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Université Saad Dahleb-BlidaFaculté de Médecine Département de Pharmacie
LES SCHISTOSOMES (BILHARZIES) ET SCHISTOSOMOSES (SCHISTOSOMIASES, BILHARZIOSES)
Dr L.REZKALLAH Laboratoire de Parasitologie-Mycologie 1
Les schistosomes (bilharzies) et schistosomoses (schistosomiases, bilharzioses) I.
Introduction-Définition:
La bilharziose ou schistosomose (schistosomiase) est la seconde endémie parasitaire mondiale après le paludisme, il s’agit d’une maladie chronique débilitante de morbidité élevée (complications). Plus de 500 millions de personnes sont exposées avec plus de 200 millions de cas de bilharzioses dans le monde et 300 000 décès/an. C’est un problème majeur de santé publique. L’eau constitue le facteur principal dans la chaîne épidémiologique de la bilharziose Malgré les succès obtenus dans la neutralisation de certains foyers, la grande plasticité des relations entre les hôtes, les parasites et les mollusques explique que l’épidémiologie des bilharzioses soit en constant remaniement et que cette maladie soit loin de disparaître . C’est une affection parasitaire qui ne cesse de s’étendre dans le monde et en Algérie, dépendante du développement économique et social. Elle est favorisée par la mise en valeur de nouvelles terres pour l’agriculture, elle-même tributaire des ressources hydrauliques (augmentation des réseaux d’irrigation, création de collection d’eau douce), et par l’apport de main-d’œuvre provenant de régions parasitées (mouvements de population parasitée). De plus les énormes déplacements de populations humaines, qui s’observent plus particulièrement dans le monde défavorisé, rendent illusoire la prophylaxie de masse. Il est regrettable que le bénéfice économique attendu par les travaux d’irrigation soit compromis, entre autres, par l’extension de l’endémie bilharzienne. Les schistosomoses sont des helminthoses (helminthiases), zoonotiques (anthropozoonoses), sauf pour Schistosoma hæmatobium où l’affection est anthroponotique. Ce sont des trématodoses dues à des trématodes, vers plats, à sexes séparés, hématophages, du genre Schistosoma, vivant au stade adulte dans le système veineux circulatoire des mammifères (y compris l’homme) et évoluant au stade larvaire chez un hôte intermédiaire (HI), un mollusque d’eau douce. L’infection s’effectue lors de bains en eau douce stagnante, aux heures chaudes de la journée.
II.
Epidémiologie :
A. Agents pathogènes : 1) Classification : Les schistosomes (bilharzies) appartiennent à : Domaine des : Eucaryotes Règne : Animal Embranchement des : Helminthes Sous embranchement des : Plathelminthes Classe des : Trématodes à sexes séparés Sous classe des : Digènes Genre : Schistosoma Il existe six espèces pathogènes pour l’homme, qui diffèrent entre eux par le tropisme veineux, la spécificité pour l’hôte définitif et pour l’hôte intermédiaire, sévissant à l’état endémique sur trois continents (zone tropicale et subtropicale du globe): Schistosoma hæmatobium, responsable de la bilharziose uro-génitale et est la seule espèce qui existe en Algérie. 2
Schistosoma mansoni, responsable de la bilharziose intestinale. Schistosoma intercalatum et Schistosoma guineensis, responsables de la bilharziose rectale. Schistosoma japonicum et Schistosoma mekongi, responsables de la bilharziose artério-veineuse. La forme la plus méchante et dangereuse avec des complications artério-veineuses. S.mekongi a une morphologie semblable à S.japonicum. Le parasite Schistosoma hæmatobium fut découvert, la première fois en 1851, par Théodor Bilharz dans les veines portes d’un jeune fellah Egyptien. Par la suite les autres espèces ont été découvertes. 2) Morphologie : Les trématodes ont un corps non segmenté et un tube digestif incomplet. Schistosoma au cours de son cycle évolutif se présente sous deux formes : adulte et larve en passant par le stade ovulaire (œuf). Adulte : Les adultes sont à sexes séparés. Le mâle est blanc et mesure de 9 à 15 mm de long / 0,5 à 1 mm de large. Le corps est plat mais paraît cylindrique par suite de l'enroulement de ses bords qui délimitent un canal, le «canal gynécophore», dans lequel est logée la femelle. C’est le couple fidèle. La femelle est, en coupe, cylindrique plus mince et plus longue que le mâle (dimorphisme sexuel) ; elle mesure de 12 à 30 mm de long/ 0,1 à 0,3 mm de large. Il existe dans les deux sexes deux ventouses: une ventouse orale (buccale) qui s’ouvre dans l’œsophage et une ventouse ventrale, organe de fixation. Le stade adulte est identique pour les six espèces. Après la fécondation, la femelle pond des œufs à éperon, qui diffèrent d’une espèce à une autre. La forme et la taille des œufs ainsi que la position de l’éperon diffèrent d’une espèce à une autre, ce qui permet l’identification précise des espèces. Œuf : Les œufs assurent la pérennité de l’espèce et la dissémination du parasite. Grâce à l’éperon (pointu) qui par action mécanique et à l’équipement enzymatique cytolytique, les œufs perforent l’endothélium vasculaire veineux et tombent dans la lumière des organes creux (vessie, intestin) pour être éliminés avec les urines ou les selles. Les œufs permettent de faire le diagnostic différentiel des espèces. Les œufs des schistosomes sont embryonnés à la ponte contenant un embryon cilié, le «miracidium », qui grâce à ses cils va nager à la rencontre de l’hôte intermédiaire (HI), le mollusque d’eau douce. Les œufs de Schistosoma possèdent un éperon. Les espèces se distinguent entre elles par la taille et la forme de l’œuf ainsi que la position de l’éperon. Furcocercaire : Appelée ainsi à cause de sa queue bifide, bifurquée (fourchette). C’est la forme infestante, elle contient une ébauche digestive et des enzymes (elle synthétise des enzymes protéolytiques qui aide à la pénétration transcutanée du parasite). Cette forme mesure 500µ (0,5 mm)
