Tzak K’aniens ont beau en savoir beaucoup sur le futur, leur avenir leur reste incertain. Peut-être les flammes de cette Nation brilleront plus intensément que jamais, peut-être finiront-elles par s’éteindre complètement. Une seule chose est sûre : le changement est imminent. Reste à voir quelle forme il prendra.

Origines

Tenter de retracer les origines du Tzak K’an relève de la bêtise pour nombre de Tzak K’aniens car ils croient que l’histoire—à l’instar du temps—n’est pas linéaire. Cependant, ils reconnaissent que certains événements majeurs ont effectivement modelé les fondations de leur Nation. Ce sont ces petites histoires que la grande histoire tzak k’anienne a choisi d’immortaliser. Pour les Tzak K’aniens, l’univers est constitué d’une pluralité de mondes imparfaits soumis à des cycles. L’Empire aztlan n’en était qu’un parmi d’autres  : une époque et un endroit très similaires à ceux d’aujourd’hui, meilleurs par bien des façons, mais que les dieux effacèrent de la création à cause des péchés des hommes. Tous les Tzak K’aniens, aristocrates comme roturiers, apprennent les récits concernant ce précédent monde afin de comprendre que toute chose appartient à un cycle : qu’elle a une fin, suivie d’une renaissance.

La création K’a katz’ininoq, k’a kachamamoq, katz’inonik, k’a kasilanik. K'a kalolinik, katolona puch.

Les mondes qui furent, et ceux qui auraient pu être, murmurent aux dieux leurs doux soupirs. Tel un souffle sur l’onde calme, ils rident sa surface.

Au début, il n’y avait rien, rien que les murmures d’un monde et de son écho dans les ténèbres. Ainsi débute l’histoire. Menés par le Serpent à plumes, les dieux-rois, parés des plumes turquoise des quetzals, s’assirent et discutèrent. Tous réfléchirent et s’interrogèrent. Lorsqu’ils s’accordèrent sur les formes que devaient prendre leurs créations—l’eau, les arbres, les animaux et l’humanité—l’ensemencement débuta. Quatre faces, quatre angles, mesurés, marqués et liés ensemble. Les royaumes du bas, du milieu, du haut, éclos. Du centre de l’univers s’étendit le camaïeu créé par le Serpent à plumes et les premiers dieux, qui savent tout, voient tout et sont tout.

Les dieux créèrent l’univers ainsi, ce pour quoi les Tzak K’aniens ont toujours façonné leur monde physique dans cette même logique : temples gigantesques, pyramides, maisons et même champs agricoles, tous sont minutieusement agencés en partant du centre et en s’étirant vers les quatre angles. Cette coutume sacrée permet aux Tzak K’aniens de créer et reconstruire quotidiennement l’univers sur leur plan matériel. Les trois Mondes furent reliés entre eux par le Ceiba, le grand arbre de la vie et axe de l’univers : ses racines plongent jusqu’aux profondeurs de Xibalba (l’outre-Monde où tous les hommes doivent se rendre à leur mort), son tronc réside dans le monde Intermédiaire (le royaume terrestre où se situe notamment l’Aztlan) et ses branches hautes touchent au Monde d’en-haut (là où vivent les ancêtres et les dieux). Grâce au Ceiba, les Tzak K’aniens savent que le lien qui relie les trois Mondes est indestructible. Les dieux-rois firent don au Monde intermédiaire de la nature. Afin de recevoir la vénération qu’ils méritaient, ils créèrent ensuite les animaux. Malheureusement, ces derniers n’étaient pas doués de parole, donc ne pouvaient remplir leurs devoirs sacrés. Ils fabriquèrent alors les hommes de boue, mais ceux-ci n’arrivaient pas à marcher, puis les hommes en bois, mais ceux-ci étaient dénués de conscience. Finalement, ils se concertèrent et, dans leur sagesse divine, trouvèrent la solution : avec leur propre sang, ils façonnèrent les premiers hommes. Ils parlent et créent leurs propres mots, dirent-ils. Ils seront les dignes représentants de leurs créateurs et du Monde que nous avons façonné. Ils obéiront à nos lois et loueront nos noms. L’âge de l’Empire aztlan débuta alors. La mythologie tzak k’anienne dit que l’Empire était uni, prospère et resplendissant. Les pluies étaient fréquentes, les récoltes généreuses. Le Monde d’en-haut, le Monde intermédiaire et l’outre-Monde ne faisaient qu’un. Il s’agissait d’une époque d’abondance. À l’apogée du savoir, les astrologues pouvaient parler avec les étoiles comme s’il s’agissait de personnes, les yeux des hommes voyaient tout ce qu’il était possible de voir et leurs esprits étaient à même de saisir tous les mystères de l’univers. Le savoir de ces peuples était sans limites : les Aztlans comprenaient toute chose, petite ou grande. Les Tzak K’aniens disent que cette opulence et ce savoir transformèrent les hommes en êtres suffisants. Aveuglés par leur orgueil, ils négligèrent de prier les dieux-rois et de payer leur tribut envers eux. Ces derniers décidèrent de punir leur orgueil démesuré en les abandonnant et leur faisant affronter la nature, la sécheresse et des terres stériles, ainsi qu’en effaçant tout le savoir qu’ils avaient accumulé.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE

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Les dieux-rois brouillèrent ainsi le savoir et la vision cosmique des Aztlans pour leur rappeler la source de leur sagesse. Dans leur juste courroux, ils mirent fin aux pluies, affamèrent la terre et laissèrent les éléments à leur libre cours. La civilisation s’écroula et les premiers hommes perdirent leur terre nourricière et leurs savoirs. De l’aube naissante du monde actuel émergèrent alors les Jumeaux héroïques.

Les Jumeaux héroïques L’humanité—telle que nous la connaissons aujourd’hui—et l’importance des cycles dans la croyance tzak k’anienne sont au cœur de la légende des Jumeaux héroïques. Ces récits figurent dans les textes sacrés, sur les représentations artistiques et sont encore racontés autour de l’âtre familial.

La chute de Pet Mo’ Après la Chute, la Terra devint un lieu singulier, une version étrange de ce que nous connaissons aujourd’hui, comme un rêve éveillé où tout semblait à la fois bizarre et familier. Notre notion actuelle de la «  logique  » n’existait plus que sous certaines formes alambiquées, et les superbes lumières du ciel, du soleil et de la lune étaient dissimulées. En cette époque troublée vivait Pet Mo’, un immense perroquet paré de gemmes et de pierres scintillantes. Aussi vaniteux que fourbe, il affirmait être le « Soleil unique et véritable. » Il avait pour habitude de s’asseoir et de déclarer : « Ma lumière est grande. Elle jaillit du

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Chapitre 3 | Le Tzak K’an

métal de mes yeux et scintille sur les joyaux de mon bec. Mon visage turquoise est aussi bleu que le visage du ciel. Mon nez brille d’un blanc aussi éclatant que celui de la lune éloignée. Je suis le Soleil unique et véritable. » Tel n’était pas le cas, bien entendu, car le Soleil unique et véritable venait du Serpent à plumes et des dieux. Les Jumeaux héroïques perçurent que Pet Mo’ n’était qu’un faux reflet, et se demandèrent comment libérer l’humanité du règne de ce faux dieu. « La vie ici n’est pas ce qu’elle pourrait être. Ce monde manque d’habitants. Nous devons nous débarrasser de Pet Mo’. Cet imposteur doit mourir, tout comme deux de ses fils, Tek’ Winik et Lum Pak’, qui façonnent la pierre et font se mouvoir la terre pour, eux aussi, se donner une importance qu’ils ne possèdent pas. Leur existence est un blasphème aux dieux. » Grâce à leur ruse et leur courage, ils firent choir Pet Mo’ et retirèrent les joyaux et le métal ornant son visage. Ils enfouirent ensuite Tek’ Winik dans les profondeurs de la terre et transformèrent Lum Pak’ en pierre. À cet instant, les dieux les récompensèrent en faisant à nouveau briller les lumières du ciel, du soleil et de la lune.

La défaite de l’outre-Monde Bien plus tard, un jour que les Jumeaux œuvraient à planter un jardin, ils surprirent un petit rat qui endommageait leurs plantations. « Laissez-moi la vie sauve, suppliat-il, et je vous parlerai de votre père que vous n’avez jamais connu. »

Les Jumeaux consentirent à épargner le rongeur. « Votre père et votre oncle étaient les meilleurs joueurs de balle ayant jamais vécu sur le Ceiba. Blessés dans leur orgueil, les dieux de la mort leur envoyèrent une invitation à venir disputer un match contre eux, à Xibalba. Votre père et son frère acceptèrent le défi. Ils se rendirent dans l’outre-Monde pour jouer, mais dupés par les dieux, ils y perdirent la vie. La tête de votre père est toujours là-bas, coincée dans les racines du Ceiba. » Les Jumeaux décidèrent de venger leur famille, mais pour cela, il leur fallut devenir meilleurs que les dieux. Ils se mirent donc à jouer, s’entraînèrent très durement et affrontèrent les meilleurs adversaires au cours de matchs particulièrement retentissants. Ils attirèrent l’attention des dieux de Xibalba, qui les invitèrent à venir jouer contre eux. Ils se rendirent dans l’outreMonde, comme leur père et leur oncle avant eux : ils descendirent une falaise abrupte jusqu’à un plan d’eau, traversèrent le fleuve d’épines, le fleuve de sang et le fleuve de pus, puis pénétrèrent dans la salle du trône des dieux de la mort. Comme leurs aïeux avant eux, ils furent dupés : les dieux de la mort les contraignirent à triompher d’une série d’épreuves avant qu’ils ne puissent jouer leur match. Ils les firent passer par les différentes maisons des morts  : la Maison des ténèbres, la Maison des lames et la Maison de la chauve-souris, où l’un des Jumeaux mourut décapité. Lorsque le terrible match commença, les dieux de la mort, pleins de malveillance, utilisèrent la tête du Jumeau assassiné comme ballon. Cela n’arrêta cependant pas son frère qui, en dépit des ruses et des humiliations, parvint à remporter à lui seul la partie. Mais l’histoire ne se termine pas ainsi. Pour quitter Xibalba, le Jumeau survivant savait qu’il lui fallait mourir. Emportant le corps de son frère, il se jeta dans les flammes d’un feu éternel. Leurs os furent réduits en poudre et dispersés dans l’un des fleuves de l’outre-Monde. Miraculeusement, les Jumeaux héroïques revinrent à la vie. Ils avaient surmonté les épreuves de la mort et accompli le Grand cycle. C’est ainsi qu’ils rapportèrent de l’outre-Monde tout le savoir concernant le cycle de vie, de mort et de résurrection que suivent toutes les choses de l’univers.

Histoire

Si la mythologie relative à la création de l’univers fait consensus chez tous les Tzak K’aniens, il n’en va pas de même en ce qui concerne l’origine du Tzak K’an. À ce sujet, les histoires varient plus ou moins fortement d’une cité-État à l’autre.

Les Chok Ch’a L’une des histoires les plus répandues dans le pays évoque l’existence d’une culture originelle commune à tous les Tzak K’aniens : celle des Chok Ch’a (« Ceux d’avant » en tzak k’anien). Ces puissants sorciers capables de divination, qui savaient communiquer avec les dieux, fondèrent les premières cités et inventèrent l’écriture. Leur civilisation était puissante et glorieuse mais il n’en reste plus, aujourd’hui, que quelques traces disséminées ici et là au Tzak K’an. Les vestiges les plus emblématiques sont par exemple les têtes géantes en pierre qui parsèment encore les paysages aztlans. Quelques Tzak K’aniens et Nahuacans, qu’ils soient curieux ou aventureux, se rendent parfois au plus profond des jungles interdites pour admirer les ruines chok ch’a. Tous ne savent malheureusement pas que ces lieux sont irrémédiablement maudits. Les récits tzak k’anien—qu’ils soient basés sur la transmission orale ou les recherches archéologiques—affirment que le panthéon chok ch’ai était constitué de dix dieux, parmi lesquels se trouvait notamment le Serpent à plumes. Les Chok Ch’a y vénéraient plus particulièrement le dieu Jaguar, qu’ils estimaient plus puissant que tous les autres. Ce dernier, en retour, leur offrit un savoir et une habileté suprêmes qui firent d’eux le plus grand peuple de la Terra. Les Chok Ch’a disparurent pourtant aussi vite qu’ils s’étaient élevés. Les érudits ayant étudié les légendes pensent qu’ils provoquèrent le courroux du Serpent à plumes, lequel aurait abattu sa puissance divine sur leur civilisation afin de la faire disparaître de la surface du monde. Bien des Tzak K’aniens s’interrogent sur ce que put être leur péché divin, ce à quoi les prêtres du Serpent à plumes répondent généralement que la vénération portée au dieu Jaguar—qui dépassait celle de tous les autres dieux—aurait déclenché l’ire du Serpent à plumes et provoqué leur perte.

Le culte du Jaguar Certaines rumeurs disent que de petits groupes très secrets vénèrent encore le dieu Jaguar. On dit que ces cultes seraient composés de jaguars-garous, des êtres polymorphes capables de passer à volonté de la forme humaine à celle du jaguar. Des

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années durant, ces ouï-dire alimentèrent la paranoïa des prêtres du Serpent à plumes, les amenant parfois jusqu’au meurtre d’enfants qu’ils soupçonnaient d’être de futurs jaguars-garous. À cause de cela, les quelques vrais jaguars-garous qui vivaient en Aztlan choisirent de se cacher. Aujourd’hui, certains se rencontrent en secret pour tenter de trouver d’autres de leurs semblables et ainsi ranimer le culte du dieu Jaguar ; d’autres se sont alliés aux métamorphes vivant au nord du Tzak K’an ; les derniers ignorent quant à eux tout de leur nature. Dans les faits, personne ne sait ce qui se passerait si ce culte renaissait de ses cendres.

Les survivants de l’Empire aztlan La théorie d’une culture originelle commune à tous les Tzak K’aniens n’est pas partagée par toutes les cités-États du pays. Certaines, souvent les plus refermées, soutiennent qu’elles existent depuis « l’ensemencement » et qu’elles font partie des quelques privilégiés à avoir survécu à la destruction de l’ancien monde. Ces Tzak K’aniens ignorent quelles sont les origines de ceux qu’ils appellent les « Anciens, » mais ils soutiennent que leur héritage est titanesque. Reconnaissables à leurs aptitudes martiales et leurs pyramides colossales, les Anciens étaient unis et excessivement dévoués au Serpent à plumes. De nos jours, une majorité de ces Tzak K’aniens pensent que les cultes pratiqués par les Anciens étaient beaucoup trop extrêmes. Certains récits font par exemple mention de mille humains—quand ce n’est pas dix mille ou cent mille—qui auraient été sacrifiés puis enterrés sous le gigantesque temple du Serpent à plumes. Des légendes parlent également de colonnes de crânes s’élevant jusqu’aux cieux. Si certains prêtres soutiennent que les Chok Ch’a furent condamnés pour leur culte voué au dieu Jaguar, d’autres affirment que les Anciens provoquèrent leur propre chute à cause de leurs tentatives sanglantes et injustes de plaire à leur dieu.

L’héritage de Ceux d’avant Pour une grande majorité de Tzak K’aniens, l’influence historique des Chok Ch’a est indéniable. Ainsi, nombreux sont ceux qui imputent la grande tradition scribale du Tzak K’an à l’héritage chok ch’ai—contrairement aux « barbares » nahuacans ou aux Kuraques « blasphématoires »—et qui estiment que leurs connaissances astronomiques, leur maîtrise de la pierre et leurs capacités

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divinatoires sont liées à la culture chok ch’ai. Quoi qu’il puisse en être, les vestiges de civilisations antiques—qu’il s’agisse de celle des Chok Ch’a ou des Anciens—parsèment le paysage du Tzak K’an. Dans cette Nation, pour découvrir et comprendre le passé, il suffit parfois de ramasser un vestige et de l’utiliser. Beaucoup d’artefacts laissés par les Anciens ou Ceux d’avant sont encore intacts, et il n’y a souvent qu’à se baisser pour obtenir leur savoir.

Les premières grandes cités Si l’on demande à un érudit tzak k’anien pourquoi les premières cités-États furent érigées, il vous répondra qu’il était à l’époque nécessaire de légitimer le pouvoir politique des dirigeants par un argument divin (notons que dans quelques cités-États, on vous répondra plus probablement qu’il ne s’agissait que du résultat d’une propagande particulièrement efficace pour manipuler la plèbe). À bien y réfléchir, ce n’est finalement pas si différent des raisons qui président encore, aujourd’hui, à la construction de nouvelles cités. Il existait déjà à cette époque un profond clivage entre ceux qui se réclamaient héritiers des Chok Ch’a et ceux qui estimaient être les descendants des Anciens. Ainsi, les deux premières grandes cités-États qui émergèrent, Sak Taj et Ka’anlakmul, étaient chacune gouvernée par un défenseur de l’une ou l’autre théorie relative au « peuple des origines. »

Sak Taj et « l’Arrivée » Les histoires disent que Sak Taj fut bâtie par les descendants des Chok Ch’a. Érigée sur le modèle chok ch’ai, la vaste et étincelante cité fut constellée de pyramides, places publiques, autels et larges stèles. On inscrivit sur toutes ces constructions l’histoire des rois, notamment la façon dont ils furent choisis par les dieux. Les jours passants, diverses divinités furent louées et la ville crût sous les yeux vigilants des rois de la dynastie des Chak Tok Ich’aak (« Grande griffe de brume » en tzak k’anien). L’histoire de Sak Taj fut bouleversée par l’arrivée sur la scène politique de Siyaj Ch’amak (l’Enfant de feu). Il apporta avec lui les coutumes ancestrales venues de l’Empire aztlan et œuvra afin de remplacer les mœurs des Chok Ch’a. Le roi Chak Tok Ich’aak périt des mains de Siyaj Ch’amak. Avec sa mort, la lignée des descendants chok ch’a prit fin et les traditions militaires et politiques de l’ancienne Aztlan refirent leur apparition. Siyaj Ch’amak ordonna que les monuments des rois défunts soient détruits et enfouis profondément sous terre.

Il fit ensuite rebâtir les pyramides et les édifices afin qu’ils représentent l’ordre aztlan. Siyaj Ch’amak, assisté de son fils aîné, K’inich Jol, supervisa l’instauration de l’ordre aztlan à Sak Taj, mais aussi dans toutes les cités-États voisines. Une nouvelle dynastie vit ainsi le jour, porteuse des habits, des signes distinctifs et des traditions des Anciens.

K’anlakmul et « les Préparatifs » À l’ouest de Sak Taj se trouvait la cité-État de K’anlakmul, autrement appelée le royaume du Serpent. Les premiers rois Serpents, ambassadeurs et conservateurs des traditions chok ch’a, érigèrent une imposante ville qui, aujourd’hui encore, ne connaît pas d’égale en Aztlan. Au fil du temps, la ville crût, gagna en influence militaire et se développa économiquement. Lorsque la cité voisine de Sak Taj fut corrompue par la présence aztlane, les rois Serpents la surveillèrent de près. L’un d’eux, Taj Yuknoom, complota pour faire choir la dynastie de Siyaj Ch’amak. Il forma une alliance politique avec le fils cadet de l’Enfant de feu, Ch’ul Ajau K’u B’alam. Ce dernier avait été nommé roi d’une petite cité-État voisine, mais convoitait le trône de Sak Taj. Il avait déjà triomphé de son frère aîné, K’inich Jol, ce pourquoi Taj Yuknoom vit dans cet accord l’occasion de prendre le contrôle de Sak Taj, et ce même si cela amènerait certainement à un conflit futur contre cet allié providentiel.

La « Guerre céleste » Taj Yuknoom, dorénavant allié à Ch’ul Ajau K’u B’alam, prépara son armée à attaquer Sak Taj, où la dynastie de Siyaj Ch’amak continuait d’amasser ressources et pouvoir grâce aux traditions mortifères des anciens aztlans. Le roi Siyaj Ch’amak et son fils, K’inich Jol, eurent bien vent des menaces, mais ils n’en eurent cure, trop obnubilés par leur propre suffisance. Ainsi commença la Guerre céleste. On raconte que le conflit eut une envergure démesurée : Sak Taj et K’anlakmul s’affrontèrent dans une guerre sans pitié qui ébranla la terre et le ciel. Les haches frappèrent les lances, les lames percèrent la chair et des milliers de guerriers entamèrent leur voyage jusqu’à Xibalba. Lorsque les combats cessèrent, la terre était gorgée de sang et couverte d’une mer d’armes en obsidienne brisées qui étincelait, véritable reflet des étoiles dans le ciel. Taj Yuknoom réussit ainsi à renverser l’Enfant de feu et à purifier le Tzak K’an de la corruption venue de l’Empire aztlan. Cette victoire permit à la Nation de se construire, unie

par un même mode de vie : celui des descendants des Chok Ch’a. Malgré cela, les rois et reines des différentes cités-États restèrent clivés et querelleurs. Certes, la culture était la même partout, mais le peuple n’en demeurait pas moins divisé. Tous les historiens tzak k’aniens s’accordent sur un fait : les origines de leur pays furent marquées par des identités individualistes, une caractéristique désormais devenue typique du paysage sociopolitique du Tzak K’an.

L’épanouissement des cités-États L’époque qui suivit la Guerre céleste apporta richesse, prospérité et savoir au Tzak K’an. Ce fut également l’âge des gigantesques constructions. Nombre de villes naquirent au milieu du paysage inhospitalier, beaucoup de contes affirmant qu’elles jaillirent littéralement du sol. En réalité, les Tzak K’aniens brûlèrent des milliers d’hectares de jungle pour permettre à ces centres urbains de se développer, à tel point que pendant des siècles, des piliers de fumées obstruèrent l’horizon. Cette politique expansionniste fut bien entendu conduite par les différents dirigeants des cités-États, chacun cherchant à étendre la portée de son pouvoir. K’anlakmul et Sak Taj, notamment, continuèrent à accroître leur influence  : tandis que débutait la construction de Baak Ah’yiin au nord, les rois Serpents œuvrèrent pour placer les souverains de leur choix à Nohl T’zam et Olom Pa’. D’une manière générale, les villes de moyenne envergure étaient dominées par les grandes cités-États les plus proches, quant aux plus petites, elles n’intéressaient personne. Puis vint une période pendant laquelle les souverains préférèrent s’occuper de leurs propres champs politiques plutôt que de se soucier des vergers de leurs voisins. Ils se préoccupaient alors de stabiliser leur propre pouvoir, tant et si bien que la guerre n’avait soudain plus sa place dans leur quotidien. Les pluies se firent fréquentes et les récoltes abondantes. Grâce aux taxes et aux impôts de la population croissante, les infrastructures et le commerce se développèrent. Le maïs des fermiers poussait aussi sûrement que les pyramides des dirigeants. Cette ère fut également celle de la réunification avec le savoir ancien. Les cités-États investirent en effet leurs ressources dans l’étude et le développement de l’astronomie, des mathématiques, de l’art et de l’écriture. Tandis que les idéaux des Nahuacans étaient fondés sur la puissance militaire et que les Kuraques n’aspiraient qu’à conquérir la mort et à en

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« triompher, » les Tzak K’aniens puisaient leur force dans leur connaissance de l’univers, de la nature et de l’occulte. Les cités-États étaient alors convaincues que ces savoirs les sauveraient et leur permettraient de survivre à la fin de leur monde. Distraits par l’insignifiance du présent, l’Alliance nahuacane et l’Empire kuraque ne semblaient en effet pas avoir conscience que ce monde touchait à sa fin. Les Tzak K’aniens s’y préparaient en cherchant asile dans les différentes cités-États, en réinstaurant les arts et les magies d’antan, ainsi qu’en apprivoisant les technologies antiques.

L’arrivée des Théans Le premier navire théan débarqua sur le littoral oriental du Tzak K’an, près de la ville de Baak Ah’yiin (Crocodile d’os). Les dirigeants des cités-États tzak k’aniennes avaient déjà entendu quelques rumeurs au sujet des étrangers avec qui commerçaient les Nahuacans. Les réseaux de marchands s’étendant au-delà des frontières, ils permettaient aux informations et aux rumeurs de circuler à travers toute l’Aztlan.

Le roi de Baak Ah’yiin, Chiwoj Ahau (Seigneur Grande araignée), attendait de pied ferme l’arrivée de ces étrangers. Chiwoj Ahau était en effet préoccupé par l’influence grandissante de deux villes  : K’anlakmul—ainsi que tous les rois et reines Serpents des cités-États qui lui étaient alliés—et Nohl T’zam. La première avait gagné en pouvoir avec les siècles et clamait désormais haut et fort son ambition d’instaurer un Tzak K’an uni sous sa bannière  ; elle avait d’ailleurs déjà commencé ses conquêtes, répandant son message idéologique à travers les territoires annexés. Les souverains de la seconde délivraient quant à eux des sermons sur la fin du monde imminente et le besoin de purifier toutes les cités-États en mettant un terme à la majorité des activités économiques et expansionnistes, et ce afin d’apaiser les dieux. Chiwoj Ahau ne partageait ni l’une ni l’autre de ces visions. Progressiste dans l’âme, le souverain avait certes toujours été ouvert au commerce avec l’Alliance nahuacane, mais il n’était toutefois pas favorable à l’idée d’une unification sous un « empire » tzak k’anien (il avait d’ailleurs coutume de dire : « Ce concept n’a jamais existé et n’existera jamais. »). À ses yeux, ces « voisins » étaient davantage étrangers que les Castillians.

Une alliance improbable Si, de prime abord, Chiwoj Ahau trouva les Théans fort peu intimidants, il leur proposa tout de même de former une alliance contre les cités-États qu’il considérait comme ses ennemis. Assisté d’un interprète—les marchands avaient en effet appris cette nouvelle langue très rapidement, ce qui n’est finalement pas si étonnant étant donné l’énorme potentiel commercial des Théans—Chiwoj offrit à Frederico Fernandez Lopez sa protection, ainsi que le droit de se déplacer librement et de faire commerce sur son territoire. En échange, il lui demanda de s’allier à lui le moment venu pour conquérir les autres cités-États. Si Chiwoj Ahau cherchait à protéger son peuple des autres cités-États tzak k’aniennes, Lopez et ses hommes désiraient quant à eux implanter leur expansion économique en toute sécurité. Les Castillians, bien conscients de la position stratégique de Baak Ah’yiin, acceptèrent donc les termes du marché. Cette alliance est aujourd’hui toujours en vigueur. Les Théans ont ainsi profité de cet accord pour développer leur négoce le long du littoral et avec les cités alliées de Baak Ah’yiin, voire, de temps en temps, avec les avant-postes indépendants qui bordent le réseau fluvial.

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La population de la cité-État ayant toujours inclus et adapté des éléments venus de cultures étrangères dans son quotidien, l’intégration des Castillians se fit sans heurt. Nombre de Théans mirent d’ailleurs à profit l’influence tzak k’anienne pour améliorer leurs pratiques. En fait, les seules tensions naquirent lorsque les étrangers se mirent à vouloir imposer leurs dieux, d’où une expression devenue populaire à Baak Ah’yiin : Nos dieux peuvent vous indiquer le chemin du retour. Cela fait quatre-vingt-dix ans que l’appel à une guerre potentielle a été conclu. On pourrait se dire que les termes de cet accord sont devenus caducs avec le temps, pourtant, au vu de la montée actuelle des tensions environnementales et politiques, ils se font de plus en plus concrets. Les chefs militaire théans ne renient d’ailleurs pas la promesse qui leur a octroyé près d’un siècle de prospérité : « Quand nous partirons nous battre, nous partirons ensemble. »

Les conflits entre les cités Si, aux origines du Tzak K’an, quelques gigantesques cités-État—comme K’anlakmul et Sak Taj—dominaient le paysage géopolitique, les deux derniers siècles ont vu le pays se fragmenter de plus en plus du fait des nombreuses rivalités. Les superpuissances perdant petit à petit leur hégémonie, les conflits militaires apparurent entre un grand nombre de petites villes. Le Tzak K’an s’est progressivement transformé en un véritable cauchemar diplomatique : plus de vingt « royaumes, » tous différents en taille et en influence, rivalisent désormais pour gagner en pouvoir et promouvoir leurs propres idéaux. Les grandes distances séparant les cités-États, piètrement gérées et peu contrôlées, contribuent à engendrer chaos et dissension : les villes inféodées sont en désaccord sur les priorités à suivre, les habitants des régions défavorisées remettent en cause la légitimité divine de leurs dirigeants, les prêtres se disputent au sujet des dieux et les familles royales commencent à s’entredéchirer. Le Tzak K’an n’a jamais été une Nation solidaire, mais la situation semble à présent pire que jamais.

La lutte contre l’effondrement L’ambiance générale qui règne au Tzak K’an peut aujourd’hui se résumer en deux mots : angoisse collective. Tous les Tzak K’aniens, des rois aux paysans, savent que le Grand cycle provoquera bientôt la destruction de leur monde : ce qui pousse doit mourir, pour repousser ensuite.

La nature de cet anéantissement leur reste toutefois mystérieuse. À travers le Tzak K’an, trois grandes théories ont émergé.

« Le Grand serpent s’autodévorera » Étant donné les siècles de conflits qui ont marqué l’histoire des cités-États, une partie des Tzak K’aniens pensent que la fin de leur monde sera tout simplement due à une guerre civile. Afin d’éviter ce conflit apocalyptique, certains souverains ont envisagé une alternative : conquérir le pays pour unir toutes les cités-États sous une même bannière. Cela va certes à l’encontre de la culture tzak k’anienne—la fierté et l’individualisme sont si répandus que nombre de Tzak K’aniens préféreraient voir leur monde réduit en poussière plutôt que de vivre sous le règne d’un autre—mais ces dirigeants estiment qu’il vaut mieux transformer le Tzak K’an, même si ce doit être par la force, plutôt que de le voir réduit en cendres. Dans l’éventualité peu probable où cela se produirait, une majorité de Tzak K’aniens pense que le Serpent à plumes se dévorera lui-même plutôt que d’exister dans le mensonge ou le compromis.

« Les aigles, les morts et ceux venus de l’est » Mêmes les Tzak K’aniens les plus renfermés sur eux-mêmes n’ignorent pas les menaces qui les entourent : un vent de révolte exacerbé par l’arrivée des Théans, les Nahuacans qui ont atteint un apogée politique et militaire, les Kuraques qui semblent construire quelque chose d’important. Une partie des Tzak K’aniens pensent que la fin de leur monde sera due aux actions de l’un de ces ennemis. Certes, tous ont l’air relativement insignifiants pour l’instant, mais les Tzak K’aniens sont incapables de mettre en place un front uni à même de contrer ne serait-ce qu’une seule de ces menaces. Imaginer qu’ils puissent s’organiser pour toutes les gérer semble donc tout bonnement impossible. Des coalitions tentent désespérément de former des alliances temporaires entre cités-États au cas où la menace d’une conquête extérieure venait à se réaliser. Toutefois, dans les faits, les souverains ne demanderont jamais à leurs rivaux de se battre à leurs côtés. Rien que l’idée leur paraîtrait ridicule : tenter de combattre ainsi l’une ou l’autre des trois puissances étrangères n’amènerait bien évidemment qu’un destin tragique.

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« La volonté des dieux » Tous les Tzak K’aniens connaissent l’histoire des mondes qui ont précédé le leur : les dieux, par mécontentement ou autorité divine, ont cessé de leur prodiguer les moyens de subsistance dont ils avaient besoin. Une partie des Tzak K’aniens pensent que la fin de leur monde sera due à une apocalypse totale. Par bien des aspects, les décennies qui viennent de s’écouler tendent à leur donner raison : les pluies ne viennent pas lorsqu’elles le devraient, le sol est maudit et la terre ne prend plus soin des hommes. Les Tzak K’aniens ne comprennent pas pourquoi cela arrive. N’avons-nous pas assez prié ? Les dieux ont-ils oublié leur peuple ? Notre monde est-il simplement parvenu à sa fin ? Nombre de souverains tentent de trouver des réponses à ces questions pour stopper le processus : recherches académiques, changements dans les rituels pratiqués, expéditions pour retrouver ces dieux qu’aucun Aztlan n’a vus depuis des générations. Les questions posées aux divinités présentes au Tzak K’an n’ont amené que des réponses obscures, parfois contradictoires (il ne faut jamais oublier que les dieux ont leurs propres desseins). En dépit des efforts fournis, les résultats sont donc proches du néant. Quelques-uns pensent qu’il ne sert à rien d’espérer : la fin de ce monde est un événement qui se produira de toute façon.

Politique

Nul ne peut dire si le système politique du Tzak K’an relève du désastre logistique ou du chef-d’œuvre organisationnel. Peut-être est-ce simplement un mélange des deux. Toujours est-il que la scène politique tzak k’anienne est régie par un ensemble de juridictions extrêmement réglementées et contrôlées, pour les hommes comme pour les dieux. Si le fonctionnement des différentes cités-États diffère énormément, il existe néanmoins quelques points communs dans tout le pays. Un en particulier définit parfaitement la politique tzak k’anienne : au Tzak K’an, tout est prétexte au spectacle.

Les cités-États La complexité de la politique régionale et interrégionale suffit déjà à donner le tournis, ce pourquoi les «  frontières  » sont incroyablement difficiles à déterminer au Tzak K’an. Les zones de contrôle politique et économique des cités-États sont souvent bien distinctes, les secondes pouvant parfois s’étendre jusque dans des territoires dits « ennemis. » Ainsi, si la majorité des petites villes—ainsi que tout ce qui se trouve dans un rayon de deux jours de marche autour d’elles—sont presque toujours inféodées à une puissance locale majeure, il n’est pas rare qu’elles commercent avec des « royaumes » rivaux de leur cité mère. En raison de ces nombreux imbroglios politiques—en évolution perpétuelle—presque toutes les cités majeures emploient une équipe de scribes dont l’unique mission est de tenir à jour les cartes des relations diplomatiques entre les cités-États. Ces cartes s’apparentent à des toiles d’araignée et schématisent les alliances—actuelles et passées— entre cités-États, l’emplacement des zones inféodées, les villes et villages satellites, les régions tributaires, les contacts économiques et diplomatiques, les zones d’habitation des aristocrates, les liens familiaux ou héréditaires entre les chefs d’État, et parfois plus encore.

Aperçu d’une cité Les cités tzak k’aniennes sont de véritables petites merveilles. Tout comme religion et politique sont inséparables dans cette Nation, les centres-villes sont façonnés en suivant les cosmologies qui dépassent la simple condition humaine. Toutes les agglomérations et les constructions suivent un schéma organisationnel quadripartite et sont agencées en partant du centre et en s’étirant vers les quatre points cardinaux. Chaque lieu d’importance dispose d’un monument massif, et on trouve dans chaque cité des zones permettant d’accéder

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LES ROTURIERS à l’outre-Monde et au Monde d’en-haut. Il peut s’agir de cavernes ou de cénotes sacrés faisant office de portails vers Xibalba, voire de montagnes ou de temples menant au royaume céleste. Il ne s’agit pas de légendes : ces passerelles existent bel et bien, même si de nos jours, il devient difficile d’en trouver l’emplacement, et de plus en plus dangereux de les ouvrir.

Les glyphes-emblèmes Chaque cité-État est représentée par un symbole nommé « glyphe-emblème. » Celui-ci sert de logogramme au régime politique et se veut aisément reconnaissable par tout lecteur. Certains glyphes-emblèmes sont une représentation directe du nom de la cité—tel le crocodile squelettique de Baak Ah’yiin ou le serpent géant de K’anlakmul—mais la signification de nombre d’autres est plus subtile. Par exemple, le glyphe-emblème de Nohl T’zam représente un lys et le symbole du feu. Il décrit l’événement passé qui permit d’unifier la région : un incendie qui faillit réduire la ville en cendres.

Les dynasties royales Au Tzak K’an, la royauté est divine et héréditaire. L’autorité politique est donc liée à l’ascendance patriarcale ou matriarcale (en fonction de la cité). Bien souvent, l’enfant aîné accède au trône, ses frères et sœurs étant placés à la tête de zones satellites ou de cités plus réduites. Le sang et la parenté ont beau être très précieux, il peut arriver que l’héritier soit adopté au détriment des descendants légitimes. Comme on peut se l’imaginer, tout cela grouille évidemment de rivalités fraternelles. Nombre de cérémonies et de rituels précèdent l’accession au trône. Ainsi, avant de pouvoir revêtir la coiffe blanche et verte—ce que les Théans appellent « une couronne »—il faut prouver sa valeur en accomplissant un ou plusieurs rites initiatiques religieux, militaires ou politiques. Il s’agit d’une étape symbolique représentant les idéaux du futur souverain. Après l’accession au trône, on organise une Cérémonie du feu annonçant le début du règne. On érige ensuite de gigantesques stèles à l’image du nouveau roi. Ces monuments taillés dans la pierre témoignent de sa puissance, de son histoire et des idéaux de sa cité. Les Tzak K’aniens considèrent que les rois sont les Intermédiaires des dieux, ce pour quoi ils les respectent autant qu’ils les craignent. Ils estiment également qu’il incombe au souverain—ainsi qu’à la famille royale—de gérer tous les aspects de leur cité-État. Il s’agit d’une tâche certes titanesque, mais tous les Tzak K’aniens pensent que leurs dirigeants sont quasi omnipotents.

Si les dirigeants ont le monopole des richesses et de l’influence, les roturiers sont quant à eux le sang qui anime la Nation. Au Tzak K’an, les classes populaires représentent quatre-vingt-dix-neuf pour cent de la population. Ils gèrent les besoins primaires de la société—tels la nourriture et l’eau—bâtissent, font fonctionner l’économie, se battent au sein de l’armée, etc. Les roturiers ne forment pas un groupe homogène, et tous ne sont pas pauvres ou dans le besoin. Ainsi, il n’est pas possible de décrire « la vie d’un roturier tzak k’anien » car les situations sont différentes d’une cité à l’autre, d’une famille à une autre et même d’un individu à un autre. Tous ont cependant en commun une chose : ils n’ont pas accès aux savoirs, ou en tout cas pas sans l’aide de leur souverain. En effet, seuls les rois et leurs familles, qui font partie du Monde d’en-haut ou ont accès à ses sagesses, sont dépositaires de ces connaissances.

Ainsi, si un trop grand nombre de lacunes apparaît dans la gestion de la ville—que ce soit d’ordre politique, environnemental ou militaire—le peuple commence à remettre en question son souverain et sa prétendue puissance divine. Les différences de nombre entre les classes sociales étant extrêmes, les troubles civils sont une perspective très dangereuse pour les dirigeants.

Le rite du Béni Les héritiers du trône qui souhaitent donner l’image d’une souveraineté résolument théocratique accomplissent généralement le rite du Béni. Le futur souverain s’aventure alors dans le Monde d’en-haut ou dans l’outre-Monde afin de triompher d’une série d’épreuves. Les grandes connaissances des Tzak K’aniens sur les autres Mondes—généralement consignées dans les livres sacrés—permettent à l’héritier de savoir quelles sont les épreuves qui l’attendent. Quiconque réussit à accomplir ce rite peut placer devant son nom le titre d’Aj/Ix Haah Ch’ul : le/la Divin/e méritant/e. Lorsqu’ils l’accomplissent, les souverains gagnent l’estime de nombreux dieux, lesquels leur offrent dorénavant leur aide divine lorsqu’ils la demandent.

Le rite du Seigneur de guerre Les héritiers du trône qui souhaitent mettre en avant leurs aptitudes martiales accomplissent généralement le rite du Seigneur de guerre. Le futur souverain doit dès lors

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capturer un ou plusieurs ennemis importants du royaume. Ce rite peut être accompli très rapidement, mais il n’en demeure pas moins risqué. Quiconque réussit à accomplir ce rite peut placer devant son nom le titre d’Aj/Ix B’olon B’ak : le/la Traqueur/se redoutable. Lorsqu’ils l’accomplissent, les souverains sont à jamais craints par ceux qui les affrontent.

Le rite du Peuple Moins répandu—et parfois moins respecté par les autres souverains—que les deux précédents, le rite du Peuple est effectué par les héritiers du trône désireux de remporter l’adhésion populaire. Il n’existe pas de chemin tout tracé pour accomplir ce rite, il nécessite simplement d’effectuer plusieurs bonnes actions qui servent le bien général. Ce sont les roturiers qui octroient ce titre. Ils se réunissent ainsi en masse au pied de la pyramide de la cité et scandent le nom du nouveau souverain—sans oublier son nouveau titre, Aj/Ix Paj’ Payal, L’Élu/e— pour témoigner leur soutien. Peu de souverains possèdent aujourd’hui le soutien du peuple, et les rébellions sont toujours source d’inquiétude pour eux. Bien qu’ils paraissent moins impressionnants qu’un Traqueur redoutable ou qu’un Divin méritant, les Élus sont dépositaires de la pleine faveur de leur peuple, et bénéficient d’espions loyaux absolument partout.

Les clergés Le sacerdoce tzak k’anien est incroyable. Ses branches complexes feraient presque passer l’Église vaticine pour simpliste ! D’après mes observations, les clergés de ce pays sont en charge des tâches suivantes : festivals, rites, cérémonies, conseils politiques, divination, sorcellerie, histoire, astronomie, « comptage des jours » (une coutume locale intéressante et visiblement importante), médecine et agriculture. Je suis intimement persuadé que la liste ne s’arrête pas là, mais au vu de nos ressources limitées et de notre statut d’étrangers, il est compliqué d’infiltrer leurs cercles les plus restreints pour en savoir plus. Nous avons par exemple eu vent de rumeurs concernant une académie de prêtres, mais ne l’avons pas trouvée ; en sus, ceux qui nous en ont parlé semblent disparaître les uns après les autres… —Compte-rendu de Vinnius Flank (professeur d’études xénoreligieuses)

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Au Tzak K’an, politique et religion sont inséparables. L’évidence est telle—à la fois symboliquement et logistiquement—que le prêtre n’est pas seulement la voix des dieux, il est également le bras droit du souverain. Comme pour beaucoup de postes de prestige, c’est en grande partie l’ascendance qui décide de qui peut devenir prêtre. Bien souvent, il s’agit des aînés des familles royales, parfois du cadet d’un souverain (une méthode efficace pour conserver son influence). Quoi qu’il en soit, accéder à la prêtrise reste tout de même très difficile. Les prêtres, au même titre que les scribes, doivent suivre les cours d’une académie spécifique pour apprendre les mœurs ésotériques relatives au clergé. Ils doivent également participer à une vigile de deux ans afin de se purifier de leurs désirs humains, une épreuve qui relève plus de la tradition qu’autre chose : les prêtres n’en demeurent pas moins corruptibles, et par le passé, plus d’un prêtre malfaisant a mené un royaume entier à sa perte. Contrairement à l’unique école de scribes, il existe plusieurs académies de prêtres. En effet, les aspects importants de la vie tzak k’anienne sont tous gérés par des ordres ecclésiastiques différents, et le statut des prêtres est intimement lié à leur spécialité (la prêtrise vouée aux conseils politiques est par exemple tenue en plus haute estime que celle dédiée au rituel agricole). Cela explique probablement pourquoi il semble y avoir davantage d’opinions religieuses—même divergentes— qu’il n’y en avait il y a quelques siècles. Les chamanes sont ceux qui naissent avec le don de communier avec les dieux par visions. Contrairement aux prêtres, qui communiquent avec les divinités grâce à des rites appris par cœur, ils possèdent un accès direct aux autres plans de l’existence, un pouvoir aussi envié que redouté. Ils ont été plus ou moins bannis du Tzak K’an. De temps en temps, on rencontre encore un chamane solitaire, isolé ou caché. Souvent débraillés et de nature excentrique en raison de leur statut de parias, ils offrent un contraste saisissant avec les prêtres, nantis et élégamment vêtus. Les chamanes ont beau n’avoir aucun respect pour les traditions du clergé, il ne faut pas oublier qu’ils n’en demeurent pas moins plus puissants que n’importe quel prêtre.

Les tribunaux Toutes les cités-États du Tzak K’an—qu’il s’agisse des villes majeures ou des zones satellites de moindre importance—ont au moins en commun leur système judiciaire. Chaque tribunal est installé dans un espace à l’architecture très réglementée, pensée pour influencer la perception et le ressenti de ceux qui s’y trouvent. Au Tzak K’an, les

procédures judiciaires sont de véritables performances théâtrales : on y porte des masques à l’effigie des dieux, des acteurs reconstituent les événements à juger et des ambianceurs s’assurent de la continuité du spectacle. On trouve dans l’arène du tribunal un banc surélevé— parfois appelé « trône »—dans lequel le k’uhul ajaw (divin seigneur) s’assoit afin de surplomber ses sujets. Cet individu est le représentant du souverain, mais également des prêtres. Il est ainsi le symbole vivant du lien inextricable qui rassemble les autorités politiques et religieuses au Tzak K’an. Nommé par le roi ou la reine au pouvoir, il est généralement choisi du fait de son ascendance : un k’uhul ajaw est donc bien souvent enfant de k’uhul ajaw. À ses côtés, on trouve habituellement un sajal (celui qui est craint) et un alk’uhuun (celui qui connaît les textes sacrés), deux conseillers spécialisés dans les affaires judiciaires qui aident le divin seigneur dans ses tâches. Devant le trône se trouve un espace ouvert semblable à une scène. On trouve ici les nombreuses personnes qui font fonctionner le tribunal—scribes greffiers, prêtres consultants, comédiens, serviteurs, etc.—ainsi que les prisonniers et le grand public. Lorsqu’il juge, le k’uhul ajaw doit quitter son Monde pour aller quérir les conseils des dieux. Pour cela, un servant lève un miroir fait en mosaïque d’hématite polie devant les yeux du juge. Lorsque le juge plonge son regard dans l’abysse trouble de ce portail menant au Monde d’en haut, il entre en contact avec les dieux et leur demande conseil. « a-winak-en… Je suis votre serviteur. » Pendant ce temps, une épaisse fumée faite de copal et d’encens parfumé obscurcit l’air et altère les sens de toute personne présente. Cela souligne la dimension mystique des événements qui se déroulent en ce lieu : un voyage quasi physique jusqu’à un autre Monde. Lorsque le divin seigneur revient dans le Monde intermédiaire, il rend son jugement. Nul ne peut aller à l’encontre des décisions d’un k’uhul ajaw, il est omnipotent et son pouvoir est absolu. Toutefois, les Tzak K’aniens attendent de lui qu’il rende un verdict juste et choisisse un châtiment approprié. Un juge empreint de sagesse saura donc agir avec discernement, car ignorer le ressenti du peuple est la meilleure façon de faire éclore une révolte. Pour cette raison, concrètement, une affaire n’est souvent résolue qu’une fois les deux parties satisfaites.

Les armées Si les armées tzak k’aniennes partagent un grand nombre de traits communs avec celles de l’Alliance nahuacane et de

l’Empire kuraque, elles possèdent également quelques particularités uniques. Au Tzak K’an, tout est prétexte au spectacle, et la guerre ne déroge pas à cette règle. Ainsi, aux côtés des soldats, on va pouvoir trouver dans les rangs militaires des musiciens jouant d’impressionnantes musiques de guerre, des prêtres arborant fièrement les idoles de leur divinité protectrice, des sorciers faisant démonstration de leurs pouvoirs ou des comédiens enragés portant des masques terrifiants. Le service militaire n’est obligatoire dans aucune cité-État du Tzak K’an (à moins que des guerres en cours ne le rendent nécessaire). Néanmoins, beaucoup de roturiers rejoignent tout de même l’armée de leur plein gré. Cet engagement est vu comme une sorte d’allégeance vis-à-vis du « royaume » et, surtout, réduit considérablement—voire annule—les impôts dus par la famille du conscrit. Un individu peut ainsi permettre aux siens d’économiser ou d’augmenter leurs profits durant le temps où il sert dans l’armée. Par les temps qui courent, alors que la production agricole tzak k’anienne baisse de plus en plus, beaucoup de fermiers ont choisi de s’engager pour compenser leurs pertes. Les aristocrates apprennent quant à eux dès leur plus jeune âge les tactiques de guerre et le commandement militaire. À l’instar des roturiers, on leur enseigne également à manier les lances et les armes de distance. Les grades ne suivent pas les standards habituels, car la guerre se pratique très différemment au Tzak K’an. On y trouve certes tous les grades élémentaires, d’officier à soldat (ou holkanob, « les courageux »), mais il en existe également d’autres plus spécifiques. En effet, les armées tzak k’aniennes comptent toutes des factions spécialisées dans les tactiques de guérilla, dans la pose et la fabrication de pièges, voire dans la sorcellerie. Au Tzak K’an, la capture de prisonniers revêt plus d’importance politique et symbolique que de prendre la vie d’un ennemi : finir aux mains de l’ennemi, pieds et poings liés, y est tout bonnement terrifiant. Cela donne souvent lieu à des humiliations publiques et des tortures prolongées. Le captif est ensuite généralement réduit en esclavage, voire pire. En général, les malheureux qui finissent capturés en viennent à regretter de n’être pas morts.

La Grande étoile de la guerre Les astronomes, astrologues et devins d’une cité-État participent aux décisions relatives à la guerre. Il est en effet possible de prédire les dates permettant de tirer profit d’importants avantages surnaturels. Ce que l’on appelle au Tzak K’an « l’heure de la guerre » est liée au mouvement d’une planète bien identifiée : Chak Ek’ (la Grande étoile).

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Culture

Que ce soit pour les autochtones ou pour les étrangers, la culture tzak k’anienne est un festin sensoriel fait d’images, de sons et d’odeurs complexes qui entourent tout un chacun en permanence. Quelle que soit leur cité-État d’origine, les idéaux de tous les Tzak K’aniens se recoupent dans l’importance de premier ordre accordée au surnaturel, à la science et au savoir, ainsi qu’au combat permanent contre un environnement pour le moins capricieux.

L’adaptation à l’environnement Le territoire tzak k’anien est caractérisé par ses épaisses forêts tropicales, la plupart du temps considérées comme des obstacles par la société hautement urbanisée du Tzak K’an (construire des cités et établir des champs demande en effet de raser des milliers d’hectares de jungle, ce qui représente un travail colossal). Pour autant, les Tzak K’aniens ne considèrent pas la végétation comme une nuisance. Dans les plus grandes villes, on trouve des vergers minutieusement agencés peuplés d’arbres fruitiers—tels le goyavier, le papayer ou l’avocatier—dont les branches servent de perchoirs

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aux toucans et aux perroquets. Il existe aussi de petits jardins urbains où l’on fait pousser des piments, du quatre-épices, de l’agave et d’autres petits plants utilisés en cuisine. Certains arbres revêtent également une importance symbolique aux yeux de la population, comme le grand ceiba épineux, d’autres ont quant à eux une utilisation médicale. Du fait de cet environnement difficile à exploiter, les Tzak K’aniens ont mis au point des stratégies agricoles adaptables depuis fort longtemps. Champs surélevés, systèmes d’irrigation, étagement, polyculture, brûlis : tous les moyens sont bons pour faire pousser le maïs (une céréale de la plus haute importance dans tout le pays, tant pour son usage fonctionnel que rituel), le cacao, les courges, les haricots ainsi que le coton nécessaire aux textiles. On notera que la récolte d’argile, pour les besoins de la céramique et de la poterie, se fait dans ces mêmes zones. Dans ces forêts tropicales, les Tzak K’aniens ont perfectionné au fil des siècles de nombreuses techniques de chasse. Les gibiers les plus prisés sont les singes et les gros cochons sauvages, les tapirs ou les tatous de temps à autre, ainsi que n’importe quel reptile ayant le malheur de croiser la route du chasseur. On notera que les peaux de jaguars sont très prisées des Tzak K’aniens les plus aisés, ce qui fait de cet animal une proie particulièrement recherchée. En revanche, la domestication des animaux n’est pas très répandue, même si elle se développe de plus en plus depuis que l’agriculture a commencé à décliner (on peut commencer à voir, ici et là, des enclos pour chiens, dindes ou cerfs sauvages). La pêche, quant à elle, est très répandue le long des fleuves et du littoral. La récolte de coquillages y est tout aussi courante, ces derniers étant extrêmement appréciés, tant pour leurs saveurs gustatives que pour la décoration vestimentaire et les rituels. En raison de la forêt dense et du terrain difficile et accidenté, les réseaux routiers sont peu développés, donc rapidement saturés. Pour les trajets à pied sur des distances réduites, on emprunte des routes surélevées de calcaire blanc (les sacbeob, singulier : sacbe). Les systèmes fluviaux sont beaucoup plus utilisés et permettent de relier tout aussi facilement un point du Tzak K’an à un autre. En revanche, les Tzak K’aniens ne voient pas l’intérêt des bêtes de somme qu’affectionnent tant les Théans. Elles sont parfois utilisées pour tracter de petites cargaisons, mais comme les canoës semblent les effrayer et qu’elles ingurgitent énormément de nourriture, elles rebutent les marchands.

Toutes les collines, montagnes et volcans ont une fonction matérielle évidente. Lorsque les Théans arrivent pour la première fois dans une ville tzak k’anienne, leur première remarque ressemble souvent à : « ça en fait, de la pierre ! » Ils n’ont pas tort. La quantité de roche calcaire nécessaire à la construction demande une extraction constante. En outre, cela permet de récupérer des matériaux pierreux et minéraux—comme le jade, le quartz et l’obsidienne—qui servent à fabriquer outils et bijoux. Ce que beaucoup de Théans ne comprennent pas au premier abord, c’est qu’au Tzak K’an, le bois possède souvent un caractère noble et précieux. Les lisières des forêts utilisables reculant progressivement, il devient de plus en plus difficile de s’en procurer, d’où une utilisation prioritaire de la pierre.

