7 - La Littérature Orale Africaine [PDF]

  • 0 0 0
  • Gefällt Ihnen dieses papier und der download? Sie können Ihre eigene PDF-Datei in wenigen Minuten kostenlos online veröffentlichen! Anmelden
Datei wird geladen, bitte warten...
Zitiervorschau

Thème : la littérature orale africaine

Introduction III-

Le contexte de production de la littérature orale africaine Les caractéristiques et les fonctions de la littérature orale africaine

a- Les caractéristiques b- Les fonctions III-

Les limites de la littérature orale africaine

Conclusion

1

INTRODUCTION La littérature orale est l’ensemble des productions verbales qui se distinguent de la parole ordinaire par la qualité formelle, la puissance communicative de leur contenu, leurs fonctions dans la société. Elle est aux sources des sociétés africaines, d’une immense richesse, sa tradition continue de s’épanouir aujourd’hui, malgré l’industrialisation et l’urbanisation de l’Afrique post-coloniale. La littérature orale africaine sert de support aux valeurs culturelles et spirituelles, aux connaissances techniques, aux us et coutumes, aux pratiques et aux croyances permettant la transmission et la conservation des modèles sociaux. Elle est présente sous une forme ou une autre dans de nombreuses activités quotidiennes et dans les célébrations rituelles. Parmi les genres oraux, on distingue : des genres mineurs (proverbes, devinettes, énigme, invocation, prière, incantation, …) qui sont relativement figés et des genres majeurs (conte, fable, mythe, épopée, panégyrique, récit historique ou héroïque et des chroniques) qui autorisent souvent l’improvisation et le commentaire. Cependant, elle exprime aussi bien des thèmes contemporains que des thèmes du passé. Ainsi pour ce faire, nous tenterons de montrer l’importance de cette littérature orale africaine, ses caractéristiques, ses fonctions et ses limites.

I-

Le contexte de production de la littérature orale africaine

La tradition est un témoignage qu’une génération transmet à la suivante. Elle est non seulement ce que l’on raconte des évènements du passé, mais elle est aussi toute une littérature orale où l’imagination a sa part. Il ne faut pas envisager l’oralité comme l’absence d’écritures ; ce qui serait la définir de façon négative, par un manque à gagner. En réalité, la tradition africaine de littérature orale est aussi riche en contenu et en variété que celle de n’importe quelle autre sphère culturelle qui utilise l’écriture. En effet, bien avant l’arrivée des européens, avant même le développement de l’écriture, les peuples d’Afrique ont exprimé de façon artistique leurs pensées, leurs sentiments et leurs préoccupations les plus profonds, sous la forme de mythes, de légendes, d’allégories, de contes, de chants, de poèmes, de proverbes, de devinettes et de théâtre. C’est dans cette lancée que Gobineau soulignait que : « le sens de l’art est inséparable du sang des nègres », dans l’Inégalité des races humaines.

2

Cependant, le contexte de production de la littérature orale revêt un caractère de normalisation qui lui est spécifique surtout dans son style, ses thèmes, ses formes, etc. Tout comme la parole, la littérature orale doit suivre des règles quant à la profanation. Le moment le mieux adapté est le soir, à la tombée de la nuit autour d’un feu. Ceci pour des raisons pratiques : la journée les hommes et les femmes vaquent à leurs occupations alors que le soir ils sont réunis, le corps et l’esprit reposés. Mais aussi pour des raisons symboliques, la nuit est associée à la mère et à la fécondité. Proférer la nuit est bénéfique pour la parole. Il existe aussi une littérature particulière réservée à certaines occasions : veillées funèbres, récolte, tissage, initiation, incantations des esprits. Ces règles même si elles sont d’une tribu à l’autre, constituent une constance des sociétés orales. La littérature orale se récite également dans une case où une sablonneuse à l’orée du bois en fonction de la saison. Remarquons ici que désigner contage par le terme récitation peut sembler étrange étant donné que le caractère figé de la récitation est la théâtralité des contes. Toutefois, c’est le terme que nous avons choisi pour désigner le fait de conter, comblant ainsi, un manque terminologique. Certaines productions orales comme la littérature initiatique se récitent dans la brousse, loin des regards indiscrets. On peut également réciter sur la place publique ou au centre d’une concession. Où qu’elle se passe, la récitation est publique. Elle implique la présence de l’émetteur et du récepteur à portée de voix (sauf dans le cas des tambours parleurs). La présence d’un auditoire est indispensable : on ne dit pas un proverbe pour soi, on ne conte pas sans un public. La littérature orale instaure une interaction entre émetteur et un ou des récepteur(s) qui doivent manifester leur présence. Il est de coutume que l’auditeur formule un son nasal à la fin de chaque réplique du conteur. Ce son qui signifie oui est indispensable à la poursuite du récit. Nous avons personnellement pu observer cette interaction lors d’une récitation de conte. La conteuse, pour être certaine de bien garder notre attention, introduisait au fil de son conte le mot « lébonne » auquel nous devions répondre « liponne» en respectant le ton qu’elle avait employé. Ces formules permettent de maintenir le contact (ce qu’on appelle la fonction phatique) et créer une complicité entre émetteur et récepteur. Comme dans toutes productions orales, le récit se construit dans l’interaction. La présence du récepteur peut changer le message.