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3) Principaux caractères distinctifs des schistosomes humains : a) Schistosoma hæmatobium : Il s’agit de l’agent de la bilharziose uro-génitale. Chez l’homme, les vers adultes, ont un tropisme électif pour les plexus veineux périvésicaux et périrectaux (plexus veineux urogénital : veines pelviennes et essentiellement vésicales). La femelle fécondée pond ses œufs, à éperon terminal, en paquet, dans les parois rectales et vésicales, qui sont éliminés à l’extérieur par les urines assurant la pérennité de l’espèce, mais beaucoup d’entre eux restent emprisonnés dans les tissus avoisinants (formation de granulomes) ou sont parfois embolisés à distance. La longévité des adultes est de plus de 10 ans. S.hæmatobium est spécifiquement humain (anthropophile) : l’homme est le seul réservoir du parasite. Les œufs grands de 120 à 160µ/55 à 65µ, ovalaire, réguliers, normalement sans rétrécissement au pôle opposé à l’éperon. Celui-ci est terminal, apical. La coque est simple, épaisse, plus ou moins incolore dans les urines, et à contour jaune clair dans les selles (noirâtre si œuf mort). Le miracidium est bien visible dans les œufs vivants grâce aux cils vibratiles. Les œufs sont éliminés avec les urines. Parfois, les œufs de S.hæmatobium, peuvent être retrouvés dans les selles ou les biopsies rectales, s’ils passent dans les veines hémorroïdaires ou rectales. Les hôtes intermédiaires sont des mollusques d’eau douce, appartenant le plus souvent aux genres Bulinus et Physopsis. Bulinus truncatus est l’HI de S.hæmatobium qui existe en Algérie. NB : Les bulins, sont des mollusques d’eau douce, à coquille globuleuse et à ouverture senestre (à gauche) à l’inverse des limnées (HI des douves). La bilharziose à S.hæmatobium sévit dans toute l’Afrique, à Madagascar (côte ouest), à l’Ile Maurice. Il existe quelques foyers sur le pourtour du Bassin Méditerranéen (Maghreb) et dans le Proche Orient. L’Amérique est indemne. En Algérie, les zones de la bilharziose urogénitale, sont: Au Sud : Djanet (1er foyer en 1925), Iherir, Aguedal-Anefid dans la Saoura (région de Béni Abbès), Tamadjert (Tassili d’Illizi), Biskra. Au Nord : Djidiouia, Khemis El Kechna, El Harrach, Hamiz, Gué de Constantine, Reghaia. b) Schistosoma mansoni : Est l'agent de la bilharziose intestinale et, parfois, hépatosplénique. Les schistosomes adultes, ont un tropisme pour le plexus veineux mésentérique inférieur. Leur longévité est de plus de 10 ans. S.mansoni affecte l’homme qui est le principal réservoir du parasite mais il n’est pas le seul. En effet il peut affecter d’autres mammifères principalement les rongeurs (rat noir, hamster). Les œufs ovalaires de 110 à 160µ/60 à 70µ sont munis d’un éperon latéral subterminal et long de grande taille. Le pôle opposé à l’éperon est souvent légèrement rétréci. La coque est simple, épaisse de contour brun clair. L’œuf viable contient un embryon cilié (miracidium). Les œufs sont éliminés avec les selles. La ponte a donc surtout lieu dans la paroi intestinale, mais souvent les œufs s’embolisent dans le foie ou la rate. Les hôtes intermédiaires sont des planorbes, mollusques à coquille aplatie et discoïde, appartenant à divers genres et espèces. Genre Biomphalaria : Biomphalaria glabrata en Amérique du sud, Biomphalaria pfeifferi en Afrique et Biomphalaria alexandrina en Egypte. 4
La bilharziose à S.mansoni est la plus répandue dans le monde. Son extension est très importante en Afrique tropicale. On la retrouve sur la côte est de Madagascar. Elle est la seule bilharziose américaine. Elle touche les Antilles et l'Amérique du Sud où elle fut importée. Elle respecte l'Asie, sauf la péninsule arabique. c) Schistosoma japonicum : C’est l’espèce la plus pathogène pour l’homme, elle détermine la redoutable bilharziose artério-veineuse. Chez l’homme, les adultes ont un tropisme pour le plexus veineux mésentérique supérieur, mais des couples erratiques se logent ailleurs notamment dans les artères pulmonaires. La longévité des adultes ne dépasse guère 5 ans. Ce ver détermine une anthropozoonose (zoonose) qui affecte l’homme et de très nombreux animaux sauvages et domestiques. La ponte est particulièrement abondante (500 à 3500 œufs par jour) et les œufs, à éperon latéral, sont éliminés avec les selles. Les HI sont des Oncomelania (Melania) qui sont des mollusques d’eau douce à coquille spiralée et tronquée à la pointe. La bilharziose à S.japonicum est strictement asiatique. Elle sévit en Chine, à Taïwan, aux Philippines, aux Célèbes (Sulawesi). Eradiquée au Japon, elle ne garde de ce pays que le nom. d) Schistosoma mekongi : S.mekongi est également très pathogène, strictement asiatique et de morphologie semblable à S.japonicum. Les adultes ont un tropisme pour le plexus veineux mésentérique supérieur. Les œufs, à éperon latéral, sont éliminés avec les selles. Son HI est un mollusque d’eau douce: Tricula aperta, plus petit que les Oncomelania et ne survivant pas à la sécheresse. Il existe des foyers limités en Thaïlande, aux confins du Laos et du Cambodge (le long du Mékong). Les œufs, de S.japonicum et S.mekongi, sont semblables éliminés avec les selles. Ils sont plus petits et plus sphériques. L’œuf de S.mekongi est plus petit que celui de S.japonicum. Ils mesurent 70 à 100µ/50 à 65 μ pour S.japonicum et 60µ/40 μ pour S.mekongi. Ils présentent latéralement un petit éperon obtus souvent difficile à voir selon l’orientation des œufs. La coque est simple, épaisse, brun clair. Les œufs possèdent dès l’émission un embryon cilié. e) Schistosoma intercalatum et Schistosoma guineensis : Agents de la bilharziose rectale, S.intercalatum et S.guineensis très proches morphologiquement mais de répartition géographique différente, sont assez mal adaptés à l'homme. Les vers adultes vivent essentiellement dans les plexus veineux périrectaux. Leur longévité est assez mal connue. Les œufs, à éperon terminal, sont éliminés avec les selles. L’HI est également un bulin : Bulinus africanus, B.forskali et B.globosus. Ces deux bilharzioses sont uniquement africaine, sévissant en Afrique équatoriale de l'Ouest: République Démocratique du Congo pour S.intercalatum; République centrafricaine, République populaire du Congo, Guinée équatoriale, Cameroun, Gabon, Nigéria, Angola, Tchad et Sao Tomé pour S.guineensis. Les œufs de S.intercalatum sont très proches, morphologiquement, de ceux de S.hæmatobium, mais on ne les trouve que dans les selles ou biopsies rectales, jamais dans 5
les urines ou la biopsie vésicale. Ces œufs sont plus grands que ceux de S.hæmatobium, de forme ovalaire, grossièrement losangique de 140 à 240µ/50 à 85µ (200μ/65μ) et présentant un éperon terminal apical, long de 25 μ se continuant avec la coque de l’œuf. L’extrémité polaire opposée à l’éperon est généralement rétrécie alors qu’il ne l’est pas dans l’œuf de S.hæmatobium. La coque est simple, épaisse de couleur brun clair et contient un miracidium pour les œufs vivants. Les œufs sont éliminés avec les selles. Les œufs de S.guineensis, très proches morphologiquement des œufs de S.intercalatum, sont aussi grands mesurant 200μ/65μ, de forme ovalaire, grossièrement losangique avec un éperon terminal apical long. Ils sont éliminés avec les selles et peuvent être retrouvés dans la biopsie rectale.