La cuisine Le régime de base de la cuisine tzak k’anienne est constitué de viande généralement accompagnée des Trois sœurs : maïs, courges et haricots. Des molettes et des meules en granit sont utilisées pour moudre le maïs et obtenir des tortillas ou de l’atole, une sorte de gruau. Ces aliments, mélangés aux diverses épices cultivées, constituent l’alimentation ordinaire des familles roturières. Outre l’eau, on trouve quelques boissons utilisées lors des occasions spéciales comme la bière de maïs fermenté. Les plus nantis peuvent se permettre de déguster une boisson chocolatée mousseuse aromatisée au miel ou au piment. La fève de cacao étant très précieuse, il est de coutume de dire qu’en boire revient à siroter ses économies.

L’économie L’économie tzak k’anienne est beaucoup moins réglementée que celles de ses voisins. Sur de nombreux petits marchés, la majorité de la population utilise un système de troc pour s’échanger le nécessaire quotidien. Beaucoup de communautés rurales vivent ainsi en autarcie. Dans les villes, les marchés plus grands servent quant à eux à acheter des marchandises importées d’autres cités-États, dont le prix est proportionnel à la distance les séparant de leur lieu d’origine. Par exemple, les noyaux d’obsidienne sont relativement peu chers au nord—où les volcans sont nombreux—mais bien plus coûteux à l’est. Il en va de même pour les matériaux comme les coquillages, le jade et autres biens similaires. Certains produits possèdent tout de même une valeur monétaire fixe, comme la fève de cacao et le sel. Sur presque tous les marchés du Tzak K’an, on trouve un panneau qui signale leur taux de conversion pour la journée.

Les impôts et les taxes servent à financer les constructions publiques, l’armée ainsi que le train de vie des dynasties royales. Au Tzak K’an, l’imposition peut revêtir plusieurs formes : monétaire, travaux agricoles, service militaire ou don de marchandises (denrées, matériaux ou produits d’artisanats tels que des bijoux ou des textiles).

La langue On parle de nombreuses langues et différents dialectes au Tzak K’an. Étant donné l’ampleur du territoire, l’isolationnisme des cités-États et l’individualisme inhérent au mode de vie tzak k’anien, cela n’est pas étonnant. Certes, certains mots courants sont communs dans toutes les cités-États, mais deux Tzak K’aniens venus de part et d’autre du pays ne pourront probablement échanger guère plus que des politesses et des phrases simples, et devront davantage communiquer par gestes pour se faire comprendre.

L’écriture L’écriture est notre arme. Elle est plus rapide que nos flèches et plus tenace que la mort. —Proverbe de scribe Dans la culture tzak k’anienne, il existe un pont reliant l’art à l’information : l’écriture. Cette tradition scripturale remonte à la civilisation chok ch’ai, qui posa les bases du système d’écriture encore utilisé de nos jours. C’est pour cela que la majorité des scribes leur rendent encore actuellement hommage (ouvertement ou non en fonction des croyances de leur cité quant aux origines du Tzak K’an). Les histoires écrites par les Tzak K’aniens ont souvent pour sujet les événements concernant les dynasties royales, les dieux voire les affaires commerciales. L’écriture tzak k’anienne est belle et compliquée, dotée de très nombreuses subtilités et tolérant un grand nombre de libertés. Le système hiéroglyphique comprend des logogrammes, des phonèmes, des variantes, parfois même des combinaisons de tout cela. Ainsi, on peut écrire un même mot de multiples façons et les scribes, afin de démontrer la richesse de la langue, n’hésitent pas le faire dans un même texte. La majorité des érudits théans trouvent cela excessivement compliqué et incroyablement frustrant. A contrario, les scribes tzak k’aniens trouvent l’écriture théane particulièrement simpliste et ennuyeuse, ce pourquoi ils s’amusent bien souvent de la frustration de ces étrangers.

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Les chiffres sont quant à eux d’une importance capitale aux yeux des Tzak K’aniens, dont l’appétence pour les sciences et les mathématiques n’est plus à démontrer. Les nombres s’écrivent sous forme de combinaisons de barres et de points auquel s’ajoute un symbole spécifique pour le zéro. Ainsi, les scribes savent retranscrire de grands nombres en utilisant peu de symboles, donc avec une certaine simplicité.

Cahal It’zat Pour les Tzak K’aniens, apprendre à manier les mots est une quête, l’engagement de toute une vie. Les scribes— généralement choisis en fonction de leur ascendance— commencent leur entraînement dès qu’ils savent tenir un pinceau. Au Tzak K’an, il n’est pas rare de voir des enfants scribes utiliser leurs doigts pour tracer dans la terre les signes qu’ils ont appris. Pourtant, tous les scribes ne bénéficient pas de la même formation. L’immense majorité apprend les bases nécessaires pour subvenir aux besoins locaux—afin d’aider les potiers par exemple, ou pour écrire les taux de conversion du marché—et seuls quelques rares privilégiés sont envoyés à la Cahal It’zat (la Place du scribe), une mystérieuse école de scribes centralisée. La Cahal It’zat est généralement associée à une simple légende par la majorité des Tzak K’aniens. Il faut dire que le chemin menant jusqu’à ce lieu est aussi complexe et dangereux que les mots qu’il renferme dans ses profondeurs. L’école est en effet protégée par des ruses magiques, des pièges et l’environnement hostile qui l’entoure. Les quelques élus qui y ont été intronisés considèrent pourtant cet endroit comme leur foyer davantage que comme une simple académie. La Cahal It’zat ressemble à une petite ville. À l’instar de n’importe quelle autre construction tzak k’anienne, elle est donc bâtie sur le même modèle que l’univers : agencée en partant du milieu et en s’étirant vers les quatre angles. La Place du scribe est, de plus, une cité faite par et pour les mots. Ainsi, chaque centimètre carré de pierres de la haute pyramide centrale—ainsi que tous les sacbeob qui y mènent (voir page 98)—est décoré de gravures. Escaliers, linteaux, murs : toutes les surfaces disponibles sont recouvertes de glyphes gravés et peints qui relatent l’histoire de l’univers. L’école ne se contente pas d’enseigner les façons complexes d’écrire et de consigner l’histoire, elle remplit également une fonction secondaire très importante : unir les nombreuses langues hétéroclites utilisées au Tzak K’an.

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L’individualisme des cités-États a engendré la création et la subsistance d’un grand nombre de langues et de dialectes de part et d’autre du pays. Les scribes de la Cahal It’zat bataillent pour que soit préservé un langage écrit unique. Aujourd’hui, il s’agit de l’un des derniers fragments d’unité du Tzak K’an. Pragmatiques, les souverains œuvrent également pour que cette pratique perdure : à quoi bon serviraient les mots de la guerre et de la peur si personne ne savait les lire ? Les étudiants formés à la Cahal It’zat sont ainsi destinés à être renvoyés dans leurs cités-États respectives pour devenir les conseillers privés des rois et des reines. Il est donc courant, et ce depuis des générations, que les lignées de scribes qui servent des souverains rivaux se côtoient pendant leur apprentissage. À la Cahal It’zat, on peut passer plus d’une décennie à étudier aux côtés d’un ennemi politique. C’est sans importance car là-bas, ni la politique ni les querelles n’ont cours : on y poursuit une vocation supérieure destinée à transcender les rois et les reines jusqu’à la fin des temps. En temps de guerre, la Cahal It’zat sert également de refuge car les scribes font des cibles de choix. Dans l’un des couloirs du temple central, les dangers de la profession sont gravés dans les murs : on y voit une représentation de sept scribes amputés de leurs doigts—certains morts, d’autres encore vivants—qui se vident de leur sang au pied d’un conquérant victorieux. La légende dit : L’anéantissement ne sera total qu’une fois l’histoire effacée et oubliée.

Les Tsii’uun B’ak Depuis quelques décennies, les livres sacrés tzak k’aniens— ceux qui consignent les aspects les plus secrets et les plus complexes de la société—sont très recherchés par les Théans. De plus en plus souvent, les palais, temples et autres bibliothèques se font dérober ces ouvrages prisés, lesquels finissent échangés ou vendus aux étrangers à des prix faramineux. Des textes irremplaçables ont ainsi disparu, certains étant les seuls exemplaires traitant de tel ou tel événement passé. Certains scribes ont donc commencé à considérer que les mots sacrés nécessitaient un contrôle beaucoup plus poussé que par le passé. Si une grande majorité des scribes pensent leur écriture si complexe que les Théans ne pourront jamais obtenir la moindre information des livres volés, un petit nombre, plus lucide, sait ce qui pourrait arriver si les ennemis du Tzak K’an parvenaient à les déchiffrer.

LES CODEX Toutes les informations cruciales concernant le Tzak K’an sont minutieusement enregistrées dans des codex. La plupart sont conservés dans les bibliothèques royales de tous les royaumes, ainsi qu’à la Cahal It’zat. Malheureusement, certains codex ont disparu, voire ont été éparpillés ou cachés dans les contrées reculées de l’Aztlan. Un codex contenant des informations perdues (ou secrètes) serait perçu comme une trouvaille inestimable pour tous les Tzak K’aniens, qu’ils soient scribes, souverains ou simples roturiers.

Ceux-là, menés par un Iktan Chikul, ont pris le nom de Tsii’uun B’ak, « Ceux qui veillent au bord du papier blanc. » Formés sur les bancs de la Cahal It’zat, les Tsii’uun B’ak protègent les textes existants et tentent de retrouver la piste des livres volés pour les récupérer, dussent-ils effectuer le voyage jusqu’en Théah pour ce faire.

L’art La culture tzak k’anienne tient l’art et l’artisanat en très haute estime. Les peintres—qu’ils créent de magnifiques fresques sur les murs d’un palais ou qu’ils dépeignent des scènes complexes sur des supports en céramique—sont considérés comme les héritiers d’une des plus nobles traditions. À l’instar des scribes, la plupart sont issus de longues lignées d’artistes  : après avoir prouvé leur valeur en suivant un apprentissage rigoureux, ils peuvent commencer à gagner l’estime des Tzak K’aniens. Comme pour la tradition scripturale, l’art est normalisé, c’est-à-dire que les idéaux artistiques et les méthodes de représentation sont réglementés afin d’être identiques dans tout le Tzak K’an (tout en laissant un minimum de latitude pour que l’artiste puisse apposer sa marque personnelle). Il n’est pas rare qu’artistes et artisans collaborent sur un même produit. Ainsi, pour créer un pot unique à l’effigie d’un dieu, un maître potier va travailler de pair avec des peintres et des créateurs de pigments pendant des semaines. Architectes et ingénieurs, quant à eux, pourront collaborer avec des sculpteurs pendant des années pour la construction de pyramides. Les Tzak K’aniens estiment que toute forme d’art est unique et magnifique, chacune à sa façon, mais qu’elle ne devient véritablement sublime que lorsqu’elle est combinée à d’autres talents. On notera qu’un prêtre sera presque toujours présent à chaque étape du processus artistique. En effet, si l’œuvre finale déplaît aux dieux, alors artistes et artisans ont du souci à se faire.

Habitudes vestimentaires Les textiles—et leurs matières premières—sont des objets de grande valeur au Tzak K’an, souvent utilisés comme d’importantes marchandises tributaires. Le coton et le chanvre sont cultivés en plusieurs endroits du pays, et nombreux sont les tisserands spécialisés capables de les transformer pour créer l’habit que la personne désire porter. Ce n’est pas anodin car au Tzak K’an, les habits et les décorations sont un prolongement de la chair : ils représentent le statut de leur porteur. Ainsi, tous ces éléments sont soumis à des règles très précises—les mêmes de part et d’autre du pays—qui, si on les enfreint, peuvent conduire à des châtiments allant de la simple amende à la peine de mort. En premier lieu, la différence la plus visible entre les aristocrates et les roturiers est basée sur la complexité du vêtement porté. Tandis que la majorité des gens du peuple s’habille de textiles tissés et taillés, les vêtements de l’élite sont teints dans des couleurs magnifiques, ornés de perles de coquillages ou de plumes de quetzal, voire confectionnés avec de la spécularite afin de scintiller. Les hommes portent généralement des pagnes en coton, ceints autour de la taille et enveloppant l’entrejambe, ainsi qu’une sorte de cape appelée pati. Les femmes, quant à elles, portent la plupart du temps un pati attaché sous les aisselles avec une longue jupe ou un simple habit, pareil à une robe sans manches, qui s’attache ou se sangle à la taille. À cela s’ajoute enfin toute une sélection de sandales. Dans les dynasties royales, ces styles—déjà complexes en raison de leur qualité, leurs couleurs et leurs motifs—sont embellis par de larges ceintures de jade, des bijoux et des peaux d’animaux. On notera que les plus aisés portent parfois des pantalons réalisés à partir de peaux de jaguar à la place du pagne traditionnel. Au Tzak K’an, les cheveux détachés, hirsutes ou rasés sont un signe de captivité ou de honte. Les hommes ont des cheveux longs qu’ils attachent à l’arrière du crâne soit en queue de cheval, soit en tresse qu’ils entortillent sur elle-même pour faire comme une couronne. Parfois, ils se brûlent les cheveux sur le haut du crâne pour donner l’impression d’un visage plus allongé. En général, ils rasent leur pilosité faciale s’ils en possèdent une, mais certains aristocrates aiment entretenir de petites moustaches ou barbiches. Les femmes, quant à elles, ont les cheveux longs. Il est fréquent que les célibataires gardent leurs cheveux détachés, alors que celles qui sont mariées—ou âgées— ont une ou deux longues tresses rassemblées au niveau

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de la nuque en nattes ou en chignon. Hommes comme femmes portent en plus un couvre-chef similaire à une écharpe qui leur permet de garder leurs cheveux derrière le crâne. Tout comme la différence entre aristocrates et roturiers se fait selon les niveaux de décorations sur les habits, les coiffures tzak k’aniennes sont agrémentées de coiffes complexes permettant aux dynasties royales de signaler leur statut social élevé. Ces coiffes sont très nombreuses, certaines n’étant portées que lors d’événements spécifiques. Elles sont souvent faites d’osier ou de bois, puis décorées de grands panaches de plumes de quetzal, de jade, de petites sculptures de dieux et d’animaux, de perles et de peaux d’animaux. L’illusion d’un visage allongé étant considérée comme un idéal esthétique, certaines cités-États perpétuent une tradition de modification crâniale qui commence dès la petite enfance. Elle implique d’encadrer et de bander le crâne tant qu’il est encore mou afin d’aplatir la boîte crânienne. Le corps est également modifié pour mieux représenter le statut de l’individu. Ainsi, les Tzak K’aniens arborent une peinture spéciale sur leur corps lors d’événements importants (comme une guerre ou un rituel). Tatouages et scarifications complexes n’ont pas de motif prédestiné et représentent tour à tour des éléments naturels, des dieux ou des symboles de statut social. Ces marques sont présentes partout sur le corps, même si les cicatrices et les tatouages faciaux (souvent sur les joues) sont généralement l’apanage des femmes.

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Les lobes d’oreille étirés sont fréquents dans l’ensemble de la population, la taille étant généralement indicatrice de l’âge ou du métier exercé par la personne. Le premier rite de passage dans le cycle de la vie d’un Tzak K’anien— le passage de la petite à la véritable enfance—consiste à se faire percer les oreilles et poser ses premiers écarteurs auriculaires. Les roturiers portent des écarteurs faits de simples matériaux périssables (bois, os, coquilles, etc.) tandis que les aristocrates possèdent des disques superbement taillés et complexes (et souvent bien plus gros) faits de jade ou d’obsidienne. Les gros bijoux destinés au nez et aux lèvres sont plus fréquents chez les souverains ou les seigneurs de guerre. Les modifications dentaires sont tout aussi codifiées  : seuls les aristocrates peuvent faire sertir du jade sur leurs incisives, ou se faire limer les dents en pointe ou autres formes géométriques. Ceci leur permet de prouver leur statut en différenciant leur apparence physique de celle du commun des mortels. Les autres formes de bijoux et de décorations aristocratiques comprennent enfin embellissements abdominaux, bracelets, colliers, clochettes pour chevilles, masques et bandeaux pour les genoux.

Le genre et la sexualité Chez les Tzak K’aniens, la question du genre n’a d’ordinaire aucune forme d’importance. Il est ainsi courant de croiser des individus non-binaires ou appartenant au troisième genre, et les représentations historiques combinent souvent les aspects liés aux deux sexes traditionnels. Un exemple bien connu est celui de Sinan Ajau (seigneur Scorpion), l’enfant d’Ix Tokal Chan (la dame Nuage) et de K’inich Pasaj Pakal (Grand Soleil Bouclier de l’Aube) : ses nombreuses représentations sur les stèles et les fresques le parent des robes tissées et des décorations de sa mère, mais les textes qui parlent de lui emploient souvent le pronom masculin. La sexualité ne devient problématique que dans les dynasties royales où il est nécessaire d’établir un héritier ou une héritière. De plus, si le sang et les lignées sont importants et sacrés, les traditions dynastiques considèrent les enfants adoptés comme appartenant pleinement à la famille.

Noms tzak k’aniens Les Tzak K’aniens aiment apposer titres et préfixes devant leurs noms. Certains sont une preuve d’aristocratie, comme Aj/Ix, d’autres du style du souverain. Un souverain éminent peut posséder un nom aux multiples facettes incluant différents préfixes, par exemple Ix B’olon B’ak Ek’ Imix. Les prénoms masculins et féminins sont interchangeables même si, pour la majorité de la population, ils sont associés à l’un ou l’autre des deux genres. Préfixes : Chak, Ek’, Sak, Taj, Tzi, Yax Prénoms masculins  : B’alam, Chan, Etz’nab, Ich’ak, K’awil, K’in, Kawak, Pakal, Tok, Tun, Tzu. Prénoms féminins  : Chan, Chij, Imix, Itzam, K’uk, Muyal, Pasaj, Pet, Tukun, Tz’unun, Xoc.

Le calendrier Depuis la naissance du monde, les dieux ont ordonné aux Tzak K’aniens de compter les jours. Il n’est donc pas surprenant que leur mode de vie ait été influencé par leur système calendaire. L’importance des cycles est omniprésente dans la pensée tzak k’anienne, imprégnant l’ensemble de leurs conceptions du temps et de l’histoire. Ainsi, leurs datations ne sont pas les mêmes que ceux des autres Aztlans (à titre de comparaison, les Nahuacans vivent à « l’âge du Sixième soleil. »). Au Tzak K’an, on mesure le temps passé depuis le début du Grand cycle grâce à des intervalles de temps réduits qui s’imbriquent dans des cycles plus longs. Par ordre de lecture dans la façon dont les dates sont écrites, on trouve les baktuns, katuns, tuns, uinals et enfin les kins. Les Tzak K’aniens disent se situer à la fin du katun en cours. Sachant qu’un katun est constitué de treize baktuns, soit 5 125 ans et demi, on peut en déduire que le Grand cycle actuel a débuté le 4 ajaw 8 kumk’u 13.0.0.0.0. Grâce au concours d’un scribe bilingue, les érudits théans ont réussi à déterminer que cette date correspondait, sur leur calendrier, au 13 corantine de l’année 3114 précédant l’Anno Veritas. Le système calendaire tzak k’anien—dit calendrier tzolkin—est composé de deux cent soixante jours. Ces derniers y sont numérotés de 1 à 13 et suivent un cycle successif de vingt noms. Il existe un second calendrier—le calendrier haab—de trois cent soixantecinq jours (dix-huit mois de vingt jours auxquels on ajoute les cinq jours restants en fin d’année) qui correspond à une année solaire. Dans ces calendriers, chaque jour possède ses propres associations surnaturelles, présages et divinités. Par exemple, les derniers cinq jours du calendrier haab sont considérés comme une période de malchance. Ainsi, certains Tzak K’aniens—les devins—connaissent leurs jours par cœur et peuvent se préparer au futur.

Religion

L’influence de la religion est omniprésente au Tzak K’an : de la goutte de pluie à la graine de maïs en passant par le parchemin du scribe et le trône du souverain, chaque chose possède sa place dans la cosmologie sacrée. Qu’il s’agisse du roturier qui récite ses prières devant les modestes idoles de son foyer ou des prêtres qui organisent des cérémonies complexes dans les temples, tout un chacun se doit de vénérer les dieux. Tous les Tzak K’aniens le savent, il existe trois plans d’existence—le Monde d’en-haut, le Monde intermédiaire et l’outre-Monde—et presque tous les aspects de leur religion y sont consacrés. De plus, ils sont conscients que les dieux ne vivent pas continuellement sur la Terra, certains ne s’y rendant qu’occasionnellement. Le Grand cycle de la vie, de la mort et de la renaissance est également omniprésent dans leurs croyances : déplaire aux dieux ou ne pas compter les jours— comme ils l’ont ordonné—provoque ainsi immanquablement des perturbations, amenant sur le monde divers malheurs : maladies, sécheresses, terres maudites ou grandes catastrophes. Il n’existe pas de culte unique dans tout le Tzak K’an. Chaque cité-État vénère une ou plusieurs divinités protectrices qui structurent son système de croyances. La fin de l’actuel Grand cycle approchant, de plus en plus de roturiers commencent à vénérer, en plus, quelques dieux mineurs.

Les dieux majeurs « Les dieux marchent parmi nous. Du moins, c’était le cas autrefois. Certains ont laissé leurs pas les guider ailleurs, d’autres ont purement et simplement cessé de marcher. » Autrefois, les dieux majeurs gouvernaient aux côtés des rois et des reines, mais cela fait quelques temps—plus de deux générations pour certains—qu’on ne les a plus aperçus, et leur absence se fait de plus en plus ressentir ces dernières années. Les dieux majeurs ont beau avoir des rôles et des niveaux d’influence différents, ainsi qu’une présence fluctuante dans le Monde intermédiaire, ils sont connus de tous les Tzak K’aniens.

Apocoālt, le Serpent à plumes Toutes les Nations de l’Aztlan croient au Serpent à plumes, même si chacune le surnomme différemment. Les Tzak K’aniens considèrent qu’il s’agit du dieu le plus ancien et le plus puissant, et qu’il règne sur tous les animaux (y compris le jaguar, en dépit du fait que celui-ci possède sa propre divinité). On trouve partout dans le pays des lieux de culte qui lui sont uniquement consacrés, même dans les cités-États dévouées à un autre dieu.

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Buluk Cha’wil, le dieu de la foudre

Itz’hun, le premier prêtre

Meilleur ami d’ Itz’hun, Buluk Cha’wil est un dieu puissant et lunatique. Vénéré par bien des seigneurs de guerre et des rois belliqueux, il se rend généralement dans le Monde intermédiaire pendant les conflits. Vêtu d’une impressionnante armure de guerrier, armé d’une hache géante incandescente, Buluk Cha’wil a une voix pareille au tonnerre et n’hésite pas un instant à foudroyer ses adversaires. On ignore précisément quels sont ses objectifs car il ne semble pas prendre plaisir au combat. Sa présence, toute vénérée qu’elle soit, est pourtant redoutée : les souverains ayant passé trop de temps en sa compagnie l’ont ainsi amèrement regretté.

Itz’hun est généralement considéré comme l’un des dieux créateurs qui donna naissance à ce Monde et à ses nombreux aspects sacrés (notamment l’écriture et les rituels). Lorsqu’il se rend dans le Monde intermédiaire, il prend souvent l’apparence d’un vieillard aux joues creuses et aux yeux enfoncés, tout vêtu de blanc. La nature hautement politique de notre Monde le dégoûte, et on dit que les changements opérés par les clergés au cours des derniers siècles lui déplaisent fortement. Les rumeurs prétendent qu’il visite parfois les académies de prêtrise ; si tel est bien le cas, les étudiants ne parlent jamais de leurs interactions avec lui.

Cha’kal, le dieu de la pluie

Kimi, le dieu des morts

L’une des divinités les plus vénérées du Tzak K’an— notamment par les nombreux fermiers—est Cha’kal, le porteur de la pluie nourricière. D’apparence plus reptilienne qu’humaine, Cha’kal s’est divisé en quatre pour mieux répondre aux demandes des mortels. Son aspect dit « rouge » s’occupe de l’est, le blanc du nord, le noir de l’ouest et le jaune du sud. Bien qu’il soit de nature attentive, Cha’kal a l’ire facile et la rancune tenace, deux traits de caractère qui se retrouvent bien dans l’irrégularité des pluies. Les Tzak K’aniens estiment ainsi que les zones privées d’eau se sont attiré le courroux de Cha’kal ; les autres, quant à elles, savent qu’elles sont dans ses bonnes grâces.

Les Tzak K’aniens considèrent que Kimi est l’un des créateurs de notre Monde, mais également le dieu des morts. Sa silhouette—squelettique et menaçante—est marquée de pans de chair en éternelle décomposition. Il aime porter des clochettes aux chevilles et au cou. En général, on le trouve au fin fond de l’outre-Monde, entouré de dieux mineurs et de camazotz (voir page 39). Il est un joueur de balle aguerri qui adore affronter des adversaires mortels. Il est possible de parier sa vie contre l’octroi de dons surnaturels, mais attention : il joue souvent à la déloyale. Les légendes disent que certains l’ont parfois aperçu du coin de l’œil dans le Monde intermédiaire. Il vient en effet se cacher dans les maisons des malades ou pénètre dans les casernes des soldats en temps de guerre. Ainsi est née l’expression populaire signifiant une mort imminente au Tzak K’an : « Entends-tu les clochettes tinter ? »

Ix Kin, la déesse solaire Ix Kin est la sœur jumelle de Po Ch’en, le dieu lunaire. Pour la voir sous sa forme naturelle, il suffit simplement de lever les yeux pendant la journée. Elle traverse le ciel sous l’apparence de l’éclatant Soleil du matin puis, au crépuscule, devient le Soleil jaguar. Quand elle revêt une forme à même d’arpenter la terre, elle devient une immense et redoutable silhouette aux dents pointues vêtue de vêtements scintillants très élaborés. Ix Kin adore les fleurs à quatre pétales, symbole qu’elle arbore souvent sur ses robes à motifs ou ses disques d’oreille. Les Tzak K’aniens considèrent d’ailleurs le port de ce symbole comme une invocation de son pouvoir.

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Chapitre 3 | Le Tzak K’an

Po Ch’en, le dieu lunaire Po Ch’en, frère jumeau calme et discret d’ Ix Kin, est le dieu lunaire. À l’instar de sa sœur, il est l’un des dieux créateurs de notre Monde. La nuit, il est facile de le trouver dans le ciel. Parfois, on peut également l’apercevoir sous forme humaine, perché sur son croissant de lune et accompagné de son meilleur ami, un lapin géant irisé. Po Ch’en est également le dieu des marées, du changement des saisons et de la fertilité. Lorsqu’il descend dans notre Monde, il revêt l’apparence d’un jeune homme élancé dont les longs cheveux sont attachés en une queue de cheval flottant au vent. Malgré sa timidité extrême, les humains ayant eu recours à son aide pour avoir des

enfants ont attesté de sa capacité à calmer et à conforter son entourage, et ont loué sa grande gentillesse.

Les Piliers À chaque coin du monde se dresse un Pilier, une force surnaturelle qui fait le lien entre le Monde d’en-haut et le Monde intermédiaire. Si l’un de ces quatre Piliers faillit à sa tâche, un désastre apparaît. Les Piliers sont secrets, mystérieux et en déplacement constant. Un voyage de plusieurs mois à la recherche du Pilier du feu peut ainsi se révéler vain s’il s’est déplacé dans un coin opposé et que le Pilier de l’eau l’a remplacé. Leur apparence est sujet à débat chez les Tzak K’aniens, mais il existe tout de même un vieux texte incomplet de plus de trois siècles à la Cahal It’zat qui a servi à consolider l’image que les gens se font d’eux. Pilier du feu : une créature quadrupède faite de braises crépitantes. On le repère parfois à de discrètes volutes de fumée blanche. Pilier de l’eau : un géant dont la chair aqueuse suinte en permanence de son corps. Il laisse des ruisseaux agités dans son sillage. Pilier de la foudre : il semble invisible mais on ressent facilement sa présence. On le repère au silence anormal dû à l’absence d’animaux autour de lui et à nos cheveux qui se dressent. Pilier de la terre : un géant de bois ou de pierre avec des plantes qui poussent sur son corps. Il se meut plus lentement que les autres mais ne s’arrête jamais. —Petit codex écrit par un voyageur anonyme

Les dieux mineurs Il existe de nombreux dieux mineurs qui s’occupent de devoirs variés. Les plus connus au Tzak K’an sont listés ci-dessous.

Che’b’ T’ul Les Tzak K’aniens viennent souvent demander conseil à la déesse de l’écriture—parfois autant qu’à Itz’hun, le premier prêtre—car ils la considèrent comme la quintessence même de ce qu’est le génie. Che’b’ T’ul a toutefois tendance à être obsédée par les aspects les plus triviaux de la culture scribale : elle viendra ainsi souvent corriger des fautes ou promouvoir les styles d’écriture. Excentrique, elle aime se rendre dans les tribunaux sous la forme d’un gros lapin (plume à la main… ou à la patte), simplement parce qu’elle en a la possibilité.

Ek Pakax Le dieu des marchands est une divinité sociable et extravertie. On peut le repérer à son goût quasi ostentatoire pour les décorations, son odeur persistante de cacao et l’énorme tatouage d’un scorpion noir sur son visage. Ek Pakax aime promouvoir les interactions grâce au négoce et possède une certaine appétence pour les produits exotiques.

Ix Sak La déesse arc-en-ciel est une vieille femme particulièrement crainte. On la pense rancunière envers les hommes, ce pour quoi nombreux sont ceux qui viennent la quérir pour réparer des injustices commises par les individus de la gente masculine. Au Tzak K’an, l’arc-en-ciel, symbole des femmes et des personnes non-binaires, est donc parfois perçu comme un terrible présage pour les hommes.

Puilay Balam Puilay Balam est le dieu jaguar d’antan. Il est si vieux que son existence pourrait n’être qu’une légende. De façon plus ou moins blasphématoire, on dit qu’il aurait été l’égal du Serpent à plumes, et on ne parle désormais plus de lui qu’à voix basse.

La mort et les rites funéraires Au Tzak K’an, la mort n’est pas la fin de tout, au contraire : c’est le commencement d’un autre voyage, et cette nouvelle vie débute par une descente dans Xibalba, l’outre-Monde. Si l’on a dispensé les rites funéraires appropriés au défunt, il possède de petites offrandes qu’il peut alors remettre aux Rameurs pour écourter son voyage sur le fleuve de la Mort. Il peut même essayer de les convaincre de le déposer dans des lieux accueillants, car il existe de nombreux rivages par-delà le fleuve.

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Le défunt monte ensuite à bord d’un grand canoë pour être emmené à sa prochaine destination. L’endroit où il est déposé dépend des actions qu’il a entreprises de son vivant dans le Monde intermédiaire. Ainsi, il devra franchir une série d’épreuves plus ou moins complexes pour progresser dans Xibalba. Chacune d’elles se déroule dans une « Maison, » un lieu gigantesque dirigé un dieu vassal de Kimi. Par exemple, un traître à sa fratrie pourrait avoir à relever le défi de la Maison des lames, tandis qu’un politicien malhonnête devrait passer par la Maison de la fumée empoisonnée. Les plus mécréants passent parfois par plusieurs Maisons. Certains encore n’en réchappent jamais... Une fois ces épreuves passées, les défunts partent vers le Monde d’en-haut. Ce lieu de paix et de savoir est ouvert à tous ceux qui ont payé leurs dettes humaines, mais également aux individus que les Rameurs ont jugé dignes d’y accéder sans passer par les Maisons : celui qui a prouvé sa valeur au cours de sa vie mortelle, ou dont la mort relevait d’un sacrifice ultime et juste, a le droit de ne pas passer les épreuves de l’outre-Monde. Les Tzak K’aniens peuvent communiquer avec leurs ancêtres résidant dans le Monde d’en-haut pour peu, bien sûr, qu’ils sachent les contacter ou qu’ils connaissent les voies à emprunter. Les résidents de Xibalba sont quant à eux plus difficiles à retrouver, mais la tâche n’est pas impossible. Cette conception de la mort et de l’après-vie explique pourquoi les Tzak K’aniens considèrent les traditions kuraques blasphématoires et abominables : les Kuraques perturbent le Grand cycle de la vie, de la mort et de la renaissance. De l’avis de nombreux prêtres, cette hérésie pourrait courroucer les dieux et expliquer la fin de ce monde.

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Chapitre 3 | Le Tzak K’an

Les rituels De nombreux rites et rituels gouvernent le mode de vie tzak k’anien. Tous, du bas de l’échelle sociale à son plus haut niveau, suivent des coutumes bien identifiées. De la bénédiction d’une récolte saisonnière à la nomination d’un nouveau souverain, chaque classe sociale connaît les rites à effectuer pour apaiser les dieux. Bien des rituels nécessitent d’être menés d’une façon spécifique à certaines dates du calendrier, car il est nécessaire de prouver aux dieux que les jours sont correctement comptés.

Le jeu de balle Pour les Tzak K’aniens, le jeu de balle est une métaphore de l’existence, de l’univers et du Grand cycle de la vie, de la mort et de la renaissance. Il peut se jouer comme un simple sport, mais aussi servir de guerre par procuration ou de sacrement rituel. N’importe qui peut y jouer pour le sport, mais les deux autres aspects sont réservés aux aristocrates. On le pratique souvent sur un immense terrain de jeu situé dans l’enceinte de la ville. Les sportifs revêtent le lourd équipement de jeu et se transforment en joueurs cosmiques, s’affrontant et utilisant leur corps pour essayer de faire passer une lourde balle en caoutchouc (métaphore du crâne d’un des premiers pères de l’humanité) à travers un gros anneau de pierre. Une fois la partie terminée et le vainqueur désigné, une cérémonie a lieu. Selon le contexte dans lequel s’est déroulé le match, un sacrifice (d’une forme ou d’une autre) peut être exigé soit des gagnants, soit des perdants.

Sorcelleries

Il existe de nombreuses méthodes de divination au Tzak K’an, mais on n’utilise la sorcellerie la plus sacrée et la plus puissante que lorsque les enjeux sont élevés. En effet, tout comme les dieux avant eux, les hommes doivent procéder à des sacrifices. A fortiori, l’utilisation de la magie du sang comporte donc un prix élevé, à la fois physique et mental.

L’invocation du Wayak’ Kan La sorcellerie la plus crainte et la plus vénérée au Tzak K’an consiste à invoquer le Wayak’ Kan, le Serpent des visions. On appelle parfois cette sorcellerie la « Quête pour le Wayak’ Kan. » La Quête requiert deux éléments : d’une part être prêt à souffrir, d’autre part avoir des outils similaires à ceux utilisés pour les saignées, comme de longues cordes hérissées d’aiguilles, des épines de raies pastenagues et des lames d’obsidienne. Il faut savoir ce que l’on veut avant d’entamer l’invocation : on peut par exemple demander la réponse à une question, un conseil, de l’aide, un objet ou la présence d’une personne en particulier. Il n’y a pas de limite : cette sorcellerie permet de passer outre la frontière entre les trois Mondes. Une fois l’intention précisée, l’invocateur se perce ou se coupe la peau et tire autant de sang que nécessaire à l’accomplissement du rituel. Cela implique souvent de se lacérer la langue avec la corde d’épines, ou d’inscrire des symboles sur son visage et son corps. Grâce à cette effusion de sang, le sorcier voit les frontières du Monde intermédiaire s’étioler. Il fait alors couler le sang sur des feuilles séchées placées dans un bol sacré. Lorsqu’il y en a suffisamment, il fait brûler les feuilles qui se consument et produisent d’épaisses volutes de fumée colorée. De la fumée émerge alors un serpent géant, d’apparence sinueuse et terrifiante. S’il est satisfait du sacrifice, une partie de son torse ainsi que sa tête se mettent à tournoyer et changent pour prendre une apparence humaine et offrir au sorcier ce qu’il est venu chercher. Il arrive que l’invocation du Wayak’ Kan attire des visiteurs indésirables. Même si le but recherché par le sorcier est d’invoquer un humain ou une divinité bien identifiée—un ancêtre, un seigneur de guerre, un dieu ou qui que ce soit d’autre—l’ouverture du portail peut amener des visions qui n’auraient pas dû être vues. On ne provoque pas de brèche entre les Mondes sans risques !

Refermer le portail au milieu du rituel n’est pas aisé, mais cela finit toujours par se faire au fur et à mesure que la fumée se dissipe… Bien sûr, nombre de sorciers ont déjà essayé d’invoquer le Wayak’ Kan en utilisant le sang des autres. Le Serpent des visions dédaigne ces sacrifices, allant souvent jusqu’à ne pas apparaître du tout. Seuls les pratiquants les plus habiles parvenaient à obtenir de menus résultats qui s’avéraient finalement, au mieux, peu fiables. Lorsque les Tzak K’aniens comprirent que l’automutilation était beaucoup plus puissante, les autres formes de sacrifices perdirent en popularité.

Sorcelleries mineures Certaines formes mineures de sorcellerie, surtout celles touchant au domaine de la divination, peuvent être effectuées par n’importe quel Tzak K’anien. La Connaissance des jours donne un aperçu des événements futurs ou des présages à venir, ce qui permet de mieux préparer les missions, les rencontres diplomatiques et les événements majeurs. Bien des souverains de cités-États emploient des devins pour les aider à gérer leur ville. Certains vont jusqu’à refuser de faire quoi que ce soit tant qu’ils ne leur ont pas demandé conseil pour s’assurer que les augures sont en leur faveur. D’autres sorciers mineurs portent des objets—masques, peinture corporelle, peaux, plumes—permettant de prendre l’apparence de divinités ou d’animaux. Enfin, les rares Miroirs bénits permettent une vision furtive des morts ou des dieux, voire une conversation rapide avec eux. Toutefois, l’utilisateur se doit d’être précautionneux : peu de choses différencient un Miroir bénit d’un Miroir maudit, dont les visions peuvent être mensongères.

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Lieux notables

Les cités-États tzak k’aniennes sont aussi variées que les peuples qu’elles abritent. Suivant les étapes du Grand cycle, elles s’érigent, s’écroulent et renaissent à nouveau, rivalisant constamment les unes avec les autres pour asseoir leur suprématie et leur domination. Il apparaît donc inutile d’essayer de représenter le paysage politique du Tzak K’an tant celui-ci est en mouvement perpétuel. Les cités-États présentées ci-dessous ne sont qu’un exemple des puissances tzak k’aniennes actuelles, de leurs desseins et de leurs vassaux (quand ceux-ci ne complotent pas pour changer de camp, voire s’émanciper).

Cahal Naab Cahal Naab est une ville portuaire située à l’embouchure du delta de l’Ak Way. Il s’agit de marais envahis de palétuviers où toute construction est impossible. La zone marécageuse peine en effet à supporter la pierre, et les petites îles au centre de ces fondrières sont constamment inondées. En fait, Cahal Naab n’est pas une cité à proprement parler : c’est davantage un cours d’eau rempli de bateaux attachés les uns aux autres, de maisons flottantes et de cabanes qui ne survivront probablement que jusqu’à la prochaine inondation. Pendant la saison des pluies, les habitants remontent le fleuve avec leurs embarcations pour se protéger et mettre à l’abri leurs quelques biens. Cahal Naab est donc une impressionnante démonstration de ce que l’homme peut réussir à accomplir lorsqu’il s’agit de survivre. La ville n’est gouvernée par personne car elle n’est pas le fait des institutions gouvernementales, des architectes ou des ingénieurs. En fait, elle a « poussé » grâce à ceux qui vinrent s’y installer au fil du temps, généralement des vagabonds, des contrebandiers et des escrocs. Aujourd’hui, elle est remplie des pires rebuts de la société : ceux qui n’ont ni foyer ni famille, ceux qui ont pu en avoir autrefois mais qui sont désormais en fuite, ceux qui ne sont loyaux qu’envers eux-mêmes et, d’une manière générale, quiconque s’est rendu compte qu’un endroit sans lois est idéal pour faire fortune. Seuls les prêtres itinérants daignent se rendre là-bas pour octroyer à ces individus la bénédiction des dieux. Les voies navigables du delta sont suffisamment larges pour permettre aux navires de haute mer d’accéder à l’embouchure et de remonter le fleuve sur une bonne distance.

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Chapitre 3 | Le Tzak K’an

Le port permet donc aux gentilés de faire du commerce et des profits. Cahal Naab ne survit que grâce à cette économie d’itinérance. Pendant la saison sèche, des Tzak K’aniens viennent des quatre coins du pays pour ouvrir le port aux étrangers et aux marchands. Ils échangent et vendent toutes sortes de marchandises, des plus douteuses à celles qui sont à priori inimaginables. Vous possédez un artefact magique, une liasse de plans volés ou quoi que ce soit d’autre à vendre ou à transmettre en secret ? Cahal Naab est l’endroit qu’il vous faut, et vous y trouverez quantité de contrebandiers, de voleurs et de receleurs prêts à tuer pour vous aider. Les Théans sont accueillis à bras ouverts. Là, on tente de leur refourguer des produits exotiques à rapporter dans leurs contrées, dit autrement, on profite d’eux en les pensant naïfs et idiots. Bien souvent, les locaux essayent de récupérer des navires théans, voire tentent d’en apprendre un maximum sur leur fabrication. Les Kuraques et les Nahuacans reçoivent quant à eux un accueil nettement moins chaleureux : les premiers donnent la chair de poule à tous les Tzak K’aniens, tandis que les seconds sont considérés comme des « salopards impériaux. » Cela étant, les préjugés sont vite oubliés si chacun est prêt à lancer les dés, à raconter de bonnes histoires ou à échanger des produits intéressants. Cahal Naab sert aussi de zone neutre dans laquelle les représentants des souverains viennent rencontrer ou embaucher des individus avec qui ils ne peuvent s’afficher publiquement, des mercenaires à l’éthique douteuse aux agents des cités-États rivales. Jusqu’à maintenant, aucune cité-État n’a réussi à prendre le contrôle de Cahal Naab, mais tout souverain digne de ce nom y possède tout de même des espions. À défaut, comment feraient-ils pour garder un œil sur les trafics illégaux, ou pour connaître rapidement les rumeurs venues d’ailleurs ? De temps en temps, un monarque tente de prendre la ville par la force. Quand son armée arrive, les habitants se réfugient dans les marais avec leurs marchandises et leurs bateaux et attendent simplement que les eaux montent pour que les soldats battent en retraite. Ici et là, beaucoup disent que ce n’est qu’une question de temps avant que quelqu’un d’ambitieux et de déterminé décide de mettre au pas cette ville sans loi.

Yaxbal Au centre de Yaxbal se dresse la plus grande des pyramides du Tzak K’an : Chan Witz (Montagne céleste). Peinte en teintes rouges et bleues, adornée de gravures représentant tour à tour le Pilier de la terre, le dieu Cha’kal ainsi que diverses scènes surnaturelles, elle s’élève très haut au-dessus de la place qu’elle surplombe. L’escalier central, abrupt, mène jusqu’au lieu le plus sacré de la ville, un endroit qui renferme des gravures et des peintures des divinités vénérées et des ancêtres disparus, ainsi qu’un autel dédié aux sacrifices et au culte. Lorsque l’on passe par la place principale, on est en permanence exposé à la puissance du souverain de Yaxbal. Outre les gigantesques stèles gravées, les autels et les monuments, c’est autour de cette place que l’on trouve les luxueuses demeures des membres de la famille royale, des prêtres de haut-rang et des citoyens les plus fortunés. Au Tzak K’an, chaque cité importante possède au moins un terrain de jeu de balle. Yaxbal en possède quatre. Le plus grand se trouve au sud-est de Chan Witz. Les marquages y sont élaborés et les gradins relativement grands. On y joue des matchs lors de la célébration d’événements historiques, ou à l’occasion de festivités concernant la ville entière. Les trois autres terrains sont quant à eux répartis hors de l’enceinte de la ville et servent aux rituels de moindre envergure, voire sont utilisés pour les entraînements. Aux alentours de Chan Witz, on trouve divers bâtiments administratifs où l’on s’occupe de tout ce qui concerne le fonctionnement de la cité-État : rituels, gestion des taxes et des impôts, organisation logistique des cités vassales, etc.

Un observatoire a également été construit près du centre de la ville. Là-bas, devins, astrologues et prêtres observent les variations météorologiques (précipitations, changements de pression atmosphérique ou mouvements du vent), consignent les cycles (solaires et lunaires) et marquent l’emplacement des corps célestes importants (notamment Chak Ek’, la Grande étoile de la guerre). Lorsque l’on quitte le centre-ville, le gigantisme cède la place à des zones urbaines beaucoup plus fonctionnelles où l’on trouve marchés, échoppes et ateliers des artisans. Ces quartiers bourdonnent d’activité. Un véritable ballet d’odeurs et de bruits emplit l’air : des fragrances émanant de la préparation des épices et de l’âtre des fours à poterie au bruit des outils qui frappent la pierre en passant par les nombreuses négociations entre les marchands et leurs clients. Ces quartiers ont beau être moins clinquants que le centre-ville, ils constituent pourtant le centre névralgique de Yaxbal. Aux limites de la cité—si éloignées qu’il faut marcher près d’une journée entière pour les atteindre—se trouvent les champs agricoles et les résidences qui abritent la majorité des habitants. Les structures en pierre y sont rares car la plupart des maisons sont faites en matériaux périssables (à l’instar des toits en chaume disposés sur de petites plateformes). La vie dans les champs n’est pas aisée, mais au Tzak K’an, les principes de vie sont les mêmes pour tous, de l’aristocrate au fermier : l’existence est un cycle constant de vie, de mort et de renaissance, que l’on joue au jeu de balle ou que l’on plante les semences de maïs.

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Chun Pixom Bien des cités-États sont nées et sont tombées depuis le début du Grand cycle. Elles sont si nombreuses qu’il est aujourd’hui tout simplement impossible de se rappeler leurs noms et leurs traditions : de nouvelles ont émergé à leur place, les remplaçant purement et simplement. Rares sont donc celles qui ont subsisté suffisamment longtemps pour laisser leur empreinte sur les mœurs et les coutumes des Tzak K’aniens. Chun Pixom est l’une des cités-États les plus anciennes et les plus respectées du pays. Au fil du temps, elle est devenue celle dont les étrangers parlent lorsqu’ils évoquent le Tzak K’an, ses peuples et ses traditions. Au cours de leurs huit siècles de glorieuses coutumes, les « gens du Nœud »—ainsi qu’on les appelle aujourd’hui— ont survécu à la chute de nombreuses cités-États en apparence plus prospères. En plus de gagner l’estime de tout un chacun, cela leur a permis de soumettre politiquement, économiquement et militairement la région, et ce sans l’ombre d’une protestation. Chun Pixom est située dans la jungle profonde, construite au milieu de sols fertiles. Depuis cette position privilégiée, elle règne sur une route commerciale qui constitue sa principale source de richesse. Malgré cette défense naturelle, les souverains de Chun Pixom sont restés très prudents et ont toujours soigné les défenses de la ville. Des fossés ont été creusés au nord, de grandes zones marécageuses protègent les flancs est et ouest et des fortifications ont été érigées au sud. Ainsi, malgré ses richesses et son immense pouvoir, les conflits ne sont presque jamais parvenus à ses portes. La seule véritable faiblesse de la ville est qu’elle n’est pas construite sur un cours d’eau naturel. Pour remédier à cela, les gens du Nœud ont conçu divers dispositifs permettant de recueillir l’eau de pluie. Ils possèdent désormais la plus grande réserve d’eau douce du Tzak K’an, contenue dans dix réservoirs dispersés à travers la ville et lourdement gardés. Ainsi, les rares armées ennemies qui parvinrent jusqu’à l’enceinte de la ville ne réussirent jamais à faire aboutir le moindre siège. Lorsqu’une cité-État tente de rivaliser avec Chun Pixom, elle finit irrémédiablement conquise, voire totalement annihilée, le souvenir même de son existence étant effacé des stèles de pierre qui préservent l’histoire du Tzak K’an.

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Chapitre 3 | Le Tzak K’an

LES CITÉS-ÉTATS VASSALES DE CHUN PIXOM La puissance de Chun Pixom s’appuie sur trois éléments : la peur, la richesse et la conquête. La plupart des cités-États craignent ainsi son pouvoir militaire démesuré et ne font pas de vagues. Aux autres, on offre des trésors inimaginables pour s’assurer leur loyauté. Quant aux rares imprudents qui rejettent ces deux approches, c’est la guerre qui les attend. Rares sont ceux qui ont survécu pour narrer l’histoire de leur stupidité. De nos jours, ses trois plus importantes citésÉtats vassales sont Óox Wíinik, Chactun et Ma’yax Ha. La première fut fondée directement par Chun Pixom après avoir renversé les précédents monarques (et choisi les siens grâce à des mariages arrangés). Celle-ci captura par la suite Chactun, augmentant indirectement l’influence et le pouvoir politique de la cité mère. La dernière, Ma’yax Ha, est un avant-poste septentrional qui sert de bouclier à Chun Pixom, protégeant la population des attaques venues du nord. Ma’yax Ha est également un comptoir commercial important pour la Compagnie commerciale atabéenne : elle permet ainsi aux gens du Nœud d’étendre leur influence et de commercer bien au-delà de leurs propres terres.

Depuis quelque temps, la cité-État de Ka’ Tuunich tente de mettre un terme à la lignée ininterrompue des trentetrois reines qui gouvernent la cité depuis des siècles. Cette famille, restée au pouvoir plus longtemps que n’importe quelle autre lignée tzak k’anienne, est parvenue à étendre son influence jusqu’à Tlaichtacān, l’une des grandes cités de l’Alliance nahuacane. Le roi de Ka’ Tuunich affirme que cette dynastie—connue sous le nom de Dames de Chun Pixom—doit sa pérennité non aux traditions tzak k’aniennes mais à son alliance avec les Nahuacans. Quand l’actuelle reine Kin’ix Jun Tan Janaab’ et ses conseillers ont entendu ces allégations, ils se sont contentés de hocher la tête et ont commencé à préparer la conquête de Ka’ Tuunich.

Ka’ Tuunich

Chactun

Ka’ Tuunich est l’une des plus grandes et des plus puissantes cités du Tzak K’an. Elle est le siège de ce que ses souverains ont appelé le royaume de la Pierre. Sur plus de cent cinquante kilomètres autour de la ville, on peut trouver le glyphe-emblème de la ville, composé de son nom, d’une montagne dépourvue d’arbres et du mot « tuun » signifiant « pierre. » Ka’ Tuunich, dont la population dépasse désormais les cent cinquante mille âmes, est l’une des plus belles merveilles de l’Aztlan. Les deux structures qui donnent son nom à la ville se rejoignent en une seule pour former une pyramide gigantesque et splendide, la plus grande de la région. Du haut de celle-ci, on peut apercevoir le grand marais ceignant la ville s’étendre vers l’ouest. Ce marais est à l’origine des ressources abondantes de Ka’ Tuunich, ainsi que de son importance politique. Le sol qui le borde est en effet d’une fertilité hors-norme, et ce depuis la fondation de la cité. On y trouve également d’abondantes formations de silex, qui furent utilisées pour construire les impressionnants bâtiments de la ville et qui fournissent à l’armée les armes avec lesquelles ils combattent. La principale croyance du peuple de Ka’ Tuunich se fonde sur la pierre. Se croyant aussi immuables que la roche et aussi résistants qu’une montagne, ils sont persuadés qu’ils ne pourront choir tant qu’ils effectuent les prières et rituels appropriés. Les deux pyramides représentent ainsi ces montagnes qu’ils vénèrent. Ils y organisent des festivals dédiés à l’établissement de fondations solides, des rituels symboliques sur les changements apportés par l’érosion et y témoignent de leur profond respect pour les générations les ayant précédés. Par voie de conséquence, les noyaux familiaux ne sont basés ni sur les lignées, ni sur les mariages, mais sur la contribution personnelle au bien commun. Les familles de la Pierre sont donc constituées de groupes d’individus partageant les mêmes valeurs et œuvrant de concert. Elles sont certes souvent formées à partir des liens du sang, mais elles acceptent également les membres extérieurs désireux de les rejoindre. On dit que ce sont ces fondations familiales qui donnent leur force au peuple de la Pierre. En lieu et place de mariages unissant des personnes de sang différent, ils demandent la bénédiction des dieux chaque fois qu’un nouveau membre rejoint leur famille, et ce afin de s’assurer que la solidité et la loyauté du groupe demeurent intactes.

Sise au carrefour de plusieurs axes commerciaux importants, Chactun (Pierre Rouge) est, à l’origine, une cité-État vassale mineure dont l’influence et le poids dans la balance politique du Tzak K’an n’ont fait que croître au fil des ans. Le contraste entre ses humbles origines—lorsqu’elle n’était qu’un simple marché contrôlé par Óox Wíinik—et sa prospérité actuelle se perçoit parfaitement dans son développement architectural. Chactun ayant originellement été une plaque-tournante commerciale, ses constructions cérémonielles sont très discrètes, quasiment inexistantes. Les dieux vénérés par les habitants—en ont-ils jamais eu ?—ont depuis longtemps sombré dans l’oubli, remplacés par ceux des envahisseurs. Malgré cela, Chactun est une ville richement agrémentée d’innombrables sculptures, dont certaines comptent parmi les plus hautes de toute l’Aztlan. On en doit la plupart à ce que les habitants appellent la « Renaissance, » mais que leurs seigneurs d’Óox Wíinik ont quant à eux nommé « Rébellion. » La Renaissance a débuté il y a un siècle, lorsqu’une inondation catastrophique ensevelit la ville. Ce désastre eut une conséquence inattendue : l’eau ne détériora pas les quelques bâtiments construits sur du grès rouge. Ainsi, on concentra l’effort de reconstruction sur la transformation de la ville pour lui donner sa forme et son nom actuels. La ville devint alors le lieu de ralliement de la population rurale. Lorsque Lakam Tok Ajaw devint roi, il fit détruire les sculptures en bois représentant les dieux protecteurs d’Óox Wíinik et demanda aux artisans de la cité de produire le plus beau glyphe-emblème du Tzak K’an. Avec le temps, les habitants devinrent les principaux acheteurs et revendeurs de jade brut et d’autres denrées de valeur, comme les fèves de cacao. Récemment, la cité a reçu la visite et le soutien du haut roi de Ka’ Tuunich. Depuis, le souverain de Chactun a expliqué à son peuple que leur ville allait devenir la ville la plus puissante de la région. À présent, les habitants de Chactun sont prêts à faire de ce rêve une réalité, ce qui risque de beaucoup déplaire à la reine de Chun Pixom.