3

II-

Caractéristiques et fonctions de la littérature orale africaine

a- Caractéristiques de la littérature orale La littérature orale n’est pas très différente de la littérature écrite, mais elle subit d’autres contraintes liées à son oralité. La première caractéristique de la littérature orale est sa dualité, mais elle est aussi tournée vers le futur de la transmission. Ce n’est pas alors un genre figé mais un genre qui évolue en fonction des besoins et de la mode. Elle est constituée de deux parties : une partie rigide, l’enveloppe conservatrice qui est généralement connue par les auditeurs et une partie souple que le conteur adopte en fonction de son talent et de sa personnalité. Enfin ce qui caractérise la littérature orale c’est sa structure rythmée. En effet, elle met en œuvre la structure tonale de la langue et s’accompagne souvent de musique et de chants. Elle illustre parfaitement le rôle et l’importance de la parole dans les sociétés traditionnelles. C’est un gage complexe et riche qui se distingue de la littérature écrite par différentes conditions d’énonciation propre au style de vie et la manière de penser des sociétés orales. Le genre de littérature le plus connu est le conte. Il possède les mêmes caractéristiques générales que la littérature orale à part quelques particularités. Dans la Belle histoire de Leuk-le-Lièvre, Abdoulaye SADJI et Léopold S. SENGHOR ont groupé le récit autour d’un même personnage, Leuk-le-Lièvre. Ce personnage jouit avec Diargogne-L’Araignée, du même renom que le Renard dans les contes et fables de l’Europe. « La vie profonde du négro-africain est animée par « l’intuition surréaliste des forces invisibles et surhumaines, des formes cosmiques. Présenter à l’enfant noir des récits isolés sans aucun lien qui les rattache les uns des autres, serait tué la vie et le mouvement dont l’imagination anime les récits.

b- Les fonctions Dans la littérature orale, rien n’est gratuit, on ne fait pas de « l’art pour l’art ». Comme nous l’avons vu, la littérature traditionnelle est un enseignement. Comme la parole, elle engage la société. La littérature orale ne connait pas l’expression des sentiments égoïstes individuels. Elle est le porte-parole de la pensée et des valeurs collectives. Elle remplit des fonctions pédagogiques, politiques, initiatiques, fantasmographiques. En mettant en scène les problèmes 4