B. Cycle évolutif : Il est indirect (hétéroxène) et identique dans ses grandes lignes pour les six espèces, nécessitant l’intervention obligatoire d’un HI, mollusque d’eau douce, et d’un hôte définitif (dont l’homme). Les femelles, localisées selon l’espèce dans les fines ramifications veineuses de l’intestin ou de la vessie, pondent leurs œufs qui, par effraction, tombent dans la cavité de l’organe et sont éliminés par les selles (S.mansoni, S.japonicum, S.mekongi, S.intercalatum et S.guineensis) ou par les urines (S.hæmatobium) et pérennisent ainsi le cycle parasitaire. Si les œufs sont stoppés dans leur progression par les défenses de l’organisme (granulomes ou bilharziomes) ou s’ils sont entrainés par le flux sanguin et embolisés accidentellement dans des organes pleins (foie, poumon,..), il n’y a pas d’évolution et on retrouve les œufs fixés calcifiés en coupe histologique au sein d’un granulome inflammatoire « granulome bilharzien » riche en éosinophiles. Les granulomes formés autours des œufs sont essentiellement à l’origine des pathologies bilharziennes et des signes cliniques. Si en revanche, les œufs embryonnés à la ponte sont éliminés dans le milieu extérieur, avec les selles ou les urines, et si les conditions sont favorables telles que : pH voisin de la neutralité et température comprise entre 18 °C et 33 °C, les œufs au contact de l’eau douce, éclosent et libèrent un embryon ciliée le « miracidium » dont la durée de vie est courte (quelques heures) et qui doit nager à la recherche du mollusque spécifique (HI) de l’espèce de schistosome. En absence d’HI, le miracidium meurt en quelques heures. Une fois que le miracidium rencontre le mollusque correspondant, il pénètre à travers les téguments du mollusque, et se transforme en sporocyste primaire (sporocystes de stades I) qui par bourgeonnement donne des sporocystes secondaires (sporocystes de stades II) qui vont migrer vers le système hépato pancréatique du mollusque où ils se transforment en furcocercaires qui sont les formes infestantes pour l’hôte définitif y compris l’homme. Par phénomènes de polyembryonie : un miracidium donne des milliers de furcocercaires. Lorsque la température est adéquate (30°C), l’évolution larvaire (furcocercaire) chez le mollusque demande un mois. La furcocercaire, très mobile dans l’eau douce, sort du mollusque, tombe et circule dans l’eau douce, prête à pénétrer par voie transcutanée en quelques minutes dans toute partie du corps humain immergée. La contamination de l’homme s’effectue à l’occasion d’un bain en eau douce même bref (moins de 10mn). La durée de survie des furcocercaires est courte (quelques heures) et c’est par chimiotactisme qu’elles sont attirées, fixées et pénètrent activement par effraction dans les téguments de toute partie immergée de l’hôte définitif (la contamination par voie buccale est une éventualité très rare). La furcocercaire pénètre activement par voie transcutanée, elle se sépare de sa queue et seule la partie antérieure gagne les capillaires 6
sanguins. Elle prend, alors, le nom de schistosomule. Les schistosomules seront emportés par le courant sanguin jusqu’au cœur droit, poumon puis cœur gauche pour être lancé dans la grande circulation pour gagner le foie (les vaisseaux portes intrahépatiques) où elles vont subir une maturation et différentiation sexuelles et devenir adultes mâles et femelles au bout de 2 à 3 mois. Après l’accouplement, les vers remontent la circulation porte à contre courant sanguin vers les branches veineuses. Les femelles fécondées se séparent alors des mâles et s’engagent, selon un tropisme particulier à chaque espèce, dans les fines ramifications viscérales d’un plexus veineux déterminé où elles pondent leurs œufs qui seront éliminés dans le milieu extérieur avec les urines ou les selles, selon l’espèce, et le cycle reprend.
C. Facteurs favorisants : La bilharziose se contractant par l’immersion totale, ou partielle, du corps dans une eau douce contenant des cercaires de schistosomes (furcocercaires), divers facteurs sont susceptibles de favoriser l’infestation. L’âge : les enfants par leurs jeux et leurs baignades dans les ruisseaux et les rivières. Le sexe : les femmes souvent de «corvée» d’eau (lavage du linge, besoin alimentaire,…). La profession : les cultivateurs, les pêcheurs en eau douce, les riziculteurs, les ouvriers d’entretien des canaux d'irrigations. La religion : l’obligation religieuse des ablutions journalières dans les pays musulmans. La mise en valeur des ressources hydrauliques : barrages, canaux d’irrigation permanents ayant pour but d’étendre l’agriculture à de nouvelles terres, favorisent la présence des mollusques (HI). Le sous développement et son corollaire : l’absence d’hygiène fécale et urinaire. La susceptibilité génétique de l’hôte (en cours d’évaluation par de nombreuses équipes de recherche).
III.