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La bibliothèque de Manik Ju’un Il y a longtemps, Manik Ju’un n’était qu’une cité-État pauvre où les courtisans intriguaient pour tenter de conserver le peu qu’ils possédaient. Un jour, une jeune et sage reine décida d’utiliser les maigres excédents pécuniaires pour construire une petite bibliothèque à l’orée de la ville. Ceci fait, elle déclara le bâtiment ouvert à tous les scribes et autres gens instruits du Tzak K’an. Au fil des années, ceux-ci s’y rendirent, apportant leurs idéaux divergents, leurs langues, leurs religions et leurs histoires. Les scribes étaient certes fidèles à leur cité-État, mais ils se découvrirent une loyauté les uns pour les autres grâce à leurs passions communes. Ils se mirent ainsi à échanger des informations, des technologies, les emplacements de textes abscons, à normaliser les langues, à créer de nouvelles expressions. Dans sa sage prudence, la reine s’assura de ne jamais injecter de politique dans les murs de la bibliothèque afin que tous les scribes, sans exception, s’y sentent en sécurité. Ici, ils pouvaient être eux-mêmes sans se soucier d’avoir à représenter leurs souverains respectifs. La bibliothèque perdura des siècles durant, épargnée par les guerres et les conflits avoisinants. Les scribes venus des cités-États conquises vinrent y trouver refuge. Petit à petit, la cité crût et instaura une politique d’accueil des réfugiés : tous étaient les bienvenus à condition qu’ils abandonnent leurs allégeances et louent leurs services à la bibliothèque, en retrouvant et recopiant les textes archivés par exemple, ou en écrivant leurs propres récits. Souvent, ces scribes prenaient avec eux des textes propres à leur ancienne cité, lesquels venaient alors rejoindre la multitude d’écrits conservés. Ainsi grandit la bibliothèque, jusqu’à ce qu’elle devienne la plus grande au monde. Certains affirment qu’elle renfermait tous les codex ayant jamais existé. Malheureusement, il y a six mois, un incendie s’est déclaré dans la bibliothèque de Manik Ju’un. Les enquêtes aboutirent à la conclusion qu’un criminel avait répandu de l’huile de paraffine sur les rayonnages et s’en était servi pour mettre le feu au bâtiment. Si la majorité des ouvrages parvint à être sauvée, le bibliothécaire en chef—qui était également le frère cadet du roi—perdit la vie dans l’incendie. La réaction du souverain fut d’interdire l’accès à la bibliothèque à quiconque n’était pas membre de la famille royale. Il affirme désormais qu’il ne rouvrira les lieux que quand le responsable aura été retrouvé et que le mystère sera résolu. De nombreux scribes se sont plaint, affirmant que le souverain de Manik Ju’un n’avait pas l’autorité requise

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Chapitre 3 | Le Tzak K’an

pour interdire l’accès à la bibliothèque  : pour eux, il s’agit en effet d’une zone neutre, donc si quelqu’un devait décider de fermer la bibliothèque au public, cela ne pourrait être que les scribes eux-mêmes. Le roi leur répondit simplement que la bibliothèque étant située dans Manik Ju’un, il avait tout droit dessus.

Teo Puh’tex Les ruines du plus vieux temple dédié au Serpent à plumes sont situées à l’extérieur des frontières actuelles du Tzak K’an, sur les sables dorés du désert de l’Alliance nahuacane. Il ne s’agit cependant pas du seul souvenir des Aztlans de jadis. La petite ville de Teo Puh’tex, située au sud de la frontière nahuacane, fut construite du temps de l’Empire aztlan. Elle est la seule cité à n’avoir pas été détruite lors de la Chute, continuant de vivre dans un état d’isolation quasi total en perpétuant encore les anciennes traditions. Au fil des ans, seuls quelques rares Tzak K’aniens s’y sont rendus et en sont revenus pour partager son histoire. Après presque huit jours passés dans la jungle, et cinq dans les cours d’eau, je suis parvenu à Teo Puh’tex, la cité des tueurs silencieux. Je n’ai survécu que parce que j’ai reconnu les symboles peints sur les murs de leur palissade. Leurs flèches étaient pointées sur moi depuis les tours de guet. J’étais persuadé que j’allais mourir, j’ai donc décidé de tenter ma chance. J’ai levé les mains et juré allégeance aux Anciens dieux peints sur leur enceinte. Je n’y croyais pas, mais ils ouvrirent les lourdes portes de la ville. Rien n’aurait pu me préparer à ce qui m’attendait à l’intérieur. Ils suivent les anciennes traditions, celles qui sont aujourd’hui interdites. Ils font couler le sang à flot car ils en font don à leurs dieux. J’ignore pourquoi ils me gardent. Peut-être simplement que je ne veux pas l’admettre... J’ai attaché ce message à la patte du premier quetzal qui s’est posé près de moi. Je m’appelle Aj’bootz. Je fus envoyé par Kinich Ta’jooj. Souvenez-vous de moi. —Message retrouvé dans les jungles septentrionales du Tzak K’an et conservé dans la bibliothèque de Manik Ju’un

Munyal Kaah

Tak’ooj A’bak

Dix mille pieds au-dessus du niveau de la mer, au sommet des montagnes du Pakal Witz et au bout du plus long escalier du monde—sculpté à même la roche—se dresse la cité la plus impressionnante jamais construite sur Terra, que ce soit par l’homme ou les dieux. Elle a reçu bien des noms. Certains remettent son existence en question, là où d’autres en font l’apologie : la Cité en haut de l’escalier, la Ville chimérique, Trois pierres, L’origine du monde. Ses citoyens se fichent de ces surnoms, appelant simplement leur foyer Munyal Kaah, « la cité des Nuages. » Construite sur de larges systèmes de terrasses, Munyal Kaah possède nombre de caractéristiques défiant l’imagination : la ville s’étale sur plus de deux cent cinquante kilomètres carrés, ses structures sont toutes séparées les unes des autres par des distances identiques, sa population compte plus de cent mille habitants, etc. Le peuple Nuage a de plus mis au point un réseau commercial complexe unique en son genre. Il leur permet d’utiliser des endroits et des passages dont aucune autre cité-État tzak k’anienne ne connaît l’existence. Ce faisant, ils ont pris leur indépendance avec les « politiques terrestres » (comme ils les appellent) et choisissent désormais de faire affaire avec qui bon leur semble. On dit que Munyal Kaah était autrefois inféodée à Chun Pixom, mais qu’il était impossible de convaincre les collecteurs d’impôts et les diplomates de grimper le Sina’an Xiinbal pour faire leur travail. Si l’on en croit les histoires, ces derniers arrêtèrent tout simplement de venir. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui convoitent l’allégeance du peuple des Nuages, mais personne ne sait s’il est réellement possible de l’obtenir: ils bénéficient déjà de tout ce qu’il leur faut dans leurs jardins flottants et leurs pyramides. Un jour, ils pourraient même décider de mettre fin à leurs transactions avec le reste du Tzak K’an. Les merveilles de Munyal Kaah ne sont pas uniquement architecturales. Son organisation sociale est également digne d’admiration. La cité possède bien un souverain— qui règne depuis le palais Céleste—ainsi qu’un système de classes sociales comparable à celui des autres cités-États tzak k’aniennes, mais le peuple des Nuages a en plus mis en place un mode de vie dans lequel tout le monde a accès aux marchandises d’ordinaire réservées à l’aristocratie. En conséquence, nombre de roturiers ont pu concevoir des inventions et des innovations qui ont bénéficié à l’ensemble de la ville.

La quasi-totalité de la civilisation chok ch’ai a été recouverte par les jungles denses. Toutefois, sur la rive orientale du Tzak K’an, au sein d’une forêt vierge entourée par des rivières sinueuses, se trouvent les ruines de la cité de Tak’ooj A’bak. Tak’ooj A’bak n’est pas la plus grande cité chok ch’ai qui ait été retrouvée en Aztlan (contrairement à Caxazul ou Ik’Tun’a), mais elle demeure tout de même impressionnante. La plupart de ses grands temples y sont désormais enfouis (les profanes n’y verront d’ailleurs que des monticules), mais certains signes du passé affleurent encore à la surface. Tak’ooj A’bak, comme toute autre cité chok ch’ai, se caractérise par quelques spécificités  : d’énormes tertres, des autels monolithiques recouverts d’écritures étranges et des stèles menaçantes indiquant différents endroits qui revêtaient une quelconque importance (qu’elle soit ritualiste ou fonctionnelle). Sa particularité la plus célèbre est toutefois les imposants visages en pierre dont la forme a en partie été effacée par l’usure du temps. Ces têtes sont parfaitement taillées dans des blocs de basalte massifs, trop gros pour avoir été extraites sur place (après tout, le volcan le plus proche se trouve à plusieurs centaines de kilomètres). Elles arborent toutes la même expression morose et menaçante que l’on associe souvent à Ceux d’avant. Quant à leurs yeux insondables et sans pupilles, ils semblent surveiller quiconque ose arpenter les rues de la ville sans y avoir été invité. Au-delà de ces points communs, chaque visage présente en plus des caractéristiques uniques. Par-delà la cour de têtes se trouve la place centrale. Au premier coup d’œil, il semble n’y avoir rien d’intéressant, si ce n’est les habituels détritus qu’on trouve dans n’importe quelle ville fantôme : pots cassés, outils de taille abandonnés et autres fourbis. La majorité des bâtiments sont complètement enfouis sous le sable, ou trop en ruine pour être reconnaissables. Néanmoins, à l’intérieur de certaines ruines se trouvent de gigantesques dépôts de jade taillé, de cinabre, d’hématite et toutes sortes de minéraux scintillants ou étrangement polis. Ces matières premières très précieuses ont sûrement conduit plus d’un marchand audacieux vers un destin funeste, car ceux qui pénètrent à Tak’ooj A’bak (soit intentionnellement, soit au détour malchanceux d’un sentier) n’en reviennent jamais. Selon une légende, la cité posséderait d’étranges marquages, faits à la va-vite sur des portes condamnées, disant simplement « En haut, » « En bas » et « À travers, » comme des indications qui auraient pour but d’orienter les futurs visiteurs.

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Jasaw

Les parents de Jasaw périrent lorsqu’il était jeune. Ils étaient partis explorer une grotte récemment découverte avec deux autres hommes du village. Le prêtre les avait avertis qu’il était imprudent d’y aller, mais ils n’en tinrent pas compte et ne revinrent jamais. Les seules preuves de leur passage furent les taches de sang à l’entrée de la grotte. Ils avaient visiblement franchi un territoire interdit : pour avoir pénétré par accident dans les royaumes des dieux, ils furent emportés dans l’outre-Monde, à Xibalba. Jasaw connaissait les histoires des Jumeaux héroïques. Il savait qu’il était possible de tromper les dieux de la mort en les battant au jeu de balle. Il prit alors la décision de devenir le meilleur joueur de balle au monde, d’aller à Xibalba et de ramener ses parents à la vie. Avec les années, il devint le meilleur qui soit. Il vainquit les joueurs les plus talentueux de l’Aztlan et enchaîna les victoires sans faillir. Pourtant, tout cela ne suffit pas car jamais un dieu ne vint l’inviter à participer à un jeu de balle dans l’outre-Monde. Jasaw n’a jamais croisé de dieu. Il sait qu’ils arpentent la Terra, et parfois, les gens les lui désignent du doigt, mais ils disparaissent toujours avant qu’il ait le temps de les apercevoir. Il est plus ou moins persuadé que les dieux font exprès de l’éviter. Mais comment peut-il rejoindre Xibalba si on ne l’y invite pas ? Il rentra dans son village natal et tenta de pénétrer dans la même grotte que ses parents. Malheureusement, les prêtres l’avaient fait sceller : personne ne pouvait plus y entrer. Il dépêcha un scribe à la bibliothèque de Manik Ju’un pour trouver les autres accès à Xibalba : le scribe arriva le jour où un incendie ravagea la bibliothèque et y mourut. Découragé, Jasaw abandonna sa quête. Il participe désormais à des matchs amicaux, boit en compagnie des rois et partage la couche d’innombrables hommes et femmes. À n’en pas douter, il a accumulé suffisamment de gloire et de renom pour vivre une existence plaisante. Secrètement, Jasaw cherche encore à pénétrer dans l’outre-Monde. Pour l’instant, il ne dévoile pas ses intentions, et ce dans l’espoir que le mauvais sort dont il était victime auparavant n’entravera plus la poursuite de ses recherches.

Accroches scénaristiques

JASAW « Je saurai arracher mes parents de l’emprise de Xibalba et les ramener chez eux. »

• Jasaw a trouvé une piste qui pourrait le mener dans l’outre-Monde. Il cherche quelqu’un pour l’aider. Les Héros l’accompagneront-ils dans ce qui s’apparente à une mission suicide ? • Jasaw soupçonne quelqu’un de comploter activement contre lui pour l’empêcher de trouver le chemin de Xibalba. Il a engagé les Héros pour trouver cette personne sans révéler ses propres soupçons.

Ix T’zutz

Ix T’zutz vit dans une petite maison à l’orée de Kamaktul, une cité en ruine qui s’étiole au milieu d’une clairière, là où la forêt rencontre le rivage. Elle y vit plus ou moins seule, en tant que reine de cette ville croulante et décrépite. Elle compte toutefois remédier à cela, et elle possède les moyens de parvenir à ses fins. Ix T’zutz désire restaurer l’image de sa cité-État et en faire le creuset des différentes cultures de toute la Terra. Elle possède des relations en Aztlan, en Théah, en Ifri et dans l’Empire du Croissant. Où qu’elle aille, elle sait forger de nouveaux liens. Beaucoup de ses amis partagent son rêve, allant jusqu’à l’aider financièrement pour reconstruire sa cité. En discutant avec Ix T’zutz, on remarque immédiatement son enthousiasme débordant à propos des technologies qu’elle a découvertes dans chaque Nation qu’elle a visitée. Une fois sa « Cité du futur » construite (elle a trouvé un florilège de surnoms pour sa future ville, mais elle finit toujours par revenir à celui-ci), elle encouragera l’utilisation et l’expérimentation des technologies nahuacanes, kuraques, théanes, ifriennes et croissantines, tout ça sous l’œil vigilant des meilleurs ingénieurs tzak k’aniens. Cela peut paraître un rêve ridicule et impossible, mais Ix T’zutz a le chic pour transmettre son enthousiasme à ses interlocuteurs, un don qui, étonnamment, lui a permis d’aller loin dans la vie. D’ailleurs Kamaktul fut un « cadeau » du roi de Manik Ju’un, soi-disant en l’honneur de sa noble ascendance (laquelle est particulièrement mystérieuse). Sa cité en poche, Ix T’zutz a réussi à persuader de nombreux marchands fortunés de l’aider à la reconstruire. Elle a de l’argent à ne plus savoir qu’en faire et cherche activement à rallier à sa cause d’éminents cartographes, architectes et créateurs de masques. Les premiers bâtiments commencent tout juste à émerger du sol, ce qui signifie qu’il lui faut l’aide de géomètres experts, d’astronomes, d’augures et de nombreuses autres personnes pour s’assurer une croissance aussi favorable que possible.

Accroches scénaristiques • Ix T’zutz a engagé les Héros pour cartographier une série de passages souterrains situés sous Kamaktul. Lors de leurs investigations, ils découvrent un portail qui mène vers l’outre-Monde. Que vont faire les Héros de cette découverte ? • Le projet d’ Ix T’zutz de bâtir une cité multiculturelle a agacé un roi voisin, lequel est désormais prêt à envoyer son armée raser la ville. Les Héros sauront-ils protéger Ix T’zutz et sa cité de la menace extérieure ?

IX T’ZUTZ « Chaque Nation possède ses atouts. Et si on les regroupait toutes au même endroit ? »

Ix K’ahk’ Chi’

Ix K’ahk’ Chi’ devint orpheline lorsqu’elle était jeune. Elle fut vendue à un riche potier qui la maintint en captivité avec des centaines d’autres esclaves. Ils devaient alimenter le feu et vernisser ses créations. Quand il découvrit qu’elle était capable de manipuler le feu, il vit une opportunité unique de s’enrichir. Il l’emmena voir un prêtre local, qui lui apprit qu’elle était l’enfant du dieu Kinich Ahau, puis il l’emmena voir un prêtre nahuacan qui lui dit qu’elle était la fille du dieu Xiuhtecuhtli. De retour, Ix K’ahk’ Chi’ mit le feu à la maison de son maître. Elle se retrouva alors libre pour la première fois de sa vie, et s’enfuit avec des centaines d’esclaves jusqu’au sommet d’un volcan. Les soldats qui tentèrent de les poursuivre subirent de terribles brûlures. Par la suite, Ix K’ahk’ Chi’ envoya des messagers pour faire comprendre à tous que personne ne devait les suivre dans la montagne. Les rumeurs autour d’Ix K’ahk’ Chi’ se répandirent. Des fidèles de Kinich Ahau et de Xiuhtecuhtli commencèrent à déposer des offrandes au pied du volcan ; cela permit de nourrir les anciens esclaves pendant un temps. Néanmoins, étant donné que tous les esclaves qui échappaient à leur maître venaient chercher la protection d’Ix K’ahk’ Chi’ dans la montagne, la nourriture finit par manquer, et le sol ne permettait pas d’en faire pousser. Dans la cité en contrebas, les propriétaires d’esclaves ont organisé une réunion d’urgence pour étudier les moyens de s’occuper d’Ix K’ahk’ Chi’. Les prêtres se disputent encore au sujet de son ascendance tandis que les nobles formulent des plans pour la faire descendre de la montagne. Pour le moment, elle siège au sommet du monde et menace de faire pleuvoir les flammes sur quiconque représente un danger pour elle et les siens. Quelques braves gravissent le volcan pour lui apporter des nouvelles ; en retour, elle leur confie des messages ou leur demande de l’aide. Elle aura besoin de soutien pour entretenir sa cause, mais sa situation actuelle est fragile : même avec toute la puissance de feu au monde, son succès n’est pas garanti.

Accroches scénaristiques

IX K’AHK’ CHI’ « Je n’ai jamais voulu être aux commandes. Tout ce que je voulais, c’ était ma liberté. »

• Du fait des actions des propriétaires d’esclaves, le nombre d’offrandes déposées au pied de la montagne a drastiquement diminué. Ix K’ahk’ Chi’ demande aux Héros de l’aider à établir une chaîne d’approvisionnement stable. • Ix K’ahk’ Chi’ n’a rien d’une reine. Au contraire, elle est timide et effrayée. Les anciens esclaves voudraient qu’elle les mène, et l’inquiétude commence à les tarauder. Les Héros pourront-ils l’aider à prendre en main les siens avant qu’ils ne se rebellent ?

Guy de Malvaux

Guy de Malvaux naquit sous le nom de Guy de Levesqued’Aur. Pendant une mission militaire en Ussura, il fut victime d’une tentative d’assassinat et se retrouva abandonné dans la toundra. Sauvé par les habitants d’un village voisin, il se lança dans un voyage à la poursuite de la personne qui avait cherché à le tuer. Il fut accompagné dans sa quête par Illya Ekaternava Borisovitch et son compagnon castillian, Bartolomeo Garcia, qui refusèrent de le laisser s’enfoncer seul dans l’hiver rigoureux ussuran. Le petit groupe suivit la piste de l’assassin jusqu’en Vodacce. Ils y apprirent son patronyme—Henri—mais perdirent sa trace. Guy changea alors son nom en de Malvaux afin de rester anonyme. Lorsque Bartolomeo apprit que son frère, Torres, était porté disparu en Aztlan, il décida d’embarquer pour le Nouveau monde, accompagné par Illya. Guy mit sa propre quête de côté pour accompagner celui qui était devenu son ami. Quelques mois plus tard, ils débarquèrent au Tzak K’an, où Torres avait été vu pour la dernière fois. En arrivant en Aztlan, ils apprirent que Torres était à la recherche d’artefacts syrneth. Guy, Bartolomeo et Illya s’enfoncèrent dans les profondeurs du Tzak K’an pour retrouver l’expédition, dans l’espoir de sauver le frère de Bartolomeo ou de découvrir ce qui lui était arrivé.

Accroches scénaristiques • L’assassin de Guy semble l’avoir suivi jusqu’au Nouveau monde. L’expédition accumule attaques nocturnes et embûches. Les Héros aideront-ils Guy à démasquer son assassin et à mettre un terme à son infamie une bonne fois pour toutes ? • L’expédition de Guy avance comme une tortue car les Théans connaissent mal la jungle tzak k’anienne. Guy engage les Héros pour leur servir de guides. L’aideront-ils à atteindre son but, ou l’utiliseront-ils pour parvenir à leurs propres fins ?

GUY DE MALVAUX « J’ai déjà échappé à la mort, mais j’ai peur que cette fois-ci, même la nature veuille ma perte. »

Alonso Ruiz Calderón

Don Alonso Ruiz Calderón rejoignit l’Église vaticine très jeune. Il suivit une formation de prêtre et rejoignit les rangs de l’Inquisition bien avant que le cardinal Verdugo n’endosse le rôle de Grand inquisiteur. Il aurait pu devenir son bras droit s’il l’avait voulu, mais ses ambitions matérielles le menèrent ailleurs. Quand Verdugo demanda à Calderón de mener à bien la destruction des artefacts syrneth dans le Nouveau monde, il accepta avec joie d’aller repérer ses futures « nouvelles propriétés. » Lorsque Calderón débarqua en Aztlan, il s’en tint aux ordres de l’Inquisition. Cependant, ses velléités personnelles ne tardèrent pas à prendre le pas sur sa mission officielle. Cette terre était magnifique, et il voulait la posséder. Il tenta de s’imposer dans l’Alliance nahuacane, mais la pléthore de lois l’empêcha de mener ses manigances à bien. De plus, les Nahuacans s’irritèrent rapidement de sa présence et le bannirent. Il voyagea alors jusqu’au Tzak K’an, ce pays prêt à s’affaisser sous le poids de la discorde. Il comprit qu’il pouvait s’attirer les foudres d’un monarque sans que ses voisins ne s’offusquent. Chaque cité-État était différente, mais la culture tzak k’anienne y était somme toute identique. Cela facilita la tâche de Calderón, qui apprenait tout ce qu’il y avait à savoir sur un endroit avant de passer à un autre. En ce moment, l’inquisiteur réside à Polok K’anche’, où il se sert du roi Kal’omte Chan K’awiil pour essayer de conquérir le Tzak K’an. Si ses efforts actuels se concentrent sur le Tzak K’an, Calderón a tout de même envoyé des messagers au Kuraq et à l’Alliance pour tenter de rallier des soutiens à sa cause. Il a appris beaucoup de choses depuis son arrivée en Aztlan. Il sait précisément ce que désirent les gens, il saura donc les convaincre de se ranger à ses côtés. Officiellement, il continue de travailler pour l’Inquisition. Toutefois, au lieu de détruire les artefacts que retrouvent ses agents, il apprend à les utiliser et à les modifier pour servir son intérêt premier : la conquête du Nouveau monde. Pour en savoir plus sur don Alonso Ruiz Calderón, voir L’inquisition en Aztlan page 27.

ALONSO RUIZ CALDERÓN « Il n’y a qu’à se baisser pour s’emparer de ces terres, j’ai juste besoin d’un petit peu d’aide. »

PUISSANCE

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INFLUENCE

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MALFAISANCE

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Accroches scénaristiques • Les Héros subissent une attaque en revenant de ruines syrneth. Ils se font dérober les artefacts qu’ils avaient trouvés. Sauront-ils les récupérer avant que Calderón ne les fasse disparaître ? • Calderón a demandé au Kuraq qu’il lui envoie des churikunas. Il a promis que la cité-État de Polok K’anche’ se convertirait au culte de Supay. Le roi Kal’omte ignore bien sûr tout de cela. Il ne laisserait d’ailleurs jamais des Kuraques pénétrer dans sa cité. Les Héros sauront-ils convaincre le roi de bouter Calderón avant qu’il ne soit trop tard ?

Ix Tzak Cho’k-Taak

Ix Tzak Cho’k-Taak cultive les fèves de cacao. Ses plantations sont cachées, disséminées à travers tout le Tzak K’an. Elle s’en occupe avec l’aide de ses vingt filles—biologiques et adoptives—toutes plus dévouées les unes que les autres. Ensemble, elles opèrent le plus grand trafic de faux cacao du Tzak K’an. Leur arnaque est simple : elles remplacent les fèves par de l’argile de la même couleur. Elles vendent ensuite les cabosses à des marchands nahuacans—estimant, à juste titre visiblement, qu’ils ne sont pas très futés—puis écoulent les fèves à des grossistes tzak k’aniens. Cela leur permet d’engendrer un double profit pour le même travail. Bien sûr, ce trafic ne serait pas possible si Ix Tzak Cho’kTaak ne disposait pas d’une main-d’œuvre spécifique. Elle capture en effet de jeunes enfants et les oblige à travailler. Leurs petits doigts minimisent en effet les dégâts infligés aux cabosses lors de l’extraction des fèves, ce qui rend le fruit de ses contrefaçons quasiment invisible. Quand ils deviennent trop grands pour ce labeur, elle les envoie faire la récolte des cabosses ou les vend à des esclavagistes. La capture d’enfants est facile : elle les attire simplement en leur promettant du chocolat chaud ou de la nourriture. Ix Tzak Cho’k-Taak est devenue une sorte de légende chez les Tzak K’aniens superstitieux. Les parents mettent en garde leurs enfants contre «  la vieille chouette qui enlève les enfants pas sages et boit leur sang pour rester jeune. » Les souverains des grandes cités-États font fi de ces histoires, les classant au rang de spéculations et de rumeurs. Ix Tzak Cho’k-Taak et ses filles continuent donc d’enlever des enfants sans être inquiétées. L’opération entière engendre des richesses incroyables. Ix Tzak et ses filles en utilisent une grande partie pour entretenir leurs réseaux commerciaux, continuer la distribution de leurs contrefaçons et soudoyer les autorités lorsqu’il le faut.

Accroches scénaristiques • Un chef local a engagé les Héros pour retrouver sa fille, disparue une semaine plus tôt. Les Héros vont-ils retrouver la plantation d’ Ix Tzak Cho’k-Taak avant que leur enquête ne la force à s’enfuir ? • L’un des enfants d’ Ix Tzak Cho’k-Taak s’est échappé. C’est une petite fille désorientée qui demande aux Héros de la ramener chez elle. Parviendront-ils à lui faire regagner son foyer avant qu’Ix Tzak et ses filles ne les rattrapent ?

IX TZAK CHO’K-TAAK « Gamin, c’ est le meilleur chocolat chaud des jungles du Tzak K’an ! »

PUISSANCE

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INFLUENCE

8

MALFAISANCE

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Ix Miol

Ix Miol est née à Sakbe’nal. Dès son plus jeune âge, elle accompagna ses parents lors de leurs missions commerciales. Elle voyagea donc à travers tout le Tzak K’an et aida sa famille dans différentes cités-États où ils se rendaient. Elle a toujours détesté cela. D’aussi loin que sa mémoire lui permette de se souvenir, Ix Miol a toujours voulu devenir archéologue. Enfant, elle aimait passer du temps auprès de celles et ceux qui étudiaient les Anciens (ses parents lui reprochaient d’ailleurs de perdre son temps). Lorsqu’elle fut en âge de reprendre l’affaire familiale, elle partit donc pour travailler sur un site de fouilles syrneth où se trouvaient des archéologues parmi les plus connus du Tzak K’an. Elle développa alors un intérêt croissant pour la découverte des secrets et de l’utilité des artefacts. Comme beaucoup de Tzak K’aniens, elle espérait pouvoir utiliser ces technologies pour le bien de sa ville natale, Sakbe’nal. Lorsque ses parents avaient appris sa décision, ils avaient exprimé l’étendue de leur colère en la désavouant. Ses économies fondirent comme neige au soleil et sans argent en poche pour subvenir à ses besoins, les archéologues lui firent comprendre qu’elle n’était plus la bienvenue sur le site. Il ne lui fallait pourtant qu’une petite découverte technologique pour retrouver les bonnes grâces de sa famille, ce pour quoi elle commença à voler des artefacts pour les étudier. Ainsi, ce qui avait débuté comme une noble entreprise—l’étude de la technologie pour aider son foyer natal—se transforma en un cercle vicieux : voler des artefacts pouvant être transformés en armes afin de dérober d’avantages d’artefacts. Désormais, Ix Miol est la voleuse d’artefacts la plus recherchée au Tzak K’an. Depuis, elle s’est entourée d’un petit groupe de personnes qui l’aident dans son entreprise, qu’elle paye en vendant des artefacts modifiés. Le pire est qu’elle ne se contente plus de voler les équipes archéologiques : elle va jusqu’à détruire leurs recherches pour masquer ses traces.

IX MIOL

Accroches scénaristiques

« Ces choses appartiennent à notre peuple, donc elles m’appartiennent à moi… »

PUISSANCE

6

INFLUENCE

4

MALFAISANCE

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• Une expédition archéologique a engagé les Héros pour leur servir de guides et de gardes. Parviendront-ils à assurer la sécurité des archéologues face aux armes étranges qu’utilise Ix Miol ? • Ix Miol vend ses armes au plus offrant, y compris à l’inquisiteur Calderón. Les Héros sauront-ils convaincre Ix Miol de se repentir et d’œuvrer contre le Scélérat castillian ?

Kal’omte Chan K’awiil

Polok K’anche’ était une cité-État vouée à l’étude de l’astronomie, de l’art et des sciences. La population tirait sa fierté de son pacifisme affiché, de son amour pour la recherche et, surtout, de la prospérité qui en résultait. Kal’omte Chan K’awiil, leur roi, était un érudit et un scribe adoré par les citoyens. Il était sage, patient, intelligent et il redistribuait ses richesses à ses sujets les plus pauvres. Quand don Calderón arriva à Polok K’anche’, il ne lui fallut pas grand-chose pour insuffler la peur dans le cœur pacifique de Chan K’awiil. La vilenie de Calderón n’avait en effet d’égale que la force de ses paroles. L’Alliance nahuacane, au nord, a les armées les plus puissantes. Qui les empêchera de conquérir le Tzak K’an ? Les Kuraques, au sud, veulent imposer leur dieu de la mort. Qui stoppera leurs prêtres dévoués ? Les Théans, cupides, veulent s’emparer de l’Aztlan. Qui s’opposera à eux ? Le Tzak Kan est au centre du monde, mais il est divisé et, chaque jour, ses ennemis tirent profit de ses clivages. Il faut une âme sage et qualifiée pour unir le pays face à ces menaces. Qui d’autre que Chan K’awiil peut faire cela ? S’il prônait autrefois la paix, Chan K’awiil pense désormais qu’il n’y a que la guerre qui saura unir son peuple disparate. Les mots de Calderón n’étaient pas sans sagesse, ce pourquoi le souverain commença à se consacrer à l’unification du Tzak K’an. Ainsi commença le grand changement. D’une plaque tournante florissante, Polok K’anche’ devint un centre militaire en quelques semaines. Des tours à moitié construites se retrouvent désormais abandonnées par les ouvriers appelés à rejoindre l’armée. Les palais et les monuments sont maintenant à nu, privés de leur obsidienne, de leur jade et de leur or qui ont été vendus ou forgés pour faire des armes. Cette armée, d’une efficacité redoutable, a déjà soumis plusieurs cités-États mineures…

Accroches scénaristiques • Kal’omte Chan K'awiil convoite Cahal Naab. Si cette ville tombe, d’autres suivront plus facilement. Les Héros parviendront-ils à défendre la ville ? • Chan K’awiil veut ce qu’il y a de mieux pour son peuple. Il ne se rend pas compte de la tromperie de Calderón. Les Héros sauront-ils le convaincre de changer de méthodes et de les aider à défaire Calderón ?

KAL’OMTE CHAN K’AWIIL « Tout ce que je désire, c’est la paix. S’il le faut, je l’obtiendrai par le feu. »

PUISSANCE

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INFLUENCE

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MALFAISANCE

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Chapitre 4

L’Empire kuraque

L’Empire kuraque Il y a des portes qui ouvrent sur l’autre monde. Elles sont en toi. Il y a des portes qui mènent à l’après-vie. Tu en connais le chemin. Il y a des portes qui renferment des voix. Écoute, elles t’appellent. Bienvenue ! Quel est ton nom ? -Comptine kuraque Jadis, le Kuraq était un pays constitué de cités-États disparates, à l’instar de l’actuel Tzak K’an. Unifiés sur les cendres d’un légendaire empire déchu voici deux cents ans, les Kuraques mirent de côté leurs différences pour se ranger sous une même bannière. Depuis, l’Empire kuraque est devenu une Nation forte et stable qui a résisté tant aux tentatives d’invasions qu’à l’influence des cultures étrangères. Le pouvoir politique qui structure l’Empire est d’une nature peu ordinaire. Les Kuraques sont en effet dirigés

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Chapitre 4 | L'Empire kuraque

par feu leurs ancêtres—les Vénérables—dont les esprits contrôlent encore leurs corps momifiés depuis l’au-delà. Ils régissent la vie de leurs descendants, utilisant parfois les corps de ces derniers—les Porte-paroles—pour espionner le monde ou s’exprimer parmi les vivants. Sous l’autorité de l’Impératrice Asiri Inkasisa, les Vénérables ont transformé la civilisation kuraque, qui est petit à petit passée d’une multitude d’ethnies polyglottes fragmentées à un peuple unifié. Néanmoins, l’Empire n’est pas aussi soudé que ce que l’Impératrice veut faire croire à son peuple. Les nobles complotent en effet depuis leurs tombes pour que leurs familles respectives gagnent en puissance. Des lignées entières s’affrontent donc pour obtenir—ou conserver—du pouvoir, que ce soit dans le commerce, la politique ou à l’occasion de guerres clandestines. Ainsi, ici et là, les rancunes vieilles de plusieurs générations provoquent de nombreuses effusions de sang. Aujourd’hui, l’Empire kuraque se dresse tel un monolithe au bord du précipice, une puissante Nation de morts dirigée d’une main de fer.

Histoire

Les siècles transforment les récits en légendes, mais certaines histoires demeurent immortelles. L’histoire de « Ceux d’avant » est ainsi globalement connue de tous les habitants de l’Empire, et ce même si ses détails sont flous, érodés par les ravages du temps. Lorsqu’ils en parlent, les Kuraques tentent d’être le plus précis possible, tout en sachant pertinemment qu’ils méconnaissent cette époque bien antérieure à celle des Vénérables.

La Chute À l’origine, l’Aztlan était un diamant resplendissant, un empire qui s’étendait des splendides océans occidentaux à la tumultueuse mer orientale. En ces temps, les dieux marchaient sur cette terre et, comme des titans, y creusaient des vallées à chaque pas qu’ils faisaient. Ils étaient alors accompagnés par leur belle progéniture, ainsi que par ceux qu’ils avaient bénis. À cette époque, les montagnes résonnaient des rires des enfants bien nourris et des communautés heureuses, protégés par le tout-puissant Apocōātl. Le Serpent à plumes protégeait l’Aztlan et éloignait ceux qui voulaient du mal à son peuple. Les autres dieux le servaient avec plaisir et les Aztlans, prospères, vivaient heureux sous la protection de son incroyable pouvoir. Les ruines et les vestiges de ces temps immémoriaux témoignent d’une civilisation riche d’innovations agricoles, médicales et artistiques. Et puis les dieux commencèrent à se disputer. Ils s’accusèrent mutuellement de causer des souffrances aux Aztlans, de mal répartir la pluie, le beau temps, les récoltes abondantes et le bon bétail. Les étrangers eurent vent de ces tensions et en profitèrent pour envahir l’Aztlan, traversant ses frontières autrefois impénétrables. Furieux, Apocōātl reprit ce qu’il avait donné à ses enfants, chassant d’Aztlan ceux qui l’avaient le plus irrité. Cela ne calma pas les dieux, qui se querellèrent alors encore plus fortement, réunirent leurs fidèles à l’intérieur de villes acquises à leur cause et ignorèrent les larmes de ceux qui souffraient en dehors. L’Aztlan n’était désormais plus la même. Son peuple, épars, s’était réfugié dans plusieurs villes séparées par la distance, la peur et la méfiance. Il fallut attendre de nombreuses générations pour que ces cités-États reprennent contact, le plus souvent par la guerre et le sang.

Le Sommet des sept plumes Durant six générations, les sept cités-États du Kuraq fonctionnèrent indépendamment les unes des autres. Chacun de ces « royaumes » vénérait un dieu tutélaire qui s’était réfugié, après la Chute, dans les hauts plateaux de montagne environnants. Capricieux et impénétrables, ils bénissaient leur peuple autant qu’ils le maudissaient, ce pour quoi leurs fidèles effectuaient des pèlerinages afin de venir leur rendre hommage et demander leur bénédiction. Ils descendaient alors de leur montagne pour aller à la rencontre des Aztlans et partager un temps leur quotidien. Vint ensuite un temps pendant lequel les souverains voulurent étendre leur territoire afin de gagner en terrains cultivables et en ressources. Las de ces combats et de ces guerres, Yaca Yma, le souverain de Kuska, souhaita mettre un terme aux effusions de sang et unir les peuples sous un étendard commun. Il envoya donc des émissaires à travers tout le pays afin de délivrer une invitation aux grands rois de ce monde. Souverains et émissaires se réunirent dans le sanctuaire sacré de Kikinpaq, l’un des dieux les plus anciens et les plus monstrueux de la création. Dans son sombre palais taillé à flanc de montagne, ce dernier présida la rencontre afin que nul n’agresse l’autre. Personne ne souhaitant s’exposer à son ire, des discussions constructives purent dès lors avoir lieu, et un accord de paix fut conclu. Les rois jurèrent en ce jour de maintenir la paix : tous le jurèrent sur leur propre dieu, qui acceptèrent également d’œuvrer en ce sens. Kikinpaq offrit alors à chacun des sept représentants une plume d’or donnée par son père, le tout-puissant Apocōātl. En reconnaissance de ses velléités pacifistes, le roi Yaca Yma reçut une cape entièrement tissée des plumes dorées du Serpent à plumes. Il se retira ensuite dans les monts sacrés de Manqo Pacha et laissa son royaume à son fils, Supacha. Un temps, sous le règne de ces rois sages, il y eut la paix et la prospérité. Cette entente ne dura malheureusement pas. Les récits disent que l’un des dieux sema la discorde parmi ses frères car il voulait plus de ressources pour ses fidèles. Ainsi, quand un lointain ennemi venu du nord commença à piller et saccager les campagnes, les cités-États s’accusèrent les unes les autres de s’être alliées avec ces étrangers. Le dieu querelleur souffla alors aux différents souverains qu’il n’existait qu’une seule façon d’unifier le pays définitivement : le pouvoir d’Apocōātl contenu dans la cape aux plumes dorées de Yaca Yma.

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Trois des rois marchèrent vers la retraite de l’ancien souverain. Lorsque ce dernier se présenta pour accueillir ses vieux amis, ces derniers l’exécutèrent et mirent la ville à feu et à sang. La fameuse cape aux plumes dorées disparut durant le tumulte, discrètement ramenée à Kusha par l’un des loyaux serviteurs du défunt roi.

L’ascension de Pachacunya Après ces tragiques événements, deux cités-États—P’alqacamba et Kuska— se démarquèrent dans leur volonté de s’emparer des terres sans rois afin d’honorer leur dieu tutélaire respectif. D’un côté, les prêtres-soldats de P’alqacamba, disciples du dieu de la mort Supay, souhaitaient étendre leur culte en Aztlan. Ils avaient comme projet d’unir les morts et les vivants au sein d’un même royaume, lequel serait à la fois magnifique, puissant et craint par ses ennemis. Face à eux s’élevèrent les deux fils de Yaca Yma, le roi Supacha et le prince bâtard Pachacunya. Ils étaient aussi différents que le soleil et la lune : le premier était calme et posé, tandis que le second était un puissant guerrier. Aimé du peuple, ne connaissant pas la peur, ce dernier avait reçu de Wach’i, le dieu du soleil, vitesse, force et talent au combat. Menant l’armée de Kuska, les deux frères combattirent les prêtres-soldats de Supay. Le combat fut rude et féroce, mais aucun camp ne parvint à prendre l’ascendant sur l’autre. Dans sa sagesse, Supacha persuada son frère de stopper la bataille : pour remporter la victoire, il devait

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connaître l’étendue du pouvoir du dieu de la mort. Il s’avança donc dans la vallée, seul et désarmé, en direction des prêtres ennemis. La rencontre dura trois jours. Supacha se découvrit une fascination pour Supay, à tel point qu’il finit par accepter de renier Wach’i. Il fut le premier dirigeant de Kuska à se convertir au culte des morts. Lorsque les prêtres de P’alqacamba furent convaincus de sa sincère dévotion, ils firent serment de le suivre, lui et tous les dirigeants de Kuska qui lui succéderaient. La guerre s’acheva ainsi, et le roi Supacha revint chez lui en héros. Malheureusement, il avait été mortellement blessé durant les combats. Avant de succomber, il transmit à son frère les savoirs qu’il avait acquis sur les pouvoirs de Supay, ainsi que le message de force et d’unité que ses prêtres lui avaient communiqué. Lorsque Pachacunya fut couronné roi de Kuska, par respect pour la grande sagesse de son frère, il renonça au culte de Wach’i en faveur de celui du dieu de la mort. Pachacunya devint le plus grand roi du Kuraq, conquérant les cités-États les unes après les autres pour les convertir. Sous son règne, les Kuraques découvrirent le pouvoir de la mort. Des prêtres furent envoyés à travers tout le pays afin d’apprendre aux gens à entrer en contact avec leurs ancêtres  : ils devaient dès lors préserver les cadavres des défunts pour que leur esprit puisse demeurer par-delà la mort et les guider. Ainsi naquirent les premiers Vénérables.

L’âge des Vénérables En apparence, les premiers jours du règne du nouveau roi semblèrent paisibles. En réalité, ils furent remplis d’assassinats, de sacrifices et de massacres. Apparaissant dans la légendaire cape de plumes dorées qu’Apocōālt avait offerte à son père, Pachacunya exposa aux souverains des autres cités le concept des Vénérables. Les nobles et autres anciens rois décédés pouvaient désormais se lier à leur corps momifié et agir depuis l’audelà. Nombreux furent ceux qui acceptèrent de devenir le Porte-parole d’un Vénérable, voyant là l’opportunité d’effectuer une noble tâche et, surtout, l’espoir de devenir à leur tour un Vénérable après leur mort. Rares, toutefois, étaient ceux qui savaient qu’une fois devenu Porte-parole, leur vie ne leur appartiendrait peut-être plus. En quelques années, Pachacunya unifia toutes les citésÉtats en un Empire pareil à celui de jadis.

La guerre des Panacas Durant de nombreuses années, les Vénérables (et leurs descendants) morcelèrent l’Empire en secret. Les conflits ouverts étaient certes proscrits, mais les guerres clandestines et autres machinations politiques étaient si nombreuses qu’elles furent bientôt connues sous le nom de guerre des Panacas (nom kuraque désignant les domaines des nobles) ou, plus communément, guerre des Os. À cause de tous ces conflits, l’Empereur Pachacunya ne put régner correctement. Le peuple, las de ces combats entre nobles, se souleva et une guerre civile éclata. Alors que l’Empire était sur le point de sombrer dans le chaos, une héroïne improbable apparut pour fédérer le Kuraq une bonne fois pour toutes.

LA VÉRITABLE HISTOIRE L’histoire officielle du Kuraq est le fruit d’une tradition orale codifiée et approuvée par le trône. Cependant, ce récit n’est qu’une propagande destinée à rallier la myriade de tribus au trône impérial. En fait, l’Empire kuraque est né dans le chaos, le sang et surtout la traîtrise. Le récit de la Chute est trouble, mais admis comme un fait. L’unification des cités sous le règne de Yaca Yma est plus de l’ordre du pari désespéré d’un mortel voulant s’émanciper des dieux, mais qu’importe. Beaucoup plus important est le fait que la paix fracturée entre les cités-États va permettre la fondation du puissant empire qui finira par unir tout le Kuraq, et permettra aux Vénérables de revenir d’entre les morts. En réalité, lorsque le roi Supacha et le prince Pachacunya sont entrés en guerre contre les très nombreux adorateurs de Supay, ils pensaient être défaits. Le roi voulait d’ailleurs renoncer, voire se rendre à l’ennemi. Lorsque son frère refusa que la cité plie le genou, Supacha s’enfuit. Il fut capturé par les prêtres du dieu de la mort et, pour échapper à un funeste destin, se convertit. Ayant renié le dieu du soleil, Supacha se mit à craindre que son frère, aussi puissant que populaire, ne lui prenne ce à quoi sa naissance légitime lui donnait droit. Le souverain et les prêtres mirent donc au point un vil stratagème : Supacha contacta son frère pour lui annoncer qu’il avait signé un accord de paix. Il l’invita à un festin pour célébrer la victoire. Lorsque Pachacunya arriva, ils discutèrent jusqu’à tard dans la nuit, et burent jusqu’à être ivres morts. Avant le lever du jour, Supacha avait profité de l’ébriété de son frère pour l’étrangler. Les prêtres de Supay transférèrent alors l’esprit du roi dans le corps du prince défunt. Pachacunya n’a donc jamais vraiment régné. Supacha, en revanche, est resté sur le trône beaucoup plus longtemps que ce que l’histoire officielle ne dit.

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L’avènement de l’Impératrice

L’arrivée des Théans

Asiri Inkasisa est née dans une famille noble vénérant le dieu Kikinpaq. Durant la guerre des Panacas, elle renia les croyances familiales pour se convertir au culte de Supay. À la mort de son père, elle entra dans son tombeau pour y subtiliser son masque funéraire. Elle se déclara alors Porte-parole de son esprit, et devint ainsi la première femme à prendre la tête d’une maison noble. Peu à peu, Asiri devint populaire au Kuraq, notamment parmi les nobles conspirant à la cour impériale de Kuska. Ce fut à l’occasion des célébrations du festival des moissons qu’une traîtresse porta un coup fatal à la dynastie impériale. Yara, descendante du véritable Pachacunya et compagne d’Asiri, révéla ce jour à la future Impératrice la véritable identité de l’Empereur. La divulgation de cette information changea définitivement le cours de l’histoire kuraque. Cette révélation amena Asiri à œuvrer pour démontrer l’incapacité de Pachacunya à diriger son empire, plantant peu à peu dans l’esprit du peuple les graines de la révolte. Lorsque celle-ci éclata, c’est fort logiquement qu’elle en prit la tête. Ainsi, lorsque la foule déferla sur le palais impérial, ce fut Asiri qui assassina l’Empereur sur les marches de sa pyramide. Elle enfila alors la cape de plumes dorées, devenant dès lors la première Impératrice du Kuraq, et promit à son peuple qu’elle installerait une paix durable.

L’explorateur castillian Franco Gonzalez arriva sur la côte orientale du Kuraq après une éprouvante traversée de la mer du Serpent. Quelques prêtres le prirent alors pour le dieu Kikinpaq et l’amenèrent dans son sanctuaire construit sur le flanc des montagnes bordant la ville de Takana. L’Impératrice entendit bientôt parler de lui. Kikinpaq, le dieu qu’elle vénérait dans sa jeunesse, serait revenu au Kuraq. Curieuse, elle le fit venir au palais impérial de Kuska. Lorsque l’explorateur castillian arriva, elle vit qu’il n’était pas celui qu’il prétendait être. Elle le laissa continuer sa mascarade afin d’obtenir un maximum d’informations sur la Théah, puis, lorsqu’elle considéra en avoir recueilli suffisamment, elle révéla à tous ses sujets la supercherie du Castillian. Humilié, il fut banni du Kuraq. L’arrivée de Gonzalez ne passa pas inaperçue pour une autre raison : Apocōātl lui-même, courroucé par la présence et les mensonges de cet intrus, abattit la quasi-totalité de sa flotte. Seuls deux navires s’en sortirent, ce qui permit au Castillian de repartir en Théah, non sans avoir juré de revenir se venger un jour prochain.

L’Impératrice Durant deux décennies, Asiri engagea des réformes progressistes qui stabilisèrent et firent prospérer l’Empire et tous ses citoyens. Elle divisa le pays en régions, dont elle confia la gestion aux principales familles nobles, et ce afin qu’elles soient séparées les unes des autres. Afin de ménager les susceptibilités, elle créa une institution—le conseil des Seize—réunissant un membre de chaque grande lignée pour la conseiller politiquement. Elle créa également les tokoyriqs, une faction de soldats agissant à la fois comme autorité impériale et comme police secrète. Rapidement, les tokoyriqs devinrent le symbole du pouvoir de l’Impératrice, maintenant l’ordre tout en faisant respecter la volonté de leur souveraine.

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Les Cent sacrifices Gonzalez revint au Kuraq cinq ans plus tard, alors que l’Impératrice fêtait sa vingtième année de règne. À la tête d’une petite armée, il jeta l’ancre à Takana et mit la ville à feu et à sang. Il détruisit ainsi des dizaines de Vénérables et tua des centaines de personnes. Asiri fit alors appel aux prêtres de Supay pour l’aider à repousser cet ennemi de l’Empire. Ce jour-là, l’Impératrice sacrifia cent personnes, parmi lesquelles des membres de la famille de Yara et de sa sœur Alqacha, puis elle se suicida pour devenir à son tour une Vénérable. Les prêtres de Supay lièrent alors son esprit à son corps encore chaud. Grâce aux Cent sacrifices qui venaient d’avoir lieu, Asiri acquit une puissance incroyable. Ni morte ni vivante, et pour ainsi dire immortelle, elle déchaîna toute sa puissance sur les envahisseurs théans. Sa magie de mort les réduisit en cendres. Depuis ce jour, les Kuraques sont dévoués à leur Impératrice, Vénérable à la fois puissante et sage. Ils se sentent en sécurité et savent que sous sa protection, le Kuraq sera riche et puissant.

Un siècle de paix La menace théane écartée, l’Impératrice désormais immortelle s’en retourna régner sur son empire grandissant. Ni vivante ni morte, elle pouvait rester éveillée plus longtemps et travailler sans relâche à unifier le royaume et résoudre les problèmes. Ainsi commença ce que les historiens appellent aujourd’hui le Règne du renouveau, une époque durant laquelle furent lancées nombre de réformes destinées à permettre au Kuraq de s’enrichir et de se pacifier. Asiri fit coucher par écrit toutes les lois, rendit obligatoires les échanges commerciaux équitables, et étendit les routes et les systèmes d’irrigation dans tout le pays. Elle développa également le système éducatif et encouragea la création artistique en incitant les nobles à employer des artistes au sein de leur maisonnée. Du fait de son règne centenaire—qui se prolonge encore aujourd’hui—elle peut se permettre de raisonner sur le long terme. Certes, cela coûte à la Nation un sacrifice de temps à autre afin que son Impératrice puisse renforcer son pouvoir, mais qui s’en soucie réellement ? À ce jour, l’Empire kuraque est stable. Il ne subsiste d’ailleurs qu’une seule menace capable de renverser son pouvoir grandissant.

Kuska pour qu’ils y soient emprisonnés, puis tués. Lorsqu’un dieu disparaît, les grâces qu’il a accordées s’évanouissent. Ses disciples, perdus, n’ont alors d’autre choix que d’accepter la protection de Supay. Ce faisant, les prêtres de la mort agissent pour que leur dieu règne en maître absolu sur le Kuraq et, par extension, sur l’Aztlan. Ainsi débuta la Chasse divine. Ces « anciens dieux » sont désormais en fuite. S’ils sont capturés, ils sont emprisonnés dans des bastions situés au cœur de la jungle. On ne sait pas exactement ce qu’il se passe dans ces lieux étranges et hautement protégés, mais nombreux sont ceux qui pensent que les prêtres de Supay y tuent les dieux, utilisant le pouvoir du sacrifice au profit du Wañuy Ñaqay (la magie de la mort) et conférant encore plus de pouvoir au dieu de la mort. Si la machine de propagande impériale martèle que le peuple a de la chance d’avoir été libéré de ces dieux inconstants et hostiles, il ne fait toutefois pas étalage public de la Chasse divine. Aujourd’hui, neuf dieux sont parvenus à échapper aux awqayllis et aux fidèles de Supay. Ils ne comptent cependant pas fuir et, sous le vernis calme et prospère de Kuraq, la révolution commence à s’organiser.

La Chasse divine

La révolution souterraine

Autrefois, il n’y avait pas plus puissants sur Terra que les dieux du Kuraq. Ils gouvernaient leur royaume, marchaient parmi leurs fidèles et s’impliquaient dans la vie quotidienne des humains. Après la Chute, ils s’éloignèrent peu à peu des mortels, qu’ils laissèrent prendre leur destin en main. Les cités-États furent dès lors dirigées par des rois, et s’ils n’abandonnèrent pas pour autant leur rôle de protecteurs, leur présence se fit de moins en moins importante, et ce jusqu’au jour où les prêtres de Supay décidèrent de s’en débarrasser définitivement. Aucun Kuraque n’avait plus vu Supay depuis des générations lorsque ses prêtres firent d’Asiri Inkasisa l’épouse du dieu de la mort (ce pour quoi on raconte que ce dernier viendrait lui rendre visite une fois par an). Dès lors, son culte fut intimement lié à celui de l’Impératrice et le clergé conclut que comme le Kuraq se devait d’être loyal au pouvoir impérial, il ne pouvait en être autrement de sa dévotion à Supay. Il créa donc une unité d’élite—les awqayllis—afin de chasser les autres dieux et de les ramener à

Les libertés individuelles sont peu nombreuses dans l’Empire kuraque. Ainsi, les vies des nobles sont contrôlées et planifiées par leurs ancêtres. Ces Vénérables décident de tout ce que leurs héritiers feront et gèrent l’ensemble des décisions importantes. Certains y voient le prix à payer pour la sécurité et la stabilité, d’autres rêvent au contraire d’un retour aux temps passés, quand leurs anciens dieux les protégeaient. Ce sont ces individus qui sont contactés par les dieux. Les neuf survivants divins les approchent incognito afin de leur offrir certains pouvoirs s’ils acceptent de lutter contre l’Impératrice. Une résistance s’est ainsi formée, une guérilla souterraine appelée le Pakaykuq dont le but est de libérer le Kuraq de la poigne d’acier des morts. Leur devise est simple : la vie pour les vivants. Les divinités et partisans du Pakaykuq doivent être prudents : la popularité de l’Impératrice et sa mainmise sur toutes les infrastructures du pays rendent leur secret difficile à conserver. Dernièrement, ils se sont réfugiés dans un certain nombre d’endroits sacrés, se cachant dans ces anciens lieux saints pour comploter contre le trône.