quotidiens, elle assure le maintien et la survie du groupe. Elle remplit aussi une fonction thérapeutique préventive pour pallier l’excès ou le débordement. Elle aborde des problèmes comme la hiérarchie, les conflits de génération, les problèmes liés à la polygamie, ce qui révèle un souci politique du maintien de l’ordre. Mettre en scène la vie quotidienne et ses drames a pour effet de réduire les tensions : elle s’apparente à la catharsis grecque. Elle remplit également une fonction initiatique parce que c’est par la littérature orale qu’on va effectuer le rite initiatique, entre autres en contant dans une langue codée (la langue des initiés). La littérature orale puisqu’elle met en scène la société renseigne sur le milieu écologique, les habitudes, les structures, les croyances, la technologie de la société. C’est une source importante pour les ethnologues. Il existe dans la plupart des sociétés africaines de véritables professionnels de la littérature orale. Les professionnels peuvent être classés selon les circonstances en deux groupes, ceux dont leur fonction oblige à la récitation de textes dans des circonstances rituelles : prière, textes en langue secrète, devises, etc. Et ceux qui sont considères comme les véritables professionnels qui vivent de la littérature orale et qui constitue leur seule activité et ne peuvent traditionnellement en exercer un autre. La structure équilibrée de la société africaine leur accorde une importance capitale : ce sont les fameux « griots ». Ces derniers sont depuis les temps immémoriaux au service des grandes familles. Ils sont les sacs à paroles, les sacs qui renferment les secrets du passés. Sans eux, les rois et leurs exploits tomberaient dans l’oubli, ils donnent vie aux faits et gestes des rois devant les jeunes générations. Les proverbes sont souvent employés pour renforcer des arguments et pour enrichir la conversation. Les utiliser avec habileté, dans les sociétés africaines est un signe d’érudité, de sagesse et d’élégance dans l’expression. De nombreux proverbes sont très subtils et ne peuvent être compris que par les auditeurs qui sont familiarisés avec la culture de celui qui les énonce. L’étude des proverbes offre elle-même une vision précise des valeurs de base d’un groupe culturel. Les proverbes peuvent aussi être utilisés pour guider, encourager, complimenter, admonester, désapprouver. Par exemple A. Hampaté BA qui disait que : « en Afrique, un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle ». Ils sont parfois cités dans les tribunaux comme précédents dans le déroulement d’une plaidoirie. En ce qui concerne les devinettes, elles ont été beaucoup moins étudiées que les proverbes car elles sont principalement utilisées par les enfants. Elles sont plutôt formulées comme des assertions que comme des questions et la relation entre l’interrogation et la réponse peut être subtile au point de nécessiter une connaissance approfondie de la matrice culturelle. Parfois, 5

les devinettes ne sont pas destinées à surprendre l’auditoire mais à établir une sorte de dialogue social, dans lequel les réponses sont connues de tous et proférées à l’unisson. Les devinettes sont connues par la plupart des sociétés africaines. Le conte, élevé au rang de beaux arts en Afrique, peut être rapporté par des conteurs professionnels dans certaines sociétés. Pour chercher le passé antéislamique des Fulbés, Amadou H. BA nous raconte le conte de Njeddo Dewal : « l’histoire se passe dans le wâlo, au pays mythique de Heli et Yoyo… ». Il explique : « les fulbés avaient vécu heureux comblés de toute richesse et protégés de tout mal, même de la mort. Par la suite leur mauvaise conduite et leur ingratitude auraient provoqué le courroux divin. Gueno (le dieu suprême, l’éternel) décida de les châtier et suscita à cet effet une terrible maléfique créateur, Ndjeddo Dewal, la grande sorcière dont les sortilèges feront tomber sur les malheureux habitants de Heli et Yoyo, des calamités si épouvantables » Les contes populaires sont généralement racontés le soir durant la saison sèche, et l’interaction entre le narrateur et l’auditoire atteint souvent des sommets d’intensité dramatique. Le conte est ponctué de musique et de chants avec la participation du public. L’épopée, poème en vers et en prose, par la beauté de ses images, de son style épique et parfois lyrique. C’est un récit d’événement qui remonte très loin dans le temps où le narrateur est toujours présent et dans lequel un héros s’impose par sa force naturelle ou surnaturelle à travers des luttes souvent meurtrières pour offrir à son peuple un monde meilleur. Elle se situe entre l’histoire et le mythe. Reprenant un fait historique, elle concentre autour d’un personnage d’élection tout l’acquis culturel d’une société. D’autre part, elle attribue au personnage autour duquel elle se forme toutes les valeurs passées et c’est alors qu’elle constitue un lieu de reconnaissance et de distinction d’un peuple par rapport aux autres. L’épopée est donc un fait éminemment culturel. Ainsi, on distingue plusieurs formes d’épopées : Epopées corporatives : elles sont le patrimoine de certaines professions comme les pêcheurs, les chasseurs, les pasteurs. Le héros affronte les dangers liés à son métier, combat les puissances occultes, exemples les épopées de chasseurs mandingues ou des chasseurs du Niger (les Gao) ;