Physiopathologie :
La symptomatologie dépend de l'espèce de schistosome et de l'organe atteint (bilharziose génito-urinaire, intestinale, artério-veineuse). La pathologie hépatosplénique est la complication majeure des bilharzioses artério-veineuses et intestinales. Hormis l’action irritante des furcocercaires pénétrant à travers la peau et les phénomènes toxiques dus à la migration des schistosomules et des adultes, ce sont essentiellement les œufs et les réactions autours des œufs immobilisés dans les tissus qui sont à l’origine des lésions anatomiques et des signes cliniques observés. En effet, les œufs traversent les épithéliums des parois vasculaires (des capillaires) et des organes creux sous-jacents provoquant ainsi des microsaignements expliquant les hématuries et le sang dans les selles. Ils tombent dans la lumière des organes creux sous jacents et s'échappent avec les excrétas (urines, selles), assurant la pérennité de l'espèce. Mais, certains d’entre eux restent bloqués dans les tissus, à l’origine d’une réaction inflammatoire : le granulome bilharzien. Au cours des années, les granulomes confluent et deviennent macroscopiques (bilharziomes). Ils subissent une évolution, soit hyperplasique, soit nécrotique et ulcéreuse, toujours génératrice de sclérose secondaire responsable de rétraction cicatricielle des organes atteins ou de calcifications des tissus. Par exemple, les 7
œufs de S.hæmatobium peuvent provoquer une sténose orificielle entrainant une stase urinaire. Celle-ci peut être responsable, en amont, de la dilatation de tout l’arbre urinaire aboutissant, à terme, à la destruction du parenchyme rénale. Ils peuvent se calcifier et constituer ainsi une vessie rigidifiée, favorisant infection et stase. La cancérisation des tumeurs granulomateuses est possible. En effet, la cancérisation des tumeurs granulomateuses de la vessie peut compliquer la bilharziose urogénitale. Dans la genèse de la fibrose bilharzienne avec hypertension portale, le rôle pathogène primordial est joué par les œufs. L’examen histologique du foie révèle une fibrose très nette dans les zones péri portales, faisant suite à l’évolution du granulome bilharzien autour des œufs. Ces granulomes enserrent électivement les veinules portes souvent thrombosées et donnant la classique image de sclérose en «tuyau de pipe» et aboutissant à la fibrose et cirrhose bilharzienne du foie qui peut dégénérer.
IV.
Clinique :
Deux phases communes à toutes les schistosomes (phase cutanée et phase d’invasion toxémique), à des degrés divers aux différentes espèces. Les signes cliniques de la période d’état sont plus spécifiquement en rapport avec l’espèce en cause et la localisation des pontes.
A. Phase de contamination (phase cutanée, réaction cutanée) : Elle correspond à la pénétration active des furcocercaires. Souvent inaperçue, elle peut parfois entrainer une dermatite cercarienne dite «dermatite des nageurs» (érythème cutané allergique) survenant 15 à 30 minutes après le bain infestant. Cette dermatite passe inaperçues pour S.hæmatobium et est plus marquée pour les deux espèces extrême-orientales (S.japonicum, S.mekongi: maladie de Katayama).
B. Phase d’invasion toxémique: Elle est contemporaine de la migration et de la maturation des schistosomules dans la circulation sanguine et dans les vaisseaux portes intrahépatiques. Elle peut être marquée par un malaise général : asthénie, fièvre, céphalées, anorexie (fièvre des safaris), accompagné de troubles d’ordre allergique : prurit, arthralgies, myalgies, poussée d’urticaire, toux quinteuse asthmatiforme,... Des encéphalites ou des myocardites sont rarement observées. Cette phase est marquée au cours des primo-infestations à S.mansoni ou S.japonicum et discrète pour S.hæmatobium ou S.intercalatum. Le terme de bilharziose aigue ou invasive (schistosomose aigue ou invasive) regroupe toutes ces manifestations cliniques dues à la migration et la maturation des schistosomules dans la circulation sanguine, avant l’installation de la phase d’état ou chronique. Ce terme doit remplacer celui de « Maladie ou syndrome ou fièvre de Katayama » ou la « fièvre de safaris », car il est plus précis et ne préjuge ni de l’espèce responsable ni de la présence ou non de fièvre qui peut manquer.
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C. Phase d'état et évolution : Les signes cliniques de la période d’état sont plus spécifiques et en rapport avec l’espèce en cause et la localisation des pontes des femelles. 1) Bilharziose urogénitale: Elle est due à Schistosoma hæmatobium. a) Atteinte vésicale : Elle est la plus fréquente. Le maître symptôme est l’hématurie souvent inaugurale, pouvant être microscopique et de découverte fortuite ou macroscopique, discrète et terminale ou abondante et totale avec caillots. L’hématurie est indolore, terminale (à la fin de miction), intermittente, d'évolution capricieuse (elle n’est pas spontanée, il faut la provoquer, il faut demander au malade de sauter, descendre et monter les escaliers, mouvements de sautillement pour décrocher les œufs,…). Des signes d’irritation vésicale peuvent être observés à type de : douleurs mictionnelles (brûlures mictionnelles), douleurs irradiant vers les bourses et le périnée (organes génitaux externes), dysurie et pollakiurie. Le diagnostic différentiel se pose avec une infection urinaire. Des crises de cystites et des coliques néphrétiques peuvent attirer l’attention et faire évoquer un diagnostic de bilharziose. À la longue, des complications de l'arbre urinaire, dues à la rétention des œufs, peuvent apparaitre. L’ensemble de l’arbre urinaire peut être atteint : fistule urétrale, calcifications, sténose et dilatation urétrales, urétéro-hydronéphrose, surinfection (cystite, pyélonéphrite, pyonéphrose,..), lithiase vésicale, glomérulonéphrite. b) Les appareils génitaux : Les appareils génitaux des deux sexes peuvent être touchés (urétrite, épididymite, spermatocystite, prostatite, salpingite, endométrite, vaginite, cervicométrite) et entrainer impuissance et stérilité si l’atteintes est bilatérale. Chez la femme : Des pseudotumeurs (polypes qui siègent au niveau de l’arbre génital) peuvent provoquer un avortement spontané, un accouchement prématuré, une grossesse extra utérine ou une infertilité. Des granulomes bilharziens au niveau du vagin peuvent se voir. Il est à signaler que c'est surtout au niveau rénal que se situe le pronostic de la bilharziose urogénitale (insuffisance rénale). Un cancer de la vessie est à suspecter en cas de persistance des symptômes vésicaux malgré un traitement bien conduit. En effet, l’évolution chronique peut se faire vers un cancer vésical. 2) Bilharziose artério-veineuse (S.japonicum, S.mekongi): Notant une charge parasitaire plus importante. La phase d’état est fréquemment grave, marquée d’emblée par une atteinte hépatosplénique grave, un ictère, des hémorragies digestives (rupture de varices œsophagienne, hématémèse) par hypertension portale, de l’ascite, de l’œdème (des membres inférieurs), d’hépato splénomégalie avec circulation veineuse collatérale, turgescence des veines jugulaires et des phénomènes d’hypersplénisme. En l’absence de prise en charge précoce, le pronostic est sombre.