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Politique

Jadis, les dieux parcouraient librement les terres indépendantes du Kuraq. Désormais, il s’agit d’un empire tout en force et en conformité. Si une majorité de citoyens sont à l’aise dans ce système—quand bien même il est étouffant—il en existe qui choisissent de se révolter contre le statu quo. Ceux-là découvriront rapidement que les Vénérables voient tout, et que les morts sont partout.

Les idéaux de l’Empire Un Kuraque, un empire. L’idée fondatrice des idéaux impériaux est celle d’une Nation qui œuvre comme un seul homme à un futur prospère et stable. Les parents transmettent ainsi à leurs enfants l’histoire d’un passé où la liberté n’amenait que le chaos et la guerre entre les tribus et les cités-États. Ils racontent également que le pays ne se rangea derrière le trône qu’après l’unification. Guidé par la sagesse éternelle des Vénérables, le Kuraq s’élève donc vers des lendemains encore plus chantants. Dès que l’Empire sera prêt, il s’étendra au-delà de ses frontières, que ce soit par la diplomatie, les négociations politiques, l’occupation ou la guerre. Ainsi, le pays partagera son idéal de paix avec le reste de l’Aztlan. Néanmoins, l’union a un prix. Si le Kuraq a traversé une période de paix sans précédent, si la vie y est meilleure que partout ailleurs et si les innovations abondent au quotidien, c’est grâce aux sacrifices consentis. Le peuple a en effet accepté de se conformer à une hiérarchie stricte allant du plus humble des paysans dans sa ferme au plus important des Vénérables en passant par les familles nobles qui servent le pouvoir impérial. Au sommet de l’échelle sociale, il y a l’Impératrice, chef suprême du Kuraq. Ses édits font loi, implicitement approuvés par son époux, Supay. Aucun noble n’est assez fort pour lui résister, d’ailleurs, nul n’a envie de le faire ouvertement. La noblesse se dispute donc chaque bribe de pouvoir, tout en servant de conseillers et de chefs militaires au trône. Beaucoup de nobles kuraques ne sont plus vivants. Les Vénérables agissent depuis leur corps momifié, liés à leur Porte-parole. Aux côtés des prêtres de Supay, ils imaginent un monde dans lequel la mort n’est plus une fin mais une étape vers la vie éternelle, une société où les morts et les vivants existent côte à côte. Ils pensent que ce don doit être offert au monde pour que les défunts puissent tous être libres. Le Kuraq est un empire régenté par les morts et, bientôt, le monde entier le sera aussi.

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Chapitre 4 | L'Empire kuraque

Les Vénérables Les Vénérables sont apparus durant le règne de Supacha. Depuis ce jour, le Kuraq a gagné de puissants atouts en maintenant le contact direct avec ses défunts ancêtres. Auparavant, les plus grands chefs et les sages les plus brillants mourraient. Désormais, ils peuvent revenir en tant que Vénérables, continuant à faire profiter l’Empire et leur famille de leurs années d’expérience. Seuls les meilleurs et les plus intelligents sont choisis pour devenir des Vénérables. Chaque Kuraque fait donc en sorte de mériter cet honneur, s’élevant le plus haut possible de son vivant. Ce sont les Vénérables qui décident de qui devient Vénérable ou Porte-parole dans leur famille. Bien entendu, les manigances politiques abondent, les vivants se battant pour s’assurer une place parmi les non-morts ou en assurer une à l’un de leurs proches. Pour peu qu’il y ait plusieurs candidats, il arrive donc que des parents proches puissent s’affronter. Nombreux sont ceux qui essayent d’influencer les décisions de leurs ancêtres : pots-de-vin, sabotages et violence ne sont ainsi pas rares. Ces pratiques sont même parfois encouragées. Les enfants sont évalués dès leur plus jeune âge par leurs ancêtres Vénérables, qui jaugent leurs talents et leurs compétences avant de leur assigner une formation qui les mènera vers une profession mettant leurs aptitudes à profit. Cela, associé à l’esprit de compétition commun à chaque Kuraque, a rapidement fait avancer la société sur le plan de la technologie, des découvertes scientifiques, de l’art et de la magie. Il suffit de marcher dans une rue de l’Empire pour se rendre compte que les villes frémissent de détermination et d’intensité. Les mortels les plus ambitieux travaillent dur pour prouver qu’ils méritent de devenir des Vénérables, et leurs apports à l’Empire l’ont lancé à toute allure sur le chemin de la découverte et de l’innovation. Les Vénérables apportent aux plus brillants de sages conseils pour qu’ils poursuivent leurs études même après leur mort. Au quotidien, les Kuraques travaillent et vivent aux côtés des Porte-paroles et des Vénérables, les servant avec respect, protégeant leurs corps momifiés. Les Vénérables sont révérés à la mesure de leurs années d’expérience, et les Porte-paroles sont traités avec le plus grand des respects. On reconnaît ces derniers au fait qu’ils portent sur le visage le masque funéraire de leur ancêtre, ce qui les écarte de facto du reste de la société mortelle.

Les Vénérables contrôlent presque toute la société, des structures politiques aux lignées familiales. Ils dirigent leurs familles en patriarches et matriarches, conservant l’autorité sur leurs descendants durant des décennies. Aujourd’hui, on peut voir de plus en plus souvent des Vénérables se disputer l’autorité suprême de leur maison. Ces décisions sont importantes, car le futur de leurs héritiers repose entre leurs mains. Au Kuraq, quiconque souhaite obtenir l’aide d’un mortel doit aussi s’assurer d’avoir l’approbation de son Vénérable. Ici, les vivants agissent rarement sans l’autorisation des morts. Les mariages d’amour sont par exemple rares, ces unions—et parfois même le nombre d’enfants en résultant—étant décidées par les ancêtres pour lier les lignées et s’assurer d’une paix durable. Cette structure sociale a tout de même une faiblesse, qui repose très exactement dans la source de sa force. Étant donné que les individus peuvent conserver leur statut après leur mort, rares sont ceux qui parviennent à grimper sur l’échelle sociale, qu’il s’agisse de politique, de commerce ou de contrôle des lignées. Alors qu’un nombre toujours plus important de Vénérables voit le jour, les plus jeunes des mortels commencent à essayer de résister à leurs aînés afin de vivre pour eux-mêmes. De plus, bien que les querelles intestines et autres disputes publiques soient mal vues, l’Impératrice les encourage secrètement afin d’occuper les Vénérables, et ainsi empêcher qu’ils ne se rebellent un jour contre le trône.

Des velléités expansionnistes Pendant que les nobles sont concentrés les uns sur les autres, l’Impératrice commence à songer à la prochaine étape importante de son règne : l’expansion. Au départ, elle pensait annexer des territoires situés au nord. Néanmoins, l’Alliance nahuacane possède une armée bien plus puissante que celle de l’Empire, et sa nature hostile et imprévisible confère au Tzak K’an une supériorité tactique indéniable. Elle a donc décidé que la vision politique kuraque ferait mieux de se tourner vers l’extérieur, vers les terres situées de l’autre côté des océans. Depuis la venue de Gonzalez, Asiri a pris le temps de rassembler des informations sur les autres continents. Ses espions l’avertissent de toute nouvelle arrivée d’étrangers au Kuraq. Lorsque cela arrive, elle invite ces voyageurs et les interroge sur le monde extérieur, leur extorquant plus ou moins subtilement les informations dont elle a besoin.

Après un siècle d’interrogatoires divers, elle pense en savoir assez pour se lancer dans la politique et le commerce avec des puissances telles que la Théah, et même au-delà. Son seul et unique objectif est de finir par y prendre le pouvoir, de l’intérieur, grâce aux Vénérables. Afin de servir ce projet, l’Impératrice a ordonné la reconstruction de Takana, la ville autrefois attaquée par Gonzalez. La plupart des Kuraques considéraient ces lieux comme hantés et maudits, mais le travail attira tout de même de nombreuses personnes. Asiri fit réaménager la cité en port d’accueil, un projet qui aura pris trente ans de travail continu. Elle voulait que cette ville soit la plus belle et la plus impressionnante possible pour les étrangers. Elle continue d’ailleurs de la peaufiner, y ajoutant perpétuellement quelque chose de neuf. La cité reconstruite s’apprête à accueillir des étrangers pour la première fois. Cependant, comme n’importe où ailleurs dans l’Empire, les visiteurs ne seront tolérés qu’à la condition que leur comportement et leurs idées conviennent aux croyances et aux mœurs kuraques. Il faut bien qu’ils se rendent compte qu’ils ne sont plus en Théah. Les projets d’expansion de l’Impératrice semblent prêts à démarrer, mais des difficultés subsistent tout de même. L’Impératrice s’est ainsi rendu compte que le plus grand obstacle qui se dresserait devant elle ne serait autre que le protecteur de l’Aztlan, le Serpent à plumes. Certes, le dieu millénaire ne coule pas tout navire qui touche ses terres, mais il n’est pas rare qu’il s’attaque à ceux qu’il considère comme une menace. Pour chaque étranger « invité » par l’Impératrice, deux ont été tués par Apocōātl avant même qu’elle ne puisse les rencontrer. Pour prévenir cela, l’Impératrice a convaincu Supay que son culte s’étendrait à condition que l’Empire s’étende aussi vers la Théah. Les deux époux ont ainsi travaillé main dans la main pour affaiblir les pouvoirs des dieux. Toutefois, l’un comme l’autre savent qu’il ne vaut mieux pas se mettre à dos Apocōātl, aussi l’expansion du Kuraq se fait-elle lentement, dans l’espoir que le Serpent à Plumes demeure ignorant de ce qui se trame.

Le Pakaykuq Le mouvement de résistance, le Pakaykuq, représente la faible lueur d’espoir qui persiste au sein d’un Kuraq de plus en plus sombre. Il s’agit de citoyens qui continuent à vénérer leurs anciens dieux, rejetant le pouvoir de Supay et des Vénérables. Grâce à des cachettes situées partout dans l’Empire, le Pakaykuq avance main dans la main avec

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LA RÉSISTANCE DIVINE les dieux que ses membres vénèrent. Ceux-ci leur allouent d’ailleurs une petite partie de leur pouvoir afin que la guérilla contre le trône puisse être menée efficacement.

Recrutement Quiconque souhaite devenir membre du Pakaykuq doit tout d’abord vénérer les anciens dieux du Kuraq. En général, quiconque ne veut plus que l’Empire et les morts contrôlent sa vie voit en ces divinités une alternative. Ces mécontents cherchent alors à rejoindre la résistance, ou bien se font remarquer par des fidèles qui les cooptent. Les prospects sont testés, encore et encore, jusqu’à ce que les pakaykuqs soient convaincus de leur sincérité. Ce n’est qu’alors qu’ils les accueillent dans l’un des temples cachés, situés loin des centres urbains pour que tout un chacun—divinités comme adorateurs—soient protégés des tokoyriqs de l’Impératrice. Au cœur de villes oubliées, au fond d’anciennes cavernes, dans les égouts ou bien encore au creux de temples envahis par la nature, les nouvelles recrues rencontrent alors leur dieu et, sur leur sang, jurent de lutter contre Supay, ses prêtres et les Vénérables. La divinité leur accorde alors sa bénédiction sous la forme d’un présent ou d’un don qui les rend différents des autres. Ceux-là sont touchés par les dieux, choisis pour une mission sacrée : sauver leur Nation. Au Kuraq, il n’y a guère de partisans de la liberté plus fanatiques que les pakaykuqs. On notera que les résistants proviennent de tous milieux, bien qu’il n’y ait dans les faits que très peu de nobles (rares sont ceux qui souhaitent abandonner l’existence contraignante mais opulente qui est la leur). On trouve également quelques anciens prêtres renégats de Supay, qui ont tourné le dos à leur dieu et aux morts.

Organisation Le Pakaykuq est une structure divisée en cellules indépendantes, rarement en contact les unes avec les autres afin d’empêcher qu’un groupe ne puisse dénoncer l’ensemble de l’organisation sous la torture. Le chef du Pakaykuq n’est autre que le père des dieux, Ninaq’ara. Vieux et rusé, il cherche à ce que le peuple kuraque se soulève contre l’Empire. Il bouge constamment et reste en contact avec Wach’i. Ce dernier mène le mouvement depuis le front, offrant à l’Empire une cible mouvante que les awqayllis traquent sans relâche.

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Les anciens dieux du Kuraq sont le principal obstacle au pouvoir de l’Impératrice, ainsi qu’à la stabilité du Kuraq. Bien qu’ils soient chassés et aient été dépouillés de leur culte, ils n’ont pas abandonné la lutte. Désormais, ils se cachent pour mieux s’opposer à l’Impératrice et au règne des Vénérables. Pour cela, ils accordent leurs dons à certains mortels, les pakaykuqs, tout en faisant attention de ne pas être pris pour cible par la Chasse divine. Les figures les plus emblématiques de cette résistance sont Wach’i, le dieu du soleil, et Ninaq’ara, le père des dieux. Wach’i était jadis la plus puissante des divinités, le dieu tutélaire de Kuska. Lorsque le roi Pachacunya mourut, Wach’i fut contraint de fuir. Ninaq’ara se transforma quant à lui en vieil homme afin d’inciter le peuple à se soulever, créant ainsi le Pakaykuq. Tous les dieux ne sont pas en mesure de s’opposer à l’Impératrice car leur pouvoir s’est affaibli au fil des siècles. Saramama, la déesse des moissons, a sombré dans le désespoir. Urkillay, la déesse du changement, s’est cachée dans les jungles profondes du Kuraq. Mama Quilla agit quant à elle de façon isolée, détruisant les Vénérables pour affaiblir le pouvoir de l’Impératrice.

Deux des alliés les plus importants du Pakaykuq sont membres de la cour impériale : il s’agit de la princesse Miyatala (l’arrière-petite-fille d’Asiri, adoratrice de Wach’i) et de Tolanaq (le dernier descendant vivant de Pachacunya). Ils tentent de rallier des familles nobles à leur cause pour faire éclater une guerre civile d’une ampleur telle que l’Empire s’effondrerait. Le devoir sacré des pakaykuqs est de protéger les dieux de la Chasse divine. Pour cela, ils n’hésitent pas à attaquer l’Empire. Les combats qu’ils mènent chaque jour à travers le Kuraq ont par bien des aspects l’étoffe des légendes. Cependant, pour l’heure, le Pakaykuq n’a pas plus de pouvoir politique que n’importe quelle révolution souterraine. Nombre de Kuraques ne sont en effet même pas au courant de son existence. Mais alors que l’Impératrice resserre son emprise sur le pays et que les nobles continuent de contrôler la vie de leurs héritiers, de plus en plus de dissidents rejoignent secrètement la révolution.

Difficultés internes Wach’i, Ninaq’ara et les cellules du Pakaykuq savent qu’ils devront un jour sortir de l’ombre pour mener la véritable révolution. Toutefois, face au pouvoir toujours plus vaste du dieu de la mort et de l’Impératrice, ils n’ont pour l’heure aucune garantie de victoire. Étant donné que c’est l’avenir du Kuraq qui se joue, nul ne souhaite risquer la défaite. Les pakaykuqs ont également un problème avec l’organisation générale de leur mouvement. Chaque cellule est si indépendante des autres que la communication est très compliquée. Les messages secrets sont envoyés via des tissus tissés aux motifs rouges, jaunes et dorés à la gloire de Wach’i, ou bien grâce aux Coursiers fidèles à leur cause. Malheureusement, les messages se perdent souvent. Chaque cellule ne compte donc que sur elle-même pour planifier la suite des opérations. La résistance est également compromise par la grande hétérogénéité de ses membres, qui vénèrent différents dieux et proviennent de nombreuses classes sociales. Les querelles et les conflits sont donc inévitables. Pire encore, au lieu d’agir contre le pouvoir en place, les pakaykuqs passent la majeure partie de leur temps à protéger leur dieu de la Chasse divine. De nombreux meneurs de différentes cellules ont demandé à Ninaq’ara de recruter des gens de l’extérieur pour les aider, par exemple des Nahuacans, des Tzak K’aniens, voire des Théans. Pour le moment, le dieu a fermement refusé. Cependant la résistance a du mal à s’imposer face à l’Empire et cette idée a de plus en plus de partisans.

Culture « L’histoire d’un peuple est le pilier de son présent, une vérité pure qui résonne à travers les âges. Quand on étudie la culture de notre grand Empire, on se rend compte que ses fondations sont faites de son histoire, que celle-ci constitue chaque brique de l’édifice du présent. Si vous comprenez l’histoire, alors vous verrez le rôle que vous avez à y jouer et vous apercevrez votre propre chemin vers la grandeur. Notre culture est à la base de notre force, dans cette vie comme dans la suivante. » —Discours de Titu Thonapa, érudit de P’alqacamba

Géographie L’Empire kuraque se trouve à l’extrême sud de ce qui était autrefois l’Empire aztlan, séparé de ses voisins du nord par une fine bande de terre. Bien que son territoire soit vaste, son relief est parcouru d’énormes chaînes de montagnes qui s’élèvent parfois aussi haut que les nuages. Ces formations rocheuses naturelles séparèrent jadis les populations les unes des autres, empêchant pendant bien longtemps toute forme d’unité politique. À cette époque, les Coursiers traversaient les contrées sauvages et inhospitalières, transmettant provisions, messages et récits d’une communauté à l’autre. Considérés comme des Héros aux yeux des Kuraques, ces vaillants messagers représentaient la voix dans les ténèbres, le pont qui s’étirait d’une culture tribale à l’autre. Après l’unification du pays, l’Empereur Pachacunya fit construire des infrastructures permettant de relier les différents foyers de population. Ce réseau très élaboré relia les territoires les plus lointains jusqu’à Kuska, la capitale. Ces routes permettaient aux marchands, aux commerçants, aux artisans et bien sûr aux prêtres de Supay de voyager à travers l’Empire. Les échanges commerciaux le long des côtes et des rivières se développèrent également. Le prélèvement d’une dîme permit ensuite d’établir un système de gestion de l’eau et des ordures dans toutes les villes, d’assurer l’irrigation des zones rurales, d’entretenir les infrastructures et de rémunérer les Coursiers ou les tokoyriqs. Grâce à ces routes, un système législatif centralisé put être mis en place. Les lois édictées par le trône—qu’elles concernent le commerce, les échanges équitables ou la

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circulation des produits—s’imposèrent alors à tous les citoyens du pays. Tout cela contribua à la construction d’une culture commune à tous les Kuraques. Après la prise de pouvoir d’Asiri Inkasisa, la sécurité des routes fut assurée par les tokoyriqs. Les Coursiers furent quant à eux intégrés à l’administration impériale. Toute attaque envers ces gardiens des routes, honorés et respectés du peuple, fut désormais punissable de mort. Au vu de l’étendue du territoire, et pour qu’il soit dirigé le plus efficacement possible, le royaume fut divisé en régions, appelées suyus. Kuska, la capitale, se trouve très exactement au point de jonction de chacune de ces suyus. Depuis la pyramide qui domine la cité, l’Impératrice peut ainsi contempler son royaume dans toutes les directions, effleurant de son regard tous les Kuraques qui y vivent. La vie au Kuraq diffère largement en fonction du lieu d’habitation, qu’il s’agisse de la ville, de la campagne ou des territoires sauvages qui les séparent.

La vie en ville Quatre grandes villes structurent le paysage urbain kuraque. À l’extrême nord se trouve Apuchsuyu, lieu de naissance de l’Impératrice et berceau de comptoirs commerciaux prospères comme Aqo Allpa et P’alqacamba. Au nord-est de Kuska se trouve Antasuyu ainsi que les nombreuses cités satellites dirigées par sa noblesse, notamment Kapuli, la ville des plaisirs, ou Patanatambo, berceau de l’ancienne dynastie de Pachacunya. K’uychisuyu repose quant à elle au sud-ouest et sert de grenier à l’Empire ; on notera que c’est là que se trouve l’une des places fortes les plus importantes du Pakaykuq. Enfin, au sud-est se trouve Manchansuyu. Bien qu’unifiées par la culture commune de l’Empire, toutes ces villes ont préservé une partie de leur identité originelle. Certains principes communs se sont depuis étendus à tout l’Empire. Par exemple, les gens croyaient autrefois que plus on vivait près des nuages, plus on était près des dieux, ce qui explique pourquoi la plupart des cités sont construites sur plusieurs niveaux, les populations pauvres vivant tout en bas tandis que les riches se sont installés sur les terres les plus hautes. La vie citadine est le plus souvent agitée, bruyante et intense. Ici, tous les citoyens se côtoient, profitant des événements sportifs, des festivals, des temples et des jardins publics. Seuls les Vénérables exigent d’être traités avec déférence, et la population se montre encore plus respectueuse quand il s’agit d’un Porte-parole.

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Le libre-commerce est encouragé et amène des échanges vifs qui ne sont régulés que par les lois impériales. Les marchés à ciel ouvert, véritables cœurs commerciaux des villes, débordent de couleurs et de bruit : artisans, marchands, commerçants et ouvriers se croisent dans les allées, se disputant la meilleure place pour disposer leurs marchandises, se décidant finalement en fonction de la popularité et de la richesse de chacun. Les artisans vaquent quant à eux à leur tâche non loin, tandis que les travailleurs des métiers les plus sales opèrent dans le niveau le plus bas de la ville, près de ses murs. Les rues des villes sont faites de pierre, les murs étant propres et colorés, décorés de motifs géométriques et parfois recouverts de fresques peintes dans les quartiers les plus riches. Les domaines de la noblesse—ou panacas—sont quant à eux construits dans les hauteurs et font office de centres névralgiques. Toutes les rues y mènent, et les gens s’y rendent quotidiennement pour y apporter des nouvelles, faire commerce ou se rendre dans les jardins. Une même ville peut avoir plusieurs panacas, mais celui de la famille dirigeante sera toujours le plus élevé. Ce domaine se démarque des autres par un simple mur qui le sépare du commun des mortels. De là s’ouvre un vaste jardin au milieu duquel est construite une huaca, imposante pyramide construite de manière à imiter la forme des montagnes sacrées. Ces monuments sont imbriqués dans les collines, et leurs chambres s’enfoncent profondément dans la roche. D’immenses escaliers sinuent sur les côtés, menant à des jardins en terrasse aménagés, qui débordent d’une végétation luxuriante et disposent de promenades dont les chemins offrent des vues imprenables sur les sublimes demeures. Les membres les plus puissants de ces maisons nobles vivent dans les appartements les plus hauts, au sommet des panacas, juste en dessous de la huaca. Gardes, serviteurs et invités logent dans les étages inférieurs, suivant leur rang et leurs années de service. Au cœur de chaque panacas se trouve également la crypte familiale, protégée par une série de caveaux gardés par les prêtres de Supay et les awqayllis. Les corps momifiés des Vénérables y sont conservés, et nul ne peut y entrer sans autorisation, sous peine de mort. Chaque cité possède enfin un temple dédié à Supay, lequel occupe une place d’importance à côté du plus grand panacas. Il est toujours visible depuis toute la ville.

La vie à la campagne De nombreux fermiers, pâtres et commerçants itinérants se sont installés en dehors des zones urbaines, travaillant dur à la culture de leurs terres. À des kilomètres autour de chaque ville, les communautés rurales étendent l’influence des foyers de population. Ils opèrent parfois sous la protection des nobles, mais sont le plus souvent indépendants. Ces communautés travaillent assidûment, main dans la main, à un futur prospère. Ces territoires sont essentiels à la production agricole du royaume et, sans eux, la population du Kuraq mourrait de faim. Une partie non négligeable œuvre également à couper le bois servant à construire la toute nouvelle flotte de l’Empire. Dans ces milieux ruraux, la vie exige davantage d’autogestion, ce pour quoi elle est bien moins centralisée qu’en ville. Chaque communauté se gère en grande partie seule, un chuki (homme honorable) ou une palla (femme respectée) servant de chefs pour trancher les conflits et représenter ses membres. Sur les plus grands territoires, un représentant—ou takiy—agit en tant que coordinateur entre les nobles et la palla (ou le chuki). Le takiy prélève également la dîme que les Kuraques doivent à l’Impératrice. Dans le cas d’un paiement insuffisant, les communautés doivent combler le manque comme elles le peuvent. La sûreté est impérative dans ces régions, car au-delà des terres agricoles, des vergers et des pâturages, il y a des terres sauvages peuplées d’animaux, de bandits, de révolutionnaires et de Monstres qui attaquent quiconque croise leur chemin. Les milices locales sont donc courantes, et les communautés s’unissent pour faire face aux crises, qu’il s’agisse de mauvaises récoltes ou d’attaques de bandits. Quand ces dangers se font trop graves, les chefs ou les takiy peuvent adresser des demandes aux nobles voisins pour demander leur aide. Le plus souvent, ce sont les tokoyriqs qui sont envoyés. Leur réaction est rapide, efficace et mortelle.

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La vie dans les territoires sauvages À l’écart des régions rurales se trouvent les lieux les plus mystérieux du pays, des endroits reculés et sauvages que même la main de l’Empire n’a pas encore touchés. Nombre de ces territoires se trouvent loin des routes, dissimulés par le relief de leurs frontières géographiques. La jungle est remplie d’endroits sombres où sommeillent des dangers anciens, quant aux montagnes, elles sont creusées de cavernes profondes qui s’enfoncent jusqu’à toucher l’outre-Monde. Les jungles profondes qui poussent au pied des grandes montagnes sont pleines de dangers. On parle par exemple de défunts furieux et de morts-vivants ayant perdu la raison depuis très longtemps. Ces corps pourrissants s’exhument de leurs tombes quand ils sont dérangés, mettant en pièces ceux qu’ils croisent pour se repaître de leurs entrailles, et leur faim ne connaît pas de limite. La plupart des voyageurs contournent ces lieux, mais il y a foule de rumeurs au sujet de trésors, vestiges d’un âge passé, depuis longtemps abandonnés dans ces océans verts. Nombre de cités perdues se trouvent enfouies là, ainsi que les temples des dieux qui ont été abandonnés à la végétation. Seuls les plus robustes explorateurs partent en quête de ces ruines. La plupart ne reviennent jamais. Épine dorsale de l’Empire, la cordillère Hark’apa compte les lieux sauvages les plus célèbres du Kuraq. Jadis, les gens considéraient les pentes comme des lieux mystiques, des endroits où entrer en contact avec le grand ciel bleu et le divin. Bien que l’Empire ne vénère plus la plupart de ces dieux, les montagnes et les hauts sommets sont toujours vus comme des lieux de prière et de méditation où chacun peut entrer en communion avec soi-même et ses ancêtres, et trouver la paix et l’inspiration. Cette idée reste ancrée dans l’esprit des Kuraques et n’en sera jamais effacée. La violence n’est pas autorisée dans ces régions sauvages, peu importe l’origine du conflit, et les montagnes sont considérées comme des chemins où l’on peut voyager en toute sécurité. De tout temps, de nombreuses rencontres entre camps rivaux ont été organisées sur les sommets de la cordillère. Sur les flancs des montagnes, des terrasses naturelles sont depuis longtemps entretenues de manière à accueillir ces rencontres, aménagées de bâtiments de pierre meublés où les voyageurs peuvent se reposer. Les commerçants qui approvisionnent les voyageurs des cimes sont traités avec un grand respect, servant parfois d’arbitres entre les différents camps venus chercher une solution à leur problème sur les versants montagneux.

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Il existe une règle importante qui concerne tous ceux qui voyagent dans ces lieux reculés : la Trêve de l’eau. Quand deux voyageurs se croisent dans ces contrées sauvages, ils doivent s’entraider pour trouver de l’eau et ne jamais empêcher l’autre de le faire. Ainsi, même quand des ennemis se rencontrent près d’une source, ils doivent respecter la Trêve et permettre à l’opposant de se rafraîchir avant que chacun ne reprenne son propre chemin. Ceux qui violent cette loi sont considérés comme des traîtres à l’Empire, et sont traqués et punis par les tokoyriqs.

Hiérarchie sociale Bien que la société impériale ne se soit pas construite sur un système rigide, la population n’en demeure pas moins séparée en différentes classes sociales hiérarchisées. En dépit de la rigidité du système, il est possible d’y évoluer quand on travaille dur et qu’on saisit les bonnes opportunités. Nul n’est discriminé quant à ses origines, son genre ou son orientation sexuelle. Au Kuraq, tous ceux qui se dépassent sont un jour récompensés.

Les classes dirigeantes Au sommet de la société se trouvent l’Impératrice et sa maison royale. En dessous se trouvent les familles nobles, descendantes des anciens rois des cités-États que le premier Empereur a unifiées en promettant à leurs dirigeants de rejoindre les rangs des Vénérables. Ces familles possèdent toute la même hiérarchie stricte, leurs plus anciens ancêtres commandant aux autres Vénérables ainsi qu’aux descendants mortels. Ces aristocrates font office de gouverneurs des différents suyus, reversant l’impôt à l’Impératrice et faisant respecter ses lois, le tout sous l’œil attentif des tokoyriqs. Puis viennent les familles qui ont juré de servir les maisons nobles, des serviteurs aux gardes personnels. Au Kuraq, on n’embauche généralement pas un individu isolé mais toute une lignée : tous ses membres font serment de servir, et cette promesse engage tant les vivants que leurs futurs descendants. Les nobles consultent ensuite les Vénérables des familles servantes pour attribuer les rôles et les fonctions. Ainsi s’enchaînent des générations qui n’ont aucun contrôle sur leur avenir, lequel répond simplement aux besoins des dirigeants. Bien que ces serviteurs ne soient pas considérés comme nobles, leur rang est bien plus élevé que celui de n’importe quel citoyen kuraque. Servir dans l’aristocratie est vu comme un grand privilège.

Les marchands, les militaires et les prêtres Après les nobles et leurs maisonnées viennent les familles de commerçants, marchands et militaires qui assurent des services indispensables à l’Empire. C’est la réussite de chacun qui décide de son rang, et ceux qui se distinguent par leur talent ou leur bravoure obtiennent des rangs encore plus élevés. Les prêtres de Supay constituent quant à eux une classe à part. Avec les tokoyriqs et les awqayllis, ils sont vus comme des serviteurs particuliers de l’Empire. S’attaquer à un tokoyriq, un awqaylli ou un prêtre, c’est s’attaquer à leur caste entière, et le châtiment est sévère. Nombreux sont ceux qui considèrent les prêtres comme les véritables dirigeants du Kuraq, ce pour quoi le peuple leur adresse encore plus de respect qu’aux familles nobles.

Les indigents Enfin, la dernière classe est celle des indigents, ceux qui n’ont aucune famille pour témoigner de leur lignée, ni de travail stable pour survivre. Au Kuraq, ceux qui sont sans emploi sont vus comme une charge et sont souvent considérés comme des traîtres à la grandeur de l’Empire.

Vie quotidienne Bien que le quotidien des Kuraques diffère en fonction de leur lieu de vie et de leur classe sociale, certaines choses sont communes à tous. À cinq ans, qu’importe son statut, l’enfant est évalué par sa famille. Les Vénérables font office de juges, le testant pour décider de ses études et du corps de métier qu’il intégrera. L’éducation qui s’ensuit est alors dirigée vers cet unique objectif. Au Kuraq, même le plus pauvre des gamins a le droit à une éducation de base transmise par les amautas (professeurs) de l’école publique. On leur fait mémoriser de nombreux enseignements pratiques allant des unités de mesure calculées en doigts (de la main ou du pied) à la distance équivalente à un thatki (un pas). Chaque enfant apprend en plus à calculer les chiffres et les opérations les plus complexes sur des quipus, de longues cordes tressées. Il doit enfin apprendre par cœur l’histoire de l’Empire en remontant jusqu’au premier Empereur (en connaissant les noms des familles nobles ainsi que ceux de sa propre lignée). Aucune écriture ne permet de retranscrire ce savoir, aussi la mémoire est-elle au cœur de l’apprentissage. L’enfant est réévalué à ses dix ans, à l’aube de son apprentissage, puis à ses seize ans. La persévérance dans

les études est vue comme l’une des plus belles formes de loyauté à l’Empire. L’échec n’est pas autorisé, et la redirection vers un autre métier est souvent synonyme de rétrogradation : elle apporte la honte sur la famille du concerné. Après avoir réussi son évaluation des seize ans, l’enfant devient adulte et quitte son apprentissage pour s’en aller travailler ailleurs ou se marier. Les fiançailles sont le plus souvent arrangées par les aînés, qui s’assurent de trouver à leurs descendants des partenaires fiables pour prolonger la lignée. Les jeunes gens n’ont pas d’autre choix que de consentir à ces unions (à défaut, les aînés leur forcent la main, par la corruption ou la menace). Les couples de même sexe doivent disposer d’une mère porteuse ou d’un donneur de sperme pour assurer la continuité de la lignée. Il est à noter qu’au Kuraq, on peut épouser les morts. Un Vénérable peut se remarier après le décès de son conjoint. Les membres d’une même famille vivent généralement sous le même toit ou dans des demeures regroupées autour de la crypte qui abrite leurs Vénérables. Les enfants sont éduqués en commun. On leur inculque le respect et l’affection pour tous, surtout envers les aînés. Tout le monde doit travailler, même à un grand âge. Quand leur âge les empêche de contribuer à la société, les membres de sa famille se réunissent pour décider de son futur : la personne doit-elle mourir ou rejoindre les Vénérables ?

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Ce don de soi est stressant, c’est pour cela que les nobles offrent à chacun divers plaisirs ; jardins pour se détendre, amphithéâtres où tenir des spectacles, arènes sportives pour que chacun s’exerce ou pour jouer des matchs de jeu de balle. Cela permet de maintenir un équilibre sain entre travail et plaisir. De nombreux aristocrates distribuent également des feuilles de coca à mâcher ou à consommer. Cette plante miracle apaise les nerfs et permet au peuple de se consacrer à ses devoirs avec moins de pression.

Noms kuraques Les Kuraques prennent le nom de leur ancêtre le plus important (peu importe le niveau de descendance) auquel ils apposent le suffixe churi (fils de) ou ussi (fille de). Par exemple Atoqa Sonqo’ussi est Atoqa fille de Sonqo. Prénoms masculins : Amaru, Atec, Atikuq, Ch’awchi, Kumya, Manqho, Samin, Sumaq. Prénoms féminins : Atoqa, Chaska, Cocohuay, Illari, Kayara, Paqari, Quilla, Sonqo, Wayta.

L’économie Depuis l’unification des cités-États, l’Empire a alloué de nombreuses ressources à la consolidation du commerce et à l’expansion économique. L’une des premières décisions de l’Impératrice fut ainsi d’instaurer des lois rendant obligatoires les échanges commerciaux équitables. Ainsi, si le troc constituait une large part des échanges, chacun se devait de suivre une grille de prix « juste et stable » établie et mise à jour par le Conseiller impérial du commerce. Ces lois servaient également à réguler les flux de marchandises entre les différents suyus ou vers les pays voisins en incluant un système de taxes bénéficiant aux coffres du trône. Avant que cela soit mis en place, il n’y avait pas de taxe mais une contribution en services et en travaux offerts à la communauté. Cette pratique— appelée le llank’ay—a encore lieu aujourd’hui dans les régions rurales du pays où les nobles peuvent se montrer moins rigides. Le système d’irrigation et d’agriculture avancé du Kuraq—créé par des générations de Vénérables qui ont mis à profit leurs siècles d’expérience—a transformé les terres fertiles du pays en une formidable machine agricole. Nourriture, textiles, animaux, armes : tout est produit sur place et vendu à l’étranger. Afin de réguler ces exports massifs, l’Impératrice a établi un étalon-or de référence. La création de cette monnaie impériale, l’ipa, fut inspirée de la description faite par

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Franco Gonzalez des économies monétaires théanes. Peu à peu, le troc a commencé à être remplacé par l’ipa dans la plupart des régions. Nombreux sont les traditionalistes qui détestent cette innovation—ou ne voient pas de bonne raison de modifier leurs pratiques commerciales— mais quand l’Impératrice insiste, l’Empire obéit. Les ressources qui ne sont pas exportées servent principalement à innover dans tous les domaines possibles, et notamment en agroalimentaire et en médecine. Des Vénérables guérisseurs ont voyagé pendant plusieurs générations pour étudier les plantes et développer des techniques avancées de chirurgie, notamment du cerveau et de la colonne vertébrale. La recherche médicale s’intéresse aussi aux meilleures méthodes de préservation des corps momifiés. Du fait de cette science en plein essor, des marchés noirs revendant des morts à la recherche médicale fleurissent partout dans l’Empire. Les autres ressources de l’Empire sont consacrées à la création de nouvelles infrastructures destinées à faire du Kuraq la Nation la plus avancée d’Aztlan. L’importance que l’Impératrice accorde à l’éducation a mené à l’ouverture d’écoles impériales publiques à travers tout le pays. Du fait de la mise en place de l’ipa, l’extraction minière de l’or est devenue une industrie importante pour les régions montagneuses du sud. Les routes qui relient les suyus sont entretenues et sans cesse améliorées, les ingénieurs étendant toujours plus les chemins connus jusque dans les montagnes et les contrées reculées. Les nouveaux systèmes d’excavation de tunnels permettent de construire des entrepôts souterrains servant à l’approvisionnement, ce qui a conduit à la création de vastes réseaux de tunnels labyrinthiques sous les villes. Celles-ci sont presque toujours en cours de rénovation afin de pouvoir accueillir la population—vivante comme morte—toujours croissante. Ces travaux se concentrent sur d’énormes systèmes de canaux qui permettent d’amener de l’eau fraîche à chaque cité, offrant ainsi une meilleure hygiène aux habitants. Très récemment, l’Impératrice a commencé à consacrer une grande partie de son économie à la construction de navires, officiellement réservés au commerce. Elle a ainsi fait venir au Kuraq des constructeurs de navires afin de se créer une véritable flotte. Grâce aux imports de bois et aux abattages locaux, l’Impératrice sera bientôt en possession d’une flotte capable d’envahir n’importe quel endroit en Aztlan, ce qui ne manque pas d’inquiéter les diplomates nahuacans et tzak k’aniens.

L’art à l’ombre des morts Toute l’énergie du Kuraq étant concentrée sur l’innovation et l’industrie, l’art est passé au second plan depuis quelques générations. De nombreux artistes étaient jadis entretenus par les temples et leurs communautés, mais une fois ces revenus épuisés, ils ont été contraints d’utiliser leur force de travail ailleurs. Aujourd’hui, les seuls qui parviennent à vivre de leur art sont ceux qui sont employés par les nobles. Les autres Kuraques pratiquent l’art sur leur temps libre. Chez les pakaykuqs, cela s’est même transformé en une forme de résistance. Les révolutionnaires réalisent ainsi des peintures sur les murs, cachent leurs messages dans des confections textiles, dissimulent leurs plans dans des chansons ou des histoires transmises grâce aux Coursiers renégats. Lorsqu’une telle pratique est repérée, les tokoyriqs retirent rapidement les œuvres de la circulation et punissent les artistes concernés.

Les infractions, les jugements et les peines Toutes les lois kuraques reposent sur un même triple principe : ama sua, ama llulla, ama quella (ne vole pas, ne mens pas, ne sois pas paresseux). Lorsqu’un individu enfreint une loi, on l’amène devant le dépositaire de l’autorité impériale—un noble ou un takiy—pour être jugé. L’autorité de ce dernier découlant de celle de l’Impératrice, mais également du conseil des Seize, les Kuraques estiment qu’il est nécessairement impartial (ce pour quoi il ne peut pas être poursuivi en cas d’erreur de jugement). Dans les faits, cependant, la corruption n’est pas rare dans l’Empire, et ceux qui ont les moyens de verser un pot-de-vin s’arrangent souvent pour obtenir un jugement favorable. On n’emprisonne que peu au Kuraq, la plupart des crimes se payent donc avec l’honneur ou le sang. Les crimes mineurs, tels que le atteintes à la personne et autres faits de paresse, sont punis par des humiliations publiques lors desquelles l’accusé est ridiculisé et bombardé d’objets. Celui qui refuse le châtiment doit payer en llank’ay, c’est-à-dire servir gratuitement la communauté pour une durée établie par le juge. Le gaspillage de toute ressource est également perçu comme un crime car il nuit à l’ensemble de la communauté. Les jugements concernant ces affaires sont rapides, publics et sévères.

La peine appliquée pour un vol, quel qu’il soit, est toujours la mutilation. La sévérité dépend de la nature du larcin. Dans les cas les plus graves, il n’est pas rare que l’accusé perde un membre ou soit gravement handicapé. Ceux qui survivent sont libérés pour servir d’exemple, pour que tous voient leurs cicatrices et aient conscience de leur statut. La loi contraint ces condamnés à répondre franchement quand on les interroge sur leur faute (ils doivent faire de leur histoire un exemple à ne pas suivre), dès lors, ils représentent le rang le plus bas de la société et ne peuvent désormais plus compter que sur la bonté d’autrui pour survivre. Souvent, les gens les remercient de leurs récits par un peu de nourriture ou d’aide, aussi les criminels ont-ils mieux fait d’être de bons conteurs, ou ils risquent la famine. On notera que les trahisons mineures envers l’Empire—par exemple dire du mal de l’Impératrice—sont également punies par la mutilation. La peine de mort est quant à elle rapide et brutale. Un tel châtiment n’est réservé qu’aux pires criminels, ou aux récidivistes qui ont déjà perdu plusieurs membres pour d’anciens crimes. La trahison répétée envers l’Empire est le crime le plus communément puni du châtiment ultime. Le coupable est lapidé, pendu ou poussé du haut d’une falaise. Le corps détruit ne pourra pas être momifié pour rejoindre les rangs des Vénérables. Les pires criminels sont ensuite effacés de l’histoire et de la lignée familiale, engloutis par le vaste passé et oubliés de tous. Tous les châtiments sont appliqués par les tokoyriqs, dont la loyauté à l’Impératrice est considérée comme absolue. Leur neutralité est, par conséquent, totale.

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Religion

« Je transmets ici le message de Naqual, soldat appartenant aux tokoyriqs de Kuska. Il salue son père et commandant, qu’il espère en bonne santé. Il souhaite vous communiquer les messages répandus par le Pakaykuq dans l’Empire afin que vous preniez connaissance des intentions des rebelles : ces derniers souhaitent rappeler au peuple les traditions des dieux désormais bannis. Moi, humble Coursier, je vous demande de garder en mémoire que ces paroles sont celles des rebelles, pas celles du messager. » — Message transmis par le Coursier Moraika, d’après les souvenirs d’un membre du Conseil des Seize

Les dieux du Kuraq Contrairement aux Nahuacans et aux Tzak K’aniens, les Kuraques pensent que les dieux-rois n’ont pas péri—ou fui—pendant la Chute. Ils croient que leurs dieux, et notamment Supay, sont les dieux-rois de jadis. La vérité est toutefois plus compliquée que cela. Après la Chute, les Kuraques oublièrent l’existence des dieux-rois. Ce n’est que lorsqu’ils se remirent à construire des villes que leurs divinités actuelles se présentèrent à eux. Marchant parmi le peuple, elles leur indiquèrent comment cultiver la terre et leur montrèrent comment les vénérer afin de bénéficier de leurs grâces. Cela se déroula ainsi pendant des siècles, jusqu’à ce que les prêtres de Supay ne commencent à traquer les autres dieux pour qu’ils soient à jamais effacés de la création, les forçant à se cacher dans des refuges secrets pour sauver leur vie. Les prêtres de la mort ont désormais pris les rênes de l’Empire et chassé—ou tué—tous ceux qui demeuraient fidèles aux autres divinités. Les prêtres de Supay ont assassiné de nombreuses divinités. Neuf seulement ont survécu au massacre. Elles sont désormais en fuite, vénérées secrètement par les rares fidèles qu'il leur reste, attendant le jour où les dieux et les pakaykuqs libéreront enfin le Kuraq du joug tyrannique des Vénérables.

Ekekko, le dieu de l’opulence Ekekko, dieu de l’opulence, est un traître aux autres dieux. L’histoire raconte que lorsqu’il fut capturé par la Chasse divine, il marchanda avec les prêtres de Supay pour sauver sa vie. Il offre désormais son aide et ses grâces à l’Empire, apportant ainsi la fortune au trône, mais aussi la santé au peuple.

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Grâce à lui, le Kuraq prospère et l’Impératrice est encore plus puissante. Les autres dieux lui ont tourné le dos. Peu lui importe, il n’hésite pas à les dénoncer en échange de sa propre sécurité.

Katoylla, le dieu des tempêtes Puissant et féroce, Katoylla, dieu des tempêtes et des ports, était autrefois le protecteur de la jeunesse. Il officiait aux fêtes qui célébraient le passage à l’âge adulte. Il a aujourd’hui perdu presque tous ses fidèles, ce qui a brisé son pouvoir. Il voyage donc en semant sa révolte contre l’Empire, précédant la Chasse divine qui le traque, se riant de la menace. On dit que sa chance va bientôt s’épuiser. Le Kuraq perdra alors malheureusement l’une de ses dernières figures indomptées.

Kikinpaq Kikinpaq est un des enfants du Serpent à plumes en personne. Cette créature terrifiante et monstrueuse, aussi puissante qu’inconstante, parcourait la Terra aux premiers jours de l’Aztlan. Lorsque Ninaq’ara donna corps aux dieux pour qu’ils viennent en aide aux humains, Kikinpaq les rejoignit afin de protéger l’Aztlan, simplement parce qu’il aimait les humains et leur ingéniosité. Cet amour l’amena à aider à l’instauration de la paix entre les dieux et les rois mortels de jadis. Ainsi, quand les cités-États repartirent en guerre, la rage plongea Kikinpaq dans un profond sommeil dont il n’est pas encore sorti. Aujourd’hui, de nombreux prêtres de la mort désirent sacrifier Kikinpaq à Supay. Ils pensent qu’un tel sacrifice ultime le rendrait définitivement invulnérable. En réalité, si Kikinpaq était retrouvé et sacrifié, ou simplement réveillé pour aider les Kuraques, le chaos qu’il causerait dépasserait l’entendement.

Mama Quilla, la déesse des enfants Les actions des prêtres de Supay ont révolté l’une des figures célestes les plus pacifiques. Mama Quilla, déesse de la lune, du mariage et des enfants, était jadis la fille la plus calme de Ninaq’ara. Depuis, elle a entendu trop de prières venues d’enfants qui, par la volonté des Vénérables, étaient contraints à des existences dont ils ne voulaient pas. À présent, elle parcourt le monde, libère les vivants prisonniers de leurs ancêtres morts et accorde sa bénédiction à tous ceux qui désirent être libres. Elle accomplit cette tâche de la manière la plus violente possible : en détruisant les Vénérables.

Ninaq’ara, le père des dieux

Supay, le dieu de la mort

Fils du Serpent à Plumes, Ninaq’ara, le père des dieux, sortit des grandes cavernes souterraines pour offrir sa lumière au monde et lui donner le ciel et les autres dieux. Ninaq’ara fut un puissant protecteur du peuple jusqu’à la Chute. La perte du grand Empire l’attrista, et il renonça à ses pouvoirs pour parcourir la Terra sous l’apparence d’un vieil homme. Il resta ainsi jusqu’à ce que Supay s’élève contre les autres dieux. Remarquant le déséquilibre causé, il réapparut, prêt à soulever son peuple contre l’Empire. Il est la mémoire vivante du passé, le gardien de la vérité.

Supay, le dieu de la mort, est le plus puissant et le plus populaire des dieux du Kuraq. Chaque chant, chaque récit et chaque temple lui est dédié. Jadis, Supay œuvrait avec son père, Ninaq’ara, faisant office de faucheur d’âmes, protecteur et gardien de l’au-delà. Très tôt, ses prêtres le consultèrent pour apprendre les savoirs et les secrets du monde des morts. Souhaitant rendre ses disciples puissants, Supay introduisit la sorcellerie dans le monde des vivants. Peu après, les prêtres commencèrent à parcourir tout le territoire afin de transformer la Nation en terre des morts. Désormais, tout le monde s’agenouille devant les défunts de l’Empire. On murmure toutefois que le dieu de la mort ne se montre plus à ses disciples. Beaucoup se demandent s’il est satisfait de la tournure des événements. Le Pakaykuq dit que Supay est devenu prisonnier de son propre culte, et que l’équilibre doit être restauré si l’on veut libérer le dieu de la mort de ses fidèles.

Pachamama, la déesse des dragons Sœur de Kikinpaq et fille du Serpent à plumes, Pachamama est elle aussi un être monstrueux. Déesse des dragons, elle est capable de dissimuler son vrai pouvoir et d’apparaître dans n’importe quel lieu, sous n’importe quelle forme. Changeforme accomplie, Pachamama fut autrefois abandonnée par son autre frère et amant, Ninaq’ara. Elle se mit alors à arpenter l’Aztlan, protégeant les enfants du Kuraq quand personne d’autre ne le pouvait. Depuis le début de la Chasse divine, Pachamama parcourt la Terra en espionne invisible, récompensant ceux qui agissent dans l’ombre pour combattre l’Empire. Son objectif est de réveiller Kikinpaq de son long sommeil afin qu’ils combattent à nouveau côte à côte.

Saramama, la déesse des moissons La tristesse d’une mère qui observe ses enfants avec désespoir marche dans les pas de la déesse des moissons. Là où, jadis, les gens labouraient et récoltaient avec joie en célébrant la terre, il n’y a désormais plus que l’oppression d’un empire qui les force à planter et cultiver par crainte de l’approche de la dîme. Saramama est tombée dans une dépression profonde. Elle est gardée par le Pakaykuq et ses disciples. Nombreux sont ceux qui considèrent son inaction comme une faiblesse dangereuse, notamment parmi les pakaykuqs qui risquent leur vie pour protéger une déesse quasi amorphe, mais tous espèrent un jour la voir se redresser pour aider le peuple.

Urkillay, la déesse du changement L’histoire d’Urkillay est celle d’une changeforme. Fille de Ninaq’ara, elle voyagea dans le monde entier en quête d’un endroit où se sentir à sa place. Peu à l’aise avec les autres dieux ou même avec l’humanité, Urkillay a trouvé son bonheur parmi les animaux et est devenue la protectrice de la vie sauvage et de la nature, déesse du changement, de la faune et de la flore primaires. Quand la Chasse divine a été lancée, Urkillay s’est retirée au plus profond de la jungle afin de continuer à protéger les siens. Cependant, les chasseurs se rapprochent, ce qui l’a décidé à se mettre en chasse elle aussi. Très bientôt, les prédateurs deviendront ses proies.

Wach’i, le dieu du soleil Quand Ninaq’ara a enfanté les dieux, il s’est d’abord créé un fils et lui a donné le pouvoir de la lumière primordiale. Wach’i est ainsi devenu le dieu du soleil, protecteur du peuple et symbole d’abondance pour le monde. Durant des générations, il a été le dieu des guerriers et des fermiers, des nobles et des roturiers. La prise de pouvoir de Supay—et l’assassinat consécutif de Pachacunya—lui furent fatal. Durant longtemps, Wach’i fut en deuil, pourchassé à travers tout le Kuraq par les prêtres de la mort. Lorsque Ninaq’ara réapparut, le fier guerrier rejoignit son père à la tête du Pakaykuq, apportant sa lumière et sa force à la lutte contre les serviteurs de la mort.

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La Vénération des morts

Les prêtres de la mort

Outre le culte de Supay, la doctrine religieuse principale du Kuraq est la Vénération des morts. Pachacunya, le premier Empereur, parvint en effet à imposer le dieu de la mort à son peuple en lui vendant l’idée d’un futur meilleur grâce à l’aide et la sagesse des ancêtres perdus. La plupart des Kuraques associent aujourd’hui le culte de Supay et la Vénération des morts à la naissance de leur puissant empire. Pourtant, ceux qui se souviennent savent que les prêtres de la mort n’ont pas toujours agi de la sorte. En effet, peu de temps avant l’assassinat de Pachacunya par son frère, ils transformèrent notablement leurs pratiques afin de pouvoir créer cette Vénération tout à fait nouvelle. Naguère, ceux qui mourraient passaient dans le royaume des morts. Les prêtres récupéraient les corps et les momifiaient avant de les placer dans un caveau du panacas familial. Après un délai de huit jours de rites funéraires, à porter le noir du deuil, les descendants pouvaient pénétrer dans le caveau pour prendre conseil auprès du défunt. On considérait que les morts maintenaient une présence, et restaient capables d’interagir et de donner leur avis depuis l’au-delà, où ils reposaient jusqu’à pouvoir renaître sous une autre forme. Cette pratique fut corrompue par une partie des disciples de Supay. Cette petite faction du temple de P’alqacamba était alors dirigée par un prêtre du nom de Kakuska, qui cherchait à atteindre l’immortalité. Rusé, il parvint à convaincre le dieu de la mort de lui révéler les secrets permettant d’enfermer un esprit dans un corps momifié. Lorsque le dieu partagea ce secret, Kakuska et ses prêtres entamèrent une guerre contre les autres citésÉtats du Kuraq, celle-là même qui aboutit au meurtre de Pachacunya et à la création de l’Empire que l’on connaît aujourd’hui. À présent, il y a un prêtre de Supay dans chaque ville, et la Vénération des morts est la doctrine religieuse principale de l’Empire. Il est impossible de s’en détourner étant donné que les Vénérables ont contribué à façonner les moindres aspects de cette société. Le culte de Supay est quant à lui la religion du trône, ainsi que la base de toute la structure religieuse. L’un ne va donc pas sans l’autre.