6

Epopées religieuses : elles concernent les populations islamisées et se sont développées à partir des jihad d’El Hadj Omar, marabout toucouleur du XIXème siècle. On trouve au Sénégal d’autres épopées religieuses qui entretiennent la mémoire du fondateur d’une confrérie. Epopées mythologiques claniques : elles se retrouvent dans les sociétés communautaires, soit acéphales (sans chef), comme c’est le cas pour les Ijo, soit plus hiérarchisées comme chez les Haoussa du Nigéria. Dans les sociétés où la famille a une importance sociale forte, où les clans font contrepoids au pouvoir du chef, les épopées mythologiques mettent au jour les tensions internes, proposant des héros marginaux, voire associaux (qui ne sont pas adaptés à la vie en société) comme Mbak chez les Bassa (ethnie du centre du Cameroun). On peut citer aussi le cas des héros du Mvet ; le mot « mvet » désigne à la fois l’instrument, le joueur (Mbom-mvet) et le récit. C’est un genre réservé aux initiés. Il mêle différents genres littéraires : légendes, contes, chant-fables, proverbes, devinettes, poèmes, etc. Dans les épopées du bassin du fleuve Congo, le Mwindo des Bayanga par exemple, les héros sont présentés comme fondateurs des institutions du clan, comme conducteurs d’exodes. Ces épopées sont liées à des mythes d’origine et prennent des proportions oniriques (qui sont de la nature du rêve), paroxystiques (paroxysme : période pendant laquelle les symptômes d’une maladie se manifestent avec plus d’intensité).

III-

Les limites de la tradition orale africaine

Cependant, on retrouve dans la littérature orale africaine certains faits dont les appréciations sont subjectives, parfois erronées. Ces faits sont parfois remis en cause notamment les événements historiques qui relatent la vie des grands chefs comme Soundjata, Kayamaga, Soumagourou Kanté, etc. Ces histoires imaginaires ont tendance à cristalliser les événements autour d’un personnage. S’agissant de l’épopée, il est tout à fait clair que ce récit épique, tel qu’il se dévoile dans sa vérité épistémologique est un produit de l’écriture et des formes d’écritures. Des Sagas indo-européennes aux récits épiques africains en passant par L’Iliade et l’Odyssée, le support d’identification littéraire a été et demeure la version écrite. Il est indéniable que la traduction d’un medium à un autre, leur juxtaposition, leur articulation, leur combinaison provoquent des ratures qui sont acquisition, perte ou déplacement de sens ou tout cela à la fois. De part son caractère oral, la littérature orale africaine est aux antipotes dans un monde hautement caractérisé par une pluralité de moyens de formations, d’informations et/ou de 7

perpétuation de valeurs culturelles. De même la littérature orale s’effrite progressivement de la dégradation fatale des mœurs, tous inhérents à la modernisation de la société africaine.

Conclusion Vue l’immensité du champ de son contexte de production, nous pouvons conclure que la littérature orale africaine occupe une place importante dans les communautés traditionnelles de part ses caractéristiques et ses fonctions. Toutefois, il serait nécessaire de souligner aussi que la littérature orale africaine a des limites qui l’empêchent d’évoluer face au monde actuel.

BIBLIOGRAPHIE BA A. H., Conte initial de Njeddo Dewal, In vallée du Nil, berceau de l’unité culturelle de l’Afrique Noire de A. M. LAM DIOP Ch. A, Nations Nègres et Culture, Présence africaine, Dakar, 1979, p. 193 Littérature africaine, l’Engagement, Nouvelles éditions africaines, classes de 1ère, 1972 NIANE D. T., Soundjata ou l’épopée mandingue, Présence africaine, Paris 1960 SADJI A. et SENGHOR L. S., La Belle histoire de Leuk-le-Lièvre, éditions africaines, 1957 TAUXIER L., Mœurs et histoire des peuls Encarta 2009

8