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3) Bilharziose intestinale (S.mansoni): La symptomatologie est dominée essentiellement par les manifestations intestinales. À la longue des manifestations hépatospléniques peuvent apparaitre. Elle se manifeste par des troubles du transit, alternance de crises diarrhéiques d’intensité variable (selles plus ou moins fréquentes, soit moulées et entourées de stries de sang ou de glaire sanglante, soit franchement dysentériques « épisodes dysentériques ») et de constipation, accompagnées de ballonnements postprandiaux, de douleurs coliques parfois violentes avec épreintes et ténesmes. Le diagnostic différentiel se fait, alors, avec l’amœbose intestinale aigue. Un diagnostic précis, un traitement adéquat et à temps permet une évolution favorable. Dans le cas contraire, des complications peuvent apparaitre : occlusion intestinale, perforation intestinale, hémorragie intestinale et des complications hépatospléniques. En effet, S.mansoni, à cause de la rétention des œufs, entraine à la longue une pathologie hépatosplénique, avec, dans les formes graves, l’apparition d’une hypertension portale qui conditionne le pronostic, avec une hépato-splénomégalie, une cirrhose bilharzienne irréversible qui peut dégénérer en cancer du foie. 4) Bilharziose rectale (S. intercalatum, S. guineensis): C’est une bilharziose intestinale caractérisée par une localisation basse des lésions prédominant au niveau du rectum et du sigmoïde. Il s’agit d’une pathologie rectale. Elle est bénigne et moins dangereuse, mais peut se compliquer d’un prolapsus rectal (granulome bilharzien) et faire l’objet d’une intervention chirurgicale ou être plus bruyante dominée par des rectorragies. Elle s’accompagne d’émission de stries de sang ou de glaire sanglante enrobant les selles. À un moindre degré ; à cause de la rétention des œufs ; S.intercalatum et S.guineensis entraînent à la longue une pathologie hépatosplénique avec, dans les formes graves, l'apparition d'une hypertension portale qui conditionne le pronostic. 5) Bilharziose de localisations inhabituelles (erratiques): Les localisations erratiques sont dues à la migration erratique du parasite ou, plus souvent, à l’embolisation et rétention massive d’œufs vivants par les anastomoses portocaves. Il s’agit le plus souvent de localisations cardiovasculaire, neurologiques (avec trois types de complications : myélite transverse, compression médullaire et radiculite se traduisant par une paraplégie d'installation progressive accompagnée de troubles sphinctériens et sensitifs) ou cutanées (lésions papulonodulaires parfois végétantes et ulcérées). Elles sont relativement rares pour S.hæmatobium, S.guineensis et S.intercalatum, plus fréquentes pour S.mansoni et S.japonicum.
V.
Diagnostic :
Le diagnostic est évoqué devant les arguments suivants (éléments d’orientation): Epidémiologiques : Origine ou notion de séjour en zone d’endémie bilharzienne avec notion de bain infestant en eau douce (dans un lac d'eau douce, une rivière,...). Cliniques : devant une « fière des safaris », une hématurie, des selles striées de sang. Biologiques (FNS): l’hyperéosinophilie (parfois 50 à 60%) non spécifique mais évocatrice en association avec les données cliniques et épidémiologiques. Les IgE augmentées (totales et spécifiques antischistosomes)
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Les méthodes diagnostiques sont fonction du stade de développement du parasite et seront différentes au cours du cycle des schistosomes : Pendant la phase d’invasion, la réaction de l’hôte entraîne une hyperéosinophilie importante ainsi qu’une réaction sérologique rapidement positive. Pendant la phase d’état, à la phase de maturation, il y a émission des œufs que l’on peut éventuellement retrouver dans les urines ou les selles voire dans les biopsies (granulomes). A cette phase l’imagerie médicale peut être d’un grand recours pour le bilan d’extension.
A. Diagnostic biologique indirect (phase d’invasion) : En période d’invasion, la bilharziose est rarement diagnostiquée car à ce stade elle est souvent asymptomatique ou de symptomatologie aspécifique et il n’y a pas encore d’élimination d’œufs permettant un diagnostic de certitude. Seul le diagnostic indirect est envisageable : recherche d'anticorps sériques spécifiques, confrontée à l’hyperéosinophilie sanguine, apparaissant progressivement 4 à 6 semaines après le bain contaminant en eau douce. L’éosinophilie sanguine est importante pendant la période d’invasion surtout pour S.mansoni, S.japonicum et S.mekongi (mal adapté à l’homme). Il est possible d’avoir des taux allant de 40 à 70 %. A la période d’état, le taux se situe aux environs de 10 à 20 %. L'hyperéosinophilie est évocatrice, en association avec les données cliniques et épidémiologiques. Les techniques sérologiques (diagnostic indirect, recherche des anticorps spécifiques) sont de bonne valeur diagnostique pendant la période d’invasion, aboutissant parfois à la décision thérapeutique malgré l’absence de preuve parasitologique directe. L’association de plusieurs techniques sérologiques (IFI, HAI, ELISA, IEP, western blot) utilisant des antigènes différents améliore l’approche diagnostique et permet de suivre l’évolution sous thérapeutique. En cas de contexte épidémiologique évocateur, la sérologie devra être répétée. A la phase d'invasion, la sérologie est positive dans environ 90% des cas toutes techniques confondues, mais seulement 20% présentent des taux élevés affirmant le diagnostic. Plusieurs techniques sérologiques sont utilisées : Les techniques utilisant un antigène soluble : L’hémagglutination indirecte (HAI) et ELISA sont des techniques quantitatives ; l’électrosynérèse et l’immunoélectrophorèse (IEP) sont des techniques qualitatives et analytiques. L’immunoélectrophorèse (IEP), technique qualitative, très sensible, plus spécifique, met en évidence des arcs spécifiques : Arc 4 : spécifique au genre (commun à toutes les espèces). Arc 8 : spécifique à S.mansoni. Arc 9 : spécifique à S.hæmatobium. Les techniques utilisant un antigène figuré : Les techniques utilisant un antigène figuré vivant, actuellement abandonnées : - Technique de Vogel et Minning (Réaction péri-cercarienne) : Utilise un antigène figuré vivant: les furcocercaires vivantes (formes infestantes). Une réaction positive se traduit par le dédoublement (le décollement) de la paroi des furcocercaires. Une réaction négative : les furcocercaires restent vivantes plus ou moins mobiles. La réaction se positive tôt (avant l’apparition des œufs). Elle se négative par contre dans les phases chroniques de la maladie. Cette technique est abandonnée car elle présente un risque d’infestation et nécessite l’entretien des souches au laboratoire. - Technique d’Olivier Gonzales (Réaction de circum ova précipitation) : Elle utilise les œufs vivant comme antigène figuré et est spécifique d’espèce. 11
Une réaction positive se traduit par apparition de précipités digitiformes autour des œufs. Les précipités deviennent plus visibles dans les affections anciennes. Elle reste positive tant qu’il y a des œufs vivants dans les tissus. Cette technique est également abandonnée car elle nécessite l’entretien des souches au laboratoire. Les techniques utilisant un antigène figuré tué : L’immunofluorescence indirecte (IFI) : avec un seuil de positivité de 1/20ème. La réaction se positive vers la 5ème semaine après l’infestation et se négative 10 à 15 mois après la guérison. Parmi les techniques utilisant un antigène figuré, l’IFI, de bonne sensibilité et spécificité est actuellement la technique la plus utilisée par les laboratoires. Elle présente des réactions croisées avec douves et entre les différentes espèces de Schistosoma. En cas de réactions sérologiques croisées, le western blot permet de trancher.