Autrefois, les prêtres de la mort, ou yana takiyas (sombres hérauts) devaient réciter les oraisons funèbres et accomplir les rites destinés à guider les morts vers leur demeure dans l’au-delà. Désormais, ils imposent leur culte perverti à l’intérieur de chaque maison kuraque. Au Kuraq, les prêtres de la mort sont les bienvenus partout, notamment chez les familles qui désirent momifier l’un des leurs pour qu’il devienne un Vénérable, ou faire fabriquer un masque funéraire qui leur permette d’avoir un Porte-parole. Pour se démarquer du peuple, ils portent toujours des robes noires funéraires et des chaînes en or autour du cou. Seuls les dirigeants de leur ordre arborent des masques funéraires leur permettant de communiquer avec le Vénérable qui leur sert de conseiller et de guide depuis l’au-delà. Choisis parmi les membres rejetés de la société (orphelins, enfants abandonnés, criminels, etc.), les futurs yana takiyas sont endoctrinés et convertis au culte de Supay au temple de P’alqacamba. Les plus violents deviennent des awqayllis, les plus dévots sont quant à eux choisis pour apprendre les secrets du Wañuy Ñaqay, la magie de la Mort. Une fois leur apprentissage terminé, un monde de pouvoir se trouve à portée de main. Tous ces savoirs sont bien entendu théoriquement réservés aux prêtres, même s’ils ont depuis bien longtemps été volés et utilisés par des profanes à travers tout l’Empire. Les prêtres de Supay doivent se montrer méritants s’ils veulent devenir des Vénérables. Leur retour depuis l’audelà n’est absolument pas garanti, et toute désobéissance à l’ordre provoque une mort définitive. Malgré leur soutien à l’Impératrice, les prêtres de la mort n’en demeurent pas moins très conservateurs : les femmes n’ont pas le droit de rejoindre leurs rangs, et ils sont d’une intolérance féroce à l’égard de ceux qui ne vénèrent pas Supay. Ainsi, pour que nul ne conteste son pouvoir et avec l’aide de l’Impératrice, ils ont lancé la Chasse divine afin de tuer les autres dieux et ceux qui les vénèrent, où qu’ils se cachent.

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La sorcellerie Voilà longtemps, sur les terres du Kuraq, la magie était une chose sauvage et magnifique qui pouvait prendre bien des formes. Les dieux marchaient parmi les hommes en distribuant leurs dons et les esprits vagabondaient librement. Même si ces pouvoirs existent toujours dans certains lieux reculés—en grande partie grâce aux dieux survivants—la majeure partie de la magie du Kuraq a été détournée par les Vénérables, et la sorcellerie prédominante aujourd’hui est celle du culte de la Mort : le Wañuy Ñaqay. Le Wañuy Ñaqay était jadis l’apanage des prêtres de la mort. Grâce à leur entraînement, ils se rendaient dans le monde des morts pour y trouver un esprit sage qui puisse les guider. Une fois ce premier contact établi, le prêtre convainquait l’âme du défunt de retourner à son corps momifié, préservé avec soin sur son site funéraire. Ces récipients corporels étaient bien conservés, aussi longtemps que nécessaire, ce qui permettait aux esprits de bouger et de parler. À cette époque, ils ne pouvaient cependant par sortir des caveaux familiaux. Désormais, chaque corps reçoit un masque funéraire— oint d’une huile sacrée et lavé dans le sang sacrificiel— qui donne la possibilité au défunt habitant dans le corps momifié de communiquer avec les mortels. Désormais devenu un Vénérable, il choisit un Porte-parole avec qui il crée un lien par lequel il peut s’exprimer. Ce lien peut être une forme de partage, le Vénérable parlant dans l’esprit du Porte-parole et observant le monde par ses yeux. Dans les cas les plus extrêmes, le Vénérable prend le contrôle du corps de son Porte-parole pour parler en

son propre nom, violant ainsi la liberté individuelle du malheureux jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’une coquille vide. Il ne s’agit pas des seuls rites du Wañuy Ñaqay. Lorsqu’un prêtre ou un Vénérable désire contrôler d’autres esprits considérés comme faibles, ou bien ranimer une momie (desséchée voire récemment morte), il peut sacrifier la force vitale d’un être vivant. Là se trouve le grand secret des yana takiyas : la magie de la mort se nourrit de la vie. Ainsi, la force vitale des Porte-paroles est peu à peu épuisée par leur contact constant avec le Vénérable, et tout usage du Wañuy Ñaqay exige un sacrifice d’un niveau équivalent au pouvoir rituel demandé. Les plus importants rituels du Wañuy Ñaqay exigent des sacrifices importants. Les sacrifices animaux sont les plus courants, les sacrifices humains étant quant à eux réservés aux rites magiques les plus puissants. L’exemple le plus célèbre est celui des Cent sacrifices qui permit à l’Impératrice de repousser l’invasion castilliane de Takana. Aucun rituel aussi important n’a été réalisé depuis. Cela explique pourquoi les Vénérables gardent sous la main un grand nombre de serviteurs : ils peuvent aspirer un peu de leur force vitale chaque fois qu’ils en ont besoin pour leur sorcellerie, ce qui leur permet de ne pas épuiser leur Porte-parole. La plupart des membres d’une panacas portent donc des petits talismans en forme de masques funéraires miniatures qui sont liés à leur Vénérable, lesquels peuvent ainsi puiser dans leur force vitale. En cas de situation désespérée et durant un temps limité, les Vénérables peuvent même posséder l’un de ces porteurs.

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Les Vénérables les plus puissants parviennent à utiliser l’énergie vitale qui les entoure afin que leur corps momifié ait l’apparence d’un corps vivant. L’exemple le plus notable est celui de l’Impératrice, qui a gardé son corps d’origine. Elle entretient si bien son apparence qu’elle ressemble toujours à la belle femme qu’elle était de son vivant. Tout Vénérable doit par moments retourner à l’état de momie et se reposer dans sa crypte, de manière à conserver et renforcer son énergie. Le temps passé à bouger et à marcher est en effet en grande partie basé sur le pouvoir dont ils disposent et l’énergie vitale qu’ils sont en mesure de sacrifier pour entretenir leur corps. Ainsi, grâce aux sacrifices réguliers pratiqués, il est arrivé que l’Impératrice passe des semaines sans retourner une seule fois à la crypte de son palais. Le Wañuy Ñaqay reposait autrefois dans les seules mains des yana takiyas. Néanmoins, les prêtres renégats ont enseigné ces secrets à de nombreux nobles et paysans. Ainsi, la magie de la mort peut-elle être étudiée par qui peut y mettre le prix. Toutefois, quand un profane usant de cette magie pour créer un nouveau Vénérable est découvert, il est exécuté sans autre forme de procès, et l’esprit qu’il entendait lier est détruit à jamais.

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Les dons des dieux En dépit de la Chasse divine et des exactions des prêtres de Supay, quelques anciens dieux du Kuraq survivent et, avec eux, l’ancienne sorcellerie qui est au cœur du pouvoir le plus puissant du pays : le don de magie divine. Le Wañuy Ñaqay était jadis un don de Supay, identique à n’importe quel autre don divin. Les yana takiyas l’ont simplement perverti et propagé. Les autres dieux ont toujours la capacité de transmettre une partie de leur pouvoir à leurs fidèles. Celles et ceux qui en bénéficient reçoivent des avantages qui les élèvent au-dessus du commun des mortels. Ces enfants des dieux, ainsi qu’on les appelle, doivent croire en leur divinité tutélaire s’ils souhaitent continuer à profiter de leurs grâces. Une fois bénis, ils ne peuvent perdre ce don que s’ils meurent ou se détournent de leur dieu. Comme autrefois, leur culte comporte des sacrifices animaux ou humains (à l’instar du culte de Supay). Comme on dit au Kuraq : le pouvoir de la mort est source de prodige. Les dons accordés ne sont pas éternels. Chaque dieu octroie un pouvoir lié au sien. Par exemple, les disciples de Wach’i reçoivent communément des dons physiques comme le talent au combat, la force et la vitesse voire la puissance aveuglante du soleil. Les fidèles de Pachamama, quant à eux, sont plus furtifs et difficiles à repérer, lorsqu’ils ne reçoivent pas des dons plus poussés, à l’instar des changeformes. Les enfants des dieux doivent porter un talisman affichant le symbole de leur dieu, et ce, même si de tels objets peuvent attirer la suspicion voire l’attention des awqayllis. Ils n’ont pas le choix : ils doivent parcourir le monde en étant fiers de leur idole et entretenir le peu d’espoir qu’il reste pour les vivants au sein de cet empire mortifère.

Lieux notables

Kuska

Suivez n’importe quelle route kuraque, vous arriverez à un moment ou un autre à Kuska, le cœur de l’Empire. Avant l’unification de Pachacunya, la glorieuse capitale était une cité-État érigée par la tribu des Killkes sur les vestiges de l’ancienne forteresse de Saqsaywaman (dont les ruines ont fourni le schéma directeur de la ville qui s’est bâtie dessus). Les Killkes étaient des bâtisseurs. Ils réalisèrent des routes partant vers les quatre coins de l’Empire et construisirent nombre d’aqueducs pour transporter l’eau partout dans la cité, faisant de Kuska une ville aussi verte qu’une vallée. Sur les collines, ils édifièrent le Coricancha, temple du Soleil et palais royal. Après la conversion de Pachacunya, celui-ci fut réinvesti du pouvoir de Supay. Après l’arrivée au pouvoir de l’Impératrice, il fut rebaptisé « Palais de la Vénérable. » Désormais deux fois plus grand qu’à sa construction initiale, le Coricancha brille aujourd’hui de mille feux avec sa multitude de pierres dorées reflétant la lumière du soleil, tout en projetant son ombre massive sur la ville située en contrebas. Toutes les familles nobles sont dans l’obligation légale de maintenir une maisonnée à Kuska. Un membre de chaque lignée doit en permanence résider à la capitale en tant qu’ambassadeur auprès de l’Impératrice, mais aussi représentant familial essayant de louvoyer au mieux pour obtenir rang et avantages.

La classe populaire vit quant à elle aux franges de la cité. On y trouve nombre d’ouvriers et de travailleurs journaliers, ainsi que ceux qui ont déjà été condamnés pour un crime. Tous se considèrent chanceux de vivre à Kuska, métropole animée et ville de toutes les opportunités. Si vous attirez l’attention d’un puissant et vous montrez méritant, il se peut que vous montiez sur l’échelle du pouvoir, peut-être jusqu’à côtoyer les nobles. Les ambitieux savent toutefois qu’ils doivent agir dans le cadre strict de la loi car les tokoyriqs surveillent à chaque coin de rue et n’hésitent pas à intervenir pour enfermer tout contrevenant au chulpa, leur quartier général, afin de l’interroger et de le punir dans le sang et la violence, au nom de l’Impératrice bien sûr...

Le Coricancha, le Palais de la Vénérable L’ancien temple du Soleil se dresse au bord de la ville, dominant le paysage urbain. Le bâtiment en lui-même est relativement petit. Ses énormes pierres enduites d’or et de fins motifs gravés en filigrane forment une chambre intérieure utilisée par l’Impératrice comme salle de réception. L’extérieur est quant à lui recouvert de délicates gravures murales représentant Wach’i, l’ancien dieu du Soleil, lesquelles sont en rénovation constante pour être progressivement remplacée par des images de Supay.

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De nombreuses extensions ont été construites au fil des décennies. On peut notamment y trouver les quartiers de la famille impériale, où sont également logés les invités prestigieux, ainsi que la crypte impériale (creusée dans la montagne). Tout en bas, il y a le reste de la ville, avec les demeures de la noblesse, bâties aussi près du temple que possible. Ceux dont les rangs sont les plus élevés sont les plus proches, et les moins favorisés s’étendent vers l’intérieur de la cité.

Kapuli Si vous voyagez vers le nord en partant de Kuska, vous arriverez à Kapuli, ville des plaisirs nichée entre deux montagnes sacrées. Cette vallée transformée en terre d’évasion fut créée par la noblesse qui désirait une destination où elle pourrait se laisser aller à ses vices, loin du regard de l’Empire. Lorsque l’Impératrice finit par découvrir ce secret, elle accueillit fort bien l’idée et décida d’y interdire toute violence entre les différentes maisons nobles. Kapuli est depuis devenu, pour les riches, un véritable paradis terrestre. Les visiteurs, certains d’être en sécurité dans le bon air de la montagne, peuvent se régaler en toute quiétude des merveilleux jardins, faire des achats dans le luxuriant marché ou bien affronter l’élite de l’Empire dans des compétitions de contes. La ville est également pourvue de jardins cultivés en terrasses, de centres sportifs, de bains chauds en extérieur et de maisons de plaisir débordantes de bonnes musique, boisson et compagnie. Kapuli est dirigée par les kulla uya élues. L’expression « kulla uya » était autrefois une insulte signifiant « les effrontées, » mais les courtisanes en ont fait leur insigne et ont transformé leur activité en une véritable profession. Désormais, des gens viennent de partout pour rencontrer la sinchi (dirigeante) et obtenir le droit d’être formé à la courtisanerie dans le Tulpa Qawari, le Foyer des symphonies. Les kulla uya forment désormais une classe d’artistes venus de tout le pays, protégée par les murs de cette cité où les lois impériales interdisent de verser le sang. Ce n’est un secret pour personne : Kapuli est aussi un vivier d’intrigues politiques. Là où les nobles festoient, il y a des secrets en pagaille. Les kulla uya restent neutres en public, mais elles n’en demeurent pas moins des sources d’information inestimables pour les causes dont elles sont des sympathisantes.

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Chapitre 4 | L'Empire kuraque

Chuqi K’iraw Le « Berceau d’or, » lieu le plus recherché de tout l’Empire, est le centre d’opérations général du Pakaykuq. À l’abri entre les éperons rocheux de la cordillère d’Hark’apa, ses bâtiments et ses terrasses ont été construits au-dessus et en dessous du Sunch’u Pata, sommet tronqué qui figure parmi les repères géographiques les plus remarquables de la région. D’après la légende, Chuqi K’iraw fut dissimulée aux mortels par Wach’i, le souvenir de son existence même étant effacé de la mémoire des mortels. Depuis ce jour, seuls ceux auxquels les dieux ont montré le chemin peuvent s’y rendre. Wach’i en a ainsi assuré la sécurité et, de fait, l’a transformé en parfait repaire pour les pakaykuqs. Les principales infrastructures se concentrent autour de deux places qui longent l’arête des sommets. De nombreux bâtiments de vie et d’habitation ont été construits loin de ces places. Comme souvent avec le Kuraq et ses merveilles architecturales, le terrain naturel a grandement été modifié avant que toute construction ne soit entreprise. Ainsi la ville est-elle autosuffisante grâce à son système de terrasses cultivées, son aqueduc et ses bâtiments résidentiels qui permettent d’héberger un grand nombre de personnes dans des conditions confortables. La plus importante structure du Berceau est l’ushnu, temple dédié à Wach’i, sis au sommet de la montagne tronquée. D’après la sagesse populaire, seuls ceux que le dieu du soleil veut bien voir sont autorisés à gravir son gigantesque escalier, qui mène jusqu’au sommet plat de sa pyramide. Ce qui se dit tout là-haut reste mystérieux, et tous ceux qui ont effectué l’ascension ont refusé de partager les détails de leur conversation. Ce temple est l’un des derniers lieux saints intacts consacrés à Wach’i et, par conséquent, il revêt une importance à la fois symbolique et spirituelle pour le Pakaykuq. À mesure que croît la grogne dans l’Empire, de plus en plus de gens reçoivent des visions de Wach’i, lequel leur transmet une invitation à rejoindre la résistance et leur indique le chemin qui mène à Chuqi K’iraw. Toutefois, il semble être prudent avec ces visions, sûrement parce que si les tokoyriqs trouvaient un jour le Berceau, alors tout espoir de victoire serait réduit à néant.

Manqo Pacha

Patanatambo

Avant la conversion de Supacha au culte de Supay et le couronnement de Pachacunya, leur père, le roi Yaca Yma, parvint à brièvement unifier les cités-États lors du Sommet des sept plumes. Ayant obtenu la paix, il céda le pouvoir à son fils et se retira à Manqo Pacha, domaine situé au pinacle d’une montagne sacrée. Cette magnifique cité était dédiée à Wach’i, dieu du soleil, et disposait d’un sublime temple rempli d’offrandes d’or qui faisaient luire la montagne. Elle fut malheureusement saccagée lorsque trois rois vinrent tuer Yaca Yma. Très peu d’habitants survécurent à cet assaut. Quelques années après la montée sur le trône de l’Empereur Pachacunya, les quelques survivants remontèrent dans la montagne sacrée afin de rebâtir leur ancienne cité. Tandis que la puissance grandissante du culte de Supay poussait les anciens dieux du Kuraq à la clandestinité, leurs disciples trouvèrent refuge dans les temples situés sur la magnifique place à ciel ouvert de Manqo Pacha. La ville fut ainsi reconstruite non par la noblesse ou l’Impératrice, mais par ceux qui étaient restés loyaux à leurs anciens dieux. Leur dévouement attira l’attention de ces derniers et du Pakaykuq. Alors que les villes les plus récentes du Kuraq suivent un plan bien pensé et arborent des rues parfaitement agencées, Manqo Pacha est un mélange dépareillé de styles architecturaux plus ou moins anciens, associés à des routes et des bâtiments plus modernes. La ville ne peut pas s’étendre, les falaises de la montagne s’avérant trop dangereuses pour que l’on construise quoi que ce soit dessus. On édifie donc les nouveaux bâtiments sur les plus anciens, ce qui explique pourquoi la cité ressemble de plus en plus à un patchwork. Manqo Pacha est petite en comparaison des autres villes de l’Empire, mais sa beauté naturelle est sans égal. Elle repose sur un plateau au sommet de la montagne où rien n’est assez élevé pour y jeter son ombre, sinon les nuages. L’altitude rend parfois les visiteurs euphoriques et, souvent, des nouveaux venus vont sur les esplanades, l’air rêveur, et contemplent le paysage en silence. La difficulté de l’ascension fait qu’il y a peu de population sur place, et ceux qui vivent là sont des gens chaleureux, prévenants, du genre spirituel, qui ont à cœur de préserver les anciennes traditions, et ce, quoi qu’il leur en coûte.

Peu de cités ont des origines aussi tristes que Patanatambo, citadelle des régions rurales située à l’est d’Antasuyu. À l’origine, il s’agissait d’une communauté paysanne constituée de familles qui s’étaient rassemblées pour s’entraider et se protéger. Un soir, des tokoyriqs sont arrivés et ont déclaré que l’Impératrice les honorerait d’installations dignes de ce nom afin que l’Empire soit plus sûr. Les familles crurent que cela signifiait qu’on allait les aider à défendre leurs fermes. Elles avait tort : rapidement, elles furent dépouillées de leurs terres, lesquelles furent utilisées pour bâtir Patanatambo : la prison de l’Empire. La silhouette menaçante de Patanatambo se distingue à près de trois kilomètres à la ronde. Ses hauts murs de pierre ont été construits grâce aux carrières des montagnes voisines. L’arrière repose d’ailleurs contre l’une de celles-ci, sa position ne la rendant approchable que par les anciennes terres des paysans. Elle est entourée d’une clôture dotée d’une entrée gardée. À l’intérieur se trouvent deux cours. La première sert à recevoir les réserves de nourriture destinées à ceux qui vivent là. La deuxième, située derrière un immense portail, accueille les prisonniers de l’Impératrice, ceux qu’elle maintient en vie à des fins politiques. Les premiers résidents furent les membres de la famille de Pachacunya, qui vécurent dix ans derrière ces murs jusqu’à ce qu’ils soient sacrifiés pour repousser l’invasion théane de Takana. Durant une brève période, la prison est restée vide, mais il n’a pas fallu longtemps à l’Impératrice pour y enfermer les nobles qui l’avaient déçue. Plus elle resserre sa poigne sur l’Empire, plus on y amène de prisonniers. De plus, même si les tokoyriqs se contentent de tuer les pakaykuqs, les quelques nobles sympathisants à leur cause ou bien les fonctionnaires de haut rang renégats se retrouvent incarcérés à Patanatambo. Nul ne visite la citadelle et nul n’en repart jamais, à l’exception des chaskis (les messagers impériaux) triés sur le volet. Le complexe est dirigé par Kimsa Parwa, un commandeur tokoyriq de haut rang. Lui et toute sa famille résident dans la citadelle, comme les prisonniers qu’il garde au nom de l’Empire.

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P’alqacamba Dans l’Empire, il y a peu d’endroits qui inspirent autant de terreur que P’alqacamba, la cité de Supay perdue dans la jungle, celle qui abrite les prêtres de la mort. Sise au plus profond des contrées sauvages du Chinchaysuyu, P’alqacamba est aussi connue sous le nom de Cité perdue à cause de la complexité du chemin qui y mène. En dépit de cela, des centaines de nobles et de fidèles font le voyage chaque année afin de demander aux prêtres de prendre leurs enfants en apprentissage pour que ces derniers puissent commander au pouvoir de la mort. Là, dans la jungle, ils découvrent une ville toute de pierre noire rehaussée d’or, sacrée et remplie de Vénérables accompagnés par leurs domestiques. La cité est profondément enfoncée dans le feuillage de la jungle, chaque bâtiment drapé de lianes et orné de fleurs à la beauté étrange. Au cœur de l’agglomération se trouve le temple de Supay constitué du quartier général des yana takiyas, de l’école publique, du centre d’entraînement des tupaqs (les soldats du dieu de la mort) ainsi que de l’Allin Tulpa (le Bon foyer). Ces bâtiments très modernes, taillés dans une pierre noire tirée des profondeurs de la terre, entourent une grande pyramide située au centre du complexe. La cité abrite aussi la grande Yachaywasi, la maison du savoir. Cette école d’élite est dédiée à la formation des jeunes nobles afin qu’ils reçoivent la meilleure éducation possible. Les enfants sont logés dans de vastes dortoirs, et sont entraînés à tout—du combat à la stratégie politique, en passant par le sport—par les prêtres de Supay. Cette formation est dure et dangereuse, au point qu’il n’est pas rare qu’un enfant disparaisse dans la jungle pour ne jamais en revenir.

Allin Tulpa On trouve à l’Allin Tulpa la plus grande concentration de pratiquants du Wañuy Ñaqay. Elle se trouve dans le temple de Supay, au centre de P’alqacamba. Bien que moins luxueuse et chatoyante que la pyramide, elle déploie plusieurs merveilles architecturales, arborant des fresques d’or incrustées dans la pierre noire qui illustrent les mythes et légendes de Supay et du Wañuy Ñaqay. Les apprentis viennent s’y entraîner dès leur plus jeune âge, et bien que tous reçoivent par ailleurs une éducation digne de ce nom, seuls quelques-uns sont choisis pour apprendre le Wañuy Ñaqay. Là où les élèves du grand Yachaywasi se montrent compétitifs, ceux de l’Allin Tulpa coopèrent. Ainsi, ceux qui n’apprennent pas le Wañuy Ñaqay prennent d’autres fonctions dans le clergé, afin de mieux aider ceux qui ont été choisis pour devenir des churikunas : des sorciers.

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Chapitre 4 | L'Empire kuraque

On dit que Supay lui-même choisit les élèves, et que seuls ceux qui ont été bénis de sa main peuvent entrer dans l’école. Les prêtres n’ont jamais confirmé cette rumeur, mais ceux qui ressortent de l’Allin Tulpa sont des dévots d’une loyauté fanatique. Ils apprennent non seulement la magie, mais aussi à se battre, faire la guerre et assassiner de diverses façons. En effet, tous les prêtres de Supay ont été, pour un temps au moins, des tupaqs.

Takana Sur la côte ouest du Kuraq se trouve la sublime cité de Takana, témoignage vivant des innovations architecturales de l’Empire. Autrefois détruite par la flotte de Franco Gonzalez lors de son invasion ratée, Takana a longtemps été considérée comme maudite. L’Impératrice a malgré tout décidé de la reconstruire afin d’en faire un port d’accueil pour tous les voyageurs étrangers. Les ingénieurs ont transformé la baie en port bien équipé, pourvu de hangars pouvant accueillir diverses cargaisons, mais aussi des navires ayant besoin de réparations à sec. Auberges et restaurants s’ouvrent aux voyageurs épuisés, et des guides sont là pour aider les visiteurs à s’habituer à la vie kuraque. Tous les établissements et magasins sont dirigés par des commerçants agréables qui savent s’adapter et sont prêts à aider leur prochain (mais également à rapporter aux espions de l’Impératrice ce qu’ils ont appris). L’ambassade est confortablement installée contre les collines qui encadrent le port, offrant une vue magnifique sur la mer en contrebas des falaises. Là, Anka, un envoyé du trône, accueille tous les diplomates étrangers dans une débauche de splendeur. Au cas où les étrangers seraient une fois de plus décidés à tester les forces de l’Empire, le port dispose d’une brigade militaire tokoyriq ainsi que d’un temple qui héberge un grand détachement de tupaqs. Il y a une chose dont nul ne parle plus : la malédiction. En effet, lorsque l’Impératrice a réalisé ses Cent sacrifices, elle n’a pas été en mesure de contrôler tout le pouvoir libéré. Elle a certes utilisé la puissance dégagée pour le bien commun, mais une partie s’est infiltrée dans la ville et dans les morts qui jonchaient le sol. Ces morts-vivants involontaires n’ont jamais quitté l’agglomération. Si les tupaqs se sont depuis occupés de la plupart d’entre eux, il en reste encore ici et là qui ne cherchent qu’à s’en prendre aux vivants. À ce jour, les tupaqs s’occupent donc de traquer les morts-vivants cachés dans les aqueducs et les cavernes situées sous la ville, espérant empêcher les voyageurs et les nouveaux habitants de les apercevoir.

Kachu Pual, la dernière pucará Pour la plupart des étrangers—et même pour les Kuraques qui vivent dans les zones urbaines—le contrôle exercé par l’Empire sur son territoire est absolu. Sur la plupart des cartes dessinées par les Théans, « l’Empire kuraque » couvre toute la cordillère d’Hark’apa jusqu’à l’extrémité sud de l’Aztlan. La réalité, évidemment, n’est pas si simple. Afin d’établir leur domination, les Kuraques ont dû soumettre nombre de tribus habitant le sud de l’Aztlan. Pour annexer leurs territoires, ils ont utilisé la diplomatie ou la force. Un groupe, cependant, a résisté à toutes les tentatives. Ce peuple indomptable, les purum awqa, réside à l’extrême sud du continent. Kachu Pual—d’après le nom de la rivière qui la traverse— est la dernière pucará («  forteresse  ») kuraque du pays, celle qui doit sans cesse résister aux assauts des purum awqa. Ici, la plupart des conflits politiques kuraques—de la résistance aux intrigues de cour—ne sont que des rumeurs. Chaque jour est un combat pour la survie et chaque homme, femme et enfant qui y habite n’a qu’une seule affiliation politique, une seule origine, un seul crédo : défendre la citadelle contre ses ennemis, à chaque seconde et peu importe les circonstances. Les conséquences de leur échec seraient d’une terrible simplicité : si Kachu Pual venait à tomber, tous ses résidents seraient passés au fil de l’épée, démembrés et

probablement dévorés par les sauvages. Après cela, la forteresse serait brûlée, effaçant toute preuve de son existence. Les locaux savent ce qui les attend car c’est ainsi que les choses se sont passées lorsque les autres pucarás—celles qui existaient jadis au sud de la rivière de Kachu Pual—ont été détruites par les sauvages. Ces conditions extrêmes ont donné naissance à un groupe d’individus endurcis par la vie qui ne laissent rien se mettre en travers de leur devoir. La plupart sont des fonctionnaires de moindre importance accompagnés de leur famille, ou des courtisans bannis qui ont décidé de se refaire une vie aussi loin que possible de Kuska. Tous ont fini par devenir des défenseurs aguerris de la pucará. D’autres résidents sont des loups solitaires qui apprécient l’existence dure et sévère que Kachu Pual a à leur offrir, où ils n’ont pas à se soumettre aux normes sociales imposées partout au nord de l’Empire. Les derniers, enfin sont des aventuriers de la Théah, des explorateurs qui, tombés amoureux de la beauté sauvage et naturelle du décor, ne supportent pas l’idée de voir cet endroit et ses gens disparaître. Bien que considérés comme parias ailleurs dans l’Empire, ou comme n’ayant aucun rôle à tenir dans les affaires locales, ici, à Kachu Pual, les étrangers sont les égaux du peuple, du moins tant qu’ils contribuent à défendre la cité.

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Yara

Yara naquit dans la demeure de Pachacunya, le premier Empereur du Kuraq. Elle vivait alors dans le luxe, toujours prête à servir sa Vénérable. Un jour, elle rencontra Asiri Inkasisa. Sa vie en fut chamboulée à jamais. Parce qu’elle aimait Asiri, elle partagea avec elle le secret de l’Empereur Pachacunya. Parce qu’Asiri l’aimait, elle fut épargnée bien des années plus tard. En effet, lorsque l’Impératrice dut sacrifier cent personnes pour sauver l’Empire, la famille de Yara fut parmi les premières victimes, tant à cause de son lien avec le premier Empereur que parce qu’Asiri voulait que personne ne puisse un jour réclamer son trône. Yara fut cependant épargnée, ce qui lui permit de sauver sa sœur Alqacha, évacuée avant que l’Impératrice n’ait vent de son existence. L’amour qu’elle ressentait pour Asiri est mort ce jour-là, remplacé par une haine brûlante. Bien des années plus tard, Yara, sentant sa fin venir, demanda à devenir une Vénérable. L’Impératrice accepta de bon cœur et lui assigna une famille de domestiques et un Porte-parole. Asiri voulait en effet la garder auprès d’elle, ignorant que son amante œuvrait désormais depuis l’audelà pour la détruire. Aujourd’hui, Yara n’a pas de but plus important que de protéger la vie du dernier prince vivant de la lignée de Pachacunya, Tolanaq, descendant de sa défunte sœur Alqacha. Le garçon est actuellement prisonnier politique de l’Impératrice, mais cette dernière ne soupçonne pas son vrai lignage. Yara est prête à tout pour le protéger car elle est persuadée qu’un jour la véritable dynastie reprendra le pouvoir et sauvera le peuple kuraque. Isi, son actuelle Porte-parole, fut choisie pour son manque d’expérience en politique. Yara passe tout son temps libre à la façonner pour en faire une arme, l’entraînant pour survivre à ce qui sera la plus sanglante des batailles qu’ait connu l’Empire.

Accroches scénaristiques

YARA « Je ne désire rien de plus que réparer mes erreurs de jeunesse. »

• Tolanaq est transféré dans une autre prison, mais Yara ignore laquelle. Elle ne veut pas se montrer trop intéressée, aussi demande-t-elle aux Héros de trouver son lieu de détention et, si possible, de l’aider à s’échapper. La récompense sera généreuse. • Yara a entendu parler du Pakaykuq. Elle aimerait les rencontrer, mais son contact à la cour a disparu. Les Héros l’aideront-ils à le retrouver avant qu’Asiri ne comprenne son lien avec Yara ?

Awqasisa, la voix de l’Impératrice Awqasisa est la Porte-parole de l’Impératrice : elle porte son masque funéraire et transmet ses ordres au quotidien. Héritière d’une maison noble mineure, elle se fit vite repérer à la cour tant elle s’avérait capable de naviguer dans les eaux dangereuses du pouvoir avec grâce et élégance. Peu furent donc surpris lorsque l’Impératrice la désigna comme sa Porte-parole. Awqasisa mène pourtant un double-jeu, et ce depuis le début car elle est fidèle à l’ancien Empire. Son rôle de Porte-parole lui a de plus révélé que l’Impératrice est encore plus vile que ce qu’elle pensait de prime abord. Ainsi, peu de temps après la nomination d’Awqasisa, le Pakaykuq commença à devenir un vrai problème pour l’Empire. Nul n’a encore relié ces deux faits. Après tout, qui blâmerait la Porte-parole nouvellement nommée pour les actes d’un petit groupe d’insurgés ? Son travail est impeccable et sa dévotion à l’Impératrice sans réserve. Quand des chaskis entrent et sortent de ses appartements, tout le monde pense qu’ils vont délivrer un message de l’Impératrice. Pour la plupart, c’est le cas, mais de temps en temps, l’un d’eux mémorise un message destiné à Chuqi K’iraw, la forteresse où les pakaykuqs ont leur centre d’opération. Le travail d’Awqasisa pour le Pakaykuq explique en partie pourquoi, depuis quelque temps, leurs plans sont couronnés de succès. Les informations qu’elle leur procure sont en effet essentielles. Sans elles, il est probable que les tokoyriqs écraseraient le Pakaykuq une bonne fois pour toutes.

Accroches scénaristiques • Intérieurement, Awqasisa se morcelle. Elle commence à ressentir certains sentiments vis-à-vis l’Impératrice, et elle ne comprend pas ce qu’il lui arrive. Les Héros l’aideront-ils à savoir ce qui se passe sans alerter Asiri ? • L’Impératrice commence à suspecter Awqasisa d’être une espionne du Pakaykuq. Les Héros sauront-ils détourner son attention pendant que la Porte-parole aide la résistance à organiser un coup majeur ?

AWQASISA, LA VOIX DE L’IMPÉRATRICE « Je parle au nom de l’Impératrice, mais elle ne contrôle pas mon cœur pour autant. »

K’uyuk

Quand K’uyuk était jeune, sa famille a appris que l’Impératrice avait sélectionné l’un de leurs enfants pour le qhapaq hucha (« sacrifice royal »). Lorsque ses parents déposèrent une plainte officielle, la dirigeante décida de leur épargner la souffrance de perdre leur enfant en les éliminant tous. Avant de périr dans les flammes, ils parvinrent à sauver l’un de leurs fils : K’uyuk. Il se souvient des dernières paroles de sa mère : « venge-nous. » K’uyuk s’est juré de traquer tous ceux qui aident l’Empire, du plus humble des soldats au plus important des nobles. Il brûla vif tous ceux qu’il considérait comme ses ennemis, et ce jusqu’à ce qu’il rencontre Intiawki. Celui-ci lui a offert ce dont il avait le plus besoin : l’espoir. L’espoir d’une vie après la chute de l’Empire. Ainsi, ils tombèrent amoureux. Bien qu’il ne l’avoue à personne, la douceur et la passion de son amour pour Intiawki l’ont rendu plus prudent et moins sauvage dans ses exécutions. Il ne fait toujours pas de quartier, mais il a cessé les tortures et inflige des morts rapides et propres. En même temps, le chasseur solitaire s’est mis à collaborer avec le Pakaykuq, devenant l’un de leur meneur d’hommes et formateur des nouvelles recrues.

Accroches scénaristiques • Intiawki est revenu d’entre les morts, mais K’uyuk ne croit pas aux miracles. Il craint que son cher amant ne soit passé à l’ennemi. Il a besoin de preuves. Les Héros sauront-ils l’aider ? • K’uyuk croit que toute sa famille a été tuée par l’Impératrice, mais il a entendu une rumeur disant que sa petite sœur aurait survécu. Ses devoirs envers le Pakaykuq sont trop prenants pour qu’il parte, aussi demande-t-il aux Héros de chercher cette femme et découvrir la vérité.

K’UYUK « La seule chose qui soit plus douce que la vengeance, c’est la révolution. »

Lora Antonia de Ochoa y Ochoa

Lora Antonia Lidia Teresa Adelaïde Ferreira de Ochoa y Ochoa est née à Barcino, en Castille, dans une maison noble qui lui a offert la meilleure éducation possible de la Cité vaticine. Ses matières favorites étaient les sciences et la physique. Malheureusement, à cette époque, l’inquisiteur Verdugo commença à interdire ces enseignements. Ses professeurs voyaient en elle une élève brillante, bien que souvent sous-estimée à cause d’un handicap physique à la jambe droite. Ils commencèrent donc à l’emmener avec eux durant leurs fouilles archéologiques. Elle était loin de se douter que ces constants allers et retours à travers la Théah servaient à faire voyager clandestinement des manuscrits interdits vers des lieux plus sûrs. Du moins l’ignora-t-elle jusqu’à ce qu’un bataillon de l’Inquisition ne détruise le laboratoire de son professeur et le reste de ses textes. Juste avant que les soldats ne l’emprisonnent, il lui assura que ses manuscrits étaient en sécurité et qu’elle devait retourner voir leur ami commun, Diego Saldana, pour les récupérer. Lorsqu’elle retrouva Diego, celui-ci montait à bord d’un navire pour le Nouveau monde, et il emportait les textes avec lui. Il se rendait au Kuraq pour participer à un échange avec les érudits travaillant pour l’Impératrice. Lora sauta sur l’opportunité et embarqua avec Diego pour l’aider à maîtriser les nouvelles technologies qu’ils allaient découvrir là-bas. À ce jour, elle réside encore à Kuska. Lora voit dans l’Impératrice un deuxième Inquisiteur Verdugo  : elle semble diriger son peuple pour le bien commun mais s’avère en fait corrompue et pervertie. Si une étrangère a pu le voir, les Kuraques aussi. En fouinant un peu, il est certain qu’elle finira par trouver la résistance.

Accroches scénaristiques • Lora s’inquiète : l’Impératrice serait-elle en train d’utiliser Diego contre les intérêts de la Théah ? Les Héros pourront-ils l’aider à infiltrer la cour impériale et découvrir les plans du trône ? • Lora soutient la résistance, mais elle ignore ce que cela signifie réellement. Ce n’est pas une guerrière, mais elle a accès à tous les manuscrits scientifiques de ses anciens professeurs. Elle engage les Héros pour l’aider à les traduire dans la langue locale afin de pouvoir disséminer les informations et, possiblement, lui servir de guides pour aller à la rencontre du Pakaykuq.

LORA ANTONIA DE OCHOA Y OCHOA « Cet endroit est pareil à tous les autres. Les puissants y oppressent les faibles. Nous ne sommes pas différents. »

Asiri Inkasisa, Impératrice du Kuraq Nulle n’est plus tristement célèbre et admirée au Kuraq qu’Asiri Inkasisa, Impératrice, Vénérable et consort du dieu Supay en personne. Née dans une famille noble de moindre importance, Asiri s’est hissée jusqu’au trône par son intelligence, son astuce et sa détermination sans faille. Avec l’aide de sa compagne, Yara, elle a évincé Pachacunya et pris sa cape d’or pour devenir Impératrice. Vingt ans plus tard, elle s’est sacrifiée avec cent autres personnes pour repousser l’envahisseur théan et unifier les territoires impériaux en une seule machine politique, sous son seul contrôle. Cent ans plus tard, elle est toujours sur le trône, interagissant avec le monde des vivants dans son corps momifié incroyablement bien préservé, donnant ses ordres à travers sa Porte-parole. En dépit du pouvoir qu’elle obtient grâce à des sacrifices réguliers, animer son cadavre l’épuise. Toutefois, peu importe son état, elle maintient l’Empire debout, et sa personnalité—alliée à la détermination de ses nobles et de ses gens—fait d’elle un terrible mélange de force naturelle et de volonté. Asiri peut sembler cruelle et froide, car peu de choses la touchent. Le fait est qu’elle agit pour le bien de l’Empire sans se soucier de ceux qu’elle blesse. Dirigeant son pays d’une main de fer, elle encourage les disputes entre les différentes maisons nobles et leurs Vénérables afin d’éviter que les aristocrates ne regardent le trône de trop près.

Accroches scénaristiques

ASIRI INKASISA, IMPÉRATRICE DU KURAQ « Mon peuple n’a pas besoin d’être choyé et protégé, il a besoin de structure. Les gens auront beau résister à leur dieu, ils ne peuvent contester la prospérité qu’il leur a apportée. » PUISSANCE

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INFLUENCE

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MALFAISANCE

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• Miyatala, l’une des descendantes d’Asiri, est très appréciée dans l’Empire. Si quelqu’un peut s’emparer du trône, c’est elle. Les Héros sauront-ils aider la princesse à renverser son ancêtre ? • Asiri a ordonné la mort de tous les dieux, sauf Supay. Ses soldats les traquent à travers le Kuraq, parfois même au-delà. Certaines divinités ont rallié le Pakaykuq, mais d’autres hésitent encore. Les Héros sauront-ils les persuader de rejoindre la résistance ?

Anka, chef des chaskis Anka sert l’Empire en tant que chef des chaskis. Il gère tout ce qui a trait aux messagers impériaux : entraînement, paye, tarifs, encryptage, décryptage, etc. Anka est né dans une importante famille noble, et sa vie a toujours été opulente. Il n’a aucune envie de se contenter de moins. Ainsi, lorsque ses ancêtres décidèrent que sa mère, après sa mort, s’exprimerait par le corps de sa sœur, Anka brûla le corps de sa génitrice avant que les prêtres ne puissent accomplir leur rituel. Depuis, ses ambitions ne connaissent pas de limites. De par son statut privilégié, Anka a accès à tous les secrets de l’Empire, et bien qu’il soit sous la surveillance constante de l’Impératrice, il parvient à vendre des informations à quiconque a de quoi le payer, en liquide ou en faveurs. Peu regardant sur ses acheteurs, il vend ses renseignements tant aux serviteurs de l’Empire qu’aux membres du Pakaykuq. Parfois, il vend la même information à deux acheteurs différents. Il opère en secret, et quand son identité est découverte, la personne disparaît sans laisser de trace.

Accroches scénaristiques • Les ambitions d’Anka s’étendent au-delà de ses prérogatives. Il tente d’utiliser le Pakaykuq pour renverser l’Impératrice et s’emparer du trône. Les Héros sauront-ils dévoiler le complot et empêcher la résistance de l’aider ? • Anka dispose d’informations accablantes sur l’Impératrice, et il est prêt à les revendre. Les Héros achèteront-ils ces renseignements ou préféreront-ils les subtiliser ?

ANKA, CHEF DES CHASKIS « Quand plus d’une personne a connaissance d’un secret, ça n’en est plus un. »

PUISSANCE

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INFLUENCE

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MALFAISANCE

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Intiawki, meneur de la résistance Intiawki est né dans le Pakaykuq. Il n’a jamais rien connu d’autre de son existence. Ses parents sont morts quand il était jeune, il est devenu un orphelin en quête de sa place dans le monde. Là où les autres enfants jouaient, courraient et riaient, lui restait sérieux. Il jouait avec les armes du Pakaykuq, et ses batailles étaient constituées de vrais affrontements contre les troupes impériales. Au quotidien, il voyait les gens qu’il aimait mourir les uns après les autres. Certains s’en sont inquiétés, d’autres ont même essayé de changer son éducation. Le problème est qu’ils étaient peu nombreux, et aucun n’avait les moyens de s’occuper de lui. Aussi continua-t-il de se battre et de ne rien apprendre d’autre que les us et coutumes du Pakaykuq. Les meneurs mourraient, Intiawki grandissait. Il finit par devenir un élément essentiel du mouvement, jusqu’à ce que sa voix soit la plus puissante lors des réunions, et que ses mots deviennent les plus sages quand il s’agissait de parler de guerre. Comme de nombreux chefs avant lui, Intiawki est mort en combattant pour la seule cause qu’il n’ait jamais connue dans sa vie. Cela aurait marqué la fin de son existence si les prêtres de Supay ne l’avaient pas ramené d’entre les morts. Ils voyaient en lui un puissant allié contre les pakaykuqs, à condition, bien sûr, de réussir à le retourner contre les siens. Après avoir passé les portes de l’outre-Monde, Intiawki rencontra Supay qui lui fit une offre. Pour la première fois, quelqu’un lui donnait le choix. Pour la première fois, on se souciait de ce qu’il voulait. En échange d’un minimum d’obéissance, Supay lui offrait de riches savoirs et la vie éternelle et intense qui succède à la mort. Sans hésiter une seconde, Intiawki accepta. Quand il revint dans le monde des vivants, Intiawki y vit un miracle annonçant la fin de ses ennemis. Pas l’Impératrice et ses sujets, non, plutôt les pakaykuqs.

INTIAWKI, MENEUR DE LA RÉSISTANCE « J’ai eu tort pendant si longtemps. C’est bon de savoir que j’avais finalement raison. »

PUISSANCE

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INFLUENCE

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MALFAISANCE

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Accroches scénaristiques • Intiawki continue de mener le Pakaykuq, dont les membres sont persuadés qu’il est l’élu du dieu du soleil, choisi pour les guider vers la victoire. Avant qu’il ne soit trop tard, les Héros sauront-ils convaincre les pakaykuqs qu’il travaille pour l’ennemi ? • Supay a fait une offre à Intiawki, mais elle n’est pas éternelle. Une fois qu’il aura accompli sa part du marché, Intiawki sera à nouveau libre. Les Héros l’aideront-ils à honorer sa dette, pour qu'il puisse ensuite éventuellement rejoindre le Pakaykuq contre l’Impératrice ?

Cornélie Blanchet

Cornélie a été abandonnée alors qu’elle était encore une enfant. Laissée seule dans les rues de Montaigne, elle a dû apprendre à survivre. Par son courage et sa détermination, elle s’est fait un nom sans en avoir aucun. Elle a volé des habits de nobles, a rejoint la cour et avant que quiconque puisse réagir, s’est fait appeler madame Fournier. Au bout d’un moment, cependant, le vent tourna et elle devint veuve. Quel malheur ! Son deuil fut toutefois de courte durée : elle devint très vite madame Blanchet et embarqua aussitôt pour le Nouveau monde avec son riche époux. Le décès prématuré de monsieur Blanchet—et du reste de son expédition—fut une nouvelle épreuve pour Cornélie. Aussi fit-elle ce qu’elle avait fait depuis qu’elle était orpheline : observer et étudier. Elle vit de quelle la façon les dieux aztlans réduisaient les siens à l’état de statues de pierre, de cendres ou pire. Elle joua donc les innocents témoins et attendit son heure. Quand elle comprit que ni les Nahuacans ni les Tzak K’aniens n’allaient céder à ses charmes, elle mit les voiles vers le sud. Elle tomba alors sur un peuple dirigé par les morts. Cornélie était prête à mourir pour obtenir leur pouvoir. Elle se fraya donc un chemin dans la cour d’Asiri, mais cette dernière avait d’autres plans pour elle : l’Impératrice était prête à accepter la vie de la Montaginoise, mais elle ne deviendrait jamais une Vénérable, sauf à prouver sa dévotion à Supay. Asiri voulait tout savoir sur la Théah et ses habitants, et elle était plus que prête à y mettre le prix, offrant richesses et titres de noblesse. Éternelle survivante, Cornélie rejoignit la cour de l’Impératrice. Désormais, elle lui apprend tout ce qu’elle désire, et nul ne sait mieux que Cornélie distinguer les faiblesses de son prochain.

Accroches scénaristiques • Simple poupée théane de l’ Impératrice, Cornélie n’ est pas heureuse. Elle cherche donc à saper le pouvoir d’ Asiri en revendant les secrets de l’ Empire à la Théah. Les Héros sauront-ils l’ empêcher d’ attirer les armées théanes sur les rivages kuraques ? • Cornélie souhaite prouver sa valeur à l’ Impératrice en détruisant le Pakaykuq. Elle a persuadé un groupe de commerçants théans de l’ aider à les infiltrer. Les Héros sauront-ils démasquer les espions et sauver la résistance ?

CORNÉLIE BLANCHET « La loyauté est un concept piégeux. Je suis loyale envers moi-même, cela ne vous suffit pas ? »

PUISSANCE

4

INFLUENCE

5

MALFAISANCE

9

Chapitre 5

Aventures dans le Nouveau Monde

CONCEPTION D'UN HÉROS AZTLAN L’Aztlan est très éloignée de la Théah, c’est pourquoi elle possède un contexte historique riche de récits, d’intrigues et d’aventures qui lui sont propres. Vous pouvez autant jouer un personnage originaire de ce territoire magnifique qu’un étranger venu de n’importe où ailleurs sur Terra. En Aztlan, les Héros sont ceux qui désirent bien agir, quels que soient les obstacles. Parfois, ce sont des Héros traditionnels—qui combattent des Scélérats ou aident ceux qui sont dans le besoin—mais il arrive également qu’ils soient d’un genre inhabituel, à l’instar de ceux qui cherchent à préserver l’ancien culte des dieux pour qu’il ne soit pas effacé de l’histoire.

Les Héros aztlans

Les raisons qui peuvent pousser un Aztlan à devenir un Héros sont nombreuses et dépendent bien souvent de sa Nation d’origine. Il peut ainsi œuvrer pour une Aztlan unifiée par la diplomatie pacifique, vouloir détruire certaines cités-États tzak k’aniennes diaboliques et mettre fin à leurs terribles traditions, ou encore simplement libérer les siens d’un souverain Scélérat. Quoi qu’il en soit, ce Héros voit que quelque chose ne va pas dans son pays, et il s’est juré d’arranger les choses. Le Héros aztlan est fier d’être courageux et intelligent. Il refuse de laisser la peur dicter ses actes et même si sa Nation craint la guerre avec la Théah, il sait qu’il peut trouver des alliés fiables chez les Héros théans. Il veut

160 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

toujours aider ceux qui en ont besoin—ou ne peuvent s’en sortir seuls—et il traite les problèmes de ses amis comme s’il s’agissait des siens.

Les Théans en Aztlan

Les Théans interagissent avec les Aztlans depuis plus de quatre-vingt dix ans. Nombre d’entre eux se sont intégrés à diverses Nations, ce qui signifie qu’il existe énormément de nationalités différentes qui cohabitent dans le Nouveau monde. Les Héros théans peuvent être de nouveaux arrivants tout juste débarqués ou, au contraire, il peut s’agir de descendants de deuxième génération nés de couples de Théans qui se sont installés en Aztlan voilà des années, ou bien encore de métisses mi-Aztlan mi-Théan. Les origines de votre Héros déterminent ses intérêts personnels. Ceux qui sont nés en Aztlan ont les mêmes inquiétudes que les autres Héros de sa Nation, et ce même s’ils possèdent encore des liens avec leurs racines théanes. Les Théans récemment arrivés ont quant à eux d’autres raisons, tout aussi nombreuses, d’être sur place. Peut-être ont-ils fui un sombre passé et tentent de se construire une nouvelle vie dans l’Alliance nahuacane. Il est également possible qu’ils veuillent s’enrichir et devenir célèbre dans les jungles du Tzak K’an, qu’ils aient besoin d’un soutien politique au Kuraq ou qu’ils cherchent quelqu’un venu au Nouveau monde avant eux.

Conception d’un Héros aztlan

Ce chapitre contient ce dont vous avez besoin pour créer un Héros aztlan. Les règles sont identiques à celles du Livre de Base, le Nouveau monde élargissant simplement les choix au-delà de la Théah. Il existe des Historiques de base et des Historiques par Nation, comme dans le Livre de Base. Si vous voulez jouer un awqaylli du Kuraq, c’est donc possible. Ce chapitre inclut également des Avantages, Arcanes et Histoires inédits, ainsi que des nouveaux systèmes de Sorcellerie, Styles de Duels, Origines pour les Navires et Aventures, tous spécifiques au Nouveau monde. Vous pouvez bien entendu mélanger tout cela avec les éléments du Livre de Base, mais prenez garde aux restrictions. Votre MJ peut autoriser certaines exceptions—comme un alchimiste tzak k’anien par exemple—mais elles doivent rester rares. Oui, vos Héros sont exceptionnels, mais vous devez expliquer leurs particularités et ainsi ouvrir la voie à de futures histoires. Par exemple, vous pouvez jouer une Sorte Strega nahuacane si vous décidez que son grand-père nahuacan a épousé une Vodacci cinquante ans auparavant.

Étape 1 : les Caractéristiques

Chaque Héros possède cinq Caractéristiques qui définissent ses capacités naturelles. Il s’agit de : La Force, qui mesure la force et la puissance physique du Héros. La Finesse, qui indique sa coordination et son agilité. La Résolution, qui évalue sa volonté et son endurance. L’Astuce, qui donne une idée de sa rapidité d’esprit. Le Panache, qui représente son charme et son magnétisme. Un Héros commence avec un score de 2 dans toutes ses Caractéristiques. Vous disposez en plus de 2 points à distribuer dans la ou les Caractéristiques de votre choix.

Étape 2 : la Nation

Le choix de votre Nation affecte vos Caractéristiques et vous donne accès à des Historiques et des Avantages spécifiques. N’appliquez ces bonus qu’après avoir dépensé les points de l’étape 1. Bonus par Nation : NATION

BONUS

Alliance nahuacane 

+1 en Finesse ou +1 en Astuce

Kuraq

+1 en Force ou +1 en Résolution

Tzak K’an

+1 en Astuce ou +1 en Panache

Étape 3 : les Historiques

Peu d’Aztlans choisissent leur propre vie. Souvent, les parents décident de la carrière de leur enfant. Il en va probablement de même pour votre Héros. L’Historique représente ce qu’il a fait avant le début du jeu : a-t-il été formé à devenir prêtre ou guerrier ? Ses parents l’ont-ils envoyé suivre un séminaire pour devenir juge ? A-t-il été élevé dans le respect des Vénérables ? Est-il né dans l’opulence des nobles aztlans ? Ce n’est pas à cela que la vie de votre Héros a abouti, mais c’est ainsi qu’elle s’est engagée. Les Historiques représentent le passé de votre Héros : il était soldat, il était scribe, il était assassin. Cela l’influence sans doute encore, et même beaucoup, mais ce n’est pas forcément ce qu’il est devenu. Les Historiques apportent quelques éléments qui contribueront à rendre votre Héros unique. Restrictions : certains Historiques sont soumis à des conditions. Veillez à y satisfaire, car elles font partie de l’histoire de votre Héros. Coups d’éclat : les Historiques sont accompagnés d’un Coup d’éclat : un trait de personnalité courant chez les personnes du milieu concerné. Vous recevez un point d’Héroïsme si vous agissez en accord avec le Coup d’éclat de votre Historique. Attention : un Coup d’éclat donné ne peut vous rapporter qu’un seul point d’Héroïsme par partie. Avantages : les Historiques vous apportent des Avantages : des capacités que la plupart des Aztlans n’auront jamais. Si votre Historique vous octroie un Avantage, notez-le sur votre Feuille de Héros. Il est gratuit. Compétences : chaque Historique inclut une liste de Compétences que vous obtenez au Rang 1. Les Compétences sont des aptitudes précises correspondant à des tâches précises. Comme les Caractéristiques, les Compétences sont mesurées en Rangs, vous indiquant combien de dés elles vous confèrent. Une Compétence ne peut dépasser le Rang 5.