B. Diagnostic biologique direct (phase d’état ou chronique) : Mise en évidence des œufs Le diagnostic direct est négatif en phase de migration larvaire « phase d’invasion » et se positive en phase d’état. A la phase de maturation des parasites « phase d'état », il y a émission d’œufs, qui sont recherchés dans les urines ou les selles, ou éventuellement dans les biopsies (granulomes rectale, vésicale, hépatique,...). Deux à trois mois après le bain infestant, la mise en évidence des œufs apporte la preuve indiscutable de la parasitose et l'identification de l'espèce. A la phase d’état, l’imagerie médicale permet un bilan d’extension des lésions. Cependant, la réalisation de ce diagnostic se heurte parfois à des difficultés techniques et dans le cas d’infestation modérée, elle peut être malaisée. Si la présence d'œufs dans un produit biologique (urines, selle, biopsie) affirme le diagnostic de bilharziose, leur absence n'exclut pas l'existence d'une bilharziose évolutive. Dans ce cas, la clinique, le contexte épidémiologique associé au diagnostic sérologique prennent toute leur valeur. 1) Recherche des œufs dans les urines : Il s’agit uniquement d’œufs de S.hæmatobium. Le meilleur examen consiste à examiner le culot de sédimentation des urines de 24 heures. En cas d’impossibilité de recueillir les urines de 24 heures, les œufs peuvent être recherchés dans les dernières gouttes d’urine et de préférence sur miction complète matinale, après un effort physique prémictionnel (marche à pied, montée et descente d’un escalier, massage pelvien, sautillement, mouvements de flexion-extension du tronc,..) pour décrocher les œufs de la muqueuse et les avoir dans les urines, ce qui améliore la sensibilité de l’examen. Les urines seront centrifugées et le culot de centrifugation sera examiné en totalité. Le nombre et la vitalité (embryon) des œufs sont notés. L’urine recueillie doit être examinée: Macroscopiquement : présence ou pas d’hématurie macroscopique Microscopiquement: Centrifuger l’urine entre 2300 et 2500 pendant 5-10mn, sauvegarder le surnageant. Le culot de centrifugation sera examiné en totalité à la recherche des: globules rouges, globules blancs altérés et surtout des œufs de S.hæmatobium.
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En cas de présence d’œufs de S.hæmatobium dans les urines, il est indispensable de faire un test de vitalité qui permet d'apprécier la vitalité des œufs et même affirmer une guérison après traitement en différenciant les œufs morts des œufs vivants. Pour cela on peut utiliser: Soit le test d’éclosion et libération des miracidiums : Injecter de l’eau (de robinet), à la pipette Pasteur, entre lame et lamelle contenant l’urine qui contient les œufs tout en laissant le microscope allumé (source de chaleur). L’eau va pénétrer par capillarité entre lame et lamelle et au bout de 15mn on aura : - Soit éclosion de l’œuf et libération du miracidium ce qui correspond donc à un œuf vivant, témoignant d'une bilharziose évolutive, qu’il faut traiter afin d’éviter les complications. - Soit l’œuf reste intact, pas d’éclosion ni libération du miracidium, ce qui correspond à un œuf mort, témoignant d’une bilharziose chronique. Soit la coloration post vitale au bleu TRYPAN: On ajoute une goutte du colorant bleu Trypan « colorant post vital », à l’aide d’une pipette Pasteur, on aura : - Soit coloration de l’œuf, ce qui correspond donc à un œuf mort : Bilharziose chronique. - Soit pas de coloration, ce qui correspond donc à un œuf vivant: Bilharziose évolutive. La technique de filtration des urines sur membrane est une méthode sensible, fidèle et quantitative. Elle permet une numération ovulaire par litre d’urine pour apprécier la charge parasitaire et suivre l’évolution sous traitement. 2) Recherche des œufs dans les selles : Le rectum étant un carrefour pour les six espèces de schistosomes, les œufs de S.mansoni, S.japonicum, S.mekongi, S.intercalatum, S.guineensis et parfois S.hæmatobium peuvent être rencontrés au cours d'un examen de selles. La selle doit subir : Un examen macroscopique : Présence ou pas du sang et/ou de glaire Un examen microscopique, à la recherche des œufs de Schistosoma.sp, par un examen direct avant et après techniques de concentration. Dans ce cas, l’examen est réalisé en utilisant, de préférence la partie superficielle (externe) de la matière fécale plus riche en éléments parasitaires. Diverses techniques de concentration (enrichissement) peuvent être utilisées : méthode de sédimentation en eau glycérinée à 0,5%, technique simple de «terrain», ou en alcool éthylique ; méthode de flottation (en solution iodomercurique « Janeckso-Urbannyi », Faust), méthodes diphasiques (méthode utilisant le merthiolate-iode-formol « MIF », méthode de Bailenger,…) et méthode par éclaircissement (Kato-Katz). En cas de présence des œufs de Schistosoma.sp au niveau des selles, il est indispensable de faire un test de vitalité (test d’éclosion) qui permet d'apprécier la vitalité des œufs et même affirmer une guérison après traitement : Les selles diluées dans de l'eau sont mis dans un récipient dont la partie supérieure est éclairée, les œufs vivants éclosent et libèrent les miracidiums qui viennent nager dans la partie éclairée témoignant d'une bilharziose évolutive. La numération ovulaire dans les selles, par Kato Miura, est indispensable pour apprécier la charge parasitaire par gramme de selle et l’efficacité du traitement. 3) Biopsies : En cas d'examens d'urines et de selles négatifs, des biopsies rectales (préférentiellement) et vésicales sont plus performantes. Elles doivent être pratiquées lorsque les examens d’urine et de selles sont négatifs. Les biopsies rectales et vésicales peuvent être réalisées respectivement 13
au cours de la rectosigmoïdoscopie ou de la cystoscopie. Même en cas de bilharziose urogénitale, la biopsie rectale est aussi performante et donc préférable à la biopsie vésicale (plus traumatisante). Des petits fragments de muqueuse et de sous-muqueuse, soit au niveau d’une lésion (granulome, ulcération), soit sur le bord, sont prélevés et sans les fixer sont écrasés entre lame et lamelle et montés dans de la gomme au chloral pour son grand pouvoir éclaircissant, puis immédiatement examinés au microscope. C’est la forme, la taille des œufs et la position de l'éperon qui permettent le diagnostic de la bilharziose ainsi que le diagnostic d'espèce. L’examen anatomopathologique d’une biopsie rectale, vésicale, hépatique ou d’un autre organe peut retrouver des œufs plus ou moins calcifiés avec une réaction granulomateuse et de nombreux éosinophiles : « granulome bilharzien ». L’identification sur colorations standard anatomopathologiques est parfois malaisée. Si l’éperon n’est pas visible en fonction de l’incidence de coupe de l’œuf, il faut avoir recours à la technique de coloration de Ziehl Neelsen modifiée selon Brygoo et al qui permet de mettre en évidence sur des coupes histologiques : Les œufs de S.mansoni, intercalatum, japonicum et mekongi qui sont Ziehl Neelsen positif, leur coque ovulaire est colorée en rouge (rose). Donc, ils sont acido-alcoolorésistants. Les œufs de S.hæmatobium sont Ziehl Neelsen négatif, leur coque n’est pas colorée en rouge (rose). Donc, ils sont non acido-alcoolo-résistants. La coloration Ziehl Neelsen modifiée, est utile pour différencier les œufs de S.hæmatobium de ceux de S.intercalatum dans une biopsie rectale. 4) Recherche (détection) d’antigènes parasitaires circulants: Dans certains cas, comme les évolutions graves et chroniques de la maladie, le nombre d’œufs retrouvés dans les déjections (urines ou selles) diminue largement ou disparaisse. Dans ce cas, d’autres méthodes peuvent mettre en évidence l’existence de vers dans l’organisme sans permettre de différencier les espèces de schistosomes. Des antigènes circulants dérivés du tube digestif du parasite ont pu être mis en évidence par des anticorps monoclonaux. Le titre sérique ou urinaire de ces antigènes circulants est corrélé à la charge parasitaire. En effet, la présence de certains antigènes parasitaires, tels le CCA (circulating cathodic antigen : antigène cathodique circulant) et le CAA (circulating anodic antigen : antigène anodique circulant), détectables dans le sang ou l’urine par des anticorps monoclonaux, se révèlent être de bons marqueurs antigéniques de l’infection et de la charge parasitaire. Le CAA, localisé au niveau de l'épithélium intestinal du ver adulte, peut être retrouvé dans les sérums et les urines où sa concentration est proportionnelle à la charge parasitaire. Le CCA est excrété dans les urines à un taux proportionnel au nombre d'œufs éliminés et peut y être détecté à l'aide d'une bandelette réactive (dipstick-assay). Cet antigène a été mis en évidence au niveau des cellules épithéliales de l'intestin des schistosomes adultes. Des antigènes ovulaires peuvent être aussi étudiés. De plus, le nombre d’éosinophiles, et plus particulièrement le taux d’une de ses protéines nommées l’ECP (eosinophil cationic protein : protéine cationique d’éosinophile) dans les urines corrèlent avec l’intensité d’infection à S.hæmatobium.
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C. Examens complémentaires non biologiques (Imagerie médicale) : nécessaires pour évaluer l’extension des lésions 1) Bilharziose urinaire : En cystoscopie, les images sont pathognomoniques et différentes suivant la phase évolutive, elle peut montrer de nombreux granulomes bilharziens. Plusieurs images peuvent être retrouvées en cystoscopie : image en «grains de sucre semoule», aspect de grains d'acné, puis tumeur framboisée évoluant éventuellement vers une cancérisation, au stade cicatriciel un aspect terne et calcifications diffuses (la fibrose s’étend à toute l’épaisseur de la paroi, la rendant inextensible). La radiographie simple (ASP) permet d'observer des calcifications vésicales ou urétérales. La vessie peut être entièrement calcifiée, donnant l'image classique et pathognomonique de la« vessie porcelaine». L'échotomographie permet de repérer les papillomes vésicaux ou les dilatations calicielles au niveau des reins. L'urographie intraveineuse (UIV) peut être intéressante pour faire le bilan des lésions vésicales et urétérales et évaluer le retentissement rénal en amont. Il existe une bonne corrélation entre l'échotomographie (non invasive), l'urographie intraveineuse et la cystoscopie. L’imagerie médicale permet d'apprécier le degré des stases, les rétrécissements et dilatations des uretères, l'hydronéphrose uni- ou bilatérale, et les calcifications vésicales et urétérales. 2) Bilharziose intestinale ou hépatosplénique : La rectosigmoïdoscopie et la colonoscopie permettent d’apprécier le siège, le nombre des lésions et montrent des lésions ulcéreuses voire des polypes saignant facilement au contact (bilharziome). Des prélèvements biopsiques peuvent être réalisés au cours de ces examens. Dans les cas graves, l'hypertension portale et la fibrose hépatique sont à explorer. L’échotomographie permet d’évaluer l’extension de la fibrose des espaces portes et des veinules portes intra-hépatiques ainsi que de l’importance des dilatations des vaisseaux extrahépatiques. La laparoscopie visualise de plus les dilatations veineuses. La radiographie visualise les varices œsophagiennes. 3) Bilharziose erratique : La radiographie pulmonaire visualise des images micronodulaires disséminées ou une miliaire dans la bilharziose cardio-pulmonaire. L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) objective une compression médullaire dans la bilharziose rachidienne épidurale ou une image pseudotumorale cérébrale.