Deux Historiques Choisissez deux Historiques différents dans la liste ci-dessous. Vous recevez tous les Avantages de l’Historique. Si vous recevez un Avantage en double, choisissez-en un autre avec le même coût en points. Vous recevez 1 Rang dans toutes les Compétences liées à votre Historique. Si vous avez une ou plusieurs Compétences en double, ajoutez-y 1 Rang, pour un total de 2.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE

161

Historiques de base

Historiques de l’Alliance nahuacane

ATHLÈTE

CUĀUHTLI (CHEVALIER AIGLE)

Vous êtes connu à travers toute l’Aztlan pour vos talents au jeu de balle, à la lutte ou tout autre sport populaire.

Vous êtes l’un des meilleurs soldats de l’Alliance, et votre heaume en forme d’aigle vous distingue des autres.

Coup d’éclat

Coup d’éclat

Vous gagnez un point d'Héroïsme lorsque vous usez de votre célébrité ou réputation pour inspirer un autre personnage.

Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous vous occupez d’un problème qui ne vous concerne pas, simplement parce que c’est la bonne chose à faire.

Avantages

Compétences

Fanfaron Réflexes éclair

Athlétisme Bagarre Intimidation Représentation Tir

Avantages

Compétences

Débrouillard Objet fétiche Parure de plumes

Armes blanches Art militaire Athlétisme Empathie Persuasion

COMMERÇANT AGRÉÉ Vous êtes habilité à soutenir le commerce entre l’Aztlan et la Théah, ce qui vous permet d’envoyer vos cargaisons vers l’Ancien monde.

Coup d’éclat Vous gagnez un point d'Héroïsme lorsque vous utilisez votre réseau pour renforcer les liens entre votre Nation d’origine et une puissance étrangère.

Avantages

Compétences

Marié à l’Océan On se serre la pince ? Sens de l’orientation

Armes blanches Empathie Érudition Navigation Persuasion

OCĒLŌTL (GUERRIER JAGUAR) Vous parcourez la jungle nahuacane avec vos frères et sœurs d’armes pour combattre les ennemis de la Nation.

Coup d’éclat Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous faites en sorte de travailler en équipe pour résoudre un problème.

Avantages

Compétences

Académie de Duellistes (Icniuhitli) Traqueur fantôme

Armes blanches Art militaire Athlétisme Dissimulation Intimidation

IMMIGRANT THÉAN

POCHTECA (MARCHAND)

Vous avez été forcé de quitter la Théah et vous espérez reconstruire une nouvelle vie dans ce nouveau monde.

Vous voyagez à travers toute l’Aztlan afin d’établir des alliances et de fouiner dans les secrets de vos ennemis.

Coup d’éclat

Coup d’éclat

Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous essayez de résoudre un problème de la même façon que vous l’auriez fait dans votre pays natal et que cela vous attire des ennuis.

Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous sacrifiez ou sabotez un échange commercial pour obtenir un secret très utile.

Avantages

Compétences

Bagarreur de bar Fibre héroïque

Bagarre Empathie Navigation Persuasion Vigilance

Avantages

Compétences

Linguiste On se serre la pince ? Sens des affaires

Empathie Dissimulation Persuasion Subornation Vol

TEPANTLATO (AVOCAT) TRAFIQUANT DE RELIQUES Vous mettez la main sur des artefacts de manière plus ou moins légale afin de préserver la culture aztlane.

Coup d’éclat Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous obtenez une relique antique (d’Aztlan ou de Théah) par des moyens peu honnêtes.

Avantages

Compétences

Accointances interlopes Passe-partout Signes Secrets

Armes blanches Empathie Dissimulation Navigation Vol

162 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

On vous a demandé de défendre des accusés grâce à vos connaissances légales.

Coup d’éclat Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous persuadez vos alliés de résoudre un problème par le dialogue plutôt que par la violence.

Avantages

Compétences

C’était un malentendu Ensemble, nous vaincrons !

Empathie Érudition Dissimulation Persuasion Représentation

Historiques du Kuraq

Historiques du Tzak K’an

AWQAYLLI (SOLDAT DE SUPAY)

DEVIN

Vous êtes le bras armé de Supay, protégeant ses prêtres et détruisant ses ennemis, y compris les dieux.

On vous a chargé de guider votre peuple, mais tout pouvoir comporte des sacrifices.

Coup d’éclat

Coup d’éclat

Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous gagnez contre un ennemi plus puissant que vous.

Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque l’un de vos conseils attire des ennuis à quelqu’un.

Avantages

Compétences

Avantages

Compétences

Académie de Duellistes (Waglichina) Sorcellerie

Armes blanches Athlétisme Dissimulation Érudition Vigilance

Horloge vivante Sorcellerie Sorcellerie

Armes blanches Érudition Intimidation Persuasion Vigilance

CHURIKUNA (PRÊTRE DE SUPAY)

HOLKANOB (SOLDAT)

Vous êtes l’un des prêtres de la mort de Supay et savez faire appel au pouvoir des Vénérables pour accomplir sa volonté.

Vous êtes l’un des soldats du Tzak K’an, et vous vous dressez entre le peuple et les envahisseurs.

Coup d’éclat

Coup d’éclat

Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous suivez les ordres sans les contester.

Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque, dominé en nombre, en armement et en force, vous refusez de céder.

Avantages

Compétences

Avantages

Compétences

Sens de l’orientation Sorcellerie Sorcellerie

Art militaire Érudition Intimidation Persuasion Représentation

Débrouillard Dur à cuire

Armes blanches Athlétisme Dissimulation Tir Vigilance

PAKAYKUQ (RÉSISTANT)

JAGUAR-GAROU

Vous pensez que Supay n’est pas le dieu dont votre Nation a besoin et menez un combat secret en faveur d’une autre divinité.

La malédiction des jaguars-garous coule dans vos veines. Vous ne vivez que parce que cela reste un secret.

Coup d’éclat Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous prenez un gros risque pour vous opposer à une figure tyrannique.

Avantages

Compétences

Anciennes traditions1 Béni par les dieux

Athlétisme Dissimulation Équitation Subornation Vigilance

Coup d’éclat Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque votre héritage garou vous attire des ennuis.

Avantages

Compétences

Culture étrangère (Nahuacan) Dresseur Yeux de félin

Athlétisme Bagarre Dissimulation Érudition Vigilance

CHAMANE TOKOYRIQ (GARDE IMPÉRIAL) En tant que membre de la garde impériale, mais aussi de la police secrète, votre mission est de maintenir la paix dans le Kuraq.

Coup d’éclat Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous découvrez un secret et que cela vous attire des ennuis.

Avantages

Compétences

Imprévisible Pssst, par ici

Armes blanches Empathie Intimidation Tir Vigilance

Vous avez été banni du Tzak K’an à cause de vos pouvoirs, mais vous avez toujours à cœur de protéger votre Nation.

Coup d’éclat Vous gagnez un point d’Héroïsme lorsque vous refusez une aide surnaturelle.

Avantages

Compétences

Maître des tempêtes Sorcellerie

Athlétisme Bagarre Empathie Érudition Vigilance

1 : Voir L’Empire du Croissant page 159.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE

163

Étape 4 : les Compétences

EMPATHIE

Vous recevez 10 points que vous pouvez utiliser pour améliorer les Compétences apportées par vos Historiques ou en acquérir de nouvelles. Chaque point dépensé vous fait gagner un Rang dans une Compétence. À ce stade, vous ne pouvez pas dépasser le Rang 3 dans une Compétence. Si votre Héros atteint un certain Rang dans une Compétence, cela lui confère également les bonus cumulatifs suivants : • Au Rang 3, vous pouvez relancer un dé, n’importe lequel, lorsque vous prenez un Risque incluant cette Compétence. • Au Rang 4, au lieu de constituer 1 Mise par tranche de 10 comme à l’ordinaire, vous pouvez constituer 2 Mises par tranche de 15. • Au Rang 5, tous les dés qui donnent un 10 explosent : vous lancez un dé supplémentaire et vous l’ajoutez à votre total.

Empathie s’utilise pour jauger la sincérité d’autrui. Empathie permet aussi d’évaluer l’état d’esprit de quelqu’un : effrayé, nerveux, en colère…

ARMES BLANCHES

INTIMIDATION

Armes blanches s’utilise pour attaquer au moyen d’une arme, qu’il s’agisse d’une épée, d’une hache, d’un marteau ou d’un couteau. Armes blanches permet aussi d’évaluer la qualité d’une lame ou d’une arme.

Intimidation s’utilise pour forcer quelqu’un à vous obéir en le menaçant, que ce soit physiquement ou par d’autres moyens. Intimidation permet aussi de faire déguerpir vos ennemis avant qu’ils n’aient l’occasion de frapper.

ART MILITAIRE

NAVIGATION

Art militaire s’utilise pour mettre en œuvre votre expertise tactique, par exemple afin de faire une brèche dans les défenses d’un château. Art militaire permet également de diriger une armée au combat.

Navigation s’utilise pour circuler dans le gréement d’un bateau. Navigation permet aussi de manœuvrer un navire lors d’une bataille navale ou de traverser un canal étroit et périlleux.

ATHLÉTISME

PERSUASION

Athlétisme s’utilise pour traverser une pièce en se balançant à un lustre, bondir de toit en toit, esquiver des chutes de débris ou grimper au mât d’un navire.

Persuasion s’utilise pour faire appel aux bons sentiments d’autrui. Persuasion permet aussi d’assurer à votre interlocuteur que vous êtes complètement honnête avec lui et qu’il peut vous faire confiance.

ÉQUITATION

Équitation s’utilise dans le cas d’une poursuite échevelée en attelage. Équitation permet aussi de chevaucher au galop en pleine forêt. ÉRUDITION

Érudition s’utilise pour débattre avec enthousiasme de certains sujets que vous connaissez, d’expérience ou grâce à vos études. Érudition permet aussi de faire usage de vos connaissances pour répondre à des questions dans bien des domaines. Cette Compétence s’utilise enfin pour soigner des blessures en recourant à votre formation médicale.

BAGARRE

Bagarre s’utilise pour donner des coups de poing ou de pied à un adversaire, ou encore se saisir de quelqu’un pour le traîner dans une ruelle. DISSIMULATION

Dissimulation s’utilise pour se faufiler à travers une pièce obscure sans que les gardes en faction ne vous repèrent. Dissimulation permet aussi de cacher une arme ou un objet et d’éviter qu’on ne le découvre si l’on vous fouille. Vous pouvez également l’utiliser pour attaquer sournoisement une victime, avec une arme ou à mains nues. Dissimulation sert aussi à élaborer un déguisement ou à camoufler un lieu. 164 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

REPRÉSENTATION

Représentation s’utilise pour captiver un public grâce à vos talents d’artiste. Représentation permet aussi de transmettre un message particulier aux spectateurs, voire de susciter une émotion spécifique : les faire rire grâce à vos facéties, leur tirer des larmes en jouant un personnage tragique, les stimuler grâce à un discours galvanisant, etc. SUBORNATION

Subornation s’utilise pour soudoyer quelqu’un et le pousser à agir au mépris du bon sens. Subornation permet aussi de convaincre autrui de vous accorder « un moment d’intimité. »

TIR

Tir s’utilise pour pointer un pistolet sur quelqu’un et presser la détente. Tir permet aussi de projeter un poignard au milieu d’une pièce bondée avec une parfaite précision, qu’il s’agisse de toucher une personne ou un objet.

Lorsque vous utilisez votre Parure de plumes, vous pouvez à tout moment dépenser un point d’Héroïsme pour utiliser l’aptitude choisie. Un Héros peut acheter cet Avantage plusieurs fois pour le même objet. Chaque fois, il doit choisir une aptitude différente.

VIGILANCE

SANG MÊLÉ

Vigilance s’utilise pour examiner une scène de crime ou à fouiller le bureau d’un Scélérat en quête d’indices. Vigilance permet aussi de remarquer d’infimes détails au premier coup d’œil.

Vous avez un héritage métisse : vos parents sont issus de deux Nations différentes. Choisissez une Nation qui n’est pas la vôtre. Vous pouvez acheter les Avantages de cette Nation (à prix réduit le cas échéant) ainsi que choisir sa Sorcellerie si vous acquérez l’Avantage Sorcellerie (mais vous ne pouvez toujours apprendre qu’un seul type de magie).

VOL

Vol s’utilise pour faire les poches de quelqu’un sans qu’il s’en rende compte. Vol permet aussi de crocheter une serrure, de percer un coffre ou de vous livrer à d’autres activités louches de ce genre.

Étape 5 : les Avantages

Vos Historiques incluent des Avantages, mais vous pouvez en acquérir d’autres. Il s’agit des particularités qui font sortir votre Héros du lot. Vous disposez de 5 points à y consacrer. Les Avantages coûtent entre 1 et 5 points et leur coût peut varier selon la Nation d’origine de votre Héros. Certains Avantages comprennent des restrictions. Sauf mention contraire explicite, tout Avantage ne peut être acquis qu’une seule fois. Un Avantage marqué du symbole « Talent » ( ) requiert la dépense d’un point d’Héroïsme, mais pas d’une Mise, ce qui signifie qu’il ne coûte pas d’Action, même s’il s’active durant votre tour.

Avantages à 1 point

SIGNES SECRETS

Grâce à un bruit ou un geste qui semble a priori tout à fait normal, vous pouvez transmettre un message très court (comme « danger, » « à l’aide, » « fuis, » « cours ») à tous les alliés qui peuvent vous voir ou vous entendre. Le plus souvent, il s’agit de piaillements d’oiseaux, de cris d’animaux ou de gestes discrets.

Avantages à 2 points CONFIDENT

Vous devez posséder l’Avantage « Compagnon fidèle. » Choisissez un Historique de base pour votre Compagnon fidèle. Lorsque ce dernier prend un Risque utilisant une Compétence de cet Historique, lancez 2 dés supplémentaires. Il obtient de plus tous les Avantages de cet Historique (tout effet exigeant une dépense de point d’Héroïsme sera payé de votre poche). Votre Compagnon peut désormais recevoir 10 Blessures avant d’être Sans défense. Si cela survient, il aura certainement besoin que vous veniez à son secours.

PARURE DE PLUMES (NAHUACANS SEULEMENT)

Vous devez posséder l’Avantage « Objet fétiche. » Votre objet fétiche est fait de matériaux mystiques tels que des plumes bénies par les dieux ou une obsidienne enchantée. Lorsque vous acquérez cet Avantage, choisissez l’une des aptitudes suivantes : • Les Blessures que vous infligez ne peuvent être réduites en dessous de votre Caractéristique la plus élevée. • Évitez à un autre personnage un nombre de Blessures égal à votre Caractéristique la plus élevée. • Exercez une Contrainte sur autant de cibles que votre Caractéristique la plus élevée. • Ignorez un effet de Peur égal à votre Caractéristique la plus élevée.

ENFANT DES TEMPÊTES

Toute Mise dépensée pour surmonter une Conséquence créée par un Obstacle compte pour 2 Mises. ENTRAIDE (1 POUR UN NAHUACAN)

Lorsque vous dépensez une Mise pour créer une Opportunité, vous pouvez en dépenser une deuxième avec l’accord d’un autre Héros pour que ce dernier n’ait pas besoin d’investir une Mise pour profiter de l’Opportunité. FANFARON

Lors d’une Séquence d’Action, utilisez votre première Mise pour vanter de manière très imagée et inventive la façon dont vous allez vaincre votre adversaire. Par la suite, la première 7E MER : LE NOUVEAU MONDE

165

fois que vous lui infligerez des Blessures, il devra dépenser 2 Mises pour chaque Blessure qu’il souhaitera éviter. GLANEUR

Lorsque vous passez au moins une heure à fouiller un endroit, vous finissez par y trouver de quoi fabriquer des armes rudimentaires (lance de pierre ou de bois, silex aiguisé, flèches artisanales, etc.), des protections ou des outils de base (marteau, ciseaux, couteau à dépecer, etc.). Ces objets fonctionnent pendant une Scène (pas nécessairement celle où ils ont été créés). Si le MJ dépense un point de Danger, cet objet se casse.

CONTINUEZ SANS MOI… (1 POUR UN KURAQUE)

Dépensez toutes vos Mises, au moins une par autre Héros présent dans la Scène. Chacun d’eux quitte la Scène en vous laissant sur place. Vous ne pouvez pas vous échapper (pas même en utilisant la vertu Roublard), et ceux qui sont partis ne peuvent pas revenir. Tous les joueurs doivent être d’accord. Si un seul d’entre eux refuse, alors tous les Héros restent et vous perdez quand même vos Mises. DRESSEUR

ON SE SERRE LA PINCE ? (1 POUR UN TZAK K’ANIEN)

Vous pouvez dépenser une Mise durant votre Action pour empêcher un animal ou un Monstre d’attaquer. Il peut toujours entreprendre d’autres Actions (s’enfuir, se cacher, etc.), mais il ne pourra pas agresser les personnes présentes. L’effet prend fin—et ne peut plus être réactivé—si l’animal ou le Monstre reçoit une Blessure ou qu’il perçoit une action entreprise comme une agression. Cet Avantage ne fonctionne pas sur les créatures disposant d’une intelligence équivalente à celle d’un être humain.

Vous pouvez relancer jusqu’à 2 dés lorsque vous dépensez de la Richesse pour relancer un dé dans un Risque social.

FAIRE LE MORT

C’EST ÇA LE TALENT !

Lorsque vous prenez un Risque en utilisant une Compétence dans laquelle vous avez un Rang de 0 ou 1, dépensez un point d’Héroïsme pour recevoir 2 dés bonus au lieu d’un.

TRAQUEUR FANTÔME

Dépensez un point d’Héroïsme pour vous mouvoir en silence, disparaître dans les ténèbres ou toute autre action liée à votre affinité avec les ombres. YEUX DE FÉLIN

Vous savez faire appel à vos autres sens pour compenser la perte de vision. Dépensez un point d’Héroïsme : jusqu’à la fin de la Scène, vous voyez tout, peu importe l’état de la lumière ou la visibilité. Par exemple, si vos yeux sont bandés ou que vous êtes dans les ténèbres, vous pouvez agir comme si de rien n’était.

Avantages à 3 points BIENVENUE DANS LA JUNGLE

Dépensez un point d’Héroïsme lorsque vous traquez une proie dans un environnement naturel, comme une jungle ou une forêt. Les premières Blessures que vous infligez à votre cible provoquent une Blessure Dramatique. Cet Avantage n’est utilisable qu’une fois par Héros et par Scène, et ne fonctionne pas avec les armes à feu.

166 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

Lorsque vous êtes le seul Héros restant dans une Scène qui comprend un Scélérat—ou des Brutes envoyées par un Scélérat—vous pouvez choisir de passer Sans défense. Le Scélérat (ou ses Brutes) laissera alors échapper une information qui vous sera utile. En général, vous apprendrez quelques renseignements opportuns ou vous comprendrez les motivations et les projets de votre ennemi. Le Scélérat peut par exemple sourire d’un air suffisant alors qu’il vous croit inconscient et clamer à ses hommes que votre père avait la même tête avant qu’il ne le tue. Des gardes peuvent également dire qu’ils vont vous enfermer juste à côté de la cellule du baron, vous révélant ainsi que leur patron a emprisonné celui que vous recherchez. Le Scélérat ou ses Brutes pourront ensuite soit partir en vous laissant pour mort, soit vous faire prisonnier, soit entreprendre une autre action pendant que vous êtes Sans défense, mais ils ne pourront pas vous tuer. Au début de la Scène suivante, vous n’êtes plus Sans défense. IMPRÉVISIBLE

Lors de chaque Round, la première fois que vous Improvisez, vous n’avez pas besoin de dépenser de Mise supplémentaire. Cet avantage ne fonctionne qu’avec l’Improvisation. Toute autre augmentation de Mises s’applique normalement.

J’AURAI LE DERNIER MOT !

Si, pendant une Séquence Dramatique, vous n’avez aucune Mise, vous pouvez dépenser un point d’Héroïsme pour tenter une unique Action. On considère que vous n’ Improvisez pas. Vous pouvez dès lors effectuer toute action qui demanderait une (et une seule) Mise. Cet Avantage ne peut être utilisé qu’une fois par joueur et par session. TENTATIVE DÉSESPÉRÉE

Si, pendant une Séquence d’Action, vous n’avez aucune Mise, vous pouvez dépenser un point d’Héroïsme pour tenter une unique Action. On considère que vous n’ Improvisez pas. Vous pouvez dès lors effectuer toute action qui demanderait une (et une seule) Mise. Cet Avantage ne peut être utilisé qu’une fois par joueur et par session.

Avantages à 4 points BÉNI PAR LES DIEUX

Vous avez été marqué ou choisi par l’un des dieux d’Aztlan (Supay, Apocōālt ou Ītzzohualli par exemple). Lors d’un Risque, après avoir lancé les dés pour constituer vos Mises, vous pouvez dépenser un point d’Héroïsme pour en appeler à la faveur de votre dieu. Sélectionnez un chiffre : tout dé ayant obtenu ce résultat explose. Par exemple, si vous sélectionnez le 7, alors tous vos 7 explosent (en plus des autres dés, comme vos 10 si vous avez reçu 2 Blessures Dramatiques). Vous ne pouvez utilisez cet Avantage qu’une fois par Scène. DERNIÈRE BALLE

Si vous êtes armé d’un pistolet, d’une arbalète, d’un couteau de lancer ou de toute autre arme de tir et que vous n’avez aucune Mise durant une Séquence d’Action, dépensez un point d’Héroïsme et choisissez un autre personnage présent dans la Scène à qui vous infligez une Blessure Dramatique. Vous devez alors soit passer Sans défense, soit quitter la Scène sans possibilité de retour.

Avantages à 5 points CHASSEUR DIVIN (3 POUR UN KURAQUE)

Dépensez un point d’Héroïsme lorsque vous infligez des Blessures à un Scélérat ou un Monstre. Vous infligez des Blessures supplémentaires égales à la différence entre la Puissance de votre ennemi et votre Caractéristique la plus élevée. Par exemple, si votre plus haute Caractéristique est la Finesse à 3 et que vous attaquez un Scélérat de Puissance 10, vous infligerez 7 Blessures supplémentaires. ENSEMBLE, NOUS VAINCRONS ! (3 POUR UN NAHUACAN)

Lorsque vous dépensez un point d’Héroïsme pour ajouter trois d10 supplémentaires à la réserve d’un autre Héros avant un Risque, vous pouvez partager ces dés avec tout autre Héros allié qui peut vous voir ou vous entendre. Tout ceux qui reçoivent ces dés peuvent dépenser leurs points d’Héroïsme pour obtenir d’autres dés bonus, et peuvent également en recevoir d’autres de la part d’un autre Héros qui dépenserait à son tour un point d’Héroïsme pour les aider. Pour résumer : dans cette dépense de points d’Héroïsme, la limitation «  Un Héros ne peut être aidé que par un autre Héros à la fois » ne s’applique pas. MAÎTRE DES TEMPÊTES (3 POUR UN TZAK K’ANIEN)

Dépensez un point d’Héroïsme pour donner à un Obstacle présent dans la Scène l’Aspect Domination—et en devenir le maître—jusqu’à la fin du round. Si l’Obstacle avait déjà cet Aspect, vous en devenez le maître pour le Round, le précédent en perdant alors le bénéfice. Tant que vous dirigez cet Obstacle, vous pouvez dépenser une Mise chaque fois que l’Obstacle entreprend une Action afin qu’elle échoue (les Mises dépensées étant perdues). Vous ne pouvez activer cet Avantage qu’une fois par Héros et par Scène.

MENACE SILENCIEUSE

Dépensez un point d’Héroïsme pour vaincre immédiatement une Escouade de Brutes. Leur force n’importe pas tant qu’ils ne sont pas au courant de votre présence avant le début de l’attaque.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE

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Étape 6 : les Arcanes

Choisissez la Vertu et le Travers de votre Héros soit dans la liste ci-dessous, soit dans celle du Livre de base (page 156-158). Ils n’ont pas besoin d’appartenir à la même carte. Vous pouvez activer votre Vertu une fois par partie. Cela ne vous coûte rien, mais le faire est soumis à des circonstances particulières : rencontrer un personnage, voir un autre Héros subir des Blessures, etc. Vous pouvez activer votre Travers une fois par partie. Cette activation vous rapporte un point d’Héroïsme. Le MJ peut aussi offrir un point d’Héroïsme à un joueur pour activer le Travers de son Héros. Le joueur est libre de refuser. S’il accepte, il gagne le point d’Héroïsme au prix de la contrainte que lui impose son Travers.

La Montagne

Vertu : Résistant Activez votre Vertu lorsque vous recevez votre quatrième Blessure Dramatique. Pour le reste du Round, vous agissez normalement et n’êtes pas considéré Sans défense.

Travers : Insensible Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque votre personnage entend parler des problèmes d’un autre et ne fait rien pour l’aider.

La Rivière

Vertu : Flexible Activez votre Vertu lorsque vous subissez une Contrainte. Vous n’avez pas besoin de dépenser de Mise supplémentaire pour entreprendre une autre Action.

Travers : Désinvolte Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque vous allez à l’encontre d’un ordre donné par une autorité supérieure.

Le Grand cycle

Vertu : Vivant

Activez votre Vertu pour relancer n’importe quel nombre de dés lorsque vous prenez un Risque.

Travers : Mort Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque votre MJ dépense un point de Danger qui impacte votre personnage.

168 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

Le Scribe

Vertu : Instruit Activez votre Vertu pour affirmer quelque chose à propos d’un événement passé ou présent. Cette affirmation sera véridique.

Travers : Cancre Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque vous insistez pour utiliser une information qui n’est pas fiable et que les choses tournent mal.

L’Astronome

Vertu : Clairvoyant Activez votre Vertu après avoir posé une question à un autre personnage. Vous saurez s’il ment ou non.

Travers : Borné Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque vous refusez de porter crédit aux dires de quelqu’un d’autre et que cela vous attire des ennuis.

L’Explorateur

Vertu : Courageux Activez votre Vertu lorsque votre personnage est ciblé par un effet de Peur au moment où vous lancez les dés. Vos 10 explosent. S’ils explosent déjà suite à un autre effet, vos 9 explosent.

Travers : Impulsif Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque vous agissez sans vous informer au préalable et que cela vous attire des ennuis.

L’Étoile du matin

Vertu : Fascinant

Activez votre Vertu pour que toutes les Actions entreprises durant le Round contre vos alliés soient dirigées contre vous seul.

Travers : Prétentieux Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque vous refusez de participer à une action parce que vous estimez qu’elle est indigne de vous.

L’Étoile du soir

Vertu : Solide

Activez votre Vertu lorsque vous dépensez un point d’Héroïsme pour aider un allié. Ce Héros gagne deux dés additionnels.

Travers : Obstiné Vous recevez un point d’Héroïsme lorsque vous tapez du poing sur la table et que cela vous attire des ennuis.

Le Ceiba

Vertu : Fort Activez votre Vertu lorsque le MJ dépense un point de Danger. Celui-ci n’a pas d’effet, mais reste dépensé.

Travers : Prudent Recevez un point d’Héroïsme lorsque vous cachez des informations à vos alliés, mais que cela vous serait pourtant bénéfique de les leur révéler.

Étape 7 : les Histoires

Les Héros travaillent de concert à créer une histoire globale, mais chaque Héros a aussi sa propre Histoire à raconter, et le vôtre ne fait pas exception. Les Histoires sont à la fois ce que vous souhaitez accomplir et le chemin qui vous y mènera : la promesse faite à votre père sur son lit de mort, l’homme dont le faux témoignage vous a valu de longues années de prison, la belle que vous avez juré de reconquérir… Davantage d’informations sur les Histoires sont disponibles dans le Livre de Base (page 169).

Alliances Le Nouveau monde est construit sur un système complexe d’alliances politiques, sociales et économiques. Peut-être souhaitez-vous de nouveaux partenariats avec des étrangers ou des groupes indépendants, ou bien voulez-vous simplement convaincre un adversaire de s’allier à vous contre un ennemi commun. Peut-être voulez-vous juste étouffer une querelle entre deux dirigeants. Fins • Je me rends compte que ces « alliés » me feront plus de mal que de bien et je sabote l’accord pour lequel j’ai tant œuvré. • J’établis une vaste route commerciale (et deviens riche au passage). • Pour chaque alliance que je consolide, je me fais un ennemi.

Premières étapes • Des ennuis s’annoncent et impossible que mon village natal soit de taille à les affronter. Je pars pour trouver de l’aide. • Un embargo met mon activité commerciale en péril. Je trouve quelques clients qui sont intéressés par ce que je vends difficilement dans ma ville. • L’ami d’un ami pourrait m’aider à entrer dans une classe sociale plus élevée et améliorer mon propre rang.

Disparu Quelqu’un, ou quelque chose, a disparu. Rien n’ira bien jusqu’à ce qu’on le retrouve. Malheureusement, l’Aztlan est une terre gigantesque. Entre les jungles foisonnantes, les montagnes pleines de dangers et les cités labyrinthiques, il y a beaucoup trop d’endroits où chercher. Fins • Je retrouve le dieu de la pluie et sauve ma ville de la sécheresse. • Je retrouve le véritable héritier et détrône l’imposteur. • La relique familiale n’est pas magique mais maudite. Je la remets « entre de bonnes mains. » Premières étapes • Le dieu de la pluie a disparu. Les cultures ne poussent pas et ma ville est au bord de la famine. Un ancien me parle d’une piste qui mènerait à la divinité. • Le véritable héritier au trône est censé être mort et ma cité-État est dirigée par un fou ! Je trouve une preuve indiquant que l’héritier légitime est toujours vivant. • Mon grand-père m’a raconté que la vieille babiole que j’ai vendue pour presque rien est en fait un objet de famille magique.

Maudit Peut-être avez-vous vagabondé dans un temple interdit ou malencontreusement contrarié un dieu, toujours est-il que depuis, vous êtes maudit. Il existe toutes sortes de malédictions en Aztlan, mais c’est vous qui gérez la vôtre. Vous devez d’abord déterminer les effets de la malédiction, ses causes et enfin comment elle peut être levée.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE

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Fins • J’accomplis un rituel et la malédiction est levée. • Je me venge de celui qui m’a maudit. • J’utilise les pouvoirs de la malédiction et apprend à vivre avec.

Étape 8 : Touches finales

Premières étapes • J’entends parler d’un rituel qui pourrait conjurer la malédiction. • J’ai juré de traquer celui qui m’a maudit. • Nul ne sait rien sur la malédiction et je dois partir en quête de réponses.

Pour finir, remplissons ce qui reste sur la Feuille de Héros : les Langues, la Réputation, les Sociétés secrètes, la Richesse et les Blessures. La Réputation, la Richesse et les Blessures de votre Héros aztlan sont identiques à ceux d’un Théan et fonctionnent de la même façon. Pour plus d’informations, voir le Livre de Base (page 163). Votre Héros peut également rejoindre une Société secrète. Toutes les sociétés théanes vous sont accessibles, et ce supplément en présente trois nouvelles : les Gardiens de l’Aztlan, les Héritiers du Jaguar et le Pochteca.

Rites de passage

Les Gardiens de l’Aztlan

Que vous soyez scribe, scientifique, artiste ou astronome, vous n’avez pas encore fini votre formation. Votre mentor ou votre institution a besoin que vous prouviez votre valeur.

Une organisation qui vise à protéger le continent aztlan de toute agression extérieure, luttant pour empêcher l’éternel retour des Anciens dieux, mais divisés au sujet de l’arrivée des Théans.

Fins • Je fais la découverte du siècle ! Les gens parleront de moi pour des générations. • Je me rends compte que l’aventure est bien plus enrichissante que le métier que j’allais exercer. J’abandonne les études pour une nouvelle vie. • J’obtiens enfin le droit d’entrée de mon académie et mon travail est accueilli avec admiration et succès.

Les Héritiers du Jaguar

Premières étapes • Je distingue un manque important dans mon champ de recherche que je pourrais combler : trouver une cité perdue, une espèce disparue ou une technologie inédite. • Je proviens d’une longue lignée d’individus qui ont exercé la même profession, mais je n’y arrive pas. Je m’en vais pour que ma famille soit fière et un jour leur revenir, enfin capable de reprendre l’entreprise familiale. • Je suis apprenti artiste depuis des années, mais l’académie me rejette à cause de mon « style quelconque. » Mon vieux maître dit que je devrais voyager à la découverte du monde et de la vie en dehors de ma petite ville.

170 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

Un groupe de sorciers qui cherche à rassembler et maîtriser les savoirs mystiques du continent, tout en repoussant les sorciers Scélérats.

Le Pochteca Une faction de marchands qui a abandonné les privilèges de la richesse en échange du libre commerce. Il se sont mis à utiliser leurs ressources pour aider les pauvres d’Aztlan.

Sorcellerie Wayak’ Kan « Nous devons nous sacrifier comme les dieux l’ont fait. » Si, au Tzak K’an, beaucoup affirment disposer de dons mineurs, la vérité est que la vraie sorcellerie n’opère que lorsqu’un sacrifice volontaire est accompli. Cette puissante forme de magie de sang—connue sous le nom de Quête du Wayak’ Kan, ou « Serpent de vision »—a un coût élevé, tant physique que psychologique. Après tout, on ne sait jamais ce qui va surgir de la fumée... La Quête débute lorsque le sorcier (appelé ahez) se prépare à être physiquement blessé à l’aide de longues cordes incrustées d’échardes, d’épines de raie ou de lames d’obsidienne. Il se concentre alors sur son esprit et paye le prix exigé par les dieux. À ce moment, les contours de la réalité s’estompent. L’ahez aperçoit alors un autre Monde. Ses blessures saignent sur des feuilles séchées qui, une fois brûlées, produisent d’épaisses volutes d’une fumée dense et colorée. Il se retrouve alors face à un terrifiant serpent géant : le Wayak’ Kan. S’il est satisfait du sacrifice, sa tête tourbillonne, s’altère et se transforme en Ahpulul, l’incarnation des attentes de l’ahez.

Une fois qu’il a reçu ce qu’il était venu chercher, le sorcier n’a plus qu’à espérer que le Serpent des visions retourne de là où il est venu. La quasi totalité du temps, il redevient fumée mais, parfois, il arrive qu’il s’attarde. Dans ce cas, l’ahez devient un ahpul, celui qui porte les créatures qui ne sont pas de ce Monde.

Fonctionnement Lorsqu’un Héros acquiert l’Avantage Sorcellerie, il choisit les Ahpulul qu’il apprend à invoquer : deux Baxans (objets) et un Pixan (esprit). Chaque fois qu’il contracte l’Avantage Sorcellerie, l’ahez gagne deux Baxans et un Pixan supplémentaires. Dès que l’ahez souhaite solliciter l’aide de l’un de ses Ahpulul, il reçoit une Blessure qui ne peut pas être guérie tant que l’objet ou l’esprit n’est pas retourné dans son Monde. S’il le fait durant une Séquence d’Action, il paye des Mises pour atteindre la frontière entre les mondes et invoquer l’Ahpulul sur Terra.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE

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Ahpulul Tout ce qui est tiré des autres Mondes par un ahez est appelé un Ahpulul. Il en existe deux types : les Baxans (des objets, des armes ou des habits) et les Pixans (des créatures intelligentes dotées d’une âme, parmi lesquelles on peut occasionnellement trouver des armes ou des objets intelligents). Les Baxan invoqués restent avec le Héros pour le reste de la Scène avant de partir en fumée. Il n’y a pas de limite de nombre de Baxans invoqués dans une même Scène. Un Pixan disparaît quant à lui à la fin de la Scène, mais le joueur peut décider de le garder et, ainsi, devenir un ahpul. Le MJ et le joueur doivent dès lors convenir de ce que le Pixan souhaite accomplir dans ce Monde de manière à déterminer quand il repartira. Hormis le fait d’avoir un Pixan à son service, le fait de devenir un ahpul a plusieurs avantages. Tout d’abord, la Blessure infligée lors de l’invocation est guérie car le sorcier ne fait plus qu’un avec la créature. Ensuite, il s’agit d’une source de respect et de crainte dans la culture du Tzak K’an : quand il a affaire à un Tzak K’anien, l’ahpul est considéré comme ayant un Rang de plus en Intimidation et un de moins en Subornation. Enfin, le sorcier peut nettoyer les âmes  : dès qu’il aide un autre Héros à terminer une Histoire de Rédemption, ce dernier perd un point de Corruption supplémentaire. Il existe trois façons de perdre son Pixan. La principale est lorsque ce dernier a accompli ce qu’il souhaitait faire sur Terra. À cela s’ajoute le fait que si l’ahpul tente d’en invoquer un deuxième, le premier disparaît ; les dieux n’offrent qu’un pouvoir limité à une seule et même personne. Enfin, si un Héros gagne des points de Corruption, le Pixan s’évanouit aussitôt ; seuls ceux qui ont le cœur pur peuvent devenir ahpul.

Baxans Les Baxans sont des objets qu’un ahez peut invoquer pour les utiliser. Ils disparaissent toujours dans un nuage de fumée à la fin de la Scène. Un Baxan peut être utilisé plusieurs fois dans une même Scène, tant que l’ahez continue de payer des points d’Héroïsme pour le garder actif. Les Boucles d’oreilles de Kinich Ahau On disait de Kinich Ahau qu’il illuminait les pièces, qu’il réconfortait les malades et qu’il pouvait interrompre les combats. Ses pouvoirs étaient tels qu’un chef de guerre

172 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

local, Ekchuah, se mit à le craindre. Il le fit donc enlever et le sacrifia aux dieux. Ces derniers, comprenant que Kinich Ahau serait toujours craint par les hommes mauvais, l’élevèrent au rang de divinité, lui donnant le contrôle de la brillance du soleil afin qu’il puisse effacer toute pénombre là où il portait le regard. Lorsqu’un Héros porte les Boucles d’oreilles de Kinich Ahau, il peut dépenser un point d’Héroïsme pour illuminer une pièce, écarter une ombre et infliger 1 Blessure Dramatique à quiconque possédant des points de Corruption. Le Bouclier-autel de Buluc Buluc était une guerrière célèbre non pour avoir défait tous ses ennemis et conquis leurs terres, mais protégé son peuple et assuré à ses soldats la victoire. La légende raconte qu’avant les combats, elle déposait son bouclier au sol et y pratiquait des sacrifices pour les dieux. Le sang et les cendres de ses offrandes tâchaient le bouclier et protégeaient son peuple. Lorsqu’il porte le Bouclier-autel de Buluc, le Héros peut dépenser un point d’Héroïsme pour détourner vers lui n’importe quelle attaque dirigée vers un autre personnage. Toute Blessure infligée est réduite d’un point. La Coiffe de Naum Quand les dieux ont créé les humains, ils ne réfléchissaient pas, ne survivant que grâce à leur instinct. À cette époque, certains dieux ont décidé de leur faire don de la pensée et de l’esprit. Ils ont alors fabriqué une superbe coiffe et l’ont confiée à une femme, Naum. Après l’avoir placée sur sa tête, Naum sourit et remercia les dieux de leur présent. Lorsqu’il porte la Coiffe de Naum, le Héros peut dépenser un point d’Héroïsme pour ne pas avoir à payer de Mise supplémentaire lorsqu’il Improvise ou pour annuler le malus lié au fait qu’il soit Inapte, et ce jusqu’à la fin de la Scène. Le Collier de Cit’Tum De son vivant, Cit’ Tum était un homme de sciences renommé qui guérissait les malades et soignait les blessés par centaines. Sur son lit de mort, il aurait murmuré : « J’ai sauvé bien des vies, soigné bien des blessures, guéri bien des malades, mais je n’ai rien empêché. J’aurais préféré endurer la douleur moi-même au lieu de les laisser souffrir. »

Lorsqu’il porte le Collier de Cit’ Tum, le Héros peut dépenser un point d’Héroïsme pour rediriger vers lui toutes les Blessures infligées à un autre Héros. Le Couteau sanglant de Vatanchu Dans le folklore Tzak K’anien, Vatanchu fut le premier à prendre la vie d’un innocent. Dans certains récits, il s’agit d’un sacrifice imposé, dans d’autres, d’un meurtre. La raison de cette mort change d’une version à l’autre, tout comme le genre de Vatanchu et de sa victime. Il s’agit en fait de contes moraux destinés à éduquer les plus jeunes sur le prix de chaque vie. Lorsqu’il dispose du Couteau sanglant de Vatanchu, l’ahez peut dépenser un point d’Héroïsme pour appliquer une Contrainte sur tous les participants de la Scène. Toute action violente coûte 2 Mises au lieu d’une. Les Dents d’obsidienne de Zipacna Quand Zipacna parle, de la suie et de la fumée s’échappent de sa bouche. Cela lui a donné la réputation d’être mauvais, mais on ne pourrait pas être plus loin de la vérité. Les rares qui le connaissent savent qu’il s’agit certainement du plus héroïque des dieux. Ainsi, quand Kisin voulut détruire l’humanité, Zipacna mordit dans sa lance pour sauver les humains. Lorsqu’il porte les Dents d’obsidienne de Zipacna, le Héros peut dépenser un point d’Héroïsme pour mordre n’importe quel objet—même magique—et le détruire. Il reçoit une Blessure Dramatique si l’objet est magique ou unique (comme par exemple s’il est fait en Dracheneisen, si c’est un artefact syrneth ou un Objet fétiche). Les Écailles de Tepeu Avant la naissance du peuple tzak k’anien, le dieu Tepeu tenta de créer une humanité à son image. Sa première création, les Vucub-Caquix, fut rapidement corrompu, démontrant qu’il ne pouvait pas créer l’humanité seul. Cela ne le découragea cependant pas, et avec l’aide des autres dieux, il parvient à créer notre Monde. Lorsque le Héros porte les Écailles de Tepeu, il peut dépenser un point d’Héroïsme pour relancer tous ses dés et conserver le nouveau résultat. La Lance d’Ah-Tabai On raconte qu’il n’y a pas d’animal sur terre, dans les airs ou dans l’eau qui soit à l’abri de la lance du grand chasseur Ah-Tabai. Parcourant la jungle durant des jours entiers en quête de sa proie, Ah-Tabai a provoqué sa chute

lorsqu’il décida de traquer le puissant Vucub-Caquix, un grand oiseau démoniaque. Sa prétention lui a coûté un bras, mais les dieux, prenant pitié, lui ont offert une lance pourvue d’un grand pouvoir. Lorsqu’il manipule la Lance d’Ah-Tabai, le Héros peut dépenser un point d’Héroïsme chaque fois qu’il inflige des Blessures pour en infliger un nombre supplémentaire équivalent à ses propres Blessures Dramatiques. Le Lance-soleil de Coyopa Durant toute sa vie, Coyopa fut la Tzak K’anienne la plus habile avec un lance-pierre. Elle pouvait lancer une pierre plus loin et plus fort que n’importe quel homme, et même que n’importe quel dieu. On raconte notamment qu’elle fut défiée par le dieu Kakmo. Ce dernier lui aurait dit que si elle parvenait à lancer une pierre dans le soleil, il lui accorderait la vie éternelle, mais que si elle échouait, alors elle serait condamnée à le servir pour toujours. Lorsqu’un Héros porte le Lance-soleil de Coyopa, il peut dépenser un point d’Héroïsme pour infliger un nombre de Blessures équivalent à son Rang en Tir, et ce, à n’importe qui dans la Scène. Le Pagne d’or de Xaman Le plus grand marchand qui ait jamais vécu s’appelait Xaman. L’histoire raconte qu’il était si riche que même son pagne était d’or et d’argent. On dit qu’il était si généreux que ses amis devenaient souvent aussi riches que lui. Charitable, bon et honorable, Xaman représentait ce que n’importe quel marchand devrait vouloir être. Lorsqu’il porte le Pagne d’or de Xaman, le Héros peut dépenser un point d’Héroïsme à la place d’un point de Richesse. Le Pati de Maximon Maximon était une marchande ambulante, docteur et sagefemme. Grâce à son excellente connaissance de la jungle, elle est devenue la Tzak K’anienne ayant le plus voyagé de l’histoire. Elle s’était fabriquée des sandales qui ne faisaient presque pas de bruit, s’était barbouillée d’huiles pour camoufler son odeur et avait coloré sa pati pour se fondre dans les feuilles et les arbres qui l’entouraient. Lorsqu’il porte la Pati de Maximon, le Héros peut dépenser un point d’Héroïsme pour devenir invisible, inodore et discret. Les effets durent jusqu’à la fin de la Scène ou jusqu’à ce que le Héros interagisse avec son environnement (pour ramasser un objet, attaquer un autre personnage ou parler).

7E MER : LE NOUVEAU MONDE

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La Première armure La première Tzak K’anienne à revêtir une armure se nommait Qaholom. Lasse de voir les guerriers quitter son village pour ne jamais revenir, elle se mit au travail pour créer les meilleures protections possibles. Avec plusieurs couches de coton, de tissu et de cuir, elle créa une armure matelassée protégeant son corps. Une fois son œuvre accomplie, elle la renforça à l’aide de sang pour se protéger des ennemis inhumains. Lorsqu’il porte la Première armure, le Héros peut dépenser un point d’Héroïsme pour empêcher toute Blessure provenant d’une même source ou attaque tant que celle-ci provoque une Blessure Dramatique. Le Héros ne peut activer cette armure qu’une fois par Round. Les Sandales des Bahlams Certaines communautés tzak k’aniennes préfèrent être tranquilles et feraient tout pour rester isolées. Les Bahlams—les dieux-jaguars—protégeaient ces gens. Guettant à l’orée des villages, haut dans les arbres, ils prévenaient les tribus de l’arrivée d’étrangers ou d’envahisseurs. Lorsqu’il porte les Sandales des Balhams, le Héros peut dépenser un point d’Héroïsme pour agir en premier dans n’importe quelle Scène. Il dépense ses Mises normalement, mais entreprend son Action avant toutes les autres. La Sarbacane d’Oxlahuntiku Les mythes disent que lorsqu’Oxlahuntiku vivait, aucune créature volante n’était à l’abri de sa sarbacane. Une fois, il parvint même à toucher le puissant Vucub-Caquix, le grand oiseau démoniaque qui avait coupé le bras d’AhTabai, rival et ami d’Oxlahuntiku. Lorsqu’il manipule la Sarbacane, le Héros peut dépenser un point d’Héroïsme pour infliger une Blessure Dramatique à n’importe quel Monstre qui n’aurait pas conscience de sa présence. Le Tatouage de Yaluk Les Tzak K’aniens voient en Yaluk un grand-père ratatiné. Les légendes racontent en effet que lorsque Yaluk, très vieux, se rendit au temple, son ascension vers le sommet dura deux cent soixante jours. Alors qu’il posait le pied sur la dernière marche, un éclair déchira le ciel bleu et brûla la peau de Yaluk en y laissant le plus magnifique des motifs. Lorsqu’il porte le Tatouage de Yaluk, le Héros peut dépenser un point d’Héroïsme pour gagner 2 dés bonus dans n’importe quel Risque qui lui demande d’être sage, préparé ou tenace.

174 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

Pixans Les Pixans sont des objets et des créatures d’importance que les ahez peuvent invoquer pour leur venir en aide. Ils sont conscients et peuvent persister au-delà de la Scène s’ils désirent accomplir quelque chose. Tant qu’un Héros porte ou est accompagné d’un Pixan, il peut utiliser ses pouvoirs en payant le ou les points d’Héroïsme nécessaires. Cependant, les Pixans ont toujours une arrièrepensée, ce qui fait que la vie est un petit peu plus difficile si le Héros choisit de devenir un ahpul. Les alux Généralement bons, les alux sont petits (ils arrivent aux genoux des Tzak K’aniens). Ils sont plus que ravis d’accomplir les corvées et autres tâches simples données par l’ahez tant que ce dernier les traite avec respect. Il est malpoli de les appeler alux ou de leur donner des ordres. L’ahez doit plutôt les traiter comme des amis et leur demander un service au lieu de leur lancer un ordre. Quand un alux suit un Héros, ce dernier peut dépenser un point d’Héroïsme pour que la créature accomplisse une mission simple. Ils ne sont pas capables—ou peutêtre juste pas désireux—d’accomplir des tâches difficiles ou de suivre des ordres compliqués. Après avoir reçu ses instructions, l’alux s’en va, ne revenant qu’une fois la mission accomplie. Tant qu’il est dans les parages, l’alux doit être traité avec la plus grande courtoisie car s’il est énervé, il accomplira des missions pour l’ennemi du Héros, le plus souvent en secret. Le Bâton de guerre d’Holcan Holcan était un combattant si doué que son nom est devenu synonyme du mot « guerrier. » Après son décès, il traversa les eaux des morts pour conquérir des terres incroyables et parvint à ne faire plus qu’un avec son bâton. Désormais, l’ahez peut l’invoquer en cas de grand besoin ou de conflit, et donc recevoir l’insigne honneur de manipuler ce Bâton de guerre au cours des batailles. Lorsqu’il possède le Bâton de guerre d’Holcan, le Héros peut dépenser un point d’Héroïsme pour utiliser n’importe quelle Manœuvre (hors Styles de Duel) au cours de la Scène. S’il peut déjà effectuer des Manœuvres, alors son Rang en Armes blanches sera supérieur d’un point au cours de la Manœuvre en question (augmentant par exemple les Blessures infligées par la Manœuvre Taillade). Quand un Héros porte le Bâton de guerre, il ne peut pas se soigner ni réduire les Blessures reçues.

Les camazotz Les camazotz sont des créatures massives de l’outreMonde, pareilles à d’immenses chauves-souris squelettiques. Il s’agit d’esprits malveillants qui, dit-on, boiraient volontiers le sang humain (celui des sacrifiés, mais surtout celui des vaincus). Seul un ahez désespéré qui n’a cure des souffrances qu’il va infliger à l’ennemi ose invoquer un camazotz. Après l’invocation et jusqu’à son départ, la créature va hanter ou chasser l’ahez et tous ceux qui se trouvent autour de lui. Lorsque quelqu’un reçoit une Blessure (ou plus) la créature tournoie autour et lui délivre une Blessure additionnelle. Le Héros peut dépenser un point d’Héroïsme pour protéger tout le monde durant un Round. Le Codex Itzam Itzam fut le premier Tzak K’anien, né sans genre ni préférence sexuelle. Il apprit aux tribus d’Aztlan à faire pousser des cultures, construire des maisons et enfanter une descendance. Quand il décida finalement de quitter ce monde, il se transforma en codex traitant de l’histoire des tribus. Fait de connaissances tant basiques que complexes, le livre comporte nombre de sages paraboles. Un ahez rusé peut ainsi faire venir le Codex issu de la grande bibliothèque mortuaire d’ Itzam afin de l’aider à résoudre les conflits entre tribus, négocier de nouveaux accords ou mieux comprendre le monde. Lorsqu’il invoque le Codex, un Héros doit spécifier un sujet en particulier. Tant qu’il a le livre sur lui, l’ahez peut dépenser un point d’Héroïsme pour recevoir 2 dés bonus lors de tout Risque concernant le sujet choisi. Le Héros peut entreprendre cette action plusieurs fois, gagnant 2 dés bonus par point d’Héroïsme dépensé. Cependant, le Brio ne s’applique pas pour les actions liées au sujet du Codex, et cela même quand il n’y a pas de point d’Héroïsme dépensé pour profiter de ses avantages.

Les sisemités Ces humanoïdes hirsutes ressemblent plus à des gros singes qu’à des Tzak K’aniens. Ils ne parlent pas, ne poussant que des cris ou des hurlements (en fonction de leur humeur). Toutefois, leur nature peu bavarde ne devrait pas aveugler l’ahez qui sait qu’il s’agit de créatures aux pouvoirs prophétiques puissants, capables d’accorder des visions du futur. On notera que les sisemités tendent à être sexistes et préfèrent avoir affaire à des ahez femmes. Tant que le sisemité suit le Héros, celui-ci peut dépenser un point d’Héroïsme pour que la créature lui accorde une vision. Celle-ci montre toujours une réponse précise, bien que son décryptage ne soit pas toujours évident. Tant que le sisemité suit le Héros, il lui demandera d’accomplir des choses pour lui. Là encore, ces demandes sont faites par le biais des visions et peuvent aller de la simple faveur à la quête interminable. Le Héros peut donc se retrouver à donner un verre d’eau à la créature ou bien à voyager dans les forêts profondes d’Ussura (une terre qui se trouve littéralement à un monde de là), et ce afin de ramasser de la neige fraîchement tombée pour la faire fondre sur un feu et la lui servir à boire. Parfois, ces tâches sont impossibles à réaliser et les échecs font que la créature retourne à son monde d’origine. La Stèle de Votan L’héroïque Votan était une architecte qui réalisait des monuments si magnifiques pour les dieux-rois de l’Empire aztlan qu’ils la gratifièrent d’un libre arbitre après la mort. Ils lui confièrent une petite stèle parlante visant à persuader les Rameurs de toujours la conduire d’une rive éternelle à l’autre selon ses désirs. L’ahez peut invoquer la Stèle tant que Votan elle-même ne l’utilise pas en même temps, et ainsi s’assurer des voyages sans risques dans l’outre-Monde. Lorsqu’il la porte, il peut dépenser un point d’Héroïsme pour arriver à destination, évitant tout souci qu’il aurait pu avoir en chemin. Ces ennuis auraient pu être des contretemps (un arbre tombé bloquant la route) ou des problèmes mettant sa vie en danger (un vaste camp de bandits que les Héros n’auraient pas pu éviter autrement). Tant que le Héros a la Stèle, il voyage également avec la mort à ses côtés. À moins d’une action visant à le sauver, tout personnage devenu Sans défense meurt à la fin de la Scène.

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Wañuy Ñaqay

Jadis sorcellerie mineure utilisée pour communier avec les esprits des morts récents, le Wañuy Ñaqay (ou magie de la mort) s’est développé et transformé au fil des décennies, et ce depuis que l’Impératrice a pris le contrôle du Kuraq et que Supay a commencé à être vénéré comme le dieu unique de l’Empire. Depuis lors, les churikunas (descendants)—qui pratiquent cet art—et les Vénérables—qui sont à l’origine de leurs capacités magiques—n’ont cessé de gagner en puissance. Grâce à une relique prise sur le corps momifié d’un Vénérable, le churikuna obtient un incroyable pouvoir de contrôle sur la mort. Les prêtres de Supay commandent aux morts-vivants, communient avec leurs ancêtres et se nourrissent même des âmes qui les entourent (celles des morts comme des vivants). Les churikunas jouent toutefois avec le feu, car quand on commande à la mort et aux esprits chaque jour, il est aisé de devenir un Scélérat. Si les Héros churikunas existent, c’est parce que leur propre morale les empêche d’user des rituels les plus abominables du Wañuy Ñaqay, notamment ceux qui permettent de détruire une âme ou de se nourrir des vivants. Les churikunas se repèrent facilement : ils portent un masque qui ressemble à un crâne humain et, à mesure que leur pouvoir grandit, ils portent de plus en plus d’artefacts liés à leur Vénérable. Chaque artefact est fabriqué à partir d’un morceau du Vénérable, ce qui procure au churikuna tout son pouvoir (ce pourquoi il doit protéger ces objets à tout prix). A l’instar des prêtres de la mort, ces sorciers portent une robe noire et des chaînes d’or, ne se distinguant que grâce à leurs Reliques mortuaires, spécifiquement leur Masque. Les churikunas gardent farouchement les secrets de leur magie : le Wañuy Ñaqay est une sorcellerie qui s’apprend de zéro. Un churikuna sait tout ce qu’il doit savoir pour créer un Vénérable, mais également pour enseigner à d’autres comment fabriquer des Reliques mortuaires à partir du cadavre de ce dernier et ainsi utiliser le Wañuy Ñaqay. Les prêtres de la mort font donc très attention à ceux qu’ils choisissent pour intégrer à leur ordre. Si le peuple apprenait ce dont le Wañuy Ñaqay et les churikunas sont vraiment capables, ce serait un désastre pour la stabilité du Kuraq.

176 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

Fonctionnement Lorsque vous acquérez l’Avantage Sorcellerie, votre Héros gagne 1 Manifestation et 1 Nuance. Chaque fois que vous achetez un Avantage Sorcellerie en plus, vous gagnez à nouveau 1 Manifestation et 1 Nuance supplémentaires. En outre, à chaque achat, vous devez vous créer une nouvelle Relique mortuaire afin de disposer du pouvoir de votre Vénérable.

Reliques mortuaires La première fois que vous acquérez cette Sorcellerie, vous créez une Relique mortuaire qui comprend un bout d’os ou de peau appartenant au corps du Vénérable dont vous tirez votre pouvoir. La première Relique mortuaire est toujours un masque sculpté et peint pour ressembler à un crâne. Bien que rarement fabriqué à partir de la véritable tête du Vénérable, le masque incorpore toujours un petit bout de leur être. Peut-être est-ce une dent, qui n’est pas en bois comme les autres, ou un bout d’os qui semble plus authentique. Les autres Reliques sont construites sur le même principe, mais leur forme varie d’un churikuna à l’autre. Certains se fabriquent des amulettes, des anneaux, des brassards en os, des gantelets ou bien incorporent des morceaux de leur Vénérable à leurs armes. Plus le churikuna est puissant, plus le lien avec son ancêtre est fort et plus il porte de Reliques. Parfois, des escrocs affichent de fausses Reliques afin d’améliorer leur statut social ou exagérer leur puissance dans la pratique du Wañuy Ñaqay. Ce subterfuge dure rarement, les churikunas ayant vite fait de châtier les imposteurs. Si l’un de ces sorciers perd sa Relique—parce qu’elle a été volée, détruite, etc.—il doit la retrouver ou en fabriquer une nouvelle (ce qui les contraint donc à visiter leur Vénérable et à expliquer comment et pourquoi la précédente Relique a été perdue). Tout churikuna qui utilise une Manifestation ou active plusieurs Nuances sans porter toutes ses Reliques doit payer des points d’Héroïsme supplémentaires afin de pouvoir activer son pouvoir. Si un Héros a perdu l’une de ses Reliques, chaque Manifestation coûte 1 point d’Héroïsme supplémentaire le premier jour. Au lever de soleil suivant, 2 points de plus, etc. Cette pénalité est cumulative : si vous perdez deux Reliques, vous payez le double du coût supplémentaire lorsque vous activez une Manifestation ou des Nuances.

Ainsi, quand un Héros a perdu deux Reliques, chaque manifestation coûte 2 points d’Héroïsme supplémentaires le premier jour, 4 points le jour suivant, etc. Si un churikuna perd son Masque mortuaire, alors il ne peut plus activer aucune Manifestation tant qu’il ne l’a pas retrouvé. Une fois le Masque récupéré, il peut à nouveau activer ses Manifestations, tout en payant les pénalités des autres Reliques mortuaires perdues.

Manifestations et Nuances Quand un churikuna active une Manifestation, il dépense un point d’Héroïsme. Il chante dans une langue ancienne, fait des gestes sinueux et ses mains— ou ses yeux—brillent d’une étrange lueur verte ou violacée. Les effets visuels varient d’une Manifestation à l’autre et peuvent être décidés par le churikuna, mais la présence de la magie doit être évidente pour tout observateur extérieur. L’activation d’une Manifestation a un effet immédiat. En outre, le churikuna choisit une Nuance de son choix à appliquer. Il peut appliquer plusieurs Nuances à sa Manifestation en dépensant des points d’Héroïsme supplémentaires pour chaque Nuance additionnelle, mais il ne peut appliquer chaque Nuance qu’une seule fois. Par exemple, un churikuna peut dépenser un point d’Héroïsme pour activer la Manifestation Témoin avec la Nuance Subtil. S’il veut que son Témoin utilise aussi la Nuance Contact, il peut payer un point d’Héroïsme supplémentaire (ce qui signifie que son Témoin bénéficie de Subtil et Contact). S’il veut que son Témoin utilise Contact, Subtil et Écho, il dépensera deux points d’Héroïsme en plus, pour un total de 3. Il ne peut en revanche pas utiliser Écho plusieurs fois pour la même Manifestation.

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Manifestations À genoux Activez cette Manifestation lorsque vous prenez un Risque d’ Intimidation. Vous pouvez dépenser des Mises pour réduire la Puissance d’une Escouade de Brutes possédant la Propriété monstrueuse Mort-vivant, et ce même si vous n’en êtes pas capable en temps normal. De plus, quand vous dépensez une Mise pour réduire la Puissance d’une Escouade de Brutes—qu’importe qu’elle soit Mort-Vivante ou non—vous réduisez sa Puissance de 2 points au lieu d’un seul. Enfin, lorsque vous dépensez une Mise pour exercer une Contrainte sur un personnage mort-vivant ou pratiquant le Wañuy Ñaqay, l’effet de votre Contrainte est doublé (et il doit donc dépenser 2 Mises de plus—pour un total de 3—afin de contrer votre Contrainte). Cet effet dure jusqu’à la fin du Round. Lorsque cette Manifestation est active, votre Masque luit et chatoie de flammes fantomatiques, troublantes et effrayantes. Isolation Pour utiliser cette Manifestation durant une Séquence d’Action, vous devez dépenser une Mise ainsi que votre habituel point d’Héroïsme. Touchez une créature possédant la Propriété monstrueuse Mort-vivant. Celle-ci ne pourra pas bouger de l’endroit où elle est, soit jusqu’à ce que vous l’en libériez, soit jusqu’à la fin de la Scène. Une créature affectée par cette Manifestation ne peut infliger de Blessures qu’à un personnage qui se trouve à sa portée. Lorsque cette Manifestation est active, un éclair lumineux s’envole de votre main ou de vos yeux, et foudroie votre victime, l’enveloppant de chaînes fantomatiques tant que dure la Manifestation. Liaison Lorsque vous apprenez cette Manifestation, vous choisissez un Historique que vous ne possédez pas (de base ou spécifique). Cet Historique représente ce que votre Vénérable était de son vivant. Quand vous activez cette Manifestation, les souvenirs et les savoirs de votre ancêtre envahissent votre esprit. Vous gagnez 1 Rang dans chaque Compétence de cet Historique, et vous profitez du Coup d’éclat de celui-ci en plus des vôtres. L’effet dure tant que vous le gardez actif, ou jusqu’à la fin de la Scène.

178 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

Lorsque cette Manifestation est active, la forme de votre Vénérable apparaît en surimpression brillante sur votre corps, bougeant avec vous, mais légèrement en retard– comme une image résiduelle surnaturelle. Rappel Activez cette Manifestation lorsque vous touchez une créature récemment morte (moins d’une minute). Vous forcez son esprit à revenir dans son corps et la ramenez à la vie. Le personnage demeure Sans défense, mais il revit. Ramener une créature a un coût  : la Résolution du churikuna est réduite d’un point en permanence. Le seul moyen de regagner ce point est d’augmenter la Caractéristique grâce à une Histoire. Si la Résolution passe à 0, le sorcier meurt. Un personnage qui meurt ainsi ne peut pas être sauvé, peu importe comment, même par la magie (il se sacrifie pour sauver quelqu’un d’autre, et ce sacrifice ne peut être évité). Lorsque cette Manifestation est active, votre main est enveloppée d’une énergie surnaturelle et tout le monde peut vous voir saisir l’esprit pour le ramener de force. Sangsue Activez cette Manifestation et touchez une créature. Si celle-ci est vivante, vous devez dépenser une Mise. Vous aspirez une partie de son énergie vitale afin de nourrir la vôtre. Lorsque vous utilisez Sangsue sur un cadavre ou une créature mort-vivante, vous devez choisir l’un des effets suivants. Chaque effet additionnel coûte un point d’Héroïsme en plus, mais chaque effet ne peut être déclenché qu’une fois par corps et par activation. • Soigner une Blessure Dramatique. • Soigner toutes les Blessures du niveau actuel de votre Spirale de la Mort. • Augmenter une Caractéristique de votre choix d’un Rang et en réduire une autre d’autant. Cet effet perdure jusqu’à la fin de la Scène. Si vous activez les 3 effets de cette Manifestation sur un seul cadavre, toutes vos Blessures seront guéries dans la seconde, mais l’âme de la créature sera détruite et vous gagnerez 1 point de Corruption. La destruction d’une âme est toujours vue comme un Acte malfaisant.

ÉVEIL Si vous utilisez Sangsue sur une créature vivante, vous pouvez choisir parmi les effets suivants. • Soigner une Blessure Dramatique. Votre victime reçoit une Blessure Dramatique. • Soigner toutes les Blessures de votre niveau actuel de Spirale de la Mort. Votre victime reçoit la moitié du nombre des Blessures. • Augmenter une Caractéristique de votre choix d’un point. Votre victime voit la même Caractéristique réduire d’autant. Cet effet perdure jusqu’à la fin de la Scène. Si la créature n’est pas consentante, cela entraîne une Corruption immédiate. Si un personnage devient Sans défense suite à votre Manifestation, toutes vos Blessures guérissent immédiatement et votre victime meurt du même coup car vous consumez son âme. Votre Corruption augmente beaucoup plus que si vous aviez tué le personnage autrement (par exemple, si vous tuez de sang froid un innocent en dévorant son âme votre Corruption augmente de 2). Lorsque cette Manifestation est active, un fil de lumière s’échappe de votre victime et flotte vers vous. Certains churikunas choisissent d’absorber cette lumière à travers la paume de leur main, tandis que d’autres préfèreront l’inspirer par le nez ou l’avaler par la bouche. Table rase Activez cette Manifestation face à une Escouade de Brutes possédant la Propriété monstrueuse Mort-vivant. Leur Puissance est réduite à néant et les Brutes sont détruites. Vous pouvez détruire de multiples Escouades de cette façon, en dépensant un point d’Héroïsme par Escouade visée, mais vous ne pouvez activer cette Manifestation qu’une fois par Scène. Témoin Activez cette Manifestation lorsque vous touchez une créature morte, mort-vivante ou un churikuna. Jusqu’à la fin de la Scène, vous verrez et entendrez tout ce que le personnage voit et entend comme si vous étiez à sa place. Si vous utilisez cette Manifestation sur un cadavre, vous pourrez voir et entendre normalement (même si, bien entendu, le cadavre ne le peut pas). L’effet perdure jusqu’à la fin de la Scène, jusqu’au moment où vous choisissez de le désactiver ou bien

Certains churikunas utilisent leur sorcellerie afin de se protéger en cas de décès. Au prix d’une vie humaine, ils sont ainsi capables de propulser leur esprit hors de leur corps mourant et de l’introduire dans celui d’un membre de leur suite. Cela tue systématiquement la personne, mais cela permet au sorcier de vivre aussi longtemps qu’il le désire tant qu’il dispose de corps à posséder. Les Vénérables agissent ainsi pour posséder les membres de leur famille lorsqu’ils ont besoin d’un corps humain à habiter. Cette Manifestation ne peut être utilisée que par des Scélérats, et seulement quand un churikuna est tué. Activez cette Manifestation quand le Scélérat meurt. Son âme le quitte mais ne s’en va pas vers l’au-delà. Elle intègre le corps de quiconque porte la marque de Supay (le plus souvent un membre de sa suite, bien que parfois d’autres opportunités se présentent). S’il tente l’Éveil sur un Héros, il doit dépenser au moins un point de Danger. Si le Héros dépense autant de points d’Héroïsme que lui de points de Danger, la possession échoue et il doit sélectionner une autre cible. Celle-ci meurt aussitôt et son esprit est exclu pour lui laisser la place. Il revient à la vie dans un nouveau corps, ses capacités étant intactes. Tant que cette Manifestation dure, son esprit, brillant d’une lueur fantomatique, flotte hors de sa bouche vers sa cible, entrant par la bouche de son nouveau corps dès que son âme est assez proche.

s’achève instantanément si votre cible devient Sans défense ou est détruite (par exemple, si le cadavre est brûlé, éparpillé ou démembré). Lorsque cette Manifestation est active, vos yeux luisent d’une lueur d’outre-Monde, le plus souvent d’un vert ou d’un violet surnaturel. La cible Témoin n’a quant à elle pas conscience de la magie qui l’habite, et il n’y a pas d’effet visuel sur elle.

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Nuances Contact La Manifestation est appliquée à n’importe quel personnage ou créature valide qui se trouve autour de vous. Elle se termine immédiatement si votre contact visuel est rompu durant plus de quelques instants, et ce même si l’effet persiste. Dominant La cible ne peut pas être affectée par la magie—qu’elle résulte de Sorcellerie, d’artefacts syrneth ou autre—et ce, jusqu’à la fin de la Manifestation. Écho La Manifestation touche une créature, une Escouade ou un personnage de plus que normalement. Les effets sont les mêmes (par exemple, si vous choisissez d’appliquer Écho sur Sangsue, vous devez choisir les mêmes effets pour les deux victimes). Persistance L’effet de votre Manifestation perdure au-delà de l’imaginable. Si la Manifestation est instantanée (Table Rase par exemple), cette Nuance ne fonctionne pas. Si votre Manifestation s’arrête après un Round, elle persiste pour un Round de plus. Si elle s’arrête avec la Scène, elle persiste pour une autre Scène.

180 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

Prêt Vous donnez à un personnage l’une de vos Reliques mortuaires. Il peut activer la Manifestation une fois avant la fin de la Scène. Lorsque vous utilisez Prêt, vous devez payer immédiatement le coût de toute Nuance additionnelle choisie (et non quand l’autre personnage l’active). Tant que ce personnage possède votre Relique mortuaire, il peut être considéré comme mort-vivant pour n’importe quel effet (par exemple s’il est touché par la Manifestation d’un autre churikuna, s’il reçoit des Blessures d’une arme en Dracheneisen, ou s’il est influencé par les Onguents concoctés par un hexe). L’effet dure jusqu’à la fin de la Scène, ou jusqu’à ce que le personnage rende la Relique. Souvenez-vous que vous avez prêté cette Relique : par conséquent, toute autre Manifestation vous coûtera un point d’Héroïsme en plus. Rapide Si la Manifestation nécessite une Mise pour être activée, alors vous pouvez faire sans. Vous devez ensuite effectuer une Action avant d’activer une autre Manifestation. Subtil La Manifestation ne se voit et ne s’entend pas, mis à part pour un petit geste ou une brève lueur dans votre regard. Quiconque observe le churikuna sait qu’il a activé une Manifestation, mais ignore de quel type (à moins que l’effet soit immédiat). Quiconque ne voit pas directement le churikuna doit dépenser un point d’Héroïsme (ou de Danger, s’il est Scélérat) pour remarquer ce qui se trame.

Escrime, navigation et secrets Duels

Contrairement à ce qui existe en Théah, il y a peu d’Académies de Duel en Aztlan. Ici, les Duels ont toujours été des affaires privées. Pour faire étalage de sa prouesse et démontrer sa bravoure, sa férocité ou sa force, il y a la guerre. Les Duels sont légaux dans toutes les Nations d’Aztlan. Les maîtres des différents Styles enseignent aux élèves de leur choix, traversant parfois le continent pour aller entraîner de nouveaux combattants. Les Duellistes aztlans n’exercent leur métier que dans une seule aire : la guerre. Une fois formés par un maître, ils se trouvent des postes dans une armée, celle de leur pays la plupart du temps, mais quelques-uns—notamment ceux formés par des Duellistes venant d’une autre Nation— évoluent parfois en dehors des frontières de leur terre natale. Chaque Nation a un besoin continu de soldats pour remplir les champs de bataille. Devenu militaire, le Duelliste peut diriger des unités, servir comme champion ou s’allier avec d’autres Duellistes émérites pour écraser des unités ennemies moins entraînées. Chaque Nation aztlane dispose d’au moins une tradition martiale que leurs seigneurs de guerre et généraux suivent et respectent.

Un Duelliste qualifié n’a que peu d’autres opportunités professionnelles qui peuvent se présenter à lui au cours de sa carrière. Les Duels d’honneur sont rares, mais ils existent. Ces combats sont souvent officieux et peuvent se produire n’importe où, pour toutes sortes de raisons. Le plus souvent, ces affrontements s’avèrent violents et sanglants : en Aztlan, la majorité des Duels sont à mort, et même ceux qui ne s’achèvent pas avec un cadavre se terminent bien après le premier sang.

Les Duels après le contact avec les Théans Après leur arrivée en Aztlan et leur rencontre avec les natifs, les Duellistes théans ont pris conscience de l’écart extrême qui séparait les traditions des deux continents. Les Aztlans trouvaient l’idée d’une guilde des Duellistes étrange ; après tout, presque tous faisaient déjà partie d’une armée. Les Théans ont, quant à eux, trouvé l’absence de cadre et l’excès de sang versé comparable à ce qu’ils avaient connu avant la création de leur guilde. Aujourd’hui, il est rare qu’un Théan essaye de convaincre un natif du Nouveau monde de l’utilité d’une guilde de Duellistes, mais lorsque cela se produit, l’Aztlan éclate généralement de rire face à cette suggestion ridicule.

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Si les Duellistes de chaque continent souhaitent en apprendre un maximum sur les Styles de leurs homologues, les échanges restent rares en dehors des batailles. Chaque camp éprouve en effet de la rancune vis-à-vis de l’autre et essaye toujours de l’attaquer. Accueillir un Duelliste étranger dans son giron, c’est prendre le risque d’héberger chez soi un agent double. Peu à peu, pourtant, les combattants les moins xénophobes commencent à s’ouvrir aux Duellistes étrangers et à s’échanger leurs techniques. Elicia Zambrano, Duelliste castilliane de l’école Aldana, fut par exemple la première Théane à avoir été formée par un ocēlōtl. Depuis ce premier partage intercontinental, Théans et Aztlans se montrent un peu plus ouverts en dépit des nombreuses tensions. Il y a peu, un soldat castillian du nom de Manuel Maria del Rio s’est autoproclamé « Duelliste ambassadeur de la Théah en Aztlan.  » Ce titre est complètement officieux—il n’a pas l’approbation de la guilde—mais Manuel a passé la plus grande partie de son existence adulte à essayer de construire des liens entre les Duellistes des deux continents. Pour l’heure, la guilde des Duellistes n’a pas puni Manuel, et ce dernier a pris son silence pour un acquiescement. Maître spécialisé dans plusieurs Styles théans, Manuel a marché dans les pas d’Elicia Zambrano et s’est rendu à l’ennemi au cours d’une escarmouche contre une unité tzak k’anienne. Après avoir gagné la confiance de leur seigneur de guerre, il a commencé à entraîner les Aztlans en échange d’une formation à leurs propres Styles. Manuel a poursuivi cet échange avec les Tzak K’aniens, mais aussi avec l’Alliance nahuacane et le Kuraq. Il se considère désormais comme le plus grand expert théan en matière de cultures et de Styles de Duels aztlans.

Styles de Duels Hatz’ik

Le Style Hatz’ik est né dans la classe populaire tzak k’anienne, c’est pourquoi il utilise le bâton de combat, une arme que les fermiers et les ouvriers peuvent obtenir plus facilement qu’une lance. La légende raconte qu’à l’origine, ce Style leur a été enseigné par un voyageur venu des montagnes. Ce maître formait quiconque voulait apprendre, ne demandant rien en retour. Ces dernières années, la popularité du Hatz’ik a explosé. Le seigneur de guerre Iktan Cha’zah est actuellement l’un des généraux les plus doués, ce pourquoi son bâton de combat est si usé après des années de bataille. Entre les mains d’un Duelliste qui maîtrise le Style Hatz’ik, le bâton commence à virevolter et on sait qu’il n’arrêtera pas de tournoyer jusqu’à la fin de l’affrontement. Beaucoup d’instructeurs disent que la vitesse n’est pas importante, l’essentiel étant de ne jamais interrompre le mouvement. Toutefois, entre les mains d’un maître, les déplacements du bâton sont presque impossibles à suivre. Une fois qu’il bouge, le bâton crée une zone autour du Duelliste, ce qui lui permet de réagir au moindre mouvement—y compris la plus subtile des feintes—par un enchaînement de coups. Une fois l’ennemi épuisé, le Duelliste profite de l’élan de son bâton pour délivrer un dernier coup extrêmement puissant. Bonus de Style : la Spirale Hatz’ik Si vous avez un bâton de guerre entre les mains, vous pouvez utiliser une Manœuvre spéciale nommée Spirale Hatz’ik. Lorsque vous l’effectuez, tout personnage qui vous inflige des Blessures en reçoit également une en retour. Lorsque vous effectuez ensuite une Manœuvre de Taillade dans le même Round, vous infligez des Blessures supplémentaires équivalentes à votre Rang en Panache. Les effets de votre Spirale prennent alors fin. Vous ne pouvez exécuter la Spirale Hatz’ik qu’une fois par Round.

Icniuhtli L’Icniuhtli existe depuis des générations dans l’Alliance nahuacane. Ce Style est né—et a toujours été populaire—chez les ocēlōmeh, même si d’autres organisations militaires l’utilisent aussi. Ces Duellistes, protégés d’une armure légère et armés de lances, fondent dans les combats puis s’en retirent, créant des ouvertures pour d’autres unités qui s’y enfoncent à leur tour. Si ces combattants sont déjà dangereux en tant qu’individus, ils forment des groupes dévastateurs lorsqu’ils coopèrent.

182 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

L’ICNIUHTLI DANS LA THÉAH S’il n’y avait eu d’expéditions dans le Nouveau monde, l’Icniuhtli n’aurait jamais atteint les côtes de la Théah. Elicia Zambrano, maîtresse Duelliste accompagnant l’une des nombreuses expéditions théanes en terre étrangère, a observé les Aztlans combattre et, avec le temps, a appris à grandement respecter leurs techniques. Contre l’avis de ses compagnons, elle s’est livrée aux natifs après une escarmouche. Prisonnière, elle a gagné le respect de Tlaloc—l’un des meilleurs Duellistes nahuacans maîtrisant le Style Icniuhtli—puis l’a convaincu de la prendre pour élève. Après avoir vécu plusieurs années avec les Nahuacans et tout appris de leur Style, Elicia est retournée en Castille et a commencé à prendre elle aussi des élèves. Les écoles qui forment à l’Icniuhtli sont rares et refusent les entraînements individuels. Elles préfèrent accueillir des groupes qui s’entraînent ensemble, en une unité militaire homogène. Nombre des meilleurs escarmoucheurs théans ont été formés par l’une de ces académies.

N’importe quelle unité de Duellistes utilisant l’Icniuhtli peut donc causer des ravages dès lors que les attaques sont parfaitement coordonnées. Bien que de nombreux guerriers de l’Alliance nahuacane pratiquent l’Icniuhtli, il n’y a pas de guerrier plus doué que Tlaloc, un Duelliste originaire de Mīlllahco. Avec ses frères et sœurs, ils constituent l’unité la plus célèbre des ocēlōmeh. Certains disent que c’est leur lien familial qui les rend si dangereux, tandis que d’autres attribuent leur talent à un antique totem avec lequel ils entretiendraient un lien mystique. Quoi qu’il en soit, l’unité de Tlaloc est toujours appelée pour les missions les plus risquées et les plus vitales. Leur symbiose est si parfaite que même au cœur du combat, ses membres ne se parlent pas quand ils coordonnent leurs attaques. D’instinct, chacun sait où il a besoin d’être pour prendre l’avantage, grâce à une feinte ou une ouverture. Tlaloc n’a jamais connu la défaite, et ce, même quand son unité et lui étaient en sous-nombre. Bonus de Style : la Ruse du Jaguar Si vous maniez une lance avec une ou deux mains, vous pouvez utiliser une Manœuvre spéciale nommée Ruse du Jaguar. Lorsque vous effectuez la Ruse du Jaguar, vous infligez

une Blessure à votre adversaire. Si, dans le même Round, la cible est à nouveau blessée, elle reçoit une Blessure supplémentaire. De plus, vous pouvez aussitôt sélectionner un allié qui effectue immédiatement une Action (il vous appartient d’en dépenser les Mises). Si l’allié utilise l’Action que vous lui avez offerte pour blesser votre cible, celle-ci reçoit des Blessures additionnelles équivalentes à votre Rang en Astuce. Vous ne pouvez exécuter la Ruse du Jaguar qu’une fois par Round.

Quetzuo À l’origine, les guerriers Quetzuo étaient entraînés à chasser les sorciers, utilisant nombre de techniques pour que leur cible reste concentrée sur eux. Ces techniques ont plus tard été adoptées par les Tzak K’aniens pour la chasse et la guerre. Ces Duellistes ont un bouclier—le challi—dans une main et une arme—le plus souvent un bâton, un couteau ou une lance—dans l’autre. Le challi est rond, fait de bois et de cuir, et souvent décoré de plumes et de pierres précieuses (les décorations et autres ornementations étant la marque d’un rang ou d’un statut élevé). Il est fabriqué par le Duelliste durant sa formation. Pendant la formation, le maître prête son challi à l’apprenti, qui l’utilise jusqu’à la fin de son apprentissage. Il lui choisit également une yencotetl—une pierre qui peut aller du caillou le plus ordinaire à la précieuse turquoise—qu’il effrite peu à peu sur le challi en cours de fabrication chaque fois que l’apprenti a maîtrisé une leçon. Cela finit par former une mosaïque sur le bouclier. À la fin de la formation, la yencotetl est donc devenue une sculpture qui représente le chemin effectué par l’élève et les obstacles surmontés au cours de son éducation guerrière. Ces Duellistes sont donc très attachés à leur challi, et c’est toujours un grand honneur que de recevoir celui d’un maître car le prêt de bouclier est vu comme un signe important de respect et de confiance. Bonus de Style : le Challi railleur Si vous avez un bouclier dans une main et une arme dans l’autre, vous pouvez utiliser une Manœuvre spéciale nommée Challi railleur. Cela consiste à utiliser votre bouclier pour repousser et déséquilibrer votre cible, et ainsi lui faire perdre sa concentration. Lorsque vous effectuez le Challi railleur, vous infligez une Blessure à votre adversaire. Si, dans le même Round, celui-ci inflige des Blessures, elles sont réduites de votre Rang en Armes blanches. De plus, si votre cible choisit d’utiliser son Action suivante pour infliger des Blessures à un autre Héros, elle devra dépenser un nombre de Mises équivalent à votre Rang en Résolution.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE

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Tzolran

Waglichina

Tzolran est un Style de Duel très vif dont la stratégie repose sur la distraction et l’opportunité. À l’origine, il s’agissait d’un jeu pour les soldats qui s’ennuyaient  : utiliser tout ce qui se trouvait à portée de main pour distraire l’opposant, rester près du sol et aller d’avant en arrière sur le terrain afin d’induire l’adversaire en erreur. On y jouait avec un bâton, mais ceux qui combattent vraiment utilisent maintenant un couteau. Dans le jeu d’origine, les deux combattants commençaient dos à dos. Une fois la partie lancée, ils se baissaient rapidement et se retournaient pour se faire face, toujours très bas. Ils s’envoyaient de la terre, des feuilles et tout ce qui leur tombait sous la main. Ils allaient ensuite d’avant en arrière afin d’engendrer la confusion chez l’opposant et éviter ses attaques. Lorsqu’un combattant était touché, le round prenait fin et ils se remettaient dos à dos pour laisser la tension retomber. Le premier combattant qui délivrait trois coups à l’autre gagnait la partie. Xriisateh Tzolran fut le premier soldat à utiliser cette tactique sur un champ de bataille, c’est pourquoi elle a donné son nom à ce Style. Depuis lors, de nombreux soldats ont suivi l’exemple de la guerrière, et avec succès.

Le Style Waglichina a été créé et utilisé presque exclusivement par les awqayllis du Kuraq. À P’alqacamba, les prêtres de Supay ont en effet formé les soldats les plus talentueux pour qu’ils soient en mesure de tuer une cible en particulier : les dieux. Les awqayllis envoyés en Chasse divine doivent en effet s’assurer que les dieux restent à la merci de Supay et ses fidèles guerriers. En combat, les Duellistes maîtrisant le Style Waglichina font donc en sorte de garder les dieux— ainsi que leurs serviteurs mortels— en constant déséquilibre. Lorsqu’un dieu est jeté à terre, les autres awqayllis se ruent sur lui pour lui délivrer le coup de grâce. Bien qu’originellement enseigné aux seuls awqayllis, ce Style a franchi les frontières du Kuraq pour se répandre au reste de l’Aztlan, et même au-delà. Les premiers maîtres étrangers étaient le plus souvent des awqayllis désabusés qui avaient déserté leur poste. Désormais, les Duellistes nahuacans et tzak k’aniens forment leurs propres élèves au Style Waglichina. Dans le Kuraq, cependant, les tokoyriqs veillent pour repérer tout enseignant non officiel : enseigner ce Style en dehors des unités awqayllis est dangereux.

Bonus de Style : le Piège de poussière Si vous manipulez une arme courte d’une main—un couteau, un poignard, un petit bâton ou autre—et que votre autre main est libre, vous pouvez utiliser une Manœuvre spéciale nommée Piège de poussière. Lorsque vous effectuez le Piège de poussière, vous vous saisissez de sable ou de débris et les envoyez par surprise vers les yeux de votre adversaire. Quand ce personnage inflige ensuite des Blessures, réduisez-les d’un nombre équivalent à votre Rang en Finesse et créez une Opportunité qui s’activera la prochaine fois que votre cible reçoit une Blessure. En outre, cette Blessure est augmentée de deux points. Vous ne pouvez exécuter le Piège de poussière qu’une fois par Round.

184 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

Bonus de Style : la Ruée de Waglichina Si vous avez une arme lourde dans une main—comme un bâton ou une hache—et rien dans l’autre, vous pouvez utiliser une Manœuvre spéciale nommée la Ruée de Waglichina. Lorsque vous l’effectuez, vous infligez 1 Blessure à votre adversaire et vous le faites trébucher ou le déséquilibrez pour le faire tomber. Dès lors, vous exercez sur lui une Contrainte l’obligeant à demeurer cloué au sol. Tant que la cible ne surmonte pas la Contrainte et n’engage pas une Action différente, chaque fois qu'elle subit une Blessure, elle en reçoit une supplémentaire.

Nouvelles histoires du Navire

Un Navire a une Origine. Il s’agit de la Nation, région ou partie du monde depuis laquelle il a fait son voyage inaugural. Chaque peuple a sa propre idée quant à la conception du Navire idéal. Chaque Origine accorde un bonus particulier. Souvent, les circonstances dans lesquelles ledit bonus s’applique sont à dessein vagues et sujettes à interprétation. MJ, il vous revient de trancher quant à savoir si l’Origine ou l’Historique du Navire s’applique, mais nous vous recommandons d’être généreux. Cependant, si le bonus s’applique, un seul Héros à la fois peut en bénéficier.

Origines

Alliance nahuacane Les navires nahuacans sont presque tous utilisés par des marchands pour le commerce. Quand vous prenez un Risque lié au commerce—comme obtenir le meilleur accord possible ou utiliser vos marchandises pour tirer les vers du nez à un acheteur—vous gagnez 3 dés bonus.

Kuraq Peu de Kuraques étant capables de construire des navires, l’Impératrice a fait venir des ingénieurs étrangers afin de s’offrir une flotte dernier cri. Prétendument prévue pour le commerce, cette flotte comporte tant de bâtiments qu’elle constitue une menace. Quand il transporte moins que la Cargaison maximum autorisée, votre Navire a un bonus de 10 en Équipage.

Historiques de Navire Les Historiques confèrent des avantages à votre Navire, mais surtout, ils font partie de son histoire unique et épique. Chaque Historique nourrit le passif du Navire, accroît sa réputation, contribue à la fierté de l’Équipage et fait de votre vaisseau non plus « un banal bateau, » mais « un Navire. » Un Navire ne peut pas avoir plusieurs fois le même Historique. Par exemple, le Navire pourra posséder Fabrication étrangère, Seul survivant et Porte-bonheur, mais ne pourra pas posséder Porte-bonheur en deux exemplaires. Un Navire possède un Historique par Héros qui a acheté l’Avantage Marié à l’Océan (Livre de Base page 149).

Fabrication étrangère Comparé aux Théans, la plupart des Nations d’Aztlan sont novices en construction de Navires. Elles ont donc pris l’habitude d’engager des charpentiers de marine étrangers pour moderniser leurs flottes. Choisissez une autre Origine : votre Navire bénéficie à la fois de votre première Origine et de celle accordée par cet Historique.

Seul survivant Votre Navire était au port lorsqu’une autre Nation aztlane—ou toute autre puissance étrangère—a frappé. Votre Héros est le seul survivant de l’attaque. Sélectionnez la Nation attaquante : quand vous êtes en Bataille navale contre un Navire de cette Origine, vos Héros bénéficient de 2 dés bonus.

Aventures Les Aventures confèrent aux Héros des bonus et des capacités particulières la première fois qu’ils accomplissent une action spécifique liée à leur Navire au cours d’une partie. Une Aventure n’est pas forcément quelque chose de positif (se faire dévaliser par des pirates ou échouer sur une île déserte est rarement plaisant), mais c’est une expérience dont le Navire et son Équipage ressortent grandis. La première fois que vous, votre Navire et son Équipage accomplissez une Aventure en jeu, votre Navire acquiert un bonus ou une capacité qui y est lié. Cette Aventure doit avoir eu lieu en jeu, pas dans le passif des Héros, au cours d’une ellipse narrative ou en tant que composante de l’Historique de votre Navire. Il n’est pas possible d’obtenir plusieurs fois le même bonus lié à une Aventure. Rappelez-vous que de tels bonus s’ajoutent à tout ce que les Héros et le Navire ont pu gagner ou perdre au cours des événements qui ont concrétisé l’Aventure. La liste présentée ci-dessous n’est pas exhaustive, mais pourra servir de base au MJ afin qu’il conçoive ses propres Aventures ainsi que les récompenses qui les accompagnent.

Béni des dieux Accomplir une mission donnée par l’un des dieux d’Aztlan. Quand vous effectuez un jet de dés dans une Séquence qui se déroule à bord de votre Navire, le Héros peut dépenser un point d’Héroïsme pour que les 10 explosent.

Par-delà les océans Voyager d’Aztlan à la Théah (ou inversement), puis revenir à votre point de départ. Quand vous transportez des marchandises d’un continent à l’autre, vous pouvez transporter 1 Cargaison de plus.

Surclassé Défaire un Navire plus important en taille, ou qui a plus de canons ou d’Équipage. Chaque round, la première fois que votre Navire reçoit des Dégâts, réduisez-en le montant d’un point. 7E MER : LE NOUVEAU MONDE

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Sociétés secrètes d’Aztlan Les Gardiens de l’Aztlan

Les trois Nations d’Aztlan ont beau être très différentes sur le plan des traditions et des histoires, elles s’accordent tout de même sur une chose : la civilisation aztlane a été détruite maintes fois, et elle fut toujours reconstruite après coup. Le plus récent de ces cycles est connu des historiens sous le nom d’« Âge impérial. » Si nombre d’érudits et de prêtres ont leurs théories à ce sujet, la réalité est que personne ne possède de source fiable permettant de confirmer ou d’infirmer toutes ces hypothèses. Personne, à l’exception de la plus ancienne Société secrète du Nouveau monde : les Gardiens de l’Aztlan. Ces derniers possèdent en effet le seul document fiable qui évoque l’Âge impérial, celui du célèbre Empire aztlan. Leurs textes encryptés révèlent ainsi la véritable cause de la Chute : ce ne fut pas une destruction, mais un déplacement. La plupart des érudits ne s’accordent pas sur l’origine de la Chute. Là encore, de nombreuses théories existent, mais toutes sont on ne peut plus éloignées de la vérité. Les Gardiens de l’Aztlan savent en effet qu’à cette époque, les Aztlans étaient réduits en esclavage par les Anciens dieux. Les Syrnes parvinrent à asservir ces derniers et à utiliser leur puissance pour faire fonctionner ce que l’on connaît désormais sous le nom de « machines antiques. » Grâce à elles, ils transportèrent le continent dans une dimension parallèle—la Septième Mer—hors de portée de quiconque aurait voulu voyager jusqu’à eux. Le peuple les consacra alors dieux-rois de l’Aztlan. Le temps passant, les machines antiques cessèrent de fonctionner, ce qui fit revenir l’Aztlan sur Terra. On ne sait pas exactement pourquoi il y eut ces dysfonctionnements.

Certains Gardiens disent que ces machines n’étaient pas faites pour durer si longtemps, d’autres estiment que les Syrnes—et leur technologie—furent tout simplement détruits. Les Gardiens étaient déjà présents à l’époque. Ils voulurent stopper le processus pour protéger les Aztlans mais ils n’y parvinrent pas. Depuis lors—et d’autant plus depuis l’arrivée des Théans—ils ont juré de défendre le peuple aztlan contre toute menace extérieure. Grâce à leur savoir, ils peuvent affronter n’importe quelle situation dangereuse. L’Aztlan étant cerné d’ennemis, on a besoin d’eux maintenant plus que jamais. Malheureusement, les Gardiens n’ont jamais été aussi peu unis…

Les factions au sein des Gardiens de l’Aztlan L’heure est grave pour l’Aztlan mais les Gardiens ne savent pas quoi faire. Un premier groupe, dont les membres se sont autoproclamés Protecteurs, considère que la « menace théane » est trop importante. Étant donné que les explorateurs théans n’ont de cesse de venir chercher de l’or et du pouvoir, et qu’il y a parmi eux des conquérants prêts à abuser du peuple aztlan, ils estiment que la meilleure solution est d’utiliser à nouveau les machines antiques pour refaire bouger le continent. Il n’y a qu’ainsi qu’ils seront en sécurité. Les Progressistes, quand à eux, estiment que cette solution serait pire que le mal. Ils voient dans l’action des dieux—qui protègent le peuple—une preuve de la stabilité de la situation. Ils pensent donc que le meilleur moyen de vraiment protéger les Aztlans est de leur permettre de gérer la menace par eux-mêmes. Les deux factions étant en grand désaccord, aucune entente sur la marche à suivre ne semble possible pour l’instant.

Le grand ennemi Bien que l’arrivée des Théans soit la plus grande source d’inquiétude de la majorité des Gardiens de l’Aztlan, les plus anciens et respectés n’ont de cesse de rappeler aux défenseurs plus jeunes que l’ennemi principal ne vient pas de la mer, mais d’ailleurs. Du temps de l’Empire aztlan, la mission des Gardiens était de défendre le peuple contre la menace des Anciens dieux, immortels assoiffés de sang qui exigeaient des sacrifices afin d’apaiser leur colère. Les Syrnes se sont jadis occupés de ces êtres surpuissants, déplaçant l’Aztlan dans une

186 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

autre dimension en canalisant leurs pouvoirs. Au moment de la Chute, les Anciens dieux restèrent piégés dans la Septième Mer. Ils ne peuvent désormais plus influencer la destinée des Aztlans, mais ils attendent patiemment que les sacrifices faits en leur nom leur confèrent un pouvoir suffisant pour qu’ils puissent revenir sur Terra et à nouveau régner sur le Nouveau monde. Après la Chute, de nombreux Gardiens disparurent avec des documents datant de l’Âge impérial. D’aucuns craignent que les Anciens dieux n’aient corrompu ces déserteurs. En effet, grâce au savoir contenu dans ces textes et à leur connaissance de l’ancienne langue de l’Empire, ils auraient pu trouver un moyen de définitivement libérer le monde de ces divinités sanguinaires. La vérité est cependant bien pire que ce que les Gardiens imaginent, car ces dissidents sont en réalité devenus leurs pires ennemis : le Concile des Anciens dieux.

Les grades au sein des Gardiens de l’Aztlan Les Gardiens les plus gradés sont des individus dévoués à la cause de l’Aztlan plus qu’à toute autre. La plupart ont été initiés à un jeune âge, souvent orphelins ou enfants issus de familles désargentées. Les Gardiens les élèvent comme les leurs et leur transmettent d’importantes compétences. Ces Initiés restent souvent auprès d’un seul Maître durant leurs années de formation. Ils sont entraînés avec rigueur dans différentes spécialités, notamment : • L’apprentissage de la lecture et de l’écriture de l’ancien aztlan. • L’entraînement à toute forme de combat. • La compréhension et l’utilisation des technologies de l’Empire aztlan, notamment les machines antiques. Dès qu’il le sent prêt, chaque Maître présente son Initié au Conseil des Grands maîtres. Ces derniers le testent et lui offrent une promotion s’ils l’en jugent digne. Sinon, ils lui assignent un Grand maître pour achever son enseignement. Les Maîtres sont des membres indépendants qui peuvent servir les Gardiens comme bon leur semble. Ils travaillent le plus souvent avec leurs anciens instructeurs, qui s’avèrent également être leur seule famille.

Les Grands maîtres choisissent les meilleurs Maîtres pour rejoindre leurs rangs. Si le Maître accepte, il n’agit plus directement car son rôle est dorénavant de surveiller les activités liées à la technologie de l’Empire aztlan— notamment les machines antiques—et de soutenir l’effort des Maîtres dans leur lutte contre les Anciens dieux.

La Faveur au sein des Gardiens de l’Aztlan Les Gardiens s’inquiètent principalement de la défense des peuples d’Aztlan—peu importe leur Nation, leur religion ou leur statut social—contre les menaces extérieures. Depuis des temps immémoriaux, les Anciens dieux sont leurs plus grands ennemis, mais récemment, les Théans ont attiré leur attention. Bienfaiteurs silencieux, ils préfèrent accomplir leur tâche sans se faire remarquer. Un Héros membre des Gardiens de l’Aztlan peut acquérir de la Faveur des façons suivantes : • Fournir au Conseil des Grands maîtres une information relative à une menace extérieure vaut 3 de Faveur. Les Grands maîtres ont besoin de renseignements fiables de manière à pouvoir diriger les Gardiens de manière coordonnée. • Annihiler une menace extérieure vaut 6 de Faveur. La mission principale des Gardiens est de protéger les peuples aztlans de toute menace étrangère. Un Héros membre des Gardiens de l’Aztlan peut y faire appel pour obtenir de l’aide des façons suivantes : • Demander l’accès à un texte ou un artefact des âges anciens coûte 7 de Faveur. Ces objets sont non seulement vus comme des reliques, mais contiennent potentiellement des informations et technologies parmi les plus dangereuses de la Terra. Ainsi les Gardiens ne les confient-ils qu’aux membres les plus fidèles et expérimentés de leur Société. • Demander l’aide d’un Maître coûte 4 de Faveur. Les Maîtres sont de puissants individus qui disposent d’une vie d’expérience et d’entraînement. Ils ont une Puissance de 8, mais jamais l’Avantage Sorcellerie.

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Les Héritiers du Jaguar Le jaguar est omniprésent en Aztlan. Certains récits datant de l’Âge impérial racontent même que l’Empire aztlan fut fondé par une lignée de jaguars-garous. Jadis, les Nahuacans vénéraient Tahtli Ocēlōtl, un dieu dont le nom peut être traduit par « père jaguar » qui était vu comme un éminent sorcier et un grand change-forme. Les prêtres qui lui dédiaient leur vie étaient alors considérés comme des sages dont la puissance était sans pareille. De nos jours, les Tzak K’aniens estiment que les jaguars sont les symboles du voyage crépusculaire, quand l’astre diurne s’en retourne vers son séjour nocturne. Ils vénèrent une divinité jaguar dont les pouvoirs sont liés à la guerre et à l’outre-Monde. Ils voient en elle la puissance animale par excellence, ce dieu possédant une bravoure, une férocité et une prédominance incomparables dans la forêt. Même l’Empire kuraque porte les jaguars en haute estime. Ceux qui résident dans les forêts du sud ont un grand respect pour l’étoile du félin qui protège tous les jaguars, ours et pumas de la région. Ainsi cet animal a toujours été la figure la plus importante de la cosmologie aztlane, et les Héritiers du Jaguar sont considérés comme les descendants de cette longue tradition. Ce groupe de sorciers tente de rassembler le maximum d’informations à propos de la sorcellerie aztlane. Avec le temps, ils ont effectué des avancées inédites dans ce champ de recherche, c’est pourquoi ils encouragent désormais toute forme d’expérimentation magique et n’ont aucun souci à accepter—et même soutenir—ce qui est interdit par d’autres (par exemple la nécromancie). Pour eux, tant que le sorcier utilise son don pour aider les gens, notamment les moins favorisés, il faut l’aider. Les Héritiers accueillent des membres venus de toutes les Nations de l’Aztlan. Ils sont ouverts d’esprits, accueillants et ne discriminent aucun de leurs membres, peu importe son origine ou le champ de recherche choisi. La seule limite à ne pas franchir est de ne pas utiliser son don pour un objectif Scélérat. Quiconque s’y risque s’expose à l’ire des Héritiers qui, dans ce cas, enverront sans hésiter une Meute de jaguars-garous à la poursuite du contrevenant.

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Les grades au sein des Héritiers du Jaguar Pour rejoindre les Héritiers du Jaguar, il faut avoir utilisé ses pouvoirs pour faire le bien. L’origine de ce pouvoir importe peu puisque les Héritiers considèrent toute forme de sorcellerie comme un don des dieux. Cela explique pourquoi il s’agit de la seule Société secrète aztlane qui dispose d’une présence affirmée en Théah. Les Héritiers savent trouver les sorciers qui expriment leur envie de les rejoindre car ils ont des yeux et des oreilles partout. Le nouveau venu doit accomplir une tâche pour prouver sa valeur et démontrer l’ampleur de ses pouvoirs, ses ressources et sa détermination. Une fois le candidat testé, il entre chez les Héritiers du Jaguar et a accès aux ressources de la Société. Les membres les plus puissants des Héritiers forment un Cercle restreint qui détient les secrets du Visage du Jaguar. Ils sont les juges et administrateurs de l’organisation. Tout Héritier désirant entrer dans ce Cercle doit se préparer à mettre sa vie en péril pour protéger la Société. Seuls ceux qui ont été des Héritiers fidèles durant des années peuvent s’élever à ce niveau.

La Voie du Jaguar Tous les fidèles du dieu jaguar sont d’accord sur une chose : leur divinité est un créateur, mais également un destructeur, apportant à la fois chance et malheur. Les Héritiers considèrent l’étude de la sorcellerie comme la parfaite incarnation de cette essence car tout sorcier a le pouvoir de créer comme de détruire. Ils ont donc établi une série de lois connue sous le nom de « Voie du Jaguar. » Les préceptes les plus importants sont : • Utiliser la magie pour faire le mal est expressément interdit. • Un sorcier témoin d’une activité magique scélérate doit la signaler. • Les Héritiers doivent obéir aux ordres du Cercle restreint. • Aucun sorcier extérieur aux Héritiers ne peut apprendre les secrets du Visage du Jaguar. Tout Héritier qui viole l’une de ces lois doit s’attendre à en assumer les conséquences, qui vont de l’interdiction de pratiquer la sorcellerie—sous peine de mort—à l’apposition d’une marque qui les désigne comme proie d’une Meute.

Le Visage du Jaguar

La Faveur au sein des Héritiers du Jaguar

L’un des plus grands dons que le jaguar accorde aux Héritiers est la capacité de changer de forme et d’adopter le Visage du Jaguar. Sous cette forme, le sorcier se transforme en jaguar-garou. Il devient alors un prédateur mortel dont la gueule est dotée de longs crocs et les bras se terminent par des griffes acérées. Il peut toujours pratiquer sa sorcellerie et la combiner à la rapidité et la férocité du chasseur de la nuit. Au fil du temps, alors que de plus en plus de sorciers rejoignaient la Société, le Cercle restreint a décidé qu’il était trop risqué d’enseigner cette technique à tous les Héritiers. Ainsi, ils ont choisi de conserver le secret à l’intérieur du Cercle restreint et de ne le dévoiler qu’à quelques autres membres triés sur le volet. Ainsi naquirent les Meutes. Les Meutes de jaguars-garous sont constituées d’Héritiers qui reçoivent la bénédiction du Visage du Jaguar pour une nuit. D’ordinaire, ils reçoivent ce don pour mieux chasser et tuer les sorciers Scélérats. Sous cette forme, les Héritiers sont quasi-certains d’accomplir leur mission, bien que celle-ci ne soit jamais sans risques. Une fois la mission accomplie, la Meute revient à son point de départ avant la fin de la nuit afin que les Héritiers puissent redevenir humains. Si l’aube se lève et qu’un Héritier est toujours transformé, alors le soleil réclame son âme et le tue dans la seconde. À cause de cela, nombreux sont les Héritiers qui informent le Cercle des activités scélérates dont ils sont témoins tout en restant extérieurs à ces affaires. D’autres, encore, choisissent de s’occuper des Scélérats à leur manière, autrement qu’avec l’aide d’une Meute.

Les Héritiers du Jaguar s’occupent surtout de retrouver des reliques antiques (qu’il s’agisse de textes, d’artefacts ou autres), d’étendre la pratique de la sorcellerie à travers toute l’Aztlan et de neutraliser les sorciers Scélérats. Un Héros membre des Héritiers du Jaguar peut acquérir de la Faveur des façons suivantes : • Découvrir un artefact ou un texte magique inconnu, voire présenter une découverte novatrice dans n’importe quel champ de recherche magique vaut 4 de Faveur. • Neutraliser un sorcier Scélérat vaut 8 de Faveur. Il n’y a presque rien de plus dangereux pour la défense de la cause magique en Aztlan que des sorciers Scélérats. Ainsi les Héritiers accordent-ils beaucoup de valeur à tous les agents qui désirent neutraliser ces indésirables sans l’aide d’une Meute de garous. Un Héros membre des Héritiers du Jaguar peut y faire appel pour obtenir de l’aide des façons suivantes : • Demander l’accès à un texte, un artefact ou un composant magique coûte 3 de Faveur. Les Héritiers possèdent le plus vaste répertoire de savoirs magiques d’Aztlan (et peut-être même du monde). Ainsi, tout sorcier membre des Héritiers peut avoir accès à ce dont il a besoin pour avancer dans ses recherches. • Demander l’assistance d’une Meute coûte 10 de Faveur. Le Héros et ses compagnons peuvent choisir de faire partie de la Meute. En ce cas, ils deviennent des jaguars-garous, Monstres de Puissance 8 disposant des Propriétés monstrueuses Nocturne, Métamorphe et Vif. Sous cette forme, les Héros conservent la majeure partie de leurs capacités normales (dans les limites du raisonnable). La transformation n’opère que pour une nuit.

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Le Pochteca Le Pochteca fut fondé en 1474 du calendrier théan par douze des plus puissantes familles marchandes de l’Alliance nahuacane. Craignant que les dirigeants leur reprochent leur pouvoir basé sur la richesse, ces familles passèrent un pacte avec le Grand orateur : en échange de leur renoncement à tout privilège basé sur leur succès commercial, ils obtinrent le droit de poursuivre leurs activités sans craindre aucune intervention du pouvoir politique. Au fil des ans, le Pochteca se rendit compte que pouvoir et statut pouvaient être utilisés pour un projet plus important encore. Dès lors, ils décidèrent d’utiliser leur immense fortune pour aider les moins aisés d’Aztlan, se réorganisant en douze guildes basées dans chacun des plus grands centres urbains de l’Alliance nahuacane. Au début, ils se contentèrent de fournir les produits de base aux plus pauvres mais, le temps passant, il leur apparut clair que quelques habits et bols de nourriture n’allaient pas faire grande différence. Malgré ses efforts, le Pochteca se révéla incapable d’améliorer pour de bon la vie des pauvres gens. Ce fut à ce moment-là que ses membres comprirent que le problème n’était pas dans la quantité de richesses et de ressources qu’ils distribuaient, mais dans la manière dont ils les répartissaient. Depuis lors, leur Société se consacre à l’amélioration de la vie des citoyens aztlans. Parfois, c’est au travers d’une distribution d’habits et de nourriture. D’autres fois, ils utilisent leur fortune pour remettre à leur place les nobles qui abusent de leur pouvoir (dans ces cas-là, ils versent des pots-de-vin, contraignent et menacent les dirigeants peu avisés, de manière à s’assurer que la vie des citoyens soit améliorée).