VI.
Traitement et prévention (prophylaxie) :
A. Traitement curatif : Toute bilharziose évolutive doit être traitée afin d'éviter les complications. Le traitement antibilharzien ne doit pas être commencé en phase d'invasion car il peut aggraver la symptomatologie. En revanche, en cas de symptomatologie grave à cette phase, une corticothérapie est nécessaire. Le traitement médical antibilharzien repose sur le praziquantel. Le praziquantel (Biltricide®) est efficace sur tous les schistosomes adultes (actif sur toutes les espèces) et est le plus utilisé. Il est prescrit à la dose de 40 mg/kg per os en 1 à 2 prises mais 15
en un seul jour (soit 4 comprimés de 600 mg chez l’adulte) dans les bilharzioses urogénitale et intestinale, et à la dose 60 mg/kg dans les bilharzioses artério-veineuses. Ce médicament est bien toléré, les seuls incidents notés sont des vertiges, des céphalées et des douleurs abdominales. Il faut se méfier de quelques phénomènes d’ordre immunopathologique attribués à une lyse parasitaire. Cela est parfois observé dans les formes aiguës en phase de primo-infection et qui s’aggravent du fait du traitement (encéphalite, asthme, péricardite,…) justifiant une posologie progressive et une corticothérapie associée. La surveillance post-thérapeutique associe une série de contrôles à 2 mois, 6 mois et un an. La guérison d’une bilharziose ne peut être affirmée qu’après interprétation des résultats des examens des urines ou des selles, de la numération formule sanguine, et des réactions séroimmunologiques. Après traitement, les œufs morts peuvent être éliminés pendant plusieurs mois, un test d’éclosion des miracidiums permettra alors de les différencier des œufs vivants. Le traitement peut provoquer une décharge antigénique provenant de la lyse des vers. Il en résulte parfois une élévation du taux des éosinophiles et des anticorps antibilharziens dans les 2 à 3 mois. Ensuite, on assiste à une régression puis une normalisation de l'éosinophilie et une négativation des réactions séro-immunologiques en 10 à 12 mois. Les œufs doivent être morts ou avoir disparu des urines ou des selles et les signes cliniques doivent s'amender. La persistance d’une hématurie, la remontée de l’éosinophilie et la positivité examens parasitologiques au-delà de 3 mois nécessitent la reprise du traitement. On utilise le même produit mais à des doses plus fortes. Un traitement chirurgical peut être proposé si le traitement médical n’a pas fait régresser les lésions et surtout en cas de séquelles ou de complications. En cas de complication: exérèse d’un calcul vésical ou urétéral, électrocoagulation de lésions prolifératives, chirurgie sur sténose urétérale, ligature des varices œsophagiennes, anastomose porto-cave, néphrectomie, voire splénectomie en cas d’hypersplénisme,… Des dérivés d’artémisinine, en cours d’évaluation, pourraient devenir une alternative thérapeutique. Des molécules existaient auparavant à spectre d’action plus restreint avec des effets secondaires (troubles neurologiques), ne sont plus utilisés en pratique clinique: Niridazole (Ambilhar®), Oxamniquine (Vansil®, Mansil®), Metrifonate (Bilarcil®), Oltipraz.
B. Prévention (Prophylaxie): Agir sur les maillons du cycle pour rompre la chaine de transmission. Le contrôle de la maladie impose une stratégie globale comprenant : L’éducation sanitaire et les préventions de la contamination des plans d’eau par les matières fécales et les urines, mais la protection des individus contre les eaux parasitées en zone d’endémie se heurte à des habitudes ancestrales et à des impératifs de la vie quotidienne. Elle demeure fonction de l’amélioration du niveau de vie. La chimiothérapie des sujets parasités, mais les sujets traités vivant en zone d’endémie sont soumis à des ré-infestations plus ou moins constantes, et l’existence d’un réservoir animal en limite l’intérêt dans la bilharziose intestinale et artério-veineuse. La lutte contre les mollusques par des : - Moyens chimiques (molluscicides) : Niclosamide et Sulfate de Cuivre (toxique pour la flore et la faune). Ces moyens chimiques, nécessitent une enquête écologique car ces molécules sont toxiques. - Moyens écologiques et biologiques : Assèchement périodique des canaux d’irrigation; destruction des végétaux dont se nourrissent les mollusques ; introduction des mollusques non cibles (rupture de l’équilibre biologique) rentrant en compétition avec les mollusques cibles a fait ses preuves dans 16
certaines régions (Brésil) mais reste aléatoire ; et l’utilisation des malacophages prédateurs : Anatidae (canards) et mollusques carnivores. Ces programmes de lutte sont freinés par les habitudes ancestrales (ré-infestations), le mode de vie et le niveau de développement socioéconomique. Cependant, le traitement de masse (praziquantel) a fortement diminué la charge parasitaire, a contrario, la construction de barrages peut entrainer l’apparition de nouveaux foyers par extension des biotopes des mollusques. A titre individuel, il est fortement déconseillé de se baigner en eaux douces ou saumâtres stagnantes, même pour de très courtes et très partielles immersions. Les baignades ne doivent être acceptées qu'en eau de mer ou en piscine dûment contrôlée. La vaccination, est en cours d’évaluation. Parmi les candidats vaccinaux, il existe S.m 28GST (Glutathion-S- Transférase de 28 kDa de S.mansoni), qui entraine une diminution de la charge parasitaire et de la fécondité des vers et par conséquent une diminution de la ponte ovulaire.
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Couple fidèle de Schistosome
Œufs de Schistosomes 18
Furcocercaire « Forme infestante » 19
Furcocercaires
Cycle évolutif de Schistosoma.sp 20
Principaux caractères distinctifs des schistosomes humains
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