190 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

Cela dit, certains dirigeants demeurent trop têtus ou puissants pour être influencés. Quand cela se produit, le Pochteca utilise ses ressources pour inciter le peuple à agir et aider tous ceux qui auraient le courage de s’opposer aux Scélérats. Rares sont ceux qui savent que le Pochteca n’a pas seulement soif de profit. Leur seul but est de faire d’Aztlan le territoire le plus juste du monde, un pas après l’autre. Qui sait ? Peut-être qu’un jour ils transformeront l’Aztlan en un pays où la richesse est mieux distribuée, et ce, peu importe le statut des citoyens.

Fonctionnement Le Pochteca est organisé en guildes qui se spécialisent dans différents domaines commerciaux. Chaque guilde opère depuis l’une des grandes cités de l’Alliance nahuacane. Elles sont dirigées par trois à cinq vénérables anciens appelés les « Mères » ou les « Pères » qui peuvent s’exprimer au nom de la guilde. Chacune est responsable d’un aspect des opérations générales. Celle des textiles s’assure par exemple que les membres aient accès à des armes et des armures qui leur permettront de protéger ceux qui ne peuvent le faire seuls, tandis que celle des marchands envoie des émissaires à travers tout l’Aztlan pour dénicher les dirigeants Scélérats. Bien que tous les membres du Pochteca puissent prendre des initiatives pour aider au mieux le peuple, ce sont les guildes qui leur donnent les indications générales quant à la manière d’agir pour cela.

Les grades au sein du Pochteca Il n’y a que deux exigences pour entrer dans cette Société secrète : en avoir envie et être capable de la servir. Bien que ses premiers membres aient tous été de riches marchands, ils emploient désormais quiconque désire faire de l’Aztlan un territoire paisible. Les membres les moins importants sont notamment des marchands qui dirigent des expéditions de commerce et d’exploration, les porteurs et les guerriers qui transportent les marchandises et protègent les caravanes des bandits, mais également les marchands qui voyagent incognito et espionnent certains lieux discrètement, en quête des élites Scélérates qui grêvent le continent. Mères et Pères décident du fonctionnement de leur guilde respective et facilitent la communication avec les autres. Ils se rencontrent une fois par an à Pepechotlan où ils discutent stratégie et partagent leurs découvertes.

La Faveur au sein du Pochteca

Le Concile des Anciens dieux

Le Pochteca s’occupe surtout de l’accumulation et la distribution des richesses dans le but d’aider les moins fortunés d’Aztlan. Pour ce faire, ils investissent dans les groupes rebelles qui s’élèvent contre les régimes tyranniques, comme c’est le cas dans l’Empire kuraque, par exemple. Un Héros membre du Pochteca peut acquérir de la Faveur des façons suivantes :

Les Aztlans sont dévoués à leurs dieux. Après tout, c’est grâce à eux qu’ils furent capables de reconstruire le monde durant les jours lugubres qui suivirent la Chute. Avant la Chute, et avant l’Empire aztlan, les Aztlans vénéraient des divinités appelées les Anciens dieux. L’objectif du Concile des Anciens dieux est simple : restaurer les traditions des Anciens dieux et ramener Aztlan à « la flamboyance de son ancienne gloire. » Le problème est que cette « flamboyance » implique la destruction du continent et la mort de ses résidents actuels. Les membres du Concile, bien sûr, sont certains que leur foi les protégera lorsque les Anciens dieux reviendront. Ce que le Concile sait—et que les érudits aztlans ignorent—c’est que les Anciens dieux ne sont pas morts. Ils furent emprisonnés par les Syrnes qui utilisèrent leur pouvoir pour alimenter leurs machines antiques, les condamnant à observer le défilé des âges à travers leur prison de verre. Au moment de la Chute, les barreaux de ces cages n’ont pas cédé… mais tout juste. Pour libérer les Anciens dieux, le Concile doit ramener treize Cristaux de sang au Cœur du monde. Ce n’est qu’ainsi qu’ils pourront ouvrir le passage permettant aux Anciens dieux de revenir sur Terra et de diriger à nouveau l’Aztlan et son peuple. Une fois cela accompli, le Concile espère régner sur les cendres des empires tombés et gouverner un territoire unique, une Aztlan unifiée par une seule religion et une unique culture. S’ils y parviennent, il n’y aura plus d’Alliance nahuacane, de cités-États tzak k’aniennes ou d’Empire kuraque : toutes les différences seront effacées par les Anciens dieux.

• Participer à la protection d’une caravane au nom du Pochteca via la voie diplomatique ou informer une Mère ou un Père d’un dirigeant peu avisé vaut 2 de faveur. Le Pochteca considère tout effort en ce sens comme un effort pour protéger le peuple. • Destituer un dirigeant Scélérat vaut 5 de Faveur si son remplaçant représente une amélioration. Il n’y a pas de meilleur service à rendre à la cause du Pochteca. Un bon dirigeant doit se soucier du peuple dont il a la responsabilité, et pas seulement de son propre bien-être. Un Héros membre du Pochteca peut y faire appel pour obtenir de l’aide des façons suivantes : • Demander l’accès à un hangar de stockage du Pochteca coûte 4 de Faveur. Cela va jusqu’aux marchandises qui valent 2 de Richesse, ou une relique aztlane mineure qui puisse être utilisée comme Objet fétiche. Le non-paiement des marchandises ou l’absence de retour de la relique entre les mains du Pochteca après la mission peut donner lieu à une sévère punition, allant de l’exclusion de la Société à l’exécution sommaire. • Demander l’aide du Pochteca coûte 6 de Faveur. L’ampleur des ressources du Pochteca est si énorme—et son réseau commercial si vaste—que quiconque fait appel à eux est certain d’avoir accès à ce dont il a besoin. Cela peut aller de simples marchandises jusqu’aux secrets politiques, en passant par des rencontres organisées avec des personnes d’ordinaires secrètes et fuyantes, comme les meneurs d’une rébellion.

Modus Operandi La technologie des Cristaux de Sang a été découverte par le Concile dans de vieux textes datant de l’Âge impérial, lesquels constituent leur possession la plus précieuse. Ces textes révèlent que, pour créer l’un de ces cristaux, une grande quantité de sang doit d’abord être versée. Ce sacrifice, réalisé au nom des Anciens dieux, demande que de nombreux êtres humains s’entretuent. Par conséquent, les agents du Concile font en sorte que des conflits se produisent entre de vastes groupes. Leur meilleure stratégie est celle de la guerre ouverte,

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ce pour quoi ils chuchotent à l’oreille des dirigeants et de leurs opposants, incitant à la violence en toutes circonstances. Ils se fichent de savoir qui «  gagne  » car, au final, chaque mort violente les rapproche de leur objectif. Le Concile est dirigé par trois Premiers prophètes, un pour chaque Nation aztlane. Au cours du dernier millénaire, ils se sont rencontrés en secret au Cœur du Monde, un lieu qui dépasse l’entendement. Sur l’échelle du pouvoir, juste après eux, on trouve une poignée de membres (peu nombreux mais très influents), ainsi que d’innombrables agents de terrain. Ces derniers sont généralement recrutés parmi les citoyens les plus désespérés. Quelques fois, des personnes heureuses rejoignent leurs rangs, parce que le Concile leur montre un futur où le monde n’est plus divisé ni chaotique. Ce qu’ils voient, c’est la réalisation de leur désir profond d’une société homogène, pacifique, sans inégalités ni conflits. Ce qu’ils ne voient pas—ou ne souhaitent pas voir—c’est que cette vision ne peut devenir réalité qu’à condition de détruire le monde.

192 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

Les Héros et le Concile Les Héros ne peuvent pas rejoindre le Concile. Pour en devenir membre, il faut faire face aux Anciens dieux après s’être baigné dans le sang d’un innocent. Si le profane n’est pas accepté, le Conseil le tue et offre sa piètre existence en sacrifice à leurs divinités. Si le profane est reçu, alors il entend la voix des Anciens dieux lui murmurer directement des ordres à l’oreille, et son âme est à jamais brisée.

L’existence du Concile Le secret est la plus grande force du Concile. Ainsi, ses membres ont pu infiltrer toutes les Nations actuelles d’Aztlan—et même quelques Nations théanes—dans toutes les strates de leur société. Le Concile se fiche que ses agents soient ou non nobles, tant qu’ils accomplissent leur mission et déclenchent des conflits sanglants. La plupart des agents du Concile sont si perturbés par le rituel d’initiation—durant lequel ils doivent tuer un innocent pour prouver leur foi aux Anciens dieux—qu’ils ne remettent jamais en doute leur allégeance. Les rares qui s’y risquent disparaissent rapidement, et leur trépas constitue leur dernière mission au nom du Concile, sur le chemin qui mène à la libération des dieux.

Générateur de cités-États tzak k’aniennes Pour créer une cité-État tzak k’anienne, il faut quelques dés et un peu d’imagination. Nous allons vous guider dans le processus, lequel comporte tout de même beaucoup de questions auxquelles vous devrez savoir répondre. Au final, vous apprendrez toutes sortes de choses sur votre nouvelle cité-État, allant de l’iconographie locale aux figures de pouvoir importantes de votre région.

Générer une Cité-État

Voici plusieurs façons de créer une cité-État tzak k’anienne. Vous pouvez utiliser n’importe laquelle de ces méthodes, et rien ne vous empêche d’en changer d’une cité à l’autre.

Méthode 1 : à la carte La méthode la plus simple est de choisir une caractéristique par liste et de construire votre cité sur le tas. Si vous avez plusieurs joueurs qui souhaitent participer, vous pouvez les autoriser à choisir une caractéristique chacun à leur tour et construire la cité avec ce qu’ils ont sélectionné.

Méthode 2 : lancer de dés Vous pouvez également lancer un dé par catégorie, l’une après l’autre, et construire votre cité après chaque nouveau lancer. Cela peut mener à un résultat chaotique, mais il est très drôle de faire travailler son imagination pour donner une cohérence aux dés.

Méthode 3 : une pierre après l’autre Vous pouvez enfin choisir de lancer 5 dés (ou 6, si vous voulez pouvoir écarter un résultat que vous n’aimez pas) et assigner ces valeurs à chaque catégorie, selon votre bon plaisir. Là encore, si vous avez un groupe de joueurs qui souhaite participer, vous pouvez leur assigner à chacun un dé, et leur faire choisir la catégorie dans laquelle ils veulent « dépenser » leur résultat. Bien sûr, lorsque vous dépensez votre résultat pour une catégorie, vous devez vous préparer à inventer les détails qui vont avec.

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Anatomie d’une cité-État

Ce générateur décompose les différentes étapes de création en quelques catégories principales. L’Iconographie vous indique ce que la cité-État tient en haute estime sur un plan symbolique. Cela peut aller de la faune sauvage aux ressources naturelles. L’Iconographie d’une cité-État détermine également le premier mot qui constitue son nom. La Géographie vous renseigne sur le relief local. Il peut s’agir des lieux les plus fertiles ou importants, dépendant de la localisation de votre installation, des routes de commerce et des pratiques religieuses. La Géographie d’une cité-État détermine également le deuxième mot du nom qui constitue son nom. Le Dieu tutélaire désigne la figure religieuse ou mythologique principale de votre cité-État. Celle-ci a tendance à beaucoup apparaître dans le folklore local et peut influencer jusqu’au parler local ou même les expressions toutes faites. Encore plus important : cela vous renseignera beaucoup sur les prêtres des environs. L’Atmosphère détermine l’ambiance qui règne dans la cité-État : ses résidents sont-ils accueillants ou méfiants vis-à-vis des étrangers ? Sont-ils guerriers ou pacifistes ? L’Atmosphère d’une cité-État a tendance à influencer la plupart—si ce n’est l’ensemble—des interactions des Héros avec les gens de cette région. Le Souverain est l’indicateur du pouvoir politique le plus puissant de la cité-État, et vous donne un aperçu de ses objectifs. Il influencera ce qui se produit lorsque vos Héros ne manqueront pas de rencontrer un ou plusieurs des représentants du pouvoir local, et déterminera très probablement la suite des événements.

Iconographie RÉSULTAT

ICONOGRAPHIE

1

Jaguar

2

Crocodile

3

Aigle

4

Singe

5

Cerf

6

Or

7

Ciel

8

Pierre

9

Sang

10

Aube

Jaguar : les jaguars sont des prédateurs courants et dangereux dans la région, ou bien les locaux les ont domestiqués et chassent désormais avec eux. Les habitants vénèrent-ils ou craignent-ils la bête ? Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : griffe, rôdeur, sauvage. Crocodile : la région est fascinée par les crocodiles. Peutêtre sont-ils les meilleurs prédateurs du coin, à tel point que l’on avertit toujours les enfants et les étrangers de ne pas en approcher, ou bien la chasse au crocodile est-elle un rite de passage pour les guerriers, qui portent tous des coiffes faites des têtes de ceux qu’ils ont déjà tués ? Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : écaille, dent, gueule. Aigle  : l’aigle représente la puissance. Les habitants y voient des êtres semi-divins, messagers et émissaires des dieux, ou alors ils ont une approche bien plus pragmatique et les entraînent pour les aider à chasser. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : aile, plume, serre. Singe : ici, les singes sont vus d’une façon particulière. Les locaux détestent-ils ces primates qui ont l’habitude d’aller où bon leur semble et de mettre le bazar, ou bien considèrent-ils la compagnie d’un singe comme un signe de chance et de faveur des dieux ? Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : agile, saut, simien. Cerf : même en Théah, le cerf est souvent perçu comme une créature majestueuse et sacrée. Les locaux les

194 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

chassent-ils pour leurs précieuses fourrure et ramure, ou bien considèrent-ils la créature comme un jeune dieu qu’ils doivent s’efforcer de protéger des autres prédateurs ? Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : bois, ramure, sabot. Or : l’or est ou était abondant et la région s’est fait un nom grâce au précieux minerai. L’or est-il toujours aussi courant, ornant même les habits et les bijoux du plus humble des paysans ? Peutêtre qu’au contraire les mines sont épuisées, l’or ayant été vendu ou volé durant les années de guerre, et à présent, il ne subsiste plus que la mémoire d’un ancien temps plus glorieux. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : brillant, luisant, précieux. Ciel : le grand ciel bleu est une image puissante, évocatrice de liberté et de franchise, et sert souvent de conduit pour communiquer avec les dieux. Peut-être les locaux sont-ils particulièrement pieux, ou bien le temps de la région est-il remarquable pour une raison ou une autre ? Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : nuage, tempête, bleu. Pierre  : le métal est presque inconnu dans l’Aztlan moderne, la pierre est donc souvent utilisée à la place. Peut-être celle de la région est-elle particulièrement précieuse à cause d’une propriété rare, ou bien les locaux sont-ils des tailleurs de pierre au talent remarquable ? Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : granit, joyaux, obsidienne. Sang : le sang représente la vie, la mort et la famille. Pour cette région, il est plus important que tout. Les lignées familiales sont-elles plus précieuses ici qu’ailleurs, ou bien les locaux ont-ils la réputation de faire des sacrifices (animaux ou autres) au nom d’anciens dieux sombres que le reste de l’Aztlan a oubliés ? Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : écarlate, os, ruissellement. Aube : L’aube représente le renouveau et la rédemption, la naissance littérale et figurative d’un jour nouveau. Les locaux y voient un instant sacré, temps de vénération et de réflexion, ou bien ont des traditions spéciales, comme ne jamais passer d’accord après le coucher du soleil. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : aurore, levant, lumière.

Géographie RÉSULTAT

GÉOGRAPHIE

1

Forêt

2

Jungle

3

Rivière

4

Montagne

5

Colline

6

Vallée

7

Plaine

8

Île

9

Plage

10

Terrain vague

Forêt. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : bosquet, fourré, branche. Jungle. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité  : enchevêtrement, impénétrable, régions sauvages. Rivière. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : cascades, coude, rapides. Montagne. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : cime, mont, sommet. Colline. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : falaise, plateau, tertre. Vallée. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : canyon, creux, gorge. Plaine. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : champ, immensité, prairie. Île. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : archipel, îlot, récif. Plage. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : berge, côte, rivage. Terrain vague. Termes alternatifs pouvant être utilisés pour déterminer le nom de la cité : aride, étendue, désert.

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195

Dieu tutélaire RÉSULTAT

DIEU TUTÉLAIRE

1

Itz’hun

2

Ix Kin

3

Po Ch’en

4

Kimi

5

Buluk Cha’wil

6

Ek Pakax

7

Apocōātl

8

Cha'kal

9

Che’b’ T’ul

10

Ix Cha’mim

Itz’hun : Itz’hun est généralement considéré comme l’un des dieux créateurs qui donna naissance à ce Monde et à ses nombreux aspects sacrés, notamment l’écriture et les rituels. Itz’hun attache de l’importance à l’apprentissage, l’histoire et la tradition (plus d’informations page 104). Ix Kin : Ix Kin est la sœur jumelle de Po Ch’en, le dieu lunaire. Pour la voir sous sa forme naturelle, il suffit simplement de lever les yeux pendant la journée. Elle traverse le ciel sous l’apparence de l’éclatant Soleil du matin puis, au crépuscule, devient le Soleil jaguar. Ix Kin attache de l’importance à la loyauté, la responsabilité et à ceux qui ont à la fois pouvoir et constance (plus d’informations page 104). Po Ch’en : Po Ch’en, frère jumeau calme et discret d’ Ix Kin, est le dieu lunaire. À l’instar de sa sœur, il est l’un des dieux créateurs de notre Monde. La nuit, il est facile de le trouver dans le ciel. Parfois, on peut également l’apercevoir sous forme humaine, perché sur son croissant de lune et accompagné de son meilleur ami, un lapin géant irisé. Po Ch’en attache de l’importance au changement, au progrès, à la gentillesse et au calme (plus d’informations page 105). Kimi : les Tzak K’aniens considèrent que Kimi est l’un des créateurs de notre Monde, mais également le dieu des morts. Sa silhouette—squelettique et menaçante—est parée de pans de chair en éternelle décomposition. Il aime porter des clochettes aux chevilles et au cou. En général, on le trouve au fin fond de l’outre-Monde, entouré de dieux mineurs et de camazotz. Kimi accorde de l’importance à la peur, à l’intimidation, au chaos et à la compétition (plus d’informations page 104). Buluk Cha’wil : meilleur ami d’Itz’hun, Buluk Cha’wil est un dieu puissant et lunatique. Vénéré par bien des seigneurs de guerre et des rois belliqueux, il se rend généralement dans le Monde intermédiaire 196 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

lorsque celui-ci se trouve en temps de guerre. Vêtu d’une impressionnante armure de guerrier, armé d’une hache géante incandescente, Buluk Cha’wil a une voix pareille au tonnerre et n’hésite pas un instant à foudroyer ses adversaires. Buluk Cha’wil accorde de l’importance à l’action, aux valeurs militaires, à la hiérarchie, au pouvoir et au sacrifice (plus d’informations page 104). Ek Pakax : le dieu des marchands est une divinité sociable et extravertie. On peut le repérer à son goût quasi ostentatoire pour les décorations, son odeur persistante de cacao et l’énorme tatouage d’un scorpion noir sur son visage. Ek Pakax aime promouvoir les interactions grâce au négoce et possède une certaine appétence pour les produits exotiques. Ek Pakax accorde de l’importance au commerce, aux échanges, aux marchandises exotiques, aux parures et aux choses matérielles. Apocōātl : toutes les Nations de l’Aztlan croient au Serpent à plumes, même si chacune l’appelle par un nom différent. Les Tzak K’aniens considèrent qu’il s’agit du dieu le plus ancien et le plus puissant, et qu’il règne sur tous les animaux (y compris le jaguar, en dépit du fait que celui-ci possède sa propre divinité). Apocōātl accorde de l’importance à la terre, au succès à la chasse, à la quête de nourriture, à la durabilité et à l’innovation. Cha’kal : l’une des divinités les plus vénérées du Tzak K’an— notamment par les nombreux fermiers—est Cha’kal, le porteur de la pluie nourricière. D’apparence plus reptilienne qu’humaine, Cha’kal s’est divisé en quatre pour mieux répondre aux demandes des mortels. Son aspect dit « rouge » s’occupe de l’est, le blanc du nord, le noir de l’ouest et le jaune du sud (plus d’informations page 104). Che’b’ T’ul : les Tzak K’aniens viennent souvent demander conseil à la déesse de l’écriture—parfois autant qu’à Itz’hun, le premier prêtre—car ils la considèrent comme la quintessence même de ce qu’est le génie. Che’b’ T’ul a toutefois tendance à être obsédée par les aspects les plus triviaux de la culture scribale : elle viendra ainsi souvent corriger des fautes ou promouvoir les styles d’écriture. Che’b T’ul accorde de l’importance à ce qui est écrit, à la véracité et l’honnêteté des écritures, ainsi qu’à l’intellect. Ix Cha’mim : déesse des médecins et guérisseurs, Ix Cha’mim prend la forme d’une vieille femme portant des pots d’herbes médicinales et autres remèdes. Elle a également une forte affinité avec les serpents, et est souvent montrée avec un reptile enroulé autour des bras ou posé sur sa tête. Ix Cha’mim accorde de l’importance à la compassion, la guérison et la pitié.

Atmosphère RÉSULTAT

ATMOSPHÈRE

1

Tranquille

2

Tendue

3

Juste

4

Téméraire

5

Craintive

6

Ouverte

7

Isolée

8

Orgueilleuse

9

Hostile

10

Fervente

Tranquille : les lieux sont relativement calmes, loin des troubles, des combats et du chaos qui règnent ailleurs au Tzak K’an. Cette tranquillité est-elle le résultat logique d’une absence de conflit majeur ? Y a-t-il une magie à l’œuvre qui empêche la violence de s’immiscer dans cette cité-État ? La population est-elle sous le joug d’un sorcier maléfique qui les rend dociles afin de conserver tout pouvoir ? Tendue : la paix est en équilibre précaire, on le sent dans l’air, comme si tout le monde retenait son souffle. Les gens sont-ils malheureux à cause d’un changement soudain dans la gestion politique ou économique de la cité-État ? Un guerre peu populaire a-t-elle débuté ailleurs  ? Au contraire, les locaux en ont-ils marre de leurs voisins belliqueux et sont-ils prêts à fondre sur eux, lance et bouclier en main ? Juste : la cité-État est celle de l’ordre. Les choses sont faites d’une certaine manière et ceux qui s’opposent aux traditions sont rapidement remis à leur place, d’une façon ou d’une autre. Est-ce parce que cet endroit a un passé baigné de ténèbres et de sang et qu’un nouveau meneur a promis aux gens de corriger cela ? Peut-être existe t-il un mythe qui dit qu’un esprit local punit tous ceux qui insultent leurs ancêtres en pensant pouvoir faire mieux que leurs aînés ? Téméraire : le changement a du bon et cette cité-État en a conscience. À la différence des cités-États où règnent chaos et désordre, celle-ci est connue pour s’approprier facilement des idées nouvelles ou des approches inédites à certains problèmes, ainsi qu’à accepter les individus qui ne rentrent pas dans la norme. Les gens se sont-ils

récemment libérés du joug d’un tyran et sont-ils encore dans la joie exubérante qui persiste après une révolution réussie ? La région est-elle un carrefour d’échanges, ce qui rend simplement ses habitants habitués aux cultures et aux apparences étrangères des voyageurs ? Craintive : ici, les gens ont peur. Les marchés sont silencieux, les rues désertes après la tombée du jour et tout le monde verrouille sa porte et évite de parler à son voisin. Y a-t-il une légende qui raconte qu’un monstre parcourt les rues la nuit, enlevant ceux qui sont assez fous pour s’y aventurer ? Les bandits qui abondent dans les environs ont-ils commencé à prélever des « taxes » sur la population, se montrant violents et colériques face à la plus infime des résistances ? Ouverte : à bras ouverts, chaleureusement et avec des visages souriants : voilà comment les gens d’ici accueillent ceux venus d’ailleurs. Il y a un sens de la générosité et du don de soi qui va au-delà de tout ce que vous avez déjà vu. Est-ce que les gens sont particulièrement pieux, et respectent l’histoire d’un dieu qui fut recueilli par un gentil fermier, lequel est ensuite devenu leur saint ? Sont-ils simplement éduqués dans la bonté et ont-ils un sens inné de la générosité ? Cette cité-État est-elle particulièrement rude et leur générosité est-elle née du besoin de survie (si je meurs de soif et que tu as de l’eau, partage-la pour qu’un jour la faveur te soit retournée) ? Isolée : les gens n’ont probablement jamais vu quelqu’un comme vous, et votre étrangeté influe sur toutes vos interactions avec eux. Certains vous traiteront de façon hostile, d’autres avec une admiration et une curiosité sans bornes. Qu’est-ce qui a pu mener ce lieu à l’isolement ? Est-il géographiquement reculé, dans un village de montagne ou au fin fond de la jungle ? Ou bien ses dirigeants ont-ils fermé les frontières de peur de subir l’influence d’étrangers ? Orgueilleuse : les locaux tirent une grande fierté de leur village natal, leurs dirigeants ou tout autre aspect de leur existence. Peut-être y a-t-il un ancien héros, admiré partout en Aztlan, qui est originaire de leur région ? La cité-État exporte-t-elle une spécialité célèbre dont ses habitants sont fiers ? Qu’ont-ils donc en si haute estime ? Leur fierté est-elle vraiment bien placée ?

7E MER : LE NOUVEAU MONDE

197

Hostile  : les gens d’ici n’aiment pas les étrangers et n’ont pas honte de le montrer. Cette violence fait-elle juste partie de leur culture, et ce qui semble malpoli aux étrangers est parfaitement ordinaire et convenable pour eux ? Leur hostilité est-elle le reflet de leur dédain, voire leur haine ouverte pour ce qu’ils ne comprennent pas et considèrent comme dangereux ? Fervente : cette cité-État accorde énormément d’importance à la religion, ou du moins à sa relation avec les dieux. Les lieux sont-ils bénis par un dieu en particulier ? Les habitants affirment-ils qu’un sang divin coule dans leurs veines ? Leur religion est-elle très différente du reste de l’Aztlan, ce qui rend les locaux également différents et renforce leur communauté ? Que révèrent-ils donc, et pourquoi cela influence-t-il à ce point leur vie quotidienne ?

Souverain RÉSULTAT

SOUVERAIN

1

Seigneur de guerre

2

Théocrate

3

Érudit

4

Progressiste

5

Fou

6

Usurpateur

7

Héritier incongru

8

Artiste

9

Populiste

10

Traditionaliste

Seigneur de guerre : la région est dirigée comme une armée, soit à cause des capacités personnelles du souverain (soldat puissant et émérite), soit à cause de sa vision du monde (celle d’un stratège et général incomparable). Théocrate : le divin a choisi le souverain, du moins est-ce la croyance encouragée par le pouvoir en place. Il est béni des dieux, et a pour charge de les représenter tout en récompensant la foi des fidèles.

198 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

Érudit : ce souverain attache beaucoup de valeur au savoir et à l’apprentissage. Il s’efforce d’éduquer les gens de son peuple ou, au contraire, entretient leur ignorance pour conserver le pouvoir. Progressiste : ce souverain pense que l’échec équivaut à la mort. Le changement et l’expansion sont synonymes de prospérité et de sagesse. Fou : la folie influence toutes les actions de ce souverain. Un jour, il signe un traité de paix avec une ville voisine et, le lendemain, il la déclare ennemie jurée. Usurpateur : ce souverain a volé le pouvoir à son prédécesseur, et peut être considéré comme « illégitime ». Il peut aussi s’agir d’un marionnettiste qui contrôle les « vrais » dirigeants depuis les coulisses. Héritier incongru : ce souverain est l’enfant illégitime du chef précédent, ou bien le descendant lointain d’une dynastie qu’on croyait morte depuis longtemps. Il peut s’avérer être très populaire ou bien pas du tout. Artiste : ce souverain entend transformer la région en merveille artistique et mécanique, afin de provoquer la jalousie de ses voisins. Y a-t-il un art qu’il préfère à tous les autres (la chanson, la peinture, l’architecture), ou bien essaye-t-il d’obtenir un équilibre ? Populiste : pour le meilleur et pour le pire, ce souverain adore être la voix du peuple. Si ce dernier exige la guerre, le dirigeant écoute, et ce même s’il sait que ça les mènera à leur perte. Traditionaliste : ce souverain accorde une grande importance au passé, aux traditions et aux rituels des ancêtres. Il les utilise comme un bouclier pour se protéger des critiques, voire s’y raccroche, et ce même quand leur poids l’emporte par le fond.

Obstacles Une tempête soudaine et féroce s’abat sur les Héros tandis qu’ils pourchassent leur ennemi juré en pleine mer. Tous ceux qui entrent dans la mine abandonnée que les locaux refusent d’explorer ne reviennent jamais. Un temple dédié aux anciens dieux est converti en lieu de pouvoir par un sorcier fou à lier. Le tunnel dangereux qui traverse les montagnes est le territoire de chasse d’une famille d’ours féroces. La jungle vierge et sauvage dans laquelle marchent les explorateurs grouille de jaguars et de serpents. Les Obstacles sont une nouvelle forme d’adversité— comme les Scélérats et les Escouades de Brutes—que vous pouvez utiliser en tant que menace dans une Scène ou une Séquence (explorer une ruine abandonnée au cœur de la forêt) ou bien comme un danger que les Héros doivent affronter (la tempête qui frappe alors qu’ils sont en plein duel contre un Scélérat). Ils peuvent être surmontés de diverses manières. Tout d’abord, ils sont souvent limités à une zone géographique. Si les Héros la quittent, l’Obstacle ne peut pas les suivre. Nul besoin de Mises, même si les circonstances peuvent rendre les Héros Sans défense ou bien faire qu’ils n’ont aucun contrôle sur leur destination (atterrissant dans une situation pas beaucoup plus avantageuse).

Ensuite, tout Obstacle peut être Bravé. Cela signifie que les personnages doivent, ensemble, dépenser un nombre de Mises équivalent à la Menace représentée par l’Obstacle. Cette dépense ne réduit pas la Menace—la maison hantée ne devient pas moins effrayante au fur et à mesure que vous approchez de ses secrets—mais les Héros trouvent ce dont ils ont besoin pour se diriger vers un résultat favorable et contrôlé (par exemple tenir le cap durant une violente tempête, ou découvrir ce qui se trouve au sommet d’un antique temple syrneth). Les Obstacles ont un Niveau de Menace qui permet de déterminer combien de dés doivent être lancés. Ces Niveaux vont de 5 (quelque chose de dangereux, comme une bourrasque au bord d’un précipice) à 15 (quelque chose de cataclysmique, comme une déchirure dans le voile du réel créée par un sorcier Scélérat). Ils disposent également d’Aspects qui permettent de dépenser les Mises d’une certaine manière, ou font que le MJ peut dépenser des points de Danger pour pimenter les choses. Sauf mention contraire, les Aspects peuvent être activés plusieurs fois ou avoir des effets variables selon le nombre de Mises dépensées par le MJ. Un Obstacle ne peut activer qu’un seul Aspect durant son tour.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE

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Aspects de base

Aspects optionnels

Tous les Obstacles possèdent les Aspects suivants.

Voici la liste des Aspects qui peuvent être attribués aux Obstacles.

CHAOTIQUE

L’Obstacle peut dépenser une Mise pour infliger 1 Blessure immédiate à tous les personnages présents dans la Scène. Les Escouades de Brutes voient quant à elles leur Puissance réduire de 1.

ASSOURDISSANT

L’Obstacle peut dépenser une Mise pour devenir assourdissant. Jusqu’à ce que ce dernier dépense une autre Mise, toute forme de communication verbale entre les personnages leur coûte 1 Mise.

CRESCENDO

Pour renforcer le Niveau de Menace de l’Obstacle d’1 point, le MJ peut dépenser un point de Danger avant que les dés ne soient lancés. Cet effet persiste jusqu’à la fin de la scène. Le MJ ne peut dépenser qu’un point de Danger par Round de cette façon, mais cet Aspect n’est pas limité par ailleurs.

DE PIRE EN PIRE

Pour renforcer le Niveau de Menace de l’Obstacle de 2 points, le MJ peut dépenser 2 point de Danger avant que les dés ne soient lancés. Cet effet persiste jusqu’à la fin de la scène. Le MJ ne peut dépenser que 2 points de Danger par Round de cette façon, mais cet Aspect n’est pas limité par ailleurs.

HABITAT NATUREL

Toute créature ou Monstre qui vit dans l’Obstacle ne reçoit aucune Blessure ou n’a aucun désavantage lorsque l’Obstacle dépense des Mises ou des points de Danger. Les Héros et les Scélérats (sauf s’il s’agit aussi de Monstres) ne peuvent bénéficier de cet Aspect.

DÉFERLANTE

Le MJ peut dépenser un nombre illimité de points de Danger pour augmenter le nombre de dés lancés par l’Obstacle. Chaque point ainsi dépensé confère 2 dés bonus. Cela ne dure qu’1 Round et n’augmente pas son Niveau de Menace.

PERFIDE

L’Obstacle peut dépenser une Mise pour créer une Conséquence. Celle-ci opère en Action 0 (à la toute fin du Round) et inflige une Blessure Dramatique à tous les personnages de la scène. Les Héros et les Scélérats peuvent dépenser ensemble des Mises visant à contrer cette Conséquence, mais s’ils n’y parviennent pas, tous reçoivent une Blessure Dramatique. Une Escouade de Brutes voit sa Puissance réduite de moitié.

DÉROUTANT

L’Obstacle peut dépenser une Mise pour séparer un personnage du reste du groupe. Jusqu’à ce qu’ils se retrouvent, le personnage isolé ne peut bénéficier d’aucun des Avantages et Compétences reposant sur la proximité, la vue ou l’ouïe. Il ne peut pas non plus aider les autres personnages en dépensant de points d’Héroïsme (par exemple en donnant des dés bonus). Pour qu’il regagne le groupe, l’un des Héros doit créer une Opportunité que le personnage isolé doit activer. DÉVASTATEUR

L’Obstacle peut dépenser une Mise pour détruire une structure ou un objet comme un petit bâtiment, un pont ou un navire. Cela inflige une Blessure à tout personnage qui se trouve en position d’être blessé (par exemple celui qui se tient sur le pont), sauf si celui-ci dépense une Mise en réaction. Si un Obstacle utilise cet Aspect dans une Scène contenant un ou plusieurs Navires, tous reçoivent 1 Dégât Critique en plus des autres effets.

200 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

DOMINATION

PRESSENTIMENT

L’Obstacle est sous le contrôle d’un personnage présent dans la Scène. Celui-ci est immunisé aux effets de l’Obstacle quand ce dernier dépense des Mises.

Pendant toute la Séquence, le MJ peut dépenser 1 point de Danger quand des lancers de dés sont effectués. À ce moment, l’Obstacle gagne 1 Rang en Peur par tranche de 5 Niveaux de Menace.

IMPRÉVISIBLE

L’Obstacle peut dépenser 1 Mise pour qu’une Conséquence qu’il a créée survienne 1 Action plus tôt. L’Obstacle peut le faire immédiatement après la création de ladite Conséquence. Par exemple, un Obstacle Imprévisible peut dépenser 1 mise pour créer la Conséquence « tous les personnages reçoivent 1 Blessure Dramatique à l’Action 0, » puis dépenser 1 Mise pour que cette Conséquence se produise plutôt à l’Action 1.

Lorsque l’Aspect Perfide de l’Obstacle inflige des Blessures Dramatiques, sélectionnez une Escouade de Brutes au hasard dans la Scène. Celle-ci est anéantie, peu importe sa Puissance.

INHOSPITALIER

Lorsque l’Obstacle dépense 1 Mise pour activer l’Aspect Chaotique, il n’est pas possible d’annuler la Blessure subie en dépensant 1 Mise.

L’Obstacle peut dépenser 1 Mise pour appliquer une Contrainte sur tous les personnages. Généralement, les Obstacles qui possèdent cet Aspect appliquent la Contrainte pour que les personnages s’en aillent, ce qui signifie que si l’un d’eux reste, sa prochaine Action lui demandera 2 Mises au lieu d’1.

SAUVAGE

VIOLENT

INTENSE

Lorsque l’Obstacle inflige des Blessures, le MJ peut dépenser 1 point de Danger pour que chaque personnage touché perde 1 Mise. LUGUBRE

L’Obstacle peut dépenser 1 Mise pour plonger la zone où il se trouve dans des ténèbres presque totales. Toute Action qui nécessite d’y voir coûte 2 Mises au lieu d’1 jusqu’à la fin du Round. MORTEL

L’Obstacle peut dépenser une Mise pour infliger 2 Blessures immédiates à tous les personnages présents dans la Scène. Les Escouades de Brutes voient quant à elles leur Puissance réduire de 2.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE

201

Aventures dans le Nouveau monde L’Aztlan est une terre dangereuse et mystérieuse dans laquelle les conflits politiques sont nombreux, et les Obstacles magiques et autres opportunités héroïques de toutes tailles sont légion. En d’autres mots, c’est l’endroit parfait pour jouer à 7E Mer ! Pourtant, jouer dans ce nouveau monde est différent de jouer en Théah ou dans l’Empire du Croissant : il existe de nouveaux problèmes ainsi que nombre d’écueils dans lesquels vous pouvez tomber lorsque vous menez vos Héros dans un récit aztlan. Dans cette section, nous vous donnons quelques outils utiles pour construire vos histoires dans le Nouveau monde.

Conflits principaux Tout d’abord, il est important d’identifier les genres d’histoires qui fonctionnent le mieux dans le contexte aztlan. Si vous voulez faire jouer un équipage de ruffians qui naviguent sur les Sept Mers, alors nous vous conseillons de jeter un œil au supplément Nations Pirates. En effet, les Aztlans ne sont pas vraiment des pirates, les structures politiques des Nations n’encouragent pas à s’en aller vivre et mourir sur les vagues. Voici quelques-uns des conflits qui peuvent se dérouler en Aztlan, avec quelques détails sur la meilleure façon de les exploiter.

202 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

Contact avec la Théah Chaque Nation aztlane a dû faire face à l’énorme impact lié au premier contact avec la Théah. Ces pays sombreront-ils suite aux machinations cruelles d’hommes comme Calderón ou bien supporteront-ils la déferlante théane ? Cela ne signifie pas que les seules histoires valables sont celles qui concernent la Théah, mais ce siècle de multiples contacts a fait découvrir de nouvelles possibilités et de nouveaux dangers, pour les Aztlans comme pour les Héros et les Scélérats théans arrivés dans le Nouveau monde. Prenez garde à ne pas tomber dans les clichés lorsque vous développez des histoires sur les activités théanes dans le Nouveau monde. Les Aztlans ne sont pas des sauvages en détresse, ni des personnages amorphes qui n’agissent que lorsque des personnes blanches les obligent à faire face à leurs problèmes. Les meilleures histoires concernant les contacts avec la Théah contribuent toujours à une meilleure compréhension—donc à une réaction appropriée—du problème auquel les Aztlans font face.

Machinations politiques

Rendre le décor familier

Les Aztlans ont leur propre façon de régler les problèmes, n’hésitant pas à aller chercher les dieux pour obtenir des réponses immédiates. Leurs solutions ne sont pas plus ou moins sophistiquées ou sensées que celles des cours théanes. Donnez donc à vos joueurs l’occasion d’utiliser ces nouveaux systèmes en leur montrant une injustice qui affecte au quotidien la vie des Aztlans—pauvres et riches—et donnez-leur envie d’agir contre un système politique qui les dépasse. Imaginez si, par exemple, vos Héros empêchaient l’Impératrice du Kuraq d’exécuter un rival politique… Les Héros aztlans sont très importants dans ces types de conflits car ils offrent un pont culturel pour les Héros théans. Ils peuvent également encourager les communautés locales à leur faire confiance et à leur donner des informations sur les Scélérats. Si votre groupe ne possède pas de Héros aztlan, assurez-vous d’avoir un personnage non-joueur qui puisse les attirer dans son combat pour défendre une juste cause. Bien sûr, certains « Héros » aztlans peuvent en vérité être des Scélérats considérant les Théans naïfs comme des pions utiles.

Lorsque vous menez une partie de 7E Mer en Aztlan, votre défi principal sera de rendre le décor familier à vos joueurs, lesquels ont l’habitude d’un décor théan et non mésoaméricain. Il existe littéralement des milliers de romans, films et séries qui mettent en scène une Europe fantasy, alors que le contexte mésoaméricain ne dispose que de peu de représentations. Voici quelques façons de rendre l’Aztlan plus familier à vos joueurs sans qu’ils aient à s’asseoir pour lire le présent livre avant de pouvoir se lancer.

Exploration ou exploitation ? Les Scélérats d’Aztlan ont tous une chose en commun : ils voient le Nouveau monde comme un endroit à conquérir, d’une manière ou d’une autre. Pour Calderón—et de nombreux autres despotes théans—il s’agit d’une conquête au sens littéral : il souhaite éradiquer les Nations aztlanes pour mieux installer sa dictature vaticine. Pour d’autres Scélérats, comme l’Impératrice du Kuraq ou Azenath Medellín, cette conquête est plus discrète et insidieuse, mais pas moins dangereuse. Eux aussi veulent exploiter le pays, encore et encore et encore… Le Nouveau monde déborde de trésors et de richesses inédites, même aux yeux des locaux qui ont vécu au Tzak K’an ou dans l’Alliance nahuacane toute leur vie. Il y a des ruines syrneth à explorer, des routes de commerce et des villes à construire ainsi que des Sorcelleries perdues à retrouver. Les Héros devront d’abord essayer de savoir à qui ils peuvent faire confiance pour préserver ces découvertes, et quelles explorations mèneront à plus de richesse pour tous les Aztlans, et pas seulement pour une poignée de privilégiés.

Commencez par des Théans Si vos joueurs ont l’habitude de jouer des Théans dans 7E Mer… continuez ! Chaque année, il y a beaucoup, beaucoup de Théans qui arrivent au Nouveau monde pour y faire fortune, poursuivre leurs affaires ou simplement découvrir un territoire inconnu. Il existe des centaines de raisons d’être attiré par l’ouest et l’Aztlan, et vos joueurs seront peut-être plus à l’aise s’ils explorent le décor sans avoir à se soucier de savoir s’ils font un « Nahuacan crédible » par exemple. Bien que cette méthode repose beaucoup sur vous (en tant que MJ), cela vous permet de donner à vos joueurs une opportunité unique pour explorer une nouvelle portion de l’univers de 7E Mer du point de vue de leurs personnages pré-existants. Faites attention, cependant, à ne pas tomber dans le cliché du « poisson hors de l’eau » qui part explorer les jungles sauvages du nouveau continent. Donnez à vos Héros des problèmes complexes à affronter, qui demandent des recherches et de la subtilité. Rappelezleur que les habitudes et les pratiques des locaux revêtent sens et importance, et ne les laissez jamais oublier que les Aztlans aussi ont leurs Héros et leurs Scélérats, avec leurs propres objectifs, peu importe ce que les Théans ont prévu de leur côté.

Utilisez la topographie locale Les Nations aztlanes s’étendent sur des reliefs incroyablement variés, allant du désert à la jungle en passant par les montagnes. Chacun de ces climats joue un rôle important dans le développement des cultures et civilisations de l’Alliance nahuacane, du Tzak K’an et de l’Empire kuraque. Cela vous donne l’occasion de mettre en avant les sociétés de chaque Nation que les Héros doivent traverser.

7E MER : LE NOUVEAU MONDE

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GROUPES MIXTES Il est possible que vos joueurs désirent avoir des Héros théans et aztlans, avec même quelques pirates ou Croissantins ! Et c’est génial ! Il n’y a rien de mieux dans ce nouveau monde aux caractéristiques uniques qu’un groupe de personnages varié dont les points de vue divergents entrent en conflit au fil du jeu. Assurez-vous qu’ils aient des liens aussi solides que dans un groupe 100% théan, de manière à ce qu’ils continuent à voyager ensemble. Un groupe mixte vous permettra de créer de nouvelles accroches narratives qui feront voyager vos joueurs à travers de nombreuses Nations !

Par exemple, si vos Héros trouvent une cité-État abandonnée dans les jungles du Tzak K’an et qu’ils l’explorent tout en contrecarrant ses Obstacles, ils se rendent peu à peu compte que la cité est perdue dans le temps, que la catastrophe qui la détruira ne s’est pas encore produite. Les Héros doivent alors trouver un moyen de sortir de la ville et de retourner à leur propre époque, tout en déterminant la nature du cataclysme qui frappera la cité de manière à pouvoir l’en empêcher. Et si un dieu ou un Scélérat se met en travers de leur chemin, ils devront le vaincre aussi.

Accroches narratives Parlons à présent des aventures que vous pourriez vivre dans ce Nouveau monde.

Chasse à l’artefact

Imaginez une aventure qui débute à Aragosta puis se déplace vers les grandes villes du Tzak K’an et amène les Héros vers le nord dans l’Alliance nahuacane avant de repartir vers le Kuraq ! Mais le but n’est pas juste de montrer tout l’Aztlan : cherchez des Obstacles et des Scélérats à leur faire affronter au passage, utilisez leur errance pour qu’ils se rendent compte à quel point le Nouveau monde est plus vaste que la Théah et combien les gens sont différents dans chaque région. Ce voyage vous permettra également de montrer combien les Héros aztlans sont géniaux et intéressants, et ce sans étouffer la contribution de vos Héros à l’histoire générale. Mettez en avant un Héros aztlan au Tzak K’an, puis faites en sorte qu’un autre sauve vos Héros dans le Kuraq.

Les jungles du Tzak K’an sont pleines de ruines syrneth. Alors qu’en Théah celles-ci sont répertoriées et le plus souvent contrôlées par la Société des Explorateurs, les ruines aztlanes demeurent majoritairement inexplorées. Cela ne signifie pas que les aztlans ne s’y intéressent pas. Nombre d’entre eux ne les considèrent juste pas comme rares ou dangereuses, les voyant comme une simple constituante de leur monde. Vous pourrez tomber sur des Théans qui cherchent à voler un artefact dans un village qui l’utilise pour son agriculture, ou bien vous tomberez en désaccord avec des organisations tentaculaires qui visent à protéger l’Aztlan. Les Gardiens de l’Aztlan mettent un point d’honneur à empêcher la disparition d’artefacts ayant appartenu aux Anciens dieux. Ils pourraient aisément vous rendre la vie dure si vous vous lanciez dans le trafic de tels objets.

Utilisez le réalisme magique

Rébellion

Irrémédiablement touché par la Chute de l’Empire aztlan, le Nouveau monde ne se plie pas aux mêmes règles spatio-temporelles que le reste de la Terra. Alors que vos Héros explorent la terre qu’ils foulent de leurs pieds, vous pouvez leur rappeler la véritable nature de l’Aztlan en leur révélant d’anciennes ruines, en donnant des indices sur de sombres mystères et en rendant floues les frontières entre passé, présent et futur. En d’autres termes, l’Aztlan est un lieu idéal pour le réalisme magique, un genre narratif dans lequel les éléments magiques s’emboîtent parfaitement avec la fiction réaliste sans s’annoncer comme des éléments fantastiques avant leur arrivée en jeu.

L’Empire kuraque n’est pas le seul endroit où les Héros peuvent avoir envie de mettre des bâtons dans les roues du pouvoir. Bien qu’il s’agisse d’un lieu parfait pour une rébellion, cela peut être aussi le cas de n’importe quelle cité-État tzak k’anienne ayant un dirigeant despotique. Il se peut que l’un de vos amis ait besoin de marchandises spécifiques pour aider la résistance. Il faudra juste les faire passer en douce sous le nez des gardes. En Aztlan, les intrigues politiques exigent autant de finesse et de subtilité qu’en Théah. Les Héros ne peuvent pas se contenter de pénétrer dans le palais de l’Impératrice pour la tuer, sauf à souhaiter entraîner une fin prématurée de la campagne.

204 Chapitre 5 | Aventures dans le Nouveau Monde

Annexe 7E MER : LE NOUVEAU MONDE

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Feuille de création de cité-État t ak k’anienne NOM DE LA CITÉ-ÉTAT 

ICONOGRAPHIE 

GÉOGRAPHIE 

DIEU TUTÉLAIRE

Que dit l’Iconographie de l’histoire et des habitants de cette zone ?

ATMOSPHÈRE 

Personnes importantes

Comment le Dieu tutélaire influence-t-il la région ?

Lieux importants Y a-t-il quelque chose de spécifique qui influence l’Atmosphère de cette cité-État ?

Qui dirige ? Quelles sont ses ambitions ? Ses objectifs de domination ? Si le dirigeant est un Scélérat : quelles sont ses Machinations ?

Événements importants

SOUVERAIN 

Index Armée Cuāuhmeh 46, 49-51, 56-57, 74, 76, 80, 162 Ocēlōmeh 49, 51-52, 55, 57, 67, 71, 74, 76, 83, 182-183 Pakaykuq 5, 7, 129, 131-134, 139-141, 146-147, 150,-157, 163 Cosmologie Monde d'en-haut 30, 40, 87, 95, 103, 105-106 Monde intermédiaire 30-31, 87, 97, 103-107, 196 outre-Monde 31, 37, 39-40, 87-89, 95, 103-106, 114-115, 136, 156, 175, 179, 188, 196 Le temps Créatures Ahuitzolts 36-37 Amarus 40 B’olon t’oons 38-39 Camazotz 39, 104, 175, 196 Inkarris 41 Mannequins 39 Ohuican Chaneques 37, 75 oqe phutiy 41 Pet mo’ 40 Quinametzin 37-38 Unu Pachacutis 41 Victimes d'Ehēcah Totech 38 Histoire Les Chok Ch'a 89-91, 99, 113 La Chute 10, 14-16, 20, 23, 27, 29-30, 43, 4-49, 58, 67, 75, 88, 110, 112, 125, 127, 129, 140-141, 152, 186, 187, 191, 204 L'Empire Aztlan 15, 20, 30, 47-48, 50, 66-67, 75, 87, 90-91, 112, 133, 175, 186-188, 191, 204 Les Machines antiques 10, 21-23, 27, 75, 186-187, 181 Les Syrnes 14, 20-23, 27, 37, 51, 78, 117-118, 120, 173, 180, 186, 191, 199, 203-204 Nations Alliance nahuacane 11, 16-27, 29-30, 34, 36-38, 43, 46-83, 89-93, 97, 103, 108, 110, 112, 115-116, 118-119, 121, 131, 133, 138, 140, 157, 160-163, 165, 167, 182-185, 188, 190-191, 203-204 Avalon 15, 18, 21-22 Castille 5-8, 10, 17-23, 25-28, 37, 51-52, 62, 65, 68, 92-93, 117, 120, 128, 143, 153, 182-183 Eisen 19, 24-26 Empire du Croissant 15, 17, 20, 25, 78, 115, 204 Ifri 20, 25, 30, 115 Kuraq 4-7, 1°-11, 14, 16-20, 22-31, 34, 36, 40-42, 59, 61, 63, 71, 86, 90-93, 97, 106, 108, 115, 118, 121, 124-157, 160-161, 163, 166-167, 176, 182, 184-185, 188, 191, 203-204 Montaigne 15, 18, 20, 23-26, 36-37, 51, 157 Ussura 17, 19-20, 38, 117, 175 Tzak K'an 6-8, 11, 14, 16-22, 24-28, 30, 34, 37-40, 43, 51, 58-59, 61, 65-66, 75, 80, 83, 86-121, 124, 131, 133, 138, 140, 157, 160-161, 163, 166-167, 171-175, 182-184, 188, 191, 193, 196-197, 203-204 Vodacce 6, 18-20, 26, 40, 117, 161

Vestenmennavenjar 25-37 Religions Apocoalt 4, 6-7, 11, 28-29, 47-49, 52 56, 58-59, 66-67, 71-63, 83, 125, 128, 131, 196 Les Intermédiaires 26, 33-35, 43 Les Quatre 11, 47-52, 56, 58-59, 63, 67-69, 72-73 Supay 11, 40-41, 118,126-134, 137, 140-142, 144-145, 147-148, 154, 156-157, 163, 167, 176, 179, 184 Theus 18-19, 26-29, 38, 41 Sociétés secrètes Concile des Anciens dieux 187, 191-192 Die Kreuzritter 28 Fraternité de la côté 18, 78 Gardiens de l'Aztlan 170, 186-187, 204 Héritiers du Jaguar 170, 188-189 Pochteca 52, 162, 170, 190-191 Société des explorateurs 20, 22, 204 Vagabundos 28 Sorcelleries Connaissance des jours 107 Divination 48, 66 Dons des dieux 144 Miroirs 107 Nagualisme 66 Plume 66 Wañuy Ñaqay 129, 142-144, 148, 176-180 Wayak’ Kan 107, 171-175

7E MER : LE NOUVEAU MONDE

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Avantages Béni par les dieux (4) Bienvenue dans la jungle (3) C'est ça le talent ! (2) Chasseur divin (5) Confidant (2) Continuez sans moi… (3) Dernière balle (4) Dresseur (3) Enfant des tempêtes (2) Ensemble, nous vaincrons ! (5) Entraide (2) Faire le mort (3) Fanfaron (2) Glaneur (2) Graissage de patte (2) Imprévisible (3) J'aurai le dernier mot ! (3) Maître des tempêtes (5) Menace silencieuse (4) Parure de plume (1) Sang mêlé (1) Signes secrets (1) Tentative désespérée (3) Traqueur fantôme (4) Yeux de félin (2)

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Annexe